summaryrefslogtreecommitdiff
diff options
context:
space:
mode:
authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 20:12:09 -0700
committerRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 20:12:09 -0700
commit8f285b904ca1aaa2d6eabc92e1c3f38cec1807a7 (patch)
treee55463718ed8dac2266ab7ec77148d05e11efe03
initial commit of ebook 39201HEADmain
-rw-r--r--.gitattributes3
-rw-r--r--39201-8.txt16954
-rw-r--r--39201-8.zipbin0 -> 323920 bytes
-rw-r--r--39201-h.zipbin0 -> 362971 bytes
-rw-r--r--39201-h/39201-h.htm19428
-rw-r--r--39201-h/images/cover.jpgbin0 -> 34178 bytes
-rw-r--r--39201.txt16954
-rw-r--r--39201.zipbin0 -> 319824 bytes
-rw-r--r--LICENSE.txt11
-rw-r--r--README.md2
10 files changed, 53352 insertions, 0 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes
new file mode 100644
index 0000000..6833f05
--- /dev/null
+++ b/.gitattributes
@@ -0,0 +1,3 @@
+* text=auto
+*.txt text
+*.md text
diff --git a/39201-8.txt b/39201-8.txt
new file mode 100644
index 0000000..07a4774
--- /dev/null
+++ b/39201-8.txt
@@ -0,0 +1,16954 @@
+The Project Gutenberg EBook of Correspondance Diplomatique de Bertrand de
+Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
+
+
+Title: Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième
+
+Author: Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon
+
+Release Date: March 19, 2012 [EBook #39201]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE ***
+
+
+
+
+Produced by Robert Connal, Hélène de Mink, and the Online
+Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
+file was produced from images generously made available
+by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
+http://gallica.bnf.fr)
+
+
+
+
+
+
+
+Notes de transcription: Les erreurs clairement introduites par le
+typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée
+et n'a pas été harmonisée.
+
+Quelques caractères, en exposant dans l'original, et dont l'abrévation
+n'est pas évidente ou non courante, ont été mis en accolade dans cette
+version électronique. Ainsi, l'abréviation {lt} signifie livre
+tournois.
+
+Texte imprimé en lettres gothiques dans le livre d'origine est
+marqué =ainsi=.
+
+
+
+
+ CORRESPONDANCE
+
+ DIPLOMATIQUE
+
+ DE
+
+ BERTRAND DE SALIGNAC
+
+ DE LA MOTHE FÉNÉLON,
+
+ AMBASSADEUR DE FRANCE EN ANGLETERRE
+
+ DE 1568 A 1575,
+
+
+ PUBLIÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS
+
+ Sur les manuscrits conservés aux Archives du Royaume.
+
+
+ TOME TROISIÈME.
+
+ ANNÉES 1570 ET 1571.
+
+
+ PARIS ET LONDRES.
+
+ 1840.
+
+
+
+
+ DÉPÊCHES, RAPPORTS,
+
+ INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES
+
+ DES AMBASSADEURS DE FRANCE
+
+ EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE
+
+ PENDANT LE XVIe SIÈCLE.
+
+
+
+
+ RECUEIL
+
+ DES
+
+ DÉPÊCHES, RAPPORTS,
+
+ INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES
+
+ Des Ambassadeurs de France
+
+ EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE
+
+ PENDANT LE XVIe SIÈCLE,
+
+ Conservés aux Archives du Royaume,
+
+ A la Bibliothèque du Roi,
+ etc., etc.
+
+ ET PUBLIÉS POUR LA PREMIÈRE FOIS
+
+ _Sous la Direction_
+
+ DE M. CHARLES PURTON COOPER.
+
+ PARIS ET LONDRES.
+
+ 1840.
+
+ LA MOTHE FÉNÉLON.
+
+
+
+
+ Imprimé par BÉTHONE et PLON, à Paris.
+
+
+
+
+ AU-TRÈS-NOBLE
+
+ GEORGE HAMILTON GORDON
+
+ COMTE D'ABERDEEN.
+
+ CE VOLUME LUI EST DÉDIÉ
+
+ PAR
+
+ SON TRÈS-DÉVOUÉ ET TRÈS-RECONNAISSAINT SERVITEUR
+
+ CHARLES PURTON COOPER.
+
+
+
+
+DÉPÊCHES
+
+DE
+
+LA MOTHE FÉNÉLON.
+
+
+
+
+LXXXIe DÉPESCHE
+
+--du IVe jour de janvier 1570.--(_Envoyée jusques à Callais par Jehan
+Vollet._)
+
+ Audience accordée par la reine d'Angleterre à l'ambassadeur de
+ France.--Désir du roi de rétablir la paix en son
+ royaume.--Satisfaction qu'il éprouve de ce que les troubles du
+ Nord paraissent apaisés en Angleterre.--Protestation
+ d'Élisabeth qu'elle ne désire rien tant que la réunion des
+ églises.--Instances de l'ambassadeur en faveur de Marie
+ Stuart.--Explications sur la conduite qu'il a dû tenir dans
+ cette négociation.--Nouvelles arrivées à Londres sur l'état des
+ affaires des protestans en France.--Nouvelles des troubles du
+ Nord; déroute des comtes de Northumberland et de Westmorland.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay faict entendre à la Royne d'Angleterre que, pour la bonne
+estime que Voz Majestez Très Chrestiennes ont de sa bonne et droicte
+intention en l'endroit de voz affères et de la tranquillité de vostre
+royaulme, vous n'avez sitost veu donner ung peu de commancement et
+ouverture à la paciffication des troubles et guerres d'iceluy, que
+vous ne m'ayez incontinent commandé de le luy notiffier, affin que,
+devant toutz les aultres princes vos alliez, elle ayt le plaisir
+d'entendre que les choses s'acheminent par la voye qu'elle a désiré;
+et ainsy, luy particullarisant ce qui est advenu à la reddition de
+Sainct Jehan d'Angely, et les propos que le sieur de La Personne vous
+a tenuz, avec la vertueuse responce de Vostre Majesté, laquelle elle a
+vollu curieusement lyre par deux foys, j'ay suivy à luy dire: qu'encor
+que vous ayez grand occasion de vous rescentir des choses mal passées,
+du costé de ceulx de la Rochelle, de ce qu'ilz ont mené une très
+viollante et dangereuse guerre dans vostre royaulme, et y ont
+introduict les armes et armées estrangières, à la grand ruyne de vos
+bons subjectz; et qu'il soit maintenant en vostre pouvoir de prendre
+par force toutes les places qu'ilz tiennent, et de poursuyvre et venir
+bien à boult du reste qui est encore en campaigne; néantmoins vous
+aymez mieulx uzer envers eulx de la clémence toutjour accoustumée à
+vostre couronne, et plus usée de vostre règne, que de nul de toutz voz
+prédécesseurs, et les regaigner par doulceur, que de les mener à
+l'extrémité d'ung chastiment, espérant qu'ilz auront tant plus de
+regrect de leurs deffiances passées, et persévèreront dorsenavant plus
+constantment en la confiance, fidellité, et amour qu'ils doibvent à
+Vostre Majesté, leur prince naturel, que moins ils espéroient d'estre
+jamais receuz en vostre bonne grâce, laquelle néantmoins vous ne leur
+avez différée d'ung seul moment, aussitost qu'ilz ont offert de
+s'humilier et de se remettre en vostre obéyssance.
+
+La dicte Dame, d'ung visaige joyeulx, m'a respondu qu'à ceste heure me
+voyoit elle, et oyoit mes propos, de trop meilleure affection qu'elle
+n'avoit faict despuys ung an, et qu'elle rendoit grâces à Dieu d'avoir
+miz au cueur de Voz Majestez Très Chrestiennes, et pareillement en
+ceulx de vos subjectz, de retourner à ce mutuel bon ordre de vostre
+bénignité envers eulx et de leur subjection envers vous; qu'elle vous
+remercye mille et mille foys de luy avoir, ainsy soubdainement et
+particullièrement, faict entendre en quoy les choses en sont, ès
+quelles elle vous desire tant de bien et de bonheur que vous les
+puissiez effectuer à vostre grand advantaige et au repoz de toute la
+Chrestienté; et que, si son moyen y peult servyr de quelque chose,
+elle le vous offre de tout son coeur, bien qu'elle ne peult fère que
+ne porte quelque envye au bonheur de celluy qui a sceu si
+oportunéement mettre en avant ce sainct et desiré propos, qu'il ayt
+heu meilleur rencontre que quant, d'aultre foys, elle a entreprins
+d'en parler; et qu'elle n'a regrect sinon à ce que voz subjectz
+peuvent monstrer au monde que, pour leur avoir esté viollé vostre
+propre éedict de la paciffication, tant par attemptatz contre leurs
+vies, que par contraires lettres contre l'exercisse de leur religion,
+ilz ayent heu quelque aparante coulleur de prendre les armes; non que
+pourtant elle aprouve qu'ilz ayent bien faict, car plustost s'en
+debvoient ils estre allez, et qu'il est tout certain que de quelles
+persuasions qu'on luy ayt usé, qui n'ont esté petites, sur la
+justiffication de leur cause, elle ne les a jamais volluz secourir.
+
+Je luy ay répliqué que tout le tort de ceste guerre se manifeste en ce
+que ceulx de l'aultre party, en leur plus grande résistance, se
+trouvent vaincuz par vos forces, et sont par vostre clémence surmontez
+en leur humillité, et que cella vous faict prendre meilleure espérance
+de voir bientost remiz vostre royaulme en son premier estat et
+grandeur; adjouxtant, afin de parler de la réunion du sien, que ce que
+je luy ayt dict de ceste réconcilliation de vos subjectz, Voz Majestez
+desirent qu'elle le preigne pour ung tesmoignage que, comme vous
+estes correspondant à son desir sur le bien de vostre royaulme,
+qu'aussi bien le serez vous sur le bien et paciffication du sien, et
+sur ce que vous entendrez bientost que ceste eslévation, qui a apparu
+en son pays du North, est esteinte ainsi que je le vous ay desjà
+mandé.
+
+La dicte Dame, usant là dessus de beaucoup de mercyementz, m'a fort
+prié de vous assurer que toute ceste guerre du North est véritablement
+achevée, et que le comte de Northomberland, se retirant en Ecosse, est
+tumbé ez mains du comte de Mora; que le comte de Vuesmerland s'en est
+fouy seul, et abandonné des siens, aux montaignes des frontières; et
+que plus de cinq cents gentishommes des leurs sont prins, le reste
+discipé, et plusieurs exécutez; et qu'elle ne prendroit que pour une
+risée toute ceste entreprinse, tant elle a esté folle et légière,
+n'estoit qu'il luy faict mal au cueur qu'il s'y soit trouvé meslé ung
+seul homme de qualité.--«Car jamais subjectz, dict elle, n'eurent
+moins d'occasion que les siens de mouvoir choses semblables contre
+leur prince.»
+
+Et luy ayant seulement répliqué ce mot: «c'est qu'il est fort à
+craindre que, tant que la division de la religion durera, que l'on
+sera toutz les ans à recommancer,» elle m'a soubdain respondu qu'à la
+vérité, puisque les Protestans commancent de proposer entre eulx,
+assavoir s'il y a aucune cause pour laquelle l'on puisse, sellon Dieu
+et conscience, se soubstraire de l'obéyssance d'ung prince, et le
+démettre de son estat; ainsy que le Pape, de son costé, déclaire aussi
+les estats de ceulx, qu'il tient pour scismatiques ou hérétiques,
+toutz comis et vacquans; elle estime que toutes les couronnes de la
+Chrestienté sont assez mal asseurées, et que, de sa part, elle ne se
+montrera jamais opiniastre de ne se conformer aulx aultres princes
+chrestiens, quant Dieu leur aura mis au cueur de procurer, toutz
+ensemble, la réunyon de l'esglyze de Dieu.
+
+Après cella, Sire, j'ay mené le propos à parler de la Royne d'Escoce,
+faisant toutjour instance de sa liberté, bon traictement et
+restitution. Sur quoy elle m'a dict que Voz Majestez Très Chrestiennes
+en avez parlé amplement à son ambassadeur, et qu'elle vous prie de
+considérer que le différand est entre deux princesses qui vous sont
+parantes, allyées et confédérées; desquelles vous debviez égallement
+peser leur droict, et n'avoir en tant d'affection celluy de la Royne
+d'Escoce que ne regardiez à conserver le sien; et qu'elle vous fera
+remonstrer encores d'aultres choses par son dict ambassadeur, ès
+quelles elle espère que vous luy ferez favorable responce; et ay
+cogneu, Sire, que les propos que Voz Majestez ont tenu là dessus au
+dict ambassadeur ont grandement esmeu la dicte Dame, à laquelle j'ay
+dict que, puysque vostre intention se trouve conforme aulx
+continuelles instances que je luy ay faictes icy de vostre part pour
+la Royne d'Escoce, que je la suplye de déposer à ceste heure le cueur
+et le courroux qu'elle a contre elle, puysqu'elle s'est justiffiée de
+toutz ces troubles du North, pour se la randre désormais tant attenue
+et obligée, qu'elle n'ayt à estre jamais rien tant que toute sienne;
+et que, pour l'amour de Voz Majestez Très Chrestiennes, qui tant l'en
+priez, elle veuille aussi faire quelque chose pour son bien, n'estant
+possible que vous puyssiez laysser de le pourchasser tant que vous la
+voyez restituée, ce que vous desirez toutesfoys estre sellon son gré
+et contantement.
+
+Elle m'a promiz là dessus, qu'aussitost qu'une responce, qu'elle
+attant d'Escoce, sera arrivée, elle ne diffèrera d'ung seul jour
+d'entendre en l'affaire de la dicte Dame, et y prendre ung si bon
+expédiant qu'elle espère que vous en serez contant; dont de tout ce
+qui s'en résouldra elle mettra peyne que vous en soyez adverty: et
+remettant, Sire, plusieurs aultres choses, que j'ay notées de ses
+propos, au premier des miens que je vous dépescheray, je bayseray en
+cest endroict très humblement les mains de Vostre Majesté, et
+supplieray le Créateur qu'il vous doinct, Sire, en parfaicte santé,
+très heureuse et très longue vie, et toute la grandeur et prospérité
+que vous desire.
+
+ Ce IVe jour de janvier 1570.
+
+ Je crains assés qu'on veuille mettre en avant l'eschange de la
+ Royne d'Escoce et du comte de Northomberland; vray est qu'il ne
+ s'en entend encores rien.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, je mectz en la lettre, que j'escriptz au Roy, aulcuns propos
+de la Royne d'Angleterre, touchant ceulx que, par les deux dernières
+dépesches de Voz Majestez, vous m'avez commandé de luy tenir, sur
+lesquelz me reste à vous dire, Madame, qu'il semble que ceste
+princesse et les siens soyent bien ayses, mais diversement, qu'il se
+face une paciffication en vostre royaulme; elle, affin d'estre exempte
+de bailler secours à ceulx de la Rochelle, et ne venir à vous faire
+quelque manifeste offance pour eulx, et mesmes aura plaisir que les
+choses se facent à votre grand advantaige; et eulx, pour n'ozer
+meintenant guières presser leur Mestresse de les secourir, ny
+d'attempter rien qui vous puysse desplayre; mais ilz vouldroient que
+l'advantaige demeurât à ceulx de l'aultre party, sur la soubmission
+desquelz, laquelle leur ambassadeur a escripte par deçà, encores que
+le jeune comte de Mensfelt fût desjà despêché, ilz le font temporiser,
+affin d'attandre quelle yssue prendra ce que le Sr de La Personne en a
+commencé de traicter. Et doublant assés que la paciffication ne s'en
+puysse bien ensuyvre, luy et le Sr de Lombres incistent grandement de
+fayre résouldre icy quelque secours de pouldres et d'armes, et de
+quelque nombre de gens de cheval, pour l'envoyer à Mr l'Admyral,
+s'esforceans de persuader qu'il est encores si fort qu'avec bien peu
+d'ayde, il se monstrera plus relevé que jamais, et qu'on luy veuille
+aussi (soubz caution) assister de quelques deniers, pour envoyer au
+duc de Cazimir, affin de souldoyer des gens de pied, sans lesquelz il
+n'oze mettre en campaigne les gens de cheval qu'il a toutz prestz; et
+que d'ailleurs le prince d'Orange, voyant qu'une sienne entreprinse
+qu'il avoit en Flandres est descouverte, se dellibère de tourner tout
+son aprest aulx choses de France; lesquelles propositions demeurent
+encores en suspens; et je metz peyne, en tout évènement, de les
+retarder ou empescher, aultant qu'il m'est possible.
+
+Quant à ceulx du North, j'ai vollu vérifier si ce que m'en a dict la
+dicte Dame estoit vray, parce qu'on luy déguyse assés souvent les
+nouvelles; mais l'on m'a confirmé la route des deux comtes et de toute
+leur armée, laquelle a esté de quinze mil hommes; dont y en avoit sept
+mille de pied bien armez, et deux mil de cheval en aussi bon équipaige
+qu'il s'en peult trouver en Angleterre; et que n'ayantz, pour leur
+irrésolution et mauvais accord, ozé venir au combat, ilz se sont
+retirez en la frontière d'entre l'Angleterre et l'Escoce, où celluy
+de Northomberland et sa femme sont tumbez ez mains d'un armestrang[1],
+qu'on a estimé le devoir incontinent livrer au comte de Mora; et que
+celluy de Vuesmerland, en habit déguysé, s'en est fouy au plus haut
+des montaignes, ayant pour ceste occasion ceste Royne envoyé casser
+incontinent son armée, et révoquer le comte de Vuarvic. Mais aulcuns
+estiment que le dict armestrang n'est pour consigner le comte de
+Northomberland à celluy de Mora, ains plustost pour le relever et pour
+luy ayder à remettre sus nouvelles forces.
+
+ [1] Partisan, chef de bande.
+
+Au reste nul propos n'esmeust tant ceste Royne que quant on luy parle
+de la Royne d'Escoce, et ce que Voz Majestez en ont dernièrement dict
+à son ambassadeur a faict beaucoup d'effect envers elle. J'ay bien
+vollu, pour mon regard, tirer de la propre parole de la dicte Dame ma
+justiffication de ne luy avoir, sur les affaires de la dicte Royne
+d'Escoce, ny en nulle autre matière, jamais dict ung seul mot qui
+l'ayt peu offancer; de quoy elle m'a randu le tesmoignage tout clair
+et prompt, que non seulement elle n'a trouvé jamais mauvaise, ains
+très agréable, ma façon de parler, et la substance de toutz mes
+propos, ainsy que je les luy ay dictz, et qu'elle vous fera expliquer
+que ce qu'elle a prins à cueur de mon dire est pour luy avoir asseuré
+que Voz Majestez réputeroient toucher à leurs propres personnes les
+torts et indignitez qu'on feroit à celle de la Royne d'Escoce; et
+qu'elle s'estime vous apartenir en si bonne part, qu'elle doibt bien
+estre tenue en quelque compte et respect envers Voz Majestez aussi
+bien que la dicte Royne d'Escoce. A quoy je luy ay satisfaict si bien
+que, prenant rayson en payement, elle a promis d'entrer bientost en
+quelque expédiant touchant les affaires de la dicte Dame; et m'a prié
+au reste de vous escripre fort affectueusement que, à ce changement de
+gouverneur de Bretaigne, il vous playse de commander à celluy qui
+l'est meintenant, et à son lieutenant, de donner libre et sûr accez
+aulx Angloix, de leur pouvoir aller demander justice; et que
+dorsenavant ilz la leur vueillent administrer eulx mesmes, puysqu'il
+n'est possible qu'ilz la puissent aulcunement avoir des officiers et
+magistratz du pays, car ses dicts subjectz ne peuvent plus supporter
+les oltraiges qu'ilz y reçoipvent ordinairement.
+
+Depuis le partement du Sr Chapin, l'on a fait exorter les estrangiers
+de s'abstenir de tout commerce avec les subjectz du Roy d'Espaigne et
+de ne couvrir aulcunement leurs trafficqs par lettres, ny soubz noms
+empruntez d'aultres merchantz; et néantmoins la dicte Dame a
+vollontairement offert au dict Sr Chapin d'admettre l'ambassadeur
+d'Espaigne à parler et traicter avecques elle comme auparavant, sur le
+moindre mot que le Roy d'Espaigne luy en vouldra escripre.
+
+Je bayse très humblement les mains de Vostre Majesté et prie Dieu,
+qu'il vous doinct, etc.
+
+ Ce IVe jour de janvier 1570.
+
+ La Royne d'Angleterre, outre les susdicts propos, m'a très
+ honorablement parlé, et avec aparance de bonne affection, de Voz
+ Majestez et de Monseigneur vostre filz, et qu'elle avoit avec
+ grand playsir ouy, du filz de Mr Norreys, plusieurs actes
+ généreux et de grand vertu du Roy et de mon dict Seigneur,
+ lesquelz elle luy avoit faict réciter plus de deux foys, sellon
+ qu'il disoit les avoir veuz et les avoir aprins de ceulx qui les
+ sçavoient bien.--Ceulx de ce conseil, et mesmement le comte de
+ Lestre, m'ont faict pryer d'octroyer mon passeport au Sr
+ Barnabé, qu'ilz dépeschent, avec commission de ceste Royne, pour
+ aller recouvrer une grande nef vénicienne, chargée de plus de
+ cent cinquante mil escus de merchandize, qu'on envoyoit en ceste
+ ville, laquelle le capitaine Sores a prinse despuys ung mois;
+ affin que, si le dict Barnabé est rencontré par les gallères ou
+ navyres françoys, ilz ne luy facent poinct de mal. Je ne sçay
+ s'il yra poursuyvre le dict Sores jusques à la Rochelle.
+
+
+
+
+LXXXIIe DÉPESCHE
+
+--du Xe jour de janvier 1570.--
+
+(_Envoyée jusques à Callais par homme exprès._)
+
+ Ferme persuasion où l'on est en Angleterre que la paix sera
+ conclue en France.--Nouvelles du Nord et de la
+ Flandre.--Meilleur traitement fait à la reine
+ d'Ecosse.--Crainte des Anglais que le roi, délivré de la guerre
+ civile, ne donne assistance aux Espagnols dans les Pays-Bas
+ pour attaquer l'Angleterre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il est venu adviz à la Royne d'Angleterre, par la voye de la
+mer, que ceulx de la Rochelle tiennent déjà comme pour conclud le
+propos qu'ilz vous ont faict requérir de la paix; et, par ainsy, que
+vostre royaulme s'en va hors de troubles, et vous, Sire, en bon trein
+de remettre sus fort bien et bientost vos affères, sans qu'il
+aparoisse que, pour toutes ces horribles guerres passées, il vous y
+soit advenu aulcune diminution, ny en l'estendue de vostre estat, ny
+en l'affection de vos subjectz, ains plustôt, une augmentation partout
+de vostre grandeur; de laquelle le fondement, en cette mesmes
+division, s'est monstré si ferme qu'on a opinion, s'il est une foys
+bien réuny, que nulles forces humaines le pourront jamais esbranler.
+Dont ceste Royne et les siens continuent, à ceste heure, de me fère
+meilleure démonstration que jamais de vouloir persévérer en bonne paix
+et amytié avec Vostre Majesté; et n'ont encore dépesché le jeune comte
+de Mensfelt, ny rien respondu au Sr de Lombres, attendans si la fin du
+dict propos viendra à bonne conclusion, ou bien s'il sera rompu. Et,
+cependant, est arrivé ung homme d'Allemaigne, lequel, à ce que
+j'entans, raporte que le Cazimir ne lève pas encores ses reytres, mais
+qu'il a distribué, ces jours passés, une somme de deniers aulx
+capitaines, affin d'estre pretz, quant il les mandera; et il parle
+aussi des praticques et menées du prince d'Orange.
+
+Les choses d'icy ne monstrent, à ceste heure, guières grand mouvement,
+estantz ceulz du North séparez et rompuz d'eulz mesmes, ainsy que je
+le vous ay confirmé par mes précédantes du IIIIe de ce moys. Il est
+vray que, de tant que les deux comtes ne sont au pouvoir de la Royne
+d'Angleterre ny ne sont pour y estre aiséement livrez, parce qu'on
+dict que celluy de Northomberland est avec milor de Humes et avec le
+ser de Farmihirst, comme avecques ses amys; et celluy de Vuesmerland,
+avec le comte d'Arguil, qui le trette bien; la chaleur de leur
+entreprinse n'est encores réfroydie aulx cueurs des Catholiques, ny en
+ceulz des malcontantz; lesquelz demeurent d'ailleurs en quelque
+espérance du duc d'Alve, par la mesme peur et grande souspeçon qu'ilz
+voyent que la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil se donnent
+des aprestz qu'il faict, qui leur sont confirmez par plusieurs
+secrectes lettres qu'arrivent ordinairement à la dicte Dame des Pays
+Bas; et mesmes l'asseurent que, despuys le retour du marquis de
+Chetona, le dict duc s'est résolu de vouloir recouvrer, commant que ce
+soit, ses deniers, et les marchandises d'Espaigne arrestées par deçà,
+et que, pour y commancer par quelque bout, il a commandé de consigner
+toutz les biens des Anglois, qui estoient en Anvers, à certains
+Gènevois qui ont faict ung party de six centz mil escuz avec le Roy
+d'Espaigne; dont ceulx cy se préparent, avec grand dilligence, au long
+de la coste qui regarde vers Flandres, pour résister à ses
+entreprinses. Je prendray garde à quoy, jour par jour, cella
+s'acheminera, affin de vous en donner toutjour adviz.
+
+Despuys la dernière instance que j'ay faicte à ceste Royne pour la
+Royne d'Escoce, elle l'a faicte ramener à Tutbery, en la compaignie du
+comte de Cherosbery seul; s'en estant celluy de Untington allé, qui a
+esté du tout deschargé de sa garde, et elle remise en ung peu plus de
+liberté, avec démonstration à monseigneur l'évesque de Roz de quelque
+faveur davantaige en ceste court, et d'y mieulx recepvoir ses
+remonstrances, qu'on n'avoit faict toutz ces jours passez. Ce qui nous
+remect en quelque espérance que nous pourrons bientost (si nouvel
+accident ne survient) obtenir une ou aultre provision ez affères de la
+dicte Dame. Sur ce, etc.
+
+ Ce Xe jour de janvier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ce qui s'espère de la paciffication des troubles de vostre
+royaulme ne monstre aporter, à ceste heure, tant de soupeçon à la
+Royne d'Angleterre ny aulx siens, comme il sembloit que, du
+commancement, ilz eussent très ferme opinion que la fin de nostre
+guerre seroit ung commancement à eulx d'y entrer. Il est vray qu'ilz
+ne sont du tout dellivrez de cette peur, craignantz, à ce qu'ilz
+disent, que l'estroicte intelligence, que le duc d'Alve a avecques Voz
+Majestez, vous attire de son party contre l'Angleterre; car,
+aultrement, il leur semble qu'ilz n'ont guières à le craindre, veu le
+crédict et faveur de ceste Royne en Allemaigne. Et ainsy, ilz vont
+temporisant avecques luy, sans admettre ny rejecter aussi les termes
+de l'accord, espérantz qu'ilz se pourront, dans peu de jours,
+esclarcyr de vostre cousté, pour sçavoir commant mieulx se conduyre du
+sien; et n'estantz encores bien asseurez si le propos de la paix
+prendra bonne résolution en France, ilz tiennent leurs dellibérations
+en suspens, dillayantz la dépesche du jeune comte de Mansfelt, et leur
+responce au Sr de Lombres; et pareillement de ne toucher aux affères
+de la Royne d'Escoce, jusques à ce que leur ambassadeur, Mr Norrys,
+leur ayt mandé la certitude du tout; et n'ont faict plus grand
+empeschement à ung courrier du duc d'Alve, qui est arrivé depuys cinq
+jours, que de l'avoir conduict à la court et visité seulement le
+dessus de ses pacquetz, lesquels, se doutans bien qu'ilz estoient en
+chiffre, l'ont renvoyé avec les dicts pacquetz bien cloz à Mr
+l'ambassadeur d'Espaigne, et luy ont ottroyé passeport pour s'en
+pouvoir retourner de dellà, bien qu'ilz ne layssent pourtant de vivre
+toutjour en grande deffiance du dict duc. A l'occasion de quoy ilz
+dressent de grandes forces et ordonnent beaulcoup de gens de cheval,
+pistoliers, et renforcent les garnysons tout le long de la coste qui
+regarde les Pays Bas; sur ce, etc.
+
+ Ce Xe jour de janvier 1570.
+
+
+
+
+LXXXIIIe DÉPESCHE
+
+--du XVe jour de janvier 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Callais par Olivier Cambernon._)
+
+Efforts que l'on fait en Angleterre pour impliquer le duc de Norfolk
+et la reine d'Écosse dans la révolte du Nord.--Le comte de
+Northumberland livré dans sa fuite au pouvoir du comte de
+Murray.--Mission d'Elphinstone en Angleterre.--Proposition émise dans
+le conseil de demander l'échange du comte de Northumberland contre la
+reine d'Écosse.--Préparatifs de guerre faits en Allemagne pour
+soutenir les protestans de France.--Forces redoutables réunies sur mer
+par les protestans de France et d'Allemagne.--Négociations de
+l'Angleterre avec les Pays-Bas.--Motifs politiques qui engagent
+Élisabeth à soutenir les protestans de France; espoir que cependant la
+paix ne sera pas troublée.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il ne se faict, à ceste heure, aulcune plus grande dilligence
+par deçà, après avoir esteint l'eslévation du North, que de cercher
+d'où elle est procédée, et qui sont les principaulx, qui ont heu
+intelligence avec les deux comtes; en quoy s'engendrent plusieurs
+malcontantemens et malveuillances qui se descouvrent toutz les jours
+en plusieurs endroictz et villes de ce royaulme, et se continuent
+jusques à la court; mesmes semble que, des champs où la guerre estoit,
+elle se soit transférée ez cueurs et affections des hommes, et dict on
+que de là procède le retardement de la liberté du duc de Norfolc,
+lequel aultrement estoit en trein de sortir bientost de la Tour pour
+estre remis en son logis de ceste ville; mais les divisions et
+compétances de ceulx du conseil l'empeschent, lesquels veulent
+monstrer qu'ilz concourent toutz contre la cause de l'eslévation, et,
+encor que nulz manifestement ne le chargent de rien d'icelle,
+néantmoins les ungs s'efforcent de l'y trouver embrouillé, et les
+aultres de l'en déclairer exempt; ny n'est moindre leur contention sur
+le faict de la Royne d'Escoce, soit pour le regard de la dicte
+entreprinse du North, ou soit pour ses aultres affères, ès quelz ses
+amys et serviteurs, qu'elle a en ce royaulme, ne se monstrent, pour
+chose qui soit advenue, moins fermes en sa faveur, ny aussi ses
+adversaires moins véhémentz contre elle que auparavant. Et cependant
+le gouverneur de Barvich a envoyé à la Royne d'Angleterre une lettre
+du comte de Mora, par laquelle, de tant que la dicte Dame ne l'a
+vollue communiquer à personne et qu'elle a fait semblant d'y avoir
+trouvé plusieurs vériffications de l'entreprinse du North, quelques
+ungs des grandz en demeurent en peyne; et bientost après, est arrivé
+devers elle le ser Nicollas Elphingston, très familier et inthime du
+dict de Mora, lequel elle a curieusement et avec grand affection ouy,
+mais ne se publie encores rien de l'occasion de sa venue, si n'est
+qu'on dict qu'il a aporté la depposition du comte de Northomberland,
+lequel estant enfin tumbé ez mains du comte de Mora, il l'a faict
+mettre dans Lochlevin, où la Royne d'Escoce estoit prisonnière; mais
+je crains que le dict Elphingston ayt charge de renouveller le propos
+de consigner la Royne d'Escoce au dict de Mora, moyennant les ostages
+qu'on luy a demandé, ou bien de fère l'eschange d'elle et du dict
+comte de Northomberland, ce que je sçay avoir esté déjà proposé en ce
+conseil, ainsy que je l'avois auparavant bien préveu; mais il semble
+qu'il ne peult aucunement venir au cueur de la Royne d'Angleterre de
+le debvoir fère, et y a aulcuns des siens qui ne sont pour le
+consentyr, tant y a que la pouvre princesse et ceulx, qui portons icy
+son faict, en sommes en grand peyne; mesmement à ceste heure que le
+comte de Lestre, lequel a accoustumé de procéder d'une plus honneste
+et généreuse façon envers elle que les aultres du dict conseil, s'en
+est, pour quelque occasion (et croy que pour les différans de court),
+allé en sa mayson de Quilingourt, où, toutesfoys, l'on croyt que la
+Royne d'Angleterre ne le larra longtemps sans le fère revenir.
+
+J'entendz que ung secrétaire du comte Palatin vient d'arriver, lequel
+fault que soit passé par Flandres (car la navigation de Hembourg et de
+Hendein est serrée des glaces jusques en mars) ou bien échappé par la
+France. Il est allé droict à Vuyndesor, et n'ay encores rien peu
+aprandre de sa commission, si n'est par ung qui l'a observé en
+passant, qui a comprins de luy qu'il vient pour avoir de l'argent, ou
+bien lettre de crédit et de responce à certains juifz qui ont promiz
+de fornir une somme en Allemaigne, et qu'il est tout certain que le
+Cazimir et le prince d'Orange ont une armée preste pour entrer en
+France, à ce prochain primtempz; dont le jeune comte de Mensfelt s'est
+eslargy de dire, qu'aussitost qu'il arrivera en Allemaigne avec la
+dépesche de ceste princesse, le dict de Cazimir commancera de marcher;
+ce que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, lequel j'avois hier à
+disner en mon logis, m'a confirmé, bien qu'il crainct, si le propos de
+la paix se conclud en France, que tout cella aille tumber sur les bras
+du duc d'Alve; et, ce pendant, le capitaine Sores a prins une seconde
+nef vénicienne, plus riche que la première, et faict on compte que la
+charge des deux vault plus de trois cenz mil escuz, oultre quatre
+vingtz pièces de bonne artillerye qu'il y a dedans, et oultre les
+deulx vaysseaulx, qui sont les deux meilleurs de la mer; de quoy toutz
+les merchans, tant naturelz que estrangiers, de ce royaulme, demeurent
+fort scandalizez contre Mr le cardinal de Chatillon, et requièrent
+ceste Royne d'y pourvoir; mais, ou soit qu'elle et les siens n'ayent
+moyen de le fère, ou bien que, pour s'exempter de prester de l'argent
+à ceulx de la Rochelle, ilz leur veuillent permettre de se prévaloir
+de ceste riche et grande prinse, ilz dissimulent et prolongent les
+remèdes; et est à craindre que le dict Sores, avec tant de bons et
+grandz vaysseaulx, et bien artillez, qu'il a à ceste heure, et le Sr
+de Olain, et le bastard de Briderode, qui en ont ung aultre bon
+nombre, ne tiennent dorsenavant bien fort subjecte ceste estroicte
+mer, et mesmes qu'ilz ne dressent quelque entreprinse sur vos
+gallères; bien qu'on m'a dict, Sire, que le dict de Olain est allé
+jusques en Allemaigne porter soixante mil escuz au prince d'Orange du
+butin de ses prinses de mer.
+
+Le Sr Thomas de Fiesque poursuyt d'accomoder icy le faict des deniers
+et merchandises, prinses et arrestées par deçà sur les subjectz du Roy
+d'Espaigne, au nom des merchans à qui elles appartiennent, proposant
+que les deniers, qui sont en espèces, et pareillement ceulx qui
+proviendront des merchandises, demeurent ez mains de ceste Royne
+jusques à ung entier accord, en ce qu'elle leur permette de les
+vandre, et qu'elle leur veuille bailler pour respondant la chambre de
+Londres, de payer le tout à bons termes, après qu'elle s'en sera
+servye. Sur ce, etc.
+
+Ce XVe jour de janvier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, le surplus que j'ay à dire à Vostre Majesté, oultre le contenu
+en la lettre que j'escriptz présentement au Roy, je le réserve à vous
+mander par le Sr de La Croix, aussitost que l'ung des miens, qui sont
+par dellà, sera arrivé, et n'adjousteray icy, Madame, si n'est qu'on
+parle diversement en ce royaulme de la paix qui se trette en France,
+estantz ceulx des deux religions en contraires espérances là dessus;
+sçavoir: les Catholiques, que des grandes et notables victoires, que
+Monseigneur vostre filz a gaignées, ayt à réuscyr ung accord fort
+advantaigeux pour nostre religion et très honnorable pour le Roy; et
+les Protestantz, que monsieur l'Admyral s'estant aulcunement reffect,
+et près d'estre, dans six sepmaines ou deux moys, secouru du prince
+Cazimir, n'ayt à quicter rien de ce qui apartient à la leur, ny en
+l'exercisse, ny en l'establissement d'icelle dans le royaulme; et
+estiment, les ungs et les aultres, que leur propre faict deppend du
+succez des choses de dellà; dont, encor que la Royne d'Angleterre et
+les plus modérez d'auprès d'elle dettestent assés les guerres des
+subjectz, néantmoins, ceulx qui ont plus d'auctorité et de manyement
+près d'elle, desirans que la part des Catholiques demeure fort oprimée
+par deçà, condamnent en toutes sortes l'entreprinse de ceulx du North
+comme inique, et luy coulorent de quelque équité celle de France et
+luy persuadent, que du maintien d'icelle deppend la seureté de son
+estat et du tiltre de son royaulme, et de la légitime qualité de sa
+personne; laquelle aultrement seroit par les Catholiques tenue
+illégitime. Ce qui faict, Madame, qu'encor que ceste princesse ayt
+grand regrect à la prinse de ces deux grandes nefz véniciennes, et
+qu'elle sente que, pour aulcun respect, il tourne au préjudice de sa
+réputation que, l'une, en partant d'icy, et l'aultre, en y arrivant,
+ayent esté prinses en la plaige et quasi dans les portz de son
+royaulme; néantmoins, pour n'incommoder ceulx de la dicte religion,
+iceulx de son dict conseil la contraignent de différer et dissimuler
+le remède, que très volontiers elle donroit aulx merchans; et le
+secrétaire Cecille a assés soubdain respondu à ceulx qui l'en ont
+sollicité, que ceulx de la Rochelle avoient guerre contre les
+Véniciens, parce qu'ilz ont preste de l'argent au Roy; et mesmes,
+aulcuns à ce propos m'ont interrogé si la Royne de Navarre n'estoit
+pas en actuelle possession de quelque partie de son royaulme, ayant
+esté proposé en ce conseil, si, comme Princesse Souveraine, elle ne
+pouvoit pas déclarer une guerre, après l'avoir jugée juste et
+légitime. Sur quoy, me doubtant bien pourquoy l'on me faisoit ceste
+demande, j'ay respondu que la dicte Dame n'a rien qui ne soit, ou
+mouvant de la couronne de France, ou tenu soubz la protection
+d'icelle, et ainsy n'ont rien gaigné sur moy de cest endroict.
+
+J'ay receu l'acte de mainlevée, qui a esté faicte à Roan, des biens
+des Anglois, de laquelle ceste Royne et les siens se sont fort
+contentez, et ont, de leur part, desjà procédé de mesmes à la
+restitution des biens que les Françoys ont peu monstrer leur apartenir
+par deçà, et continuent encores toutz les jours de leur faire justice.
+Ilz se plaignent seulement de Bretaigne, et suplient Vostre Majesté
+d'y donner ordre. Il me semble qu'en toutes sortes, ceste Royne et le
+général de son royaulme veulent persévérer en bonne paix, et ouverte
+amytié, avecques Voz Majestez Très Chrestiennes; mais que, en
+particullier, aulcuns passionnez feront toutjour, soubz main, tout ce
+qu'ilz pourront, et icy, et en Allemaigne, pour ceulx de la Rochelle,
+et feroient davantaige si, avec vostre authorité, je ne mettois peyne
+de les empescher. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVe jour de janvier 1570.
+
+
+
+
+LXXXIVe DÉPESCHE
+
+--du XXIe jour de janvier 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusgues à Callais par Letorne, estant le sieur de La
+Croix tumbé malade, dont il est allé à Dieu._)
+
+ Intrigues à la cour de Londres; rivalités entre Leicester et
+ Cécil.--Nombreuses exécutions faites par le comte de Sussex à
+ la suite de la révolte du Nord.--Modération du comte de Warwick
+ à l'égard des insurgés qui sont tombés en son pouvoir.--On
+ croit que les Ecossais aideront le comte de Westmorland à
+ rentrer en Angleterre.--Négociation d'Elphinstone.--Crainte que
+ l'on doit avoir en France du côté d'Allemagne.--Sollicitation
+ faite auprès de la reine d'Écosse par le comte de Huntingdon
+ pour qu'elle consente à se marier avec Leicester.--Clauses d'un
+ traité qui lui est proposé pour son
+ rétablissement.--Préparatifs faits par le prince d'Orange
+ contre les Pays-Bas.--_Avis_ donné au roi de divers bruits que
+ l'on fait courir à Londres sur les mésintelligences qui se
+ seraient élevées à la cour de France.--_Mémoire secret_.
+ Soupçons élevés contre le duc de Norfolk, le duc d'Albe, la
+ reine d'Écosse, et l'ambassadeur de France au sujet de la
+ révolte du Nord.--Menées du duc d'Albe en
+ Angleterre.--Déclaration d'Élisabeth que la reine d'Écosse a
+ formé le projet de s'emparer de la couronne d'Angleterre pour
+ réduire le royaume à la religion catholique.--Proposition faite
+ par l'ambassadeur d'Espagne au roi de France de former une
+ ligue pour rétablir Marie Stuart sur le trône d'Écosse, et la
+ religion catholique en Angleterre.--Conduite qu'a dû tenir
+ l'ambassadeur de France à cet égard.--Projets que l'on doit
+ supposer à l'Espagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, pour l'occasion des troubles du North, la Royne d'Angleterre,
+au commancement de ceste année, a advisé d'augmenter son conseil d'ung
+nombre de personnaiges miz à sa dévotion, lesquelz elle a pourveuz
+d'aulcuns offices qui vacquoient de longtemps, qui ont lieu en son
+dict conseil, comme est le contrerolleur, trézorier, vychambrelan, et
+aultres de sa mayson; en quoy la contention n'a esté petite en sa
+court, entre ceulx qui aspiroient à cella, ou pour eulx mesmes ou pour
+y en mettre de leur faction, ou bien pour empescher qu'il n'y en
+entrât plus grand nombre; et est advenu, par le moyen du comte de
+Lestre, que le sire Jacques Croft a esté faict contrerolleur, bien
+qu'on ayt cryé qu'il estoit papiste; mais, possible, l'y a t on admiz
+plus vollontiers pour estre auculnement estimé ennemy du duc de
+Norfolc, et le Sr de Frocmarthon, qui y prétandoit grandement, a esté
+du tout descheu pour ceste foys, demeurant comme banny de court; et
+semble que, pour ces contentions, le comte de Lestre se soyt despuys
+absenté, et qu'entre luy et le secrétaire Cecille, lequel est en plus
+grand crédict que jamais, y ayt beaulcoup de simulté, et que
+néantmoins il ne sera longtemps sans revenir.
+
+Le comte de Sussex poursuyt de fère de grandes exécutions à Durhem et
+Artelpoul, et aultres lieux de son gouvernement, sur ceulx qui avoient
+prins les armes, ayant desjà faict pendre, outre ceulx du commun, bien
+cent personnaiges de qualité, baillifz, connestables ou officiers, et
+pareillement les prestres qui estoient avec eulx, nomméement le Sr
+Thomas Plumbeth, estimé homme fort sçavant et de bonne vie, et pense
+l'on qu'il se monstre aussi véhément, pour effacer le souspeçon qu'on
+a heu de luy; et, au contraire, le comte de Vuarvich s'y porte fort
+modestement, lequel a envoyé supplier la Royne d'octroyer rémission à
+ces pouvres gens, ce que, en partie, elle a concédé; et l'admyral
+Clinton est demouré encores à Vuodderby, avec mil hommes, pour
+contenir le pays, et pour empescher que le comte de Vuesmerland, avec
+l'assistance des Escossoys, ne puisse rentrer en armes en Angleterre,
+ce que l'on crainct assés qu'il face, parce qu'il est avec le ler de
+Farnihyrst, affectionné serviteur de la Royne d'Escoce, et que les
+aultres principaulx de l'entreprinse sont avecques d'aultres seigneurs
+escossoys, leurs amiz, de ce mesme party; et que aulcuns se sont
+acheminez à Dumbertran. Le seul comte de Northomberland a esté prins
+et livré au comte de Mora, qui l'a incontinent faict mettre dans
+Lochlevyn; et a soubdain dépesché devers ceste Royne le Sr Elphiston,
+son familier, lequel, à ce que j'entendz, raporte plusieurs choses de
+la depposition du dict de Northomberland, et plusieurs aultres, pour
+fère acroyre que la Royne d'Escoce et l'évesque de Roz ont induict le
+dict de Northomberland de prendre les armes; à quoy semble qu'on
+n'adjoute grand foy: et, d'abondant, monstre excuser le dict de Mora
+de ne pouvoir, en bonne conscience, ny sellon son honneur, ny encores
+sellon les loix du royaulme d'Escoce, rendre icelluy comte, mais par
+mesme moyen, il faict instance à la Royne d'Angleterre de luy prester,
+pour chose fort importante au bien des deux royaulmes, une somme
+d'argent; et tout ainsi qu'on luy donne l'espérance qu'il en pourra
+avoir, il la donne, encores plus grande, que le dict de Northomberland
+pourra estre randu, et espère davantaige qu'en le rendant, il se
+pourra aussi tretter de randre au dict de Mora la Royne d'Escoce: dont
+il prépare de s'en retourner en grand dilligence devers luy.
+
+Cependant, Sire, nous ne serons paresseulx de luy préparer toutz les
+obstacles qu'il nous sera possible, et pareillement au secrétaire du
+comte Pallatin, lequel demande en général assistance de deniers, affin
+de lever gens pour les secours et deffance de la nouvelle relligion en
+France, et pour fère une descente contre le duc d'Alve en Flandres;
+dont aulcuns estiment qu'il ne s'en retournera sans quelque provision,
+tant y a qu'il ne luy a esté encores respondu sellon son desir.
+Néantmoins, je vous supplie très humblement, Sire, de fère
+soigneusement prendre garde aulx mouvemens d'Allemaigne; car l'on
+tient icy pour chose fort certayne qu'il y a armée preste, et qu'elle
+n'est pour aller en Flandres, ny pour s'adresser ailleurs qu'en
+France, tant que la guerre y durera, et que le Sr d'Olain a porté au
+prince d'Orange plus de six vingtz mil escuz, oultre que les bagues de
+la Royne de Navarre sont en Allemaigne, et les nefz véniciennes,
+riches de trois centz mil escus, sont desjà arrivées à la Rochelle; et
+quant bien ceste Royne ne vouldra rien débourcer, les esglizes
+protestantes de son royaulme ne lairront pourtant d'y envoyer quelque
+notable subvention, comme celle de l'année passée, qui fut de cent mil
+escuz, ny la dicte Dame, quant bien ne le vouldroit, ne le pourra
+contredire, tant le feu de cette matière est, à ceste heure, ardemment
+espriz en ce royaulme comme je croy qu'il est de mesmes ailleurs.
+
+La Royne d'Escosse est meintennant à Tutbery, accompagnée seulement du
+comte de Cherosbery et des siens, qui luy octroyent plus de liberté
+qu'ilz ne souloyent; elle se porte bien, et encores que plusieurs
+choses se soyent opposées aulx espérances que nous avions de ses
+affères, il nous en reste quelques aultres qui, possible, viendront à
+bon effect; et j'ay desjà quelque adviz que ceux de son party en
+Escosse prétendent de se mettre bientost en campaigne, remectant,
+Sire, au Sr de La Croix de vous faire entendre aulcunes aultres
+particullaritez, sur lesquelles je vous supplie très humblement luy
+donner foy. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour de janvier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, par le contenu de la lettre que j'escriptz au Roy, et par
+l'instruction que j'ay baillée au Sr de La Croix, je fays entendre à
+Vostre Majesté les principalles choses, qui me semblent regarder
+meintenant icy l'intérest des vostres; et ne vous diray davantaige,
+Madame, si n'est que le comte de Huntington, pendant qu'il a esté à la
+garde de la Royne d'Escosse, l'a si souvant sollicitée de se départir
+du propos du duc de Norfolc, pour entendre à celluy du comte de Lestre
+son beau frère, que, pour ne se pouvoir la dicte Dame excuser de
+quelque responce, elle luy a dict que, pour ceste heure, elle n'avoit
+rien moins à penser qu'à se marier, et qu'aussi le comte de Lestre
+avoit bien toute aultre prétencion, avec ce que, si elle contradisoit
+meintennant au desir de ces seigneurs, qui luy avoient si expressément
+escript en faveur du duc, elle craignoit fort de les irriter et
+offancer, et que le comte de Lestre mesmes, qui en estoit l'ung,
+prendroit une fort mauvaise opinion d'elle. De quoy l'aultre ne se
+contantant, et la pressant de luy fère une plus particullière
+responce, elle, enfin, luy a dict tout rondement, que, si la Royne
+d'Angleterre et les siens, lesquelz luy avoient proposé le duc, ne
+trouvoient bon que le propos passât en avant, qu'elle estoit toute
+résolue de n'espouser jamais Anglois. Sur ce il s'est advancé de dire
+qu'elle faisoit fort bien, car aussi tout ce royaulme inclinoyt à ce
+desir, et qu'il voyoit que, nonobstant toutz empeschemens, avant ne
+fût deux ans, elle et le duc seroient maryés ensemble. Puys luy a
+parlé fort expressément de quatre choses; la première, de tretter
+conjoinctement, entre l'Angleterre et l'Escosse, de l'establissement
+de la nouvelle religion; la segonde, de fère une bien seure et
+perpétuelle ligue entre les deux royaulmes; la troisiesme, de
+consentyr que, par décrect de parlement, ce royaulme soit, après elle,
+toutjour transféré aulx mâles plus prochains de la couronne, parce que
+le dict de Huntington vient de l'estoc d'iceulx; et la quatriesme, que
+Voz Majestez Très Chrestiennes veuillez depputter aulcuns pour
+assister, de vostre part, icy, aulx choses qui seront proposées, entre
+la dicte Dame et ses subjectz, sur la restitution d'elle, et sur le
+faict du feu Roy d'Escoce son mary. Et a adjouxté que monsieur le
+cardinal de Lorrayne feroit bien, comme prochain parant, d'intervenir
+au jugement d'une si grande cause.
+
+Nous sommes après pour sçavoir d'où sont parvenus ces propos, et
+semble que le dict comte de Lestre ne les advouhe, et que mesmes il
+pense que la Royne d'Angleterre sera fort courroucée contre le dict
+Huntington, quant elle les saura, et que tout cella est party de
+l'invention du secrétaire Cecille. La dicte Royne d'Escoce a tiré ung
+adviz du dict de Huntington, que le prince d'Orange praticque de fère
+descendre dix mil Anglois en Flandres, et qu'avec cella, et ce qu'il
+prépare en Allemaigne, joinct l'intelligence du pays, il espère d'en
+chasser le duc d'Alve et les Espaignols, ce qui a esté notiffié à
+l'ambassadeur d'Espaigne. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour de janvier 1570.
+
+
+AULTRE LETTRE A LA ROYNE
+
+ (_du dict jour, écrite en chiffres_).
+
+Madame, parce qu'on publie, icy, à mon grand regrect, qu'il n'y a bon
+accord entre le Roy et Monsieur, son frère, voz enfantz, et que douze
+des principalles citez de France s'opposent à ce que Voz Majestez ne
+puissent aulcunement accommoder, par voye de paciffication, les
+guerres de vostre royaulme; qui sont deux choses dont Vostre Majesté
+auroit, de la première, le plus extrême desplaisir, et nous, le plus
+notable dommaige qui nous pourroit onques advenir; et la segonde
+seroit pour torner à une fort pernicieuse conséquence contre
+l'auctorité du Roy, et droictement contre la vostre; mesmes qu'on m'a
+dict qu'en quelques endroictz du monde l'on faict desjà des desseings
+là dessus, et que ceste Royne m'en pourra possible toucher quelque
+mot, je vous suplie très humblement, Madame, me commander ce que
+j'auray à luy en respondre, ensemble à plusieurs seigneurs de ce
+royaulme, et mesmement aulx Catholiques, qui envoyent souvant m'en
+interroger, lesquelz demeurent toutz esbahys et desconfortez de ce
+que, sept sepmaines a, je n'ay nulles nouvelles de Voz Majestez;
+ausquelz toutesfoys j'ay bien desjà desnyé l'une et l'aultre de ces
+nouvelles, comme les tenant toutes deux fort faulces, et sur ce, etc.
+
+ MÉMOIRE ET INSTRUCTION de ce que le Sr de La Croix a à dire à
+ Leurs Majestez, oultre le contenu de la dépesche.
+
+ De ces troubles du North, qu'encor qu'ilz ayent esté bientost
+ apaysez, néantmoins, parce que, en mesme temps, s'est descouvert
+ qu'en Norfolc l'on avoit entreprins de se saysir des armes, qui
+ estoient ez maysons du duc de Norfolc, et de contraindre le sire
+ Henry Hemart, son frère, d'estre chef d'une troupe de douze mil
+ hommes qui se tenoient prestz pour marcher droict à la Tour de
+ Londres, affin de tirer icelluy duc de pryson; et que, en Galles,
+ les choses ne se monstroient guières plus paysibles, ceste Royne
+ est demeurée en plusieurs doubtes et deffiances de ses subjectz.
+
+ Ce qui luy est augmenté par l'opinion, qu'elle a, que
+ l'intelligence du duc d'Alve y soit bien avant meslée, sellon
+ que, par l'examen d'aulcuns du North, qui ont esté exécutez, et
+ de la depposition du comte de Northomberland, laquelle celluy de
+ Mora a envoyée, il semble que cella luy ayt esté confirmé.
+
+ En laquelle depposition, oultre que le dict de Northomberland
+ charge les plus grandz de ce royaulme, l'on dict qu'il affirme,
+ qu'ainsy que luy et le comte de Vuesmerland furent en campaigne,
+ l'ambassadeur d'Espaigne et l'évesque de Roz envoyèrent devers
+ eulx ung homme exprès, avec lettres, pour les conforter à leur
+ entreprinse, et leur promettre un prochain secours du duc d'Alve,
+ et pareillement de France, s'ilz se saysyssoient de quelque port.
+
+ Duquel acte de l'évesque de Roz la dicte Dame a prins argument
+ que la Royne d'Escoce, sa Mestresse, a bien peu estre mellée en
+ cella, et par conséquent moy à cause d'elle; car, aultrement,
+ elle n'a aulcune conjecture que je m'en soys entremiz, ny que
+ deçà ny dellà la mer il y ayt esté mené aulcune pratique au nom
+ du Roy; et le dict acte n'est suffizant pour luy en fère prendre
+ guières grande opinion, parce qu'il ne se trouve que j'aye rien
+ escript, ny mesmes que j'aye dict une parolle, ny heu aulcune
+ conférance, avec personne qu'elle ayt occasion de souspeçonner.
+
+ Elle reçoit assés souvant lettres d'aulcuns siens secrectz
+ serviteurs, qui sont en Flandres, qui l'advertissent que le duc
+ d'Alve prépare des entreprinses contre ce royaulme; et que la
+ plus part de la noblesse d'Angleterre sont de son party; et que
+ plusieurs d'icelle ont desjà receu force escuz au soleil de luy;
+ dont j'entends que milord de Coban, depuys naguières, a envoyé
+ quatre des dictes lettres tout à la foys en ceste court, les deux
+ signées de noms supposez et les aultres non signées lesquelles
+ estant leues; au conseil auquel s'est trouvé le comte de Pembrot,
+ toutz les Protestantz ont incontinent jetté les yeux sur luy, et
+ il a fort hardyment répondu que ceulx qui escripvoient telles
+ lettres estoient toutz meschantz d'accuser ainsy en général la
+ noblesse d'un royaulme, et, s'ilz avoient cueur ny valleur, ilz
+ debvoient nommer ceulx qui ont prinz ces escuz et se nommer eulx
+ mesmes pour le leur maintenir, mais que ce n'estoient que
+ menteries, et que, quant la Royne, sa Mestresse, aura ses
+ subjectz bien uniz, les effortz du duc d'Alve luy seront bien
+ aysés à repousser.
+
+ Pour l'occasion de ces advertissements, l'on dict que la dicte
+ Dame et ceulx de son conseil ont advisé de dresser une grand
+ milice, d'envyron quatre vingtz dix mil hommes de pied et trente
+ mil chevaulx en trois endroictz de ce royaulme; sçavoir: trente
+ mil hommes de pied et dix mil chevaulx du costé de France vers le
+ Ouest; aultant en Suffoc, Norfolc et Germue, qui regarde le pays
+ de Flandres; et le tiers restant vers le costé du North contre
+ l'Escoce; de quoy l'on asseure que les rolles et descriptions
+ sont desjà bien avancez, et que surtout l'on s'esforce de dresser
+ grand nombre de pistolliers, et mettre à cheval beaulcoup plus
+ d'hommes qu'on n'a oncques faict de nul aultre règne.
+
+ Tout cest ordre est conduict par ceulx de la nouvelle religion,
+ lesquelz, pour l'occasion des victoires du Roy et des batailles
+ que Monsieur, son frère, a gaignées, et des préparatifs du duc
+ d'Alve, et de ce qu'il leur semble qu'il se va trop establissant
+ en Flandres, aussi pour la réduction du nouveau roy et du
+ royaulme de Suède à la religion catholique, et pour le mouvement
+ des Catholiques de ce pays, ilz sont entrez en grandes
+ délibérations, et ont tenu plusieurs conseils comme ilz pourront
+ conserver et maintenir leur nouvelle religion.
+
+ Et, bien que ceste Royne n'est d'elle mesme mal affectionnée à la
+ partie des Catholiques, ains seroit pour requérir fort
+ vollontiers la réunyon de l'esglize et ne s'opposer guières à ce
+ qu'elle se fît par ung bon concille; néantmoins les Protestans la
+ retiennent par une véhémente persuasion qu'ilz lui ont donné de
+ la perte de son estat, si elle n'est toujours opposante à
+ l'authorité de l'esglize romaine.
+
+ Ce que je conjecture par le propos qui s'ensuyt, lequel elle m'a
+ naguières tenu, c'est qu'elle dict avoir deux grandes occasions
+ de regarder de bien prez au faict de la Royne d'Escoce; l'une,
+ parce que la dicte Dame ne s'est pas attribuée le tiltre de ce
+ royaulme sans une bien profonde dellibération, et sans une fort
+ grande opinion de son droict; l'autre, qu'elle voyt bien que la
+ dicte Dame se veult prévaloir de la division de la religion, et
+ cerche de s'insinuer par là ez cueurs de la noblesse
+ d'Angleterre, et que desjà plusieurs briefz du Pape ont été
+ interceuz, par lesquelz il déclare absoulz ceulx qui cy devant
+ ont obéi à elle, bien que illégitime et scismatique, pourveu
+ qu'ilz veuillent dorsenavant recevoir la Royne d'Escoce pour leur
+ Dame et Princesse. Et a adjouxté qu'on se trompoit bien en cella;
+ car, encor que le feu Roy, son père, eust espousé la Royne, sa
+ mère, à la religion protestante, il a toutesfoys obtenu le
+ rescript du Pape là dessus; par laquelle persuasion des dictz
+ briefz, que je croy estre chose supposée, les Protestants
+ retiennent bien fort le cueur de ceste princesse contre les
+ Catholiques et contre la Royne d'Escosse, bien que j'ay miz peyne
+ de luy en diminuer l'opinion tant que j'ay peu.
+
+ =>Chiffre.= [Le premier jour de ceste année 1570, et le Xe
+ ensuyvant, monsieur l'ambassadeur d'Espaigne et moy avons esté en
+ conférance en mon logis sur l'estat des choses de ce royaulme, et
+ avons considéré que, puysque les Catholiques n'ont heu le cueur
+ de s'ozer prévaloir de la première prinse d'armes qu'ilz avoient
+ faicte avec une assemblée de quinze mil hommes, où y en avoit bon
+ nombre de pied et de cheval bien armez et en bon équipage, et
+ avec ung assés heureux commancement, sans que les Protestans
+ fussent préparez ny pourveus pour leur résister, qu'il sera bien
+ mal aysé, qu'à ceste heure qu'ilz les ont comme advertys, ilz
+ puissent rien plus entreprendre; et qu'estant, au reste, le duc
+ de Norfolc prisonnier, le comte d'Arondel fort réfroydy, celluy
+ de Pembrot retourné à la court pour servir à ses amys, et
+ conserver ses estatz et les estatz de ses enfans, milor de Lomelé
+ encores en arrest et toutz les Catholiques en général fort
+ inthimidez, qu'il est dangier que les Protestans, qui sont seulz
+ en authorité, viegnent à tumultuer plus que jamais, et mener
+ leurs pratiques, icy et en Allemaigne, et pareillement leurs
+ entreprinses par mer et par terre, plus ouvertement qu'ilz n'ont
+ encores fayct. Dont le dict ambassadeur, après que nous avons heu
+ accordé l'ung à l'aultre ce que chacun de nous avons peu sentir
+ que les dictz Protestans menoient contre l'intérest de nos
+ Mestres, il m'a dit que le sien et pareillement le duc d'Alve
+ avoient une très grande affection que ce royaulme fust réduict à
+ la religion catholique, parce qu'on ne peult espérer que
+ oltraiges et indignitez d'icelluy, tant qu'il demeurera entaché
+ de ceste nouvelle religion; et, de tant qu'il s'asseuroit que le
+ Roy, Mon Seigneur, avoit le semblable desir, il me prioyt fort
+ affectueusement de lui persuader qu'il voulût escripre
+ promptement une lettre au Roy Catholique, son beau frère, par
+ laquelle il luy mît en avant la commune entreprinse d'entre eulx
+ deulx contre l'Angleterre pour la restitution de la Royne
+ d'Escosse, seulement, comme pour cause juste et apartenant
+ proprement à Sa Majesté Très Chrestienne, et en laquelle il le
+ pryât d'y vouloir employer ses forces; ce que le dict ambassadeur
+ asseuroit que le dict Roy, son Mestre, accorderoit de fère plus
+ vollontiers qu'il n'en seroit requis, et qu'après cella, les deux
+ ensemble tinsent leur armement prest pour l'heure que nous, qui
+ sommes sur les lieux, leur manderons; car, si les choses
+ d'Angleterre n'étoient prinses sur le poinct qu'elles se
+ présentent, elles estoient si soubdaines qu'on les perdoit
+ incontinent;
+
+ Et que j'advertisse aussi Leurs Majestez Très Chrestiennes
+ d'envoyer promptement devers le comte de Mora, pour le garder de
+ ne randre les comtes de Northomberland et Vuesmerland à la Royne
+ d'Angleterre; et que, pour la confédération que la France a non
+ tant avec la Royne d'Escosse que avec sa couronne et avec toutz
+ les Escossoys, ilz le voloient bien admonester de son debvoir en
+ ce qui se offre, affin qu'il ne face ce tort à l'honneur de ce
+ royaulme, où les dictz comtes ont heu leur reffuge, que de les
+ randre au mandement des Anglois; et que mesmes, pour estre les
+ biens et estats de toutz deux en la terre débattable, ou en celle
+ de la conqueste faicte sur l'Escosse, qu'il se présente occasion,
+ par leur moyen, de la recouvrer.
+
+ Ces mesmes choses m'a il faict despuys remonstrer par l'évesque
+ de Roz, lequel toutesfoys ne les a prinses, pour luy mesmes, en
+ suffisant payement de ce que, au nom de sa Mestresse, il a pryé
+ le dict Sr ambassadeur de fère meintenant descendre en Escosse le
+ secours de quatre mil hommes, et cent mil escuz, que le duc
+ d'Alve a mandé avoir toutz prestz pour envoyer aulx deux comtes,
+ s'ilz eussent peu meintenir encores quinze jours les armes; et
+ qu'à cest effect, elle fera passer quelques seigneurs d'Escosse
+ devers le dict duc pour adviser avecques luy de leur descente et
+ réception dans le pays, et, si besoing est, elle envoyera un
+ gentilhomme jusques au Roy d'Espaigne pour avoir son
+ commandement; en quoy le dict ambassadeur a seulement promiz d'en
+ escripre, mais qu'il failloit que, de mon costé, je fisse en
+ dilligence ce qu'il m'avoit dict, et que surtout l'on fût bien
+ advisé de ne toucher entre Leurs Très Chrestienne et Catholique
+ Majestez ung seul mot du faict de la nouvelle religion de peur de
+ mouvoir les Allemans.]
+
+ Je n'ay monstré aux dictz sieurs ambassadeur et de Roz que toute
+ bonne affection en ce qu'ilz m'ont proposé, sinon que je leur ay
+ allégué aulcunes difficultez pour les présentes guerres de
+ France, et que, pour le dangier des pacquetz, j'estimois qu'il
+ seroit meilleur que le duc d'Alve envoyât sur le lieu tretter par
+ quelq'un des siens ou bien par Dom Francès [le faict de
+ l'entreprinse contre l'Angleterre] que non que le Roy en
+ escripvît au Roy, son Maistre; et que, d'empescher la reddition
+ des deux comtes, de tant que celluy de Mora s'est monstré trop
+ adversaire de la Royne d'Escosse, mal vollontiers le Roy le
+ vouldra requérir, ny de cella ny d'aultre chose, sans toutesfoys
+ que je leur aye reffuzé, ny accordé aussi d'en rien escripre à
+ Leurs Majestez; vray est qu'auparavant il avoit esté desjà donné
+ tout l'ordre qu'on avoit peu [pour envoyer empescher en Escosse
+ que les deux comtes ne soyent rendus].
+
+ L'ambassadeur d'Espaigne a très bonne affection à la religion
+ catholique, et procède fort droictement en tout ce qui est pour
+ l'advancement d'icelle; il fault considérer aussi qu'il peult
+ bien en ces choses estre aultant esmeu du desir qu'il sçayt que
+ le Roy, son Maistre, a de recouvrer l'argent et merchandises de
+ ses subjectz, prinses et arrestées par deçà, et de se vanger des
+ offances receues en cella, et pareillement de celles que le duc
+ d'Alve se sent en particullier fort picqué, pour les indignitez
+ usées à luy mesmes et à ceulx qui sont venuz de sa part, que non
+ de l'intérest de la couronne d'Escosse, ny pour vouloir diminuer
+ la grandeur de celle d'Angleterre, qui est alliée de la maison de
+ Bourgogne; ou bien qu'il cognoist que, si ceste Royne sent que le
+ Roy conviegne avec le Roy d'Espaigne contre elle, qu'elle sera
+ plus facille de se réconcillier avec le duc d'Alve, dont Leurs
+ Majestez Très Chrestiennes adviseront ce qui sera le plus
+ expédiant pour leur service.
+
+ Il est bien certain que, despuys le commancement des différans
+ des Pays Bas, et lors mesmement que le Sr d'Assoleville et puys
+ le Sr Chapin Vitelly sont passez de deçà, que ceste princesse m'a
+ toutjour faict sonder de quelle intention le Roy et la Royne
+ seroient en son endroict, affin de s'accommoder avec celle des
+ parties qu'elle cognoistra luy estre de meilleure disposition; de
+ quoy ayant heu cognoissance, et encores quelque adviz, je me suys
+ conduict de telle façon envers elle, que luy donnant bonne
+ espérance du costé de France, sans luy parler toutesfoys qu'en
+ très bonne et advantaigeuse façon des choses d'Espaigne, je l'ay
+ retenue en quelque dévotion envers Leurs Très Chrestiennes
+ Majestez, et je croy qu'elle s'est de tant monstrée plus
+ difficille et contraire au duc d'Alve.
+
+ Davantaige conférans le dict sieur ambassadeur et moy noz adviz
+ sur la négociation que faict le secrétaire du comte Pallatin en
+ ceste court, il nous a esté raporté à toutz deux qu'il poursuyt
+ argent affin de lever gens en Allemaigne, tant pour envoyer au
+ secours de ceulx de la nouvelle religion en France, que pour fère
+ une descente contre le duc d'Alve aulx Pays Bas; et de tant que
+ le Sr de Lombres, flamant, qui a esté envoyé icy par ceulx de la
+ Rochelle, sollicite vifvement ce fait au nom du prince d'Orange,
+ le dict ambassadeur l'a pour plus suspect, et me presse pour cela
+ fort vifvement que nous veuillons [induyre conjoinctement noz
+ deux Maistres d'entreprendre promptement quelque chose contre ce
+ royaulme], bien que, à propos du dict prince d'Orange, il m'a
+ dict qu'il sçavoit que ce qu'il préparoit en Allemaigne estoit
+ pour retourner en France. Sur quoy luy ayant respondu qu'il
+ n'avoit receu aucune offance du Roy pour le debvoir fère, il m'a
+ seulement demandé si le Roy ne lui avoit pas confisqué son estat
+ qu'il a en France; à quoy je lui ay respondu que ce n'estoit
+ chose qu'il dût tenir en tant, pour en commancer une guerre,
+ quant bien le Roy le luy auroit confisqué: et, là dessus, il m'a
+ faict ung discours comme si l'Allemaigne n'estoit pour plus luy
+ consentyr de retourner à main armée aulx Pays Bas, mais bien de
+ procurer son retour en ses biens par le pardon et bonne grâce du
+ Roy son Seigneur.
+
+
+
+
+LXXXVe DÉPESCHE
+
+--du XXVIIIe jour de janvier 1570.--
+
+(_Envoyée jusques à Callais exprès par Pierre Bordillon._)
+
+ Arrivée de Mr de Montlouet à Londres.--Mission dont il est chargé
+ pour l'Écosse; état des affaires dans ce pays.--Projets du
+ comte de Westmorland, qui prépare une nouvelle prise
+ d'armes.--Avantage remporté en Irlande par mylord
+ Sidney.--Espoir d'Élisabeth que les différends avec les
+ Pays-Bas pourront s'arranger à l'avantage de
+ l'Angleterre.--Préparatifs du duc Casimir qui se dispose à
+ entrer en campagne.--Efforts de l'ambassadeur pour empêcher que
+ des secours d'argent soient donnés aux protestans de la
+ Rochelle.--Réclamation de la république de Venise afin
+ d'obtenir la restitution des prises faites par le capitaine
+ Sores.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je n'avois rien entendu de la venue de Mr de Montlouet, quant,
+le XXe de ce moys, il m'a esté mandé de ceste court qu'il avoit desjà
+passé la mer, et qu'il estoit à Douvres; au quel lieu l'on l'a arresté
+deux jours et demy, sans luy permettre de passer plus avant; et croy
+que c'est le filz de Mr Norrys qui, ayant passé avecques luy, et
+laissé madame de Norrys sa mère à Boulloigne, a advisé les officiers
+de fère ceste difficulté, afin qu'il eust loysir d'en advertir la
+Royne sa Mestresse, laquelle a mandé tout aussitost qu'on le laissât
+venir, monstrant d'estre marrye qu'on l'eust aulcunement retardé. Par
+ainsy, Sire, il est arrivé en ceste ville le XXIIIe, et, le lendemain
+XXIVe, nous avons envoyé à Hamptoncourt, où la dicte Dame est à
+présent, pour demander son audience; laquelle elle nous a incontinent
+accourdée au XXVIe; mais ceulx de son conseil, qui avoient à se
+trouver toute ceste sepmaine en ceste ville pour l'ouverture du terme
+de la justice, la luy ont faicte prolonger jusques à dimanche
+prochain, qui sera le XXIXe; et semble, Sire, que monsieur Norrys ayt
+donné adviz à la dicte Dame que le voyage du dict Sr de Montlouet est
+pour les affères de la Royne d'Escoce, dont elle s'est desjà préparée,
+ainsy que j'entendz, de la responce qu'elle luy doibt fère; et je
+doubte assés qu'elle luy veuille accorder de passeport pour aller en
+Escoce; car, oultre que l'ordinaire souspeçon et jalouzie qu'elle a de
+l'auctorité de Vostre Majesté en ce pays là luy administre assez
+inventions pour y trouver toujour quelque excuse, il luy semblera, à
+ceste heure, qu'elle en ayt une fort aparante pour les troubles
+naguières suscitez en son pays du North, et pour la retrette qu'ont
+faict les chefz et autheurs d'iceulx avec leur cavallerye vers ces
+quartiers de terres débattables d'entre les deux royaulmes; où, à la
+vérité, l'on dict que le comte de Vuesmerland se va refaysant, et
+assemblant une trouppe, qui ne sera moindre de quatre mille chevaulx
+anglois ou escouçoys, lesquels il pourra joindre toutes les foys qu'il
+vouldra, en moins de quatre jours; et le comte de Northomberland n'est
+mal tretté du lord de Lochlevyn, qui, encor qu'il soit beau frère du
+comte de Mora, ne monstre le vouloir randre à la Royne d'Angleterre.
+Néantmoins, ayant le dict Sr de Montlouet et moy desjà heu
+communication avec monsieur l'évesque de Roz, nous n'obmettrons rien
+de tout ce qui se pourra dire et fère, au nom de Vostre Majesté,
+envers ceste Royne, pour la liberté, restitution et advancement de la
+Royne d'Escoce, et pour avoir permission de l'aller veoir, et puys de
+parfère son voyage.
+
+Il est certain que la retrette des comtes de Northomberland et de
+Vuesmerland n'a tant apaysé les troubles du North, que la dicte Royne
+d'Angleterre et les siens ne craignent bien fort qu'il se fasse
+encores une reprinse d'armes, non seulement au mesmes pays du North,
+où l'exécution de tant de pouvres hommes, qu'on y faict mourir, ne
+faict qu'endurcyr et aigrir davantage les aultres, mais aussi en
+plusieurs endroictz de ce royaulme; et que, si ceulx qui se sont
+retirez en Escoce retournent, la seconde entreprinse sera trop plus
+dangereuse que la première. Il est vray que ce pendant la dicte Dame
+se trouve dellivrée de deux aultres grands soucys, l'ung du costé de
+l'Irlande, et l'aultre des Pays Bas; car milord Sideney luy a mandé
+qu'en une course, qu'il a faicte sur les saulvaiges au plus fort de
+l'hyver, lorsqu'ilz s'en doubtoient le moins, il a reprins vingt huict
+lieux fortz sur eulx, et a ramené de prisonniers cent soixante des
+plus principaulx des leurs, de sorte qu'il se promect une briefve et
+fort heureuse yssue de toutz les affères de dellà. Et de Flandres la
+dicte Dame estime avoir ung bien asseuré adviz que les aprestz du duc
+d'Alve contre ce royaulme se vont réfroydissant, et vont estre remiz
+en ung aultre temps; ce qui lui semble estre davantaige confirmé par
+la dilligence que les Srs Espinola et Fiesque font icy d'accommoder le
+faict des deniers et merchandises d'Espaigne, bien fort à l'advantaige
+de la dicte Dame.
+
+Les adviz des aprestz et mouvemens d'Allemaigne continuent en ce que,
+sans aulcun doubte, le duc de Cazimir sera en campaigne avec cinq mil
+chevaulx et huict mil hommes de pied, à la fin de febvrier ou au
+commencement de mars; et que desjà le payement de ses gens pour deux
+moys est consigné, et que le troisiesme moys se payera le jour qu'il
+commencera de marcher. L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a ung
+non guières dissemblable adviz, disant ouvertement que c'est pour
+entrer en France. Néantmoins, son parler monstre qu'il crainct assés
+que ce soit pour descendre en Flandres, de tant que le prince d'Orange
+s'entremect beaulcoup de l'entreprinse, et qu'il a esté devers le
+comte Pallatin à Heldelberc, et puys en poste jusques en Saxe devers
+le duc Auguste; dont le duc d'Alve a mandé haster la levée que luy
+faict le duc de Bronsouyc, affin de garnyr tout à temps le Luxembourg
+de bonnes forces. Tant y a qu'ayant monsieur de Lizy naguières escript
+que, nonobstant les grandes difficultez qu'il avoit trouvées aux
+princes protestans, ilz l'avoient enfin asseuré du secours qu'il leur
+avoit requis, il est à croyre que leur premier effort se fera en
+France pour ceulx de la Rochelle. Le secrétaire du comte Pallatin, et
+ceulx qui sont icy pour le prince d'Orange et pour les dicts de la
+Rochelle, n'ont encore heu résolue responce de ce conseil sur le prest
+des deniers qu'ilz demandent, et ceste Royne s'en excuse bien fort;
+mais ceulx qui ont auctorité près d'elle trouvent moyen que son crédit
+et celluy de son royaulme y peuvent estre de telle façon employez,
+sans qu'il luy coste rien, que desjà les aultres s'asseurent de tirer
+de cest endroict cinquante mil escuz; mais ilz incistent à plus grand
+somme jusques à cent cinquante mille, non sans espérance de l'obtenir,
+pourveu qu'il n'y aille rien de la bource de la dicte Dame; et ceulx
+qui mesurent les finances, dont l'on peult avoir quelque notice qu'ilz
+pourront fère estat ceste année, disent que c'est de cinq à six centz
+mil escuz. Je mettray peyne de les empescher de ce costé le plus qu'il
+me sera possible.
+
+Les Seigneurs Magniffiques de la Seigneurie de Venize, qui sont icy,
+ont obtenu lettres de ceste Royne fort expresses à la Royne de Navarre
+pour le recouvrement de leurs vaysseaulx et merchandises, et m'ont
+prié de bailler mon passeport à l'ung d'entre eulx, qui les est allé
+présenter, affin que si, pour le temps, il estoit contrainct de
+relascher en France, ou qu'il fût rencontré par aulcuns navyres de
+guerres de Vostre Majesté en la mer, il puisse tesmoigner de la juste
+occasion de son voyage au dict lieu de la Rochelle. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVIIIe jour de janvier 1570.
+
+
+
+
+LXXXVIe DÉPESCHE
+
+--du IIe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyée par Guillaume de La Porte exprès jusques à Calais._)
+
+Audience accordée par la reine d'Angleterre à Mr de Montlouet et à
+l'ambassadeur.--Reproche fait par Élisabeth à la reine d'Écosse
+d'avoir favorisé la révolte du Nord.--Crainte qu'il ne soit permis à
+Mr de Montlouet ni d'accomplir sa mission vers Marie Stuart, ni de se
+rendre en Écosse.--Nouvelle de la mort du comte de Murray; mesures
+prises par Élisabeth pour conserver son influence en Écosse, malgré
+cet évènement.--Vives instances faites par les protestans de France
+pour obtenir en Angleterre des secours d'hommes et d'argent.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, deux jours après ma précédante dépesche, laquelle est du XXVIIe
+du passé, nous avons esté à Hamptoncourt devers la Royne d'Angleterre,
+à laquelle Mr de Montlouet a présenté voz lettres et reccomendations,
+et luy a d'une fort bonne et agréable façon récitté le contenu de sa
+charge, sans rien obmettre de ce qui a esté requis pour dignement luy
+porter la parolle, et la créance de Voz Majestez, et pour luy faire
+bien expressément entendre vostre intention sur le faict de la Royne
+d'Escoce: en quoy la dicte Dame a monstré que la matière luy estoit de
+bien grande conséquence, mais qu'elle n'estoit encores en guières de
+disposition d'y entendre pour des occasions, qu'elle a faict semblant
+d'avoir descouvertes de nouveau contre la Royne d'Escoce et contre
+l'évesque de Roz, d'aulcunes leurs menées avec le comte de
+Northomberland sur les derniers troubles du North; et n'a toutesfoys
+layssé de donner des responses pleynes à la vérité d'indignation
+envers la dicte Royne d'Escoce, mais de quelque respect envers Voz
+Majestez Très Chrestiennes, et s'est réservée d'en bailler, dans trois
+ou quatre jours, de plus amples après qu'elle aura heu le loysir d'y
+penser.
+
+Le dict sieur de Montlouet luy a faict des remonstrances et
+réplicques, fort convenables à ce propos, avec instance de luy
+permettre de visiter la dicte Dame de vostre part, et de passer, puys
+après, jusques à ses subjectz, pour aulcunes bonnes occasions que Voz
+Majestez le dépeschent devers elle et devers eulx. A quoy j'ay adjouté
+ce que j'ay estimé convenir à ceste négociation, sellon celle que j'ay
+assés continuée jusques icy de ce faict, et sellon les advertissemens
+du dict Sr évesque de Roz; mais la dicte Dame a remis de respondre au
+tout, après qu'elle y aura pensé.
+
+Cependant elle a couppé assés court le dict propos, comme si elle s'en
+trouvoit pressée, pour demander curieusement des nouvelles de Voz
+Majestez et de celles de la paix. A quoy le dict Sr de Montlouet luy a
+amplement satisfaict; dont, des propos qu'elle luy a tenuz et de ses
+responses, et pareillement de ce qu'elle luy a dict sur le faict de
+la fille de Mad{e} de Mouy et sur ce que Mr de La Meilleraye vous
+avoit escript des désordres qui continuent encores en la mer, je
+laisse au dict Sr de Montlouet de le vous fère bientost entendre par
+luy mesmes, s'il ne va plus avant; ainsy qu'il semble qu'à grand
+difficulté le luy vouldra l'on permettre, ou bien de le vous escripre,
+si, d'advanture, il accomplit son voyage.
+
+Et seulement adjouxteray icy, Sire, ce que la dicte Dame nous a dict
+de la mort du comte de Mora, comme en passant par une rue, en la ville
+de Lithquo, il a esté tué d'ung coup de pistollé, avec quatre balles
+au travers du corps, par le fils du chérif du dict lieu, lequel est
+des Amelthons, qui s'est despuys saulvé[2]. Duquel coup la dicte Dame
+n'a peu dissimuler le regrect qu'elle y avoit, ce qui la nous a
+(sellon mon adviz) randue moins bien disposée en ceste première
+audience, sentant possible debvoir advenir beaulcoup de mutation de
+ceste mort ez choses d'Escoce, et, possible, beaucoup en celles de
+toute l'isle; dont a dépesché en dilligence le Sr Randol par dellà
+pour deux occasions principallement; l'une, affin de solliciter
+l'eslection d'ung aultre régent, qui soit de mesmes disposition envers
+elle qu'estoit le dict de Mora; et l'aultre, pour empescher que le
+comte de Northomberland ne soit mis en liberté sur ce changement, et
+fère beaulcoup d'offres et promesses là dessus.
+
+ [2] Cet évènement arriva en plein jour, le 23 janvier 1570, au
+ moment où le régent traversait la petite ville de Linlithgow, à
+ dix-sept milles d'Édimbourg. Jacques Hamilton de Bothwell-Haugh,
+ qui se vengea par ce meurtre des relations que Murray avait
+ entretenues avec sa femme, trouva moyen de s'échapper et de se
+ réfugier en France.
+
+Ung certain capitaine alleman, nommé Oulfan d'Arnac, est despuys
+naguières arrivé de la Rochelle; par la venue duquel le jeune comte de
+Mensfelt haste son partement; et toutz deux sont pretz de s'embarquer
+pour passer en Allemaigne, affin de se trouver bientost avec le
+Cazimir; lequel ilz cuydent se debvoir, dans peu de jours, mettre en
+campaigne; et cependant la subvention des esglizes protestantes de ce
+royaulme commence à se lever ainsy que je l'avois desjà préveu, et
+possible que par mes premières, je vous pourray mander combien elle se
+montera. Sur ce, etc.
+
+ Ce IIe jour de febvrier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ayant la Royne d'Angleterre remiz à fère, d'icy à quatre
+jours, responce à Mr de Montlouet et à moy sur les choses qu'il luy a
+proposées de la part de Voz Majestez, il n'y auroit guières lieu de
+vous dépescher ce pacquet jusques alors, n'estoit la nouvelle qui
+cependant est survenue de la mort du comte de Mora; laquelle je ne
+vous veulx aulcunement retarder, pour l'aparance qu'il y a que
+d'icelle ayt à naistre bientost beaulcoup de nouvelletez en Escoce, et
+possible assés de mutation ez choses de ce royaulme, où ce coup se
+faict desjà tant sentyr, qu'il semble qu'en la court, et par tout le
+pays, ung chacun en soit bien fort esmeu; et n'a la dicte Royne
+d'Angleterre, après l'avoir sceu, différé que bien peu d'heures de
+dépescher Randolf en Escoce, pour fère en toutes sortes qu'on y
+substitue ung aultre régent, qui soit pour persévérer aulx mesmes
+trettez qu'elle avoit avecques le deffunct, avec offres d'argent et de
+forces pour meintenir l'authorité de celluy qui le sera, et pour
+empescher que aulcuns estrangiers puissent estre appellez contre luy
+dans le pays; dont aulcuns estiment que le frère du dict de Mora
+tiendra meintenant ce lieu. En quoy Vostre Majesté considèrera, au cas
+que Mr de Montlouet n'ayt permission de passer jusques en Escosse par
+terre, s'il sera expédiant d'y dépescher ung aultre par mer, qui y
+puisse arriver avant que les choses y soient establyes à la dévotion
+des adversaires de la dicte Royne d'Escoce. L'on a adviz icy que
+Dombertrand a esté avitaillé par deux navyres françoys, dont ne fault
+doubter que le party de la dicte Dame ne s'en trouve grandement
+confirmé dans le pays, et je sçay qu'il en faict grand mal au cueur à
+plusieurs en ceste court. Sur ce, etc.
+
+ Ce IIe jour de febvrier 1570.
+
+
+
+
+LXXXVIIe DÉPESCHE
+
+--du Xe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyée par Mr de Montlouet s'en retornant devers le Roy._)
+
+Nouvelle audience accordée à Mr de Montlouet.--Refus fait par
+Élisabeth de lui donner passage.--Motifs qui ont dû l'engager à
+prendre ce parti.--Arrestation de l'évêque de Ross.--Protestation
+de la reine d'Angleterre qu'elle veut se maintenir en paix avec
+le roi, et qu'elle ne donnera aucun secours à ceux de la
+Rochelle.--Préparatifs faits en Angleterre contre l'Écosse.--Nécessité
+d'envoyer sans retard, par mer, un député en Écosse, et de ne rien
+négliger pour arrêter l'exécution des projets des Anglais.--_Note_
+remise à Mr de Montlouet sur l'état général des affaires d'Angleterre
+et d'Écosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ayant la Royne d'Angleterre, au boult de huict jours, faict
+entendre à Mr de Montlouet et à moy, avec quelque aparat, en présence
+de unze seigneurs de son conseil, touchant les affères de la Royne
+d'Escoce, que de laysser passer le dict Sr de Montlouet jusques au
+lieu où est la dicte Dame, et puys de là en Escoce, elle ne le pouvoit
+meintennant en façon du monde consentyr, pour des occasions,
+lesquelles, si eussent esté bien sceues, lorsqu'il fut dépesché, elle
+s'assure que Vostre Majesté ne luy eust donné charge d'y aller; et que
+de la seurté de la dicte Dame Vostre Majesté pouvoit croyre que, quand
+la dicte Royne d'Escoce auroit bien machiné de la fère tuer à elle
+d'ung coup de haquebutte, elle pourtant ne consentyroit jamais qu'on
+touchât ny à sa vie, ny à sa personne; et que de son bon trettement
+elle le luy fesoit fère tel et à telz frays qu'elle sçayt que l'Escoce
+ne seroit pour y fornyr de mesmes. Au regard de sa plus grande liberté
+et restitution à sa couronne, qu'encor qu'elle n'eust à rendre compte
+qu'à Dieu seul de ses actions en cella, elle néantmoins les vous
+feroit entendre par son ambassadeur, ou par ung gentilhomme exprès,
+avec espérance, que vous les trouverez si équitables, que dorsenavant
+vous ne seriez tant pour la dicte Royne d'Escoce, que vous ne fussiez
+aussi pour elle; et de tout ce que, avec ung bien long et préparé
+discours et avec plusieurs démonstrations, elle a desduict là dessus,
+le dict Sr de Montlouet le saura trop mieulx représanter à Voz
+Majestez que je ne le vous sçaurois escripre, vous pouvant asseurer,
+Sire, qu'il a si vifvement répliqué et tant fermement incisté à la
+dicte Dame sur toutz les poinctz de l'instruction, que Vostre Majesté
+luy avoit baillée, qu'il ne s'y peult rien desirer davantaige. Et j'ay
+adjouxté ce que j'ay peu de plus exprès pour la presser de luy fère
+meilleure responce; mais le mariage du duc de Norfolc et l'ellévation
+du North lui sont deux offances si rescentes, lesquelles elle impute à
+la dicte Dame, et la mort du comte de Mora les luy a tant rafreschies,
+que nulle sorte d'apareil y peult encores estre bonne; mesmes, sur ce
+dernier courroux de la mort du comte de Mora, elle a faict resserrer
+l'évesque de Roz ez mains de l'évesque de Londres, qui sont deux fort
+différantz personnages, en meurs et en religion, l'ung de l'autre;
+dont semble qu'il fault qu'avec le temps vienne le remède de ce mal.
+
+Je laisse au dict Sr de Montlouet de vous dire le contantement que la
+dicte Royne d'Angleterre à monstré avoir de ce que Voz Majestez Très
+Chrestiennes se sont vollues conjouyr avecques elle sur la
+paciffication des troubles de son royaulme, et les bonnes parolles
+qu'elle a dictes en cella, qui toutjour en use de fort bonnes ez
+choses qui luy sont proposées de Voz Majestez, sinon en ce qu'on luy
+touche de la Royne d'Escoce; et vous dira pareillement les promesses,
+qu'elle nous a faictes, de n'assister en aulcune sorte à ceulx de la
+Rochelle contre Vostre Majesté et sur ce, etc.
+
+ Ce Xe jour de febvrier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, il n'a tenu ny à soing, ny à dilligence, ny à fère bien
+dignement et expressément entendre, par Mr de Montlouet, à la Royne
+d'Angleterre les choses de sa charge, ny encores à les avoir bien
+préparées et sollicitées par Mr de Roz et par moy, aultant qu'il nous
+a esté possible, que le dict Sr de Montlouet ne raporte une meilleure
+responce qu'il ne faict sur les affères de la Royne d'Escoce; mais le
+mariage du duc de Norfolc et l'ellévation du North y font ung très
+grand obstacle et, possible, y en faict davantaige la mort, naguières
+survenue, du comte de Mora; laquelle la dicte dame et ceulx de son
+conseil, qui sont protestantz, monstroient de la prendre plus à cueur
+que nul aultre accident qui leur eust peu advenir, et sont après à
+fère plusieurs grandz et nouveaulx desseings là dessus; dont desjà ont
+mandé renforcer bien fort la garnyson de Barvich, et crains assés
+qu'ilz veuillent dresser, du premier jour, armée pour l'envoyer par
+dellà, comme j'en ay quelque sentyment; laquelle survenant en la
+division, où est à croyre que ce royaulme se trouve meintennant, elle
+sera pour y fère des effectz, qui seront, par avanture, dommaigables à
+l'advenir; dont je perciste en ce que, par mes précédantes, j'ay
+escript que, ne voulant ceste Royne permettre que le Roy et Vous y
+puissiez envoyer quelqu'un des vostres par terre, qu'il sera bon que y
+dépeschiez promptement ung personnaige de bonne qualité par mer, qui
+soit pour moyenner et establyr, avec vostre auctorité, une bonne
+concorde entre les seigneurs du pays; et les bien disposer de résister
+aux estrangiers, et y relever le nom de leur Royne; en quoy semble
+aussi, si Voz Majestez n'y peuvent pour ceste heure envoyer forces,
+qu'il sera fort à propos que envoyez au moins quelques capitaines, et
+gens d'entendement et de valleur, qui les saichent bien conduyre. Sur
+ce, etc.
+
+ Ce Xe jour de febvrier 1570.
+
+CE QUI S'ENSUIT a esté baillé à Mr de Montlouet pour luy servyr de
+mémoyre.
+
+De la communicquation que Mr de Montlouet et moy avons heu ensemble,
+touchant ses deux instructions, il se pourra servyr de l'ordre
+d'icelles comme d'ung mémoire, pour tout ce que je luy ay dict sur ung
+chacun article, affin d'en satisfère Leurs Majestez.
+
+Et l'extraict de la lettre, que j'escriptz au Roy, s'il luy playt de
+l'emporter, sera pour nous conformer l'ung à l'aultre ez choses que la
+Royne d'Angleterre nous a respondues sur le faict de la Royne
+d'Escoce.
+
+De la continuation de la paix;--Il pourra dire que la Royne
+d'Angleterre monstre d'y vouloir persévérer, et semble que ceulx de la
+Rochelle ne tireront d'elle aulcun manifeste secours; mais ne fault
+doubter que, par moyens secrects et soubz aultres prétextes, les siens
+ne les accomodent, par mer et en Allemaigne, aultant que, sans mettre
+leur Mestresse à la guerre, ilz le pourront fère.
+
+Le jeune comte de Mensfelt est desjà embarqué, lequel anticipe de deux
+moys son partement, parce que, par ung navyre venu du North, l'on a
+sceu que ceste année la mer n'a point gelé; et va descendre en
+Hendein, dont s'estime qu'à son arrivée en Allemaigne, avec les
+responces et lettres de crédict d'icy, le Cazimir et le prince
+d'Orange se mettront incontinent en campaigne. Les dictes lettres, à
+ce qu'on dict, sont pour trente mil livres esterlin en tout, c'est
+cent mil escuz, ce que je n'ay encores bien vériffié.
+
+De l'estat des affères de la Royne d'Escoce et du duc de
+Norfolc;--J'ay monstré à Mr de Montlouet aulcunes petites lettres, qui
+tesmoignent ce qui en est, et ce qu'ung chacun d'eulx espère
+particullièrement pour soy, et ce que l'ung espère pour l'aultre.
+
+Et pareillement ce qu'elle, pour son regard, espère du secours de
+Flandres, et l'instance qu'elle en faict, et ce que luy espère de
+celluy de France, et comme il presse de le haster.
+
+L'estat des choses d'Escoce.--Ledinthon et milor Herys, hors de
+pryson, ont relevé avec les principaulx de la noblesse le nom et
+tiltre de leur Royne.--Le duc de Chastellerault encores
+prisonnier.--Le comte de Morthon et Lendzey ont juré la vengeance de
+la mort du comte de Mora.--S'entend que le comte de Northomberland est
+en liberté. Celluy de Vuesmerland a couru jusques sur quelque garnyson
+d'Angleterre et l'a surprinse.
+
+La Royne d'Angleterre semble vouloir préparer une armée. Je n'ay
+poinct argument que ce soit contre la France, sinon par aulcuns adviz
+de l'année passée que une descente d'Anglois en Picardie doibt
+concourir, quant le Cazimir conduyra son armée vers ce quartier là,
+ayant promiz de s'employer à la reconqueste de Callays pour la dicte
+Dame; à quoy, à toutes advantures, Leurs Majestez feront prendre
+garde.
+
+La plus grand opinion est que ce sera pour aller en Escoce, affin d'y
+establyr le comte de Morthon régent, ou bien fère intervenir le comte
+de Lenoz au gouvernement de l'estat, et de la personne du prince son
+petit filz; et le maintenir comme son subject en ce sien droict, par
+toutz les moyens qu'elle pourra, ou bien pour se saysir, si elle
+peult, du dict petit prince et le transporter en Angleterre; et,
+possible, pour y fère quelque conqueste; et, en monstrant de vouloir
+appeller à la succession de son royaulme le dict petit prince, se
+saysir cependant des deux, le tout par prétexte d'aller contre ses
+rebelles du North, qui se sont retirez au dict pays.
+
+La détention de l'évesque de Roz et des aultres seigneurs catholiques
+porte grand empeschement à ma négociation de la liberté et
+eslargissement; desquelz ne se parle ung seul mot.
+
+Des différandz des Pays Bas, et ce que Espinola et Fiesque en trettent
+d'ung costé, et ce que l'ambassadeur et Anthoneda en trettent de
+l'aultre, pareillement ce que Cecille cerche d'en fère mettre en avant
+par le Sr Ridolfy, et la remonstrance que j'ay faict au dict
+ambassadeur pour empescher l'accord des deniers.
+
+Du Sr Chapin Vitel.
+
+De ce que Leguens a mandé.
+
+De fère administrer justice en Bretaigne aulx Angloys.
+
+Au cas que la Royne d'Escoce se veuille retirer en France, me mander
+si Leurs Majestez l'auront agréable, et qu'est ce que j'auray à fère,
+si elle entreprend de passer en Flandres.
+
+Parler à Monsieur le duc de la pleincte que ceulx ci font qu'on
+retarde par trop à Paris les passeportz à leur ambassadeur.
+
+
+
+
+LXXXVIIIe DÉPESCHE
+
+--du XIIIe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais, par Olyvier Cambernon._)
+
+Efforts faits en Angleterre pour obtenir le consentement de l'Espagne,
+afin de disposer des deniers saisis et déposés à la Tour.--Intérêt du
+roi à l'empêcher pour que cet argent ne serve pas à faire des levées
+d'hommes contre la France.--Affaires d'Écosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, les choses que Mr de Montlouet a vues, et entendues icy, et
+celles dont nous avons heu communication ensemble, il les sçaura si
+bien représenter à Voz Majestez, que je n'entreprendray de vous en
+toucher icy ung seul mot; seulement je vous diray, Sire, touchant
+celles qui sont venues à ma cognoissance, despuys qu'il est party, que
+le voyage qu'il sçayt que Mr le cardinal de Chatillon a faict à
+Hamptoncourt, le jour de caresme prenant, a esté pour deux occasions;
+l'une, pour prier la Royne d'Angleterre de permettre à Rouvrey, lequel
+par fortune de temps est arrivé mallade et blessé à Grènezé, qu'il y
+puisse demeurer quelque moys pour se guéryr, nonobstant l'estroicte
+deffance qu'il y a de n'y souffrir aulcun estrangier, ce qu'il a
+facillement obtenu; et l'aultre occasion est pour très instemment
+prier la dicte Dame, avec les ambassadeurs des princes protestans, et
+avec ceulx, qui naguières sont venuz de la Rochelle, qu'elle veuille
+acquiter, à ce prochain mars, certaine portion d'ung sien debte
+qu'elle a promiz de payer en Allemaigne, affin qu'ilz s'en puyssent
+ayder à fère leurs levées, prenant sur eulx la dicte portion du
+principal avec les intérestz _pro rata_. Mais à cecy la dicte Dame a
+respondu qu'elle avoit meintenant tant d'affères en son royaume,
+qu'elle estoit pour entrer plus tost en nouveaulx empruntz que de
+payer les vieulx debtes, et qu'il n'estoit possible qu'elle entendît à
+faire aulcun payement, si elle ne s'aydoit des deniers d'Espaigne,
+ausquelz elle n'avoit encores touché, attendant qu'il s'y fît quelque
+bon accord. Sur quoy, se trouvant que Espinola et Fiesque avoient miz
+en avant une composition au nom des merchans, de laysser les dicts
+deniers à la dicte Dame, jusques à l'entier accord des différans des
+Pays Bas, à intérest de dix pour cent pour l'advenir, sans payer rien
+du passé, et baillant seulement la chambre de Londres et mestre
+Grassein pour respondans, tant du principal que des dictz intérestz,
+il se faict une extrême sollicitation que cella s'effectue; et je
+inciste, de tout ce qu'il m'est possible envers l'ambassadeur
+d'Espaigne, qu'il le veuille empescher, luy remonstrant que ce sera
+accommoder d'aultant ceulx qui vous mènent la guerre en vostre
+royaulme, lesquelz se prévauldront de ces deniers; et il sçayt combien
+il y court un grand préjudice pour son Mestre: à quoy il m'a promis de
+fère tout ce qu'il pourra pour l'interrompre, mais il creinct que
+Albornoz, secrétaire du duc d'Alve, tienne la main à cella pour
+l'amytié qu'il a avec les dicts Espinola et Fiesque, ou pour avoir
+receu d'eulx un présent de douze ou quinze mil escuz, ainsy qu'on dict
+qu'ilz en offrent icy ung aultre de cinquante mil escuz au comte de
+Lestre et de vingt mil à Cecille. Mais je ne puys croyre que les dicts
+Espinola, Fiesque et Albornoz mènent ung tel faict, qui touche
+grandement l'intérest du Roy d'Espaigne, duquel ilz sont subjectz, et
+bien fort sa réputation et celle du duc d'Alve, pareillement
+l'offance de son ambassadeur, icy résidant, et des aultres deux
+ambassadeurs qui, à diverses foys, y ont esté envoyez, ensemble celle
+qui a esté faicte à leurs navyres, à leurs subjectz et merchandises,
+sans que le dict Roy Catholique et le duc d'Alve y soient consentans.
+Et j'ay freschement heu adviz, assés conforme à ce que j'ay dict au
+dict Sr de Montlouet, que l'on est après de tirer le Roy d'Espaigne
+hors de l'obligation des merchans, et du risque des dicts deniers; et
+qu'avec cella, il dissimulera pour ceste foys tout le reste, dont
+semble estre fort requis, Sire, que Vostre Majesté face instamment
+requérir le dict duc d'Alve de ne souffrir que les dicts deniers
+soyent ainsy délayssez à la dicte Dame par la composition des
+merchans; car, s'il s'y oppose, la dicte Dame n'y ozera toucher, et,
+aultrement, il est tout certain qu'il en sera envoyé une partie en
+Allemaigne pour fère les levées; vous suppliant très humblement, Sire,
+me pardonner, si je vous oze dire que, au poinct où vous et vos
+affères se retrouvent meintenant, une telle chose n'est aulcunement
+tollérable au dict duc d'Alve.
+
+Au surplus, il semble que ceste Royne et les siens se veuillent
+bientost résouldre à l'entreprinse des choses d'Escoce; car ils sont
+toutz les jours à consulter là dessus, dont je mettray peyne de
+descouvrir, aultant qu'il me sera possible, leurs dellibérations, et
+de fère que les partisans de la Royne d'Escoce par dellà en soyent
+advertys; et suys toutjours d'adviz, Sire, que debvez envoyer
+promptement ung ou deux personnaiges de bonne qualité par dellà pour
+confirmer le pays à vostre dévotion, ainsy que ceulx cy y dépeschent
+de leur part aulcuns de leur conseil, pour le disposer, s'ilz peuvent,
+à la leur; et cependant j'ay advyz qu'ilz ont mandé armer promptement
+deux grandz navyres à Bristo, et mettre cent cinquante bons hommes
+dessus, pour surprendre les deux navyres françoys qui sont allez
+avitailler Dombertran, ainsy qu'ilz s'en retourneront. A quoy Vostre
+Majesté advisera du remède qui s'y pourra donner. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour de febvrier 1570.
+
+
+
+
+LXXXIXe DÉPESCHE
+
+--du XVIIe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyée par Joz, mon secrétaire, exprès jusques à la court._)
+
+Nécessité de se prémunir en France contre l'expédition qui se prépare
+en Allemagne.--Secours d'argent et de munitions que l'on se dispose à
+envoyer d'Angleterre à la Rochelle.--État des affaires en Écosse après
+le meurtre du comte de Murray.--Armement fait à Londres que l'on
+pourrait craindre de voir diriger contre Calais.--Divisions qui se
+continuent entre les seigneurs d'Angleterre.--Offre faite au roi de la
+part d'un seigneur anglais.--_Mémoire_ sur les affaires générales
+d'Angleterre et d'Écosse.--Regret éprouvé par Élisabeth de la mort de
+Murray.--Dispositions prises en Angleterre pour mettre le royaume en
+état de défense, et fournir de l'argent aux protestants de France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ayant miz peyne de vériffier l'adviz que, par mes précédantes,
+du XIIIe du présent, je vous ay mandé touchant certains deniers, qu'on
+presse la Royne d'Angleterre de fornyr en Allemaigne sur l'acquit de
+ses debtes, afin que les princes protestans s'en puyssent accommoder
+au payement de leurs levées, je tiens pour asseuré, (nonobstant que la
+dicte Dame et les siens facent démonstration toute au contraire, et
+que Mr l'ambassadeur d'Espaigne, qui n'a moins suspect en cest
+endroict ce qui s'en pourchasse au nom du prince d'Orange, que moy la
+sollicitation de ceulx de la Rochelle, n'en ayt encores rien
+descouvert,) que néantmoins la chose est desjà toute conclue, ainsy
+que j'ay baillé, par instruction, à ce mien secrétaire, de le fère
+particullièrement entendre à Voz Majestez; et semble, Sire, que ne
+debvez plus demeurer sur le doubte si les Allemans descendront ou non,
+mais vous préparer comme pour leur résister et pour leur empescher
+l'entrée de vostre royaulme; à laquelle dellibération, de fornyr
+deniers, j'entans que la dicte Dame a beaulcoup résisté, comme celle
+qui ne s'en vouloit auculnement despourvoir; mais elle n'a sceu
+comment enfin s'excuser de n'acquicter son debte et fère tout ensemble
+playsir à ses amys, sans qu'il luy coste que la seule advance de
+l'argent qu'elle doibt, dont elle demeure quiete; et néantmoins luy
+sera dans quelques moys rembourcé. J'ay d'ailleurs envoyé
+soigneusement enquérir, par les portz de ce royaulme, s'il y auroit
+aulcun congé, ou permission, d'enlever pouldres et monitions pour la
+Rochelle; et m'a l'on raporté qu'à la vérité il n'y a nulle expresse
+permission de cella, mais qu'aulcuns merchans ont bien achapté
+secrectement des bledz et des chairs en ce pays, et ont faict venir de
+Nuremberg, de Hembourg et d'Anvers, des pouldres, des armes, des
+beuffles et choses semblables pour les envoyer à la Rochelle, afin de
+faire leur profict; à quoy j'essaye bien de les empêcher, mais ils
+nyent que ce soit pour la Rochelle; néantmoins j'ay adverty ceulx de
+ce conseil que Vostre Majesté déclairera de bonne prinse tous les
+vaysseaulx qu'on trouvera retournans du dict lieu. Les choses
+d'Escoce se racontent en diverses façons, mais l'on tient pour la plus
+vraye que le comte de Morthon s'est vollu ingérer au gouvernement du
+pays en qualité de régent; et que plusieurs des grandz s'y sont
+opposés, et ont si bien relevé le nom de leur Royne que son auctorité
+y est pour ceste heure la plus recogneue; et que le duc de
+Chatellerault est encores prisonnier et resserré davantaige pour la
+souspeçon du murtre du comte de Mora; que Ledinthon est hors de
+pryson; que les principaulx des deux factions ont convenu de laysser
+courir, pour ceste heure, le seul exercisse de la religion nouvelle
+dans le pays, et que pour l'establissement des affères l'on assemblera
+les Estatz, où s'espère que le retour et restablissement de leur Royne
+sera requiz.
+
+J'entans que ceulx cy arment plus de vaysseaulx que les deux que j'ay
+mandé par mes précédantes, tout au long de la coste d'ouest, pour
+garder que nulz navyres estrangiers puissent aller ny venir en Escoce,
+espéciallement à Dombertran. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIe jour de febvrier 1570.
+
+ Je viens, tout à ceste heure, d'estre adverty que ceulx cy sont
+ après à ordonner ung grand armement des navyres de guerre de
+ ceste Royne et aultres de ce royaume, pour une grande
+ entreprinse, qu'ilz veulent exécuter avec intelligence du prince
+ d'Orange, qui les doibt ayder de ses vaysseaulx qu'il a en mer,
+ sous la charge du Sr de Olain et du bastard de Briderode; et
+ espèrent aussi se prévaloir de ceulx de la Rochelle. Aulcuns
+ soupeçonnent que ce soit sur Callais, dont j'ay réouvert le
+ pacquet pour y adjouxter cest article, encor que je ne l'aye plus
+ avant vériffié. J'ay aussi présentement receu les deux dépesches
+ de Vostre Majesté, du XXVIIe du passé et du sixiesme d'estuy cy,
+ par un mesme courrier, sur lesquelles je verray bientost ceste
+ Royne, et ne changeray rien pour la venue d'icelles en ceste
+ dépesche.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+=Chiffre.=--[Madame, la division continue toutjour en ce royaume, et le
+malcontantement croyt de plus en plus ez cueurs des principaulx et des
+Catholiques, parce que les gouverneurs, qui sont des moindres et toutz
+protestans, procèdent insolentement contre eulx; dont ne peult estre
+que bientost l'altération ne s'en monstre bien grande, et que la cause
+de la religion, celle de la Royne d'Escoce, celle des seigneurs
+prisonniers, et encores celle de l'incertaine succession de ce
+royaulme, qui ont chacune leurs partisans, ne produyse de divers
+effectz; en quoy je mettray peyne de tenir le nom du Roy le plus
+relevé que je pourray, et qu'il n'y en ayt point de plus respecté que
+le sien.
+
+X.... m'est venu trouver, sur les dix heures de nuict, pour me dire
+que, s'il playt au Roy de le recepvoir, il passera très vollontiers à
+son service, avec une si bonne entreprinse en main que, quant Sa
+Majesté la vouldra exécuter, il la trouvera très utille pour sa
+grandeur, adjouxtant plusieurs occasions de son malcontantement et de
+celluy des principaulx seigneurs de ce royaulme. Sur quoy, ne saichant
+s'il venoit pour m'essayer, j'ay respondu que je ne sçavois que le Roy
+eust aultre intention que fort bonne à l'entretennement de la paix
+avec la Royne d'Angleterre et avec son royaulme; mais, parce que
+toutes ses prétencions et desirs ne me pouvoient estre cognuz, je ne
+fauldrois de l'advertir de ce qu'il me disoit, et qu'il pouvoit bien
+considérer que Sa Majesté avoit à se douloir, aussi bien que luy, de
+ceulx qui gouvernoient en ce royaume; et qu'à ceste occasion il le
+pourroit bien accepter et l'employer à s'en revencher ensemble; dont
+il m'a dict qu'il viendra, dans quelque temps, sçavoir la responce que
+Vostre Majesté m'aura faicte]. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIe jour de febvrier 1570.
+
+ INSTRUCTION AU SR DE JOS de ce qu'il aura à dire à Leurs
+ Majestez, oultre le contenu de la dépesche.
+
+ Ainsy que la Royne d'Angleterre estoit après à esteindre les
+ troubles du North, et à pourvoir qu'ilz ne se peussent plus
+ rallumer; et qu'elle faisoit estat, que d'Escoce, d'où elle heut
+ heu le plus à se doubter, ne luy viendroit que toute faveur et
+ assistance, tant que le comte de Mora y commanderoit, mesmes
+ qu'il tenoit le comte de Northumberland en ses mains; et ne
+ cerchoit sinon comme elle et luy pourroient concourre en ung
+ mesme intérest contre la restitution de la Royne d'Escoce; il
+ n'est pas à croire combien la dicte Dame a vifvement senty la
+ mort du dict de Mora.
+
+ Pour laquelle, s'estant enfermée dans sa chambre, elle a escryé,
+ avecques larmes, qu'elle avoit perdu le meilleur et le plus
+ utille amy, qu'elle eut au monde, pour l'ayder à se meintenir et
+ conserver en repos, et en a prins ung si grand ennuy que le comte
+ de Lestre a esté contrainct de luy dire, qu'elle faisoit tort à
+ sa grandeur de monstrer que sa seurté et celle de son estat
+ eussent à dépendre d'ung homme seul.
+
+ Et parce que l'avitaillement de Dombertran, la venue de Mr de
+ Montlouet, quelque course du comte de Vuesmerland sur la
+ frontière, et la retrette d'aulcuns Anglois en Escoce, sont
+ advenues en mesme temps, la dicte Dame et ceulx de son conseil
+ sont entrez en grand opinion que les Catholiques de ce pays, avec
+ l'intelligence des estrangiers, ayent mené ceste practique, et
+ qu'il y ayt bien d'aultres entreprinses en campaigne.
+
+ Et mesme l'on s'esforce de randre suspect à la dicte Dame le
+ propos de la paix de France, comme si, la faisant, l'on debvoit
+ incontinent luy déclairer la guerre; ce que toutesfoys elle ne se
+ veult ayséement persuader, et pourtant ne peult laysser de la
+ desirer, pourveu qu'il ne s'y conclue rien contre elle, ny trop
+ au désadvantaige de sa religion; affin qu'elle demeure deschargée
+ de tant de demandes et importunités qu'on luy faict pour
+ l'entretennement de ceste guerre.
+
+ Mais parce qu'aulcuns luy remonstrent que des exploicts de ceste
+ année a de résulter l'establissement ou la ruine de sa dicte
+ religion, et pareillement le repos ou l'altération de son estat,
+ car ilz conjoignent l'ung avecques l'aultre, j'entendz que la
+ dicte Dame et ceulx de son conseil ont desjà résolu la plus part
+ des choses qu'ilz estiment estre besoing d'y pourvoir, desquelles
+ j'ay sceu en premier lieu:
+
+ Qu'ilz ordonnent de continuer la description des forces, que j'ay
+ cy devant mandées, de quatre vingtz dix mil hommes de pied et
+ trente mil chevaux, en trois endroictz de ce royaulme; et que la
+ charge en sera principallement commise aulx Protestans, et qu'on
+ regardera de si près aux Catholiques, qu'on ne leur permettra de
+ se trouver plus de six ensemble, sur peyne de pryson: que les
+ seigneurs, qui sont dettenuz, seront resserrez davantaige, et
+ sera continué d'enquérir contre eulx, mesme a esté parlé de
+ _convoquer ung parlement_ pour trois occasions seulement; l'une,
+ pour avoir deniers; et l'aultre, pour déclairer criminels de lèze
+ majesté ceulx qui se sont ellevez, et leurs adhérans, affin de
+ procéder à leur confiscation; et la troisième, pour confirmer les
+ décrectz de leur religion. Mais de peur que le dict parlement ne
+ veuille toucher à d'aultres choses, il n'est encores résolu de le
+ convoquer; et est, en toutes sortes, si rigoureusement procédé
+ contre les dicts Catholiques, qu'ilz vivent en grand frayeur,
+ dont les Protestans, qui ont toute l'auctorité, pensent que par
+ ce moyen ilz les pourront contenir.
+
+ Pour le regard des choses d'Escoce, ayantz faict passer le
+ mareschal de Barvich, et ung capitaine de la mesme garnyson, au
+ dict pays, incontinent qu'on a entendu l'inconvéniant du dict de
+ Mora, affin de relever le party qu'il tenoit, ilz y ont despuys
+ envoyé Randof, et sont après à y dépescher encores Raf Sadeller
+ qui est du conseil, avec lettres à huict principaulx du pays et
+ créance de leur offrir hommes et argent au nom de ceste Royne; et
+ ont donné charge au comte de Sussex de doubler la garnyson de
+ Barvich, dont il emporte commission d'y mettre promptement cinq
+ centz hommes, et trois centz chevaulx de renfort; et, à cest
+ effect, luy a esté baillé douze capitaines de la suyte de ceste
+ court, estimans que la dicte garnyson de Barvich, ainsy
+ renforcée, laquelle sera de mil harquebouziers et six centz
+ chevaulx, avec l'ayde du gardien de la frontière, suffira contre
+ les courses de Vuesmerland, jusques à ce que cest esté, ou plus
+ tost, ils auront dressé armée pour aller courre l'Escoce, affin
+ d'y establyr les choses à leur dévotion, estant l'opinion
+ d'aulcuns qu'ilz se saysiront, s'ilz peuvent, du petit prince du
+ pays; et qu'ayantz la mère et le filz en leurs mains, il leur
+ sera aysé de annuller le tiltre que la mayson d'Escoce prétend à
+ la succession de ce royaulme.
+
+ Et ne deffault qui persuade à ceste princesse qu'affin qu'elle ne
+ soit, ny par le costé de France, ny de Flandres, empeschée en ses
+ affères de deçà, qu'elle doibt accommoder les princes protestans
+ en leurs entreprinses de dellà, et leur donner moyen qu'ilz se
+ puissent prévaloir d'aulcuns deniers de ce royaulme, pourveu
+ qu'elle n'en desbource rien; dont j'entens qu'après s'en être
+ quelque temps fort excusée, enfin elle a condescendu de dire à
+ ceulx de son conseil qu'ilz advisent comment cella se pourra
+ fère; dont desjà ont résolu que la dicte Dame payera, dans le
+ moys d'apvril, une partie de ses debtes en Allemaigne, laquelle
+ iceulx princes prendront des mains de ses créditeurs; et encor
+ que les deniers reviegnent toutz à son acquit, ilz luy seront
+ néantmoins remboursez, la moictié des prinses, et l'aultre
+ moictié par les esglizes protestantes de ce royaulme; lesquelles,
+ à ce qu'on dict, ont accordé de bailler quatre vingtz mil escuz
+ dans huict moys, ainsy que de mesmes les aultres esglizes
+ protestantes de France, de Flandres, d'Allemaigne, des Suisses,
+ d'Itallie, et mesmes disent d'Espaigne, contribuent à ceste
+ guerre: dont l'on faict compte que la contribution de toutes
+ ensemble, comprins les dix mil escuz de ceste cy, monte envyron
+ trente mil escuz toutz les moys.
+
+ Mais la difficulté est en ce que, sans mettre la main aux deniers
+ d'Espaigne, la dicte Dame ne peut, ny veult payer aulcune portion
+ de ses debtes, ceste année, en Allemaigne, affin de ne se
+ desfornyr d'argent; et ce qui a esté cause de quoy Espinola et
+ Fiesque ont esté mieux ouys sur les offres qu'ilz ont faictes, au
+ nom des merchans Espaignolz et Gènevoys, de laysser les dicts
+ deniers à la dicte Dame, ainsy que je l'ay mandé par mes
+ précédantes. Et j'ay advis qu'on tient cella pour si accommodé,
+ que desjà est ordonné à Me Grassein d'en distribuer quarante cinq
+ mil livres d'esterlin aulx merchans de ceste ville, c'est cent
+ cinquante mil escuz, pour les fornyr, à ce prochain apvril, en
+ Allemaigne, aux dits créditeurs de ceste Royne et vingt mil {lt}
+ aussi d'esterlin, c'est soixante douze mil escuz, ordonnez pour
+ les affères d'Escoce.
+
+ Reste seulement que la dicte Dame demande aus dicts Espinola et
+ Fiesque ung mot de lettre du Roy d'Espaigne, par lequel il
+ advouhe que les dicts deniers sont des merchans, et non siens;
+ ce que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est ici, me promect que son
+ Mestre ne le fera jamais. Aultres estiment que, pour sortyr hors
+ de l'obligation et du risque des dicts deniers envers les
+ merchantz, qu'il ne reffusera de le fère; aultres disent que,
+ ores qu'il ne le face, qu'on ne lairra pourtant d'accorder des
+ dicts deniers avecques les merchans, et s'en ayder en Allemaigne;
+ néantmoins, il sera toutjour bon d'incister au duc d'Alve qu'il
+ empesche le dict accord:
+
+ Car il est desjà nouvelles que Quillegrey sera dépesché pour
+ aller porter les lettres de police du dict payement, et pour
+ aller faire semblables offices, ceste année, qu'il fit la
+ précédente envers les princes protestans; dont s'estime, qu'à son
+ arrivée par dellà, plus qu'à celle du jeune comte de Mensfelt,
+ les dicts princes s'esmouveront et commenceront de marcher; et
+ que le dict de Mensfelt n'a emporté que quelques lettres
+ d'acquit, pour vingt mil livres d'esterlin, qui avoient esté
+ desjà prinses sur les bagues de la Royne de Navarre. Par ainsy,
+ il fault fère estat que l'armée de Cazimir yra au secours de
+ ceulx de la Rochelle.
+
+ Il semble qu'on ayt vollu imprimer quelque peur à ceste princesse
+ du duc de Olstein, luy donnant entendre qu'il a esté devers le
+ duc d'Alve à Bruxelles pour tretter quelque entreprinse contre
+ elle, et qu'il faict une levée de gens de pied et de cheval vers
+ Hembourg et Osterelan, de quoy elle a certain adviz, et que le
+ duc Ery de Bronzouye a aussi la sienne toute preste; dont, encor
+ que le dict duc d'Alve monstre que son principal prétexte soit
+ pour résister aulx entreprinses du prince d'Orange, néantmoins la
+ jalousie qu'elle s'est donnée de cella, et possible le desir de
+ favoriser les affères du dict prince d'Orange, et les choses
+ advenues par la mort du comte de Mora sont cause dont elle se
+ laysse ainsy aller à la forniture de deniers en Allemaigne;
+ aulcuns estiment tout le contraire du duc d'Olstein, qu'il est
+ pour le dict prince d'Orange, bien m'a l'on dict qu'il y a desjà
+ trois ans que ceste Royne a osté de son estat le dict de Olstein
+ lequel souloit être son pencionnaire.
+
+
+
+
+XCe DÉPESCHE
+
+--du XXIIe jour de febvrier 1570.--
+
+_(Envoyée par Hamberlin, chevaulcheur d'escuerye, jusques à la
+court.)_
+
+ Audience accordée à l'ambassadeur; communication faite à
+ Élisabeth de l'état des négociations en France pour arriver à
+ la pacification.--Conditions proposées par le roi.--Offre faite
+ par la reine d'Angleterre de sa médiation.--Nouvelle assurance
+ qu'elle n'a donné aucun secours aux protestans de
+ France.--Affaires de la reine d'Écosse.--Élisabeth propose
+ d'accepter la médiation du roi pour ses différends avec Marie
+ Stuart.
+
+ AU ROY.
+
+Sire, pour faire entendre à la Royne d'Angleterre ce qui a passé avec
+les depputez de la Royne de Navarre, des princes de Navarre, de Condé,
+et des aultres de leur party, qui vous ont très humblement requiz la
+paix, je luy ay récité les mesmes bons et bien convenables propos de
+vostre lettre du VIe du présent, avec ung peu d'expression de
+l'incroyable débonnaireté et infinye clémence qu'il vous playt user
+envers eulx, sur toutes les offances, ruynes et dommaiges, que vous et
+vostre royaulme avez receu de leur ellévation et de leur prinse
+d'armes; et que si la dicte Dame veult considérer les grâces et
+concessions que vous leur offrez, je m'asseure qu'elle les estimera,
+sinon excessives, à tout le moins telles que de plus grandes vous ne
+leur en pouvez bonnement concéder, sinon que pour les contanter à eulx
+seulz, Vostre Majesté se vollût par trop se malcontanter soy mesmes,
+et offancer vos aultres bons subjectz catholiques, qui sont de vostre
+party, qui ont toutjour suyvy vos intentions, n'ont onques contradict
+à icelles, ont combattu avecques vous et pour vous, et n'ont rien
+espargné du leur pour vous secourir; et pareillement offancer bonne
+partie du reste des Chrestiens, espéciallement les princes, vos alliez
+et confédérez, qui monstrent avoir intérest en ceste cause pour la
+religion catholique et pour la souveraine auctorité, qu'ilz desirent
+estre, l'une et l'aultre, bien conservées en vostre royaulme, comme en
+ung siège principal de la Chrestienté, en quoy, en lieu qu'ilz vous
+penseroient avoir regaigné pour bien veuillant et favorable prince, il
+est à croyre qu'ilz vous trouveroient à jamais offancé, irrité et bien
+fort ulcéré contre eulx.
+
+La dicte Dame, d'ung visaige bien fort joyeulx et contant, après
+plusieurs bien bonnes parolles du mercyement, qu'elle m'a prié de vous
+fère, pour une tant favorable communication du pourparlé de paix avec
+vos subjectz, a curieusement vollu lire les articles d'icelluy, et
+j'ay miz peyne de les lui fère trouver plus que raysonnables de vostre
+costé; et que, si ceulx de l'aultre part se monstrent tant sans rayson
+qu'ilz ne les acceptent, que Vostre Majesté la prie de les tenir
+dorsenavant pour ceulx qui ne sont meuz d'aulcun desir de religion,
+ains d'une pure ambicion d'occuper l'authorité souveraine s'ilz
+pouvoient; et que, pour le debvoir de l'alliance et bonne amytié, qui
+est entre Vostre Majesté et la dicte Dame et voz deux couronnes, elle
+les veuille à jamais exclurre de sa protection, faveur et secours, et
+nomméement de l'assistance de deniers qu'ilz se vantent debvoir avoir
+ceste année d'elle ou de son royaulme; et, comme ennemye conjurée
+contre eulx, se veuille unyr avec Vostre Majesté pour les réprimer, et
+pour vous ayder de reconquérir sur eulx les droictz souverains,
+qu'ilz s'esforcent [d'usurper], et donner exemple aux aultres subjectz
+d'ozer, par prétexte de religion, entreprendre d'usurper sur leurs
+vrays et naturelz princes et seigneurs.
+
+A quoy elle m'a respondu qu'elle ne doubte aulcunement que, en Vostre
+Majesté et en celle de la Royne, ne soit le mesmes bon desir que les
+dicts articles monstrent pour la réunyon et réconcilliation de voz
+subjectz, et comme elle le loue infinyement, ainsy vous prie elle de
+croyre qu'elle a grand affection de la veoir bien effectuée; et que,
+si ceulx de la Rochelle ont de quoy pouvoir, sans contraincte de leur
+conscience, vivre soubz vostre auctorité, en paix et bonne seurté de
+leurs vyes et de leurs personnes, elle ne voyt commant ilz le
+puyssent, ny doibvent reffuzer; dont, si pour la conclusion d'ung si
+bon oeuvre, au cas qu'il y intervienne aulcune difficulté, il vous
+playt qu'elle s'y employe, elle le fera droictement à l'advantaige deu
+à Voz Majestez, comme si c'estoit pour le sien propre; et quant à
+secours, elle peult jurer devant Dieu qu'il n'en est procédé d'elle,
+ny en argent, ny en aultre chose, dont ilz se puyssent raysonnablement
+vanter qu'elle leur en ayt baillé contre vous, et qu'elle n'ozeroit
+jamais lever les yeulx pour me regarder, si, après tant de parolles et
+de promesses qu'elle m'a faictes vous escripre là dessus, elle venoit
+meintenant à leur en donner.
+
+J'ay esté en doubte, Sire, comment uzer de ce, qu'en lieu que je l'ay
+requise de leur estre ennemye, s'ilz n'acceptent les condicions de
+paix, elle s'est offerte d'en composer les difficultez; dont, sans en
+rien acepter, je l'ay seulement remercyée, au nom de Voz Majestez, et
+que je ne fauldrois de le vous escripre, et ay poursuyvy que
+j'espérois que la mesme responce conviendroit à ce que j'avoys à luy
+requérir très instantment de vostre part, qu'elle vous vollût tout
+ouvertement signiffier si une levée de huict mil reystres, qu'on vous
+a mandé que le duc d'Olstein et le comte d'Endein font pour elle en
+Allemaigne, est en faveur de ceulx de la Rochelle, ainsy qu'on le vous
+veult persuader, et qu'il vous semble bien que la dicte Dame doibt
+ceste franche et claire déclaration à la bonne amytié, que Voz
+Majestez Très Chrestiennes luy portent, et que le cueur ne vous peult
+dire que vous ayez en ce temps à espérer actes si ennemys et si
+contraires du costé de la dicte Dame.
+
+Elle m'a respondu, de fort bonne façon, que Mr Norrys luy a touché ce
+particullier par ses lettres, et que par lui mesmes elle vous y fera
+satisfère: cependant me vouloit bien asseurer qu'elle ne faict point
+fère la dicte levée, et qu'elle ne veult jamais estre estimée Royne,
+s'il se trouve aultrement; et a passé oultre à me dire qu'il se parle
+bien de quelque levée à venir, mais qu'elle ne sçayt encores ce qui en
+est; et, quand elle l'entendra, s'il y a rien contre Vostre Majesté,
+elle me le fera notiffier.
+
+Je croy que la dicte Dame m'a respondu assés sellon la vérité et
+sellon son intention en ces deux choses; mais je mettray peyne de
+mieulx les vériffier, et sur ce, etc.
+
+ Ce XXIIe jour de febvrier 1570.
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ayant envoyé me condouloir à Mr le comte de Lestre du peu de
+satisfaction que la Royne, sa Mestresse, a vollu donner à Voz Majestez
+Très Chrestiennes, par Mr de Montlouet sur les affères de la Royne
+d'Escoce, il m'a mandé que je debvois excuser la dicte Dame sur les
+espouvantables conseilz qu'on luy donnoit, de la subversion de sa
+couronne et de son estat, si elle ne procédoit encores plus
+rigoureusement contre elle, ce qui n'estoit aulcunement sellon son
+cueur; et que, n'ozant de luy mesmes se ingérer de luy en parler, si
+je luy en voulois escripre une lettre à part, il la feroit si
+oportunément veoir à la dicte Dame qu'il espéroit que les affères de
+la dicte Royne d'Escoce s'en porteroient mieulx. Je luy ay escript
+aulcun peu de motz, lesquelz il luy a monstrez, et elle m'a faict
+cognoistre, en ma dernière audience, qu'elle les avoit bénignement
+receuz; lesquelz ont heu tant d'effect qu'elle m'a offert d'elle
+mesmes que, s'il playt à Voz Majestez mettre en avant ung moyen ou
+expédiant entre elles deux, qui soit honneste et non préjudiciable à
+elle ny à sa couronne, ny contraire à son honneur et conscience,
+qu'elle y entendra très vollontiers; et ainsy m'a elle, une et deux
+foys, prié de vous le mander. Dont je mettray peyne, Madame,
+d'entendre là dessus le désir de la dicte Royne d'Escoce, et le
+conseil, s'il m'est possible, de Mr l'évesque de Roz, lequel est
+encores bien resserré, pour en user le plus oportunément que je
+pourray. Cependant il plairra à Voz Majestez m'en commander ung mot
+par une lettre que je puysse monstrer, et sur ce, etc.
+
+ Ce XXIIe jour de febvrier 1570.
+
+
+
+
+XCIe DÉPESCHE
+
+--du XXVIe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Callais par Lepecoc_.)
+
+Opinion générale répandue en Angleterre que la paix sera prochainement
+conclue en France.--État des affaires en Flandre.--Incertitude sur les
+nouvelles d'Écosse; nécessité d'envoyer un prompt secours dans ce
+pays.--Réclamation des Anglais contre la conduite qui est tenue à leur
+égard en Bretagne.--Vives instances de Marie Stuart pour obtenir un
+secours de France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, après avoir, le XXe de ce moys, amplement discouru à la Royne
+d'Angleterre en quel estat estoient demourées les choses avec les
+depputez de la Rochelle, lorsque Vostre Majesté m'a commandé de luy en
+parler, et que la dicte Dame m'eust prié de luy laysser le mémoire des
+condicions que vous leur offriez, lesquelles elle ne fit semblant de
+les trouver que bien fort raysonnables, et qu'elle ne voyoit plus
+aulcune difficulté en cella, sinon possible ung peu de l'asseurance, à
+cause de l'infraction des précédantz traittez, elle manda, le jour
+d'après, Mr le cardinal de Chatillon pour les luy communiquer; et ne
+sçay encores, Sire, ce qui en fut débattu entre eulx, sinon qu'on m'a
+adverty que le dict Sr cardinal dict que la Royne de Navarre, plus de
+douze jours auparavant, luy en avoit en substance mandé le contenu, à
+la mesure que les depputez, durant le pourparlé, le luy escripvoient,
+et qu'il faisoit grand difficulté que la paix se peult conclure là
+dessus, qu'il ne leur fût en quelque chose mieulx satisfaict, et en
+quelque aultre plus seurement pourveu. Je mettray peyne de sçavoir si
+la dicte Dame a trouvé fondement en sa dicte difficulté, veu qu'elle
+m'a dict que ses plus sçavantz prescheurs maintenoient, par
+tesmoignages de l'escripture saincte, que nulle eslévation contre son
+prince, ny mesmes pour la conscience, peult estre juste ny
+raysonnable.
+
+Il semble qu'on ayt icy assés d'opinion que la paix se conclurra, et
+néantmoins je n'entendz qu'on révoque l'ordonnance des deniers pour
+Allemaigne, bien qu'aulcuns estiment que les levées de gens de guerre
+sont retardées pour attandre quelle fin le dict traitté prendra; et se
+parle beaulcoup plus, à ceste heure, des aprestz du prince d'Orange
+que de ceulx de Cazimir, et qu'encores que en Flandres ne s'en face
+aulcun semblant, que néantmoins le duc d'Alve ne laysse de pourvoir
+secrectement à ses affères; dont ceulx cy ont quelque adviz de ses
+aprestz, et mesmes tiennent pour assés suspectz ceulx qu'ilz entendent
+qu'il faict pour la mer, qui ne peuvent, ce leur semble, estre dressez
+contre le dict prince; et par ainsy, doubtent que ce soit contre eulx,
+mais ilz monstrent de ne les craindre guières. La composition des
+deniers et merchandises, arrestées par deçà sur les subjectz du Roy
+d'Espaigne, se poursuyt toutjours. Il est vray qu'il semble qu'on
+attand la responce d'une dépesche, que le duc d'Alve, après le retour
+du Sr Chapin en Flandres, a faicte au Roy son Mestre sur ceste affère,
+qui n'est encores venue.
+
+Je ne puys avoir certitude des présentes choses d'Escoce, et semble
+que le Sr Randolf mesmes, qui est sur le lieu de la part de ceste
+Royne, ne peult comprendre quelles elles sont, et qu'il en escript
+confuzément. Le comte de Lenoz se prépare toutjours pour y aller;
+mais il creinct quelque malle adventure par dellà, et n'ayant la dicte
+Royne d'Escoce faulte d'adviz en ses propres affères, elle nous a
+faict tenir celluy que je vous envoye duquel nous mettrons peyne d'en
+avoir plus grande vériffication; et d'aultant qu'avec icelluy vous
+verrez, Sire, l'instance qu'elle me prie de vous fère pour son
+secours, il ne sera besoing de le vous exprimer davantaige, si n'est
+pour vous dire, Sire, que peu d'ayde à ce commancement vous pourra
+espargner les frays d'ung grand secours, que possible cy après vous y
+vouldriez avoir envoyé; lequel, ou n'y pourra lors passer, ou n'y
+viendra jamais assés à temps. Je ne sçay si, suyvant mes précédantes
+lettres, ceste Royne vouldra entendre à quelque bon expédiant avec la
+dicte Royne d'Escoce, elle m'a faict démonstration d'y estre assez
+bien disposée; mais la dicte Royne d'Escoce a trop d'ennemys en ceste
+court.
+
+La dicte Royne d'Angleterre m'a faict dellivrer trois Françoys qui
+estoient prisonniers à Colchester, et m'accorde ordinairement, et fort
+libérallement, les provisions de justice que je luy demande pour voz
+subjectz. Il est vray que ceulx de son conseil m'ont faict escripre
+par le juge de l'admyraulté que, s'il n'est faict rayson à trois
+Anglois, qui vont pourchasser la restitution de leurs biens à
+Granville en Bretaigne, qui leur a esté deux et trois foys desnyée,
+que les Bretons ne s'esbahyssent plus s'ilz n'ont dellivrance des
+biens qui leur seront prins ou arrestez par deçà; vous supliant, Sire,
+mander au Sr de La Roche, cappitaine du dict Granville, qu'il les leur
+face dellivrer, et que dorsenavant Vostre Majesté commande estre
+mieulx pourveu à l'administration de la justice aux dicts Anglois en
+Bretaigne, qu'ilz disent qu'ilz n'y en ont heu jusques icy; et sur ce,
+etc.
+
+ Ce XXVIe jour de febvrier 1570.
+
+ Sur la fin de la présente m'est venu advis qu'il y a heu
+ rencontre, sur la frontière du North, entre millord Dacres, qui
+ se retirait en Escoce avec quelque troupe, et milord de Housdon
+ gouverneur de Barvich, qui l'a vollu empescher.
+
+ EXTRAICT de la lettre de la Royne d'Escoce à Mr l'évesque de Roz,
+ son ambassadeur.
+
+ J'ay receu, par ce pourteur, la lettre que m'avez escripte du VIe
+ du présent, et suys fort marrye de vostre emprysonnement, à ceste
+ heure que mes affères ont grand besoing de vous, sur le poinct
+ qu'on m'a dict que le Roy a accordé d'envoyer deux mil hommes en
+ Escoce; je vous prie, sollicitez Mr l'ambassadeur de fère
+ instance à son Mestre qu'il les veuille haster, et advertissez
+ l'arsevesque de Glasco et Rollet, de faire le mesme par dellà. Je
+ vouldrois bien entendre quel secours nous aurons de Flandres. Je
+ crains qu'il sera assés petit, et qu'il viendra bien tard; car
+ j'entends que desjà la Royne d'Angleterre faict lever une armée
+ de douze mil hommes en ce pays, et en veult envoyer, du premier
+ jour, trois mil en Escoce, et puys après, y fère acheminer le
+ reste par mer et par terre, avec intention, comme on dict,
+ d'avoir, ou par moyen, ou par force, mon filz en ses mains, et
+ puys après disposer de ma vie. Mais, si Dieu m'est favorable,
+ comme je n'en doubte poinct, je ne crains poinct cella;
+ néantmoins, je vous prie très affectueusement de le nottifier
+ aulx ambassadeurs, affin que, s'ilz m'ayment et ayment mes
+ affères, qu'ilz procurent de fère envoyer en dilligence le
+ secours en Escoce. Il est bruict que le Roy d'Espaigne est fort
+ mallade, et que le Roy a aultant à fère dedans son royaulme comme
+ auparavant, et qu'il n'a peu fère la paix avecques ses subjectz,
+ dont vous prie m'en faire entendre la vérité.
+
+ EXTRAICT d'aultre lettre escripte par la dicte Royne d'Escoce à
+ Jehan Cobert, secrétaire de Mr de Roz, du XIIIe febvrier 1570.
+
+ Jehan Cobert, si vostre mestre est si estroictement gardé qu'il
+ ne puisse vaquer à mes affères, ne faillez de trouver quelque
+ moyen de me donner toutjours adviz des occurrences, le plus
+ souvent que vous pourrez. Faictes mon excuse à Mr l'ambassadeur
+ de France, si je ne luy escriptz par ce pourteur, car je ne m'ose
+ fyer en luy; supliez le de parler à la Royne pour vostre mestre;
+ et luy dictes que c'est Huntington qui, par malice, a procuré son
+ emprisonnement; car luy mesmes m'a dict qu'il se vengeroit de
+ luy. Priez le aussi, en mon nom, de solliciter le Roy, son
+ Mestre, comme je le mande en l'aultre lettre, de haster le
+ secours; car il peult veoir le grand dangier en quoy mon royaulme
+ et mon filz et moy sommes.
+
+
+
+
+XCIIe DÉPESCHE.
+
+--du dernier jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Callais, par le sire Crespin de Chaumont_.)
+
+ Détails circonstanciés de la rencontre qui a eu lieu entre milord
+ Dacre et milord Houston; défaite de milord Dacre qui a été
+ forcé de se réfugier en Écosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, au fondz de la lettre que j'ay escripte, le XXVIe du présent à
+Vostre Majesté, j'ay faict mention d'ung rencontre naguières advenu
+vers la frontière du North, du costé d'Escoce, entre millord Dacres et
+millord de Housdon, subjectz de ce royaulme, de quoy la confirmation
+est despuys arrivée, qui se racompte ainsy: c'est que ayant la Royne
+d'Angleterre, pour aulcuns soupeçons du dict millord Dacres, et parce
+qu'il différoit de venir devers elle, mandé à millord Housdon de
+l'aller surprendre, le plus secrectement qu'il le pourroit fère, en
+une sienne mayson, où il s'estoit retiré douze mil près l'Escoce;
+icelluy Dacres, ayant descouvert l'entreprinse, le jour auparavant
+qu'elle deust estre exécutée, par l'interception d'aulcunes lettres,
+où il vit que desjà le dict de Housdon avoit mandé à millord Scrup se
+trouver en certain lieu avec deux mil hommes, et qu'il s'y rendroit à
+heure déterminée avec mil chevaulx et cinq centz harquebouziers de la
+garnyson de Barvich, pour l'aller assiéger, il fit dilligence d'en
+advertyr incontinent ceux qui estoient en la frontière d'Escoce; et,
+de sa part, il déliberra d'assembler ce qu'il pourroit des siens pour
+aller combattre l'une des deux troupes, avant qu'elles se peussent
+joindre. Et ainsy, en une nuict, il mict ensemble trois mil hommes,
+et, le matin, alla rencontrer ceulx qui estoient sortys de Barvich, et
+présenta la bataille au susdict de Housdon; lequel, se trouvant avoir
+de meilleures gens et mieulx équipés que luy, bien que en moindre
+nombre, se résolut de le combattre, et néantmoins fit semblant de se
+retirer, affin d'attirer l'autre en ung lieu estroict, où avec
+l'harquebouzerye il le deffyt, et luy tua quatre centz des siens, et
+en print cent ou six vingtz de prisonniers. Et à peine se fût saulvé
+le dict Dacres mesmes, sans ce qu'il se descouvrit quelques gens de
+cheval, en compaignie, qui lui venoient au secours, à la faveur
+desquelz il se retira, avec tout le reste, en Escoce. Quoy qu'il y
+ayt, Sire, et que ce récit, qui vient de la court, soit à l'advantaige
+de ceste Royne, elle et ceulx de son conseil sont bien fort marrys de
+la retrette du dict Dacres, qui est, après le duc de Norfolc, ung des
+plus principaulz hommes de ce royaulme. Et sur ce, etc.
+
+ Du dernier jour de febvrier 1570.
+
+
+
+
+XCIIIe DÉPESCHE
+
+--du IIIIe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyée jusques à la court, par le Sr de Sabran_.)
+
+ Irritation causée à Londres par la nouvelle de l'expédition
+ préparée en France pour porter des secours en Écosse.--Effet
+ produit par cette nouvelle sur la reine d'Angleterre, dont elle
+ change tout-à-coup les dispositions à l'égard de la
+ France.--Résolution d'Élisabeth de porter ses armes en Écosse,
+ et de secourir ouvertement les protestants de la
+ Rochelle.--_Mémoire_: détails des préparatifs faits sur mer en
+ Angleterre pour empêcher le secours de France d'arriver en
+ Écosse.--Affaires de l'Écosse et des Pays-Bas.--Demande faite
+ par l'Espagne que le commerce avec l'Angleterre soit interdit
+ en France.--_Mémoire secret_: dispositions des seigneurs
+ anglais, qui sont poursuivis en justice, à soutenir les efforts
+ de la France.--Vives instances du duc de Norfolk pour que la
+ reine d'Écosse soit promptement secourue.--Proposition faite
+ par l'ambassadeur à Leicester d'appuyer de tout le crédit de la
+ France son mariage avec Élisabeth; sous la condition de la
+ restitution de Marie Stuart.
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je n'avois poinct esté encore plus favorablement ouy de la Royne
+d'Angleterre, et n'avois point receu d'elle meilleures responces sur
+les choses, que je luy ay ordinairement proposées de vostre part,
+despuys que suys par deçà, que en ceste dernière audience du XXe du
+passé, ny les seigneurs de son conseil ne m'avoient plus privéement
+traicté, ny ne s'estoient monstrez plus favorables à me parler des
+affères de ce royaulme que ceste dernière foys; de sorte que je m'en
+retournay assés satisfaict, et au moins avec quelque opinion que les
+choses seroient pour aller de bien en mieulx entre Voz Majestez et voz
+deux royaulmes; mesmes qu'ung du dict conseil passa si avant de me
+dire que, pour quelques occasions ès quelles la France n'estoit
+poinct meslée, j'entendrois bientost parler d'ung armement que,
+longtemps y a, l'Angleterre n'en avoit gecté ny de plus grand, ny de
+plus brave sur mer; et qu'il ne failloit que j'en prinsse aulcun
+souspeçon, car tant s'en failloit que ce fût contre Vostre Majesté,
+qu'il n'y auroit rien qui ne fût à vostre bon commandement: et oultre
+cella, la dicte Dame me tint lors toutz propos fort bons sur les
+affères de la Royne d'Escoce, et sur la bonne disposition, en quoy
+elle estoit, d'entendre à quelque bon expédiant avec elle, s'il
+playsoit à Vostre Majesté de le mettre en avant.
+
+Par lesquelles choses j'estimay, Sire, que les plus modérez d'auprès
+de ceste princesse eussent gaigné ung grand poinct envers elle, mesmes
+que je sceuz, avant que partir de là, que le comte d'Arondel avoit
+esté mandé en court pour le desir que la dicte Dame monstroit avoir de
+regarder, avec son conseil et avec sa noblesse, les moyens qu'il luy
+falloit tenir, tant envers les princes ses voysins que envers ses
+subjectz, pour maintenir la paix dehors et dedans son royaulme. De
+quoy les passionnez, qui ont le crédit, monstroient n'estre
+aulcunement contantz: et voycy, Sire, ce que, deux jours après, leur
+est venu en main pour divertir le bon cours de ces affères, et pour
+altérer les choses plus que jamais, c'est que, par les lettres de Mr
+Norrys et par celles du Sr Randolf, qui en mesme jour sont arrivées de
+France et d'Escoce, du XXIIe du passé, ilz ont eu adviz que Vostre
+Majesté préparoit d'envoyer ung nombre de gens de guerre en Escoce,
+qui se doibvent embarquer en Bretaigne le IIIe jour de may prochain;
+ce qui leur a donné de quoy si bien irriter la dicte Dame et ceulx de
+son dict conseil que, toutes aultres choses délayssées, ilz se sont
+miz après à consulter et dellibérer comme ilz pourront empescher ou
+prévenir ceste vostre entreprinse; dont j'ay baillé une instruction au
+Sr de Sabran de tout ce que, pour ceste heure, j'ay peu descouvrir de
+leurs préparatifz et aprestz en cella, ensemble du présent estat des
+aultres choses de deçà, auquel me remectant, je prieray, etc.
+
+ Ce IVe jour de mars 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ce n'est de mon gré que je donne à Vostre Majesté des adviz,
+qui quelques foys sont bien contraires et divers à ceulx que
+auparavant je vous ay mandez; mais le changement et la contrariété,
+qui sont assés ordinaires en ceulx de ceste court, me contraignent
+d'en user ainsy; dont Vostre Majesté, s'il luy playt, m'en excusera
+sur le soing que j'ay de luy mander leurs actions et dellibérations,
+ainsi clairement et par le menu, comme, jour par jour, je les puys
+aprendre et descouvrir. Il n'y a que huict jours que ceste princesse
+se monstroit bien disposée envers Voz Très Chrestiennes Majestez, et
+de ne cercher rien tant que de vous contenter et complaire en ce qui
+luy estoit proposé de vostre part, et de vouloir vivre en grand paix
+et repos en son royaulme, chose fort sellon sa naturelle inclination;
+mais, aussitost qu'on luy a raporté qu'il se préparoit en France des
+gens de guerre pour passer en Escoce, il n'est pas à croyre combien la
+grande jalousie de sa cousine, laquelle s'est représentée en cella,
+luy a soubdain faict changer son premier bon propos; et comme, en lieu
+d'aller par moyens paysibles, ainsy qu'elle disoit, ez choses
+d'Escoce, elle a proposé meintennant d'y procéder par les armes. La
+dicte Dame estoit lors après à espargner l'argent, meintennant elle
+ne parle que d'en despendre; elle cerchoit de payer et à ceste heure
+d'emprumpter; elle disoit vouloir regaigner par douceur ses subjectz,
+meintennant elle faict resserrer plus que auparavant ceulx qui sont en
+prison; et crainctz assés, Madame, que l'affection, qu'elle disoit
+avoir à la pacification de vostre royaulme, se soit desjà changée à
+ung contraire désir de vous y nourryr les troubles, si elle peult,
+comme desjà l'on m'a dict qu'elle est pour se monstrer plus libéralle
+à promettre secours et assistance à ceulx de la Rochelle, qu'elle n'a
+faict jusques icy. Je la verray sur la première occasion de quelque
+dépesche de Voz Majestez, et mettray peyne de notter les
+particullaritez de ses propos, affin de fère quelque jugement de ses
+dellibérations. Sur ce, etc.
+
+ Ce IVe jour de mars 1570.
+
+ INSTRUCTION pour satisfère Leurs Majestez sur le contenu de la
+ dépesche, comme s'ensuyt:
+
+ Que, le XXe du passé, la Royne d'Angleterre se monstroit bien
+ disposée envers Leurs Très Chrestiennes Majestez et envers leurs
+ présens affères, avec bonne affection à la paix de leur royaume,
+ et d'estre preste, pour l'amour d'eulx, de condescendre à des
+ expédiens gracieulx avec la Royne d'Escoce, et me dict l'ung des
+ seigneurs de son conseil qu'elle avoit ung grand contantement de
+ veoir que Leurs dictes Majestez, ny nul de leurs ministres,
+ n'estoient meslez en ces choses du North.
+
+ Ung autre des seigneurs du dict conseil, me parlant en affection
+ d'aulcuns aprestz, qu'on faisoit contre la dicte Dame, en un
+ endroict qui, sellon qu'il me le désigna, ne pouvoit estre sinon
+ Flandres, me dict qu'ilz estoient après, de leur costé, à
+ préparer en dilligence ung des plus grandz et des plus braves
+ armemens qu'ilz eussent, longtemps y a, miz en mer, et qu'on
+ cognoistroit que, si l'Angleterre n'estoit pour assaillir ung
+ aultre estat, qu'elle estoit suffisante pour deffandre le sien,
+ et que, continuant ainsy la bonne paix, comme elle faisoit,
+ avecques le Roy et la France, ilz n'avoient que bien peu à
+ craindre le reste de leurs voysins.
+
+ Le troisiesme jour après, estantz deux pacquetz, l'un de Mr
+ Norrys et l'aultre du Sr Randolf, arrivez de France et d'Escoce,
+ quasi en mesmes heure, et avec conformité d'ung mesmes advis de
+ certain nombre de gens de guerre, qu'ilz ont mandé que le Roy
+ préparoit d'envoyer en Escoce, qui se debvoient embarquer en
+ Bretaigne, le IIIe de may, et estre conduicts par le Sr Estrocy,
+ la dicte Dame fit incontinent assembler là dessus son conseil,
+ où, du bon estat que les choses monstroient estre deux jours
+ auparavant, elles furent, par la contention des mal affectionnez,
+ soubdain converties en une présente aygreur; et voicy ce que
+ j'entendz qui fut là arresté:
+
+ Que Mr Bach, pourvoyeur de la marine, seroit promptement mandé
+ pour lui enjoindre de mettre en ordre et en bon équipage toutz
+ les grandz navyres de guerre de la dicte Dame, affin d'estre
+ prestz dans la fin de mars ou au commencement d'avril, avec trois
+ mil bons hommes dessus, avytaillez pour un moys, affin de servir
+ aulx deux effects; l'ung, de résister aux entreprinses de
+ Flandres, et l'aultre, pour empescher le passaige et la descente
+ des Françoys en Escoce;
+
+ Que le comte de Sussex et Raf Sadeller s'en yroient au Nort, et
+ lèveroient six mil hommes, qu'ilz envoyeroient le plus tost
+ qu'ilz pourroient en Escoce, et en prépareraient aultres douze
+ mil pour doubler et tripler les premiers, s'il estoit besoing;
+
+ Que ceste mesmes levée pourroit servir à réprimer les esmotions
+ qu'on craignoit au dict pays, et servyroit aussi pour tenir la
+ main forte à l'exécution de justice qu'on y prétendoit fère
+ contre ung nombre de gentishommes, qu'on a trouvez coulpables de
+ la première ellévation;
+
+ Que, pour subvenir à telles choses, l'on dresseroit trois estapes
+ de vivres et de monitions pour les pouvoir transporter par mer où
+ le besoing le requerroit, l'une à Londres, l'aultre à Rochestre,
+ et la troisiesme, laquelle j'ay la plus suspecte, à Porsemue, car
+ c'est vis à vis du Havre de Grâce;
+
+ Que courriers seraient promptement dépeschez par toutes les
+ provinces avec lettres aulx officiers, pour fère advertissement à
+ ung chacun de se tenir pourveuz d'armes et de chevaulx sellon les
+ ordonnances, et d'estre prestz pour marcher, quand ilz seront
+ mandez;
+
+ Que Me Grassein feroit dilligence de trouver promptement
+ cinquante mil livres d'esterlin parmy les merchans pour subvénir
+ au présent besoing de la dicte Dame, oultre et par dessus la
+ somme de quarante cinq mil livres d'esterlin desjà ordonnées pour
+ Allemaigne;
+
+ Que les affères de la Royne d'Escoce et les propositions qui se
+ mettoient en avant pour sa restitution, et pour la dellivrance de
+ l'évesque de Roz, son ambassadeur, seroient mises en surcéance et
+ elle ung peu plus resserrée;
+
+ Et seroit pareillement surcise la dellibération, en quoi l'on
+ estoit, de pourvoir à la liberté du duc de Norfolc, sur la
+ caution qu'il offroit de deux centz mil livres d'esterlin; et à
+ l'eslargissement de millord de Lomelé; et à rappeler en court et
+ au conseil le comte d'Arondel, et que les dicts seigneurs
+ seroient plus observez et resserrez que auparavant.
+
+ Et m'a l'on dict, dont je suys après à le vériffier, qu'il fut
+ aussi là arresté que la dicte Dame se monstreroit plus libéralle
+ et prompte, qu'elle n'avoit faict jusques ici, à accorder secours
+ à ceulx de la Rochelle pour meintenir la guerre en France, affin
+ de divertyr celle toute aparante, qui s'alloit susciter dans
+ ceste isle pour les choses d'Escoce.
+
+ Despuys, est survenu ce rencontre en la frontière du North,
+ lequel aulcuns disent n'avoir tant succédé au désadvantaige de
+ millord Dacres, comme le filz de millord de Housdon, qui en a
+ porté les premières nouvelles, l'a publié; et qu'il y est mort
+ plus de deux centz soldatz de la garnyson de Barvich, et qu'il a
+ apareu ung si notable secours, qui venoit d'Escoce au dict
+ Dacres, qu'on a heu assés de doubte d'une surprinse sur Varvich,
+ dont ceulx cy font plus grand dilligence que jamais de haster les
+ ordonnances et provisions dessus dicts.
+
+ Quant à l'estat des choses d'Escoce, j'entendz que les comtes
+ Morthon, Mar, Mareschal et millord de Lendzey ayantz, avec leurs
+ complices, relevé en ce qu'ilz ont peu la part du feu comte de
+ Mora, ont transféré toute l'authorité au dict de Morthon, lequel
+ se trouve meintenant dans l'Islebourg, assisté de la faveur de la
+ Royne d'Angleterre; et semble qu'il veut establyr le comte de
+ Lenoz régent au dict pays à la dévotion de la dicte dame;
+
+ Que les comtes d'Arguil, d'Onteley, d'Atil et aultres bons
+ subjectz de la Royne d'Escoce, ayantz tenu une assemblée près de
+ Dombertran, où le Sr de Flemy s'est trouvé, ont dellibéré de
+ s'achemyner vers l'Islebourg, pour ordonner, en quelque bonne
+ façon, de l'estat des choses, et qu'ilz veullent que le duc de
+ Chatellerault preigne le gouvernement; et que, pour le
+ commencement, il l'ayt au nom du jeune prince, affin qu'il y
+ interviegne tant moins de contradiction: mais le dict duc, qui
+ est encores prisonnier au chasteau de l'Islebourg, demeure
+ fermement résolu de n'accepter aulcune charge, sinon au nom et
+ sous l'auctorité de la Royne. Il s'espère quelque convocation
+ d'Estatz au dict pays, le IIIIe du présent; ce qui s'en entendra,
+ je ne fauldray de le mander à Leurs Majestez. Il semble qu'on n'a
+ trouvé Ledinthon si bon Anglois qu'on cuydoit, et qu'il est tout
+ du dict duc de Chatellerault.
+
+ Ceulx qui jugent des dicts affères d'Escoce, et qui désirent la
+ restitution de la Royne au dict pays, et y vouldroient veoir
+ succéder les choses sellon l'intention du Roy, disent que, sans
+ venir à guerre ouverte avecques ceste Royne, il se pourra (avec
+ vingt ou trente mil escuz et deux personnaiges de bonne qualité
+ qui saichent, au nom du Roy, réunyr et accorder les seigneurs du
+ pays, et avec demy douzaine de capitaines pour conduyre leurs
+ gens de guerre, et quelques monitions et armes), fère ung si bon
+ fondement dans ce royaume que les effortz des Anglois n'y
+ pourront en rien prévaloir; mais il fauldroit que cella y passât
+ tout promptement, avant que ceulx cy soyent sur mer.
+
+ L'accord des deniers et merchandises d'Espaigne se poursuyt
+ toutjour fort instantment, et pourra bien estre que, quant aulx
+ deniers, il preigne encores quelque tret, pour attandre celle
+ lettre du Roy d'Espaigne, par laquelle il veuille advouher que la
+ somme est à des merchans; mais, quant aulx merchandises, j'estime
+ que cella sera bientost conclud, parce qu'il se dépesche quatre
+ principaulx merchans de ceste ville avec généralle procuration
+ pour en aller, en compaignie du Sr Thomas Fiesque, tretter avec
+ le duc d'Alve à Bruxelles; et doibvent partyr dans ceste
+ sepmayne. Dont le Roy pourra fère incister sur l'ung et sur
+ l'autre de ces deux poincts envers le duc d'Alve, qu'il n'en
+ veuille accommoder les Protestans, ains entretenir et prolonger
+ la matière, au moins jusques après l'esté prochain; dont, de ma
+ part, je travailleray, aultant qu'il me sera possible, d'y fère
+ toutjour naistre quelque difficulté, et il s'y en trouveroit
+ assés du costé mesmes de ceulx cy, n'estoit la craincte qu'ilz
+ ont du Roy sur les choses d'Escoce.
+
+ Je suys bien fort pressé par l'ambassadeur d'Espaigne de suplier
+ Leurs Majestez Très Chrestiennes qu'ilz veuillent exclurre aux
+ Anglois le commerce de la France, parce que, nonobstant la
+ suspencion d'entre l'Angleterre et les Pays Bas du Roy son
+ Mestre, ilz ne layssent d'estre accommodez, par le moyen des
+ Françoys, des choses qu'ilz ont besoing d'Espaigne; lesquelles,
+ pour le gain, ilz leur aportent toutjour en abondance, bien que
+ ceulx cy se monstrent aussi difficilles de n'admettre les
+ merchandises d'Espaigne ny de Flandres par deçà, comme l'on le
+ pourroit estre en Espaigne ou en Flandres d'y recepvoir celles
+ d'Angleterre; tant y a qu'avec des moyens cella se conduict, et y
+ a quelcun qui, au nom des Catholiques de ce royaulme, m'est venu
+ prier pour la dicte exclusion de traffic, comme de chose laquelle
+ admèneroit bientost une telle nécessité en ce pays, qu'on s'y
+ eslèveroit contre ceux qui gouvernent; en quoy Sa Majesté
+ considérera ce qui est le plus expédient et le plus utille pour
+ son service, car je crains que par là l'on s'incommoderoit assés
+ pour accommoder aultruy.
+
+ Sur la closture de ceste dépesche, le Sr de Garteley est arrivé,
+ qui m'a dict que le secours pour Escoce est desjà tout prest en
+ Bretaigne, dont semble estre fort requis de le haster de partir,
+ affin de prévenir ceux cy, lesquelz sont tous résoluz de getter
+ dehors, avant la fin de ce moys, quinze grandz navyres des
+ premiers prestz pour nous empescher la mer.
+
+ AULTRE INSTRUCTION A PART.
+
+ Ce qui est advenu de nouveau en la frontière entre millord Dacres
+ et millord de Housdon, joinct les façons dont l'on continue de
+ procéder de plus en plus fort rudement contre ces seigneurs qui
+ sont arrestez, et d'observer de près le reste de la noblesse,
+ descouvre assés qu'il y a une grande contrariété dans ce royaume
+ tant sur la religion, et sur le faict de la Royne d'Escoce, et
+ sur les divers tiltres de la succession de la couronne, et sur
+ l'emprisonnement des grandz, que pour ung général malcontantement
+ contre ceulx qui gouvernent.
+
+ Et semble que le duc de Norfolc est plus que jamais désiré d'ung
+ chacun, mais il demeure fermement résolu en soy mesmes de ne
+ pourchasser sa liberté par nulle aultre voye que par celle de
+ l'équité de sa cause; en quoy il se persuade d'avoir ung très bon
+ et très asseuré fondement, lequel il ne veult aucunement altérer;
+ mais les aultres seigneurs, qui ne sont si resserrez que luy,
+ sont dellibérez que, si, dans quinze jours, ilz ne se peuvent
+ prévaloir, ou pour le dict duc ou pour eulx; de leurs amys et
+ moyens de court, qu'ilz se résouldront à cercher d'aultres
+ expédians, et m'ont faict remercyer du reffuge et retrette que je
+ leur ay dict que le Roy leur donroyt en son royaume.
+
+
+Or, se trouvans les comtes de Northomberland et de Vuesmerland et
+millord Dacres, qui sont trois bien principaulx personnaiges de ce
+royaume, et quelque nombre de gentilshommes de ce pays avec eulx,
+meintennant fuytifz en Escoce, toutz bien affectionnez à la Royne
+d'Escoce et bien fort catholiques; et desirant le duc de Norfolc, de
+sa part, que les affères de la dicte Dame y soient secouruz,
+nomméement du costé de France, il est à espérer que, s'il playt au Roy
+de les favoriser en quelque bonne sorte, non suspecte à ces seigneurs
+angloys partisans de la dicte Dame, qu'elle et son royaulme pourront
+estre préservez contre les entreprinses de l'Angleterre à honneur et
+utillité de la France, et la Royne d'Angleterre et les siens divertys
+de ne pouvoir tant nuyre, comme ilz font en aultres endroicts, aulx
+affères du Roy, non sans que Sa Majesté se forme, par ce moyen, ung
+bon nom, et possible quelque bonne part en l'affection de ceulx de
+ceste isle.
+
+Le duc d'Alve, à la vérité, a des ambassadeurs escoçoys, et anglois
+devers luy pour avoir secours, et il a escript par deçà qu'il est tout
+prest de le bailler, mais que nul de ceulx qui sont venuz ne luy sçayt
+donner compte du temps, du lieu, de la forme et des condicions qu'ilz
+veulent avoir le dict secours, et qu'il ne veult advanturer l'honneur
+et les affères de son Mestre, de mettre en évidence un telle
+entreprinse, sans y voyr bon fondement. Par ainsy, il sollicite que
+quelcun des principaulx le vienne trouver pour conclurre avecques luy
+de toutes les particullaritez du dict secours; et, de tant que le duc
+de Norfolc a suspect ce qui vient de ce cousté là, il me faict
+solliciter de haster l'assistance du Roy en faveur de la Royne
+d'Escoce.
+
+Le comte de Lestre, en une privée conférance qu'avons heu ensemble,
+m'a dict que la Royne, sa Mestresse, avoit esté naguières pressée par
+ceulx de son conseil de prendre party, affin de remédier tout à ung
+coup à plusieurs difficultez qui se présentent en son royaulme, et
+qu'elle, de son costé, s'estoit monstrée, encores ce coup, aussi
+dégoustée de mariage, comme toutes les aultres foys qu'on luy en avoit
+cy devant parlé; mais enfin elle leur avoit respondu que, si pour
+annuller les divers tiltres qu'on prétend à sa succession, lesquelz
+mettent en division son royaulme, elle estoit contraincte de se
+maryer, qu'elle est toute résolue de n'espouser point de ses subjectz.
+
+Je luy ay respondu qu'il sçavoit bien que Leurs Majestez Très
+Chrestiennes avoient toutjours heu désir que ce fût luy qui tint ce
+lieu, et que ceste leur bonne vollonté continue encores, dont ne
+failloit sinon qu'il regardât comment les y employer; que de ma part
+je luy serviray de bon cueur; que le temps sembloit fère pour luy,
+parce que tout le royaulme plyoit meintennant au désir de la dicte
+Dame, et les principaulx qui estaient travaillez concouroient toutz à
+luy complayre, pourveu qu'il fit quelque chose pour eulx; et la Royne
+d'Escoce, qui pouvoit assés dans ceste isle, favorisoit ses nopces,
+s'il favorisoit sa restitution; et quoy qu'il y eust, puysqu'il estoit
+ainsy advancé en la bonne grâce de la dicte Dame, qu'il advisât de
+prendre ce premier lieu, et à tout le moins de ne le laysser aller à
+nul, qui ne luy sache le bon gré de l'y avoir miz.
+
+Il m'a rendu plusieurs bonnes parolles de mercyement, pour les mander
+de sa part à Leurs Majestez, et, après m'avoir touché ung mot de
+l'extrême déplaysir, que la Royne, sa Mestresse, avoit du mariage de
+la Royne d'Escoce avec le duc de Norfolc, il m'a prié qu'en une de mes
+audiences, je face venir à propos à la dicte Dame que, pour obvier
+aulx inconvénians où elle et son royaulme pourront tumber par les
+diverses prétencions de sa succession, qu'ung chacun estime qu'elle
+feroit bien de se maryer, et que le Roy avoit toutjour desiré que,
+s'il ne pouvoit pour luy ou les siens avoir ce bien, que au moins,
+pour évitter la jalouzie de quelque aultre party estrangier, ce fût
+quelque bien heureulx de ce royaulme qui y parvînt, ce que je ne luy
+ay reffusé de fère; mais j'attendray là dessus le commandement de
+Leurs Majestez.
+
+
+
+
+XCIVe DÉPESCHE
+
+--du IXe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Callais, par Olyvier Cambernon_.)
+
+ Affaires d'Écosse.--Crainte de l'ambassadeur que tous ses efforts
+ ne puissent empêcher la guerre d'éclater.--Son désir de voir
+ donner satisfaction sur les diverses plaintes d'Élisabeth
+ contre la conduite tenue à l'égard des Anglais en
+ France.--Mission du Sr de Garteley.--Arrêt prononcé contre
+ milord de Lomeley.--Nouvelles des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, quant j'ay dépesché le Sr de Sabran devers Vostre Majesté, le
+IIIIe de ce moys, je l'ay instruict, le plus particullièrement que
+j'ay peu, de l'estat des choses qui se passent icy, lesquelles
+continuent en l'apareil de guerre, qu'il vous aura dict, de lever
+toutjours soldatz en ceste ville de Londres et ez envyrons, pour les
+envoyer au North; et dilligenter l'aprest des navyres; et fère les
+provisions pour iceulx; et cercher deniers de toutes partz, bien que
+la malladie, intervenue là dessus, de Mr le comte de Lestre, a donné
+quelque peu de retardement aulx dellibérations de ce conseil, lequel
+ne s'est assemblé durant son grand mal, mais à présent il se porte
+bien; et aussi que toutz en ces choses ne se sont trouvez d'accord en
+ceste court, néantmoins j'entends qu'on y a résoluement conclud
+l'entreprinse d'establyr, par toutz les moyens qu'on pourra, le
+gouvernement d'Escoce ez mains de ceulx qui ont relevé la part du
+comte de Mora, parce qu'ilz se monstrent fort contraires aulx fuytifz
+d'Angleterre; et se soubmettent à la protection de ceste Royne; et luy
+demandent le comte de Lenoz pour régent; qui sont choses qu'elle
+trouve bonnes, et qui sont conformes à ce qu'elle desire pour tenir
+le dict royaulme divisé, et avoir toutjour l'une des partz à sa
+dévotion. Je ne sçay si l'assemblée des Estatz, qu'on attandoit au
+dict pays le IIIIe du présent, aura esté tenue, et si elle aura heu
+nul effect; il ne s'en dict encores rien, et croy qu'il sera bien
+tard, quant j'en auray des nouvelles, car l'on tient les passaiges
+bien fort serrez.
+
+Cependant la Royne d'Angleterre est entrée en grand deffiance sur ce
+que Mr Norrys son ambassadeur luy a escript que Voz Majestez Très
+Chrestiennes luy ont tenu quelque propos fort exprès sur les affères
+de la Royne d'Escoce et de son royaulme; duquel je n'ay encores
+entendu le particullier, sinon qu'on m'a dict que la dicte Dame en est
+fort fâchée, joinct que, par le mesmes pacquet, le dict ambassadeur
+luy a envoyé ung discours, imprimé à Paris, sur les troubles de son
+royaulme, qui ne parle à l'advantaige d'elle ny de ceulx qui
+gouvernent ses affères; et d'abondant elle a sceu qu'un homme de son
+dict ambassadeur a esté naguyères arresté à Amiens, et que son
+pacquet, qu'elle luy avoit baillé à porter, luy a esté osté;
+desquelles choses il n'est pas à croyre combien elle s'en trouve
+offancée, et combien les siens en sont mutinez, jusques à dire qu'il
+vauldroit mieulx venir à une guerre déclairée, et que leur ambassadeur
+s'en retornât, et que je me retirasse, que d'user de tels déportemens;
+dont, de tant que je les ay fort asseurez que la publication du dict
+discours, ny la détention du pacquet ny du messagier, ne sont
+aulcunement procédées du vouloir ny commandement de Voz Majestez, je
+vous suplie très humblement, Sire, qu'il vous playse luy en fère
+donner quelque satisfaction, comme d'accidens que vous n'aviez ny
+préveuz, ny pensez, et luy fère aussi satisfère sur une pleinte,
+qu'elle m'a faicte renouveller, de certains pescheurs de Dièpe et
+aultres de dellà, qui abusent en la coste de deçà de leur forme de
+pescher et de leurs filetz contre l'ordonnance du pays, affin de ne
+mesler si petites choses avec les plus grandes, qu'avez à démesler
+ensemble.
+
+Le Sr de Garteley s'en est revenu très contant en toutes sortes de Voz
+Majestez; il a heu congé de passer en Escoce, mais non d'aller veoir
+la Royne sa Mestresse, à laquelle toutesfoys nous avons trouvé moyen
+de fère entendre tout l'effect de son voyage, de quoy je m'asseure
+qu'elle aura receu grande consolation.
+
+Millord de Lomellé a heu ampliation de son arrest, luy ayant esté
+permiz d'aller demeurer avec le comte d'Arondel son beau père à
+Noncich, et de pouvoir jouyr de l'air et de l'esbat des champs deux
+mil à l'entour, ce qui donne espérance de veoir bientost quelque
+modération ez affères de ces seigneurs.
+
+Les depputez de Flandres, estantz prestz à partir, ont trouvé quelque
+deffectuosité en leurs charges et pouvoirs qui les a retardez huict
+jours, mais j'entendz qu'ilz s'acheminent demain, et le Sr Thomas
+Fiesque avec eulx, avec opinion de pouvoir accorder facilement le
+faict des merchandises, mais difficilement celluy des deniers. Sur ce,
+etc.
+
+ Ce IXe jour de mars 1570.
+
+
+
+
+XCVe DÉPESCHE
+
+--du XIIIIe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet_.)
+
+ Contentement de la reine d'Angleterre au sujet de la satisfaction
+ qui lui a été donnée sur l'une de ses plaintes.--Impossibilité
+ de connaître quelles sont ses véritables intentions à l'égard
+ de la France.--Continuation des apprêts maritimes et des
+ préparatifs contre l'Écosse.--Nécessité de prendre des mesures
+ pour empêcher le capitaine Sores de continuer ses courses sur
+ mer.--Départ des députés envoyés dans le Pays-Bas pour traiter
+ des différends de l'Angleterre avec l'Espagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le jour d'après ma précédante dépesche, laquelle est du IXe du
+présent, j'ay receu celle de Vostre Majesté du XXIe du passé, en
+laquelle j'ay trouvé l'honneste satisfaction qu'il vous a pleu donner
+à la Royne d'Angleterre sur celle de ces trois pleinctes que je vous
+ay mandé qu'elle avoit le plus à cueur, qui est du discours des
+troubles de son royaulme imprimé à Paris; de laquelle satisfaction,
+despuys que Mr Norrys luy en a donné adviz, elle et les siens ont
+monstré qu'ilz n'estoient plus si offancez comme auparavant: ce qui me
+sera ung argument, la première foys que j'yray trouver la dicte Dame,
+de la prier qu'elle veuille user de pareille sincérité et
+correspondance d'ung bon cueur envers Voz Majestez Très Chrestiennes,
+comme par cest acte vous luy avez monstré que vous l'avez clair et
+droict, et entièrement bien disposé envers elle; et luy continueray la
+mesmes instance, que je luy ay ordinairement faicte, de ne porter ny
+souffrir estre apporté par les siens aulcun secours ny assistance à
+ceulx qui troublent vostre royaulme, et qu'il n'est possible qu'ilz en
+puissent tirer d'Angleterre, sans qu'elle tumbe en l'infraction des
+trettez et en une manifeste ropture de la paix.
+
+Plusieurs parlent diversement de l'intention de la dicte Dame sur le
+présent estat de voz affères; les ungs, qu'elle l'a bonne et qu'elle
+incite à la paix ceulx de la Rochelle; les aultres, au contraire,
+qu'elle l'a très mauvaise et qu'elle les sollicite à la guerre. Vostre
+Majesté pourra assés juger ce qui en est par la condicion de ceulx qui
+m'en ont donné les adviz, desquelz je réserve vous mander les noms, et
+la façon des propos qu'ilz en ont tenu, par l'ung des miens que je
+dépescheray bientost devers Vostre Majesté.
+
+Je n'ay encores rien entendu de l'effect de l'assemblée que les
+seigneurs d'Escoce debvoient tenir à l'Islebourg, le IIIIe de ce moys,
+ny s'ilz ont prins nul bon expédiant entre eulx sur l'ordre et
+gouvernement du pays. Bien m'a l'on dict que le comte de Morthon et le
+sir Randolf ont escript à ceste Royne, que, si elle ne faict bientost
+aparoistre son assistance par dellà, que toutz les Escouçoys cryeront
+_France_ et que le nom de Vostre Majesté y est bien ouy et bien receu,
+et qu'ilz demandent d'avoir leur Royne; par ainsy, que le jeune prince
+s'en va déboutté de l'authorité, et du nom de Roy qu'on luy a
+attribué, si elle n'y remédye. Dont quelcun m'a adverty que la dicte
+Dame y a envoyé en dilligence six mil {lt} d'esterlin, c'est vingt mil
+escuz, et que le comte de Sussex, lequel a esté mallade trois
+sepmaines en ceste court, mais à présent se porte bien, partyra du
+premier jour pour s'aller présenter sur la frontière d'Escoce, avec
+quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx, lesquelz sont
+desjà bien avant; et ce, principallement parce que de la dicte
+frontière, despuys que millord Dacres s'y est retiré, l'on a faict
+cinq ou six courses en celle d'Angleterre, et brullé des villaiges, et
+admené plusieurs prisonniers: dont le dict Dacres a esté déclairé
+traistre et rebelle.
+
+J'entendz que les seigneurs de ce conseil ont fait dépescher cinq ou
+six centz lettres missives à des particuliers, gentishommes du North,
+pour les prier de se pourvoir en toute dilligence de quelques hommes,
+et d'armes, et de chevaulx, chacun le mieulx et le plus
+advantaigeusement qu'il pourra, oultre l'obligation de l'ordonnance,
+affin de fère promptement ung bien relevé service à la Royne leur
+Mestresse, sellon l'expécialle fiance qu'elle a en eulx. Et en ceste
+ville de Londres l'on lève de nouveau cinq centz harquebouziers pour
+les mettre sur les cinq navyres premier pretz, qu'on dellibère getter
+dehors dans huict jours; et en prépare l'on aultres dix pour les
+getter, à la my apvril, dont l'argent pour les avitailler est desjà
+dellivré au pourvoyeur de la marine, et ne cesse l'on d'aprester aussi
+toutz les aultres pour estre prestz à l'entrée de l'esté.
+
+Je viens d'estre adverty que quatre vaysseaulx du cappitaine Sores ont
+de rechef investy ung aultre navyre vénicien, qui partoit de ce
+royaulme chargé de draps, et qu'ilz l'ont prins; et, encor qu'il ne
+soit si riche que les premiers, il y a néantmoins pour cinquante mil
+escuz de merchandise, oultre l'artillerye et le vaysseau, qui est des
+meilleurs qui se puissent trouver; et semble, Sire, qu'il est
+expédiant que Vostre Majesté se dellibère de pourvoir à ces grandz
+désordres de la mer, en quoy pourra estre que ceste princesse
+concourra d'y ayder de son cousté, s'il vous playt que je luy en face
+instance.
+
+Les depputez, qui vont devers le duc d'Alve, sont partys despuys
+devant hier, et croy qu'ilz passent aujourduy la mer. J'entendz que,
+oultre la commission qu'ilz portent ouvertement par escript, il leur
+en a esté baillé une à part, pour entrer, s'ilz peuvent, en ung
+général accord de toutes choses; et le Sr Thomas Fiesque, qui m'est
+venu dire adieu, m'en a touché quelque mot, et qu'il espère avoir
+charge de retourner bientost pour cest effect par deçà. Aulcuns
+pensent qu'il s'y trouvera beaulcoup de difficultez; ce que je
+croyrois, n'estoit qu'il semble que le Roy d'Espaigne sent si fort la
+prinse qu'on dict que le roy d'Argel a faicte de la ville de Tunis[3],
+et crainct tant que ce soit ung commancement d'attirer les
+entreprinses du Turc en ces quartiers là, qu'il sera bien ayse
+d'accommoder gracieusement ceste querelle qu'il a avecques ceulx-cy.
+Sur ce, etc. Ce XIVe jour de mars 1570.
+
+ [3] Au commencement de 1570, Aluch-Aly, dey d'Alger, s'empara de
+ Tunis, et chassa de ses Etats Muley Homaidah, dernier roi de
+ Tunis de la dynastie des Hafsides, qui s'était reconnu feudataire
+ de l'Espagne. Les Espagnols, sous la conduite de don Juan,
+ reprirent Tunis, en 1573.
+
+
+
+
+XCVIe DÉPESCHE
+
+--du XIXe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer_.)
+
+ Nouvelles de la Rochelle et d'Allemagne.--État des affaires du
+ Nord.--Succès remporté par les révoltés d'Irlande.--Nouvelles
+ de la reine d'Écosse.
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il n'y a que quatre jours qu'ung navyre de la Rochelle est
+arrivé, dedans lequel sont venuz aulcuns françoys qui ont esté
+incontinent devers Mr le cardinal de Chatillon à Chin; et luy, à ce
+que j'entendz, despuys avoir parlé à eulx, a faict démonstration en
+ceste court, de désirer plus la paix que de l'espérer; et sont arrivez
+aussi, dans le mesmes vaysseau, sèze allemans qui s'en retournent en
+leur pays assés mal contantz. Cependant le dict sieur cardinal a
+envoyé solliciter la subvention des esglizes protestantes de ce
+royaulme, avec grand instance d'avoir promptement celle que les
+estrangiers ont offerte, de laquelle il a desjà retiré quelque somme;
+mais celle des Flamens, qui est la plus grande, ne luy est venue
+entière comme il pensoit, parce qu'ilz l'avoient accordée
+principallement pour le prince d'Orange, en intention qu'il descendît
+en Flandres; dont, voyantz à ceste heure que c'est pour la guerre de
+France, aulcuns reffuzent de payer, et m'a esté raporté que aus dicts
+Flamens est venu ung adviz d'Allemaigne que le dict prince a bien des
+forces, mais qu'il ne les peult bonnement employer durant la guerre de
+France, sinon en la Franche Comté, sur le chemyn du secours qui va
+trouver monsieur l'Admyral, affin de ne s'esloigner les ungs des
+aultres; et m'a l'on asseuré que, le neufvième de ce moys, ung facteur
+du sir Grassein a esté dépesché en Hembourg, pour aller donner ordre
+aulx deniers, qui doibvent estre payez en Allemaigne sur le crédit des
+merchans de ceste ville. Ung homme du comte Pallatin est freschement
+arrivé, et encores, despuys luy, ung capitaine itallien nommé Roc,
+lequel, quatre moys a, avoit esté dépesché en Allemaigne, mais je n'ay
+sceu encores au vray ce qu'ilz raportent.
+
+Le comte de Sussex est sur son partement pour aller au North, et les
+quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx, qu'il doibt mener,
+sont desjà devant. L'on a tenu plusieurs assemblées de conseil sur sa
+dépesche, dont bientost se pourra entendre quelque chose de ce qu'y
+aura esté résolu. Il semble que des cinq cens harquebouziers qu'on
+levoit de nouveau en ceste ville, l'on n'en fornyra encores les
+navyres, et qu'ilz seront envoyez en Irlande, où j'entendz que les
+saulvaiges ont donné une estrette aulx gens de Millord de Sydenay;
+mais ceulx cy le tiennent fort caché.
+
+J'ay obtenu enfin de la Royne d'Angleterre de pouvoir envoyer les
+lettres de Voz Majestez, que Mr de Montlouet m'avoit laissées, à la
+Royne d'Escoce, par un secrétaire de Mr l'évesque de Roz qui les luy à
+dellivrées bien clozes en ses mains, en présence du comte de
+Cherosbery; et la dicte Dame a envoyé la response, laquelle est
+encores devers le secrétaire Cecille, qui ne la dellivrera jusques à
+ce que le dict sieur évesque de Roz ayt esté ouy et examiné, lequel
+pour cest effect a esté mené despuys devant hyer à la court, soubz la
+garde de six serviteurs de l'évesque de Londres; et la dicte Royne
+d'Escoce a trouvé moyen de me fère tenir en chiffre le petit mémoire
+cy encloz[4], où Vostre Majesté verra ce qu'elle continue de vous
+requérir. Elle se porte bien de sa santé, mais craint bien fort
+d'estre remise ez mains du comte de Huntinthon ou du visconte de
+Harifort, desquelz deux elle se craint comme de ses grandz ennemiz.
+Nous espérons avoir en brief quelque certitude des choses d'Escoce.
+Sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de mars 1570.
+
+ [4] A partir de cette époque, les pièces jointes aux dépêches ont
+ cessé d'être transcrites sur les registres de l'ambassadeur.
+
+ _Par postille à la lettre précédente_.
+
+ Le comte de Pembrot morut hyer en ceste court; l'on ne dict
+ encores qui sera son successeur en l'estat de Grand Mestre, mais
+ cy devant à esté parlé du comte de Betfort.
+
+
+
+
+XCVIIe DÉPESCHE
+
+--du XXVIIe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassa._)
+
+ Détails circonstanciés d'audience.--Bonnes dispositions
+ d'Élisabeth envers le roi.--Explication donnée par
+ l'ambassadeur sur les articles proposés pour la
+ pacification.--Nouvelle insistance de la part de la reine pour
+ que sa médiation soit acceptée.--Sollicitations faites par
+ l'ambassadeur en faveur de Marie Stuart.--Déclaration
+ d'Élisabeth qu'elle est résolue à porter ses armes en Écosse
+ pour y chercher les révoltés du Nord qui s'y sont
+ réfugiés.--Avertissement lui est donné par l'ambassadeur que si
+ les Anglais entraient en Écosse, le roi considérerait cet acte
+ comme une rupture des traités.--Offre qu'il fait de la
+ médiation de la France pour apaiser tous les différends
+ d'Écosse.--Avis secrètement donné par Élisabeth d'une levée
+ d'armes en Allemagne contre la France.--_Mémoire._ Résolutions
+ prises dans le conseil tant à l'égard des troubles du Nord que
+ des affaires d'Écosse.--Nouvelles de ce pays.--_Mémoire
+ secret._ Avis donné par le duc d'Albe au sujet du traité de
+ paix qui se prépare en France.--Opinion de l'ambassadeur que la
+ reine d'Angleterre desire sincèrement la
+ pacification.--Propositions faites séparément et secrètement à
+ l'ambassadeur par Cécil et par Leicester.--Avis secret sur le
+ dessein arrêté par le comte d'Arundel et milord de Lomeley de
+ reprendre, même en recourant aux armes, l'exécution de leur
+ projet pour rétablir la religion catholique en Angleterre, et
+ Marie Stuart en Écosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay esté, ceste saincte sepmaine, devers la Royne d'Angleterre
+pour luy fère veoir que le bon ordre, que Vostre Majesté avoit miz de
+deffandre, pour l'amour d'elle, la publication du discours des
+troubles de son royaulme imprimé à Paris, luy debvoit estre ung bien
+asseuré tesmoignage de vostre droicte intention envers elle, et que,
+prenant par là toute asseurance de vous trouver toutjour franc, clair
+et bien disposé à ne favoriser les entreprises de ceulx qui
+vouldroient troubler son estat, qui mesmes ne vouliez souffrir leurs
+escriptz, que de mesmes elle cessât, et fît cesser ses subjectz de ne
+porter aulcune faveur à ceulx qui troubloient le vostre; et qu'au
+surplus, j'estois bien ayse que ce qu'on luy avoit raporté du
+serviteur de Mr Norrys, qu'on l'eust arresté à Amyens, et qu'on luy
+eust osté les pacquetz de la dicte Dame, ne fût vray, affin de n'estre
+si offancée de ces deux choses, comme, par le propos de son principal
+secrétaire, il sembloit qu'elle les print à cueur; luy récitant les
+dicts propos en la façon que par mes précédantes je les ay mandez; et
+que je luy voulois respondre de ma vye pour Voz Très Chrestiennes
+Majestez que, despuys la paix, il n'estoit en cella, ny en nulle
+aultre chose, rien procédé de vostre vouloir et commandement, par où
+vous eussiez jamais prétandu qu'elle deubt estre offancée; et que,
+pour mon regard, je serois à trop grand regrect une seulle heure en ce
+royaulme, après que j'aurois tant soit peu commancé de cognoistre que
+je ne luy seroys plus agréable; et que je suplieroys très humblement
+Vostre Majesté d'y envoyer ung aultre; mais ne lairroys pourtant de me
+plaindre meintennant à elle du tort qu'on avoit naguières faict à ung
+mien secrétaire, qui portoit vostre pacquet, de luy avoir osté son
+argent à Douvres, la priant de m'en fère rayson.
+
+Sur lesquelles choses la dicte Dame m'a respondu qu'elle n'avoit rien
+sceu du petit discours imprimé à Paris, parce, à son adviz, que
+Cecille ne luy avoit vollu donner l'ennuy de luy en parler, mais ne
+layssoit pourtant de vous avoir grande obligation de l'avoir deffandu,
+dont vous en remercyoit de bon cueur; et puysque luy aviez monstré ce
+bon tesmoignage de vostre droicte intention en ses affères, qu'elle
+correspondroit de mesmes aulx vostres de ne pourter aulcune faveur à
+ceulx de la Rochelle, ny souffrir que les siens leur en portassent; et
+encor que aulcuns luy incrèpent le désir qu'elle a à la paix de vostre
+royaulme, comme ung désir qui admènera la guerre au sien, qu'elle n'en
+veult rien croyre, ny ne veult cesser de la desirer; qu'elle estoit
+bien ayse que l'homme de son ambassadeur et ses pacquetz n'eussent
+esté arrestez, bien qu'il avoit esté unze jours sans qu'on sceût de
+ses nouvelles; que pour le regard de ma négociation, je ne vollusse
+aulcunement doubter qu'elle ne luy fût bien fort agréable; et usa de
+toute l'expression qu'il est possible pour me le donner ainsy à
+cognoistre; et que j'avois bien veu en quelle peyne elle avoit esté
+pour mes pacquetz perduz; dont me feroit fère si bonne rayson
+meintennant de l'argent de mon secrétaire, que j'en demeureroys
+contant.
+
+Et, en toutes sortes, sa responce a esté si honneste que, l'en ayant
+remercyée, j'ay suyvy à luy dire que j'avois d'aultres choses à luy
+faire entendre, lesquelles je la supplioys prendre la peyne elle
+mesmes de les lyre aulx propres termes que Vostre Majesté me les
+mandoit, qui estoient si bons que je n'y voullois rien adjouxter, ny
+rien diminuer; et ainsy, luy ay monstré celle partie de vostre lettre
+du IIIe du présent, dont vous renvoye l'extraict, laquelle elle a leue
+bien fort curieusement; et puys ay adjouxté que vous expliquiez là
+dedans si à clair vostre intention, que je n'avois à y fère aultre
+office envers elle que de bien recuillyr ce que, pour satisfère à
+trois choses principallement, il luy plairroit de m'y respondre: la
+première, quelle opinion elle avoit des honnestes condicions que vous
+offriez à vos subjectz; la segonde, quelle elle l'auroit de voz
+subjectz, s'ilz estoient si durs et si obstinés de ne les accepter; et
+la troysiesme, si, en ce cas de leur obstiné reffuz, elle non
+seulement les exclurra de sa faveur et de celle de son royaulme, mais
+si elle ne se unyra pas avec Vostre Majesté pour réprimer leur
+témérité et le pernicieulx exemple qu'ilz s'esforcent de relever au
+monde contre l'authorité des princes souverains: car, quant à la levée
+qu'on disoit se fère en Allemaigne pour elle, et aulx deniers qu'on
+dict encores qui s'y espèrent et d'aultres qui s'espèrent aussi à la
+Rochelle d'elle et de son royaulme contre vous, je ne la vouloys
+suplier, sinon de vous en esclarcyr si bien une foys qu'il ne vous en
+peult plus rester aulcun doubte.
+
+La dicte Dame, après m'avoir par beaulcoup de bonnes parolles et en
+plusieurs façons donné à cognoistre qu'elle avoit ung très grand
+contantement de ceste confiance, que vous monstriez avoir d'elle sur
+la paciffication de vostre royaulme, m'a respondu qu'elle vouloit très
+fermement croyre que le contenu ez articles, que je luy avois
+dernièrement monstrez, estoit proprement ce que vostre Majesté avoit
+intention d'accorder et meintenir de bonne foy à ses subjectz pour
+parvenir à une bonne paciffication, et qu'elle me diroit de rechef le
+mesmes qu'allors, que, si eulx de leur costé ne monstroient rayson
+suffizante pourquoy ilz ne puyssent avec cella vivre soubz vostre
+authorité, leur conscience saulve, et leurs vyes asseurées, que non
+seulement elle ne les vouldra favoriser, ains les réputera pour
+traistres et rebelles, dignes d'estre chassez de tout le monde; et que
+si, pour entendre à quoy ilz se pourroient arrester, il vous playsoit
+luy donner congé qu'elle s'en meslât, qu'elle y procèderoit avec
+aultant de considération de l'authorité qui vous est deuhe sur voz
+subjectz, comme s'il estoit question de saulver la sienne sur les
+siens; et que si, par voz lettres, je cognoissoys que vous l'eussiez
+agréable, qu'elle s'y employeroit tout incontinent.
+
+Je luy ay respondu que je ne pouvois ny voulois m'advancer à rien de
+plus que ce qu'elle venoit de lyre; car n'en avois aultre
+commandement, dont tornasmes relyre le dict extret de la lettre mot à
+mot; puys, me pria que je vous vollusse asseurer de la continuation de
+sa bonne vollonté et grande affection à la paix de vostre royaulme, et
+que s'il vous playsoit qu'elle s'en meslât, qu'elle envoyeroit devers
+Vostre Majesté, ou bien là où il seroit besoing, ung personnaige de
+qualité correspondante à ung si grand négoce, comme elle estime cestuy
+cy, pour y besoigner, ainsy que vous adviseriez, ou bien tretteroit
+icy avec Mr le cardinal de Chatillon; lequel elle cognoissoit très
+desireux de la paix, et l'avoit toutjours cogneu très respectueulx à
+Voz Très Chrestiennes Majestez; et qu'elle estimoit qu'il ne vous
+pourroit revenir qu'à honneur, comme elle mettroit bien peyne qu'il
+vous revînt à proffict, qu'elle s'employât envers ceulx de sa religion
+à les exorter qu'ilz se veuillent contanter des offres de leur prince
+et seigneur, ou bien de suplier Vostre Majesté d'eslargir ung peu sa
+grâce envers eulx; et qu'elle sçayt bien que le différer en cecy sera
+pour vous rendre en brief la dicte paciffication beaucoup plus
+malaysée, encor qu'elle peult bien asseurer que, en Allemaigne, ny à
+la Rochelle, il n'est allé, ny yra rien, de sa part, qui soit contre
+Vostre Majesté.
+
+Je luy ay grandement loué ceste sienne bonne intention, avec promesse
+de la vous fère bien entendre, et qu'elle se pouvoit asseurer que la
+paix de France seroit la paix d'Angleterre; et que, si l'occasion de
+ceste guerre, laquelle faisoit toutjour mal passer quelque chose entre
+voz deux royaulmes et voz communs subjectz, estoit ostée; et que
+d'ailleurs elle vollût donner quelque accommodement aulx affères de la
+Royne d'Escoce, elle se pouvoit asseurer que nul prince ny princesse
+de la terre n'auroit son règne plus estably ny reposé que seroit le
+sien; et que Vostre Majesté avoit acepté l'offre qu'elle faisoit de
+vouloir entendre à quelque bon expédiant entre elles deux, si vous le
+leur métiez en avant; que vous aviez estimé, si les propres offres de
+la Royne d'Escoce ne luy sembloient suffizantes, que c'estoit à elle
+d'en adviser de plus grandes, et que, si elles n'estoient par trop
+disraysonnables, vous croyés fermement, que la dicte Dame les
+accorderoit, et que vous, comme son principal allié, non seulement les
+confirmeriez, mais métriez peyne de les luy fère accomplyr.
+
+Elle a répliqué que la Royne d'Escoce n'avoit jamais parlé que en
+général, et qu'il failloit venir aulx choses particullières, dont,
+s'il luy en estoit miz en avant quelques unes, que pour l'honneur de
+Vostre Majesté elle les suyvroit; ayant néantmoins à se pleindre
+encores de nouveau de la dicte Royne d'Escoce, qu'estant, ainsy
+qu'elle est, entre ses mains, elle n'avoit toutesfoys layssé, par
+ceulx qui tiennent son party en Escoce, de fère retirer ses fuytifz;
+et que, en toutes sortes, elle estoit résolue de chastier et
+poursuyvre ses dicts fuytifz, et ceulx qui les soubstiennent, me
+signiffiant aulcunement qu'elle entreprendroit de fère entrer des
+forces dans le pays.
+
+Je luy ay respondu qu'elle advisât de ne contrevenir aulx trettez, et
+que, s'il luy plaisoit de mettre en liberté l'évesque de Roz, luy et
+moy adviserions de luy ouvrir des moyens pour esteindre toutz ces
+différantz d'entre elles deux et leurs deux royaulmes.
+
+«Il n'est pas, dict elle, tant prisonnier qu'il ne puysse tretter par
+lettres avecques sa Mestresse, et n'est retenu que _pro formâ_ pour
+quelque démonstration contre la pratique qu'il a meue avec ceulx du
+North; mais bientost il sera en liberté.» Et ainsy gracieusement s'est
+achevée ceste audience, laquelle je vous ay bien vollu ainsy au long
+réciter, Sire, affin que l'intention de la dicte Dame vous soit mieulx
+cogneue, et remectz les aultres choses au Sr de Vassal, présent
+porteur, auquel je vous supplie très humblement donner foy: et sur ce,
+etc.
+
+ Ce XXVIIe jour de mars 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+
+=Chiffre.=--[Madame, je n'ay peu contanter l'homme, duquel je vous ay
+naguière escript par mon secrétaire, de la responce que mon dict
+secrétaire m'a raportée, bien que je la lui aye baillée en la façon
+que ce mien gentilhomme vous dira; par lequel il vous plairra, Madame,
+me mander comment je l'en debvray résouldre, car il me presse bien
+fort de le fère, et si, a des considérations telles qu'il ne peult
+penser que ne le debviez accepter. Au reste, Madame, la Royne
+d'Angleterre, pour me tenir la promesse qu'elle m'avoit faicte de
+m'advertyr des choses qu'elle entendroit se fère en Allemaigne contre
+Voz Majestez, m'a dict que, dans trois sepmaines, ceulx de la religion
+doibvent envoyer gens exprès devers les princes protestans pour
+résouldre l'entreprinse de France, si la paix ne sort à effect; et que
+pourtant elle seroit bien ayse de pouvoir ayder à la conclurre
+bientost; de quoy je vous ay bien vollu fère ce mot et le vous
+escripre ainsy à part, parce que la dicte Dame m'a dict qu'elle m'en
+advertissoit soubz sacrement de confession, en ce temps de caresme,
+affin que je ne la nommasse pas; car, si les aultres se plaignoient
+qu'elle m'eust donné cest adviz, elle serait contraincte de dire
+qu'elle ne m'en avoit point parlé; et bien que ce ne soit ung faict de
+grand importance, je ne vouldrois toutesfoys l'avoir mise en peyne de
+me désadvouher.] Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVIIe jour de mars 1570.
+
+ OULTRE LES SUSDICTES LETTRES, le dict Sr de Vassal pourra dire à
+ Leurs Majestez:
+
+ Qu'il a esté naguières remonstré à la Royne d'Angleterre qu'elle
+ et son royaulme estoient pour tumber en ung prochain
+ inconvéniant, pour la multitude des difficultez, ès quelles elle
+ se trouvoit embroillée avecques le Roy, avecques le Roy
+ d'Espaigne, avecques la Royne d'Escoce, avec les Irlandoys, et
+ avec les naturelz de ce royaulme, qui sont prisonniers, fuytifz,
+ ou mal contantz, si elle s'opinyastroit de les vouloir toutes en
+ ung temps surmonter par la force ou par la despence; dont,
+ induicte par le conseil des plus modérez d'auprès d'elle, avoit
+ advisé d'y procéder par les gracieux expédians qui s'ensuyvent:
+
+ En premier lieu, pour le regard du Roy, que, pour effacer la
+ mémoire des choses qui pourroient avoir mal passé contre luy du
+ costé de ce royaulme, despuys ses derniers troubles, elle
+ s'employeroit tout ouvertement de luy procurer une paix tant
+ advantaigeuse et honnorable avecques ses subjectz, qu'elle le se
+ randroit bienveuillant, et luy offriroit au reste quelque
+ honneste accommodement ez affères de la Royne d'Escoce; dont, par
+ ces deux poinctz, elle se conserveroit la paix avecques luy;
+
+ Que, du costé du Roy d'Espaigne, elle envoyeroit des depputez en
+ Flandres, ainsi qu'on luy en faisoit encores lors grande
+ instance, affin d'accorder les différans des prinses, et que ces
+ mesmes depputez essayeroient d'entrer plus avant en matière pour
+ voir s'ilz pourroient parvenir à ung général accord de toutes
+ aultres choses.
+
+ Au regard de la Royne d'Escoce, qu'elle luy escriproit une bonne
+ lettre, et que, jouxte ce qu'elle m'avoit naguières promis, elle
+ l'exorteroit de mettre en avant quelques bons et honnestes
+ expédians entre elles deux, et luy promettroit d'y entendre et
+ les recepvoir de bon cueur.
+
+ Quant aulx choses d'Irlande et de ce royaulme, qu'elle
+ rapelleroit gracieusement aulcuns des seigneurs qui sont les
+ moins offancez, et par le moyen de ceulx là, elle essayeroit de
+ radoulcyr les aultres et les remettre en leurs degrez et estatz;
+ et puys, avec l'unyon et conformité de leurs bons conseilz, et de
+ leur ayde, elle pourroit ayséement remettre les choses en ung
+ paysible et bien asseuré estat; dont luy fut sur ce proposé une
+ forme de rémission pour les fuytifz, et la comtesse de
+ Vuesmerland s'aprocha en ceste ville pour poursuyvre le rapel de
+ son mary.
+
+ Suyvant laquelle délibération, parce que ceulx qui vouldroient le
+ trouble n'eurent de quoy suffizamment la débattre, aulcunes des
+ dictes choses ont esté despuys commencées, aultres ont esté en
+ aparance accomplyes, mais nulles n'ont sorty à bon effect; ains
+ les ont ces gens là tornées en aultre et quasi contraire sens de
+ ce qu'on espéroit.
+
+ Car, touchant la paix de France, estant la dicte Dame sur le
+ poinct d'envoyer ung personnaige de grande qualité devers le Roy
+ pour ayder à la conclurre, ilz ne luy ont pas ozé oster ce sien
+ honneste desir, parce qu'ilz ont pensé que la dicte paix se
+ pourroit conclurre de deçà comme dellà, et possible à leur
+ dommaige; mais ilz luy ont bien persuadé, qu'ayant la dicte Dame
+ esté mal ouye, la première foys qu'elle s'est offerte d'en
+ parler, qu'elle debvoit meintennant attendre que le Roy l'en
+ pryât, ce qui se raporte au propos qu'elle m'en a tenu en ceste
+ audience.
+
+ Et des choses de Flandres, ilz luy ont persuadé de deffandre aulx
+ depputez, qui alloient par dellà, de ne s'ingérer à rien
+ davantaige qu'au simple faict, duquel la dicte Dame estoit
+ maintennant recerchée, qui estoit des merchandises; aultrement ce
+ seroit faire amande honnorable au duc d'Alve; et que pourtant
+ leur commission debvoit estre leue publicquement en présence du
+ Sr Thomas de Fiesque; et à icelle adjouxté la restriction de ne
+ parler ny tretter d'aultre chose que des merchandises
+ d'Angleterre, et de pouvoir simplement accorder que personnaiges
+ de semblable qualité puissent venir par deçà pour tretter de
+ celles d'Espaigne, ce qui a esté ainsy faict.
+
+ Et pour l'importance des affères d'Escoce, affin que la dicte
+ Dame ne s'obligeât trop par ses lettres à la Royne d'Escoce sa
+ cousine, le secrétaire Cecille les a escriptes et a contrefaict
+ la main de sa Mestresse, avec plusieurs parolles de consolation
+ et de commémoration des bénéfices passez, mais tellement couchées
+ qu'on ne peut comprendre où va son intention; toutesfoys la Royne
+ d'Escoce ne laysse d'y respondre.
+
+ Quant à radoulcyr et rappeller les seigneurs mal contantz, l'on
+ a, à la vérité, miz en plus grande mais non en entière liberté
+ millord de Lomellé; et le comte d'Arondel, qui estoit, plus de
+ six sepmaines a, sur le poinct d'estre rappelé, demeure encores
+ confiné en sa mayson de Noncich, et n'y a nulle apparance de la
+ liberté du duc. Par ainsy la noblesse reste aussi mal satisfaicte
+ que auparavant, et le comte de Pembroc, qui estoit ung médiateur
+ en cella, est naguières trespassé.
+
+ Or, sur la grande instance que le sir Randolf, despuys qu'il est
+ en Escoce, a toutjours faicte à la dicte Dame, de vouloir, par
+ les meilleurs et plus promptz moyens qu'elle pourroit, assister
+ ces seigneurs de dellà, qui veulent dépendre d'elle, lesquelz,
+ pour establyr l'authorité du petit prince, et oster celle de la
+ Royne d'Escoce, demandent avoir le comte de Lenoz pour régent, ou
+ aultrement, que la part de la Royne d'Escoce va prévaloir dans le
+ pays; la matière en a esté avec grande contention débattue entre
+ ceulx de ce conseil, qui enfin ont miz en considération que le
+ dict comte de Lenoz estoit suspect de la religion catholique, et
+ qu'il n'estoit de suffisance ny d'expériance pour conduyre, à
+ l'intention de la dicte Dame, les grandz affères qui se
+ présentent meintenant en Escoce; ains seroit pour y aporter plus
+ de retardement que d'advancement: par ainsy, ont résolu qu'on se
+ déporteroit de plus luy pourchasser la charge ny la régence du
+ dict pays, et que, estant le comte de Sussex desjà dépesché, avec
+ tout ample pouvoir, au pays du North, il luy seroit encores
+ commis cest affère d'Escoce, car c'estoit tout vers ung mesmes
+ quartier.
+
+ Dont, à sa commission des choses du dict pays du North, laquelle
+ portoit de marcher seulement jusques à la frontière d'Escoce,
+ avec quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx; et de
+ faire procéder au jugement des coulpables de la première
+ ellévation et exécuter les condampnez, et poursuyvre par deffault
+ les absentz, confisquer leurs biens et prendre possession
+ d'iceulx au nom de la dicte Dame, et en vendre ce qu'il pourroit;
+ a esté adjouxté qu'il pourra lever jusques à dix mil hommes, et
+ qu'il procèdera aulx affères d'Escoce tant contre les rebelles
+ qui s'y sont retirez que au faict de l'estat; qu'il marchera en
+ pays, s'il est besoing, et ainsy que l'occasion s'en présentera;
+ et qu'il pourvoirra surtout que nulz Françoys ny Espaignolz, ny
+ aultres estrangiers preignent pied par dellà; et, pour cest
+ effect, ordonné luy estre forny contant XX mil {lt} d'esterlin,
+ c'est LXVII mil trois centz escuz, et que, dans six sepmaines, il
+ luy en sera envoyé aultant. Despuys, la dicte Dame m'a
+ résoluement déclaré qu'elle envoyera poursuyvre et chastier ses
+ fuytifz et ceulx qui les soubstiennent, jusques dans l'Escoce.
+
+ L'on faict aller fort secrètes et fort déguysées les nouvelles
+ qui viennent du dict pays d'Escoce; néantmoins l'on m'a dict que
+ le duc de Chastellerault, et les comtes d'Arguil, d'Honteley,
+ d'Atil et toutz les principaulx du pays estoient à l'Islebourg au
+ commencement de mars, et les comtes de Northomberland, de
+ Vuesmerland et aultres fuytifz d'Angleterre avec eulx; qu'ilz
+ estoient après à tenir une assemblée d'Estatz, remise du IIIIe au
+ Xe du dict moys, pour regarder à ce qu'ilz auroient à fère pour
+ la restitution de leur Royne; que cependant ilz avoient faict
+ proclamer par tout le pays l'authorité de la dicte Dame; que,
+ parce que le comte de Mar faisoit difficulté de se joindre à
+ eulx, ilz avoient proposé de marcher en armes vers Esterlin pour
+ le dessaysir du gouvernement du petit prince; que despuys il
+ s'estoit rallyé avecques eulx; qu'on ne sçavoit qu'estoit devenu
+ le comte de Morthon, et sembloit qu'il se fût retiré en
+ Angleterre; que quelques navyres, avec gens de guerre, avoient
+ apparu au North d'Escoce, dont aulcuns disoient que c'estoit le
+ secours de Flandres, que le frère du comte d'Honteley admenoit,
+ les aultres disoient que c'estoit le comte de Bodouel qui venoit
+ de Danemarc, avec quelques gens qu'il avoit ramassez.
+
+ SECONDE INSTRUCTION A PART AU DICT SIEUR DE VASSAL.
+
+ L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict, despuys huict jours, que le
+ duc d'Alve luy avoit escript deux notables considérations qu'il
+ avoit mandées au Roy par le mesmes gentilhomme, que Sa Majesté
+ luy avoit expressément dépesché pour avoir son conseil sur la
+ paix de son royaulme; la première, que d'octroyer liberté de
+ conscience ou exercisse de religion à ses subjectz, de tant que
+ c'estoit pure matière éclésiastique, il ne s'en debvoit
+ entremettre aulcunement, ains le remettre du tout au Pape; la
+ seconde, que de pardonner aulx ellevez, il le trouvoit bon, pour
+ le désir qu'il avoit à la paix de France, si cella en estoit le
+ moyen, mais en lieu d'establyr ses affères, ce seroient eulx qui
+ les establyroient et se fortiffieroient par la dicte paix, et
+ guetteroient le temps de reprendre les armes à leur advantaige,
+ lorsqu'ilz cuyderont mieux emporter la couronne; par ainsy qu'il
+ estoit nécessaire qu'il y mit meintennant une entière fin:
+
+ Que le dict ambassadeur trouvoit ce conseil fort prudent, et que
+ le Roy, suyvant icelluy, se debvoit résouldre à la guerre, non de
+ donner souvant des batailles, car c'estoit trop hazarder l'estat,
+ mais de myner les ennemys à la longue, et qu'aussi bien la paix
+ n'estoit près d'estre faicte, parce qu'ung de ses amys de ce
+ conseil l'avoit adverty que la Royne d'Angleterre avoit promiz au
+ cardinal de Chatillon de secourir l'Admyral, son frère, de deux
+ centz mil escuz; et que le dict cardinal luy avoit obligé sa foy,
+ et celle de son dict frère, qu'ilz ne permettroient qu'en nulles
+ conditions la dicte paix se conclûd.
+
+ Je luy ay respondu, quant au premier, que le duc d'Alve estoit
+ ung si prudent et si entier et modéré seigneur qu'il ne faudroit
+ de conformer toutjours ses adviz sur les affères de France à
+ celluy de Leurs Majestez Très Chrestiennes, et des saiges
+ seigneurs de leur sang, et de leur conseil, qui les entendoient
+ très bien et sçavoient comme il les failloit manyer, et qui
+ auroient toutjours le soing qu'il ne s'y fît, pour paix ny pour
+ guerre, rien qui ne fût sellon Dieu, à l'honneur du Roy et repos
+ de la Chrestienté:
+
+ Et quant à l'aultre, de l'obligation du cardinal à la Royne
+ d'Angleterre, que je le prioys de vériffier davantaige ce qu'on
+ luy en avoit dict, et où, et commant se feroit le payement des
+ deux centz mil escuz.
+
+ Mais voulant, de ma part, descouvrir si cella estoit vray, car,
+ quant à la promesse des deniers, j'en avois desjà quelque adviz,
+ mais non de ceste obligation du cardinal, ny d'une si malle
+ volonté de ceste Royne, j'ay, par une interposée personne, faict
+ toucher la matière au comte de Lestre et au secrétaire Cecille,
+ desquelz deux se comprend toute l'intention de la dicte Dame, et
+ l'ung et l'aultre ont monstré que eulx et leur Mestresse
+ desiroient la paix; dont, oultre la conjecture des propos, que je
+ sçay qu'ilz en ont tenu à celluy par qui je les ay faictz sonder
+ et à d'aultres, voycy ceulx que Cecille a dictz à ung mien
+ gentilhomme tout exprès pour me les raporter:
+
+ Que, par les adviz de Mr Norrys et par aultres conjectures, il
+ cognoissoit que la paix demeurait d'estre faicte en France, parce
+ que le Roy n'y vouloit permettre l'exercisse de la religion, et
+ que ceulx de la Rochelle ne combattoient ny pour terres, ny pour
+ empyres, ny pour aultre chose quelconque que pour cella; dont il
+ s'advanceroit de dire un mot, que possible l'on ne l'estimeroit
+ sage de me l'avoir mandé, que, s'il plaisoit au Roy leur ottroyer
+ le dict exercisse en leurs maysons, il pensoit fermement qu'il
+ conclurroit quant au reste la paix, tout ainsy qu'il la
+ vouldroit; et que, s'il avoit agréable que la Royne, sa
+ Mestresse, s'y employât, laquelle y pouvoit possible aultant que
+ prince ny princesse de la terre, qu'elle le feroit aultant à
+ l'honneur et advantaige de Leurs Majestez Très Chrestiennes, et à
+ la tranquillité de leur royaulme, comme si c'estoit pour elle
+ mesmes.
+
+ Le comte de Lestre, par ung gentilhomme italien catholique, qui
+ est commun amy entre luy et moy, m'a mandé que la dicte Dame
+ estoit bien disposée à la dicte paix, et qu'il estoit d'adviz
+ que, comme de moy mesmes, je l'en misse en propos, la première
+ foys que je parleroys à elle, pour l'exorter de tenir la main à
+ ce qu'on la pût conclurre à l'advantaige du Roy, et que les
+ subjectz eussent à se contenter de ce que leur prince leur
+ pourrait, avec son honneur, ottroyer, sans en vouloir tirer
+ davantaige par la force; et que je luy remonstrasse que la paix
+ de France serait la paix d'Angleterre, voyre de toute la
+ Chrestienté, et luy toucher à ce propos le restablissement de la
+ Royne d'Escoce; et comme, par l'accomplissement de ces deux
+ choses, si elle s'y vouloit bien employer, elle pourrait régner
+ très paysiblement en son royaulme:
+
+ Que, de sa part, il y tiendrait la main, comme très obligé de
+ desirer le bien du Roy et de son royaulme, et que, touchant la
+ dicte paix, il sçavoit que le cardinal de Chatillon y avoit une
+ extrême affection, et que la noblesse de ce royaulme la desiroit,
+ et desiroit tout ensemble l'accommodement des affères de la Royne
+ d'Escoce, comme deux choses d'où dépendoit le repos et la seurté
+ de leur Royne et de son royaulme; et que Cecille, pour estre
+ ennemy conjuré de la Royne d'Escoce, et pour la frustrer de la
+ légitime succession qu'elle prétend à ce royaulme, affin d'y
+ establyr ung roy de sa main, et ellever ceulx de Erfort à la
+ couronne, lesquelz il nourryt en ceste espérance, comme ses
+ pupilles, en sa mayson, empeschoit que la dicte Dame ne peult
+ bien user de sa bonne intention en nulle de ces deux choses, la
+ tenant comme enchantée sur l'éguillon de la jalouzie, qu'il luy
+ propose toutjours de la dicte Royne d'Escoce.
+
+ Mais, qu'après que j'en auroys encores une foys parlé à la Royne,
+ sa Mestresse, si elle venoit à luy en toucher ung seul mot, il
+ s'ingèreroit de luy représenter franchement le debvoir à quoy,
+ l'honneur, la foy et la conscience la tiènent obligée envers le
+ Roy et envers la Royne d'Escoce pour l'entretennement des
+ trettez; et comme, en leur satisfaisant en ce qui seroit de
+ rayson, et s'asseurant par ce moyen de la paix de France et
+ d'Escoce, elle demeureroit très asseurée et establye contre les
+ dangiers et entreprinses de toutes les aultres partz du monde;
+ et, au contraire, si, pour ne se porter bien envers le Roy sur
+ ceste paix, ny envers la Royne d'Escoce sur sa restitution, elle
+ venoit à tumber en guerre de ces deux costez, à ceste heure
+ qu'elle ne sçavoit comme elle estoit avec le Roy d'Espaigne, et
+ que ses subjectz estoient divisez, dont possible une partie
+ seroit contre elle, il est sans doute qu'elle seroit en ung très
+ grand dangier.
+
+ Et ne craindroit de luy remonstrer que, nonobstant le mal qu'elle
+ pouvoit vouloir au cardinal de Lorrayne, elle avoit à considérer
+ qu'il estoit d'une mayson grande, et de nouveau plus allyée que
+ jamais à celle de France, et qu'en estant yssue la Royne d'Escoce
+ de par sa mère, monsieur et madame de Lorrayne ne permettroient
+ qu'elle fût habandonnée du Roy, oultre les aultres notoires
+ obligations d'entre les couronnes de France et d'Escoce:
+
+ Qu'il n'eust tant tardé de remonstrer cecy à sa Mestresse, sans
+ ce que Cecille le guettoit pour le désarçonner, ainsy qu'il avoit
+ désarçonné les aultres principaulx du conseil, par prétexte de la
+ Royne d'Escoce; et qu'il tenoit ceulx qui y estoient de reste
+ encores toutz bandez contre luy, ne se souscyant de hasarder sa
+ Mestresse, son estat et toutes aultres choses, pour establyr la
+ fortune des dicts de Erfort, et qu'ayant luy à suyvre celle de sa
+ Mestresse, il luy vouloit remonstrer le dangier où elle estoit,
+ encore qu'il en deubt estre ruyné.
+
+ Despuys, trouvant que l'intention du Roy estoit conforme à celle
+ du dict comte, j'ay parlé à la Royne d'Angleterre en la forme que
+ je le mande à Sa Majesté, et le dict comte monstre à présent
+ d'estre si affectionné à la matière qu'il désire fère luy mesmes
+ le voyage devers le Roy avec grand opinion, voyre asseurance,
+ qu'il ne s'en retournera sans que la paix soit conclue; sans que
+ les affères de la Royne d'Escoce soyent accommodez; et sans que
+ l'amytié d'entre le Roy et sa Mestresse soit bien estroictement
+ confirmée.
+
+ Ainsy, par les propos de ces deux, se peult conjecturer la
+ division qui est entre ceulx de ce conseil, et comme, en ce qui
+ concerne la France, encor que toutz monstrent d'y désirer la
+ paix et de vouloir que leur Mestresse s'y employe de si bonne
+ façon que le Roy luy en sache gré, c'est néantmoins diversement;
+ car Cecille et les siens ne veulent qu'il se parle des affères de
+ la Royne d'Escoce, et le dict comte et ceulx de son party
+ desirent qu'ilz soient par mesmes moyen accommodez, dont, pour
+ avoir quelcun qui luy fasse espaule au dict conseil pour
+ fortiffier son opinion, il est fort après à solliciter le retour
+ du comte d'Arondel, qui n'est amy du dict Cecille, et tout
+ contraire à ceulx de Erfort.
+
+ =Chiffre=. [Et à propos du dict comte d'Arondel, luy et millord de
+ Lomellé m'ont envoyé remercyer de mes bons offices et
+ démonstrations envers eulx, et que, si les choses ne prennent icy
+ meilleur trein pour eulx, ilz sont pour accepter la faveur du Roy
+ à se retirer soubs sa protection en France, et le dict de Lomellé
+ y mener sa femme;
+
+ Que, pour le présent, il faut qu'ilz attendent veoir que
+ deviendront les promesses de leurs amys, et leurs moyens et
+ espérances de court; car l'on leur a mandé qu'ilz sont sur le
+ poinct d'estre rappelez en leur auctorité accoustumé, laquelle
+ s'ilz ont une foys reprinse, ilz jurent de ne s'en laysser plus
+ dépossèder et de la retenir, ou par leur droict, ou par la force,
+ contre quiconque leur y vouldra fère tort;
+
+ Et, si ce paysible moyen d'y retourner ne leur succède dans peu
+ de jours, qu'ilz en essayeront quelque aultre plus viollent, car
+ desirent, comment que soit, pourvoir aulx désordres de ce
+ royaulme, et au faict de la Royne d'Escoce, et aulx affères du
+ duc de Norfolc, et encores plus expressément s'ilz peuvent, quant
+ ilz en auront le moyen, au restablissement de la religion
+ catholique; pour lesquelles quatre choses ilz veulent tout
+ hazarder.
+
+ Et disent que l'importance de cecy gyt principalement en deux
+ poinctz; l'ung est que le dict duc veuille bien employer les
+ moyens, qu'il a dans ce royaulme, pour se mettre en liberté, pour
+ fère prendre les armes à ceulx de son party, et pour empescher au
+ conseil les dellibérations de ses adversayres:
+
+ L'aultre poinct, que ceulx du North, qui se sont retirés en
+ Escoce, soyent secouruz; car est sans doubte, s'ilz se peuvent
+ remettre en campaigne, et marcher en çà, que ceulx de leur
+ intelligence se déclaireront et les repcevront avecques faveur
+ aux meilleurs endroictz d'Angleterre, et se joindront à eulx en
+ grand nombre;
+
+ Et que le bon succez de toutes choses deppend de ce dernier,
+ sans lequel il semble que le premier ne sera essayé, non que miz
+ à exécution; car le dict duc de Norfolc ne veult rien mouvoir de
+ luy mesmes de peur d'empyrer sa cause.]
+
+
+
+
+XCVIIIe DÉPESCHE
+
+--du dernier jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par le nepveu du Sr Acerbo._)
+
+ Modération des mesures adoptées par la reine d'Angleterre.--Mise
+ en liberté du comte d'Arundel, qui est reçu en grâce par
+ Élisabeth.--Promesse faite à l'évêque de Ross que sa détention
+ va cesser.--Préparatifs d'une expédition qui doit être dirigée
+ vers le Nord.--Nouvelles d'Écosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, les dernières lettres que je vous ay escriptes et l'instruction
+que j'ay baillée au Sr de Vassal, qui les vous a aportées, vous auront
+donné assés ample notice de ce qui estoit advenu de plus principal en
+ce royaulme, jusques à la datte d'icelles, laquelle est du lendemain
+de Pasques. Meintennant j'ay à dire à Vostre Majesté que les festes se
+sont passées bien paysiblement en ceste court, sans qu'il y soit
+survenu aulcune chose de nouveau, par où ceste Royne et les siens
+ayent monstré d'en estre esmeuz davantaige; et toute expédition
+d'affères a cessé, s'estans la pluspart des seigneurs de ce conseil
+absentez en leurs maysons pour y fère la solempnité; et a l'on espéré
+que les choses, desquelles l'on craignoit debvoir le plus advenir de
+mouvement en ce royaulme, comme sont celles de ces seigneurs mal
+contantz, celles de la Royne d'Escoce et celles de la religion,
+seroient bientost réduictes à quelque modération, ayant la dicte Dame
+faict une soubdaine faveur au comte d'Arondel de l'admettre à luy
+venir bayser les mains, le jour du Jeudy sainct, avec une gracieuse
+satisfaction de ce qu'elle luy avoit faict sentyr son courroux sur le
+faict du mariage du duc de Norfolc avecques la Royne d'Escoce, parce
+qu'on l'avoit asseurée que c'estoit luy qui en estoit l'autheur: de
+quoy il s'est excusé, et qu'il n'avoit esté que en la compaignie de
+ceulx qui en avoient parlé comme de chose qu'ilz estimoient convenable
+au service d'elle, et au bien et repoz de son royaulme, et en laquelle
+ilz n'avoient jamais entendu qu'on y deubt procéder, sinon avec son
+bon congé et consentement; et que, de sa part, il ne seroit jamais
+trouvé aultre que son très fidelle subject et très loyal à sa
+couronne. Et ainsy luy ayant dès lors randue sa pleyne liberté, il
+s'en retourna pour quelques jours en sa mayson de Noncich, avec
+promesse de revenir en brief trouver la dicte Dame pour résider près
+d'elle, autant qu'il luy plairoit le commander; et à l'évesque de Roz
+fut donnée parolle qu'il seroit eslargy dans trois jours, mais despuys
+luy fut mandé que par ung mesmes moyen, après les festes, la dicte
+Dame le feroit mettre en liberté, et luy permettroit de venir tretter
+avec elle des affères de sa Mestresse; et aulx Catholiques n'a esté
+usé d'aulcune rigueur ny recerche à ces Pasques; mais aulcuns pensent
+que toute ceste gracieuse démonstration se faict pour gaigner le
+temps, et pour amortyr les entreprinses qu'on crainct devoir estre
+cest esté.
+
+Aultres ont opinion que, à bon escient, l'on veult accommoder les
+affères, et plustost plyer ung peu que venir au dangier de rompre,
+dont le temps nous fera veoir ce qui en sera; tant y a que le comte de
+Sussex marche toutjours vers le North, avec quatre mil hommes de pied
+et douze centz chevaulx, et que l'admyral Clinton est après à lever
+encores (à ce qu'on dict) des gens de pied et de cheval vers son pays
+de Linconscher pour s'aller joindre à luy; et a l'on tiré, ces jours
+passez, de la Tour trente chariotz d'armes et de monitions, et créé
+des cappitaines de pionnyers pour leur envoyer; ce qui donne à penser,
+avec d'aultres adviz précédans, qu'on a intention de dresser camp, et
+d'entrer en Escoce; vray est que la sayson ne semble propre pour
+commencer encores ceste guerre, jusques à la fin d'aoust, car jusques
+alors ne se trouvera vivres au dict pays du North ny en toute la
+frontière d'Escoce.
+
+L'on continue de dire que les seigneurs Escouçoys font aller toutes
+choses dans leur pays à l'advantaige de la Royne, leur Mestresse, et
+qu'ilz ont faict proclamer son auctorité, et qu'il ne reste des grands
+du royaulme que quatre que toutz ne soyent pour elle. L'on dict qu'ilz
+ont encores remiz jusques au premier jour de may la tenue de leurs
+Estatz. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXXIe jour de mars 1570.
+
+
+
+
+XCIXe DÉPESCHE
+
+--du IIIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Cambernon_.)
+
+ Retour du comte d'Arundel à la cour.--Prolongation de la
+ captivité de l'évêque de Ross.--Affaires d'Écosse.--Bon accueil
+ fait par le duc d'Albe aux députés d'Angleterre.--Nouvelles
+ d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, retournans après ces festes les seigneurs de ce conseil en ceste
+court, le comte d'Arondel y est arrivé des premiers, auquel la Royne
+sa Mestresse a faict beaulcoup de faveur, monstrant prendre toute
+confiance de luy; dont semble qu'il ne reffuzera de se laysser
+introduyre de rechef aulx affères, mais ce sera possible plus pour
+servyr à la liberté du duc de Norfolc, son beau filz, et aulx affères
+de la Royne d'Escoce, ausquelz il a toutjour porté bonne affection,
+que pour ambicion qu'il ayt; car le présent manyement de l'estat ne
+semble aller aucunement sellon qu'il le vouldroit.
+
+Je suys bien marry qu'en leurs premières dellibérations, iceulx
+seigneurs du conseil, après leur dict retour, ayent changé ce qu'ilz
+avoient auparavant ordonné pour l'évesque de Roz, de luy donner sa
+liberté incontinent après Pasques, et qu'il seroit admiz à parler à la
+Royne leur Mestresse; là où meintennant on luy faict dire qu'il ayt
+encores pacience, et qu'elle n'est bien résolue quant, ny commant,
+elle la luy pourra donner. Il semble que le sir Randolf ayt donné
+adviz à la dicte Dame que ceulx, qui ont relevé le party du comte de
+Mora en Escoce, ont desjà dépesché l'abbé de Domfermelin et Nicollas
+Elphiston pour venir tretter, avecques elle et avec les seigneurs de
+son conseil, de toutes choses de dellà; et que possible elle y veult
+avoir pourveu, premier que d'eslargyr le dict sieur évesque, de peur
+qu'il ne luy traverse ses desseings. Et de ce, Sire, que je vous avois
+cy devant mandé, que le voyage du comte de Lenoz estoit interrompu,
+les dicts du conseil ont changé d'opinion à cause d'une lettre que les
+comtes de Mar et de Glencarve, et les lordz Lendzay, Semple, Ruthunen
+et Drunquhassil ont escripte au dict de Lenoz, qu'il veuille venir en
+dilligence prendre la régence du pays, affin de conserver l'authorité
+au jeune prince son petit filz, et haster le secours que la Royne
+d'Angleterre leur a promiz; de tant mesmement que les fuytifz de son
+royaulme non seulement se sont joinctz aulx Amelthons en faveur de la
+Royne d'Escoce, mais publient aussi qu'ilz n'attendent, d'heure en
+heure, que l'arrivée du renfort qui leur doibt venir de France et de
+Flandres. Sur quoi, de tant que iceulx du conseil ont senty que le
+comte de Morthon, duquel ilz espéroient beaucoup, n'estoit bien vollu
+ny de la noblesse ny du peuple d'Escoce, et que mesmes il n'estoit
+soubsigné en la dicte lettre avec les aultres, ce qui monstroit de
+n'estre bien d'accord avec eulx, par ainsy qu'ilz ne pouvoient fère
+aulcun bon fondement sur luy, ilz ont advisé de laysser aller, plus
+par nécessité que par ellection, le dict de Lenoz par dellà; réservant
+néantmoins la charge principalle du tout au comte de Sussex, et ne
+fornyssant à icelluy de Lenoz que, comme pour fère le voyage, envyron
+trois mil cinq centz escuz. Vray est que la comtesse, sa femme, a
+engaigé ses bagues et sa vaysselle d'argent pour luy fère plus grand
+somme; et cependant l'on a dépesché, coup sur coup, force courriers
+devers le comte de Sussex, ne sçay encores à quelles fins; car le
+bruyt est que les frontières ne sont plus tant pressées comme elles
+estoient par les fuytifz; mais je pense que c'est pour le haster vers
+l'Escoce, me confirmant toutjour en l'opinion qu'ilz le feront entrer
+dans le pays avecques forces, et mesmes que, pour pourvoir à la faulte
+des vivres qu'on pourroit avoir par dellà, j'entendz qu'on faict grand
+provision de farines, partout icy autour, pour les y envoyer par mer:
+ce que je mettray peyne de vériffier, et de vous donner de cella, et
+d'aultres choses, ung plus exprès et un plus certain adviz par mes
+premières. Je ne cesse cependant de fère, au nom de Voz Majestez Très
+Chrestiennes, toutz les meilleurs et plus exprès offices que je puys
+pour les affères de la dicte Royne d'Escoce, mais je ne sçay que
+espérer d'iceulx en un si grand changement et variation, comme l'on
+m'y use ordinairement, sinon que je croy qu'ilz se rangeront enfin
+d'eulx mesmes, ou qu'ilz ruyneront ceulx qui les vouldront ruyner.
+
+Icy court ung bruyt que le duc d'Alve a vingt six grands navyres
+prestz à mettre sur mer, avec nombre d'hommes de guerre, et de
+monitions, mais ne se dict à quel effect; néantmoins, cella met ceulx
+cy en assés de souspeçon, lesquelz ne layssent pourtant de solliciter
+par leurs depputez l'accord des différans des Pays Bas; et leur a fort
+pleu que le duc d'Alve les ayt ainsi bien receuz comme il a faict avec
+grand faveur; et que, à Bruges et en Envers où ilz ont passé, l'on les
+ayt caressez et trettez en amys; et que les officiers les ayent
+visitez et leur ayent envoyé présens; et que desjà le dict duc ayt
+depputé personnaige de sa part pour tretter avec eulx; dont s'espère
+qu'ilz s'accommoderont, comme, à la vérité, pour avoir les ungs et les
+aultres où entendre assés en d'aultres choses, il semble que tant plus
+vollontiers ilz vouldront sortyr de celles cy.
+
+Il se parle d'ung grand emprunct que ceste princesse propose de fère
+tout de nouveau; dont suys après à descouvrir si c'est pour recepvoir
+les deniers icy ou en Hembourg, et semble bien que les propos et
+pratiques de la dicte Dame et des siens en Allemaigne demeurent en
+mesmes suspens que faict la paix de France; et n'ay point sceu qu'il
+soit venu, de tout le moys passé, aultres nouvelles de dellà, si n'est
+de la diette du XXIIe de may à Espyre, et de l'aprest des deux Roynes,
+filles de l'Empereur, pour aller en France et en Espaigne; et du faict
+du prince d'Orange, duquel l'on parle diversement, car les ungs disent
+qu'il sçayt où prendre gens et argent pour fère une grande entreprinse
+et que la faveur des princes protestans ne luy manquera: aultres
+asseurent, et mesmement l'ambassadeur d'Espaigne, qu'il n'a ny gens,
+ny argent, ny moyen de rien entreprendre, et qu'il a perdu toute sa
+réputation envers les dicts princes protestans. Sur ce, etc.
+
+ Ce IVe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+Ce DÉPESCHE
+
+--du IXe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Rossel et Christofle_.)
+
+ État des forces levées pour le Nord, et sans doute destinées à
+ entrer en Écosse.--Nouvelles de Marie Stuart.--Sommes
+ importantes réunies par Élisabeth.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, l'occasion pour laquelle la Royne d'Angleterre a dépesché,
+despuys huict jours, plusieurs courriers vers son pays du North, ainsy
+que je le vous ay mandé par mes précédantes du IIIIe du présent, est,
+sellon que j'entendz, pour mander aux trouppes et compagnies de gens
+de guerre, qu'on a levées en ces quartiers là, de se randre toutes
+ensemble à Yorc le XIIe de ce moys; et au comte de Sussex qu'il leur
+face fère incontinent la monstre, et qu'il les face acheminer à si
+bonnes journées qu'il puysse avoir son armée toute preste à Barvyc, le
+premier jour de may; laquelle les ungs disent debvoir estre de dix mil
+hommes de pied et cinq mil chevaulx, les aultres de la moytié moins
+des ungs et des aultres, ce que, pour encores, je croy estre le plus
+certain, mais qu'il a bien commission de lever l'aultre plus grand
+nombre, s'il est besoing. Il ne se dict encores ouvertement qu'il
+doibve entrer en Escoce, mais il se tient pour résolu qu'il le fera,
+si les seigneurs du pays, entre cy et là, ne se trouvent d'accord, ce
+que la dicte dame crainct assés; auquel cas, elle regardera ung peu de
+plus près comme elle devra poursuyvre l'entreprinse, et possible
+adviendra cependant que de l'avoir seulement entamée, elle leur aura
+donné plus prompte occasion de se réunyr. Il est bien certain que ses
+fuytifz ayant ainsy couru, de jour et de nuict, comme ilz ont faict,
+la frontière de deçà, et pillé et brullé les villaiges, et enmené
+force prisonniers, luy donnent occasion d'y envoyer des forces pour
+leur résister; mais elle dict que non seulement elle les veult
+chastier, mais qu'elle veult chastier ceulx qui les ont retirez; ce
+qui s'adresse principallement aulx Escouçoys: car l'on m'a asseuré,
+quant aux dictes frontières, que, despuys quelques jours, elles se
+trouvent assés paysibles, par l'ordre que les Escouçoys mesmes y ont
+miz; et que les principaulx chefz des fuytifz sont après à trouver
+moyen de passer en France ou en Flandres, ce qui debvroit fère
+abstenir la dicte Dame de son entreprinse; mais je crains que ce sera
+cella qui l'y convyera davantaige pour luy sembler moins difficile, et
+pour vouloir en toutes sortes establir les choses d'Escoce, si elle
+peult, à sa dévotion.
+
+Et fault estimer, Sire, que son desseing au dict pays ne peult estre
+petit, veu le nombre de canons de batterye, de couleuvrines, de
+monitions, d'armes et de vivres qu'elle y envoye. La Royne d'Escoce
+luy a naguières escript là dessus, mais l'évesque de Roz, qui est
+encores en arrest, ny moi, n'avons peu entendre du contenu en sa
+lettre que ce qui concerne seulement sa santé: qu'elle se porte bien,
+qu'elle se loue du bon trettement du comte de Cherosbery, et qu'elle
+trouve bon qu'il la conduyse en une aultre sienne mayson pour changer
+d'air et pour avoir plus grande commodité des vivres. L'on attend
+l'arrivée de l'abbé de Domfermelin, et le comte de Lenoz est desjà
+party, duquel l'on ne se peult si bien asseurer qu'on ne voye encores
+plusieurs difficultez en son voyage, et se parle de quelque marché sur
+le comte de Northomberland, que ceste Royne donnera quatre mil {lt}
+d'esterlin pour lui estre livré entre ses mains, par où semble qu'il
+soit encores dans le chasteau de Lochlevyn; et, à la vérité, Sire, je
+n'ay peu encores avoir assés de certitude des choses de dellà, car les
+passaiges sont trop serrez, et ce qui en vient en ceste court est tenu
+bien fort secrect, ou bien l'on le baille tant au contraire de ce qui
+est que je n'y donne poinct de foy. J'espère que par d'aultres moyens,
+que nous avons essayez, il nous en viendra bientost quelque notice.
+
+Quant à l'emprunct, dont en mes précédantes je vous ay faict mention,
+j'entendz que la dicte Dame a fait expédier mil Ve lettres de son
+privé scel, la moindre de cinquante {lt} d'esterlin, et la pluspart de
+cent, aulx particulliers bien aysez de son royaulme pour luy estre
+forny par chacun sa cothe part en ceste ville de Londres, dans le
+prochain moys de may; dont faict estat qu'il montera à la somme de
+cent cinquante mil {lt} d'esterlin, qui est cinq centz mil escuz. L'on
+commance de préparer une flotte de draps pour Hembourg et deux navyres
+de guerre pour la conduyre aulx despens des merchans; mais plusieurs
+estiment que ce sera pour aller en Envers, et que les depputez
+conclurront quelque chose sur ces différans, affin de pouvoir
+continuer leur mutuel traffic comme auparavant. Ceulx cy demeurent en
+grand suspens sur la longueur du tretté de paix de Vostre Majesté, et
+semble, Sire, qu'ilz en désirent et qu'ilz en craignent tout ensemble
+la conclusion pour des considérations et respectz, qui sont assés
+divers, dont je suys après d'en vériffier ce que desjà l'on m'en a
+dict, affin de vous rendre plus claire leur intention. Sur ce, etc.
+
+ Ce IXe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+CIe DÉPESCHE
+
+--du XIIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Le Tourne_.)
+
+ Continuation des préparatifs militaires contre
+ l'Écosse.--Inquiétude des Anglais sur la négociation des
+ affaires de Flandre.--Détail des nouvelles arrivées en
+ Angleterre sur l'état de la guerre civile en France, et les
+ entreprises faites par les protestans.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ce que j'ay aprins de l'expédition de l'armée que la Royne
+d'Angleterre envoye vers le North, despuys les dernières nouvelles que
+j'en ay escriptes à Vostre Majesté du IXe du présent, est que le comte
+de Sussex, en marchant en là, a assemblé six mil hommes, tant de pied
+que de cheval, à Duram, dont il en eust heu davantaige, s'il n'eut
+renvoyé ceux des gens de cheval qui n'estoient protestans; mais n'a
+regardé de si près aulx gens de pied, et, avec ceste troupe, il
+dellibère s'acheminer vers Barvyc, non qu'il ayt encores toutes choses
+si bien prestes qu'il s'y puisse randre le dernier de ce moys, comme
+il luy a esté mandé, ny qu'il puisse, devant le XVe du prochain,
+entrer en Escoce. Et de tant qu'on publyoit par dellà que la dicte
+armée seroit de dix mil hommes de pied et cinq mil chevaulx, quelcun
+m'a dict que ceulx du party contraire de la Royne d'Escoce ont mandé
+qu'il suffiroit, pour ceste heure, de fère entrer la moictié des
+dictes forces dans le pays, à cause qu'on ne trouverait assés de
+vivres pour tant de gens et de chevaulx; et qu'avec cella le petit
+prince pourroit estre facilement enlevé sans aulcun empeschement,
+pourveu que le reste se tînt sur la frontière pour venir au secours,
+si besoing estoit. L'on m'a confirmé qu'il est venu adviz bien certain
+à ceste Royne de l'arrivée d'ung ambassadeur de Vostre Majesté par
+dellà, et adjouxte l'on qu'il a conduict dans Dombertran six mil
+harquebouzes et trois mil corseletz, et qu'il faict une grande
+dilligence de réunyr et mettre les seigneurs du pays en bon accord,
+leur promettant l'assistance et secours de Vostre Majesté; et que les
+fuytifz d'Angleterre qui estoient près de s'en aller par mer, se sont
+arrestez; bien que quelcun m'a dict que le comte de Northomberland a
+trouvé moyen d'eschapper de Lochlevyn, et qu'il s'est retiré en
+Flandres. Il est vray, Sire, que jamais nouvelles ne furent baillées
+plus diverses que celles qui viennent de ce quartier là, parce que la
+matière est affectée de plusieurs, qui les publient sellon qu'ilz y
+ont différante affection. L'abbé de Domfermelin n'est encores arrivé.
+Le comte de Lenoz poursuyt son voyage, et la liberté est promise dans
+trois jours à l'évesque de Roz.
+
+Ceulx cy ont si grand désir que les depputez, qu'ilz ont envoyé en
+Flandres, facent quelque bon accord, que, pour garder que
+l'ambassadeur d'Espaigne ou aultres de deçà n'escripvent chose qui y
+puisse donner empeschement, ilz ont ung grand aguet sur toutes les
+dépesches qu'on y faict, et n'en layssent passer une seulle qui ne
+soit visitée. J'entendz qu'il est arrivé quelcun, assés freschement,
+de la Rochelle qui publie que les princes de Navarre et de Condé sont
+en Languedoc ez envyrons de Thoulouze, qui pillent, brullent et
+ruynent tout ce qui deppend des habitans de la dicte ville et non
+d'ailleurs; qu'ilz ont leur armée plus forte et en meilleur équipaige
+que jamais; qu'ilz font toutz les jours amaz d'argent et de gens, et
+mesmes de bandolliers, desquelz ilz ont desjà ung bon nombre, des plus
+mauvais garçons de la montaigne; que Mr de Biron est encores avec eulx
+pour tretter de la paix, mais parce qu'il ne propose nulles condicions
+raysonnables, l'on commence à souspeçonner qu'il n'a esté envoyé pour
+dire rien de particullier, mais pour espyer leurs forces et
+recognoistre l'estat de leur armée; qu'ilz ont d'aultres forces bien
+gaillardes à la Charité, qui courent ordinairement jusques à Bourges
+et à Orléans, et deux mil hommes de pied et cinq centz chevaulx à la
+Rochelle, avec lesquelles le Sr de La Noue tient tout le pays subject;
+qu'ilz ont reprins Maran et aultres lieux, nomméement Oulonne qui leur
+tenoit les vivres serrez, et qu'à présent ilz en recouvrent
+abondantment de toutes partz; et que Vostre Majesté estoit toujours à
+Angiers, sans argent et sans grand moyen d'en recouvrer. Lesquelles
+nouvelles aulcuns de ce conseil les magniffient, et les font encores
+courir plus amples affin d'intimider davantaige les Catholiques de ce
+pays. Néantmoins l'on m'a dict que la Royne, leur Mestresse, continue
+toutjour au mesmes désir que je vous ay cy devant mandé de la paix de
+vostre royaulme. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+CIIe DÉPESCHE
+
+--du XVIIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par Jos, mon secrétaire._)
+
+ Détail de ce qui s'est passé en Écosse après le meurtre du comte
+ de Murray.--Assemblée des états à Lislebourg.--Espoir du
+ rétablissement des affaires de Marie Stuart, si son parti est
+ promptement secouru par la France.--Nouvelles de la Rochelle et
+ de Flandre.--Nécessité de faire la paix en France, et de
+ s'opposer avec vigueur aux projets de l'Angleterre sur
+ l'Écosse.--Conséquences désastreuses qu'aurait pour la France
+ la réunion de l'Écosse à l'Angleterre.--Avis secret donné à
+ Catherine de Médicis.--_Mémoire._ Résolutions arrêtées dans le
+ conseil d'Angleterre.--Dessein que l'on suppose au roi
+ d'attaquer l'Angleterre aussitôt après la pacification.--Projet
+ imputé au cardinal de Lorraine de vouloir faire périr Élisabeth
+ et Cécil par le poison.--Dissensions causées dans le conseil
+ par la rivalité des enfans de Hereford et de Marie Stuart,
+ comme héritiers présomptifs de la couronne
+ d'Angleterre.--_Mémoire secret._ Communications confidentielles
+ venues des Pays-Bas sur les projets de mariage des filles de
+ l'empereur avec le roi de France et le roi d'Espagne, et de
+ Madame, soeur du roi, avec le roi de Portugal.--Desseins
+ secrets du duc d'Albe.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, jusques à ceste heure, je n'ay peu mander rien de bien certain à
+Vostre Majesté du costé d'Escoce, à cause que la Royne d'Angleterre,
+sentant les diverses affections que les siens portent aulx choses de
+dellà, a miz bon ordre qu'il n'en puisse venir nouvelles sinon à elle,
+et de tenir icelles bien secrettes; mais ung des moyens que nous avons
+essayé pour en sçavoir a réuscy; par lequel une lettre est arrivée à
+la Royne d'Escoce, du XIXe de mars, d'ung de ses bons subjectz qui luy
+escript, que bientost après que le comte de Mora a esté tué, ceulx de
+son party se sont efforcez de tenir une assemblée à Lislebourg, le
+VIIe de febvrier, pour establyr de rechef la forme du gouvernement à
+leur poste, au nom du petit prince. A quoy aulcuns d'entre eulx,
+mesmes qui estoient desjà retournez en leur première bonne affection
+vers leur Royne, aydez du desir du peuple qui demandoit la convocation
+généralle des Estatz, y ont donné empeschement, estant par le layr de
+Granges, et sir Jammes Baffour formée une opposition, laquelle n'a
+esté de peu de moment: car par là l'on a cogneu que le chasteau de
+Lislebourg, duquel le dict de Granges est capitaine tenoit pour la
+dicte Dame et que les choses avoient esté conduites en façon que dès
+lors une assemblée généralle fut publiée, au IIIIe de mars ensuyvant,
+au mesmes lieu de Lislebourg, en laquelle la pluspart de la noblesse
+s'estoit trouvée, réservé aulcuns des Amilthons pour la souspeçon du
+murtre du dict de Mora, et réservé le comte d'Arguil, qui n'avoit
+passé plus avant que Glasco, et que les deux partz ne s'estoient
+pourtant guières meslée l'une avecques l'aultre; ains avoient tenu
+leurs assemblées séparées, sinon quelquefoys que les amys et partisans
+de la Royne avoient condescendu de convenir avec aucuns des aultres en
+la maison du secrétaire Ledinthon, qui estoit mallade, pour tretter de
+certaines particullaritez; et qu'enfin n'y avoit esté faicte plus
+grande détermination, que de assigner une aultre nouvelle assemblée au
+mesmes lieu, au premier jour de may prochain, de laquelle assemblée à
+venir les bons serviteurs de la dicte Dame ne pouvoient prendre
+aulcune bonne espérance, s'il n'aparoissoit premier pour elle quelque
+bonne faveur et assistance par dellà, ou de France, ou de Flandres,
+ainsy que ceulx qui estoient demeurez fermes en la foy et obéyssance
+de la dicte Dame, l'avoient toutjour espéré: car ceulx du contraire
+party s'asseuroient d'estre favorisez et secouruz, dans le temps, par
+la Royne d'Angleterre et d'hommes, et d'argent, pour maintenir
+l'authorité du jeune Roy et la religion nouvelle dans le pays, ainsy
+que Randolf, son ambassadeur, les en asseuroit; et qu'il estoit bien
+vray que le comte d'Atil, milord de Humes, le ler de Granges, le
+secrétaire Ledinthon, et plusieurs aultres qui avoient esté du
+contraire party, se déclaroient meintennant estre de celluy de la
+dicte Royne d'Escoce; et le dict Ledinthon pratiquoit encores d'y
+admener le comte de Morthon, avec lequel il en estoit bien avant en
+termes; et que les fuytifz d'Angleterre estoient aussi toutz déclairez
+pour elle et pour la religion catholique, mesmes le comte de
+Northomberland, qui avoit commancé de tretter de son rappel avec le
+dict Randolf pour sortyr de pryson, avoit, par la persuasion du dict
+Ledinthon, demeuré ferme en son premier propos, de sorte que les
+aultres restoient bien foybles dans le pays; mais qu'il estoit certain
+que les deniers et les forces d'Angleterre les relèveroient et leur
+mettroient toutes choses en leur main, si quelque aultre main bien
+forte ne s'y trouvoit opposante pour la dicte Royne d'Escoce; et
+contenoit aussi la dicte lettre que l'abbé de Domfermelin estoit
+dépesché par ceulx du contraire party devers ceste Royne, et que les
+aultres avoit advisé d'envoyer conjoinctement Robert Melin devers
+elle, pour la prier de moyenner par son authorité une bonne
+réconciliation dans le pays et en oster la division, affin que les
+estrangiers n'y fussent par les ungs ou par les aultres appellez, au
+grand détriment de la paix et du commun repos des deux royaumes.
+
+Lesquelles susdictes nouvelles, Sire, nous tenons pour plus vrayes,
+que nulles aultres qu'on nous ayt encores raportées; et sur icelles la
+Royne d'Escoce m'a prié de fère aulcuns offices envers la Royne
+d'Angleterre, pour l'exorter à l'entretennement des trettez, et de ne
+rien attempter par son armée au préjudice d'iceulx, ce que j'ay desjà
+faict, et y incisteray encores bien fermement; et que je veuille aussi
+fère entendre de sa part à Vostre Majesté qu'elle et son royaulme, qui
+sont l'ung et l'aultre de vostre alliance, pourront estre facillement
+remédiez à ceste heure par le secours qu'il vous a pleu luy accorder,
+pourveu qu'il vienne promptement, sellon que les choses sont encores
+en fort bonne disposition; de quoy elle vous supplie très humblement,
+mais que si vostre dict secours luy deffault, qu'il adviendra deux
+grandz inconvénians, qui vous seront non guières moins dommageables
+qu'à elle; l'ung, que les affères siens et de ses subjectz, qui sont
+proprement vostres et ceulx de la religion catholique, recepvront ung
+préjudice et détriment perpétuel dans son pays; l'aultre, que, pour se
+rachapter de la pryson où elle est et recouvrer son estat et sa
+liberté, elle sera contraincte de mettre le prince d'Escoce, son filz,
+ez mains des Anglois.
+
+Voylà, Sire, quand aulx affères de ceste pouvre princesse, qui sont si
+pressez par la dilligence que ceste Royne faict de haster toutjour son
+armée vers l'Escoce, qu'on pense que dans deux moys elle aura achevé
+son entreprinse, et n'est sans soupeçon qu'elle veuille fortiffier
+Dombarre, ou Aymontz, ou quelque aultre lieu dans le pays, veu les
+pyonniers qu'elle y envoye.
+
+Au surplus, Sire, certainz petitz discours qu'on a envoyés imprimez
+de la Rochelle font aulcunement mal espérer ceulx cy de la conclusion
+de la paix de vostre royaulme. Néantmoins la Royne d'Angleterre
+monstre toutjour de la desirer, bien que quelcun m'a dict que si elle
+estoit déjà faicte, que la dicte Dame yroit plus retenue ez choses
+d'Escoce, et n'y procèderoit sinon ainsi que vous le vouldriez, mais
+qu'elle pense, durant le pourparlé d'icelle, avoir exécuté ce qu'elle
+prétend. Il semble par aulcuns propos qu'on m'a raporté du Sr de
+Lombres que les pratiques du prince d'Orange en Allemaigne ne sont
+mortes et que bientost il s'en manifestera quelque chose; dont les
+Flamans, qui sont icy, desireroient la paix de France, affin que la
+guerre fût transférée en leur pays. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour d'apvril 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, estant les choses d'Escoce en l'estat que je les mande en la
+lettre du Roy, et ceulx cy sur le poinct de les aller par armes
+réduyre à leur dévotion, plusieurs gens de bien sont, avec grand
+desir, attandans quel ordre Voz Majestez Très Chrestiennes y mettront
+pour les remédier, et me viennent souvent alléguer qu'il pourra venir
+beaucoup de diminution à vostre grandeur, si vous layssez aller en
+proye aulx Anglois la Royne d'Escoce, et son royaume, et la religion
+catholique de son pays; car, oultre qu'il yra assés en cella de la
+réputation de vostre couronne, ilz disent qu'en la présente guerre de
+vostre royaulme, la réduction de toute ceste isle au pouvoir de ceulx
+cy et l'entière réunyon d'icelle à leur religion nouvelle sera ung
+très grand apuy de deniers, de munitions et aultres moyens à ceulx de
+la Rochelle et aulx Allemans, qui les favorisent, en dangier que ceste
+Royne, par après, entrepreigne elle mesmes ouvertement la guerre avec
+eulx, et davantaige qu'à l'advenir, se trouvans les Anglois hors de
+toute souspeçon de l'Escoce, laquelle s'est toutjour trouvée preste
+pour nous contre leurs entreprinses, mesmes l'ayant mise de leur
+costé, qu'ilz ne vous meuvent une perpétuelle guerre, pour leurs
+prétencions; ou bien que, par quelque mariage ou par aultre accession,
+ilz aillent joindre toute ceste isle à la grandeur de quelque aultre,
+parce qu'ilz craignent naturellement la vostre, qui vous sera de grand
+préjudice.
+
+Sur quoy je leur répondz, Madame, que les choses d'Escoce ne sont si
+foibles d'elles mesmes, ny si mal apuyées de Voz Majestez Très
+Chrestiennes que les Anglois les puissent ayséement plyer; et, quant
+bien ilz se seroient prévaluz de l'oportunité de ce temps, auquel ilz
+vous voyent fort empeschez aulx guerres de vostre royaume, que
+néantmoins vennant la paix, comme Voz Majestez ne sont loing de
+l'avoir, que vous radresserez bien ayséement le tout; et que l'Escoce
+ne sera jamais à eulx, que quand ilz la cuyderont bien tenir. Je
+considère assés, Madame, que la Royne d'Angleterre entreprend d'une
+grande affection ce faict d'Escoce, et que les ennemys et malveillans,
+que la Royne sa cousine a dans son propre royaulme et dans cestuy cy,
+l'y persuadent si fort, qu'il est très difficile de l'arrester;
+néantmoins, je vous suplie très humblement, Madame, me commander par
+ce mien secrétaire ce que j'auray à dire ou fère là dessus envers la
+dicte Royne d'Angleterre, oultre l'office que je luy ay desjà faict;
+car je ne fauldray d'ung seul poinct de très humblement vous y obéyr.
+Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour d'apvril 1570.
+
+AULTRE LETTRE A PART A LA ROYNE.
+
+Madame, j'ay donné charge à ce mien secrétaire de vous bailler ce mot,
+à part, pour avoir meilleur moyen de compter à Vostre Majesté la
+façon, dont l'on a usé, pour fère venir en mes mains le propre
+original de cest escript, qu'il vous baillera en forme d'une lettre
+qu'on m'adressoit; où trouverez, Madame, ung conseil[5], lequel je
+vous suplie très humblement ne communiquer, du commancement, sinon au
+Roy et à Monseigneur, voz enfans, et puis à quelcun de voz plus
+expéciaulx et saiges serviteurs, qui, possible, vous ouvrira
+l'expédiant comme vous vous en pourrez servyr. Il vous pourra, par
+advanture, estre venu ung semblable adviz d'ailleurs, mais je vous
+puys bien jurer, Madame, avecques vérité, que je ne sçay ny ne puys
+penser d'où cestuy cy est procédé. Cella considérè je bien que, par
+icelluy, il y pourroit cy après avoir moins d'ellévation dans vostre
+royaulme et aussi moins de moyen d'oster ce qu'y auriez une foys
+introduict. Sur ce, etc.
+
+ [5] La pièce n'ayant pas été transcrite sur les registres de
+ l'ambassadeur, on ne connaît pas la teneur de cet avis.
+
+ Que les choses de ce royaulme s'entretiennent encores en quelque
+ apparence de repos, non d'elles mesmes, car tout est plein de
+ malcontantement, mais par la dilligence de ceux qui sont en
+ authorité; lesquelz font ce qu'ilz peuvent pour gaigner le temps,
+ mais non pour remédier du tout au mal; car semble plustost
+ qu'ilz le vont norrissant pour le fère cy après devenir plus
+ grand.
+
+ Ilz s'esforcent de passer cest esté sans troubles par le moyen de
+ l'armée, qu'ilz ont faicte dresser à leur Mestresse vers le North
+ par prétexte des choses d'Escoce, et d'aller contre les fuytifz;
+ en quoy ilz exécuteront, sans faulte, ce qu'ilz pourront; mais il
+ n'y a assés de deniers en repos pour entreprendre choses si
+ utilles, sans ce qu'on estime que la mesme armée se trouvera
+ preste et en estat contre l'ellévation, qu'on crainct bien fort
+ debvoir advenir avant la racolte.
+
+ Et à ceste force ilz ont adjouxté l'artiffice, car, pour donner
+ quelque satisfaction aulx principaulx de la noblesse, affin
+ qu'ilz ne se meuvent, et pour leur fère prendre espérance d'ung
+ meilleur estat des choses, ilz ont rappellé en court et au
+ conseil le comte d'Arondel, et ont miz en pleyne liberté millord
+ de Lomelley, et ont donné espérance au duc de Norfolc d'estre en
+ brief eslargy hors de la Tour, soubz quelque garde en sa mayson
+ qu'il a à Londres, et que mesmes se pourra ottroyer une forme de
+ pardon au comte de Northomberland et aultres chefz des fuytifz,
+ pour remettre toutes choses en bonne unyon.
+
+ Mais il adviendra, possible, que l'artiffice produyra ung aultre
+ effect que le simulé, parce que ceste princesse n'a le cueur ny
+ l'intention esloignée de celle de sa noblesse, n'y n'est mal
+ affectionnée à ses subjectz catholiques, pour lesquelz elle
+ résiste assés souvant aulx conseilz, que leurs adversaires luy
+ donnent contre eulx, affin qu'avec les ungs et les aultres elle
+ puisse passer son règne en paix.
+
+ Et semble bien que les seigneurs catholiques seront pour tenir
+ dorsenavant leur partie bien ferme et rellevée, de tant que le
+ comte de Lestre se monstre entièrement pour eulx, ayant esté luy
+ le moyen de les fère eslargir et rappeller; et il descouvre qu'il
+ a assés d'aisne au secrétaire Cecille, pour cause de ceulx de
+ Herfort, lesquelz le dict Cecille cherche, par toutz moyens, de
+ les ellever à ceste couronne au préjudice du dict comte et des
+ aultres seigneurs, qui estiment qu'il ne leur va de moins que
+ leurs testes et de la ruyne de leurs maysons, s'ilz y
+ parviennent.
+
+ Mais le dict Cecille, oultre ce qu'il tient meintennant sa
+ Mestresse assés bien disposée envers les dicts de Herfort, pour
+ la grand jalouzie qu'il luy imprime toutjour de la royne
+ d'Escoce; de laquelle le tiltre seul précède celluy de Herfort en
+ la succession de ce royaulme, il y bande aussi toute la part des
+ Protestans et mesmes les évesques et officiers, et toutz ceulx
+ qui sont en quelque authorité, et pensoit bien y avoir aussi
+ conduict le dict comte de Lestre par le moyen de la dicte
+ religion, et par beaulcoup d'asseurances et promesses qu'il luy
+ avoit faictes; mais j'entendz que, lundy dernier, estantz huict
+ les plus protestans de ce conseil assemblez, en la mayson du
+ comte de Belfort aulx champs, pour dellibérer de ce qu'ilz
+ avoient à fère pour la légitimation des dicts de Herfort, et pour
+ advancer leur tiltre, ilz se plaignirent grandement du dict comte
+ de Lestre, de ce qu'ayant faict rapeller le comte d'Arondel au
+ conseil, il avoit préparé ung grand obstacle à leur entreprinse.
+
+ Et le dangier est que la Royne d'Angleterre (de laquelle la
+ vollonté et disposition peult beaulcoup en cella) se mette toute
+ de ce party pour les grandes impressions, qu'on luy donne,
+ qu'elle est en dangier de son estat et de sa propre vie, si elle
+ n'oste et l'estat et la vie à sa cousine.
+
+ Car, oultre les propos qu'on luy a dict que Monseigneur, frère du
+ Roy, avoit tenuz, lesquelz j'ay naguières escriptz à mon dict
+ seigneur, j'entendz qu'on luy faict acroyre que Mr le cardinal de
+ Lorraine sollicite, à ceste heure, ardentment la paix en France,
+ pour avoir plus de moyen de dresser une entreprinse contre
+ l'Angleterre en faveur de la Royne d'Escoce, sa niepce; et que,
+ pour y pouvoir à moindres fraiz conduyre son intention, et y
+ trouver moins de difficulté, qu'il a convenu avec ung Itallien,
+ dont le nom et le visaige, disent ilz, sont cognuz, de fère
+ empoysonner la dicte Royne d'Angleterre et le secrétaire Cecille,
+ et que les plus grands de France inclinent à fère la guerre par
+ deçà.
+
+ Et la met on en souspeçon que le Roy d'Espaigne sera pour
+ concourre facillement à l'entreprinse, pour revenche de l'injure
+ de ses deniers, et des prinses de mer que ceulx cy ont faictes
+ sur ses subjectz; et mesmes l'on s'esforce de luy en monstrer
+ desjà quelque indice par l'interprétation d'une dépesche, que
+ j'entendz qu'on a intercepté, de Mr de Forquevaulx, et envoyée
+ par deçà; en laquelle, après ung propos de trois mariages, il
+ faict mencion du grand amaz de gens, et d'argent, et des
+ préparatifs, par mer et par terre, que le Roy d'Espaigne faict,
+ avec aulcunes particullaritez de plus estroicte intelligence avec
+ Leurs Majestez Très Chrestiennes. Ce que n'estimans ceulx cy que
+ cella puysse estre pour résister seulement aulx Mores, ilz
+ veulent inférer que c'est contre eulx.
+
+ A quoy l'on m'a dict qu'ilz sont davantaige confirmez par une
+ lettre, qu'on a escripte de la Rochelle à la dicte Dame, en
+ laquelle l'on l'a prié que, si le Roy vient à offrir des
+ condicions de paix à la Royne de Navarre, et aulx princes ses
+ filz et ses nepveux, et aultres de leur party, qui soyent
+ raisonnables, comme Sa Majesté monstre s'en aprocher, qu'elle
+ trouve bon qu'elles soyent aceptées; car ne les pourront
+ bonnement reffuzer, sans se monstrer mauvais subjectz, et que la
+ noblesse désire grandement satisfère au Roy; aussi qu'on voyt
+ bien qu'elle et les princes d'Allemaigne sont longs et tardifz à
+ les secourir, et néantmoins adjouxtent beaucoup de grandz
+ mercyemens et offres à la dicte Dame, et la prient qu'elle
+ veuille bien pourvoir à la seurté de ses affères, parce qu'il
+ semble qu'on projecte desjà de grandes entreprinses contre elle
+ et son estat, en faveur de la Royne d'Escoce.
+
+ Desquelz adviz aulcuns icy ont heu de quoy manifester si
+ ouvertement leur malice, qu'ilz ont ozé dire deux choses à la
+ dicte Dame; l'une, que si elle n'empeschoit la paix de France,
+ qu'elle aurait certainement la guerre en Angleterre; et l'aultre,
+ que jusques à ce qu'elle aura faict arracher du tout une si malle
+ plante, comme est la Royne d'Escoce, qu'elle ne verra jamais
+ bien, ny repos, en ceste isle.
+
+ Ce que m'ayant esté raporté, j'ay miz peyne, par d'aultres plus
+ modérez personnaiges, de luy fère si bien diminuer ceste opinion
+ qu'elle monstre, quant à la paix de France, qu'elle y a toutjour
+ fort bonne affection, mais qu'elle desire infinyement luy estre
+ donné moyen de s'y employer, affin de pouvoir gaigner la
+ bienveuillance du Roy, et se confirmer en paix et amitié avecques
+ luy; et, quant à la Royne d'Escoce, qu'elle est bien disposée
+ envers sa personne et sa vie, comme je croy qu'elle n'y a heu
+ jamais mauvaise intention, et que mesme elle goutte aulcunement
+ sa restitution, et ne la rejecte plus tant qu'elle souloit; mais
+ elle prétend à quelque entreprinse en Escoce, qui est cogneue de
+ peu de gens, laquelle elle pense avoir exécutée plustost qu'on
+ luy en puysse, ny de France, ny de Flandres, donner empeschement;
+ et que le tout sera faict dans deux moys, pendant lesquelz je ne
+ fays doubte qu'elle ne vollût que Leurs Très Chrestienne et
+ Catholique Majestez fussent ailleurs bien fort empeschées.
+
+ AULTRE MÉMOIRE A PART.
+
+ En la dépesche d'Espaigne, dont, en l'aultre mémoire, est faicte
+ mention, qui a esté intercepté, j'entendz que Mr de Forquevaulx
+ escripvoit à la Royne que l'ambassadeur de l'Empereur l'avoit
+ prié de fère entendre au Roy comme son Maistre, pour l'affection
+ qu'il avoit de veoir effectuer les mariages de ses filles avec
+ les deux Roys, desiroit que, du premier jour, il y fût procédé
+ sans plus le dilayer;
+
+ Qu'il avoit dellibéré d'envoyer les deux Roynes ensemble, par la
+ mer, de Gênes à Marseille, avec la moindre compaignie et le moins
+ d'officiers qu'il pourroit, s'asseurant qu'elles en amasseroient
+ assés en chemyn;
+
+ Que l'ambassadeur de Portugal l'avoit asseuré que le party de
+ Madame, soeur du Roy, playsoit grandement au jeune Roy, son
+ Maistre, et aulx deux douarières ses mère et ayeulle, et n'y
+ avoit que ce seul différant, qu'elles vouloient que le tout se
+ fît par le bon adviz et conseil du Roy d'Espaigne; et les Estatz
+ de Portugal, au contraire, s'estimoient assés suffizans pour
+ cella, sans y embesoigner aulcunement le dict Roy:
+
+ Mandoit avoir entendu que le dict Roy de Portugal estoit subject
+ à ses opinions, et ne vouloit guières croyre conseil et qu'il
+ n'avoit près de luy que jeunes gens;
+
+ Que les médecins et phisiciens ne l'estimoient de longue vie,
+ pour quelque defflussion de cerveau qu'il avoit, et que les ungs
+ conseilloient qu'on le maryât bientost affin de la divertyr et
+ pour avoir lignée; les aultres que le mariage luy abrègeroit ses
+ jours;
+
+ Que, quoy que ce fût, venant le dict jeune Roy à mourir, celluy
+ qui luy debvoit succéder, par le commun consentement des Estatz,
+ espouseroit la veufve; par ainsy que, en toutes sortes, Madame
+ seroit longuement Royne:
+
+ Que le Roy d'Espaigne s'estoit acheminé à Courdova pour aller
+ tenir ses cours de Castille, et pour s'aprocher de l'entreprinse
+ contre les Mores, priant icelluy ambassadeur Leurs Majestez Très
+ Chrestiennes de luy donner moyen de le pouvoir suyvre, et leur
+ touchoit ung mot de sa révocation;
+
+ Que le Roy d'Espaigne faisoit tel amaz de gens et d'argent, et
+ ung si grand aprest par mer et par terre, qu'il estoit aysé à
+ veoir qu'il tendoit à de plus grandes entreprinses que de se
+ deffandre des Mores;
+
+ Que s'il playsoit à la Royne d'avoir une entrevue avecques luy à
+ Marseille; que le dict ambassadeur espéroit de l'y pouvoir
+ facillement induyre, parce qu'il l'y trouvoit fort bien disposé,
+ pourveu que cella fût tenu fort secrect, et quasi communiqué à
+ nul, de peur des traverses qu'on y mettroit pour la jalouzie que
+ plusieurs en auroient.
+
+ De laquelle lettre ceste Royne et les siens ont prins beaucoup de
+ souspeçon, et sont, à ceste heure, tant plus desireux de
+ raccommoder leur différans avec le Roy d'Espaigne, comme ilz en
+ poursuyvent dilligentment l'accord, par leur depputez, qu'ilz ont
+ à cest effect envoyé en Flandres; lesquelz, à ce que j'entendz,
+ ont mandé qu'ilz en espèrent une bonne yssue.
+
+ Et semble que le duc d'Alve, en une façon ou aultre, y
+ condescendra, sellon qu'on m'a dict qu'il désire bien fort
+ esteindre ceste querelle, ainsy qu'il estime avoir si bien
+ vaincue celle du prince d'Orange, et ensepvelye celle des Gueux,
+ qu'elles ne se pourront, l'une ny l'aultre, jamais plus
+ ressuciter;
+
+ Et qu'à ceste heure, il a bien fort grande affection d'aller en
+ Espaigne, comme pour triumfer des choses qu'il a bien faictes, et
+ bien saigement et vaillamment conduictes en Flandres, d'y avoir
+ conservé la religion catholique, et estinct l'hérésie; d'avoir
+ saulvé l'estat, et quasi l'avoir conquiz et estably de nouveau au
+ Roy son Maistre, qui auparavant n'en estoit guières bien le
+ maistre; et le luy avoir soubmiz à y pouvoir imposer tribut,
+ comme il vouldra, là où auparavant l'on y souloit ordinairement
+ contradire; et avoir augmenté le revenu jusques à deux millions
+ d'or toutz les ans, qui à peyne en valloit la moytié:
+
+ Et, avec l'honneur de ces choses, retourner près de son Maistre,
+ où la jalouzie du prince d'Enoly le tire, et près de sa femme et
+ des siens, qui l'appellent par dellà, à la venue de la nouvelle
+ Royne, pour se trouver à l'establissement et à la mutation de
+ diverses choses, qui lors se pourront ordonner, mais
+ principallement pour mettre le gouvernement de Flandres ez mains
+ de Dom Fadrique, son filz aisné:
+
+ A quoy il a grand affection, luy ayant pour cest effect baillé
+ tiltre et merque nouveaulx de cappitaine général des Espaignolz
+ et gardes, ce qu'il n'estime toutesfoys pouvoir bien obtenir,
+ s'il n'est présent avec son Maistre;
+
+ Et que, pour n'estre son dict retour empesché par la querelle
+ d'Angleterre, qu'il la vuydera, et qu'au reste procurera, avant
+ son partement, que la consulte et distribution des biens
+ confisqués en Flandres se face, affin qu'il puisse entrer en
+ possession de Brada ou d'Ostrante, ou de quelque aultre bien bon
+ estat, que son Maistre luy donnera; et desireroit bien fort que
+ son dict Maistre remit une partie de la dicte consulte à fère à
+ luy, affin de pouvoir gratiffier et récompenser ceulx qui l'ont
+ suyvy.
+
+ Toutes lesquelles choses m'ont esté dictes du dict duc par
+ aulcuns, qui les peuvent aulcunement sçavoir, et qui les font
+ paroistre estre vraysemblables.
+
+
+
+
+CIIIe DÉPESCHE
+
+--du XXIIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo._)
+
+Publication faite en Angleterre de la prise d'armes contre
+l'Écosse.--Préparatifs de défense faits par les Écossais.--Nouvelles
+difficultés survenues dans la négociation avec les Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, persévérant la Royne d'Angleterre en sa dellibération d'envoyer
+des forces en Escoce, elle a faict, despuys trois jours, publier
+l'occasion de son entreprinse avec le prétexte et colleur, que Vostre
+Majesté verra par la teneur de sa proclamation; et a mandé au comte de
+Sussex qu'avec les troupes, qu'il a assemblées à Yorc et à Durem, il
+ayt toutjour à s'acheminer à Neufcastel, et qu'il temporise là jusques
+à tant qu'il ayt receu les monitions qu'elle a ordonné luy estre
+envoyées, lesquelles y pourront arriver envyron la fin de ce moys.
+Cependant, Sire, luy ayant le dict comte de Sussex naguière escript
+que, pour la nouvelle de sa venue, les Escouçoys prenoient de toutes
+partz les armes, avec intention de courre sus à ceulx qui parloient
+d'introduyre les Anglois dans le pays; et que desjà milor Herys estoit
+aproché avec quelques forces pour luy deffandre les frontières, ceulx
+qui ont icy la matière bien affectée ont conseillé à la dicte Dame de
+luy respondre que, sellon sa plus ample commission, il ayt à doubler
+promptement ses forces pour poursuyvre son voyage; à quoy elle a faict
+assés de difficulté, voyant que l'entreprinse se monstroit à ceste
+heure plus grande et plus difficille, et de trop plus grand coust
+qu'on ne la luy faisoit du commancement, tant y a qu'à leur persuasion
+elle le luy a mandé; et néantmoins l'on pense qu'il trouvera assés de
+résistance par dellà.
+
+L'on commence à sentyr qu'il y aura assés de difficulté en l'accord
+des différans des Pays Bas, parce qu'on offre par dellà de restablyr
+toutes choses jusques à la valleur d'une maille; et demande l'on qu'il
+soit faict le semblable de ce costé, et mesmes que de ce qui aura esté
+substraict, emporté, ou qui se trouvera aultrement dépéry, des
+merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne, parce que cella est
+advenu par la coulpe des Anglois, que le tout soit réparé par eux, en
+quoy très difficilement ilz veulent entendre. Néantmoins il y a très
+grande affection de chacun costé d'en sortyr. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIIIe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+CIVe DÉPESCHE
+
+--du XXVIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Gerin Marchant_.)
+
+ État des partis en Écosse.--Arrivée d'un ambassadeur de France
+ dans ce pays avec un secours d'hommes.--Débats entre les
+ seigneurs écossais pour la régence.--Vives sollicitations des
+ ennemis de Marie Stuart pour presser l'entrée de l'armée
+ anglaise.--Départ de la flotte pour Hambourg, et envoi des
+ sommes levées en Angleterre pour l'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, après que j'auray, dimanche prochain, faict entendre à la Royne
+d'Angleterre les louables et vertueux propos qui sont contenuz en
+vostre dépesche du XIIe de ce moys, laquelle le Sr de Vassal m'a
+randue le XXIIIIe, je vous informeray bien particullièrement de
+l'intention, en quoy je l'auray trouvée sur les choses que je luy
+proposeray de vostre part; et cependant je diray à Vostre Majesté,
+touchant celles d'Escoce, que l'arrivée de vostre ambassadeur par
+dellà, et ce qu'on dict qu'avec luy sont arrivez à Dombertran cinq
+cens harquebouziers françoys et assés d'armes pour armer encores deux
+mil hommes, faict aultrement penser à ceulx cy de l'entreprinse qu'ilz
+ont au dict pays, que quant ilz l'ont premièrement délibérée; mesmes
+qu'ayantz les principaulx seigneurs d'Escoce desjà heu conférance avec
+luy au lieu de Donquel, l'on asseure qu'ilz ont prins, par les lettres
+et bonnes offres de Vostre Majesté, une bonne résolution; sçavoir,
+ceulx qui estoient demeurez en la foy de leur Royne d'y persévérer
+constantment, et ceulx qui se portoient neutres de se déclairer pour
+elle; tellement que tous ensemble se sont despuys acheminez à
+Lislebourg: d'où les adversayres, avec l'ambassadeur de ceste Royne,
+se sont aussitost despartys; et que, illec, ilz ont faict proclamer,
+le XIIe de ce moys, l'authorité de leur Royne, là où millord de
+Granges a déclairé qu'il tenoit le chasteau de Lislebourg pour elle;
+et le duc de Chastellerault, lequel n'est encores eslargy du dict
+chasteau, pour quelque occasion bien considérable, s'est aussi
+déclairé du costé de la dicte Dame; et, bien que le comte de Mar n'ayt
+du tout faict le semblable, il a promiz néantmoins de ne délivrer, en
+façon du monde, le jeune prince aulx Anglois, et dict davantaige qu'il
+ne le délivrera pas aussi aulx Françoys, ny aulx Espaignolz, ny mesmes
+aulx Escoussoys. Et, par ainsy, les choses ont commancé de prandre
+quelque train, pour le bien des affères de la dicte Royne d'Escoce, à
+l'advantaige et réputation de Vostre Majesté. Mais, Sire, voycy
+l'ordre qu'on me dict que ceulx de l'aultre party ont tenu pour y
+donner empeschement; c'est qu'ilz se sont incontinent assemblez au
+lieu de Domfermelin, où ilz ont résolu deux choses; l'une, de fère
+tout sur l'heure aprocher le comte de Lenoz, qui est à Barwich, pour
+se porter pour régent de la personne et estat de son petit filz à la
+faveur de l'armée de la Royne d'Angleterre qui est en campaigne;
+l'aultre, d'accorder et signer les articles de l'instruction qu'ilz
+ont baillée à l'abbé de Domfermelin de tout ce qu'il vient dire,
+requérir et offrir de leur part à ceste Royne.
+
+Sur quoy l'on m'a donné adviz fort secrect, mais de bon lieu, que
+celle partie des dictes forces qui s'est trouvée plus advancée, et la
+garnyson de Barwich, en nombre de quatre mil hommes de pied et quinze
+centz chevaulx en tout et huict pièces de campaigne, ont desjà marché
+oultre les frontières pour favoriser le dict de Lenoz, et qu'il a esté
+mandé au comte de Sussex de parfère promptement sa levée de dix mil
+hommes de pied et quatre mil chevaulx, et que le susdict Domfermelin
+arrivera icy dans deux ou trois jours. L'on estime que les aultres
+seigneurs Escouçoys envoyeront millord de Sethon ou millord Boyt
+devers la dicte Dame pour l'effect que je vous ay cy devant mandé;
+mais je ne laysse pour tout cella d'espérer encores bien des affères
+de la royne d'Escoce.
+
+La flotte pour Hembourg est déjà chargée, et commance d'avaller
+contrebas la Tamise. Elle est d'envyron cinquante voylles et n'y a que
+deux grandz navires de ceste Royne ordonnez pour les conduyre, mais il
+y en a aultres trois équipez en guerre soubz la charge de Haquens, qui
+y vont, le tout aulx despens des merchans; et, soubz ceste mesmes
+conserve, partent aussi les munitions qu'on envoye au North parce que
+c'est tout une mesme routte. J'entendz que desjà les lettres
+d'eschange, pour le parfornissement de cent cinquante mil escuz cy
+devant ordonnez pour Allemaigne, sont expédiées, et qu'elles vont
+avecques ceste flotte, oultre soixante mil escuz en espèces, cuillys
+sur les esglizes des Flamans qui sont en ce royaulme, que le Sr de
+Lombres envoye au prince d'Orange; et luy eust envoyé plus grand somme
+sans ce que, à mon instance, la Royne d'Angleterre a deffandu de ne
+fère aulcune cuillette de deniers, pour ce prétandu prétexte de la
+deffance de la religion, sur ses subjectz, lesquelz s'y monstrent
+assés vollontaires.
+
+Ceulx cy font tout ce qu'ilz peuvent, de leur costé, pour parvenir à
+quelque accord sur les différans des Pays Bas, et en sont toutjour en
+bonne espérance. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVIIe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+CVe DÉPESCHE
+
+--du IIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Antoine Grimault_.)
+
+ Audience.--Déclarations faites par l'ambassadeur, au nom du roi,
+ tant au sujet de la pacification de France que des affaires
+ d'Écosse.--Irritation causée à la reine d'Angleterre par la
+ déclaration touchant l'Écosse, qui renferme une menace de
+ guerre.--Nouvelles de l'entreprise des Anglais sur l'Écosse, où
+ ils sont entrés en armes.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, prévoyant que la Royne d'Angleterre n'auroit guières agréable
+les deux poinctz, que j'avois à luy proposer de la dépesche de Vostre
+Majesté du XIIe du passé, en ce que vous n'acceptiez son offre
+d'intervenir à la paciffication de vostre royaulme, et que vous luy
+touchiez vifvement le faict de la Royne d'Escoce, j'ay miz peyne,
+Sire, de luy dire l'ung et l'aultre en la plus gracieuse façon que
+j'ay peu; et m'a bien semblé, quant au premier, qu'elle en est
+demeurée assés satisfaicte, par ce mesmement que j'ay monstré que
+Vostre Majesté acceptoit plustost qu'il ne reffuzoit son offre, mais
+de tant que l'affère, par la venue des depputez des princes, estoit
+sur sa conclusion sans qu'il fût besoing d'entrer en nouveaulx
+trettez, ainsy qu'ilz avoient toutjour dict qu'ilz ne vouloient
+aulcunement capituller avec leur Souverain Seigneur, vous estimiez
+que cella seroit bientost faict ou failly, par ainsy, que vous en
+donriez incontinent adviz à la dicte Dame; de laquelle vous requériez
+cependant de vouloir demeurer en son bon et honneste desir, qu'elle
+monstroit avoir vers vous et vers voz présens affères, avec asseurance
+que, en pareille ou meilleure occasion, du bien des siens vous luy
+feriez paroistre par effect que vous luy correspondiez en ung
+semblable debvoir de vostre bonne et mutuelle amytié envers elle.
+
+A quoy la dicte Dame m'a respondu que ce luy estoit ung singulier
+playsir de veoir que Vostre Majesté eust prins son intention en la
+bonne part, que vous l'avoit offerte, de s'employer aultant
+droictement à la conservation de vostre grandeur et authorité sur voz
+subjectz comme si c'estoit pour sa propre cause; et que la
+satisfaction que vous luy donniez là dessus estoit si grande, que
+c'estoit à elle meintennant de vous en remercyer et à prier Dieu pour
+le bon succez et ferme establissement de vos dicts affères et de la
+paix que vous desirez en vostre royaulme, avec plusieurs aultres
+parolles, dont aulcunes, à la vérité, touchoient les difficultez qui
+pouvoient encores rester en cella, et d'aultres exprimoient son
+affection d'y estre employée: toutes néantmoins bien fort honnestes et
+pleynes de grande démonstration d'amytié.
+
+Mais, quant c'est venu à l'aultre poinct, du faict de la Royne
+d'Escoce, bien que je ne le luy aye baillé, sinon avec les mesmes
+termes par lesquelz Votre Majesté monstre de vouloir, jusques à
+l'extrémité du debvoir, constamment persévérer en son amytié et en la
+paix, elle néantmoins en a heu le cueur si atteinct qu'elle n'a peu,
+ny en son visaige, ny en sa parolle, dissimuler l'ennuy qu'elle en
+recepvoit: dont, après aulcuns peu de motz assés incertains, tantost
+de l'esbahyssement d'ung tel propos, tantost de ce que Vostre Majesté
+estoit mal informée du faict: ayant là dessus appellé ceulx de son
+conseil, qui estoient dans la chambre, elle leur a dict que je venois
+de luy fère une bien estrange proposition, de la part de Vostre
+Majesté, et qu'elle me vouloit bien prier de la leur exposer tout de
+mesmes, affin qu'ilz en demeurassent mieulx instruictz. Ce que ne luy
+voulant reffuzer, je l'ay de tant plus vollontiers faict et avec plus
+d'expression de toutes les particullaritez de Vostre lettre, que je
+sçavois que l'armée de la dicte Dame estoit desjà entrée en Escoce, et
+qu'il y'en avoit là présens de ceulx qui l'avoient conseillé; lesquelz
+je desiroys bien qu'ilz en demeurassent confuz: et y en avoit aussi,
+qui n'attandoient qu'une semblable occasion, pour avoir de quoy luy
+parler librement du faict de la Royne d'Escoce. Dont leur ay récité,
+tout à plain, vostre intention, et ay miz peyne de leur monstrer
+qu'elle n'estoit moins fondée en toute justice, que remplye de grande
+magnanimité.
+
+A quoy nul d'entre eulx n'a rien respondu, sinon le marquis de
+Norampthon aulcun peu de motz sur l'aprobation de l'entreprinse
+d'Escoce. Mais la dicte Dame, (après m'avoir dict, ung peu en collère,
+que Vostre Majesté avoit faict comme le bon médecin, qui, ayant à
+bailler des pillules bien amaires à son mallade, en faisait tout le
+dessus de sucre, et qu'ainsy, vostre premier propos du mercyement
+avoit esté bien fort gracieulx et doulx, mais celluy d'après estoit
+bien fort amer et piquant,) a commancé de me desduyre amplement
+l'occasion et justiffication de son entreprinse en Escoce; et croy
+qu'avec les mesmes démonstrations, que luy avoient faict ceulx qui la
+luy ont conseillée, en termes assés véhémentz, mais toutesfoys bien
+fort honnorables en l'endroict de Vostre Majesté; qui, en somme,
+tendent à trois poinctz: l'ung, à vous fère veoir qu'il n'y avoit que
+droict et rayson, en ce qu'elle faisoit et qu'elle vouloit fère, vers
+la Royne d'Escoce et vers son royaulme; le second, que nul ne debvoit
+trouver mauvais que justement elle poursuyvît de vanger les injures,
+que injustement l'on avoit faictes à elle et à ses subjectz; et le
+troisiesme, que, nonobstant tout cella, et sans s'arrester à tant de
+véhémentes ou bien vériffiées, occasions de malcontantement, à quoy la
+dicte Royne d'Escoce et son ambassadeur, et ceulx de ses subjectz qui
+tiennent pour elle, l'avoient extrêmement provoquée, elle ne lairroit
+de recepvoir les condicions qu'elle luy offriroit sur l'accommodement
+de ses affères, ou bien que Vostre Majesté luy feroit offrir pour
+elle; ains se disposerait tout présentement d'y entendre: mesmes que
+luy en ayant desjà la dicte Dame escript une lettre et son ambassadeur
+une aultre, lequel luy avoit d'abondant mandé qu'il s'estoit encores
+réservé d'aultres choses, pour les luy dire en présence, elle me
+promettoit, qu'il seroit bientost ouy, me priant au reste de luy
+vouloir bailler par escript ce que je luy avois proposé de vostre
+part, affin d'en pouvoir mieulx dellibérer, et vous y fère plus claire
+et plus ample responce; comme je pense, Sire, qu'elle fera par son
+ambassadeur.
+
+Et parce qu'il seroit long de réciter icy toutz les propos de la dicte
+Dame et ceulx que je luy ay responduz, je remetz de les vous mander en
+ma prochaine dépesche, par ung des miens, que je dépescheray exprès
+devers Vostre Majesté, avec d'aultres choses, lesquelles avecques
+ceulx cy vous feront prendre quelque jugement des intentions de la
+dicte Dame. Cependant j'ay à dire à Vostre Majesté que le comte de
+Sussex, sire Jehan Fauster, et milor Scrup, estans entrez par trois
+divers endroictz en Escoce, y ont allumé des semblables feuz, que
+aulcuns Escouçoys, avec les fuytifz d'Angleterre, avoient auparavant
+allumez en la frontière de deçà, non sans que ceulx cy y ayent
+toutjour crainct quelque rencontre: comme il est nouvelles que le dict
+Scrup et sa trouppe y ont esté fort bien battuz. L'artillerye et les
+munitions qu'on leur envoye sont desjà hors de ceste rivière, et m'a
+l'on dict qu'on a adjouxté à icelles mille litz avec leurs matalas et
+paillasses, comme pour accommoder deux mil soldatz dans quelque place;
+et de tant que la dicte Royne d'Angleterre, parmy son discours, m'a
+dict qu'elle n'estoit si sotte qu'elle ne cognût bien que toute
+l'affection, que Vostre Majesté et la France ont aulx Escouçoys,
+n'estoit pour proffict ny pour commodité qu'on peult tirer d'eulx,
+mais seulement pour nuyre à l'Angleterre; et que Dombertran avoit
+toutjour esté le port et l'entrée des Françoys et des estrangiers dans
+ceste isle pour troubler le pays; (et que d'ailleurs la dicte Dame a
+donné la grâce à ung Escouçoys, qui avoit esté prins au North, lequel
+luy a baillé le pourtraict du chasteau de Lislebourg), il y a quelque
+souspeçon qu'elle veuille assiéger l'une des dictes places, ou bien y
+en fortiffier quelque aultre dans le pays pour y entretenir garnyson.
+Et viens d'estre adverty, Sire, qu'elle faict mettre promptement en
+mer quatre de ses grandz navyres et une gallère, avec commandement de
+tenir les aultres bien fort prestz; dont, de tout ce qui succèdera de
+nouveau, je mettray peyne de vous en advertir le plus promptement que
+me sera possible. Sur ce, etc.
+
+ Ce IIIe jour de may 1570.
+
+
+
+
+CVIe DÉPESCHE
+
+--du VIIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyée jusques à la court par le Sr de Sabran_.)
+
+ Vifs débats dans le conseil d'Angleterre sur le parti à prendre à
+ l'égard de Marie Stuart, et sur la réponse à faire au roi au
+ sujet de vasion en Écosse.--Ravages opérés par les Anglais dans
+ ce pays.--Emprunt fait pour la Rochelle.--Négociation des
+ Pays-Bas.--Espoir de l'ambassadeur que la paix ne sera pas
+ rompue.--_Mémoire._ Détail des opinions émises dans le conseil
+ d'Angleterre.--Réponse faite par Élisabeth à la déclaration du
+ roi touchant l'Écosse.--Insistance de l'ambassadeur sur les
+ motifs qui imposent au roi l'obligation d'exiger que les
+ Anglais se retirent d'Écosse, et que Marie Stuart soit rétablie
+ sur le trône.-_Mémoire secret._ Motifs particuliers qui ont
+ forcé l'ambassadeur à faire connaître à la reine d'Angleterre
+ la déclaration du roi sur les affaires d'Écosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ayant la Royne d'Angleterre prins ce que je luy ay dict, de
+vostre intention touchant la Royne d'Escoce, en la façon que, par mes
+précédantes du IIIe de ce moys, je le vous ay mandé, elle a monstré
+despuys qu'elle tenoit en tant ceste vostre déclaration qu'elle
+vouloit bien considéréement adviser comme elle auroit à s'y gouverner;
+dont ayant là dessus assemblé les principaulx de son conseil, ilz ont
+fort vifvement débattu la matière devant elle, et aulcuns d'eulx luy
+ont remonstré qu'il n'y avoit nul prince de bon sens au monde, s'il
+tenoit ung aultre prince entre ses mains, qui se dict compétiteur de
+sa couronne, comme faisoyt la Royne d'Escoce de celle d'Angleterre,
+qui le vollust jamais lascher; et qu'il n'y en avoit poinct aussi qui
+vollust espargner la vie de la dicte Royne d'Escoce, si elle avoit
+excité en leur estat le trouble et la rébellion des subjectz, qu'elle
+avoit esmeu en cestuy cy. Les aultres luy ont représanté le contraire,
+et que la plus grande seureté qu'elle pouvoit prendre pour elle, et
+pour sa couronne, et pour la paix universelle de ceste isle, estoit de
+s'employer droictement à la restitution de la dicte Royne d'Escoce, et
+d'establyr une bien ferme amytié et bonne intelligence entre elles
+deux et leurs deux royaumes; et en est leur contention venue si avant
+que, les voyant la dicte Dame desjà aulx grosses parolles, les a priez
+d'en remettre la dispute à elle, et qu'elle cognoissoit bien que la
+matière n'estoit sans difficulté: néantmoins leur deffandoit fort
+expressément de ne parler jamais de chose qui touchât ny à la vie, ny
+à la personne de la Royne d'Escoce.
+
+Je suis attandant, sire, qu'est ce qui résultera de cette
+détermination de conseil, et quelle responce la dicte Dame sera
+conseillée de fère à Vostre Majesté. Cependant j'ay esté adverty que
+l'exploict du comte de Sussex en Escoce a esté d'entrer en pays par
+trois endroictz; sçavoir: luy avec le principal de l'armée par
+Barvich, et sire Jehan Fauster avec la seconde troupe par Carleil, et
+milord Escrup avec le reste par ung aultre endroict; et que, le XVIIe
+d'apvril, le comte de Sussex a commancé de fère le gast, et mettre le
+feu à Ware, continuant ainsy jusques à Gadenart, où il a faict miner
+et pourter par terre la mayson du ler de Farneyrst; et là, le sir
+Jehan Fauster, ayant aussi miz le feu partout là où il a passé, s'est
+venu rejoindre à luy; et du dict Gadenart, après l'avoir bruslé, ilz
+sont allez brusler la ville de Fanic, et ont pareillement miné et rasé
+la maison du ler de Balchenech; puys, ont passé oultre jusques à
+Quelso, auquel lieu le ler de Suffort leur est venu offrir pleiges
+pour satisfaction de ce que l'on luy pouvoit demander; et peu après,
+milord de Humes y est aussi venu, lequel a parlé au dict comte de
+Sussex et luy a offert le semblable; mais ny l'ung ny l'aultre n'ont
+raporté aulcune bonne responce: et ce faict, icelluy Sussex a ramené
+ses gens, le XXIIIIe du dict moys, à Barvich. Mais, quant à milor
+Escrup, qui est entré par les marches d'Ouest, les choses ne luy ont
+succédé de mesmes, car il a esté rencontré par les Escouçoys qui luy
+ont deffaict la pluspart de ses gens, et dict on que luy mesmes est
+blessé; et que le comte de Vuesmerland s'est trouvé au combat, qui a
+cuydé estre prins. Despuys, l'on m'a dict qu'ayant le dict comte de
+Sussex receu le reste des forces, qui estoient demeurées derrière,
+délibère de rentrer du premier jour au dict pays et aller assiéger le
+chasteau de Humes, sinon que, sur ma remonstrance, ceste Royne luy
+mande de ne passer oultre; tant y a que s'il le faict, je ne pense pas
+que les Escouçoys ne luy donnent la bataille; mais je ne vous puys
+mander, Sire, aulcune chose certaine de leur apareil, parce que les
+passaiges sont tenuz extrêmement serrez.
+
+Il est nouvelles que le duc de Chastellerault est hors de prison, et
+que ceulx qui tiennent le party de la Royne d'Escoce sont en beaucoup
+plus grand nombre, et sont les principaulx et les plus fortz du pays.
+Ceulx qui les favorisent icy, m'ont faict dire que, si la paix se
+conclud en France, leur affère se pourtera en toutes sortes fort
+bien, et que ce que j'ay déclairé à ceste Royne ne sera venu que le
+plus à propos du monde; mais, si la paix ne se faict poinct, qu'ilz
+craignent beaucoup que les choses n'en aillent que plus mal; et
+semble, Sire, que aulcuns de ceulx de la Rochelle, qui sont icy,
+n'espèrent guières qu'elle se puysse fère: mesmes j'ay adviz qu'il a
+esté mandé en Hembourg de fournir promptement les cinquante mil escuz
+de la lettre de crédit qui, en janvier dernier, a esté baillée à Mr le
+cardinal de Chatillon, ainsy que dès lors je le vous ay escript, et
+que le Sr de Lombres y envoyé présentement une aultre lettre de LX mil
+{lt} sterlings pour le prince d'Orange, qui est une somme qu'il a
+levée sur les esglizes des Flamans protestans résidans par deçà, et
+que le cardinal de Chatillon et luy sont après à dresser des contractz
+et des obligations pour fère fornyr encores par dellà cent cinquante
+mil escuz sur la prochaine flotte qui va au dict Hembourg. En quoy me
+semble qu'il y aura assés de difficulté, tant y a qu'ilz n'en sont
+hors d'espérance; et la Royne d'Angleterre, pour recouvrer deniers
+pour elle, a doublé l'emprunct, dont je vous ay naguières faict
+mention, jusques au nombre de trois mille privé scelz, desquelz elle
+espère tirer jusques à six ou sept cens mil escuz.
+
+Elle et les siens monstrent avoir une très grande affection à l'accord
+des différandz des Pays Bas, et parce qu'il semble que la plus grande
+difficulté est meintennant à contanter les merchans anglois, l'on m'a
+dict que le secrétaire Cecille les ayantz assemblez là dessus, et les
+trouvans ung peu opiniastres, leur a résoluement déclairé que les
+princes veulent demeurer d'accord, par ainsy qu'ilz advisent entre
+eulx d'accommoder leurs affères. Sur ce, etc.
+
+ Ce VIIIe jour de may 1570.
+
+
+ Tout meintennant l'évesque de Roz me vient de mander qu'il a esté
+ appellé, ceste après dinée, pardevant quatre seigneurs de ce
+ conseil; lesquelz, après plusieurs propos, luy ont dict, que si
+ la Royne d'Escoce veult rendre les rebelles d'Angleterre, qui se
+ sont retirez en son royaulme, que cella mouvera grandement la
+ Royne, leur Mestresse, d'avoir son cueur bien disposé envers
+ elle; et n'ont passé plus avant: ce qu'il voyt bien estre une
+ invention des ennemys de sa Mestresse pour retarder toutjour ses
+ affères, es quelz ne luy reste plus aultre espérance, tant que
+ ceux qui sont ici en authorité gouverneront, que celle que la
+ dicte Dame a miz en Vostre Majesté. Et viens d'estre adverty que
+ le comte de Sussex est rentré en Escoce, qu'il a prins le
+ chasteau de Humes, et qu'il a miz garnyson dedans.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, saichant que la Royne d'Angleterre estoit, tous ces jours,
+après à dellibérer en son conseil qu'est ce qu'elle auroit à fère ou
+dire sur ce que je luy avois proposé, de la part de Voz Majestez, en
+ma dernière audience, et voyant que je ne pouvois plus intervenir à
+luy fère là dessus nul aultre office, que celluy que j'avois desjà
+faict; qui, à la vérité, m'avoit bien semblé tel que je l'avois
+plustost disposée à la modération que à continuer son entreprinse en
+Escoce, j'ay envoyé ramentevoir par lettre à Mr le comte de Lestre, et
+par parolle au secrétaire Cecille, les occasions qui ont meu Voz
+Majestez de luy déclairer ainsy vostre intention; et comme ilz
+cognoissent assés que c'est ung debvoir, notoirement apartenant à
+vostre réputation: et à l'honneur de vostre couronne; lequel, quant
+vous n'en eussiez rien dict, ou que vous eussiez dissimulé de ne vous
+en soucyer, leur dicte Mestresse et eulx n'eussent layssé pourtant de
+penser que vous ne le pouviez obmettre; et que partant ilz veuillent,
+à ceste heure, bien pourvoir, de la part d'elle, qu'il ne soit faict
+chose qui puisse donner commancement d'altération à ceste tant bonne
+et mutuelle intelligence, qui rend Voz Majestez et la dicte Dame très
+utilles amys les ungs aulx aultres, et de laquelle bonne intelligence
+vous protestiez bien de ne vouloir en façon du monde (sinon contrainct
+par grande nécessité du debvoir et à trop grand regrect) jamais vous
+despartyr.
+
+Sur quoy l'ung et l'aultre m'ont mandé de fort bonnes parolles, et
+telles qu'ilz me font encores reprendre quelque espérance: tant y a,
+Madame, que des premières responces que la dicte Dame m'a faictes,
+lesquelles je vous envoye par le Sr de Sabran, il se peult aulcunement
+bien cognoistre où va son intention. Je ne cognois pas que, pour
+cella, elle ayt encores changé de désir sur la paciffication de vostre
+royaume; mais il me semble bien que ceulx de la nouvelle religion, qui
+sont icy, n'espèrent guières qu'elle se face, lesquelz font toute la
+dilligence qu'ilz peuvent de recouvrer deniers comme pour continuer la
+guerre; et j'entendz qu'il vint hyer lettres d'Allemaigne à ceste
+Royne, par lesquelles l'on luy mande que le duc Hery de Bronsouyc a
+licencyé, par faulte de payement, la levée qu'il avoit arrestée pour
+Vostre Majesté; et que le maréchal de Hes, tout aussitost, a commencé
+d'en dresser une pour luy; et que l'Empereur, estant contrainct de
+s'en retourner à Vienne pour mettre ordre à une grande ellévation qui
+s'est sussitée en Austriche pour le faict de la religion, à laquelle
+semble que le Vayvaude veuille tenir la main, qui a desjà chassé les
+prestres et pillé les esglizes de ses pays, s'est excusée d'intervenir
+à la prochaine diette du XXIIe de ce moys, laquelle estoit assignée à
+Spire; et que, si ceulx de la religion avoient deniers, il ne fit
+jamais si bon en Allemaigne que meintennant. Sur ce, etc.
+
+Ce VIIIe jour de may 1570.
+
+ INSTRUCTION AU DICT SR DE SABRAN de ce qu'il aura à fère entendre
+ à Leurs Majestez, oultre la dépesche:
+
+ Que naguières furent miz en dellibération au conseil de la Royne
+ d'Angleterre, elle présente, les trois poinctz qui s'ensuyvent:
+ Le premier, qu'est ce qu'il estoit besoin de fère pour se
+ pourvoir contre le Roy et le Roy d'Espaigne, desquelz l'amytié
+ estoit desjà si suspecte qu'ilz estoient pour se monstrer tous
+ déclairés ennemys, aussytost que l'ung pourrait avoir la paix
+ avecques ses subjectz, et que l'aultre seroit venu à boult des
+ Mores révoltez; le segond est quel ordre de bien maintenir la
+ religion protestante, et effacer la mémoire et le désir de la
+ catholique en tout ce royaume; et le troisiesme, comment procéder
+ si seurement au faict de la Royne d'Escoce et de son royaulme,
+ que tout l'advantaige en demeurast à la dicte Royne d'Angleterre
+ et au sien.
+
+ Les adviz furent divers, car, quant au premier poinct, il y en
+ eust qui dirent que n'ayans les deux Roys aulcune juste
+ entreprinse en ce royaulme, comme ilz n'y avoient aussi aulcune
+ juste prétention, il estoit à croyre qu'ilz ne cercheroient que
+ d'estre satisfaictz de quelque offance, es quelles il les falloit
+ honnestement contanter, et par ce moyen les retenir pour amys;
+ les aultres opinèrent qu'il ne se failloit attandre à cella, ains
+ se pourvoir de bonnes et bien fermes ligues avec les princes
+ protestans, qui seroit le vray rempart et maintien de ceste
+ couronne contre leur effort. Au regard du segond, les ungs dirent
+ qu'il estoit bon qu'avec l'exemple de la bonne vie et de la
+ droicture des évesques protestans, il fût uzé de si bons
+ déportemens envers les Catholiques, et les fère jouyr d'ung si
+ paysible repos, qu'ilz n'eussent qu'à se bien contanter du
+ présent estat de la religion, qui avoit cours en ce royaulme,
+ sans essayer, avec le dangier de leurs vies et de leurs biens,
+ d'attempter rien pour remettre la leur; et les aultres, au
+ contraire, que c'estoit par toutes sortes de deffaveur et de
+ craincte qu'il les failloit abattre et tenir réprimez: et sur le
+ troisiesme, du faict de la Royne d'Escoce, parce que la matière
+ estoit fort affectée, il fut seulement dit qu'il failloit, devant
+ toutes choses, regarder à ce qui estoit plus expédiant, ou de
+ retenir ou de délivrer la personne de la dicte Dame; et pour lors
+ n'y eust que des remonstrances bien fort considérément desduictes
+ pour admener, de chacun costé, la dicte Dame à leur opinion, sans
+ qu'on en vînt rien à conclurre.
+
+ Peu de jours après, les principaulx de la noblesse avoient si
+ bien disposé la dicte Dame qu'ilz pensoient n'y avoir rien plus
+ près d'estre exécuté que la satisfaction envers les deux Roys et
+ le soulaigement des Catholiques, et la liberté et restitution de
+ la Royne d'Escoce; et de ce dernier, l'évesque de Roz en avoit
+ conceu une si certaine espérance qu'il avoit desjà commancé de
+ proposer des conditions et offres à la Royne d'Angleterre; et
+ l'avoit on asseuré qu'il seroit, le lendemain, introduict vers
+ elle pour en traicter en présence: mais s'estant huict du conseil
+ bandez au contraire, ilz firent le matin venir milord Quiper
+ devers la dicte Dame, garny d'une préméditée remonstrance, par
+ laquelle il luy mit tant de dangiers et d'inconvénians devant les
+ yeulx, et l'irrita si fort sur des livres, que le dict évesque
+ avoit faict imprimer sur la deffense de l'honneur de sa Mestresse
+ et sur les droicts qu'elle a à la succession de ceste couronne,
+ que la dicte Dame, après l'avoir ouy, estima ne pouvoir, en façon
+ du monde, estre plus Royne, si la Royne d'Escoce luy eschapoit;
+ et qu'il falloit qu'avec le temps elle veist les choses
+ d'Angleterre et d'Escoce en meilleure disposition pour elle
+ qu'elles n'estoient, premier que de la délivrer. Et sur ce, les
+ affères de ceste pouvre princesse furent remiz en surcéance, et
+ le dict évesque de Roz resserré, et courriers incontinent
+ dépeschez vers le North pour haster le comte de Sussex à son
+ entreprinse.
+
+ A quelques jours de là, j'allay déclairer l'intention du Roy là
+ dessus à la dicte Royne d'Angleterre, aulx propres termes qu'il
+ me l'avoit mandé par sa dépesche du XIIe du passé; sur lesquelles
+ elle fit les démonstrations de rescentymens et de courroux, que
+ j'ay mandé par mes lettres du IIIe du présent, mais non en sorte
+ qu'elle ne monstrât bien qu'elle tenoit en grand compte la
+ déclaration du Roy; et comme princesse nourrye à la modération et
+ à beaulcoup de sortes de vertu, me fit les responces qui
+ s'ensuyvent, par lesquelles se pourra juger ce qu'elle avoit lors
+ en son désir; dont cy après s'entendra si elle l'aura en rien
+ changé:
+
+ Que le Roy, son bon frère, s'il l'estimoit Princesse Souveraine
+ et légitime, et non accusée d'aulcun mauvais cryme, et estre
+ aussi bien son alliée comme la Royne d'Escoce, laquelle n'estoit
+ mentionnée en nulz trettez, qu'elle n'y fût premier nommée et
+ comprinse, qu'elle s'esbahyssoit comment il voulloit meintennant
+ procéder d'une tant diverse vollonté entre elles deux, et comme
+ il voulloit avoir tant d'esgard à l'une, et si peu à l'aultre,
+ qu'il trouvât bon que toutes les offances de la Royne d'Escoce
+ luy fussent réparées, et nulles des siennes à elle; à qui
+ toutesfoys elles avoient plustost esté commises et en si grand
+ nombre, et tant dommaigeables que tout ce qu'elle cerchoit
+ meintennant de la dicte Royne d'Escoce et des siens n'estoit
+ sinon comme elle pourrait estre satisfaicte du passé et demeurer
+ bien asseurée de l'advenir:
+
+ Car, oultre les vielles querelles, il estoit trop vériffié que
+ c'estoit la dicte Royne d'Escoce et l'évesque de Roz qui avoient
+ esmeu les troubles du North, et qui avoient envoyé lettres,
+ messaiges, bagues, argent, et fère offres de grandz sommes et
+ secours aulx comtes de Northomberland et Vuesmerland, pour leur
+ fère prendre les armes; et, après qu'ilz avoient esté deffaictz,
+ elle avoit donné ordre de les fère recepvoir par ceulx qui
+ tiennent son party en Escoce, non comme fugitifz pour garentyr
+ leurs vies, mais comme ennemys, poursuyvans une guerre contre
+ elle, et contre ses bons subjectz, à feu et à sang, et avec tant
+ de cruaulté sur ses frontières qu'elle seroit trop indigne
+ d'avoir royaulme, ny couronne, ny tiltre de Royne, si elle le
+ comportoit;
+
+ Qu'en l'entreprinse, qu'elle avoit faicte pour y remédier, elle
+ avoit suivy l'ordre des trettez, sellon lesquelz elle avoit
+ escript et envoyé messagiers exprès, devers les principaulx
+ seigneurs et officiers d'Escoce, pour fère cesser les désordres
+ et avoir réparation de ceulx qui estoient desjà commiz, lesquelz
+ avoient respondu qu'ilz n'y pouvoient donner ordre jusqu'à ce
+ qu'ilz auroient accommodé leurs différandz; et en avoit aussi
+ adverty la Royne d'Escoce, bien qu'elle fût entre ses mains, qui
+ avoit seulement respondu qu'elle n'en pouvoit mais:
+
+ Par ainsy, qu'après avoir satisfaict aux trettez, desquelz elle
+ sçavoit bien les termes, et ne les vouloit transgresser; ains,
+ suyvant sa proclamation sur ce faicte, vouloit droictement
+ conserver la paix avec la couronne d'Escoce, et non moins bien
+ tretter les bons Escouçoys, et ceulx qui ne reçoipvent ny
+ accompaignent ses rebelles à luy fère la guerre, que les propres
+ Anglois: elle avoit bien vollu aussi satisfère au debvoir qui
+ l'obligeait à la deffance, tuition et conservation de ses
+ subjectz, et qu'il n'y avoit lieu de penser qu'elle eust une plus
+ grande entreprinse que celle là en Escoce, et, si elle l'y
+ avoit, ce ne seroit à si petites forces qu'elle y entreroit.
+
+ Et de la dicte entreprinse, quant le Roy l'entendroit bien à la
+ vérité, elle ne pensoit qu'il vollût condampner rien de ce qui,
+ en semblable occasion de la deffance de ses subjectz, il est très
+ certain qu'il en feroit davantaige; et bien qu'elle n'eust à s'en
+ justiffier qu'à Dieu seul, si avoit elle bien vollu qu'il y
+ intervînt tant de justice qu'elle ne peult estre raysonnablement
+ blâmée de nul; et que le Roy, son bon frère, ny le Roy
+ d'Espaigne, duquel je luy avois faict mencion, ny nul aultre
+ prince du monde ne la garderoient qu'elle n'essayât toutjours
+ tout ce qu'elle verroit et trouveroit, par conseil, estre
+ expédiant de fère pour la deffance de son estat, et qu'elle
+ vouloit bien dire que le debvoir obligeroit plus justement le Roy
+ de luy ayder à repoulser ses injures, que de maintenir celles que
+ injustement la Royne d'Escoce luy faisoit;
+
+ Que, quant à la liberté et restablissement de la dicte Dame,
+ encores que le dangier des choses présentes, et l'espreuve des
+ passées, et le peu de seureté qu'on pouvoit prendre de ses
+ promesses, veu ce que son ambassadeur, en parlant d'icelles à
+ Ledinthon avoit dit: _Quæ in vinculis aguntur, rata non habebo,
+ et frangenti fidem fides frangatur eidem_; et nonobstant aussi
+ que la dicte Dame se fût bien fort efforcée de se déclairer
+ seconde personne de ce royaulme, ce que ne luy estoit loysible de
+ fère; et que son dict ambassadeur, oultre ses aultres mauvais
+ offices, eust freschement publié trois livres en ceste matière,
+ qui touchoient à l'estat et honneur d'elle, et de sa couronne, et
+ de ses conseillers; et qu'en toutes sortes la Royne d'Escoce
+ l'eust si mal traictée, et remué tant de choses pernitieuses en
+ son royaulme, qu'elle eust grand occasion d'estre infinyment
+ irritée contre elle, et de ne recepvoir aulcun expédiant de sa
+ part:
+
+ Si, ne reffuzeroit elle toutesfoys d'ouyr et recepvoir les offres
+ et condicions qu'elle ou le Roy luy vouldroient fère, ainsy que
+ desjà la dicte Dame et l'évesque de Roz luy en avoient escript,
+ et luy avoient envoyé des articles assés semblables à d'aultres,
+ que cy devant l'on luy avoit présentez; et le dict évesque luy
+ avoit mandé qu'il avoit à luy proposer encores quelque chose
+ davantaige, de parolle; dont seroit bientost ouy: mais cependant
+ le Roy ne debvoit trouver mauvais qu'elle poursuyvît la vengeance
+ des tortz qu'on luy avoit faictz, et néantmoins me prioit de luy
+ bailler par escript ce que je luy avois proposé de sa part, affin
+ de pouvoir mieulx dellibérer, et luy en fère, puys après, plus
+ clayre responce.
+
+ Je luy respondiz seulement qu'elle debvoit prendre de bonne part
+ ceste grande franchise, dont le Roy usoit envers elle, de luy
+ ouvrir ainsy clairement son intention; et que, quant bien il ne
+ luy en eust ainsy parlé, elle n'eust layssé pourtant de penser
+ qu'il estoit de son honneur et de son debvoir, non seulement de
+ le dire, mais de le fère ainsy qu'il le diroit; et que ce
+ n'estoit d'aulcune malle vollonté envers elle, ains d'une notoire
+ obligation envers la Royne d'Escoce, qu'il estoit contrainct d'en
+ user ainsy; et qu'il n'en feroit pas moins pour elle, en vertu de
+ leur commune confédération, si elle et son royaulme estoient en
+ pareille nécessité, car la loy des aliences portoit de subvenir à
+ ceulx des alliez qui sont oprimez, voire contre les aultres
+ propres alliez qui les opriment;
+
+ Que le Roy, pour n'en venir là, desiroit qu'elle mesmes, par le
+ conseil de sa propre conscience, ou par celluy de son cueur qu'il
+ estimoit royal et droict, et encores par le conseil de ceulx, qui
+ plus parfaictement ayment son bien et sa grandeur, vollût adviser
+ qu'est ce que de ceste pouvre princesse, sa niepce, elle pouvoit
+ desirer davantaige, de ce qu'elle luy avoit offert; que s'il n'y
+ couroit ung manifeste dangier de sa conscience, ou de son
+ honneur, ou de sa vie, ou de la perte de son estat, il
+ s'asseuroit qu'elle l'accorderoit, et que luy, comme son
+ principal allyé, non seulement le confirmeroit, mais mettroit
+ peyne de le luy faire droictement accomplyr;
+
+ Et que je luy voulois bien dire qu'après cecy, si la détention de
+ la dicte Royne d'Escoce continuoit, et l'invasion de son pays ne
+ cessoit, que le Roy demeureroit très justiffié envers Dieu et la
+ dicte Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, et envers toutz les
+ siens, comme aussi il s'en justiffieroit envers les aultres roys,
+ et mesmes envers les princes d'Allemaigne, qu'il n'auroit tenu à
+ luy d'obvier au mal qui pourra advenir, si ses tant raysonnables
+ offres, sur la liberté et restitution de sa belle soeur, ne sont
+ acceptées, et qu'il ne luy en debvra estre rien imputé.
+
+ AULTRE INSTRUCTION A PART AU DICT SR DE SABRAN.
+
+ La peur que j'ai heu que la déclaration du Roy à la Royne
+ d'Angleterre, pour les affères de la Royne d'Escoce, mit les
+ siens en dangier, m'a tenu en suspens si je la debvois différer,
+ ou non, jusques après estre bien asseuré de la paix; mais, voyant
+ que de demeurer sans fère quelque prompte démonstration, sur ce
+ que l'armée d'Angleterre estoit entrée en Escoce, diminuoit par
+ trop la réputation du Roy, et luy faisoit perdre les bons
+ serviteurs qu'il a icy et au dict pays d'Escoce, je ne l'ay
+ vollue différer; bien ay miz peyne d'user de tout l'artiffice
+ qu'il m'a esté possible pour garder, qu'en aydant les affères de
+ la dicte Royne d'Escoce, je n'aye poinct faict de dommaige à
+ ceulx du Roy; car il est sans doubte qu'ilz se portent mutuelle
+ faveur, et qu'on respecte les ungs pour l'amour des aultres en
+ ceste court.
+
+ Et n'a esté sans que aulcuns principaulx seigneurs de ce
+ royaulme, et l'évesque de Roz avec eulx, n'ayent cuydé monstrer
+ un grand signe de malcontantement de ce que le secours de France
+ ne paroissoit desjà en Escoce, et que je ne protestais tout
+ promptement la guerre, puysque les Anglois avoient commancé
+ d'entrer en pays, et y fère toutz actes d'hostillité.
+
+ Et disoient, tout hault, qu'il falloit que le Roy cessât d'estre
+ amy ou des Angloys, ou des Escouçoys, car il ne pouvoit meintenir
+ l'amytié avecques les deux, et qu'il debvoit bien considérer que
+ si les seigneurs catholiques de ce royaulme, qui s'estoient
+ asseurez qu'il favoriseroit et secourroit les affères de la Royne
+ d'Escoce et les leurs, quand il seroit besoing, n'eussent tenu la
+ main ferme à la paix d'entre la France et l'Angleterre, qu'il est
+ très certain que ceulx de l'aultre party eussent fait déclairer
+ ouvertement la Royne, leur Mestresse, pour ceulx de la Rochelle,
+ sur la grand instance que les princes protestans d'Allemaigne luy
+ en faisoient.
+
+ Disoit davantaige le dict évesque de Roz que, si la Royne, sa
+ Mestresse, vouloit quicter l'alliance de France, il est sans
+ doubte qu'elle et luy seroient en liberté, et toutz les affères
+ d'Escoce se porteroient bien; et qu'il est certain que les choses
+ estoient venues au poinct où l'on les voyoit, d'avoir les comtes
+ du North prins les armes pour la liberté et restitution d'elle,
+ et pour l'advancement de la religion catholique, par l'exortation
+ de nous deux ambassadeurs de France et d'Espaigne; et que
+ meintennant il n'aparoissoit nul secours du costé de noz
+ Maistres; ains ceulx qui, soubz leur confiance, s'estoient
+ déclairés, demeuroient en proye de la Royne d'Angleterre, et
+ ceulx, qui avoient bonne intention de se déclairer, restoient, à
+ ceste heure, bien fort descouraigés et intimidez.
+
+ Or, l'office, qu'ilz ont veu que j'ay despuys faict envers la
+ Royne d'Angleterre a beaucoup rabillé cella, et si, a miz tant de
+ doubte au cueur de la dicte Dame et tant de contrariété entre
+ ceulx de son conseil, que, confessans les ungs et les aultres la
+ déclaration du Roy estre très raysonnable, et fondée au debvoir
+ qu'il a aulx deux Roynes de vouloir retenir l'amytié de l'une et
+ subvenir à l'extrême nécessité de l'aultre, il semble que les
+ choses en viendront à quelque modération.
+
+ Et ayant le dict évesque de Roz, par aulcuns des siens, faict
+ exorter l'ambassadeur d'Espaigne de concourre avecques moi en ung
+ semblable office, de la part de son Maistre, envers ceste Royne,
+ pour la Royne d'Escoce, il s'est excusé de le fère, disant y
+ avoir assés longtemps qu'il a devers luy une lettre à cest effect
+ de son dict Maistre pour la Royne d'Angleterre, mais qu'il n'a
+ jamais peu avoir audience d'elle, comme, à la vérité, il y a dix
+ sept moys qu'il ne l'a veue, et que de luy fère venir meintennant
+ ung nouveau ambassadeur sur cest affère, puysqu'elle en a renvoyé
+ deux de grande qualité, sans quasi les ouyr, qui estoient envoyez
+ pour les propres affères de son dict Maistre, ny aussi
+ d'entreprendre de parler pour aultruy, jusques à ce qu'on se sera
+ accommodé soy mesmes, le duc d'Alve estime qu'il seroit fort
+ impertinent de le fère. Néantmoins, il donne espérance du
+ contraire, ainsy que ce pourteur le dira à Leurs Majestez.
+
+
+
+
+CVIIe DÉPESCHE
+
+--du XIIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Oratio d'Almarana_.)
+
+ Nouvelles de l'invasion des Anglais en Écosse.--Prise du château
+ de Humes, dans lequel ils se sont établis.--Nouvelles
+ d'Allemagne et des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ce qui est survenu de nouveau au quartier du North et d'Escoce,
+despuys le VIIIe de ce moys, que je vous ay mandé, par le Sr de
+Sabran, tout ce que, jusques alors, j'en avois aprins, est que la
+Royne d'Angleterre, le jour précédant que je luy fisse instance, de
+vostre part, de ne fère entrer ses forces en Escoce, ou de les
+retirer, si elles y estoient entrées, avoit desjà mandé au comte de
+Sussex d'y retourner par la seconde foys, pour y fère le gast; et le
+dict comte n'avoit failly de se remettre incontinent en campaigne:
+dont, le XXVIe et XXVIIe du passé, il a marché avecques l'armée
+jusques au chasteau de Humes, lequel délibérant prendre par force, et
+l'ayant faict recognoistre et aprocher le canon, ceulx qui estoient
+dedans envyron quatre vingtz hommes, après qu'on a heu seulement tiré
+trois coups, se sont randuz, bagues saulves, le XXIXe dudict moys: et
+milord de Scrup qui, en mesmes temps, avoit marché plus avant, a esté
+encores ceste foys rencontré par les fugitifz anglois, et par aulcuns
+Escouçoys qui l'ont chargé, et y a heu ung assés aspre combat; mais il
+s'est retiré avec la perte seulement de huict vingtz des siens, et
+sans que le dict de Sussex ny luy ayent passé à plus grand exploict.
+Après avoir layssé deux centz Anglois dans le dict chasteau de Humes,
+ilz s'en sont retournez, le IIe de may, à Barvich, d'où j'entendz,
+Sire, que icelluy de Sussex a incontinent dépesché un gentilhomme
+devers la Royne, sa Mestresse, sur divers occasions: sçavoir, sur les
+difficultez qui se présentoient plus grandes en ceste nouvelle guerre,
+qu'on ne les pensoit du commancement; sur le peu de confiance qu'elle
+doibt mettre en ces Escouçoys, qui disent estre de son party; sur
+avoir suplément de deniers, affin de complyr le nombre d'hommes que
+porte sa commission, car ceulx qui, jusques à ceste heure, sont entrez
+en Escoce, n'ont esté guières plus de cinq mil hommes et douze centz
+chevaulx en tout; et aussi, si la dicte Dame entend de fère razer le
+dict chasteau ou bien le tenir; et, au reste, à quoy elle veult que
+son armée s'employe le reste de cest esté.
+
+Sur toutes lesquelles choses l'on m'a dict que, sabmedy dernier, luy a
+esté seulement respondu, que la dicte Dame luy gratiffie grandement le
+bon debvoir qu'il a faict en ce voyage pour son service, et qu'elle
+est après à donner ordre qu'il luy soit bientost envoyé argent et
+toutes aultres provisions qui luy font besoing; qu'elle n'est encores
+bien résolue du chasteau de Humes qu'est ce qu'elle en fera, mais
+qu'il advise cependant de bien entretenir la garnyson qu'il y a mise;
+et qu'il ne se haste de lever plus grand nombre de gens de guerre,
+mais qu'il dispose si bien ceulx qu'il a avecques luy le long de la
+frontière pour la garde d'icelle, qu'on n'y puisse plus retourner fère
+les courses, pilleryes et brullement, que par cydevant l'on a faict;
+et ne luy ordonne rien davantaige. Je ne sçay si, cy après, elle luy
+commandera de rentrer encores pour la troisième foys en Escoce.
+
+Il est quelques nouvelles que milord de Herys a mandé au dict de
+Sussex que ses mauvais déportemens contraindroient enfin les
+Escouçoys, à leur grand regrect, d'avoir la guerre à la Royne, sa
+Mestresse; et que s'il ne cessoit d'entreprendre en leur pays, que non
+seulement ilz se mettraient en debvoir, avec le secours des Françoys
+qu'ilz attandoient d'heure en heure, de l'aller combattre, mais aussi
+d'entrer et venir bruller plus en avant en Angleterre qu'il n'a faict
+en Escoce; et dict on que le dict de Herys et le duc de
+Chastellerault, entendans que les comtes de Mar et de Glanquerne
+s'estoient assemblez avec le comte de Morthon à Lislebourg, pour
+s'aller joindre aulx Angloys, se sont venuz loger avec bonnes forces
+sur une rivière, et leur ont empesché le passaige. J'espère que par
+ces difficultez, et par la déclaration que Vostre Majesté a faicte
+fère à la Royne d'Angleterre, elle se layssera ramener à quelque
+meilleure rayson. Le comte de Lenoz, à ce que j'entendz, est demeuré
+mallade à Barvich, et le sir Randolf l'y est venu trouver. Je ne sçay
+encores s'ilz auront mandement de retourner à Lislebourg.
+
+La flotte des draps a heu si bon vent qu'elle peult estre meintennant
+arrivée à Hembourg, et, au retour des navyres, qui la sont allés
+conduyre, nous pourrons entendre quelque nouvelle d'Allemaigne. Cella
+m'a l'on confirmé que les lettres de crédit, que ceulx de la nouvelle
+religion ont obtenues icy, y ont esté apportées pour être forny de
+dellà, jusques à cent cinquante mil escuz, s'il est besoing, ou si les
+draps peuvent avoir bonne vante; et que cependant les premiers
+cinquante mil escuz, ottroyez despuys le mois de janvier dernier,
+seront en toutes sortes payez contant. L'on espère du premier jour la
+conclusion de l'accord sur les deniers et merchandises, qui ont esté
+mutuellement arrestées icy en Flandres, et ne pensent les Anglois
+qu'il y puisse plus intervenir aulcune difficulté pour l'empescher. Il
+est vray que l'ambassadeur d'Espaigne m'a dict que les choses n'en
+sont encores si près. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour de may 1570.
+
+
+
+
+CVIIIe DÉPESCHE
+
+--du XVIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par le Magnifique Donato._)
+
+ Changement survenu dans les résolutions de la reine d'Angleterre,
+ qui hésite à poursuivre avec vigueur la guerre
+ d'Écosse.--Espoir de l'ambassadeur qu'elle va consentir enfin
+ au rétablissement de Marie Stuart.--Nouvelles d'Écosse, de la
+ Rochelle et des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ce n'est sans une très grande difficulté, mais non aussi sans
+beaucoup d'estime de vostre réputation, qu'il se commance à manifester
+quelque effect du bon office, que m'avez commandé de fère icy pour la
+Royne d'Escoce; et ne sera encores, comme j'espère, sans quelque
+accommodement de voz affères, s'il peult estre conduict à sa
+perfection. Il est vray, Sire, qu'il est venu en temps que le feu
+estoit le plus allumé, et que la Royne d'Angleterre se sentoit
+extrêmement offancée, et que son armée estoit desjà entrée en Escoce;
+à l'occasion de quoy le dict office a trouvé de l'obstacle et de
+l'empeschement davantaige à estre bien receu. Néantmoins il a esté
+proposé tel, et en tel façon, et sur tel rencontre que voycy, Sire, ce
+que despuys s'en est ensuyvy:
+
+Que la Royne d'Angleterre n'a poursuyvy la guerre d'Escoce de la mesme
+ardeur qu'elle l'avoit commancée, ainsy que mes précédantes vous l'ont
+tesmoigné; qu'elle est entrée en ung grand doubte de son entreprinse,
+puysqu'elle vous y voyt opposant, et semble bien, que desjà elle
+commance de quicter l'obstinée résolution, qu'on luy avoit faict
+prendre, d'en venir à boult par la force, pour dorsenavant s'y
+conduyre par ung plus modéré expédiant; que les seigneurs de son
+conseil en sont entrez en une grande contention et en manifeste
+contradiction entre eulx; que ceulx du bon party ont reprins cueur,
+qui est d'aultant diminué aulx autres; finalement, que la dicte Dame
+monstre de vouloir meintennant beaulcoup plus entendre à la
+restitution qu'à la ruyne de la Royne d'Escoce; et en sont les choses
+si avant qu'elles doibvent estre débattues à plain fondz, et
+déterminées, à Amthoncourt, mercredy prochain, que le conseil y sera
+pour cest effect assemblé, et monstrent les malveuillans de reffouyr
+assés la lice, dont les amys se disposent, de tant plus gaillardement,
+à bien deffandre la cause qu'ilz voyent, Sire, que avez desjà commance
+de la prendre à cueur, et qu'ilz ont grand confiance que vous la
+favoriserez de mesmes en tout ce qu'elle aura besoing, cy après,
+d'estre aydée de parolle, ou des démonstrations, ou des bons effectz
+de Vostre Majesté: car sans cella ilz despèreroient non seulement de
+vaincre, mais de pouvoir soubstenir les effortz et l'impétuosité des
+aultres.
+
+Je ne sçay encores, Sire, que me promettre, ny que vous debvoir fère
+espérer de l'yssue de ce conseil, veu l'instabilité que j'ay veue et
+souvant esprouvée de ceulx qui en sont, et veu les artiffices de ceulx
+qui plus possèdent ceste princesse; lesquelz luy ont desjà formé mil
+préjudices dans son esprit contre la Royne d'Escoce. Néantmoins, de
+tant qu'on m'a adverty assés en général, et sans grande
+expéciffication, qu'elle veult, en toutes sortes, prandre expédiant
+avecques sa cousine, et veoir comme elle pourra tretter seurement
+avec elle des poinctz qui s'ensuyvent: sçavoir; du tiltre de ceste
+couronne, d'une ligue et de la religion; je vous suplie très
+humblement, Sire, me commander comme j'auray à me conduyre sur toutz
+les trois; s'il convient que j'y intervienne au nom de Vostre Majesté;
+et aussi comme, et en quelz termes il vous plairra que, au cas que on
+veuille interrompre ou prolonger la matière, je poursuyve l'instance,
+que j'ay desjà commancée, pour luy donner l'accomplyment que convient
+à l'honneur de la parolle et déclaration de Vostre Majesté.
+
+J'entendz que le lair de Granges, cappitaine du chasteau de
+Lislebourg, a esté essayé, par argent et par grandz promesses, de
+vouloir prendre le party de la Royne d'Angleterre, mais il a fermement
+respondu qu'il sera fidelle jusques à la mort à sa Mestresse; et dict
+on que, despuys que l'armée d'Angleterre a heu faict les deux courses
+dans l'Escoce, le comte de Morthon et ses adhérans ont esté proclamés
+traystres, et rebelles, et autheurs d'avoir introduict les ennemys
+dans leur pays.
+
+Barnabé est revenu despuys trois jours de la Rochelle, lequel monstre,
+par ses propos, qu'il a esté jusques au camp des princes. Il confirme
+bien fort que la paix se fera, et que Mr l'Admyral la désire; de quoy
+aulcuns icy mal affectionnez monstrent n'en estre guières contantz.
+Ung des gens du prince d'Orange, après avoir toutz ces jours faict de
+grandes sollicitations en ceste court, se prépare de partir pour
+Allemaigne. Je ne sçay encores avec quelles expéditions il y va. L'on
+dict, touchant les différans des Pays Bas, qu'il y a desjà des
+articles accordez sur le faict des deniers et merchandises, et que
+bientost doibvent venir des commissaires flamans par deçà, pour
+conclurre le tout. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIe jour de may 1570.
+
+ En fermant la présente l'on m'est venu advertyr que l'abbé de
+ Domfermelin est arrivé, je ne sçay si cella traversera ce qui est
+ bien commancé pour la Royne d'Escoce.
+
+
+
+
+CIXe DÉPESCHE
+
+--du XXIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Le Tourne._)
+
+ Propositions faites à l'évêque de Ross par le conseil
+ d'Angleterre pour la restitution de Marie Stuart.--Déclaration
+ de l'évéque sur les conditions qui lui sont offertes.--Mission
+ de l'abbé de Dunfermline en Angleterre.--Nouvelles
+ d'Écosse.--Doutes sur la conclusion de la paix en France;
+ continuation des emprunts pour la Rochelle.--État de la
+ négociation dans les Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le jour que le conseil de la Royne d'Angleterre a esté assemblé
+pour dellibérer, devant elle, s'il estoit expédiant ou non qu'elle
+entendît à la liberté et restitution de la Royne d'Escoce, de tant que
+desjà la dicte Dame estoit aulcunement bien disposée d'y entendre, les
+malveuillans n'ont peu empescher que la conclusion ne soit venue à ce
+que l'évesque de Roz seroit incontinent mandé pour adviser, avec luy,
+comment et à quelles conditions il s'y pourroit moyenner ung bon
+accommodement, qui peult estre à l'honneur et à la seurté de la Royne
+d'Angleterre, et au commun repoz des deux royaulmes. Sur quoy, estant
+le dict sieur évesque appellé, l'on luy a proposé les trois poinctz;
+desquelz, en mes précédantes du XVIIe de ce moys, je vous ay faict
+mencion: du tiltre de ce royaulme, d'une ligue et de l'establissement
+de la nouvelle religion; et y a esté adjouxté celluy que je vous avois
+auparavant mandé, de rendre les rebelles; et encores ung cinquiesme,
+d'abstenir de tout exploict de guerre entre les deux pays pendant que
+aulcuns depputez d'Escoce pourront venir par deçà pour tretter de ces
+choses. Mais ce en quoy l'on a le plus incisté au dict sieur évesque a
+esté des pleiges et seurtez que sa Mestresse pourra bailler pour
+l'accomplissement de ce qu'elle promettra; et si elle sera poinct
+contante de mettre son filz et aucuns principaux personnaiges
+d'Escoce, comme le duc de Chastellerault, ou ses enfans, ou bien
+d'aultres seigneurs, et quelques forteresses ez mains de la Royne
+d'Angleterre; et aussi si vous, Sire, vouldrez poinct donner parolle
+et bailler ostaiges pour l'entretennement du tretté qui s'en fera,
+parce que principallement la dicte Dame desire que vous y soyez
+comprins, affin de s'asseurer de la paix avec Vostre Majesté.
+
+Le dict sieur évesque leur a respondu, en général et bien fort
+saigement sellon sa coustume, qu'ilz debvoient demeurer très fermement
+et bien persuadez de l'affection et intention de la Royne, sa
+Mestresse, qu'elle n'en a nulle plus grande, ny plus certaine dans son
+cueur, que de donner à la Royne d'Angleterre, et à toute la noblesse
+de son royaulme, le plus grand contantement d'elle et la plus grande
+satisfaction sur ses affères qu'il luy sera possible, et qu'ilz ne
+veuillent aulcunement doubter qu'elle ne condescende très
+libérallement à tout ce que la dicte Royne, sa bonne soeur, et eulx
+estimeront estre honneste et raysonnable de luy demander; et, quant
+aulx particullaritez, qu'ilz venoient de luy desduyre, de tant que les
+unes estoient en la puyssance de sa dicte Mestresse et les aultres
+non, et que aulcunes sembloient estre assés aysées, les aultres très
+difficiles, il les requéroit, en premier lieu, de luy ottroyer sa
+liberté, et, après la liberté, d'en aller conférer avec sa dicte
+Mestresse, et puys, permission à elle d'envoyer devers les Estatz de
+son royaulme, affin de leur communiquer et leur fère bien recepvoir le
+tout, sans lesquelz rien ne pouvoit estre bien légitimement arresté là
+dessus.
+
+Voilà, Sire, l'ouverture qui a esté desjà faicte en cest affère, sur
+lequel en celle partie qui deppend de Vostre Majesté, et toutes en
+doibvent assés dépendre, il vous plairra me commander comment j'auray
+à m'y conduyre, ayant cependant proposé d'ayder, en tout ce qu'il me
+sera possible, l'advancement de la matière, et vous advertyr souvent
+de ce qui, jour par jour, s'y fera, et puys sur la conclusion d'icelle
+suyvre, le plus près que je pourray, ce que Vostre Majesté m'aura
+mandé estre de son intention, et convenable à l'honneur de sa couronne
+et utilité de son service. Le dict sieur évesque, ouy l'abbé de
+Domfermelin, a esté appellé, mais je ne sçay encores ce qu'il a
+proposé, ny ce qu'il pourra avoir obtenu, seulement l'on m'a dict
+qu'il a fort incisté d'avoir de l'argent. Or, Sire, j'ay sceu
+d'ailleurs que sur ce que les comtes de Morthon, de Mar et de
+Glancarve, ont mandé au comte de Sussex, qu'il leur vollût promptement
+envoyer ung nombre de gens de guerre, affin de conserver l'authorité
+du jeune Roy, premier que tout le pays se fût remiz à l'obéyssance de
+la Royne d'Escoce, sa mère, parce que le duc de Chastellerault, pour
+y trouver moins de difficulté, s'efforceoyt de fère publier que toutes
+choses eussent à s'administrer dorsenavant au nom et par l'authorité
+d'elle, durant la minorité de son filz, il a esté mandé au dict de
+Sussex qu'il ayt à leur envoyer, tout incontinent, deux mille des
+meilleurs et mieulx choysiz soldatz de l'armée, soubz la conduicte du
+capitaine Drury, mareschal de Barvich; non que sur ceste dellibération
+n'y ayt heu beaucoup de débat dans ce conseil, mais enfin il a esté
+résolu que ce ne seroit violler ny enfraindre la paix aulx Escouçoys
+que d'envoyer du secours à leur Roy, et qu'il falloit ainsy tenir les
+choses divisées de dellà jusques à ce qu'elles seroient composées,
+icy, avec la Royne d'Escoce.
+
+J'estime, Sire, que cest affère marchera de mesmes que la paix de
+vostre royaulme, car si l'on vous voyt démeslé de la guerre de voz
+subjectz, ne fault doubter qu'on ne condescende plus ayséement icy
+aulx choses justes et raysonnables que vous vouldrez demander; mais il
+semble qu'ilz tiennent pour assés doubteuse la conclusion de la dicte
+paix, à cause d'ung discours qui a esté envoyé de la Rochelle sur la
+négociation de Mr de Biron avec Messieurs les Princes; et n'ont ceulx
+de la nouvelle religion, pour le propos de la dicte paix, layssé de se
+pourvoir du plus de crédit de deniers en Allemaigne qu'ilz ont peu; et
+desjà y ont envoyé les lettres, ny ne cessent d'y entretenir leurs
+pratiques aussi vifves comme si la guerre se debvoit encores
+longuement continuer.
+
+Ceste princesse trouve assés de difficulté à lever l'emprunct de trois
+mil privés scelz qu'elle a naguières imposez, et n'entreprend d'user
+de grand contraincte en l'exaction d'iceulx, de peur de quelque
+nouvelle eslévation. L'on attand l'arrivée de deux commissaires, des
+quatre qui estoient allez en Flandres, lesquelz viennent pour tretter
+d'aulcuns particulliers faicts qu'on leur a miz en avant, pour en
+sçavoir l'intention de leur Mestresse. Ung chacun espère qu'ilz
+s'accommoderont quant aulx deniers et merchandises arrestées, mais que
+néantmoins le libre commerce d'entre les deux pays demeurera encores
+en suspend à cause de certaines difficultez de la religion et de la
+jurisdiction, dont ne se peuvent bien accorder. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIIe jour de may 1570.
+
+
+
+
+CXe DÉPESCHE
+
+--du XXVIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Bordillon._)
+
+ Discussions dans le conseil d'Angleterre.--Résolution qui a été
+ prise d'éviter la guerre avec la France.--Mise en liberté de
+ l'évêque de Ross.--Audience.--Communication donnée à Élisabeth
+ de l'état des négociations sur la paix en France.--Vive
+ insistance de l'ambassadeur pour obtenir que les Anglais se
+ retirent d'Écosse, et que Marie Stuart soit rendue à la
+ liberté.--Nécessité où se trouve le roi de prendre les armes
+ pour défendre les Écossais.--Explication donnée par Élisabeth
+ des motifs qui ont dû la forcer à envahir l'Écosse.--Résolution
+ du conseil.--_Accord touchant l'Écosse._ Traité conclu, sauf la
+ ratification du roi, entre l'ambassadeur et la reine
+ d'Angleterre, contenant les conditions sous lesquelles la reine
+ consent à retirer son armée d'Écosse, et à négocier la
+ restitution de Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, despuys la déclaration que Vostre Majesté m'a commandé de fère à
+la Royne d'Angleterre touchant la Royne d'Escoce et son royaulme, je
+n'ay cessé de la presser bien fort qu'elle y vollût prendre ung
+présent expédiant, et voyant que desjà je l'y trouvois ung peu
+disposée, j'ay instantment sollicité les amys de ne laysser réfroydir
+la matière; lesquels ont tant faict que, nonobstant l'audacieuse
+opposition des adversayres, dont les ungs ne se sont peu tenir d'user
+de parolles insolentes, et les aultres se sont expressément absentez
+pour y cuyder mettre du retardement, le conseil a esté tenu là dessus;
+auquel, entre aultres choses, j'entendz qu'il a esté résolu, par
+l'opinion de la dicte Dame, plus que par celle de nul des siens, qu'il
+falloit en toutes sortes éviter d'avoir la guerre avec Vostre Majesté;
+et qu'ayant bien cogneu par mes propos qu'indubitablement l'on y
+viendroit, et que mesmes les Françoys seroient bientost en Escoce, si
+son armée passoit plus avant en pays, et s'il n'estoit bientost prins
+quelque expédiant sur les affères de la Royne d'Escoce, qu'elle
+vouloit que, tout présentement, l'on y advisât.
+
+Sur quoy, ceulx qui nous sont contraires n'ont failly de luy
+remonstrer que, pour estre le propos de la paix de vostre royaulme
+plus près d'estre rompu que conclud, vous n'aviez garde d'envoyer
+meintennant en Escoce les gens qui feroient bien besoing à vostre
+propre défance; et que, si vous entrepreniez d'y en envoyer, ainsi que
+je le donnois entendre, qu'il failloit qu'elle fît sortir ses navyres,
+qui sont toutz pretz, en mer, pour vous empescher, et qu'ilz ne voyent
+qu'il y eust encores nulle occasion qui la deubt divertyr de la
+première dellibération.
+
+Les amys, au contraire, prenans fondement sur ce qu'il falloit évitter
+d'avoir la guerre avec Vostre Majesté, ont asseuré, par la
+cognoissance qu'ilz ont des choses de France, que les Françoys ne
+fauldroient d'entrer en Escoce, si vous entendiez, Sire, que les
+Anglois y prinsent pied; et que, de jetter leurs navyres dehors, il
+fauldroit, s'ilz rencontroient la flotte françoyse, qu'ilz la
+combatissent, et que la guerre se commenceroit trop plus ouvertement
+en ceste sorte contre la France, que quant les Françoys seroient
+descendu en Escoce, lesquelz ne seroient lors prins que pour
+auxiliaires: mais que le meilleur estoit qu'elle commençât de tretter
+avec l'évesque de Roz et avec moy de quelque bon accommodement là
+dessus.
+
+Laquelle opinion ayant prévalu, l'évesque de Roz a esté, le deuxiesme
+jour après, appellé, avec lequel ceulx de ce conseil ont entamé les
+choses que je vous ay escriptes le XXIIe de ce moys; et despuys, sa
+liberté luy a esté ottroyée: bien que la dicte Dame ne luy a encores
+permiz de parler à elle. Et par mesme moyen elle avoit advisé que je
+serois mandé, mais les adversaires l'en divertirent, sur quelque
+poinct de réputation, qu'ilz lui représentoient, qu'il valloit mieux
+attandre l'ocasion que je y vinse de moy mesmes; et luy célébrèrent
+cependant bien fort la ropture de la paix, et mesmes firent que, sur
+la confirmation de ce que Mr Norrys en avoit escript, Mr le cardinal
+de Chatillon fut convyé en court, qui disna avec la dicte Dame; mais
+le lendemain je vins devers elle, et ne volluz, pour aulcuns respectz,
+lui monstrer les articles que Vostre Majesté m'avoit envoyez des
+dernières offres faictes aulx depputez, mais pour luy oster l'opinion
+que le propos de la dicte paix fût rompu, et pour remédier les choses
+qui pressoient en Escoce, je luy diz que, vous ayant la Royne de
+Navarre et les Princes, ses filz et nepveu, faict fère des
+supplications et requestes plus amples que ne portoient les premiers
+articles que leur aviez accordez, et ayant Vostre Majesté miz en
+considération les infinys maulx que vostre royaulme, despuys dix ans,
+a quasi continuellement souffertz par les horribles guerres, que ces
+troubles ont produicts; que, pour obvier à plus grandz inconvénians,
+vous aviez bien vollu condescendre à la pluspart de leurs dictes
+requestes, et me commandiez de luy dire que vous vous estiez de tant
+plus eslargy envers eulx, que vous vouliez qu'il aparust au monde, et
+nomméement à la dicte Dame, comme aussi Dieu vous estoit tesmoing, que
+vous n'aviez nulle chose plus à cueur que de réunyr toutz voz subjectz
+en bonne amytié, et esgallement trestoutz les conserver; et qu'en ce
+que leur aviez ottroyé de nouveau y avoit tant de quoy se contanter
+pour l'exercisse de leur religion, pour l'accommodement de leurs
+affères, et pour la seureté de leurs personnes, sans aparance aulcune
+de deffiance à jamais, que vous ne pensiez qu'ilz se peussent tant
+oublyer qu'aussitost que messieurs de Biron et de Malassize le leur
+auront faict entendre, qu'ilz ne l'acceptent; qui sont deux de vostre
+conseil que Vostre Majesté a renvoyé devers eulx pour en sçavoir la
+résolution; et que faisant, de rechef, ung bien exprès office de
+mercyement envers elle pour la bonne affection qu'elle a monstré avoir
+à la paciffication de vostre royaulme, je la requisse, de vostre part,
+de deux choses, lesquelles elle estoit tenue de vous accorder: la
+première, que, si par ces grandes et plus que raysonnables offres, il
+advenoyt qu'il ne fût besoing que Vostre Majesté lui donnast la peyne
+de se travailler à les leur fère recepvoir, ains que d'eulx mesmes ilz
+se disposent d'humblement les accepter, qu'il luy playse néantmoins
+vous garder bien entière ceste sienne bonne vollonté, laquelle, ou
+soit que vous ayez la paix, ou qu'il vous faille continuer la guerre,
+vous l'estimerez très utille, ainsy que l'avez toutjour estimée très
+honnorable pour vous; la seconde, que, s'ilz estoient si obstinez
+qu'ilz ne s'en vollussent aulcunement contanter, ains vollussent
+persévérer en leur viollente entreprinse, qu'elle veuille ainsy juger
+d'eulx comme de gens qui aspirent, et néantmoins sont bien loing
+d'abattre l'authorité de leur Roy et prince naturel; et qu'elle les
+veuille tout aussitost déclairer non seulement indignes de sa faveur
+et protection, mais très dignes qu'ilz soyent poursuyviz et réprimez
+par les justes armes et d'elle et de toutz les honnorables princes qui
+vivent aujourd'huy au monde.
+
+La dicte Dame, d'ung visaige fort joyeulx et contant, après plusieurs
+mercyemens de la privée communication, que luy faisiez de voz affères,
+m'a dict que les choses, à ce qu'elle voyoit, estoient en meilleurs
+termes qu'on ne le luy avoit dict, et qu'elle desiroit toutjour que la
+fin s'en ensuyvyst sellon le bien et repos de vostre royaulme; et
+qu'elle pensoit bien qu'il pouvoit y avoir des considérations que,
+possible, Vostre Majesté estimoit toucher et à sa réputation, et au
+debvoir de ses subjectz, qu'ilz acceptassent d'eulx mesmes vos offres,
+sans y estre induictz par la persuasion de nul autre prince, ce
+qu'elle sera très ayse qu'il puisse ainsy advenir; mais si,
+d'advanture, il y intervient aulcune difficulté, qu'elle vous
+réservera toutjour ceste vollonté et affection qu'elle vous a offerte
+pour s'y employer à toutes les heures, que vous cognoistrez qu'il en
+sera besoing, avec aultant de désir de vous y conserver les
+avantaiges, qui vous sont deuz, comme si elle avoit l'honneur que vous
+fussiez son propre filz.
+
+Sur lequel propos je l'ay layssée assés discourir, et estant peu à peu
+venue d'elle mesmes à parler de la bonne affection que vous monstrez
+luy porter, j'ay suyvy à luy dire que c'est ce qui vous faisoit plus
+de mal au cueur, qu'estant vostre dellibération de persévérer
+constantment en son amytié, vous ne pouviez toutesfoys estre jamais
+bien ouy d'elle sur les affères de la Royne d'Escoce, et que vous
+vouliez bien dire que c'estoit, par grand force et à vostre très grand
+regrect, que vous estiez contrainct d'avoir là dessus différant avec
+elle, et que vous estiez hors de toute coulpe de l'altération qui en
+pourroit venir entre vous, et des maulx qui s'en pourroient ensuyvre
+au monde; qu'ayant Vostre Majesté, despuys l'aultre foys que j'avois
+parlé à la dicte Dame, entendu ce qui avoit succédé en Escoce, vous me
+commandiez de luy dire que, désormais, vous aviez, de vostre part,
+satisfaict à toutz les debvoirs et paysibles offices, en quoy vous
+pouviez estre obligé envers son amytié; d'avoir premièrement exorté la
+Royne d'Escoce de luy donner tout le contantement d'elle et toute la
+satisfaction sur ses affères, et luy réparer, à son pouvoir, toutes
+les affères qu'elle luy pourroit redemander; et puys à elle, de
+vouloir condescendre à telles raysonnables condicions envers la dicte
+Dame, pour sa liberté et restitution, comme elle mesmes pourroit juger
+estre honorables, advantaigeuses et bien seures pour elle et pour sa
+couronne, non toutesfoys esloignées de l'honnesteté et modération qui
+doibt estre gardée entre telles princesses, avec offre que vous les
+feriez accomplyr; dont estimiez que, non seulement il vous estoit
+meintennant faict tort d'estre rejetté et reffuzé là dessus, mais
+encores grand injure, de ce que, sans respect de voz offres et
+remonstrances, elle avoit commencé de procéder par la force, de fère
+le gast, de brusler, de raser les maysons des gentishommes et usé de
+toutes voyes d'hostillité dans l'Escoce; que pourtant, oultre ce que
+je luy avois dict, par voz lettres du XIIe d'avril, je n'obliasse
+rien de ce que je verroys par voz présentes, du IIIIe de may, estre
+de vostre intention de prier et exorter la dicte Dame qu'au nom de
+vostre commune amytié, et de la paix, alliance et confédération
+d'entre Voz Majestez et vos couronnes, elle vollust retirer ses forces
+hors du dict pays et n'en y plus envoyer; et que je vous résolusse
+promptement de ce qu'en aurez à espérer, et en quelle vollonté je
+pouvois cognoistre qu'elle estoit meintennant envers la liberté et
+restitution de la Royne d'Escoce, parce que, allantz ses affères de
+mal en piz, vous commandez de cognoistre qu'il vous falloit désormais
+prendre les dilays, dont l'on luy usoit, pour manifestes reffuz; et
+que vous me tanciez bien fort de quoy je vous avois longuement
+entretenu sur les bonnes parolles de la dicte Dame; et qu'en lieu de
+la modération que je vous avois promiz d'elle envers la Royne
+d'Escoce, vous voyez qu'il n'avoit succédé qu'ung grand commancement
+de guerre; que meintennant elle me mettoit encores en une plus grand
+peyne commant vous pouvoir satisfaire sur ce que, de nouveau, j'avois
+entendu qu'elle avoit envoyé deux mille harquebouziers au comte de
+Morthon jusques à Lislebourg; en quoy je la prioys de considérer que,
+puysqu'elle avoit ainsy baillé son secours aulx ennemys de la Royne
+d'Escoce, avec lesquelz elle n'a nulle confédération, que vous
+estimeriez vous estre beaucoup plus loysible de bailler le vostre aulx
+amys de la dicte Dame, laquelle vous estoit très estroictement alyée;
+et que je ne sçavois si desjà il y avoit des compaignies embarquées,
+et que pourtant je luy voulois bien fère, de rechef, la mesmes
+instance que dessus de vouloir retirer ses dictes forces affin de ne
+vous contraindre d'user de plus grandz, extraordinaires et violantz
+remèdes, que vous ne vouliez essayer en choses qu'ussiez jamais à
+démeller avec elle.
+
+La dicte Dame, se trouvant en grand perplexité de ce propos, m'a
+respondu que, despuys ma précédante audience, elle avoit toutjour
+estimé que son armée seroit retirée à Barvyc, et me pouvoit jurer que
+de ceste segonde entreprinse il n'y avoit que vingt quatre heures
+qu'elle en avoit receu l'advis par le comte de Sussex; qui luy mandoit
+qu'il avoit esté contrainct d'en user ainsy, parce que le duc de
+Chastellerault avoit retiré les rebelles d'Angleterre, et les avoit
+introduictz au propre conseil d'Escoce, et ne luy avoit jamais vollu
+fère aulcune bonne responce, ou de les randre, ou de les habandonner;
+et que pourtant vous, Sire, ne debviez trouver mauvais qu'elle
+poursuyvît par dellà une entreprinse qui touchoit tant à son honneur.
+
+Je luy ay toutjour grandement incisté de retirer ses dictes forces, et
+qu'au reste elle poursuyvyst la reddition de ses dicts rebelles par
+une aultre meilleure sorte de quelque honneste traicté avec la dicte
+Royne d'Escoce; sur quoy elle m'a bien dict beaucoup de bonnes
+parolles, mais non qu'elle ne l'ayt ainsy lors vollu accorder: de quoy
+estant sur l'heure entré en conférence avec les seigneurs de son
+conseil, avec remonstrance des inconvénians qui s'en pourroit
+eusuyvre, j'ay esté, le jour après, contremandé de la dicte Dame pour
+me trouver de rechef avec eulx; avec lesquelz j'ay enfin arresté les
+choses que Vostre Majesté verra par ung mémoire à part, lesquelles
+m'ont esté après confirmées par la dicte Dame; et Vostre Majesté
+aussi, s'il luy playt, les confirmera: et je mettray peyne qu'il en
+sorte quelque bon effect, bien que j'entendz, Sire, que, nonobstant
+cella, la dicte Dame a ordonné sortir promptement six de ses grandz
+navyres, avec douze centz hommes dessus, pour garder la mer; par ce, à
+mon adviz, que son ambassadeur l'a certainement advertye qu'il y a des
+gens toutz prestz en Bretaigne pour passer en Escoce; et elle
+vouldroit bien que ceste démonstration les retînt. Sur ce, etc. Ce
+XXVIIe jour de may 1570.
+
+ CERTEIN ACCORD FAICT AVEC LA ROYNE D'ANGLETERRE et avec les
+ seigneurs de son conseille touchant les choses d'Escoce, du dict
+ jour.
+
+ L'ambassadeur de France a dict à la Royne d'Angleterre que le
+ Roy, son Maistre, la prie et l'exorte, au nom de leur commune
+ amytié et de la bonne paix, alliance et confédération, qui est
+ entre eulx et leurs couronnes, qu'elle veuille retirer ses forces
+ hors d'Escoce, et n'en y envoyer plus d'aultres; et que le Roy,
+ son dict Maistre, luy commande de le résouldre promptement en
+ quoy il en doibt demourer, et en quoy il doibt demeurer de
+ l'intention qu'il peult cognoistre qu'a meintennant la dicte
+ Royne d'Angleterre vers la liberté et restitution de la Royne
+ d'Escoce, parce que, voyant aller les affères de la dicte Dame
+ toujours de mal en piz, il commance désormais de prendre les
+ dilays, qu'on use vers elle, pour manifestes reffuz;
+
+ Et que nul ne doibt trouver estrange, s'il prend ainsy à cueur
+ ceste matière; car il y va, d'ung costé, de la conservation de
+ l'amytié de la dicte Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, qui est
+ une chose qu'il estime estre de grande conséquence pour luy et
+ d'une grande importance pour son royaulme; et, de l'aultre, de la
+ protection et deffance de la Royne d'Escoce, sa belle soeur, de
+ laquelle il n'y a celluy qui ne voye combien il touche à sa
+ réputation et à l'honneur de sa couronne, et combien il est
+ abstraint par grandes obligations de nullement l'abandonner.
+
+ Sur quoy la dicte Royne d'Angleterre, ayant faict aucunes
+ responces sur l'heure au dict ambassadeur, elle luy a, le jour
+ d'après, faict dire par les seigneurs de son conseil, et encores
+ despuys elle mesmes le luy a confirmé de sa parolle, que, pour
+ satisfère au désir du Roy, son bon frère, elle trouve bon qu'il
+ soit envoyé ung gentilhomme de qualité devers le duc de
+ Chastellerault et devers ces aultres seigneurs Escouçoys, qui
+ tiennent le party de la Royne d'Escoce, pour leur dire que, s'ilz
+ veulent rendre les fugitifz d'Angleterre ou bien les habandonner,
+ ou bien les retenir pour en rendre tel compte, comme sera porté
+ par le tretté qui se fera entre elle et la Royne d'Escoce,
+ qu'elle est contante de retirer toutes ses forces hors du dict
+ pays d'Escoce;
+
+ Et, en ce que le dict duc de Chastellerault et les siens, et
+ pareillement le comte de Morthon et ceulx de son party, se
+ désarmeront d'ung costé et d'aultre, et que toute hostillité
+ cessera dans le dict pays et entre les deux royaulmes
+ d'Angleterre et d'Escoce;
+
+ A la charge aussi que, si le Roy, avant que ces choses soient
+ acomplyes, avoit de sa part desjà envoyé ou faict passer de ses
+ forces en Escoce, la dicte Dame ne veult estre tenue d'observer
+ ce dessus, sinon que le dict Roy Très Chrestien les vollût
+ révoquer, auquel cas elle révoquera pareillement les siens;
+
+ Et que Mr l'évesque de Roz nommera à Me Cecille le gentilhomme
+ que la Royne, sa Mestresse, vouldra, pour cest effect, envoyer en
+ Escoce, affin de luy bailler saufconduict, et en donner adviz à
+ Mr le comte de Sussex, devers lequel il passera, et auquel sieur
+ comte la dicte Royne d'Angleterre mandera d'acomplyr ceste sienne
+ intention, aussitost qu'il aura sceu celle du susdict duc de
+ Chastellerault;
+
+ Et que, par le dict ambassadeur de France et par l'évesque de
+ Roz, seront baillées au gentilhomme qui yra en Escoce leurs
+ lettres, servans à l'accomplissement de cest affère.
+
+ Et, quant à la liberté et restitution de la dicte Royne d'Escoce,
+ la dicte Royne d'Angleterre promect que, aussitost qu'elle aura
+ receu la responce, que la dicte Royne d'Escoce luy vouldra fère
+ sur les choses, qui naguières ont été trettées par son
+ ambassadeur, l'évesque de Roz, avec les seigneurs de ce conseil,
+ qu'elle y procédera avec tant de dilligence qu'elle veult bien
+ que le Roy Très Chrestien, son bon frère, demeure juge que plus
+ dilligentment il n'y pourroit estre procédé; et ainsy l'a elle
+ confirmé et asseuré au dict sieur ambassadeur, en parolle de
+ Royne et de princesse chrestienne pleyne de foy et de toute
+ vérité;
+
+ Que, suyvant les choses susdictes le dict ambassadeur escripra au
+ Roy, son Seigneur, de ne vouloir envoyer de ses forces en Escoce,
+ ou, s'il y en avoit desjà envoyé quelques unes, qu'il les veuille
+ tout incontinent révoquer.
+
+
+
+
+CXIe DÉPESCHE
+
+--du Ier jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._)
+
+ Efforts de l'abbé de Dunfermline pour arrêter l'exécution du
+ traité conclu.--Nouvelles d'Écosse.--Armemens faits en
+ Angleterre.--Exécution des Northon à Londres.--Espoir que le
+ duc de Norfolk sera bientôt rendu à la liberté.--Nouvelles de
+ la Rochelle et des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ceulx qui sont promptz de nuyre toutjour à la Royne d'Escoce,
+voyantz que la négociation que je faisois pour elle commançoyt de
+succéder, se sont esforcez d'introduyre l'abbé de Domfermelin pour m'y
+donner empeschement; lequel, n'ayant aporté qu'une simple lettre à la
+Royne d'Angleterre pour créance, ni pour toute aultre sienne
+instruction qu'ung seul blanc de ceulx qui l'ont envoyé, affin d'estre
+remply icy par l'adviz de deux de ce conseil, il a vifvement incisté à
+la dicte Dame, que, suyvant sa vertueuse dellibération et ses
+promesses, elle vollût recepvoir le jeune Roy d'Escoce en sa
+protection et le deffandre de la main meurtrière, qui naguières a
+faict mourir le père, et bientost après l'oncle; et que meintennant
+elle veuille, par son authorité ou par ses forces, fère aprouver les
+décrectz qui, durant le gouvernement du dict oncle, ont esté faictz,
+tant en faveur du dict jeune Roy que pour l'establissement de la
+nouvelle religion en son royaulme; et qu'à cest effect elle envoye
+réprimer les Amilthons, lesquels s'esforcent d'infirmer deux si bonnes
+causes, et sont proprement ceulx qui ont receu ses rebelles; et qu'au
+contraire elle haste son secours à ceulx qui soubstiennent l'une et
+l'aultre, qui n'ont onques consenty de les recepvoir; et que beaucoup
+d'honneur et de réputation à elle, grande seureté à son estat et
+couronne, perpétuel establissement en la religion par toute ceste
+isle, et ung très grand proffict et accommodement en toutz ses affères
+s'en ensuyvra, sans que, en l'exécution d'une si glorieuse et utille
+entreprinse, il s'y voye aulcun dangier, et bien fort peu de
+difficulté. Nonobstant lesquelz artiffices, la dicte Dame n'a layssé
+de fère confirmer, par le marquis de Norampton et par le comte de
+Lestre, à l'évesque de Roz, les mesmes choses qu'elle m'avoit
+accordées et qui estoient arrestées entre nous; dont sommes après à
+les effectuer. Et cependant est arrivée la responce de la Royne
+d'Escoce, sur les ouvertures que ceulx de ce conseil avoient naguières
+faictes au dict évesque, lequel a demandé là dessus audience de la
+dicte Royne d'Angleterre, qui ne la luy a reffuzée; et aussitost que
+j'auray entendu ce qu'y sera tretté, je ne fauldray d'en donner adviz
+à Vostre Majesté.
+
+J'entendz que les Anglois, qu'on a envoyez au comte de Morthon, sont
+arrivez à Lislebourg sans aulcun rencontre et qu'ilz se tiennent là
+sans fère grandz actes d'hostillité, et que le chasteau de Lislebourg
+ne respond rien à la ville, seulement les lairs de Granges et
+Ledinthon se tiennent dedans avec quelques aultres Escouçoys, qu'ilz y
+ont miz de renfort; que le duc de Chastellerault est à Glasco, avec
+bonne troupe des siens, lequel soubstient fermement l'authorité de la
+Royne, sa Mestresse; et que les comtes d'Arguil et d'Honteley s'en
+sont retournez pour s'establyr de mesmes en leurs quartiers. Quant à
+l'aprest des six navyres de ceste Royne, il se continue, et de deux
+davantaige, qui sont huict en tout des plus grandz, pour les fère
+sortir en mer du premier jour avec deux mil hommes, si ne trouvons
+moyen de les arrester; mais j'y feray tout ce qu'il me sera possible.
+
+Vendredy dernier estantz trois gentishommes de bonne qualité du North,
+qui s'apelloient les Northons, condampnez à mort comme coulpables de
+la dernière ellévation, ainsy qu'on les tiroit de la Tour pour les
+mener au suplice, le secrétaire Cecille survint en dilligence, qui fyt
+surceoyr l'exécution, et parla à eux, et estime l'on qu'il espéroit
+trouver en leur dernière déposition quelque vériffication contre la
+Royne d'Escoce, et contre le duc de Norfolc, mais ilz n'ont rien dict:
+et le lendemain les deux ont esté exécutez. Il semble qu'il se
+commance d'ouvrir des expédians pour la liberté du dict duc, auquel
+trois de ce conseil sont desjà ordonnez pour aller après demain parler
+à luy; et son filz aysné, le comte de Sureth, est arrivé despuys huict
+jours, qui est venu trouver le comte d'Arondel son grand père
+maternel. Quelcun a bien osé entreprendre d'aposer sur la porte de
+l'évesque de Londres une bulle du Pape[6] contre la Royne
+d'Angleterre, mais on l'a incontinent ostée, et faict on grand
+dilligence de descouvrir d'où elle est venue; mais pour donner
+entendre au peuple que c'est quelque aultre chose, l'on a imprimé un
+aultre placart.
+
+ [6] Cette bulle, en date du 25 février 1570, déclarait Elisabeth
+ hérétique et schismatique, et relevait ses sujets du serment
+ d'obéissance. La publication qui en fut faite à Londres causa le
+ supplice de Felton, mis à mort le 8 août suivant. Elle est
+ rapportée en entier par CAMDEN, _année_ 1570.
+
+L'on commance, despuys ma dernière audience, d'avoir quelque meilleure
+espérance de la conclusion de la paix de vostre royaulme qu'on ne
+faisoit; et aussi ung certain messagier, qui est naguière venu de la
+Rochelle, semble le confirmer, bien qu'on dict qu'il a esté long temps
+en mer. Je mettray peyne d'entendre ce qu'on publiera de la dépesche
+qu'il aporte, et d'une aultre qui est freschement arrivée du comte
+Pallatin, pour vous donner adviz de toutes deux par mes premières. Les
+depputez de ceste ville, qui sont revenuz de Flandres, ont esté desjà
+ouys de leur Royne, et puys en son conseil; ilz ont remonstré les
+difficultez qui s'offrent encores sur le faict de ces deniers et
+merchandises arrestées, et a esté remiz de leur fère responce d'icy à
+huict jours, à cause des affères d'Escoce; ce qui me faict juger que,
+sellon qu'ilz pourront accommoder les ungs, ilz vouldront reigler les
+aultres. Tant y a qu'ilz pensent que, pour le bon succez que le Roy
+d'Espaigne commance d'avoir contre les Mores, le duc d'Alve se rend
+meintennant plus difficile à cest accord. Sur ce, etc. Ce Ier jour de
+juing 1570.
+
+
+
+
+CXIIe DÉPESCHE
+
+--du Ve jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Nycolas de Le Poille._)
+
+ Hésitation du conseil d'Angleterre à assurer l'exécution du
+ traité conclu.--Résolution prise par la reine de le
+ maintenir.--Audience accordée par Élisabeth à l'évêque de Ross.
+
+
+ AU ROI.
+
+Sire, premier que le comte de Sussex ayt sceu, ou au moins premier
+qu'il ayt peu fère sçavoir au capitaine Drury à Lislebourg, l'accord
+d'entre la Royne d'Angleterre et moy, touchant retirer les Anglois
+hors d'Escoce, icelluy Drury avoit desjà envoyé sommer le duc de
+Chastellerault et ceulx de son party, qui estoient au siège de Glasco,
+de luy randre les fugitifz d'Angleterre, ou bien de les habandonner,
+et surtout de luy donner parolle de ne recepvoir aulcuns estrangiers
+dans le pays. A quoy luy estant baillé pour responce par le secrétaire
+Ledinthon, qui eut charge de la luy fère, qu'ilz n'estoient prestz ny
+de randre les fugitifz, ny de reffuzer aulcun secours estrangier,
+ains, si les Françoys ne venoient bientost que luy mesmes les yroit
+quéryr, le dict Drury avec ses Anglois, et le comte de Morthon avec un
+nombre d'Escouçoys du contraire party, ont marché jusques au dict
+Glasco, là, où ne les ayant le dict duc attanduz, ilz ont estimé
+qu'ilz pourroient exécuter d'aultres plus grandes entreprinses, s'ilz
+passoient plus avant vers Dombertran. Mais estant, sur ce poinct,
+arrivé au dict de Sussex l'advertissement de l'accord, il l'a
+incontinent envoyé notiffier au dict Drury, affin d'arrester son
+progrès; et néantmoins parce que, par une dépesche du mesme jour, il a
+escrit à sa Mestresse que les siens avoient commancé de bien fère à
+Glasco, et que despuys ilz s'estoient acheminez à Dombertrand, et
+qu'en mesmes temps ce que je vous ay mandé, Sire, de la bulle du Pape
+estoit advenu, et aussi que de France l'on mandoit y avoir plus grande
+aparance de guerre que de paix, la dicte Dame a cuydé délaysser toutz
+nos bons propos d'accord pour retourner à celluy, qu'elle avoit
+auparavant, de continuer la guerre en Escoce; mais j'avois desjà sa
+promesse si expresse du contraire, et le fondement avoit esté miz si
+bon aulx bonnes dellibérations; que les mauvais n'ont peu, pour ce
+coup, remettre sur les mauvaises, dont avons tant faict qu'il a esté
+résolument escript au dict de Sussex d'acomplyr icelluy accord, quant
+de l'aultre costé l'on l'accomplyra. Bien luy a esté mandé qu'il ayt à
+entretenir toutjours ses troupes en estat de la frontière, de peur de
+la descente des Françoys, comme de mesmes a esté ordonné icy que,
+pour encores, les grandz navyres ne partent point, mais que, pour la
+mesmes peur du passaige des Françoys, l'on les tiegne toutz prestz à
+la voyle; et les seigneurs de ce conseil ont mandé à l'évesque de Roz
+et à moy qu'on avoit desjà bien advancé de satisfère de leur part aulx
+choses promises, et qu'à nous touchoit meintennant de dilligenter
+l'exécution du surplus.
+
+Cependant le dict évesque a esté admiz à la présance de la dicte Dame,
+laquelle toutesfoys ne l'a receu sinon cérémonieusement et assés
+sévèrement, en présence de ceulx de son conseil, à cause des
+souspeçons auparavant conceues contre luy; mais après qu'en se
+purgeant fort honnorablement, il a heu tout librement confessé qu'il
+avoit une seule foys, et non plus, ouy ung messaige du comte de
+Northomberland, qui luy offroit de mettre la Royne sa Mestresse en
+liberté, et de la ramener en son royaulme, pourveu qu'on luy fornyst
+de l'argent, auquel il avoit respondu que sa Mestresse ne vouloit
+partir d'Angleterre sans le gré et bonne grâce de la Royne sa bonne
+soeur, ny elle n'avoit point d'argent pour luy envoyer; et qu'il a eu
+offert qu'au cas qu'il se peult jamais vériffier nulle aultre pratique
+contre luy avec ceulx du North, qu'il renonçoyt à toutz ses privilèges
+d'ambassadeur, d'évesque, et d'estrangier, et de son saufconduict,
+pour se soubzmettre aulx extrêmes punitions des plus rigoureuses loix
+de ce royaulme, la dicte Dame a monstré qu'elle en demeuroit
+satisfaicte; et l'ayant tiré à part, a receu fort humainement de ses
+mains les lettres que la Royne d'Escoce luy escripvoit, et a commancé
+de tretter privéement et fort familièrement sur icelles avec luy, de
+sorte que, se raportant ceste négociation aulx miennes trois
+précédantes, ung chacun juge que la chose s'en va si bien acheminée,
+qu'il s'en peult espérer ung assés prochain et assés bon succez.
+
+Je mettray peyne, Sire, de vous expéciffier par mes premières les
+poinctz et particullaritez où l'on en est meintennant, et adjouxteray
+seulement icy que les seigneurs du dict conseil sont en ceste ville
+pour adviser de quelque expédiant avecques les marchantz, touchant
+l'accommodement des différandz des Pays Bas; et aussi pour veoir comme
+il faudra procéder sur le faict de la bulle du Pape, ayant esté
+l'adviz d'aulcuns qu'on debvoit purger et examiner par sèrement là
+dessus les principaulx Catholiques de ce royaulme, et procéder tout
+incontinent contre ceulx qui se trouveront ou coulpables, ou attainctz
+du faict, par la rigueur des loix mareschalles[7], qui portent
+condempnation de mort sans figure de procès; mais j'entendz que la
+prudence de la dicte Dame ne leur a acquiescé, laquelle ne s'est
+vollue esloigner des conseilz des modérez, qui la persuadent de
+n'offancer les Catholiques qui luy sont obéyssantz. Sur ce, etc.
+
+ Ce Ve jour de juing 1570.
+
+ [7] C'est-à-dire, les _lois martiales_. Voyez DU CANGE au mot
+ _Marescalcialis_, tom. IV, col. 543.
+
+
+
+
+CXIIIe DÉPESCHE
+
+--du XIe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal._)
+
+ L'Évêque de Ross mis en entière liberté.--Négociation pour le
+ rétablissement de Marie Stuart; conditions proposées par
+ Élisabeth.--Espoir de l'ambassadeur que le traité pourra se
+ conclure prochainement, et demande d'instruction à ce
+ sujet.--Même espoir que la liberté sera bientôt rendue au duc
+ de Norfolk; chefs d'accusation sur lesquels il a été tenu de
+ s'expliquer.--Affaires des Pays-Bas; grand armement fait en
+ Angleterre, où l'on craint une entreprise de la part du duc
+ d'Albe.--_Mémoire._ Conditions que l'on dit être offertes par
+ la reine de Navarre pour la pacification de France.--Affaires
+ d'Écosse.--État de la négociation dans les
+ Pays-Bas.--Sollicitations faites auprès d'Élisabeth pour
+ obtenir la liberté du duc de Norfolk.--_Mémoire secret._
+ Détails circonstanciés de toutes les discussions qui ont
+ déterminé le conseil d'Angleterre à se déclarer pour le
+ maintien de la paix avec la France.--Intrigue de ceux du parti
+ contraire, afin d'empêcher cette décision.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, pour s'aquitter la Royne d'Angleterre de la parolle, qu'elle
+m'avoit donnée, qu'aussitost qu'elle auroit receu une responce,
+qu'elle attandoit de la Royne d'Escoce, elle procèderoit au faict de
+sa restitution avec tant de dilligence, que Vostre Majesté jugeroit
+qu'avec plus grande ne se pourroit fère, elle a desjà fort amplement
+traitté, avec Mr l'évesque de Roz, des moyens et expédians qu'elle
+veult estre suyviz en cella, et des seuretez et condicions qu'elle
+désire luy estre gardées. A quoy le sieur évesque ne luy a contradict
+en rien, ny ne luy a rien reffuzé; mais luy ayant monstre les choses
+qui en cella se pourroient trouver facilles ou difficiles, elle a
+monstré de ne se restraindre tant aulx plus difficiles, qu'elle ne se
+veuille bien accommoder à celles qui seront en la puyssance de la
+Royne d'Escoce d'acomplyr; et ainsy elle a ottroyé au dict sieur
+évesque sa pleyne liberté, avec licence d'aller conférer librement
+avec sa Mestresse; lequel desjà l'est allée trouver, et a emporté ung
+bien ample saufconduict pour envoyer les sires de Leviston ou de
+Bethon en Escoce, affin d'exécuter ce qui a esté arresté, entre la
+dicte Dame et moy, de retirer les siens hors du pays.
+
+J'estime, Sire, que le dict évesque de Roz aura escript toute sa
+dernière négociation à Mr l'archevesque de Glasco pour la fère
+entendre à Vostre Majesté, qui sera cause que je ne vous toucheray icy
+les particularitez d'icelle sinon en ce qu'il a semblé que la dicte
+Dame vouloit fort incister d'avoir le Prince d'Escoce en ses mains; et
+qu'il fût envoyé par Vostre Majesté aulcuns des parans de la Royne
+d'Escoce à estre icy quelque temps ostaiges, pour l'observance des
+choses qui seront promises; et que la ligue se conclût offancive et
+deffancive entre l'Angleterre et l'Escoce. Mais j'espère, Sire,
+qu'elle se contantera à moins; et affin que aulcune longueur n'y
+puysse venir de nostre costé, le dict sieur évesque m'a très
+expressément requis de suplier très humblement Vostre Majesté qu'il
+vous playse m'envoyer, par ce mesme gentilhomme présent porteur, ung
+pouvoir ample pour assister en vostre nom au traitté qui se fera;
+lequel, pendant que les choses se monstrent en assés bonne
+disposition, il estime estre très nécessaire de conclurre sans délay,
+ou aultrement il y courra ung manifeste dangier d'en perdre pour
+jamais l'occasion. Mais, par mesme moyen, il sera vostre bon playsir,
+Sire, de m'envoyer une particulière instruction des poinctz où vous
+desirez que cest affère se réduise pour vostre service, affin que
+vostre intention soit (s'il m'est possible) toute la règle de ce qui
+s'y fera.
+
+Les affères du duc de Norfolc semblent prendre ung mesme acheminement
+que ceulx de la Royne d'Escoce, car la Royne, sa Mestresse, a enfin
+envoyé deux de son conseil parler à luy, qui ne luy ont touché que
+cinq poinctz; sçavoir: celluy de son mariage avec la Royne d'Escoce,
+comme est ce qu'il l'avoit ozé pratiquer sans le sceu de sa Mestresse;
+celluy d'une lettre qu'il avoit escripte au comte de Mora, où il
+disoit avoir passé si avant au mariage qu'il ne pouvoit avec son
+honneur et conscience s'en retirer; le troizième, s'il ne s'en vouloit
+point despartyr maintennant, sans jamais y entendre, sinon avec le
+congé de la dicte Royne sa Mestresse; le quatriesme estoit de la
+religion, comme souffroit il que toutz ses principaulx officiers et
+serviteurs fussent ou déclairez ou suspectz Catholiques; et le
+cinquiesme, quelle seurté vouloit il donner à la Royne sa Mestresse de
+luy demeurer à jamais fidelle et obéyssant subject et serviteur. A
+toutes lesquelles choses j'entendz qu'il a si bien et sagement
+respondu que la dicte Dame en est assés satisfaicte; et s'espère qu'il
+sera remiz, du premier jour, en sa mayson de ceste ville, mais encores
+soubz quelque garde, pour quelques jours.
+
+L'espérance de la paix de vostre royaulme ayde grandement à
+l'advancement des affères de l'ung et de l'aultre, et estime l'on que,
+succédant icelle, tout yra bien pour eulx; mais aussi, si elle ne se
+conclud, aulcuns ont opinion que cecy n'aura esté qu'une aparance pour
+pouvoir passer l'esté sans trouble, et qu'ilz tremperont encores cest
+yver en leurs accoustumées prysons.
+
+J'entendz que le duc d'Alve mène ceulx cy d'ung grand artiffice sur
+l'accord de leurs différantz; car, d'ung costé, il les brave bien
+fort, et les adoulcit encores plus de l'aultre, et leur donne de
+grandes espérances de la bonne affection que son Maistre a
+d'accommoder, mieulx que jamais, leur trafficqz en toutz ses pays;
+bien que, entendant la Royne d'Angleterre qu'aulcuns de ses fugitifz
+sont passez devers le dict duc, et d'aultres sont allez en Espaigne,
+et qu'on lève maintennant des gens de guerre en Flandres, elle
+souspeçonne que c'est plustost contre elle que pour la réception de la
+Royne d'Espaigne, comme l'on en faict le semblant; et, à ceste cause,
+elle a commandé de mettre encores en ordre quatorze de ses grandz
+navyres, oultre ceulx qui sont desjà pretz. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIe jour de juing 1570.
+
+ INSTRUCTION AU SR DE VASSAL de ce qu'il fault fère entendre à
+ Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres:
+
+ Qu'après que la Royne de Navarre, en apvril dernier, eust expédié
+ devers le Roy les Srs de Telligny et de Beauvoys, lorsqu'ilz
+ venoient du camp des Princes, et avec eux le Sr de La Chassetière
+ pour adjoinct, elle fit une dépesche par deçà, laquelle a esté si
+ longtemps sur mer, qu'elle n'est arrivée que despuys huict ou dix
+ jours: et par icelle semble qu'on ayt cogneu que la dicte Dame
+ inclinoit à la paix;
+
+ Et que par le dict La Chassetière elle ayt faict dire à part au
+ Roy et à la Royne qu'il ne tiendroit à elle que la dicte paix ne
+ se fît, et qu'elle suplioit Leurs Majestez de vouloir ottroyer à
+ ceulx de la nouvelle religion l'éedict de l'an LXVII, qu'ilz
+ apellent l'éedict de Chartres, et encores ung presche davantaige
+ en la prévosté de Paris, et qu'avec cella elle s'esforceroit de
+ les fère contanter et de conclurre la dicte paix;
+
+ Qu'aulcuns icy ont esté bien ayses de ceste disposition de la
+ dicte Dame, comme advenue contre leur espérance, car pensoient
+ que les ministres la tiendroient la plus destornée de ce désir
+ qu'ilz pourroient. Aultres ont estimé qu'elle s'est trop hastée
+ de parler d'icelluy éedict de Chartres, lequel ilz disent estre
+ fort dangereux et de nulle seureté; et qu'il eust toutjours esté
+ assés à temps de le requérir, car les menées de court ne
+ permettent qu'on accorde jamais les choses ainsy qu'on les
+ demande; ou bien attendre que le Roy l'eust offert de luy mesmes,
+ et que eulx l'eussent lors tout librement et avec humilité receu
+ de la pure concession et ottroy de Sa Majesté;
+
+ Que despuys, ne venant de France sinon toutjours nouvelles de
+ continuation de guerre, et comme le Roy reffuzoit de rendre les
+ offices et bénéfices à ceulx de la dicte religion, et de ne payer
+ leurs reytres, Mr le cardinal de Chastillon, désespérant assez,
+ pour ceste cause, de la paix, a sollicité plus vifvement que
+ jamais les choses qui pouvoient servyr à se maintenir et à
+ maintenir ceulx de son party en réputation par deçà, et à se
+ procurer toutjours nouveaulx crédictz en Allemaigne.
+
+ A quoy semble que l'ayt davantaige confirmé de fère la venue
+ d'ung aultre messagier, qui a esté dépesché de la Rochelle après
+ le retour des depputez; lequel a aporté une forme d'articles,
+ lesquelz à la vérité je n'ay pas veuz, mais l'on m'a dict qu'ilz
+ contiennent que le Roy ottroye pour seureté à ceulx de la
+ nouvelle religion la Rochelle, Sanxerre et Montauban, plus vingt
+ quatre villes pour leur exercisse, lesquelles il nommera après la
+ confection de la paix; que les haultz justiciers pourront fère
+ prescher pour eulx, leurs subjectz, et ceulx qui y pourront
+ assister; les gentishommes, qui ont moyenne justice, auront aussi
+ presche pour eulx et leur famille seulement; que la vendition des
+ biens eclésiastiques faicte par les Princes sera cassée; les
+ offices de ceulx de la dicte religion demeureront vanduz; et que
+ les Princes payeront et renvoyeront leurs reytres; et m'a l'on
+ dict que desjà l'on a envoyé les dicts articles en Allemaigne
+ avec des additions au marge, qui contiennent les raysons pourqnoy
+ on ne les peult ainsy accepter.
+
+ Ung Allemand, qui naguières est arrivé de la part du comte
+ Pallatin pour donner compte à la Royne d'Angleterre de l'estat
+ des choses de delà, nomméement de ce qui se présume de la diette
+ et des nopces du prince Cazimir son filz, dict que, parce que les
+ levées du Roy en Allemaigne ne passent en avant, celles des
+ aultres demeurent aussi en suspens, mais qu'au reste elles se
+ tiennent prestes pour le besoing, et que le prince d'Orange s'est
+ retiré pour quelques jours en l'estat d'une sienne parente,
+ attandant les nopces du dict Cazimir, auxquelles il espère de
+ pouvoir radresser ses affères; et que Mr de Lizy ayant passé par
+ Helderberc, où il a séjourné ung jour ou deux, après avoir heu
+ quelque petite conférance avec le dict Sr Pallatin, a prins le
+ chemin de Genève avec une troupe de gentishommes Françoys qui
+ vont trouver le camp des Princes.
+
+ Desquelles apparances de guerre, parce que ceulx cy voyent
+ qu'elles ne font poinct cesser les propos qui se mènent de la
+ paix, et qu'il se trouve encores des difficultez sur l'accord des
+ différandz des Pays Bas, ilz deviennent assez irrésoluz comme
+ debvoir procéder ez choses d'Escoce, et craignent bien fort que,
+ de les poursuyvre davantaige, la paix de France et la victoire du
+ Roy d'Espaigne sur les Mores[8] ne se convertissent en une guerre
+ sur eulx; ce qui les faict plus vollontiers incliner aulx
+ remonstrances que je leur fays là dessus. Et encores que le temps
+ et l'ocasion pressent bien fort de pourvoir aulx affères
+ d'Escoce, ou aultrement ilz vont incliner à la part des Anglois,
+ sans que les Anglois y facent plus grand effort, le mesme temps
+ et la mesme ocasion néantmoins semblent se monstrer bien à propos
+ au Roy pour pouvoir meintennant conserver, sans grand coust et
+ quasi par moyens paysibles, ce que sa couronne a heu toutjour
+ d'alliance et d'authorité au dict pays; et croy que mal ayséement
+ une aultre foys y pourra il, sans viollance et possible sans une
+ grande guerre et à grandz fraiz et difficulté, y remédier.
+
+ [8] Cette victoire se rapporte aux avantages obtenus par don Juan
+ sur les Maures d'Espagne, qui s'étaient soulevés en 1569. Il
+ s'agit plus particulièrement ici, soit du combat devant Finix,
+ qui entraîna le pillage de la ville (fin avril 1570), soit du
+ combat livré dans les montagnes de Baza et de Filabres dans les
+ premiers jours de mai 1570. Ces victoires furent immédiatement
+ suivies d'un traité conclu ayec Abaqui, l'un des principaux chefs
+ des révoltés, qui se rendit auprès de Don Juan, le 19 mai, et fit
+ le lendemain sa soumission solennelle. Cependant la guerre
+ continua quelque temps encore, par suite de la résistance
+ d'Aben-Aboo, qui s'était fait proclamer roi d'Andalousie, sous le
+ nom de Muley-Abdala; elle ne finit qu'au mois de novembre
+ suivant, après qu'Aben-Aboo eut été tué par Seniz, autre chef des
+ Mores.
+
+ Les souspeçons ne sont légiers à ceulx cy, du costé du Roy
+ d'Espaigne, parce que deux des principaulx hommes d'Irlande sont
+ allez à recours à luy, et luy sont allez offrir accez, entrée et
+ obéyssance pour la protection de la religion catholique en leur
+ pays; et pareillement aulcuns des principaulx fugitifz Anglois,
+ qui s'estoient retirez en Escoce, sont passez devers le duc
+ d'Alve. A l'ocasion de quoy, le comte de Lestre a, despuys dix
+ jours, faict fère une plaincte à Mr l'ambassadeur d'Espaigne de ce
+ qu'on recepvoit les rebelles de ce royaulme en Flandres; et il a
+ respondu qu'il n'en sçavoit rien, mais qu'il ne fesoit double
+ qu'ilz ne fussent bien receuz ez terres du Roy Catholique,
+ puysqu'ilz estaient chassez pour estre Catholiques, mais que ce ne
+ seroit pour y mener rien par armes contre la Royne d'Angleterre.
+
+ Or, en ce qui concerne les différandz des Pays Bas, il a esté bien
+ près d'y mettre ung bon accord, car le duc d'Alve en a faict
+ toutes les démonstrations du monde; et en mesme temps est advenu
+ par des intelligences, que la Royne d'Angleterre a en Flandres,
+ qu'on luy a faict veoir la coppie d'une lettre que le Roy
+ d'Espaigne escripvoit au dict duc, par laquelle il luy mandoit de
+ regaigner, par toutz les moyens qu'il pourroit, l'amytié de la
+ Royne d'Angleterre et des Anglois; dont ilz estiment que la
+ difficulté, qu'il sentoit lors en la guerre des Mores, le faisoit
+ parler ainsy, et qu'à ceste heure ayant quelque bon succez en
+ icelle, il se veult tenir plus ferme sur la restitution des
+ prinses.
+
+ Sur laquelle restitution icelluy duc, à l'arrivée des dicts
+ commissaires, leur a dict que la demande, qu'ilz estoient venuz
+ fère des biens des Anglois, estoit très raysonnable; mais que
+ celle des subjectz du Roy, son Maistre, qui demandoient
+ pareillement d'avoir les leurs, n'avoit moins de rayson, et qu'il
+ failloit venir à une mutuelle satisfaction des deux costez. Et
+ néantmoins, s'estant puys après laissé aller à des expédiantz qui
+ revenoient assés à son proffict, et qui donnoient grand espérance
+ d'ung accord, il s'en est despuys desparty par ung adviz, qu'on
+ luy a envoyé de deçà, d'ung aultre proffict plus grand d'envyron
+ cent cinquante mil escuz, s'il retient les biens des Anglois;
+ lesquelz biens il a desjà, pour ceste ocasion, faictz remettre de
+ nouveau soubz sa main, ou bien les deniers qui sont provenuz de la
+ vante d'iceulx; et meintennant l'on est après à fère quelque
+ évaluation des ungs et des aultres, pour veoir si l'on pourra
+ venir à quelque compensation.
+
+ Ceulx qui ont esté les plus contraires à la Royne d'Escoce et à
+ ses affères commancent, à ceste heure, de se fère de feste et de
+ luy promettre toute faveur et secours; et le mesmes est du duc de
+ Norfolc, car ceulx qui ont esté ses plus mortelz ennemys se
+ gettent à genoulx devant la Royne, leur Mestresse, pour la suplier
+ pour luy; et bien qu'en cella y puisse avoir de la simulation,
+ pour plustost prolonger que pour désir d'ayder ses affères, ilz
+ semblent néantmoins estre resduictz à ung poinct que, si quelque
+ nouveau accidant ou quelque grand malheur ne survient, ilz seront
+ pour estre bientost accommodez.
+
+ AULTRE INSTRUCTION A PART:
+
+ Que ce qui plus me fait incister icy aulx choses d'Escoce, et en
+ solliciter pareillement Leurs Très Chrestiennes Majestez, est
+ qu'il ne peult revenir que à une merveilleuse diminution de leur
+ estime et grandeur, de se laysser ainsy arracher comme par force
+ la Royne d'Escoce et les Escouçoys de leur protection; et de
+ souffrir que la Royne d'Angleterre leur emporte de leur temps
+ ceste alliance, qui a esté conservée huict centz ans à la
+ couronne de France, et laquelle assés souvant luy a esté très
+ utille, et quelquefoys bien fort nécessaire.
+
+ Et je considère que, de s'y opposer meintennant par Leurs
+ Majestez, ce n'est les mettre en nouvelle guerre, ains plustost
+ divertir celle qui leur pourroit venir d'icy; ny mettre le Roy en
+ grandz frays de ses deniers, ains empescher que les Anglois
+ n'envoyent les leurs en Allemaigne contre luy; ny l'attacher à de
+ grandes difficultez, car la seule démonstration de vouloir
+ envoyer mille harquebouziers en Escoce, ou le passaige d'iceulx
+ seulement, rendra ceste entreprinse achevée sans aulcunement
+ venir aulx mains, de tant qu'ung chacun juge que la Royne
+ d'Angleterre ne les sentyra sitost joinctz aulx Escouçoys
+ partisans pour leur Royne, lesquels à présent sont les plus
+ fortz, qu'elle ne viegne à telle composition qu'on vouldra; et
+ si, ne demeurera que plus ferme en la paix, joinct que je n'ay
+ faict ceste instance, sinon après que, par la conférance de ceulx
+ qui entendent bien l'estat de ce royaulme, j'ay comprins que
+ c'estoit jouer à boule veue.
+
+ Et puys, je voy que ceulx qui ont persévéré jusques icy en
+ l'affection du Roy, s'ilz ne sont entretenuz de quelque bon
+ espoir, voyre de quelque démonstration de son présent secours,
+ comme de celluy seul entre les princes chrestiens, qui justement
+ et légitimement peult mouvoir ses armes en ceste cause, ilz se
+ vont sans aulcun doubte jetter ez braz du Roy d'Espaigne, et bien
+ que ce ne soit aultant de droict, comme ez braz du Roy, ilz ont
+ néantmoins desjà leurs messagiers devers luy, et à ceulx là est
+ desjà faicte promesse de secours; mesme le duc d'Alve leur donne
+ entendre qu'il est si prest qu'il ne reste sinon que la Royne
+ d'Escoce envoye son pouvoir et consantement pour l'acepter.
+
+ Et de ce, la dicte Dame a naguières receu ses lettres ou bien
+ celles de son Maistre, car je ne sçay encores duquel des deux;
+ tant y a qu'on l'asseure fort que, en toutes sortes, elle sera
+ assistée et aydée à sa restitution par le Roy Catholique, lequel
+ cependant l'exorte de se réserver libre de son mariage, et de ne
+ s'obliger à nul, sinon avec l'adviz et bon conseil qu'il luy en
+ donnera.
+
+ Néantmoins commanceans les affères d'Escoce de s'acheminer par la
+ gracieuse voye de la négociation, que Leurs Majestez m'ont
+ commandé de fère, j'espère qu'elles succéderont assez sellon leur
+ désir, sans y fère aultre effort ny despence; mais à toutes
+ advantures, parce que la malice des ennemys, et la faulte de
+ cueur des amys, et la jalouzie de ceste Royne contre sa cousine
+ sont choses que j'ay toutjour fort suspectes, je désire que Leurs
+ Majestez voyent à clair quel a esté et quel est le cours de ceste
+ affère, affin qu'ilz puyssent juger quant, et commant, et en
+ quelle sorte il y pourra fère bon.
+
+ Après que j'ay heu, par deux foys, résoluement déclairée à la
+ Royne d'Angleterre qu'elle ne pouvoit, sans contravention des
+ trettez, envoyer ses forces en Escoce, et que pourtant elle
+ debvoit accepter les honnestes condicions et offres que la Royne
+ d'Escoce luy faisoit, par le moyen desquelles elle obtiendroit,
+ mieulx que par la force et sans aulcune despence, ce qu'elle
+ prétandoit, et si, auroit conservé l'amytié du Roy, la dicte Dame
+ a demeuré quelques jours fort incertaine comme elle en uzeroit;
+ dont aulcuns des siens, craignantz le changement de sa
+ dellibération, ont trouvé moyen, il y a envyron quinze jours, de
+ luy fère signer une lettre au comte de Sussex pour le fère passer
+ si avant en l'entreprise qu'on ne s'en peult plus retirer.
+
+ De quoy m'ayant esté donné adviz, et estant bien informé que la
+ dicte lettre avoit esté substraicte, j'envoyay incontinent
+ solliciter ceulx, qui avoient bonne affection en ceste cause, de
+ le fère entendre à la dicte Dame, et de convaincre vers elle
+ ceulx qui avoient ozé entreprendre ung tel faict, et qui la
+ vouloient, contre toute rayson, mettre en guerre avecques le Roy.
+
+ Ce que ayant bien oportunéement sceu fère, ilz ont si bien irrité
+ la dicte Dame qu'elle a monstré d'en estre fort courroucée, et
+ qu'en toutes sortes elle vouloit sortir par quelque aultre
+ meilleur moyen hors de cest affère; dont, assignant jour à ceulx
+ de son conseil d'en venir délibérer devant elle, les ungs, pour
+ rompre le coup, ont trouvé bon de s'absenter en ceste ville par
+ prétexte du terme de la justice, et les aultres, ne pouvant
+ contradire à cella, y sont venuz aussi pour le mesme prétexte,
+ mais en effect ce a esté pour fère des assemblées séparéement
+ avec les partisans et amys, pour voir comme ilz pourroient, de
+ chascun costé, advancer leur intention et retarder d'aultant
+ celle des aultres.
+
+ Et enfin milord Quiper, qui est chef de la partie contraire,
+ après avoir bien consulté avecques les siens, avoit, au partir de
+ ceste ville, délibéré de s'en aller en la contrée pour allonger
+ et interrompre la matière; mais le comte d'Arondel le prévint en
+ son propre logis, et le somma de se trouver, le IIIe jour après,
+ devers la Royne leur Mestresse pour résouldre cestuy et aultres
+ très urgentz affères, «qui ne pouvoient, disoit il, sans mettre
+ la dicte Dame et son royaume en grand dangier, estre plus
+ prolongez.»
+
+ Icelluy Quiper, en grand collère, luy respondit qu'il ne
+ délibéroit de retourner en court, qu'il ne fût plus de trois foys
+ fort expressément appellé, veu que la Royne tenoit si peu de
+ compte d'observer les choses une foys arrestées, et qu'elle
+ mesprisoit à ceste heure ses conseilz, et ne recepvoit plus sinon
+ ceulx qui luy estoient très dommaigeables, ès quelz il ne vouloit
+ en façon du monde intervenir.
+
+ Le comte répliqua que à la charge qu'il avoit ne convenoit bien
+ de gouverner ainsy ce royaulme par collère, car c'estoit par
+ rayson et justice qu'il le debvoit modérer, et qu'il se sçauroit
+ aussi bien courroucer que luy s'il vouloit; mais qu'il prévoyoit
+ ung si grand inconvéniant d'une généralle sublévation en ce
+ royaulme et de tant de guerres avecques les estrangiers, qu'il ne
+ pouvoit pour son debvoir différer plus longtemps d'en avertyr sa
+ Mestresse, et qu'il falloit que luy, comme son premier
+ conseiller, s'y trouvast présent pour en dellibérer, ce que, s'il
+ reffuzoit de fère, qu'il fût asseuré qu'il luy seroit reproché;
+ et que, absent ou présant, il ne lairroit de bien chanter les
+ vespres au secrétaire Cecille, car ce n'estoit que d'eulx deux
+ que procédoit le retardement de toutz les affères de ce royaume.
+ Cella fut lors cause que le dict Quiper s'estant ung peu remiz,
+ et estant le propos venu à plus gracieulx termes entre eulx, ilz
+ se promirent l'ung à l'aultre de se trouver, le cinquiesme jour
+ après, à Amptoncourt.
+
+ Pendant laquelle assignation, le secrétaire Cecille fit tout ce
+ qu'il peult pour destourner la dicte Dame de son bon propos, et
+ luy oza bien dire assés licentieusement, présent le comte de
+ Lestre, qu'elle s'en alloit habandonnée de ses meilleurs
+ serviteurs, puysqu'elle se vouloit ainsy précipiter d'elle mesmes
+ en ung manifeste et trop certain péril de sa propre personne et
+ estat par la restitution et dellivrance de la Royne d'Escose.
+
+ A quoy, en collère, elle luy demanda comme il cognoissoit cella,
+ car jusques à ceste heure, elle n'avoit ouy nulle rayson de luy
+ là dessus qui ne fût playne de passion et de hayne, et comme il
+ ne respondoit rien, le comte de Lestre dict: «Voyez, Madame, quel
+ homme est le secrétaire, car se trouvant hier avec nous tous à
+ Londres, il asseura qu'il vous donroit conseil de restituer la
+ Royne d'Escoce, et meintennant il parle en toute aultre
+ façon.»--«Ainsy, respondit elle, me raporte il plusieurs choses
+ assés souvant de vostre part, qui puys après est tout le
+ contraire. Quoyqu'il y ayt, maistre Secretary, dict elle, je
+ veulx sortyr hors de cest affère et entendre à ce que le Roy me
+ mande, et ne m'en arrester plus à vous aultres frères en Christ.»
+
+ Sur cella, m'estant arrivée la dépesche du Roy du IIIIe de may,
+ il a esté le plus à propos du monde que j'aye faict ceste
+ troisième recharge, du XXIIe du dict moys, à la dicte Dame, comme
+ je luy ay desjà mandé, par laquelle voyantz les adversayres
+ qu'elle se layssoit conduyre à la rayson, et que desjà elle
+ m'accordoit de retirer ses forces hors d'Escoce et de procéder à
+ la restitution de la Royne sa cousine; après que j'en ay heu
+ aussi parlé au conseil, ilz ont préparé l'ung d'entre eulx pour
+ venir, en présence des aultres, tenir le merveilleux et bien
+ insolant propos qui s'ensuyt;
+
+ C'est de dire à la dicte Dame «qu'elle estoit estrangement pipée
+ et trompée en ceste affère, car il estoit désormais trop clair
+ que ceulx, de qui elle commançoyt de suyvre le conseil, estoient
+ toutz gens partiaulx et bandez contre elle en faveur de la Royne
+ d'Escoce, et qu'il n'y avoit rien plus aparant et vraysemblable;
+ que les propos de moy ambassadeur estoient emprumptez, ou de Mr
+ le cardinal de Lorrayne qui m'avoit mandé d'ainsy parler, ou de
+ la Royne d'Escoce qui m'en avoit prié; et que, veu les affères
+ que le Roy avoit chez luy, il n'estoit pour mander et encores
+ moins pour fère ce que je disoys; et que desjà l'on avoit passé
+ si avant aulx choses d'Escoce qu'il n'estoit plus temps de s'en
+ retirer, ny la dicte Dame ne pourroit désormais, sans dangier et
+ sans perdre trop de réputation, rappeller ses forces de
+ Lislebourg; mais que, si elle poursuyvoit son entreprinse, il
+ estoit trop évidant que l'Escoce s'en alloit conquise, et les
+ Escouçoys toutz renduz ses subjectz et tributaires, et son
+ authorité establye au dict pays, et sa religion à jamais
+ confirmée par toute l'isle;
+
+ »Que ce qu'il disoit estoit ung bon et droict conseil, et ce
+ qu'on alléguoit au contraire estoit tout faulx et suspect, et
+ qu'il vouloit mourir pour une si digne querelle, laquelle
+ convenoit à la grandeur et dignité de la couronne d'Angleterre,
+ non de se mouvoir ainsy ny de changer de délibération pour les
+ parolles d'un ambassadeur, comme il sembloit que la dicte Dame
+ vouloit fère, et que le Roy, Henry VIIIe, n'eust pas lasché
+ prinse, ainsy que honteusement et misérablement l'on le
+ conseilloit à elle de le fère; et qu'il offrait, au cas que, pour
+ l'amour de la Royne d'Escoce, les Françoys passassent de deçà,
+ que luy mesmes luy yroit trancher la teste, s'il playsoit à la
+ Royne luy en bailler la commission, s'atachant particullièrement
+ au comte de Lestre comme pour le taxer qu'il ne se monstroit
+ fidelle en cest endroict à sa Mestresse.»
+
+ Le comte luy a respondu «que ces propos estoient d'ung homme
+ indigne d'estre au conseil de la Royne, et que, de sa part, il
+ l'avoit conseillée droictement sellon conscience et honneur, et
+ sellon qu'il estoit dellibéré de vivre et mourir en l'opinion
+ qu'il luy avoit donnée, et mesmes à maintenir, contre quiconques
+ vouldroit dire le contraire, qu'il ne luy avoit rien dict qui ne
+ fût digne d'ung très bon et très fidelle conseiller, serviteur et
+ subject; et puysqu'ilz en venoient là, qu'ilz fissent tout le piz
+ qu'ilz pourroient de leur costé, et que la dicte Dame regardât
+ quel party elle vouldroit prandre, car luy et plusieurs aultres
+ estoient résoluz de persévérer à jamais en leur délibération.»
+
+ La dicte Dame, se trouvant en perplexité, a respondu en collère
+ au premier qui avoit parlé, «que ses conseilz estoient toutjour
+ semblables à luy mesmes, qui ne luy en avoit jamais donné que de
+ témérayres et dangereux, et que, tant s'en falloit qu'elle vollût
+ avoir ung aultre royaulme au pris qu'il disoit de la vie de sa
+ cousine, qu'elle aymeroit mieulx avoir perdu le sien que de
+ l'avoir consenty; et qu'il n'entreprint sur sa teste de tenir
+ jamais plus un tel langaige, et qu'au reste eulx toutz mettoient
+ ses affères, et elle, et son estat, en grand dangier, de se
+ porter ainsy tant contraires et opposans en leurs opinions.»
+
+ Sur cella, après quelque peu de silence, le comte d'Arondel a
+ commancé de dire «que la collère, ny la passion, ny la hayne ou
+ amytié, qu'on pouvoit avoir à la Royne d'Escoce, ne les debvoit
+ mouvoir de donner conseilz précipitez ni dangereux à leur
+ Mestresse, ny de venir à nulle contention entre eulx, ains
+ procéder en tout par prudence et modération; et que luy vouloit,
+ en présence d'elle et de son conseil, librement dire qu'il estoit
+ trop clair qu'en l'entreprinse d'ayder une partie des Escouçoys
+ qui estoient désobéyssantz, ou qui avoient quel autre prétexte
+ que ce fût contre leur Royne Souverayne, ne pouvoit avoir rien
+ de seurté, ny d'équité, ny de proffict, ny rien aultre chose que
+ force difficultez, force despences, une très mauvaise estime des
+ gens de bien, une grande offance des aultres princes, et une très
+ certaine ouverture de plusieurs guerres, que la dicte Dame et son
+ royaulme n'estoient pour pouvoir soubstenir;
+
+ «Que c'estoit mal juger des parolles miennes, qu'elles fussent
+ empruntées, car jusques icy l'on les avoit trouvées conformes à
+ celles du Roy Mon Seigneur, et leur mesmes ambassadeur par ses
+ lettres les avoit souvant confirmées; et qu'on n'avoit encores
+ veu, quant ung ambassadeur d'ung si grand prince avoit
+ résoluement dict _ouy ou non_, qu'il se trouvât puys après
+ aultrement; car seroit exemple fort nouveau, qu'ung ambassadeur
+ se mît en dangier d'estre désadvouhé, et n'en fauldroit plus
+ envoyer si l'on en venoit là; par ainsy, qu'ayant esté mon dire
+ clair et exprès, il n'y avoit point de doubte qu'il ne fût
+ procédé du commandement et de l'intention du Roy Mon Seigneur;
+
+ »Qu'il n'y auroit ny honte, ny dangier, de se retirer de ceste
+ entreprinse d'Escoce; de honte, parce que cella se feroit sur
+ l'instance et prière d'ung grand Roy pour conserver la paix et
+ les trettez, lequel promettoit non seulement de n'attempter rien
+ de son costé, mais d'accomplir toutes choses à l'advantaige de la
+ Royne; et encores moins de dangier, car ne seroit mal aysé de
+ ramener les gens qui estoient à Lislebourg jusques à Barvich,
+ sans qu'on en perdit pas ung;
+
+ »Que possible le Roy Henry VIIIe n'eust pas vollu lascher prinse,
+ mais de son temps l'Angleterre estoit en meilleure disposition et
+ mieulx unye que meintennant, et si l'avoit il merveilleusement
+ espuysée et ruynée pour les guerres de France; ès quelles
+ toutesfoys il n'avoit jamais ozé rien entreprendre qu'il n'eust
+ ung Empereur pour compaignon, là où tant s'en failloit qu'on
+ peult fère meintennant estat du Roy Catholique, son filz, que au
+ contraire l'on l'avoit bien fort offancé, et si enfin les
+ entreprinses du Roy Henry en France estoient tornées à rien; que
+ pourtant la dicte Dame advisât de prendre l'expédiant qui plus
+ luy pouvoit admener de paix et de seurté en son royaulme, qui
+ plus luy pouvoit confirmer l'amytié des aultres princes, et qui
+ plus pouvoit justiffier la droicture de ses intentions envers
+ Dieu et les hommes.»
+
+ A ceste opinion ayant celluy du conseil, qui est le plus homme de
+ guerre, adjouxté qu'il se offroit d'aller luy mesmes retirer les
+ Anglois, qui estoient à Lislebourg, en si bonne sorte que, sans
+ aulcun dangier et à l'honneur de la Royne, il les reconduyroit
+ toutz à Barvich, il fut conclud qu'on advertiroit incontinent le
+ comte de Sussex de l'accord d'entre la dicte Dame et moy, pour
+ donner ordre qu'on n'eust à fère nulle entreprinse davantaige
+ dans l'Escoce.
+
+ Mais, le lendemain, survint ung inconvéniant qui cuyda tout
+ gaster, car ayant l'évesque de Roz escript une fort courtoyse
+ lettre au comte de Lestre pour obtenir de la Royne qu'elle luy
+ vollût donner audience, affin d'avoir confirmation de sa bouche
+ des choses que je luy avois dict qu'elle accordoit, pour les
+ pouvoir, plus seurement escripre; elle ne se peult tenir qu'elle
+ ne dict au dict comte que la lettre l'arguoit de souspeçon, qu'on
+ luy imposoit, d'avoir trop prins à cueur le party de la Royne
+ d'Escoce: laquelle parolle le piqua si fort qu'après s'estre
+ plainct de ce qu'elle vouloit ainsy tourner l'honnesteté de la
+ lettre à son trop grand préjudice, il luy dict: «qu'il ne luy
+ avoit jamais donné occasion de penser aultrement de luy que comme
+ d'ung sien bon conseiller, qui a toutes les obligations du monde
+ de ne luy estre jamais aultre que son très obéissant et très
+ fidelle serviteur;
+
+ «Que, en ce qu'il luy conseilloit de la Royne d'Escoce, il
+ croyoit, comme en Dieu, que consistoit tout son repos et sa
+ principalle seurté, et que de fère le contraire estoit sa ruyne
+ et destruction, et qu'il ne changerait jamais d'adviz, estant en
+ elle de suyvre lequel qu'elle vouldroit; mais que, pour ne luy
+ donner aulcun souspeçon de luy, il se privoit désormais fort
+ vollontiers de n'entrer plus en son conseil.» Et ainsy s'en
+ partit pour lors, et s'en vint à Londres, bien que, incontinent
+ après, la dicte Dame luy envoya, et au marquis de Norampton, une
+ commission pour parler au dict évesque de Roz, affin de luy
+ confirmer les choses qu'il desiroit, car pour encores elle ne le
+ vouloit admettre en sa présence; toutesfois cella a esté rabillé
+ despuys, et le dict comte mesmes a faict parler le dict évesque à
+ la dicte Dame.
+
+ Ceste tant grande division de court, laquelle est encores plus
+ grande dans le royaulme, est cause dont, pour ne laysser
+ intéresser le Roy ny sa couronne d'une si ancienne alliance, j'ay
+ ainsy entreprins de m'oposer à ceulx de ce conseil qui
+ s'esforcent de la luy oster, qui ne sont personnaiges guières
+ principaulx, ny bien fort authorizez, pour me joindre aulx
+ aultres qui font tout ce qu'ilz peuvent pour la luy conserver,
+ qui sont les premiers et plus nobles de ce royaulme, et d'en
+ escripre ainsy que j'ay faict à Leurs Majestez.
+
+
+
+
+CXIVe DÉPESCHE
+
+--du XVIe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Vollet._)
+
+ Nouvelle irritation d'Élisabeth contre l'évêque de Ross, Marie
+ Stuart et le duc de Norfolk.--Changement opéré dans les
+ résolutions de la reine d'Angleterre.--Nouvelles d'Écosse, où
+ le traité conclu par l'ambassadeur a commencé à recevoir son
+ exécution.--Mesures prises contre ceux qui répandraient les
+ bulles du pape en Angleterre.--Affaires
+ d'Allemagne.--Propositions que doit faire le pape à la diète de
+ Spire.--Messager envoyé à Londres par l'amiral Coligni.--Motifs
+ qui ont changé les résolutions d'Élisabeth.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il n'y avoit guières plus de deux heures que le Sr de Vassal
+estoit party, pour vous aporter ma dépesche du XIe du présent, quand
+le Sr de Sabran est arrivé avec celle de Vostre Majesté du dernier du
+passé, sur laquelle m'ayant la Royne d'Angleterre assigné audience à
+demain, je mettray peyne, Sire, de fère, s'il m'est possible, qu'elle
+veuille bien conformer son intention à ce que me mandez estre de la
+vostre; et de luy oster, si je puys, une nouvelle offance, que,
+despuys huict jours, elle a conservé contre l'évesque de Ross avec
+tant d'indignation qu'elle jure de ne le vouloir jamais veoir, ainsy
+que le Sr de Vassal vous l'aura peu dire, chose que je crains assés
+que me sera bien difficile de remédier, et qui pourra possible
+retarder beaucoup les affères de la Royne d'Escoce; mesmement que
+ceulx, qui nous sont contraires, ont heu desjà de quoy fère de là ung
+mauvais office contre elle, c'est de changer la pluspart des bonnes
+dellibérations qui avoient esté faictes sur les choses du Nord et
+d'Escoce; et ont aussi miz tant de traverse à la liberté du duc de
+Norfolc, qu'il semble qu'elle soit meintennant bien fort retardée, ny
+ceulx qui veulent bien à la Royne d'Escoce et au dict duc n'ont peu
+mieulx, pour ce coup, que de céder ung peu au courroux de leur
+Mestresse; dont le comte de Lestre s'est absenté pour douze ou quinze
+jours en sa maison de Quilingourt, et le comte d'Arondel s'en est venu
+en ceste ville. Et cependant noz affères dorment, sinon en tant que
+noz ennemys les vont réveillant pour les fère eschapper; mais j'espère
+qu'après le retour du dict évesque et de ces seigneurs, nous y donrons
+telle presse qu'il nous y serra baillé une bonne ou bien une mauvaise
+résolution.
+
+J'entendz que la dicte Royne d'Angleterre a heu si grand désir de
+contanter Vostre Majesté, sur ce qu'elle m'avoit promiz de révoquer
+ses gens de Lislebourg, que, l'ayant, incontinent après ma précédante
+audience, mandé au comte de Sussex, il les a heu retirez premier qu'on
+luy ayt peu fère nul contraire mandement; de sorte que Drury, avec ses
+quatorze centz hommes, car plus grand nombre n'en avoit il mené par
+dellà, a esté de retour à Barvyc le IIIIe de ce moys: j'en sçauray
+demain par la dicte Dame encores mieulx la certitude, et pareillement
+si elle aura poinct retiré sa garnyson de Humes et de Fascastel. L'on
+dict que le comte de Lenoz est arrivé à Lislebourg, et que ceulx du
+party du jeune Prince, son petit filz, l'ont associé au gouvernement;
+néantmoins que le duc de Chastellerault et les trois comtes
+d'Honteley, d'Arguil et d'Athel, lesquelz ont, dez le Xe de may,
+soubzsigné à l'authorité de la Royne d'Escoce, et qui se portent toutz
+quatre conjointement lieutenants d'elle, avec l'aprobation du reste
+de la noblesse et du pays, commancent de réduyre toutes choses bien
+fort à leur dévotion.
+
+Cependant l'on se trouve icy en grand perplexité et en plusieurs
+difficultez, pour la bulle dont vous ay cy devant escript, et en ont
+ceulx de ce conseil miz la matière en délibération; mais ne s'en
+pouvans bien accorder, ilz ont faict une grande assemblée des plus
+sçavans de ce royaulme pour veoir comme il y fauldroit procéder; et
+m'a l'on dict qu'il est résolu que ceulx, qui auront ozé, ou qui
+auzeront cy après, entreprendre d'aficher bulles, proclamations,
+placartz ou aultres telles choses si expresses contre la Royne, en
+lieux publicz, seront attainctz et convaincuz de lèze majesté, et les
+aultres qui s'en trouveront seulement saisis, n'encourront pas du tout
+si grand crime, mais ilz n'évitteront pourtant l'indignation du
+prince; et semble bien que, à l'ocasion de la dicte bulle, les
+Catholiques sont plus durement traittez, et qu'on a plus grand aguet à
+les observer de près qu'on n'avoit auparavant; mesmes le dict évesque
+de Roz a senty que cella est venu ung peu hors de temps pour sa
+Mestresse.
+
+L'escuyer du prince d'Orange arriva icy la sepmaine passée, sur les
+navyres qui revenoient de conduyre la flotte de Hembourg; qui a aporté
+lettres de son maistre à ceste Royne, et au comte de Lestre, et au
+secrétaire Cecille, et encores d'aultres lettres à la dicte Dame de
+son agent qui est en Allemaigne, en datte ces dernières du XXVIe de
+may; qui contiennent divers adviz, premièrement, que la diette a esté
+prolongée du XXIIe de may au XXIIe de juing, et que le Pape a fort
+conjuré l'Empereur de s'y trouver, qui aultrement s'en vouloit fort
+excuser, et ce, pour deux considérations, que Sa Saincteté a heues,
+dont l'une se publie assés, qui est pour mettre en avant ung décrect
+qu'il ne soit désormais plus loysible aulx Allemans d'aller travailler
+les estatz des aultres princes chrestiens, par prétexte de secourir
+leurs subjectz pour la cause de la religion; et l'aultre, laquelle on
+tient secrecte, est pour fère passer ung aultre décrect contre les
+comte Pallatin et duc de Vitemberg, et contre quelconques princes, ou
+aultres, qui se seroient despartys et séparez des deux religions
+receues en l'Empire: sçavoir, la Catholique et celle de la confession
+d'Auguste, affin de les priver non seulement de l'eslection, dignitez,
+charges, estatz et aultres leurs prééminances, mais y en subroger tout
+incontinent d'aultres, et les exclurre eulx, pour jamais, de la paix
+publicque d'Allemaigne. Ce qu'ayant le duc Auguste descouvert, et
+craignant que la présente désauthorisation et ruyne de ces princes ne
+fût puys après celle de luy mesmes, a vollu interrompre la dicte
+diette; mais ne le pouvant fère, les dictes lettres portent que, par
+prétexte de conduyre sa fille en son mesnaige, il s'est accompaigné du
+Lansgrave et de huict ou neuf mil chevaulx, pour s'opposer aulx
+décrectz, et qu'ung chacun juge, puysqu'il s'en vient ainsy à
+Heldelberg, qu'il se trouvera sans faulte à la dicte diette et que mal
+ayséement s'achèvera elle sans quelque tumulte, puysque luy et les
+aultres princes se vont ainsy acompaignant; qu'il s'estimoit que le
+Cazimir, incontinent après la dicte diette, ou bien plustost,
+s'achemineroit avec ses reytres au secours des Princes et de l'Admyral
+de France; que le duc Jehan Guillaume de Saxe avoit donné pour Vostre
+Majesté le alliguet[9] à ses gens pour les fère marcher par tout le
+moys de may; et qu'il avoit dict aulx aultres princes protestantz que
+ce qu'il en faisoit n'estoit que pour se maintenir en crédit vers
+Vostre Majesté, et en la pancion que vous luy donnez; laquelle luy
+faisoit bien besoing pour s'entretenir, mais qu'il ne nuyroit en façon
+du monde à ceulx de la nouvelle religion; et qu'au reste, l'on se
+resjouyssoit bien fort en Allemaigne de ce que le Roy d'Espaigne
+s'estoit modéré vers les Flamans de leur avoir ottroyé ung pardon
+général par où l'on espéroit que les Pays Bas se maintiendroient en
+paix; et est l'on icy après à dépescher le dict escuyer pour s'en
+retourner devers son maistre.
+
+ [9] La solde du mois.
+
+Mr l'Amyral a trouvé moyen de fère passer jusques icy en grand
+dilligence devers Mr le cardinal de Chatillon ung messagier, qui n'a
+point aporté de lettres, mais seulement créance de bouche; de laquelle
+je n'ay encores entendu le contenu, sinon que on m'a dict que c'est
+pour les choses d'Allemaigne, et si n'ay rien sceu du dict homme
+jusques à ce qu'il a esté renvoyé, car n'a esté arresté que deux jours
+icy, et s'en retourne, à ce qu'on dict, par Paris soubz quelque
+passeport emprumpté.
+
+ Ce XVIe jour de juing 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, de ce que Mr l'évesque de Roz, deux jours après que la Royne
+d'Angleterre luy eust ottroyé sa liberté, a esté trouvé partant de
+nuit avec le comte de Southanton, jeune seigneur catholique; et de ce
+qu'on se persuade que la bulle du Pape n'a esté expédiée sans le
+consentement de Voz Majestez Très Chrestiennes et du Roy d'Espaigne;
+et qu'en mesmes temps milord de Morlay, principal seigneur
+d'Angleterre, beau filz du comte Derby, estant appellé en ceste court
+n'y est vollu venir, ains est passé delà la mer à Doncquerque;
+plusieurs choses en ce royaume monstrent tendre à quelque altération,
+mesmes que, pour les dicts accidentz, icelluy comte de Soutanthon a
+esté mandé et aussitôt miz en arrest ez mains du capitaine de la
+garde; et maistre Cormuaille, ancien conseiller, et plusieurs aultres
+Catholiques ont esté examinez et aulcuns d'eux miz en la Tour; et le
+duc de Norfolc, qui attandoit quelque eslargissement, a esté resserré.
+Dont je crains aussi que les affères de la Royne d'Escoce, qui
+commançoient de s'acheminer, en soient de mesmes bien fort esloignez
+et retardez, mais je feray, pour le regard de ce dernier, le mieulx
+que je pourray envers la dicte Dame pour la fère passer, oultre en ce
+qu'elle m'a commancé d'accorder: et j'espère, Madame, que j'en
+descouvriray demain assés son intention, bien que, pour l'absence du
+comte de Lestre, ny elle ne vouldra m'en donner sa résolution, ny moy
+cercher de l'avoir, si je sentz qu'il n'y face bon. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIe jour de juing 1570.
+
+
+
+
+CXVe DÉPESCHE
+
+--du XIXe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par Jacques Tauriel._)
+
+ Détails d'audience.--Changement de conduite de la reine
+ d'Angleterre.--Ses plaintes contre le pape.--Sa colère contre
+ Marie Stuart et l'évêque de Ross.--Insistance de l'ambassadeur
+ pour que le traité touchant l'Écosse reçoive son
+ exécution.--Déclaration d'Élisabeth qu'elle va donner les
+ ordres nécessaires à l'effet de faire retirer ses troupes, et
+ qu'elle consent à traiter de la restitution de Marie
+ Stuart.--Motifs secrets qui font agir la reine
+ d'Angleterre.--Nouvelles des protestans de France; leur désir
+ d'en venir prochainement à une bataille décisive.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il n'est advenu sinon, ainsy que je l'avois pencé, que je
+trouverois à ceste heure la Royne d'Angleterre aultrement disposée que
+lorsque je parlay à elle, le XXe du passé, non toutesfoys ez choses
+qui sont particullières de Vostre Majesté, car en celles là m'a elle
+respondu comme les aultres foys; c'est de desirer toutjour la paix de
+vostre royaulme et que son ambassadeur luy puisse bientost mander la
+conclusion d'icelle, estant bien marrye qu'on la va ainsy prolongeant;
+et qu'elle vouldroit bien sçavoir si tout ce que les aultres, de leur
+costé, disent que Vostre Majesté leur a offert est vray; et, quoy que
+soit, que, comme Chrestienne, elle desire que vous les accommodiez en
+leur religion, et, comme Royne, qu'ilz vous randent entièrement ce
+qu'ilz doibvent à vostre authorité.
+
+A quoy je luy ay satisfaict, sellon que la lettre de Vostre Majesté,
+du dernier du passé, m'a baillé ample argument de respondre au tout,
+avec ung sommaire récit de l'estat de votre armée, soubz la conduicte
+de Mr le mareschal de Cossé, et des exploictz que Mr le mareschal de
+Danville a faictz du costé du Languedoc; ce qui n'a esté sans parler
+des aprestz d'Allemaigne et des nopces du Cazimir, par manière
+toutesfoys de me demander ce que j'en sçavois: et je n'ai obmiz de
+mencionner aussi les levées du duc Jehan Guillaume de Saxe et de
+Bronsouyc, comme elles commançoient de bransler pour Vostre Majesté.
+
+Et a la dicte Dame faict venir, par deux foys, à propos de me dire que
+l'Empereur luy a naguières escript avec aultant d'abondance,
+d'affection et de bienveuillance, comme au contraire le Pape s'est
+esforcé de luy donner ung bien mauvais salut par une sienne bulle, en
+laquelle il l'appelle _flagiciorum serva_; mais que c'est chose de
+quoy elle ne se soucye guières, sinon qu'elle pense que tant
+d'estranges et insolantz désordres, qu'on voyt advenir, présagent
+bientost la fin du monde; et, avec un rire extraordinaire, m'a compté
+la façon dont mylord de Morlay, estant désembarqué à Donquerque, a
+demandé de parler au bourgemestre de la ville, se faisant ung des plus
+avancez et des plus illustres seigneurs d'Angleterre.
+
+Et se sont jusques là toutz noz propos passez bien fort gracieusement;
+mais, quant c'est venu à toucher du faict de la Royne d'Escoce, il est
+bien mal aysé, Sire, que je vous puisse dire en combien de façons la
+dicte Dame a monstré qu'on l'avoit de nouveau exaspérée et aigrie
+contre elle et contre l'évesque de Roz; car luy ayant seulement suyvy
+la teneur de voz lettres avec les honnestes satisfactions qui y sont,
+elle, en commémorant ses bienfaictz vers sa cousine, m'a récité les
+offances vieilles et nouvelles qu'elle a receu d'elle et de ses
+ministres, et qu'elles luy estoient si griefves que, si elle les eust
+tenues aussi vériffiées, il y a ung moys, comme elle faict
+meintennant, elle n'eust heu garde d'entrer en nul tretté des affères
+de la dicte Dame avec moy; et qu'elle entendoit que, nonobstant le
+dict tretté, Vostre Majesté faisoit embarquer quelques gens en
+Bretaigne pour envoyer à Dombertrand, ce qu'elle remettoit bien à
+vostre discrétion, et vouldroit qu'il fût vray, car ne fauldroit plus
+parler d'accord; toutesfoys qu'elle pence que c'est parce que je vous
+ay mandé l'acheminement de ces harquebuziers, que le comte de Sussex
+avoit envoyez au comte de Morthon, en quoy je eusse bien faict de ne
+me haster de le vous escripre sans en parler à elle ou à son
+secrétaire, qui m'eussent faict entendre que ce n'estoit aulcunement
+pour se mesler des droictz du royaulme entre la Royne d'Escoce et son
+filz, mais pour s'opposer à ceulx qui favorisoient et recepvoient ses
+rebelles, et pour donner ayde à ceulx qui les vouloient chasser; que,
+en ce que je lui avois dict que les Escouçoys estoient après à vous
+sommer de leur envoyer secours par vertu de voz alliances, qu'elle
+croyoit bien que Ledinthon, qui avoit esté le plus traystre de toutz à
+sa Mestresse, conseilloit meintennant de ce fère, mais qu'elle pense
+que Vostre Majesté n'escoutera de si meschantz subjectz que ceulx là,
+et ne vouldra pour eulx oublyer une si rescente preuve d'amytié, comme
+est celle qu'elle vous a monstrée ez présentes guerres de vostre
+royaulme, d'avoir rejecté toutes les persuasions qu'on luy a faictes,
+et toutes les occasions qu'on luy a offertes, d'y pouvoir fort
+incommoder voz affères, et porter ung grand proffict aulx siens; que,
+de ce que son ambassadeur vous avoit requiz de n'envoyer voz forces en
+Escoce avec l'asseurance qu'elle n'y envoyeroit point les siennes,
+que je croye fermement que tout ce qu'elle vous aura mandé ou qu'elle
+vous mandera par luy, elle l'acomplyra, mais qu'il fault considérer la
+distance des lieux, et qu'il n'est possible de si tost exécuter une
+parolle comme elle est dicte; qu'elle remercye Vostre Majesté du
+commandement que m'avez faict de ne m'espargner d'aller jusques vers
+la Royne d'Escoce, s'il est besoing, pour l'exorter qu'elle luy
+veuille fère d'honnestes offres, et icelles acomplyr et inviolablement
+observer; qu'elle ne fait doubte qu'elle ne promette assés, mais
+qu'elle ne tiendra jamais; et que l'évesque de Roz est desjà allé
+devers elle pour luy parler, qui me relèvera de ceste peyne, duquel
+toutesfoys elle ne peult plus espérer aulcun bon office, et que
+hardyment la Royne d'Escoce envoye ung aultre ministre, car celluy là
+ne parlera jamais plus à elle.
+
+De toutz lesquelz propoz de la dicte Dame, plains de courroux, voyant
+que je ne pouvois recuillyr rien de certain, je luy ai demandé s'il
+luy playsoit point accomplyr les deux choses, qu'elle m'avoit
+naguières promises; de procéder dilligentment à la restitution de la
+Royne d'Escoce et de retirer ses forces hors de son pays.
+
+La dicte Dame, intermélant plusieurs aultres propos, m'a enfin
+respondu que, pour l'honneur de Vostre Majesté, elle continuera et
+paraschèvera le tretté avec la dicte Dame aussitost qu'elle luy aura
+faict entendre son intention sur ce que l'évesque de Roz luy aura
+dict; me touchant, en passant, que d'aultres foys elle luy avoit
+escript que, s'il n'estoit trouvé bon de la remettre avec
+magnifficence et aparat en son pays, qu'elle estoit contante qu'on
+l'envoyât privéement comme une qui retournoit aulx siens; en quoy
+elle a toutjours vollu pourvoir que ce fût avec seureté de sa vie: et
+quant à retirer ses forces, que je donne toute asseurance à Vostre
+Majesté que, suyvant sa promesse, le comte de Sussex les a desjà
+révoquées à Barvych, hormiz quelque peu de gens, qu'il a miz à la
+garde de deux chasteaux; lesquelz elle ne dellibère randre, qu'elle ne
+soit satisfaicte des outraiges que luy ont faict ceulx à qui ilz
+apartiennent.
+
+A cella je luy ay répliqué que ce ne seroit retirer ses forces que de
+laysser garnyson dans deux chasteaulx, et que je la pouvois asseurer
+que Vostre Majesté ne s'armeroit jamais pour maintenir les rebelles
+d'Angleterre, ainsy qu'elle, de son costé, disoit ne s'armer aussi
+contre les droictz de la Royne d'Escoce: néantmoins de tant que ceste
+alliance d'Escoce, qui a duré neuf centz ans à vostre couronne, vous
+abstreinct d'assister meintennant l'auctorité de la Royne d'Escoce,
+vostre belle soeur, contre ses propres rebelles; et y voulant elle, en
+mesmes temps, poursuyvre les siens, qu'enfin vous viendriez aulx armes
+et à la guerre entre vous contre votre propre vouloir et intention; et
+que vous aviez trop plus de rayson de mettre garnyson dans Dombertrand
+que elle d'en tenir dans Humes et Fascastel.
+
+Elle allors m'a respondu qu'elle ne sçavoit, à la vérité, comment le
+comte de Sussex en a usé, ny quelles gens il a layssé dans ces
+chasteaulx; mais que tout cella se pourra accommoder par le tretté, et
+qu'elle desire bien sçavoir quelle responce Vostre Majesté me fera, et
+ce que vous aurez respondu à son ambassadeur sur ce qu'elle, a
+dernièrement tretté avec moy.
+
+Et layssant ainsy ces propos, nous sommes passez à d'aultres plus
+gracieulx, avec lesquels s'est finye ceste audiance, despuys laquelle
+m'estant pleinct au secrétaire Cecille de la dicte garnyson des deux
+chasteaulx, il m'a respondu que ce n'estoit chose de conséquence; car
+n'y avoit que quarante hommes en l'ung, et vingt en l'aultre; et que
+le tretté mettroit fin à tout cella; me priant de continuer à fère
+tousjours bons offices entre Voz Majestez, et qu'il contendra avec moy
+de les fère encores meilleurs, s'il peult. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de juing 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, les propos, que Vostre Majesté verra, en la lettre du Roy, que
+la Royne d'Angleterre m'a tenuz, procèdent, à mon adviz, de l'une de
+trois occasions et, possible, de toutes trois ensemble: la première,
+des véhémentes inpressions qu'on luy a données, et qu'on luy donne
+encores, de ne se debvoir jamais tenir bien asseurée de la Royne
+d'Escoce, dont aulcuns me disent que, quoy aussi que la dicte Dame me
+promette, son intention, ny celle des siens, n'est de se despartyr
+aucunement des premières dellibérations qu'ilz ont faictes sur ceste
+paouvre princesse et sur son pays, sinon qu'ilz y soyent contrainctz
+par la force; la seconde, qu'on l'asseure que le capitaine La Roche et
+le capitaine Puygaillard sont desjà embarquez à Suscivye, avec cinq
+centz harquebouziers brethons, pour passer en Escoce: ce que la dicte
+Dame m'a dict le sçavoir bien au vray, mais qu'elle est bien advertye
+aussi que, le IXe de ce moys, ils n'estoient encores bougez, et,
+possible, a elle vollu ainsy braver lorsqu'elle s'est trouvée en plus
+grand peur; et la troisiesme est qu'on luy a fort magniffié les
+forces, qui sont en l'armée des Princes de Navarre et de Condé,
+l'asseurant qu'elles sont suffisantes de travailler assez toutes
+celles de Voz Majestez, sans qu'en puyssiez envoyer dehors.
+
+Car, voycy, Madame, ce que j'entendz qu'on a miz par escript et
+monstré à la dicte Royne d'Angleterre et puys publié, de main en main,
+de la créance qu'a aportée le messagier de Mr l'Amyral. C'est que le
+dict sieur Amyral fortiffie Roane, pour estre ung lieu très oportun et
+commode à maintenir la guerre, et y fère son magazin, et pour y
+retirer ses mallades; et avoir ce passaige de Loyre à son
+commendement, pour y pouvoir sans difficulté recuillyr les secours
+d'Allemaigne et incommoder grandement toutz les aultres pays
+d'alentour; que, oultre qu'il a avec luy les viscomtes, et les troupes
+de gens de cheval et de pied qui estoient en Gascoigne, qui ne sont
+petites, il a recuilly en Languedoc ung grand nombre de bien bons
+soldatz, et que le comte de La Rochefoucault l'est venu trouver avec
+huict centz chevaulx et deux mil harquebuziers, toutz gens d'eslite;
+que de la Charité est arrivé dans son camp une troupe de quatorze
+centz bons hommes, toutz à cheval; que Mr de Lizy y est aussi arrivé
+d'une aultre part, avec douze centz harquebuziers et cinq centz
+chevaulx, lesquelz il a recuilliz en revenant d'Allemaigne; et que
+tout cella ensemble faict la plus brave armée de Françoys qui de
+longtemps ayt esté veue en France, oultre les reytres qu'il a, qui ne
+sont guyères diminuez; et qu'il ne désire rien tant que de venir à une
+journée, laquelle il cerchera de donner bientost par toutz les moyens
+qu'il luy sera possible; et que l'armée du Roy, que Mr le mareschal de
+Cossé conduict, est composée de huict mil Suisses nouvellement levez,
+car des vieulx n'en y a guières plus, et de quatre mil Françoys, d'ung
+nombre de reytres, qu'on paye à trois mil, qui ne sont que dix huict
+centz, soubz la charge du jeune comte de Mensfelt, duquel il ne se
+deffye pas trop, et d'envyron quatre mil chevaulx françoys; et qu'il a
+esté mandé à Mr le mareschal de Damville de se joindre au sieur
+mareschal de Cossé, affin de donner la bataille, laquelle néantmoins
+semble qu'il la vouldra évitter; car s'est logé vers Dun le Roy, et se
+couvre de la rivière d'Allyé. Lesquelles nouvelles, comme elles
+mettent en grand suspens les opinions des hommes, aussi suspendent
+elles les dellibérations des affères; et croy qu'elles retarderont
+ceulx que nous traictons icy meintennant, attendant ce qui pourra
+succéder; mesmes que j'entendz que, parmy leurs esglizes, il est desjà
+ordonné de fère prières et jeunes pour ceste prochaine bataille, tant
+ilz pensent que les choses en sont prez; et encores que je m'asseure,
+Madame, que si cecy est vray, Voz Majestez l'auront bien entendu
+d'ailleurs, toutesfoys, pour l'inportance de l'affère, et pour le
+dangier qu'aulcuns personnaiges d'honneur et de bien, qui conférons
+quelquefoys ensemble, avons peur que puysse avenir, je n'ay vollu
+différer de le vous mander incontinent par ce courrier exprès, avec
+les responses de la dicte Royne d'Angleterre. Et sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de juing 1570.
+
+
+
+
+CXVIe DÉPESCHE
+
+--du XXIe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyée jusques à la court par Groignet, l'un de mes secrétaires._)
+
+ Message de la reine d'Angleterre, afin que le roi soit
+ sur-le-champ averti qu'elle se considérera comme dégagée de sa
+ parole si l'expédition française, destinée à porter des secours
+ en Écosse, sort des ports de Bretagne.--Désir de l'ambassadeur
+ que l'on ajourne cette expédition.--Nouvelles d'Allemagne, où
+ tout se prépare pour donner d'importans secours aux protestans
+ de France.--_Lettre secrète à la reine-mère._ Dispositions
+ prises par les protestans de France, en Angleterre et en
+ Allemagne, dans le but de continuer la guerre avec vigueur.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, les responces et adviz, que je vous ay escript despuys trois
+jours, m'ont semblé estre assez pressez pour les vous debvoir fère
+sçavoir par ung courrier exprès, comme j'ay faict; et meintennant,
+Sire, je suys instantment requiz par la Royne d'Angleterre de vous en
+dépescher encores ung, tout présentement, pour vous notifier ce que,
+par ung sien secrétaire, nommé maistre Sommer, elle m'a envoyé dire
+jusques en mon logis: c'est qu'elle avoit bonne souvenance des choses
+naguières accordées entre elle et moy, touchant la Royne d'Escoce, et
+qu'elle estoit preste de les acomplyr tant à continuer et paraschever
+le tretté avecques elle, que à révoquer ses forces hors de son pays,
+comme desjà elle les avoit faictes retirer à Barvyc; mais que, ayant
+très certain advertissement comme il s'embarquoyt des compaignies en
+Bretaigne pour les envoyer de dellà, qu'elle vouloit bien déclairer à
+Vostre Majesté que, si elles y passoient, elle se tenoit, d'ors et
+desjà, quicte et deschargée de la promesse qu'elle m'avoit faicte, et
+qu'elle exploicteroit dans le dict pays par son armée, qui est
+encores entière et en estat, tout ce qu'elle verroit estre expédiant
+et à propos pour son service; et qu'elle continueroit de retenir la
+Royne d'Escoce là où elle est, sans plus entendre à nul tretté
+avecques elle; et, de tant que cella importoit beaulcoup à vostre
+commune amytié, à laquelle elle avoit regrect d'y veoir intervenir
+ceste altération, me prioit que je vous en voulusse promptement
+advertir par homme exprès, qui peult retourner en dilligence, affin
+que je l'en peusse résouldre.
+
+Et bien, Sire, que j'aye respondu au dict Somer que j'avois
+freschement reçeu une responce de Vostre Majesté, laquelle j'yrois
+aporter à la dicte Dame, et j'espérois qu'elle la contenteroit, il n'a
+layssé pourtant de percister que je debvois dépescher promptement
+devers Vostre Majesté; qui est l'occasion du voyage de ce mien
+secrétaire, par lequel je vous suplieray très humblement, Sire, que,
+en voz propos à l'ambassadeur d'Angleterre et en voz apretz de
+Bretaigne, il vous playse monstrer toutjour que vous estes prestz
+d'entretenir ce qui a esté accordé en vostre nom à la dicte Dame, et
+de différer l'embarquement et passaige de vostre secours en Escoce,
+jusques à ce qu'aurez veu ce qui succèdera du tretté qu'elle a
+commancé avec la Royne vostre belle soeur; et qu'elle veuille achever
+de retirer la garnyson qui est demeurée dans Humes et Fascastel, comme
+elle a desjà retiré le principal de ses aultres forces du pays,
+nonobstant que vous rescentiez beaucoup ce dernier exploict de ses
+gens, qui ont abattu quatre maysons du duc de Chastellerault et brullé
+toutz ses villaiges.
+
+Et après, Sire, que j'auray parlé à la dicte Dame sur la bonne
+responce, que m'avez commandé luy fère par vostre dépesche du Xe du
+présent, je feray entendre ce que j'auray peu comprendre de ses
+propos, tant sur ce faict de la Royne d'Escoce que sur ce que la dicte
+Dame peult avoir sceu des choses d'Allemaigne: d'où j'entendz qu'elle
+a freschement receu lettres, qui lui parlent de l'acheminement de
+l'Empereur à Espire pour la diette; et comme la Royne d'Espaigne passe
+oultre vers les Pays Bas, laquelle deux mil chevaulx allemans viennent
+accompaigner jusques à Nimeguen, où le duc d'Alve la doibt aller
+recepvoir, et qu'elle meyne deux de ses petitz frères pour les passer
+en Espaigne, (au lieu des deux aisnez) qui s'en retourneront sur les
+mesmes vaysseaulx, qui la seront allez conduyre; et que les nopces du
+Cazimir ont été accomplyes, où se sont trouvez trèze mil chevaulx,
+lesquelz on tient pour chose asseurée que s'acheminent incontinent en
+France, au secours de Messieurs les Princes et Amyral; que les trois
+électeurs laycs se sont liguez ensemble pour s'oposer aulx décrectz
+qui pourroient estre faictz ou contre leur religion, ou contre les
+libertez d'Allemaigne; et qu'il semble encores que c'est
+principallement pour empescher que l'Empereur ne puysse fère créer son
+filz roy des Romains, non sans quelque esbahyssement commant celluy de
+Brandebourg s'est joinct à cella, veu qu'il est pensionnaire à six mil
+escuz par an du Roy d'Espagne, et qu'il s'est toutjours monstré amy et
+serviteur de la mayson d'Austriche; et que aus dictes nopces du dict
+Cazimir a appareu quelque désordre de l'ung des deux ducz Jehan de
+Saxe, Frédéric ou Guillaume, qui sur quelque débat a vollu tuer le
+comte Pallatin; et que quelque homme Gantoys a esté prins et exécuté
+pour avoir confessé qu'il estoit venu à la dicte assemblée, pour
+donner un coup de pistollé au prince d'Orange. De toutes lesquelles
+nouvelles, Sire, celle de la descente de ces Allemans en votre
+royaulme me semble considérable, parce qu'il y a grand aparance qu'on
+l'exécutera, si la paix ne se conclud bientost; et j'en ay icy de
+grandz indices, et pareillement d'une armée de mer, qui se prépare par
+ceulx de la nouvelle religion, de bon nombre de vaysseaulx pour fère
+une descente de deux ou trois mil hommes en quelque lieu de Normandie,
+Bretaigne ou Guyenne; et ne monstrent qu'ilz espèrent encores, en
+façon du monde, la dicte paix, bien que, tout à ceste heure, l'on me
+vient de dire qu'il a esté semé quelque bruict à la bource de ceste
+ville qu'elle est desjà conclue. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour de juing 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre à part du dict jour._)
+
+Madame, ce n'est tant pour satisfère à la Royne d'Angleterre, que je
+vous envoyé présentement ce mien secrétaire, comme pour vous aporter
+ceste mienne lettre à part, par laquelle je veulx bien asseurer Vostre
+Majesté que, sur la créance du messagier de Mr l'Admyral, duquel je
+vous ay naguières faict mencion, il a esté tenu, dez dimanche dernier,
+entre les principaulx, qui sont icy, de la nouvelle religion, Françoys
+et Flamans, ung conseil bien fort secrect; duquel, à la vérité, je
+n'ay pas bien descouvert toutes les dellibérations, mais ceulx cy sçay
+je bien de certain, c'est que, incontinent après la tenue du dict
+conseil, il a esté dépesché de par eulx, coup sur coup, deux
+messagiers en Hembourg, pour y aporter les lettres de responce et de
+crédict, que de longtemps ilz se sont pourveuz icy pour fère leurs
+payemens en Allemaigne; et que c'est pour fère incontinent marcher
+leurs nouvelles levées; et qu'ilz sont après à ordonner deux d'entre
+eulx pour les aller trouver, affin de les conduyre et leur servyr de
+mareschaulx de camp, jusques à ce qu'ilz seront arrivez en l'armée des
+Princes; et estiment le nombre des dicts Allemans non moindre que de
+douze à quinze mil chevaulx; et pour ordonner aussi ung général de
+mer, d'entre les gentilhommes qui sont icy, pour l'envoyer bientost
+fère une descente de deux mil cinq centz hommes, en quelque lieu de
+Normandie ou Bretaigne, où ilz ont intelligence; et que desjà les
+vaysseaulx, les vivres et tout l'apareilh de l'entreprinse est prest à
+la Rochelle, où s'yront joindre les vaysseaulx du prince d'Orange, qui
+sont en ceste coste, et encores deux toutz nouveaulx qu'ung sien
+serviteur a heu, despuys deux jours, permission d'aller armer et
+équiper à Amthonne. Et semble qu'il y ayt icy aulcuns gentishommes
+françoys qui, à regrect, feront ce voyage, et que, si Vostre Majesté
+les vouloit gratiffier et les retirer au service du Roy, ilz
+habandonneroient très vollontiers l'aultre party, lequel aultrement
+ilz sont contrainctz de suyvre; vous suppliant très humblement,
+Madame, de ottroyer au gentilhomme, pour qui le sieur de Vassal vous
+aura parlé, la seureté qu'il vous demande, laquelle j'estime que
+reviendra au proffict de vostre service. Et faictes semblant, Madame,
+s'il vous playt, que vous n'avez heu ces adviz de moy, aultrement il
+sera dangier que je ne vous en puysse plus mander, s'ilz cognoissent
+que j'aye tant de notice de ces affères; car les dicts de la nouvelle
+religion sont bientost advertys de tout ce que le Roy, et Vous, et
+Monseigneur, dictes et faictes; et mesmes l'on m'a asseuré que, en
+France, oultre ceulx de l'aultre party, il y en a aulcuns, lesquelz on
+ne m'a poinct nommez, qui ne sont point déclairez de leur costé, qui
+toutesfoys sont respondans de la paye de ces reytres, qui doibvent
+venir.
+
+Par ainsy, Madame, considérant l'estat des choses, et le peu de
+confiance que Voz Majestez doibvent mettre en rien qui soit que en
+Dieu seul, et en vous mesmes; et que la descente du Cazimir vous doibt
+estre très suspecte, pour l'alliance du duc Auguste, qui ne l'a prins
+pour son gendre pour sa présente grandeur, ains possible pour celle où
+il aspire par les troubles des aultres estatz; et que la Royne
+d'Angleterre ne fauldra d'incliner à leur entreprinse; je ne puys que
+prier Dieu bien fort dévottement qu'il vous doinct, Madame, à bientost
+conclurre la paix, et la conclurre telle que la descente des Allemans
+en soit bien certainement divertye, et Voz Majestez exemptes de toute
+surprinse, déception et dangier. Et sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour de juing 1570.
+
+ Je vous puys asseurer, Madame, que ceulx de la nouvelle religion,
+ qui sont icy, ne s'attendent aucunement à la paix, ains à
+ continuer la guerre; et semble que l'ambiguité et la longueur,
+ dont l'on procède à vous rendre response sur les articles de la
+ dicte paix, n'est que pour gaigner le temps et attandre leur
+ secours.
+
+
+
+
+CXVIIe DÉPESCHE
+
+--du XXVe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyée exprès par Jehan Monyer, postillon, jusques à Calais._)
+
+ Retard apporté à la désignation d'une audience demandée par
+ l'ambassadeur.--Interrogatoire subi par l'évêque de Ross devant
+ le conseil d'Angleterre.--Conditions arrêtées dans ce conseil
+ au sujet du traité qui peut être conclu avec la reine
+ d'Écosse.--Nouvelles d'Allemagne.--Avis donné au roi d'une
+ entreprise qui se prépare pour opérer une descente en France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, affin de mettre la Royne d'Angleterre hors de la peyne, où elle
+est, de l'aprest qu'on luy a dict que Vostre Majesté faict en
+Bretaigne pour envoyer des gens en Escoce, je luy ay, dez mardy
+dernier, envoyé demander audience, pour luy fère veoir vostre bonne
+responce là dessus en la façon que par voz lettres, du Xe de ce moys,
+il vous playt me le commander; et le secrétaire Cecille, ayant conféré
+avecques elle, m'a respondu qu'elle ne me la pouvoit si tost ottroyer,
+à cause qu'elle se trouvoit mal, comme à la vérité elle faict, de sa
+jambe, mais que je luy pourrois escripre cella mesmes que j'auroys à
+luy dire. Dont de tant, Sire, qu'on m'a adverty qu'il y a de
+l'artiffice en cella, pour fère tremper l'évesque de Roz, et pour fère
+en sorte que la dicte Dame renvoye cependant ses forces en Escoce, et
+qu'elle face jetter de ses grandz navyres en mer, pour la persuasion
+qu'on luy donne que, nonobstant voz bons propoz, qu'avez tenuz à son
+ambassadeur, vous ne lairrez d'envoyer gens par dellà; j'ay escript ce
+matin à la dicte Dame que, de tant qu'une lettre ne pourroit suffire
+pour tout ce que j'avois à luy dire, ny me raporter sa responce, et
+que les propos, que j'avois à luy tenir de vostre part, n'estoient
+toutz que pour son contantement, que je me garderoys de les employer
+ny par escript, ny par présence, en actes si contraires, comme seroit
+d'en travailler sa santé, et que partant j'attendrois fort paciemment
+et de bon cueur la commodité de sa convalescence; laquelle je prioys
+Dieu de luy donner bientost et bien parfaicte.
+
+Je ne suis trop marry, Sire, de ce retardement parce que le comte de
+Lestre et ceulx, qui portent faveur à ceste cause, seront cependant de
+retour; en l'absence desquelz ayantz les aultres ouy l'évesque de Roz
+sur le faict, dont on le chargeoit, d'avoir tretté en secret avec le
+comte de Surampthon, et ayantz vollu aussi tirer de luy ce qu'il
+aportoit de l'intention de sa Mestresse, sans l'admettre à la présence
+de la Royne d'Angleterre, après qu'il s'est bien deschargé de l'ung,
+et qu'il leur a heu remonstré qu'il ne pouvoit fère l'aultre pour
+aulcunes choses secrectes qu'il ne pouvoit commettre qu'à elle mesmes,
+ilz se sont desbordez jusques là de luy dire qu'ilz ne se soucyoient
+pas tant de l'advancement de ceste matière qu'ilz le vollussent
+presser de la leur proposer; mais, de tant que la Royne d'Escoce et
+luy, qui est son ministre, et toutz les princes qui parlent pour elle,
+estoient papistes, et par ainsy ennemys de leur Mestresse et de son
+estat, qu'ilz tenoient pour très suspect tout ce qui se trettoit de sa
+restitution; à l'ocasion de quoy il falloit, avant toutes choses,
+qu'elle et luy fissent profession de la religion réformée, et bien
+qu'ilz y ayent meslé quelque soubzrire, ce n'a esté toutesfoys sans
+parolles véhémentes pour essayer s'ilz pourroient gaigner ce point.
+
+En quoy le dict sieur évesque a usé de saiges responces, qui seroient
+longues à mettre icy; mais cependant j'ay descouvert, Sire, comme ne
+pouvant ceulx cy vaincre le désir, que leur Mestresse a de sortyr de
+cest affère, qu'ilz se sont dellibérez de se tenir fermes et résoluz
+aux condicions qui s'ensuyvent: Que la religion protestante soit
+establye et confirmée en Escoce; que la Royne d'Escoce se doibve
+obliger, par sèrement solemnel, et fère obliger les siens, qu'elle
+n'entendra jamais à nul party de mariage, sans l'exprès consantement
+de la Royne d'Angleterre; qu'elle chassera les rebelles anglois, qui
+se sont retirez en son pays, sans jamais plus en recepvoir, et que
+désormais ilz seront randuz mutuellement par l'ung prince à l'aultre
+sans contradict; qu'elle cèdera à la Royne d'Angleterre, et aulx
+descendans qui procéderont d'elle, tout le droict et tiltre qu'elle
+prétend à ceste couronne; qu'elle déclairera, d'ors et desjà, pour son
+successeur à celle d'Escoce et à ses droictz prétanduz de ceste cy son
+filz le Prince d'Escoce; que le dict Prince sera mené pour être nourry
+en Angleterre soubz quelque promesse, que la dicte Royne d'Angleterre
+fera, de le déclairer pareillement son successeur immédiat après elle,
+au cas qu'elle n'eust point d'enfans; que ligue sera faicte, offencive
+et deffencive, entre les deux roynes et leurs royaulmes à jamais, à
+laquelle sera donné lieu à Vostre Majesté d'y pouvoir entrer si bon
+vous semble, mais soubz des condicions que je n'ay encores peu bien
+sçavoir quelles elles sont; qu'il ne sera loysible d'introduyre nul
+estrangier en armes, d'où qu'ilz soient, dans le pays, ny par quelque
+couleur ou prétexte que ce puisse estre; et, finalement, que Vostre
+Majesté baillera ostaiges, à estre icy quelque temps, pour la seureté
+des choses susdictes.
+
+Je n'ay encores, Sire, donné cest adviz à l'évesque de Roz, lequel
+aussi n'a pas heu loysir de me conférer les offres qu'il aporte de sa
+Mestresse; mais Vostre Majesté, s'il luy playt, me commandera de bonne
+heure sa bonne vollonté là dessus, affin que je me trouve bien préparé
+d'icelle, quant il en sera temps; car j'espère que nos amys vaincront
+l'opiniastreté de noz ennemys de ne demeurer trop fermes sur si dures
+condicions comme seroient toutes celles icy ensemble.
+
+Au surplus, Sire, il se continue fort que ceste nuée d'Allemans des
+nopces du Cazimir yra estre ung orage en vostre royaulme au secours
+des Princes et de l'Amyral, ayant le comte Pallatin escript par deçà
+que en la dicte assemblée ne seroit rien obmiz de ce qui apartiendroit
+au secours de leur religion en France; duquel secours, pour
+l'incertitude de l'intention du duc Auguste, les déterminations
+n'avoient peu prendre aulcune bonne résolution jusques à ceste heure;
+qu'il avoit déclairé que le sien seroit le premier prest, et qu'il
+l'envoyeroit à ses despens. Et estime l'on que la dicte assemblée des
+nopces a esté principallement projettée pour estre une contrediette de
+celle que l'Empereur a assignée à Espire, affin de résouldre, de eulx
+mesmes et sans le dict Empereur, les affères d'Allemaigne à la
+dévotion des trois ellecteurs laycs, qui semblent avoir tiré celluy de
+Colloigne eclésiastique à leur party; et pour ordonner aussi de
+l'establissement de leur religion en France et en Flandres, mais
+surtout pour empescher que l'ellection du roy des Romains ne se puisse
+fère en la personne du filz, ny du frère de l'Empereur, non sans
+quelque opinion qu'ilz veuillent, entre eulx et de leur propre
+authorité, nommer le dict Auguste roy des Romains. Et de tant, Sire,
+que, de jour en jour, me viennent plusieurs indices que ceulx de la
+nouvelle religion ont une descente en main en quelcun de voz portz ou
+places de mer de dellà, où ilz prétendent mettre deux mil cinq centz
+hommes en terre, et qu'à cest effect ilz aprestent ung grand armement
+à la Rochelle; et que je sçay que les vaysseaulx du prince d'Orange,
+qui sont en ceste mer estroicte, s'y préparent; aussi que j'entendz
+qu'ilz sont sur la dellibération s'ilz convyeront les Anglois d'estre
+de la partie, lesquelz tiennent quatorze grandz navyres et plusieurs
+aultres vaysseaulx en estat, et grand nombre d'hommes enrollés pour
+quelque effect; je vous suplye très humblement, Sire, qu'il vous
+playse advertyr incontinent les gouverneurs de Normandie, Picardie,
+Bretaigne et Guyenne, car je ne sçay proprement où s'adresse leur
+entreprinse, qu'ilz ayent à y prendre garde et se préparer si bien
+qu'ilz ne puissent estre surprins. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVe jour de juing 1570.
+
+
+
+
+CXVIIIe DÉPESCHE
+
+--du XXIXe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Dièpe par Brogle, messagier._)
+
+ Audience.--Discussion des affaires d'Écosse.--Promesse de la
+ reine d'arrêter toute hostilité, et d'entendre les propositions
+ de l'évêque de Ross.--Désir manifesté par Élisabeth de voir la
+ paix rétablie en France.--Communication faite par la reine à
+ l'ambassadeur des nouvelles qu'elle a reçues d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, s'estant la Royne d'Angleterre assés tost repentye de ne
+m'avoir, le XXIIIe du présent, ottroyé audience, elle m'a mandé, le
+deuxième jour après, que je la vinse trouver quant il me plairroit; et
+se sont, la lettre qu'elle me faisoit escripre là dessus par le
+secrétaire Cecille et la mienne, que pour cest aultre effect je luy
+escripvois, laquelle elle a heu bien agréable, rencontrées en chemin,
+dont je suys allé trouver la dicte Dame le XXVIe de ce moys à Otlant;
+où m'ayant faict appeller en sa chambre privée, en laquelle elle
+estoit en habit de mallade, ayant sa jambe eu repoz, après m'avoir
+compté de son mal, et faictes ses excuses de ne m'avoir peu si tost
+ouyr comme je l'avois desiré, je luy ay ramentu les choses cy devant
+accordées entre nous, et comme je n'avoys failly, suyvant son désir,
+de dépescher ung homme exprès pour aporter à Vostre Majesté la
+déclaration que sur icelle elle m'avoit envoyé notiffier par son
+secrétaire Sommer; laquelle déclaration je luy voulois bien dire que
+je ne l'avoys peu trouver guières mauvayse, encore qu'il y eust
+quelque peu de menace, parce qu'il y avoit aussi de la franchise et
+une vraye démonstration qu'elle faisoit de vouloir évitter toute
+altération entre Voz Majestez, dont j'espérois que ce qu'elle
+entendroit meintennant de vostre intention en cella la contanteroit.
+
+Et ainsy, Sire, je luy ay récitté mot à mot le contenu de vostre
+lettre du Xe de ce moys, non sans qu'elle ayt donné une claire
+cognoissance, sans en rien dissimuler, qu'elle recepvoit ung singulier
+playsir de ce que je luy disoys; m'ayant tout aussitost prié bien fort
+expressément de luy en vouloir bailler aultant par escript, affin de
+le monstrer à quelques ungs de ses conseillers, qui luy disoient
+qu'elle ne debvoit laysser de procéder et pourvoir aulx affères
+d'Escoce, tout ainsy que si Vostre Majesté ne luy avoit rien faict
+promettre par moy, ny luy mesmes rien dict à son ambassadeur: car
+croyoient que vous n'aviez aulcune vollonté d'en rien observer, ainsy
+que voz aprestz de Bretaigne, qui ne cessoient pour cella, leur en
+donnoient assés bon tesmoignage; ce néantmoins qu'elle s'en vouloit
+reposer en vostre parolle, comme d'ung magnanime Roy et Prince
+vertueux et saige, qui regardiez à conserver l'amytié des princes voz
+voysins, entre lesquelz ce seroit elle qui vous randroit la sienne
+plus parfaicte et accomplye; et qui, oultre le remercyement très grand
+qu'elle vous fesoit de l'esgard qu'avez heu maintennant à icelle, vous
+cognoistriez qu'elle ne l'auroit moins ferme en l'observance de ses
+promesses qu'elle s'asseuroit de la persévérance de la vostre, en
+celles que vous luy faysiez.
+
+J'ay suyvy, Sire, à luy dire qu'elle trouveroit toutjour toute seurté
+et vérité en voz parolles et en celles de la Royne vostre mère, et que
+toutz les jours il luy viendroit nouvelles preuves, que Voz Majestez
+n'avoient aultre intention que de vivre en grande unyon de paix, et de
+toute bonne intelligence avecques elle; bien que je luy vollois
+confesser tout librement que, le lendemain de l'aultre audience
+qu'elle m'avoit donnée à Amthoncourt, je n'avoys failly de vous fère
+une dépesche, non pour aigryr ainsy les matières, comme il m'avoit
+semblé que je l'avois trouvée elle aigrye et changée en peu de jours,
+(ce que je n'atribuoys aulcunement à elle, ains à d'aultres, qui
+avoient fort à regrect la bonne unyon de Voz Majestez), mais que je ne
+vous avois pas vollu celler ce qu'elle m'avoit résoluement dict de
+vouloir en toutes sortes retenir les deulx chasteaulx de Humes et
+Fascastel, jusques à ce que ceulx à qui ilz apartiennent eussent
+satisfaict à l'obligation des frontières; et que meintennant j'avois
+à la requérir très instantment de deux choses: l'une, que, de tant que
+Vostre Majesté avoit tant vollu defférer à nostre accord qu'ayant ung
+armement tout prest pour le secours d'Escoce, et les Escouçoys sur le
+lieu qui vous requéroient de l'envoyer, et qui vous remonstroient le
+gast, le bruslement et la démolition de leurs maysons nobles du pays,
+et la détention de leur Royne en Angleterre; et que, nonobstant tout
+cella, vous aviez différé et quasi interrompu le dict secours pour luy
+complayre, qu'elle, de sa part, vollût entièrement retirer ses forces
+hors du dict pays, comme elle me l'avoit promis, et nomméement celles
+qu'elle avoit encores dans les deux chasteaulx; la segonde chose
+estoit qu'ayant Mr l'évesque de Roz aporté toute l'intention et ung
+ample pouvoir de tretter et conclurre toutes choses avec elle pour sa
+Mestresse, qu'elle y vollût meintennant procéder, ainsy dilligemment
+qu'elle vous avoit promiz de le fère, sans plus remettre la matière en
+longueur.
+
+Sur lesquelles deux choses, Sire, nous avons heu beaucoup de
+contention, et n'ay, pour le regard de la première, peu obtenir rien
+de mieulx que ce que la dicte Dame vous prie, Sire, de vouloir laysser
+les loix de leurs frontières aller leur cours accoustumé, suyvant
+lequel, le différant des dicts deux chasteaulx et des aultres
+attemptatz doibvent estre vuydez par les gardiens d'icelles, qui ne
+fauldront de randre lors les dicts deux chasteaulx, sans que cependant
+ceulx qui sont dedans facent nul acte d'hostillité, qui estoit une
+rayson que, quand elle seroit vostre vassalle, vous ne la luy pouviez
+bonnement reffuzer; et, quant au segond, encor qu'elle eust proposé de
+ne veoyr jamais l'évesque de Roz pour des occasions, lesquelles il
+n'avoit peu ny nyer ny excuser, que néantmoins elle me promettoit de
+l'ouyr dans deux ou trois jours; et qu'aussitost que le sir de
+Leviston, lequel nous avions dépesché en Escoce, seroit de retour avec
+les aultres commissaires escouçoys, elle vacqueroit sans aulcune
+intermission aulx affères de la dicte Dame.
+
+Après lequel propos estimant, Sire, que je ne le debvois pour ceste
+fois poursuyvre plus avant, la dicte Dame m'a dict d'elle mesmes
+qu'elle desiroit fort que, la première foys que je retournerois vers
+elle, je lui peusse aporter la conclusion de la paix de vostre
+royaulme, estant bien marrye qu'elle alloit ainsy traynant.
+
+Je luy ay respondu que je n'avoys nul plus grand desir que de la
+pouvoir satisfaire en cella, et que ceste sienne bonne intention
+obligeoit Vostre Majesté et tout vostre royaulme beaucoup à elle, ne
+faysant doubte, quant elle y pourroit ayder de quelque chose, qu'elle
+ne le fyst.
+
+«Il n'y a, respondit elle, nulle oeuvre en ce monde où je m'employasse
+plus vollontiers, ny où je courusse de meilleur cueur, encores que je
+soys boyteuse, que je ferois à celle là, et que de ce j'en asseurasse
+Vostre Majesté.»
+
+J'ay là dessus passé oultre à luy dire que je craignois bien que ceste
+longueur peult admener quelque chose entre deux, et attirer encores
+possible en vostre royaulme une partie de ces Allemans, qui s'estoient
+trouvez aux nopces du duc Cazimir; et qu'elle sçavoit bien ce qui en
+estoit, qui seroit ung bon tour de bonne soeur si elle vous en vouloit
+advertyr, comme je luy vouloys bien dire que la condicion de la cause
+et celle de sa qualité, qui estoit Royne, l'obligeoient de le fère, et
+mesmes d'empescher qu'il ne se préparât rien pour soubstenir
+l'opiniastretté et obstination de voz subjectz contre vous, qui
+n'estoit exemple que pernicieulx pour elle mesmes.
+
+Elle m'a respondu qu'elle ne sçavoit pas entièrement tout ce qui en
+estoit, mais que l'Empereur luy avoit bien escript que, par prétexte
+du secours de la nouvelle religion en France, il s'estoit faicte une
+plus grande assemblée à ces nopces du Cazimir, que ne requéroit
+l'ordre des maryez, et qu'il monstroit par sa lettre qu'il la tenoit
+fort suspecte pour luy mesmes; adjouxtoit d'aultres gracieulx propos
+de ce qu'il avoit veu maryer son frère l'archiduc, encor qu'il l'eust
+d'aultres foys tout dédyé à elle, mais qu'il la prioyt que les dictes
+nopces ne luy fussent d'aulcune jalouzie, car elles n'empescheroient
+qu'il ne fût encores tout sien; et que par le propos de la dicte
+lettre et par plusieurs aultres indices elle croyoit asseuréement
+qu'il y auroit ung nouveau secours d'Allemans pour ceulx de la
+Rochelle, si la paix ne succédoit. Et par ce, Sire, qu'il seroit trop
+long de mettre icy toutz les aultres propoz qu'avons heu en ceste
+audience, je les remettray à une aultre foys; et adjouxteray seulement
+ung mot de la réception de vostre dépesche du XIXe de ce moys, par le
+Sr de Vassal, et du voyage que faictes fère par deçà au Sr de Poigny,
+lequel nous mettrons peyne de l'aprofitter le mieulx qu'il nous sera
+possible. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIXe jour de juing 1570.
+
+
+
+
+CXIXe DÉPESCHE
+
+--du Ve jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Sabran._)
+
+Résolutions d'Élisabeth de maintenir l'accord fait au sujet de
+l'Écosse, et d'entrer en négociation sur la restitution de Marie
+Stuart.--Espoir de la prochaine liberté du duc de Norfolk.--État de la
+négociation des Pays-Bas.--_Mémoire général_, sur les affaires
+d'Angleterre.--Bienveillance montrée par Élisabeth aux seigneurs
+catholiques.--Condition mise à la liberté du duc de Norfolk.--_Mémoire
+secret._ Communication faite par l'ambassadeur à la reine d'Angleterre
+de la réponse du roi sur les articles proposés pour la restitution de
+Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, pour avoir Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, ainsy
+vertueusement parlé, comme vous avez, à l'ambassadeur de la Royne
+d'Angleterre; et pour m'avoir commandé de déclairer icy à elle vostre
+résolue intention de ne vouloir habandonner aulcunement la Royne
+d'Escoce, ny les affères de son royaulme; il est advenu que la dicte
+Dame a cessé d'en poursuyvre plus avant l'entreprinse par la force, et
+qu'elle s'est condescendue d'en venir au tretté, duquel je vous ay
+desjà envoyé le commancement. Il est vray, Sire, que, despuys dix
+jours, l'on luy a si bien faict acroyre que, nonobstant vostre
+promesse, vous ne larriez d'envoyer des gens en Escoce, que la dicte
+Dame, changeant de dellibération, avoit desjà mandé au comte de Sussex
+de rentrer de rechef avec son armée en pays, et d'y saysir toutes les
+places qu'il pourroit; et à l'amyral Clynton de getter promptement six
+grandz navyres en mer, non pour aller attaquer la flotte des François
+au combat de main, laquelle ilz entendoient estre pourveue de deux
+mil bons harquebouziers, mais pour la mettre à fondz à coups de canon,
+s'il estoit possible; et mandé davantaige que le sir de Leviston,
+lequel nous avions dépesché vers le duc de Chastellerault et vers les
+aultres seigneurs escouçoys, pour leur apporter nostre accord, fût
+arresté aulx frontières; et qu'au reste elle ne tretteroit ny
+admettroit jamais plus l'évesque de Roz en sa présence; s'esforceans
+encores ceulx, qui menoient ceste mauvaise pratique, de me fère
+retarder mon audience, affin que je ne peusse assés à temps y
+remédier; dont a esté assés mal aysé, Sire, de retirer la dicte Dame
+de ceste opinion. Néantmoins, j'ay miz peyne de luy dire et encores de
+luy bailler par escript, si à propos, la responce de Vostre Majesté du
+Xe du passé, et de l'asseurer tant de la seurté et vérité qu'elle
+trouveroit toutjour en voz promesses, que, oultre les choses que je
+vous ay desjà mandé qu'elle m'avoit en présence lors accordées, voicy,
+Sire, ce que de ceste vostre bonne responce s'en est despuys ensuyvy:
+
+Que la dicte Dame a escript au comte de Sussex de casser son armée et
+se retirer luy à Yorc, laissant quelques compaignies aulx gardiens des
+frontières, et une petite garnyson dans Humes et Fascastel; qu'elle a
+ordonné à son admyral de ne getter nulz navires dehors, ains de fère
+cesser pour ceste heure tout l'armement et apareil d'iceulx; qu'elle a
+mandé au comte de Lenoz, qui estoit à Lislebourg, avec trois centz
+Escouçoys entretenuz aux despens de la dicte Dame, de se retirer à
+Barvyc; qu'on n'eust à donner aulcun empeschement au sir de Leviston
+en la frontière, ains de luy laysser librement poursuyvre son voyage;
+et finalement, suyvant sa promesse, qu'elle a si paciemment ouy
+l'évesque de Roz, et si favorablement receu des ouvrages, qu'il luy a
+présentez de la part de sa Mestresse, lesquelz elle mesmes avoit
+faictz de sa main, qu'il m'a dict n'avoir jamais heu une plus bénigne
+audience de la dicte Dame ny plus pleyne de satisfaction, qu'il a
+faict ceste foys, avec promesse que, aussitost que le sir de Leviston
+et aultres commissaires escouçoys seront arrivez, qu'elle procèdera en
+toute dilligence aulx affères de la Royne d'Escosse. Et si, semble,
+Sire, que le duc de Norfolc ayt aussi assés advancé le faict de sa
+liberté, et qu'il est en termes d'estre bientost remiz en son logis de
+ceste ville, soubz quelque soubzmission qu'il pourra fère à la dicte
+Dame.
+
+Au surplus, Sire, de tant qu'il se trouve meintennant beaucoup de
+diminution et de deschet en la merchandise d'Espaigne, qui a esté
+arresté par deçà, et que ceulx cy ne la veulent fère bonne, ny veulent
+pareillement estre tenuz de celle des trèze ourques, que ceulx de la
+Rochelle en ont emmené pour leur part, il semble que leur accord avec
+le duc d'Alve n'est près d'estre faict; mesmes que une ordonnance, de
+nouveau publiée en Flandres contre les Anglois, monstre que le duc en
+est assés esloigné, bien que par aultres moyens il en faict de plus en
+plus attaicher la pratique, affin de la faire tumber à son poinct,
+ainsy qu'on attand là dessus des commissaires de Flandres qui doibvent
+bientost arriver; et ceulx cy desirent tant d'en sortyr qu'il semble
+qu'à la fin ils se layrront plyer à ce que le dict duc vouldra, comme
+desjà la dicte Dame lui a offert cinquante mil escuz du sien; mais la
+demande passe ung million. Les sollicitations et dilligences de ceulx
+de la nouvelle religion ne s'intermettent d'une seulle heure, ce qui
+faict acroyre au monde qu'ilz sçavent très bien que le propos de la
+paix sera acroché à quelque difficulté, et que la guerre sera encores
+continuée. Sur ce, etc.
+
+ Ce Ve jour de juillet 1570.
+
+ INSTRUCTION AU DICT SR DE SABRAN des choses qu'il fault fère
+ entendre à Leurs Majestés, oultre les lettres:
+
+ Que la Royne d'Angleterre est bien fort sollicitée d'interrompre
+ la paix de France par aulcuns, qui luy font acroyre, qu'aussitost
+ que le Roy l'aura conclue, il se ressouviendra des mauvais
+ déportemens, dont les Anglois, durant ceste guerre, ont usé, par
+ mer et par terre, à la Rochelle, icy, et en Allemaigne, contre
+ luy; ce qui n'est toutesfoys leur principalle craincte, ains
+ qu'avec la dicte paix s'en ensuyve l'accomodement des affères de
+ la Royne d'Escoce, laquelle ilz cerchent de ruyner, pour préférer
+ à son tiltre, de la succession de ceste couronne, ses aultres
+ compétiteurs qui y prétendent.
+
+ Mais comme la dicte Royne parle toutjour en fort bonne façon de
+ la dicte paix, aulcuns m'ont asseuré que, à bon escient, elle la
+ desire, et qu'elle vouldroit en toutes sortes que la querelle des
+ subjectz fût bien esteincte au proffict et advantaige du Roy, ny
+ les affères d'Escoce ne la peuvent mouvoir au contraire, parce
+ qu'elle veult, commant que soit, sortir d'iceulx; et seulement
+ elle crainct que le Roy et le Roy d'Espaigne s'accordent à sa
+ ruyne, car aultrement elle estime bien que, se concluant la paix
+ en France, le Roy recepvra en grâce ceulx de ses subjectz, qui
+ ont senty quelque faveur et support d'elle, et que ceulx là
+ seront toutjour moyen que la dicte paix soit aussi entretenue
+ entre la France et l'Angleterre.
+
+ Et la cause de luy fère ainsy souspeçonner, que l'intelligence
+ des deux Roys soit à son dommaige, procède de la bulle; car ne
+ peult croyre que, sans leur consentement, le Pape l'ayt ozé
+ expédier ainsy rigoureuse contre elle comme elle est; joinct que
+ le duc d'Alve se tient à ceste heure trop plus ferme sur l'accord
+ des prinses qu'il ne faisoit, et a monstré une très grande
+ anymosité contre les Anglois par une ordonnance, qu'il a faicte
+ tout de nouveau publier contre eulx; et si, voyent les dicts
+ Anglois qu'il se pourvoyt de beaulcoup plus de forces par mer et
+ par terre, qu'il ne leur semble estre besoing pour la réception
+ ou conduicte de la Royne d'Espaigne; ce qui leur donne occasion
+ de croyre qu'il ayt quelque entreprinse sur ce royaulme;
+ entendans mesmement que le Roy d'Espaigne est fort à bout de ses
+ Mores, et que toutz les Catholiques, qui s'absentent d'icy, vont
+ à recours à luy.
+
+ A l'occasion de quoy j'ay prins, entre deux, l'oportunité de fère
+ recepvoir, le mieulx que j'ay peu, à la dicte Dame les honnestes
+ expédians et moyens, que le Roy luy a offertz, sur ce qu'ilz
+ peuvent avoir à démesler l'ung avecques l'aultre; dont semble que
+ enfin elle se lairra conduyre à quelque rayson, et m'a l'on
+ asseuré que, en l'endroit des Françoys, Allemans et Flamans, de
+ la nouvelle religion, qui sont icy, elle a faict, despuys cinq ou
+ six jours, des démonstrations assés expresses qu'elle desiroit la
+ paix de France; et pareillement a monstré, touchant les choses
+ d'Escoce, qu'elle vouloit contanter le Roy; et a commandé à ceulx
+ de son conseil de me donner satisfaction sur les choses
+ raysonnables que je leur pourray demander pour les subjectz de Sa
+ Majesté.
+
+ Non que, pour tout cella, je cognoisse que ceulx du dict conseil,
+ qui portent le faict de la religion nouvelle, aillent en rien
+ plus froidz ny plus remiz que de coustume, ny que les principaulx
+ agentz, qui sont icy pour ceste cause, intermettent une seule
+ sollicitation ny dilligence vers eulx, ny à tenir souvant conseil
+ avecques les ministres, pour envoyer lettres et messaigiers de
+ toutz costez et pour recouvrer pollices de crédit pour
+ Allemaigne, ensemble pour pourvoir, par mer et par terre, à tout
+ ce qu'ilz pensent estre besoing pour continuer la guerre, me
+ venans confirmez de plus en plus les adviz, que j'ay desjà
+ mandez, qu'il s'apreste ung nouveau secours d'Allemans pour eulx,
+ et qu'ilz préparent une descente par mer en quelque lieu de
+ Normandie, Picardie ou Bretaigne; dont je crains bien que ung des
+ serviteurs de Mr de Norrys, nommé Harcourt, qui est Françoys,
+ lequel a esté naguières dépesché d'icy vers son maistre, ayt heu
+ commission de passer pour cest effect plus avant jusques en
+ Allemaigne, ou jusques au camp des Princes.
+
+ Néantmoins la démonstration de la dicte Dame est, pour ceste
+ heure, de vouloir trop plus entretenir l'espérance des
+ Catholiques en son royaume que d'essayer de la leur rompre, ny de
+ les mettre en aulcune souspeçon des Protestans, ayant par son
+ garde des sceaux, en l'audience du dernier jour du terme passé,
+ faict dire à l'assemblée qu'elle avoit ung très grand regret de
+ veoir que ses subjectz catholiques se monstrassent intimidez pour
+ leur religion, ny qu'il y en eust qui, pour cause d'icelle,
+ s'absentassent, comme ilz faisoient, de son royaulme; et qu'elle
+ les vouloit toutz admonester de bon cueur de déposer ceste peur,
+ et de prendre telle asseurance d'elle, qu'elle n'innoveroit ny
+ permettroit estre innové rien des ordonnances sur ce establyes
+ par ses Parlementz et Estatz, soubz lesquelles son royaulme avoit
+ desjà vescu plusieurs ans en grand repos, et qu'elle n'entendoit
+ en façon du monde que les Catholiques fussent forcez en leurs
+ consciences.
+
+ Dont despuys, la dicte Dame, entendant qu'on avoit rigoureusement
+ examiné et tenu assés estroict le sir Jehan Cornouaille, jadis
+ conseiller de la Royne Marie, et trois aultres personnaiges
+ d'assés bonne qualité, qu'on avoit envoyé à la Tour pour estre
+ cognuz affectionnez catholiques, elle s'en est asprement prinse à
+ ceulx qui l'avoient osé fère; et, pour leur fère plus de honte,
+ elle a ottroyé que le dict Cornouaille puysse venir luy baiser la
+ main, pour le renvoyer libre en sa mayson, et a commandé que les
+ aultres soyent tirez de la Tour.
+
+ Et, encor qu'on luy ayt vollu imprimer beaucoup de nouvelles
+ souspeçons du comte d'Arondel, de milord Lomeley, du viscomte de
+ Montégu et d'aulcuns aultres seigneurs réputez catholiques, qui,
+ pour ceste cause, s'estoient tenuz retirez, elle n'a layssé de
+ les envoyer quérir avecques faveur; et n'a rejetté les propos que
+ eulx mesmes et d'aultres luy ont meu sur la liberté du duc de
+ Norfolc, nonobstant que, ez quartiers de son duché, ayent esté
+ naguières surprins deux gentishommes, assés familiers et
+ serviteurs de sa mayson, qui pratiquoient de soublever le peuple
+ et se saysir du chasteau de Farlin, qui est la principalle
+ forteresse du pays.
+
+ Et semble que le dict duc seroit desjà délivré, sans la
+ compétance où en sont le comte de Lestre et le secrétaire
+ Cecille, lesquelz veulent chacun en avoir tout le gré, et estime
+ l'on que le comte soit marry de ce que n'ayant peu conduyre ce
+ faict avant son partement, il ayt trouvé, à son retour, que le
+ dict Cecille l'avoit bien fort advancé, lequel, à ce que
+ j'entendz, a tenu un tel moyen vers sa Mestresse: c'est de luy
+ avoir persuadé qu'elle debvoit concéder l'eslargissement du dict
+ duc, s'il luy déclaroit par une lettre, escripte et signée de sa
+ main, qu'il confessoit l'avoir offancée en ce que, sans son sceu,
+ il avoit presté l'oreille au mariage de la Royne d'Escoce, bien
+ qu'il eust toutjours estimé que c'estoit pour la seurté d'elle et
+ pour le repoz de son royaulme, mais puysqu'elle n'estimoit qu'il
+ fût ainsy, et qu'il s'apercevoit à ceste heure qu'il estoit assés
+ aultrement, il s'en despartoit entièrement et pour jamais, et
+ promettoit de n'entendre à cestuy, ny à nul aultre mariage, en sa
+ vie, que ce ne fût avec le congé et bonne grâce de la dicte Dame:
+ lequel expédiant je croy qui sera suyvy.
+
+ Estant ce dessus escript, j'ay heu adviz comme un pacquet du
+ docteur Mont, agent pour ceste Royne en Allemaigne, estoit
+ arrivé, dez hyer au soyr, par lequel il mande que le Pape faict
+ bien fort presser l'Empereur de commancer la diette et de
+ procéder à la privation et désauthorisation des trois ellecteurs
+ laycs, pour substituer trois princes catholiques à leur lieu;
+ sçavoir: l'archiduc Ferdinand, le duc de Bavière et le duc de
+ Bronsouyc; mais que, se trouvans les aultres accompaignés de dix
+ ou douze mil chevaulx, et le dict Empereur seulement de douze ou
+ quinze centz, il faict grand difficulté de se trouver à la dicte
+ diette.
+
+ Et que, par lettres du comte Pallatin venues en mesmes pacquet,
+ le dict sieur comte escript que le Pape s'esforce de troubler
+ l'Allemaigne, ainsy qu'il a troublé le royaulme de France; et que
+ Dieu lui est tesmoing que, de sa part, il desire la tranquillité
+ et le repoz de la Chrestienté et singulièrement du dict royaume,
+ en ce toutesfoys que la paix s'y puisse fère estable et à la
+ seurté de sa religion, aultrement il promect qu'il ne sera rien
+ obmiz de ce qui sera besoing pour réprimer ceulx qui la veulent
+ empescher. Il semble que, sur ceste altération d'Allemaigne, le
+ dict Pallatin s'employeroit assés vollontiers à procurer la dicte
+ paix, dont le Roy pourra essayer de se prévaloir de leurs mesmes
+ divisions, et je mettray peyne de fère sonder icy, parmi les
+ Protestans, s'ilz sentent que d'icelles leur vienne nul
+ retardement ou changement en leurs affères; car j'estime bien
+ qu'on attandra de veoir que pourra produyre ceste diette, qui est
+ si suspecte aux princes protestans, premier qu'ilz se
+ divertissent à nulles aultres entreprinses, et cella donra
+ quelque loysir à Sa Majesté.
+
+ DIRA DAVANTAIGE, DE MA PART, A LEURS MAJESTEZ:
+
+ Que ne sachant comme la Royne d'Angleterre eust peu prandre ce
+ que Leurs Majestez me commandoient de luy dire, touchant la ligue
+ d'entre la Royne d'Escoce et elle, comme le Roy estoit contant
+ d'y entrer, j'ay estimé que, pour réserver tout l'advantaige à
+ Leurs Majestez, et obvier qu'on n'y puisse rien calompnier, que
+ j'en debvois parler en la façon que j'ay faict:
+
+ C'est que j'ay dict à la dicte Dame qu'ayant le Roy entendu les
+ trois poinctz, ausquelz s'estoit restreinct tout le premier
+ pourparlé d'entre les seigneurs du conseil d'Angleterre et
+ l'évesque de Roz; sçavoir: de la religion, du tiltre de ceste
+ couronne et de la ligue; que, quant au premier, de la religion,
+ estant desjà certain ordre receu là dessus en Escoce, lequel la
+ Royne n'a jamais enfrainct, il vouloit tant seulement prier à
+ ceste heure la dicte Dame de ne fère force ny viollance à la
+ conscience de la dicte Royne d'Escoce, ny innover rien en ceste
+ matière qui peult admener plus d'altération au monde qu'il n'en y
+ a:
+
+ Et du segond, qui est le tiltre de la couronne d'Angleterre,
+ qu'il desiroit que la dicte Royne d'Escoce luy en fît toute la
+ cession et transport, qu'elle et son conseil estimeroient luy
+ estre besoing pour sa perpetuelle seurté et pour ceulx qui
+ pourroient provenir d'elle:
+
+ Au regard du troisiesme, qui concerne la ligue, qu'il ne seroit
+ marry qu'elle se fît entre elles, pourveu que ce ne fût contre
+ luy, ny au préjudice des aultres ligues qu'il a avec la dicte
+ Royne d'Angleterre et son royaume, et pareillement avec la Royne
+ d'Escoce et le sien; et layssay là dessus amplement discourir la
+ dicte Dame et estendre ses responces, sans l'interrompre de rien,
+ ainsy que je l'ay desjà mandé.
+
+ Mais reprenant, puys après, le propos, je luy diz que, ayant
+ considéré de moy mesmes combien il sourdoit à toute heure de
+ grandes espines et de nouvelles difficultez en ce faict de la
+ restitution de la Royne d'Escoce, à cause qu'on la luy proposoit
+ toutjours fort suspecte du costé de France, j'avois suplié le Roy
+ de vouloir luy mesmes intervenir en la ligue deffencive, qui se
+ feroit entre elles deux, affin qu'en lieu de se deffyer de luy,
+ elle en print dorsenavant toute asseurance et seurté; et que le
+ Roy m'avoit respondu qu'il le vouldroit bien, mais qu'il ne
+ voyoit pas le moyen commant cella se pourroit fère; toutesfoys,
+ si je le voyois icy sur le lieu, qu'il s'en remettait bien à moy
+ de passer oultre;
+
+ Et que je pensoys qu'il avoit regardé à la jalouzie, que les
+ aultres princes en pourroient prendre, et possible encores à la
+ diversité de la religion; dont, de tant qu'il ne m'avoit commandé
+ d'en déclairer si avant à la dicte Dame, et que néantmoins
+ c'estoit chose que je ne pouvois effectuer sans elle, je prenois
+ sa parolle pour garant que le propos seroit réservé et ne
+ passeroit plus avant qu'entre nous deux, ou bien, si elle en
+ vouloit communiquer à son conseil, qu'elle me promettait de ne
+ dire jamais que cella fût procédé de moy.
+
+ La dicte Dame, ayant très agréable le dict propos, lequel a esté
+ cause que tout l'affère est retourné en bons termes, et
+ néantmoins, estant marrye que je y allois si réservé, me demanda,
+ trois ou quatre foys, si j'avois poinct pensé nul bon moyen en
+ cella. Je ne luy volluz soubdain respondre, affin de luy en
+ laysser à elle mesmes mettre quelcun en avant; mais enfin je luy
+ diz que celluy que je voyois le plus honeste estoit que la Royne
+ d'Escoce le requist, et que le Roy, pour le bien et considération
+ d'elle, auroit plus grande ocasion d'y entendre: et n'en est
+ encores la chose plus avant.
+
+
+
+
+CXXe DÉPESCHE
+
+--du IXe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Dièpe par Me Allexandre._)
+
+ Arrivée de Mr de Poigny en Angleterre.--Affaires d'Écosse et
+ d'Allemagne.--Nouvelles apportées de la Rochelle; combat de
+ Sainte-Gemme près Luçon.--Déclaration du duc d'Albe que les
+ préparatifs maritimes faits dans les Pays-Bas n'ont d'autre but
+ que d'assurer la conduite en Espagne de la nouvelle reine.
+
+ AU ROY.
+
+Sire, estant Mr de Poigny arrivé le IIIIe de ce moys en ceste ville de
+Londres, j'ay envoyé, le jour d'après, fère entendre sa venue à la
+Royne d'Angleterre, et la prier de nous donner audience, laquelle la
+nous a prolongée jusques aujourduy, dimenche, que nous l'allons
+trouver à Otland, assés incertains que pourra réuscyr de son voyage;
+car il semble que la dicte Dame ayt escript à son ambassadeur par
+dellà qu'il s'estoit trop advancé de vous requérir de l'envoyer, et
+que desjà il s'est excusé de n'avoir onques pensé de vous parler de
+telle chose. Et encores est advenu que les Escouçoys ont freschement
+couru et pillé le bestial en la frontière d'Angleterre, à l'ocasion de
+quoy le comte de Sussex, non seulement n'a séparé son armée, mais a
+faict grande instance qu'il luy fût permiz de rentrer encores une foys
+en Escoce, et a retenu pour ceste occasion quelques jours davantaige à
+Auvyc le sir de Leviston, que nous envoyons en Escoce. Toutesfoys
+l'on nous asseure qu'il est meintennant passé; dont n'estant encores
+les choses qu'en assés bons termes, nous incisterons, aultant qu'il
+nous sera possible, qu'elles soyent effectuées ainsy qu'on a commancé
+de les tretter.
+
+Et cependant, Sire, je diray à Vostre Majesté qu'il y a quelque
+aparance, parmy ceulx de la nouvelle religion qui sont icy, que la
+nouvelle, qu'ilz ont despuys trois jours d'Allemaigne, leur jette
+l'espérance de leur secours ung peu plus loing qu'ilz ne pensoyent,
+entendans comme l'assemblée de Heldelberc s'est séparée; et que le duc
+Auguste, estant allé devers l'Empereur, luy a parlé en si bonne sorte
+de l'ocasion qui le pressoit de s'en retourner chez luy, que non
+seulement l'Empereur le luy a permiz, mais ne luy a reffuzé son
+excuse, de ne se pouvoir sitost trouver à la diette; et que despuys,
+le comte Pallatin l'est semblablement allé saluer, qui luy a offert
+d'intervenir luy mesmes à icelle diette, si les aultres princes y
+viennent; et que, contre l'opinion qu'on avoit que, pour craincte de
+ceste assemblée de Heldelberc, le dict Empereur ne passeroit oultre,
+l'on mande qu'il est arrivé le XVIIIe de juing à Espire, accompaigné
+seulement, oultre ceulx de sa court, du duc Jehan Georges Pallatin,
+qui monstre de vouloir asprement quereller une quarte part du
+Pallatinat; et que le dict Empereur est allé descendre à l'esglize
+principalle, au grand contantement des Catholiques, se descouvrant de
+plus en plus que icelle diette est principallement indicte pour
+procéder contre les trois ellecteurs protestans, desquelz n'ayant leur
+dignité prins aultre origine ny fondement que de l'authorité du Pape,
+par la bulle jadis sur ce expédiée, il semble n'estre sans rayson que,
+par la mesmes authorité, puysqu'ilz s'en sont substraictz, joinct
+celle de l'Empereur, ilz en puissent meintennant estre fort
+légitimement privez; non que les dicts de la religion se tiennent pour
+cella moins asseurez que devant d'avoir leur secours, ains plus, à
+ceste heure qu'ilz disent que, parce que les dits princes ont
+descouvert ceste entreprinse, ilz se veulent plus évertuer, qu'ilz
+n'ont encores jamais faict, pour la deffense de la religion; bien
+pensent qu'affin qu'ilz se puissent mieulx opposer à tout ce qui se
+pourroit décretter contre eulx, ils vouldront retenir les forces dans
+le pays jusques à la fin d'icelle diette; et aussi que n'ayantz les
+draps de ceste dernière flotte d'Angleterre heu encores assés bonne
+vante en Hembourg, leurs lettres de crédit, qui sont assignées là
+dessus, n'ont peu estre si tost employées; et le payement est retardé
+d'ung moys: mais ilz n'intermettent cependant aulcune poursuyte ny
+dilligence en cella, mesmes qu'on leur a escript que les deniers, pour
+la levée de Vostre Majesté, sont desjà arrivez par dellà.
+
+Et j'entendz, Sire, que jeudy dernier, arriva ung soldat de la
+Rochelle, qui magniffie bien fort quelque routte que les Huguenotz ont
+donnée aulx capitaines La Rivière et Puygaillart près de Lusson[10],
+où est demeuré, à ce qu'il dict, plus de cinq centz des nostres sur la
+place, et dix sept capitaines avec plus de deux centz aultres
+prisonniers; et, sellon les lettres que le dict soldat a apportées,
+lesquelles ont esté veues en ceste court, le comte de La Roche
+Foucault, qui estoit party pour s'aller joindre au camp des Princes,
+s'en est retourné d'Angoulesme, à cause de la blessure du Sr de La
+Noue, de qui l'on n'espère guyères la guéryson, affin de ne laysser la
+Rochelle et le pays sans gouverneur; et que le dict sieur comte est
+après à mettre aulx champs envyron cinq mil hommes de pied et cinq
+centz chevaulx, avec trois pièces d'artillerye, pour aller reprendre
+Xainctes, et de là marcher en Brouaige; et que le capitaine Sores
+estant adverty que deux très riches flottes revenoient des Indes,
+l'une pour Espaigne, et l'aultre pour Portugal, qui doibvent arriver à
+ce moys d'aoust, est allé essayer s'il en pourra piller quelque une,
+ayant, comme il semble, pour ceste occasion remiz l'entreprinse de
+leur descente, dont vous ay ci devant escript, jusques à son retour;
+et cependant les vaysseaulx du prince d'Orange et ceulx de quelques
+pirates françoys, qu'ilz nomment le capitaine Joly, du Mur, Bouville
+et aultres, ont combattu, vendredy dernier, dans ceste mer estroicte,
+une flotte de douze grandes ourques, lesquelles, soubz la conserve de
+deux aultres grandz navyres de guerre, passoient de Flandres en
+Espaigne, et ont prins l'admyralle et une aultre des plus riches.
+
+ [10] Combat livré à Sainte-Gemme-la-Plaine, en Poitou, dans
+ lequel la Noue, qui commandait les Protestans dans la Saintonge,
+ remporta une victoire signalée sur les troupes royales. La
+ blessure qu'il reçut quelques jours après, à l'assaut de
+ Fontenay, nécessita l'amputation du bras gauche, mais il ne tarda
+ pas à reprendre son commandement.
+
+Le duc d'Alve a fait déclairer icy par l'ambassadeur d'Espaigne que
+l'armement, qu'il prépare en Flandres, n'est pour aultre effect que
+pour conduyre la Royne, sa Mestresse, devers le Roy son mary, avec
+l'apareil qui convient à une si grande princesse comme elle est, pour
+le dangier des pirates; ce que j'estime, qu'il a fait expressément
+pour garder que les Anglois n'arment de leur costé; car ilz ne
+pourroient, puys après, se tenir qu'ilz n'allassent se présenter en
+mer au passaige de la dicte Dame, en dangier qu'il y peult survenir
+quelque accident, ce qu'il veult bien évytter; et a mandé que ceulx
+qu'il a faict depputer sur le différant des merchandises, sont desjà
+partys pour venir par deçà. Sur ce, etc.
+
+ Ce IXe jour de juillet 1570.
+
+
+
+
+CXXIe DÉPESCHE
+
+--du XIIIe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Dièpe par Jehan Girault._)
+
+ Audience accordée par la reine d'Angleterre à Mr de Poigny,
+ envoyé vers elle pour négocier la mise en liberté de Marie
+ Stuart, et son rétablissement.--Nouvelles d'Écosse.--Insistance
+ de l'ambassadeur pour qu'Élisabeth refuse toute protection aux
+ protestans de France, s'ils ne consentent pas à accepter les
+ conditions offertes par le roi.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, nous avons esté, despuys quatre jours en çà, trouver la Royne
+d'Angleterre à Otland, laquelle a monstré de recepvoir, avec playsir,
+les lettres et recommendations, que Voz Majestez lui ont faictes
+présenter par Mr de Poigny, et l'a receu à luy mesmes bien fort
+favorablement; dont, après aulcuns bien honnestes propos, de l'ayse
+qu'elle avoit d'entendre de voz bonnes nouvelles et vostre retour en
+bonne santé vers les quartiers qui sont plus près d'icy, elle a
+commancé de lyre assés hault voz lettres; sur lesquelles monstrant de
+s'esbahyr de l'occasion que luy mandiez du voyage du dict Sr de
+Poigny, que ce fût à l'instance de son ambassadeur, elle nous a dict,
+tout clairement, qu'elle n'avoit point donné ceste charge à son
+ambassadeur, ainsy qu'il se pourroit bien vériffier par la minute des
+lettres que, despuys deux moys, elle lui avoit escriptes: et le
+Secrétaire Cecille, lequel elle a appellé là dessus, n'a failly de le
+confirmer de mesmes.
+
+Puys, elle a suyvy à dire qu'il estoit advenu l'ung de deux; ou qu'on
+avoit équivoqué sur ce qu'elle avoit accordé que la Royne d'Escoce et
+moy peussions envoyer ung gentilhomme jusques en Escoce pour voir
+comme les armes s'y poseraient, et comme elle feroit retirer ses
+forces hors du pays, ainsy que, pour cest effect, le sir de Leviston
+estoit desjà par dellà, mais non de fère venir exprès ung gentilhomme
+de France; ou bien qu'il y avoit de l'artiffice; mais, d'où que peult
+venir la faulte, elle n'estoit que heureuse, puysqu'elle luy estoit
+moyen de pouvoir mieulx entendre l'estat et bonne disposition de Voz
+Majestez.
+
+A quoy ayantz vifvement incisté qu'il n'y avoit, ny pouvoit avoir, nul
+mescompte ny artiffice de vostre costé, le dict Sr de Poigny a allégué
+qu'il avoit veu son dict ambassadeur estre longtemps en l'audience
+avec Voz Majestez à vous discourir et monstrer plusieurs papiers; et
+que, au sortir de là, vous luy aviez commandé de s'en venir, qui ne
+pouvoit estre, sans que le dict ambassadeur l'eust ainsi requis. Et a
+poursuyvy de réciter à la dicte Dame bien particulièrement tout le
+contenu de sa charge, en si bonne et gracieuse façon, qu'elle a
+monstré d'en avoir tout contantement.
+
+Il est vray, Sire, qu'elle a commancé de respondre par une plaincte,
+qu'elle nous a faicte, de l'affection que Vostre Majesté monstre de se
+souvenir trop plus de la Royne d'Escoce et de ses affères que des bons
+tours de bonne soeur et vraye amie, qu'elle vous a monstrez en ces
+troubles de vostre royaulme; mais que pourtant elle ne veult laysser,
+sur la considération qu'avez heue de n'envoyer voz forces en Escoce,
+de vous en randre ung bien fort grand mercy, et non moindre pour
+l'amour de vous que pour l'amour d'elle mesmes, car l'honneur est égal
+à toutz deux; et qu'au reste, encores qu'on dye que les femmes ont
+toutjours des responces et deffaictes toutes prestes, qu'elle n'en
+usera en cest endroict, ains prendra temps pour bien consulter
+l'affère, affin de nous donner, par après, plus grande satisfaction.
+
+Et ainsy, Sire, nous sommes attandans qu'est ce qu'elle trouvera par
+son conseil qu'elle nous debvra dire; et, de tant qu'elle nous a
+touché de l'armement, qu'elle dict estre encores tout prest en
+Bretaigne, contre l'asseurance que je luy avois donnée que vous
+l'aviez contremandé, et aussi de quelque personnaige qu'avez
+freschement dépesché par mer en Escoce; et que, parmy cella, elle nous
+a ramentu plusieurs offances que la Royne d'Escoce, à ce qu'elle dict,
+luy a faictes, avec grande deffiance d'elle et de Mr le cardinal de
+Lorrayne, je ne vois pas que nous soyons encores bien prez de
+conclurre quelque bon marché entre elles. Tant y a que comme il n'a
+esté, à mon adviz, rien oublyé de ce qui se pouvoit desduyre en ceste
+première remonstrance, nous ne dellibérons d'estre moins pressantz en
+la segonde. Ce poinct, au moins, nous demeure gaigné despuys dix
+jours, que l'armée de la dicte Dame, suyvant ce que je vous ay cy
+devant mandé, est entièrement cassée, et ne reste nulles aultres
+forces en la frontière du North que la garnison acoustumée de Barvich
+et celle qu'on a layssé dans les deux chasteaux de Humes et Fascastel.
+Il est vray que, dedans Barvych, demeure ung bien fort grand appareil
+de guerre, qu'on y avoit desjà préparé pour la généralle entreprinse
+d'Escoce, et l'armée peult, en bien peu de jours, estre rassemblée. Je
+ne sçay si le comte de Lenoz aura de mesmes obéy à ce que je vous ay
+mandé, Sire, qu'on luy avoit escript de se retirer au dict Barvych et
+de licentier les trois centz Escouçoys qu'on entretenoit près de luy;
+car, sellon les dernières nouvelles qui sont venues de dellà, il
+s'entend que le dict de Lenoz estoit encores à Esterlin, le XXVIe du
+passé, avec les comtes de Morthon et de Mar, créez lieuctenans du
+jeune Roy son petit filz, jusques au dixième de ce moys; auquel jour
+toutz ceulx de ceste faction se debvoient trouver à Lislebourg pour
+mettre quelque résolution en leurs affères. Ilz ont esté en termes de
+porter le dict jeune Roy au dict Lislebourg affin qu'avec sa présence
+ilz peussent recouvrer le chasteau, mais le lair de Granges a respondu
+que le dict Prince y seroit le bien venu; néantmoins qu'il vouloit
+demeurer le plus fort dedans, attandant que la Royne sa mère et luy
+fussent d'accord comme ilz entendroient qu'il en usast. Cependant la
+dicte Dame a envoyé confirmer à sa dévotion le dict de Granges, et ses
+aultres bons serviteurs de dellà, par le dict sir de Leviston, qui
+leur a apporté, de par elle, trois mil escuz, de la somme que je luy
+ay naguières fornye, affin qu'ilz ayent de quoy se pourvoir des choses
+qui sont nécessaires pour la garde du dict chasteau de Lislebourg et
+de celluy de Dombertrand.
+
+Sur la fin de nostre audience, Sire, j'ay faict mencion à la dicte
+Dame de l'estat auquel sont encores les affères de vostre royaulme, et
+comme Vostre Majesté, ayant donné ung clair tesmoignage au monde de sa
+bonne intention à réunyr toutz ses subjectz, et esgallement les
+conserver, et d'avoir concédé à ceulx, qui se sont ellevez, une si
+grande satisfaction, pour leur religion et pour leurs affères, et
+encores pour la seurté de leur personnes, qu'il ne leur reste plus
+aulcune excuse de ne debvoir poser les armes, ny de quoy pouvoir
+alléguer à la dicte Dame, ny aulx aultres princes protestans, que vous
+pourchassiez d'exterminer leur religion, puysque permettez qu'elle ayt
+cours et exercisse en vostre royaulme; qu'elle veuille donques croyre
+que vous ne cerchez en ceste guerre que le seul recouvrement de
+l'obéyssance qu'ilz vous doibvent; et que leur entreprinse, s'ilz
+passent oultre, ne peult estre dressé que contre vostre estat et
+authorité; et que n'estantz naiz au pareilh degré d'honneur de Voz
+Majestez, il est sans doubte que, s'ilz pouvoient avoir quelque
+advantaige sur vous, que eulx et leurs semblables entreprendroient de
+fère le mesmes, par toutz les aultres estatz de la Chrestienté, pour y
+abattre l'authorité et esteindre le sang royal des princes souverains;
+dont la priez que, s'ilz diffèrent ou reffuzent d'accepter vos
+honnestes offres, qu'elle les veuille tout aussitost priver de toute
+faveur et retraicte en ses portz et pays, et employer ses bons moyens,
+icy et en Allemaigne, et vers les princes protestantz, desquelz ilz
+attandent leur secours, et partout où elle pourra, par mer et par
+terre, qu'ilz ne puissent exécuter leurs mauvaises et violantes
+intentions.
+
+A quoy la dicte Dame m'a respondu que je luy estois tesmoing, que,
+entre ses meilleurs desirs, elle avoit toutjours heu bien expécial
+celluy de la paix de vostre royaulme, et qu'elle espéroit que voz
+subjectz ne se diffameroient tant que de la rejetter, si les
+condicions estoient telles que je disoys; et que d'autresfoys elle
+m'avoit dict qu'elle vouloit réserver une oreille aulx raysons que les
+aultres pourroient alléguer, lesquelz, si n'en avoient de si bonnes
+qu'ilz se peussent bien excuser de l'obéyssance et déposition d'armes
+que Vostre Majesté leur demande, qu'elle les tiendroit puys après pour
+rebelles; et qu'elle croyt que leur longueur vient de ce que les
+exemples du passé leur font peur; comme encore elle pense que, quant
+Dieu vous aura donné la paix, l'on ne cessera, avant deux ans, de vous
+pousser à la guerre, pour oster ceste religion, et mesmes à vous
+anymer contre ce royaulme comme contre ung coin de terre qui sert de
+retrette aulx Protestans; ains qu'elle sçayt bien qu'on a vollu
+imprimer au cueur de Monsieur d'aspirer par ce moyen à quelque
+couronne, mais qu'elle espère que vostre prudence et la sienne, et
+vostre modération, résisteront à si mauvais et pernicieulx conseilz;
+et, quant aulx choses d'Allemaigne, qu'elle m'a naguières adverty de
+ce que l'Empereur luy en avoit escript, et bientost elle attand
+lettres de dellà, desquelles elle me fera part, c'est en substance,
+Sire, ce qui s'est passé en la dicte audience. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIVe jour de juillet 1570.
+
+ Tout présentement viennent d'arriver les commissaires de
+ Flandres, que le duc d'Alve a envoyez pour venir visiter les
+ prinses et en fère l'évaluation. Et semble que l'espérance de
+ liberté est prolongée au duc de Norfolc encores pour trois moys.
+
+
+
+
+CXXIIe DÉPESCHE
+
+--du XIXe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet_.)
+
+ Audience accordée à Mr de Poigny et à l'ambassadeur.--Refus de la
+ reine d'Angleterre de laisser passer Mr de Poigny en
+ Écosse.--Consentement qu'elle lui accorde de se rendre auprès
+ de Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, la Royne d'Angleterre nous a prolongé six jours entiers sa
+responce, et, le septiesme, elle nous a mandé venir à Otland pour la
+nous fère, qui y sommes arrivez sur le poinct qu'elle estoit preste
+d'en desloger, à cause que, la nuict précédante, quelques ungs y
+estoient mortz si soubdainement qu'on eust souspeçonné que ce fût de
+peste. Néantmoins s'estans ceulx de son conseil incontinent assemblez,
+Mr de Poigny et moy avons esté premièrement introduictz vers eulx, et
+ilz nous ont faict entendre par milor Chamberlan ce qui s'en suyt:
+
+Que la Royne, leur Mestresse, ne voulant aulcunement contradire la
+parolle de Vostre Majesté, en ce que mandiez avoir dépesché Mr de
+Poigny vers elle, sur l'instance que son ambassadeur vous en avoit
+faicte, elle a estimé avoir occasion de vous en remercyer, comme elle
+faict de bon cueur; mais qu'elle vous prie, Sire, de croyre que son
+ambassadeur n'a poinct heu ceste charge; et, quant à celle, qu'avez
+donnée au dict Sr de Poigny, d'assister par deçà au tretté qui se fera
+entre elle et la Royne d'Escoce, encor que ce soit chose apartenant à
+elles deux, où nul aultre qu'elles et leurs subjectz n'ont que voir,
+et où l'arbitrage ny l'authorité de nul aultre prince n'est requise,
+néantmoins elle est contante que, luy ou moy, ou toutz deux ensemble,
+interveignons pour Vostre Majesté en ce qui s'y fera, comme en ung
+acte qu'elle veult vous estre tout clair et cogneu; et au regard
+d'aller visiter la Royne d'Escoce, qu'ilz layssoient à la Royne, leur
+Mestresse, d'en tretter avecques nous; mais, quant à passer plus avant
+jusques en Escoce, de tant que cella leur sembloit debvoir plus
+aporter d'empeschement que de proffict au tretté, et possible
+engendrer de grandes difficultez en tout l'affère, comme desjà ung
+pareil exemple les en avoit faictz saiges, qu'ilz avoient tout
+librement dict à la dicte Dame, qu'il n'estoit besoing qu'elle l'y
+layssât passer; à cause de quoy ilz prioient Vostre Majesté de trouver
+bon que, pour n'interrompre ung si bon oeuvre, il se déportast
+entièrement d'y aller.
+
+A quoy ayant le dict Sr de Poigny fort particullièrement et bien
+respondu, et s'estant principallement arresté à ne debvoir estre
+aulcunement empesché de passer en Escoce, par des raysons très
+aparantes, qu'il leur a sagement et fort vifvement remonstrées; et y
+ayant aussi fort fermement incisté de ma part, avec prière qu'ilz le
+vollussent acompagnier d'ung aultre gentilhomme des leurs pour pouvoir
+esclayrer ses actions, affin de n'en prendre point de deffiance, nous
+les avons fort pressez de n'uzer en chose de si petite importance,
+laquelle n'estoit que pour leur proffict, d'aulcun reffuz qui vous
+peult ou mal contanter, ou préjudicier à la liberté des trettez.
+
+Sur quoy iceulx seigneurs, ayantz de rechef miz l'affère en
+dellibération, nous ont, par le secrétaire Cecille, présens toutz les
+aultres, faict dire que, considéré que en ceste cause les personnes
+qui y interviennent sont Vostre Majesté, la Royne leur Mestresse et
+la Royne d'Escoce, sçavoir: les deux comme principalles en intérest,
+et Vous, Sire, comme allyé fort estroit à l'une, et en bonne amytié
+avecques l'aultre; et que la matière touche principallement à leur
+Mestresse comme invahye en son tiltre, et au nom, armes et enseignes
+de son estat, par la Royne d'Escoce; laquelle n'a jamais vollu,
+quelque dilligence qu'on en ayt sceu fère, aprouver le tretté sur ce
+faict avec ses depputez, bien que légitimement authorisez du feu Roy
+son mary, vostre frère, non sans indignité de ceste couronne:
+considéré aussi que ceulx, qui tiennent son party en Escoce, non
+seulement ont retiré les rebelles d'Angleterre, ains se sont joinctz
+avec eulx pour venir assaillyr ce royaulme, et que, nonobstant tout
+cella, ainsy que les choses estoient en termes de quelque modération
+entre le comte de Sussex et les Escossoys, au moys d'apvril dernier,
+survenant là dessus ung gentilhomme françoys, tout fut interrompu, et
+commancèrent incontinent ceulx du dict party de la Royne d'Escoce de
+tumultuer et de devenir si insolantz, que le dict de Sussex fut
+contrainct de exploicter ses forces contre eulx; et encores tout
+freschement le sir de Leviston n'a esté sitost par dellà que ceulx de
+la frontière d'Escoce n'ayent incontinent entreprins de courre et
+piller celle d'Angleterre: considéré aussi que le dict sir de Leviston
+sera en brief de retour avec les aultres depputez du royaulme,
+lesquelz, si ne sont desjà partys, sont si près de le fère, que le
+mieulx qu'adviendroit au dict Sr de Poigny seroit ou de les faillyr en
+chemyn, ou de les rencontrer en lieu, d'où possible ilz ne vouldroient
+passer plus avant, jusques à ce que sa légation fût entendue de ceulx
+qui les envoyent, qui seroit d'aultant retarder la besoigne; joinct
+que; tant plus nous incisterions au dict voyage, plus nous le leur
+rendrions suspect, et leur donrions à penser que Vostre Majesté ne
+l'auroit commandé, ny pour satisfère à leur ambassadeur, ny pour
+l'utillité de leur Mestresse, ainsy que nous nous esforcions de le
+leur persuader; ilz percistoient, en ce qu'ilz avoient desjà conseillé
+à la dicte dame, qu'il n'estoit aulcunement expédiant que le dict Sr
+de Poigny passât oultre. Bien nous vouloient, quant au reste, donner
+seurté pour elle qu'aussitost que les dicts seigneurs escouçoys
+seroient arrivez, elle sera preste de procéder sur les affères d'entre
+la Royne d'Escoce et elle, sellon le tretté qui en a desjà esté
+commancé avecques moy, et dont j'en ay mis quelque forme en escript,
+et d'entendre à la restitution de la dicte Dame, aultant, qu'avec son
+honneur et sa seureté, elle le pourra fère.
+
+Et sont demeurez si fermes en cella que, ne pouvant gaigner rien
+davantaige avec eulx, nous sommes allez trouver leur Mestresse; et
+elle nous a tenu le mesmes langaige, adjouxtant seulement, pour le
+regard de l'indignité et moquerie, que nous alléguions estre en cest
+empeschement du voyage du dict Sr de Poigny en Escoce, puysqu'il
+estoit si avant, qu'elle prenoit en sa charge d'en contanter Vostre
+Majesté; mais, quant à aller devers la Royne d'Escoce, s'il me
+sembloit que d'une telle visite, après les occasions que je sçavois
+bien qu'elle luy avoit données de beaucoup d'offances, et sur
+l'opinion qu'on pourroit prendre que ce fût par craincte ou par
+menaces qu'elle l'ottroyoit, il n'en peult advenir de préjudice à sa
+réputation, ny aulcun intérest à votre commune amytié, qu'elle estoit
+contente de le permettre.
+
+Sur quoy je l'ay priée de prendre de bonne part l'honneste office que
+Vous, Sire, faisiez envers vostre belle soeur, et qu'elle layssât aux
+mal affectionnez, d'y donner telle interprétation qu'ilz vouldroient,
+car ce ne pourroit jamais estre qu'à la louange de sa bonté, et vertu,
+et encores à son honneur et proffict. Et ainsy, Sire, elle a donné
+saufconduict au dict Sr de Poigny d'aller trouver la dicte Dame; chose
+que nous n'espérions guyères et laquelle monstre desjà debvoir estre
+de beaucoup de moment pour vostre service, en ce royaulme et en celluy
+d'Escoce. Et avant s'acheminer, le dict Sr de Poigny a advisé de
+donner entier compte de toute sa négociation à Voz Majestez, ainsy
+qu'il vous plairra le voyr par ses lettres, ne voulant, Sire, pour
+quelques aultres empeschemens, qui commancent de paroistre tout de
+nouveau en cest affère, venantz de lieu d'où moins vous l'attandiez,
+laysser d'espérer que la paix de vostre royaulme ne soit pour bientost
+vuyder ceste, et encor d'aultres plus grandes difficultez; ainsy que
+ceste Royne n'a vollu finir l'audience sans monstrer une conjouyssance
+du bon espoir qu'elle dict avoir d'icelle, et que ce luy sera aultant
+de joye, de santé et de bon portement, si elle en peult bientost
+entendre la conclusion. Sur ce, etc. Ce XIXe jour de juillet 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, nous n'avons peu, pour ce coup, obtenir rien de mieulx en la
+négociation de Mr de Poigny que de luy permettre qu'il puysse aller
+visiter la Royne d'Escoce de la part de Voz Majestez; qui n'est si
+peu, Madame, qu'on ne le tienne icy en beaucoup, et que la réputation
+de vostre couronne n'en semble estre en quelque chose relevée, et
+qu'on ne commance de bien espérer de tout le reste. Nous avions, avant
+aller à ceste segonde audience, heu advertissement de certaynes
+traverses, que la communication du Sr dom Francès avec Mr de Norrys
+vous y faict, qui a esté cause que j'ai, avec le plus de véhémence et
+d'affection que j'ay peu, touché à la Royne d'Angleterre les poinctz
+qui la doibvent asseurer de vostre amytié, et ceulx qui la luy peuvent
+rendre utille et pleyne de confiance, et le mesmes aulx seigneurs de
+son conseil; dont le comte de Lestre et le secrétaire Cecille m'ont
+despuys recerché de plus estroicte conférance avec eulx; et Mr de Roz
+a raporté d'elle, et d'eulx, plus amples promesses sur l'advancement
+de toutz les affères de sa Mestresse; ainsy que plus en particullier
+je le vous manderay, dans quatre ou cinq jours, que je dépescheray ung
+des miens devers Vostre Majesté. Et vous diray cependant, Madame, que
+le dict Sr Norrys a mandé qu'il y avoit grand apparance que la paix
+succèderoit bientost, ce qui faict monstrer ceulx cy en meilleure
+disposition vers toutes les choses de vostre service. Ilz sont après à
+jetter cinq grandz nayyres avec mil hommes dehors, avitaillez pour
+deux moys, par prétexte d'aller réprimer les pirates, mais c'est pour
+le souspeçon qu'ilz se donnent de l'armement du duc d'Alve; auquel
+toutesfoys ceste Royne a naguières, par persuasion du dict Sr Norrys,
+escript une lettre pleyne d'affection, affin de prendre asseurance de
+luy, et luy en donner tout aultant d'elle, touchant le passaige de la
+Royne d'Espaigne. J'entendz qu'il est arrivé plusieurs lettres
+d'Allemaigne, et entre autres du comte Pallatin, qui semble inviter
+ceste princesse à desirer la paix de France. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de juillet 1570.
+
+
+
+
+CXXIIIe DÉPESCHE
+
+--du XXVe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par Joz, mon secrétaire._)
+
+ Délibération du conseil sur la mise en liberté du duc de
+ Norfolk.--Dispositions prises par Élisabeth pour apaiser les
+ troubles de son royaume.--Préparatifs maritimes et militaires
+ dont on doit se défier en France, malgré les assurances de paix
+ et d'amitié données par la reine, et la bonne volonté qu'elle
+ montre à l'égard de Marie Stuart.--Nouvelles d'Écosse et
+ d'Allemagne.--_Mémoire général_ sur les affaires
+ d'Angleterre.--Détail des mesures prises en Angleterre pour se
+ défendre contre toute agression.--Bonnes dispositions montrées
+ en faveur de Marie Stuart et du duc de Norfolk.--_Mémoire
+ secret_. Intrigues de l'Espagne en Angleterre pour traverser
+ tous les projets de la France.--Mission secrète de don Francès
+ d'Alava.--Désir du cardinal de Chatillon de voir la
+ pacification s'établir en France; conditions auxquelles les
+ protestans offrent de se soumettre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, aujourduy, et tout demain, la Royne d'Angleterre sera en la
+mayson du comte de Betford, à XX mil d'icy, où elle a mandé venir son
+garde des sceaulx et ses aultres principaulx conseillers pour
+dellibérer de la liberté du duc de Norfolc; de laquelle l'on luy donne
+grande espérance qu'il la pourra obtenir bientost, à tout le moins
+d'estre remiz en sa mayson. Et de là, la dicte Dame veult continuer
+son progrez, sans toutesfoys esloigner guières plus que de trente mil
+la ville de Londres vers Suffoc, Norfolc et Sussex, affin d'appayser
+ces trois pays, qui sont voysins d'ici, lesquels ont monstré d'estre
+disposez à quelque nouveaulté; et elle espère de modérer par sa
+présence l'affection des hommes, et fère exploicter la justice contre
+ceulx qui sont prins, et abattre toute l'intelligence qu'on luy faict
+acroyre que les estrangiers ont en ces quartiers là; et, par mesme
+moyen, pourvoir à la seureté de ses portz tout le long d'icelle
+frontière, ainsy que, à grande dilligence, elle les faict fortiffier,
+à cause qu'ilz sont exposez vers Holande et Zélande; d'où elle crainct
+les entreprinses du duc d'Alve, nonobstant que dom Francès d'Alava
+ayt, à ce qu'on dict, remiz elle et luy à traicter amyablement et par
+lettres bien gracieuses l'ung avec l'aultre, et que le dict duc luy
+ayt freschement envoyé des depputez sur le faict des prinses; mais ces
+démonstrations ne la peuvent tant asseurer, comme les aultres
+apparances de la sublévation, qu'elle a senty en son pays, et le
+raport qu'on luy faict, qu'en l'armement de Flandres se prépare
+d'embarquer trois mil chevaulx, grand nombre de gens de pied, force
+artillerye, pouldres, pionniers, monitions et tout aultre appareil de
+guerre, la mettent en deffiance. De quoy est advenu que la dicte Dame,
+despuys six jours, a faict arrester toutz les navyres tant estrangiers
+que aultres, qui sont par deçà, et serrer les passaiges, et envoyé son
+admiral à Gelingan et le long de la Tamise pour ordonner une armée de
+mer, du plus grand nombre de vaysseaulx et de maryniers qu'il luy sera
+possible, affin de l'avoir preste à tout momant, quant il sera
+besoing; et commande aussi qu'on tienne deux mil chevaulx et huict mil
+hommes de pied toutz pretz. Dont je suys après, Sire, de regarder si
+cest appareil se feroict poinct à quelque aultre fin contre vostre
+service; mais, encore que je n'en descouvre rien, je vous suplie
+néantmoins, Sire, très humblement que cecy vous serve d'ung adviz pour
+ne laysser à l'arbitre des Anglois rien du vostre, qui ne soit pourveu
+contre les entreprinses qu'ilz y pourroient fère; car vostre royaulme
+est ouvert et exposé à toutes injures, tant que cette guerre durera.
+
+Je veulx toutesfoys bien asseurer Vostre Majesté que ceste Royne et
+les siens m'ont, despuys dix jours, tenu des propos plus exprès de la
+confirmation d'amytié entre Voz Majestez, et de la persévérance de
+paix entre voz deux royaulmes, qu'ilz n'avoient faict despuys que je
+suys en ceste charge; ny Mr de Roz, ny moy, ny toutz ceulx qui portons
+icy le faict de la Royne d'Ecosse, n'avons jamais mieulx espéré de la
+restitution d'elle que meintennant; mais il ne se fault arrester aux
+parolles ny aparances de ceulx cy, ains se donner garde d'eulx,
+puysqu'ilz se mettent en armes. La dicte Royne d'Escoce aura un
+singulier playsir, et une fort grande consolation, d'estre visitée par
+Mr de Poigny de la part de Voz Majestez, et ne vous sçaurois exprimer,
+Sire, combien ung chacun estime que cella luy sera ung commancement de
+bonheur et ung advancement au reste de toutz ses affères, ès quelz
+l'on nous promect toutjours une prompte expédition, aussitost que les
+depputez d'Escoce seront arrivez; mais je crains qu'ilz soyent
+retardez pour l'occasion d'une assemblée, que ceulx du party du jeune
+Prince se vouloient esforcer de tenir à Lislebourg, le Xe de ce moys,
+pour y créer ung régent; à quoy le duc de Chastellerault et le comte
+de Honteley délibéroient de s'oposer, et à cest effect s'estoient
+acheminez avecques bonnes forces vers le dict Lislebourg. L'opinion,
+que ceulx cy ont, que la paix se doibve conclurre en vostre royaulme
+les faict monstrer mieulx disposez aulx choses d'Escoce, et si
+d'avanture elle succède, je pense qu'ilz passeront oultre à les
+accommoder.
+
+J'entendz que les nouvelles d'Allemaigne sont que l'Empereur n'advance
+guières rien en la diette, et que les seulz ecclésiastiques le sont
+venuz trouver; qu'il semble que les princes protestans, pour
+empescher qu'il ne puisse fère créer son filz roi des Romains, se
+veulent servyr d'une ancienne observance de l'Empire, que jamais la
+dignité d'Empereur n'a passé successivement que jusques à cinq d'une
+mesme famille, et qu'il est à présent le cinquiesme Empereur de la
+maison d'Autriche, à quoy les princes éclésiastiques ne monstrent
+guières contradire pour ne laysser aller cest estat héréditayre; que
+le comte Pallatin est aproché une lieue près d'Espire accompaigné
+seulement de quatre centz chevaulx, offrant de se trouver à
+l'assemblée, si les aultres ellecteurs y viennent; que le reste de la
+trouppe de Heldelberc est entièrement séparée, parce que l'Empereur a
+faict entendre au dict Pallatin et au duc Auguste que, s'ilz se
+tenoient ainsy accompaignez, qu'il manderoit aulx aultres princes de
+l'Empire de s'accompaigner de mesmes, en le venant trouver; qu'il
+semble que le secours, pour ceulx de la nouvelle religion en France,
+est de quelques jours retardé pour attandre que produira ceste diette,
+et aussi pour l'espérance, qu'on a, que la paix se doibve conclurre;
+que le susdict comte Pallatin a exorté ceste Royne et les siens, et
+pareillement le cardinal de Chastillon, de procurer la dicte paix;
+qu'il a esté reffuzé au duc de Bronsouyc de fère une levée aulx terres
+de l'évesque de Munster, et que vers le dict Munster se sussitent les
+mesmes sectes qu'on y a d'aultres foys veues; que les deniers pour
+ceulx de la nouvelle religion en Hembourg seront prestz à fornyr dans
+la fin de ce moys; qu'il y a quelque apparance que le voyage de la
+Royne d'Espaigne sera retardé, et qu'elle ne passera point par
+Flandres, ains yra prendre ung aultre chemin, et que, à cause de
+cella, l'on estime que le duc d'Alve commancera de réduyre bientost
+son armement à ung moindre équipage, qui ne soit que pour combattre
+seulement les vaysseaulx du prince d'Orange, lesquelz, en la prinse
+qu'ilz ont faicte de deux grandz navyres de conserve, qui alloient
+conduire une flotte vers Espaigne, et d'ung vaysseau de la dicte
+flotte, ilz ont jetté en mer toutz les Espaignolz, qui estoient
+dessus; et despuys le Sr de Galeace Fregose qui est icy, et ung aultre
+gentilhomme, qui se dict escuyer du prince d'Orange, ont esté faictz
+cappitaines des dicts deux grandz navyres de conserve, lesquelz ilz
+rabillent en dilligence pour s'aller incontinent joindre aulx aultres.
+Sur ce, etc. Ce XXVe jour de juillet 1570.
+
+ INSTRUCTION DES CHOSES qu'il fault fère entendre à Leurs
+ Majestez, oultre le contenu des lettres:
+
+ Qu'il semble que, par l'examen des gentishommes qui ont esté
+ prins en Norfolc, l'on a descouvert que l'assemblée, qu'ilz
+ prétandoient de fère le jour de St Jehan au dict pays, n'estoit
+ pour chasser les estrangiers, ainsy qu'ilz le donnoient à
+ entendre, ains pour commancer une généralle ellévation en ce
+ royaulme, tendans à trois fins: l'une, de changer l'estat du
+ gouvernement; l'aultre, de recouvrer l'exercice de la religion
+ catholique; et la tierce, de tirer le duc de Norfolc hors de
+ prison: sur lesquelz trois poinctz se trouve qu'ilz avoient desjà
+ minuté une proclamation pour l'envoyer publier partout.
+
+ Et cella, avec la bulle qui est formelle contre ceste Royne, et
+ avec ung escript qui a despuys couru, encores plus formel, contre
+ aulcuns de ses conseillers, (et nomméement contre Quiper,
+ Cecille, le chancellier du domayne et le chancellier des comptes,
+ et dont la conclusion d'icelluy est que la communauté du
+ royaulme, quoyque coste, veult avoir la religion catholique), met
+ ceulx cy en une indubitable opinion qu'il y a une grande
+ conjuration desjà dressée dans le pays;
+
+ Et qu'elle est fomentée par le Roy et le Roy d'Espaigne, sans le
+ consentement desquelz le Pape, comme ilz disent, n'eust jamais
+ osé expédier une bulle si rigoureuse comme il a faict; joinct que
+ l'armement qu'ilz entendoient se préparer en Bretaigne pour
+ colleur de secourir les Escouçoys, et l'apareil du duc d'Alve,
+ trop plus grand qu'il ne sembloit estre requis pour le passaige
+ de la Royne d'Espaigne, leur a faict croyre, jusques icy, que
+ tout cella se dressoit contre eulx en faveur des Catholiques de
+ ce royaulme.
+
+ Dont, pour y remédier, ilz ont, en premier lieu, expédié une
+ ordonnance fort furieuse, du dernier du moys passé, contre les
+ porteurs de bulles et semeurs de ces libelles; laquelle porte
+ commission d'apréhender les autheurs d'iceulx, si fère se peult,
+ affin de les punir et de descouvrir par eulx qu'est ce qu'il y a
+ de plus caché en leurs déllibérations.
+
+ Après, ilz ont dépesché trente cinq lettres aulx trente cinq
+ comtes de ce royaulme, pour mander aulx officiers qu'ilz ayent à
+ fère enroller promptement en chacune d'icelles, sellon sa portée,
+ ung nombre d'hommes, jusques à cinquante mil en tout, tant de
+ pied que de cheval, et à iceulx bailler cappitaines, lieutenantz,
+ enseignes, tabourins et trompettes, et leur ordonner une paye par
+ an d'envyron trois escuz à chacun, et ung peu plus aulx
+ capitaines; dont les deniers se prendront sur le plat pays, avec
+ commandement de fère monstres par tout ce moys, et le continuer
+ puys après de quartier en quartier, et qu'on ayt à les exercer
+ principallement à la haquebutte;
+
+ Et ont ordonné à l'admyral Clynton de dresser ung estat, par
+ lequel il puysse mettre en mer, toutes les foys que la Royne, sa
+ Mestresse, le commandera, cinquante bons navyres de guerre avec
+ douze mil hommes dessus, maryniers et soldatz, et que
+ l'avitaillement en tout aultre appareil en soit prest et tout
+ dressé ez lieux qu'il cognoistra en estre besoing;
+
+ Faisans leur compte de combattre les ennemys en mer, premier que
+ de leur permettre nulle descente par deçà, avec opinion que,
+ quant tout le monde aura bien conjuré contre eulx, qu'ilz
+ pourront avec ceste provision ayséement se deffandre:
+
+ Car jugent que, s'ilz gaignent une bataille navalle, ilz pourront
+ bien garder qu'on n'aproche, puys après, leur coste, et, s'ilz
+ demeurent égaulx, qu'encores empescheront ilz qu'on n'y puysse
+ descendre;
+
+ Et si, d'avanture, ilz perdent, que ce ne pourra estre sans avoir
+ tant rompu les ennemys qu'ilz seront contrainctz de s'en
+ retourner pour se reffère; que si, à toute extrémité, il advient
+ que les ennemys facent quelque descente, qu'allors les cinquante
+ mil hommes se trouveront prestz pour les combattre au
+ désembarquement.
+
+ Lequel apareil inthimide grandement les Catholiques, lesquelz si
+ l'esté se passe sans qu'il aparoise quelque confort pour eulx, ne
+ s'attandent de moins que d'estre fort rigoureusement trettez
+ l'yver prochain; car ilz voyent que leurs adversayres, lesquelz
+ ont la Royne, l'authorité et la force en leurs mains, commancent
+ desjà de les menacer, et monstrent de n'attandre sinon que le
+ temps les asseure contre les entreprinses des estrangiers pour y
+ mettre la main.
+
+ Et avoient les dicts Catholiques prins pour mauvais signe la
+ longueur que ceulx de ce conseil usoient ez affères de la Royne
+ d'Escoce, et en ceulx du duc de Norfolc; vers lesquelz, à cause
+ de ces rescentes deffiances, ilz voyoient qu'ilz alloient
+ changeant toutes leurs premières bonnes dellibérations, car ilz
+ remettoient de commancer le tretté avec l'ambassadeur de la dicte
+ Dame jusques à la venue des depputez d'Escoce; et sur ceulx du
+ duc, ilz luy avoient faict dire, le XIIe de ce moys, que, pour
+ aulcunes occasions, qui estoient fort considérables, la Royne, sa
+ Mestresse, estoit conseillée de ne luy ottroyer sa liberté
+ jusques après la St Michel, qui monstre bien qu'ilz ne vouloient
+ que gaigner temps; et cependant ilz travailloient de se liguer
+ davantaige avec les princes protestans.
+
+ Et n'avoit esté sans apparance que les dicts Catholiques eussent
+ fondé grande espérance en l'apareil du duc d'Alve, et possible
+ encores quelque peu en cellui qu'ilz entendoient estre prest en
+ Bretaigne, mais la venue des depputez de Flandres la leur oste de
+ ce costé là; et l'opinion, qu'ilz ont, que la guerre doibve
+ continuer en France la leur fait perdre de l'aultre.
+
+ Cella surtout les descoraige qu'ayantz, jusques à ceste heure,
+ pensé que le Roy d'Espaigne et ses ministres procèderaient de
+ bonne intelligence avecques le Roy sur les affères de la Royne
+ d'Escoce, qui sont conjoinctz avec ceulx de la religion
+ catholique en ce royaulme, ainsy que je m'en estois quelquefoys
+ prévalu; et comme aussi nulle aultre chose n'avoit, tant que
+ ceste cy, retenu ceulx de ce conseil en quelque crainte, il s'est
+ meintennant descouvert qu'il va tout aultrement, et que dom
+ Francès d'Alava a tenu de telz propos à Mr Norrys, (ainsy que le
+ dict Norrys l'a escript par ses dernières lettres, arrivées à sa
+ Mestresse, pendant que Mr de Poigny et moy attendions sa
+ responce,) que aulcuns, qui en ont heu assés tost la
+ communication, m'ont tout incontinent adverty que, à l'ocasion
+ d'iceulx, nous serions fort mal responduz; et que toutz les
+ affères, où le Roy Très Chrestien pouvoit avoir intérestz par
+ deçà, en demeureroient fort traversez.
+
+ Qui a esté cause que, en l'audience ensuyvant, je me suys
+ eslargy, premièrement vers les seigneurs de ce conseil, parce
+ que, d'arrivée, nous avons esté introduictz vers eulx, et puys
+ envers la dicte Dame, en toutz les plus francz et ouvertz propos,
+ que j'ay estimé les pouvoir confirmer en l'amytié du Roy, et à
+ bien espérer d'icelle, sans toutesfoys toucher ung seul mot ni du
+ Roy d'Espaigne, ny de ses ministres; et est advenu, sur noz
+ remonstrances, que l'on nous a accordé une partie de ce que nous
+ demandions, et qu'on nous a faict, sur le reste, assés meilleure
+ responce que l'on n'espéroit, ainsy que je l'ay mandé par mes
+ précédantes.
+
+ Et bien qu'à la grande instance de Madame de Lenoz, l'on eust
+ auparavant envoyé par mer vers le North un nombre d'armes, de
+ pouldres et d'argent, pour les fère tenir au comte de Lenoz en
+ Escoce, j'ay sceu néantmoins que, despuys cella, la Royne
+ d'Angleterre a dict à la dicte dame de Lenoz qu'elle estoit
+ résolue de remettre la Royne d'Escoce en son royaulme, sur les
+ offres qu'elle et le Roy luy faysoient, qui estoient telles
+ qu'avec son honneur elle ne les pouvoit reffuzer. A quoy la dicte
+ dame de Lenoz ayant respondu que la dicte Royne d'Escoce n'en
+ observeroit rien, la Royne luy a répliqué que si feroit, parce
+ qu'elle l'y obligeroit à peyne d'estre privée de la succession de
+ ce royaulme, si elle y contrevenoit, car aultrement elle ne luy
+ en vouloit fère tort; et n'a la dicte dame de Lenoz peu gaigner
+ rien davantaige, encore qu'elle ayt très instantment priée la
+ dicte Dame que, si elle persévérait en ceste vollonté, il luy
+ pleût de mander à son mary qu'il s'en retornât.
+
+ Et le secrétaire Cecille m'a mandé que je croye fermement qu'il
+ ne sera miz aulcun retardement ez affères de la Royne d'Escoce,
+ et qu'il ne cerche, de sa part, que la seurté de sa Mestresse,
+ laquelle estant mortelle, et n'y ayant, après elle, nul plus
+ prochain au droict de ceste couronne que la Royne d'Escoce, qu'il
+ ne luy sera, ny meintennant, ny à l'advenir, jamais contraire; et
+ le mesmes a il confirmé à l'évesque de Roz, avec lequel il est
+ desjà entré si avant en matière qu'ilz sont quasi d'accord de
+ toutz les poinctz, qui sembloient estre les plus différantz.
+
+ Encores, monstrent les affaires du duc de Norfolc qu'ilz pourront
+ aussi mieulx réuscyr que la responce du XIIe du présent ne le luy
+ faisoit espérer, et que la Royne permettra qu'ilz soient, dans
+ trois ou quatre jours, miz en dellibération pour après estre
+ procédé à sa liberté, sellon qu'ung chacun dict qu'il demeure
+ fort deschargé et justiffié de toutes les choses qu'on luy
+ pourrait imputer.
+
+ Je veulx bien advouher que je ne cognois rien de plus exprès en
+ ceulx cy que leur simulation, ny rien de plus certain que leur
+ inconstance; par ainsy, je ne puys fère grand fondement sur
+ chose qu'ilz disent, ny qu'ilz promettent. Néantmoins ilz peuvent
+ incliner de nostre costé, aussi bien que d'ung aultre, et
+ j'estime qu'il n'est que bon de les y tenir bien disposez, si
+ l'on peult, affin de se prévaloir de la paix qu'on a avec eulx,
+ et évitter les inconvénians et incommoditez qui pourroient
+ advenir, s'ilz se despartoient du tout de nostre intelligence.
+
+ AULTRE INSTRUCTION A PART POUR DIRE A LEURS MAJESTEZ:
+
+ Que, jusques à ceste heure, la Royne d'Angleterre et ses
+ conseillers protestans avoient esté retenuz d'une grande
+ craincte, et les seigneurs, et gens de bien catholiques,
+ conduictz de grande espérance sur le faict de la Royne d'Escoce,
+ et sur toutz les affères de ceste isle, par l'opinion qu'ilz
+ avoient que le Roy d'Espaigne et le duc d'Alve seraient toutjour
+ en bonne intelligence avec le Roy.
+
+ Et n'estoit peu de consolation aus dicts Catholiques de veoir en
+ quelle peyne les dicts Protestans vivoient pour ne sçavoir si la
+ bulle estoit expédiée, ou du propre mouvement du Pape, ou bien
+ par la réquisition du Roy, ou bien à l'instance du Roy
+ d'Espaigne: car ilz disoient que si c'estoit seulement du Pape,
+ ce n'estoit chose de moment; si c'estoit du Roy seul, encor
+ croyoient ilz que Mr le cardinal de Lorrayne l'auroit procuré,
+ sans que pour cella le Roy se vollût trop haster de rien
+ entreprendre; mais, si c'estoit par le commun consentement du Roy
+ et du Roy d'Espaigne, ilz tenoient pour indubitable que
+ l'entreprinse de ceste isle estoit desjà jurée entre eulx.
+
+ En quoy, pour en avoir quelque lumyère, ilz cerchoient de toutz
+ costez s'il se trouveroit que moy, ou Mr l'ambassadeur
+ d'Espaigne, eussions tenu la main à la fère notiffier et publier
+ par deçà, mais il semble qu'ilz n'ont rien trouvé contre moy,
+ sinon qu'il leur est venu un adviz d'Itallie, par la voye de
+ Flandre, comme la dicte bulle a esté expédiée à l'instance de
+ l'ambassadeur de France, qui est à Rome, et que l'ambassadeur du
+ Roy Catholique par dellà n'a faict que y prester son
+ consentement, comme à chose apartenant de si près à la religion
+ catholique qu'il ne luy a esté loysible de la contradire; dont
+ leur semble que j'en debvois estre participant, mais je croy qu'à
+ ceste heure ilz en demeurent toutz esclarcy.
+
+ Et, quant à l'ambassadeur d'Espaigne, parce que Me Felton, lequel
+ est accusé d'avoir affiché la dicte bulle, a confessé, estant sur
+ la question, que le prestre espaignol du dict sieur ambassadeur
+ la luy avoit baillée; qui, pour ceste occasion, s'est despuys
+ absenté, car il estoit commandé de le prandre, quelque part qu'il
+ pourroit estre trouvé, jusques en sa chambre; non seulement l'on
+ en a chargé le dict sieur ambassadeur, ains aussi luy impute l'on
+ les aultres libelles, qui ont couru en ce royaume, contre le
+ garde des sceaux et Cecille, et contre quelques aultres du
+ conseil; mais ne pouvant son prestre estre trouvé, l'on ne sçayt
+ commant procéder contre luy.
+
+ Et n'ont layssé pour cella les Catholiques de s'entretenir
+ toutjour en l'espérance de la faveur du Roy son Maistre et du duc
+ d'Alve, pour les affères de la Royne d'Escoce et de la religion
+ catholique; de sorte que le dict Felton a bien ozé dire tout
+ hardyment qu'il y avoit trente mil hommes de valleur en
+ Angleterre, dont les six mil estoient gentishommes, et vingt cinq
+ milordz parmy, qui estoient toutz prestz d'exposer leurs vies
+ pour la mesmes querelle, qu'ilz le vouloient fère mourir à luy.
+
+ Mais, despuys quelques jours, iceulx Catholiques non seulement se
+ sont retirez de ceste espérance, ains sont entrez en grand
+ frayeur d'estre descouvertz qu'ilz l'ayent heue, parce qu'ilz
+ estiment que le dict sieur ambassadeur ayt communiqué toutes
+ choses au Sr dom Francès d'Alava, lequel ilz tiennent aujourduy
+ pour trop plus grand serviteur de la Royne d'Angleterre que de
+ son Maistre; car Mr Norrys a escript qu'il luy a promiz de
+ disposer si bien les affères de la dicte Dame vers le Roy, son
+ dict Maistre, et vers le duc d'Alve, qu'elle n'a garde de
+ recepvoir aulcun mal ny dommaige d'eulx, et que hardyment elle ne
+ preigne peur des démonstrations et préparatifz du dict duc, car
+ il la veult bien asseurer qu'il n'a aulcun commandement de luy
+ nuyre, ny d'attampter, pour quelque occasion que ce soit, rien
+ par armes contre elle; et qu'au reste le dict dom Francès luy a
+ descouvert que c'est Mr le Nonce, qui est en France, qui a envoyé
+ icy la bulle à l'ambassadeur d'Espaigne pour la publier.
+
+ Duquel acte du dict dom Francès plusieurs seigneurs et gens de
+ bien de ce royaulme se sont fort escandalizez, et les aulcuns se
+ sont confirmés en une opinion, laquelle ilz avoient desjà
+ conceue, que les ministres du Roy d'Espaigne vont procurant vers
+ ceulx cy, et partout où ilz peuvent, la continuation de la guerre
+ de France; et que, voyantz le faict de la Royne d'Escoce, de
+ laquelle ilz s'estoient desjà promiz et l'aliance, et le filz, et
+ le royaulme, et le tiltre d'Angleterre, se conduire meintennant
+ au nom et soubz la faveur du Roy, qu'ilz le veulent traverser; et
+ qu'ilz sont jalouz de ce que aulcuns seigneurs de ce royaulme se
+ monstrent bien affectionnez à Leurs Très Chrestiennes Majestez,
+ qui est ung propos qu'on m'a tenu, présent Mr de Poigny, auquel
+ je réserve d'en fère entendre le surplus à Leurs Majestez, à son
+ retour; et adjouxteray seulement icy une preuve, que le duc
+ d'Alve nous a donné de son intention en ce [qu'ayant le Pape
+ envoyé, par la banque d'Anvers, douze mil escuz, pour les
+ gentishommes fuytifz d'Angleterre, il a conseillé qu'on ne leur
+ envoye ny tout, ny partie de la somme, tant qu'ilz seront en
+ Escoce, et par ce moyen il a interrompu le dict secours.]
+
+ Il est bien certain que, jouxte ceste communication grande
+ d'entre dom Francès et le dict Sr Norrys, ceste Royne a naguières
+ escript une bonne lettre au Roy d'Espaigne, laquelle le dict dom
+ Francès a prins en sa charge de la luy fère tenir, et une aultre
+ au duc d'Alve, par laquelle elle l'exorte de vouloir entretenir
+ l'alliance d'entre ceste couronne et la mayson de Bourgoigne,
+ comme, de sa part, elle la veult entièrement conserver: et, quant
+ aulx prinses, qu'elle est preste d'y satisfère de sa part, en ce
+ qu'il s'y veuille disposer de la sienne, et qu'il veuille
+ depputer des personnaiges propres pour en accorder, qui ne soyent
+ de ceulx qui veulent troubler ce royaume, ainsy que
+ l'ambassadeur, icy résidant, et ceulx, qui cy devant y ont esté
+ envoyé, se sont esforcez de le fère; et que de l'apareil qu'elle
+ entend qu'il faict bien grand par mer, il ne veuille rien
+ attampter en ses portz, car elle offre toute faveur et seur accez
+ en iceulx à la Royne d'Espaigne et à ceulx de sa troupe: tant y a
+ que l'ambassadeur d'Espaigne, nonobstant tout cella, ne laysse
+ d'estre bien fort offancé contre dom Francès, de ce qu'il a parlé
+ de la bulle, et desjà il en a escript au duc d'Alve.
+
+ J'ay faict sonder, par interposée personne, Mr le cardinal de
+ Chatillon et le Sr de Lumbres quel desir ilz avoient à la paix et
+ à transférer la guerre hors de France; et voycy ce qui m'a esté
+ raporté des propos du dict sieur Cardinal: qu'il desire
+ infinyement la dicte paix, espérant par icelle jouyr de la bonne
+ grâce de Leurs Majestez et de six vingtz mil {lt} de rante en
+ France, en lieu de mille pouvrettez et indignitez, qu'il
+ s'esforce de supporter, le plus dignement qu'il peult, en
+ Angleterre;
+
+ Que se souvenant que le Roy, et la Royne, et Monsieur, pour
+ fermeté de l'aultre dernière paix, luy firent l'honneur de luy en
+ donner leur promesse de leurs propres mains dans la sienne, et
+ que ceulx, qui la leur ont faicte rompre, sont ceulx mesmes avec
+ qui ilz ont à conclurre meintennant ceste cy, les cheveulx luy en
+ dressent de frayeur;
+
+ Que le Roy a la paix très ferme et bien asseurée, toutes les foys
+ qu'il luy playrra, à bon esciant, que ceulx de la religion
+ puyssent vivre, en conscience et honneur, soubz la faveur de sa
+ protection, en son royaulme;
+
+ Que, de transférer la guerre ailleurs, c'est ce que son frère,
+ Monsieur l'Admyral, a toutjour desiré, mais de le fère
+ meintennant, et laysser ceulx, qui sont de leur mesmes religion,
+ estre cependant massacrez, murdriz et ruinez en leurs maysons, en
+ France, par ceulx qui ont la justice et l'authorité et les forces
+ à la main, ilz sont entièrement tout résoluz du contraire;
+
+ Que, si le Roy les veult recepvoir en sa bonne grâce, et leur
+ ottroyer la dicte paix et seurté qu'ilz luy demandent, comme à
+ ses bons subjectz, et qu'il se veuille servyr de son frère et de
+ luy, ilz ont en main de quoy luy fère le plus grand et le plus
+ notable service, que sa couronne ny nul de ses prédécesseurs
+ ayent receu de deux centz ans en cà;
+
+ Qu'il cognoist bien que les Anglois ne cerchent de fère rien pour
+ la religion en ceste guerre, ains de travailler la France, et
+ qu'il crainct bien que, se faisant la paix, l'on ne le layrra
+ sortir, de trois moys après, de ce royaulme.
+
+ Quant au susdict de Lumbres, lequel s'intitulle ambassadeur de
+ toutz les princes protestans vers ceste Royne, l'on m'a dict
+ qu'il desire aussi bien fort la paix de France, et vouldroit que
+ la guerre fût desjà transférée aulx Pays Bas, et n'eust tenu à
+ luy que la descente, que ceulx de la Rochelle dellibéroient de
+ fère en quelque port de Normandie ou Picardie, si Sores ne fût
+ allé sur la route des Indes, ne se fût faicte en Olande: et desjà
+ luy et beaucoup de ceulx de son pays font estat, par ceste paix,
+ de se retirer en France, car semble qu'il y ayt mutuelle
+ obligation entre les Françoys et Flamans, qui sont de ceste
+ religion, de se subvenir les ungs aulx aultres, et de ne cesser,
+ qu'ilz ne soyent toutz remiz en leur maysons pour y pouvoir vivre
+ en seurté avec l'exercice de leur religion.
+
+ Aulcuns Françoys de la dicte religion, qui sont icy, ne prennent
+ nul party, attandans la dicte paix; ou bien, si elle ne succède,
+ ilz dellibèrent de recourir à la grâce et clémence de Sa Majesté.
+
+
+
+
+CXXIVe DÉPESCHE
+
+--du XXXe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._)
+
+ Crainte des Anglais qu'une ligue générale n'ait été formée contre
+ eux.--Résolution du conseil de rendre la liberté au duc de
+ Norfolk, et de lever une forte armée navale.--Armement de la
+ flotte.--Mission de Me Figuillem dans les
+ Pays-Bas.--Déclaration faite à l'ambassadeur que l'armement de
+ la flotte n'a d'autre objet que de rendre les honneurs à la
+ reine d'Espagne sur son passage, et de se tenir en défense
+ contre les entreprises que pourrait tenter le duc d'Albe.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, s'estant la Royne d'Angleterre aperceue que le mal de son pied
+empyroit par le travail de son progrez, encore qu'elle n'allât qu'en
+coche, elle s'est arrestée à Cheyneys, qui est celle mayson du comte
+de Betfort, où je vous ay mandé, par mes dernières, qu'elle debvoit
+demeurer tout le XXVe et XXVIe de ce moys; mais elle y a séjourné
+davantaige, et n'en bougera encores de quelques jours. Ceulx de son
+conseil se sont assemblez au dict lieu pour prendre quelque bon ordre
+sur aulcunes choses qu'ilz ont veu estre aultres, ou bien avoir aultre
+événement, qu'ilz ne pensoient; premièrement, sur la détention du duc
+de Norfolc, par laquelle, au lieu d'en avoir assoupy et retardé les
+troubles de ce royaulme, ilz cognoissent meintennant que c'est par là
+qu'ilz les ont advancez et faict naistre, car auparavant il n'y en
+avoit point; et sur la guerre d'Irlande, laquelle ilz cuydoient desjà
+achevée, ilz ont nouvelles que, despuys naguyères, l'on s'y est bien
+battu, et que ceulx du party de la Royne, leur Mestresse, ont heu du
+pyre, et que mesmes les saulvaiges monstrent de vouloir passer
+oultre, et qu'ilz attandent du secours d'ailleurs; aussi sur le faict
+de la Royne d'Escoce, duquel, parce que Vostre Majesté le porte et le
+favorise, ilz voyent que toutz leurs affères d'Escoce en succèdent si
+mal qu'ilz sont bien en peyne commant le remédier; pareillement sur
+leurs différans des Pays Bas, lesquelz viennent meintennant à leur
+estre de tant plus suspectz, que, par le pardon général publié en
+Envers par le duc d'Alve, à vestemens blancz[11], le XVIe de ce moys,
+où l'on leur faict acroyre que le prince d'Orange est comprins, et
+qu'on a randu ses biens à ses enfans; et aussi par l'accord des Mores
+en Espaigne[12], ilz estiment que les affères du Roy d'Espaigne
+demeurent si establys en ses pays qu'il n'a rien plus à fère
+meintennant que se rescentyr de l'injure, qu'ilz luy ont faicte et à
+ses subjectz, ainsy que le duc d'Alve semble d'en avoir l'apareil tout
+prest; et encores sur la paix de vostre royaulme, laquelle, de tant
+qu'ilz la tiennent desjà comme conclue, sans qu'ilz s'en soyent
+meslez, ilz craignent que Vostre Majesté se veuille de mesmes conduyre
+meintennant en icelle vers eulx, comme ilz se sont assés mal déportez
+vers vous durant la guerre; mais principallement sur la division et
+mal contantement de leurs propres subjectz, d'où ilz prévoyent que,
+s'il n'y est, devant toutes aultres choses, pourveu, ce sera de là que
+leur viendront les plus dangereuses guerres et les plus grandes
+difficultez dont, de tant que la Royne leur Mestresse s'oppose
+toutjour bien fort aulx moyens, qu'on luy met en avant, qui tendent
+ou à la guerre ou à la despence; après avoir bien longuement débattu
+toutes ces matières, ilz luy ont enfin conseillé que, d'ung costé,
+elle veuille mettre le duc de Norfolc hors de pryson, et que, par sa
+liberté et par l'ayde qu'il luy pourra fère, elle se tirera ayséement
+hors des plus apparans dangiers; et dresser, de l'aultre, tout
+promptement une bonne armée de mer, qui serviroit de remédier à tout
+le reste, sans regarder de si près à la despence, qu'elle y pourra
+fère, qu'elle ne regarde encores plus à la conservation de son estat
+et à l'honneur et grandeur de sa couronne.
+
+ [11] Le duc d'Albe déploya, pour la publication de cette
+ amnistie, une pompe extraordinaire. Ces mots _vêtements blancs_
+ se rapportent probablement à quelque particularité des costumes
+ employés dans cette cérémonie.
+
+ [12] Voir la note ci-dessus, p. 183.
+
+Sur laquelle leur résolution s'estant la dicte Dame assés collérée
+contre ceulx, qui l'avoient faicte estre jusques icy trop rigoureuse
+contre le dict duc, leur a respondu qu'elle estoit contante de prendre
+bientost ung bon expédiant avecques luy, qui ne viendroit toutesfoys
+ny d'aulcun d'eulx, ny de toutz ensemble, et dont il n'en auroit à
+remercyer que elle seule; et quant à dresser une armée, qu'elle ne se
+vouloit opposer à leur conseil, mais seulement les prier qu'ilz
+advisassent de n'entreprendre rien qui ne fût bien nécessaire, et qui
+ne la mist en plus de peyne qu'elle n'est. Dont, tout sur l'heure, les
+commissions ont esté dépeschées, telles que j'ay cy devant mandées à
+Vostre Majesté: de dresser une armée royalle de toutz les grandz
+navyres de la dicte Dame et de bon nombre d'aultres vaisseaulx
+particulliers, et de lever quatre mil maryniers, et tenir prestz huict
+mil hommes de pied et deux mil chevaulx; dont, quant aulx navyres et
+hommes pour mettre dessus, qui sont maryniers et soldatz tout
+ensemble, cella s'exécute en toute dilligence; et, dans le Xe du
+prochain, j'entendz qu'il sortyra en mer sept grandz navyres des
+premiers prestz, les meilleurs à la voyle, avec douze centz hommes
+dessus, et les aultres suyvront après, à la mesure qu'on les aura
+fornys d'hommes et de vivres; car, ilz ont desjà tout leur aultre
+apareil et fornyment. Mais, quant aulx huict mil hommes de pied et
+deux mil chevaulx, l'on ne se haste encores de les fère marcher.
+
+Or, en ce mesmes conseil, a esté advisé de renvoyer devers le duc
+d'Alve maistre Fyguillem, bourgeois de ceste ville, l'ung des
+commissaires des prinses, par prétexte de luy aporter une honneste
+responce sur l'accord de leur différandz, comme ceste Royne le prye
+d'y vouloir entendre en quelque bonne sorte, et qu'elle est contante
+de reffère le nombre des merchandises et tout ce qui en est dépéry et
+descheu, despuys le premier inventoire qui en fut faict; ce que
+n'estant encores aprochant de la satisfaction, parce que le dict
+inventoire ne contient guières bien le tiers des dictes merchandises,
+ny que celle moindre partie des deniers qui estoit ez quaysses
+merquées pour le Roy d'Espaigne, j'ay bien pensé qu'il n'y alloit que
+pour descouvrir l'intention du dict duc, et à quoy tandoit son
+armement, et quelles pratiques menoient les Anglois catholiques, qui
+ont naguières passé d'Escoce et d'icy devers luy. Tant y a, Sire, que,
+nonobstant cest argument, lequel m'a bien faict juger qu'en leur faict
+y avoit plus de peur que d'entreprinse, voyant néantmoins que leur
+appareil estoit tel qu'il le falloit avoir suspect, mesmes que nul ne
+me sçavoit asseurer au vray de l'occasion d'icelluy, et qu'ilz ne
+cessoient de tretter toutjour d'accord avec le duc d'Alve, j'ay pensé
+qu'il estoit expédiant de les fère parler; dont ay suplié la dicte
+Dame et iceulx seigneurs de son conseil que, de tant que j'avois à
+vous donner adviz de leur armement, il leur pleust m'advertyr comme
+ilz desiroient que je le vous escripvisse, affin d'évitter que, pour
+la jalouzie que vous en pourriez avoir, vous ne leur en fissiez
+prendre une aultre en vous armant de vostre costé.
+
+A quoy ilz m'ont respondu que je sçavois bien que le duc d'Alve
+faisoit une bien fort grande armée de mer, et encor qu'il leur eust
+notiffié par l'ambassadeur de son Maistre, qui est icy, et encores
+faict dire à Mr Norrys par celluy qui est en France, que c'estoit
+seulement pour conduyre la Royne d'Espaigne et non pour occasion
+quelconque, d'où ilz deussent prendre tant soit peu de deffiance de
+luy, que néantmoins la dicte Dame luy avoit bien vollu dépescher ung
+messaigier pour l'advertyr qu'elle estoit dellibérée de mettre aussi
+ses navyres en mer, avec sept ou huict mil hommes dessus, pour
+accompaigner la dicte Royne d'Espaigne, sa bonne soeur, tout le long
+de la mer de son royaulme, avec commandement à son admyral, lequel
+yroit luy mesmes en l'armée, de la recepvoir, honnorer et bien tretter
+en toutz ses portz et hâvres, où luy viendrait à playsir de descendre
+et prendre terre: dont me prioient d'asseurer Vostre Majesté que, sur
+leur vie et honneur, il n'y avoit aultre chose; et que le dict sieur
+Admyral ne bougeroit que la responce du dict duc ne fût arrivée. Bien
+me vouloient dire que aulcuns de leurs rebelles trettoient en secrect
+et ouvertement avecques le dict duc, et que les Escossoys se vantoient
+aussi qu'ilz auroient bientost ung secours de Flandres; dont se
+vouloient trouver prestz à tout besoing.
+
+Voylà, Sire, ce qu'ilz m'ont dict, et en quelle façon ils se sont
+descouvertz de la légation du susdict Figuillem, qu'ilz avoient
+toutjour tenue fort secrecte; et comme, soubz démonstrations
+honnestes, ilz se pourvoyent contre les malles intentions les ungs des
+aultres. Je observeray le progrez de leurs actions, du plus près que
+je pourray, pour vous en donner toutjour les plus seurs adviz qu'il me
+sera possible; et sur ce, etc. Ce XXXe jour de juillet 1570.
+
+
+
+
+CXXVe DÉPESCHE
+
+--du VIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par Mr de Poigny._)
+
+ Visite de Mr de Poigny à la reine d'Écosse.--Audience de congé
+ lui est donnée par la reine d'Angleterre.--Heureux effet de son
+ voyage.--Meilleur traitement fait à Marie Stuart et au duc de
+ Norfolk, à qui il est permis de sortir de la Tour pour être
+ gardé chez lui.--Remontrances de l'ambassadeur à Élisabeth sur
+ les nouvelles entreprises faites contre l'Écosse.--Excuses
+ données par la reine.--Résolution prise de signifier le traité
+ aux deux partis en Écosse.--Continuation des armemens maritimes
+ en Angleterre.--Déclaration du duc d'Albe à Me Fuyguillem
+ envoyé vers lui par Élisabeth.--Arrivée à Londres d'un député
+ de la Rochelle.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, après que Mr de Poigny a heu satisfaict à la visite, que Vostre
+Majesté luy avoit commandé vers la Royne d'Escoce, par l'espace de
+quatre jours, qu'il luy a esté permiz d'estre auprès d'elle, avec ung
+infiny contantement et très grande satisfaction de la dicte Dame, il
+s'en est retourné par deçà; et estant icy, nous avons ensemble
+considéré que, puisqu'il estoit contrainct de se déporter du surplus
+de son voyage en Escoce, parce que la Royne d'Angleterre ne le
+trouvoit bon, et que les commissaires escossoys n'estoient point
+arrivez, qu'il estoit expédiant qu'il ne temporisât plus en ce lieu;
+dont sommes allez, le IIIIe du présent, trouver la dicte Dame à
+Cheyneys, où elle est encores. A laquelle le dict Sr de Poigny a faict
+entendre, bien à propos, les choses qu'il avoit veues et aprinses de
+l'estat de la Royne d'Escoce, et de sa santé, et aussi de son
+estroicte garde, et d'aulcunes aultres particullaritez de ses affères,
+luy incistant bien fort de luy vouloir ottroyer ung peu plus de
+liberté qu'elle n'a; et luy ayant au reste ramentu de rechef les
+principaulx poinctz de sa charge, avec offre de passer encor en
+Escoce, s'il estoit besoing, pour disposer ces seigneurs de dellà à la
+continuation du tretté, la dicte Dame luy a faict plusieurs diverses
+responces ès quelles, sans luy reffuzer ny accorder aussi tout ce
+qu'il demandoit, sinon touchant aller en Escoce, qu'elle luy a bien
+ouvertement dényé, elle a monstré, au reste, qu'elle vouloit beaucoup
+defférer à Vostre Majesté; et, après qu'avec de bien honnestes
+répliques, il a heu tiré d'aultres secondes et meilleures responces de
+la dicte Dame, il a prins congé d'elle. Dont, de tant, Sire, que
+Vostre Majesté entendra mieulx au long et par ordre de luy, que ne
+feroit par ma lettre, tout ce qui s'est passé en son audience, et ce
+qu'il y a proposé, ensemble ce qu'il y a obtenu, et ce que la dicte
+Dame l'a prié de vous dire, je me déporteray de vous en toucher icy
+plus avant, si n'est pour vous dire, Sire, qu'encor qu'il ne vous
+raporte résolution de toutes choses, son voyage ne laisse pourtant
+d'estre et bien utille, et heureux, puisque par icelluy est advenu que
+ceste Royne a commancé de se modérer tant envers la Royne d'Escoce
+qu'elle l'a layssée visiter de vostre part et luy a eslargy ung peu sa
+liberté; et qu'en mesmes temps le duc de Norfolc, qui estoit en
+pryson, a esté remiz en sa mayson, bien que ce soit encores soubz
+quelque garde; qui sont tout présaiges de quelques bon succez ez
+aultres affères de la dicte Dame.
+
+Or de ma part, Sire, ayant heu à remercyer la dicte Dame de la
+déclaration qu'elle m'avoit mandé fère, que son armement n'estoit
+aulcunement dressé ny contre Vostre Majesté, ny contre vostre
+royaulme, et de ce qu'elle avoit monstré se resjouyr infinyement de la
+nouvelle, que je luy avois faict entendre, qu'on tenoit en France la
+paix pour faicte; et que sur le dict armement elle m'a heu confirmé le
+mesmes, adjouxtant que c'estoit le duc d'Alve et non Vostre Majesté
+qui avoit à se doubter d'icelluy, et qu'avec plusieurs parolles, et
+par tout aultre semblant, elle a exprimé ung très grand désir à la
+dicte paix, et luy tarder beaucoup que je la luy puysse bien asseurer
+de vostre part, j'ay tiré le propos à luy parler des choses que nous
+avions entendu d'Escoce: comme pour empescher l'effect de l'accord,
+qui estoit tant bien commancé, l'on avoit trouvé moyen de retarder Mr
+de Leviston (qui l'alloit notiffier aulx seigneurs d'Escoce) vingt
+deux jours en la frontière de deçà, et despuys, estant passé en celle
+de dellà, les adversaires de la Royne d'Escoce ne permettoient qu'il
+passât oultre pour acomplyr sa légation; que cependant le comte de
+Sussex avoit envoyé solliciter ceulx du party de la Royne d'Escoce de
+poser les armes, d'abandonner les rebelles angloys, de ne recepvoir
+les estrangiers, et de casser les proclamations, qu'ilz avoient faicte
+de l'authorité de leur Royne, pour remettre le faict du gouvernement
+du pays en tel estat que le comte de Mora l'avoit layssé; et que,
+pendant que la dicte Dame se prenoit bien asprement à la Royne
+d'Escoce de ce que ses fuytifz trouvoient faveur et retrette en son
+pays, c'estoient les mauvais subjectz de la Royne d'Escoce qui
+avoient relevé une forme d'authorité, en tiltre de régent, contre et
+au préjudice d'icelle en son royaulme, soubz l'adveu et protection des
+lettres de la dicte Royne d'Angleterre, qui avoient esté leues
+publiquement en l'assemblée, y assistant maistre Randolf et son agent
+par dellà; et que le comte de Lenoz, à présent créé régent, se vantoit
+qu'il auroit tout secours d'elle pour estre meintenu en ceste sienne
+nouvelle authorité, et que mesmes le comte de Sussex, en sa faveur,
+rentreroit de rechef avecques forces en Escoce, et que l'armée de mer
+de la dicte Dame seroit bientost devant Dombertran pour l'assiéger;
+dont, de tant que, sur ce que je vous avois escript et asseuré du
+contraire, vous aviez contremandé voz forces, qui estoient toutes
+prestes en Bretaigne, et vous estiez venu de toutz ces différantz à
+ung tretté d'accord, duquel ne voyez à présent sortyr nul effect, je
+ne pouvois, pour ma justification envers Vostre Majesté, que recourir
+à la promesse, qu'elle m'avoit faict fère là dessus par les seigneurs
+de son conseil, laquelle elle m'avoit despuys confirmée en parolle de
+Royne et de Princesse chrestienne, pleyne de foy et de vérité; et,
+suyvant icelle, la suplyer de vouloir demeurer aulx bons termes du
+dict tretté et icelluy paraschever, ou bien me dire quelle
+satisfaction elle pensoit que j'en debvois donner à Vostre Majesté.
+
+La dicte Dame, se voyant fort pressée de ce propos, et voyant que
+j'estois adverty de toutes les pratiques qui se menoient en Escoce,
+s'est efforcée de leur donner le meilleur lustre qu'elle a peu,
+alléguant que ceulx du party de la Royne d'Escoce, pour avoir de
+rechef rentré en la frontière d'Angleterre, et avoir dressé avec milor
+Dacres une bien dangereuse entreprinse sur icelle, si le comte de
+Sussex ne l'eust descouverte, et pour avoir, en proclamant l'authorité
+de la Royne d'Escoce, déclairé ceulx de l'aultre party rebelles,
+avoient commancé les premiers de donner occasion à elle de se départyr
+du dict traicté, dont estoit délibérée de ne souffrir plus leurs
+attemptatz et de remédier à leurs mauvaises entreprinses.
+
+Je luy ay répliqué que Vostre Majesté ny la Royne d'Escoce n'aviez
+rien innové de vostre part, et qu'on ne pouvoit prétendre que ceulx du
+party de la Royne d'Escoce eussent aussi peu violler le tretté jusques
+à ce qu'il leur auroit esté légitimement notiffié; par ainsy, que je
+incistois toutjour à l'entretennement et continuation d'icelluy.
+
+Enfin la dicte Dame, laquelle faict grand fondement de sa parolle
+jusques à me dire que si je la trouve jamais manquer d'icelle, je la
+veuille estimer indigne que je face jamais plus nul office de vostre
+ambassadeur vers elle, et les seigneurs de son conseil, ausquelz j'ay
+aussi faict la mesme remonstrance, m'ont accordé qu'il sera donné
+moyen à Mr de Leviston, ou bien à quelque aultre, qui sera
+présentement dépesché d'icy, de pouvoir aller seurement jusques vers
+le duc de Chastellerault, et vers les aultres seigneurs du party de la
+Royne d'Escoce, pour leur signiffier l'accord encommancé, et les
+sommer d'envoyer des depputez pour le continuer et parfaire.
+
+Cependant, Sire, la dicte Dame continue toutjour son armement en fort
+grand dilligence, et n'en remect rien pour chose que le duc d'Alve luy
+ayt respondu, lequel aussi, à ce que j'entendz, a parlé ung peu bien
+ferme à maistre Fuyguillem, depputé de la dicte Dame, lequel est
+revenu despuys trois jours: c'est qu'il luy a dict qu'il préparoit
+son armée de mer pour conduyre seurement la Royne, sa Mestresse, en
+Espagne, et que rien n'en estoit dressé contre les amys et confédérez
+de son Maistre, mais bien pour se deffandre et se venger des injures
+de ses ennemys; et quant à la pleincte qu'il faysoit que l'ambassadeur
+d'Espaigne, icy résidant, avoit donné des saufconduictz aulz rebelles
+d'Angleterre pour passer en Flandres; que le Roy, son Maistre, le
+chastieroit s'il avait mal faict, mais que, pour un rebelle anglois
+qu'il y avoit en Flandres, il y en avoit cinq centz flamans en
+Angleterre: au regard de se contanter de l'accord des merchandises
+sellon l'inventoire qui en avoit esté faict, qu'il vouloit de sa part
+rendre aulx Anglois tout entièrement ce qu'il leur avoit faict saysir
+et arrester, et qu'ainsy entendoit il qu'il fût de mesmes satisfaict
+aulx subjectz de son Maistre. Bien m'a l'on dict qu'il a usé à part
+d'aultres parolles gracieuses au dict Fuyguillem, qui les mect en plus
+grande espérance d'accord que jamais.
+
+Il est arrivé, despuys lundy dernier, ung des superintendans des
+finances de la Rochelle, nommé le présidant des comptes de Bretaigne,
+lequel on dict estre principallement venu pour trois choses; l'une,
+pour adviser le moyen de desdommaiger la Royne d'Angleterre et les
+siens des trèze ourques de merchandises d'Espaigne, qui furent, dès le
+commencement, menées des portz de ce royaulme à la Rochelle, et fère
+pour cella, ou pour recouvrer nouveaulx deniers, pour du sel et du
+vin, quelque nouveau contract entre eulx; la seconde, pour consulter
+avec Mr le cardinal de Chatillon des articles de la paix, et les
+notiffier, de la part de la Royne de Navarre, à ceste Royne; la
+tierce, pour aporter à la dicte Dame quelques adviz et pacquetz qui
+la concernent, lesquelz ilz ont surprins quelque part. Sur ce, etc. Ce
+VIe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXVIe DÉPESCHE
+
+--du XIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._)
+
+ Forces de l'armée navale que l'Angleterre vient de mettre en
+ mer.--Crainte qu'Élisabeth, rassurée contre toute attaque de la
+ part du duc d'Albe, n'emploie cet armement à une entreprise sur
+ l'Écosse.--État des négociations au sujet de l'Écosse et de
+ Marie Stuart.--Conclusion de la paix en France.--Nouvelles de
+ la Rochelle et d'Allemagne.--Exécution de Felton à Londres;
+ continuation des exécutions dans le Norfolk.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, sellon la bonne communication que j'ay faicte à Mr de Poigny,
+pendant qu'avons esté ensemble, de toutes choses de deçà, dont j'ay
+peu avoir quelque notice, j'espère qu'il aura donné bon compte à
+Vostre Majesté non seulement de celles là qui s'y mènent ouvertement,
+mais aussi d'aulcunes qui se présument, lesquelles ne sont encores
+qu'en discours; et pareillement de l'estat où sont demeurées celles de
+la Royne d'Escoce, de façon que je n'auray à toucher icy, sinon de ce
+qui a succédé despuys son partement; qui est, Sire, que la Royne
+d'Angleterre a faict donner une si grand presse à son armée de mer
+qu'on l'a rendue toute preste à sortyr, dans le XXe du présent, en
+nombre de XXIX de ses grandz navires, bien artillez et bien garnys de
+toutes monitions de guerre, et avitaillez pour trois mois, avec cinq
+mil cinq centz hommes dessus et son admyral en personne pour y
+commander, oultre ung nombre d'aultres vaysseaulx, que le comte de
+Betfort faict équiper en guerre au pays d'Ouest, qui doibvent sortir,
+soubz la conduicte de Haquens, et trèze navyres des Françoys et des
+Flamans, de la nouvelle religion, qui sont attendans en l'isle d'Ouyc.
+Quelcung est revenu de la mer sur un batteau légier, qui raporte avoir
+veu, sur la coste de Flandres, envyron cinquante quatre voyles desjà
+hors des portz, ce qui faict davantaige haster ceulx cy en leur
+entreprinse; et les seigneurs de ce conseil ont envoyé signiffier, par
+deux aldremans de Londres, à Mr l'ambassadeur d'Espaigne qu'il les
+veuille venir trouver, à St Auban, à XX mil d'icy, affin de conférer
+ensemble; mais ne saichant comme ilz vouldroient user vers luy, il est
+en doubte s'il yra.
+
+Je ne descouvre point encores, Sire, que la dicte Dame ayt à nul
+aultre effect entreprins cest armement que pour le souspeçon du duc
+d'Alve, et croy, à la vérité, que cella seul en est la première
+ocasion; mais, à ceste heure, qu'elle a faicte la despense, et que le
+duc luy a en plusieurs sortes déclairé qu'il ne veult rien
+entreprendre contre elle, et aussi n'y a il nul aparance quelconque
+qu'il soit pour le fère, ny qu'il divertisse ailleurs son armée qu'à
+la conduicte de la Royne, sa Mestresse, tant qu'elle soit du tout
+descendue en Espaigne, je crains que la dicte Royne d'Angleterre
+employe cependant la sienne contre l'Escoce; car de la dresser contre
+la France je n'en ay ny indice ny sentyment, mais quelcun m'a bien
+dict qu'on la conseille de se saysir de Dombarre, et m'a l'on donné
+adviz qu'elle a mandé de nouveau au comte de Sussex de tenir mil cinq
+centz harquebouziers, six centz corseletz et quatre centz chevaulx,
+toutz prestz en la frontière, qui est argument qu'elle espèreroit, par
+ce secours de terre, facilliter l'entreprinse à son armée de mer; et
+que, par mesmes moyen, elle satisferoit au comte de Lenoz, lequel luy
+ayant demandé une grande provision de deniers pour souldoyer des
+Escossoys près de luy, elle luy a respondu qu'elle ayme mieulx
+employer son argent à souldoyer des siens que non d'en acquérryr des
+estrangiers; néantmoins j'entendz qu'on l'a tant pressée qu'enfin elle
+luy a envoyé trois mil {lt} d'esterlin, qui est dix mil escuz. De
+cecy, Sire, et d'aulcunes conditions assés dures, que la dicte Dame a
+naguières proposées, bien qu'en ryant, à Mr l'évesque de Roz, de
+vouloir pour sa seurté, en restituant sa cousine, avoir des ostaiges
+d'elle, et le Prince son filz, et le chasteau de Dombertran; et luy
+ayant le dict sieur évesque respondu que mal ayséement se pourroit
+tout cella fère, je crains que la dicte Dame se veuille pourvoir, de
+bonne heure, d'aulcuns aultres moyens bien contraires à celluy du
+tretté, que nous avons commancé; mais, nonobstant ceste démonstration,
+nous ne layssons de luy incister toutjour qu'elle doibt demeurer aulx
+bons termes du tretté, et icelluy paraschever, sellon qu'elle mesmes a
+prié Mr de Poigny de vous asseurer, Sire, que, si la Royne d'Escoce
+luy faict de bien honnestes et honnorables offres, qu'elle procèdera
+très honnorablement envers elle; et, suyvant cella, elle nous a
+despuys baillé ses lettres pour fère passer sans difficulté milord de
+Leviston jusques là où le duc de Chastellerault et les aultres
+seigneurs du party de la Royne d'Escoce sont assemblez, affin de leur
+notiffier l'accord encommancé, et les sommer d'envoyer des depputez
+pour ayder à le conclurre; et, par mesmes dépesche, nous avons adverty
+les dicts seigneurs de se donner garde des entreprinses de deçà. Ceulx
+qui portent icy bonne affection à la Royne d'Escoce estiment, Sire,
+qu'il importe beaucoup que, en parlant à l'ambassadeur d'Angleterre,
+et par aultres démonstrations en Bretaigne, Vostre Majesté face
+toutjour cognoistre qu'elle desire secourir et remédier les affères de
+la dicte Dame.
+
+J'entendz que Mr Norrys a escript, du IIIe du présent, que la paix
+estoit desjà conclue dez le premier[13], et qu'il restoit rien plus à
+accorder que quelque formalité sur le désarmer et sur reconduyre les
+reytres hors de vostre royaulme, ce qui faict regarder à plusieurs
+icy, si Vostre Majesté vouldra incister plus fort, à ceste heure, au
+restablissement des choses d'Escoce, et s'il en pourra bien sortyr du
+différant entre la France et l'Angleterre; mais je leur en oste
+l'opinion le plus que je puys.
+
+ [13] Cette paix, connue sous le nom de _paix boiteuse et mal
+ assise_, parce qu'elle fut négociée par Mr de Biron, qui était
+ boiteux, et par le sieur de Mesmes, seigneur de Malassise, fut
+ conclue à Saint-Germain-en-Laye, le 11 août 1570. Les articles au
+ nombre de quarante-six sont rapportés dans l'édit de
+ pacification, donné à Saint-Germain, le 15 du même mois.
+
+Le présidant venu de la Rochelle est allé desjà une foys jusques à
+ceste court, et m'a l'on dict que, à cause des adviz et des lettres
+interceptés, qu'il disoit aporter concernant ceste princesse, elle l'a
+vollu ouyr, mais bien fort en secrect. Les depputez aussi des princes
+d'Allemaigne ont esté ouys une foys, et puys se sont retirez à
+Londres. Il semble que leur négociation demeure en quelque suspens par
+le retour d'ung Oynfild, qui vient freschement d'Allemaigne, l'y
+ayant, dez le moy de may, ceste princesse envoyé pour tretter
+d'aulcunes choses fort secrectement avec les dicts princes, et mesmes
+a heu grande communication avec l'évesque de Colloigne. La dicte Dame
+commance de n'avoir plus si suspecte la diette d'Espire comme l'on la
+luy faisoit, puisque le comte Pallatin y intervient. L'on dict que ung
+agent du jeune duc des Deux Ponts est venu poursuyvre icy, contre
+ceulx de la Rochelle, le payement d'environ quarante mil escuz, qui
+furent trouvez ez coffres du feu duc, son père; lesquelz monsieur
+l'Admyral print, avec obligation de la Royne de Navarre et des
+principaulx de l'armée, qu'ilz seroient acquittez contantz en
+Angeterre. Maistre Felton a esté, despuys trois jours, exécuté devant
+icelle mesme porte de l'évesque de Londres, où il avoit affiché la
+bulle, ayant soubstenu toutjour fort opinyastrément que l'interdict du
+Pape sur ceste Royne est juste et juridique. L'on continue aussi les
+exécutions en Norfolc. La dicte Dame poursuyt son progrez vers Oxfort,
+et a vollu que je soys sorty de Londres, à cause de la peste, pour
+pouvoir plus librement négocier avec elle. De quoi, Sire, et du
+desloignement de sa court, je crains demeurer moins bien adverty de
+beaucoup de choses au villaige que je n'étois à la ville, mais j'y
+mettray toutjour la meilleure dilligence que je pourray. Sur ce, etc.
+Ce XIe jour d'aoust 1570.
+
+ J'ay faict courir après ce pacquet, qui estoit desjà dépesché dez
+ le matin, pour y adjouxter la réception de voz lettres du IIIIe
+ du présent, qui m'ont esté rendues par mon secrétaire, avec la
+ bonne et desirée nouvelle de la paix; sur laquelle, après avoir
+ remercyé Dieu, et, de rechef, de tout mon cueur très humblement
+ baysé les mains de Vostre Majesté, j'en yray demain fère la
+ conjoyssance à ceste Royne, laquelle, à ce que j'entendz,
+ dépesche ung gentilhomme en France, mais ne sçay encores sur
+ quelle occasion.
+
+
+
+
+CXXVIIe DÉPESCHE
+
+--du XIIIIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais, par Bordillon._)
+
+ Résolution prise par la reine d'Angleterre d'envoyer Walsingham
+ en France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il y a trois jours que la Royne d'Angleterre avoit dépesché le
+Sr de Valsingan pour aller fère aulcuns offices vers Vostre Majesté,
+et pour les fère en une façon, si la paix estoit faicte, et en une
+aultre, s'il trouvoit qu'elle fût encores à fère; dont, à ceste heure,
+que j'ay envoyé demander audience à la dicte Dame pour la luy aller
+annoncer, toute bien faicte et bien conclue, elle m'a mandé que je
+seray le très bien venu avec ceste très bonne nouvelle, et qu'elle a
+desjà expédié ung sien gentilhomme en France pour vous en aller fère
+la conjouyssance de sa part; en quoy je vous suplie très humblement,
+Sire, lui agréer, et gratiffier en toutes sortes ceste sienne bonne et
+prompte démonstration, ainsy qu'elle s'atend bien que, pour avoir
+toutjour ouvertement déclairé qu'elle la desiroit, et pour s'estre
+offerte de s'employer à la fère, et mesmes pour avoir, durant la
+guerre, rejetté toutes les persuasions qu'on luy a données de se
+déclairer de l'aultre party, et avoir encores, sur le pourparlé de
+paix, procédé en sorte qu'elle veult bien estre veue d'avoir aydé en
+quelque chose à la conclurre, elle se répute avoir grandement mérité
+de vostre amytié. Et j'entendz, Sire, que, par mesmes moyen, elle vous
+fera tenir quelque propos du faict d'Escoce, estant le dict de
+Valsingan principallement envoyé pour notter et comprendre, aultant
+qu'il luy sera possible, à quoy, après ceste paix, va l'intention de
+Vostre Majesté, tant sur les choses qui ont passé du costé de ce
+royaume durant la guerre, que pour voir en quoy vous persévérez
+touchant celles du dict pays d'Escoce et touchant la Royne d'Escoce,
+vostre belle soeur; dont j'estime, Sire, que le plus de faveur et de
+grattiffication que pourrez monstrer sur celles premières, et plus de
+fermeté et persévérance ez aultres, sera ce qui plus donra
+d'accommodement à vostre service et plus de réputation à voz affères
+de deçà. Icelluy Valsingan est tenu icy pour bien habille homme, fort
+affectionné à la nouvelle religion, et très confidant du secrétaire
+Cecille; qui va desjà fère ung commencement d'essay en la charge que,
+à mon adviz, l'on luy a désignée d'ambassadeur ordinaire vers Vostre
+Majesté après Mr Norrys. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIVe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXVIIIe DÉPESCHE
+
+--du XVIIIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par l'homme du Sr de Valsingan._)
+
+ Audience.--Communication officielle donnée par l'ambassadeur à
+ Élisabeth de la conclusion de la paix en France.--Contentement
+ manifesté par la reine de cette nouvelle.--Vives démonstrations
+ en faveur du roi.--Promesse de la reine de hâter la conclusion
+ du traité avec Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le jour de la my aoust, j'ay esté porter la certitude de la paix
+de vostre royaulme à la Royne d'Angleterre, à Penleparc, qui est
+trente deux mil loing de Londres; laquelle a monstré non seulement de
+la bien recepvoir, mais d'en vouloir caresser et honorer la nouvelle,
+ayant faict parer sa court, et estant elle mesmes parée et
+merveilleusement bien en poinct; et m'a, à l'arrivée et au retour,
+faict mieulx recueillyr et accompaigner que de coustume, et encores me
+reconvoyer par des gentilshommes exprès une grand partie du chemyn, de
+sorte qu'elle et les seigneurs de son conseil, vers lesquelz j'ay
+faict aussi la conjoyssance de vostre part, n'ont rien obmiz de ce qui
+se peult monstrer d'extérieur pour donner entendre qu'ilz ont ung très
+grand plésir de cet accord. Mais, pour descouvrir quelque chose de
+l'intérieur, j'ay dict à la dicte Dame, en luy présentant les lettres
+et recommandations de Voz Majestez, que Dieu vous avoit faict la grâce
+de vous donner la paix avecques voz subjectz; et qu'aussitost que vous
+l'aviez peu conclurre vous luy en aviez faict la première part, affin
+de luy advancer, devant les aultres princes, voz alliez et confédérez,
+l'ayse et le playsir que vous estimiez qu'elle en recepvroit, parce
+que, plus que nul de tous eulx, elle avoit toutjour monstré de la
+desirer, et mesmes de se vouloir employer à la fère; dont cecy luy
+estoit ung très asseuré tesmoignage que vous n'en avez miz rien en
+oubly, et que vous luy rendrez la tranquillité de vostre royaulme
+aultant utille, comme elle avoit toutjour faict paroistre qu'elle
+l'auroit très agréable.
+
+La dicte Dame, usant de toutes les démonstrations d'ayse et de
+contantement qu'il est possible, m'a respondu qu'elle ne pouvoit assés
+à son gré vous remercyer de la faveur, que luy aviez faicte, de luy
+advancer ceste bonne nouvelle de vostre paix, ny assés s'en conjouyr
+avecques Voz Majestez; et que n'ayant heu moindre desir que vous
+mesmes de la voir bien succéder, ainsy que sa conscience l'en
+faisoit, à ceste heure, estre bien fort contente, et que la certitude
+s'en pouvoit encores vériffier par lettres et tesmoings, elle ozoit
+bien esgaller l'ayse qu'elle recepvoit d'en entendre la conclusion, à
+celluy que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, et Messieurs vos
+frères, voyre quel que soit de voz propres subjectz, en pouviez avoir;
+ce que estant bien conféré avec le peu de desir que vous sçavez que
+les aultres princes en avoient, elle vous layssoit à juger si une
+première conjouyssance ne lui en estoit pas deuhe, et pourtant que
+vous ne doubtissiez qu'elle ne la receust avec trop plus d'abondance
+de playsir et d'affection, qu'elle ne le pouvoit, par parolle ny par
+nulle aultre démonstration, bien exprimer; seulement elle prioyt Dieu
+de la vous fère, et à voz subjectz, très longuement et heureusement
+jouyr; et qu'encor qu'on luy eust vollu imprimer que vostre paix luy
+seroit ung commancement de guerre, et que vous vous layrriez aisément
+aller à l'instigation, que ses ennemys vous feroient, de la luy
+commancer sinon directement, au moins par moyens indirectz de la Royne
+d'Escoce, qu'elle ne le se vouloit toutesfoys persuader; et vous
+pryoit, de tant que vous estiez sur le poinct de vous former une
+inpression d'amytié ou d'ayne pour l'advenir, que vous vollussiez
+retenir elle et son royaulme, qui ne sont pas des plus grandz mais non
+aussi des moindres, au mesmes degré d'amytié qu'elle veult droictement
+persévérer vers vous et le vostre; et que, ayant auparavant proposé de
+vous dépescher le Sr de Valsingan, affin qu'il servyst à quelque bon
+effect entour la conclusion de la dicte paix, elle l'y feroit encores
+plus vollontiers passer, à ceste heure qu'elle estoit conclue, pour
+non seulement vous en aller fère la conjoyssance, mais vous remercyer
+infinyement de celle que vous luy en aviez desjà faicte.
+
+Je n'ay failly là dessus, Sire, d'user des meilleurs et plus
+convenables propos, que j'ay peu, pour mettre la dicte Dame en grande
+confiance de Vostre Majesté et de vostre royaulme; et, après avoir
+touché quelque mot du commandement, que me feziez, d'avancer toutjour
+les affères de la Royne d'Escoce; à quoy elle m'a respondu en très
+bonne façon et avec nouvelle promesse d'y procéder du premier jour,
+sellon qu'elle avoit bonnes nouvelles que les seigneurs escossoys des
+deux costez s'y vouloient disposer, elle m'a licencié avec tant de
+bonnes paroles et démonstrations de son contantement, et de vouloir
+donner toute satisfaction à Vostre Majesté, que je craindrois d'en
+diminuer la meilleure part, si je m'esforcoys de le vous vouloir
+davantaige exprimer: dont la layrray à tant jusques à la prochaine
+dépesche d'ung des miens, que j'envoyeray bientost devers Vostre
+Majesté, par lequel je vous feray amplement entendre toutes aultres
+choses. Et seulement, Sire, j'adjouxteray à ce pacquect la lettre, que
+la dicte Dame vous escript, oultre celles qu'elle a baillé au dict
+Valsingan pour Voz Majestez, lequel est desjà dépesché, et avecques
+luy le sir Henry Coban pour aller saluer, de la part de ceste Royne,
+la Royne d'Espaigne au Pays Bas; et croy qu'il passera jusques à
+Espire devers l'Empereur. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour d'aoust 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, j'obmetz, tout à esciant, d'escripre à Voz Majestez par ceste
+dépesche beaucoup de propos, qui ont esté tenuz entre la Royne
+d'Angleterre et moy en ceste dernière audience, pour les vous mander
+cy après plus expressément par ung des miens; et suffira, s'il vous
+playt, Madame, que, en ceste cy, je vous dye, sur la nouvelle que j'ay
+annoncée à la Royne d'Angleterre de la paix de vostre royaulme, qu'il
+ne se peult exprimer ung plus grand ayse que celluy que, en parolle et
+en semblant, elle a monstré d'en recepvoir; et croy que, sans la
+crainte des choses d'Escoce, que son cueur aussi s'y conformeroit.
+J'entendz qu'elle a prins quelque souspeçon de ce que les depputez des
+Princes n'ont faict rien entendre de ceste dernière conclusion à son
+ambassadeur, comme ilz avoient faict les aultresfoys; au moins n'en
+avoit il encores rien escript à la dicte Dame, quant j'ay esté devers
+elle, laquelle en estoit mal contante; et discouroient quelques ungs
+là dessus qu'il y pourroit bien rester encores quelque difficulté:
+tant y a que les choses d'icy ne layssent pourtant de prendre aultre
+forme, sur ce que je leur en ay desjà dict, mesmes en l'endroict de
+l'ambassadeur d'Espaigne, auquel aultrement l'on estoit prest de fère
+piz que jamais. J'espère qu'il en réuscyra aussi de l'utillité à
+vostre service. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXIXe DÉPESCHE
+
+--du XXIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par Guilliaume Beroudier._)
+
+ Rapport de ce que l'ambassadeur a pu savoir des instructions
+ données à Walsingham.--Conclusion définitive de la paix de
+ France.--Instance de l'ambassadeur pour que le roi se prononce
+ avec fermeté sur les affaires d'Écosse.--Effet produit en
+ Angleterre par l'assurance que la paix est définitivement
+ signée en France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ceste bien asseurée confirmation de la paix, qui m'est venue par
+les lettres de Vostre Majesté du XIe du présent, avec les articles
+d'icelle, qu'il vous a pleu par mesme moyen m'envoyer, ont miz la
+Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil hors de tout doubte qu'elle
+ne soit à présent bien conclue et arrestée; car, parce que Mr Norrys
+leur avoit escript que, de vostre costé, Sire, elle estoit bien
+signée, mais qu'elle restoit à signer par Messieurs les Princes et
+Admyral, et que Mr le cardinal de Chatillon n'en avoit encores nulles
+nouvelles, aussi que de dellà l'on mandoit que aulcuns s'y opposoient,
+et que le parlement de Paris ne la vouloit en façon du monde
+recepvoir, plusieurs ont estimé que la matière estoit encores bien
+acrochée; et le Sr de Valsingan mesmes, quant il m'est venu dire
+adieu, n'a sceu tenir son langaige si mesuré qu'il n'ayt assés monstré
+qu'il estoit dépesché sur telle opinion. Et j'ay despuys entendu que,
+l'ayant la dicte Dame faict arrester, lorsque je la suys allé trouver,
+jusques après qu'elle m'auroit ouy, aussitost qu'elle a comprins par
+mon récyt que les depputez estoient de rechef renvoyez avec les dicts
+articles vers les Princes, elle l'a soudain faict partyr, sur la
+mesme dépesche qu'elle luy avoit desjà baillée, luy mandant qu'il
+n'estoit besoing d'y rien changer.
+
+Or, Sire, ce que j'ay peu descouvrir de sa charge est qu'ayant ceste
+princesse l'esprit fort agité de tant de deffiances, que je vous ay cy
+devant mandées, et se trouvant mal satisfaicte de ce que ceste
+dernière conclusion de paix s'est menée si estroictement que son
+ambassadeur a souspeçonné y debvoir avoir des conventions qui la
+touchoient, puysqu'on les luy tenoit secrectes, elle a advisé
+d'envoyer cestuy cy tout exprès par dellà affin que, trettant avec
+ceulx de l'ung et l'aultre party, il puysse juger de quelle
+disposition, après la dicte paix, se trouvera Vostre Majesté et vostre
+royaume vers elle et le sien, avec commandement d'accommoder son
+parler à l'estat où il verra que les choses seront, et de se conduyre
+néantmoins en ce qu'il aura à négocier avec ceulx de la nouvelle
+religion, sellon certain règlement qui a esté arresté avec les
+depputez, qui sont icy, des princes d'Allemaigne, et dont l'ung d'eulx
+est allé avecques luy; et de mesler, à ce que j'entendz, parmy
+l'aparance d'exorter ceulx de la dicte religion à vostre obéyssance,
+qu'ilz veuillent bien regarder à l'establissement de ce qui leur sera
+promiz pour l'exercice d'icelle et pour l'establissement de la paix,
+et que, en ces deux choses, elle et les dicts princes ne sont pour les
+habandonner jamais, comme ilz ont encores tout présentement et auront
+toutjour toutes choses bien prestes pour les secourir; leur
+remonstrant aussi qu'ilz n'ont assés bien faict leur debvoir d'avoir
+obmiz, en l'instruction qu'ilz ont donnée à leurs depputez pour fère
+ce tretté, laquelle a esté envoyée icy de la Rochelle, et traduicte
+incontinent en anglois et imprimée à Londres, de n'y avoir faict
+quelque honnorable mencion d'elle et du bon reffuge qu'ilz ont trouvé
+en son royaulme, avec d'aultres particularitez que je suys bien ayse
+qu'elles n'arrivent qu'après la paix faicte; car possible n'eussent
+elles de guières servy à la conclurre.
+
+Et au regard de Vostre Majesté, j'entans, Sire, que sa commission
+porte que, au cas qu'il trouve les choses non encores bien accordées,
+qu'il vous offre toutz les moyens et offices, qui seront cognuz
+pouvoir procéder d'elle, pour vous ayder à les accorder avec vostre
+grandeur, réputation et advantaige; mais s'il trouve la paix desjà
+conclue, ainsy que, grâces à Dieu, elle l'est, qu'il vous en face la
+meilleure et plus expresse conjoyssance qu'il pourra, et qu'il vous
+exorte, Sire, à l'entretennement et observance d'icelle, avec offre de
+tout ce qui est en la puyssance de la dicte Dame pour vous assister
+contre ceulx qui la vous vouldroient traverser ou empescher; et vous
+prier, au reste, de ne vous laysser jamais persuader du contraire, car
+vous ayant elle jusques icy gardé ce respect d'avoir rejetté toutes
+les très véhémentes persuasions qu'on luy a données de se déclairer
+contre vous, elle proteste que, par cy après, elle ne le pourra plus
+fère; et que, si vous entreprenez la guerre contre la religion d'où
+elle est, qu'elle employera toutes ses forces, son estat et sa
+couronne à la deffance, faveur et protection d'icelle; et qu'elle
+entrera en la ligue des princes protestans contre Vostre Majesté,
+ainsy qu'ilz ont encores icy à ceste heure leurs ambassadeurs pour
+l'en solliciter; et avec charge aussi au dict Valsingan de vous fère
+entendre, de la part de la dicte Dame, touchant la Royne d'Escoce,
+qu'elle ne luy veult aulcun mal, ny veult en façon du monde procurer
+sa ruyne, que seulement elle cerche de s'asseurer des guerres et
+dangiers, qui luy ont esté toutjour imminentz du costé d'elle et de
+son royaulme, chose qu'elle estime que ne debvez trouver mauvaise; et
+qu'encores, pour l'amour de Vostre Majesté, sera elle contante d'user
+si honorablement vers la dicte Dame, que ung chacun jugera qu'elle luy
+aura la plus grande de toutes les obligations, qu'elle ayt jamais heue
+à personne de ce monde.
+
+Qui est tout ce, Sire, que j'ay aprins de la dépesche du dict
+Valsingan, et ne sçay encores s'il y a heu rien de plus ou de moins,
+ou de changé despuys; dont je suplie très humblement Vostre Majesté de
+gratiffier si bien à la dicte Dame ses bonnes parolles que ses
+intentions en puyssent toutjour devenir meilleures, car aussi estime
+elle vous avoir beaucoup obligé de ne vous avoir faict sentyr tant de
+mal et d'empeschement, de son costé, comme l'on l'a bien incitée et
+conseillée de vous en fère.
+
+Au regard, Sire, des choses d'Escoce, encores que la dicte Dame ayt,
+de rechef, très expressément donné parolle à Mr de Roz de procéder au
+tretté, aussitost que les depputez d'Escoce seront arrivez, car
+plustost n'y veult elle nullement entendre; néantmoins, de tant que je
+suys seurement adverty que le comte de Sussex, lequel a encores des
+forces en la frontière, et le secrétaire Cecille mènent des pratiques,
+et croy que [c'est] sans le sceu de la dicte Dame, pour tirer la
+matière en longueur et pour fère rentrer de rechef les Anglois en
+Escoce au secours du party du régent, qui se trouve le plus foible; il
+sera le bon playsir de Vostre Majesté d'en parler en telle sorte aulx
+ambassadeurs de la dicte Dame qu'ilz cognoissent que vous incistez,
+Sire, très fermement à la continuation et accomplissement du tretté et
+à l'entretennement de ce qui en est desjà arresté; ou autrement que
+vous n'estes pour manquer de secours à ceulx de voz allyés qui ont
+recours à vostre protection, et faveur. Et sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour d'aoust 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ce peu de temps qui a passé, despuys la première nouvelle de
+la conclusion de la paix, laquelle Voz Majestez m'escripvoient du
+IIIIe du présent, jusques à la confirmation que j'en ay présentement
+reçeue, qui n'est que six jours entre deux, nous a donné à dicerner
+ceulx qui desirent icy véritablement la paix de vostre royaulme, et
+l'establissement de vos affères, d'avec ceulx qui n'en cerchent que le
+perpétuel trouble et la diminution de vostre grandeur; et n'en est
+l'affection de la religion aulcunement la reigle, car plusieurs
+catholiques et plusieurs protestans meslez ensemble, bien que par
+divers respectz, monstrent d'en estre très marrys, et de mesmes
+plusieurs des deux partys s'en réjouyssent conjoinctement; mais ceulx
+sur toutz, ès quelz gist toute l'espérance de la religion catholique
+en ce royaulme, en font une très solemnelle resjouyssance, et desirent
+la conservation de vostre couronne, et croyent et espèrent que
+d'icelle a de procéder la réunyon de l'esglize et le restablissement
+de la religion catholique en ceste mesmes isle, aussi bien qu'en tout
+le reste de la Chrestienté, par les moyens que Dieu vous inspirera,
+plus qu'aulx aultres princes chrestiens, puysque à vous, plus qu'à
+eulx toutz, il vous a faict sentyr combien en est dangereuse et pleyne
+de toutz maulx la division.
+
+Les Huguenotz, qui estoient par deçà, commancent de n'y estre plus si
+bien veuz qu'ilz souloient, et n'y peuvent désormais vivre sans
+soupeçon. J'entendz que ceulx, qui estoient pirates, se vont peu à peu
+retirant, et Clément Joly, ayant réduict tout son équipage à deux bons
+navyres, s'en va avec Haquens, qui dresse une flotte pour retourner
+aulx Indes. Ceulx cy ont desjà miz dehors six de leurs grandz navyres,
+soubz la conduicte de maistre Charles Havart, filz de milord
+Chamberlan, lequel commandera en l'armée parce que l'admyral est
+mallade, et y en mettront encores quatre dans ceste sepmayne, mais ilz
+ne donnent grand presse aulx aultres vingt navyres, parce qu'ilz ont
+adviz que l'apareil du duc d'Alve ne peult estre prest, jusques
+envyron la St Michel, bien qu'ilz sçavent qu'il est allé desjà
+recuillyr la Royne, sa Mestresse, à Nimegen. Maistre Henry Coban
+s'apreste toutjour pour l'aller saluer, de la part de ceste Royne, et
+avecques luy s'en retourne par dellà le mesmes merchant depputé sur le
+faict des merchandises, nommé Fuiguillem, qui en est naguières revenu;
+et sur ce, etc. Ce XXIe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXXe DÉPESCHE
+
+--du XXVIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyée jusques à la court par La Bresle, chevaulcheur._)
+
+ Assurance de l'ambassadeur que l'armement des Anglais n'est pas
+ dirigé contre Calais.--Recommandation qu'il fait de se prémunir
+ néanmoins en France contre toute surprise.--Instance de la
+ reine d'Écosse pour obtenir du roi un secours efficace; sa
+ conviction qu'Élisabeth ne veut pas lui rendre la
+ liberté.--Nouvelles des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je n'ay trouvé nouveau l'adviz, qu'on vous a donné, de
+l'entreprinse de ceulx cy sur Callais, car je pense en avoir mandé
+quasi aultant à Vostre Majesté par le Sr de Sabran, sur le
+commancement de juillet, et vous avoir dez lors particullarisé quant,
+commant, et en quel lieu, ilz avoient proposé de fère leur descente,
+mais que bientost après ilz avoient changé de dellibération, parce
+qu'ilz avoient jugé que ce seroit attacher une grosse guerre, de
+laquelle ilz n'avoient ny rien de bien prest pour la commancer, ny nul
+moyen de la meintenir, sinon par noz troubles, lesquelz ilz voyoient
+desjà incliner à la paix; et aussi qu'il m'advint lors de toucher ung
+mot à quelcun des leurs de ce que j'en avois senty, et en mesmes temps
+Mr de Gordan saysyt des armes qu'on pourtoit à Callais, dont
+estimèrent que le tout estoit descouvert, de sorte que leur présent
+armement ne monstre qu'il soit à nul aultre effect que pour tenir la
+mer, sans pouvoir mettre gens en terre, ainsi que, pour en esclarcyr
+davantaige Vostre Majesté, je renvoye ce mesmes courryer pour vous en
+aporter l'estat, tel que je l'ay peu recouvrer, duquel encores il s'en
+fault beaucoup qu'il soit ainsy bien prest, comme le dict estat le
+porte; et ne le pourront avoir si soubdain faict plus grand, ny levé
+les gens de guerre que n'en soyons, de quelques jours devant,
+advertys. Néantmoins, Sire, ayant premièrement descouvert qu'ilz ont
+heu intention de tenter quelque chose sur le brullant desir de
+recouvrer Callais, et les voyant à ceste heure (bien que pour aultres
+fins) estre en armes, j'ay adverty Mr de Gordan, et les aultres
+gouverneurs de vostre frontière, de se tenir sur leurs gardes; et ay
+suplié Vostre Majesté, comme je la suplie encore très humblement, de
+leur mander de rechef qu'ilz ayent à se monstrer si préparez et
+pourveuz qu'ilz facent perdre à ceulx cy toute l'ocasion et la
+vollonté, qu'ilz pourroient avoir, d'y rien entreprendre.
+
+La Royne d'Escoce renvoye ung serviteur du Sr Douglas en France,
+auquel elle a commiz une dépesche pour Vostre Majesté; et croy, Sire,
+qu'elle vous persuade de tout son pouvoir, que, touchant sa liberté et
+restitution, vous ne vous en veuillez plus attandre à ce que la Royne
+d'Angleterre vous en fera dire ou promettre, car elle pense avoir
+assés d'aparans argumens pour juger que l'intention de ceulx, qui
+guydent les conseilz de la dicte Dame, n'est aulcunement d'y entendre,
+ains de s'opiniastrer, de plus en plus, à sa détention et à luy fère
+perdre son estat; ainsy que, despuys le commancement du tretté, ilz
+ont, soubz main, faict créer le comte de Lenoz régent en Escoce, et se
+préparent à ceste heure d'y envoyer gens, argent et tout aultre
+secours pour le maintenir; en quoy la dicte Dame me prie que, quoyque
+ceulx cy me puissent dorsenavant alléguer, je ne vous veuille plus
+entretenir en aulcune espérance du dict tretté; ains que je vous
+suplye très humblement, Sire, d'aller au devant de la malle
+entreprinse qu'ilz ont sur elle, premier qu'ilz l'ayent du tout
+ruynée, et premier qu'ilz ayent achevé de vous oster une telle allyée,
+et l'alliance, et les allyez que vous avez en elle, son royaulme et
+ses subjectz. Dont semble bien, Sire, que, ayant Vostre Majesté porté
+jusques icy, par voz vertueuses parolles et bonnes démonstrations,
+beaucoup de faveur aulx affères de la dicte Dame, lors mesmes que les
+vostres sentoyent plus d'empeschement, que, grâces à Dieu, ilz ne font
+à ceste heure, s'il vous playt d'en user meintennant de semblables, ou
+ung peu de plus expresses, et les fère sonner au Sr de Valsingan,
+avant qu'il s'en retourne, qu'elles seront de bien fort grand moment
+pour meintenir la cause de la dicte Dame, jusques à ce que y puyssiez,
+à bon esciant, adjouxter les effectz. Mais affin, Sire, que voyez
+plus clayrement quel il y fera, je vous manderay, du premier jour, par
+le Sr de Vassal, le plus particulièrement que je pourray, l'estat de
+toutes choses d'icy, et ce que la Royne d'Angleterre m'aura respondu
+sur le faict de son armement; laquelle je vays présentement trouver.
+
+Et ne vous diray davantage, Sire, sinon que le jeune Coban s'apreste
+toutjour pour passer en Flandres, et ne me suys trompé du jugement,
+que j'ay faict, qu'il yra jusques à Espire, dont je mettray peine
+d'entendre quelque chose de sa commission. La nouvelle de la paix de
+vostre royaulme a esté utille à l'ambassadeur d'Espaigne; car, oultre
+qu'elle est cause qu'on ne l'a resserré, l'on luy a despuys faict
+beaucoup de favorables démonstrations. Il est vray qu'on a envoyé
+surprendre, jusques dans le port de Bergues en Flandres, le docteur
+Estory et ung maistre Parquer, toutz deux Anglois catholiques, qui
+estoient là depputez par le duc d'Alve sur la visite des merchandises
+d'Angleterre pour les confisquer, et les a l'on transportez par deçà,
+et tout incontinent miz dans la Tour de Londres; en quoy l'on a
+manifestement viollé la franchise des Pays Bas, chose qu'on ne peult
+croyre que le duc d'Alve puisse aulcunement dissimuler. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVIe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXXIe DÉPESCHE
+
+--du Ve jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal._)
+
+ Audience.--Plainte de l'ambassadeur au nom du roi, qui est averti
+ que l'armement de la flotte d'Angleterre est destiné à une
+ entreprise sur Calais.--Vive protestation de la reine qu'elle
+ n'a jamais eu un pareil projet, et qu'elle n'a d'autre
+ intention que de repousser les attaques, qui pourraient être
+ dirigées contre elle.--Demande d'explications sur les armemens
+ faits en Bretagne.--Débat sur les délais apportés à la
+ conclusion du traité concernant Marie Stuart.--Nouvelle
+ invasion des Anglais en Écosse. _Mémoire._ Discussions des
+ Anglais sur la paix de France.--Leur crainte qu'une ligue
+ générale ait été formée contre eux.--Changement de conduite
+ d'Élisabeth à l'égard de l'ambassadeur d'Espagne.--Dispositions
+ prises pour éviter une attaque de la part du duc
+ d'Albe.--Résolution de faire sortir la flotte pour rendre
+ honneur à la reine d'Espagne, et se tenir prête au besoin à
+ livrer bataille.--Négociations d'Élisabeth en
+ Allemagne.--Nouvelles de la diète.--_Mémoire secret._ Assurance
+ donnée parle duc de Norfolk, depuis sa mise en liberté, qu'il
+ reste dévoué à la reine d'Écosse.--Nécessité d'imposer à la
+ reine d'Angleterre un délai, dans lequel le traité avec Marie
+ Stuart devra être conclu.--Utilité de faire quelque changement
+ dans la garnison de Calais.--Projet d'une entreprise du roi
+ d'Espagne sur l'Angleterre: insistance faite auprès de Marie
+ Stuart pour qu'elle s'abandonne entièrement au duc d'Albe du
+ soin de sa restitution.--Disposition d'Élisabeth à renouer la
+ négociation de son mariage avec l'archiduc Charles.--Avis d'une
+ correspondance entretenue avec l'Angleterre par quelqu'un qui
+ approche le duc d'Anjou.--Nouvelles répandues à Londres sur les
+ projets du roi.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, estant la Royne d'Angleterre en une mayson esquartée dans les
+boys, à quarante cinq mil de Londres, qui s'apelle Vuynck, elle m'a
+mandé dire que, si l'affère dont j'avois à luy parler estoit hasté, je
+vinsse prendre ma part de l'incommodité du lieu où elle estoit; mais,
+si ce n'estoit chose pressée, qu'elle me prioyt d'attandre jusques au
+VIIIe jour ensuyvant, qu'elle se randroit près d'Oxfort, en la mayson
+de Mr de Norrys, qui seroit plus commode. Et comme elle a entendu que
+je ne vouloys temporiser, et que j'estois desjà prez du dict Vuynck,
+elle a envoyé trois gentishommes pour me conduyre, non en la mayson où
+elle estoit, mais en une fueillée, qui lui estoit préparée pour tirer
+de l'arbaleste aulx dains dedans les toilles; auquel lieu elle est
+venue bientost après, grandement accompaignée, où m'ayant, avant
+descendre du coche, et après en estre descendue, fort favorablement
+receu, premier qu'elle se soit divertye à la chasse, m'a demandé des
+nouvelles de Voz Majestez.
+
+Et parce qu'on m'avoit dict que le Sr de Vualsingan, touchant son
+voyage en France, luy avoit escript qu'il trouvoit le monde par dellà
+mal contant de la paix, je luy ay bien vollu dire, Sire, que Vostre
+Majesté estoit venue à Paris en sa court de parlement pour y fère bien
+recepvoir les articles de la dicte paix, lesquelz y avoient esté
+acceptez avec ung grand consentz de tout ce sénat, et que de là vous
+en estiez allé randre grâce à Dieu en la grand esglize de Nostre Dame,
+et solemniser la feste de la my aoust; et que, le soir, estiez allé
+prendre le souper en l'hostel de ville, pour mieulx establyr le repoz
+entre ce grand peuple, lequel a accoustumé de servyr d'exemple aulx
+autres villes voysines; et que vous estiez après à regarder
+principallement à deux choses: l'une, de bailler argent aulx reytres
+et estrangiers, au premier jour de septembre, affin de les chasser
+eulx, et le trouble et malheur, hors de vostre royaulme; et l'aultre
+estoit de jouyr heureusement de ceste paix, premièrement avec voz
+subjectz, et puys avec les princes voz voysins, allyez et confédérez,
+chose qui estoit bien conforme à ce qu'elle m'avoit prié dernièrement
+de vous escripre: (que vous vollussiez conserver l'amytié des princes
+voz voysins, comme je la pouvois bien asseurer que vous la vouliez
+conserver droicte et entière envers elle, aultant qu'avec nul prince
+de vostre alliance); mais qu'il y avoit ung aultre ambassadeur, lequel
+je ne cognoissois point, qui vous avoit advisé, Sire, de penser tout
+aultrement d'elle en vostre endroict, et qu'elle avoit fermement
+résolu de vous fère bientost la guerre; dont je remercyois Dieu que la
+vigillance de celluy là m'eust relevé de la plus notable infamye, où
+gentilhomme eust peu tomber, d'avoir miz mon Roy, Mon Seigneur, et ses
+affères en ung manifeste dangier, s'il ne vous eust advisé d'y prendre
+garde, et de vous bien deffandre du costé, duquel je m'esforçoys de
+vous persuader que vous seriez le moins assailly; bien que je ne
+demeurois sans coulpe de m'estre layssé endormyr par ses bonnes
+parolles, sur ce que m'aviez commandé d'avoir les yeulx plus ouvertz,
+qui estoit l'observance et l'entretennement des trettez.
+
+Sur quoy la dicte Dame, pleyne d'esbahyssement, m'a demandé qui ce
+pouvoit estre, et que l'infamye tumberoit plus sur elle que sur moy,
+et qu'elle espéroit de nous en descharger si bien toutz deux que la
+honte en demeureroit à celluy qui la nous vouloit fère.
+
+J'ay suyvy à luy dire que je luy en communiquerois, au long et au
+plain, tout ce que Vostre Majesté m'en escripvoit, affin de procéder
+ainsy clairement vers elle, comme j'avoys faict jusques icy, et comme
+je la suplyois de ne me contraindre d'en user aultrement; car, pour ne
+le sçavoir fère, et pour ne mettre, par ma sotise, voz affères en
+dangier, j'aymois trop mieulx d'estre révoqué, et qu'elle me renvoyât
+d'où j'estois venu.
+
+Dont, luy ayant baillé là dessus la lettre de Vostre Majesté, avec
+l'adviz du VIIIe du passé, elle a leu très curieusement l'ung et
+l'aultre; et puys, sans avoir guières pensé, m'a dict qu'elle me
+feroit en cella une responce franche et pleyne de vérité: c'est
+qu'elle prioyt Vostre Majesté de croyre que l'adviz estoit tout
+entièrement faulx, et que, en son armement, elle n'avoit aultre
+entreprise que celle, qu'elle m'avoit faict escripre par ceulx de son
+conseil, et despuys confirmée de sa propre parolle, qui est celle,
+Sire, que je vous ay desjà escripte; et que, quant il se trouveroit
+aultrement, elle vouloit que vous la tinssiez pour descheue du rang de
+Vostre Majesté, où Dieu l'a constituée Royne légitime et Princesse
+chrestienne. Il est vray que chose semblable, ou peu différante, luy
+pouvoit avoir esté offerte, mais non de six mois en ça. A quoy elle
+vouhe à Dieu qu'elle n'a jamais vollu entendre, et ne le fera, soubz
+tant de bonnes parolles de paix et d'amytié, comme elle m'a prié vous
+asseurer de sa part; et qu'elle vouloit bien dire aussi qu'ayant
+Vostre Majesté procédé en bonne façon vers elle sur les affères de la
+Royne d'Escoce, qu'elle ne vouldroit que bien user vers vous, et
+achever droictement le tretté qui est là dessus commancé; mais que si,
+pour l'ocasion de la dicte Dame, laquelle vous sçavez qu'elle luy
+tient beaucoup de tort, vous la vouliez ennuyer, (ainsy que le comte
+de Betfort luy avoit escript despuys deux heures, du pays d'Ouest, que
+Vostre Majesté avoit douze navyres toutz prestz et garnys de toutes
+monitions de guerre à St Malo, pour les passer en Escoce, et
+n'attandoit on plus que les gens de guerre pour les mettre dessus; et
+que, d'abondant, vous aviez faict arrester en Bretaigne toutz les
+navyres anglois comme en temps de guerre,) qu'elle s'esforceroit de
+vous fère tout le pis qu'elle pourroit.
+
+Je répliquay, Sire, que je mettrois peyne de vous fère bien entendre
+sa responce touchant le faict de Callays; et je la prioys de vous en
+fère dire aultant par son ambassadeur, affin que peussiez cognoistre
+que ce que je vous en escriprois procédoit de son intention, ce
+qu'elle m'accorda; et, quant au reste, je la pouvois asseurer que je
+ne sçavois rien de l'apareil de St Malo, mais que je mettrois
+toutjours ma vie pour la seurté de la parolle, que vous luy aviez
+promise: tant y a que je la suplioys ne trouver mauvais, si, pour
+n'estre faulx ny desloyal à Vostre Majesté, je vous escripvois,
+touchant le faict d'Escoce, qu'elle nous remettoit à un tretté, duquel
+je n'espérois ny fin ny commancement: car elle n'y vouloit procéder
+jusques à ce que les depputez des seigneurs d'Escoce seroient arrivez,
+et le comte de Sussex empeschoit qu'ilz ne se peussent assembler pour
+en eslire quelques ungs; et que la création de ce régent, lequel avoit
+tout incontinent faict pendre trente trois bons serviteurs de la Royne
+d'Escoce, et les aultres rolles qui se jouoyent entre le dict comte de
+Sussex et les ennemys de la dicte Dame par dellà, me faisoient veoir
+qu'on ne tendoit à rien moins que à la paciffication.
+
+A cella la dicte Dame m'a respondu qu'il n'y avoit nul tort de sa part
+ny des siens, et qu'elle est toute résolue de procéder au dict tretté,
+et n'attand sinon une responce de la Royne d'Escoce, laquelle
+l'évesque de Roz luy doibt porter dans deux jours, pour, incontinent
+après, envoyer deux de son conseil devers elle affin de tretter
+ouvertement de tout ce qu'elles ont à démesler ensemble; et que
+j'asseure Vostre Majesté que, s'il y a nul des siens qui veuille
+traverser le dict tretté, qu'elle l'en fera amèrement repentyr. Et
+m'ayant la dicte Dame tenu plusieurs aultres fort gracieulx propos,
+tant du présent des haquenées qu'elle vous veult fère, que de ce
+qu'elle a envoyé saluer la Royne d'Espaigne et l'Empereur, estant
+venue l'heure de la chasse, elle print l'arbaleste, et tua six daims,
+dont me fit faveur de m'en donner bonne part; et au prendre congé, me
+pria très instantment de vous donner toute satisfaction d'elle sur le
+faict du dict Callais, et luy procurer pareille satisfaction de Vostre
+Majesté sur ce qu'on luy a dict de St Malo. Sur ce, etc. Ce Ve jour de
+septembre 1570.
+
+ Sur la closture de la présente, est venu adviz comme le comte de
+ Sussex est rentré en Escoce, ainsy que luy mesmes l'a escript.
+ Nous sommes après, icy, d'en demander réparation, et Vostre
+ Majesté y pourvoirra, s'il luy playt, par dellà.
+
+ OULTRE LE CONTENU DES LETTRES, le dict Sr de Vassal dira, de ma
+ part, à Leurs Majestez:
+
+ Qu'on juge icy diversement de la paix de France, car les ungs
+ disent que le Roy l'a faicte ainsy que monsieur l'Admyral l'a
+ vollue, luy laissant, après l'avoir veincu, plus d'exercice de sa
+ religion qu'il n'avoit auparavant, et toulz les estatz et villes
+ qu'il a demandé: les aultres, au contraire, disent que le dict
+ sieur Admyral s'est layssé aller aulx promesses du Roy, et qu'il
+ s'est condescendu aulx plus honteuses et dommaigeables condicions
+ de paix qu'il se pouvoit fère, ayant layssé perdre les
+ principalles esglizes, que ceulx de sa religion eussent ez bonnes
+ villes du royaulme, pour se contanter de quelques meschantz
+ faulxbourgs; et d'avoir soubmiz, de rechef, eulx et leurs biens
+ aulx parlemens, lesquelz leur sont capitalz ennemys; et d'avoir
+ accordé au Roy le quint de leur revenu pour payer les reytres,
+ dont beaucoup de Catholiques et de Protestans estrangiers, et
+ mesmement ceulx, qui n'ayment ny la grandeur ny l'establissement
+ du Roy, arguent par là qu'il y doibt avoir quelque secrecte
+ convention contre les estatz voysins; et descouvrent qu'en leur
+ cueur ilz sont marrys de la paix de France, et qu'ilz la
+ craignent.
+
+ Mais d'aultres plus modérez, qui en désirent la conservation,
+ jugent tout librement que nul moyen plus heureux, ny plus
+ prudent, ny plus conjoinct d'honneur avec proffict, se pouvoit
+ trouver au monde, que cestuy cy de la paciffication; par laquelle
+ le Roy a regaigné l'obéyssance de ses subjectz, et eulx la bonne
+ grâce sienne, et toutz ensemble chassé le trouble et le malheur
+ hors du royaume.
+
+ Et, à ce propos, la Royne d'Angleterre m'a dict que quelquefoys
+ ung prince pouvoit bien avoir fort bon droict sur un estat, qui
+ pourtant ne le jouyssoit pas, et que, hormiz le titre, il estoit
+ toutjour en peyne ou d'en conquerre ou d'en deffandre tout le
+ reste; et par ainsy que le Roy a conquiz, par ceste paix, le plus
+ beau royaulme de tout le monde; lequel auparavant il ne possédoit
+ pas, et dont nul aultre que le sien n'eust peu si longtemps
+ suporter les maulx de la division, sinon avec la mutation ou avec
+ la ruyne entière de l'estat, dont elle le conseille de ne le
+ mettre plus en hazard.
+
+ Néantmoins monstrans aulcuns des principaulx du conseil de la
+ dicte Dame qu'ilz craignent meintennant la dicte paix, ilz
+ donnent à cognoistre qu'ilz ne la desiroient pas; et mesmes ung,
+ qui sçayt assés de leurs secretz, a raporté qu'ilz ont dict que,
+ si leur entreprinse de Picardie n'eust point esté descouverte, et
+ que je n'en eusse rien senty, ou bien que monsieur l'Admyral eust
+ peu conduyre son armée vers la frontière du dict pays de Picardye
+ ou Normandie, ilz luy eussent bien donné moyen d'évitter
+ l'honteuse paix qu'il a faicte.
+
+ Et despuys la conclusion d'icelle, ceulx de ce pays n'usent de si
+ familière conversation avec les Françoys de leur mesmes religion,
+ comme ilz faisoient auparavant, et ne leur layssent nulz
+ marinyers anglois dans leurs vaysseaulx, bien qu'ilz n'en ayent
+ quasi point d'aultres; et seulement vers Mr le cardinal de
+ Chastillon ilz monstrent luy porter encores quelque honneur et
+ respect, pour l'obliger davantaige à estre ministre de conserver
+ la paix entre ces deux royaulmes.
+
+ Et, encor que de certains propos qu'on leur a faict acroyre, qui
+ ont esté naguières tenuz près du Roy, au préjudice de ce
+ royaulme; et de la rescente mémoire de la bulle, avec la division
+ qu'ilz voyent croistre toutjour parmy leurs subjectz; et de
+ certaine coppie de lettre qu'ilz pensent avoir recouvert, que le
+ duc d'Alve a escripte à Monsieur, frère du Roy, pour l'inciter, à
+ ce qu'ilz disent, contre eulx; et de l'advertissement, qu'ilz
+ ont, que le dict duc pourchasse, envers l'Empereur, de fère
+ mettre en arrest toutes les merchandises d'Angleterre, qui sont
+ en Hembourg, pour la réparation des prinses, que les Anglois ont
+ faictes en mer sur les subjectz de son Maistre, la dicte Dame et
+ les seigneurs de son conseil soyent entrez en de bien grandz et
+ divers pensements, néantmoins ilz n'en ont esté guières esmeuz
+ jusques à la nouvelle de la paix; mais lorsqu'ilz ont veu qu'elle
+ estoit conclue à l'honneur et advantaige du Roy, ilz n'ont heu
+ rien plus hasté que de consulter et dellibérer, tout incontinent,
+ comme ilz se pourroyent munyr contre l'orage, qu'ilz craignent
+ leur advenir; en quoy ilz ont pensé qu'ilz le pourroient divertyr
+ par gracieuses négociations et bonnes parolles, bien que possible
+ esloignées de ce qu'ilz ont en intention.
+
+ Et ont commancé de dépescher premier devers le Roy le Sr de
+ Vualsingan pour la conjouyssance de la paix, et pour luy donner
+ bonne espérance des affères de la Royne d'Escoce, avec le surplus
+ de sa commission, sellon que je l'ay mandé, en la sorte que je
+ l'ay peu descouvrir; bien que la dicte paix leur semble
+ formidable parce qu'ilz n'ont esté appellez à la fère, et que les
+ principaulx, qui guident les conseilz de la dicte Dame,
+ s'opinyastrent, de plus en plus, à la détention de la Royne
+ d'Escoce, et à interrompre le tretté encommancé, pour fère de
+ rechef rentrer les Anglois en Escoce, ainsy que l'empeschement
+ qu'on a donné à Mr de Leviston en la frontière, pour créer
+ cependant le comte de Lenoz régent, et la forme de procéder du
+ comte de Sussex contre ceulx du party de la Royne d'Escoce, le
+ tesmoignent; dont le Roy me commandera s'il sera expédiant que je
+ tire de la dicte Royne d'Angleterre une résolue responce sur le
+ dict affère.
+
+ Et pour le regard du Roy d'Espaigne, ayans eulx pensé de tretter
+ plus mal que jamais son ambassadeur, et luy ayant mandé par ung
+ sien secrétaire que la Royne d'Angleterre ne le tenoit plus pour
+ ambassadeur, et faict dire par deulx aldremans qu'il s'en vînt
+ trouver ceulx du conseil à St Aulban, à XL mil de Londres, où
+ j'ay sceu despuys qu'ilz avoient faict préparer ung logis pour le
+ resserrer; l'asseurance de la paix n'est si tost arrivée qu'on
+ n'ayt changé de toute aultre façon en son endroict, l'envoyant
+ visiter avec bonnes parolles et offres d'accord sur les
+ différans; et luy ont envoyé Haquens pour se justiffier de ce
+ qu'on luy avoit rapporté qu'il dressoit une flotte pour aller aux
+ Indes, qui l'a asseuré qu'il n'en estoit rien, et qu'il n'avoit
+ intention de naviguer en lieu d'où le Roy, son Mestre, peult
+ estre offancé. Ilz ont envoyé Fuyguillem devers le duc d'Alve,
+ et ont dépesché le jeune Coban devers la Royne d'Espaigne, avec
+ les plus expresses parolles et les meilleures démonstrations
+ d'amytié, dont ilz se sont peu adviser.
+
+ Et néantmoins, ne se trouvans bien satisfaictz de la responce,
+ que le duc d'Alve leur a faicte touchant son armement, parce
+ qu'il a faict mencion qu'il estoit dressé contre les ennemys, ilz
+ ont résolu de se présenter en mer, quant la dicte Dame passera,
+ et de disposer leurs grands navyres, en sorte qu'ilz luy gaignent
+ le vent, (ainsi qu'ilz disent qu'ilz ont cinq ventz qui leur
+ servent et qui leur donnent l'advantaige,) et en ceste sorte la
+ saluer et luy monstrer toutz signes d'amytié; mais s'il n'est
+ prins en ceste sorte de l'aultre part, et qu'ilz ne ressaluent,
+ et ne rendent les mesmes signes d'amytié et d'amayner, avec la
+ soumission requise, que, à la moindre mauvaise démonstration
+ qu'ilz feront, ceulx cy se tiendront pour provoquez, et
+ attacheront le combat. Et y a grande apparance que, si la dicte
+ Dame est contraincte, par quelque occasion de temps, de relascher
+ par deçà, qu'elle ne s'en pourra partyr quant elle vouldra, bien
+ qu'on luy fera tout l'honneur et bon trettement qu'il sera
+ possible; et monstrent ceulx cy estre toutz advertys de l'apareil
+ du duc d'Alve et de celluy d'Espaigne, mais ne craindre l'ung
+ ni l'aultre; et ont donné charge par tout le pays d'user de
+ signalz pour courir aulx portz, au cas que l'on y aborde, affin
+ d'en demeurer les maistres.
+
+ Et ont donné charge au susdict jeune Coban, après qu'il aura
+ visité la Royne d'Espaigne, de passer oultre devers l'Empereur,
+ avec lettres, parolles et offres de grande amytié et de grande
+ intelligence en son endroict; et pour l'exorter de demeurer en
+ bonne unyon avec les princes de l'Empyre; et luy donner compte
+ des différans des Pays Bas; et aussi, à ce que j'entendz, quelque
+ peu des choses d'Escoce; mais surtout de le prier qu'il n'ordonne
+ rien en Hembourg contre les Anglois, ny contre leurs
+ merchandises; et, affin de le disposer mieulx vers elle, que
+ icelluy Coban luy remettra en termes, avec affection, le propos
+ du mariage avec l'archiduc son frère, bien que nul se peult
+ persuader qu'elle ayt intention de l'effectuer.
+
+ Et cependant, en l'endroict du dict Empereur et des aultres
+ princes catholiques, elle faict valoir et se sert de ceste
+ légation des princes protestans, qui ont encores icy leurs
+ ambassadeurs; et je les ay faict fort observer, et ay trouvé que
+ entre eulx y a ung docteur, qui a seul la charge de toute la
+ négociation, et porte seul la parolle, sans en rien conférer aulx
+ aultres, personnaige si secret et réservé, qu'on ne peult tirer
+ ung seul mot de luy: seulement l'on m'a adverty qu'il a porté une
+ lettre à la dicte Dame, soubsignée de plusieurs princes, sçavoir;
+ des trois ellecteurs Pallatin, de Saxe, Brandebourg, les premiers
+ des lansgraves, après et succecifvement d'aultres, jusques à
+ douze des principaulx d'Allemaigne; réservé cellui de Vitemberg,
+ qui a accepté, à ce qu'on dict, pencion du Roy d'Espaigne, et
+ qu'en la dicte lettre est faicte mencion de ce que le Roy leur a
+ escript de la paix, et la responce qu'ilz luy ont faicte, et
+ qu'ilz exortent la dicte Dame d'espérer toutjour bien d'eulx, et
+ de s'asseurer que toutz ensemble luy demeureront bien unys en
+ affection et intelligence, ainsy qu'ilz le luy ont promiz; et
+ qu'ilz n'obmettront rien de ce qui sera requiz pour
+ l'establissement de leur religion, et pour la seurté des princes,
+ peuples et estatz, qui l'ont receue; et que, sur la dicte lettre,
+ il a heu quatre foys conférance, à part, avec la dicte Dame,
+ laquelle, à mon adviz, l'entretiendra jusques après avoir heu
+ responce des aultres princes, car elle ne se veult vollontiers
+ obliger à nulle ligue, et ne le fera sinon bien contraincte, de
+ tant que les plus grandz frays en auroient à tumber sur sa
+ bourse.
+
+ Ce qui s'entend icy de la diette est que les trois ellecteurs ont
+ fort suspecte la proposition, que l'Empereur y a faicte, parce
+ qu'il leur semble qu'elle tend à leur oster l'authorité des
+ armes, et de ne pouvoir fère levées de gens de guerre en
+ Allemaigne, et de diminuer la grandeur de celluy de Saxe, par
+ prétexte de relever celle de ses cousins; et que le dict Empereur
+ finira la dicte diette par tout le moys d'octobre, pour s'en
+ retourner avant l'yver à Vienne, non sans en avoir premièrement
+ indicté une aultre; et qu'encores qu'il n'ayt, pour ceste foys,
+ procédé à la création du roy des Romains, il a néantmoins si bien
+ dressé la pratique, que, pourveu qu'il puysse gaigner les trois
+ eclésiastiques, dont ne se deffye plus que de celluy de
+ Colloigne, il espère qu'il le pourra effectuer, en baillant le
+ tiltre de roy de Bohème à ung tiers pour avoir ceste voix
+ davantaige aulx suffrages; et n'y obstera plus que le reiglement
+ de la bulle dorée de n'admettre tant d'Empereurs d'une mesmes
+ famille, mais le Pape y dispensera; et semble bien que, cella
+ advenant, l'on procédera aussi à la privation du Pallatin, car
+ l'on a opinion que, celluy là séparé des trois, les aultres deux
+ demeureront bien foybles, et que le plus grand soing, qu'ayt à
+ présent le Roy d'Espaigne, est de fère créer son nepveu roy des
+ Romains pour la conservation de ses Pays Bas et de ses estatz
+ d'Itallye, et qu'il n'espargne peyne, ny argent, ny nul de toulz
+ les moyens dont il se peult adviser, pour l'effectuer.
+
+ DIRA D'ABONDANT, A PART, A LEURS MAJESTEZ:
+
+ Que le duc de Norfolc, despuys estre hors de la Tour, m'a envoyé
+ remercyer des bons offices, qu'il a sentys de ma bonne vollonté
+ durant sa pryson, lesquelz luy ont esté d'un singulier espoir et
+ très grande consolation; et s'asseurant que cella est procédé du
+ commandement de Leurs Majestez Très Chrestiennes, il m'a prié de
+ leur en bayser très humblement les mains de sa part, et de les
+ asseurer qu'après sa Mestresse, il leur demeure très dévot et
+ fidelle serviteur plus qu'à nul prince de la terre, et qu'il leur
+ recommande toutjour la cause de la Royne d'Escoce, pour la
+ restitution de laquelle il veult mettre sa personne, sa vie et
+ son bien.
+
+ Il suplie néantmoins Leurs Majestez que l'expécial propos de sa
+ dévotion et affection, vers leur service et vers la Royne
+ d'Escoce, ne passe plus avant que entre Leurs dictes Majestez et
+ Monseigneur, pour le dangier qu'il y a que, s'il estoit sceu de
+ deux endroictz, lesquelz j'ay expéciffiez au Sr de Vassal, il ne
+ luy en advint beaucoup de mal; bien desire qu'en ce que Leurs
+ Majestez vouldront parler en leur conseil des gens de bien et
+ principaulx de ce royaulme, qui desirent la continuation de la
+ paix, et l'entretennement des trettez d'entre la France et
+ l'Angleterre, et la restitution de la Royne d'Escoce, qu'ilz luy
+ facent l'honneur de le nommer toutjour des premiers.
+
+ Leurs Majestez ont veu de quelle façon j'ay procédé ez affères de
+ la Royne d'Escoce, et parce qu'il semble adviz à la dicte Dame
+ que je me repose trop sur les parolles de la Royne d'Angleterre,
+ et que par icelles je pourrois interrompre le bon secours qu'elle
+ attend du Roy, elle m'a escript: dont Leurs Majestez, s'il leur
+ playt, orront là dessus le dict Sr de Vassal, et me manderont par
+ luy comme j'en auray à user, et si le Roy trouvera bon que, de sa
+ part, je face instance à la Royne d'Angleterre de restablyr, dans
+ ung moys, la Royne d'Escoce en son estat par la voye du tretté,
+ en s'acommodant entre elles mesmes de leurs différans, ou bien
+ luy bailler son secours pour estre remise; et, à faulte de ce
+ fère, que la dicte Royne d'Angleterre trouve bon que le Roy luy
+ baille le sien, soubz bonne seurté qu'il ne portera aulcun
+ dommaige ny à la Royne d'Angleterre, ny à son royaulme, ny
+ n'usera par mer, ny par terre, vers elle, ny vers les Anglois,
+ sinon comme avec bons amys, allyez et confédérez, pourveu qu'ilz
+ facent de mesmes.
+
+ Au regard de l'adviz, qu'on a donné au Roy, de l'entreprinse de
+ Callais, je pense avoir toutjour mandé à Sa Majesté ce qui en a
+ esté ordinairement proposé à ceste Royne et à son conseil,
+ despuys que je suys par deçà, et les choses n'en sont pas passées
+ plus avant. Il est vray que milord Coban, despuys le XVe d'aoust,
+ a faict entendre à la dicte Dame que, si elle veult entretenir
+ quelques compaignies, l'espace de deux ou trois moys, toutes
+ prestes, en la coste de deçà, qu'il a promesse d'aulcuns, qui
+ habitent dans la ville et territoire de Callais, lesquelz ont
+ desjà prins argent de luy, de les mettre d'emblée dedans la dicte
+ ville, et de surprendre Mr de Gordan, et de le luy randre
+ prysonnier entre ses mains. A quoy la dicte Dame a respondu que
+ son advertissement venoit tard, de tant que la paix estoit desjà
+ conclue en France; et qu'il fauldroit rompre toutz les trettez et
+ commancer, à ceste heure, qui est bien hors de sayson, une grosse
+ guerre; en quoy je suplie très humblement Sa Majesté de regarder
+ s'il sera bon que la garnyson du dict Callais soit changée,
+ puisque les choses en sont en cest estat.
+
+ Touchant l'intention, que le Roy d'Espaigne a sur les choses de
+ ceste isle, il se descouvre, de plus en plus, qu'il dellibère d'y
+ fère quelquefoys ung essay, quant il en aura le moyen; car il a
+ mandé à son ambassadeur qu'il entretienne les plus vifves qu'il
+ pourra, les bonnes intelligences qu'il a dans le pays, et que,
+ quant bien on le vouldroit renvoyer, qu'il ne bouge en façon du
+ monde de sa charge, jusques à ce que tous les différans de ces
+ prinses soyent vuydez; et, quant au faict de la Royne d'Escoce,
+ que le duc d'Alve a commandement résolu de la secourir, mais ne
+ dict en quelle façon; seulement le dict ambassadeur inciste
+ qu'elle se veuille mettre ez mains du dict duc, et que, sans
+ doubte, il pourvoirra à ses affères et à sa restitution.
+
+ La Royne d'Angleterre, vivant en très grand deffiance du Roy
+ d'Espaigne, et en peu de confiance du Roy, a mandé à l'Empereur
+ que, si l'archiduc Charles veult passer en Angleterre, qu'il y
+ sera le très bien venu, et que n'estant demeuré la conclusion de
+ leur mariage que sur le différand de la religion, elle espère que
+ ses peuples luy accorderont l'exercice de la catholique à luy et
+ à sa mayson très vollontiers, en contemplation de ce mariage. Et
+ à quoy que aille ce jeu, car quelques ungs l'extiment plein de
+ tromperie, la dicte Dame commance de publier qu'elle assemblera
+ bientost ung parlement pour cest effect; et, en la dernière
+ audience, elle m'a dict qu'elle n'avoit nul aultre regrect, sinon
+ de n'avoir pensé à sa postérité, et comme je luy respondiz qu'il
+ y avoit encores assés temps: «Je crains, dict elle, que mon temps
+ ayt emporté la vollonté à ceulx qui y eussent vollu prétendre.»
+
+ Il y a ung certain personnaige prez de Leurs Majestez et de
+ Monseigneur, qui escript assés souvent au secrétaire Cecille par
+ aultre voye que celle de Mr Norrys, et naguières luy a envoyé
+ deux lettres, lesquelles le Sr Espinolla et Fortivy luy ont
+ baillées, par où il s'esforce merveilleusement de broiller les
+ matières par deçà, et aigrir ceste princesse, et la mettre en
+ grand deffiance du Roy; mais le plus souvant il luy représente
+ des motz et des propos, qu'il dict que Monsieur a tenuz contre
+ elle, tant en sa chambre que en ses repas: et, en toutes sortes,
+ celluy là se monstre si malicieulx que ung Anglois, qui a
+ communication des dictes lettres, lequel n'ayme pas beaucoup la
+ France, mais ne vouldroit pourtant que la guerre se print entre
+ les deux royaumes, m'en a faict toucher assés expressément ung
+ mot, affin que j'advertisse Leurs Majestez, mesmement Monsieur,
+ de fère observer qui peult estre celluy qui faict ung si mauvais
+ office près d'eulx. Il ne se soubscript guières aux lettres,
+ seulement il s'est une foys soubsigné _Emanuel_. Il y a en son
+ cachet ung lyon rampant, et compose assés souvent ses lettres,
+ partie en itallien, partie en françoys, et partie en latin. Il
+ avoit mandé cy devant plusieurs choses, lesquelles, ayant esté
+ trouvées manteuses, on n'y adjouxte grand foy; mais, despuys
+ trois moys, ayant faict entendre à Mr Norrys que Leurs Majestez
+ le feroient appeller pour luy tenir ung tel et ung tel propos, et
+ estant ainsy advenu, il a fort regaigné son crédit.
+
+ Il a esté escript une lestre de ceste court en la contrée, dont
+ les chefz m'ont esté raportez: c'est que la paix de France a esté
+ conclue au préjudice et pour aller faire la guerre aulx Pays Bas;
+ que le Roy ne prétend plus espouser la fille de l'Empereur, ains
+ la soeur du Prince de Navarre, et donner Madame, sa soeur, en
+ mariage au dict Prince de Navarre, ayant pour cest effect
+ interrompu le propos du Roy de Portugal, et que Mr de Guyse avoit
+ prétandu d'espouser Ma dicte Dame, soeur du Roy: à quoy Mr le
+ cardinal de Lorrayne luy tenoit la main, dont toutz deux en sont
+ mal veuz à la court.
+
+
+
+
+CXXXIIe DÉPESCHE
+
+--du Xe jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._)
+
+ Maladie de l'ambassadeur.--Mission de sir Henri Coban auprès de
+ la reine d'Espagne et du duc d'Albe.--Continuation des armemens
+ en Angleterre.--Troisième invasion du comte de Sussex en
+ Écosse; changement apporté dans ses résolutions par la nouvelle
+ de la paix de France.--Demande d'une réparation pour cette
+ dernière atteinte portée aux traités.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, despuys mes précédantes, lesquelles sont du cinquiesme du
+présent, je n'ay point sorty de mon logis à cause d'une grosse
+fiebvre, qui m'avoit desjà surprins, quant j'allay trouver la Royne
+d'Angleterre à Vuynck, et ce voyage là me l'augmenta bien fort, parce
+que je le fiz par ung bien mauvais temps, de sorte qu'il ne m'a esté
+possible de me ravoyr jusques à ceste heure, que, grâces à Dieu, je
+commence à me trouver mieulx, et pourray continuer le service de
+Vostre Majesté comme auparavant; et si, ne l'ay tant intermiz, durant
+mon mal, que je n'aye toutjour heu soing de m'enquérir comme alloient
+les affères en ceste cour; d'où l'on m'a raporté, Sire, qu'on y est
+fort attendant de sçavoir quelle aura esté la négociation du Sr
+Vualsingan devers Vostre Majesté, ainsy que le sir Henry Coban a desjà
+mandé, touchant la sienne de Flandres, qu'il a esté bien veu du duc
+d'Alve, et bien fort gracieusement receu de la Royne d'Espaigne, et
+qu'elle a monstré tenir grand compte du messaige qu'il luy a faict de
+la part de la Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et luy a grandement
+gratiffié non seulement les bonnes parolles et offres, que la dicte
+Royne d'Angleterre luy a mandées, mais encores le voyage qu'elle luy
+a commandé fère devers l'Empereur, son père; dont, pour ceste
+occasion, elle l'a tant plustost licencié avec faveur et avec ung
+présent d'une chayne de quatre centz escuz. Il a mandé aussi la belle
+distribution et consulte, qui a esté faicte, de beaucoup de bienfaictz
+aulx seigneurs de Flandres, à l'arrivée de la dicte Dame; ce que l'on
+estime qui confirmera grandement le pays à la dévotion du Roy, son
+mary, et d'elle.
+
+Ceulx cy cependant se hastent de getter dix grands navyres dehors, et
+maistre Charles Havart, qui a charge d'y commander, est passé, despuys
+trois jours, en ceste ville avec les capitaines et gentishommes qui le
+vont accompaigner. L'on dit que, parce que le duc d'Alve a miz douze
+navyres en mer pour la conserve de la pescherie, que ceulx cy se
+veulent trouver en esgalles forces dans ce canal.
+
+Le comte de Betfort est encores au pays d'Ouest, où a semblé, du
+commancement, qu'il n'eust esté envoyé que pour dresser certayne
+flotte, de laquelle je vous ay desjà mandé que Haquens se préparoit
+pour la conduyre aulx Indes; mais s'en estant despuys le dict Haquens
+venu excuser envers l'ambassadeur d'Espaigne, et l'asseurer qu'il n'a
+point pensé en la dicte entreprinse, et ne cessant pourtant le dict
+Betfort de fère toutjour armer et équiper vaysseaulx au dict quartier
+d'Ouest, je ne puys fère que je ne suplie très humblement Vostre
+Majesté d'en fère donner adviz aulx gouverneurs de voz portz et places
+de dessus ceste mer; et je mettray peyne d'en fère aussi advertir en
+Escoce, car, pour ceste heure, je ne puys descouvrir rien de plus
+particullier de la dicte entreprinse; seulement, Sire, par un nouvel
+adviz qu'on m'a donné, je me confirme en l'opinion, que je vous ay
+desjà mandée, qu'il est expédiant de changer quelque partie de la
+garnyson de Callays sellon que Mr de Gordan estimera qu'il se debvra
+fère, en la vertu et vigilance duquel ceulx cy cognoissent bien que
+conciste grandement la conservation de ceste place.
+
+Le comte de Sussex a escript freschement une lettre au comte de
+Lestre, en laquelle il s'esforce de fère trouver bon son dernier
+exploict en Escoce, encores qu'il l'ayt exécuté sans le commandement
+de ceste Royne ni de ceulx de son conseil, alléguant qu'il a estimé
+importer beaucoup à l'honneur de la couronne d'Angleterre, et bien
+fort à sa propre réputation, de ne laysser inpuny ung seul de ceulx
+qui ont retiré et soubstenu les rebelles de ce royaulme; et qu'à la
+vérité, il se soucye bien fort peu que la Royne d'Escoce et les siens
+se trouvent offancez, pourveu qu'il ayt bien servy à la Royne, sa
+Mestresse; mais qu'il a entendu que la paix est conclue en France,
+sans que la dicte Royne, sa Mestresse, y soit comprinse, ny sans
+qu'elle s'y soit entremise si avant qu'on ayt grand occasion de luy en
+sçavoir grâce; par ainsy qu'il crainct que Vostre Majesté tourne
+meintennant ses entreprinses aulx choses d'Escoce, et qu'il luy semble
+que la Royne, sa Mestresse, les doibt accommoder, le plustost qu'il
+luy sera possible, avec la Royne d'Escoce, et la restituer par ses
+propres moyens, sans attandre que les estrangiers y mettent la main.
+Qui est desjà, Sire, bon commancement de veoir réprimé, par
+l'establissement de la paix et de vos affères, le cueur de cestuy cy,
+qui monstroit de l'avoir merveilleusement obstiné; et le réprimera
+aussi, comme j'espère, à plusieurs aultres, qui se débordoient, à
+cause des troubles de vostre royaulme, en plusieurs audacieuses
+entreprinses contre vostre grandeur.
+
+Or n'ayant, Sire, pour mon indisposition, peu aller trouver la Royne
+d'Angleterre, affin de me plaindre du dict comte de Sussex; et estant
+aussi Mr de Roz conseillé de n'y aller point, toutz deux avons escript
+à la dicte Dame et aulx seigneurs de son conseil, et, pour mon regard,
+je leur ay demandé, au nom de Vostre Majesté, que rayson et réparation
+soit faicte des choses attamptées au préjudice du tretté, et que la
+dicte Dame me veuille mander quelle satisfaction j'auray à donner à
+Vostre Majesté de ceste dernière expédition du dict de Sussex, et en
+quelle intention elle demeure du susdict tretté; dont l'on m'a desjà
+adverty qu'il me sera faict une bien fort bonne responce, aussitost
+que le secrétaire Cecille se trouvera ung peu mieulx; lequel, pour
+quelque indisposition, n'a ozé, il y a plus de six jours, venir en la
+présence de la Royne, sa Mestresse; et maistre Mildmay a esté envoyé
+quéryr en dilligence, affin que le dict Cecille et luy, et Mr
+l'évesque de Roz s'acheminent incontinent devers la Royne d'Escoce.
+Sur ce, etc. Ce Xe jour de septembre 1570.
+
+ Je viens d'estre adverty que le sire Guilhemme Stuart est
+ présantement arrivé d'Escoce, de la part du comte de Lenoz; je
+ croy que c'est pour mettre quelques mauvais partys en avant: nous
+ prendrons garde à sa négociation.
+
+
+
+
+CXXXIIIe DÉPESCHE
+
+--du XVe jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par Me Lavaur Féron._)
+
+ Sortie en mer d'une partie de la flotte anglaise.--Explications
+ données par Élisabeth sur la récente expédition du comte de
+ Sussex en Écosse.--Nécessité de se montrer prêt en France à
+ porter secours aux Écossais.--Message du cardinal de Chatillon
+ à l'ambassadeur.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, lundy dernier, XIe de ce moys, le sire Charles Havart est sorty
+en mer avec dix grandz navyres seulement de ceste Royne et envyron
+trois mil cinq centz hommes dessus, envitaillez pour deux moys, dont
+les huict centz sont harquebouziers; le surplus de l'armement se va
+entretennant en petitz appareilz, sans y donner trop grand haste: dont
+semble qu'on se contantera d'honnorer le passaige de la Royne
+d'Espaigne de ce nombre de dix vaysseaulx, sans en mettre davantaige
+dehors; et qu'on tiendra le reste de l'armée preste pour ung besoing,
+si d'avanture quelque ocasion survenoit, comme, à la vérité, ceulx cy
+ne se peuvent fyer ny aulx parolles ny aulx démonstrations du duc
+d'Alve. Néantmoins ilz ont, despuys la paix de vostre royaulme, changé
+de dellibération touchant les choses d'Espaigne, car ayant proposé,
+commant que ce fût, de renvoyer ou bien de resserrer estroictement
+l'ambassadeur d'Espaigne, j'entendz qu'ilz ont meintennant résolu en
+ce conseil de ne parler plus de cella, et que la Royne d'Angleterre se
+layssera conduyre à luy permettre de continuer son office vers elle,
+si son Maistre le requiert; bien qu'elle ne le peult avoir guières
+agréable parce qu'elle estime qu'il a dict et faict aulcunes choses
+directement contre elle et contre l'estat de son pays.
+
+Au regard de ce que j'avois escript à la dicte Dame, et aulx seigneurs
+de son conseil, de me fère rayson et réparation du dernier exploict,
+que les Anglois ont faict en Escoce, la dicte Dame m'a mandé que je ne
+vouldray estre si inique juge que de condampner l'une des parties sans
+l'ouyr; et que je n'imputeray la coulpe de ce faict au comte de Sussex
+son lieuctenant, quant j'entendray que milord Herys et aultres, de la
+frontière d'Escoce, sont venuz accompaigner en armes les rebelles de
+ce royaume pour courre et piller de rechef la frontière d'Angleterre,
+et fère de telles insolances qu'ilz ont donné de très grandes
+occasions au dict de Sussex de leur courre sus; choses toutesfoys
+qu'elle m'asseure estre advenu sans son commandement et sans
+l'ordonnance de son conseil, et en laquelle le dict de Sussex a
+procédé de luy mesmes, mais avec telle modération qu'il n'a touché
+qu'à ceulx qui l'avoient provoqué, dont le dommaige n'est pas grand,
+et il s'est desjà retiré; et elle luy a mandé qu'il ne passe plus
+oultre, parce qu'elle est résolue de pourvoir par le tretté à toutz
+ces différans, qu'elle a avec la Royne d'Escoce et son royaulme, ainsy
+que desjà elle a ordonnée à maistre Mildmay et au secrétaire Cecille
+d'aller, pour cest effect, devers la dicte Dame; et, en ce qu'il
+semble que je me voulois atacher à sa parolle et promesse, qu'elle me
+veult bien dire que je n'ay heu nulle occasion et ne l'auray jamais de
+me plaindre qu'elle ne me l'ayt toutjour randue véritable, me priant
+de vous donner là dessus, Sire, ceste mesmes satisfaction de
+l'expédition de son lieuctenant, affin que Vostre Majesté ne la
+preigne en pire part qu'elle n'est. Qui est tout ce que la dicte Dame
+et ceulx de son conseil ont respondu à ce que je leur avois escript.
+
+Or, Sire, il semble bien par aulcunes coppies de lettres, que j'ay
+veues du dict de Sussex, et par ce que Mr le comte de Lestre m'en a
+faict entendre, que ceste entreprinse est advenue sans le sceu de la
+dicte Dame, et qu'elle n'en est guières contante; tant y a qu'on ne
+désadvouhe pour cella le dict de Sussex, lequel a son garant en court,
+et il a cependant porté beaucoup de dommaige d'avoir abattu sept ou
+huict maysons nobles et faict le gast partout où il a passé dans le
+pays. L'aparance est que ceste princesse veult en toutes sortes passer
+oultre au dict tretté, meue de l'apréhention du dangier, où il luy
+semble qu'aultrement elle va tumber, lequel les ennemys de la Royne
+d'Escoce n'ont de quoy le luy pouvoir meintennant effacer; mais ilz la
+font opiniastrer à des condicions trop dures, comme d'avoir le Prince
+d'Escoce entre ses mains, quelque place et des ostaiges; dont ceulx,
+qui entendent bien les affères, estiment que, pour les bien effectuer,
+il est requis que la dicte Dame sente vostre secours en Escoce, ou au
+moins si prest d'y passer qu'elle ne le craigne moins que s'il estoit
+desjà par dellà.
+
+Je n'ay encores peu savoir quelle est la commission du sire Guilhaume
+Stuard, lequel le comte de Lenoz a envoyé; bien m'a l'on dict qu'il
+asseure que les seigneurs d'Escoce ont desjà ordonné quelques depputez
+pour venir icy, mais nous incisterons qu'on passe oultre sans les
+attandre. Sur ce, etc. Ce XVe jour de septembre 1570.
+
+ Ainsy que je fermoys la présente, Mr le cardinal de Chatillon m'a
+ envoyé visiter et dire qu'il avoit esté se conjouyr de la paix
+ avecques la Royne d'Angleterre, et que bientost il retournera
+ prendre congé d'elle pour aller trouver Voz Majestez; mais
+ qu'avant partyr il ne fauldra de me venir saluer, comme
+ ambassadeur de son Roy et Maistre, et prendre le diner en mon
+ logis; et qu'il desiroit bien entendre, comme procédoient les
+ choses de la dicte paix en France, parce que plusieurs
+ attandoient de le sçavoir pour s'y retirer. J'ay respondu qu'il y
+ avoit assés longtemps que je n'avois point heu de dépesche, mais
+ que je sçavois bien que Voz Majestez donnoient bon ordre que la
+ paix prînt establissement et durée, dont vous plairra me
+ commander comme j'auray à me gouverner et conduyre envers le dict
+ Sr cardinal et aultres Françoys qui sont par deçà.
+
+
+
+
+CXXXIVe DÉPESCHE
+
+--du XIXe jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Champernon._)
+
+ Nouvelles de la flotte.--Négociation avec l'Espagne.--Affaires
+ d'Écosse.--Incertitude où sont les protestans français de
+ savoir s'ils peuvent rentrer en France.--Nouvelles d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, estans sortys les dix navyres de la Royne d'Angleterre soubz la
+conduicte de sire Charles Havart, ainsy que je le vous ay mandé par
+mes précédantes, ilz se tiennent meintennant parez en la coste de
+deçà, attandans que la flotte de Flandres se mette à la voyle, et
+demeurent ceulx cy assés persuadez que le passaige de la Royne
+d'Espaigne sera paysible, sans rien attempter en nul de leurs portz;
+mais ilz craignent grandement qu'estant arrivée par dellà, le retour
+de l'armée ne soit à leur dommaige, et qu'on n'y embarque des
+Hespaignolz pour fère quelque descente en Irlande, ou bien ez
+quartiers du North d'Escoce, ou en quelque aultre endroict de ceste
+isle, attandu mesmement que milord de Sethon et ung frère du Sr de
+Ledinthon sont passez en Flandres, et qu'on dict que le comte de
+Vuesmerland et la comtesse de Northomberland sont arrivez devers le
+duc d'Alve, et que plusieurs fuytifz de ce royaulme sont en l'armée,
+qui va conduyre la Royne d'Espaigne; dont a esté miz icy ung nouvel
+ordre de tenir si pretz les aultres grandz navyres de ceste Royne
+qu'il n'y puysse avoir une seule heure de retardement, quant ilz
+seront commandez de sortyr, et ordonné d'augmenter les vivres, qui y
+sont nécessaires pour quelque moys davantaige; bien que la dicte Dame
+et les seigneurs de son conseil se contantent bien fort des bonnes
+responces, que le dict duc d'Alve a faictes au jeune Coban, en ce
+mesmement que, luy ayant faict pleincte de l'ambassadeur d'Espaigne,
+de ce qu'il avoit dédeigné de venir devers iceulx seigneurs du
+conseil, et qu'à ce moyen l'accord de leurs différans avoit esté
+retardé, il luy a respondu que l'ambassadeur avoit quelque rayson de
+n'avoir vollu complayre du tout à ce que les dicts du conseil luy
+avoient mandé, parce qu'ilz avoient usé de trop dures formalitez
+envers luy, et ne l'avoient, il y a tantost deux ans, tretté ny
+recogneu pour ambassadeur, et mesmes ceste foys avoient envoyé des
+aldremans devers luy comme s'il eust esté crimineulx; néantmoins qu'il
+luy escriproit de ne fère plus de difficulté de convenir avec eulx,
+toutes les foys qu'ilz le feroient appeller pour tretter des affères
+d'entre le Roy, son Maistre, et la Royne d'Angleterre; et ainsy l'a
+escript le dict duc au dict ambassadeur, de sorte qu'ilz vont, de
+chacun costé, cerchant les moyens de renouer leurs affères et
+d'acommoder leurs différans.
+
+La malladie du secrétaire Cecille a donné quelque retardement aulx
+affères de la Royne d'Escoce; néantmoins l'on avoit desjà ordonné à
+sire Quainols de s'aprester pour aller avec Me Mildmay devers la dicte
+Dame, mais se trouvant le dict secrétaire Cecille meintennant ung peu
+mieulx, le voyage luy est réservé; et cependant milor de Sussex a
+escript que les seigneurs escouçoys, du party de la Royne d'Escoce,
+ont tenu une grande assemblée sur les choses que nous leur avions
+mandées par milor de Leviston, et qu'ilz y ont prins une résolution,
+laquelle ilz envoyent fère entendre à la Royne d'Angleterre par le
+dict mesmes Leviston et par aultres leurs depputez, lesquelz il
+attandoit du premier jour en la frontière pour leur bailler
+saufconduict de passer plus avant. Et mande néantmoins le dict de
+Sussex que, en Escoce, l'on ne s'attend guières d'avoir secours de
+France; tant y a qu'on m'a dict que madame de Norrys s'est pleincte
+grandement à la Royne sa Mestresse de ce que le dict de Sussex est
+rentré en Escoce, parce qu'ayant son mary asseuré Vostre Majesté que
+cella ne se feroit point, elle craint que ne vous en preigniez
+meintennant à luy, et que ne le faciez arrester et resserrer.
+
+Les Françoys, qui sont icy, se préparent pour retourner toutz en leurs
+maysons: il est vray qu'entendans qu'à Roan, à Dieppe, à Callais, et
+en quelques aultres endroictz, l'on faict difficulté de les recepvoir,
+il y en a quelques ungs qui demeurent en suspens, dont envoyent devers
+moy pour sçavoir comme ilz en auront à user; et je leur répond que je
+n'ay pas de plus expresse déclaration de vostre intention là dessus
+que celle qui est contenue par vostre éedict, et que, de ma part, je
+ne voy qu'ilz ayent nulle occasion de doubter. Je ne sçay si cella
+sera occasion que Mr le cardinal de Chatillon prendra le chemin de la
+Rochelle pour voir, de là en hors, comme il se pourra asseurer de
+l'establissement de la dicte paix. Mr le vydame, à ce que j'entendz,
+part dans deux jours et va passer ou à la Rye, ou à Callais; et, de
+tant, Sire, qu'on donne entendre à aulcuns merchans voz subjectz, qui
+poursuyvent encores icy la restitution de leurs biens, que tout le
+faict des déprédations est remiz par vostre éedict, il vous plairra me
+commander ce que je leur en auray à respondre, affin qu'ilz ne facent
+dorsenavant la poursuyte en vain.
+
+Il semble que le Sr de Chantonay, escripvant icy à l'ambassadeur
+d'Espaigne, luy ayt mandé que l'Empereur n'aprouve guières la paix de
+France, comme ne l'estimant de durée; et que la diette se prolongera
+beaucoup oultre le moys d'octobre; et que les fianceailles de Vostre
+Majesté se feront avant la Toutz Sainctz, sans toutesfoys qu'on y
+attande pour cella la venue de Monseigneur vostre frère, mais plustost
+celle de monsieur de Lorrayne; et que, estant le comte Pallatin à
+Espire, il a entendu que ses ministres avoient presché publiquement
+l'arrianisme à Heldelberc, dont il dellibéroit d'aller réprimer une
+telle inpiété, mais qu'il fauldroit qu'il corrigeât premier la sienne.
+Sur ce, etc. Ce XIXe jour de septembre 1570.
+
+
+
+
+CXXXVe DÉPESCHE
+
+--du XXIIIIe jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du Sr Acerbo._)
+
+ Interruption des armemens.--Mouvement dans le pays de
+ Lancastre.--Négociation de l'évêque de Ross.--Conférence de
+ l'ambassadeur avec le cardinal de Chatillon.--Sollicitations
+ faites auprès de lui par le vidame de Chartres.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, l'aprest des vingt navyres, que ceulx cy debvoient jetter
+dehors, après les dix qui sont desjà sortys, se va peu à peu
+discontinuant, et les a l'on ramenez de l'embouchure de la rivière de
+Rochestre, où desjà ilz estoient, jusques à leur arcenal accoustumé de
+Gelingan, ce qui monstre qu'à peyne s'en servyra l'on de ceste année;
+les aultres dix se tiennent toutjour sur la coste près de Douvres,
+attandant le passaige de la Royne d'Espaigne, à laquelle le temps ne
+sert aucunement, et ceulx, qui s'y entendent, disent qu'à peyne luy
+servira il encores de trois sepmaines; et est venu quelque adviz en
+ceste court que le Roy d'Espaigne, son mary, luy a mandé que, si l'on
+voyt que la navigation ne soit bien fort propre et fort seure, qu'elle
+attande de se mettre sur mer jusques au prochain printemptz, et que
+possible, entre cy et là, il aura faict dessein de la venir trouver
+pour visiter ses Pays Bas: ce que possible a donné occasion à la Royne
+d'Angleterre de fère cesser son armement. Laquelle aussi, comme
+j'entendz, est tumbée en une grande souspeçon d'une nouvelle
+ellévation qu'on luy a dict qui se prépare au pays de Lenclastre, où
+semble qu'elle ayt desjà envoyé gens pour recognoistre que c'est, et
+des secrettes commissions pour y remédier et apréhender quelques uns.
+
+Cependant il nous est venu des lettres de la Royne d'Escoce, par
+lesquelles elle mande que les seigneurs d'Escoce, qui sont de son
+party, luy ont envoyé la déclaration de leur vollonté: laquelle est de
+fère toutjour ce qu'elle leur commandera, dont Mr l'évesque de Roz est
+allé devers ceste Royne pour haster sur cella la conclusion du tretté;
+et j'espère, puysque le secrétaire Cecille est à présent bien guéry,
+que luy et maistre Mildmay et le dict sieur évesque s'achemineront
+tout incontinent devers la dicte Royne d'Escoce pour y mettre une
+bonne fin.
+
+Au surplus, Sire, Mr le cardinal de Chatillon est venu, despuys quatre
+jours, prendre son diner en mon logis, et m'a dict que, comme vostre
+très humble subject, il se sentoit tenu, et obligé à vostre service,
+de ceste visite qu'il faisoit à vostre ambassadeur; et que ce qui
+l'avoit engardé de la fère, durant les troubles, estoit que vous
+monstriez lors, Sire, de ne prandre à gré, ains d'avoir quasi en
+horreur tout ce qui procédoit de ceulx de sa religion; mais à ceste
+heure qu'il playsoit à Dieu les fère jouyr du bien de vostre grâce, et
+de celle de la Royne, et de Messeigneurs voz frères, et qu'il vous
+playsoit les tenir au nombre de voz loyaulx et fidelles subjectz, tout
+son plus grand soin estoit de vous obéyr et complayre, et prier Dieu
+pour Voz Majestez et pour Mes dicts Seigneurs voz frères, et fère en
+sorte que Dieu et le monde cognoissent que la contraincte demeure,
+qu'il a faicte icy, ne l'a randu moins bon françoys ny moins dévot et
+fidelle serviteur de vostre grandeur qu'il a esté par cy devant; et
+qu'il n'a rien oublyé de l'obligation naturelle, ny encores de celle
+expécialle, qu'il a à Voz Majestez et aulx feuz Roys voz
+prédécesseurs; que, puys peu de jours, Messieurs les Princes de
+Navarre et de Condé, et Mr l'Admyral, son frère, ont envoyé ung
+gentilhomme devers ceste Royne, par lequel ilz luy ont escript à luy
+de s'en aller à la Rochelle, et qu'ilz s'y rendront le plustost qu'ils
+pourront, affin de pourvoir à l'accomplissement des choses qu'ilz vous
+ont promises, lesquelles ne se peuvent bien effectuer sans luy et sans
+aulcuns principaulx d'entre eulx; lesquelz fault que conviennent
+ensemble pour admonester les aultres, ainsy qu'il a desjà fort
+expressément admonesté toutz les ministres, qui estoient icy, premier
+qu'ilz s'en soyent retournez, de n'excéder en rien qui soit, ny pour
+quelconque occasion que puisse estre, voz permissions, ny transgresser
+aulcunement voz deffances; et qu'il est besoing aussi que ce soyent
+eulx qui, pour donner exemple aulx aultres de contribuer à ce qu'ilz
+vous ont promiz de payer, se cothisent les premiers bien largement:
+dont dellibéroit, dans six jours, aller prendre congé de ceste Royne
+pour s'acheminer puys après à Ampthonne, affin d'y attandre la
+commodité de son passaige, me priant bien fort de fère entendre ceste
+sienne dellibération à Vostre Majesté avec plusieurs aultres bons
+propos, qui seroient trop longs à mettre icy.
+
+Je luy ay respondu, Sire, le mieulx que j'ay peu, sellon que j'ay
+estimé estre de vostre intention, conforme à la notice que j'en
+pouvois avoir par vostre éedict, car de plus expécialle je n'en avois
+poinct; mais je luy ay principallement incisté de vouloir dresser son
+premier retour en France devers Vostre Majesté, affin de monstrer
+qu'il a plus de confiance en vostre bonté et parolle que aulx rempartz
+des places, qu'on a demandées pour seureté.
+
+A quoy il m'a répliqué que ce avoit bien esté son premier desir, mais,
+puysqu'on luy mandoit de se randre ainsy bientost à la Rochelle, affin
+de donner forme aulx choses qu'il falloit ordonner, à ce commancement,
+pour satisfère à Vostre Majesté, et qu'avec très grande incommodité il
+pourroit fère ce grand tour par terre, qu'il estoit contrainct d'y
+aller par mer; mais qu'aussitost qu'on auroit pourveu à vostre
+satisfaction, qu'il vous yroit très humblement bayser les mains, et à
+la Royne, et à Messeigneurs voz frères, sellon qu'il espéroit que Voz
+Majestez le luy permettroient, me priant cependant de le vous fère
+ainsy trouver bon, et que ne veuillez jamais penser de luy que comme
+d'ung vostre très humble et très obéyssant serviteur.
+
+Le deuxiesme jour après, à l'exemple de luy, Mr le vydame de Chartres,
+estant prest à partyr, m'est aussi venu visiter avec plusieurs bonnes
+parolles de l'affection et dévotion, qu'il dict avoir à vostre
+service, et m'a requis de deux choses: c'est de vous vouloir
+tesmoigner, par mes premières, que ses déportemenz par deçà n'ont esté
+en rien contre vostre dict service; et l'aultre, de luy bailler ung
+mien passeport pour se conduyre, luy, sa femme et son trein, jusques à
+la Fretté, pour, incontinent après, vous aller très humblement bayser
+les mains. Je luy ay agréé, en la meilleur façon que j'ay peu, sa
+bonne intention vers Vostre Majesté, mais j'ay faict plusieurs
+difficultez sur l'une et l'aultre de ses demandes; et qu'encor que je
+ne voulois pas nyer que je ne l'eusse faict observer, je ne pouvois
+toutesfoys vous justiffier en aultre sorte ses actions, parce que
+toutes ne me pouvoient estre bien cogneues, que de vous dire, Sire,
+que je ne sçavois pas qu'il en heust faict icy de plus mauvaises
+contre vostre service que d'y estre venu; et, quant au passeport, que
+ce seroit préjudicier à la liberté de la paix de luy en bailler. A
+quoy il m'a répliqué que, pour le regard du premier, il se contentoit
+bien de ce mien tesmoignage, mais du second, il m'en a tant pressé que
+j'ai esté contrainct de lui bailler mon dict passeport. Et voylà,
+Sire, tout ce qui a passé entre les dicts sieurs cardinal et vydame,
+et moy, dont semble bien que les Anglois n'ont prins grand playsir à
+ces deux visites; car par icelles ils sont contrainctz de fère quelque
+meilleur jugement de la réunyon de vostre royaulme qu'ilz ne la
+pensoient; mais je ne suis point allé randre la pareille à l'ung ny à
+l'aultre en leur logis, parce que je n'en avois nul ordre de Vostre
+Majesté. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIVe jour de septembre 1570.
+
+
+
+
+CXXXVIe DÉPESCHE
+
+--du pénultième jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Campernon._)
+
+ Négociation avec les Pays-Bas.--Retard apporté au voyage de la
+ reine d'Espagne.--Résolution d'Élisabeth de procéder à la
+ conclusion du traité avec Marie Stuart.--Mission de Mr de Vérac
+ en Écosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, par le retour du Sr de Sabran je demeure assés esclarcy
+d'aulcunes choses de vostre intention, lesquelles j'espère que me les
+ferés plus parfaictement et plus particulièrement entendre, quant le
+Sr de Vassal me viendra retrouver; et vous diray cependant, Sire, que
+la Royne d'Angleterre, achevant son progrez de ceste année, arrive
+aujourduy à Vuyndesor, où elle dellibère fère du séjour, et y
+attandre le retour des gentishommes, qu'elle a envoyé en France, en
+Flandres et en Allemaigne, pour, puis après, y assembler son conseil
+affin de prendre résolution sur les choses qu'ilz raporteront. Les
+commissaires de Flandres, qui estoient allés visiter les merchandises
+arrestées ez portz de deçà, dizent qu'ilz y ont trouvé perte et
+diminution de plus de la moictié; mais, touchant celles qui sont dans
+Londres, l'on leur a faict acroyre que, si le duc d'Alve veut procéder
+à ung bon accord de leurs différans, sellon les honnestes offres que
+la Royne d'Angleterre luy a faictes, qu'on leur en révellera pour plus
+de cent mil escuz davantaige qu'on ne leur a encores monstrées. A quoy
+ilz respondent qu'on leur baille premièrement le vray estat d'icelles,
+affin d'en fère un certain raport au dict duc, et que, puys après,
+l'on pourra facillement parvenir aulx condicions de l'accord; et
+veulent, chacun de son costé, gaigner l'advantaige de ce point: dont
+le différant s'en entretient plus longuement, mais non sans une grande
+espérance que bientost il s'accommodera: car le duc d'Alve et les
+principaulx ministres du Roy d'Espaigne, qui sont en Flandres,
+monstrent n'avoir aulcun plus grand soin que de regaigner l'amytié de
+la Royne d'Angleterre et de s'esforcer de luy complayre; ce que la
+dicte Dame, à ce qu'on m'a dict, attribue plus à la paix de vostre
+royaume que à leur bonne vollonté: et dellibère, de sa part, de suyvre
+et entretenir cella par les meilleures démonstrations qu'elle pourra,
+mais non sans qu'elle demeure toutjour en beaucoup de souspeçon et de
+deffiance, à cause de la retrette de ses subjectz fuytifz, et de la
+légation d'aulcuns Escossoys devers le dict duc en Flandres. Cependant
+les dix grandz navires de la dicte Dame demeurent toutjour en la coste
+de deçà pour honnorer le passaige de la Royne d'Espaigne, non sans
+qu'elle se repente assés de les avoir si tost faictz jetter dehors,
+parce que la despance y va grande, et ne se peult juger si le temps
+pourra encores servyr, de deux moys, à la dicte Royne d'Espaigne.
+Néantmoins il est venu nouveau mandement à Londres de tenir encores
+ung nombre de marinyers prestz, comme pour quatre navyres davantaige:
+je ne sçay encores à quel effect.
+
+Nous avons tant pressé l'advancement des affères de la Royne d'Escoce
+que le secrétaire Cecille et maistre Mildmay ont esté du tout
+dépeschez, dez mardy dernier, pour aller devers la dicte Dame, et Mr
+de Roz avec eulx, où j'espère qu'il se prendra quelque bon ordre pour
+le restablissement d'elle à sa couronne; mais, de tant que, sur les
+condicions, qu'on luy propose, plusieurs nous donnent divers conseilz,
+je ne m'advanceray d'y intervenir, au nom de Vostre Majesté, sans vous
+avoir faict quelque aultre dépesche plus ample et plus expresse là
+dessus. Bien me confirme l'on, de plus en plus, Sire, que ceste Royne,
+veult résoluement entendre à conclurre le tretté, et que cependant
+elle a mandé au comte de Sussex de casser toutes les compaignies
+extraordinaires, qu'il avoit levées en la frontière du North.
+L'arrivée du Sr de Veyrac en Escoce met ceulx cy en quelque jalouzie,
+mais il ne seroit que bon qu'ilz l'eussent encores plus grande, car je
+crains bien fort qu'ayant Mr Norrys escript icy que Vostre Majesté est
+résolue de n'envoyer nulles forces par dellà jusques au printemps, que
+cella leur face prolonger le tretté, soubz espérance qu'il puysse
+cependant survenir quelque chose à leur commodité et advantaige. Sur
+ce, etc.
+
+ Ce XXIXe jour de septembre 1570.
+
+
+
+
+CXXXVIIe DÉPESCHE
+
+--du Ve jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyée jusques à Calais par ung qui s'en est allé avec le Sr
+Frégouse._)
+
+ Retour de Walsingham en Angleterre, chargé de faire connaître à
+ la reine la déclaration du roi touchant l'Écosse.--Prochain
+ départ de la reine d'Espagne.--Suspension des affaires
+ politiques à Londres pendant l'absence de Cécil envoyé vers
+ Marie Stuart.--Nouvelles d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay receu, le XXIXe du passé, les lettres qu'il a pleu à Vostre
+Majesté m'escripre, du XXIIe auparavant, par le Sr de Valsingan, qui
+me les a envoyées passant par Londres, et m'a mandé qu'au retour de
+randre compte à sa Mestresse de ce qu'il a faict en France, qu'il me
+viendra voir. Il me semble, Sire, que rien n'a pu venir plus à propos,
+pour les présens affères de la Royne d'Escoce, que d'avoir Vostre
+Majesté ainsy fermement et vertueusement parlé, comme avez faict, à
+l'ambassadeur Mr Norrys et à luy; et dont je ne fauldray de
+représanter à leur dicte Mestresse voz mesmes propos, telz qu'ilz sont
+contenuz en vostre lettre, la première foys que je l'yray trouver,
+ayant estimé qu'il estoit bon, pour aulcuns respectz, de les luy
+réserver jusques à la venue d'une aultre vostre dépesche, pour luy
+laysser cependant digérer ce faict sur le récit, que le dict de
+Valsingan luy fera, des propres paroles et démonstrations qu'il a
+ouyes et veues de Vostre Majesté, et aussi pour n'interrompre rien en
+la commission qu'elle a donnée au secrétaire Cecille et à Maistre
+Mildmay vers la Royne d'Escoce; ausquelz j'ay opinion qu'elle envoyera
+en dilligence notiffier la déclaration qu'avez faict à ses dicts
+ambassadeurs, affin qu'ilz ne s'en retournent sans résouldre quelque
+chose avec elle; ayant plusieurs adviz, de divers lieux, assés
+certains qu'il tarde infinyement à la dicte Royne d'Angleterre qu'elle
+puysse, en quelque seure façon qui ayt aparance d'honneur et
+d'advantaige, se démesler du faict de la dicte Dame, non sans se
+repentyr de s'en estre si avant entremise. Et est sans doubte que, si
+l'affère pouvoit tumber en la main de quelque aultre, qui le manyât
+avec plus de modération que ne faict le secrétaire Cecille, ou que luy
+mesmes, après avoir veu la Royne d'Escoce, se volust modérer, et ne
+fère plus, sur des petitz momentz, naistre de si grandes difficultez
+et longueurs, qu'il a faict jusques icy, que toutz les différans
+d'entre ces deux Princesses et leurs deux royaulmes se pourroient
+facilement et bientost accommoder, dont de ma part, Sire, je ne
+fauldray d'y incister à toute heure; mais la vifve parolle et la
+démonstration que Vostre Majesté fera d'un prochain secours, attandant
+qu'il s'ensuyve à bon esciant, s'il est nécessaire, y servyront
+infinyement.
+
+La dicte Royne d'Angleterre a dépesché ung saufconduict pour les
+depputez d'Escoce, et a mandé au comte de Sussex de les bien recepvoir
+et honorer, et qu'il advertisse ceulx du party du régent d'envoyer
+promptement les leurs. Le susdict de Valsingan a desjà parlé à
+quelques ungs de ses amys de la continuation de la paix de France
+comme en doubte, alléguant des occasions qui luy font juger qu'elle
+aura quelque establyssement, et d'aultres qui lui font croyre qu'elle
+ne pourra estre de durée; dont de ce qu'il en a dict, et du rapport
+qu'il en aura faict en ceste cour, je mettray peyne qu'il m'en viegne
+quelque adviz, affin de le vous mander par mes premières. Il aura
+encores rencontré Mr le cardinal de Chastillon en ceste dicte court,
+car son congé luy avoit esté différé jusques à hyer.
+
+L'on estime que la Royne d'Espaigne s'embarquera à ce commancement
+d'octobre, car, ayant le retour de la lune esté sur un temps propre et
+qui sert bien à sa navigation, l'on estime qu'il durera assés pour la
+conduyre jusques en Espaigne; dont s'atand de sçavoir comment et en
+quelle bonne façon se seront déportez les navyres de la Royne
+d'Angleterre à la saluer, et la convoyer le long de la coste de ce
+royaume. Les commissaires de Flandres pourchassent leur congé, mais il
+semble qu'on le leur prolongera jusques au retour du secrétaire
+Cecille, car en son absence rien ne se dépesche; et mesmes l'on a
+remiz, à cause de luy, l'ouverture du terme de la justice jusques au
+premier de novembre, par prétexte toutesfoys de la peste; laquelle va
+néantmoins diminuant, et chacun s'en retourne à la ville. Il semble
+que Henry Coban, qui est allé devers l'Empereur, ayt heu charge de ne
+presser guières son retour: dont il a cependant renvoyé ung des siens
+avec une dépesche, de laquelle je n'ay encores bien aprins le contenu,
+si n'est qu'il semble mander que, ne pouvant l'Empereur fère guières
+réuscyr aulcune bonne résolution ez choses qu'il a proposées en la
+diette, qu'il dellibère bientost la rompre; et j'entandz que le comte
+Pallatin a aussi escript qu'il a quelque opinion que le Pape se soit
+advancé de créer de luy mesmes, sans attandre la vollonté des
+ellecteurs, l'archiduc Charles roy des Romains, et que cella sera pour
+admener beaucoup de trouble en Allemaigne; dont est bruict icy que
+desjà quelques princes ont esté vers Hembourg, comme pour s'asseurer
+d'aulcunes levées de gens de guerre. Sur ce, etc.
+
+ Ce Ve jour d'octobre 1570.
+
+
+
+
+CXXXVIIIe DÉPESCHE
+
+--du Xe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par le Sr Troies._)
+
+ État de la négociation en faveur de Marie Stuart.--Conduite faite
+ à la reine d'Espagne par la flotte anglaise.--Crainte où l'on
+ est en Angleterre que les hostilités commencent au retour de la
+ flotte espagnole.--Négociation avec les Pays-Bas.--Départ du
+ cardinal de Chatillon pour la Rochelle; mauvais accueil reçu à
+ Dieppe par le vidame de Chartres.--Prise nouvellement faite en
+ mer, malgré la paix, par le capitaine Sores.--Affaires
+ d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, rendant le Sr de Valsingan compte à la Royne, sa Mestresse, de
+la négociation qu'il a faicte en France, j'entendz qu'il luy a faict
+ung très bon rapport des louables qualitez de Vostre Majesté, de ce
+que ung chacun vous tient pour prince magnanime, constant, certain et
+bien fort véritable, et uny par ung grand et naturel amour avec la
+Royne vostre mère, et avec Monseigneur vostre frère, desquelz il a
+aussi fort dignement parlé; et que, par la force de leur conseil et la
+fermeté de voz éedictz, la paix de vostre royaulme a d'estre
+perdurable, et voz aultres affères à recepvoir beaucoup
+d'establissement: dont la dicte Dame a de beaucoup davantaige estimé,
+et heu en plus grand prix, les bonnes parolles de paix et d'amytié,
+que Vostre Majesté luy a mandées. Et luy ayant le dict de Valsingan,
+par mesmes moyen, touché le propos, que luy avez tenu, de la
+restitution de la Royne d'Escoce, vostre belle soeur, avec
+l'expression de l'affection qu'il a cognu que vous y aviez; et ayant,
+de ma part, faict fère là dessus, le plus à propos que j'ay peu, ung
+office par le comte de Lestre, il est advenu que la dicte Dame a tout
+incontinent dépesché vers le secrétaire Cecille pour l'advertyr qu'il
+ayt à procéder en si bonne façon vers la Royne d'Escoce, qu'il ne s'en
+retourne sans conclurre quelque chose avecques elle. Dont, à la
+première occasion qui me viendra d'aller parler à la dicte Dame, je
+luy confirmeray ceste sienne vollonté, et n'obmettray rien de ce qui
+pourra servyr à bien advancer et effectuer le propos, et à establyr
+pareillement l'amytié d'entre Voz Majestez.
+
+L'on tient que la Royne d'Espaigne est passée, et que les navyres de
+la Royne l'ont saluée et accompaignée jusques en la coste de Biscaye,
+et que sire Charles Havart luy a baysé les mains avec ung présent
+d'ung beau dyamant, que la Royne sa Mestresse luy a envoyé, qui est
+l'ung de ceulx que le Roy d'Espaigne avoit donnez à la feu Royne
+Marie, sa soeur, ou à elle, qui sont estimez valoir, l'ung huict mil
+ducatz, et l'aultre cinq mil; et que la dicte Royne d'Espaigne, de son
+costé, a faict bailler quatre mil ducatz au dict Havart et aulx siens;
+mais la vérité et certitude de cecy se sçaura mieulx quant le dict
+Havart sera de retour, lequel est encores en mer. Tant y a que ces
+démonstrations, lesquels sont devenues toutes aultres qu'on ne les
+sembloit préparer du commancement, donnent à cognoistre qu'il n'y a en
+effect nulle malle vollonté entre les Espaignols et les Anglois, ains
+qu'ilz cerchent de s'accommoder ensemble en gaignant, aultant qu'il
+leur sera possible, chacun de son côté, quelque advantaige; dont usent
+d'artiffice à fère bien espérer ou à intimider l'ung l'aultre en ce
+qu'ilz peuvent; et semblent néantmoins que les dicts Anglois ne
+demeurent meintennant sans une grande souspeçon du retour de l'armée
+d'Espaigne, par ce mesmement qu'on leur a raporté que une partie
+d'icelle est demeurée toute appareillée, et bon nombre de gens pretz à
+s'y embarquer en Olande; et qu'ilz sçavent que aulcuns fuytifz et
+aulcuns Escossoys sont toutjour près du duc d'Alve pour l'inciter à
+quelque entreprinse par deçà: et à ceste occasion, mècredy dernier,
+ceste Royne a faict de rechef appeller toutz les officiers de la
+maryne à Vuyndesor, mais je ne sçay encores ce qu'elle leur a ordonné;
+et est la dicte Dame après a fère cercher deniers de toutz costez.
+
+Les commissaires de Flandres s'attendent d'avoir demain leur congé, et
+semble qu'ilz ne s'en retournent guières plus contantz ny mieulx
+satisfaictz que quant ilz sont venuz; car, oultre la perte et
+diminution qu'ilz ont trouvé ez merchandises, qui estoient encores en
+estre, l'on leur a baillé ung compte si désadvantaigeulx de celles qui
+ont esté vendues par auctorité de justice, tant au priz que aulx
+fraicz, qu'elles ne reviennent pas au cinquiesme de la juste valleur.
+Par ainsy l'accord se monstre encores assés difficile à fère, et
+cependant l'on ne sçayt si le temps, et la longue souspencion du
+traffic, pourra produyre quelque chose de nouveau entre eulx.
+
+Monsieur le cardinal de Chastillon print congé de ceste court lundy
+dernier, non sans recepvoir beaucoup de faveur de ceste Royne et
+plusieurs présens (de haquenées et de chiens de sang) des seigneurs
+d'auprès d'elle; et s'en est allé à Hamptonne attandre la commodité de
+son passaige à la Rochelle. Aulcuns demeurent escandalisez des
+difficultés qu'on a faictes à Mr le vydame de Chartres à Dièpe, mais
+je rendz quelque rayson là dessus, qui monstrent de les satisfère. Ung
+agent de Portugal, qui est en ceste ville, dict que le capitaine Sores
+s'est esforcé de piller de rechef la Madère, et qu'au retour de ceste
+entreprinse il a prins un des galions du Roy de Portugal venant des
+Indes, qui estoit demeuré derrière, lequel estoit bien fort riche; de
+quoy ung chacun monstre icy estre fort offancé d'entendre ung tel acte
+après la paix, et crainct on que de la Rochelle ayt à sortyr beaucoup
+de désordre en la mer, s'il n'y est remédié.
+
+J'entans qu'il est arrivé des lettres d'Allemaigne, qui semblent
+confirmer ce qu'on avoit auparavant escript de la création du roy des
+Romains par le Pape, jusques avoir envoyé une coppie du brevet, et que
+ung chacun pense que les princes ellecteurs procèderont à une
+contraire ellection de leur part; mesmes qu'il semble que l'Empereur
+face toute démonstration d'avoir ignoré et de n'aprouver aulcunement
+ceste procédure de Sa Saincteté; et qu'il a esté descouvert qu'on
+avoit de rechef incidié à la vie du comte Pallatin. Sur ce, etc.
+
+ Ce Xe jour d'octobre 1570.
+
+
+
+
+CXXXIXe DÉPESCHE
+
+--du XVIe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par Groigniet, mon secrétaire._)
+
+ Conditions proposées par Cécil à la reine d'Écosse.--Soulèvement
+ des catholiques dans le pays de Lancastre.--Ordre donné au
+ comte de Derby de se rendre à la cour.--Retour à Londres de sir
+ Charles Havart, amiral de la flotte anglaise.--_Mémoire._
+ Opinions diverses sur la durée de la paix en
+ France.--Conférence de l'ambassadeur avec l'ambassadeur
+ d'Espagne.--Ligue du roi d'Espagne avec le pape et les
+ Vénitiens contre les Turcs.--Vives sollicitations pour que le
+ roi consente à en faire partie.--Offres faites par le duc
+ d'Albe à Élisabeth.--Négociations des Écossais avec le duc
+ d'Albe.--Conditions proposées à Marie Stuart, si elle veut
+ obtenir l'appui de l'Espagne.--Détails sur la négociation de
+ Cécil avec Marie Stuart.--Crainte que les Écossais n'acceptent
+ toutes les conditions imposées par l'Angleterre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ayant le Sr de Vassal couru une si dangereuse fortune, en
+voulant repasser la mer, que le naufrage de luy, et de ceulx qui
+estoient en son mesme navyre, a esté tenu pour vériffié en ceste
+ville, il n'est pas à croyre combien je me suys resjouy, quant, oultre
+l'espérance des hommes, il a pleu à Dieu de le saulver et le fère
+retourner sauf à Callais, avec les lettres et dépesches de Vostre
+Majesté, où il est encores attandant le vent; mais j'espère qu'il sera
+bientost icy, et qu'il me rendra instruict de l'intention de Vostre
+Majesté, laquelle je mettray peyne, Sire, en ce qu'il sera besoing de
+la notiffier à la Royne d'Angleterre, de la luy fère bien entendre, et
+de fère, par toutz les moyens, persuasions et instances, qu'il me sera
+possible, qu'elle y veuille conformer la sienne.
+
+Le secrétaire Cecille et son adjoinct sont arrivez avec l'évesque de
+Roz, le premier de ce mois, devers la Royne d'Escoce, à laquelle ilz
+ont présenté, avec grand respect et révérance, une lettre, que la
+Royne d'Angleterre luy a escripte, laquelle avoit le commancement fort
+rigoureux et plein d'une recordation de beaucoup d'offances qu'elle
+reprochoit à la dicte Dame; mais que, pour en abolyr la mémoire, elle
+luy dépeschoit ces deux siens confidans conseillers, pour préparer le
+chemyn d'ung bon tretté d'amytié entre elles deux; et n'y a heu aultre
+chose que cella pour le premier jour, sinon l'humayne et favorable
+réception, que la dicte Dame leur a faicte. Mais, le lendemain, estans
+entrez en conférance, elle leur a respondu, à chacun poinct de la
+dicte lettre, avec tant de fondement de rayson et avec tant de
+modestie qu'ilz ont monstré de demeurer très bien satisfaictz; et
+ayant convenu la dicte Dame, pour son regard, et eulx, pour la Royne
+d'Angleterre, d'ensepvelir pour jamais les choses mal passées, et de
+procéder à ung renouvellement de vraye et parfaicte intelligence entre
+elles, sellon que le debvoir de leur proximité et du commun proffict
+de l'une et de l'aultre, et de leurs deux royaulmes, le requéroit; ilz
+luy ont leu les articles de l'instruction, qu'ilz portoient, lesquelz
+se sont trouvez, pour la pluspart, concerner l'expresse cession et
+résignation du tiltre de ce royaulme par la dicte Royne d'Escoce au
+proffict de la dicte Royne d'Angleterre, sans préjudice de la future
+succession d'icelluy, au cas que la dicte Royne d'Angleterre n'ayt
+point de lignée:--Que, pour seurté de cella, le Prince d'Escoce doibve
+estre mené et norry en Angleterre, sans préfiger temps de le randre,
+sinon au cas que la Royne, sa mère, arrive à morir, ou qu'elle luy
+veuille résigner sa couronne d'Escoce;--Que gouverneurs luy seront
+baillez, telz que la Royne d'Angleterre advisera, comme les comtes de
+Lenoz, de Mar ou aultres;--Que trois comtes et trois lordz Escoçoys
+viendront estre ostaiges, l'espace de trois ans, en ce royaulme, pour
+la seurté des choses qui seront promises;--Que trois chasteaulx,
+sçavoir: Humes, Fascastel et encores ung aultre, en Gallovaye ou
+Quinter, demeureront, pour le dict temps, ez mains de la Royne
+d'Angleterre;--Que, sans le consantement d'icelle ou de la pluspart de
+la noblesse d'Escoce, la dicte Royne d'Escoce ne se maryera;--Que
+ligue sera faicte entre elles et leurs deux royaumes;--Que, au cas que
+nul prince estrangier, sans ocasion à luy raysonnablement donnée,
+entrepreigne d'assaillyr ce royaulme, la dicte Royne d'Escoce sera
+tenue de le secourir d'hommes et de navyres, aulx despens toutesfoys
+de la Royne d'Angleterre;--Que le murtre du feu Roy d'Escoce et celluy
+du comte de Mora seront punys;--Que le comte de Northomberland et
+aultres fuytifz d'Angleterre seront randuz;--Et que, au cas que la
+dicte Royne d'Escoce meuve à jamais pleinte ny querelle du tiltre de
+ce royaulme, ny assiste à nul aultre, qui la veuille mouvoir en
+quelque façon que ce soit contre la dicte Dame, qu'elle demeurera
+privée de la future succession d'icelluy. Et avoient d'aultres
+articles, concernans la seurté des subjectz d'Escoce, lesquelz ilz
+n'ont encores monstrez, mais ilz ont fort incisté d'avoir promptement
+la responce sur ceulx cy.
+
+Je ne sçay si la Royne d'Escoce l'a encores faicte, seulement j'ay
+entendu qu'ung pacquet du dict secrétaire arriva, sabmedy au soir, à
+la Royne d'Angleterre, et que, tout incontinent, elle assembla son
+conseil; et le lendemain matin, le courrier fut renvoyé avecques
+responce.
+
+Aulcuns amys de la dicte Royne d'Escoce m'ont faict advertyr qu'elle
+est au plus grand dangier, où encores elle ayt poinct esté, à cause de
+la sublévation qui se descouvre estre toute formée au pays de
+Lenclastre, de laquelle on luy attribue l'ocasion, aussi bien que de
+celle passée du North; et que pourtant, elle et nous, qui soubstenons
+icy son faict, debvons condescendre à ce que la Royne d'Angleterre luy
+vouldra demander, et luy complayre du tout, pourveu qu'elle puysse
+avoir sa liberté; et ne fère difficulté de luy accorder le Prince
+d'Escoce, pour quelque temps, avec honnestes condicions. Aultres de
+ses amys conseillent le contraire: qu'elle peut bien accorder
+hardyment toutes choses raysonnables à la Royne d'Angleterre, mais non
+de luy bailler son filz, ny ostaiges, ny places; mais plustost qu'elle
+mesmes offre de demeurer en Angleterre pour asseurance de ce qu'elle
+promettra. Je sçay, à la vérité, qu'on tient de très dangereux
+conseilz sur la personne de ceste princesse, pour l'opinion qu'on a
+qu'elle ayt trop bonne part en ce royaulme, et que, quant elle sera du
+tout ostée, que pareillement sa querelle sera du tout esteincte, se
+persuadant que, ny les Escouçoys, ny les Anglois, ses partisans, ny
+mesmes Vostre Majesté ne se soucyeront guières, puys après, de la
+relever. Et est incroyable combien la Royne d'Angleterre et ceulx de
+son conseil sont esmeuz pour les choses du dict pays de Lenclastre,
+sans toutesfoys en fère grand démonstration; car les ayant vollues
+remédier par la voye de la justice, envoyant par dellà ung procureur
+fiscal, ilz ont veu que cella ne suffizoit, et que plusieurs
+ouvertement se déclairoient substrectz de l'obéyssance et jurisdiction
+de la Royne d'Angleterre, jusques à ce qu'elle se seroit jettée hors
+de l'interdict de l'esglize catholique: dont elle a mandé au comte
+Dherby, principal seigneur de tout le dict pays, de la venir trouver,
+par prétexte de vouloir assembler toutz ceulx de son conseil, dont il
+est l'ung des principaulx, affin de pourvoir à l'estat de ce royaume;
+et qu'il veuille mener ses enfans avec luy, pour monstrer qu'ilz ne
+sont coulpables d'aulcunes choses qu'on leur a vollu imposer. L'on ne
+sçayt encores si le dict comte vouldra obéyr; tant y a, Sire, que je
+vous ay bien vollu envoyer le susdict adviz de la Royne d'Escoce, par
+homme exprès, affin qu'il vous playse m'y commander vostre vollonté;
+et cependant je verray ceste princesse pour l'adoulcyr et modérer, le
+plus qu'il me sera possible, sur icelluy, et pour la fère passer
+oultre au tretté encommancé.
+
+J'entendz que sire Charles Havard a raporté à la dicte Dame ung grand
+contantement du debvoir, qu'il a faict envers la Royne d'Espaigne, et
+des honnestes propos, que la dicte Royne d'Espaigne l'a enchargé de
+dire à la dicte Dame de sa part, ayant accepté, avec toute affection,
+le présent qu'elle luy a envoyé, et ayant faict donner une chayne de
+mil ducatz au dict Havart, et une aultre ung peu moindre à son vis
+admyral, et encores dix aultres chaynes aulx capitaines des dix
+navyres. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIe jour d'octobre 1570.
+
+ POUR FAIRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ oultre ce dessus:
+
+ Que, par aulcunes lettres, que la Royne de Navarre et Messieurs
+ les Princes, ses filz et nepveu, et Mr l'Admiral ont escriptes
+ par deçà, et par des parolles et démonstrations, dont Mr le
+ cardinal de Chatillon a usé, en prenant congé de ceste court, la
+ Royne d'Angleterre et les siens demeurent assez persuadez que la
+ paix de France sera de durée.
+
+ Et y sont confirmez davantaige par la réputation, qui court, que
+ le Roy a prinz une ferme résolution de vouloir que, en cest
+ endroict. et toutz aultres, où sa parolle interviendra, qu'elle
+ ayt à estre très certaine et véritable, et que la Royne et
+ Monseigneur, frère du Roy, interposent, par une bonne
+ intelligence, si fermement leur conseil et authorité à cella,
+ qu'il n'est en la main de nul aultre de le pouvoir rompre.
+
+ Et a raporté le Sr de Valsingan, qu'encor que le mariage des deux
+ filles de l'Empereur avec le Roy et le Roy d'Espaigne, et
+ l'intelligence que ung chacun présumoit demeurer toutjour
+ secrecte entre la Royne et Mr le cardinal de Lorrayne, et
+ l'authorité de Monseigneur, frère du Roy, lequel après avoir mené
+ la guerre et heu plusieurs victoires contre ceux de la nouvelle
+ religion, ne comporteroit jamais qu'ilz demeurassent dans le
+ royaulme, fussent trois occasions qu'aulcuns remarquoient pour
+ réputer la paix fort douteuse; néanmoins ilz jugeroient, à ceste
+ heure, que c'estoit par la vraye et parfaite intelligence de la
+ Royne, et de Monseigneur, et de Mr le cardinal de Lorrayne, et de
+ toutz les Princes avecques le Roy, que la dicte paix se randroit
+ plus ferme et plus estable; et que mesmes le conseiller Cavaignes
+ luy avoit dict qu'il s'en promettoit une bien longue
+ continuation, et en plus d'advantaiges pour eulx que les articles
+ ne portoient.
+
+ Ce qui a remiz en réputation les affères du Roy en ce royaulme,
+ et croy que de mesmes ilz en sont relevez ailleurs, car
+ l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, despuys la première foys
+ qu'il me raporta le jugement, que le duc d'Alve faisoit de la
+ dicte paix, comme s'il l'estimoit pleyne de dangier pour la
+ Chrestienté, il dict meintennant qu'il ne faict doubte que le Roy
+ et son prudent conseil ne l'ayent cogneue nécessaire, et qu'il
+ faut que Sa Majesté Très Chrestienne la rande utille, et luy face
+ produyre, non seulement pour luy et pour son royaulme, mais aussi
+ pour ses voysins et pour toute la Chrestienté, ung vray repos.
+
+ Et s'est le dict ambassadeur curieusement enquiz à moy de deux
+ choses: l'une, si je sçavois que Mr le cardinal de Chatillon eust
+ parlé en ceste court de tranférer meintennant la guerre, qui est
+ achevée en France, au pays de Flandres; et de cella il a vollu
+ que j'en aye sondé le dict Sr cardinal, quant il est venu en mon
+ logis, lequel m'a tout franchement respondu, qu'il pourrait estre
+ qu'il en eust parlé comme d'ung commun souhait, que toutz ceulx
+ de sa religion y avoient; mais non qu'il en vit l'entreprinse
+ bien preste; et j'en ay satisfaict le dict ambassadeur.
+
+ Et l'aultre chose, qu'il m'a demandée, est si j'avois entendu
+ pourquoy le Roy avoit faict renforcer la garnyson de Péronne, de
+ St Quintin et des aultres villes de Picardie, et changé celle de
+ Callais, monstrant que le duc d'Alve en avoit prins quelque
+ souspeçon; à quoy je luy ay respondu que le Roy n'avoit en cella
+ que renvoyé les garnysons en leurs lieux accoustumés, car l'on
+ les en avoit tirez, durant la guerre, pour s'en servir au camp,
+ et que meintennant il distribuoit en ses frontières ses gens de
+ guerre pour plus sollager son royaume et pour ne demeurer
+ pourtant désarmé.
+
+ Et, en la mesmes conférance, icelluy sieur ambassadeur, me
+ magniffiant grandement la ligue[14] qui a esté faicte entre le
+ Pape, le Roy Catholique, son Maistre, et les Véniciens contre le
+ Turc, m'a dict que le Roy, son Maistre, s'estimoit estre miz hors
+ par icelle de tout le dangier de la guerre du dict Turc, et qu'il
+ n'avoit qu'à contribuer seulement au secours accordé, dont se
+ trouvoit fort adélivré pour mettre bientost fin à la guerre des
+ Mores, et pour entendre aulx choses de Flandres, d'Allemaigne et
+ du costé de deçà;
+
+ Que le dict ambassadeur pensoit que l'Empereur enfin entreroit en
+ la dicte ligue, comme il en avoit une fort grande vollonté, mais
+ il desiroit le fère par aprobation de la diette, affin d'obliger
+ les estatz d'Allemaigne à la contribution et au secours de la
+ dicte guerre.
+
+ [14] Cette ligue ne fut définitivement conclue que quelque temps
+ après, au mois de mai 1571. Don Juan fut nommé général de la
+ ligue, et remporta, le 7 octobre de la même année, la célèbre
+ victoire de Lépante. Le pape choisit pour commandant de sa flotte
+ Marc-Antoine Colonne, et la république de Venise nomma pour son
+ amiral Sébastien Venicri, qui fut élu doge en 1577.
+
+ Et a adjouxté que, si le Roy Très Chrestien y vouloit entrer et
+ quicter la pratique du Turc, retirant son ambassadeur qu'il a
+ près de luy, qu'il s'aquerroit ung grand nom et une grande
+ louange envers le Siège Apostolique et envers toute la
+ Chrestienté; et, quant il ne bailleroit que quatre gallères de
+ secours, que son nom et la réputation de la couronne de France y
+ en vauldroient cent.
+
+ Je luy ay respondu que ceste ligue estoit faicte pour la
+ conservation des estatz, qui estoient exposez aulx entreprinses
+ du Turc, et que l'Empereur avoit rayson d'y entrer pour l'ocasion
+ des siens, aussi bien que le Pape et le Roy, son Maistre, et les
+ Véniciens, car toutz ensemble y estoient bien fort intéressez, et
+ leurs dicts estatz y couroient de grandz dangiers; mais que Dieu
+ avoit constitué le Roy et son royaulme en lieu, qui estoit tout
+ gardé des incursions du Turc; par ainsy qu'il n'avoit à fère
+ ligue deffencive contre celluy qui ne l'assailloit, ny le pouvoit
+ assaillir; et seroit en vain consommer ses forces et ses deniers
+ pour aultruy, et entrer en une guerre non nécessaire; mais que je
+ croyois bien que, quant toutz les princes chrestiens
+ conviendroient en une entreprinse de ruyner l'Empire du Turc et
+ amplier la Chrestienté, et que le Roy y verroit quelque bon
+ fondement, que ce seroit luy le premier qui y employeroit sa
+ propre personne et ses forces, aussi bien qu'avoient faict ses
+ prédécesseurs.
+
+ Laquelle rayson le dict ambassadeur a monstré d'aprouver, et a
+ adjouxté que possible n'estoit on pas trop loing d'une si grande
+ et vertueuse délibération; et puys a continué me dire que les
+ Anglois, pour ne pouvoir bien entendre toutz les secretz de la
+ dicte ligue, la tenoient pour fort suspecte, comme, à la vérité,
+ j'ay sceu qu'iceulx Anglois discourent entre eulx, qu'ayant le
+ Pape passé si avant que d'avoir ouvertement interdit cette Royne
+ et son royaulme, et estant le Roy d'Espaigne fort offancé des
+ dicts Anglois, et les Véniciens assés mal contantz des prinses et
+ déprédations de l'année passée, qu'il est à croire qu'on n'a
+ dressé ceste ligue dans Rome, sans y incérer quelque article bien
+ exprès contre l'Angleterre, et que le général de la mer qui a
+ esté créé par icelle, qui est don Juan d'Austria, aspire bien
+ fort à l'entreprinse.
+
+ Néantmoins, le duc d'Alve entretient les dicts Anglois en une si
+ ferme opinion de l'amytié du Roy, son Maistre, qu'ilz s'en
+ tiennent trop plus que bien asseurez; et semble que, ny luy de
+ son costé, ny eulx du leur, ne s'ennuyent de laysser encores les
+ choses en suspens, sans aultrement les esclarcyr, parce que le
+ temporiser vient à propos pour chacun, bien que possible non
+ guières pour les Mestres ny pour leurs estatz, mais pour ceulx
+ qui les manyent; et m'a l'on asseuré que le dict duc a offert à
+ ceste Royne de luy envoyer dix mil hommes de guerre, pour la
+ servyr en ses affères, qu'elle pourroit avoir dans son royaulme,
+ ou bien contre l'Escoce, si elle en a besoing: mais qu'elle n'a
+ accepté ny l'ung ny l'aultré, ny ne demeure pour cella trop
+ dellivrée du souspeçon qu'elle s'est conceue du dict duc.
+
+ J'entendz que milord de Sethon, estant arrivé en Envers, a
+ soubdain envoyé demander audience à icelluy duc jusques à
+ Bergues, lequel s'est excusé de la luy pouvoir si tost bailler,
+ pour estre fort empesché à l'embarquement de la Royne, sa
+ Mestresse; dont le dict de Sethon, ne voulant prolonger les
+ matières, luy a envoyé incontinent les lettres des seigneurs
+ d'Escoce et une coppie de son instruction, mais le duc ne s'est
+ hasté pour cella de luy rien respondre, ains l'a remiz à quant il
+ seroit en Envers, que le conseil du pays y seroit assemblé; et
+ cependant il l'a faict convyer à dyner par le marquis de Chetona,
+ où le secrétaire Courteville s'est trouvé, avec lesquelz il a heu
+ grand conférance; et despuys il a envoyé icy demander qu'est ce
+ qu'il aura à respondre, si le dict duc requéroit d'avoir la Royne
+ d'Escoce entre ses mains, ou qu'elle y veuille mettre le Prince
+ d'Escoce son filz; s'il inciste qu'elle ne se marye sans le
+ conseil du Roy Catholique, et qu'elle veuille entrer en ligue
+ avecques luy, sans exception d'aulcune aultre ligue; s'il demande
+ avoir quelques portz et places au pays, pour la retrette de ceux
+ qu'il y envoyera; et finallement, s'il requiert que la réduction
+ de la religion catholique soit faicte en tout le royaulme, et que
+ l'aultre en soit chassée, et toutz ceulx qui en sont.
+
+ En quoy semble que le dict de Courteville ayt desjà touché toutz
+ ces poinctz au dict de Sethon, et, quoy que soit, on m'a bien
+ baillé pour chose asseurée que maistre Jehan Amelthon, qui a
+ résidé despuys quinze moys, ordinairement, près du dict duc
+ d'Alve, a esté naguières envoyé par icelluy duc avec deux aultres
+ gentishommes, ung italien et ung espaignol, jusques en Escoce,
+ pour recognoistre quelque commode descente; et que le dict
+ Amelthon leur a monstre les ports et villes de Montroz et
+ Abredin.
+
+ Quant, après plusieurs miennes instances et de Mr l'évesque de
+ Roz, la Royne d'Angleterre eust, à la fin de septembre, commandé
+ au secrétaire Cecille, et à maistre Mildmay, d'aller devers |a
+ Royne d'Escoce, elle ne se peult tenir de jetter quelques motz de
+ jalouzie des perfections de sa cousine, demandant au dict
+ secrétaire, s'il se lairroit point gaigner à elle, comme les
+ aultres, qui l'avoient veue; dont il tomba en ung merveilleux
+ doubte que le voyage luy fût pernicieux, et escripvit dez lors à
+ ung sien amy qu'il s'en excuseroit, s'il luy estoit possible, ce
+ qui donna à penser, estant incontinent après devenu mallade,
+ qu'il le contrafaisoit, mesmes qu'il ne se sentoit estre bien
+ vollu de la dicte Royne d'Escoce, et n'estimoit pouvoir raporter
+ honneur de ceste négociation; tant y a que, ne voulant qu'ung
+ aultre l'eust, il dellibéra de veincre toutz ces doubtes et
+ difficultez, mais, premier que de partir, affin d'oster toute
+ souspeçon à sa Mestresse, il dressa les articles de son
+ instruction, ainsy durs qu'ils sont contenuz en la lettre du Roy,
+ et les communica à la dicte Dame, qui les aprouva, et puys au
+ conseil, où quelques ungs luy remonstrèrent qu'il seroit bon de
+ les modérer, affin qu'ilz ne malcontentassent par trop ceste
+ princesse, et qu'ilz fussent aprouvez des aultres princes; mais
+ il respondit qu'on luy layssât manyer cest affère, lequel il
+ entendoit très bien, et le conduyroit à bonne fin, à l'honneur de
+ sa Mestresse et de son royaulme; et qu'il feroit que la Royne
+ d'Escoce et les princes, ses allyez, ne seroient que bien ayses
+ d'en passer par là. Tant y a qu'estant sur le lieu, Mr de Roz m'a
+ mandé qu'il monstre d'avoir une grande vollonté de conclurre le
+ tretté, et qu'il espère que le retour du Sr de Valsingan, sur
+ lequel l'on luy avoit faict une dépesche, seroit cause de luy
+ fère modérer les dures condicions de sa première instruction.
+
+ Et m'a le dict sieur évesque mandé davantaige que creinct que les
+ seigneurs escossois, partisans de sa Mestresse, commençant de
+ n'espérer guières nul secours de France, condescendront à telles
+ condicions de tretté qu'on leur vouldra imposer; et que quelques
+ ungs sont desjà après à s'acommoder à l'authorité du comte de
+ Lenoz; ny l'arrivée du Sr de Vayrac ne les a peu tant confirmer
+ qu'ilz veuillent demeurer davantaige en doubte, ny mettre plus en
+ hazard leurs vies et leurs biens.
+
+ Tant y a que le lair de Granges, cappitaine de Lislebourg, a
+ mandé que, s'il playt au Roy fère descendre mille harquebuziers
+ seulement ez quartiers, du Nord d'Escoce, qu'il rechassera le
+ dict de Lenoz et les Anglois plus loing que Barvich, et réduyra
+ la ville de Lislebourg à l'obéissance de la Royne sa Mestresse,
+ et qu'il ne sera plus parlé que de l'alliance de France en tout
+ le royaulme d'Escoce.
+
+
+
+
+CXLe DÉPESCHE
+
+--du XVIIe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès par ung des miens, jusques à Calais._)
+
+ Communication officielle des articles proposés à Marie
+ Stuart.--Nécessité de remontrer à la reine d'Angleterre qu'elle
+ ne peut enlever à la France l'alliance de l'Écosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, vous ayant escript, du jour de hier, assés amplement toutes
+choses de deçà, ceste cy n'est que pour dire à Vostre Majesté comme,
+ce matin, Mr l'évesque de Roz m'a envoyé, en grand dilligence, les
+articles[15] que les depputez de la Royne d'Angleterre ont baillez à
+la Royne d'Escoce, sa Mestresse, me priant de lui envoyer, tout
+incontinent, le messagier avec ma responce et mon adviz là dessus; et
+que je veuille considérer que le moindre dilay ou empeschement, qui
+puysse intervenir en cest affère, est ung extrême détriment à sa dicte
+Mestresse; mais qu'il mettra peyne d'entretenir la matière en suspens,
+jusques à ce que ma response arrive, et qu'il est tout certain, si
+l'on fault ceste foys de conclurre quelque chose, que la dicte Dame et
+ses affères, et ceulx de son royaulme, demeurent déplorez et hors de
+tout remède pour jamais. Sur quoy, Sire, j'ay esté en grand peyne, car
+le faict me semble d'un costé si important, que je ne me doibz ingérer
+de rien dellibérer ny respondre sur icelluy, sans exprès commandement
+de Vostre Majesté, et, de l'autre, je voys ceste pouvre princesse en
+si dangereux estast, que le moindre retardement peult admener une
+extrême ruyne sur elle et sur son royaulme; dont, en telle extrémité,
+j'ay prins expédiant de respondre premièrement au dict sieur évesque,
+en la meilleur façon que j'ay peu, sellon le peu de loysir qu'il m'a
+donné d'y penser, et d'envoyer tout aussitost à Vostre Majesté les
+dicts articles et ma dicte responce, affin qu'il vous playse, en
+mesmes dilligence, me remander vostre bon commandement; lequel je
+mettray peyne, aultant qu'il me sera possible, d'exactement accomplyr;
+et j'espère qu'on ne s'opiniastrera du tout à toutes les conditions
+des dicts articles, ayant desjà faict office, là où j'ay cogneu en
+estre besoing, pour les fère modérer; et je sçay que ce que Voz
+Majestez en ont fermement et vertueusement mandé, par le Sr de
+Valsingan, à ceste Royne, en fera bien rabattre quelque chose. Tant y
+a que Vostre Majesté verra s'il seroit bon que, faisant appeller
+l'ambassadeur d'Angleterre en sa présence, et luy monstrant d'estre
+bien ayse de la continuation du tretté, vous lui faysiez tout
+clairement entendre que vous ne pourriez tout ensemble meintenir
+l'amytié avecques la Royne, sa Mestresse, et veoir qu'elle s'esforçât
+de vous soubstraire l'alliance d'Escoce; et que, de tant que vous avez
+entendu que ceulx, qui dressent le tretté, y aspirent, que vous l'avez
+bien vollu exorter d'advertyr sa Mestresse qu'elle se veuille déporter
+d'entreprendre une telle offance contre vous; laquelle vous ne
+pourriez comporter, attandu mesmement que vous n'avez désiré ny
+procuré que tout bon accord entre elle et la Royne d'Escoce, et bonne
+paix entre leurs deux royaumes, pourvu que ce ne soit au préjudice de
+vostre dicte alliance. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIe jour d'octobre 1570.
+
+ [15] Ces articles, ainsi que les réponses de Marie Stuart, n'ont
+ pas été transcrits sur les registres de l'ambassadeur; mais ils
+ sont textuellement rapportés par les historiens, et notamment par
+ Camden at Rapin Thoiras.
+
+
+
+
+CXLIe DÉPESCHE
+
+--du XXVe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._)
+
+ Audience.--Assurances réciproques d'amitié.--Consolidation de la
+ paix en France.--Plainte du roi contre la dernière invasion du
+ comte de Sussex en Écosse.--Vive insistance de l'ambassadeur
+ pour qu'il soit procédé à la restitution de Marie Stuart, sous
+ des conditions honorables pour la France.--Plaintes
+ d'Élisabeth contre la reine d'Écosse.--Instance de
+ l'ambassadeur afin qu'une résolution définitive soit prise sans
+ retard.--Protestation d'Élisabeth qu'elle ne veut plus retenir
+ Marie Stuart en Angleterre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je n'ay receu jusques au XVIIIe du présent, la dépesche de
+Vostre Majesté, du XXVIe du passé, car le Sr de Vassal, qui me
+l'aportoit, oultre la première tourmente, que je vous ay mandé qu'il
+avoit soufferte, il a, par trois fois, despuys, s'esforceant de passer
+de deçà, toutjour esté rejetté en la coste de dellà, et a esté si
+travaillé de la mer, que d'une fiebvre quarte, qu'il avoit auparavant,
+il est tumbé en une continue, qui l'a contrainct de demeurer du tout à
+Callais, d'où il m'a envoyé le pacquet; sur lequel, Sire, ayant veu,
+le XXe de ce moys, la Royne d'Angleterre, j'ay estimé luy debvoir fère
+entendre le retardement d'icelluy, et comme beaucoup plustost qu'à
+ceste heure, vous m'avez commandé que je l'allasse trouver, affin de
+luy randre, de vostre part, le plus exprès et le plus grand mercys,
+qu'il me seroit possible, pour la tant prompte et ouverte
+conjouyssance, qu'elle avoit usé vers vous sur la paix de vostre
+royaulme; et qu'ayant prévenu en cella toutz les aultres princes,
+voz alliez, vous demeuriez très fermement persuadé que, plus
+que toutz eulx, elle vous avoit véritablement desiré ce bien, et
+l'establissement de voz affères; dont la priez de regarder en quoy
+elle se vouldroit meintennant prévaloir de vous et de vostre présente
+paix; car vous métriez peyne de la luy randre aultant utille, comme
+elle avoit monstré de l'avoir toutjour très agréable; et que me
+commandiez, au reste, de n'obmettre rien qui peult servir à luy fère
+bien cognoistre vostre bonne affection et celle de la Royne, vostre
+mère, en cest endroict; mais que je n'entreprendrois de luy en dire
+davantaige, parce que Voz Majestez s'estoient mieulx sceu explicquer,
+par leur propre parolle, au Sr de Valsingan, que je ne le sçaurois
+fère sur vostre lettre: et comme il avoit dignement représanté
+l'intention d'elle à Voz Majestez par dellà, qu'ainsy espérois je que,
+à son retour, il se seroit très bien acquité de luy fère bien entendre
+les vostres, et toutz les bons propos que luy avez tenuz de la
+parfaicte amytié, en laquelle dellibériez persévérer avec elle et son
+royaume. Et suyviz, Sire, à luy toucher quelques motz du bon et
+asseuré establissement, que prènent les choses de la paix en vostre
+royaulme, affin qu'elle ne donnast foy à certaine lettre, que je
+sçavois qu'on luy avoit monstrée de quelcun de vostre court, qui a
+escript à ung seigneur de ce royaulme, en langaige françois et lettre
+françoyse fort proprement, sans toutesfoys se soubsigner, sinon par
+parrafe, qu'il voyoit que les troubles alloient recommancer plus fort
+que devant, en vostre royaulme, à cause de plusieurs désordres et
+viollances qu'on fesoit à ceulx de la religion; et que Messieurs les
+Princes avoient envoyé fère des remonstrances là dessus à Vostre
+Majesté, qui leur aviez rendu de fort bonnes responces; et aviez
+soubdain dépesché lettres pour y pourvoir, mais l'on n'y avoit vollu
+obéyr; dont ilz avoient renvoyé vous en fère nouvelle pleinte; et
+vous aviez de rechef escript que justice en fût dilligemment faicte,
+mais que l'on avoit contempné et mesprisé vos lettres, ce qui leur
+faisoit penser qu'il y avoit quelque très dangereuse entreprinse
+couverte contre ceulx de la dicte religion; dont les dicts Princes
+s'estoient retirez mal contans à la Rochelle, non sans avoir desjà
+adverty leurs amys en Allemaigne. De laquelle nouvelle l'on me vouloit
+bien asseurer que la dicte Dame et ceulx de son conseil seroient pour
+changer beaucoup de leurs premières dellibérations, mesmement en
+l'endroict de la Royne d'Escoce, si je ne mettois peyne de luy
+persuader le contraire.
+
+Ce qui m'a faict estendre plus avant le propos, lequel seroit long à
+mettre icy; mais elle a monstré de l'avoir bien fort agréable, et m'a
+respondu que le dict sieur de Valsingan avoit trouvé les parolles,
+dont Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, luy avoient usé sur la
+conjoyssance de la paix, si pleynes d'honneur et si dignes, qu'il
+n'avoit osé entreprendre de plus particullièrement les luy exprimer
+que de l'asseurer que de plus dignes n'en pouvoient estre proférées de
+nulz princes de la terre; et que, sur ce que je luy en disoys
+meintennant, elle remercyoit infinyement Voz Majestez d'avoir vollu
+ainsy pénétrer en son cueur, pour y bien cognoistre l'affection,
+qu'elle a, trop plus certaine et vraye, que nul de toutz vos allyez, à
+la dicte paix de vostre royaulme; et que, tout ainsy qu'elle a cy
+devant prié Dieu de la vous donner, que ainsy, à ceste heure, que vous
+l'avez, elle le prie de la vous conserver si entière que nulz plus
+obéyssantz ny plus fidelles subjectz à leur prince que les vostres, ny
+nul meilleur prince que Vostre Majesté à eulx, se puyssent trouver en
+tout le monde.
+
+Et a poursuyvy aulcunes particullaritez qui sembloient bien extraictes
+de la susdicte lettre; mais je y ay respondu en façon qu'elle m'a
+semblé demeurer bien édiffiée des choses de vostre royaume; et puys
+j'ay adjouxté que le Sr de Valsingan, à mon adviz, n'avoit failly de
+luy dire ce que Vostre Majesté me commandoit de luy représanter
+encores une foys, c'est que vous aviez esté bien fort escandalisé du
+dernier exploict du comte de Sussex en Escoce, et que une seule chose
+vous avoit contanté, que ses deux ambassadeurs, et moy pareillement
+par mes lettres, vous avions asseuré que cella estoit advenu sans son
+sceu et sans son commandement; en quoy vous la vouliez donc très
+expressément prier de fère quelque réparation ou démonstration là
+dessus, par où les Escouçoys peussent cognoistre que son intention,
+aussi bien que la vostre, avoit esté d'abstenir de toute voye
+d'hostillité, et de remettre toutz leurs différans à ung bon tretté
+d'accord, ainsy que, sur la parolle d'elle, vous les en aviez
+asseurez, et aviez différé de leur bailler vostre secours; et qu'au
+reste vous aviez heu ung singulier playsir d'entendre qu'elle eust
+envoyé ses depputez devers la Royne d'Escoce pour commancer de
+procéder au tretté; et que Vous, Sire, et la Royne, chacun séparément,
+en voz lettres, me commandiez de la prier et conjurer, au nom de
+l'amytié, que luy portez, qu'elle vous fît meintennant cognoistre
+combien elle vouloit satisfère aulx choses, qu'elle vous a faictes
+espérer, et que assés souvant elle vous a promises, pour la liberté et
+restitution de la Royne d'Escoce, et de tourner son cueur à ne vous
+vouloir ny offancer ny mescontanter en cella, ains correspondre à ce
+que, pour le seul respect de son amytié, et non d'aultre chose, vous
+desiriez qu'on ne vînt aulx viollantz remèdes, dont l'on vous
+recherchoit très instantment d'y user; et que plusieurs raysons,
+lesquelles vous luy aviez desjà faictes entendre, pressoient vostre
+honneur et vostre debvoir, et l'honneur de vostre couronne, de
+n'abandonner, en façon du monde, ny la liberté, ny la restitution de
+ceste pouvre princesse, vostre belle soeur, ny mesmes les affères de
+ceulx qui soubstiennent son party en Escoce, quant bien elle n'y
+seroit plus, et de n'y espargner nul moyen, ny pouvoir, que Dieu vous
+ayt donné en ce monde; dont desiriez infinyement que le dict tretté
+sortît à effect, et que, par icelluy, elle demeurast contante et bien
+satisfaicte de tout ce qu'elle pouvoit honnestement et honnorablement
+demander à la Royne d'Escoce, pourveu que ce ne fût contre sa
+consience, ny contre sa dignité, ny contre son estat, ny au préjudice
+des trettez, que vous avez avec l'Angleterre, ny derrogeant à vostre
+alliance avec les Escouçoys; car, au reste, vous vouliez, de bon
+cueur, estre garant de toutes les choses qui seroient promises et
+accordées par le tretté.
+
+Auquel propos, qui a esté avec attention, mais non sans passion, fort
+dilligemment escouté de la dicte Dame, elle m'a respondu qu'elle
+s'esbahyssoit grandement, comme Voz Majestez Très Chrestiennes avez
+tant à cueur la Royne d'Escoce, que ne vollussiez avoir aulcune
+considération aulx grandes offances, qu'elle luy a faictes:
+premièrement, de luy inpugner sa condicion pour la fère déclairer
+illégitime; puys de s'estre attribuée le titre de son royaulme; et
+finallement, d'avoir esmeu ses propres subjectz contre elle; et que ce
+eust bien esté assés à Voz Majestez de l'avoir faict admonester une
+foys d'y procéder, sellon que l'honneur et debvoir l'y pouvoit
+convyer, sans luy en fère si souvant répéter les instances, comme, à
+toutes les audiences, je ne faillois de les luy renouveller; et que,
+puysque j'en avois esmeu le propos, elle me vouloit bien dire que ung
+pacquet d'une dame d'Escosse luy estoit, despuys deux jours, tumbé
+entre mains, dedans lequel elle avoit trouvé une enseigne d'or, en
+laquelle estoit engravé ung lyon avec les armes d'Escoce, soubstenuz
+de deux cornes, et ung liépart avec les armes d'Angleterre, lequel le
+lyon dessiroit, et ung mot en Anglois qui dict: _ainsy abattra le Lyon
+Escouçoys le Liépart Anglois_; et puys une lettre d'une dame, qui se
+soubsigne _Flemy_, laquelle mande à milord de Leviston, de présenter
+la dicte enseigne à la Royne d'Escoce, sa bonne Mestresse, laquelle en
+entendra bien la signiffication, qui est celle propre qu'elles ont
+souvant devisée et desirée entre elles; et que cella, avec plusieurs
+aultres occasions, la randoient de plus en plus offancée contre la
+dicte Dame.
+
+A quoy j'ay répliqué que, si elle considéroit en quelle bonne sorte et
+modeste façon vous l'aviez toutjour faicte requérir sur les affaires
+de la dicte Royne d'Escoce, elle se réputeroit vous en avoir de
+l'obligation, et non qu'elle s'en tînt mal contante, comme j'espérois
+que le temps le luy feroit quelquefoys cognoistre; et que, si elle y
+eust vollu entendre la première foys, nous en fussions à ceste heure
+aulx mercyemens, et non plus aulx tant répétées instances; et qu'au
+reste je ne faysois doubte que plusieurs en Angleterre, et plusieurs
+en Escoce, ne cerchassent, par le moyen d'elle, de ruyner la Royne
+d'Escoce, et plusieurs aussi, par la Royne d'Escoce, de la ruyner à
+elle, s'ilz pouvoient; mais qu'elles feroient bien de s'accorder
+ensemble à la propre ruyne d'eulx, et à leur confusion; et que
+c'estoit à elle de cercher meintennant ou sa vengeance, ou sa
+seureté, en cest affère; et si c'estoit sa vengeance, qu'elle
+considérât les dangereuses conséquences qui en pouvoient advenir, et
+combien elle s'aquerroit par là l'indignation de toutz les aultres
+princes, et la hayne généralle des habitans de ceste isle et de
+presque toute la Chrestienté; si, sa seureté, que Vostre Majesté
+concourroit à la luy fère trouver telle, comme elle la pourroit
+désirer.
+
+A quoy la dicte Dame, avec affection, m'a prié de vous escripre que,
+pour l'honneur de Vostre Majesté, et non pour aultre respect du monde,
+elle a commancé d'envoyer ses depputez, et de procéder, envers la
+Royne d'Escoce, en une façon que nul aultre prince, ny princesse
+offancée comme elle, ne l'eust jamais faict, et qu'elle se contraindra
+à toutes les conditions, qu'il luy sera possible, pour remettre la
+dicte Dame, par la voye du tretté, le plus honnorablement qu'elle
+pourra, en son royaulme; et, quant elle ne le pourra en ceste façon,
+qu'encor vous donne elle parolle de la renvoyer, commant que soit, à
+ceulx qui tiennent son party en son pays, car ne la veult plus retenir
+en son royaulme; et que, par ainsy, elle espère vous satisfère si bien
+que vous n'aurez plus occasion de vous quereller de ce faict, ny de
+luy en fère plus parler. Qui sont, Sire, les principaulx poinctz qui
+ont esté desduictz en ceste audience. Sur ce, etc. Ce XXVe jour
+d'octobre 1570.
+
+
+
+
+CXLIIe DÉPESCHE
+
+--du XXXe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Estienne, le postillon._)
+
+ Négociation concernant Marie Stuart.--Nouvelles d'Écosse.--Avis
+ que le duc d'Albe demande à quitter le gouvernement des
+ Pays-Bas.--Affaires d'Allemagne.--Ligue contre les Turcs.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le retour des depputez de la Royne d'Angleterre ne nous faict
+que bien espérer du tretté, qu'ilz ont encommancé avec la Royne
+d'Escoce, de laquelle, et des responces qu'elle leur a faictes, semble
+qu'ilz ayent miz peyne d'en fère prendre beaucoup de contantement à
+leur Mestresse, et qu'enfin le tretté se conclurra; lequel se fût
+desjà advancé de dresser, avant la venue des depputez d'Escoce, si la
+malladie de milord Quiper ne fût survenue, laquelle est cause qu'on
+s'est résolu d'attandre qu'ilz soient arrivez; et que cependant
+icelluy Quiper pourra estre guéry. Je mettray peyne, Sire, d'entendre
+par Mr de Roz, aussitost qu'il sera de retour en ce lieu, les
+susdictes responces de la Royne d'Escose, affin de les vous mander; et
+vous manderay, par mesmes moyen, ce que j'auray aprins d'une dépesche,
+qui vient d'arriver du comte de Lenoz, laquelle aulcuns présument
+estre pour certaine surcéance d'armes, qui doibt estre accordée pour
+deux mois en Escoce. Et j'entens que le gentilhomme, qui l'a apportée,
+dict que le duc de Chastellerault, et ceulx du party de la Royne
+d'Escoce, s'opiniastrent de vouloir tenir une assemblée, sur le faict
+de l'estat du pays, nonobstant la dépesche de leurs depputez par
+decà; et que le Sr de Flemy est sorty en armes de Dombertran pour se
+saysir des lieux plus prochains de sa place, affin d'y dresser des
+logis et estables, comme pour y recepvoir la gent et cavallerie qu'il
+attand bientost de France; laquelle persuasion, avec le raport que le
+cappitaine Comberon faict de la ferme affection, en quoy il a trouvé
+Voz Majestez vers les choses d'Escoce, pourront aulcunement servyr à
+l'advancement du dict tretté.
+
+Et y eust pareillement servy assés le doubte, auquel la Royne
+d'Angleterre demeuroit du retour de l'armée, qui est allé conduyre la
+Royne d'Espaigne, si elle n'eust receu ung adviz, (qui est assés
+semblable à ung aultre, que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, en
+a, bien qu'il dict ne le tenir du duc d'Alve), que la dicte armée est
+réservée pour ramener en Flandres la princesse de Portugal, affin d'y
+estre régente, et le duc de Medina Celi, qu'elle admeyne pour y estre
+cappitaine général et superintendant des affères soubz elle; et
+qu'avec la mesmes armée le dict duc s'en retournera, puis après, en
+Espaigne, et que, despuys l'embarquement de sa Mestresse, icelluy duc
+a encores dépesché ung des siens, en dilligence, devers le Roy son
+Maistre, pour fère, en toutes sortes, résouldre son congé,[16]
+remonstrant son eage et son indisposition; et qu'il a remiz le pays en
+ung si bon et si paysible estat, et si hors de toute souspeçon de
+guerre, qu'on ne doibt plus rien craindre de ce costé, ayant faict
+exécuter les principaulx chefz de la cédition, et ruyné si bien toutz
+les moyens et la réputation du prince d'Orange, qu'il n'ose plus
+sortyr de Nausau; qu'il a miz ung si bon nombre des principaulx
+princes d'Allemaigne en la pencion de son Maistre, que les aultres ne
+luy pourront nuyre; qu'il a accreu ses revenuz de Flandres de douze
+centz mil escuz par an; qu'il a aschevé la forteresse d'Envers;
+ordonné celle de Vallenciennes; estably les évesques; confirmé la
+noblesse; réduict les loix, coustumes et ordonnances; et si bien
+pourveu à toutes choses au dict pays, qu'il ne reste qu'à y entretenir
+le bon ordre qu'il y layssera; et que mesmes il a acheminé en si bonne
+façon ce qu'il avoit à démesler avecques les Anglois, qu'on vit en une
+doulce surcéance avec eulx, avec grande espérance d'un fort prochain
+et entier accord. Lequel adviz semble que la dicte Dame tienne pour
+assés véritable, et quoy que ce soit, elle a fait ramener en leur
+arcenal accoustumé de Gelingan les dix navyres qu'elle avoit envoyez
+convoyer la Royne d'Espaigne, et a faict licencier les gens et
+mariniers qui estoient dessus, et faict cesser toutz ses aultres
+aprestz et apareilz de mer.
+
+ [16] Le duc d'Albe avait été investi du gouvernement des Pays-Bas
+ en 1566. Le projet dont il est ici mention ne fut pas exécuté; il
+ fut maintenu dans sa charge jusqu'à la fin de 1573, époque à
+ laquelle il céda le gouvernement à don Louis de Requessens,
+ commandeur de Castille, après avoir publié une amnistie générale,
+ au mois de décembre de cette année.
+
+Le sire Henry Coban escript d'Espire qu'il sera respondu sur les
+choses qu'il a proposées à l'Empereur, incontinent après que les
+nopces de la princesse Élizabeth seront faictes, et j'entans que, à la
+vérité, il a renouvellé le propos du mariage de l'archiduc Charles,
+mais l'on ne l'a suyvy ainsy chauldement qu'il espéroit. D'aultres
+lettres sont venues d'Allemaigne, qui font mencion de certein
+différant, qui cuyda arriver à Heldelberc, devant l'Empereur, entre
+Jehan Georges Pallatin et Jehan Guilhaume de Saxe, sur leur
+précédance, à qui seroit premier assiz au festin, de sorte qu'ilz
+furent prestz de mettre la main aulx armes; mais l'Empereur assembla
+soubdein les principaulx, qui estoient près de luy, et prononcea pour
+le dict Georges, remonstrant si bien la rayson à l'aultre, que la
+chose se passa gracieusement; et que le comte Pallatin avoit
+instamment prié l'impératrix et la princesse sa fille, qu'elles
+vollussent accompaigner l'Empereur en sa mayson de Heldelberc; mais la
+dicte Dame s'en estoit excusée en une façon si résolue de n'y vouloir
+aulcunement aller, que le dict Pallatin en estoit demeuré assés mal
+contant; que l'Empereur avoit une grande affection d'entrer en la
+ligue contre le Turc, et qu'il estoit après à persuader le Vayvaulde
+de renoncer à l'alliance et à la souverayneté d'icelluy, et de luy
+deffandre l'entrée de la Transilvanie, luy promettant, s'il perdoit,
+pour ceste occasion, rien de son estat qu'il le récompenseroit en
+Bohesme; et qu'on avoit opinion, s'il pouvoit conduyre le dict
+Vayvaulde à cella, que les Estats de l'Empyre luy consentiroient
+vollontiers d'entrer en la dicte ligue, et s'obligeraient à luy
+bailler deniers et secours pour icelle, bien qu'on souspeçonnoit assés
+que, n'ayantz les Vénitiens esté secouruz à propos de ceulx de la
+susdicte ligue, ils cercheront d'accommoder leurs affères et de
+procurer en toutes sortes par deniers, ou bien en accordant quelque
+tribut sur Chipre, de fère paix avec le dict Turc; au moyen de quoy
+ceste ligue demeureroit, puys après, assés froide, et bien fort
+foible. Sur ce, etc. Ce XXXe jour d'octobre 1570.
+
+
+
+
+CXLIIIe DÉPESCHE
+
+--du IXe jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyée à la court par Mr le secrétaire de L'Aubespine._)
+
+ Audience.--Vives plaintes de la reine contre la réception faite
+ par le roi à Mr de Norris, son ambassadeur, et contre la
+ déclaration du roi en faveur de la reine d'Écosse.--Nécessité
+ où se trouve le roi de réclamer la liberté de Marie
+ Stuart.--Protestation qu'il ne veut pas rompre la
+ paix.--Communication officielle du mariage du roi.--Compliment
+ de la reine sur cette union.--_Lettre secrète à la reine-mère_
+ sur la proposition du mariage de la reine d'Angleterre avec le
+ duc d'Anjou.--_Mémoire._ Bruits répandus en Angleterre et en
+ Allemagne que la pacification de France n'est point sérieuse,
+ et qu'elle cache quelque secret dessein du roi.--Détails
+ particuliers concernant la négociation avec la reine
+ d'Écosse.--Rapprochement entre l'Angleterre et
+ l'Espagne.--Plainte de Walsingham au sujet de l'accueil que lui
+ a fait le roi dans son audience de congé.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, estant, sabmedy dernier, avec la Royne d'Angleterre pour luy
+fère part de la dépesche, que Mr de L'Aubespine m'a apportée, et des
+aultres choses qu'il m'a sagement faictes entendre de l'intention de
+Vostre Majesté, j'avois advisé de luy commancer quelque gracieulx
+propos de vostre mariage, ainsy qu'on m'avoit adverty que je me
+gardasse bien de luy user d'aulcune rigoureuse démonstration, si je ne
+voulois donner aulx ennemys de la Royne d'Escoce l'entier gain de leur
+cause, et advancer grandement les affères d'Espaigne, pour d'aultaut
+deffavoriser toutz ceulx de France en son endroict; et que c'estoit à
+l'occasion de certaine deffaveur, que son ambassadeur luy avoit mandé
+qu'il avoit naguières receu de Vostre Majesté, meslée de quelque
+menace contre elle mesmes, sur les affères de la Royne d'Escoce, de
+quoy elle estoit fort offancée; et que noz ennemys s'esforceroient d'y
+semer encores du verre, pour randre la playe incurable; par ainsy,
+qu'il estoit besoing que je radoulcisse le faict.
+
+Mais la dicte Dame me prévint, car aussitost que j'entray en sa
+chambre privée, elle s'advança de me dire qu'elle me recepvoit mieulx
+que son ambassadeur ne l'avoit esté en sa dernière audience en France,
+me remonstrant la façon dont Vostre Majesté avoit parlé à luy; de
+laquelle disoit estre de tant plus marrye que deux aultres
+gentishommes anglois, qui n'avoient jamais plus veu vostre court, luy
+avoient raporté, premier que son ambassadeur luy en eust rien escript,
+qu'elle ny ses messagiers n'estoient guières prisez ny respectez en
+France.
+
+Sur quoy l'ayant escoutée paciemment, je luy respondiz que je n'avois
+rien entendu de cest affère, et que je sçavois, et estois bon
+tesmoing, que Vostre Majesté avoit toutjours bien receu, avecques
+beaucoup d'honneur et faveur, ses ambassadeurs, et toutz les propos
+qu'ilz vous avoient toutjours tenuz de sa part, aultant que de nul
+aultre prince ny princesse de la terre; ce qui me faisoit croyre que
+l'ocasion n'estoit meintennant procédée de Vostre Majesté; et j'en
+comprenois quelque chose parce qu'elle-mesmes disoit que vous aviez la
+botte, quant son ambassadeur arriva, et que vous luy aviez demandé
+comme est ce qu'il venoit à telle heure; et qu'au reste, elle debvoit
+interpréter à bien la franchise de vostre parler sur les affères de la
+Royne d'Escoce; mesmes que s'estant la dicte négociation continuée
+despuys par lettres, vous m'aviez envoyé la coppie de celle, que vous
+aviez escripte à son ambassadeur; laquelle je trouvois fort
+honnorable, et bien conforme à tout ce qui pouvoit convenir à
+l'entretennement de vostre commune amytié.
+
+Elle me répliqua qu'elle ne sçavoit que penser de la dicte réponse par
+escript, et s'esbahyssoit assés comme Vostre Majesté y avoit vollu
+adjouxter de sa main, me priant de la luy monstrer, si je l'avois
+présente, affin que la débatissions ensemble, dont la luy ayant
+monstrée, elle me dict, par deux foys, qu'elle n'estoit semblable à
+celle qu'elle avoit desjà veue; et que néantmoins elle trouvoit en
+ceste cy cella bien dur, que vous disiez vouloir secourir la Royne
+d'Escoce en ceste sienne nécessité, et procurer sa liberté par toutz
+les moyens que Dieu avoit miz en vostre puyssance; et qu'estant la
+dicte Royne d'Escoce entre ses mains, vous infériez par là que si elle
+ne la restituoit par le tretté, que vous luy dénonciez desjà la
+guerre.
+
+Sur quoy je luy desduysis les raysons, par lesquelles Vostre Majesté
+ne pouvoit moins dire que cella, ny moins fère que ce que vous en
+disiez; et quant elle vouldroit, d'un coeur non ulcéré, considérer
+l'estat de cest affère, que non seulement elle ne se tiendroit pour
+offancée, ains cognoistroit vous avoir beaucoup d'obligation de
+l'honneste et modeste façon, dont vous y aviez procédé; et que,
+nonobstant les lettres de son dict ambassadeur, suyvant les
+honnorables propos et honnestes démonstrations de contantement, dont
+elle vous avoit usé touchant vostre mariage, lorsque luy en aviez
+premièrement escript l'accord, vous me commandiez de luy dire en quoy
+en estoient meintennant les choses; qui espériez que son playsir
+augmenteroit de sçavoir qu'elles fussent ainsy bien advancées qu'elles
+estoient, et prestes de recepvoir ung bien prochain et bien heureulx
+accomplissement; et luy particularisay le voyage de Mr le comte de
+Retz à Espire, affin d'apporter les pouvoirs à l'archiduc Ferdinand,
+pour espouser, au nom de Vostre Majesté, la princesse Élizabeth sa
+niepce, et comme la cérémonye s'en debvoit célébrer, le XVe du passé,
+par l'archevesque de Mayance, et puys s'acheminer la dicte Dame, le
+XXIIIIe du dict moys, grandement accompaignée, en France; et que
+Monseigneur, frère de Vostre Majesté, et Madame de Lorrayne, vostre
+soeur, estoient desjà vers la frontière pour la recepvoir et pour la
+mener fère sa première entrée à Mézières, où toute sa mayson luy
+seroit présentée, et de là à Compiegne, auquel lieu Voz Majestez
+préparoient desjà ce qui convenoit à un si solempnel et si royal
+mariage, pour le XVe du présent; et puys l'on conduyroit la dicte Dame
+à St Deniz pour la sacrer et couronner Royne de France; et se parloit
+de l'entrée à Paris au premier jour de l'an, quant messieurs les
+mareschaulx et aultres principaulx seigneurs, qu'aviez envoyez, pour
+establir, sans dilay ny excuse, vostre éedict par toutes les provinces
+de vostre royaume, pourroient estre de retour; et que, comme Vostre
+Majesté et la dicte Royne d'Angleterre aviez accoustumé d'agréer,
+l'ung à l'aultre, la communication de voz bonnes fortunes et
+prospéritez, que vous luy aviez bien vollu fère part de ceste cy, pour
+l'asseurer que ceste vostre nouvelle alliance n'estoit pour diminuer,
+ains pour fortiffier et augmenter davantaige celle que vous avez, et
+en laquelle vous voulez bien persévérer, avec elle; et que je croyois
+que vous seriez bien ayse d'entendre qu'elle fust en ces mesmes
+termes, où à présent vous trouviez, fort allègre et bien disposé,
+affin que mutuellement vous vous peussiez conjoyr de son contantement,
+comme vous vous asseuriez qu'elle se resjouyssoit bien fort du vostre.
+
+La dicte Dame, avec abondance de playsir, me respondit que cest
+agréable propos effaçoit beaucoup la dolleur qu'elle avoit pris de
+l'aultre, et qu'elle vous randoit le plus exprès grand mercys qu'elle
+pouvoit de la communication, qu'il vous playsoit luy fère, de chose si
+privée, et apartenant de si près à vostre personne, comme est vostre
+mariage; et qu'elle n'avoit pas pensé que les choses fussent si près
+de leur accomplissement, car eust préparé d'y envoyer de ses
+gentishommes pour y assister; et qu'il semble qu'encor que les
+espousailles du Roy d'Espaigne ayent précédé, que néantmoins voz
+nopces seront plustost consommées, et qu'elle vouldroit de bon cueur
+pouvoir estre à la feste; car monstreroit à tout le monde qu'elle se
+resjouyt plus véritablement de vostre prospérité et contantement,
+qu'il ne luy est possible de l'exprimer par parolle; que, touchant le
+premier propos concernant son ambassadeur, elle me prioit de vous en
+mander le mal qu'elle en avoit sur le cueur, et qu'elle espéroit que
+vous luy en donriez quelque satisfaction, qui la guériroyt, et luy
+osteroit tout l'empeschement, qu'elle avoit, de ne se pouvoir tant
+resjouyr de ce segond propos du mariage comme elle desireroit de le
+fère; que, touchant le dict segond propos, elle vouloit prier Dieu de
+bényre l'espoux, et l'espousée, et les nopces, avec toute la postérité
+qui en viendroit, laquelle se pourroit dire estre de la plus royalle
+et noble extraction de la terre; et que, touchant la Royne d'Escoce,
+qu'elle avoit trouvé les responces, qu'elle avoit faictes à ses
+depputez, fort honorables, dont n'estoient guières loing d'accord
+entre elles; et que les depputez d'Escoce seroient bientost icy, pour
+y procéder du premier jour, comme il luy tardoit, plus qu'à nul aultre
+de ce monde, que cella prînt bientost une bonne fin; et, au regard de
+ce que je luy avois touché de la pleincte de ceulx de Roan, qu'elle y
+feroit dilligemment regarder par ceulx de son conseil, affin de vous
+donner, en l'endroict de ceulx là, occasion de fère bien tretter toutz
+ses subjectz en France, comme elle désire qu'ilz y continuent leur
+traffic.
+
+Et y a heu plusieurs aultres privez discours entre la dicte Dame et
+moy; lesquelz je remetz, avec plusieurs aultres choses, à Mr de
+L'Aubespine pour les vous fère entendre, de la mesmes suffizance,
+qu'il m'a très dignement raporté celles que Vostre Majesté luy avoit
+donné charge de me dire, et vous présentera les recommendations de la
+Royne d'Angleterre, comme elle l'a enchargé de ce fère. Sur ce, etc.
+Ce IXe jour de novembre 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, il est venu fort à propos, par l'arrivée de Mr de L'Aubespine,
+que j'aye heu à parler à la Royne d'Angleterre du contenu de la
+dépesche, qu'il m'a apportée, de Voz Majestez, du XIXe du passé;
+suyvant laquelle j'ay adoulcy, par les gracieulx propos du mariage du
+Roy, le mieulx que j'ay peu, le courroux, que la dicte Dame avoit, du
+malcontantement, que son ambassadeur, Mr Norrys, luy avoit mandé qu'on
+luy avoit naguières donné en France, ainsy que, plus au long, je
+l'escriptz en la lettre du Roy, vous supliant très humblement, Madame,
+que, la première foys que Voz Majestez verront le dict ambassadeur,
+elles luy veuillent dire quelque bonne parolle de faveur, et me
+commander, par vos premières, d'en dire quelque aultre de satisfaction
+icy à la dicte Dame; car, avec bien peu, j'espère que tout cella se
+rabillera. Elle a suyvy avecques playsir et a faict longuement durer
+le propos, que je luy ay commancé, du dict mariage du Roy, et est
+venue à parler du sien: qu'elle n'avoit faict bien de ne se maryer
+poinct, mais qu'elle estoit desjà si vieille que nul, de ceulx qui y
+pourroient prétandre, n'en avoit plus de volonté, et qu'elle n'avoit
+jamais pensé d'en espouser, qui ne fût de mayson royalle; que
+l'Empereur avoit bien employé son voyage d'avoir logé ses deux filles
+aulx deux plus grandz Roys; et qu'elle avoit esté bien ayse de pouvoir
+honorer celle qui estoit allée en Hespaigne, pour l'amour du père, qui
+la luy avoit recommandée, et l'avoit priée de favoriser et asseurer
+son passaige; et que, ayant sceu comme elle estoit arrivée, à
+saulvement, en Espaigne, elle avoit soubdain dépesché ung homme exprès
+à Espire pour l'en advertyr; qu'elle s'asseuroit que, là où l'Empereur
+establyroit son alliance, qu'il procureroit d'y confirmer aussi celle
+d'Angleterre.
+
+Ausquelles choses je luy ay respondu que Voz Majestez recepvroient
+grand contantement des honnorables propos, qu'elle tenoit du mariage
+du Roy, et loueroient fort sa prudente dellibération d'avoir réservé
+franche sa vollonté pour se maryer, quant il luy plairoit, et que
+mesmes ce soit avec un royal prince; que, à la vérité, elle avoit
+favorisé et honnoré grandement le passaige de la Royne d'Espaigne, de
+laquelle j'entendois qu'elle se contantoit bien fort, par les bonnes
+parolles et honnestes lettres, que sire Charles Havart luy en avoit
+raporté; et que j'espérois qu'elle recepvroit encore plus de
+contantement de la Royne, sa soeur, et se termina pour lors le propos,
+et toute l'audience, avec beaucoup de plésir et contantement de la
+dicte Dame; laquelle, demeurant en quelque craincte de la déterminée
+résolution en quoy elle voyt que Voz Majestez Très Chrestiennes, pour
+leur honneur, persévèrent de vouloir secourir la Royne d'Escoce, et
+néantmoins que vous avez désir de conserver son amytié, et ne
+l'offancer, elle se monstre plus disposée de parachever le tretté;
+lequel nous poursuyvrons, avec la plus continuelle instance, qu'il
+nous sera possible, comme la Royne d'Escoce, de son costé, ne pert en
+cella heure, ny moment. Sur ce, etc.
+
+ Ce IXe jour de novembre 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Aultre lettre à part._)
+
+Madame, quant Vostre Majesté me dépescha, présent le Roy et
+Monseigneur, voz enfans, pour venir en ceste charge, elle me
+descouvrit ce mesmes désir, dont, à présent, il luy playt me fère
+mencion par sa petite lettre du XXe du passé[17]; et je vous suplie
+très humblement, Madame, de croyre que j'ay toutjour, despuys, fort
+soigneusement regardé s'il y auroit nul moyen de l'effectuer, sans que
+j'ay esté ny endormy, ny paresseux, de pénétrer, aultant qu'il m'a
+esté possible, ez affères de deçà et en l'intention de ceux qui les
+manyent, par des voyes toutesfoys bien esloignées du dict propos, pour
+voir s'il y auroit rien qui s'y peult bien raporter et accomoder. En
+quoy, si j'eusse trouvé quelque fondement, je n'eusse différé une
+seule heure de le vous mander, ny en eusse perdu une aultre à le bien
+et dilligemment poursuyvre. Mais, Madame, voycy en quoy, pour quel
+regard que ce soit, en sont meintennant les choses: que la Royne
+d'Angleterre, quoy qu'elle ayt donné charge au jeune Coban de
+renouveller, par motz couverts et artificieulx, le propos du mariage
+de l'archiduc; et que, assés souvant, elle et les siens en jettent
+d'aultres, bien exprès, touchant Monseigneur vostre filz, ce n'est
+toutesfoys, quant à l'archiduc, que pour monstrer de vouloir accepter
+l'alliance de la maison, d'où les deux grandz Roys se sont
+nouvellement allyez; et rabiller par ce moyen, si elle peult, ses
+différans avec le Roy d'Espaigne, et fère prendre de là quelque
+jalouzie à Voz Majestez Très Chrestiennes, comme aussi en fère prendre
+encores une plus grande au Roy d'Espaigne du propos de Mon dict
+Seigneur, vostre filz; et s'entretenir, par la réputation de ces deux
+grandz partys, en plus grande estime envers les siens. Mais le
+jugement d'ung chacun est conforme à celluy que faict Vostre Majesté,
+qu'elle ne se soubsmettra jamais à nul mary, ainsy que, d'elle mesmes,
+elle s'en monstre toutjour assés esloignée; et les siens l'en
+détournent davantaige, affin de disposer toutjour, ainsy qu'ilz font,
+d'elle et de son royaulme.
+
+ [17] _Lettre, escrite de la main de la Roine mère, à Mr de La
+ Mothe Fénélon, pour lui estre rendue en mains propres_, du 20
+ octobre 1570:--«Monsieur de La Mothe Fénélon, monsieur le
+ cardinal de Chastillon a faict tenir propos à mon fils, le duc
+ d'Anjou, d'une ouverture de mariage de la royne d'Angleterre et
+ de mon dict fils...» Voir le _Supplément à la Correspondance
+ Diplomatique de La Mothe Fénélon_, contenant les lettres qui lui
+ étaient écrites de la cour.
+
+Et ung des principaulx, qui soit auprès d'elle, a naguières dict que,
+despuys trois moys, le vydame de Chartres a mené une secrecte pratique
+avec le secrétaire Cecille, pour le mariage de Mon dict Seigneur,
+vostre filz, avec elle; et qu'il a offert de fère, par ce moyen,
+advancer le tiltre de ceux de Herfort à ceste couronne, au cas que la
+dicte Dame ne puysse avoir d'enfans; et que le propos n'a peu estre
+que bien ouy, pour le regard de Mon dict Seigneur, de presque toute la
+noblesse; mais que la pluspart d'icelle l'a mal receu et heu fort
+odieux touchant ceux de Herfort; et qu'il jugeoit que le dict vydame
+n'y avoit pas grand moyen, mais qu'il avoit advancé cella pour
+complayre au dict Cecille, sachant l'extrême affection, qu'il a, à
+ceulx de Herfort; lesquelz sont deux petitz masles, issuz de celle
+madame Catherine[18], prochaine de ceste couronne, qui est morte dans
+la Tour. Et n'y a poinct de fille en ce royaulme, petite ny grande,
+qui prétande à la dicte succession, sinon une soeur de la dicte dame
+Catherine, qui est bossue, et a espousé un huissier de la salle de
+présence, ny la Royne d'Angleterre n'a la vollonté d'en adopter pas
+une; et croy que, quant elle le vouldroit fère, au préjudice de ceulx
+qui y prétandent droict, qu'elle ne le pourroit effectuer par le
+parlement, ny mesmes en fère déclairer ung des prétandans, tant les
+partz sont contraires, et les maysons principalles de ce royaulme
+opposantes l'une à l'aultre sur ce poinct. De quoy j'estime que le
+droict de la Royne d'Escoce ne s'en rendra que plus fort, bien qu'il
+semble qu'un tel faict ne se démeslera, sans beaucoup de débat.
+
+ [18] Catherine, soeur puînée de Jeanne Gray. Elle avait épousé le
+ comte de Hereford, et deux enfans étaient issus de ce mariage,
+ Henri et Édouard. Marie, dernière soeur de Jeanne Gray, avait été
+ mariée à un simple gentilhomme nommé Keyt.
+
+Quelcun m'a dict qu'on a vollu aussi proposer le mariage du Prince de
+Navarre avec ceste Royne, le faisant le plus riche subject de
+l'Europe, et allégant quelques droictz, qu'il a nouvellement gaignez,
+en la chambre impérialle, contre le Roy d'Espaigne, qu'on dict valloir
+plusieurs millions d'or, mais le propos n'a esté suyvy.
+
+Or, Madame, je ne voys pas qu'il y ayt lieu de mettre, pour ceste
+heure, rien en avant de nostre costé, et, par ainsy, je m'en tayray du
+tout, ainsy qu'il vous playt me le commander, bien que je vous suplye
+de ne laysser de suyvre et escouter bénignement ce qu'on vous en
+pourra toucher, monstrant que les plus grandes difficultez vous
+semblent estre du costé de la dicte Dame; sans toutesfoys advancer
+parolle, de laquelle elle se puysse advantaiger. Et cependant je
+veilleray, plus que jamais, sur ce qui se pourra descouvrir ou venir
+en lumyère, propre à cest effect, vous voulant bien advertyr, au
+reste, Madame, que de France, l'on a naguières escript à la Royne
+d'Angleterre que Vostre Majesté ne desire aulcunement l'expédition des
+affères de la Royne d'Escoce, ains que vous auriez playsir qu'elle ne
+bougeât encores d'Angleterre; de quoy semble que l'évesque de Roz ayt
+heu un semblable adviz de ceste court, mais je luy ay faict cognoistre
+qu'il n'y a rien au monde plus faulx que cella. Sur ce, etc.
+
+ Ce IXe jour de novembre 1570.
+
+ POURRA LE DICT SIEUR DE L'AUBESPINE, oultre le contenu de la
+ dépesche, dire à Leurs Majestez:
+
+ Que quelques ungs du conseil d'Angleterre incistent fermement à
+ la Royne, leur Mestresse, de ne debvoir, en façon du monde,
+ tretter avec la Royne d'Escoce; et que, pour nulles menaces, ny
+ effortz, qu'elle ayt à craindre du costé du Roy, elle né se doibt
+ haster de la délivrer, car jugent que la paix ne sera de durée en
+ France; et que, par aulcunes lettres et adviz, qu'ilz ont de
+ dellà la mer, ilz ont descouvert que le Pape, le Roy d'Espaigne,
+ et les Véniciens sont proprement ceulx qui ont conseillé de la
+ fère ainsy qu'elle est, pour peur, qu'ilz avoient, que ceux de la
+ nouvelle religion ne gaignassent tant d'advantaige, pendant que
+ eulx seroient occupez en la guerre du Turc et en celle des Mores,
+ qu'il ne fût, puys après, plus temps d'y remédier; et que
+ néantmoins, ilz ont promiz au Roy, qu'aussitost qu'ils se
+ verroient démeslez de ces deux guerres, qu'ilz luy fornyroient
+ ung si notable secours qu'il pourroit fort ayséement purger son
+ royaulme de toute ceste secte de Huguenotz;
+
+ Que cella se trouvoit ainsy confirmé par une dépesche de Mr le
+ Nonce à l'aultre Nonce, qui est en Espaigne, laquelle avoit esté
+ interceptée, et qu'on avoit trouvé dedans la coppie d'une lettre
+ du Pape à Mr le cardinal de Lorrayne, qui en faisoit assés
+ expresse mencion;
+
+ Que, nonobstant les bonnes démonstrations du Roy sur l'observance
+ de la paix, que les aultres Princes et les principaulx de la
+ court ozoient assés ouvertement déclairer qu'ilz l'avoient à
+ contre cueur; et que, à Thoulouse et à Lyon, ne la vouloient
+ encores bien recepvoir, ce qui estoit signe qu'elle s'en iroit
+ plustost rompue que establye;
+
+ Et qu'ilz sçavoient que le Roy mesmes, accompaigné de Mrs les
+ cardinaulx, et d'aulcuns princes, et aultres plus privez de son
+ conseil, avoit, par acte fort secrect, dict et déclairé, en sa
+ court de parlement de Paris, que son intention n'estoit
+ d'entretenir aulcunement deux religions en son royaulme; et que
+ ce, qu'il avoit instantment pourchassé la paix, avoit esté pour
+ séparer l'armée des Huguenotz, et renvoyer les estrangiers; mais
+ qu'après cella il mettroit aultre ordre et une meilleure forme
+ aulx affères de la dicte religion; et que aulcuns des assistans
+ avoient fort loué et magniffié son opinion, et avoient tout hault
+ randu grâces à Dieu qu'il eust miz un si catholique desir dans le
+ cueur de nostre Roy;
+
+ Que Messieurs les Princes et Admyral, estantz assez informez de
+ cecy, se tenoient sur leurs gardes, et avoient desjà envoyé
+ notiffier toutes ces particullaritez à leurs amys en Allemaigne;
+ et que mesmes les cappitaines et colonnelz, qui estoient venuz
+ vers Hembourg, pour s'asseurer de certaines levées de gens de
+ guerre pour les princes protestans, en avoient parlé assés clair;
+ par lesquelles remonstrances l'on a fort essayé de persuader la
+ dicte Dame qu'elle devoit attandre l'événement de ces choses de
+ France, premier que de rien remuer en celles d'Escoce.
+
+ Mais j'ay, à ceste heure, tout à propos, par la venue du dict Sr
+ de L'Aubespine, notiffié à la dicte Dame, et assés publié en sa
+ court, le bon ordre, que le Roy a prins, d'envoyer messieurs les
+ mareschaulx et aultres seigneurs et cappitaines, avec des
+ maistres de requestes et des commissaires, par toutz les lieux et
+ provinces de son royaulme, pour y exécuter son éedict sans dilay,
+ ni excuse; ce qui faict prendre à la dicte Dame et aulx siens
+ meilleure opinion de nostre paix, et semble qu'elle se résould de
+ passer oultre au tretté de la Royne d'Escoce.
+
+ Car voycy en quoy en sont meintennant les choses, que le
+ secrétaire Cecille et maistre Mildmay, estans de retour vers
+ elle, luy ont, d'entrée, protesté qu'encor qu'ilz eussent
+ l'honneur d'estre toutz entièrement siens, ses conseillers et
+ subjectz, qu'ilz avoient néantmoins juré à la Royne d'Escoce de
+ luy rapporter aultant fidellement et à la vérité tout ce qu'ilz
+ avoient veu, cogneu et ouy d'elle, comme s'ilz fussent ses
+ propres messagiers; et ainsy ont faict leur raport si bon que la
+ dicte Dame est demeurée fort satisfaicte de la dicte Royne, sa
+ cousine, et en grande vollonté de conclurre ung bon tretté avec
+ elle.
+
+ Sur quoy, icelluy Cecille luy a demandé d'où estoit doncques
+ advenu que, pendant qu'ilz estoient sur le lieu, elle leur eust
+ mandé d'agraver les condicions à la dicte Royne d'Escoce, et les
+ luy proposer plus dures, qu'elle ne leur avoit commandé de le
+ fère, quant ilz partirent:--«Prenez vous en, respondit elle, à
+ millord Quiper, vostre beau frère; car c'est luy qui m'y a
+ contraincte.»
+
+ Et j'ay sceu, à la vérité, que, quant le Sr de Valsingan revint
+ de France, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil pour
+ déterminer des affères de la dicte Royne d'Escoce, suyvant ce que
+ le Roy luy en mandoit, et leur ayant elle mesmes proposé les
+ choses en une façon, qui la monstroient incliner bien fort à la
+ restitution de la dicte Dame, le dict Quiper luy respondit
+ seulement:--«Qu'il la voyoit si disposée en cest affère, qu'il ne
+ failloit que l'exécuter, sans plus le mettre en
+ dellibération.»--«Ouy, dict elle, beaucoup d'ocasions, à la
+ vérité, me meuvent de le desirer ainsy: mais je veux modérer mon
+ desir par vostre adviz.» Il répliqua soubdain:--«Qu'il estoit là
+ pour la conseiller et non pour la contredire, et que, voyant son
+ conseil ne pouvoir avoir lieu, qu'il se déportoit de le bailler.»
+ Sur quoy la dicte Dame, assés en collère, luy adressa ces
+ parolles:--«Je vous ay creu, ces deux ans passez, de toutes
+ choses, en mon royaulme, et je n'y ay veu que troubles, despenses
+ et dangiers. Je veux, à ceste heure, user, aultant de temps, de
+ mon propre conseil, pour voir si je m'en trouveray mieux.» Et,
+ sur ce poinct, elle se retira dans son cabinet; mais le dict
+ Quiper et ceulx du conseil ne layssèrent pour cella, d'altérer
+ assez la besoigne, et s'esforcèrent, par plusieurs moyens, de
+ randre, touchant ceste négociation, bien fort suspect Cecille à
+ la dicte Dame.
+
+ Néantmoins, despuys le retour du dict Cecille, ayant de rechef
+ esté le conseil rassemblé pour ouyr son raport et les responces
+ de la dicte Royne d'Escoce, encor que le dict Quiper se soit
+ opiniastré contre la restitution d'elle, et soubstenu qu'on
+ debvoit délaysser ce tretté, il semble qu'il n'ayt peu rien
+ gaigner; et qu'à ceste occasion, il soit party de court mal
+ contant; et que la dicte Royne d'Angleterre se soit confirmée, de
+ plus en plus, de vouloir tretter.
+
+ Dont despuys, ayant Mr l'évesque de Roz esté devers elle, elle
+ luy a dict:--«Que ses deux depputez luy avoient raporté beaucoup
+ de satisfaction de la dicte Royne d'Escoce, et qu'elle trouvoit
+ ses responces fort honnorables; dont elles deux s'acorderoient
+ fort ayséement des aultres choses, qui sembloient demeurer
+ encores en différant; et qu'il ne restoit plus que l'arrivée des
+ depputez d'Escoce, lesquelz elle vouloit attandre, premier que de
+ passer plus oultre.» Et, comme le dict sieur évesque luy toucha
+ ung mot de la difficulté, qu'il y avoit, de conclurre la ligue,
+ de peur de préjudicier à celle de France, et qu'il la pryoit
+ qu'il en peult communiquer avecques moi:--«Je veulx bien, dict
+ elle, que vous en communiquiez à l'ambassadeur du Roy, mais il ne
+ fault que luy, ny aultre, m'estiment si sotte, puysque la Royne
+ d'Escoce est entre mes mains, que je ne veuille bien pourvoir,
+ premier qu'elle en sorte, qu'elle n'aille estre ung instrument à
+ ung aultre prince de me fère la guerre.»
+
+ Et ainsy le dict sieur évesque de Roz, et moy, sommes après à
+ conférer ensemble les articles et condicions, qu'on propose à la
+ dicte Royne d'Escosse; en quoy je incisteray fermement que
+ l'intention du Roy soit suyvye, ou, au moins, qu'il ne soit faict
+ préjudice à rien, qui touche son service; et semble qu'il est
+ expédiant d'accommoder ces affères par le présent tretté, sans
+ les remettre à une aultre fois, car aultrement la dicte Dame et
+ son estat restent en ung très grand dangier; et de tant que les
+ dicts depputez d'Escosse sont desjà acheminez, sçavoir: du party
+ de la Royne, milord Herys, milord Bonet et le dict sieur évesque,
+ qui est desjà icy; et, de la part du régent, le comte de Morthon,
+ milord Clames et l'abbé de Domfermelin; et qu'on les attand toutz
+ dans six ou sept jours, et que desjà il se parle de l'entrevue
+ des deux Roynes, ung chacun espère que l'accord réuscyra.
+
+ Pendant que les dicts depputez estoient avec la Royne d'Escosse,
+ elle a dépesché ung sien tapissier, nommé Serve, en Flandres,
+ devers milord de Sethon, luy apporter ung pouvoir et procuration
+ d'elle, en forme, pour tretter avec le duc d'Alve; et luy
+ communiquer les articles, que les dicts depputez luy ont
+ proposez; et l'asseurer, qu'encor qu'elle soit en beaucoup de
+ nécessitez, qu'elle toutesfoys ne conclurra rien sans l'adviz de
+ ses amys. Néantmoins, elle a, d'elle mesmes, accordé, par une
+ lettre de sa main, de bailler le Prince, son filz, à la Royne
+ d'Angleterre; et l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy,
+ conseilloit néantmoins qu'elle luy accordât plustost les places
+ de Dombertran, Lislebourg, et d'Esterlin, et force ostaiges, que
+ non le dict Prince.
+
+ Les gracieulx propos et honnestes lettres, que la Royne
+ d'Espaigne a mandez à la Royne d'Angleterre, sont cause que le
+ dict sieur ambassadeur commance d'estre plus respecté et favorisé
+ des Anglois qu'il ne souloit, et qu'il est recherché, soubz main,
+ de vouloir demander audience de la dicte Dame, à laquelle il n'a
+ parlé, XXII moys a, et qu'elle la luy ottroyera fort vollontiers.
+ Sur quoy il a respondu qu'en ayant esté plusieurs foys reffuzé,
+ il importe beaucoup à l'honneur de son Maistre que la dicte Dame
+ la luy veuille ottroyer d'elle mesmes; et, par ainsy, qu'il est
+ dellibéré d'attandre qu'elle le luy mande, ou le luy face dire
+ par quelcun des siens.
+
+ Et cependant, l'on a pareillement recerché le Sr Ridolfy de
+ reprendre le propos de l'accord des différans des prinses, sellon
+ ce qu'il en avoit quelquefoys miz en avant, dont desjà il en a
+ escript une lettre à Mr le comte de Lestre, qui monstre d'y avoir
+ quelque affection, et il a esté assés bien respondu. Je croy que
+ cest affère se rendra de tant plus facille, que les Anglois
+ trouveront de difficultez en nous; et semble que Mr Norrys se
+ soit, puys peu de jours, pleinct de quelque deffaveur, qu'on luy
+ a faicte en France, et que sa Mestresse en soit bien mal
+ contante:
+
+ Comme aussi le Sr de Valsingan, parmy les propos, qu'il m'a
+ tenuz, des honnestes faveurs, qu'il avoit receues de Leurs
+ Majestez Très Chrestiennes, il y a meslé je ne sçay quoy de
+ deffaveur, qu'il luy sembloit que le Roy luy ayt faict, en la
+ seconde audience, de ne luy avoir monstré si bon visage, ny usé
+ de si gracieuses parolles, que en la première; et d'avoir, luy
+ présent, dict à Mr Norrys qu'il estoit marry qu'il s'en volust
+ sitost retourner, l'ayant trouvé homme de bien en sa charge; et
+ qu'il vouloit prier la Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, de ne
+ luy bailler poinct de successeur, qui fût turbulant, ny homme qui
+ n'aymât la paix et le repos; comme si Sa Majesté entendoit de
+ dresser ce propos à luy, car il estoit en termes de luy succéder;
+ et qu'il croyoit que Mr de Glasco luy eust faict donner ceste
+ attache, bien qu'il ne se soit, à ce qu'il dict, jamais ingéré ez
+ affères de la Royne d'Escosse, sinon quant la Royne, sa
+ Mestresse, le luy a commandé; et que je sçay bien qu'il fault
+ obéyr à son naturel prince, quant il commande quelque chose.
+
+ Ce qui l'avoit fort descouragé d'accepter la légation en France,
+ craignant de n'estre agréable à Sa Majesté; toutesfoys que la
+ Royne, sa Mestresse, luy avoit commandé de s'aprester, me priant
+ d'asseurer Leurs dictes Majestez Très Chrestiennes que nul jamais
+ ne tiendra ce lieu, qui ayt plus droicte intention à meintenir la
+ paix et la bonne amytié entre nos deux Maistres et leurs deux
+ royaumes que luy; et que, s'en allant l'affère de la Royne
+ d'Escoce composé, il luy sembloit qu'il ne restoit plus aulcune
+ occasion de différant entre la France et l'Angleterre. A toutes
+ lesquelles choses je luy ay respondu, sellon l'honneur et
+ grandeur du Roy, et comme il debvoit prendre la franchise du
+ parler de Sa Majesté en bonne part; et luy ay donné, au reste,
+ toute bonne espérance de sa légation, voyant qu'aussi bien elle
+ luy estoit desjà commise; et estime l'on qu'encor qu'il soit tenu
+ pour homme fort affectionné à la religion nouvelle, et assés
+ contraire de la Royne d'Escoce, que néantmoins il se rendra
+ modéré.
+
+
+
+
+CXLIVe DÉPESCHE
+
+--du XIIIIe jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par le corier de Flandres._)
+
+ Discussion des articles du traité proposé concernant la reine
+ d'Écosse.--Efforts de l'ambassadeur afin de faire accepter les
+ conditions envoyées par le roi.--Consentement de Marie Stuart à
+ ce que son fils soit donné en ôtage à la reine
+ d'Angleterre.--Motifs de cette détermination, qui est contraire
+ aux instructions reçues de France.--État de la négociation avec
+ les Pays-Bas; nouvelles de Flandre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, après le partement du Sr de L'Aubespine, j'ay communiqué le
+contenu des lettres de Vostre Majesté, du XXVIIIe du passé, qui me
+sont arrivées, ainsy qu'il partoit, à Mr l'évesque de Roz; et, suyvant
+icelles, je l'ay pressé d'incister vifvement à la Royne d'Angleterre
+de passer oultre au tretté encommancé, et que, de sa part, il la
+veuille dorsenavant poursuyvre par la forme, et non aultrement, qu'il
+a pleu à Vostre Majesté me le prescripre, luy desduysant les raysons,
+pourquoy la Royne, sa Mestresse, ny luy, ne la doibvent excéder;
+lesquelles raysons j'ay aussi mandées à la dicte Royne, sa Mestresse,
+avec ung extraict de ce qui en est porté par vos dictes dernières.
+
+Sur quoy le dict sieur évesque m'a asseuré de la parfaicte
+correspondance de sa dicte Mestresse, et de luy, à vouloir, en tout et
+partout, suyvre l'intention et les conseils de Vostre Majesté; et que,
+ayant despuys trois jours esté devers la Royne d'Angleterre, pour luy
+présenter ung pourtraict, que la dicte Royne d'Escoce luy envoyoit, du
+Prince son filz, il l'avoit instantment sollicitée de passer oultre à
+parfère le dict tretté, et de luy déclairer si les responces, que sa
+dicte Mestresse avoit faictes à ses depputez, luy sembloient
+raysonnables, affin qu'il la peult advertyr de ce qu'elle en debvoit
+espérer; et que la dicte Dame luy avoit respondu que les depputez,
+qu'elle attandoit d'Escoce, d'ung chacun des costez, debvoient arriver
+dans quatre ou cinq jours, avec le comte de Sussex et maistre Randolf,
+qui venoient toutz de compaignye, et qu'estantz icy, elle feroit
+incontinent procéder au dict tretté; que, quant aulx responces de sa
+dicte Mestresse, elle les avoit prinses de fort bonne part, et
+n'estoient trop esloignées de ce qui convenoit à fère ung bon accord;
+qu'encor que la dicte Royne d'Escoce fit grande difficulté sur
+l'article de la ligue, à cause de celle de France, qu'il ne falloit
+qu'elle s'y arrestât; adjouxtant, avec ung soubzrire, que, puysque
+Vous, Sire, vous estes meslé avec la mayson d'Autriche, qui est de sa
+ligue, que vous ne debviez trouver mauvais qu'elle se meslât avec
+celle d'Escoce, qui est de la vostre. A quoy luy, de Roz, luy avoit
+soubdain respondu qu'il fauldroit donc qu'elle constituast ung
+semblable douaire à sa Mestresse, et donnast ung semblable
+entretennement des gardes, des gendarmes, des bénéfices, plusieurs
+privilèges, et aultres grandz advantaiges aulx Escouçoys en
+Angleterre, que Vostre Majesté leur faisoit jouyr en France; et que,
+sellon son adviz, il n'aparoissoit aulcun honneste moyen de fère ligue
+entre elles deux, sinon en y comprenant Vostre Majesté; et que la
+dicte Dame luy avoit répliqué, là dessus, que les dicts entretennemens
+estoient trop grandz pour en vouloir charger son estat, mais que,
+touchant la ligue, elle m'en parleroit, et en feroit parler par son
+ambassadeur à Vostre Majesté.
+
+Or, Sire, ce poinct de la dicte ligue, plus que nul de ceulx, qui sont
+contenuz ès dicts articles, me semble importer grandement à l'honneur
+et réputation de vostre couronne, et, à ceste cause, j'ay desjà dict
+tout hault que j'interrompray en vostre nom l'accord, et protesteray
+de l'infraction des précédans trettez, plustost que d'en laysser rien
+passer. Au regard de l'aultre article, auquel Vostre Majesté estime
+que je n'ay assés expressément respondu à l'évesque de Roz, touchant
+ne bailler le Prince d'Escoce aulx Anglois: je vous supplie très
+humblement, Sire, de croyre que je luy ay, par ung adviz escript de ma
+main, premier qu'il soit allé vers sa Mestresse avec les depputez,
+ainsi que je l'ay communiqué au Sr de L'Aubespine, expressément
+conseillé de ne l'accorder en façon du monde; mais la dicte Dame,
+suyvant d'aultres adviz, que le dict évesque mesmes luy a pareillement
+apportez par escript, de plusieurs ses affectionnez et meilleurs amys
+et serviteurs de ce royaulme, et aussi par l'adviz des seigneurs, qui
+tiennent son party en Escoce, l'a offert à la Royne d'Angleterre par
+sa lettre du séziesme du passé, comme chose, sans laquelle le dict
+évesque de Roz dict que la dicte Royne d'Angleterre ne fût jamais
+entrée en tretté, et sa Mestresse fût demeurée au plus dangereux estat
+de sa personne et de toutz ses affères, qu'elle ayt encores esté, pour
+l'ocasion de ceulx qui avoient monstré se rébeller au pays de
+Lenclastre; avec ce, Sire, que ceulx de ce conseil ont toutjours
+estimé qu'il ne se pourroit prendre aulcune aultre assez bonne seureté
+de la dicte Royne d'Escoce, que d'avoir son filz par deçà, affin qu'il
+leur fût ung instrument tout accommodé pour contenir sa mère ou pour
+la déchasser; aussi qu'il semble bien que les Escouçoys, qui procurent
+la restitution d'elle, ne sont que bien ayses que le Prince s'en
+aille, affin que ceulx du contraire party ne puyssent plus redresser
+aulcune compétance dans le pays; et encores y a il plusieurs
+principaulx personnaiges en ceste court, qui incistent assés que le
+dict Prince ne viegne en façon du monde en Angleterre, de peur qu'il
+n'y advance et establisse par trop le droict, que sa mère a à la
+succession de la couronne, au préjudice des aultres prétendans. Ce qui
+faict que plus vollontiers, la dicte Royne, sa mère, consent qu'il y
+soit mené, et mesmes qu'elle voyt bien que le contredire ne luy
+serviroit de rien, tant la chose est hors de sa puyssance; mais l'on
+n'a layssé pourtant d'envoyer solliciter les deux partys, en Escoce,
+de s'y opposer; et aussi le grand père, et l'ayeulle, et plusieurs
+aultres, en ce mesmes royaulme, de ne le trouver bon, et de le debvoir
+empescher; pareillement à la mesme Royne d'Angleterre de luy jecter
+ung escrupulle dans le cueur, touchant ce petit Prince, disant que, à
+son advènement au monde, il à déchassé sa mère hors de son estat, et
+qu'il pourroit bien, en venant en Angleterre, chasser sa tante hors du
+sien. Tant y a, Sire, que ce poinct est desjà tenu comme pour accordé
+entre elles deux; et sur cella se faict le fondement de tout le reste;
+et estime l'on, Sire, pourveu que vous obteniez la restitution de la
+dicte Dame et la réunyon des Escouçoys, et que l'authorité des Anglois
+et leurs forces soyent mises hors du pays, que Vostre Majesté, quant
+au reste, ne doibt empescher qu'elle ne se puysse prévaloir de son
+filz à le bailler ostage quelque temps, pour recouvrer sa liberté, et
+retirer sa personne, et son estat, horz du grand dangier où ilz sont.
+
+Néantmoins, Sire, en cella, et en toutz les aultres chapitres du
+traicté, j'incisteray toutjour, le plus fermement qu'il me sera
+possible, que l'intention de Vostre Majesté soit entièrement suyvye;
+et, de tant que la Royne d'Angleterre s'est plaincte à moy des
+dommageables condicions, qu'elle dict estre apposées contre
+l'Angleterre, dans le dernier tretté d'entre le feu Roy, Françoys le
+Grand, vostre ayeul, et Jaques quatriesme, Roy d'Escoce, lequel je
+croy estre de l'an 1535[19], je supplie très humblement Vostre Majesté
+de m'en fère envoyer une coppie affin d'y respondre; et me commander
+au reste, Sire, touchant ce dessus, si je doibz incister tout oultre,
+que la Royne d'Escoce se retire de la promesse, qu'elle a faicte, de
+bailler son filz, et qu'il vous playse d'en déclairer franchement
+vostre vollonté à Mr de Glasco, son ambassadeur.
+
+ [19] Jacques IV était mort en 1513; deux ans avant l'avènement de
+ François Ier. L'ambassadeur veut sans doute parler du traité de
+ Rouen, conclu le 26 août 1517, entre Jacques V et François Ier,
+ et renouvelé en 1535, lorsque Jacques V épousa Madelaine de
+ France.
+
+Au surplus, Sire, les différans des Pays Bas demeuroient acrochez en
+ce que, sur la diminution que le duc d'Alve a trouvé estre ez
+merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne, pour en avoir une partie
+esté gastée et les aultres mal vendues par deçà, il vouloit que celles
+des Anglois fussent prinses en récompence, sellon qu'elles valloient
+en Angleterre, et non sellon qu'elles ont esté vendues en Flandres; en
+quoy il faisoit proffict d'envyron cent mil escuz; mais ceulx cy,
+ayant, à ce qu'ilz disent, plus d'esgard au déshonneur que à la perte,
+qui leur viendroit en cella, n'ont vollu passer ce poinct, ni accorder
+aulcune inégalle et plus advantaigeuse condicion aux Espaignolz et
+Flamans que à eulx; dont les lettres estoient desjà signées de ceste
+Royne pour mander à maistre Figuillem, son agent à présent en
+Flandres, qu'il s'en retournast tout incontinent, si le dict duc ne
+vouloit tenir compte du prix, à quoy les merchandises d'Angleterre ont
+esté vandues, ainsy quelle offroit de fère le semblable par deçà, de
+celles d'Espaigne, et d'estre preste d'administrer justice pour
+celles, qui ne se trouveraient en estre, contre ceulx qui en seroient
+coulpables, ce qui alloit fère une grande interruption en tout
+l'affère; mais, voulant le duc en toutes choses l'accommoder, il l'a
+si bien faict négocier icy, soubz main, par l'ambassadeur d'Espaigne,
+et par aultres personnes interposées, qu'il n'y a rien, à ceste heure,
+plus eschauffé entre ceulx de ce conseil que d'en vouloir bientost
+sortyr. Et, à cest effect, le Sr Ridolfy, qui s'en estoit auparavant
+meslé, est appellé en court, et pareillement Cavalcanty et Espinola;
+et s'entend que le Sr Thomas Fiesque arrivera demain, ou après demain,
+de Flandres, qui aporte la résolue intention du dict duc; et est l'on
+après à trouver moyen que le dict ambassadeur d'Espaigne escripve, sur
+l'ocasion du passaige de la Royne d'Espaigne, et sur l'honneur et
+convoy que luy ont faict les navyres d'Angleterre, et sur son arrivée
+à saulvement par dellà, une bien honneste lettre à la Royne
+d'Angleterre, affin qu'elle envoye aulcuns de son conseil pour en
+conférer davantaige avec luy; lesquelz auront charge de lui octroyer
+audience de la dicte Dame pour le jour, qu'il vouldra l'aller trouver.
+Et de tant, que le Roy d'Espaigne a mandé au dict duc de regaigner,
+par toutz les moyens qu'il pourra, l'amytié des Anglois; et qu'il ne
+veult, sur son partement, laysser ceste besoigne en détail, il la
+presse bien fort, estans venues nouvelles que le duc de Medina Celi
+est prest de s'embarquer à Laredo pour passer en Flandres, où il
+pourra arriver à la fin de ce moys, sur la mesmes armée qui a conduict
+par dellà la Royne d'Espaigne, et que la princesse de Portugal n'y
+vient poinct pour encores, mais ce sera le cardinal de Grandvelle, qui
+viendra assister au dict duc de Medina Celi. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIVe jour de novembre 1570.
+
+
+
+
+CXLVe DÉPESCHE
+
+--du XIXe jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Olivier._)
+
+ Retard apporté à la négociation du traité concernant la reine
+ d'Écosse.--Mission de lord Seyton, dans les Pays-Bas, auprès du
+ duc d'Albe.--Demandes faites au duc de la part de Marie
+ Stuart.--Nouvelles des Pays-Bas et de la Moscovie.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay de nouveau faict entendre à la Royne d'Angleterre que les
+longueurs, qu'elle avoit uzé, et qu'elle continuoit d'user, ez affères
+de la Royne d'Escoce, vous avoient donné grande ocasion de parler
+ainsy ferme, comme vous aviez faict, à son ambassadeur, et d'essayer,
+à la fin, si pourrez accomplyr ce que franchement vous luy en avez
+dict; laquelle s'est excusée que le retardement n'est cy devant
+provenu, ny encores ne provient, de son costé, ains de celluy de la
+Royne d'Escoce et de ses depputez, qui ne sont encores arrivez, et
+qu'elle ne voyt pas comme l'on puysse bonnement procéder à fère le
+tretté sans eulx, et sans ceulx du contraire party; et n'y a heu nulle
+rayson, ny offre, qui l'ayt peu mouvoir de ceste opinion parce, à mon
+adviz, qu'elle a promiz à ceulx du dict contraire party de ne fère
+rien, qu'elle n'ayt premièrement pourveu à la seureté du jeune Prince
+d'Escoce et à celle d'ung chacun d'eulx. Et ainsy nous sommes
+attendans l'arrivée d'iceulx depputez, desquels je n'ay encores nulles
+bien certaines nouvelles, sinon que le comte de Lenoz a escript qu'il
+avoit ottroyé de bailler saufconduict à ceulx du bon party, et qu'il
+nommeroit les siens aussitost qu'il sçauroit qui sont les aultres,
+affin d'en envoyer de semblable qualité; et que cependant il
+dépeschoit l'abbé de Domfermelin, lequel, pour ceste occasion, est
+attandu, d'heure en heure, en ceste court.
+
+Je prends quelque argument, Sire, de l'intention de la dicte Dame,
+qu'elle a vollonté d'en sortyr, sur ce que Mr Norrys l'ayant fort
+instantment requise de luy donner son congé; et s'estant le secrétaire
+Cecille desjà miz à dresser la dépesche du Sr de Valsingan pour luy
+aller succéder, elle a considéré que, s'il partoit sur ce poinct,
+Vostre Majesté pourroit concepvoir quelque mauvaise espérance des
+affères de la Royne d'Escoce, tant pour le changement d'ambassadeur,
+que pour le souspeçon que ce nouveau leur fût trop contraire; dont
+elle a mandé au Sr Norrys d'avoir patience jusques à ce que les dicts
+affères soient achevez. Bien m'a l'on dict qu'il a renvoyé en
+dilligence ung des siens, pour remonstrer à la dicte Dame que le
+dillay seroit par trop long; car dict qu'il n'espère veoir les affères
+de la dicte Royne d'Escoce jamais accommodez, tant que certaine
+occasion durera en France; laquelle, Sire, je n'ay pas encores bien
+sçeu quelle elle est, et semble aussi qu'il l'ayt mandée assés en
+général; car l'on m'a dict que plusieurs y font diverses
+interprétations. Cependant Mr de Sethon, qui est en Flandres, m'a
+escript que, si ung certain pacquet, que la Royne d'Escoce, sa
+Mestresse, m'avoit adressé pour luy, luy eust esté randu pour se
+pouvoir expédier du duc d'Alve, qu'il fût desjà devers Votre Majesté;
+et, à la vérité, Sire, le dict pacquet a esté, par mesgarde, aporté,
+dez le XXVIIe du passé, par mon secrétaire jusques à Paris; dont
+j'estime qu'il l'aura meintenant receu.
+
+Et voycy, Sire, ce que j'ay entendu de la négociation du dict de
+Sethon, qu'il a esté ouy à part, et puys en conseil, par le duc
+d'Alve, sur les trois poinctz, pour lesquelz il estoit envoyé
+principallement devers luy: le premier, pour avoir le secours, qu'il
+leur avoit souvant promiz, le quel le dict de Sethon offroit de
+conduyre en lieu seur, où il pourroit commodéement descendre, et où
+l'assistance des Escouçoys et des Anglois catholiques, et tout bon
+entretennement et bonne retrette ne luy deffauldroit dans le pays; le
+second, pour recepvoir dix mil escuz, que le dict duc avoit accordé à
+la Royne, sa Mestresse, pour la fourniture des chasteaulx de
+Lislebourg et Dombertran; et le troisiesme, pour le prier d'interdire
+de mesmes le commerce aulx Escouçoys en Flandres, que Vostre Majesté
+le leur a prohibé en France à ceulx, qui ne sont du party de la
+Royne, sa Mestresse. Sur quoy, le dernier jour du moys passé, Mr de
+Noerguerme a esté envoyé devers luy pour luy fère la responce que,
+touchant le secours, le duc y estoit très disposé, lequel avoit trouvé
+son offre et ses autres expédiantz fort convenables à l'entreprinse;
+mais l'importance d'envoyer une armée de mer en pays estrangé estoit
+si grande que l'exprès commandement du Roy, son Maistre, y estoit
+requis, auquel il en avoit desjà escript; et pourtant il falloit
+attandre sa responce, laquelle ne tarderoit guières; que touchant les
+dix mil escuz, de tant que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy,
+avoit escript au dict duc que la Royne d'Escoce luy dépeschoit ung
+homme exprès, avecques un pacquet, pour l'advertyr en quelle sorte
+elle entendoit qu'on ordonnast de la dicte somme, qui est, Sire, le
+susdict pacquet qui a esté apporté à Paris, qu'il prioyt le dict de
+Sethon d'avoir pacience jusques au quatriesme du présent, que le
+messagier pourroit estre arrivé, dedans lequel jour, l'on la luy
+feroit fornyr contante. Au regard du troisiesme, de tant que le
+commerce d'Angleterre estoit fermé, et si l'on restreignoit encores
+celluy d'Escoce, il en pourroit venir grand détriment aulx Pays Bas,
+le dict duc, premier que d'y rien ordonner, en avoit vollu escripre au
+Roy, son Maistre, duquel il feroit bientost entendre son intention,
+tant sur cestuy que sur le premier article au dict de Sethon. Et
+semble, Sire, que icelluy de Sethon ayt escript à sa Mestresse qu'on
+l'avoit faicte plus espérer du secours du dict duc qu'il n'a trouvé
+qu'elle en eust occasion, et que icelluy duc ne pense plus que à
+quicter les choses pour se retirer en Hespaigne.
+
+Maistre Jehan Amilthon a continué une négociation séparée de celle du
+dict Sr de Sethon avec le dict duc, dont monstrent n'y avoir bonne
+intelligence entre eulx. C'est luy qui a conduict les deux
+gentishommes espaignolz en Escoce pour visiter la descente, et les a
+faict parler au comte d'Honteley, et les a promenez et festiez en
+divers lieux dans le pays.
+
+Au surplus, Sire, l'on a appellé, despuys trois jours, les principaulx
+merchans de ceste ville à Hamptoncourt pour le faict de Roan et pour
+celluy des Pays Bas. J'entans, quant à celluy de Roan, qu'on me
+baillera la responce par escript sur ce que j'en ay remonstré à la
+Royne d'Angleterre; et, quant à l'aultre, que le comte de Lestre et le
+secrétaire Cecille, si aultre empeschement ne survient, en yront
+conférer avec l'ambassadeur d'Espaigne, lequel a desjà escripte la
+lettre à la dicte Dame, dont, par mes précédantes, je vous ay faict
+mencion; et presse l'on, de chacun costé, bien fort l'accommodement de
+ces différans. A quoy sert beaucoup le mauvais trettement qu'ont
+naguières receu les merchans anglois en Moscouvie, où ilz pensoient
+dresser quelque grand commerce; mais l'ambassadeur moscovite, qui
+naguières estoit par deçà, s'en estant retourné mal satisfaict de ce
+pays, a faict emprisonner tous les Anglois, qui se sont trouvez au
+sien, et a faict arrester leurs merchandises. Le susdict ambassadeur
+d'Espaigne s'est conjouy en ceste court des bonnes nouvelles qu'il a
+heu, que la guerre des Mores avoit du tout prins fin[20]. Quelcun, à
+ce que j'entans, luy a escript que le duc de Medina Celi diffère sa
+venue en Flandres jusques en janvier, et qu'il a la vollonté de passer
+en France. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de novembre 1570.
+
+ [20] Voyez ci dessus la note, p. 183.
+
+
+
+
+CXLVIe DÉPESCHE
+
+--du XXVe jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyée par Jehan Monyer jusques à Calais exprès._)
+
+ Déclaration du roi à l'ambassadeur d'Angleterre concernant
+ l'Écosse.--Irritation causée à la reine d'Angleterre par les
+ menaces du roi.--Opinion de l'ambassadeur qu'Élisabeth est bien
+ décidée à éviter la guerre.--Instance faite auprès d'elle pour
+ l'engager dans l'alliance d'Espagne.--Succès des efforts de
+ l'ambassadeur, qui parvient à empêcher l'exécution de ce
+ projet.--Assurance de dévouement au roi donnée par Walsingham,
+ désigné pour l'ambassade de France.--Remontrance faite par
+ l'ambassadeur à la reine d'Angleterre des motifs qui doivent
+ forcer le roi à secourir, même par les armes, la reine
+ d'Écosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, entendant que Mr Norrys, par sa dernière dépesche, avoit
+rafreschy à la Royne, sa Mestresse, les mesmes propos, qu'il luy avoit
+auparavant escript, qu'il trouvoit en Vostre Majesté une ferme
+résolution de secourir la Royne d'Escoce, et que vous continuez d'user
+de parolles et démonstrations fort expresses en cella, j'ay miz peyne
+de sçavoir comme la dicte Dame le prenoit; dont aulcuns, qui desirent
+la modération des affères, m'ont mandé qu'elle se trouvoit toute
+scandalizée qu'allors que, pour vous complayre, elle avoit envoyé deux
+de ses principaulx conseillers devers la Royne d'Escoce, pour donner
+commancement à ung bon tretté, et qu'à vostre instance elle avoit
+envoyé retirer son armée de sur la frontière d'Escoce, c'estoit lors
+proprement qu'il luy sembloit que vous aviez délayssé la voye, que
+vous aviez toutjours tenue, de procéder en cest endroict par
+gracieuses prières et honnestes remonstrances, pour y aller
+meintennant par une aultre façon de la menacer, et de rudoyer son
+ambassadeur; et qu'encores ne se sentoit elle si piquée de ce que
+vous en aviez dict de vous mesmes, qui aviez parlé en Roy, ainsy qu'il
+luy avenoit bien à elle de parler quelquefoys en Royne, comme de ce
+que vostre conseil avoit trouvé bon qu'il en fût escript une lettre
+bien expresse et bien considérée à son dict ambassadeur; et qu'elle se
+résolvoit de ne fère rien par menaces, et de monstrer à tout le monde
+que, si elle condescendoit à quelque accord en cest endroict, ce ne
+seroit que par le seul bénéfice de sa bonne vollonté envers vous, et
+de sa propre bonté envers la Royne d'Escoce, et que toutz aultres
+effortz et instances ne servyroient que d'empyrer et retarder
+davantaige la besoigne.
+
+D'aultres, qui cognoissent assés bien son intention, m'ont faict dire
+qu'encor qu'elle ayt parlé ainsy devant ceulx de son conseil, affin
+d'estre estimée princesse de cueur, comme, à la vérité, elle l'est, si
+a elle monstré, en d'aultres siens propos, à part, qu'elle vouloit
+évitter, en toutes sortes, d'avoir la guerre à Vostre Majesté; et que
+c'estoit par voz vertueuses responces et par voz démonstrations et
+appareilhz, qu'elle avoit passé si avant à tretter, et que, sans
+cella, il y en a assés qui l'eussent bien engardée d'y toucher, et la
+destourneroient encores d'y prendre jamais aulcune bonne résolution;
+par ainsy, qu'ilz estimoient que toute la ressource et restablissement
+de ceste pouvre princesse, et de son royaulme, concistoit en la seulle
+faveur et assistance, que Vostre Majesté luy feroit; dont semble
+qu'entre deux si contraires adviz le plus expédiant sera de suyvre une
+voye de millieu.
+
+Et, à ce propos, Sire, ayant une foys la dicte Dame faict
+dellibération d'envoyer ung des plus grandz d'auprès d'elle en France,
+ainsy qu'elle mesmes m'en avoit touché quelque mot, pour honnorer, à
+son pouvoir, les nopces de Vostre Majesté, et la venue de la Royne
+Très Chrestienne; et mesmes ayant pensé que ce seroit le comte de
+Lestre, comme plus agréable à Vostre Majesté, affin de fère en cella
+quelque démonstration, qui correspondît à celle de l'honnorable
+convoy, qu'elle a faict fère, avec grande magnifficence et grande
+despence, par dix grandz navyres de guerre, à la Royne d'Espaigne,
+j'ay sceu que quelques malicieulx luy sont venuz mettre en avant qu'il
+y avoit grand apparance que le dict comte ne seroit bien receu; et que
+Vous, Sire, aviez donné à cognoistre, en l'endroict de Mr Norrys, que
+ses aultres ambassadeurs seroient peu respectez, dont debvoit
+considérer combien elle demeureroit moquée et offancée, si, à ung tel
+et si grand des siens, comme le dict de Lestre, n'estoit faicte la
+faveur et bon recueilh et bon trettement qu'elle s'attandoit;
+s'esforceans d'imprimer à la dicte Dame, bien qu'au plus loing de leur
+affection, qu'elle debvoit, par toutz moyens, retourner à la bonne
+intelligence du Roy d'Espaigne; et qu'allors elle n'auroit à se
+craindre de la France, et pourroit, à son playsir, disposer de la
+Royne d'Escoce. Sur quoy, voyantz qu'elle ne rejettoit le propos, ilz
+ont essayé de l'induyre à donner audience a Mr l'ambassadeur
+d'Espaigne sur l'occasion d'une lettre, qu'il luy a escripte; et
+semble bien, Sire, que si, de mon costé, j'eusse aultrement usé envers
+elle que sellon qu'il vous avoit pleu me le commander, sçavoir, de la
+plus gracieuse et modeste façon qu'il me seroit possible, qu'elle s'y
+fût condescendue, et heust du tout résolu de n'envoyer point en France
+et d'interrompre possible les affères d'Escoce; mais elle s'est tenue
+ferme à ne vouloir encores rien céder aulx choses d'Espaigne; et croy
+que si, du costé du duc d'Alve, ne vient quelque honneste
+satisfaction, que les différans auront plus empyré que amandé, d'y
+avoir faict cest essay, ayant la dicte Dame mandé à son depputé, qui
+est en Flandres, que, si le duc ne veult admettre la compensation des
+merchandises et prendre celles d'Angleterre au priz qu'elles ont esté
+vandues, qu'il s'en viegne, avec résolution qu'aussitost qu'il sera
+icy, l'on procèdera à la vante de celles d'Espaigne. Dont chacun
+estime que le dict duc plyera à ce poinct, et qu'il envoyera, pour
+cest effect, nouveaulx depputez par deçà; bien que l'entrecours et le
+commerce d'entre les deux pays n'est pour estre encores radressé.
+
+Cependant le propos de n'envoyer poinct en France, et d'interrompre le
+tretté de la Royne d'Escoce, n'a poinct heu lieu; et a remiz la dicte
+Dame d'y dellibérer, dont j'ay esté conseillé de fère là dessus une
+petite négociation par lettre avec Mr le comte de Lestre, affin de luy
+bailler argument d'en parler à sa Mestresse. Je ne sçay encores ce qui
+en réuscyra; tant y a que, ayant moy mesmes à parler, dans ung jour ou
+deux, à elle, sur l'occasion de la dépesche de Vostre Majesté, du VIe
+du présent, qui m'est tout présentement arrivée, je mettray peyne de
+rabiller les choses, le plus que je pourray.
+
+Le Sr de Valsingan est venu, ce dimenche passé, prendre son disner en
+mon logis, et m'a dict que Mr Norrys avoit tant faict qu'il avoit
+obtenu son congé, et que à luy estoit desjà résoluement commandé, par
+la Royne, sa Mestresse, de s'aprester pour luy aller bientost
+succéder; mais qu'elle n'avoit encores ordonné à l'ung le jour de son
+retour, ny à l'aultre celluy de son partement; et que, pour le peu
+d'establissement, qu'on disoit que la paix prenoit en France, qu'il
+n'ozoit y admener encores sa femme; jusques à ce qu'il eust veu sur ce
+lieu, comme il en alloit. A quoy je luy ay si bien respondu, jouxte le
+contenu de ce qu'il vous avoit pleu m'en escripre, qu'il en est
+demeuré aultrement persuadé; et au reste, Sire, il jure et promect
+d'estre ambassadeur paysible près de Vostre Majesté; et de ne cercher
+aultre chose, en sa charge, que les moyens d'accroistre et augmenter
+davantaige l'amytié d'entre Vous et la Royne, sa Mestresse, et la
+bonne paix d'entre voz royaulmes et subjectz. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVe jour de novembre 1570.
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, par la lettre, que j'escriptz présentement au Roy, Voz
+Majestez verront comme la Royne d'Angleterre se répute estre mal
+trettée et ung peu rudoyée de certains propos, qui ont esté dictz et
+escriptz à son ambassadeur, touchant les affères de la Royne d'Escoce;
+et n'a pas long temps qu'elle me dict qu'il sembloit que Voz Majestez
+Très Chrestiennes fussent constituées entre elles, comme alliez à
+toutes deux, mais tenans l'oreille, qui devoit estre ouverte de son
+costé, toutjour bouchée, et celle du costé de la Royne d'Escoce très
+prompte et toutjour fort ententive à toutes ses pleinctes; et que vous
+ne vous portiez en cella ainsy égallement, comme l'équité et la rayson
+le requéroient.
+
+A quoy je luy respondiz que, à la vérité, l'une et l'aultre vous
+debvoient compter pour leurs principaulx alliez et confédérez; et que,
+pour le regard d'elle, veu le bon estat de ses affères, Voz Majestez
+n'avoient à fère aultre office, en son endroict, que de vous conjouyr
+de sa prospérité, et luy offrir ce qui pouvoit estre en vostre
+puyssance, pour meintenir et acroistre sa grandeur, comme, à toute
+occasion, vous seriez prest de le fère; mais, quant à la Royne
+d'Escoce, je craignois bien fort que ceulx, qui la voyoient ainsy
+captive et deschassée de son estat, comme elle est, ne vous
+estimassent beaucoup plus abstreinctz par les trettez de pourchasser
+chauldement sa liberté et restitution que vous ne le faisiez; et,
+quant elle vouldroit considérer ung peu de plus près cest affère, et
+la despence que vous aviez desjà commancée pour préparer, dez l'esté
+passé, ung secours, et l'avoir, pour l'amour d'elle, despuys révoqué,
+et d'en entretenir meintennant ung aultre, sans l'envoyer, pour
+attandre le tretté; tant s'en fault qu'elle se deubt tenir offancée de
+Voz Majestez, que, au contraire, elle réputeroit vous avoir de
+l'obligation de l'honneste et modeste façon, dont vous y aviez
+procédé; et dont vous luy déclariez encores tout franchement la
+contraincte nécessité, que vous aviez, d'entreprendre quelque aultre
+essay, comme vous le pourriez fère, au cas qu'elle vollût rejetter
+celluy de voz honnestes prières et gracieuses remonstrances.
+
+Ainsy la dicte Dame se modéra pour lors, et proposa d'envoyer le comte
+de Lestre devers Voz Majestez, pour fère la conjouyssance des nopces
+du Roy et de la venue de la Royne, vostre belle fille, et accommoder,
+par mesmes moyen, le faict de la Royne d'Escoce; mais quelcun,
+despuys, en a traversé le propos; dont j'en suys aulx termes, que je
+mande en la dicte lettre du Roy; et essayeray, Madame, à ceste
+prochaine audience, de rabiller le faict, et de moyenner, en quelque
+bonne sorte, si je puys, que le dict voyage du comte de Lestre, ou au
+moins de quelque aultre milor, ne soit interrompu, si toutesfoys
+Vostre Majesté me faict entendre qu'elle l'ayt agréable. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVe jour de novembre 1570.
+
+
+
+
+CXLVIIe DÉPESCHE
+
+--du dernier jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par Joz, mon secrétaire._)
+
+ Audience.--Notification officielle des fiançailles du roi et des
+ fêtes ordonnées pour célébrer le mariage.--Invitation faite à
+ la reine d'Angleterre d'envoyer une ambassade extraordinaire au
+ roi, et aux seigneurs anglais d'assister au tournoi qui est
+ annoncé en France.--Vives sollicitations en faveur de la reine
+ d'Écosse.--Gracieuses réponses d'Élisabeth sur la communication
+ du mariage du roi.--Son emportement contre les déclarations qui
+ lui sont faites au sujet de l'Écosse.--Sa ferme volonté de
+ conclure le traité avec Marie Stuart sans l'intervention du
+ roi.--_Mémoire général_ sur les affaires d'Angleterre.--Détails
+ secrets sur les projets des catholiques dans le pays de
+ Lancastre; secours qu'ils demandent au roi; appui qu'ils
+ espèrent du duc de Norfolk.--Hésitations d'Élisabeth sur le
+ parti qu'elle doit prendre à l'égard de Marie Stuart; opinion
+ émise dans le conseil qu'il faut la faire mourir; crainte de
+ l'ambassadeur que l'on ait voulu l'empoisonner.--Négociations
+ avec l'Espagne; persistance d'Élisabeth dans son refus
+ d'accorder audience à l'ambassadeur d'Espagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je me suys bien aperceu, ceste foys, qu'on s'estoit efforcé de
+randre la Royne d'Angleterre fort offancée contre Vostre Majesté, car
+je l'ay trouvée preste de me recommancer les mesmes querelles et
+plainctes, qu'elle m'avoit faicte, en la précédante audience; et, sans
+ce que Mr le comte de Lestre estoit, peu d'heures auparavant, arrivé
+de dehors, qui l'avoit entretenue sur une lettre, qu'il avoit
+naguières receue de moy, elle ne m'eust encores randu de si gracieuses
+responces, comme enfin, après avoir longuement débattu ensemble je
+les ay raportées; et croy que ce a esté aussi parce que, d'entrée, je
+luy ay dict que Vostre Majesté me commandoit de luy compter comme voz
+fianceailles avoient esté fort honnorablement faictes à Spire, le
+dernier dimenche du mois passé; et que, incontinent après, la
+Princesse Elizabeth s'estoit acheminée, en bonne et grande compaignye,
+pour venir en France; et que, sellon le compte de ses journées, elle
+debvoit arriver à Mézières le XXe du présent, où Vostre Majesté
+l'alloit rencontrer pour y célébrer, au playsir de Dieu, voz nopces,
+le XXIIIe, et que bientost après, vous en retourneriez vers Paris,
+pour y fère vostre entrée; auquel lieu vous aviez remiz les triumphes
+des nopces, parce que Mézières estoit trop petite ville pour un tel
+appareil; et y aviez, à ceste occasion, faict cryer un tournoy
+général, qui seroit ouvert, à toutz venantz, le premier jour de l'an.
+Ce que vous me commandiez de luy notiffier et aulx seigneurs de sa
+court, affin que, s'il luy playsoit d'y en envoyer, ou permettre
+qu'ilz y allassent, que Vostre Majesté et Monsieur promettiez qu'ilz y
+seroient bien receuz, et leur donriez lieu, avec vous mesmes, de
+s'esprouver aux honnestes exercices d'armes, qui s'y feroient; et que,
+pour l'honneur d'elle, ilz y seroient respectez et favorisez; qu'il me
+souvenoit bien de ce qu'elle m'avoit dict, que l'Empereur, envoyant la
+Royne d'Espaigne à son mary, la luy avoit recommandée, dont elle
+l'avoit grandement honnorée, et faict fort honnorablement convoyer,
+avec magnifficence et despence, par dix de ses grandz navyres de
+guerre, passant en ceste mer; et que, si le dict seigneur avoit,
+d'avanture, oublyé de luy fère une pareille recommendation, par
+lettre, de son aultre fille, qu'il envoyoit à ung grand Roy, son
+mary, qui luy estoit allyé, qu'il ne layssoit pourtant de la luy
+recommander de tout son cueur, et qu'il s'atandoit bien qu'elle
+useroit de toutes démonstrations de bienveuillance envers elle; et,
+quant bien il luy auroit plus expressément recommandé celle qu'il
+envoyoit en la mayson d'Austriche, d'où il est, qu'il y avoit
+plusieurs aultres bonnes occasions, qui la doibvent convyer d'avoir en
+non moindre recommendation celle qui vient en la mayson de France, où
+je la pouvois asseurer qu'elle estoit aultant aymée, honnorée et
+respectée que en nulle aultre part de la Chrestienté; et pourtant je
+m'asseurois qu'elle n'oblyeroit de envoyer quelque honnorable
+ambassade en France, pour fère, tout ensemble, deux grandes
+conjouyssances: l'une, pour les nopces de Vostre Majesté, et l'aultre
+pour la venue de la Royne Très Chrestienne, sa bonne soeur, et bonne
+voysine. Et luy ay bien vollu dire cella, Sire, parce que je sçavois
+qu'on luy avoit faict rompre sa dellibération d'y envoyer; puys j'ay
+adjouxté qu'elle debvoit prendre pour ung grand signe d'amytié, que
+vous luy feziez communication de chose si privée, comme vostre
+mariage, et que mesmes, il sembloit que vous augmentiez votre ayse du
+contantement que vous pensiez luy donner de celluy que Vostre Majesté
+recepvoit; que, outre cella, vous me commandiez de luy fère encores
+fort bonne part d'ung aultre bien grand contantement que vous aviez de
+voir vostre royaulme très paysible; et que vostre éedict s'y alloit
+establissant, ainsi que vous le pouviez souhayter, de quoy vous vous
+en conjoyssiez avec elle, comme avec celle qui proprement desiroit que
+ceste prospérité vous fût entière, et accomplye en vostre royaulme; et
+que vous luy en desiriez une toute semblable au sien, et luy offriez
+tout ce qui estoit en vostre puyssance pour l'y meintenir;
+
+Que, pour la fin de vostre lettre, vous me commandiez luy fère
+entendre le singulier playsir, que ce vous avoit esté, de voir que voz
+honnestes prières et gracieuses remonstrances eussent eu tant de lieu
+que, pour l'amour de vous, elle heût envoyé ses depputez devers la
+Royne d'Escoce, pour donner commancement à ung bon traicté, et eust
+mandé retirer son armée de sur la frontière d'Escoce; de quoy ne
+vouliez faillyr de la remercyer; et la remerciés encores bien fort de
+vous avoir déclairé qu'elle seroit bien ayse de pouvoir honnorablement
+restituer la Royne d'Escoce par la voye du traicté; et que, quant
+cella n'adviendroit ainsy, qu'encores la renvoyeroit elle aulx
+seigneurs escouçoys qui tiennent son party; en quoy vous la supliez
+très affectueusement d'y vouloir persévérer, et de vous en fère
+bientost paroistre ceste sienne bonne intention par effect, affin de
+vous descharger de l'inportunité de ceulx qui vous abstraignoient, par
+vertu des traictez, de luy bailler secours; lesquelz se monstroient de
+tant plus ardantz à le pourchasser, que le comte de Lenoz poursuyvoit
+toutjour d'user de viollance contre eulx, au préjudice de la surcéance
+d'armes; et que vous desiriez, Sire, que les conditions du traicté
+réuscissent toutes bien fort seures et honnorables pour elle, et
+pareillement bien honnestes et esloignées de toute offance pour la
+Royne d'Escoce, et pour vous: ou bien, si c'estoit par l'aultre moyen
+qu'elle la vollust restituer, que vous y requériez sa sincérité et sa
+grandeur de cueur à le fère; en sorte que la liberté qu'elle luy
+donroit ne luy fût ung nouveau tourment et peyne.
+
+La dicte Dame, depposant ung peu de la sévérité, qu'elle avoit usé à
+me recepvoir, m'a respondu que ces propos luy sembloient meilleurs
+qu'elle n'avoit espéré de les ouyr de Vostre Majesté, après une telle
+menace et rigoureuse démonstration, que vous aviez usée vers son
+ambassadeur, et préparée en Bretaigne; et qu'elle ne pouvoit fère que,
+pour ceulx de vostre mariage, elle ne vous en remercyât aultant, de
+vraye et bonne affection, comme il luy estoit possible de le fère, et
+que vous ne vous tromperiez jamais, si vous vouliez droictement croyre
+qu'elle estoit et seroit toutjours très ayse de voz prospéritez et
+contantemens, aultant et plus que nul de toutz les princes de vostre
+alliance; et, quoy qu'il y ayt, que vous luy feriez grand tort si ne
+demeuriez très fermement persuadé que vostre mariage luy est
+singulièrement agréable, et qu'elle prioyt Dieu d'y envoyer ses
+bénédictions, affin qu'il fust très heureux aulx espousez, et que la
+postérité en fust de mesmes très heureuse. Et s'est le propos
+poursuyvy à dire que Vostre Majesté se pouvoit promettre une bonne
+part de la vigne, qui est pour ceulx qui peuvent passer le premier an
+de leurs nopces sans se repentyr, et que ceste vigne estoit proprement
+pour les mariages si bien et si convenablement faictz comme le vostre.
+
+A quoy j'ay adjouxté que Vostre Majesté n'avoit garde de tumber en
+nulle sorte de repentailles, et que celle de la vigne s'entendoit que
+nul n'estoit maryé de si bonne heure, qu'il ne se repentît de ne
+l'avoir esté plustost, et que j'espérois voir ung matin qu'elle seroit
+touchée de ce repentir; ce que, en soubzriant, elle a advouhé, et que
+mesmes elle en estoit desjà bien fort attaincte; et a continué que,
+quant à la recommendation que l'Empereur luy avoit faicte de la Royne
+d'Espaigne, cella estoit advenu, parce qu'elle avoit envoyé devers
+elle en Flandres, et puys devers luy à Spyre, sur l'occasion du
+différant, qu'elle avoit avec le Roy d'Espagne, qui n'estoit procédé
+de luy, mais de ses ministres; et que, voyant que sa fille auroit à
+passer en ceste mer, il luy avoit escript de luy vouloir randre son
+passaige bien asseuré, qui aultrement, possible, ne l'eust guières
+esté; et qu'encores que la Royne Très Chrestienne ne vînt poinct en
+ceste mer, si ne lairroit elle de l'honnorer; et puysque je luy
+faisoys ceste notiffication de la remise des triomphes à Paris,
+qu'elle adviseroit d'envoyer quelcun de sa part pour fère la
+conjouyssance, mais quant à tournoyer, qu'il y avoit quelques ans
+qu'elle avoit entretenu sa court, comme en veufve, sans y fère
+tournoys; dont craignoit que les braz de ses gentishommes fussent
+devenuz si engourdiz qu'en lieu d'aller aquérir de l'honneur; ils y
+gaignassent de la honte pour eulx et pour leur nation; au regard de la
+paix de vostre royaulme, que Vostre Majesté ne s'en resjouyssoit pas
+plus droictement qu'elle, qui ne cédoit à nul, qui, plus qu'elle, la
+vous desirât stable et de durée; ce qui la faisoit de tant plus
+esbahyr pourquoy Vostre Majesté entreprenoit de la rudoyer, et mal
+traicter pour la Royne d'Escosse, et qu'elle n'eust jamais pensé que
+vous l'eussiez vollue accomparer de respect à elle, et ne tenir en
+trop meilleur compte son amytié que celle de la dicte Royne d'Escosse.
+
+Et s'est eslargie en tant de parolles aigres contre la dicte Royne
+d'Escosse, et sur vos dictes menaces, et sur les secours qu'elle
+entendoit s'aprester de rechef en Bretaigne, que je suys demeuré assés
+esbahy comme la dicte Dame estoit si changée despuys l'aultre foys,
+dont ne me suis peu tenir (luy gardant néantmoins toutjours tout le
+respect qu'il m'a esté possible), que ne luy aye fermement répliqué
+qu'elle se faisoit grand tort de prendre ainsy en mauvaise part les
+très honnestes et gracieuses remonstrances, que Vostre Majesté luy
+faisoit pour la Royne d'Escosse, et la franchise dont vous luy
+déclairiez comme vous estiez contrainct de la secourir; qui pourtant
+monstriez, par la patience dont vous y procédiez, que vous auriez
+grand regrect qu'il vous en fallust venir à tant. Et n'ay obmiz de luy
+respondre à toutz ses aultres argumentz, ung à ung, luy demandant
+enfin quelle aultre voye donques estimoit elle que Vostre Majesté
+pourroit tenir pour, tout ensemble, conserver son amytié, et
+s'acquicter de son debvoir envers la Royne d'Escosse.
+
+A quoy, après y avoir ung peu pensé, elle m'a respondu qu'elle vous
+prioyt, de toute son affection, de ne monstrer, par voz parolles et
+aprestz, que vous mesprisez son amytié, et de ne vouloir traitter que
+honnorablement avec elle et avec son ambassadeur, comme elle estoit
+preste d'user de mesmes envers vous; car aymoit mieulx venir à toutes
+aultres extrémités que de souffrir rien qui fût indigne de sa
+réputation, ny de celle de sa couronne. Et quant au reste, elle me
+vouloit bien dire qu'elle ne prétandoit que nul aultre prince
+s'entremît du traicté d'entre elle et la Royne d'Escosse, que elles
+deux, et que je ne debvois craindre qu'il s'y fît ligue contre Vostre
+Majesté, mais bien pour se deffandre entre elles, si quelcun les
+vouloit assaillyr; et qu'elle avoit mandé, pour le jour d'après,
+l'évesque de Roz, et puys, pour le lendemain, l'abbé de Donfermelin
+qui estoit desjà arrivé, affin de les ouyr, l'ung après l'aultre, et
+donner, puys après, le plus d'advancement qu'elle pourroit au dict
+traicté.
+
+Et n'ay raporté, pour ceste foys, aultre chose de la dicte Dame sinon
+que noz propos se sont terminez gracieusement, et j'ay sceu despuys
+qu'ilz ont eu beaucoup d'effect à la modérer sur tout ce qui peult
+concerner vostre commune amytié et les affères de la dicte Royne
+d'Escosse. Sur ce, etc. Ce XXXe jour de novembre 1570.
+
+ POUR FÈRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ, oultre le contenu des
+ lettres:
+
+ Que d'aulcunes choses, dont la Royne d'Angleterre est en peyne,
+ il y en a principallement trois, qui, à ceste heure, la
+ travaillent: l'ellévation à quoy se sont monstrez promptz ceulx
+ de Lenclastre, où elle n'ose toucher, de peur que le mal n'en
+ deviegne plus grand et plus universel en son royaulme; la seconde
+ est les affères de la Royne d'Escosse, lesquelz sont suportez du
+ Roy, et soubstenuz avec tant d'affection par une partie de ses
+ subjectz, et contradictz si opiniastrément par l'aultre,
+ mesmement par les évesques et principaulx de la nouvelle
+ religion, qu'elle ne sçayt quel expédiant y prendre; la
+ troisiesme est les différans des Pays Bas, desquelz tant plus
+ l'accord s'en prolonge, plus les prinses se dépérissent, et elle
+ s'en tient comme responsable, et les commerces cessent, desquelz
+ avoit accoustumé de tirer les meilleurs et plus clairs revenuz;
+
+ Et, qui pis est, qu'il semble que ces trois causes se vont
+ confortant l'une à l'aultre, et qu'elles sont pour devenir toutes
+ à ung: à fère quelque grand effect dans ce royaulme, dont la
+ dicte Dame assemble souvant ceulx de son conseil pour y remédier;
+ et je ne sçay encores quelles résolutions ilz y mettent, parce
+ qu'ilz les tiennent fort secrectes, mais voycy ce que j'ay aprins
+ de particulier sur chacune des dictes occasions, d'où se pourra
+ aucunement colliger à quoy elles auront à devenir.
+
+ Un seigneur bien entendu ez affères de ce royaulme, qui naguières
+ estoit en conversation avec d'aultres personnaiges de bonne
+ qualité, en ceste ville, leur dict que la Royne, leur Mestresse,
+ estoit à présent fort particullièrement informée de ce qui se
+ passoit au quartier de Lenclastre; et que ung des principaulx
+ autheurs de l'entreprinse en estoit venu descouvrir si
+ véritablement tout ce qui en estoit, qu'il n'avoit espargné
+ d'acuser son propre père, et avoit esté enfermé quatre heures
+ avec le secrétaire Cecille, pour luy notiffier les personnes, et
+ luy expécifier les dellibérations, et luy ouvrir encores les
+ moyens d'y remédier;
+
+ Et que, sellon son rapport, sembloit que le comte Dherby, deux de
+ ses enfans, et la pluspart de la noblesse du pays se fussent
+ ouvertement soubstraictz de l'obéyssance de la dicte Dame, et
+ eussent déclairé de ne vouloir plus respondre à sa justice, ny
+ obéyr à chose qui se fit par son autorité, allégans que Dieu et
+ leur conscience les pressoient de ne recognoistre pour leur Royne
+ et Souveraine celle qui estoit déclairée illégitime et interdicte
+ par l'esglize, jusques à ce qu'elle se fût mize hors de
+ l'interdict; et que c'estoit sir Thomas Stanlay, second filz du
+ dict Dherby, qui conduysoit principallement cest affère, lequel
+ se promettoit d'avoir toutz les principaulx de ce royaulme de son
+ parti, hormiz le comte de Betfort, le comte de Huntington et le
+ duc de Norfolc, parce que ceulx là estaient l'un épicurien,
+ l'aultre sacrementaire, et le tiers neutre; et que la dicte Dame
+ estoit pour demeurer en grand peyne de cecy, si de Lenclastre
+ mesmes l'on ne luy eust mandé qu'elle ne s'en donnât poinct de
+ peur, car il restoit encores des gens de bien en si grand nombre
+ dans le pays qu'ilz romproyent ayséement les entreprinses de ces
+ papistes.
+
+ J'ay entendu d'ailleurs que ung gentilhomme, que les dicts de
+ Lenclastre avoient envoyé devers aulcuns seigneurs des quartiers
+ de deçà, leur a dict qu'ilz se mettroient trente ou quarante mil
+ hommes assés promptement ensemble, si eulx se vouloient déclairer
+ ouvertement de leur party; et que iceulx seigneurs luy ont
+ respondu qu'ilz ne pouvoient rien fère de eulx mesmes, si le duc
+ de Norfolc n'estoit de la partie, lequel estoit encores dettenu,
+ et ne monstroit qu'il eust vollonté de rien remuer.
+
+ Laquelle responce semble que, sans en rien communiquer au dict
+ duc, ilz l'ayent ainsy expressément faicte à icelluy gentilhomme
+ pour ne se descouvrir à nul anglois, car ilz ne se fyent les ungs
+ des aultres; et que néantmoins semble qu'ilz sont assez délibérez
+ et résolus à l'entreprinse, pourveu qu'elle soit conduicte
+ secrectement, et que le dict duc en veuille estre, et donner
+ parolle qu'il advancera le droict de la Royne d'Escosse au tiltre
+ de ce royaulme, et qu'il promettra que l'exercice de la religion
+ catholique aura cours pour ceulx qui la vouldront avoir; car
+ aultrement ilz aymeroient mieulx que la Royne d'Escosse print le
+ party du plus estrangier du monde que le sien; mais, cella
+ accordé, qu'ilz tiendront l'entreprinse pour bien, fort advancée,
+ en ce que le Pape, et le Roy, et le Roy d'Espaigne les veuillent
+ secourir de six mil harquebouziers seulement, en six divers
+ lieux, qui soient conduicts par gens, qui ne sachent en façon du
+ monde où ilz vont.
+
+ Aulcuns estiment que le duc de Norfolc n'accepteroit que très
+ vollontiers les dictes deux conditions, mais il ne peult fère
+ aulcun bon fondement sur ceulx qui se meslent de l'entreprinse,
+ s'estant trouvé une foys trop déceu en celle de son mariage; et
+ aussi, qu'estant encores resserré, il estime, possible, qu'il ne
+ se pourroit assés bien prévaloir de ses propres moyens.
+
+ Et d'ailleurs il se sent assés offancé d'aulcunes choses, que les
+ principaulx de son intelligence ont exécuté contre luy, despuys
+ sa détention, mesmement le viscomte de Montagu, lequel a faict
+ tout ce qu'il a peu en faveur de millord Dacres, de qui il a
+ espousé la soeur, pour débouter la niepce, qui est maryée au filz
+ ayné du duc, de toute la succession Dacres; et millord de
+ Lomelay, qui a espousé la fille du comte d'Arondel, de laquelle
+ il n'a poinct d'enfans, voyant que toute la succession de son
+ beau père va au filz ayné du dict duc, qui est filz d'une aultre
+ sienne fille, il l'induict de vendre, pièce à pièce, tout son
+ estat et ses terres; dont n'y a bonne intelligence entre les
+ principaulx, qui sont pour fère quelque effect. Par ainsy semble
+ qu'il seroit mal à propos de rien remuer, et le dict duc, de sa
+ part, fonde toute son espérance des affères de la Royne
+ d'Escosse, au secours et démonstrations du Roy; duquel il dict
+ qu'il veult dépendre, et qu'il espère qu'avec une bien médiocre
+ assistance de luy, les choses d'Escosse viendront à estre bien
+ remédiées, et ne trouve bon que la dicte Royne d'Escosse ny luy
+ s'embroillent avec les dicts de Lenclastre, lesquelz néantmoins
+ se promettent du dict duc et des aultres principaulx seigneurs du
+ royaulme, et encores des estrangiers, tout secours, quant il en
+ sera besoing; et, attandans cella, ilz ne remuent rien, ny ne
+ sont pareillement recerchez.
+
+ Au regard des affères de la Royne d'Escosse, les depputez, qui
+ ont esté devers elle, ayant faict un très bon rapport des propos
+ et démonstrations, dont elle leur a usé, tendans à une bonne paix
+ et sincère amytié, sans fraulde, entre les deux Roynes et leurs
+ royaulmes, ilz ont ayséement induict la dicte Royne d'Angleterre
+ de vouloir venir en accord; laquelle a miz en considération ce
+ que aulcuns aultres de son conseil luy ont remonstré, qu'elle
+ avoit desjà beaucoup despendu pour les choses d'Escosse, sans
+ avoir rien estably de ce qu'elle prétandoit, et que, quant ceulx
+ du party de la dicte Royne d'Escosse ne viendroient estre qu'à
+ moictié prez secouruz du Roy, de ce que le comte de Mora et
+ celluy de Lenoz l'ont esté d'elle, que non seulement ilz
+ déboutteroient leurs adversayres, mais pourroient procurer une
+ dangereuse revenche contre l'Angleterre.
+
+ Ce qui a faict que la dicte Dame s'est fort opposée à ceulx qui
+ vouloient interrompre le tretté, lesquelz n'ont heu enfin aulcun
+ plus fort argument que de luy remonstrer que, puysque le Roy
+ s'affectionnoit si fort à le pourchasser, elle debvoit croyre
+ qu'il y prétandoit quelque grand intérest, qui ne se descouvroit
+ encores, lequel pourroit bien revenir au dommaige d'elle; et que,
+ quant bien il n'y auroit, à présent, sinon ce, qu'il l'a menacée,
+ et qu'il a rudoyé son ambassadeur, encores importoit il
+ grandement à sa grandeur et réputation qu'elle ne fist rien pour
+ ceste foys.
+
+ Et a cella faict tant d'impression en l'opinion de la dicte Dame
+ qu'elle s'est cuydée estranger de l'amityé du Roy, et se
+ despartyr de tout bon propos d'avec la Royne d'Escosse.
+ Néantmoins, en ma dernière audience, après avoir paysiblement
+ escoutté tout ce que je luy ay vollu dire là dessus, conforme à
+ l'intention du Roy, en la plus gracieuse façon et esloignée
+ d'offance qu'il m'a esté possible, elle m'a enfin respondu ce qui
+ est desduict en la lettre du Roy.
+
+ Dont ceulx qui sont contraires au tretté, voyantz qu'elle
+ inclinoit toutjour de passer oultre, ont advisé de l'abstraindre,
+ par la conscience, de ne le vouloir aulcunement fère, que,
+ premier, la Royne d'Escosse n'ayt expressément promiz et fort
+ solennellement juré qu'elle n'innovera rien en la religion, quant
+ elle sera de retour en Escosse, ny pareillement en ce royaulme,
+ si, d'avanture, elle y vient à succéder; et nous a esté raporté
+ qu'ilz avoient encores passé oultre à dellibérer sur la vie de
+ ceste pouvre princesse; dont en estant venu un tel advertissement
+ à l'évesque de Roz, et s'estant là dessus la dicte Dame trouvée
+ bien mal, nous avons esté en grand peur d'elle, et avons miz
+ peyne que d'icy luy a esté envoyé aulcuns bien bons remèdes en
+ fort grande dilligence.
+
+ Or, de ce qui se peult espérer de l'yssue de son faict, je l'ay
+ assés desduict par toutes mes dépesches précédentes, et par celle
+ de ceste datte, et que, nonobstant mes traverses, et empeschemens
+ qu'on y faict, qu'il y a grande apparance que le tretté succédera
+ avec le temps; et que l'abbé de Domfermelin, lequel, à ce qu'on
+ dict, est venu devant, de la part du comte de Lenoz, pour
+ l'interrompre, ne pourra sinon le retarder quelque peu de jours.
+
+ Quant aulx différans des Pays Bas, ceulx qui ont senty que la
+ dicte Dame se tenoit offancée du costé de France, luy sont venuz
+ mettre en avant qu'en toutes sortes elle debvoit retourner à
+ l'intelligence du Roy d'Espaigne, et ne se soucyer de toutz les
+ aultres accidans du monde. A quoy l'ayans trouvée en général fort
+ bien disposée, ilz ont espéré de la pouvoir fère condescendre à
+ ce particullier, de recepvoir une lettre de l'ambassadeur
+ d'Espaigne, et de fère qu'elle luy randroit responce, ou luy
+ accorderoit audience, ou bien envoyeroit quelques ungs du conseil
+ pour tretter avecques luy; et, à la vérité, ilz ont trouvé moyen
+ de luy fère bien recepvoir la dicte lettre, en laquelle le dict
+ ambassadeur s'est seulement conjouy avec elle de ce que la Royne
+ d'Espaigne, après avoir esté honnorablement convoyée par ses
+ navyres, est arrivée à bon port le IIIIe du mois passé; et n'a
+ touché aulcun autre poinct. Mais, quant il a esté question
+ d'avoir la responce, et de passer plus avant avec le dict
+ ambassadeur, elle a respondu qu'il suffizoit, pour ceste heure,
+ qu'on dict à son secrétaire qu'elle avoit receu sa lettre, et
+ avoit esté bien ayse, comme elle le sera toutjour, d'entendre
+ toutes bonnes nouvelles de la Royne d'Espaigne, sa bonne soeur.
+
+ Sur quoy aulcuns se sont entremiz d'accommoder, et les aultres de
+ traverser l'affère, qui enfin est demeurée en ce, que, si
+ l'ambassadeur avoit quelque lettre de son Maistre pour la dicte
+ Dame qu'il la luy envoyât, et elle adviseroit d'entrer en si bon
+ tretté avecques son dict Maistre, qu'elle donroit à cognoistre de
+ n'avoir heu jamais aultre desir que bien conserver son amytié; et
+ que desjà elle luy avoit escript trois lettres, despuys ces
+ différans, à nulle desquelles elle n'avoit esté respondue, et
+ qu'il importoit beaucoup à sa réputation qu'elle ne parlât ny
+ escripvît plus en ceste affère, jusques à ce qu'elle eust de ses
+ nouvelles.
+
+ Et n'a rien servi de remonstrer à la dicte Dame que le dict
+ ambassadeur pouvoit avoir des lettres de son dict Maistre,
+ lesquelles ne luy estait loysible de présenter que par luy
+ mesmes; car a respondu que si son Maistre ne la pryoit, par une
+ sienne bien expresse lettre, de luy redonner sa présence, qu'elle
+ ne l'y admettra jamais; et qu'il feroit bien d'en envoyer ung
+ aultre, car la souvenance des choses qu'il avoit escriptes
+ d'elle, et de ce qu'il s'estoit meslé de l'eslévation du North et
+ de la bulle, ne permettoient qu'elle le peult avoir jamais
+ agréable.
+
+ Et, sur ceste résolution, elle n'a plus vollu différer d'escripre
+ à son depputé en Flandres, que, si le duc d'Alve ne vouloit
+ admettre la compensation des merchandises, et prendre celles
+ d'Angleterre pour le priz qu'elles ont esté vandues par dellà,
+ qu'il s'en vint; et que, aussitost qu'il seroit icy, il seroit
+ procédé à la finalle vante de celles d'Espaigne, dont s'entend
+ que le Sr Thomas Fiesque sera de rechef dépesché pour venir
+ accorder ce poinct; et que le duc d'Alve ne s'y opiniastrera; et,
+ quant au principal faict de l'entrecours, que le Sr Ridolfy
+ passera bientost devers icelluy duc, pour mettre en avant quelque
+ bon expédiant.
+
+
+
+
+CXLVIIIe DÉPESCHE
+
+--du VIIe jour de décembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Guillaume Bernard._)
+
+ Sollicitations pour ramener Élisabeth à de meilleurs sentimens
+ envers la France.--Prière de l'ambassadeur au roi afin de
+ l'engager à faire un plus favorable accueil à l'ambassadeur
+ d'Angleterre.--Maladie subite de Marie Stuart.--Arrivée de
+ quelques-uns des députés d'Écosse.--Affaires des Pays-Bas et
+ d'Allemagne.--Prochain départ du cardinal de Chatillon.--Espoir
+ de l'ambassadeur que Leicester, ou quelqu'un des grands
+ d'Angleterre, sera envoyé en France à l'occasion du mariage du
+ roi.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, après vous avoir dépesché mon secrétaire, le dernier de l'aultre
+mois, j'ay cerché de sçavoir en quelle disposition continuoit d'estre
+la Royne d'Angleterre vers Vostre Majesté et vers la Royne d'Escosse;
+et j'ay aprins, Sire, que luy ayant esté naguières parlé de l'ung et
+de l'autre, à heure bien propre, et en termes convenables pour luy
+oster l'impression de ces menaces et rigoureuses démonstrations, dont
+son ambassadeur s'est plainct qu'on luy avoit usé en France, elle a
+monstré d'avoir beaucoup de regrect que cella fût advenu pour
+interrompre les tesmoignages de la bonne affection, qu'elle se
+préparoit de manifester bientost au monde qu'elle avoit vers Vostre
+Majesté; et encores de celle que, pour l'amour de vous, elle vouloit
+fère sentyr à la Royne d'Escosse; et qu'on sçavoit bien qu'elle avoit
+desjà proposé d'envoyer une ambassade en France, non moins honnorable
+que si elle y eust dépesché ung sien propre frère, pour fère la
+conjoyssance de voz nopces et de la venue de la Royne, et pour
+honnorer l'ung et l'aultre, ensemble la Royne, vostre mère, de
+quelques présens, et de vous gratiffier et vous accorder tout ce
+qu'elle eust peu pour la Royne d'Escosse.
+
+Sur quoy luy ayant, l'ung de ceulx qui estoient là présens, assés
+soubdain remonstré qu'elle ne debvoit laysser de le fère pour chose,
+que son ambassadeur luy eust escript, parce que moy, vostre
+ambassadeur par deçà, asseurois bien fort que Vostre Majesté n'avoit
+aulcune vollonté de l'offancer, et que mesmes elle pouvoit cognoistre
+qu'encores que vous travaillissiez de satisfère à ce que vous debviez
+à la Royne d'Escosse et aulx Escossoys, vous cerchiez néantmoins de
+n'avoir poinct de guerre à elle; car, d'ung costé, vous pourchassiez
+le tretté, et lui déclairiez, de l'aultre, qu'au cas qu'il ne succédât
+vous seriez contrainct d'envoyer vostre secours en Escosse; et s'est
+esforcé, par ce moyen, de ramener la dicte Dame à sa première bonne
+dellibération d'envoyer en France; de quoy elle ne s'est monstrée trop
+esloignée. Néantmoins, de tant que sa principalle entente est de fère
+veoir aulx siens que les princes estrangiers l'honnorent et la
+respectent, et que, là où ilz ne le vouldroient fère, qu'elle a le
+cueur bon pour ne leur rien céder, affin que cella luy serve pour se
+maintenir en plus d'authorité dans son royaulme, elle a enfin respondu
+que nul ne la debvoit conseiller de porter honneur à celluy qui luy
+vouloit oster le sien, ny de recercher d'amytié celluy qui mesprisoit
+la sienne, et qu'elle abaysseroit par trop la dignité de la couronne
+d'Angleterre, si elle monstroit de fère quelque chose par menaces;
+dont attandroit de veoir comme ses démonstrations de bonne vollonté
+auroient à être bien receues en France, premier qu'elle advanturast de
+les envoyer offrir.
+
+Sur quoy j'ay esté advisé, Sire, par ung, qui est bien affectionné à
+vostre service, de vous debvoir escripre que, de tant qu'il ne vous
+peult estre imputé que à grande courtoysie de defférer quelque chose
+aulx dames, et que ceste cy n'a, au fondz de son cueur, que très bonne
+affection de persévérer en toute amytié et intelligence avec Vostre
+Majesté et avec la France; et qu'il est dangier qu'elle s'en retire,
+pour s'adjoindre ung aultre party qui la recerche infinyement, et où
+vous pourriez estre quelquefoys bien marry qu'elle y eust passé,
+lorsque, possible, vous vouldriez, avec très grand désir, l'avoir
+réservée du vostre; et que les affères d'Escosse ne succéderont que
+mieulx à vostre désir, et mesmes il vous viendra plusieurs aultres
+commoditez de ceste princesse et de son royaulme, si vous la
+regaignez; que Vostre Majesté fera bien de porter quelque faveur à son
+ambassadeur, et de luy tenir des propos honnestes, et plains d'amytié
+et de bienveuillance vers elle, luy faysant quelque part des nouvelles
+de vostre mariage; et que, estant les choses d'Escosse accommodées,
+ainsy que vous espériez qu'elles le seroient, par le tretté, et dont
+vous la priez que ce soit bientost, que vous pourrez, puys après,
+vivre en une très parfaicte intelligence et entière amytié avec elle;
+et que desjà le dict ambassadeur est adverty que s'il vous plaît,
+Sire, parler à luy en ceste sorte, que, pour deux motz que Vostre
+Majesté luy en dira, il y ayt à luy en escripre plusieurs de si bons à
+sa Mestresse, qu'il luy face perdre la mémoire de ceulx qui luy ont
+faict mal au cueur; et que, si Vostre Majesté avoit agréable de m'en
+fère aussi toucher quelques unes en vostre première dépesche, qui
+fussent assés exprès pour les pouvoir monstrer à la dicte Dame,
+qu'elle en demeureroit très grandement satisfaicte, et toutes choses
+en yroient mieulx. Dont de tant, Sire, que ce conseil ne peult estre
+que décent à Vostre Majesté, et que ceulx, qui portent icy les affères
+de la Royne d'Escosse, m'ont prié de le vous fère trouver bon, je n'ay
+vollu faillyr de le vous escripre tout incontinent, et adjouxter,
+Sire, qu'il me semble qu'il ne pourra estre que honneste et utille à
+vostre service d'en user ainsy.
+
+Cependant il est advenu que la Royne d'Escosse est tumbée fort
+mallade, et qu'ayant changé d'air et de logis, à Chiffil, pour cuyder
+s'y trouver mieulx, son mal est augmenté, de sorte qu'elle a mandé à
+l'évesque de Roz de l'aller trouver en dilligence, et de luy admener
+ung homme d'esglize pour l'administrer; lequel est party ce matin pour
+luy aller luy mesme fère ce sainct office, par faulte d'aultre, et a
+mené deux bons mèdecins, que la Royne d'Angleterre luy a baillez,
+laquelle a escript une bonne lettre à la dicte Dame, qui la consolera
+grandement; car aussi nous a elle mandé que son plus grand mal est
+d'ennuy de ses affères, et que nous ne demeurions en souspeçon de
+l'adviz que nous luy avions mandé, parce qu'elle a fort bien prins
+toutjour garde à son vivre. Nous estimons que c'est son accoustumé mal
+de costé, et que bientost nous aurons meilleures nouvelles d'elle;
+lesquelles, Sire, je vous feray incontinent tenir.
+
+L'abbé de Domfermelin a faict plusieurs vifves remonstrances à la
+Royne d'Angleterre pour rompre le traicté, desquelles elle a esté
+assés esmeue; mais enfin elle l'a renvoyé pour aller quérir les
+aultres depputez du party du régent, avec dellibération de passer
+oultre, monstrant toutesfoys n'estre contante que les depputez, qui
+viennent pour le party de la Royne d'Escosse, ne sont personnaiges
+plus principaulx qu'ilz ne sont: car a entendu que c'est seulement
+l'évesque de Galoa et milord Leviston; mais l'on luy a donné espérance
+que le comte d'Arguil pourra venir, ce qui fera encores quelque
+longueur en cest affère; mais j'y donray toutjour le plus de presse
+qu'il me sera possible.
+
+L'on s'esbahyt qu'il y a plus d'ung mois que nul courrier n'est venu
+de Flandres, mais l'on ne le prend que pour bon signe, de tant
+qu'ayant esté escript au depputé, qui est en Envers, d'aller
+incontinent trouver le duc d'Alve à Bruxelles, pour luy proposer la
+dernière offre; et que, s'il y faict nulle difficulté, qu'il s'en
+retourne tout incontinent, l'on estime que le dict duc l'a acceptée,
+et que l'on est meintennant après à conclurre les chappitres de
+l'accord. J'entendz que le jeune Coban a esté licencié de l'Empereur,
+dez le VIIIe du passé, pour s'en retourner devers sa Mestresse; il est
+encores en chemin, mais ung personnaige d'assés bonne qualité,
+allemant, est arrivé despuys deux jours, qui se dict ambassadeur du
+duc Auguste de Saxe, duquel je n'ay encores rien aprins de sa
+légation; je travailleray d'en entendre quelque chose. Monsieur le
+cardinal de Chastillon partit hyer de ceste ville pour aller à
+Canturbery, pour estre plus près du passaige, dellibérant d'attandre
+là des nouvelles de son homme, qu'il a envoyé en France. Il m'est, de
+rechef, venu visiter, avec plusieurs bonnes parolles de sa dévotion
+et fidellité vers vostre service, et qu'il n'a nul plus grand desir au
+monde que de vous en fère, et qu'il espère bientost vous aller bayser
+les mains pour plus expressément le vous tesmoigner. Sur ce, etc. Ce
+VIIe jour de décembre 1570.
+
+ Je pense avoir desjà tant rabattu de courroux de la Royne
+ d'Angleterre que, si elle n'envoye le comte de Lestre en France,
+ que au moins y dépeschera elle ung aultre milord de bonne
+ qualité.
+
+
+
+
+CXLIXe DÉPESCHE
+
+--du XIIIe jour de décembre 1570.--
+
+(_Envoyée jusques à la court par Antoine Jaquet, chevaulcheur._)
+
+ Maladie de Marie Stuart.--État de la négociation qui la
+ concerne.--Incertitude sur la négociation des
+ Pays-Bas.--Nouvelles d'Allemagne.--Réclamations relatives aux
+ plaintes des négocians de Rouen et de la Bretagne.--Résolution
+ de la reine d'Angleterre d'envoyer un ambassadeur en France, à
+ l'occasion du mariage du roi.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il n'est venu aulcunes nouvelles de la Royne d'Escosse despuys
+mes aultres lettres, de devant celles icy, lesquelles sont du septième
+de ce mois, qui est signe, Sire, qu'elle se trouve mieulx, ou au moins
+qu'elle ne va en empyrant; car son mal est assés tost publié en ce
+royaulme. J'espère que, par mes premières, je vous pourray mander
+quelque chose de particullier de sa convalescence, sellon que les bons
+mèdecins, qu'on lui a admené d'icy, et les bons remèdes qu'on luy a
+envoyez, luy auront, avec l'ayde de Dieu, peu servir. Cependant l'abbé
+de Domfermelin a fort négocié en ceste court, pour interrompre le
+tretté, mais il ne l'a peu fère; dont, voyant que la Royne
+d'Angleterre incistoit toutjour que les depputez de son party
+vinssent, il s'est résolu de les attandre icy, et a dépesché ser
+Guilhaume Stuart en poste pour les aller quéryr, et pour apporter une
+dépesche et responce de la dicte Dame au comte de Lenos. Il estime que
+les comtes de Morthon et de Glames viendront. L'on a opinion que les
+depputez de l'aultre party sont desjà à Cheffil avec la Royne
+d'Escosse, leur Mestresse, et que l'évesque de Roz, qui l'est allée
+trouver, les admènera bientost par deçà. Je vays, en son absence,
+entretenant, la plus vifve que je puys, la pratique du dict tretté et,
+par toutes les sondes que je y fays, je trouve que la résolution
+demeure ferme de passer oultre; non que pour cella, Sire, il ne s'y
+voye beaucoup de difficultez, semblables à celles du passé, et mesmes
+que le comte de Sussex, à son arrivée, y en a semé plusieurs de celles
+qui tesmoignent le regrect, qu'il a, d'estre depposé de sa charge, et
+de ce que son armée luy a esté cassée, magniffiant ces derniers
+exploictz d'Escosse, et monstrant combien il seroit facille, et hors
+de dangier, d'y en exécuter de plus grandz, veu les ordinaires
+empeschemens, que Vostre Majesté et les princes de dellà la mer ont en
+leurs affères. Néantmoins l'on pourra juger plus à clair du succez de
+cest affère, quant toutz les depputez seront achevez d'arriver, ce que
+je n'espère devant le huictiesme de janvier.
+
+Il est, coup sur coup, arrivé trois courriers de Flandres, qui sont
+allez descendre au logis du secrétaire Cecille en ceste ville, où il
+est encores mallade; qui les a examinez à part, et les a assés tost
+expédiez vers la Royne sa Mestresse, sans permettre qu'ilz ayent rien
+publié de leur dépesche. Tant y a que j'ay ung adviz d'assez bon
+lieu, que le duc d'Alve, en baillant sa responce au depputté de la
+dicte Dame, ne luy a accepté son offre, ny aussy ne la luy a reffuzée;
+mais il luy a miz en avant d'aultres gracieulx expédientz, par
+lesquelz il faict espérer à ceste princesse, et aulx siens, que non
+seulement le faict de ces prinses, mais aussi celluy du commerce et de
+l'entrecours, et pareillement toutz aultres différans, d'entre le Roy
+Catholique et elle, et d'entre leurs pays et subjectz, se pourront
+facillement accommoder, avant la fin de febvrier, ou au moins, dans
+tout le mois de mars. Je ne sçay si elle s'y endormyra, mais ceulx de
+son conseil monstrent qu'il y a une extrême nécessité de trafiquer en
+ce royaulme, et pressent bien fort l'ambassadeur d'Espaigne de leur
+ottroyer des passeportz, pour envoyer des navyres et merchandises en
+Biscaye et Andelouzie.
+
+Le jeune Coban est arrivé, despuys trois jours, en ceste court, lequel
+n'a passé en ceste ville; dont n'ay encores rien aprins de certain de
+ce qu'il a raporté de sa légation. Il est vray que quelques lettres
+sont venues d'Allemaigne, par lesquelles l'on escript que l'Empereur
+luy a notiffié le mariage de l'archiduc Charles, son frère, avec la
+fille de Bavière, et que cella, avec quelques bonnes parolles
+d'amytié, ont esté toute la substance de la responce qu'il luy a
+faicte.
+
+Il a esté procédé si gracieusement ez choses de Lenclastre, que les
+sires Thomas et Edouart Stanlays et le sire Thomas Gerard, soubz
+parolles de seureté, se sont enfin venuz représanter en ceste court,
+où le comte de Lestre et le secrétaire Cecille leur ont, d'entrée,
+monstré grand faveur. Je ne sçay quelle sera l'yssue de leur faict. Le
+dict secrétaire Cecille m'a envoyé, par le Sr de Quillegray, son beau
+frère, la responce, que les maire et eschevins de Londres font aulx
+remonstrances de voz subjectz de Roan, et m'a mandé que, si les dicts
+de Roan ne s'en contentent, qu'ilz les apostillent, ou bien qu'ilz
+depputent deux d'entre eulx pour en conférer avec deux aultres de
+Londres, affin de s'en accommoder ensemble. Car sa Mestresse; desire
+que, pour l'honneur de Vostre Majesté, ilz soyent contantés, et le
+commerce continué. Et m'a dict aussi le dict Cecille que, pour
+remédier aulx désordres d'entre la Bretaigne et l'Angleterre, il vous
+playse, Sire, ordonner à Mr de Montpensier de fère une recerche des
+prinses et déprédations faictes aux Anglois par dellà, et y depputer
+des commissaires pour en juger sommairement; et sa dicte Mestresse
+pourvoyra de fère le semblable par deçà, pour la restitution des biens
+des Bretons, et qu'aultrement le commerce d'entre les deux pays va
+estre de tout interrompu.
+
+Monsieur le comte de Lecestre m'a envoyé dire, ce matin, par ung de
+ses gentishommes, qu'il a continué vers la Royne, sa Mestresse, la
+négociation que j'avois commancée avec luy, suyvant laquelle ayant
+priz en bonne part noz remonstrances, elle s'est résolue de persévérer
+en tous debvoirs de bonne amytié vers Vostre Majesté, et qu'elle
+envoyera une bien honnorable ambassade en France, pour fère la
+conjouyssance de voz nopces et de la venue de la Royne. J'entendz que
+ce sera milord Boucart, parant en mesme degré de la dicte dame qu'est
+milord d'Ousdon. Sur ce, etc. Ce XIIIe jour de décembre 1570.
+
+
+
+
+CLe DÉPESCHE
+
+--du XVIIIe jour de décembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._)
+
+ Nouvelles de la santé de Marie Stuart.--Préparatifs de départ de
+ lord Buchard et des seigneurs de sa suite pour assister aux
+ fêtes du mariage du roi.--Négociation des Pays-Bas.--Nouvelles
+ d'Allemagne.--Affaires d'Irlande.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, suyvant ce que, en mes précédantes du XIIIe de ce moys, j'avois
+espéré de vous pouvoir, par celles de ceste heure, mander de bonnes
+nouvelles de la Royne d'Escoce, il est advenu que Mr l'évesque de Roz
+m'a escript, du XIe de ce moys, tout l'estat auquel il l'a trouvée,
+quant il est arrivé vers elle; qui est chose pitoyable à ouyr, mesmes
+que, oultre la complication de beaucoup de malladies, qui la pressent,
+elle est affligée d'ung extrême ennuy de ses affères, et d'un
+crèvecueur trop grand, qu'elle a d'aulcunes mauvaises parolles qu'on a
+aprins au Prince d'Escoce, son filz, de proférer d'elle. Néantmoins,
+par la bonne dilligence et les bons remèdes, qu'on luy a usé, les
+médecins jugent qu'elle est à présent hors de dangier; ce que je vous
+confirmeray, Sire, par mes subséquentes, sellon la certitude qui m'en
+viendra chacun jour. Les depputez de son party ne sont encores
+arrivez, et estime l'on qu'on a changé l'ellection, et que le comte
+d'Athil, ou celluy d'Arguil, avec milord Herys, seront envoyés. Leur
+longueur aporte beaucoup de retardement à leurs propres affères, et à
+ceulx de leur Mestresse.
+
+Cependand milord Boucard se met au plus honneste équipage qu'il peult,
+pour aller trouver Vostre Majesté, et a commandé la Royne, sa
+Mestresse, au comte de Rotheland, et encores à vingt chevaliers ou
+gentishommes de sa court, de l'acompaigner, monstrant qu'elle veult
+honnorer, à son pouvoir, ce tant illustre mariage des deux personnes,
+qui sont les plus royalles et de la plus haute extraction de la
+Chrestienté, et d'honnorer encores particullièrement la venue de la
+Royne, comme d'une princesse, que, oultre les communes occasions de
+leur mutuelle bienveuillance, elle veult, pour l'honneur de
+l'Empereur, son père, contracter une fort estroicte et bien fort
+espécialle amytié avec elle. Et s'attand bien aussi la dicte Dame que
+Voz trois Majestez Très Chrestiennes et Messeigneurs voz frères, et
+Mesdames voz soeurs, et pareillement toute la France, luy gratiffierez
+ceste sienne bienveuillance et grande démonstration; laquelle je vous
+puys asseurer, Sire, qu'on me la tesmoigne icy pour une fort grande
+expression du desir, qu'elle a, de persévérer en toute bonne amytié
+avec Vostre Majesté, et d'accommoder encores, pour l'honneur de vous,
+les affères de la Royne d'Escoce; ce que je remets bien à le voir par
+les effectz. Tant y a que je vous suplie très humblement, Sire, de
+commander que les choses, qui conviennent à bien et favorablement
+recepvoir une si notable ambassade, soient ordonnées de bonne heure.
+
+Au regard des différans de Flandres, j'entendz que le duc d'Alve a
+faict remonstrer, soubz main, au depputé de la Royne d'Angleterre
+qu'il ne pouvoit, en façon du monde, accepter son offre de prandre les
+merchandises d'Angleterre au pris qu'elles avoient esté vandues; car
+il y feroit, par trop, le dommaige de son Maistre, mais qu'il
+s'esforceroit bien de luy fère trouver bon que ce fût sellon qu'elles
+avoient vallu en Envers, ung mois auparavant les saysies, parce que
+l'empeschement, survenu despuys, sur le commun commerce des deux pays,
+les avoit faictes venir beaucoup plus chères; et que c'estoit ung
+expédiant, qui luy sembloit fort raysonnable, et par lequel il
+espéroit qu'on viendroit facillement au moyen d'accommoder les aultres
+affères du commerce, et de l'entrecours, et de toutz les différans
+qu'ilz pouvoient avoir ensemble; auquel expédiant, Sire, semble que
+ceulx cy condescendront, mais, de tant que le dict duc n'en a encores
+rien escript à l'ambassadeur, qui est icy, l'on estime que ce n'est
+matière bien preste.
+
+Il ne se publie encores rien de la responce, que le jeune Coban a
+raportée de l'Empereur; pourra estre qu'avant mes premières j'en auray
+aprins quelque chose pour le vous mander, mais, quant à l'allemant,
+qui estoit arrivé ung peu devant luy, c'est ung capitaine qui
+s'appelle sire Mans Olsamer, d'Auxbourg, qui desire estre receu au
+service et à la pencion de la Royne d'Angleterre; et, pour tesmoignage
+de sa valleur, il a aporté des lettres de recommendation du duc
+Auguste, et quelque présent de coffres d'Allemaigne à la dicte Dame,
+et six belles pères de pistollés au comte de Lestre. L'on estime que
+luy et ung aultre ambassadeur, que le comte Pallatin et le comte de
+Mansfelt en mesmes temps envoyé icy, par prétexte de quelque reste de
+payement de reistres, poursuyvent ce que leurs aultres ambassadeurs,
+l'esté passé, avoient miz en avant d'une ligue avec ceste princesse,
+dont je mettray peyne d'en entendre ce qui en est.
+
+L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict qu'on avoit icy adviz d'Irlande
+comme les sauvaiges ont surprins ung chasteau sur ung port de mer,
+appartenant au comte d'Esmont, prisonnier en la Tour de Londres,
+lequel la Royne d'Angleterre avoit commis en garde à quelque aultre
+gentilhomme du pays, et que les dicts sauvaiges y ont miz une garnyzon
+de Bretons, de quoy l'on ne m'a encores parlé, et je n'en ay poinct
+d'adviz d'ailleurs; ayant au reste, Sire, bien dilligement considéré
+ce que Vostre Majesté m'a escript, du premier de ce moys, touchant le
+dict pays, qui est une chose qui se raporte assés bien à ce que je
+vous en manday, dez le XIe de juing dernier; et me semble, Sire, que
+ceulx cy ont meintennant fort oublyé la plus grand souspeçon qu'ilz
+eussent en cest endroict, car ilz n'ont nul appareil sur mer; et si,
+estiment que l'Espaigne n'est encores bien délivrée des Mores, et que
+le Roy Catholique a receu honte et perte en l'entreprinse du Levant,
+n'ayant son armée de rien servy au secours de Nicocye[21], ny rien
+exploicté de bien, en tout le voyage, que la perte de quatre ou cinq
+mil soldatz, et s'est retirée, sans bonne intelligence, d'avec celles
+des aultres allyez. Possible qu'ilz s'endorment ez belles parolles du
+duc d'Alve. J'essayeray de voir, ung peu de près, où en sont, à
+présent, les choses, affin de vous en escripre plus à certain par mes
+premières; mais il est requis, Sire, qu'on y ayt principallement
+l'oeil ouvert du costé d'Espaigne et de Flandres; car c'est là, où
+desjà sont passez ceulx qui ont à conduyre l'entreprinse, si aulcune
+s'en faict. Sur ce etc. Ce XVIIIe jour de décembre 1570.
+
+ [21] La ville de Nicosie, malgré les efforts de la flotte
+ combinée des chrétiens, fut prise par les Turcs, le 9 septembre
+ 1570.
+
+
+
+
+CLIe DÉPESCHE
+
+--du XXIIIe jour de décembre 1570.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais, par Jehan Monyer._)
+
+ Retour de sir Henri Coban de sa mission en Allemagne.--Rapport
+ qu'il fait à la reine de ce qui s'est passé aux fiançailles du
+ roi à Spire.--Conférence de l'ambassadeur et de lord
+ Buchard.--Instructions qui ont été données à lord Buchard par
+ la reine d'Angleterre.--Espoir de l'ambassadeur de ramener
+ Élisabeth à une entière confiance dans le roi.--Convalescence
+ de Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay fort dilligemment cerché de sçavoir si ceulx cy avoient nul
+sentyment de l'aprest, que Vostre Majesté m'a mandé par sa lettre du
+premier de ce mois, mais je trouve qu'ilz ne se deffient à ceste
+heure, peu ny prou, de cest endroict, estans en termes de bien
+accorder leurs différans avec le duc d'Alve; et ayant la Royne
+d'Angleterre receu, par le retour du jeune Coban, qui a repassé par
+Flandres, une lettre du Roy Catholique et une aultre du dict duc,
+desquelles, à la vérité, je ne sçay encores la teneur; tant y a que le
+dict duc luy faict espérer beaucoup de l'amytié de son Maistre, et luy
+promect plusieurs bons offices de sa part; sur quoy elle et les siens
+sont à présent endormys. Il est vray qu'ayant la responce, que icelluy
+duc a faicte au depputé d'icy, (laquelle, du commancement, avoit
+semblé fort raysonnable), esté baillée à examiner aulx gens de lettre
+de ceste ville, ilz l'ont en quelque part trouvé captieuse, de sorte
+qu'on estime qu'il y aura encores bien à débattre. Le dict jeune Coban
+a faict ung honnorable rapport des fianceailles de Vostre Majesté,
+lesquelles il a veues cellébrer à Spire, et de la bonne grâce, vertu
+et débonaireté de la Royne, des vertueulx déportemens de Mr le comte
+de Retz aus dites fianceailles, avec honneur et dignité, et
+pareillement de monsieur le comte de Fiesque, et de toutz les
+Françoys, qui estoient en leur compaignie; et s'est loué des
+honnorables propos, que le dict Sr comte de Retz luy a tenuz de la
+Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et de la faveur qu'il luy a faicte
+particulièrement à luy; mais quant aulx aultres contantemens, qu'il a
+raporté de la cour de l'Empereur, j'entendz que sa dicte Mestresse ne
+les a aulcunement goustez, ains qu'elle demeure offancée des
+responces, que l'Empereur luy a faictes; lesquelles j'espère que, par
+mes premières, je les vous pourray mander.
+
+Lundy dernier, Mr de Valsingan me fit ung somptueulx festin, auquel il
+appella milord de Boucart, le comte de Rotheland, et une trouppe des
+plus habilles hommes de bonne qualité de ceste ville, qui me vinrent
+quérir fort honnorablement en mon logis; il me dict qu'il estoit du
+tout dépesché pour aller succéder à Mr Norrys, et qu'il me donnoit
+parolle, en homme de bien, de se comporter en telle sorte, en sa
+légation, que Vostre Majesté en auroit tout contentement; et me fit
+toute ceste compaignie une fort honneste démonstration de
+bienveuillance envers la France. Le dict Sr de Boucard me dict, à
+part, que sa Mestresse luy avoit commancé de bailler son instruction,
+et que, sans les choses que son ambassadeur luy avoit escriptes, elle
+eust faict fère le voyage par le comte de Lestre, lequel, à présent,
+ne pouvoit plus estre ainsy bien prest comme elle le desireroit; bien
+que je luy eusse, à ce qu'elle disoit, desjà interprété en si bonne
+sorte ce que Vostre Majesté avoit faict et dict, en l'endroict de son
+ambassadeur, qu'elle en demeuroit fort satisfaicte, mais qu'elle
+vouloit que le dict de Boucart accomplyst si honnorablement ceste
+légation au lieu du dict de Lestre, que Voz Majestez Très
+Chrestiennes, et toute la France, en puissiez recepvoir le
+contantement, qu'elle desireroit; et luy avoit parlé en une façon
+qu'elle monstroit ne vous porter moins bonne affection, que si elle
+vous estoit propre soeur germayne, et qu'elle fût vrayement fille de
+la Royne, vostre mère; et qu'il y en avoit, qui luy conseilloient de
+composer aultrement son langaige, quant il seroit en France, mais
+qu'il n'avoit garde, et qu'il vous représenteroit droictement les
+propos de sa Mestresse. Il est, à la vérité, ung bien modeste
+gentilhomme, et aussi bien intentionné que j'en cognoisse poinct en
+ceste court, il eust desiré que le terme de vostre entrée à Paris
+n'eust pas esté si court, affin d'avoir plus de loysir de se préparer;
+et luy ay donné quelque espérance qu'elle pourra estre prolongée
+jusques au VIIIe ou Xe de janvier.
+
+Je vays demain trouver la Royne, sa Mestresse, et espère, puysqu'elle
+a commancé de bien prandre mes raysons, que je la ramèneray aulx
+premiers termes de la bonne amytié, que Vostre Majesté desire
+continuer avec elle, sellon le bon argument que je luy en feray voir
+par vos lettres du XXIIe du passé; et ne larray de luy toucher des
+affères de la Royne d'Escoce, encores qu'ilz luy soyent toutjours fort
+espineux; et la remercyerai de la consolation, qu'elle luy a donnée
+par ses lettres, en ceste grande malladye où elle a esté, de laquelle
+l'on pense icy qu'elle ne soit encores bien hors de dangier; mais,
+tout présentement, ung sien serviteur, qui est son fruytier, et faict
+l'office d'apoticquaire, et qui la servyt vendredy dernier à son
+disner, m'a apporté certaines nouvelles qu'elle se trouve mieulx. La
+Royne d'Angleterre est après à l'envoyer visiter par ung gentilhomme
+des siens, et luy envoyer une bague, qu'elle a faicte fère exprès,
+pour renouveler quelques merques d'amytié entre elles; et semble qu'il
+ne tient plus qu'aulx depputez d'Escoce qu'on ne procède au traicté.
+Sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de décembre 1570.
+
+
+
+
+CLIIe DÉPESCHE
+
+--du XXIXe jour de décembre 1570.--
+
+(_Envoyée jusques à la court par le Sr de Sabran._)
+
+ Audience.--Explication sur le mauvais accueil dont s'est plaint
+ l'ambassadeur d'Angleterre.--Satisfaction de la
+ reine.--Discussion des affaires de la reine d'Écosse.--Plainte
+ d'Élisabeth au sujet des menaces faites par le roi.--_Lettre
+ secrète à la reine-mère._ Conférence du cardinal de Chatillon
+ avec l'ambassadeur; projet de mariage du duc d'Anjou avec
+ Élisabeth.--Commencement de cette négociation.--Déclaration de
+ Leicester qu'il favorisera ce projet.--Propos tenu à ce sujet
+ par l'ambassadeur à la reine d'Angleterre.--_Mémoire._
+ Proposition du comte de Sussex sur les affaires de Marie
+ Stuart.--Efforts des Anglais pour enlever à la France
+ l'alliance de l'Écosse.--Poursuites dirigées au sujet des
+ troubles du pays de Lancastre.--Affaires d'Espagne et des
+ Pays-Bas.--Confiance des Anglais dans les promesses du duc
+ d'Albe.--Négociation de sir Henri Coban en
+ Allemagne.--Mécontentement d'Élisabeth contre
+ l'Empereur.--Nouvelle d'un grand armement fait en Espagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay dict à la Royne d'Angleterre que sur la dépesche que je
+vous avois faicte par le Sr de L'Aubespine, touchant le
+malcontantement qu'elle avoit des choses, qui avoient esté faictes en
+l'endroict de son ambassadeur, Vostre Majesté ne m'avoit guières vollu
+différer sa responce, en laquelle j'avois trouvé tout ce qui s'étoit
+passé avecques luy, le jour dont il se pleignoit; dont me commandiez
+de le représanter à elle par le menu, et que, s'il luy restoit nul bon
+desir, ni aulcune bonne affection envers Vostre Majesté, et si elle ne
+vouloit condempner la franchise et sincérité, dont vous desiriez uzer
+en son endroict, vous espériez qu'elle n'interprèteroit que à bien
+tout ce qui vous estoit advenu de fère et dire, lors, à son dict
+ambassadeur: et néantmoins, parce que je vous avois mandé qu'elle
+desiroit d'en estre satisfaicte, vous n'aviez vollu différer d'en
+mettre la satisfaction dans vostre lettre, et y aviez adjouxté
+l'intention, dont vous aviez parlé, des affères de la Royne d'Escoce,
+et ce que vous en aviez encores sur le cueur; à quoy vous la supliez
+toutjour de pourvoir, et puys veniez, en vostre lettre, à d'aultres
+particullaritez, qui estoient toutes à son contantement; dont, de tant
+que vous y expliquiez si bien vostre intention, que je craignois
+d'offusquer beaucoup la clarté d'icelle, si je la rédigoys en mes
+propos, j'avois aporté le propre extraict de vostre chiffre, pour le
+luy monstrer, après toutesfoys avoir impétré d'elle qu'elle ne
+prendroit, sinon en fort bonne part, tout ce qui y estoit contenu.
+
+La dicte Dame, me remercyant de la communication que je luy vouloys
+fère de vostre dépesche, affin d'y comprendre mieulx vostre intention,
+la leust fort curieusement du commancement jusques à la fin, et
+considéra de prez toutes les particullaritez qui y estoient contenues;
+et puys me dict qu'elle vouloit bien demeurer contante et satisfaicte
+de ce qu'il vous playsoit, et prendre de bonne part les bons argumens,
+qu'elle voyoit dans vostre lettre, de vostre bonne amytié vers elle;
+mais cella luy faisoit mal que vous l'y colloquiez segonde, après la
+Royne d'Escoce, bien qu'elle méritast d'estre première, et que, si
+vous y aviez touché aulcunes honnestes et bien gracieuses
+particullaritez pour elle, vous y aviez encores plus amplement
+poursuyvy les affères de la dicte Royne d'Escoce; dont eust desiré
+que, au moins ceste foys, vous eussiez oublyé d'y mettre le mesmes
+langaige, que vous aviez escript à son dict ambassadeur, mais il y
+estoit tout semblable; et qu'elle voyoit bien que vous ne l'aviez peu
+dire, ny escripre, à luy, ny à moy, sans que vous ne l'eussiez heu
+ainsy dans le cueur; néantmoins qu'elle estimoit que vous luy
+réserviez toutjour une très bonne affection, ainsy que vous
+l'escripvez; et que, pour le regard de la Royne d'Escoce, elle avoit
+esté très desplaysante de sa malladye, et de ce qu'il sembloit qu'elle
+ne fust encores hors de dangier, néantmoins elle l'envoyeroit visiter
+par ung gentilhomme, affin de luy donner toute la consolation qu'il
+luy seroit possible; qu'elle espéroit que ses depputez seroient
+bientost icy, luy ayant néantmoins mandé d'en fère venir de plus
+capables que ceulx qui avoient esté nommez, car c'estoit derrision
+d'envoyer ceulx là; et, qu'aussitost qu'ilz seroient venuz, des deux
+partys, qu'on procèderoit au tretté, auquel, quant à ce que Vostre
+Majesté me commandoit de prendre garde qu'il n'y fût rien faict à
+vostre préjudice, qu'elle ne le prétandoit aulcunement, mais seulement
+de fère que la Royne d'Escoce ne luy nuysît poinct à elle; au regard
+de voz nopces, qu'elle avoit receu ung singulier playsir d'en entendre
+l'honnorable récit, que je luy en avois faict, et qu'elle se délectoit
+de les ouyr cellébrer et magniffier, comme les plus honnorables de
+nostre temps; (ès quelles n'avoit esté besoing de dispence, ainsy que
+aulx aultres, où sembloit qu'enfin le Pape permettroit de se mesler
+avec les propres soeurs); et qu'elle les envoyeroit honnorer et
+aprouver encores de sa part, par ung de ses barons, qui estoit son
+parant fort prochain du costé de sa mère, lequel elle avoit
+expressément choisy à cest effect pour vous contanter; et vous pryoit,
+Sire, de le vouloir bien recepvoir, et l'accepter avecques faveur; et
+vous remercyoit, au reste, de tout son cueur, de ce que, pour vous
+avoir desiré toute félicité en vostre mariage, et avoir invoqué la
+bénédiction de Dieu sur icelluy, vous luy en avez souhayté ung pour
+elle, qui fust à son contantement, chose qu'elle s'asseure que vous
+luy vouldriez procurer de bonne affection, et elle aussi y vouldroit
+suyvre très vollontiers vostre jugement, sellon qu'elle s'asseuroit
+que vous luy vouliez beaucoup de bien, si elle en venoit à cella; et
+qu'au reste elle n'avoit poinct doubte de l'establissement de la paix
+de vostre royaulme, néantmoins qu'elle estoit infinyement bien ayse de
+vous voir bien résolu de la maintenir, et que toutz vos subjectz se
+rangeassent, comme ilz faisoient, à bien exactement l'observer.
+
+Toutz lesquelz bons propos, Sire, elle a estenduz en plusieurs
+honnestes termes d'amytié et de bonne affection envers Voz Majestez
+Très Chrestiennes et au plaisir, qu'elle disoit participer avec celluy
+qu'elle jugeoit fort grand, et quasi incroyable, de la Royne, vostre
+mère, sur les prospéritez qu'elle voyoit aujourduy en ses enfans et en
+la France; ce que j'ay suyvy avec les meileures parolles, que j'ay
+estimé convenir à vostre grandeur et à l'honneur et dignité du présent
+estat de voz affères; et me suys ainsi licencié d'elle.
+
+Or, Sire, le comte de Lestre m'a faict une ouverte démonstration de
+la bonne intelligence, en quoy la dicte Dame veult demeurer avec
+Vostre Majesté, mais que voz ennemys luy objectent que ce n'est de la
+dignité de sa couronne, ny de l'honneur de son royaume, qu'elle se
+laysse aller à voz menaces sur les affères de la Royne d'Escoce, et
+qu'il me vouloit dire que la dicte Dame avoit heu mille et mille foys
+plus de respect à vous pour la Royne d'Escoce, que non pas à elle, et
+que je pouvois dire qu'en vostre nom j'avoys tiré son affère hors des
+abismes, néantmoins qu'elle en vouloit bien avoir le gré et l'honneur,
+et que tout seroit gasté, si l'on y procédoit par rigueur; dont ayant
+Vostre Majesté à procéder en cella avecques une femme, desiroit qu'il
+vous pleust luy uzer de toutes agréables parolles, et encores de
+gracieuses prières, et qu'avec ceste courtoysie le dict sieur comte
+espéroit de vaincre les adversayres de ceste cause, lesquelz il estoit
+incroyable combien ilz lui avoient donné de peyne jusques icy. Et sur
+ce, etc. Ce XXIXe jour de décembre 1570.
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre à part._)
+
+Madame, j'ay à dire à Vostre Majesté touchant le particullier de la
+petite lettre du XXIe de novembre que, quant Mr le cardinal de
+Chastillon a repassé en ceste ville, en s'en retournant d'Amptome, il
+m'est venu visiter pour satisfère, à ce qu'il dict, à son debvoir
+envers Voz Majestez, et a curieusement examiné de quelle intention
+Elles et Monseigneur estoient en l'entretennement de la paix, et si
+elles se vouloient poinct tirer hors de la subjection du Roy
+d'Espaigne et des aultres princes, qui tirannisent vostre couronne,
+et si Mon dict Seigneur estoit si avant au party de la princesse de
+Portugal qu'il ne peult entendre à celluy de la Royne d'Angleterre,
+lequel, s'il le vouloit, se pourroit meintennant conduyre, estendant
+son propos en plusieurs aultres choses, lesquelles revenoient toutes à
+ces trois poinctz.
+
+Je luy ay respondu, quant à la paix, qu'il ne doubtât que Voz Majestez
+et Monseigneur ne la rendissiez stable et de durée, jouxte l'édict,
+qui en avoit esté faict, pourveu que eulx, de leur costé,
+l'observassent; que vostre dellibération estoit de fère voz affères,
+sans dépendre de nul aultre prince, mais qu'il seroit bien dangereux,
+à la fin de ceste guerre des Protestans, d'en laysser renoveller une
+des Catholiques, veu l'intelligence que luy mesmes disoit que les
+aultres princes avoient dans le royaume; par ainsy qu'il vous failloit
+laysser bien establyr, et qu'il considérât combien il avoit esté
+besoing que Voz Majestez et Mon dict Seigneur eussiez usé d'une ferme
+et constante vertu, et d'une grande magnanimité, à fère ceste paix,
+estant assez contradicte de toutz les aultres princes catholiques;
+que, touchant la Royne d'Angleterre, elle avoit toujour monstré ne
+vouloir poinct de mary, ou de ne vouloir entendre à nul autre que à
+l'archiduc; mais si, à ceste heure que Mon dict Seigneur estoit en
+fleur d'eage, et florissant en toutes vertuz, aultant et, possible,
+plus que nul prince de la Chrestienté, elle trouvoit bon de
+l'espouser, je ne faisois doubte que luy et Voz Majestez, et toute la
+France, embrassissiez ce party avec toute affection, comme le plus
+grand et le plus honnorable de toutz les aultres, et duquel j'estimois
+qu'adviendroit plus de réconcilliation au monde, plus de paix à la
+France, et plus de terreur aulx ennemys d'icelle, que de nulle chose,
+qu'il se peult aujourduy mettre en avant.
+
+Ce qu'il monstra de recepvoir avec affection et d'en demeurer bien
+fort consollé; et s'en retourna, puys après, au logis du comte de
+Lestre, où il fut tout le soir en privée conférence avecques luy:
+puys, le matin, il me manda qu'il espéroit que noz propos produyroient
+quelque bon effect.
+
+Peu de jours après, ainsi que j'étois bien mallade, le Sr Guydo
+Cavalcanty me vint, par forme de visite, en mon lict entretenir d'ung
+grand circuyt de bonnes parolles; lesquelles il fit tumber sur Mon
+dict Seigneur, et que le mariage de l'archiduc avec la fille de
+Bavière, l'indignation, que la Royne d'Angleterre en avoit prins, et
+ce qu'elle vouloit bien monstrer qu'elle estoit pour trouver aussi bon
+party que le sien; et puys les différans des Pays Bas, ceulx de la
+Royne d'Escoce, la paix de la France, l'accommodement qui se pourroit
+fère de Callais, s'il y avoit enfans, la disposition venue de
+Monsieur, qui estoit desjà homme, celle qui commanceroit doresenavant
+de passer de la dicte Royne d'Angleterre, estoient toutes influances
+pour fère effectuer, ceste année, ung bien heureux mariage entre eulx;
+et que, si je le trouvois bon, il en mettroit quelque chose, comme de
+luy mesmes, en avant au secrétaire Cecille, avec de si bonnes
+considérations, qu'il espéroit qu'elles auroient effect, me priant de
+fère entendre ceste sienne bonne intention à Vostre Majesté.
+
+Auquel Cavalcanty, parce que je le cognoissois fort de ceste court, et
+que c'estoit luy qui avoit toutjour entretenu le party de l'archiduc,
+je respondiz que le propos me sembloit si honnorable et si
+advantaigeux pour Monseigneur, que j'avois ung grand playsir qu'il me
+l'eust miz en avant, et que je ne fauldrois d'en donner adviz à
+Vostre Majesté, ne voyant qu'il y peult avoir que tout bien d'en
+entamer telz propos, comme il les sçauroit bien penser et bien
+sagement conduyre, car je le réputois pour ung expécial serviteur de
+Vostre Majesté et bien affectionné à la France; que, pour ma part, ne
+saichant, à présent, en quelle disposition vous en pouviez estre, je
+ne luy pouvois dire sinon que, de toutz les partys, dont je vous avois
+ouy fère grand cas; mesmes pour le Roy vostre filz, vous aviez
+toutjour estimé le plus grand et le plus digne celluy de la Royne
+d'Angleterre; et que sur ung tel fondement se pourroit bien establyr
+une bonne alliance, si l'on s'y disposoit du costé de deçà.
+
+A trois jours de là, le dict Cavalcanty me revint trouver, qui me dict
+avoir desjà ouvert ce bon propos au dict secrétaire, et qu'il l'avoit
+receu avec affection, mais que, ayant esté longtemps mallade, sans
+avoir veu sa Mestresse, il ne l'avoit peu suyvre; mais il l'avoit pryé
+de l'aller trouver à Amthoncourt, aussitost qu'il y seroit, et qu'ilz
+en tretteroient plus amplement.
+
+Despuys cella, Madame, j'ay esté au dict Amthoncourt, où me trouvant à
+part avec le comte de Lestre, après d'aultres discours, je luy ay dict
+tout ouvertement qu'ung personnaige de bonne qualité, lequel
+toutesfoys je ne luy ay point nommé, m'avoit tenu le susdict propos,
+lequel j'avois receu avec honneur et respect, mais que je n'en voulois
+user sinon ainsy qu'il me conseilleroit; car je sçavois que Voz
+Majestez le réputoient comme conseiller et protecteur de tout ce que
+vous auriez à fère en ce royaulme, et que, si quelque chose debvoit
+advenir de cella, vous ne vous en vouldriez jamais adresser qu'à luy.
+Lequel me respondit qu'il y avoit plusieurs jours qu'il avoit desiré
+de conférer avecques moy de cest affère, sur ce qui en avoit esté
+desjà miz en termes par le vydame de Chartres et par d'aultres, mais,
+plus expressément que par nul, par Mr le cardinal de Chastillon, qui
+avoit parlé si haultement des grandes qualitez de Monsieur, comme le
+cognoissant bien, qu'il l'avoit faict le plus desirable prince de la
+terre; que, de sa part, il s'estoit toutjour opposé au party
+d'Austriche bien que, en aparence, utille à sa Mestresse, mais
+puysqu'elle estoit résolue de n'entendre à celluy de nul de ses
+subjectz, qu'il se vouloit sacriffier pour conduyre celluy de
+Monsieur; et qu'il y vouloit procéder en telle façon que ung esgal et
+mutuel advantaige fût gardé aulx deux, affin de ne fère naistre d'ung
+tel pourchaz d'amytié aulcune matière d'offance, comme il voyoit bien
+qu'il en restoit quelcune assés grande du propos de l'archiduc, et
+qu'on estoit pis que jamais avec le Roy d'Espaigne, nonobstant les
+bonnes lettres, que luy et le duc d'Alve avoient naguières escriptes;
+et que, en brief, il viendroit exprès à Londres pour me festoyer en sa
+mayson, et pour tretter amplement de cest affère avecques moy; duquel
+il estoit d'adviz que je touchasse cependant quelque mot à la Royne,
+sa Mestresse; et qu'il espéroit que, sur ceste occasion, se dresseroit
+ung voyage pour luy en France, puysqu'il avoit failly ceste foys d'y
+aller; et qu'il avoit ung infiny desir d'aller bayser les mains à Voz
+Majestez, comme recognoissant le Roy pour son supérieur, à cause de
+l'honneur, qu'il luy avoit faict, de son ordre.
+
+Et de ce pas il me mena en la chambre privée de sa Mestresse, où je la
+trouvay mieulx parée que de coustume, et qui monstra qu'elle
+s'attandoit bien qu'en luy parlant des nopces du Roy, je luy en
+desirerois une pour elle; à quoy elle m'achemina, par aulcuns siens
+propos, sur lesquelz enfin je luy diz qu'il me souvenoit bien de ce
+qu'elle m'avoit asseuré de n'avoir poinct faict de veu de ne se maryer
+pas, et que le plus grand regrect qu'elle eust estoit de n'avoir pensé
+de bonne heure à sa postérité, et qu'elle ne prendroit jamais party,
+qui ne fût de mayson royalle, convenable à sa qualité; sur quoy je
+serois marry qu'elle m'estimât si mal abille que je n'entendisse bien
+que cella quadroit merveilleusement bien en Monseigneur, frère du Roy,
+comme en celluy, lequel j'osois (sans passion ny flatterye) réputer le
+plus acomply prince, qui aujourduy vesquit au monde pour mériter ses
+bonnes grâces; et que je me réputerois le mieulx fortuné gentilhomme
+de la terre, si je pouvois intervenir à quelque commancement d'une si
+heureuse alliance, qui peult revenir à bon effect; car j'en
+demeurerois cellèbre à toute la postérité.
+
+La dicte Dame receust merveilleusement bien ce peu de motz, et me
+respondit que Monsieur estoit de telle estime et de si exellante
+qualité qu'il estoit digne de quelque grandeur qui fût au monde, et
+qu'elle croyoit que ses pensées estoient bien logées en plus beau lieu
+qu'en elle, qui estoit desjà vieille, et qui, sans la considération de
+la postérité, auroit honte de parler de mary, et qu'elle estoit desjà
+de celles dont on vouldroit bien espouser le royaume, mais non pas la
+royne, ainsy qu'il advenoit souvent entre les grandz, qui se maryoient
+la pluspart sans se voir; et que ceulx de la mayson de France avoient
+bien réputation d'estre bons marys, à bien fort honnorer leurs femmes,
+mais à ne guières les aymer. Et suyvyt assés longtemps ces propos avec
+toutes les plus honnestes et favorables parolles, qui se pouvoient
+respondre à ung, qui monstroit ne parler aulcunement que de luy
+mesmes, et sans aulcune charge. Dont ne fault doubter, Madame, que ce
+qui en seroit meintennant miz en avant ne fût receu d'elle, et
+embrassé de tout son royaulme, avec affection; mais je ne puys juger
+encores si elle l'acomplyroit par après, car souvent elle a promiz à
+ses Estats de se maryer, et puys elle a trouvé moyen d'en prolonger et
+interrompre les propos. Néantmoins, de tant qu'on imputera à une très
+grande faulte à la France d'avoir layssé eschapper ung si grand party,
+comme est cestuy cy, qui semble se présenter à Monseigneur, je
+desirerois que vous l'eussiez desjà disposé de le vouloir; et que, sur
+ce qui en est desjà entamé entre Mr le comte de Lestre et moy, Vostre
+Majesté me commendast de passer oultre, et me prescript la forme comme
+j'aurois à le fère: car il me semble bien que ce sera à nous (si l'on
+en vient là) de parler les premiers, mais qu'il fauldroit qu'ilz y
+respondissent si clairement que l'affère fût plus tost conclud que
+divulgué, à cause des jalouzies, traverses et inconvénians, qui y
+pourroient survenir; et puys après, l'on y pourroit bien adjouxter les
+cérémonyes et respectz qui y seroient nécessaires pour honnorer
+l'acte; surtout je prendray garde, aultant qu'il me sera possible, que
+n'y soyez trompez ny remiz à nulle longueur. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIXe jour de décembre 1570.
+
+ Encores tout présentement, je viens de recepvoir adviz, de bon
+ lieu, que le susdict propos commence de prendre icy grand
+ fondement; dont je continueray d'en escripre toutjour quelque
+ mot, à part, à Vostre Majesté; mais il n'y a rien plus requis que
+ de tenir la matière secrecte.
+
+ ADVERTYRA LE DICT DE SABRAN LEURS MAJESTEZ, oultre le contenu des
+ lettres:
+
+ Que milord de Sussex a proposé, à son arrivée, de fort mauvais
+ conseilz contre les affères de la Royne d'Escoce, remonstrant
+ qu'avec quatre centz mil escuz, qui ont esté employez ceste
+ année, par ses mains, contre les Escouçoys, il a bien chastié
+ ceulx d'entre eulx, qui avoient osé offancer la Royne, sa
+ Mestresse, en retirant et supportant ses rebelles; et qu'il avoit
+ estably aulx aultres un régent à sa dévotion; et relevé si bien
+ la part du jeune Roy, que ceulx de l'aultre party ne faisoient
+ plus que ce qu'il leur ordonnoit, et les avoit presque rengez à
+ se soubsmettre à luy; et que, pendant que le Roy Très Chrestien
+ estoit encores bien laz des guerres civiles de son royaulme, et
+ les aultres princes de dellà la mer assés empeschez, chacun en
+ son estat, il s'esbahyssoit comme la Royne, sa Mestresse, se
+ retranchoit ainsy court à elle mesmes son entreprinse, de ne se
+ saysir de l'Escoce, comme il luy avoit facillité la voye de ce
+ fère, et de pouvoir establyr par là ung repos en ceste isle;
+ lequel aultrement il n'espéroit l'y veoir jamais bien asseuré,
+ mesmement si la Royne d'Escoce estoit restituée; et qu'on ne
+ pouvoit donner ung plus loyal conseil à la Royne, sa Mestresse,
+ que d'interrompre ce propos encommancé, et de luy fère poursuyvre
+ chauldement, à ce prochain printemptz, son entreprinse de
+ renvoyer l'armée en Escoce; car s'asseuroit dans peu de jours, la
+ randre maistresse de Lislebourg, Esterlin et Dombertrand, et de
+ forclorre aulx Françoys leur descente et retrette au dict pays;
+ lesquelz aussi, sellon son opinion, n'avoient, à présent, guières
+ à cueur les choses de deçà la mer, se trouvant seigneurs de
+ Callais.
+
+ Auquel conseil s'estantz joinctz ceulx, qui avoient toutjours heu
+ le mesmes adviz, ilz ont euydé traverser grandement toutz noz
+ affères; mais la Royne mesmes n'a monstré qu'elle y inclinast; et
+ aulcuns seigneurs plus modérez ont remonstré au dict de Sussex
+ qu'il y avoit plus de dangier et d'inconvéniant, en ceste
+ entreprinse qu'il n'y en voyoit, de sorte qu'il n'est demeuré
+ bien ferme en son opinion. Il est vray que l'abbé de Domfermelin
+ est fort ordinaire en sa compaignye, ce qui le nous rend toutjour
+ assés suspect, mais l'évesque de Roz, avant partyr, luy est allé
+ remonstrer plusieurs choses, par lesquelles il l'a ramené à ceste
+ rayson que, s'il se pouvoit establyr quelque bonne seureté entre
+ les deux Roynes, il confessoit, veu la proximité d'elles, et le
+ droict de la future succession à celle d'Escoce, que le plus
+ expédiant seroit de la restituer; mais n'a parlé que
+ condicionnellement, et par difficultez, avec un désir très
+ ambitieux de demeurer en charge; et qu'en tout événement, il
+ failloit que la dicte Dame quictast l'alliance de France pour en
+ fère une nouvelle et perpétuelle avec la Royne d'Angleterre.
+
+ A quoy le dict évesque luy a remonstré qu'il estoit impossible de
+ ce fère, et qu'il ne seroit honneste ny proffittable à la Royne
+ d'Angleterre de le requérir, joinct que, si elle pressoit de
+ cella sa Mestresse, elle la presseroit à elle de renoncer à
+ l'alliance de Bourgoigne. A quoy il a soubdain respondu que Dieu
+ vollust garder sa Mestresse d'un si dangereux conseil, comme de
+ quicter les anciennes alliances de sa couronne, mais qu'il
+ n'estoit de mesmes à ceste heure, en l'endroict de la Royne
+ d'Escoce, parce qu'il falloit qu'elle print la loy de la Royne
+ d'Angleterre. Tant y a que, despuys, il semble que, à cause du
+ duc de Norfolc, le dict de Sussex se soit ung peu modéré; et
+ toutjour le comte de Lestre et le secrétaire monstrent persévérer
+ droictement à vouloir que l'accord succède par le traicté; dont
+ nous vivons en meilleure espérance.
+
+ Et ceste honnorable ambassade, que la Royne d'Angleterre envoye
+ meintennant en France, monstre qu'elle n'a le cueur esloigné de
+ cella; mesmes Mr le cardinal de Chastillon m'a asseuré, ceste
+ dernière foys qu'il m'est venu visiter, qu'il sçavoit
+ certainement que la résolution estoit prinse, entre la dicte Dame
+ et ceulx de son conseil, de restituer la Royne d'Escoce, mais que
+ je ne m'esbahysse de la longueur; car elle estoit naturelle à
+ ceulx cy, sellon que luy mesmes l'avoit esprouvé; et que, despuys
+ l'aultre foys qu'il avoit esté avecques moy, ayant considéré, par
+ les choses que Mr de Roz et moy luy avions desduictes, que le Roy
+ avoit grand intérest à la restitution de la dicte Royne d'Escoce,
+ il en avoit parlé si à propos à la Royne d'Angleterre qu'il
+ l'avoit fort disposée d'y prendre quelque bon expédiant. Ceulx
+ aussi, à qui cest affère est aultant à cueur en ceste court comme
+ leur propre vie, m'asseurent qu'il ne tient plus qu'à la venue
+ des depputez d'Escoce qu'on ne passe oultre à conclurre le
+ traicté, et m'ont faict advertyr de suplier Leurs Majestez Très
+ Chrestiennes de fère, en cest endroict, l'office que j'ay donné
+ charge au Sr de Sabran de leur dire.
+
+ Le sire Thomas Stanlay a esté ouy et examiné eu ce conseil sur
+ les mouvemens de Lenclastre; et puys son frère Édouart après luy,
+ et le sir Thomas Gérard, après, en présence de toutz deux, leur
+ estant remonstré qu'ilz proposoient ung très mauvais exemple
+ d'eulx au dict pays de ne se ranger à la forme de religion, qui
+ estoit ordonnée, sellon les parlemens, à la tranquillité publique
+ du royaulme; et que, s'ilz ne s'y déportoient plus sagement, la
+ Royne, leur Mestresse, ne pourroit de moins que procéder contre
+ eulx par la voye de justice; et, pour ceste foys, ne leur ont
+ touché que ce point de la religion. A quoy ils ont respondu
+ qu'ilz estoient personnaiges qualiffiez, et bien cautionnez en ce
+ royaulme, et que, s'ilz se fussent sentys coulpables d'aulcune
+ chose envers la Royne et son estat, qu'ilz ne fussent point
+ venuz, et qu'ilz avoient, en toutz leurs actes, toutjours procédé
+ en fort gens de bien, dont les requéroient qu'ilz ne vollussent
+ prendre aulcune mauvaise opinion d'eulx, ny rien ordonner à leur
+ préjudice, que leurs accusateurs ne fussent présens, car ils
+ s'asseuroient de leur bien respondre, et de se bien justiffier
+ devant eulx. Ilz sont encores à la suyte de la court, et
+ cependant est venu nouvelles que celluy, qui les avoit defférèz,
+ est mort de quelque accidant fort soubdain et fort estrange.
+
+ J'ay faict dire, de loing, à aulcuns, qui ont parfaicte
+ cognoissance des choses de ce royaulme, que j'avois entendu que
+ la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil avoient toutjours
+ heu pour suspect le retour de l'armée d'Espaigne, et qu'il
+ sembloit qu'à ceste heure ilz en fussent en plus grand doubte que
+ jamais; dont je les pryois de me mander en quoy ilz estimoient
+ que les choses en fussent. Lesquelz m'ont respondu quasi
+ conformément, de plusieurs endroictz, qu'à la vérité l'on estoit
+ en assés de deffiance du costé d'Espaigne et de Portugal, tant à
+ cause des prinses de l'an 1569, que de ce que les fuytifz de ce
+ royaulme s'étoient retirez vers le duc d'Alve; et que Estuqueley
+ estoit passé devers le Roy Catholique pour l'inviter à quelque
+ entreprinse en l'Yrlande, ainsy qu'il estoit homme pour le luy
+ sçavoir imprimer et pour se offrir à la conduyre; et que ung
+ itallien, nommé Lotini, lequel ceste Royne entretennoit en
+ Yrlande, avoit esté naguières chassé pour souspeçon, qu'on avoit
+ heu, qu'il s'entendit avec le dict Estuqueley; néantmoins que la
+ dicte Dame et toutz ceulx de son conseil demeuroient fermement
+ persuadez que le Roy d'Espaigne ne romproit jamais avec eulx,
+ tant qu'ilz seroient saysys des merchandises et deniers qu'ilz
+ ont prins sur luy, car il auroit aultant perdu; joinct qu'ilz
+ estoient si avant en traicté avec le duc d'Alve, qu'ilz
+ attendoient plustost accord que guerre de son costé; et que l'on
+ estoit après à y regarder de si près, qu'on estimoit bien qu'il
+ ne seroit rien layssé en différand, d'où l'on en peult venir cy
+ après aulx armes. Par lesquelles responces se peult assés
+ cognoistre que ceulx cy ne sont bien aperceuz des appareilz
+ d'Espaigne ni de Portugal; ce qu'ilz monstrent encores mieulx par
+ le peu de prévoyance qu'ilz donnent aulx choses de la guerre; car
+ je n'ay entendu qu'ilz ayent, pour encores, ordonné aultre chose
+ que aulx pourvoyeurs de la marine de sçavoir où prendre
+ l'avitaillement pour vingt cinq navyres, dans quinze jours, quant
+ il leur sera commandé.
+
+ Tant y a que le duc d'Alve, par les difficultez qu'il faict
+ naistre, l'une après l'aultre, en ces différans des prinses, et
+ qu'il ne se haste de parler guières expressément de l'accord du
+ commerce, et de l'entrecours, monstre qu'il vouldroit, en quelque
+ façon, s'asseurer des dictes prinses, lesquelles montent à grand
+ somme; et puys essayer de se revencher; dont il va temporisant et
+ entretennant ceulx cy de parolles et de bonnes espérances, affin
+ qu'ilz n'y preignent garde. Et je sçay, à la vérité, qu'il a
+ naguières envoyé, par le jeune Coban, une lettre du Roy, son
+ Maistre, à la Royne d'Angleterre, en laquelle son dict Maistre
+ rend seulement ung fort grand et fort exprès grand mercys à la
+ dicte Dame pour l'honnorable convoy qu'elle a faict fère par ses
+ grandz navyres à la Royne, sa femme, passant en ceste mer; et ne
+ touche nul aultre poinct, ni mesmes luy faict aulcune mencion des
+ trois lettres, que la dicte Dame luy a escriptes, despuys les
+ dictes prinses; et, par mesme moyen, le duc d'Alve luy en a
+ escript une, de sa part, pour accompaigner celle de son Maistre,
+ et pour prendre congé d'elle, et l'exorter à l'entretennement de
+ la paix et de l'alliance avec son dict Maistre, avecques grandz
+ offres de s'employer droictement à le randre de mesmes bien
+ disposé envers elle.
+
+ Quant au voyage du dict jeune Coban à Espire, l'on m'advertyt,
+ avant son partement, qu'il y alloit pour renouveller le propos de
+ l'archiduc Charles, mais ce n'estoit que une démonstration, que
+ la Royne d'Angleterre vouloit faire pour s'en prévaloir en ses
+ présens affères de dehors et de dedans son royaulme, et qu'en
+ effect l'envye ne luy estoit crue de se maryer; mesmes que n'y
+ ayant le comte de Sussex rien advancé, quant il y alla, encores
+ estoit il à croyre que ung jeune gentilhomme de nulle authorité,
+ qui à peyne avoit poil en barbe, y feroit à ceste heure encores
+ moins.
+
+ Tant y a qu'avec plusieurs aultres propos d'amytié le dict Coban
+ a proposé à l'Empereur que sa Mestresse l'avoit envoyé vers luy
+ pour continuer la mesmes négociation, que, trois ans a, le comte
+ de Sussex luy avoit commancé; à laquelle elle n'avoit, plus tost
+ qu'à ceste heure, peu randre responce, pour avoir esté souvent
+ despuys assés mallade, et pour les guerres de France, Flandres et
+ aultres empeschemens, qui estoient jusques en son propre pays
+ survenuz; mais qu'elle n'avoit toutesfoys, en différant la
+ responce, pensé de rien interrompre au propos de l'archiduc son
+ frère, et que, s'il luy playsoit de passer meintennant en
+ Angleterre, il y seroit le très bien venu, et qu'estant resté
+ tout le différant sur sa religion, elle espéroit que ses subjectz
+ y consentyroient qu'il eust, pour luy et les siens, si ample
+ exercice d'icelle qu'il en demeureroit contant.
+
+ Lequel propos le dict Empereur monstra recepvoir de bonne part,
+ et print temps de luy respondre, affin d'advertyr l'archiduc son
+ frère; et enfin la responce a esté que luy et son dict frère
+ estoient bien marrys que la bonne intention de la dicte Dame leur
+ eust esté si tard notiffiée; de laquelle ilz luy demeureroient
+ néantmoins bien fort obligez; et que son dict frère n'avoit peu
+ penser de moins, luy différant, elle, trois ans sa responce,
+ sinon qu'il n'estoit accepté; dont il avoit regardé à ung aultre
+ party, et desjà s'y estoit obligé avec une princesse, sa parente,
+ catholique, avec laquelle il n'auroit point de différent pour sa
+ religion; qu'il luy vouloit dire, encores une aultre foys, qu'il
+ avoit grand regrect que l'ocasion n'eust esté acceptée de toutz
+ deux, quant elle s'estoit présentée, et qu'il ne lairroit
+ pourtant de demeurer très bon amy et comme frère à la dicte Dame;
+ laquelle il vouloit au reste exorter, pour son bien, de vivre en
+ bonne paix avec les princes, ses voysins; dont estant meintennant
+ les deux plus grandz ses gendres, il auroit grand playsir qu'elle
+ se déportât comme bonne soeur avec eulx, et qu'il la vouloit
+ advertyr que de là dépendoit sa seureté et celle de son estat. Et
+ avec ces honnestes parolles, et quelque présent de vaysselle
+ d'argent, il a licencié le dict Coban.
+
+ Laquelle responce n'a peu, en façon du monde, estre bien goustée
+ ny bien prinse de la dicte Dame, laquelle en demeure offancée
+ jusques au cueur; et ne s'est peu tenir de dire que l'Empereur
+ luy faisoit injure, et que, si elle estoit aussi bien homme comme
+ elle est femme, qu'elle le luy redemanderoit par les armes. Sur
+ quoy il m'est tombé entre mains une lettre d'ung seigneur de
+ ceste court qui mande aussi à ung aultre:--«La cause du dueil et
+ fâcherie de nostre Royne est asseuréement le mariage de
+ l'archiduc Charles avec la fille de sa soeur, la duchesse de
+ Bavière, soit ou que véritablement elle eust assis son amour et
+ fantasie en luy; ou bien qu'elle est marrye que sa beaulté et sa
+ grandeur n'ayent esté plus instantment requises de luy; ou bien
+ qu'elle a perdu, à ceste heure, l'entretien qu'elle donnoit par
+ là à son peuple, craignant qu'elle soit pressée par ses Estatz et
+ par son parlement de ne différer plus à prendre party, qui est le
+ principal poinct que tout son royaulme luy requiert.»
+
+ Despuys ce que dessus escript, j'ay esté adverty qu'il vient
+ d'arriver ung navyre de Cadix, qui porte des lettres du IIe de ce
+ mois, par lesquelles l'on mande le grand aprest de guerre, qui se
+ faict en Espaigne; et que aulcuns l'interprètent estre contre le
+ Turc; aultres disent que c'est pour parachever la guerre des
+ Mores, qui encores se renouvelle; et aultres que c'est pour
+ descendre en Yrlande. Je prendray garde comme ceulx cy le
+ prendront et comme ilz y pourvoyrront.
+
+
+
+
+CLIIIe DÉPESCHE
+
+--du VIe jour de janvier 1571.--
+
+ Nouvelles d'Espagne.--Pompe déployée pour le mariage du
+ roi.--Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire[22]
+
+...............................................................
+Il se continue icy que le duc d'Alve partira en mars pour s'en
+retourner en Espaigne, et qu'il prendra le chemyn d'Itallye, où il
+layssera quelques compaignies italliennes, qui l'accompaigneront
+jusques là; lesquelles pourront servyr à la guerre contre le Turcq, au
+commancement du printemps; et que le duc de Medina Coeli s'embarquera,
+à ce prochain febvrier, pour passer en Flandres, et qu'il admènera les
+deux filz aysnez de l'Empereur; ne se faisant icy aulcune
+démonstration qu'on se doubte de luy, ny de l'armée de mer, qui le
+vient conduyre, parce que plusieurs vaysseaux de la dicte armée ont
+passé, et qu'il est desjà arrivé en Flandres plus de deux centz voyles
+d'Andelouzie ou de Portugal; qui faict encore discourir à aulcuns que
+le dict duc et iceulx petitz princes pourront s'acheminer par la
+France, puysqu'ilz ont layssé venir tant de vaysseaulx par deçà.
+
+ [22] Le premier feuillet du registre, qui contient les dépêches
+ de l'année 1571, se trouvant déchiré, le commencement de cette
+ lettre manque: c'est au reste la seule lacune que présente le
+ manuscrit.
+
+L'on a heu en admiration en ceste court l'ordre, l'apareil, les riches
+habitz, les présens et la despance, dont a esté usé aulx nopces de
+Vostre Majesté, ainsy soubdain après la guerre passée, et de ce qui se
+prépare encores pour une entrée à Paris; qui leur faict bien juger que
+la grandeur de vostre estat a ung bien solide fondement, et que si
+Vostre Majesté joue ung peu son jeu couvert, et commance de s'aquiter
+et de fère les affères, il n'est pas à croyre combien il demeurera
+d'impression au monde des grandes forces et oppulance de vostre
+royaulme, et de la merveilleuse ressource qui est en icelluy. Sur ce,
+etc.
+
+ Ce VIe jour de janvier 1571.
+
+ L'on me vient d'advertyr qu'au soir arrivèrent deux nouvelles en
+ ceste court: que ceulx de la nouvelle religion des Pays Bas ont
+ surprins un chasteau près de Groninguem, où le duc d'Alve y a
+ envoyé huict centz Espaignolz pour le reprendre; et que, en
+ Irlande, sont descenduz quelques soldats françoys, en moindre
+ nombre de deux centz, appellez par les saulvaiges du pays, et que
+ desjà le comte d'Ormont s'est esforcé de les combattre; mais ilz
+ se sont faictz lascher. Si ainsy est, cella troublera assés les
+ affaires de ce royaume.
+
+
+
+
+CLIVe DÉPESCHE
+
+--du XIIIe jour de janvier 1571.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du Sr Acerbo._)
+
+ Affaires d'Écosse.--État de la négociation de lord Seyton en
+ Flandre.--Nouvelles d'Espagne et d'Allemagne.--Projet de
+ Walsingham de traiter avec les protestans d'Allemagne.--Bruit
+ répandu en Angleterre que les armes ne tarderont pas à être
+ reprises en France.--_Lettre secrète à la reine-mère_ sur la
+ proposition du mariage du duc d'Anjou.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, bien peu d'heures après que je vous ay heu faict ma dépesche du
+VIe du présent, mon secrétaire est arrivé avec celle de Vostre Majesté
+du XXVIe du passé, en laquelle j'ay trouvé deux de voz lettres;
+desquelles l'une répond fort bien aux particullaritez que je vous
+avois auparavant mandées, et l'aultre est pour la faire voir à la
+Royne d'Angleterre, qui en recepvra une très acomplye satisfaction,
+laquelle luy sera davantaige confirmée par les bons propos et
+démonstrations, pleynes de faveur, qu'avez usé à son ambassadeur. De
+quoy je mettray peyne, Sire, d'en faire icy le proffict de vostre
+service, et n'obmettray de toucher à la dicte Dame les principaulx
+poinctz de vos dictes lettres; et ceulx mesmement qui concernent
+l'honneur et grandeur de Vostre Majesté, dont, de ce qu'elle m'y aura
+respondu je ne fauldray de le vous mander par mes premières; vous
+voulant au reste bien dire, Sire, touchant la mainlevée qu'avez donnée
+aux merchans escossoys, qu'encor que la Royne d'Escosse se soit tenue
+ung peu opiniastre à ne vouloir que cella se fît, si, étions après, Mr
+de Roz et moy, à luy en oster l'opinion, parce que le comte de Lenoz
+acrochoit le tretté à ce seul poinct, disant qu'il ne passeroit jamais
+oultre sans que les merchans jouyssent de l'abstinence d'hostillité,
+aussi bien que les aultres subjectz, et qu'elle leur estoit viollée
+quand on leur faisoit saysir leurs biens et navyres. Les députez de la
+dicte Dame commencent [d'arriver] aujourduy, et nous avons nouvelles
+que ceulx [de l'autre parti sont] desjà en chemin; par ainsy, j'espère
+que bientost [il sera procédé] au dict tretté, sellon que j'ay aussi
+entendu que la Royne d'Angleterre [a] ordonné six depputez pour y
+vaquer de sa part, assavoir [lord Quiper] garde des sceaulx, le
+marquis de Norampthon, le comte de Lestre, le comte de Sussex, le
+secrétaire Cecille, et le sixiesme reste à nommer, qu'on pense sera
+maistre Mildmay.
+
+Cependant est advenu à Lislebourg qu'ayans deux soldatz du chateau
+esté saysiz par l'autorité du comte de Lenoz, ainsy qu'ilz s'en
+retournoient du Petit Lict, et menez ez prisons de la ville, le
+capitaine Granges, qui en a esté offancé, a, le soir mesmes, sur le
+tard, faict lascher toute l'artillerie du chasteau par dessus la
+ville; et, à l'instant mesmes, a faict sortir cinquante soldatz qui
+sont allez forcer les dictes prysons, et ont ramené leurs compagnons
+avec eulx. De quoy le dict de Lenoz se plaint grandement, comme d'une
+infraction d'abstinence d'armes, mais non sans avoir tant de peur
+qu'il a cuydé habandonner Lislebourg pour se retirer à Esterling.
+
+J'estime, Sire, que le Sr de Sethon est maintenant devers Vostre
+Majesté, ayant prins congé du duc d'Alve dez le XVIIIe du passé, après
+avoir obtenu de luy les dix mil escuz, que je vous ay ci devant mandé;
+desquelz j'entendz qu'il a envoyé les sept mil en Escosse, par le
+frère du secrétaire Ledingthon, qui est party, le mesme jour, pour
+s'aller embarquer à Fleysinghes; il en a miz deux mil en Envers pour
+faire tenir à sa Mestresse, et mil pour luy; et semble qu'il n'a esté
+respondu sur ce qu'il demandoit, de faire serrer le trafic aux
+Escouçoys en Flandres, parce que l'ordre n'en étoit encores arrivé
+d'Espaigne. Je croy, Sire, qu'il sera bon de luy temporiser aussi,
+avec bonnes parolles, la responce des propositions qu'il fera à Vostre
+Majesté, attandant ce qu'il succédera de ce traicté, et attandant
+aussi que je vous aye mandé deux particullaritez fort considérables
+qui se presentent maintenant en cest affaire. J'ay adviz que le duc
+d'Alve est fort marry de ce qu'on vous a rapporté qu'il avoit envoyé
+deux gentishommes en Escosse, et néantmoins l'on m'a asseuré qu'il y
+en a encores despuys renvoyé ung troisiesme, mais j'eusse bien desiré
+que dom Francès d'Allava n'eust pas sceu que je vous en eusse adverty.
+
+Le voyage que les gallaires ont faict, l'esté passé, en Levant, a
+sonné fort mal icy pour la réputation du Roy d'Espaigne, mais son
+ambassadeur s'esforce de luy donner beaucoup de raysons et de
+couleurs, qui seroient longues à mettre en ceste lettre, dont je les
+réserve à une aultre foys; tant y a qu'elles tendent toutes à rejetter
+les faultes sur la malle pourvoyance et peu de conduicte des Véniciens
+au faict de la guerre, ainsy que eulx mesmes, à ce qu'il dict,
+l'advouhent meintenant; et sur ce qu'on s'estoit esbahy que la ligue
+tardoit tant à se résouldre, il asseure qu'elle se conclurra bientost
+sellon les propres chappitres, que le Roy, son Maistre, a desiré y
+estre apposez; et publie encores la généralle victoire des Mores[23]
+et plusieurs aultres prospéritez de son Maistre.
+
+ [23] Cette victoire se rapporte aux divers avantages remportés à
+ cette époque, qui amenèrent la réduction de tous les Mores. Voyez
+ _note_ p. 183.
+
+Au reste, Sire, il s'entend, par lettres freschement venues d'Espire,
+que la diette s'en alloit finyr, et que le jour estoit desjà indict,
+auquel l'on la conclurroit, qui seroit sans que l'Empereur y eust
+faict passer en décrect guières des choses qu'il y avoit proposées;
+desquelles encor les déterminations ne seroient divulguées jusques à
+ce qu'il arriveroit en Prague, qu'on les auroit cependant réduictes
+par ordre et faictes imprimer; et que la liberté du duc Jehan
+Guilhaume de Saxe[24], encor qu'elle fût très agréable aux princes
+d'Allemaigne, elle monstroit néantmoins d'avoir quelque chose de
+suspect contre le duc Auguste; et par ce, Sire, que je vous en ay
+desjà mandé quelles responces le jeune Coban avoit rapportées du dict
+Empereur, je ne vous en toucheray icy rien davantaige; seulement vous
+diray que, suyvant la négociation, qu'il avoit commancée par dellà
+avec aulcuns princes protestans, le Sr de Vualsingan a esté dépesché,
+de quelques jours plus tost, pour rencontrer encores en France leurs
+ambassadeurs, avec lesquelz ne faut doubter qu'il ne traicte, s'il
+peult, avec affection et véhémence les choses qui concernent sa
+religion, car il est des plus passionnez; dont sera bon, Sire, de le
+faire ung peu observer: et a l'on aussi hasté davantaige son partement
+parce que le frère du comte de Sussex, qui est ung des fugitifz du
+North, s'estant retiré à Mr Norrys, pour retourner par son moyen à
+l'obéyssance et grâce de sa Mestresse, et ne l'ayant le dict Sr Norrys
+vollu ouyr, sans l'exprès congé d'elle, le dict de Vualsingan a heu
+commandement de l'accepter, et luy offrir sa rémission, et mesmes de
+l'employer, s'il est possible, à regaigner le comte de Vuesmerlan et
+les aultres, qui sont dellà la mer: ce qui sera bon, Sire, de trouver
+moyen d'empescher pour quelque temps, attandant que les affaires
+d'Escosse soyent accommodez.
+
+ [24] Il s'agit ici de Jean-Frédéric II, mis au ban de l'empire
+ pour avoir donné retraite à Guillaume de Grumbach et à ses
+ complices, meurtriers de l'évêque de Wurzbourg. Le duc Auguste,
+ chargé de l'exécution du décret, l'avait assiégé et pris par
+ famine, le 13 avril 1567. On négociait alors sa liberté, mais
+ elle ne lui fut pas rendue: il est mort en prison, à Neustad, le
+ 9 mai 1595, après vingt-huit ans de captivité. Le duc
+ Jean-Guillaume, son frère, loin de partager sa disgrâce, avait,
+ au contraire, été appelé à profiter de la confiscation de tous
+ ses biens.
+
+Et pour la fin, il y a ici ung advis, venu de Gennes, comme par
+lettres de Thurin, du IIIIe du passé, l'on mande que les armes se vont
+reprandre pour deux occasions: l'une, parce que la Royne de Navarre
+use en Béarn d'une extrême rigueur contre les Catholiques; et
+l'aultre, par la difficulté que Mr de Savoye faict à la comtesse
+d'Autremont de luy randre quelques chasteaulx; et qu'encor que Vostre
+Majesté ne puisse mais de l'une ni de l'aultre, que le feu néantmoins
+s'en ralumera plus fort que jamais en vostre royaulme. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour de janvier 1571.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre à part._)
+
+Madame, je puys asseurer Vostre Majesté que le faict de la petite
+lettre commance d'aller bien chauldement en ceste court, duquel ayantz
+les dames de la privée chambre heu quelque sentyment, elles l'ont
+desjà descouvert à quelques seigneurs de ce royaulme, qui y font
+diverses interprétations; et aulcuns d'eulx m'ont mandé que, de tant
+qu'il semble que le cardinal de Chastillon le conduict sans moy, qu'on
+n'y cerchoit guières de faire le proffict du Roy ni de son royaume.
+J'ai monstré que le propos m'estoit nouveau, et que je ne pensois
+qu'il y en eust rien en termes auprès de Voz Majestez; et de faict,
+Madame, je travailleray, aultant qu'il me sera possible, qu'il soit
+mené par le plus secret et destorné cheming que faire se pourra; car
+je sentz qu'il en est besoing. Je suys adverty que celluy qui va en
+France aura charge de suyvre bien curieusement ce qui luy en sera
+touché, et que mesmes quelcun neutre sera possible pryé de passer en
+mesme temps affin d'en entamer le propos. Je croy que Mr le comte de
+Lestre m'a envoyé prier de disner demain avecques luy pour m'en
+parler, et que Mr le cardinal de Chastillon revient expressément en
+court pour ce faict, et que mesmes il y est, à ceste occasion, bien
+desiré, possible qu'il se plaindra, par mesmes moyen, de la détention
+de ses biens en France; dont de tout ce qui succèdera, et que j'en
+pourray entendre, je ne fauldray d'en advertyr incontinent Vostre
+Majesté. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour de janvier 1571.
+
+
+
+
+CLVe DÉPESCHE
+
+--du XVIIIe jour de janvier 1571.--
+
+(_Envoyée jusques à Calais par homme exprès._)
+
+ Audience.--Vives démonstrations d'amitié de la part d'Élisabeth
+ au sujet du mariage du roi.--Son intention de procéder au
+ traité avec la reine d'Écosse.--Nouvelle que les Gueux ont
+ repris les armes en Flandre.--_Lettre secrète à la reine-mère_
+ sur l'état de la négociation relative au mariage du duc
+ d'Anjou.--Confidence de Leicester à l'ambassadeur.--Proposition
+ faite au nom du roi par le cardinal de Chatillon à la reine
+ d'Angleterre.--Discussion dans le conseil.--Divisions causées
+ en Angleterre par ce projet.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay esté trouver la Royne d'Angleterre à Hamptoncourt le
+XIIIIe de ce mois, laquelle n'a failly de me demander incontinent
+quelles nouvelles j'avois de Vostre Majesté, et comme vous vous
+trouviez en mariage. A quoy je luy ay respondu que vous me commandiez
+de luy continuer encores le mesmes propos, que je luy avois desjà
+commancé, de vostre conjoyssance touchant la Royne; et que, si vous
+aviez receu ung singulier playsir de sa venue, il s'estoit despuys
+redoublé et devenu si grand, par les vertueuses et excellentes
+qualitez qui se trouvoient en elle, que vous en demeuriez le plus
+content prince de la terre; mesmes qu'elle se faisoit merveilleusement
+aymer et bien vouloir de la Royne, vostre mère, de Messieurs voz
+frères, de Mesdames voz soeurs, de Monsieur de Lorrayne et de toutz
+les princes et seigneurs de vostre court, et générallement de toute la
+France; ce que vous mettiez en compte d'une grand félicité; oultre
+que, à l'ocasion d'elle, les princes d'Allemaigne, (lesquelz je lui ay
+nommez, sellon le contenu de vostre lettre), s'estoient despuys, par
+leurs ambassadeurs, conjouys avec Vostre Majesté de ce que Dieu avoit
+en ce temps réuny et renouvellé le sang de l'ancienne alliance de la
+Germanye avec la France; et que, pour ceste occasion, ilz vous avoient
+envoyé offrir, et à Messeigneurs voz frères, toutz leurs moyens et
+forces pour vous en servyr, ainsy qu'il vous plairoit les employer, et
+que leurs dicts ambassadeurs n'avoient obmiz de se conjouyr
+pareillement de la paix de vostre royaulme, et de ce qu'ilz l'y
+avoient trouvée très bien establye, et vous avoient suplyé de l'y
+vouloir entretenir. Qui estoient choses qui vous avoient apporté
+beaucoup de satisfaction; desquelles vous vouliez bien faire part à la
+dicte Dame, pour le playsir que vous estimiez qu'elle en recepvroit.
+
+A quoy, par parolles fort expresses, elle m'a respondu qu'elle se
+sentoit grandement obligée à Vostre Majesté de la communication qu'il
+vous playsoit luy faire de ce propos, lequel elle réputoit très
+honnorable et vrayement digne d'estre tenu entre princes, qui avoient
+bonne et vraye amytié ensemble, comme elle vous suplyoit de croyre
+que, de son costé, elle la vous portoit entière et parfaicte, et de
+bien bonne soeur; et qu'à ceste occasion elle se resjouyssoit, non
+guières moins, du beau serain que Dieu monstroit meintennant en voz
+affères, après tant de divers orages que vous y aviez souffertz, que
+si c'estoit pour elles mesmes, car aussi pensoit elle y participer. Et
+a suyvy à parler de ceste ambassade d'Allemaigne comme d'une chose
+qu'elle réputoit authoriser bien fort vostre grandeur: et puys est
+retournée à ce qu'elle avoit entendu de la louable et vrayment royalle
+norriture de la Royne; chose que je luy ay asseurée qui demeuroit très
+confirmée par les exemples qu'elle en monstroit, et que, non moins par
+effect que en tiltre, elle estoit Royne Très Chrestienne et Très
+Dévotte, et au reste tant de bonne grâce, doubce et débonnaire, et
+sans cérémonye, que Vostre Majesté n'avoit nul plus grand playsir que
+d'estre, jour et nuict, en sa compaignye.
+
+A quoy elle m'a respondu que la recordation des amours du père et
+grand père luy faisoient ung peu craindre que vous les vouldriez
+imiter, et m'a révellé ung secrect de Vostre Majesté, lequel je
+confesse, Sire, que je n'avois pas sceu; et que néantmoins si vous
+continuez de rendre ainsi vostre parolle certayne et véritable, et
+estre bon mary, comme vous en avez desjà la réputation, qu'elle ne
+faict doubte que vostre règne n'en soit très heureux et éloigné de
+ces inconvénians et disgrâces, qui ont accoutumé de venir aux princes
+qui ne tiennent leur parolle, et à ceulx qui ne gardent leur loyaulté.
+Et a continué ce propos et plusieurs aultres, en termes bien fort
+honnorables de Voz trois Majestez très Chrestiennes et de Monseigneur
+vostre frère; lesquelz j'ay suyviz sans rien obmettre de ce que j'ay
+estimé convenir à vostre honneur et grandeur.
+
+Et pour la fin, je luy ay faict voir vostre lettre, qui portoit sa
+satisfaction, laquelle elle a entièrement leue, et n'y a heu nulle
+partie qu'elle n'ayt bien considéré, et où elle ne se soit arrestée
+pour m'y faire de fort bonnes responces; lesquelles, en somme, sont:
+qu'elle remercye Dieu que Vostre Majesté commance de cognoistre son
+intention, laquelle elle peult jurer n'avoir jamais esté de vous
+vouloir offancer ny nuyre; ains d'avoir toutjours désiré la
+conservation de vostre authorité et l'establyssement de vostre
+grandeur comme d'elle mesmes; et que son malcontantement est seulement
+procédé de ce qu'elle ne s'est trouvée si aymée et bien vollue de
+Vostre Majesté comme elle pensoit le mériter, et qu'elle n'advouera
+jamais, quant bien on la mettroit sur la roue, qu'elle n'ayt heu
+occasoin de se douloir; mais la satisfaction en est meintenant si
+ample qu'elle vous en doibt de retour beaucoup de grandz mercys, et ne
+vouldroit n'avoir esté offancée; qu'elle vous remercye bien grandement
+du compte que vous voulez tenir de son parant, lequel elle a desjà
+dépesché pour se trouver à vostre entrée; (et le comte de Lecestre
+aussi a faict harnacher les haquenées, qui s'aschemineront devant;) et
+que ce luy est ung singulier playsir, que vous veuillez bien recepvoir
+son nouveau ambassadeur; que quant à celluy qui s'en retourne elle
+vous prie de croyre qu'il a faict toutjours toutz les meilleurs
+offices, pour l'entretennement de l'amytié, qu'il est possible, et
+qu'il en sera pour ceste occasion mieulx receu d'elle à son retour;
+qu'au surplus elle vous veult asseurer de la convalescence et bonne
+santé de la Royne d'Escosse, et que desjà elle a donné audience à ses
+depputez, avec lesquelz elle procèdera à faire le traicté aussitost
+que ceux de l'aultre party seront arrivez, qui sera dans huict ou dix
+jours au plus loing; et qu'il luy tarde, plus qu'à nulle personne qui
+vive, que cest affaire soit bientost accommodé.
+
+Lesquelles siennes responces, Sire, j'ay miz peyne de luy gratiffier
+le plus que j'ay peu au nom de Vostre Majesté, et me suys ainsy
+licentié d'elle bien fort gracieusement. Et parce que j'ay trouvé une
+conformité de tout ce dessus en ceulx de son conseil, je ne puys sinon
+bien juger de la présente intention d'elle et d'eulx envers Vostre
+Majesté; et néantmoins cella sera cause que j'observeray de plus prez
+toutes choses pour voir si, soubz ceste apparance, il y auroit quelque
+chose de caché, qui soit contre vostre service; car, à ce que
+j'entendz, le mesmes comte de Lenoz, celluy de Morthon, et le lair de
+Glannes, viennent pour se trouver au traicté.
+
+Au regard des différandz des Pays Bas, il n'en est rien venu par le
+dernier courrier, dont ceulx cy ne sont contantz, sinon qu'on a
+escript que le duc d'Alve n'a encores rien respondu au depputé
+d'Angleterre sur sa dernière proposition, parce qu'on pense qu'il est
+attendant sur icelle quelque ordre d'Espaigne. Sur ce, etc.,
+
+ Ce XVIIIe jour de janvier 1571.
+
+ Présentement l'on me vient de donner adviz que les Gueux ont
+ recommancé la guerre en Flandres; ce qui feroit prendre assés de
+ nouveaulx desseings à ceulx cy. Le Sr Guilhaume Lesley, bon
+ subject de la Royne d'Escosse, parant de l'évesque de Roz, est
+ venu avec les depputez de la dicte Dame; il estime avoir de
+ bonnes intelligences icy, et se dict très dévot au service de
+ Vostre Majesté.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre à part._)
+
+Madame, avant que monsieur le comte de Lestre me menât, dimanche
+dernier, en la présence de la Royne d'Angleterre, il m'entretint
+quelque temps sur le faict de la petite lettre, et je me plaigniz à
+luy qu'il estoit desjà trop divulgué, ce qu'il m'asseura n'estre
+procédé de la court, ains de ce qu'on voyoit n'y avoir rien de plus
+convenable; et, par ainsy, ung chacun en parloit; dont il vouloit
+sonder, à la vérité, l'intention de la dicte Dame et de ceulx de son
+conseil, affin de dresser, puys après, l'affaire en si bonne sorte
+que, s'il venoit à succéder, ou bien qu'il demeurast sans effect, il
+n'eust à raporter sinon contantement à chacun des costez; et qu'il me
+voulloit dire tout librement, que la dicte Dame ne s'estoit jamais
+monstrée disposée à prendre party, comme elle faisoit meintenant, par
+ce, possible, qu'elle s'y voyoit contraincte, pour les nécessitez de
+son royaulme; et que sur les privez propos, qu'il luy en avoit tenuz,
+elle n'avoit rien objecté que l'eage; à quoy il avoit respondu qu'il
+ne layssoit pourtant d'estre desjà homme: «Mais aussi, respondit elle,
+ne laisseroit il d'estre toutjour plus jeune que moy.»--«Tant mieulx
+sera ce pour vous,» avoit il respondu, en ryant. Et me pria le dict
+comte d'en toucher quelque mot à la dicte Dame, laquelle, à la vérité,
+a prins de fort bonne part toutz les motz que je luy ay proposez
+aprochans de cella; car je ne luy en ay poinct touché de plus exprès
+que de luy avoyr dict, sur le contantement que le Roy avoit de vivre
+en grand amytié et privaulté avecques la Royne, que je conseillerois à
+une princesse, qui vouldroit rencontrer un très parfaict et accomply
+bonheur de mariage, d'en prendre de la mayson de France.--A quoy elle
+m'a respondu que madame d'Estampes et madame de Vallantinois luy
+faisoient encores peur, et qu'elle ne vouldroit un mary qui ne
+l'honnorast seulement que pour Royne, s'il ne l'aymoit aussi pour
+femme.--A quoy j'ay réplicqué que celluy, dont j'entendois parler,
+entre les exellantes qualitez, dont il abondoit aultant que nul prince
+de la terre, il avoit celle péculière qu'il sçavoit extrêmement bien
+aymer, et se randre de mesmes parfaitement aymable.--«A la vérité, m'a
+elle respondu, il a tant de perfections en luy qu'on n'en ouyt jamais
+parler qu'avec grand louange.» Et, peu après que je fuz party d'avec
+la dicte Dame, Mr le cardinal de Chastillon vint parler longtemps à
+elle, dont je n'ay sceu ce qu'il luy dict; car, ny auparavant, ny
+despuys, nous n'avons conféré ensemble: mais voycy madame ce que j'ay
+aprins d'ailleurs et de fort bon lieu:
+
+Qu'après qu'il fût retiré, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil
+pour leur dire que le dict sieur cardinal luy avoit demandé trois
+choses: l'une, si elle estoit point libre de toute promesse pour se
+pouvoir maryer où elle vouldroit; l'aultre, si elle en vouloit prandre
+de ceulx de son royaulme ou bien ung estrangier; et la troisiesme que,
+au cas que ce fût ung estrangier, si elle vouldroit point accepter
+Monsieur, frère du Roy; et qu'elle luy avoit respondu qu'elle estoit
+libre, qu'elle ne vouloit point espouser de ses subjectz, et qu'elle
+vouloit de bon cueur entendre au party de Monsieur avec les condicions
+qui se pourront adviser. Sur quoy le dict sieur cardinal luy avoit
+dict qu'il avoit donques charge de luy en parler, et luy avoit
+présenté à cest effect une lettre de créance du Roy, et l'avoit priée
+que, de tant que l'affaire estoit de grande conséquence au monde,
+qu'elle le vollust communiquer à son conseil, premier que passer
+oultre; de quoy elle leur vouloit bien dire qu'elle n'avoit trouvé
+cella bon, et luy avoit respondu qu'elle estoit Royne Souverayne, qui
+ne deppendoit de ceulx de son conseil, ains eulx toutz d'elle, comme
+ayant leurs vies et leurs testes en sa main, et qu'ilz n'auseroient
+faire que ce qu'elle vouldroit; mais, de tant qu'il luy avoit
+représanté les inconvéniantz, qui avoient cuydé survenir à la feu
+Royne, sa soeur, d'avoir vollu tretter son mariage avec le Roy
+d'Espaigne sans ceulx de son conseil, elle luy avoit promiz de le leur
+proposer; dont vouloit que eulx toutz luy en donnassent promptement
+leur adviz.
+
+Sur quoy, iceulx du dict conseil bayssans la teste, n'en y eust pas
+ung qui respondit ung seul mot, parce que le propos estoit nouveau à
+la pluspart d'eulx, sinon, au bout de pièce, ung des principaulx
+s'advancea de dire que Monsieur sembloit estre bien jeune pour la
+dicte Dame:--«Commant, respondit elle, prenant le mot en aultre sens,
+suys je pas encores pour luy satisfaire.» Et puys, suyvit à dire que
+le dict sieur cardinal, oultre la lettre de créance, avoit des
+articles à proposer, sur lesquelz elle estimoit estre bon de l'ouyr
+pour voir si les condicions pourroient estre acceptées; ce que ung
+chacun aprouva. Et pour lors, n'y eust rien davantaige sinon que, le
+lendemain, Dupin et le ministre du dict sieur cardinal furent là
+dessus en privée conférance plus de trois heures avec le secrétaire
+Cecille.
+
+Duquel propos l'on me vouloit bien advertyr qu'il commançoit à courir
+une merveilleuse contention dans ce royaulme sellon les parciallitez
+de Bourgoigne, et sellon celles de la religion, et que aulcuns
+estimoient que la dicte Dame ne se servoit d'icelluy sinon pour la
+commodité de ses affaires, sans qu'elle eust aucune affection de se
+maryer; et, par ainsy, que je prinse garde que le Roy ne fût trompé et
+moqué. Et d'aultres, qui sont bien affectionnez au Roy, et portent le
+faict de la Royne d'Escosse, et mesmes les seigneurs catholiques,
+m'ont mandé qu'ilz demeuroient fort escandalizez que cest affaire se
+menast par le dict sieur cardinal, et qu'ilz voyoient bien que
+c'estoit plus pour accommoder le faict de ceulx de la Rochelle, que
+non celluy d'entre ces deulx royaulmes, à l'intérest des catholiques;
+dont ilz vouloient penser à leurs affaires, me priantz seulement de
+leur vouloir estre toutjours tel comme je sçavois qu'ils s'estoient,
+en temps et lieu, monstrez bons amys et serviteurs du Roy; et se sont
+esforcez de m'imprimer une grand jalouzie de ce que je n'estois
+participant de ce propos.
+
+Sur quoy, pour leur faire prendre bonne espérance et les retenir
+toutjour en la dévotion, qu'ilz ont esté jusques icy vers Voz
+Majestez, et pour descouvrir plus avant toutes choses par leur moyen,
+je leur ay mandé que j'avois esté toutjours réputé si fidelle à vostre
+service, et si loyal à voz intentions, que si cest affaire estoit en
+telz termes qu'ilz dizoient, il ne passeroit guières que Voz Majestez
+ne m'en fissent entendre leur intention, et que la conclusion ne se
+feroit sans que je y fusse employé; dont je les asseurois que Voz
+dictes Majestez ne consentyroient jamais le passaige de Monsieur en ce
+royaulme, sans qu'il eust bonne intelligence avec eulx, et sans que
+les affaires de la Royne d'Escosse, et les leurs, n'en demeurassent
+bien accommodez, et que de cella vous leur en donriez la main et
+vostre promesse; chose, Madame, que, comme elle semble nécessaire et
+fort importante pour bien asseurer le négoce, ainsy est il requis
+qu'elle soit tenue fort secrecte et menée bien dextrement.
+
+Il est venu quelque sentyment de ce party à la notice de l'ambassadeur
+d'Espaigne, et de celluy, qui est agent icy pour le Pape, dont en ont
+escript chauldement dellà la mer. Je sçay aussi que l'évesque de Roz
+en a escript à Mr le cardinal de Lorrayne, dont ne luy fauldra dényer
+le faict, s'il vous en parle, mais luy donner meilleure espérance par
+là des affaires de la Royne d'Escosse que jamais. Le Sr Cavalcanty a
+grand désir de passer en France pour servyr d'un tiers neutre à
+mouvoir ce propos entre Vostre Majesté et milord de Boucard, parce
+qu'il estime ne se pouvoir avec dignité entamer par l'ung ny l'aultre
+party, sans ung tel moyen; et sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour de janvier 1571.
+
+ Il semble fort requis que Vostre Majesté ne se haste de dépescher
+ message ny ambassade par deçà sans voir que l'affaire soit
+ comme tout asseuré.
+
+
+
+
+CLVIe DÉPESCHE
+
+--du XXIIIe jour de janvier 1571.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._)
+
+ Retour d'Élisabeth à Londres après la cessation de la
+ peste.--Affaires d'Écosse.--Audience.--Plainte de la reine au
+ sujet de la descente d'un parti de Français en Irlande.--Avis
+ donné par elle d'une levée qui se prépare en Allemagne.--Son
+ désir de voir la réunion des églises proposée par le
+ roi.--Négociation des Pays-Bas.--_Lettre secrète à la
+ reine-mère._ Conférence de l'ambassadeur avec le cardinal de
+ Chatillon sur le projet de mariage du duc d'Anjou.--Avis sur
+ l'entreprise faite en Irlande par des Bretons.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ceulx de ceste ville de Londres ont monstré beaucoup de
+resjouyssance à la venue de leur Royne, laquelle, pour cause de la
+peste, n'y avoit esté, il y a deux ans. Elle va aujourduy veoir ung
+bastyment nouveau qu'on y a édiffié, fort commode, et de grand
+ornement, affin de luy donner le nom; qui, jusques à ceste heure, a
+esté appellé par provision la _Bource_. Le festin luy est préparé en
+la maison de maistre Grassein. L'on dict qu'après demain elle
+descendra à Grenwich pour y passer le reste de l'yver, où se dresse
+desjà le lieu pour faire ung tournoy à ce caresme prenant; duquel le
+comte d'Oxfort et sire Charles Havard doivent estre les tenans.
+
+Les affaires de la Royne d'Escosse demeurent toutjour en bonne
+disposition, attendant l'arrivée des depputez de l'aultre party,
+lesquelz, parce que j'avois incisté qu'on ne les debvoit attandre, le
+secrétaire Cecille m'a opiniastrément débattu que l'honneur de sa
+Mestresse n'estoit de procéder sans eulx, mais, que je ne fisse nul
+doubte que les choses n'allassent bien; et encores que, despuys quatre
+jours aulcuns de ce conseil se soient plainctz à l'évesque de Roz
+d'une entreprinse, qu'on a vollu faire en Escosse, pour tuer le comte
+de Lenoz; et de ce qu'ilz ont entendu qu'on fornyst de l'argent dellà
+la mer aulx rebelles d'Angleterre, ilz n'ont guières répliqué à ce
+qu'il leur a respondu, qu'il estoit esbahy comme le dict de Lenoz
+duroit tant au dict pays, veu les viollances et désordres qu'il y
+faisoit; et, quant aux fugitifs d'Angleterre, qu'il croyoit que rien
+ne leur manqueroit, mais que ce n'estoit de sa Mestresse qu'ilz
+estoient secouruz, parce qu'elle n'avoit de quoy le faire.
+
+Et hyer, la Royne d'Angleterre, m'ayant envoyé quéryr, me dict que, si
+l'on faisoit nul oultrage au dict de Lenoz, qu'elle ne procèderoit
+aulcunement au dict tretté; dont j'ay conformé ma responce à celle du
+dict sieur évesque de Roz, adjouxtant que rien n'en debvoit estre
+imputé à la Royne d'Escosse, parce qu'elle n'en pouvoit mais, et que
+mesmes l'on avoit de sa part desjà dépesché ung gentilhomme en Escosse
+pour obvier à cest inconvénient.
+
+Et suyvyt la dicte Royne d'Angleterre à me dire que la principalle
+occasion, pour laquelle elle m'avoit prié de venir, estoit pour me
+communiquer ung adviz par escript, qu'on luy avoit envoyé d'Irlande,
+lequel elle me prioit de faire tenir à Vostre Majesté; et que, pour ne
+faire voir au monde que les armes fussent prinses entre les Françoys
+et les Anglois, et ne rompre aulcunement la paix avec la France, elle
+avoit faict gracieusement remonstrer au capitaine La Roche et à ceulx,
+qui sont avec luy en Irlande, de se retirer; ce que, trois moys a, ilz
+avoient promis de faire; mais monstrans à ceste heure qu'ilz ont une
+aultre dellibération, elle vous en vouloit bien advertyr, affin qu'il
+vous pleust, Sire, y pourvoir sellon que les bons trettez de paix,
+qui sont entre Voz Majestez, le pouvoient requérir.
+
+J'ai respondu que ce propos m'estoit nouveau, comme celluy, duquel je
+n'avois cy devant ouy parler, et que je le vous représanterois le
+mieulx que je pourrois, avec l'exprétion des mesmes parolles, et de
+l'intention, que j'avois cognue en elle, de vouloir évitter toute
+occasion de différand avec Vostre Majesté; et luy en ferois tenir
+vostre responce, aussitost que je l'aurois receue.
+
+Et s'exaspéra bien fort la dicte Dame contre celluy Fitz Maurice, qui
+est en Bretaigne, disant que luy et son père avoient usurpé, comme
+traystres, le tiltre du comte d'Esmont, bien que le vray comte soit
+encore vivant en ce royaulme.
+
+Après ce propos, il en succéda ung aultre, par lequel nous vinsmes à
+parler des aprestz d'Allemaigne, qui seroient longs à mettre icy, mais
+je prins par là occasion de demander tout librement à la dicte Dame si
+elle entendoit qu'il y eust rien de dressé contre Vostre Majesté, ny
+contre vostre royaume, ainsi que, d'aultre fois, elle vous avoit bien
+faict ce bon tour, de vous en réveller quelque chose par moy.
+
+Elle me respondit qu'encores que ses intelligences n'estoient plus
+telles vers l'Allemaigne, ni avec l'Empereur, comme elles souloient,
+néantmoins elle y en avoit encores d'assés bonnes pour pouvoir
+asseurer Vostre Majesté qu'il s'y préparoit une levée; laquelle elle
+ne sçavoit encores si viendroit à effect, mais croyoit que ce n'estoit
+pour vous nuyre, car elle le vous diroit, et y opposeroit le crédit
+qu'elle y pourroit avoir, mais c'estoit en faveur du prince d'Orange;
+et qu'elle estoit fort marrye qu'on poursuyvît ainsy les affaires de
+la religion par les armes, de quoy ne pouvoit revenir, à la fin, que
+une grande ruyne à la Chrestienté; et qu'elle me prioit de vous
+exorter, Sire, qu'avec la bonne intelligence, qu'avez meintenant avec
+l'Empereur, vostre beau père, avec lequel elle continuoit aussi
+toutjour une bien fort estroicte amytié, et avoit naguières receu de
+ses lettres, il vous pleust, à ceste heure, mettre en avant quelque
+favorable moyen d'accord et de réunyon en l'esglize; et que, de sa
+part, elle vous y assisteroit, et ne s'y monstreroit aulcunement
+opiniastre.
+
+Je luy louay grandement cestuy sien très vertueux desir, et, sans
+toutesfois accepter ny reffuzer aussi d'en faire rien entendre à
+Vostre Majesté, affin que vostre intention en cella soit réservée au
+temps et moment qu'il vous semblera bon de la manifester; je la priay
+seulement, en ryant, qu'elle ne vollust observer l'extrémité de ne
+concéder aulx Catholiques l'exercice de leur religion en Angleterre,
+comme il n'en estoit permis pas ung aulx Protestans en Espaigne, ny en
+Flandres, et qu'elle suyvist l'exemple de Vostre Majesté, qui estiez
+au milieu, qui avez permiz le cours des deux en vostre royaulme.
+
+Elle respondit que les Catholiques ne se pouvoient pas beaucoup
+plaindre d'elle, et qu'elle cognoissoit le Roy d'Espaigne d'ung si bon
+naturel qu'il ne vouldroit aussi retenir la Chrestienté en ce
+dangereux suspend, où elle est, s'il y ozoit procurer les remèdes,
+mais que les passionnez l'en empeschoient, lesquelz elle vouldroit qui
+en sentissent seulz le mal.
+
+Et se continua assés longtemps ce propos entre la dicte Dame et moy,
+au millieu duquel, me venant à toucher des différans, qu'elle accusoit
+le duc d'Alve luy avoir succité avec le Roy son Maistre, me dict que
+je serois tout esbahy si je sçavois quelles choses le dict duc,
+despuys ung mois, avait vollu tretter avec elle, au préjudice de ses
+voysins, ce qu'elle réservoit à une aultre foys, et que néantmoins
+c'estoit une parenthèse digne de noter.
+
+Or, Sire, touchant les dicts différans, le depputé d'Angleterre, qui
+est aulx Pays Bas, a escript, ceste foys, à la dicte Dame qu'il avoit
+présenté à icelluy duc les derniers articles, qu'elle luy avoit
+envoyez; qui les avoit cognuz si raysonnables que, ne luy restant plus
+que contredire pourquoy il ne les deubt accepter, il avoit respondu
+qu'il y vouloit penser: et ainsy le faict en demeure là, qui se
+conforme assés à ce que Vostre Majesté m'en a mandé, en chiffre, par
+ses dernières du IIIe du présent, que j'ay bien notté. Et sur ce, etc.
+Ce XXIIIe jour de janvier 1571.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre à part._)
+
+Madame, s'estant Mr le cardinal de Chatillon, jeudy dernier, convyé à
+disner en mon logis, il m'a compté la favorable expédition, qu'il a
+obtenue de Voz Majestez, sur le recouvrement de ses biens, et comme il
+s'en est venu conjouyr avec la Royne d'Angleterre; et puys m'a parlé
+du faict de la petite lettre en bien fort bonne sorte, et que ce dont
+je m'estois plainct au comte de Lestre, que le propos en estoit trop
+divulgué, n'estoit procédé d'ailleurs que du peu de discrétion, que le
+vydame y avoit tenu, qui en avoit parlé et escript icy et en France à
+trop de gens, et que, de sa part, il n'en avoit jamais faict rien
+sçavoir qu'à Voz Majestez; desquelles, après qu'il avoit heu responce,
+il y avoit procédé le plus secrectement qu'il avoit peu; et que les
+choses en estoient en assés bons termes, et ceux du conseil en
+beaucoup de diverses opinions là dessus entre eulx, mais qu'il n'y
+avoit encores rien de conclud. Sur quoy luy ayant aprouvé grandement
+son intention et les sages moyens, qu'il tenoit, pour la bien
+conduyre, je l'ay sondé de plusieurs endroictz pour voir s'il y avoit
+nulle aultre fin et prétention en luy que celle qu'il monstroit en
+aparance; mais toutz ses propos sont revenuz à la considération de la
+grandeur que ce seroit pour Monsieur, et combien elle accroistroit
+celle du Roy et de sa couronne, et ravalleroit d'aultant celle
+d'Espaigne; ne me touchant toutesfois tant de particullaritez de
+l'affaire comme j'en sçavois, et comme je vous en ay desjà escript;
+dont j'ai fait semblant d'en sçavoir encores moins, attendant si
+Vostre Majesté (pour y procéder avec plus de lumyère, par les adviz
+que pourrons avoir de divers lieux) trouvera bon que nous nous
+communiquons secrectement l'ung à l'aultre, car je croy bien que les
+Protestans reçoipvent mieulx ce propos, venant du dict sieur cardinal
+que ne feroient de moy. Et il y va, à mon opinion, d'une droicte et
+bien bonne vollonté.
+
+Les Catholiques, qui sont la partie la plus grande, plus noble et plus
+forte, et où y a plus d'asseurance, le tiennent fort suspect, et
+vouldroient avoir quelque asseurance de Voz Majestez par mon moyen. La
+dicte Dame nous oyt fort bien, et avec grande affection, l'ung et
+l'aultre, dont Vostre Majesté me commandera comme j'en auray à uzer;
+et seulement vous suplie très humblement, Madame, de réserver, entre
+le Roy et Vous, et Monsieur, ce que je vous ay escript par ma petite
+lettre de devant ceste cy, et ce que, cy après, je vous pourray
+escripre ou mander des propos, que la dicte Dame tiendra en privé, ou
+avec ceulx de son conseil, sans qu'il se puysse jamais cognoistre
+qu'ilz vous viennent de moy. J'ay dict à Mr le cardinal que si le
+propos alloit en avant, qu'il estoit bien besoing de le conduyre à ce
+poinct qu'on ne s'advançât de le publier, ny de faire aulcune ouverte
+démonstration, du costé de Voz Majestez, d'y vouloir entendre, jusques
+à ce qu'on le vît tout conclud et bien arresté; car, puys après, l'on
+y adjouxteroit bien toutz les honnorables actes et respectz, qu'on
+vouldroit; et que surtout il n'y fût usé de longueur ny de remises. A
+quoy il m'a respondu que, le lendemain, il estoit convyé en court et
+qu'il verroit ce qu'il y pourroit advancer.
+
+J'ay sceu, Madame, que, pendant que nous estions ensemble, la Royne
+d'Angleterre estoit enfermée avec ceulx de son conseil pour prandre
+résolution de ce qu'elle debvoit respondre au dict sieur cardinal, et
+qu'elle a la matière si à cueur qu'elle ne prend playsir de parler, ny
+ouyr parler, d'aultre chose; et, de ma part, Madame, tant plus je
+considère le party, plus il me semble estre grand, honnorable et
+advantageux pour le Roy, et pour Monsieur; dont je ne desire sinon
+qu'il soit exempt de tromperie, comme je prendray bien garde, du plus
+prez qu'il me sera possible, qu'il n'y en ayt point, et que Dieu le
+veuille bien achever. Et sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de janvier 1571.
+
+ Millord de Boucard est bien fort affectionné à ce propos, et
+ desire y estre employé. Sa Mestresse luy a dict qu'elle réserve
+ de lui bailler son instruction à l'heure qu'il partyra. J'entendz
+ que le comte de Lestre, si cella va en avant, est desjà désigné à
+ passer en France pour l'aller conclurre. Je suys convyé aujourduy
+ avecques la Royne; sur ceste bonne occasion, je notteray ce
+ qu'elle me dira.
+
+ ADVIZ SUR LES CHOSES D'IRLANDE:
+
+ Que on auroit suborné certaines gens pour pratiquer et suciter
+ une rébellion en Yrlande, dont ung d'eulx se nomme de La Roche,
+ gouverneur de Morlays en la Basse Bretaigne, qui s'en est allé
+ là, avecques quatre navyres, pour se randre en l'endroict où le
+ comte de Desmond se tenoit, et qu'il s'en est retourné de là et a
+ admené avecques luy ung gentilhomme, nommé Fitz Maurice, qui,
+ pour le présent, se tient secrectement en la Basse Bretaigne, et
+ sollicite d'avoir des forces pour les mener ce printemps en
+ Yrlande.
+
+ Que le capitaine de Brest auroit prins ung fort, nommé d'Ingin,
+ et une petite isle, non guières loing de là, en Yrlande.
+
+
+
+
+CLVIIe DÉPESCHE
+
+--du dernier jour de janvier 1571.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer._)
+
+ Réjouissances faites à Londres pour célébrer la rentrée
+ d'Élisabeth.--Conversation de la reine et de l'ambassadeur au
+ sujet de cette fête.--Affaires d'Écosse.--État de la
+ négociation des Pays-Bas.--Nouvelles d'Allemagne et
+ d'Espagne.--_Lettre secrète à la reine-mère._ Négociation du
+ mariage du duc d'Anjou.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le jour que j'ay esté convyé, pour accompaigner la Royne
+d'Angleterre au festin de la Bource, n'a esté guières moins solemnel
+en Londres, que celluy du couronnement de la dicte Dame, car on l'y a
+receue avec concours de peuple, les rues tandues, et chacun en ordre
+et en son rang, comme si ce eust esté sa première entrée; et elle a
+heu grand playsir que j'y aye assisté, parce qu'il s'y est monstré
+plus de grandeur, ainsy soubdain, que si la chose eust esté préméditée
+de longtemps; et n'a obmiz la dicte Dame de me faire remarquer
+l'affection et dévotion qui s'est veue en ce grand peuple; lequel,
+despuys le matin jusques à l'heure qu'ayant donné le nouveau nom de
+_Change Real_ à la Bource, elle s'est vollue retirer, envyron les
+huict heures de nuict, il ne s'est lassé d'estre par les rues, les
+ungs en leur rang, les aultres à la foule, avec force torches, pour
+l'honnorer, et luy faire mille acclamations de joye, chose qu'elle m'a
+demandée si, au petit pied, ne me faisoit pas souvenir des
+resjouyssances, qu'on faisoit à Paris, quant Vostre Majesté y
+arrivoit; et qu'elle me confessoit tout librement qu'il luy faisoit
+grand bien au cueur de se veoir ainsy aymée et desirée de ses
+subjectz, lesquelz elle sçavoit n'avoir nul plus grand regrect que, la
+cognoissant mortelle, ilz ne voyoient nul certain successeur, yssu
+d'elle, pour régner sur eulx, après sa mort; et que la France estoit
+très heureuse de cognoistre ses Roys, et ceulx qui, par ordre,
+debvoient, les ungs après les aultres, succéder à la couronne.
+
+J'ay respondu, le plus au contentement et satisfaction de la dicte
+Dame, à toutz ses propos, qu'il m'a esté possible, louant beaucoup ce
+que je voyois de sa grandeur, qui estoit à priser, sans rabattre
+néantmoins rien de ce qu'on sçait assés estre de plus en la vostre; et
+qu'au reste, il me sembloit qu'elle auroit bien à faire à s'excuser
+envers Dieu et le monde, si elle frustroit ses subjectz de la belle
+postérité, qu'elle leur pouvoit bailler, et qu'ilz attandoient d'elle
+pour les gouverner; qui a esté ung article, sur lequel elle s'est
+prinse à discourir plusieurs aultres choses, avec playsir et avec
+modestie, lesquelles je vous puys asseurer, Sire, que ne se sont
+passées sans qu'elle ayt monstré, en plusieurs endroictz, de vouloir
+persévérer en grande amytié avec Vostre Majesté; et, le soir mesmes,
+la résolution du voyage de milord Boucard a esté du tout prinse, luy
+commandant la dicte Dame ne faillyr d'estre prest à partir demain, qui
+est le premier jour de febvrier, ainsy qu'il faict.
+
+Or, Sire, nonobstant l'acclamation du peuple, la dicte Dame et ceulx
+de son conseil ne layssent de craindre la division et sublévation du
+pays: car ayans les filz du comte Dherby essayé d'obtenir leur congé
+pour retourner vers leur père, il leur a esté dict qu'ilz n'en
+parlassent poinct, s'ilz n'en vouloient estre du tout reffuzez,
+jusques à ce que les affaires de la Royne d'Escosse fussent
+accommodez, qui monstre que, par iceulx, ilz entendent acquiéter les
+leurs. Et le semblable a esté dict au duc de Norfolc, de ne presser sa
+plus ample liberté, jusques à ce qu'il ayt esté ordonné de celle de la
+Royne d'Escosse et de sa restitution, de laquelle l'on nous faict
+toutjour espérer de bien en mieulx; et qu'il n'y a retardement que de
+ces depputez de l'aultre party, desquelz le comte de Lenoz a, de
+rechef, escript qu'ilz estoient partys, et qu'il avoit surciz la tenue
+du parlement, ainsy que la Royne d'Angleterre le luy avoit mandé, pour
+remettre toutes choses à ce qui seroit ordonné par le tretté.
+
+Hyer, on tenoit en ceste court la pratique des différans de Flandres
+pour toute désacordée, non sans beaucoup d'indignation contre le duc
+d'Alve et contre l'ambassadeur d'Espaigne; mais, ce matin, par
+aulcunes lettres d'Envers, s'est entendu que le dict duc avoit
+condescendu à la pluspart des choses, que le depputé de Londres avoit
+desirées; et que le Sr Thomas Fiesque seroit en brief par deçà pour
+entièrement les conclurre. Je ne sçay s'il est ainsy, ou si c'est
+artiffice: tant y a que cella ne pourra estre que pour le regard des
+merchandises; car, quant à l'entrecours et commerce, j'entendz qu'il
+n'en est, pour encores, faict aulcune mencion.
+
+Il est nouvelle icy que le duc de Sualsambourg a quatre mille chevaulx
+et six mil hommes de pied ez environs d'Hembourg, et que c'est en
+faveur du roy de Dannemarc, pour se rescentir d'aulcuns mauvais
+déportemens, que icelle ville a uzé contre luy, durant la guerre
+contre le roy de Suède, et m'a dict l'ambassadeur d'Espaigne que le
+duc d'Alve est très bien adverty que ce n'est à aultres fins que pour
+branqueter la dicte ville; et que ce que le comte de Vuandeberg a
+aussi entreprins, de retourner en quelcune de ses terres en Frize, n'a
+esté qu'une légière course, laquelle ne luy a bien réuscy; et que le
+dict duc craint si peu, pour ceste année, les mouvemens d'Allemaigne,
+qu'il renvoye une partie de sa cavallerie au secours des Vénitiens
+contre le Turq, estimant qu'il n'eust peu rien succéder plus à propos
+pour le repos de la Chrestienté que la mort soubdainement advenue du
+duc Auguste[25]. Néantmoins il m'a confessé que, pour quelque
+souspeçon de guerre aulx Pays Bas, le dict duc ne parloit plus de s'en
+retourner en Espaigne, et que le propos du duc de Medina Coeli estoit
+réfroydy, s'estans desjà expédiez les princes de Bohesme de Leurs
+Majestez Catholiques pour s'en retourner par Gennes en Allemaigne,
+sans qu'il fût nouvelles que le dict duc les accompaignât; qu'au reste
+toutz les articles de la ligue contre le Turc estoient accordez; ne
+restoit plus que celluy de la création du lieuctenant de général: que
+le Pape vouloit que ce fût Marc Anthonio Collonna, et le Roy
+d'Espaigne, puisque dom Joan d'Austria estoit le général, desiroit
+que le commandador major de Castille ou bien Joan André Doria eussent
+à commander soubz luy. Sur ce, etc. Ce XXXIe jour de janvier 1571.
+
+ [25] Cette nouvelle était fausse. Auguste, duc et électeur de
+ Saxe, est mort seize ans après, le 14 mars 1586.
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre à part._)
+
+Madame, estant en ce festin, où j'ay esté convyé pour accompaigner la
+Royne d'Angleterre, le XXIIIe de ce mois, elle a prins playsir de
+deviser l'après dinée, fort longtemps avecques moy; et, entre aultres
+choses, elle m'a dict qu'elle estoit résolue de se maryer, non tant
+pour ne s'en sçavoir passer, (car elle en avoit assés faict de
+preuve), comme pour satisfaire à ses subjectz; et aussi pour obvier,
+par l'authorité d'ung mary, ou par la nayssance de quelque lignée,
+s'il playsoit à Dieu luy en donner, aux entreprinses qu'elle sentoit
+bien qu'on feroit contre elle, et sur son estat, si elle devenoit si
+vieille qu'il n'y eust plus lieu de prendre party, ny espérance
+qu'elle deubt avoir d'enfans. Il est vray qu'elle craignoit grandement
+de n'estre bien aymée de celluy qui la vouldroit espouser, qui luy
+seroit ung second inconvénient plus dur que le premier, car elle en
+mourroit plustost; et que, pourtant, elle y vouloit bien regarder.
+
+Je luy ay respondu que à si prudentes considérations et si vrayes,
+comme celles qu'elle disoit, je n'avois que adjouxter, sinon qu'elle
+pouvoit, dans ung an, avoir bien pourveu à tout cella, si, avant les
+prochaines Pasques, elle se maryoit à quelque prince royal, dont
+l'ellection s'en pourroit aiséement faire; et j'en cognoissoys ung qui
+estoit nay à tant de sortes de vertu, qu'il ne failloit doubter
+qu'elle n'en fût fort honnorée et singulièrement bien aymée, et dont
+j'espèrerois qu'au bout de neuf mois après, elle se trouveroit mère
+d'ung beau filz; par ainsy, en se rendant très heureuse de mary et de
+lignée, elle amortyroit, par mesmes moyen, toutes les malles
+entreprinses qui se pourroient jamais dresser contre elle.
+
+Ce qu'elle a aprouvé bien fort, et à suivy le propos assés longtemps,
+avec plusieurs parolles joyeuses et modestes; et estoit Mr le cardinal
+de Chatillon au mesmes festin, auquel elle n'a point parlé à part;
+mais, le lendemain, il a demandé audience, et a esté quelque temps
+avec elle; puys, au retour, il m'est venu dire adieu, parce qu'il
+partoit le lendemain pour Canturbery, et m'a compté l'estat où il
+layssoit l'affaire, qui luy sembloit estre en termes d'y pouvoir
+commancer quelque fondement, mais non qu'il y en vît encores nul pour
+s'y debvoir arrester; dont dépescheroit Dupin pour le vous aller
+représanter tel qu'il estoit, affin que Vostre Majesté, sellon sa
+prudence, nous vollût commander, à luy et à moy, ce que nous aurions à
+faire.
+
+Je luy descouvriz quelques choses que j'avois aprinses de sa
+négociation, pour luy donner plus grand lumyère comme elle estoit
+receue, et avons advisé d'user de bonne intelligence ensemble, mais
+secrectement, affin d'obvier aulx soupeçons de ceste court, qui
+bientost seroient si grandz en ce faict, que plus ne se peult dire; et
+n'ay point faict semblant au dict sieur cardinal que Vostre Majesté
+m'en ayt encores faict mencion; mais ceulx qui m'ont donné les
+premiers adviz de ce qu'il en a proposé, m'ont adverty qu'à la vérité
+il n'a point monstré lettre de Voz Majestez, qui luy en donnast
+expresse commission; dont la dicte Dame s'estoit retirée, et avoit
+dict que, quant vous y vouldriez entendre, vous m'en commanderiez
+quelque chose, comme vous fiant beaucoup de moy. Et ceulx là mesmes
+m'ont mandé qu'elle a parlé de ce faict à plusieurs des siens, à part
+l'ung de l'aultre, et mesmes a vollu avoir le conseil du duc de
+Norfolc, qui a respondu qu'il avoit esté le principal autheur
+d'induyre les Estatz de ce royaulme à la suplyer de se maryer, et de
+laysser à sa liberté de prendre le party que bon luy sembleroit: dont
+ne vouloit changer d'opinion; que quant à Monsieur, toutes choses
+estoient grandes en luy, mais qu'il falloit regarder aux condicions,
+sur quoi le mariage se pourroit conclurre, qui fussent honnorables
+pour sa Mestresse et heurées pour son estat.
+
+D'aultres m'ont mandé que les quatre principaulx, qui guydent les
+intentions de la dicte Dame, se sont assemblez pour résouldre qu'est
+ce qu'ilz luy en conseilleroient. Je vous manderay bientost leur
+conseil, et vous adjouxteray cependant, Madame, cestuy cy du mien,
+qu'encor que ceste princesse soit bonne et vertueuse, je ne la tiens
+toutesfois esloignée du naturel de celles qui veulent monstrer de
+fouyr, lorsque plus elles sont recerchées; et ceste nation a aussi
+cella de péculier que, plus on desire quelque chose d'eulx, encor qu'à
+leur proffict, plus ilz la souspeçonnent; dont sera bon de ne
+descouvrir trop d'affection de vostre costé, Madame, jusques à ce
+qu'ilz se soyent layssez clairement entendre du leur. Je vous
+escripray bientost d'aultres choses plus importantes de ce propos par
+le Sr de Vassal, qui vous pourront assés esclayrer: et sur ce, etc. Ce
+XXXIe jour de janvier 1571.
+
+
+
+
+CLVIIIe DÉPESCHE
+
+--du VIe jour de febvrier 1571.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal._)
+
+ Négociation concernant Marie Stuart.--Congé accordé par la reine
+ aux fils du comte de Dherby.--Concession faite par le pape au
+ roi d'Espagne du royaume d'Irlande, sous la condition d'y
+ rétablir la religion catholique.--Entreprise préparée par les
+ Espagnols pour s'emparer de ce pays.--_Lettre secrète à la
+ reine-mère._ Négociation du mariage du duc d'Anjou.--_Mémoire._
+ Nouvelles d'Allemagne.--Projet des protestans de faire une
+ entreprise contre les Pays-Bas.--Affaires d'Écosse.--_Mémoire
+ secret._ Détails circonstanciés et confidentiels sur la
+ proposition de mariage du duc d'Anjou.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, s'estant la Royne d'Angleterre bien trouvée de sa santé en ceste
+ville de Londres, d'où le grand yver a chassé toute souspeçon de
+peste, elle s'est résolue d'y passer le reste du caresme prenant, et,
+à ceste cause, s'est allée loger en sa mayson de Ouesmestre, où l'on
+radresse les lisses pour le tournoy, dont je vous ay cy devant
+escript; ayant remiz la dicte Dame de ne descendre à Grenvich jusques
+à environ la my mars, que noz amys de ceste court nous donnent grand
+espérance que les affaires de la Royne d'Escosse seront, entre cy et
+là, accommodez, nonobstant les grandz empeschemens que les comte et
+comtesse de Lenoz s'esforcent d'y mettre; qui, despuys huict jours,
+ont donné entendre qu'il y avoit une entreprinse dressée en Escosse
+pour venir enlever la dicte Dame du lieu où elle est, et l'aller
+remettre par force en son estat. De quoy est advenu que le comte de
+Cherosbery l'a faicte despuis fort observer, et luy a usé ceste
+rigueur qui l'a faicte recheoir en fiebvre, mais l'on y a remédié le
+mieulx et par le plus sage moyen qu'on a peu. Les depputez de
+l'aultre party s'espèrent en ce lieu, dans cinq ou six jours, et n'est
+possible que plus tost qu'ilz arrivent nous puissions aulcunement
+advancer le tretté. Ceulx qui portent icy ce faict m'ont prié, Sire,
+de vous advertyr en dilligence que milord Boucard a commission
+expresse de vous en parler et de remander incontinent par deçà vostre
+responce, et tout ce qu'il aura pu noter de vostre intention en cella,
+affin que, sellon qu'il vous y aura cogneu ou remiz, ou affectionné,
+l'on procède icy ou froydement, ou bien avecques effect, au dict
+tretté; dont Vostre Majesté luy pourra user des mesmes parolles
+vertueuses et modestes qu'il a faict jusques icy, affin de consommer
+l'honnorable oeuvre, qu'avez commancé, de la restitution de ceste
+princesse, qui touche assés à Vostre Majesté et à la réputation de
+vostre couronne; et aussi pour obvier aulx inconvéniens qu'à faulte de
+ce pourroient cy après survenir.
+
+Les deux filz du comte Derby, nonobstant qu'on les ayt advertys de ne
+demander leur congé, n'ont layssé d'instantment le pourchasser; et
+leur est advenu ce qu'ilz avoient pansé, qu'on ne le leur auzeroit
+reffuzer, dont, après que la Royne leur a faict quelque réprimande, et
+les a heu admonestez de se mieulx déporter pour l'advenir, avec
+quelque difficulté de ne leur bailler sa main à bayser, elle les a
+licenciez.
+
+Au surplus, Sire, aulcuns seigneurs catholiques de ce royaulme me
+viennent d'advertyr qu'ilz ont tout freschement receu nouvelles de
+Rome, comme le Roy d'Espaigne a envoyé proposer au Pape l'offre que
+Estuqueley luy a faicte du royaulme d'Yrlande, de la part de ceulx du
+pays, qui sont prestz de le recepvoir, et comme il n'y a vollu
+entendre, sans la concession de Sa Saincteté, comme de celluy, de qui
+relève, de droict, icelle couronne; et que Sa dicte Saincteté luy en a
+desjà envoyé son consens avec permission d'entreprendre, au nom de
+Dieu, ceste conqueste, en ce qu'il restablyra la religion catholique
+au dict pays; et que le dict Roy est dellibéré d'y faire descendre
+bientost, ou du costé d'Espaigne ou de Flandres, dix mil hommes. Je ne
+sçay encores si les dicts seigneurs catholiques ont encores descouvert
+rien de cecy à leur Royne; tant y a que je ne vois pas qu'il se face
+nul préparatif pour y résister: et l'ambassadeur d'Espaigne m'a
+curieusement enquiz comme il alloit de ces Brethons, qui estoient
+descenduz au dict pays, et en quoy en estoit la plaincte, que la Royne
+d'Angleterre m'en avoit faicte. A quoy je luy ay respondu, sellon
+l'intention que j'ay estimé qu'il me le demandoit. Et a l'on opinion,
+Sire, qu'affin que ceulx cy ne souspeçonnent rien de l'entreprinse, et
+qu'ilz ne preignent nulle deffiance du Roy d'Espaigne, le duc d'Alve
+les va entretenant d'ung grand artiffice sur l'accord des
+merchandises, lequel pourtant se monstre enveloupé chacun jour de
+nouvelles difficultez. Sur ce, etc.
+
+ Ce VIe jour de febvrier 1571.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre à part._)
+
+Madame, j'ay sceu que des quatre seigneurs que je vous escripviz, par
+ma précédante petite lettre, qui s'estoit assemblez pour dellibérer de
+ce qu'ilz avoient à conseiller à leur Mestresse touchant le party de
+Monseigneur vostre filz, le premier l'a plainement aprouvé comme très
+bon et très honnorable; le second l'a entièrement contradict, comme
+suspect à la religion protestante, plein de jalouzie aulx aultres
+princes, et très dangereux pour ce royaume; le tiers a assez suyvy
+ceste seconde opinion; et le quatriesme s'est joinct au premier, mais
+avec ung conseil assés dangereux: c'est qu'il a dict qu'il falloit, en
+toutes sortes, suyvre le propos, car si leur Mestresse estoit résolue
+de se marier et de ne vouloir point des siens, il n'y avoit nul prince
+si commode au monde pour elle que Monsieur, et qu'il ne falloit
+doubter que le mariage ne s'en ensuyvyst, avec l'honneur et advantaige
+d'elle et de son royaume: si, d'advanture, elle n'en avoit nul desir,
+encores sçavoit il le moyen comme, avecques le mesmes honneur et
+advantaige, après qu'on se seroit servy du propos, l'on le pourroit
+rompre sans offancer Monsieur, qui n'en demeureroit que bien
+affectionné à la dicte Dame, mais que tout le mal gré en tumberoit sur
+le Roy, par ce qu'il n'auroit vollu accomplyr les condicions; et s'en
+engendreroit une division entre les deux frères, qui ne seroit que
+utille à l'Angleterre. Ce n'est pourtant, Madame, que celluy, qui a
+donné ce conseil, n'ayt bonne affection au party, mais il est anglois,
+et possible il a proposé cella, affin qu'il se trouve tant moins de
+contradisans au présent desir de la dicte Dame, laquelle monstre
+cercher bien fort qui le luy veuille aprouver; et c'est cependant un
+adviz à Vostre Majesté pour divertyr que tel inconveniant n'adviegne.
+
+J'ay cerché de sçavoir qu'est ce qui avoit réussy du dict conseil, et
+aulcuns de ceulx, qui ne sont encores bien résoluz s'ilz debvoient
+trouver le dict party bon ou mauvais, m'ont mandé que toutes les
+parolles et démonstrations de la dicte Dame et des siens ne sont que
+simulation, affin de pouvoir bientost tenir ung parlement là dessus,
+et tirer de l'argent des subjectz, et se meintenir en quelque
+réputation vers eulx et vers les princes estrangiers; et que pourtant
+l'on ne se doibt haster d'en parler plus avant, jusques à ce que l'on
+y voye quelque meilleur fondement; et que mesmes le comte de Lestre
+s'estoit de nouveau faict proposer à sa Mestresse par aulcuns des
+principaulx du conseil, qui avoit fort réfroydy le propos. D'aultres
+m'ont mandé que la dicte Dame persévéroit, et à bon esciant, et pour
+causes nécessaires, à se vouloir marier; et que, sur le partement de
+milord Boucard, entendant les diverses opinions que ceulx de son
+conseil avoient là dessus, elle les avoit assemblez pour leur dire, la
+larme à l'oeil, que, si nul mal venoit à elle, à sa couronne et à ses
+subjectz, pour n'avoir espousé l'archiduc Charles, il debvoit estre
+imputé à eulx et non à elle; qui aussi estoient cause que le Roy
+d'Espaigne avoit esté offancé, et que le royaulme d'Escosse estoit en
+armes contre le sien, et qu'il n'avoit tenu aussi à eulx que le Roy
+n'eust esté beaucoup provoqué davantaige par leurs déportemens en
+faveur de ceulx de la Rochelle, si elle ne les eust empeschez; dont
+les prioit très toutz de luy ayder meintenant à rabiller toutz les
+maulx par ung seul moyen, qui estoit de bien conduyre ce party de
+Monsieur; et qu'elle tiendroit pour mauvais subject, et ennemy de ce
+royaulme et très déloyal à son service, qui aulcunement le luy
+traverseroit. Dont me vouloient bien asseurer que nulz, à présent, n'y
+ozoient plus contradire.
+
+Je n'ay layssé, pour cella, de tenir fort suspect le comte de Lestre,
+à cause de l'adviz précédant, jusques à ce que luy mesmes, lundy
+dernier, s'est convyé à dyner en mon logis avec le marquis de
+Norampthon, le comte de Sussex, le comte de Betfort, milord
+Chamberlan, et aultres seigneurs de ceste court, tout exprès pour me
+venir compter comme les partisans d'Espaigne, qui craignent
+infinyement le mariage de Monsieur, et aussi le secrétaire-Cecille qui
+ne veult en façon du monde que sa Mestresse ayt ny luy, ny nul aultre
+mary que soy mesmes, qui est roy plus qu'elle, l'avoient fort
+instantment sollicitée de vouloir accepter le dict comte de Lestre
+comme celluy qui seroit de très grande satisfaction à tout le
+royaulme, et qu'elle mesmes l'avoit pryé de les en remercyer; mais il
+luy avoit respondu que, quant le temps luy estoit bon, ils luy avoient
+esté contraires, et meintenant que le temps ne luy servoit plus ilz
+monstroient de luy ayder, et qu'ilz ne faisoient cella, ny comme bons
+serviteurs d'elle, ny comme vrays amys à luy, ains pour interrompre le
+propos de Monsieur; par ainsy, qu'elle l'excusât s'il ne leur en
+sçavoit nul gré, ny leur en randoit nul mercys. Et a adjouxté qu'il
+espéroit que les amys pourroient plus en cecy que les adversayres.
+J'ay donné instruction, Madame, d'aulcunes aultres particullaritez là
+dessus au Sr de Vassal, comme à ung gentilhomme, que je tiens fort
+secrect et fidelle, qui vous en rendra bon compte; et sur ce, etc.
+
+ Ce VIe jour de febvrier 1571.
+
+ DIRA LE SR DE VASSAL A LEURS MAJESTEZ, oultre les choses
+ susdictes:
+
+ Que, despuys quelque temps en çà, la Royne d'Angleterre a déclaré
+ qu'elle se vouloit maryer, et a monstré que ce sien desir estoit
+ fondé sur une tant raysonnable et quasi nécessaire occasion que
+ plusieurs, qui souloient opinyastrer le contraire, commencent
+ d'en parler, à ceste heure, aultrement; néantmoins, sur ce qui
+ ne se peult bien dicerner encores, si elle le veult à bon
+ esciant, ou bien si elle le veult ainsy donner à croyre, et sur
+ la diversité des partys ausquelz elle pourroit entendre, et des
+ condicions qui auroient à se requérir, non seulement ceulx de son
+ conseil, mais ceulx de sa noblesse, et presque toutz ses
+ principaulx subjectz en sont en grand contention entre eulx, et
+ se bandent desjà en plusieurs conseils et assemblées secrectes
+ pour en tretter, sellon que le desir, ou de pourvoir à la
+ religion protestante; ou d'ayder à la catholique; ou de
+ préjudicier aulx tiltres prétendus de la succession de ce
+ royaulme; ou de favoriser les affaires de la Royne d'Escosse; ou
+ de nourryr amytié avec la France; ou bien de confirmer plus que
+ jamais celle de Bourgoigne; ou de n'innover rien au présent estat
+ de ce royaulme, qui est doulx à plusieurs, pousse les ungs et les
+ autres à interrompre ou bien advancer le propos.
+
+ Néantmoins, pour estre encores ceste matière trop peu meure, la
+ dicte Dame réserve la tenue de son parlement jusques en may ou
+ juing, pour en mieulx dellibérer, lequel aultrement debvoit estre
+ convoqué en ce moys de janvier, sur la nécessité d'avoir argent;
+ car l'Allemaigne et l'Escosse, despuys deux ans, luy ont assés
+ espuysé ses finances; et l'interruption du commerce n'a permiz
+ qu'elle les ayt peu remplyr, bien que, en certain propos, elle
+ m'a naguières donné entendre qu'elle avoit heu si peu de
+ nécessité, que encores n'avoit elle aulcunement touché aulx
+ deniers du Roy d'Espaigne.
+
+ Par lettres, naguières venues de dellà la mer, de divers lieux,
+ l'on est en diverses opinions, en ceste court, des choses
+ d'Allemaigne; car les ungs mandent que le duc d'Alve a
+ intelligence avec le duc de Sualsambourg, pensionnaire du Roy
+ d'Espaigne, contre la ville de Hembourg, parce qu'elle a receu le
+ commerce des Anglois, et est encores pleyne de leurs
+ merchandises, et si, a favorisé les pratiques du prince d'Orange,
+ et forny argent pour icelles contre les Pays Bas.
+
+ Les aultres escripvent que les princes et capitaines, qui lèvent
+ gens en Allemaigne, s'entendent avec le dict de Sualsambourg et
+ avec le comte de Vuandeberc, et que, soubz colleur, l'ung
+ d'assiéger Hembourg pour le roy de Danemarc, et l'aultre de
+ recouvrer ses terres, ilz se préparent toutz deux, et le roy de
+ Dannemarc aussi, à l'entreprinse des Pays Bas, avec le secours
+ que le Prince d'Orange, beau frère des trois, doibt admener
+ d'Allemaigne; et que icelluy roy de Dannemarc dellibère
+ d'interrompre toutz les trafficz d'Ostrelan, et des régions
+ froydes, aulx Flamans; et mesmes leur serrer une rivière, par où
+ ilz ont accoustumé de recouvrer leurs bledz et aultres
+ provisions, affin de commancer, de bonne heure, à leur retrancher
+ vivres.
+
+ Et adjouxtent que Monsieur, frère du Roy, n'est que bien disposé
+ à ceste entreprinse pour recouvrer ceste portion des dicts Pays
+ Bas, qui apartient à la couronne de France; et qu'il a suplié le
+ Roy de luy permettre de faire ung essay pour en agrandir son
+ appanaige, et d'y employer la gendarmerye, et ce grand nombre de
+ gens de guerre, qui sont meintennant en France, mesmes que les
+ Françoys ne desirent rien tant que cella; s'apercevans enfin des
+ tromperies et simulations du Roy d'Espaigne et de ses ministres,
+ et murmurans que les jours ont esté advancez à sa dernière femme,
+ Fille de France, par mauvais trettement qu'elle a reçeu avecques
+ luy, dont j'ay merveilleusement rejetté tout le contenu de cest
+ article, quant on m'en a parlé;
+
+ Et que le duc d'Alve, craignant ung si grand orage, commance de
+ mettre ung grand ordre à ses affaires, à recueillyr deniers et
+ armes de toutz costez, et faire secrecte description de gens de
+ guerre. Néantmoins l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, monstre
+ de ne croyre, en façon du monde, qu'il y ayt nulz aprestz contre
+ les Pays Bas, ains tout le contraire, ainsi que je l'ay mandé par
+ ma précédante dépesche, qu'encor qu'il pense bien qu'il ne
+ tiendroit aulx Anglois que telles choses ne fussent mises en
+ avant et exécutées, que néantmoins la Royne d'Angleterre n'y
+ veult advancer ses deniers contans, ni aultre chose que parolles
+ et promesses, qui ne sont suffizantes pour mouvoir les Allemans,
+ ni pour faire marcher une armée.
+
+ Comme, à la vérité, j'entendz que le capitaine, qui est icy pour
+ le duc Auguste, et qui asseure n'y avoir aulcune certitude de la
+ mort de son maistre, mais bien qu'il estoit fort mallade, n'a
+ esté encores guières bien respondu sur la pratique qu'il mène
+ d'avoir deniers pour les dicts aprestz d'Allemaigne; et si,
+ semble qu'il n'inciste pas fort que la dicte Dame veuille entrer
+ en nulle ligue avec les princes protestans, s'estant layssé
+ entendre que le dict duc Auguste aussi n'y entrera pas et qu'il
+ ne cerche que fère amys de toutz costez, pour s'en ayder au
+ besoing; néantmoins qu'il favorisera et assistera la dicte
+ entreprinse d'iceulx princes.
+
+ Le susdict ambassadeur d'Espaigne a heu adviz que Mr le cardinal
+ de Chatillon a proposé à ceste Royne, et à ceulx de son conseil,
+ s'ilz trouveroient bon que le comte Ludovic de Naussau vînt avec
+ aulcuns bons navyres de guerre de la Rochelle pour se joindre à
+ ceulx du Sr de Lumbres, affin de tenir ceste mer subjecte contre
+ le duc d'Alve à la dévotion toutesfoys de ce royaulme, et que
+ cella a esté bien receu du dict conseil et favorisé du comte de
+ Lestre, et qu'il entend qu'on arme à cest effect à la Rochelle
+ plusieurs navyres, chose qu'il estime ne pouvoir estre trouvée
+ bonne du Roy.
+
+ Les depputez de la Royne d'Escosse sont venuz plusieurs fois
+ prandre familièrement leur disner en mon logis, et m'ont, entre
+ aultres choses, remonstré qu'ilz sont envoyez, de la part des
+ principaux seigneurs de leur pays, pour assister au tretté et y
+ procurer la restitution de leur Mestresse, avec charge de
+ procéder en tout sellon qu'elle leur ordonnera, et avec article
+ espécial de ne faire rien au préjudice de l'alliance de France;
+ et qu'ilz supplient très humblement le Roy, qu'au cas que le dict
+ tretté ne succède, qu'il veuille avoir souvenance d'eulx; car ilz
+ disent avoir esté toutz essayez, l'ung après l'autre, par grandes
+ offres et présens, de la part de la Royne d'Angleterre, pour
+ suyvre son party, et qu'ilz ont tout rejetté, et ont choysy de
+ souffrir plustost toutes extrémitez que de quicter ung seul point
+ de l'alliance et dévotion qu'ilz ont à la couronne de France;
+
+ Et que les dicts seigneurs requièrent une chose de l'évesque de
+ Roz et de moy, c'est que nous les veuillons advertyr, de bonne
+ heure, s'il y aura apparance que le tretté ne succède, affin de
+ se pourvoir; et que, sans mettre le Roy en nulle guerre ouverte,
+ s'il luy playt les ayder, quelque temps, de quatre mil escuz par
+ mois, pour entretenir trois cens hommes dans le chasteau de
+ Lislebourg, et sept cens hommes en la campaigne, ilz promettent
+ de faire ce qui s'ensuyt:
+
+ Sçavoir, le lair de Granges, capitaine du dict chasteau de
+ Lislebourg, de surprendre les comtes de Lenoz et de Morthon, et
+ les mettre dans son dict chasteau, pour en faire ce que leur
+ Mestresse commandera, et de randre paysible et obéyssante la
+ ville de Lislebourg à la dicte Dame; les aultres seigneurs
+ qu'avec les sept centz hommes, ilz chasseront les Anglois de tout
+ le pays, estandront leur ligue, remettront partout l'authorité de
+ la Royne d'Escosse, de sorte qu'il ne se parlera plus que de luy
+ obéyr, et de demeurer fermes en l'alliance de France, et qu'ilz
+ réduyront, tout entièrement, le royaulme en l'estat qu'il estoit
+ auparavant, estantz toutz les principaulx de la noblesse de ce
+ desir, sinon le dict Lenoz, qui n'a, à présent, cinq cens escuz
+ de rante au dict pays, et Morthon, qui est homme nouveau et
+ sordide.
+
+ Le Roy d'Espaigne a escript à son ambassadeur, qui est icy, qu'il
+ le résolve clairement, et en brief, de ce qui se doibt espérer de
+ la restitution de la Royne d'Escosse, et en quoy l'on est du
+ tretté, monstrant qu'il a bien fort à cueur la matière; et
+ icelluy ambassadeur a dict à l'évesque de Roz que son Maistre ne
+ regarde sinon comme le Roy commancera d'y procéder, car, de sa
+ part, il y est tout prest et tout résolu. Et par lettre de Rome
+ s'entend que le Pape a desjà miz une provision de deniers ez
+ mains du duc d'Alve, pour ayder l'entreprinse sellon que l'ordre
+ en sera mandé par Ridolfy; lequel Ridolfy et les seigneurs
+ catholiques de ce pays, me recerchent fort de mettre en avant que
+ les deux Roys se veuillent entendre et se unyr à la dicte
+ entreprinse; ce que j'ayme mieulx qui me soit proposé par le dict
+ ambassadeur, qui ne m'en a parlé, longtemps y a, que non pas par
+ eulx.
+
+ Je ne puis encores juger au vray si la dellibération de la dicte
+ entreprinse est bien certaine, et moins encores quel événement
+ elle pourra avoir. Tant y a que, pour la conformité de celle
+ d'Yrlande, elle me semble trop esloignée du vraysemblable, et je
+ sens bien que les Escouçoys, doubtans du secours de France,
+ commancent fort d'espérer en cestuy cy; et le duc d'Alve leur a
+ desjà advancé quelques deniers, ainsy que je l'ay desjà escript.
+
+ AULTRE MÉMOIRE ET INSTRUCTION A PART:
+
+ Que le propos de maryer Monsieur avec la Royne, a prins son
+ commancement de ce que, ayant, en une mienne audience, parlé à la
+ dicte Dame des fianceailles du Roy, qui se debvoient faire à
+ Espire, après qu'elle se fût retirée avec ses dames, elle se
+ plaignit que, se faisans plusieurs honnorables mariages en la
+ Chrestienté, nul de son conseil ne luy parloit à elle de prandre
+ party, et que, si le comte de Sussex fût présent, au moins luy
+ ramentevroit il l'archiduc Charles.
+
+ Ce que ayant l'une des dames raporté au comte de Lestre, il
+ s'esforcea, le lendemain, affin de luy complayre, de luy remettre
+ si bien le dict archiduc en termes, que le voyage de Coban en fut
+ incontinent dressé; et, de là en avant, elle monstra, de plus en
+ plus, estre résolue de se maryer, et de parler d'affection de
+ l'archiduc, de sorte que le dict comte se repentyt assés d'en
+ avoir meu le propos.
+
+ Sur quoy arrivant le vydame de Chartres pour prandre congé
+ d'elle, il luy parla de Monsieur, frère du Roy, et en parla aussi
+ à plusieurs de son conseil, qui en furent les ungs bien ayses
+ pour traverser l'aultre propos, et les aultres marrys, qui ne
+ vouloient qu'on mit, en façon du monde, cestuy cy en avant.
+
+ Dont, après que le dict Coban fût de retour avec la responce de
+ reffuz, elle commança lors d'ouyr, avec plus d'affection, ceulx
+ qui luy proposoient Monsieur; et arrivant là dessus quelque
+ responce du vydame, et survenant, peu après, Mr le cardinal de
+ Chatillon, la matière s'est si bien eschauffée que la dicte Dame
+ ne parle plus que de luy, et a dict, tout hault, «que les siens
+ l'avoient souvant pressée de se maryer, mais puys après ilz y
+ avoient adjouxté tant de dures condicions qu'ilz l'en avoient
+ engardée, et qu'elle cognoistroit meintenant qui seroient ses
+ bons et fidelles subjectz, et les sauroit bien remarquer, et
+ qu'elle tiendroit pour desloyaux ceulx qui luy traverseroient ce
+ tant honnorable party».
+
+ Et comme l'une de ses dames regrettoit que Mon dict Seigneur
+ n'eust quelques ans davantaige, elle respondit:--«Il a vingt ans
+ qui en vallent vingt cinq, car il n'y a rien en son esprit, ny en
+ sa personne, qui ne soit d'homme de valleur.»
+
+ Et à milord Chamberland qui luy faisoit ung compte, comme Mon
+ dict Seigneur avoit faict une course jusques à Roan pour voir une
+ jeune flamande fort belle, que le père, craignant qu'elle ne se
+ derrobât pour le suyvre, l'avoit jettée en haste hors de la ville
+ et conduicte à Dièpe, où n'attendoit que le vent pour la passer
+ en Angleterre, l'une des dames respondit:--«Et bien c'est qu'il
+ n'est point paresseux pour aller voir les dames, il ne craindra
+ guières de passer la mer.»--«Ce ne seroit, respondit la Royne, à
+ mon proffict qu'il fût si dilligent, mais il n'en est pourtant
+ moins à priser.»
+
+ Et au baron de Vualfrind, lequel je luy présentay de la part du
+ Roy, après qu'elle luy eust assés amplement parlé du mariage de
+ l'archiduc, en une façon pleyne de jalouzie et de desdein,
+ réprouvant bien fort les nopces d'entre si prochains, comme
+ l'oncle et la niepce:--«Bien que le Roy d'Espaigne, disoit elle,
+ comme grand prince, eust possible estimé que son exemple
+ servyroit de loy au monde, mais c'estoit une loy contre le ciel;»
+ luy dit:--«Que l'archiduc luy estoit grandement obligé de ce que,
+ l'ayant reffusé, elle luy avoit faict trouver mieulx qu'elle, et
+ où l'amytié ne deffauldroit, car, s'ilz ne s'aymoient comme
+ espouzés, ilz s'aymeroient comme parans; et qu'elle espéroit
+ aussi trouver mieulx que luy, dont le regrect cesseroit des deux
+ costez.» Puys se corrigea que;--«A la vérité elle ne l'avoit pas
+ reffuzé, mais elle avoit bien différé la responce, et il ne
+ l'avoit vollue attandre; néantmoins elle ne lairroit d'aymer et
+ honnorer toutjour l'Empereur, et toute sa mayson, sans aulcun
+ excepter.»
+
+ Et, au retour de là, le dict sieur baron me demanda si je pensois
+ qu'elle eust parlé d'affection et avec jalouzie du dict archiduc,
+ ou bien par manière de deviz, et qu'il se repentoit de ne luy
+ avoir proposé le prince Rodolfe, qui a desjà dix sept ans. Je luy
+ respondiz que «le voyage, que le jeune Coban avoit dernièrement
+ faict devers l'Empereur, monstroit que, si l'archiduc eust vollu,
+ à ceste heure, entendre à ce party, qu'il eust esté accepté.»--Il
+ répliqua «qu'il en auroit doncques beaucoup de regrect, et qu'il
+ s'estoit trop hasté de s'obliger à celle de Bavière, bien qu'il
+ me vouloit dire que les conditions, sur lesquelles on le vouloit
+ maryer avec ceste Royne, estoient, à ce qu'il avoit ouy dire, si
+ dures et iniques qu'il eust esté trop plus subject que Roy.»
+
+ L'on me vient d'advertyr que, sabmedy dernier, se plaignant la
+ dicte Dame à l'admyralle Clinton et à milady Coban des
+ difficultez, qu'aulcuns des siens trouvoient au party de
+ Monsieur, comme trop jeune, elle les avoit conjuré de luy en dire
+ librement leur opinion, et que, comme les deux plus loyales, et
+ où elle se fyoit plus qu'en dames de ce monde, elles ne luy en
+ vollussent rien dissimuler; et que la dicte Clinton, luy ayant
+ fort loué ses perfections et confirmé grandement son opinion de
+ se maryer, avoit aprouvé entièrement qu'elle deût espouser
+ Monsieur; et que sa jeunesse ne luy debvoit faire peur, car il
+ estoit vertueux, et elle, pour luy en donner, en toutes sortes,
+ plus de satisfaction que nulle aultre princesse du monde ne
+ sçauroit faire. Ce que la dicte Dame avoit accepté avec tant de
+ démonstration de playsir, que milady Coban, n'y ozant rien
+ contradire, avoit seulement dict que les mariages estoient
+ toutjour mieulx faictz et plus plains de contantement, quant l'on
+ espousoit personne de âge pareil, ou aprochant au sien, que quant
+ il y avoit grande inégalité. A quoy elle avoit respondu:--«Qu'il
+ n'y avoit que dix ans de différant entre deux, et qu'il eust esté
+ fort à propos que ce eust esté luy qui les heût davantaige; mais,
+ puysqu'il playsoit à Dieu qu'elle fût la plus vielle, elle
+ espéroit qu'il se contenteroit des aultres advantaiges.»
+
+ Il semble que milord Boucard va par dellà fort pourveu de bonne
+ intention en cest endroict, et qu'il desire infinyement d'y estre
+ employé; et le secrétaire, qu'il mène, qui luy a esté ordonné par
+ la dicte Dame, s'est venu offryr à moy de servyr, en tout ce
+ qu'il pourra, jusques à la mort; et le Sr Cavalcanty y est plus
+ ardant que nul, mais je ne sçay s'il a encores descouvert en
+ quelle intention en est Cecille; tant y a que deppendant
+ entièrement de luy, il sera bon d'aller ung peu réservé en son
+ endroict, et néantmoins s'en servyr en ce que Leurs Majestez
+ cognoistront qu'il leur y pourra estre ministre commode et
+ opportun; car, oultre qu'il se dict très dévot à la France, et
+ péculier serviteur de la Royne, il est fort bien entendu ez
+ humeurs de deçà. Il n'a vollu partyr avec le dict Boucard pour
+ n'estre veu aller aulcunement pour ce fait, et m'a dict qu'il
+ n'est pas expressément commandé de faire le voyage, mais qu'on
+ est bien fort ayse qu'il le face, et il part demain matin.
+
+
+
+
+CLIXe DÉPESCHE
+
+--du XIIe jour de febvrier 1571.--
+
+(_Envoyée exprès par Jehan Volet jusques à Calais._)
+
+ Négociation de Walsingham, ambassadeur en France.--Affaires
+ d'Irlande; crainte des Anglais qu'une entreprise ne soit tentée
+ sur ce pays.--Affaires d'Écosse; retards apportés à la
+ conclusion du traité.--Ligue contre les Turcs.--Nouvelles
+ d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, par la première dépesche, que le Sr de Vualsinguan a faict par
+deçà[26], il s'est si grandement loué à la Royne, sa Mestresse, de
+l'honorable réception et des vertueuses responces qu'il a eues de
+Vostre Majesté, et des bons propos et démonstrations que la Royne,
+vostre Mère, et Monseigneur, luy ont usé, que le comte de Lestre m'a
+mandé qu'elle m'en rendra ung bien fort grand mercys, la première fois
+que je l'yray trouver, affin que je le vous face puys après entendre
+de sa part; et que je vous représante le grand contantement qu'elle en
+a reçeu, qui ne la pourriez, à ce qu'il dict, en nulle chose du monde
+plus grandement gratiffier que de favoriser ses ambassadeurs. Et n'ay
+point sçeu, à la vérité, Sire, que, pour ce commancement, il ayt donné
+que une bien fort bonne satisfaction de Voz Majestez à sa dicte
+Mestresse. Il est vray qu'il a asseuré la dicte Dame, ainsy qu'on m'a
+dict, que la pratique, que le capitaine La Roche mène en Yrlande,
+n'est incogneue en vostre court; de quoy aulcuns de son conseil luy
+ont vollu persuader qu'elle devoit donc révoquer milord de Boucard
+qui, pour ceste occasion, a esté arresté ung jour à Canturbery; mais
+elle a vollu qu'il ayt passé oultre, espérant que, sur ce qu'elle m'a
+naguières proposé d'icelluy faict, Vostre Majesté l'en satisfera
+bientost.
+
+ [26] Voir les _Mémoires et Instructions pour les ambassadeurs ou
+ Lettres et Négociations de Walsingham, ministre et secrétaire
+ d'état sous Élisabeth, reine d'Angleterre_, 1 vol. in-4º,
+ Amsterdam, 1700.
+
+La dicte Dame commance de tourner ses pensées aulx choses du dict pays
+d'Yrlande, car, oultre le faict du dict capitaine La Roche, elle a
+toutjours crainct que le Roy d'Espaigne se vouldroit revancher des
+prinses de mer par quelque entreprinse sur icelluy pays; et, encores,
+par le dernier courrier de Flandres, entendant que le duc d'Alve se
+monstroit si réfroydy en la composition des dictes prinses, que
+l'agent de la dicte Dame estoit sur le poinct de s'en revenir, sans
+avoir rien faict, elle en entroit en plus grande deffiance, mais ung
+aultre courrier extraordinaire en vient d'arriver, qui dict que
+icelluy agent a heu, despuys huict jours, une meilleure responce du
+dict duc. Néantmoins, estantz desjà aulcuns indices venuz à la dicte
+Dame de la dellibération du dict Roy d'Espaigne en cella, et luy en
+ayant Mr le cardinal de Chatillon, à ce qu'on m'a dict, mandé, despuys
+six jours, d'aultres certains adviz, elle monstre, à présent, de le
+croyre; dont a mandé à millord Sydney debitis d'Yrlande, qui estoit
+prest à s'en venir par deçà, de ne bouger de sa charge, et de pourvoir
+soigneusement à la garde du pays, et qu'elle donna promptement ordre
+qu'il luy soit envoyé tout ce qui luy sera besoing.
+
+Les choses d'Escosse se brouillent de nouveau, car ceulx du party de
+la Royne commancent de se revancher par dellà sur ceulx qui suyvent le
+party du comte de Lenoz, et le comte de Morthon, faisant le long à
+venir, prolonge icy beaucoup le tretté, ce qui donne cependant loysir
+à la comtesse de Lenoz et aulx siens de remettre en l'opinion de la
+Royne d'Angleterre plusieurs malles impressions contre la Royne
+d'Escosse, luy persuadant qu'elle aspire à sa vie et à la déboutter de
+son estat, si bien qu'elle en est entrée en de grandes souspeçons,
+mesmes contre ses plus intimes conseillers; qui faict que toute ceste
+court s'en trouve divisée et en grand perplexité. Dont les depputez de
+la dicte Royne d'Escosse, craignans qu'enfin cella n'admène une
+ropture du dict traicté, suplient, de rechef, très humblement Vostre
+Majesté, de les vouloir, de bonne heure, et par secrectz moyens,
+secourir de ceste provision de quatre mil escuz par moys, qu'ilz vous
+demandent, durant quelque temps, affin d'exécuter promptement ce
+qu'ilz ont projecté pour le restablissement de l'auctorité de leur
+Mestresse, et pour la conservation de leur pays, et pour l'honneur et
+la gloire de Vostre Majesté et de l'alliance qu'ilz ont avec vostre
+couronne; s'asseurans que la guerre ne durera jamais ung ou deux tiers
+d'an. Et m'ont proposé, au cas que voz présens affaires ne permissent,
+Sire, que les puyssiez si tost ayder de ceste somme, qu'il soit vostre
+bon playsir de la leur faire recouvrer sur l'afferme du douaire de
+leur Mestresse, en la faisant délivrer à quelques merchans pour deux
+ou trois ans à venir, moyennant qu'ilz advanceront les deniers,
+desquelz, s'il en debvoit survenir cy après nul intérest à Vostre
+Majesté, ou quelque diminution à leur dicte Mestresse, ilz se offrent
+de le faire rembourser par les Estatz de leur pays; et ne vous auront,
+à ce qu'ilz disent, moindre obligation que si le secours estoit tout
+entièrement sorty de voz propres finances. A quoy vous playrra, Sire,
+me faire respondre par voz premières, car, sellon que j'en entendray
+vostre vollonté, je les laysseray, ou bien les divertiray d'en envoyer
+poursuyvre le moyen par dellà, comme ilz ont dellibéré de faire.
+
+Il est nouvelles icy que l'Empereur a offert d'entrer en la ligue
+contre le Turq, et que, en propre personne, il luy commancera la
+guerre, pourveu que les confédérez luy veuillent souldoyer vingt mil
+hommes de pied, et luy donner douze mil escuz par moys, pour les
+aultres provisions de l'armée; et qu'il a esté de nouveau provoqué à
+cella, à l'ocasion de ce que le Turq luy a mandé qu'il ayt à luy
+remettre entièrement le tiltre du royaulme de Transilvanye, sans
+jamais plus le s'aproprier.
+
+L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a adviz que le comte de
+Sualsemberg, après avoir composé avec ceulx d'Embourg, pour quarante
+mil tallardz contants, et avec ceulx de Brème pour vingt cinq mil, a
+séparé ses gens; par ainsy, toute la peur de ceste guerre est
+estaincte. Sur ce, etc. Ce XIIe jour de febvrier 1571.
+
+
+
+
+CLXe DÉPESCHE
+
+--du XVIIe jour de febvrier 1571.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par Bon Jehan._)
+
+ Affaires d'Écosse.--Efforts de l'ambassadeur pour empêcher que le
+ prince d'Écosse ne soit livré à la reine
+ d'Angleterre.--Sollicitation faite par le duc d'Albe, au nom du
+ roi d'Espagne, en faveur de Marie Stuart.--Négociation des
+ Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, par la dépesche de Vostre Majesté, du premier de ce mois, que le
+Sr de Sabran m'a apportée, il m'a esté si sagement et avec tant de
+bonnes considérations satisfaict sur tout ce que, par mes précédantes,
+jusques au vingt quatriesme du passé, je vous avois escript de l'estat
+des choses de deçà, qu'il ne me reste rien à présent que de bien
+ensuyvre ce que clairement et fort exprès il vous playt m'en
+commander, qui mettray peine, Sire, que vous y soyez le plus
+exactement bien servy qu'il me sera possible; seulement je me trouve
+empesché du faict du petit Prince d'Escosse, lequel je vous suplie
+très humblement, Sire, de croyre que j'ay travaillé aultant que j'ay
+peu, et sans trop me descouvrir, à disposer icy les depputez de la
+Royne, sa mère, et ay pareillement envoyé disposer ceulx de l'aultre
+party jusques en Escosse, pour s'opposer à ce qu'il ne soit admené par
+deçà, et n'ay obmiz nul des inconvéniens qui en pourroient advenir,
+que je ne les leur aye toutz représentez; et ay sondé si avant iceulx
+depputez de la dicte Dame qu'ilz m'ont confessé que les seigneurs qui
+les ont envoyez, déclairent, en ung article de leur instruction,
+qu'ilz ne le peuvent consentyr; néantmoins qu'ilz leur ont baillé
+pouvoir, à part, d'en user comme la Royne, leur Mestresse, leur
+ordonnera; et m'ont remonstré que, demeurant les choses en l'estat
+qu'elles sont, la Royne d'Angleterre tient en ses mains la mère, le
+filz et le royaulme, et a desjà estably un sien subject pour régent au
+pays, et qu'ilz ne peuvent, sans ung notable secours de Vostre
+Majesté, plus différer de se soubmettre eulx mesmes à ce que la dicte
+Royne d'Angleterre vouldra: sçavoir est, d'obéyr au dict régent, et
+recognoistre le jeune Prince pour leur Roy, si, d'avanture, leur
+Mestresse n'est bientost restituée; et que, si le tretté n'eust esté
+miz en avant, par lequel l'armée d'Angleterre a esté retirée, il est
+sans doubte qu'ilz se fussent desjà toutz rangez à ce party, de sorte,
+Sire, qu'il ne se fault guières attandre que, du costé de la Royne
+d'Escosse, laquelle a desjà baillé son consentz, ny de ceulx qui
+tiennent pour elle, il se face grande résistance à cest article; qui
+est néantmoins le principal, auquel la Royne d'Angleterre et les siens
+incistent, et sans lequel elle monstre de vouloir poursuyvre ses
+entreprinses, ainsy qu'elle les a commancées au dict pays.
+
+Je verray ce que je pourray faire secrectement avec les depputez de
+l'aultre party, qui ne sont encores arrivez, mais l'on les attand dans
+quatre jours; car il est nouvelles qu'ilz ont desjà passé Barwich, et
+ne voys point, Sire, qu'il reste plus de ce costé nul moyen en cecy,
+que je ne l'aye desjà tanté; dont adviserez s'il s'en pourra trouver
+quelcun aultre d'ailleurs qui y puysse mieulx remédier.
+
+Au regard de l'article de la ligue, j'en useray tout ainsy, sans plus
+ny moins, qu'il vous playst me le prescrire, et semble bien que desjà,
+sur les fermes et résoluz propos, que j'en ay tenuz à la Royne
+d'Angleterre et aulx siens, ilz soyent en quelques termes de n'en
+parler point.
+
+L'évesque de Roz est allé presser les seigneurs de ce conseil de
+vouloir commancer le dict tretté, plus pour cognoistre si leur
+Mestresse avoit changé de vollonté que pour espérance de rien faire,
+jusques à ce que les aultres soyent icy; et a trouvé qu'à leur arrivée
+elle dellibère de passer oultre, meue beaucoup plus des difficultez,
+qui surviennent chacun jour plus grandes, et en Escosse, et en son
+pays, que de bonne affection qu'elle y ayt; et luy ont iceulx du dict
+conseil dict deux choses: l'une, qu'il ne fault que la Royne, sa
+Mestresse, escoutte les conseilz qu'on luy mandra de dellà la mer, de
+ne consentyr que son filz viegne en Angleterre, car, sans ce poinct,
+qui estoit desjà accordé par elle, il ne fault plus parler de tretté;
+la segonde, qu'elle veuille délaysser du tout la pratique de se maryer
+avec dom Joan d'Austria, et n'ouyr plus sur cella Mr le cardinal de
+Lorrayne, qui en renouvelle, à ce qu'ilz disent, encores à présent le
+propos. A quoy il a respondu en général, que, si la Royne d'Angleterre
+veult bien user envers sa Mestresse, elle se peult asseurer qu'elle la
+trouvera toute disposée à son amytié, et à faire toutes choses à son
+contantement.
+
+Or, a le duc d'Alve escript, par le dernier ordinaire, une lettre à la
+Royne d'Angleterre, en laquelle, entre aultres choses, il luy faict
+entendre la charge, qu'il a du Roy d'Espaigne son Maistre, de la prier
+bien fort affectueusement qu'elle veuille condescendre à quelque bon
+accord avec la Royne d'Escosse, et luy moyéner sa restitution; et
+qu'une des choses qu'il désire aultant à ceste heure est de les voir
+elles deux et leur deux royaulmes en bonne paix et unyon, en quoy,
+s'il se peult rien ayder et servyr, il offre de bon cueur s'y
+employer. Je n'ay encores aprins les aultres particullaritez de la
+dicte lettre, sinon qu'on m'a asseuré que la dicte Dame l'a heue fort
+agréable, et que le secrétaire Cecille a dict que le duc d'Alve se
+monstre à ceste heure fort rabillé vers elle, et la recherche beaucoup
+d'amytié; et que sur ce que Me Prestal l'avoit, puys peu de jours,
+vollu estreindre à quelques pratiques avec les rebelles d'Angleterre
+et d'Yrlande, et avec les Escouçoys du party de la Royne, il n'y avoit
+vollu entendre. Ce qui faict meintenant, Sire, que ceulx cy se
+rasseurent des choses d'Yrlande; et à la vérité, la comtesse de
+Northomberland, et aulcuns fuytifz, qui sont en Flandres, ont
+naguières escript que le Roy d'Espaigne a bien bonne affection de les
+secourir et d'entreprendre en Yrlande, mais que le duc d'Alve en
+estoit tout réfroydy, et qu'il leur est besoing d'envoyer ung
+personnaige de bonne qualité en Espaigne pour négocier, par eulx
+mesmes, leur affaire avec le Roy d'Espaigne. Je ne sçay s'ilz auront
+esleu à cella millord de Sethon; tant y a que je vous puys asseurer,
+Sire, qu'il estoit, le XXIIIe du passé, au logis de l'ambassadeur
+d'Escosse à Paris, possible qu'il aura passé oultre.
+
+L'accord des prinses estoit venu à une manifeste ropture avec le
+depputé de ceste Royne, qui s'estoit desjà acheminé pour s'en
+retourner, sans avoir rien faict, quant le duc d'Alve l'a contremandé
+pour luy dire qu'il avoit receu nouvelles lettres d'Espaigne, par
+lesquelles il luy vouloit bien signiffier la bonne intention du Roy,
+son Maistre, envers la Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, et comme il
+avoit desir d'accorder à toutes les choses raysonnables qu'elle
+vouloit; par ainsy que les difficultez seroient bientost vuydées, et
+qu'il envoyeroit un notable conseiller par deçà pour l'accommodement
+de toutes choses; dont s'attand, à ceste heure icy, l'arrivée du Sr
+Suenegheme de Bruges, qui vient avec le dict depputé d'Angleterre. Sur
+ce, etc. Ce XVIIe jour de febvrier 1571.
+
+
+
+
+CLXIe DÉPESCHE
+
+--du XXIIIe jour de febvrier 1571.--
+
+(_Envoyée exprès jusques à Calais par ung gentilhomme escouçoys._)
+
+ Audience.--Assurances d'amitié.--Maladie de la reine de
+ France.--Désaveu du roi au sujet de la descente des Bretons en
+ Irlande.--Satisfaction d'Élisabeth à raison du refus qu'aurait
+ fait le duc d'Anjou de se mettre à la tête d'une entreprise sur
+ l'Irlande.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, à la dellibération, que j'avois, d'aller trouver la Royne
+d'Angleterre sur ce que le Sr de Sabran m'avoit apporté, il m'y est
+encores venue nouvelle occasion, par la dépesche suyvante, que j'ay
+cependant receue de Vostre Majesté, du VIIIe de ce moys, de laquelle
+j'ay faict de tout ung avec la première; et n'ay séparé les poinctz de
+l'une ny de l'aultre, sinon par l'ordre que je les ay trouvez en
+icelles, qui y sont si bien et si distinctement comprins, qu'il n'a
+esté besoing d'y adjouxter du mien que seulement ce que j'ay estimé à
+propos pour les faire bien prandre à la dicte Dame.
+
+Laquelle m'a respondu, quant au premier, qu'elle avoit ung singulier
+playsir que ses ambassadeurs vous eussent bien signiffié la droicte
+intention, qu'elle a, à la commune paix d'entre Voz Majestez, et à
+celle particulière de vostre royaulme; et qu'elle vous prie, Sire, de
+croyre que, quant au debvoir de persévérer en vostre amytié, et à
+desirer le bien et establissement de voz affaires, qu'elle y est si
+parfaictement disposée que nul du monde ne le sçauroit estre
+davantaige; et que vous cognoistrez qu'elle l'a desjà ainsy monstré
+par effectz, quant plusieurs choses, de celles qui ont passé despuys
+trois ans, vous seront mieulx cogneues qu'elles ne le sont à présent;
+et qu'elle vous promect, pour l'advenir, qu'il ne sortyra, de son
+costé, occasion aulcune, par où vostre dicte amytié puysse estre
+offancée, pourveu que vous ne veuillez poinct offancer la sienne;
+qu'elle avoit grande occasion de vous remercyer de ce qu'il vous avoit
+pleu fort favorablement licencier l'ung de ses ambassadeurs, et
+recepvoir avec mesme faveur l'aultre, et de ce, encores, qu'avez
+commancé de faire honorer grandement milord Boucart à Callais, à
+Bolloigne et à Montrueil; dont il luy avoit escript le bon trettement
+qu'on luy avoit faict en ces trois villes, et que Vostre Majesté aussi
+ne trouveroit en eulx, s'ilz ne veulent estre traystres à elle et
+désobéyssans à ses commandemens, que toute disposition de vous honorer
+et servyr, et vous complayre en tout ce qu'il leur sera possible; que
+la nouvelle que je luy apportois de la malladye de la Royne, à ceste
+heure qu'elle guérissoit et alloit en amandant, n'estoit si facheuse à
+ouyr, comme si je la luy eusse dicte, quant elle estoit en dangier,
+dont elle prioyt Dieu pour sa convalescence, comme pour la sienne
+propre; et que Dieu vous avoit vollu tempérer à toutz deux, par ce
+petit ennuy, le grand ayse de vostre mariage, affin de le vous randre
+meilleur et de plus de durée cy après; qu'encor que le sacre et
+couronnement d'elle, et son entrée fussent remiz à une aultre foys,
+et que ceulx, qu'elle a envoyez par dellà, ne puyssent voir toutz les
+triomphes qu'ilz s'attandoient, elle toutesfois ne vouldroit avoir
+différé davantaige la conjoyssance de voz nopces, ny de la venue de la
+Royne, pour ne deffaillir à ce que, non moins de son affection que de
+son debvoir, elle estimoit estre tenue en cella; au demeurant, qu'elle
+demeuroit très contante et bien satisfaicte de la responce, que vous
+luy faisiez sur les choses d'Yrlande, et encores plus de ce qu'elle
+s'asseuroit que Vostre Majesté l'accomplyroit ainsy par oeuvre, comme
+elle avoit desjà entendu que, sur ce que Mr le cardinal de Lorrayne et
+Mr le Nunce et l'arsevesque de Glasco avoient naguières proposé à
+Monsieur, frère de Vostre Majesté, de faire une entreprinse au dict
+pays, il avoit esté si vertueulx et si sage, qu'il n'y avoit vollu
+entendre, ny Voz Majestez Très Chrestiennes y prester l'oreille, dont
+ne vouloit obmettre de vous en remercyer toutz trois de tout son
+cueur; mais pourtant elle n'avoit vollu ottroyer de saufconduict au
+dict arsevesque de Glasco, bien que la Royne d'Escosse le luy eust
+fort instantment faict demander par l'évesque de Ross; car avoit
+opinion que c'estoit plus pour venir interrompre le tretté que pour
+l'advancer; et que, estant le comte de Morthon prest à arriver dans
+peu d'heures, l'on procèderoit incontinent au dict tretté avec le plus
+d'expédition que faire se pourroit.
+
+Je luy ay seulement répliqué, Sire, quant à l'entreprinse, qu'elle
+disoit avoir esté proposée à Monsieur, si elle sçavoit à la vérité que
+cella fût vray, et m'ayant soubdainement respondu que _ouy_, tant
+certainement que mesmes elle avoit par escript le mesmes propos, qui
+luy en avoit esté tenu, j'ay suyvy à luy dire qu'elle prînt bien
+garde que cella ne procédast de quelque mauvaise boutique pour cuyder
+luy en mettre la jalouzie dans le cueur, car Mr le cardinal estoit ung
+si prudent et si advisé seigneur en ses conseilz, qu'à peyne en avoit
+il miz ung tel en avant à Monsieur, en temps de si bonne paix;
+néantmoins, commant que la chose allât, elle voyoit que Vostre Majesté
+faisoit ung grand fondement de la parolle, que luy aviez donnée, de
+désister de toute entreprinse d'armes, jusques à ce que le traicté fût
+achevé, et que vous faisiez aussi pareil estat de celle que vous aviez
+d'elle, pour la liberté et restitution de la Royne d'Escosse; dont je
+la suplyois qu'elle y vollust meintenant mettre le desiré effect, que
+Vostre Majesté attandoit de sa bonté et de sa promesse.
+
+Elle m'a respondu qu'elle voyoit bien que Vostre Majesté ne pourroit
+jamais oublyer cest affaire, parce qu'il y en avoit assés qui le vous
+recordoient, et qu'elle espéroit qu'il s'acommoderoit bientost, non
+sans qu'on se mouquast assés par tout le monde d'elle, d'estre si
+indulgente et facille envers celle qui l'a infinyement offancée; qu'au
+reste elle recepvoit ung singulier playsir d'entendre que Vostre
+Majesté eust une si vertueuse et si droicte intention à la réunyon de
+l'esglize, comme je le luy asseuroys, qui ne pourroit estre que cella
+n'admenast ung grand bien à la Chrestienté, et qu'elle vous y
+correspondroit de sa part, avec telle affection et promptitude, comme
+vous le pourriez desirer; qui pourtant vous prioyt de persévérer en ce
+sainct propos, et ne vous laysser persuader à ceulx qui vous y
+vouldroient proposer les armes.
+
+Et ainsy me suys gracieusement licencié de la dicte Dame, mais j'ay
+comprins despuys, par aulcuns propos du secrétaire Cecille, qu'elle
+avoit heu ung singulier playsir que Vostre Majesté n'a advoué les
+choses d'Yrlande, parce qu'elle a envoyé pour surprendre ce qui s'y
+trouvera de Bretons et estrangiers pour les chastier. La dicte Dame a
+faict dépescher lettres à toutes ses provinces pour convoquer ung
+parlement, au deuxiesme jour d'avril prochain, en ceste ville de
+Londres, avec secret mandement de n'eslire aulcun depputé, qui ne soit
+déclairé protestant. Elle estime que la tenue d'icelluy ne sera que de
+dix jours, dedans lesquelz elle espère avoir obtenu ce qu'elle
+prétend, de quelque subvention de deniers; d'un decrect sur les biens
+et personnes des fugitifz; et sur quelque reiglement plus estroict en
+leur religion; qui sont les trois poinctz pour lesquelz l'assemblée se
+faict. Les commissaires de Flandres ne sont encores venuz, mais l'on
+me vient d'advertyr que le comte de Morthon est tout meintenant
+arrivé. Sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de febvrier 1571.
+
+
+FIN DU TROISIÈME VOLUME.
+
+
+
+
+TABLE DES MATIÈRES DU TROISIÈME VOLUME.
+
+
+ANNÉE 1570.
+
+ Pages
+ 81e _Dépêche._--4 janvier.--
+
+ AU ROI. 1
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 6
+ Nouvelles de la Rochelle. _Ib._
+ Déroute des révoltés du nord. 7
+
+ 82e _Dépêche._--10 janvier.--
+
+ AU ROI. 10
+ Nouvelles du nord. 10
+
+ A LA REINE. 12
+ Craintes des Anglais. 13
+
+ 83e _Dépêche._--15 janvier.--
+
+ AU ROI. 14
+ Le comte de Northumberland prisonnier. 15
+ Affaires d'Allemagne et des Pays-Bas. 16
+
+ A LA REINE. 18
+ Affaires de la Rochelle. _Ib._
+
+
+ 84e _Dépêche._--21 janvier.--
+
+ AU ROI. 20
+ Exécutions dans le nord. 21
+
+ A LA REINE. 24
+ Propositions faites à Marie Stuart. _Ib._
+ _Lettre en chiffre._ 26
+ _Mémoire secret._ 27
+ Projets du duc d'Albe. 29
+ Proposition d'une ligue avec l'Espagne contre l'Angleterre. _Ib._
+
+ 85e _Dépêche._--28 janvier.--
+
+ AU ROI. 33
+ Mission de Mr de Montlouet. _Ib._
+ Nouvelles d'Allemagne. 35
+
+ 86e _Dépêche._--2 février.--
+
+ AU ROI. 37
+ Audience. _Ib._
+ Mort du comte de Murray. 39
+
+ A LA REINE. 40
+ Affaires d'Écosse. _Ib._
+
+ 87e Dépêche.--10 février.--
+
+ AU ROI. 41
+ Audience. _Ib._
+ Arrestation de l'évêque de Ross. 43
+
+ A LA REINE. _Ib._
+ Préparatifs contre l'Écosse. 44
+ _Note._ État général des affaires. 45
+
+ 88e _Dépêche._--13 février.--
+
+ AU ROI. 47
+ Négociation avec les Pays-Bas. _Ib._
+ Affaires d'Écosse. 49
+
+ 89e _Dépêche._--17 février.--
+
+ AU ROI. 50
+ Sollicitations des protestans. 51
+ Préparatifs de guerre. 52
+
+ A LA REINE. 55
+ Divisions en Angleterre. _Ib._
+ _Mémoire général_ sur l'état des affaires. 54
+
+ 90e _Dépêche._--22 février.--
+
+ AU ROI. 58
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 61
+ Affaires de Marie Stuart. 62
+
+ 91e _Dépêche._--26 février.--
+
+ AU ROI. 63
+ Affaires de la Rochelle. _Ib._
+ Instances de Marie Stuart. 66
+
+ 92e _Dépêche._--28 février.--
+
+ AU ROI. 67
+ Défaite de lord Dacre. _Ib._
+
+ 93e _Dépêche._--4 mars.--
+
+ AU ROI. 69
+ Affaires d'Écosse. _Ib._
+
+ A LA REINE. 71
+ Changement dans les dispositions d'Élisabeth. _Ib._
+ _Mémoire._ Préparatifs de guerre en Angleterre. 72
+ _Mémoire secret._ Projet pour le rétablissement de
+ Marie Stuart en Écosse, et de la religion catholique
+ en Angleterre. 76
+
+ 94e _Dépêche._--9 mars.--
+
+ AU ROI. 79
+ Continuation des préparatifs de guerre. _Ib._
+
+ 95e _Dépêche._--14 mars.--
+
+ AU ROI. 82
+ Satisfaction donnée à Élisabeth. _Ib._
+ Affaires d'Écosse. 83
+
+ 96e _Dépêche._--19 mars.--
+
+ AU ROI. 85
+ Nouvelles d'Allemagne. 86
+ Succès des révoltés en Irlande. 87
+
+ 97e _Dépêche._--27 mars.--
+
+ AU ROI. 88
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE (_lettre secrète_) 94
+ Avis d'une levée d'armes en Allemagne. _Ib._
+ _Mémoire_ sur les troubles du nord. 95
+ _Mémoire secret._ Avis du duc d'Albe; propositions de
+ Cécil et de Leicester; projets des seigneurs catholiques. 98
+
+ 98e _Dépêche._--31 mars.--
+
+ AU ROI. 103
+ Modération d'Élisabeth. _Ib._
+ Le comte d'Arundel mis en liberté. 104
+
+ 99e _Dépêche._--4 avril.--
+
+ AU ROI. 106
+ Faveur du comte d'Arundel. _Ib._
+ Projet contre l'Écosse. 107
+
+ 100e _Dépêche._--9 avril.--
+
+ AU ROI. 110
+ Préparatifs de guerre. _Ib._
+ 101e _Dépêche._--13 avril.--
+
+ AU ROI. 113
+ Continuation des préparatifs. _Ib._
+ Nouvelles des protestans de France. 114
+
+ 102e _Dépêche._--18 avril.--
+
+ AU ROI. 116
+ Nouvelles d'Écosse. _Ib._
+
+ A LA REINE. 120
+ Nécessité de la paix en France. 121
+ _Lettre secrète._ 122
+ _Mémoire._ Résolution du conseil d'Angleterre. _Ib._
+ _Mémoire secret_ sur divers projets de mariage. 125
+
+ 103e _Dépêche._--25 avril.--
+
+ AU ROI. 128
+ Prise d'armes contre l'Écosse. _Ib._
+
+ 104e _Dépêche._--27 avril.--
+
+ AU ROI. 130
+ État des partis en Écosse. _Ib._
+
+ 105e _Dépêche._--5 mai.--
+
+ AU ROI. 133
+ Audience. _Ib._
+ Nouvelles d'Écosse. 137
+
+ 106e _Dépêche._--8 mai.--
+
+ AU ROI. 138
+ Débats dans le conseil. _Ib._
+ Première invasion en Écosse. 139
+
+ A LA REINE. 142
+ Déclaration du roi touchant l'Écosse. _Ib._
+ _Mémoire général._ 144
+ _Mémoire secret_ sur la déclaration du roi. 148
+
+ 107e _Dépêche._--13 mai.--
+
+ AU ROI. 150
+ Nouvelles de l'invasion. _Ib._
+
+ 108e _Dépêche_.--17 mai.--
+
+ AU ROI. 154
+ Hésitation d'Élisabeth à poursuivre son entreprise
+ sur l'Écosse. _Ib._
+
+ 109e _Dépêche_.--22 mai.--
+
+ AU ROI. 157
+ Proposition d'un accord touchant Marie Stuart et l'Écosse. _Ib._
+
+ 110e _Dépêche_.--27 mai.--
+
+ AU ROI. 161
+ L'évêque de Ross mis en liberté. 163
+ Audience. _Ib._
+ Résolution du conseil d'éviter la guerre. 168
+ _Traité_ concernant l'Écosse. 169
+
+ 111e _Dépêche_.--1er juin.--
+
+ AU ROI. 171
+ Affaires d'Écosse. _Ib._
+ Exécution des Northon. 173
+ Bulle qui déclare Élisabeth hérétique. _Ib._
+
+ 112e _Dépêche_.--5 juin.
+
+ AU ROI. 174
+ Maintien du traité conclu. 175
+ Audience accordée à l'évêque de Ross. 176
+
+ 113e _Dépêche_.--11 juin.--
+
+ AU ROI. 178
+ Liberté de l'évêque de Ross. 179
+ Conditions de la restitution de Marie Stuart. _Ib._
+ Interrogatoire du duc de Norfolk. 180
+ _Mémoire général._ 181
+ _Mémoire secret._ Discussion sur le traité. 185
+
+ 114e _Dépêche_.--16 juin.--
+
+ AU ROI. 192
+ Changement dans les résolutions d'Élisabeth. _Ib._
+
+ A LA REINE. 196
+ Mesures de rigueur contre les catholiques. _Ib._
+
+ 115e _Dépêche_.--19 juin.--
+
+ AU ROI. 198
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 203
+ Nouvelles de la Rochelle. 204
+
+ 116e _Dépêche_.--21 juin.--
+
+ AU ROI. 206
+ Expédition de Bretagne. _Ib._
+ Nouvelles d'Allemagne. 208
+
+ A LA REINE (_Lettre secrète_) 209
+ Projets des protestans de France. _Ib._
+
+ 117e _Dépêche_.--25 juin.--
+
+ AU ROI. 212
+ Conditions du traité pour Marie Stuart. 214
+ Nouvelles d'Allemagne. 215
+
+ 118e _Dépêche_.--29 juin.--
+
+ AU ROI. 216
+ Audience. _Ib._
+
+ 119e _Dépêche_.--5 juillet.--
+
+ AU ROI. 222
+ Négociation touchant l'Écosse. _Ib._
+ _Mémoire général._ 223
+ _Mémoire secret._ Articles concernant Marie Stuart. 228
+
+ 120e _Dépêche_.--9 juillet.--
+
+ AU ROI. 230
+ Mission de Mr de Poigny. _Ib._
+ Combat de Sainte-Gemme, près Luçon. 232
+ Déclaration du duc d'Albe. 233
+
+ 121e _Dépêche_.--14 juillet.--
+
+ AU ROI. 234
+ Audience. _Ib._
+
+ 122e _Dépêche_.--19 juillet.--
+
+ AU ROI. 240
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 244
+ Espoir de la restitution de Marie Stuart. _Ib._
+
+ 123e _Dépêche_.--25 juillet.--
+
+ AU ROI. 246
+ Délibération concernant le duc de Norfolk. _Ib._
+ Préparatifs de guerre. 247
+ Nouvelles d'Allemagne. 248
+ _Mémoire général._ 250
+ _Mémoire secret._ Intrigues de l'Espagne. 254
+ Dispositions du cardinal de Chatillon. 256
+
+ 124e _Dépêche_.--30 juillet.--
+
+ AU ROI. 258
+ Crainte en Angleterre d'une ligue générale; armemens. _Ib._
+
+ 125e _Dépêche_.--6 août.--
+
+ AU ROI. 263
+ Visite de Mr de Poigny à Marie Stuart. _Ib._
+ Audience. 264
+
+ 126e _Dépêche_.--11 août.--
+
+ AU ROI. 269
+ Force de la flotte armée en guerre. _Ib._
+ Paix de France. 272
+ Exécution de Felton. 273
+
+ 127e _Dépêche_.--14 août.--
+
+ AU ROI. 274
+ Mission de Walsingham en France. _Ib._
+
+ 128e _Dépêche_.--18 août.--
+
+ AU ROI. 275
+ Audience. 276
+
+ A LA REINE. 278
+ Doutes sur la paix de France. 279
+
+ 129e _Dépêche_.--21 août.--
+
+ AU ROI. 280
+ Instructions de Walsingham. 281
+ Affaires d'Écosse. 283
+
+ A LA REINE. 284
+ Effet de la pacification. _Ib._
+
+ 130e _Dépêche_.--26 août.--
+
+ AU ROI. 285
+ D'une entreprise sur Calais. _Ib._
+ Instances de Marie Stuart. 287
+
+ 131e _Dépêche_.--5 septembre.--
+
+ AU ROI. 289
+ Audience. 290
+ Deuxième invasion en Écosse. 294
+ _Mémoire général._ _Ib._
+ _Mémoire secret._ Dévouement du duc de Norfolk à
+ Marie Stuart; projet de l'Espagne contre l'Angleterre. 299
+
+ 132e _Dépêche_.--10 septemb.--
+
+ AU ROI. 302
+ Mission de sir Henri Coban aux Pays-Bas. _Ib._
+ Troisième invasion en Écosse. 304
+
+ 133e _Dépêche_.--15 septemb.--
+
+ AU ROI. 304
+ Sortie de la flotte. _Ib._
+ Explications sur la dernière invasion en Écosse. 307
+ Message du cardinal de Chatillon. 308
+
+ 134e _Dépêche_.--19 septemb.--
+
+ AU ROI. 309
+ Négociation avec l'Espagne. 310
+ Affaires d'Écosse. 311
+
+ 135e _Dépêche_.--24 septemb.--
+
+ AU ROI. 313
+ Mouvement au pays de Lancastre. _Ib._
+ Conférence avec le cardinal de Chatillon. 314
+
+ 136e _Dépêche_.--29 septemb.--
+
+ AU ROI. 317
+ Négociation des Pays-Bas. 318
+ Mission de Mr de Vérac en Écosse. 319
+
+ 137e _Dépêche_.--5 octobre.--
+
+ AU ROI. 320
+ Retour de Walsingham. _Ib._
+ Cécil envoyé vers Marie Stuart. 321
+ Nouvelles d'Allemagne. 322
+
+ 138e _Dépêche_.--10 octobre.--
+
+ AU ROI. 323
+ Passage de la reine d'Espagne. 324
+ Prises faites par le capitaine Sores. 326
+
+ 139e _Dépêche_.--16 octobre.--
+
+ AU ROI. 327
+ Conditions proposées à Marie Stuart. 328
+ Soulèvement au pays de Lancastre. 330
+ _Mémoire général._ Intrigues de l'Espagne, affaires
+ d'Écosse. 331
+
+ 140e _Dépêche_.--17 octobre.--
+
+ AU ROI. 336
+ De l'alliance d'Écosse. 337
+
+ 141e _Dépêche_.--25 octobre.--
+
+ AU ROI. 339
+ Audience. _Ib._
+
+ 142e _Dépêche_.--30 octobre.--
+
+ AU ROI. 346
+ Négociation de Marie Stuart. _Ib._
+ Nouvelles d'Allemagne. 348
+
+ 143e _Dépêche_.--9 novembre.--
+
+ AU ROI. 350
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 355
+ Nouveaux détails d'audience. _Ib._
+ _Lettre secrète._ Proposition du mariage du duc d'Anjou
+ avec Élisabeth. 357
+ _Mémoire général._ 360
+
+ 144e _Dépêche_.--14 novemb.--
+
+ AU ROI. 365
+ Articles proposés à Marie Stuart. _Ib._
+ Nouvelles des Pays-Bas. 369
+
+ 145e _Dépêche_.--19 novemb.--
+
+ AU ROI. 371
+ Mission de lord Seyton. 373
+
+ 146e _Dépêche_.--25 novemb.--
+
+ AU ROI. 376
+ Déclaration du roi concernant l'Écosse. _Ib._
+
+ A LA REINE. 380
+ Détails d'audience. _Ib._
+
+ 147e _Dépêche_.--30 novembre.--
+
+ AU ROI. 382
+ Audience. 383
+ _Mémoire général._ Projet des catholiques dans
+ le pays de Lancastre;--Opinions émises dans le conseil
+ contre Marie Stuart;--Négociations de l'Angleterre avec
+ l'Espagne. 389
+
+ 148e _Dépêche_.--7 décembre.--
+
+ AU ROI. 394
+ Maladie de Marie Stuart. 397
+ Affaires des Pays-Bas et d'Allemagne. 398
+
+ 149e _Dépêche_.--13 décemb.--
+
+ AU ROI. 399
+ Négociation de Marie Stuart. _Ib._
+ Retour de sir Henri Coban. 400
+
+ 150e _Dépêche_.--18 décemb.--
+
+ AU ROI. 403
+ Préparatifs de départ de lord Buchard. _Ib._
+ Nouvelles d'Irlande. 405
+
+ 151e _Dépêche_.--23 décemb.--
+
+ AU ROI. 407
+ Rapport de Coban à son retour d'Allemagne. _Ib._
+ Instructions de lord Buchard. 408
+
+ 152e _Dépêche_.--29 décemb.--
+
+ AU ROI. 410
+ Audience. 411
+
+ A LA REINE (_lettre secrète_). 414
+ Négociation du mariage du duc d'Anjou. _Ib._
+ _Mémoire général._ 421
+
+ANNÉE 1571.--PREMIÈRE PARTIE.
+
+ 153e _Dépêche_.--6 janvier.--
+
+ AU ROI. 426
+ Nouvelles d'Espagne. _Ib._
+ Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande. 427
+
+ 154e _Dépêche_.--13 janvier.--
+
+ AU ROI. 428
+ Affaires d'Écosse. _Ib._
+ Mission de lord Seyton. 429
+ Nouvelles d'Allemagne. 431
+
+ A LA REINE (_lettre secrète_). 432
+ Négociation du mariage. _Ib._
+
+ 155e _Dépêche_.--18 janvier.--
+
+ AU ROI. 433
+ Audience. _Ib._
+ Prise d'armes des Gueux. 437
+
+ A LA REINE (_lettre secrète_). 438
+ Négociation du mariage. _Ib._
+
+ 156e _Dépêche_.--23 janvier.--
+
+ AU ROI. 443
+ Audience. 444
+
+ A LA REINE (_lettre secrète_). 447
+ Négociation du mariage. _Ib._
+ _Avis_ sur les affaires d'Irlande. 450
+
+ 157e _Dépêche_.--31 janvier.--
+
+ AU ROI. _Ib._
+ Fêtes pour le retour d'Élisabeth à Londres. _Ib._
+ Affaires d'Écosse. 452
+ Nouvelles d'Allemagne. 453
+
+ A LA REINE (_lettre secrète_). 454
+ Négociation du mariage. _Ib._
+
+ 158e _Dépêche_.--6 février.--
+ AU ROI. 457
+ Nouvelles de Marie Stuart. _Ib._
+ Concession de l'Irlande faite par le pape au roi
+ d'Espagne. 458
+
+ A LA REINE (_lettre secrète_). 459
+ Négociation du mariage. _Ib._
+ _Mémoire général._ 462
+ _Mémoire secret_ sur la négociation du mariage. 466
+
+ 159e _Dépêche_.--12 février.--
+
+ AU ROI. 469
+ Négociation de Walsingham. _Ib._
+ Affaires d'Irlande. 470
+ Nouvelles d'Écosse. 471
+
+ 160e _Dépêche_.--17 février.--
+
+ AU ROI. 473
+ Affaires d'Écosse. _Ib._
+ Nouvelles des Pays-Bas. 476
+
+ 161e _Dépêche_.--23 février.--
+
+ AU ROI. 477
+ Audience. _Ib._
+ Convocation du parlement. 481
+
+
+ FIN DE LA TABLE DU TROISIÈME VOLUME.
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Correspondance Diplomatique de
+Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE ***
+
+***** This file should be named 39201-8.txt or 39201-8.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ http://www.gutenberg.org/3/9/2/0/39201/
+
+Produced by Robert Connal, Hélène de Mink, and the Online
+Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
+file was produced from images generously made available
+by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
+http://gallica.bnf.fr)
+
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
+
+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
+
+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+http://gutenberg.org/license).
+
+
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
+electronic works
+
+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
+and accept all the terms of this license and intellectual property
+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
+
+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
+
+1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
+
+1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.
+
+1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
diff --git a/39201-8.zip b/39201-8.zip
new file mode 100644
index 0000000..427fed4
--- /dev/null
+++ b/39201-8.zip
Binary files differ
diff --git a/39201-h.zip b/39201-h.zip
new file mode 100644
index 0000000..5cfba86
--- /dev/null
+++ b/39201-h.zip
Binary files differ
diff --git a/39201-h/39201-h.htm b/39201-h/39201-h.htm
new file mode 100644
index 0000000..e6a60ea
--- /dev/null
+++ b/39201-h/39201-h.htm
@@ -0,0 +1,19428 @@
+ <!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN"
+ "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd">
+ <html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" lang="fr" xml:lang="fr">
+ <head>
+ <meta http-equiv="Content-Type"
+ content="text/html;charset=iso-8859-1" />
+ <meta http-equiv="Content-Style-Type" content="text/css" />
+ <title>
+ The Project Gutenberg's eBook of Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon, Tome Troisième</title>
+ <link rel="coverpage" href="images/cover.jpg" />
+ <style type="text/css">
+
+ h1,h2 {
+ text-align: center; /* all headings centered */
+ clear: both;
+ }
+
+ hr.c5 {width: 5%; margin-top: 2em; margin-bottom: 2em;}
+ hr.c25 {width: 25%; margin-top: 2em; margin-bottom: 2em;}
+
+ table {margin-left: auto; margin-right: auto; max-width :50%;}
+ .tdl {text-align: left; vertical-align: bottom; padding-left: 3em; text-indent: -3em; }
+ .tdr {text-align: right; vertical-align: bottom;}
+
+ .pagenum { /* uncomment the next line for invisible page numbers */
+ /* visibility: hidden; */
+ position: absolute;
+ right: 5%;
+ font-size: 0.6em;
+ font-size: 10px;
+ font-variant: normal;
+ font-style: normal;
+ text-align: right;
+ background-color: #FFFACD;
+ border: 1px solid;
+ padding: 0.3em;
+ } /* page numbers */
+
+ .footnotes {border: dashed 1px; background-color: #F0FFFF}
+ .footnote {margin-left: 15%; margin-right: 15%; font-size: 0.9em;}
+ .fnanchor {vertical-align: super; font-size: .6em; text-decoration: none;
+ font-style: normal;}
+
+ .blockquote {font-size: 95%; margin-left: 5%; margin-right: 10%;}
+
+ .box {margin: auto;
+ border: 1px solid;
+ padding: 1em;
+ background-color: #F0FFFF;
+ width: 25em;}
+
+ sup {font-size: 0.7em; font-variant: normal;}
+
+ .indent {margin-left: 15%; margin-right: 5%; font-size: 0.9em;}
+ .hanging {margin-left: 3em; text-indent: -2em;}
+ .center {text-align: center;}
+ .smcap {font-variant: small-caps; font-size: 90%;}
+
+ .p2 {margin-top: 2em;}
+ .p4 {margin-top: 4em;}
+
+ .i2 {margin-left: 2em;}
+
+ .xxs {font-size: xx-small;}
+ .xs {font-size: x-small;}
+ .small {font-size: small;}
+ .medium {font-size: medium;}
+ .large {font-size: large;}
+ .xlarge {font-size: x-large;}
+
+ .fancyfont {font-family: "Old English Text MT",fantasy,sans-serif;}
+ .left5 {margin-left: 5%;}
+ .right { text-align: right; clear: both; margin-left: 25%; width: 75%; }
+
+@media screen
+{
+ body
+ {
+ width: 80%;
+ max-width: 40em;
+ margin: auto;
+ }
+ p
+ {
+ margin-top: .75em;
+ margin: 0.75em auto;
+ text-align: justify;
+ }
+}
+
+@media print, handheld
+{
+ p
+ {
+ margin-top: .75em;
+ text-align: justify;
+ margin-bottom: .75em;
+ }
+
+ hr.c5
+ {
+ width: 5%;
+ margin-left: 47.5%;
+ margin-top: 2em;
+ margin-bottom: 2em;
+ }
+
+ hr.c25
+ {
+ width: 25%;
+ margin-left: 37.5%;
+ margin-top: 2em;
+ margin-bottom: 2em;
+ }
+
+ .smcap
+ {
+ text-transform: uppercase;
+ font-size: 100%;
+ }
+}
+
+@media handheld
+{
+ body
+ {
+ margin: 0;
+ padding: 0;
+ width: 95%;
+ }
+
+ table
+ {
+ max-width: 90%;
+ margin-left: 5%;
+ }
+}
+
+ </style>
+ </head>
+<body>
+
+
+<pre>
+
+The Project Gutenberg EBook of Correspondance Diplomatique de Bertrand de
+Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
+
+
+Title: Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième
+
+Author: Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon
+
+Release Date: March 19, 2012 [EBook #39201]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE ***
+
+
+
+
+Produced by Robert Connal, Hélène de Mink, and the Online
+Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
+file was produced from images generously made available
+by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
+http://gallica.bnf.fr)
+
+
+
+
+
+
+</pre>
+
+
+<div class="box">
+<p>Notes de transcription:<br />
+Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
+L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.</p>
+
+<p>L'abréviation <sup><i>lt</i></sup> signifie livres tournois.</p></div>
+
+<p><a id="Page_I"></a></p>
+
+<h1 class="p4"><span class="p4 large">CORRESPONDANCE</span><br />
+DIPLOMATIQUE</h1>
+
+<p class="center xs">DE</p>
+
+<p class="p2 center"><span class="small"><b>BERTRAND DE SALIGNAC</b></span><br />
+<b>DE LA MOTHE FÉNÉLON,</b><br />
+<span class="xxs">AMBASSADEUR DE FRANCE EN ANGLETERRE</span><br />
+<span class="xxs">DE 1568 A 1575,</span></p>
+
+<p class="p4 center xs">PUBLIÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS<br />
+Sur les manuscrits conservés aux Archives du Royaume.</p>
+
+<p class="p4 center"><b>TOME TROISIÈME.</b><br />
+<b>ANNÉES 1570 ET 1571.</b></p>
+
+<p class="p4 center"><b>PARIS ET LONDRES.</b></p>
+<hr class="c5" />
+<p class="center"><b>1840.</b></p>
+
+<p><a id="Page_II"></a></p>
+
+<p class="p4 center"><span class="xlarge">DÉPÊCHES, RAPPORTS,</span><br />
+<span class="small">INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES</span><br />
+DES AMBASSADEURS DE FRANCE<br />
+<span class="xs">EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE</span><br />
+<span class="xxs">PENDANT LE XVIe SIÈCLE.</span></p>
+
+<p><a id="Page_III"></a></p>
+
+<p class="p4 center"><span class="xlarge"><b>RECUEIL</b></span><br />
+<span class="xxs">DES</span><br />
+<span class="large"><b>DÉPÊCHES, RAPPORTS,</b></span><br />
+<b>INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES</b></p>
+
+<p class="center p2"><span class="fancyfont">Des Ambassadeurs de France</span><br />
+<span class="small">EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE</span><br />
+<span class="xs">PENDANT LE XVIe SIÈCLE,</span></p>
+
+<p class="center"><span class="small">Conservés aux Archives du Royaume,</span><br />
+<span class="xxs">A la Bibliothèque du Roi,</span><br />
+<span class="xxs">etc., etc.</span></p>
+
+<p class="center"><span class="xs">ET PUBLIÉS POUR LA PREMIÈRE FOIS</span><br />
+<span class="xxs"><i>Sous la Direction</i></span><br />
+<span class="medium"><b>DE M. CHARLES PURTON COOPER.</b></span></p>
+
+<hr class="c5" />
+
+<p class="p4 center"><b>PARIS ET LONDRES.</b></p>
+<hr class="c5" />
+<p class="center"><b>1840.</b></p>
+
+<p><a id="Page_IV"></a></p>
+
+<p class="center p4 xlarge"><b>LA MOTHE FÉNÉLON.</b></p>
+<p><a id="Page_V"></a></p>
+<p class="center p4">Imprimé par BÉTHONE et PLON, à Paris.</p>
+<p><a id="Page_VI"></a></p>
+
+<p class="center p4"><span class="small">AU-TRÈS-NOBLE</span><br />
+<span class="large">GEORGE HAMILTON GORDON</span><br />
+<span class="small">COMTE D'ABERDEEN.</span><br />
+<span class="xs">CE VOLUME LUI EST DÉDIÉ</span><br />
+<span class="xxs">PAR</span><br />
+<span class="xs">SON TRÈS-DÉVOUÉ ET TRÈS-RECONNAISSAINT SERVITEUR</span><br />
+<span class="small">CHARLES PURTON COOPER.</span></p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_1"> 1</a></span></p>
+<h2 class="p4"><span class="medium">DÉPÊCHES</span><br />
+<span class="xs">DE</span><br />
+LA MOTHE FÉNÉLON.</h2>
+
+<h2 class="p4">LXXXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">IV</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.&mdash;</p>
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Callais par Jehan Vollet.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience accordée par la reine d'Angleterre à l'ambassadeur de France.&mdash;Désir
+du roi de rétablir la paix en son royaume.&mdash;Satisfaction qu'il
+éprouve de ce que les troubles du Nord paraissent apaisés en Angleterre.&mdash;Protestation
+d'Élisabeth qu'elle ne désire rien tant que la réunion des
+églises.&mdash;Instances de l'ambassadeur en faveur de Marie Stuart.&mdash;Explications
+sur la conduite qu'il a dû tenir dans cette négociation.&mdash;Nouvelles
+arrivées à Londres sur l'état des affaires des protestans en France.&mdash;Nouvelles
+des troubles du Nord; déroute des comtes de Northumberland et de
+Westmorland.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, j'ay faict entendre à la Royne d'Angleterre que,
+pour la bonne estime que Voz Majestez Très Chrestiennes
+ont de sa bonne et droicte intention en l'endroit de voz
+affères et de la tranquillité de vostre royaulme, vous
+n'avez sitost veu donner ung peu de commancement et
+ouverture à la paciffication des troubles et guerres d'iceluy,
+que vous ne m'ayez incontinent commandé de le luy
+notiffier, affin que, devant toutz les aultres princes vos alliez,
+elle ayt le plaisir d'entendre que les choses s'acheminent par
+la voye qu'elle a désiré; et ainsy, luy particullarisant ce
+<span class="pagenum"><a id="Page_2"> 2</a></span>
+qui est advenu à la reddition de Sainct Jehan d'Angely, et
+les propos que le sieur de La Personne vous a tenuz, avec
+la vertueuse responce de Vostre Majesté, laquelle elle a
+vollu curieusement lyre par deux foys, j'ay suivy à luy
+dire: qu'encor que vous ayez grand occasion de vous rescentir
+des choses mal passées, du costé de ceulx de la
+Rochelle, de ce qu'ilz ont mené une très viollante et dangereuse
+guerre dans vostre royaulme, et y ont introduict
+les armes et armées estrangières, à la grand ruyne de
+vos bons subjectz; et qu'il soit maintenant en vostre pouvoir
+de prendre par force toutes les places qu'ilz tiennent,
+et de poursuyvre et venir bien à boult du reste qui est
+encore en campaigne; néantmoins vous aymez mieulx uzer
+envers eulx de la clémence toutjour accoustumée à vostre
+couronne, et plus usée de vostre règne, que de nul de
+toutz voz prédécesseurs, et les regaigner par doulceur, que
+de les mener à l'extrémité d'ung chastiment, espérant
+qu'ilz auront tant plus de regrect de leurs deffiances passées,
+et persévèreront dorsenavant plus constantment en
+la confiance, fidellité, et amour qu'ils doibvent à Vostre
+Majesté, leur prince naturel, que moins ils espéroient
+d'estre jamais receuz en vostre bonne grâce, laquelle
+néantmoins vous ne leur avez différée d'ung seul moment,
+aussitost qu'ilz ont offert de s'humilier et de se remettre
+en vostre obéyssance.</p>
+
+<p>La dicte Dame, d'ung visaige joyeulx, m'a respondu qu'à
+ceste heure me voyoit elle, et oyoit mes propos, de trop
+meilleure affection qu'elle n'avoit faict despuys ung an, et
+qu'elle rendoit grâces à Dieu d'avoir miz au cueur de Voz
+Majestez Très Chrestiennes, et pareillement en ceulx de
+vos subjectz, de retourner à ce mutuel bon ordre de vostre
+<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span>
+bénignité envers eulx et de leur subjection envers vous;
+qu'elle vous remercye mille et mille foys de luy avoir, ainsy
+soubdainement et particullièrement, faict entendre en quoy
+les choses en sont, ès quelles elle vous desire tant de bien
+et de bonheur que vous les puissiez effectuer à vostre
+grand advantaige et au repoz de toute la Chrestienté; et
+que, si son moyen y peult servyr de quelque chose, elle le
+vous offre de tout son c&oelig;ur, bien qu'elle ne peult fère que
+ne porte quelque envye au bonheur de celluy qui a sceu si
+oportunéement mettre en avant ce sainct et desiré propos,
+qu'il ayt heu meilleur rencontre que quant, d'aultre foys,
+elle a entreprins d'en parler; et qu'elle n'a regrect sinon
+à ce que voz subjectz peuvent monstrer au monde que,
+pour leur avoir esté viollé vostre propre éedict de la paciffication,
+tant par attemptatz contre leurs vies, que par
+contraires lettres contre l'exercisse de leur religion, ilz
+ayent heu quelque aparante coulleur de prendre les armes;
+non que pourtant elle aprouve qu'ilz ayent bien faict, car
+plustost s'en debvoient ils estre allez, et qu'il est tout certain
+que de quelles persuasions qu'on luy ayt usé, qui n'ont
+esté petites, sur la justiffication de leur cause, elle ne les
+a jamais volluz secourir.</p>
+
+<p>Je luy ay répliqué que tout le tort de ceste guerre se
+manifeste en ce que ceulx de l'aultre party, en leur plus
+grande résistance, se trouvent vaincuz par vos forces, et
+sont par vostre clémence surmontez en leur humillité, et
+que cella vous faict prendre meilleure espérance de voir
+bientost remiz vostre royaulme en son premier estat et
+grandeur; adjouxtant, afin de parler de la réunion du
+sien, que ce que je luy ayt dict de ceste réconcilliation de
+vos subjectz, Voz Majestez desirent qu'elle le preigne pour
+<span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span>
+ung tesmoignage que, comme vous estes correspondant à
+son desir sur le bien de vostre royaulme, qu'aussi bien
+le serez vous sur le bien et paciffication du sien, et sur ce
+que vous entendrez bientost que ceste eslévation, qui a
+apparu en son pays du North, est esteinte ainsi que je le
+vous ay desjà mandé.</p>
+
+<p>La dicte Dame, usant là dessus de beaucoup de mercyementz,
+m'a fort prié de vous assurer que toute ceste
+guerre du North est véritablement achevée, et que le
+comte de Northomberland, se retirant en Ecosse, est tumbé
+ez mains du comte de Mora; que le comte de Vuesmerland
+s'en est fouy seul, et abandonné des siens, aux montaignes
+des frontières; et que plus de cinq cents gentishommes
+des leurs sont prins, le reste discipé, et plusieurs
+exécutez; et qu'elle ne prendroit que pour une risée toute
+ceste entreprinse, tant elle a esté folle et légière, n'estoit
+qu'il luy faict mal au cueur qu'il s'y soit trouvé meslé ung
+seul homme de qualité.&mdash;«Car jamais subjectz, dict elle,
+n'eurent moins d'occasion que les siens de mouvoir choses
+semblables contre leur prince.»</p>
+
+<p>Et luy ayant seulement répliqué ce mot: «c'est qu'il
+est fort à craindre que, tant que la division de la religion
+durera, que l'on sera toutz les ans à recommancer,»
+elle m'a soubdain respondu qu'à la vérité, puisque les Protestans
+commancent de proposer entre eulx, assavoir s'il y
+a aucune cause pour laquelle l'on puisse, sellon Dieu et
+conscience, se soubstraire de l'obéyssance d'ung prince, et
+le démettre de son estat; ainsy que le Pape, de son costé,
+déclaire aussi les estats de ceulx, qu'il tient pour scismatiques
+ou hérétiques, toutz comis et vacquans; elle estime
+que toutes les couronnes de la Chrestienté sont assez mal
+<span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span>
+asseurées, et que, de sa part, elle ne se montrera jamais
+opiniastre de ne se conformer aulx aultres princes chrestiens,
+quant Dieu leur aura mis au cueur de procurer,
+toutz ensemble, la réunyon de l'esglyze de Dieu.</p>
+
+<p>Après cella, Sire, j'ay mené le propos à parler de la
+Royne d'Escoce, faisant toutjour instance de sa liberté,
+bon traictement et restitution. Sur quoy elle m'a dict que
+Voz Majestez Très Chrestiennes en avez parlé amplement
+à son ambassadeur, et qu'elle vous prie de considérer que
+le différand est entre deux princesses qui vous sont parantes,
+allyées et confédérées; desquelles vous debviez
+égallement peser leur droict, et n'avoir en tant d'affection
+celluy de la Royne d'Escoce que ne regardiez à conserver
+le sien; et qu'elle vous fera remonstrer encores
+d'aultres choses par son dict ambassadeur, ès quelles elle
+espère que vous luy ferez favorable responce; et ay cogneu,
+Sire, que les propos que Voz Majestez ont tenu là dessus
+au dict ambassadeur ont grandement esmeu la dicte Dame,
+à laquelle j'ay dict que, puysque vostre intention se trouve
+conforme aulx continuelles instances que je luy ay faictes
+icy de vostre part pour la Royne d'Escoce, que je la suplye
+de déposer à ceste heure le cueur et le courroux
+qu'elle a contre elle, puysqu'elle s'est justiffiée de toutz
+ces troubles du North, pour se la randre désormais tant
+attenue et obligée, qu'elle n'ayt à estre jamais rien tant
+que toute sienne; et que, pour l'amour de Voz Majestez
+Très Chrestiennes, qui tant l'en priez, elle veuille aussi
+faire quelque chose pour son bien, n'estant possible que
+vous puyssiez laysser de le pourchasser tant que vous la
+voyez restituée, ce que vous desirez toutesfoys estre sellon
+son gré et contantement.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span>
+Elle m'a promiz là dessus, qu'aussitost qu'une responce,
+qu'elle attant d'Escoce, sera arrivée, elle ne diffèrera d'ung
+seul jour d'entendre en l'affaire de la dicte Dame, et y prendre
+ung si bon expédiant qu'elle espère que vous en serez
+contant; dont de tout ce qui s'en résouldra elle mettra
+peyne que vous en soyez adverty: et remettant, Sire,
+plusieurs aultres choses, que j'ay notées de ses propos, au
+premier des miens que je vous dépescheray, je bayseray
+en cest endroict très humblement les mains de Vostre Majesté,
+et supplieray le Créateur qu'il vous doinct, Sire, en
+parfaicte santé, très heureuse et très longue vie, et toute la
+grandeur et prospérité que vous desire.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;v<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p>
+
+<p class="blockquote">Je crains assés qu'on veuille mettre en avant l'eschange de la
+Royne d'Escoce et du comte de Northomberland; vray est qu'il ne
+s'en entend encores rien.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, je mectz en la lettre, que j'escriptz au Roy,
+aulcuns propos de la Royne d'Angleterre, touchant ceulx
+que, par les deux dernières dépesches de Voz Majestez,
+vous m'avez commandé de luy tenir, sur lesquelz me reste
+à vous dire, Madame, qu'il semble que ceste princesse et
+les siens soyent bien ayses, mais diversement, qu'il se face
+une paciffication en vostre royaulme; elle, affin d'estre
+exempte de bailler secours à ceulx de la Rochelle, et ne
+venir à vous faire quelque manifeste offance pour eulx, et
+mesmes aura plaisir que les choses se facent à votre grand
+advantaige; et eulx, pour n'ozer meintenant guières presser
+leur Mestresse de les secourir, ny d'attempter rien qui
+<span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span>
+vous puysse desplayre; mais ilz vouldroient que l'advantaige
+demeurât à ceulx de l'aultre party, sur la soubmission desquelz,
+laquelle leur ambassadeur a escripte par deçà, encores
+que le jeune comte de Mensfelt fût desjà despêché,
+ilz le font temporiser, affin d'attandre quelle yssue prendra
+ce que le S<sup>r</sup> de La Personne en a commencé de traicter.
+Et doublant assés que la paciffication ne s'en puysse bien
+ensuyvre, luy et le S<sup>r</sup> de Lombres incistent grandement de
+fayre résouldre icy quelque secours de pouldres et d'armes,
+et de quelque nombre de gens de cheval, pour l'envoyer
+à Mr l'Admyral, s'esforceans de persuader qu'il est
+encores si fort qu'avec bien peu d'ayde, il se monstrera
+plus relevé que jamais, et qu'on luy veuille aussi (soubz
+caution) assister de quelques deniers, pour envoyer au duc
+de Cazimir, affin de souldoyer des gens de pied, sans lesquelz
+il n'oze mettre en campaigne les gens de cheval
+qu'il a toutz prestz; et que d'ailleurs le prince d'Orange,
+voyant qu'une sienne entreprinse qu'il avoit en Flandres
+est descouverte, se dellibère de tourner tout son aprest
+aulx choses de France; lesquelles propositions demeurent
+encores en suspens; et je metz peyne, en tout évènement,
+de les retarder ou empescher, aultant qu'il m'est possible.</p>
+
+<p>Quant à ceulx du North, j'ai vollu vérifier si ce que m'en
+a dict la dicte Dame estoit vray, parce qu'on luy déguyse
+assés souvent les nouvelles; mais l'on m'a confirmé la
+route des deux comtes et de toute leur armée, laquelle a
+esté de quinze mil hommes; dont y en avoit sept mille de
+pied bien armez, et deux mil de cheval en aussi bon équipaige
+qu'il s'en peult trouver en Angleterre; et que n'ayantz,
+pour leur irrésolution et mauvais accord, ozé venir au combat,
+ilz se sont retirez en la frontière d'entre l'Angleterre
+<span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span>
+et l'Escoce, où celluy de Northomberland et sa femme
+sont tumbez ez mains d'un armestrang<a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>, qu'on a estimé le
+devoir incontinent livrer au comte de Mora; et que celluy
+de Vuesmerland, en habit déguysé, s'en est fouy au plus
+haut des montaignes, ayant pour ceste occasion ceste
+Royne envoyé casser incontinent son armée, et révoquer le
+comte de Vuarvic. Mais aulcuns estiment que le dict armestrang
+n'est pour consigner le comte de Northomberland
+à celluy de Mora, ains plustost pour le relever et pour
+luy ayder à remettre sus nouvelles forces.</p>
+
+<p>Au reste nul propos n'esmeust tant ceste Royne que
+quant on luy parle de la Royne d'Escoce, et ce que Voz
+Majestez en ont dernièrement dict à son ambassadeur a faict
+beaucoup d'effect envers elle. J'ay bien vollu, pour mon
+regard, tirer de la propre parole de la dicte Dame ma justiffication
+de ne luy avoir, sur les affaires de la dicte Royne
+d'Escoce, ny en nulle autre matière, jamais dict ung seul
+mot qui l'ayt peu offancer; de quoy elle m'a randu le tesmoignage
+tout clair et prompt, que non seulement elle n'a
+trouvé jamais mauvaise, ains très agréable, ma façon de
+parler, et la substance de toutz mes propos, ainsy que je
+les luy ay dictz, et qu'elle vous fera expliquer que ce qu'elle
+a prins à cueur de mon dire est pour luy avoir asseuré que
+Voz Majestez réputeroient toucher à leurs propres personnes
+les torts et indignitez qu'on feroit à celle de la
+Royne d'Escoce; et qu'elle s'estime vous apartenir en si
+bonne part, qu'elle doibt bien estre tenue en quelque
+compte et respect envers Voz Majestez aussi bien que la
+dicte Royne d'Escoce. A quoy je luy ay satisfaict si bien
+<span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span>
+que, prenant rayson en payement, elle a promis d'entrer
+bientost en quelque expédiant touchant les affaires de
+la dicte Dame; et m'a prié au reste de vous escripre fort
+affectueusement que, à ce changement de gouverneur de
+Bretaigne, il vous playse de commander à celluy qui l'est
+meintenant, et à son lieutenant, de donner libre et sûr
+accez aulx Angloix, de leur pouvoir aller demander justice;
+et que dorsenavant ilz la leur vueillent administrer eulx
+mesmes, puysqu'il n'est possible qu'ilz la puissent aulcunement
+avoir des officiers et magistratz du pays, car ses
+dicts subjectz ne peuvent plus supporter les oltraiges qu'ilz
+y reçoipvent ordinairement.</p>
+
+<p>Depuis le partement du S<sup>r</sup> Chapin, l'on a fait exorter
+les estrangiers de s'abstenir de tout commerce avec les
+subjectz du Roy d'Espaigne et de ne couvrir aulcunement
+leurs trafficqs par lettres, ny soubz noms empruntez d'aultres
+merchantz; et néantmoins la dicte Dame a vollontairement
+offert au dict S<sup>r</sup> Chapin d'admettre l'ambassadeur
+d'Espaigne à parler et traicter avecques elle comme auparavant,
+sur le moindre mot que le Roy d'Espaigne luy
+en vouldra escripre.</p>
+
+<p>Je bayse très humblement les mains de Vostre Majesté
+et prie Dieu, qu'il vous doinct, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;v<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p>La Royne d'Angleterre, outre les susdicts propos, m'a très honorablement
+parlé, et avec aparance de bonne affection, de Voz Majestez
+et de Monseigneur vostre filz, et qu'elle avoit avec grand playsir
+ouy, du filz de Mr Norreys, plusieurs actes généreux et de grand
+vertu du Roy et de mon dict Seigneur, lesquelz elle luy avoit faict réciter
+plus de deux foys, sellon qu'il disoit les avoir veuz et les avoir
+aprins de ceulx qui les sçavoient bien.&mdash;Ceulx de ce conseil, et
+mesmement le comte de Lestre, m'ont faict pryer d'octroyer mon
+<span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span>
+passeport au S<sup>r</sup> Barnabé, qu'ilz dépeschent, avec commission de
+ceste Royne, pour aller recouvrer une grande nef vénicienne, chargée
+de plus de cent cinquante mil escus de merchandize, qu'on envoyoit
+en ceste ville, laquelle le capitaine Sores a prinse despuys ung
+mois; affin que, si le dict Barnabé est rencontré par les gallères ou
+navyres françoys, ilz ne luy facent poinct de mal. Je ne sçay s'il
+yra poursuyvre le dict Sores jusques à la Rochelle.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">LXXXII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Callais par homme exprès.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Ferme persuasion où l'on est en Angleterre que la paix sera conclue en
+France.&mdash;Nouvelles du Nord et de la Flandre.&mdash;Meilleur traitement
+fait à la reine d'Ecosse.&mdash;Crainte des Anglais que le roi, délivré de la
+guerre civile, ne donne assistance aux Espagnols dans les Pays-Bas pour
+attaquer l'Angleterre.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, il est venu adviz à la Royne d'Angleterre, par
+la voye de la mer, que ceulx de la Rochelle tiennent déjà
+comme pour conclud le propos qu'ilz vous ont faict requérir
+de la paix; et, par ainsy, que vostre royaulme s'en va
+hors de troubles, et vous, Sire, en bon trein de remettre
+sus fort bien et bientost vos affères, sans qu'il aparoisse
+que, pour toutes ces horribles guerres passées, il vous y
+soit advenu aulcune diminution, ny en l'estendue de vostre
+estat, ny en l'affection de vos subjectz, ains plustôt, une
+augmentation partout de vostre grandeur; de laquelle le
+fondement, en cette mesmes division, s'est monstré si ferme
+qu'on a opinion, s'il est une foys bien réuny, que nulles
+<span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span>
+forces humaines le pourront jamais esbranler. Dont ceste
+Royne et les siens continuent, à ceste heure, de me fère
+meilleure démonstration que jamais de vouloir persévérer
+en bonne paix et amytié avec Vostre Majesté; et n'ont encore
+dépesché le jeune comte de Mensfelt, ny rien respondu
+au S<sup>r</sup> de Lombres, attendans si la fin du dict
+propos viendra à bonne conclusion, ou bien s'il sera rompu.
+Et, cependant, est arrivé ung homme d'Allemaigne,
+lequel, à ce que j'entans, raporte que le Cazimir ne lève
+pas encores ses reytres, mais qu'il a distribué, ces jours
+passés, une somme de deniers aulx capitaines, affin d'estre
+pretz, quant il les mandera; et il parle aussi des praticques
+et menées du prince d'Orange.</p>
+
+<p>Les choses d'icy ne monstrent, à ceste heure, guières
+grand mouvement, estantz ceulz du North séparez et rompuz
+d'eulz mesmes, ainsy que je le vous ay confirmé par
+mes précédantes du &#305;&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> de ce moys. Il est vray que, de
+tant que les deux comtes ne sont au pouvoir de la Royne
+d'Angleterre ny ne sont pour y estre aiséement livrez,
+parce qu'on dict que celluy de Northomberland est avec
+milor de Humes et avec le ser de Farmihirst, comme
+avecques ses amys; et celluy de Vuesmerland, avec le
+comte d'Arguil, qui le trette bien; la chaleur de leur entreprinse
+n'est encores réfroydie aulx cueurs des Catholiques,
+ny en ceulz des malcontantz; lesquelz demeurent
+d'ailleurs en quelque espérance du duc d'Alve, par la
+mesme peur et grande souspeçon qu'ilz voyent que la
+Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil se donnent
+des aprestz qu'il faict, qui leur sont confirmez par plusieurs
+secrectes lettres qu'arrivent ordinairement à la dicte Dame
+des Pays Bas; et mesmes l'asseurent que, despuys le retour
+<span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span>
+du marquis de Chetona, le dict duc s'est résolu de
+vouloir recouvrer, commant que ce soit, ses deniers, et
+les marchandises d'Espaigne arrestées par deçà, et que,
+pour y commancer par quelque bout, il a commandé de
+consigner toutz les biens des Anglois, qui estoient en Anvers,
+à certains Gènevois qui ont faict ung party de six
+centz mil escuz avec le Roy d'Espaigne; dont ceulx cy se
+préparent, avec grand dilligence, au long de la coste qui
+regarde vers Flandres, pour résister à ses entreprinses. Je
+prendray garde à quoy, jour par jour, cella s'acheminera,
+affin de vous en donner toutjour adviz.</p>
+
+<p>Despuys la dernière instance que j'ay faicte à ceste
+Royne pour la Royne d'Escoce, elle l'a faicte ramener à
+Tutbery, en la compaignie du comte de Cherosbery seul;
+s'en estant celluy de Untington allé, qui a esté du tout deschargé
+de sa garde, et elle remise en ung peu plus de liberté,
+avec démonstration à monseigneur l'évesque de Roz
+de quelque faveur davantaige en ceste court, et d'y mieulx
+recepvoir ses remonstrances, qu'on n'avoit faict toutz ces
+jours passez. Ce qui nous remect en quelque espérance que
+nous pourrons bientost (si nouvel accident ne survient)
+obtenir une ou aultre provision ez affères de la dicte Dame.
+Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, ce qui s'espère de la paciffication des troubles
+de vostre royaulme ne monstre aporter, à ceste heure,
+tant de soupeçon à la Royne d'Angleterre ny aulx siens,
+comme il sembloit que, du commancement, ilz eussent
+<span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span>
+très ferme opinion que la fin de nostre guerre seroit ung
+commancement à eulx d'y entrer. Il est vray qu'ilz ne sont
+du tout dellivrez de cette peur, craignantz, à ce qu'ilz disent,
+que l'estroicte intelligence, que le duc d'Alve a avecques
+Voz Majestez, vous attire de son party contre l'Angleterre;
+car, aultrement, il leur semble qu'ilz n'ont guières
+à le craindre, veu le crédict et faveur de ceste Royne en
+Allemaigne. Et ainsy, ilz vont temporisant avecques luy,
+sans admettre ny rejecter aussi les termes de l'accord, espérantz
+qu'ilz se pourront, dans peu de jours, esclarcyr de
+vostre cousté, pour sçavoir commant mieulx se conduyre
+du sien; et n'estantz encores bien asseurez si le propos de
+la paix prendra bonne résolution en France, ilz tiennent
+leurs dellibérations en suspens, dillayantz la dépesche du
+jeune comte de Mansfelt, et leur responce au S<sup>r</sup> de Lombres;
+et pareillement de ne toucher aux affères de la
+Royne d'Escoce, jusques à ce que leur ambassadeur,
+Mr Norrys, leur ayt mandé la certitude du tout; et n'ont
+faict plus grand empeschement à ung courrier du duc
+d'Alve, qui est arrivé depuys cinq jours, que de l'avoir
+conduict à la court et visité seulement le dessus de ses
+pacquetz, lesquels, se doutans bien qu'ilz estoient en chiffre,
+l'ont renvoyé avec les dicts pacquetz bien cloz à
+Mr l'ambassadeur d'Espaigne, et luy ont ottroyé passeport
+pour s'en pouvoir retourner de dellà, bien qu'ilz ne layssent
+pourtant de vivre toutjour en grande deffiance du dict
+duc. A l'occasion de quoy ilz dressent de grandes forces et
+ordonnent beaulcoup de gens de cheval, pistoliers, et renforcent
+les garnysons tout le long de la coste qui regarde les
+Pays Bas; sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">LXXXIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Callais par Olivier Cambernon.</i>)</p>
+
+<p>Efforts que l'on fait en Angleterre pour impliquer le duc de Norfolk et la
+reine d'Écosse dans la révolte du Nord.&mdash;Le comte de Northumberland
+livré dans sa fuite au pouvoir du comte de Murray.&mdash;Mission d'Elphinstone
+en Angleterre.&mdash;Proposition émise dans le conseil de demander l'échange
+du comte de Northumberland contre la reine d'Écosse.&mdash;Préparatifs
+de guerre faits en Allemagne pour soutenir les protestans de
+France.&mdash;Forces
+redoutables réunies sur mer par les protestans de France et
+d'Allemagne.&mdash;Négociations de l'Angleterre avec les Pays-Bas.&mdash;Motifs
+politiques qui engagent Élisabeth à soutenir les protestans de France; espoir
+que cependant la paix ne sera pas troublée.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, il ne se faict, à ceste heure, aulcune plus grande
+dilligence par deçà, après avoir esteint l'eslévation du
+North, que de cercher d'où elle est procédée, et qui sont
+les principaulx, qui ont heu intelligence avec les deux
+comtes; en quoy s'engendrent plusieurs malcontantemens
+et malveuillances qui se descouvrent toutz les jours en plusieurs
+endroictz et villes de ce royaulme, et se continuent
+jusques à la court; mesmes semble que, des champs où la
+guerre estoit, elle se soit transférée ez cueurs et affections
+des hommes, et dict on que de là procède le retardement
+de la liberté du duc de Norfolc, lequel aultrement
+estoit en trein de sortir bientost de la Tour pour estre
+remis en son logis de ceste ville; mais les divisions et compétances
+de ceulx du conseil l'empeschent, lesquels veulent
+monstrer qu'ilz concourent toutz contre la cause de l'eslévation,
+<span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span>
+et, encor que nulz manifestement ne le chargent
+de rien d'icelle, néantmoins les ungs s'efforcent de l'y
+trouver embrouillé, et les aultres de l'en déclairer exempt;
+ny n'est moindre leur contention sur le faict de la Royne
+d'Escoce, soit pour le regard de la dicte entreprinse du
+North, ou soit pour ses aultres affères, ès quelz ses amys et
+serviteurs, qu'elle a en ce royaulme, ne se monstrent,
+pour chose qui soit advenue, moins fermes en sa faveur, ny
+aussi ses adversaires moins véhémentz contre elle que auparavant.
+Et cependant le gouverneur de Barvich a envoyé
+à la Royne d'Angleterre une lettre du comte de
+Mora, par laquelle, de tant que la dicte Dame ne l'a vollue
+communiquer à personne et qu'elle a fait semblant d'y avoir
+trouvé plusieurs vériffications de l'entreprinse du North,
+quelques ungs des grandz en demeurent en peyne; et bientost
+après, est arrivé devers elle le ser Nicollas Elphingston,
+très familier et inthime du dict de Mora, lequel elle a
+curieusement et avec grand affection ouy, mais ne se publie
+encores rien de l'occasion de sa venue, si n'est qu'on
+dict qu'il a aporté la depposition du comte de Northomberland,
+lequel estant enfin tumbé ez mains du comte de Mora,
+il l'a faict mettre dans Lochlevin, où la Royne d'Escoce
+estoit prisonnière; mais je crains que le dict Elphingston
+ayt charge de renouveller le propos de consigner la Royne
+d'Escoce au dict de Mora, moyennant les ostages qu'on luy
+a demandé, ou bien de fère l'eschange d'elle et du dict
+comte de Northomberland, ce que je sçay avoir esté déjà
+proposé en ce conseil, ainsy que je l'avois auparavant bien
+préveu; mais il semble qu'il ne peult aucunement venir
+au cueur de la Royne d'Angleterre de le debvoir
+fère, et y a aulcuns des siens qui ne sont pour le consentyr,
+<span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span>
+tant y a que la pouvre princesse et ceulx, qui
+portons icy son faict, en sommes en grand peyne; mesmement
+à ceste heure que le comte de Lestre, lequel a accoustumé
+de procéder d'une plus honneste et généreuse façon
+envers elle que les aultres du dict conseil, s'en est,
+pour quelque occasion (et croy que pour les différans de
+court), allé en sa mayson de Quilingourt, où, toutesfoys,
+l'on croyt que la Royne d'Angleterre ne le larra longtemps
+sans le fère revenir.</p>
+
+<p>J'entendz que ung secrétaire du comte Palatin vient
+d'arriver, lequel fault que soit passé par Flandres (car la
+navigation de Hembourg et de Hendein est serrée des glaces
+jusques en mars) ou bien échappé par la France. Il est allé
+droict à Vuyndesor, et n'ay encores rien peu aprandre de
+sa commission, si n'est par ung qui l'a observé en passant,
+qui a comprins de luy qu'il vient pour avoir de l'argent,
+ou bien lettre de crédit et de responce à certains
+juifz qui ont promiz de fornir une somme en Allemaigne,
+et qu'il est tout certain que le Cazimir et le prince d'Orange
+ont une armée preste pour entrer en France, à ce
+prochain primtempz; dont le jeune comte de Mensfelt
+s'est eslargy de dire, qu'aussitost qu'il arrivera en Allemaigne
+avec la dépesche de ceste princesse, le dict de Cazimir
+commancera de marcher; ce que l'ambassadeur
+d'Espaigne, qui est icy, lequel j'avois hier à disner en
+mon logis, m'a confirmé, bien qu'il crainct, si le propos
+de la paix se conclud en France, que tout cella aille tumber
+sur les bras du duc d'Alve; et, ce pendant, le capitaine
+Sores a prins une seconde nef vénicienne, plus riche
+que la première, et faict on compte que la charge des deux
+vault plus de trois cenz mil escuz, oultre quatre vingtz
+<span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span>
+pièces de bonne artillerye qu'il y a dedans, et oultre les
+deulx vaysseaulx, qui sont les deux meilleurs de la mer;
+de quoy toutz les merchans, tant naturelz que estrangiers,
+de ce royaulme, demeurent fort scandalizez contre Mr le
+cardinal de Chatillon, et requièrent ceste Royne d'y pourvoir;
+mais, ou soit qu'elle et les siens n'ayent moyen de
+le fère, ou bien que, pour s'exempter de prester de l'argent
+à ceulx de la Rochelle, ilz leur veuillent permettre
+de se prévaloir de ceste riche et grande prinse, ilz dissimulent
+et prolongent les remèdes; et est à craindre que
+le dict Sores, avec tant de bons et grandz vaysseaulx, et
+bien artillez, qu'il a à ceste heure, et le S<sup>r</sup> de Olain, et
+le bastard de Briderode, qui en ont ung aultre bon nombre,
+ne tiennent dorsenavant bien fort subjecte ceste estroicte
+mer, et mesmes qu'ilz ne dressent quelque entreprinse
+sur vos gallères; bien qu'on m'a dict, Sire, que
+le dict de Olain est allé jusques en Allemaigne porter
+soixante mil escuz au prince d'Orange du butin de ses
+prinses de mer.</p>
+
+<p>Le S<sup>r</sup> Thomas de Fiesque poursuyt d'accomoder icy le
+faict des deniers et merchandises, prinses et arrestées par
+deçà sur les subjectz du Roy d'Espaigne, au nom des merchans
+à qui elles appartiennent, proposant que les deniers,
+qui sont en espèces, et pareillement ceulx qui proviendront
+des merchandises, demeurent ez mains de ceste
+Royne jusques à ung entier accord, en ce qu'elle leur
+permette de les vandre, et qu'elle leur veuille bailler pour
+respondant la chambre de Londres, de payer le tout à
+bons termes, après qu'elle s'en sera servye. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span></p>
+
+<p class="p2 i2 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, le surplus que j'ay à dire à Vostre Majesté,
+oultre le contenu en la lettre que j'escriptz présentement
+au Roy, je le réserve à vous mander par le S<sup>r</sup> de La
+Croix, aussitost que l'ung des miens, qui sont par dellà,
+sera arrivé, et n'adjousteray icy, Madame, si n'est qu'on
+parle diversement en ce royaulme de la paix qui se trette
+en France, estantz ceulx des deux religions en contraires
+espérances là dessus; sçavoir: les Catholiques, que des
+grandes et notables victoires, que Monseigneur vostre filz
+a gaignées, ayt à réuscyr ung accord fort advantaigeux
+pour nostre religion et très honnorable pour le Roy; et
+les Protestantz, que monsieur l'Admyral s'estant aulcunement
+reffect, et près d'estre, dans six sepmaines ou deux
+moys, secouru du prince Cazimir, n'ayt à quicter rien de
+ce qui apartient à la leur, ny en l'exercisse, ny en l'establissement
+d'icelle dans le royaulme; et estiment, les
+ungs et les aultres, que leur propre faict deppend du succez
+des choses de dellà; dont, encor que la Royne d'Angleterre
+et les plus modérez d'auprès d'elle dettestent
+assés les guerres des subjectz, néantmoins, ceulx qui ont
+plus d'auctorité et de manyement près d'elle, desirans que
+la part des Catholiques demeure fort oprimée par deçà,
+condamnent en toutes sortes l'entreprinse de ceulx du
+North comme inique, et luy coulorent de quelque équité
+celle de France et luy persuadent, que du maintien d'icelle
+deppend la seureté de son estat et du tiltre de son
+royaulme, et de la légitime qualité de sa personne; laquelle
+aultrement seroit par les Catholiques tenue illégitime.
+<span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span>
+Ce qui faict, Madame, qu'encor que ceste princesse
+ayt grand regrect à la prinse de ces deux grandes
+nefz véniciennes, et qu'elle sente que, pour aulcun respect,
+il tourne au préjudice de sa réputation que, l'une,
+en partant d'icy, et l'aultre, en y arrivant, ayent esté
+prinses en la plaige et quasi dans les portz de son royaulme;
+néantmoins, pour n'incommoder ceulx de la dicte religion,
+iceulx de son dict conseil la contraignent de différer et
+dissimuler le remède, que très volontiers elle donroit
+aulx merchans; et le secrétaire Cecille a assés soubdain
+respondu à ceulx qui l'en ont sollicité, que ceulx de la
+Rochelle avoient guerre contre les Véniciens, parce qu'ilz
+ont preste de l'argent au Roy; et mesmes, aulcuns à ce
+propos m'ont interrogé si la Royne de Navarre n'estoit
+pas en actuelle possession de quelque partie de son
+royaulme, ayant esté proposé en ce conseil, si, comme
+Princesse Souveraine, elle ne pouvoit pas déclarer une
+guerre, après l'avoir jugée juste et légitime. Sur quoy,
+me doubtant bien pourquoy l'on me faisoit ceste demande,
+j'ay respondu que la dicte Dame n'a rien qui ne soit, ou
+mouvant de la couronne de France, ou tenu soubz la protection
+d'icelle, et ainsy n'ont rien gaigné sur moy de
+cest endroict.</p>
+
+<p>J'ay receu l'acte de mainlevée, qui a esté faicte à
+Roan, des biens des Anglois, de laquelle ceste Royne et
+les siens se sont fort contentez, et ont, de leur part,
+desjà procédé de mesmes à la restitution des biens que les
+Françoys ont peu monstrer leur apartenir par deçà, et
+continuent encores toutz les jours de leur faire justice. Ilz
+se plaignent seulement de Bretaigne, et suplient Vostre
+Majesté d'y donner ordre. Il me semble qu'en toutes sortes,
+<span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span>
+ceste Royne et le général de son royaulme veulent
+persévérer en bonne paix, et ouverte amytié, avecques
+Voz Majestez Très Chrestiennes; mais que, en particullier,
+aulcuns passionnez feront toutjour, soubz main, tout ce
+qu'ilz pourront, et icy, et en Allemaigne, pour ceulx de
+la Rochelle, et feroient davantaige si, avec vostre authorité,
+je ne mettois peyne de les empescher. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">LXXXIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXI</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusgues à Callais par Letorne, estant le sieur de La Croix
+tumbé malade, dont il est allé à Dieu.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Intrigues à la cour de Londres; rivalités entre Leicester et
+Cécil.&mdash;Nombreuses
+exécutions faites par le comte de Sussex à la suite de la révolte du
+Nord.&mdash;Modération du comte de Warwick à l'égard des insurgés qui sont
+tombés en son pouvoir.&mdash;On croit que les Ecossais aideront le comte de
+Westmorland à rentrer en Angleterre.&mdash;Négociation
+d'Elphinstone.&mdash;Crainte
+que l'on doit avoir en France du côté d'Allemagne.&mdash;Sollicitation
+faite auprès de la reine d'Écosse par le comte de Huntingdon pour qu'elle
+consente à se marier avec Leicester.&mdash;Clauses d'un traité qui lui est proposé
+pour son rétablissement.&mdash;Préparatifs faits par le prince d'Orange contre
+les Pays-Bas.&mdash;<em>Avis</em> donné au roi de divers bruits que l'on fait courir à
+Londres sur les mésintelligences qui se seraient élevées à la cour de France.&mdash;<em>Mémoire
+secret</em>. Soupçons élevés contre le duc de Norfolk, le duc
+d'Albe, la reine d'Écosse, et l'ambassadeur de France au sujet de la révolte
+du Nord.&mdash;Menées du duc d'Albe en Angleterre.&mdash;Déclaration
+d'Élisabeth que la reine d'Écosse a formé le projet de s'emparer de la
+couronne d'Angleterre pour réduire le royaume à la religion catholique.&mdash;Proposition
+faite par l'ambassadeur d'Espagne au roi de France de
+former une ligue pour rétablir Marie Stuart sur le trône d'Écosse, et la
+religion catholique en Angleterre.&mdash;Conduite qu'a dû tenir l'ambassadeur
+de France à cet égard.&mdash;Projets que l'on doit supposer à l'Espagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, pour l'occasion des troubles du North, la Royne
+<span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span>
+d'Angleterre, au commancement de ceste année, a advisé
+d'augmenter son conseil d'ung nombre de personnaiges miz
+à sa dévotion, lesquelz elle a pourveuz d'aulcuns offices qui
+vacquoient de longtemps, qui ont lieu en son dict conseil,
+comme est le contrerolleur, trézorier, vychambrelan, et
+aultres de sa mayson; en quoy la contention n'a esté petite
+en sa court, entre ceulx qui aspiroient à cella, ou pour
+eulx mesmes ou pour y en mettre de leur faction, ou bien
+pour empescher qu'il n'y en entrât plus grand nombre; et
+est advenu, par le moyen du comte de Lestre, que le sire
+Jacques Croft a esté faict contrerolleur, bien qu'on ayt
+cryé qu'il estoit papiste; mais, possible, l'y a t on admiz
+plus vollontiers pour estre auculnement estimé ennemy du
+duc de Norfolc, et le S<sup>r</sup> de Frocmarthon, qui y prétandoit
+grandement, a esté du tout descheu pour ceste foys,
+demeurant comme banny de court; et semble que, pour ces
+contentions, le comte de Lestre se soyt despuys absenté,
+et qu'entre luy et le secrétaire Cecille, lequel est en plus
+grand crédict que jamais, y ayt beaulcoup de simulté, et
+que néantmoins il ne sera longtemps sans revenir.</p>
+
+<p>Le comte de Sussex poursuyt de fère de grandes exécutions
+à Durhem et Artelpoul, et aultres lieux de son
+gouvernement, sur ceulx qui avoient prins les armes, ayant
+desjà faict pendre, outre ceulx du commun, bien cent
+personnaiges de qualité, baillifz, connestables ou officiers,
+et pareillement les prestres qui estoient avec eulx, nomméement
+le S<sup>r</sup> Thomas Plumbeth, estimé homme fort
+sçavant et de bonne vie, et pense l'on qu'il se monstre
+aussi véhément, pour effacer le souspeçon qu'on a heu de luy;
+et, au contraire, le comte de Vuarvich s'y porte fort
+modestement, lequel a envoyé supplier la Royne d'octroyer
+<span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span>
+rémission à ces pouvres gens, ce que, en partie, elle a
+concédé; et l'admyral Clinton est demouré encores à
+Vuodderby, avec mil hommes, pour contenir le pays, et
+pour empescher que le comte de Vuesmerland, avec l'assistance
+des Escossoys, ne puisse rentrer en armes en Angleterre,
+ce que l'on crainct assés qu'il face, parce qu'il
+est avec le ler de Farnihyrst, affectionné serviteur de la
+Royne d'Escoce, et que les aultres principaulx de l'entreprinse
+sont avecques d'aultres seigneurs escossoys, leurs
+amiz, de ce mesme party; et que aulcuns se sont acheminez
+à Dumbertran. Le seul comte de Northomberland a
+esté prins et livré au comte de Mora, qui l'a incontinent faict
+mettre dans Lochlevyn; et a soubdain dépesché devers
+ceste Royne le S<sup>r</sup> Elphiston, son familier, lequel, à ce que
+j'entendz, raporte plusieurs choses de la depposition du
+dict de Northomberland, et plusieurs aultres, pour fère
+acroyre que la Royne d'Escoce et l'évesque de Roz ont
+induict le dict de Northomberland de prendre les armes; à
+quoy semble qu'on n'adjoute grand foy: et, d'abondant,
+monstre excuser le dict de Mora de ne pouvoir, en bonne
+conscience, ny sellon son honneur, ny encores sellon les
+loix du royaulme d'Escoce, rendre icelluy comte, mais par
+mesme moyen, il faict instance à la Royne d'Angleterre
+de luy prester, pour chose fort importante au bien des
+deux royaulmes, une somme d'argent; et tout ainsi qu'on
+luy donne l'espérance qu'il en pourra avoir, il la donne, encores
+plus grande, que le dict de Northomberland pourra
+estre randu, et espère davantaige qu'en le rendant, il se
+pourra aussi tretter de randre au dict de Mora la Royne
+d'Escoce: dont il prépare de s'en retourner en grand dilligence
+devers luy.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span>
+Cependant, Sire, nous ne serons paresseulx de luy préparer
+toutz les obstacles qu'il nous sera possible, et pareillement
+au secrétaire du comte Pallatin, lequel demande
+en général assistance de deniers, affin de lever gens pour
+les secours et deffance de la nouvelle relligion en France,
+et pour fère une descente contre le duc d'Alve en Flandres;
+dont aulcuns estiment qu'il ne s'en retournera sans quelque
+provision, tant y a qu'il ne luy a esté encores respondu
+sellon son desir. Néantmoins, je vous supplie très
+humblement, Sire, de fère soigneusement prendre garde
+aulx mouvemens d'Allemaigne; car l'on tient icy pour
+chose fort certayne qu'il y a armée preste, et qu'elle n'est
+pour aller en Flandres, ny pour s'adresser ailleurs qu'en
+France, tant que la guerre y durera, et que le S<sup>r</sup> d'Olain
+a porté au prince d'Orange plus de six vingtz mil escuz,
+oultre que les bagues de la Royne de Navarre sont en
+Allemaigne, et les nefz véniciennes, riches de trois centz
+mil escus, sont desjà arrivées à la Rochelle; et quant bien
+ceste Royne ne vouldra rien débourcer, les esglizes protestantes
+de son royaulme ne lairront pourtant d'y envoyer
+quelque notable subvention, comme celle de l'année
+passée, qui fut de cent mil escuz, ny la dicte Dame, quant
+bien ne le vouldroit, ne le pourra contredire, tant le feu de
+cette matière est, à ceste heure, ardemment espriz en ce
+royaulme comme je croy qu'il est de mesmes ailleurs.</p>
+
+<p>La Royne d'Escosse est meintennant à Tutbery, accompagnée
+seulement du comte de Cherosbery et des siens,
+qui luy octroyent plus de liberté qu'ilz ne souloyent; elle
+se porte bien, et encores que plusieurs choses se soyent
+opposées aulx espérances que nous avions de ses affères, il
+nous en reste quelques aultres qui, possible, viendront à
+<span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span>
+bon effect; et j'ay desjà quelque adviz que ceux de son
+party en Escosse prétendent de se mettre bientost en
+campaigne, remectant, Sire, au S<sup>r</sup> de La Croix de vous
+faire entendre aulcunes aultres particullaritez, sur lesquelles
+je vous supplie très humblement luy donner foy. Sur
+ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, par le contenu de la lettre que j'escriptz au
+Roy, et par l'instruction que j'ay baillée au S<sup>r</sup> de La
+Croix, je fays entendre à Vostre Majesté les principalles
+choses, qui me semblent regarder meintenant icy l'intérest
+des vostres; et ne vous diray davantaige, Madame, si n'est
+que le comte de Huntington, pendant qu'il a esté à la garde
+de la Royne d'Escosse, l'a si souvant sollicitée de se départir
+du propos du duc de Norfolc, pour entendre à celluy du
+comte de Lestre son beau frère, que, pour ne se pouvoir
+la dicte Dame excuser de quelque responce, elle luy a dict
+que, pour ceste heure, elle n'avoit rien moins à penser
+qu'à se marier, et qu'aussi le comte de Lestre avoit bien
+toute aultre prétencion, avec ce que, si elle contradisoit
+meintennant au desir de ces seigneurs, qui luy avoient si
+expressément escript en faveur du duc, elle craignoit fort
+de les irriter et offancer, et que le comte de Lestre mesmes,
+qui en estoit l'ung, prendroit une fort mauvaise opinion
+d'elle. De quoy l'aultre ne se contantant, et la pressant de
+luy fère une plus particullière responce, elle, enfin, luy a
+dict tout rondement, que, si la Royne d'Angleterre et les
+siens, lesquelz luy avoient proposé le duc, ne trouvoient
+<span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span>
+bon que le propos passât en avant, qu'elle estoit toute résolue
+de n'espouser jamais Anglois. Sur ce il s'est advancé
+de dire qu'elle faisoit fort bien, car aussi tout ce royaulme
+inclinoyt à ce desir, et qu'il voyoit que, nonobstant toutz
+empeschemens, avant ne fût deux ans, elle et le duc seroient
+maryés ensemble. Puys luy a parlé fort expressément
+de quatre choses; la première, de tretter conjoinctement,
+entre l'Angleterre et l'Escosse, de l'establissement
+de la nouvelle religion; la segonde, de fère une bien seure
+et perpétuelle ligue entre les deux royaulmes; la troisiesme,
+de consentyr que, par décrect de parlement, ce royaulme
+soit, après elle, toutjour transféré aulx mâles plus prochains
+de la couronne, parce que le dict de Huntington vient
+de l'estoc d'iceulx; et la quatriesme, que Voz Majestez
+Très Chrestiennes veuillez depputter aulcuns pour assister,
+de vostre part, icy, aulx choses qui seront proposées, entre
+la dicte Dame et ses subjectz, sur la restitution d'elle, et
+sur le faict du feu Roy d'Escoce son mary. Et a adjouxté
+que monsieur le cardinal de Lorrayne feroit bien, comme
+prochain parant, d'intervenir au jugement d'une si grande
+cause.</p>
+
+<p>Nous sommes après pour sçavoir d'où sont parvenus
+ces propos, et semble que le dict comte de Lestre ne les
+advouhe, et que mesmes il pense que la Royne d'Angleterre
+sera fort courroucée contre le dict Huntington, quant
+elle les saura, et que tout cella est party de l'invention du
+secrétaire Cecille. La dicte Royne d'Escoce a tiré ung adviz
+du dict de Huntington, que le prince d'Orange praticque
+de fère descendre dix mil Anglois en Flandres, et qu'avec
+cella, et ce qu'il prépare en Allemaigne, joinct l'intelligence
+du pays, il espère d'en chasser le duc d'Alve et les
+<span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span>
+Espaignols, ce qui a esté notiffié à l'ambassadeur d'Espaigne.
+Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p>
+
+<p class="center smcap">Aultre lettre a la Royne</p>
+
+<p class="right">(<i>du dict jour, écrite en chiffres</i>).</p>
+
+<p>Madame, parce qu'on publie, icy, à mon grand regrect,
+qu'il n'y a bon accord entre le Roy et Monsieur, son frère,
+voz enfantz, et que douze des principalles citez de France
+s'opposent à ce que Voz Majestez ne puissent aulcunement
+accommoder, par voye de paciffication, les guerres de vostre
+royaulme; qui sont deux choses dont Vostre Majesté
+auroit, de la première, le plus extrême desplaisir, et nous,
+le plus notable dommaige qui nous pourroit onques advenir;
+et la segonde seroit pour torner à une fort pernicieuse
+conséquence contre l'auctorité du Roy, et droictement
+contre la vostre; mesmes qu'on m'a dict qu'en
+quelques endroictz du monde l'on faict desjà des desseings
+là dessus, et que ceste Royne m'en pourra possible toucher
+quelque mot, je vous suplie très humblement, Madame,
+me commander ce que j'auray à luy en respondre, ensemble
+à plusieurs seigneurs de ce royaulme, et mesmement
+aulx Catholiques, qui envoyent souvant m'en interroger,
+lesquelz demeurent toutz esbahys et desconfortez de
+ce que, sept sepmaines a, je n'ay nulles nouvelles de Voz
+Majestez; ausquelz toutesfoys j'ay bien desjà desnyé l'une
+et l'aultre de ces nouvelles, comme les tenant toutes deux
+fort faulces, et sur ce, etc.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span></p>
+<div class="blockquote">
+
+<p class="center"><span class="smcap">MÉMOIRE ET INSTRUCTION</span> de ce que le S<sup>r</sup> de La Croix a à dire à
+Leurs Majestez, oultre le contenu de la dépesche.</p>
+
+<p>De ces troubles du North, qu'encor qu'ilz ayent esté bientost apaysez,
+néantmoins, parce que, en mesme temps, s'est descouvert
+qu'en Norfolc l'on avoit entreprins de se saysir des armes, qui estoient
+ez maysons du duc de Norfolc, et de contraindre le sire Henry
+Hemart, son frère, d'estre chef d'une troupe de douze mil hommes
+qui se tenoient prestz pour marcher droict à la Tour de Londres,
+affin de tirer icelluy duc de pryson; et que, en Galles, les choses
+ne se monstroient guières plus paysibles, ceste Royne est demeurée
+en plusieurs doubtes et deffiances de ses subjectz.</p>
+
+<p>Ce qui luy est augmenté par l'opinion, qu'elle a, que l'intelligence
+du duc d'Alve y soit bien avant meslée, sellon que, par l'examen
+d'aulcuns du North, qui ont esté exécutez, et de la depposition du
+comte de Northomberland, laquelle celluy de Mora a envoyée, il
+semble que cella luy ayt esté confirmé.</p>
+
+<p>En laquelle depposition, oultre que le dict de Northomberland
+charge les plus grandz de ce royaulme, l'on dict qu'il affirme,
+qu'ainsy que luy et le comte de Vuesmerland furent en campaigne,
+l'ambassadeur d'Espaigne et l'évesque de Roz envoyèrent devers
+eulx ung homme exprès, avec lettres, pour les conforter à leur entreprinse,
+et leur promettre un prochain secours du duc d'Alve, et
+pareillement de France, s'ilz se saysyssoient de quelque port.</p>
+
+<p>Duquel acte de l'évesque de Roz la dicte Dame a prins argument
+que la Royne d'Escoce, sa Mestresse, a bien peu estre mellée en
+cella, et par conséquent moy à cause d'elle; car, aultrement, elle
+n'a aulcune conjecture que je m'en soys entremiz, ny que deçà ny
+dellà la mer il y ayt esté mené aulcune pratique au nom du Roy; et
+le dict acte n'est suffizant pour luy en fère prendre guières grande
+opinion, parce qu'il ne se trouve que j'aye rien escript, ny mesmes
+que j'aye dict une parolle, ny heu aulcune conférance, avec personne
+qu'elle ayt occasion de souspeçonner.</p>
+
+<p>Elle reçoit assés souvant lettres d'aulcuns siens secrectz serviteurs,
+qui sont en Flandres, qui l'advertissent que le duc d'Alve prépare
+des entreprinses contre ce royaulme; et que la plus part de la noblesse
+d'Angleterre sont de son party; et que plusieurs d'icelle ont
+desjà receu force escuz au soleil de luy; dont j'entends que milord
+<span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span>
+de Coban, depuys naguières, a envoyé quatre des dictes lettres tout à
+la foys en ceste court, les deux signées de noms supposez et les aultres
+non signées lesquelles estant leues; au conseil auquel s'est
+trouvé le comte de Pembrot, toutz les Protestantz ont incontinent jetté
+les yeux sur luy, et il a fort hardyment répondu que ceulx qui escripvoient
+telles lettres estoient toutz meschantz d'accuser ainsy en
+général la noblesse d'un royaulme, et, s'ilz avoient cueur ny valleur,
+ilz debvoient nommer ceulx qui ont prinz ces escuz et se nommer
+eulx mesmes pour le leur maintenir, mais que ce n'estoient que
+menteries, et que, quant la Royne, sa Mestresse, aura ses subjectz
+bien uniz, les effortz du duc d'Alve luy seront bien aysés à repousser.</p>
+
+<p>Pour l'occasion de ces advertissements, l'on dict que la dicte
+Dame et ceulx de son conseil ont advisé de dresser une grand milice,
+d'envyron quatre vingtz dix mil hommes de pied et trente mil chevaulx
+en trois endroictz de ce royaulme; sçavoir: trente mil hommes
+de pied et dix mil chevaulx du costé de France vers le Ouest; aultant
+en Suffoc, Norfolc et Germue, qui regarde le pays de Flandres; et
+le tiers restant vers le costé du North contre l'Escoce; de quoy l'on
+asseure que les rolles et descriptions sont desjà bien avancez, et que
+surtout l'on s'esforce de dresser grand nombre de pistolliers, et
+mettre à cheval beaulcoup plus d'hommes qu'on n'a oncques faict de
+nul aultre règne.</p>
+
+<p>Tout cest ordre est conduict par ceulx de la nouvelle religion,
+lesquelz, pour l'occasion des victoires du Roy et des batailles que
+Monsieur, son frère, a gaignées, et des préparatifs du duc d'Alve, et
+de ce qu'il leur semble qu'il se va trop establissant en Flandres, aussi
+pour la réduction du nouveau roy et du royaulme de Suède à la religion
+catholique, et pour le mouvement des Catholiques de ce pays,
+ilz sont entrez en grandes délibérations, et ont tenu plusieurs conseils
+comme ilz pourront conserver et maintenir leur nouvelle religion.</p>
+
+<p>Et, bien que ceste Royne n'est d'elle mesme mal affectionnée à la
+partie des Catholiques, ains seroit pour requérir fort vollontiers la
+réunyon de l'esglize et ne s'opposer guières à ce qu'elle se fît par ung
+bon concille; néantmoins les Protestans la retiennent par une véhémente
+persuasion qu'ilz lui ont donné de la perte de son estat,
+si elle n'est toujours opposante à l'authorité de l'esglize romaine.</p>
+
+<p>Ce que je conjecture par le propos qui s'ensuyt, lequel elle m'a
+naguières tenu, c'est qu'elle dict avoir deux grandes occasions de
+regarder de bien prez au faict de la Royne d'Escoce; l'une, parce que
+la dicte Dame ne s'est pas attribuée le tiltre de ce royaulme sans
+<span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span>
+une bien profonde dellibération, et sans une fort grande opinion de
+son droict; l'autre, qu'elle voyt bien que la dicte Dame se veult
+prévaloir de la division de la religion, et cerche de s'insinuer par là
+ez cueurs de la noblesse d'Angleterre, et que desjà plusieurs briefz
+du Pape ont été interceuz, par lesquelz il déclare absoulz ceulx qui
+cy devant ont obéi à elle, bien que illégitime et scismatique, pourveu
+qu'ilz veuillent dorsenavant recevoir la Royne d'Escoce pour
+leur Dame et Princesse. Et a adjouxté qu'on se trompoit bien en
+cella; car, encor que le feu Roy, son père, eust espousé la Royne, sa
+mère, à la religion protestante, il a toutesfoys obtenu le rescript du
+Pape là dessus; par laquelle persuasion des dictz briefz, que je croy
+estre chose supposée, les Protestants retiennent bien fort le cueur
+de ceste princesse contre les Catholiques et contre la Royne d'Escosse,
+bien que j'ay miz peyne de luy en diminuer l'opinion tant que
+j'ay peu.</p>
+
+<p><span class="fancyfont">Chiffre.</span> [Le premier jour de ceste année 1570, et le x<sup>e</sup> ensuyvant,
+monsieur l'ambassadeur d'Espaigne et moy avons esté en conférance
+en mon logis sur l'estat des choses de ce royaulme, et avons
+considéré que, puysque les Catholiques n'ont heu le cueur de s'ozer
+prévaloir de la première prinse d'armes qu'ilz avoient faicte avec une
+assemblée de quinze mil hommes, où y en avoit bon nombre de
+pied et de cheval bien armez et en bon équipage, et avec ung assés
+heureux commancement, sans que les Protestans fussent préparez
+ny pourveus pour leur résister, qu'il sera bien mal aysé, qu'à ceste
+heure qu'ilz les ont comme advertys, ilz puissent rien plus entreprendre;
+et qu'estant, au reste, le duc de Norfolc prisonnier, le
+comte d'Arondel fort réfroydy, celluy de Pembrot retourné à la
+court pour servir à ses amys, et conserver ses estatz et les estatz de
+ses enfans, milor de Lomelé encores en arrest et toutz les Catholiques
+en général fort inthimidez, qu'il est dangier que les Protestans,
+qui sont seulz en authorité, viegnent à tumultuer plus que jamais,
+et mener leurs pratiques, icy et en Allemaigne, et pareillement leurs
+entreprinses par mer et par terre, plus ouvertement qu'ilz n'ont encores
+fayct. Dont le dict ambassadeur, après que nous avons heu
+accordé l'ung à l'aultre ce que chacun de nous avons peu sentir que
+les dictz Protestans menoient contre l'intérest de nos Mestres, il m'a
+dit que le sien et pareillement le duc d'Alve avoient une très grande
+affection que ce royaulme fust réduict à la religion catholique, parce
+qu'on ne peult espérer que oltraiges et indignitez d'icelluy, tant
+qu'il demeurera entaché de ceste nouvelle religion; et, de tant qu'il
+<span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span>
+s'asseuroit que le Roy, Mon Seigneur, avoit le semblable desir, il me
+prioyt fort affectueusement de lui persuader qu'il voulût escripre
+promptement une lettre au Roy Catholique, son beau frère, par laquelle
+il luy mît en avant la commune entreprinse d'entre eulx
+deulx contre l'Angleterre pour la restitution de la Royne d'Escosse,
+seulement, comme pour cause juste et apartenant proprement à Sa
+Majesté Très Chrestienne, et en laquelle il le pryât d'y vouloir employer
+ses forces; ce que le dict ambassadeur asseuroit que le dict
+Roy, son Mestre, accorderoit de fère plus vollontiers qu'il n'en
+seroit requis, et qu'après cella, les deux ensemble tinsent leur armement
+prest pour l'heure que nous, qui sommes sur les lieux, leur
+manderons; car, si les choses d'Angleterre n'étoient prinses sur le
+poinct qu'elles se présentent, elles estoient si soubdaines qu'on les
+perdoit incontinent;</p>
+
+<p>Et que j'advertisse aussi Leurs Majestez Très Chrestiennes
+d'envoyer promptement devers le comte de Mora, pour le garder
+de ne randre les comtes de Northomberland et Vuesmerland à la
+Royne d'Angleterre; et que, pour la confédération que la France a
+non tant avec la Royne d'Escosse que avec sa couronne et avec toutz
+les Escossoys, ilz le voloient bien admonester de son debvoir en ce
+qui se offre, affin qu'il ne face ce tort à l'honneur de ce royaulme, où
+les dictz comtes ont heu leur reffuge, que de les randre au mandement
+des Anglois; et que mesmes, pour estre les biens et estats de toutz
+deux en la terre débattable, ou en celle de la conqueste faicte sur
+l'Escosse, qu'il se présente occasion, par leur moyen, de la recouvrer.</p>
+
+<p>Ces mesmes choses m'a il faict despuys remonstrer par l'évesque
+de Roz, lequel toutesfoys ne les a prinses, pour luy mesmes, en
+suffisant payement de ce que, au nom de sa Mestresse, il a pryé le
+dict S<sup>r</sup> ambassadeur de fère meintenant descendre en Escosse le secours
+de quatre mil hommes, et cent mil escuz, que le duc d'Alve
+a mandé avoir toutz prestz pour envoyer aulx deux comtes, s'ilz
+eussent peu meintenir encores quinze jours les armes; et qu'à cest
+effect, elle fera passer quelques seigneurs d'Escosse devers le dict duc
+pour adviser avecques luy de leur descente et réception dans le
+pays, et, si besoing est, elle envoyera un gentilhomme jusques au
+Roy d'Espaigne pour avoir son commandement; en quoy le dict
+ambassadeur a seulement promiz d'en escripre, mais qu'il failloit
+que, de mon costé, je fisse en dilligence ce qu'il m'avoit dict, et
+que surtout l'on fût bien advisé de ne toucher entre Leurs Très
+<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span>
+Chrestienne et Catholique Majestez ung seul mot du faict de la nouvelle
+religion de peur de mouvoir les Allemans.]</p>
+
+<p>Je n'ay monstré aux dictz sieurs ambassadeur et de Roz que toute
+bonne affection en ce qu'ilz m'ont proposé, sinon que je leur ay
+allégué aulcunes difficultez pour les présentes guerres de France,
+et que, pour le dangier des pacquetz, j'estimois qu'il seroit meilleur
+que le duc d'Alve envoyât sur le lieu tretter par quelq'un des
+siens ou bien par Dom Francès [le faict de l'entreprinse contre l'Angleterre]
+que non que le Roy en escripvît au Roy, son Maistre; et
+que, d'empescher la reddition des deux comtes, de tant que celluy
+de Mora s'est monstré trop adversaire de la Royne d'Escosse, mal
+vollontiers le Roy le vouldra requérir, ny de cella ny d'aultre chose,
+sans toutesfoys que je leur aye reffuzé, ny accordé aussi d'en rien
+escripre à Leurs Majestez; vray est qu'auparavant il avoit esté desjà
+donné tout l'ordre qu'on avoit peu [pour envoyer empescher en
+Escosse que les deux comtes ne soyent rendus].</p>
+
+<p>L'ambassadeur d'Espaigne a très bonne affection à la religion
+catholique, et procède fort droictement en tout ce qui est pour
+l'advancement d'icelle; il fault considérer aussi qu'il peult bien en
+ces choses estre aultant esmeu du desir qu'il sçayt que le Roy, son
+Maistre, a de recouvrer l'argent et merchandises de ses subjectz,
+prinses et arrestées par deçà, et de se vanger des offances receues en
+cella, et pareillement de celles que le duc d'Alve se sent en particullier
+fort picqué, pour les indignitez usées à luy mesmes et à ceulx
+qui sont venuz de sa part, que non de l'intérest de la couronne d'Escosse,
+ny pour vouloir diminuer la grandeur de celle d'Angleterre,
+qui est alliée de la maison de Bourgogne; ou bien qu'il cognoist que,
+si ceste Royne sent que le Roy conviegne avec le Roy d'Espaigne contre
+elle, qu'elle sera plus facille de se réconcillier avec le duc d'Alve,
+dont Leurs Majestez Très Chrestiennes adviseront ce qui sera le plus
+expédiant pour leur service.</p>
+
+<p>Il est bien certain que, despuys le commancement des différans
+des Pays Bas, et lors mesmement que le S<sup>r</sup> d'Assoleville et puys le
+S<sup>r</sup> Chapin Vitelly sont passez de deçà, que ceste princesse m'a toutjour
+faict sonder de quelle intention le Roy et la Royne seroient en
+son endroict, affin de s'accommoder avec celle des parties qu'elle cognoistra
+luy estre de meilleure disposition; de quoy ayant heu cognoissance,
+et encores quelque adviz, je me suys conduict de telle
+façon envers elle, que luy donnant bonne espérance du costé de
+France, sans luy parler toutesfoys qu'en très bonne et advantaigeuse
+<span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span>
+façon des choses d'Espaigne, je l'ay retenue en quelque dévotion
+envers Leurs Très Chrestiennes Majestez, et je croy qu'elle s'est de
+tant monstrée plus difficille et contraire au duc d'Alve.</p>
+
+<p>Davantaige conférans le dict sieur ambassadeur et moy noz adviz
+sur la négociation que faict le secrétaire du comte Pallatin en ceste
+court, il nous a esté raporté à toutz deux qu'il poursuyt argent affin
+de lever gens en Allemaigne, tant pour envoyer au secours de ceulx
+de la nouvelle religion en France, que pour fère une descente contre
+le duc d'Alve aulx Pays Bas; et de tant que le S<sup>r</sup> de Lombres, flamant,
+qui a esté envoyé icy par ceulx de la Rochelle, sollicite vifvement
+ce fait au nom du prince d'Orange, le dict ambassadeur
+l'a pour plus suspect, et me presse pour cela fort vifvement que
+nous veuillons [induyre conjoinctement noz deux Maistres d'entreprendre
+promptement quelque chose contre ce royaulme], bien
+que, à propos du dict prince d'Orange, il m'a dict qu'il sçavoit
+que ce qu'il préparoit en Allemaigne estoit pour retourner en
+France. Sur quoy luy ayant respondu qu'il n'avoit receu aucune offance
+du Roy pour le debvoir fère, il m'a seulement demandé si le
+Roy ne lui avoit pas confisqué son estat qu'il a en France; à quoy je
+lui ay respondu que ce n'estoit chose qu'il dût tenir en tant, pour en
+commancer une guerre, quant bien le Roy le luy auroit confisqué:
+et, là dessus, il m'a faict ung discours comme si l'Allemaigne n'estoit
+pour plus luy consentyr de retourner à main armée aulx Pays Bas,
+mais bien de procurer son retour en ses biens par le pardon et bonne
+grâce du Roy son Seigneur.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">LXXXV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXVIII</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Callais exprès par Pierre Bordillon.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Arrivée de Mr de Montlouet à Londres.&mdash;Mission dont il est chargé pour
+l'Écosse; état des affaires dans ce pays.&mdash;Projets du comte de Westmorland,
+qui prépare une nouvelle prise d'armes.&mdash;Avantage remporté en
+Irlande par mylord Sidney.&mdash;Espoir d'Élisabeth que les différends avec
+les Pays-Bas pourront s'arranger à l'avantage de l'Angleterre.&mdash;Préparatifs
+du duc Casimir qui se dispose à entrer en campagne.&mdash;Efforts de l'ambassadeur
+pour empêcher que des secours d'argent soient donnés aux protestans
+de la Rochelle.&mdash;Réclamation de la république de Venise afin
+d'obtenir la restitution des prises faites par le capitaine Sores.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, je n'avois rien entendu de la venue de Mr de
+Montlouet, quant, le xx<sup>e</sup> de ce moys, il m'a esté mandé
+de ceste court qu'il avoit desjà passé la mer, et qu'il estoit
+à Douvres; au quel lieu l'on l'a arresté deux jours et
+demy, sans luy permettre de passer plus avant; et croy que
+c'est le filz de Mr Norrys qui, ayant passé avecques luy,
+et laissé madame de Norrys sa mère à Boulloigne, a advisé
+les officiers de fère ceste difficulté, afin qu'il eust loysir
+d'en advertir la Royne sa Mestresse, laquelle a mandé tout
+aussitost qu'on le laissât venir, monstrant d'estre marrye
+qu'on l'eust aulcunement retardé. Par ainsy, Sire, il est
+arrivé en ceste ville le xx&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup>, et, le lendemain x&#305;&#305;v<sup>e</sup>, nous
+avons envoyé à Hamptoncourt, où la dicte Dame est à
+présent, pour demander son audience; laquelle elle nous
+a incontinent accourdée au xxv&#305;<sup>e</sup>; mais ceulx de son conseil,
+qui avoient à se trouver toute ceste sepmaine en
+<span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span>
+ceste ville pour l'ouverture du terme de la justice, la
+luy ont faicte prolonger jusques à dimanche prochain, qui
+sera le xx&#305;x<sup>e</sup>; et semble, Sire, que monsieur Norrys ayt
+donné adviz à la dicte Dame que le voyage du dict S<sup>r</sup> de
+Montlouet est pour les affères de la Royne d'Escoce, dont
+elle s'est desjà préparée, ainsy que j'entendz, de la responce
+qu'elle luy doibt fère; et je doubte assés qu'elle luy
+veuille accorder de passeport pour aller en Escoce; car,
+oultre que l'ordinaire souspeçon et jalouzie qu'elle a de
+l'auctorité de Vostre Majesté en ce pays là luy administre
+assez inventions pour y trouver toujour quelque excuse, il
+luy semblera, à ceste heure, qu'elle en ayt une fort aparante
+pour les troubles naguières suscitez en son pays du
+North, et pour la retrette qu'ont faict les chefz et autheurs
+d'iceulx avec leur cavallerye vers ces quartiers de terres
+débattables d'entre les deux royaulmes; où, à la vérité,
+l'on dict que le comte de Vuesmerland se va refaysant, et
+assemblant une trouppe, qui ne sera moindre de quatre
+mille chevaulx anglois ou escouçoys, lesquels il pourra
+joindre toutes les foys qu'il vouldra, en moins de quatre
+jours; et le comte de Northomberland n'est mal tretté du
+lord de Lochlevyn, qui, encor qu'il soit beau frère du
+comte de Mora, ne monstre le vouloir randre à la Royne
+d'Angleterre. Néantmoins, ayant le dict S<sup>r</sup> de Montlouet
+et moy desjà heu communication avec monsieur l'évesque
+de Roz, nous n'obmettrons rien de tout ce qui se pourra
+dire et fère, au nom de Vostre Majesté, envers ceste
+Royne, pour la liberté, restitution et advancement de la
+Royne d'Escoce, et pour avoir permission de l'aller veoir,
+et puys de parfère son voyage.</p>
+
+<p>Il est certain que la retrette des comtes de Northomberland
+<span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span>
+et de Vuesmerland n'a tant apaysé les troubles du
+North, que la dicte Royne d'Angleterre et les siens ne
+craignent bien fort qu'il se fasse encores une reprinse d'armes,
+non seulement au mesmes pays du North, où l'exécution
+de tant de pouvres hommes, qu'on y faict mourir,
+ne faict qu'endurcyr et aigrir davantage les aultres, mais
+aussi en plusieurs endroictz de ce royaulme; et que, si
+ceulx qui se sont retirez en Escoce retournent, la seconde
+entreprinse sera trop plus dangereuse que la première. Il
+est vray que ce pendant la dicte Dame se trouve dellivrée de
+deux aultres grands soucys, l'ung du costé de l'Irlande,
+et l'aultre des Pays Bas; car milord Sideney luy a mandé
+qu'en une course, qu'il a faicte sur les saulvaiges au plus
+fort de l'hyver, lorsqu'ilz s'en doubtoient le moins, il a
+reprins vingt huict lieux fortz sur eulx, et a ramené de
+prisonniers cent soixante des plus principaulx des leurs,
+de sorte qu'il se promect une briefve et fort heureuse yssue
+de toutz les affères de dellà. Et de Flandres la dicte
+Dame estime avoir ung bien asseuré adviz que les aprestz
+du duc d'Alve contre ce royaulme se vont réfroydissant,
+et vont estre remiz en ung aultre temps; ce qui lui semble
+estre davantaige confirmé par la dilligence que les S<sup>rs</sup> Espinola
+et Fiesque font icy d'accommoder le faict des deniers
+et merchandises d'Espaigne, bien fort à l'advantaige
+de la dicte Dame.</p>
+
+<p>Les adviz des aprestz et mouvemens d'Allemaigne continuent
+en ce que, sans aulcun doubte, le duc de Cazimir
+sera en campaigne avec cinq mil chevaulx et huict mil
+hommes de pied, à la fin de febvrier ou au commencement
+de mars; et que desjà le payement de ses gens pour deux
+moys est consigné, et que le troisiesme moys se payera le
+<span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span>
+jour qu'il commencera de marcher. L'ambassadeur d'Espaigne,
+qui est icy, a ung non guières dissemblable adviz,
+disant ouvertement que c'est pour entrer en France.
+Néantmoins, son parler monstre qu'il crainct assés que ce
+soit pour descendre en Flandres, de tant que le prince
+d'Orange s'entremect beaulcoup de l'entreprinse, et qu'il
+a esté devers le comte Pallatin à Heldelberc, et puys en
+poste jusques en Saxe devers le duc Auguste; dont le duc
+d'Alve a mandé haster la levée que luy faict le duc de
+Bronsouyc, affin de garnyr tout à temps le Luxembourg
+de bonnes forces. Tant y a qu'ayant monsieur de Lizy naguières
+escript que, nonobstant les grandes difficultez qu'il
+avoit trouvées aux princes protestans, ilz l'avoient enfin
+asseuré du secours qu'il leur avoit requis, il est à croyre
+que leur premier effort se fera en France pour ceulx de la
+Rochelle. Le secrétaire du comte Pallatin, et ceulx qui
+sont icy pour le prince d'Orange et pour les dicts de la Rochelle,
+n'ont encore heu résolue responce de ce conseil
+sur le prest des deniers qu'ilz demandent, et ceste Royne
+s'en excuse bien fort; mais ceulx qui ont auctorité près
+d'elle trouvent moyen que son crédit et celluy de son
+royaulme y peuvent estre de telle façon employez, sans
+qu'il luy coste rien, que desjà les aultres s'asseurent de
+tirer de cest endroict cinquante mil escuz; mais ilz incistent
+à plus grand somme jusques à cent cinquante mille,
+non sans espérance de l'obtenir, pourveu qu'il n'y aille rien
+de la bource de la dicte Dame; et ceulx qui mesurent les
+finances, dont l'on peult avoir quelque notice qu'ilz pourront
+fère estat ceste année, disent que c'est de cinq à six
+centz mil escuz. Je mettray peyne de les empescher de
+ce costé le plus qu'il me sera possible.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span>
+Les Seigneurs Magniffiques de la Seigneurie de Venize,
+qui sont icy, ont obtenu lettres de ceste Royne fort expresses
+à la Royne de Navarre pour le recouvrement de
+leurs vaysseaulx et merchandises, et m'ont prié de bailler
+mon passeport à l'ung d'entre eulx, qui les est allé présenter,
+affin que si, pour le temps, il estoit contrainct de relascher
+en France, ou qu'il fût rencontré par aulcuns navyres
+de guerres de Vostre Majesté en la mer, il puisse
+tesmoigner de la juste occasion de son voyage au dict lieu
+de la Rochelle. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxv&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">LXXXVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">II</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée par Guillaume de La Porte exprès jusques à Calais.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience accordée par la reine d'Angleterre à Mr de Montlouet et à l'ambassadeur.&mdash;Reproche
+fait par Élisabeth à la reine d'Écosse d'avoir favorisé la
+révolte du Nord.&mdash;Crainte qu'il ne soit permis à Mr de Montlouet ni
+d'accomplir sa mission vers Marie Stuart, ni de se rendre en
+Écosse.&mdash;Nouvelle
+de la mort du comte de Murray; mesures prises par Élisabeth pour
+conserver son influence en Écosse, malgré cet évènement.&mdash;Vives instances
+faites par les protestans de France pour obtenir en Angleterre des secours
+d'hommes et d'argent.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, deux jours après ma précédante dépesche, laquelle
+est du xxv&#305;&#305;<sup>e</sup> du passé, nous avons esté à Hamptoncourt
+devers la Royne d'Angleterre, à laquelle Mr de
+Montlouet a présenté voz lettres et reccomendations, et luy
+a d'une fort bonne et agréable façon récitté le contenu de
+<span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span>
+sa charge, sans rien obmettre de ce qui a esté requis pour
+dignement luy porter la parolle, et la créance de Voz
+Majestez, et pour luy faire bien expressément entendre
+vostre intention sur le faict de la Royne d'Escoce: en quoy
+la dicte Dame a monstré que la matière luy estoit de bien
+grande conséquence, mais qu'elle n'estoit encores en guières
+de disposition d'y entendre pour des occasions, qu'elle a faict
+semblant d'avoir descouvertes de nouveau contre la Royne
+d'Escoce et contre l'évesque de Roz, d'aulcunes leurs
+menées avec le comte de Northomberland sur les derniers
+troubles du North; et n'a toutesfoys layssé de donner des
+responses pleynes à la vérité d'indignation envers la dicte
+Royne d'Escoce, mais de quelque respect envers Voz Majestez
+Très Chrestiennes, et s'est réservée d'en bailler,
+dans trois ou quatre jours, de plus amples après qu'elle
+aura heu le loysir d'y penser.</p>
+
+<p>Le dict sieur de Montlouet luy a faict des remonstrances
+et réplicques, fort convenables à ce propos, avec instance
+de luy permettre de visiter la dicte Dame de vostre part, et
+de passer, puys après, jusques à ses subjectz, pour aulcunes
+bonnes occasions que Voz Majestez le dépeschent
+devers elle et devers eulx. A quoy j'ay adjouté ce que j'ay
+estimé convenir à ceste négociation, sellon celle que j'ay
+assés continuée jusques icy de ce faict, et sellon les advertissemens
+du dict S<sup>r</sup> évesque de Roz; mais la dicte Dame
+a remis de respondre au tout, après qu'elle y aura pensé.</p>
+
+<p>Cependant elle a couppé assés court le dict propos,
+comme si elle s'en trouvoit pressée, pour demander curieusement
+des nouvelles de Voz Majestez et de celles de
+la paix. A quoy le dict S<sup>r</sup> de Montlouet luy a amplement
+satisfaict; dont, des propos qu'elle luy a tenuz et de ses
+<span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span>
+responses, et pareillement de ce qu'elle luy a dict sur le faict
+de la fille de Mad<sup>e</sup> de Mouy et sur ce que Mr de La
+Meilleraye vous avoit escript des désordres qui continuent
+encores en la mer, je laisse au dict S<sup>r</sup> de Montlouet de le
+vous fère bientost entendre par luy mesmes, s'il ne va plus
+avant; ainsy qu'il semble qu'à grand difficulté le luy vouldra
+l'on permettre, ou bien de le vous escripre, si, d'advanture, il
+accomplit son voyage.</p>
+
+<p>Et seulement adjouxteray icy, Sire, ce que la dicte Dame
+nous a dict de la mort du comte de Mora, comme en passant par une
+rue, en la ville de Lithquo, il a esté tué d'ung
+coup de pistollé, avec quatre balles au travers du corps, par
+le fils du chérif du dict lieu, lequel est des Amelthons, qui
+s'est despuys saulvé<a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>. Duquel coup la dicte Dame n'a peu
+dissimuler le regrect qu'elle y avoit, ce qui la nous a (sellon
+mon adviz) randue moins bien disposée en ceste première
+audience, sentant possible debvoir advenir beaulcoup
+de mutation de ceste mort ez choses d'Escoce, et, possible,
+beaucoup en celles de toute l'isle; dont a dépesché en
+dilligence le S<sup>r</sup> Randol par dellà pour deux occasions principallement;
+l'une, affin de solliciter l'eslection d'ung
+aultre régent, qui soit de mesmes disposition envers elle
+qu'estoit le dict de Mora; et l'aultre, pour empescher que
+le comte de Northomberland ne soit mis en liberté sur ce
+changement, et fère beaulcoup d'offres et promesses là
+dessus.</p>
+
+<p>Ung certain capitaine alleman, nommé Oulfan d'Arnac,
+<span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span>
+est despuys naguières arrivé de la Rochelle; par la
+venue duquel le jeune comte de Mensfelt haste son partement;
+et toutz deux sont pretz de s'embarquer pour
+passer en Allemaigne, affin de se trouver bientost avec le
+Cazimir; lequel ilz cuydent se debvoir, dans peu de jours,
+mettre en campaigne; et cependant la subvention des esglizes
+protestantes de ce royaulme commence à se lever
+ainsy que je l'avois desjà préveu, et possible que par mes
+premières, je vous pourray mander combien elle se montera.
+Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, ayant la Royne d'Angleterre remiz à fère,
+d'icy à quatre jours, responce à Mr de Montlouet et à moy
+sur les choses qu'il luy a proposées de la part de Voz Majestez,
+il n'y auroit guières lieu de vous dépescher ce pacquet
+jusques alors, n'estoit la nouvelle qui cependant est
+survenue de la mort du comte de Mora; laquelle je ne vous
+veulx aulcunement retarder, pour l'aparance qu'il y a que
+d'icelle ayt à naistre bientost beaulcoup de nouvelletez en
+Escoce, et possible assés de mutation ez choses de ce
+royaulme, où ce coup se faict desjà tant sentyr, qu'il
+semble qu'en la court, et par tout le pays, ung chacun en
+soit bien fort esmeu; et n'a la dicte Royne d'Angleterre,
+après l'avoir sceu, différé que bien peu d'heures de dépescher
+Randolf en Escoce, pour fère en toutes sortes qu'on
+y substitue ung aultre régent, qui soit pour persévérer aulx
+mesmes trettez qu'elle avoit avecques le deffunct, avec
+offres d'argent et de forces pour meintenir l'authorité de
+celluy qui le sera, et pour empescher que aulcuns estrangiers
+<span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span>
+puissent estre appellez contre luy dans le pays; dont
+aulcuns estiment que le frère du dict de Mora tiendra
+meintenant ce lieu. En quoy Vostre Majesté considèrera,
+au cas que Mr de Montlouet n'ayt permission de passer jusques
+en Escosse par terre, s'il sera expédiant d'y dépescher
+ung aultre par mer, qui y puisse arriver avant que les
+choses y soient establyes à la dévotion des adversaires de
+la dicte Royne d'Escoce. L'on a adviz icy que Dombertrand
+a esté avitaillé par deux navyres françoys, dont ne
+fault doubter que le party de la dicte Dame ne s'en trouve
+grandement confirmé dans le pays, et je sçay qu'il en faict
+grand mal au cueur à plusieurs en ceste court. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">LXXXVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.&mdash;</p>
+
+<p >(<i>Envoyée par Mr de Montlouet s'en retornant devers le Roy.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Nouvelle audience accordée à Mr de Montlouet.&mdash;Refus fait par Élisabeth de
+lui donner passage.&mdash;Motifs qui ont dû l'engager à prendre ce parti.&mdash;Arrestation
+de l'évêque de Ross.&mdash;Protestation de la reine d'Angleterre
+qu'elle veut se maintenir en paix avec le roi, et qu'elle ne donnera
+aucun secours à ceux de la Rochelle.&mdash;Préparatifs faits en Angleterre
+contre l'Écosse.&mdash;Nécessité d'envoyer sans retard, par mer, un député en
+Écosse, et de ne rien négliger pour arrêter l'exécution des projets des
+Anglais.&mdash;<em>Note</em> remise à Mr de Montlouet sur l'état général des affaires
+d'Angleterre et d'Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ayant la Royne d'Angleterre, au boult de huict
+jours, faict entendre à Mr de Montlouet et à moy, avec
+<span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span>
+quelque aparat, en présence de unze seigneurs de son conseil,
+touchant les affères de la Royne d'Escoce, que de
+laysser passer le dict S<sup>r</sup> de Montlouet jusques au lieu où est
+la dicte Dame, et puys de là en Escoce, elle ne le pouvoit
+meintennant en façon du monde consentyr, pour des occasions,
+lesquelles, si eussent esté bien sceues, lorsqu'il fut
+dépesché, elle s'assure que Vostre Majesté ne luy eust
+donné charge d'y aller; et que de la seurté de la dicte Dame
+Vostre Majesté pouvoit croyre que, quand la dicte Royne
+d'Escoce auroit bien machiné de la fère tuer à elle d'ung
+coup de haquebutte, elle pourtant ne consentyroit jamais
+qu'on touchât ny à sa vie, ny à sa personne; et que de son
+bon trettement elle le luy fesoit fère tel et à telz frays
+qu'elle sçayt que l'Escoce ne seroit pour y fornyr de mesmes.
+Au regard de sa plus grande liberté et restitution à
+sa couronne, qu'encor qu'elle n'eust à rendre compte qu'à
+Dieu seul de ses actions en cella, elle néantmoins les vous
+feroit entendre par son ambassadeur, ou par ung gentilhomme
+exprès, avec espérance, que vous les trouverez si
+équitables, que dorsenavant vous ne seriez tant pour la dicte
+Royne d'Escoce, que vous ne fussiez aussi pour elle; et de
+tout ce que, avec ung bien long et préparé discours et
+avec plusieurs démonstrations, elle a desduict là dessus,
+le dict S<sup>r</sup> de Montlouet le saura trop mieulx représanter à
+Voz Majestez que je ne le vous sçaurois escripre, vous
+pouvant asseurer, Sire, qu'il a si vifvement répliqué et
+tant fermement incisté à la dicte Dame sur toutz les poinctz
+de l'instruction, que Vostre Majesté luy avoit baillée, qu'il
+ne s'y peult rien desirer davantaige. Et j'ay adjouxté ce
+que j'ay peu de plus exprès pour la presser de luy fère
+meilleure responce; mais le mariage du duc de Norfolc et
+<span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span>
+l'ellévation du North lui sont deux offances si rescentes,
+lesquelles elle impute à la dicte Dame, et la mort du comte
+de Mora les luy a tant rafreschies, que nulle sorte d'apareil
+y peult encores estre bonne; mesmes, sur ce dernier courroux
+de la mort du comte de Mora, elle a faict resserrer
+l'évesque de Roz ez mains de l'évesque de Londres, qui
+sont deux fort différantz personnages, en meurs et en religion,
+l'ung de l'autre; dont semble qu'il fault qu'avec le
+temps vienne le remède de ce mal.</p>
+
+<p>Je laisse au dict S<sup>r</sup> de Montlouet de vous dire le contantement
+que la dicte Royne d'Angleterre à monstré avoir de ce
+que Voz Majestez Très Chrestiennes se sont vollues conjouyr
+avecques elle sur la paciffication des troubles de son
+royaulme, et les bonnes parolles qu'elle a dictes en cella,
+qui toutjour en use de fort bonnes ez choses qui luy sont
+proposées de Voz Majestez, sinon en ce qu'on luy touche
+de la Royne d'Escoce; et vous dira pareillement les promesses,
+qu'elle nous a faictes, de n'assister en aulcune
+sorte à ceulx de la Rochelle contre Vostre Majesté et sur
+ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<p class="p2 smcap left5">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, il n'a tenu ny à soing, ny à dilligence, ny à
+fère bien dignement et expressément entendre, par Mr de
+Montlouet, à la Royne d'Angleterre les choses de sa charge,
+ny encores à les avoir bien préparées et sollicitées par
+Mr de Roz et par moy, aultant qu'il nous a esté possible,
+que le dict S<sup>r</sup> de Montlouet ne raporte une meilleure responce
+qu'il ne faict sur les affères de la Royne d'Escoce;
+<span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span>
+mais le mariage du duc de Norfolc et l'ellévation du North
+y font ung très grand obstacle et, possible, y en faict
+davantaige la mort, naguières survenue, du comte de
+Mora; laquelle la dicte dame et ceulx de son conseil, qui
+sont protestantz, monstroient de la prendre plus à cueur
+que nul aultre accident qui leur eust peu advenir, et sont
+après à fère plusieurs grandz et nouveaulx desseings là
+dessus; dont desjà ont mandé renforcer bien fort la garnyson
+de Barvich, et crains assés qu'ilz veuillent dresser,
+du premier jour, armée pour l'envoyer par dellà, comme
+j'en ay quelque sentyment; laquelle survenant en la division,
+où est à croyre que ce royaulme se trouve meintennant,
+elle sera pour y fère des effectz, qui seront, par
+avanture, dommaigables à l'advenir; dont je perciste en
+ce que, par mes précédantes, j'ay escript que, ne voulant
+ceste Royne permettre que le Roy et Vous y puissiez envoyer
+quelqu'un des vostres par terre, qu'il sera bon que
+y dépeschiez promptement ung personnaige de bonne qualité
+par mer, qui soit pour moyenner et establyr, avec
+vostre auctorité, une bonne concorde entre les seigneurs
+du pays; et les bien disposer de résister aux estrangiers,
+et y relever le nom de leur Royne; en quoy semble aussi,
+si Voz Majestez n'y peuvent pour ceste heure envoyer forces,
+qu'il sera fort à propos que envoyez au moins quelques
+capitaines, et gens d'entendement et de valleur, qui les
+saichent bien conduyre. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span></p>
+
+<p><span class="smcap center">Ce qui s'ensuit</span> a esté baillé à Mr de Montlouet pour luy servyr de
+mémoyre.</p>
+
+<p>De la communicquation que Mr de Montlouet et moy avons heu
+ensemble, touchant ses deux instructions, il se pourra servyr de
+l'ordre d'icelles comme d'ung mémoire, pour tout ce que je luy ay
+dict sur ung chacun article, affin d'en satisfère Leurs Majestez.</p>
+
+<p>Et l'extraict de la lettre, que j'escriptz au Roy, s'il luy playt de
+l'emporter, sera pour nous conformer l'ung à l'aultre ez choses que
+la Royne d'Angleterre nous a respondues sur le faict de la Royne
+d'Escoce.</p>
+
+<p>De la continuation de la paix;&mdash;Il pourra dire que la Royne d'Angleterre
+monstre d'y vouloir persévérer, et semble que ceulx de la
+Rochelle ne tireront d'elle aulcun manifeste secours; mais ne fault
+doubter que, par moyens secrects et soubz aultres prétextes, les siens
+ne les accomodent, par mer et en Allemaigne, aultant que, sans
+mettre leur Mestresse à la guerre, ilz le pourront fère.</p>
+
+<p>Le jeune comte de Mensfelt est desjà embarqué, lequel anticipe de
+deux moys son partement, parce que, par ung navyre venu du North,
+l'on a sceu que ceste année la mer n'a point gelé; et va descendre en
+Hendein, dont s'estime qu'à son arrivée en Allemaigne, avec les
+responces et lettres de crédict d'icy, le Cazimir et le prince d'Orange
+se mettront incontinent en campaigne. Les dictes lettres, à ce
+qu'on dict, sont pour trente mil livres esterlin en tout, c'est cent
+mil escuz, ce que je n'ay encores bien vériffié.</p>
+
+<p>De l'estat des affères de la Royne d'Escoce et du duc de Norfolc;&mdash;J'ay
+monstré à Mr de Montlouet aulcunes petites lettres, qui tesmoignent
+ce qui en est, et ce qu'ung chacun d'eulx espère particullièrement
+pour soy, et ce que l'ung espère pour l'aultre.</p>
+
+<p>Et pareillement ce qu'elle, pour son regard, espère du secours de
+Flandres, et l'instance qu'elle en faict, et ce que luy espère de celluy
+de France, et comme il presse de le haster.</p>
+
+<p>L'estat des choses d'Escoce.&mdash;Ledinthon et milor Herys, hors de
+pryson, ont relevé avec les principaulx de la noblesse le nom et
+tiltre de leur Royne.&mdash;Le duc de Chastellerault encores prisonnier.&mdash;Le
+comte de Morthon et Lendzey ont juré la vengeance de la mort du
+comte de Mora.&mdash;S'entend que le comte de Northomberland est en liberté.
+Celluy de Vuesmerland a couru jusques sur quelque garnyson
+d'Angleterre et l'a surprinse.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span>
+La Royne d'Angleterre semble vouloir préparer une armée. Je n'ay
+poinct argument que ce soit contre la France, sinon par aulcuns adviz
+de l'année passée que une descente d'Anglois en Picardie doibt
+concourir, quant le Cazimir conduyra son armée vers ce quartier là,
+ayant promiz de s'employer à la reconqueste de Callays pour la dicte
+Dame; à quoy, à toutes advantures, Leurs Majestez feront prendre
+garde.</p>
+
+<p>La plus grand opinion est que ce sera pour aller en Escoce, affin
+d'y establyr le comte de Morthon régent, ou bien fère intervenir le
+comte de Lenoz au gouvernement de l'estat, et de la personne du
+prince son petit filz; et le maintenir comme son subject en ce sien
+droict, par toutz les moyens qu'elle pourra, ou bien pour se saysir,
+si elle peult, du dict petit prince et le transporter en Angleterre; et,
+possible, pour y fère quelque conqueste; et, en monstrant de vouloir
+appeller à la succession de son royaulme le dict petit prince, se
+saysir cependant des deux, le tout par prétexte d'aller contre ses rebelles
+du North, qui se sont retirez au dict pays.</p>
+
+<p>La détention de l'évesque de Roz et des aultres seigneurs catholiques
+porte grand empeschement à ma négociation de la liberté et eslargissement;
+desquelz ne se parle ung seul mot.</p>
+
+<p>Des différandz des Pays Bas, et ce que Espinola et Fiesque en
+trettent d'ung costé, et ce que l'ambassadeur et Anthoneda en
+trettent de l'aultre, pareillement ce que Cecille cerche d'en fère
+mettre en avant par le S<sup>r</sup> Ridolfy, et la remonstrance que j'ay faict
+au dict ambassadeur pour empescher l'accord des deniers.</p>
+
+<p>Du S<sup>r</sup> Chapin Vitel.</p>
+
+<p>De ce que Leguens a mandé.</p>
+
+<p>De fère administrer justice en Bretaigne aulx Angloys.</p>
+
+<p>Au cas que la Royne d'Escoce se veuille retirer en France, me
+mander si Leurs Majestez l'auront agréable, et qu'est ce que j'auray
+à fère, si elle entreprend de passer en Flandres.</p>
+
+<p>Parler à Monsieur le duc de la pleincte que ceulx ci font qu'on
+retarde par trop à Paris les passeportz à leur ambassadeur.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">LXXXVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais, par Olyvier Cambernon.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Efforts faits en Angleterre pour obtenir le consentement de l'Espagne, afin
+de disposer des deniers saisis et déposés à la Tour.&mdash;Intérêt du roi à l'empêcher
+pour que cet argent ne serve pas à faire des levées d'hommes contre
+la France.&mdash;Affaires d'Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, les choses que Mr de Montlouet a vues, et entendues
+icy, et celles dont nous avons heu communication ensemble,
+il les sçaura si bien représenter à Voz Majestez,
+que je n'entreprendray de vous en toucher icy ung seul
+mot; seulement je vous diray, Sire, touchant celles qui
+sont venues à ma cognoissance, despuys qu'il est party,
+que le voyage qu'il sçayt que Mr le cardinal de Chatillon a
+faict à Hamptoncourt, le jour de caresme prenant, a esté
+pour deux occasions; l'une, pour prier la Royne d'Angleterre
+de permettre à Rouvrey, lequel par fortune de temps
+est arrivé mallade et blessé à Grènezé, qu'il y puisse demeurer
+quelque moys pour se guéryr, nonobstant l'estroicte
+deffance qu'il y a de n'y souffrir aulcun estrangier, ce qu'il
+a facillement obtenu; et l'aultre occasion est pour très
+instemment prier la dicte Dame, avec les ambassadeurs des
+princes protestans, et avec ceulx, qui naguières sont venuz
+de la Rochelle, qu'elle veuille acquiter, à ce prochain
+mars, certaine portion d'ung sien debte qu'elle a promiz de
+payer en Allemaigne, affin qu'ilz s'en puyssent ayder à
+fère leurs levées, prenant sur eulx la dicte portion du principal
+<span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span>
+avec les intérestz <em>pro rata</em>. Mais à cecy la dicte Dame
+a respondu qu'elle avoit meintenant tant d'affères en son
+royaume, qu'elle estoit pour entrer plus tost en nouveaulx
+empruntz que de payer les vieulx debtes, et qu'il
+n'estoit possible qu'elle entendît à faire aulcun payement,
+si elle ne s'aydoit des deniers d'Espaigne, ausquelz elle
+n'avoit encores touché, attendant qu'il s'y fît quelque bon
+accord. Sur quoy, se trouvant que Espinola et Fiesque
+avoient miz en avant une composition au nom des merchans,
+de laysser les dicts deniers à la dicte Dame, jusques
+à l'entier accord des différans des Pays Bas, à intérest
+de dix pour cent pour l'advenir, sans payer rien du passé, et
+baillant seulement la chambre de Londres et mestre Grassein
+pour respondans, tant du principal que des dictz intérestz, il
+se faict une extrême sollicitation que cella s'effectue; et je
+inciste, de tout ce qu'il m'est possible envers l'ambassadeur
+d'Espaigne, qu'il le veuille empescher, luy remonstrant que
+ce sera accommoder d'aultant ceulx qui vous mènent la
+guerre en vostre royaulme, lesquelz se prévauldront de
+ces deniers; et il sçayt combien il y court un grand préjudice
+pour son Mestre: à quoy il m'a promis de fère tout ce
+qu'il pourra pour l'interrompre, mais il creinct que Albornoz,
+secrétaire du duc d'Alve, tienne la main à cella pour l'amytié
+qu'il a avec les dicts Espinola et Fiesque, ou pour
+avoir receu d'eulx un présent de douze ou quinze mil escuz,
+ainsy qu'on dict qu'ilz en offrent icy ung aultre de
+cinquante mil escuz au comte de Lestre et de vingt mil à
+Cecille. Mais je ne puys croyre que les dicts Espinola,
+Fiesque et Albornoz mènent ung tel faict, qui touche grandement
+l'intérest du Roy d'Espaigne, duquel ilz sont subjectz,
+et bien fort sa réputation et celle du duc d'Alve,
+<span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span>
+pareillement l'offance de son ambassadeur, icy résidant, et
+des aultres deux ambassadeurs qui, à diverses foys, y ont
+esté envoyez, ensemble celle qui a esté faicte à leurs navyres,
+à leurs subjectz et merchandises, sans que le dict
+Roy Catholique et le duc d'Alve y soient consentans. Et
+j'ay freschement heu adviz, assés conforme à ce que j'ay
+dict au dict S<sup>r</sup> de Montlouet, que l'on est après de tirer le
+Roy d'Espaigne hors de l'obligation des merchans, et du
+risque des dicts deniers; et qu'avec cella, il dissimulera
+pour ceste foys tout le reste, dont semble estre fort requis,
+Sire, que Vostre Majesté face instamment requérir le dict
+duc d'Alve de ne souffrir que les dicts deniers soyent ainsy
+délayssez à la dicte Dame par la composition des merchans;
+car, s'il s'y oppose, la dicte Dame n'y ozera toucher, et,
+aultrement, il est tout certain qu'il en sera envoyé une
+partie en Allemaigne pour fère les levées; vous suppliant
+très humblement, Sire, me pardonner, si je vous oze dire
+que, au poinct où vous et vos affères se retrouvent meintenant,
+une telle chose n'est aulcunement tollérable au dict
+duc d'Alve.</p>
+
+<p>Au surplus, il semble que ceste Royne et les siens se
+veuillent bientost résouldre à l'entreprinse des choses d'Escoce;
+car ils sont toutz les jours à consulter là dessus, dont
+je mettray peyne de descouvrir, aultant qu'il me sera possible,
+leurs dellibérations, et de fère que les partisans de la
+Royne d'Escoce par dellà en soyent advertys; et suys toutjours
+d'adviz, Sire, que debvez envoyer promptement
+ung ou deux personnaiges de bonne qualité par dellà pour
+confirmer le pays à vostre dévotion, ainsy que ceulx cy y
+dépeschent de leur part aulcuns de leur conseil, pour le
+disposer, s'ilz peuvent, à la leur; et cependant j'ay advyz
+<span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span>
+qu'ilz ont mandé armer promptement deux grandz navyres
+à Bristo, et mettre cent cinquante bons hommes dessus,
+pour surprendre les deux navyres françoys qui sont allez
+avitailler Dombertran, ainsy qu'ilz s'en retourneront. A
+quoy Vostre Majesté advisera du remède qui s'y pourra
+donner. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">LXXXIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée par Joz, mon secrétaire, exprès jusques à la court.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Nécessité de se prémunir en France contre l'expédition qui se prépare en
+Allemagne.&mdash;Secours d'argent et de munitions que l'on se dispose à envoyer
+d'Angleterre à la Rochelle.&mdash;État des affaires en Écosse après le
+meurtre du comte de Murray.&mdash;Armement fait à Londres que l'on pourrait
+craindre de voir diriger contre Calais.&mdash;Divisions qui se continuent
+entre les seigneurs d'Angleterre.&mdash;Offre faite au roi de la part d'un seigneur
+anglais.&mdash;<em>Mémoire</em> sur les affaires générales d'Angleterre et d'Écosse.&mdash;Regret
+éprouvé par Élisabeth de la mort de Murray.&mdash;Dispositions
+prises en Angleterre pour mettre le royaume en état de défense, et fournir
+de l'argent aux protestants de France.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ayant miz peyne de vériffier l'adviz que, par mes
+précédantes, du x&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> du présent, je vous ay mandé touchant
+certains deniers, qu'on presse la Royne d'Angleterre
+de fornyr en Allemaigne sur l'acquit de ses debtes, afin
+que les princes protestans s'en puyssent accommoder au
+payement de leurs levées, je tiens pour asseuré, (nonobstant
+que la dicte Dame et les siens facent démonstration
+<span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span>
+toute au contraire, et que Mr l'ambassadeur d'Espaigne,
+qui n'a moins suspect en cest endroict ce qui s'en pourchasse
+au nom du prince d'Orange, que moy la sollicitation
+de ceulx de la Rochelle, n'en ayt encores rien descouvert,)
+que néantmoins la chose est desjà toute conclue,
+ainsy que j'ay baillé, par instruction, à ce mien secrétaire,
+de le fère particullièrement entendre à Voz Majestez; et
+semble, Sire, que ne debvez plus demeurer sur le doubte
+si les Allemans descendront ou non, mais vous préparer
+comme pour leur résister et pour leur empescher l'entrée
+de vostre royaulme; à laquelle dellibération, de fornyr
+deniers, j'entans que la dicte Dame a beaulcoup résisté,
+comme celle qui ne s'en vouloit auculnement despourvoir;
+mais elle n'a sceu comment enfin s'excuser de n'acquicter
+son debte et fère tout ensemble playsir à ses amys, sans
+qu'il luy coste que la seule advance de l'argent qu'elle
+doibt, dont elle demeure quiete; et néantmoins luy sera
+dans quelques moys rembourcé. J'ay d'ailleurs envoyé soigneusement
+enquérir, par les portz de ce royaulme, s'il
+y auroit aulcun congé, ou permission, d'enlever pouldres
+et monitions pour la Rochelle; et m'a l'on raporté qu'à la
+vérité il n'y a nulle expresse permission de cella, mais
+qu'aulcuns merchans ont bien achapté secrectement des
+bledz et des chairs en ce pays, et ont faict venir de Nuremberg,
+de Hembourg et d'Anvers, des pouldres, des
+armes, des beuffles et choses semblables pour les envoyer
+à la Rochelle, afin de faire leur profict; à quoy j'essaye
+bien de les empêcher, mais ils nyent que ce soit pour la
+Rochelle; néantmoins j'ay adverty ceulx de ce conseil que
+Vostre Majesté déclairera de bonne prinse tous les vaysseaulx
+qu'on trouvera retournans du dict lieu.
+<span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span>
+Les choses d'Escoce se racontent en diverses façons,
+mais l'on tient pour la plus vraye que le comte de Morthon
+s'est vollu ingérer au gouvernement du pays en qualité de
+régent; et que plusieurs des grandz s'y sont opposés, et
+ont si bien relevé le nom de leur Royne que son auctorité
+y est pour ceste heure la plus recogneue; et que le duc
+de Chatellerault est encores prisonnier et resserré davantaige
+pour la souspeçon du murtre du comte de Mora; que
+Ledinthon est hors de pryson; que les principaulx des deux
+factions ont convenu de laysser courir, pour ceste heure,
+le seul exercisse de la religion nouvelle dans le pays, et
+que pour l'establissement des affères l'on assemblera les
+Estatz, où s'espère que le retour et restablissement de leur
+Royne sera requiz.</p>
+
+<p>J'entans que ceulx cy arment plus de vaysseaulx que
+les deux que j'ay mandé par mes précédantes, tout au
+long de la coste d'ouest, pour garder que nulz navyres
+estrangiers puissent aller ny venir en Escoce, espéciallement
+à Dombertran. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<p class="p2 blockquote">Je viens, tout à ceste heure, d'estre adverty que ceulx cy sont après
+à ordonner ung grand armement des navyres de guerre de ceste
+Royne et aultres de ce royaume, pour une grande entreprinse,
+qu'ilz veulent exécuter avec intelligence du prince d'Orange, qui
+les doibt ayder de ses vaysseaulx qu'il a en mer, sous la charge du
+S<sup>r</sup> de Olain et du bastard de Briderode; et espèrent aussi se prévaloir
+de ceulx de la Rochelle. Aulcuns soupeçonnent que ce soit sur
+Callais, dont j'ay réouvert le pacquet pour y adjouxter cest article,
+encor que je ne l'aye plus avant vériffié. J'ay aussi présentement receu
+les deux dépesches de Vostre Majesté, du xxv&#305;&#305;<sup>e</sup> du passé et du
+sixiesme d'estuy cy, par un mesme courrier, sur lesquelles je verray
+bientost ceste Royne, et ne changeray rien pour la venue d'icelles
+en ceste dépesche.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span></p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p><span class="fancyfont">Chiffre.</span>&mdash;[Madame, la division continue toutjour en ce
+royaume, et le malcontantement croyt de plus en plus ez
+cueurs des principaulx et des Catholiques, parce que les
+gouverneurs, qui sont des moindres et toutz protestans,
+procèdent insolentement contre eulx; dont ne peult estre
+que bientost l'altération ne s'en monstre bien grande, et
+que la cause de la religion, celle de la Royne d'Escoce,
+celle des seigneurs prisonniers, et encores celle de l'incertaine
+succession de ce royaulme, qui ont chacune leurs
+partisans, ne produyse de divers effectz; en quoy je mettray
+peyne de tenir le nom du Roy le plus relevé que je
+pourray, et qu'il n'y en ayt point de plus respecté que le
+sien.</p>
+
+<p>X.... m'est venu trouver, sur les dix heures de nuict,
+pour me dire que, s'il playt au Roy de le recepvoir, il
+passera très vollontiers à son service, avec une si bonne
+entreprinse en main que, quant Sa Majesté la vouldra
+exécuter, il la trouvera très utille pour sa grandeur, adjouxtant
+plusieurs occasions de son malcontantement et de
+celluy des principaulx seigneurs de ce royaulme. Sur quoy,
+ne saichant s'il venoit pour m'essayer, j'ay respondu que
+je ne sçavois que le Roy eust aultre intention que fort
+bonne à l'entretennement de la paix avec la Royne d'Angleterre
+et avec son royaulme; mais, parce que toutes
+ses prétencions et desirs ne me pouvoient estre cognuz, je
+ne fauldrois de l'advertir de ce qu'il me disoit, et qu'il pouvoit
+bien considérer que Sa Majesté avoit à se douloir,
+aussi bien que luy, de ceulx qui gouvernoient en ce
+<span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span>
+royaume; et qu'à ceste occasion il le pourroit bien accepter
+et l'employer à s'en revencher ensemble; dont il m'a
+dict qu'il viendra, dans quelque temps, sçavoir la responce
+que Vostre Majesté m'aura faicte]. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">Instruction au S<sup>r</sup> de Jos</span> de ce qu'il aura à dire à Leurs Majestez,
+oultre le contenu de la dépesche.</p>
+
+<p>Ainsy que la Royne d'Angleterre estoit après à esteindre les
+troubles du North, et à pourvoir qu'ilz ne se peussent plus rallumer;
+et qu'elle faisoit estat, que d'Escoce, d'où elle heut heu le plus à se
+doubter, ne luy viendroit que toute faveur et assistance, tant que le
+comte de Mora y commanderoit, mesmes qu'il tenoit le comte de
+Northumberland en ses mains; et ne cerchoit sinon comme elle et luy
+pourroient concourre en ung mesme intérest contre la restitution de
+la Royne d'Escoce; il n'est pas à croire combien la dicte Dame a
+vifvement senty la mort du dict de Mora.</p>
+
+<p>Pour laquelle, s'estant enfermée dans sa chambre, elle a escryé,
+avecques larmes, qu'elle avoit perdu le meilleur et le plus utille
+amy, qu'elle eut au monde, pour l'ayder à se meintenir et conserver
+en repos, et en a prins ung si grand ennuy que le comte de Lestre a
+esté contrainct de luy dire, qu'elle faisoit tort à sa grandeur de
+monstrer que sa seurté et celle de son estat eussent à dépendre d'ung
+homme seul.</p>
+
+<p>Et parce que l'avitaillement de Dombertran, la venue de Mr de
+Montlouet, quelque course du comte de Vuesmerland sur la frontière,
+et la retrette d'aulcuns Anglois en Escoce, sont advenues en
+mesme temps, la dicte Dame et ceulx de son conseil sont entrez en
+grand opinion que les Catholiques de ce pays, avec l'intelligence des
+estrangiers, ayent mené ceste practique, et qu'il y ayt bien d'aultres
+entreprinses en campaigne.</p>
+
+<p>Et mesme l'on s'esforce de randre suspect à la dicte Dame le propos
+de la paix de France, comme si, la faisant, l'on debvoit incontinent
+luy déclairer la guerre; ce que toutesfoys elle ne se veult
+ayséement persuader, et pourtant ne peult laysser de la desirer,
+pourveu qu'il ne s'y conclue rien contre elle, ny trop au désadvantaige
+de sa religion; affin qu'elle demeure deschargée de tant de demandes
+<span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span>
+et importunités qu'on luy faict pour l'entretennement de
+ceste guerre.</p>
+
+<p>Mais parce qu'aulcuns luy remonstrent que des exploicts de ceste
+année a de résulter l'establissement ou la ruine de sa dicte religion,
+et pareillement le repos ou l'altération de son estat, car ilz
+conjoignent l'ung avecques l'aultre, j'entendz que la dicte Dame et
+ceulx de son conseil ont desjà résolu la plus part des choses qu'ilz
+estiment estre besoing d'y pourvoir, desquelles j'ay sceu en premier
+lieu:</p>
+
+<p>Qu'ilz ordonnent de continuer la description des forces, que j'ay
+cy devant mandées, de quatre vingtz dix mil hommes de pied et trente
+mil chevaux, en trois endroictz de ce royaulme; et que la charge en
+sera principallement commise aulx Protestans, et qu'on regardera de
+si près aux Catholiques, qu'on ne leur permettra de se trouver plus
+de six ensemble, sur peyne de pryson: que les seigneurs, qui sont
+dettenuz, seront resserrez davantaige, et sera continué d'enquérir
+contre eulx, mesme a esté parlé de <em>convoquer ung parlement</em> pour
+trois occasions seulement; l'une, pour avoir deniers; et l'aultre, pour
+déclairer criminels de lèze majesté ceulx qui se sont ellevez, et leurs
+adhérans, affin de procéder à leur confiscation; et la troisième,
+pour confirmer les décrectz de leur religion. Mais de peur que le
+dict parlement ne veuille toucher à d'aultres choses, il n'est encores
+résolu de le convoquer; et est, en toutes sortes, si rigoureusement
+procédé contre les dicts Catholiques, qu'ilz vivent en grand frayeur,
+dont les Protestans, qui ont toute l'auctorité, pensent que par ce
+moyen ilz les pourront contenir.</p>
+
+<p>Pour le regard des choses d'Escoce, ayantz faict passer le mareschal
+de Barvich, et ung capitaine de la mesme garnyson, au dict pays,
+incontinent qu'on a entendu l'inconvéniant du dict de Mora, affin
+de relever le party qu'il tenoit, ilz y ont despuys envoyé Randof, et
+sont après à y dépescher encores Raf Sadeller qui est du conseil, avec
+lettres à huict principaulx du pays et créance de leur offrir hommes
+et argent au nom de ceste Royne; et ont donné charge au comte de
+Sussex de doubler la garnyson de Barvich, dont il emporte commission
+d'y mettre promptement cinq centz hommes, et trois centz chevaulx
+de renfort; et, à cest effect, luy a esté baillé douze capitaines
+de la suyte de ceste court, estimans que la dicte garnyson de Barvich,
+ainsy renforcée, laquelle sera de mil harquebouziers et six centz
+chevaulx, avec l'ayde du gardien de la frontière, suffira contre les
+courses de Vuesmerland, jusques à ce que cest esté, ou plus tost,
+<span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span>
+ils auront dressé armée pour aller courre l'Escoce, affin d'y establyr
+les choses à leur dévotion, estant l'opinion d'aulcuns qu'ilz se saysiront,
+s'ilz peuvent, du petit prince du pays; et qu'ayantz la
+mère et le filz en leurs mains, il leur sera aysé de annuller le tiltre
+que la mayson d'Escoce prétend à la succession de ce royaulme.</p>
+
+<p>Et ne deffault qui persuade à ceste princesse qu'affin qu'elle ne
+soit, ny par le costé de France, ny de Flandres, empeschée en ses
+affères de deçà, qu'elle doibt accommoder les princes protestans en
+leurs entreprinses de dellà, et leur donner moyen qu'ilz se puissent
+prévaloir d'aulcuns deniers de ce royaulme, pourveu qu'elle n'en
+desbource rien; dont j'entens qu'après s'en être quelque temps
+fort excusée, enfin elle a condescendu de dire à ceulx de son
+conseil qu'ilz advisent comment cella se pourra fère; dont desjà ont
+résolu que la dicte Dame payera, dans le moys d'apvril, une partie
+de ses debtes en Allemaigne, laquelle iceulx princes prendront des
+mains de ses créditeurs; et encor que les deniers reviegnent toutz à
+son acquit, ilz luy seront néantmoins remboursez, la moictié des
+prinses, et l'aultre moictié par les esglizes protestantes de ce
+royaulme; lesquelles, à ce qu'on dict, ont accordé de bailler quatre
+vingtz mil escuz dans huict moys, ainsy que de mesmes les aultres
+esglizes protestantes de France, de Flandres, d'Allemaigne, des
+Suisses, d'Itallie, et mesmes disent d'Espaigne, contribuent à ceste
+guerre: dont l'on faict compte que la contribution de toutes ensemble,
+comprins les dix mil escuz de ceste cy, monte envyron trente
+mil escuz toutz les moys.</p>
+
+<p>Mais la difficulté est en ce que, sans mettre la main aux deniers
+d'Espaigne, la dicte Dame ne peut, ny veult payer aulcune portion
+de ses debtes, ceste année, en Allemaigne, affin de ne se desfornyr
+d'argent; et ce qui a esté cause de quoy Espinola et Fiesque ont
+esté mieux ouys sur les offres qu'ilz ont faictes, au nom des merchans
+Espaignolz et Gènevoys, de laysser les dicts deniers à la dicte Dame,
+ainsy que je l'ay mandé par mes précédantes. Et j'ay advis qu'on
+tient cella pour si accommodé, que desjà est ordonné à M<sup>e</sup> Grassein
+d'en distribuer quarante cinq mil livres d'esterlin aulx merchans de
+ceste ville, c'est cent cinquante mil escuz, pour les fornyr, à ce prochain
+apvril, en Allemaigne, aux dits créditeurs de ceste Royne et
+vingt mil <sup><i>lt</i></sup> aussi d'esterlin, c'est soixante douze mil escuz, ordonnez
+pour les affères d'Escoce.</p>
+
+<p>Reste seulement que la dicte Dame demande aus dicts Espinola et
+Fiesque ung mot de lettre du Roy d'Espaigne, par lequel il advouhe
+<span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span>
+que les dicts deniers sont des merchans, et non siens; ce que l'ambassadeur
+d'Espaigne, qui est ici, me promect que son Mestre ne le
+fera jamais. Aultres estiment que, pour sortyr hors de l'obligation
+et du risque des dicts deniers envers les merchantz, qu'il ne reffusera
+de le fère; aultres disent que, ores qu'il ne le face, qu'on ne lairra
+pourtant d'accorder des dicts deniers avecques les merchans, et s'en
+ayder en Allemaigne; néantmoins, il sera toutjour bon d'incister
+au duc d'Alve qu'il empesche le dict accord:</p>
+
+<p>Car il est desjà nouvelles que Quillegrey sera dépesché pour aller
+porter les lettres de police du dict payement, et pour aller faire semblables
+offices, ceste année, qu'il fit la précédente envers les princes
+protestans; dont s'estime, qu'à son arrivée par dellà, plus qu'à celle du
+jeune comte de Mensfelt, les dicts princes s'esmouveront et commenceront
+de marcher; et que le dict de Mensfelt n'a emporté que quelques
+lettres d'acquit, pour vingt mil livres d'esterlin, qui avoient esté
+desjà prinses sur les bagues de la Royne de Navarre. Par ainsy, il
+fault fère estat que l'armée de Cazimir yra au secours de ceulx de la
+Rochelle.</p>
+
+<p>Il semble qu'on ayt vollu imprimer quelque peur à ceste princesse
+du duc de Olstein, luy donnant entendre qu'il a esté devers le
+duc d'Alve à Bruxelles pour tretter quelque entreprinse contre elle,
+et qu'il faict une levée de gens de pied et de cheval vers Hembourg
+et Osterelan, de quoy elle a certain adviz, et que le duc Ery de
+Bronzouye a aussi la sienne toute preste; dont, encor que le dict duc
+d'Alve monstre que son principal prétexte soit pour résister aulx entreprinses
+du prince d'Orange, néantmoins la jalousie qu'elle s'est
+donnée de cella, et possible le desir de favoriser les affères du dict
+prince d'Orange, et les choses advenues par la mort du comte de
+Mora sont cause dont elle se laysse ainsy aller à la forniture de
+deniers en Allemaigne; aulcuns estiment tout le contraire du duc
+d'Olstein, qu'il est pour le dict prince d'Orange, bien m'a l'on dict
+qu'il y a desjà trois ans que ceste Royne a osté de son estat le dict
+de Olstein lequel souloit être son pencionnaire.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">XC<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center"><i>(Envoyée par Hamberlin, chevaulcheur d'escuerye, jusques à la court.)</i></p>
+
+<p class="hanging indent">Audience accordée à l'ambassadeur; communication faite à Élisabeth de l'état
+des négociations en France pour arriver à la pacification.&mdash;Conditions
+proposées par le roi.&mdash;Offre faite par la reine d'Angleterre de sa médiation.&mdash;Nouvelle
+assurance qu'elle n'a donné aucun secours aux protestans
+de France.&mdash;Affaires de la reine d'Écosse.&mdash;Élisabeth propose d'accepter
+la médiation du roi pour ses différends avec Marie Stuart.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, pour faire entendre à la Royne d'Angleterre ce
+qui a passé avec les depputez de la Royne de Navarre, des
+princes de Navarre, de Condé, et des aultres de leur party,
+qui vous ont très humblement requiz la paix, je luy ay récité
+les mesmes bons et bien convenables propos de vostre
+lettre du v&#305;<sup>e</sup> du présent, avec ung peu d'expression de l'incroyable
+débonnaireté et infinye clémence qu'il vous playt
+user envers eulx, sur toutes les offances, ruynes et dommaiges,
+que vous et vostre royaulme avez receu de leur
+ellévation et de leur prinse d'armes; et que si la dicte Dame
+veult considérer les grâces et concessions que vous leur offrez,
+je m'asseure qu'elle les estimera, sinon excessives,
+à tout le moins telles que de plus grandes vous ne leur en
+pouvez bonnement concéder, sinon que pour les contanter
+à eulx seulz, Vostre Majesté se vollût par trop se malcontanter
+soy mesmes, et offancer vos aultres bons subjectz
+catholiques, qui sont de vostre party, qui ont toutjour
+<span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span>
+suyvy vos intentions, n'ont onques contradict à icelles,
+ont combattu avecques vous et pour vous, et n'ont rien
+espargné du leur pour vous secourir; et pareillement offancer
+bonne partie du reste des Chrestiens, espéciallement les
+princes, vos alliez et confédérez, qui monstrent avoir intérest
+en ceste cause pour la religion catholique et pour la
+souveraine auctorité, qu'ilz desirent estre, l'une et l'aultre,
+bien conservées en vostre royaulme, comme en ung
+siège principal de la Chrestienté, en quoy, en lieu qu'ilz
+vous penseroient avoir regaigné pour bien veuillant et favorable
+prince, il est à croyre qu'ilz vous trouveroient à
+jamais offancé, irrité et bien fort ulcéré contre eulx.</p>
+
+<p>La dicte Dame, d'ung visaige bien fort joyeulx et contant,
+après plusieurs bien bonnes parolles du mercyement,
+qu'elle m'a prié de vous fère, pour une tant favorable
+communication du pourparlé de paix avec vos subjectz,
+a curieusement vollu lire les articles d'icelluy, et j'ay
+miz peyne de les lui fère trouver plus que raysonnables
+de vostre costé; et que, si ceulx de l'aultre part se monstrent
+tant sans rayson qu'ilz ne les acceptent, que Vostre
+Majesté la prie de les tenir dorsenavant pour ceulx qui ne
+sont meuz d'aulcun desir de religion, ains d'une pure ambicion
+d'occuper l'authorité souveraine s'ilz pouvoient; et
+que, pour le debvoir de l'alliance et bonne amytié, qui est
+entre Vostre Majesté et la dicte Dame et voz deux couronnes,
+elle les veuille à jamais exclurre de sa protection,
+faveur et secours, et nomméement de l'assistance de deniers
+qu'ilz se vantent debvoir avoir ceste année d'elle ou
+de son royaulme; et, comme ennemye conjurée contre eulx,
+se veuille unyr avec Vostre Majesté pour les réprimer,
+et pour vous ayder de reconquérir sur eulx les droictz
+<span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span>
+souverains, qu'ilz s'esforcent [d'usurper], et donner exemple
+aux aultres subjectz d'ozer, par prétexte de religion,
+entreprendre d'usurper sur leurs vrays et naturelz princes
+et seigneurs.</p>
+
+<p>A quoy elle m'a respondu qu'elle ne doubte aulcunement
+que, en Vostre Majesté et en celle de la Royne, ne soit
+le mesmes bon desir que les dicts articles monstrent pour
+la réunyon et réconcilliation de voz subjectz, et comme
+elle le loue infinyement, ainsy vous prie elle de croyre
+qu'elle a grand affection de la veoir bien effectuée; et que,
+si ceulx de la Rochelle ont de quoy pouvoir, sans contraincte
+de leur conscience, vivre soubz vostre auctorité,
+en paix et bonne seurté de leurs vyes et de leurs personnes,
+elle ne voyt commant ilz le puyssent, ny doibvent
+reffuzer; dont, si pour la conclusion d'ung si bon &oelig;uvre,
+au cas qu'il y intervienne aulcune difficulté, il vous playt
+qu'elle s'y employe, elle le fera droictement à l'advantaige
+deu à Voz Majestez, comme si c'estoit pour le sien propre;
+et quant à secours, elle peult jurer devant Dieu qu'il
+n'en est procédé d'elle, ny en argent, ny en aultre chose,
+dont ilz se puyssent raysonnablement vanter qu'elle leur
+en ayt baillé contre vous, et qu'elle n'ozeroit jamais lever
+les yeulx pour me regarder, si, après tant de parolles et
+de promesses qu'elle m'a faictes vous escripre là dessus,
+elle venoit meintenant à leur en donner.</p>
+
+<p>J'ay esté en doubte, Sire, comment uzer de ce, qu'en
+lieu que je l'ay requise de leur estre ennemye, s'ilz
+n'acceptent les condicions de paix, elle s'est offerte d'en
+composer les difficultez; dont, sans en rien acepter, je
+l'ay seulement remercyée, au nom de Voz Majestez, et
+que je ne fauldrois de le vous escripre, et ay poursuyvy que
+<span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span>
+j'espérois que la mesme responce conviendroit à ce que
+j'avoys à luy requérir très instantment de vostre part, qu'elle
+vous vollût tout ouvertement signiffier si une levée de huict
+mil reystres, qu'on vous a mandé que le duc d'Olstein et
+le comte d'Endein font pour elle en Allemaigne, est en
+faveur de ceulx de la Rochelle, ainsy qu'on le vous veult
+persuader, et qu'il vous semble bien que la dicte Dame
+doibt ceste franche et claire déclaration à la bonne amytié,
+que Voz Majestez Très Chrestiennes luy portent, et que
+le cueur ne vous peult dire que vous ayez en ce temps à
+espérer actes si ennemys et si contraires du costé de la
+dicte Dame.</p>
+
+<p>Elle m'a respondu, de fort bonne façon, que Mr Norrys
+luy a touché ce particullier par ses lettres, et que par
+lui mesmes elle vous y fera satisfère: cependant me vouloit
+bien asseurer qu'elle ne faict point fère la dicte levée, et
+qu'elle ne veult jamais estre estimée Royne, s'il se trouve
+aultrement; et a passé oultre à me dire qu'il se parle bien
+de quelque levée à venir, mais qu'elle ne sçayt encores ce
+qui en est; et, quand elle l'entendra, s'il y a rien contre
+Vostre Majesté, elle me le fera notiffier.</p>
+
+<p>Je croy que la dicte Dame m'a respondu assés sellon la
+vérité et sellon son intention en ces deux choses; mais je
+mettray peyne de mieulx les vériffier, et sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A LA ROYNE.</p>
+
+<p>Madame, ayant envoyé me condouloir à Mr le comte
+de Lestre du peu de satisfaction que la Royne, sa Mestresse,
+a vollu donner à Voz Majestez Très Chrestiennes,
+<span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span>
+par Mr de Montlouet sur les affères de la Royne d'Escoce,
+il m'a mandé que je debvois excuser la dicte Dame sur
+les espouvantables conseilz qu'on luy donnoit, de la subversion
+de sa couronne et de son estat, si elle ne procédoit
+encores plus rigoureusement contre elle, ce qui n'estoit
+aulcunement sellon son cueur; et que, n'ozant de luy
+mesmes se ingérer de luy en parler, si je luy en voulois
+escripre une lettre à part, il la feroit si oportunément veoir
+à la dicte Dame qu'il espéroit que les affères de la dicte
+Royne d'Escoce s'en porteroient mieulx. Je luy ay escript
+aulcun peu de motz, lesquelz il luy a monstrez, et elle
+m'a faict cognoistre, en ma dernière audience, qu'elle
+les avoit bénignement receuz; lesquelz ont heu tant d'effect
+qu'elle m'a offert d'elle mesmes que, s'il playt à Voz
+Majestez mettre en avant ung moyen ou expédiant entre
+elles deux, qui soit honneste et non préjudiciable à elle
+ny à sa couronne, ny contraire à son honneur et conscience,
+qu'elle y entendra très vollontiers; et ainsy m'a
+elle, une et deux foys, prié de vous le mander. Dont je
+mettray peyne, Madame, d'entendre là dessus le désir
+de la dicte Royne d'Escoce, et le conseil, s'il m'est possible,
+de Mr l'évesque de Roz, lequel est encores bien resserré,
+pour en user le plus oportunément que je pourray.
+Cependant il plairra à Voz Majestez m'en commander
+ung mot par une lettre que je puysse monstrer, et sur
+ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">XCI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXVI</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Callais par Lepecoc</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Opinion générale répandue en Angleterre que la paix sera prochainement
+conclue en France.&mdash;État des affaires en Flandre.&mdash;Incertitude sur les
+nouvelles d'Écosse; nécessité d'envoyer un prompt secours dans ce pays.&mdash;Réclamation
+des Anglais contre la conduite qui est tenue à leur égard en
+Bretagne.&mdash;Vives instances de Marie Stuart pour obtenir un secours de
+France.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, après avoir, le xx<sup>e</sup> de ce moys, amplement discouru
+à la Royne d'Angleterre en quel estat estoient demourées
+les choses avec les depputez de la Rochelle, lorsque
+Vostre Majesté m'a commandé de luy en parler, et que
+la dicte Dame m'eust prié de luy laysser le mémoire des
+condicions que vous leur offriez, lesquelles elle ne fit semblant
+de les trouver que bien fort raysonnables, et qu'elle
+ne voyoit plus aulcune difficulté en cella, sinon possible ung
+peu de l'asseurance, à cause de l'infraction des précédantz
+traittez, elle manda, le jour d'après, Mr le cardinal de
+Chatillon pour les luy communiquer; et ne sçay encores,
+Sire, ce qui en fut débattu entre eulx, sinon qu'on m'a
+adverty que le dict S<sup>r</sup> cardinal dict que la Royne de Navarre,
+plus de douze jours auparavant, luy en avoit en substance
+mandé le contenu, à la mesure que les depputez,
+durant le pourparlé, le luy escripvoient, et qu'il faisoit
+grand difficulté que la paix se peult conclure là dessus,
+<span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span>
+qu'il ne leur fût en quelque chose mieulx satisfaict, et en
+quelque aultre plus seurement pourveu. Je mettray peyne
+de sçavoir si la dicte Dame a trouvé fondement en sa dicte
+difficulté, veu qu'elle m'a dict que ses plus sçavantz prescheurs
+maintenoient, par tesmoignages de l'escripture
+saincte, que nulle eslévation contre son prince, ny mesmes
+pour la conscience, peult estre juste ny raysonnable.</p>
+
+<p>Il semble qu'on ayt icy assés d'opinion que la paix se
+conclurra, et néantmoins je n'entendz qu'on révoque l'ordonnance
+des deniers pour Allemaigne, bien qu'aulcuns
+estiment que les levées de gens de guerre sont retardées
+pour attandre quelle fin le dict traitté prendra; et se parle
+beaulcoup plus, à ceste heure, des aprestz du prince d'Orange
+que de ceulx de Cazimir, et qu'encores que en
+Flandres ne s'en face aulcun semblant, que néantmoins le
+duc d'Alve ne laysse de pourvoir secrectement à ses affères;
+dont ceulx cy ont quelque adviz de ses aprestz, et mesmes
+tiennent pour assés suspectz ceulx qu'ilz entendent qu'il
+faict pour la mer, qui ne peuvent, ce leur semble, estre
+dressez contre le dict prince; et par ainsy, doubtent que
+ce soit contre eulx, mais ilz monstrent de ne les craindre
+guières. La composition des deniers et merchandises, arrestées
+par deçà sur les subjectz du Roy d'Espaigne, se
+poursuyt toutjours. Il est vray qu'il semble qu'on attand
+la responce d'une dépesche, que le duc d'Alve, après le
+retour du S<sup>r</sup> Chapin en Flandres, a faicte au Roy son
+Mestre sur ceste affère, qui n'est encores venue.</p>
+
+<p>Je ne puys avoir certitude des présentes choses d'Escoce,
+et semble que le S<sup>r</sup> Randolf mesmes, qui est sur le
+lieu de la part de ceste Royne, ne peult comprendre quelles
+elles sont, et qu'il en escript confuzément. Le comte de
+<span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span>
+Lenoz se prépare toutjours pour y aller; mais il creinct
+quelque malle adventure par dellà, et n'ayant la dicte
+Royne d'Escoce faulte d'adviz en ses propres affères, elle
+nous a faict tenir celluy que je vous envoye duquel nous
+mettrons peyne d'en avoir plus grande vériffication; et
+d'aultant qu'avec icelluy vous verrez, Sire, l'instance
+qu'elle me prie de vous fère pour son secours, il ne sera
+besoing de le vous exprimer davantaige, si n'est pour vous
+dire, Sire, que peu d'ayde à ce commancement vous
+pourra espargner les frays d'ung grand secours, que possible
+cy après vous y vouldriez avoir envoyé; lequel, ou n'y
+pourra lors passer, ou n'y viendra jamais assés à temps.
+Je ne sçay si, suyvant mes précédantes lettres, ceste
+Royne vouldra entendre à quelque bon expédiant avec la
+dicte Royne d'Escoce, elle m'a faict démonstration d'y
+estre assez bien disposée; mais la dicte Royne d'Escoce a
+trop d'ennemys en ceste court.</p>
+
+<p>La dicte Royne d'Angleterre m'a faict dellivrer trois
+Françoys qui estoient prisonniers à Colchester, et m'accorde
+ordinairement, et fort libérallement, les provisions
+de justice que je luy demande pour voz subjectz. Il est
+vray que ceulx de son conseil m'ont faict escripre par le
+juge de l'admyraulté que, s'il n'est faict rayson à trois Anglois,
+qui vont pourchasser la restitution de leurs biens à
+Granville en Bretaigne, qui leur a esté deux et trois foys
+desnyée, que les Bretons ne s'esbahyssent plus s'ilz n'ont
+dellivrance des biens qui leur seront prins ou arrestez par
+deçà; vous supliant, Sire, mander au S<sup>r</sup> de La Roche,
+cappitaine du dict Granville, qu'il les leur face dellivrer,
+et que dorsenavant Vostre Majesté commande estre mieulx
+pourveu à l'administration de la justice aux dicts Anglois
+<span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span>
+en Bretaigne, qu'ilz disent qu'ilz n'y en ont heu jusques
+icy; et sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxv&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p>Sur la fin de la présente m'est venu advis qu'il y a heu rencontre,
+sur la frontière du North, entre millord Dacres, qui se retirait en Escoce
+avec quelque troupe, et milord de Housdon gouverneur de
+Barvich, qui l'a vollu empescher.</p>
+
+<p class="center"><span class="smcap">Extraict</span> de la lettre de la Royne d'Escoce à Mr l'évesque de Roz,
+son ambassadeur.</p>
+
+<p>J'ay receu, par ce pourteur, la lettre que m'avez escripte du v&#305;<sup>e</sup>
+du présent, et suys fort marrye de vostre emprysonnement, à ceste
+heure que mes affères ont grand besoing de vous, sur le poinct qu'on
+m'a dict que le Roy a accordé d'envoyer deux mil hommes en Escoce;
+je vous prie, sollicitez Mr l'ambassadeur de fère instance
+à son Mestre qu'il les veuille haster, et advertissez l'arsevesque de
+Glasco et Rollet, de faire le mesme par dellà. Je vouldrois bien entendre
+quel secours nous aurons de Flandres. Je crains qu'il sera
+assés petit, et qu'il viendra bien tard; car j'entends que desjà la
+Royne d'Angleterre faict lever une armée de douze mil hommes en
+ce pays, et en veult envoyer, du premier jour, trois mil en Escoce,
+et puys après, y fère acheminer le reste par mer et par terre, avec
+intention, comme on dict, d'avoir, ou par moyen, ou par force, mon
+filz en ses mains, et puys après disposer de ma vie. Mais, si Dieu
+m'est favorable, comme je n'en doubte poinct, je ne crains poinct
+cella; néantmoins, je vous prie très affectueusement de le nottifier
+aulx ambassadeurs, affin que, s'ilz m'ayment et ayment mes affères,
+qu'ilz procurent de fère envoyer en dilligence le secours en Escoce.
+Il est bruict que le Roy d'Espaigne est fort mallade, et que le Roy a
+aultant à fère dedans son royaulme comme auparavant, et qu'il n'a
+peu fère la paix avecques ses subjectz, dont vous prie m'en faire
+entendre la vérité.</p>
+
+<p class="center"><span class="smcap">Extraict</span> d'aultre lettre escripte par la dicte Royne d'Escoce à Jehan
+Cobert, secrétaire de Mr de Roz, du x&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> febvrier 1570.</p>
+
+<p>Jehan Cobert, si vostre mestre est si estroictement gardé qu'il ne
+puisse vaquer à mes affères, ne faillez de trouver quelque moyen de
+<span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span>
+me donner toutjours adviz des occurrences, le plus souvent que vous
+pourrez. Faictes mon excuse à Mr l'ambassadeur de France, si je
+ne luy escriptz par ce pourteur, car je ne m'ose fyer en luy; supliez
+le de parler à la Royne pour vostre mestre; et luy dictes que c'est
+Huntington qui, par malice, a procuré son emprisonnement; car luy
+mesmes m'a dict qu'il se vengeroit de luy. Priez le aussi, en mon
+nom, de solliciter le Roy, son Mestre, comme je le mande en l'aultre
+lettre, de haster le secours; car il peult veoir le grand dangier
+en quoy mon royaulme et mon filz et moy sommes.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">XCII<sup>e</sup> DÉPESCHE.</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du dernier jour de febvrier 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Callais, par le sire Crespin de Chaumont</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Détails circonstanciés de la rencontre qui a eu lieu entre milord Dacre et milord
+Houston; défaite de milord Dacre qui a été forcé de se réfugier en
+Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, au fondz de la lettre que j'ay escripte, le xxv&#305;<sup>e</sup>
+du présent à Vostre Majesté, j'ay faict mention d'ung rencontre
+naguières advenu vers la frontière du North, du
+costé d'Escoce, entre millord Dacres et millord de Housdon,
+subjectz de ce royaulme, de quoy la confirmation
+est despuys arrivée, qui se racompte ainsy: c'est que ayant
+la Royne d'Angleterre, pour aulcuns soupeçons du dict millord
+Dacres, et parce qu'il différoit de venir devers elle,
+mandé à millord Housdon de l'aller surprendre, le plus secrectement
+qu'il le pourroit fère, en une sienne mayson,
+où il s'estoit retiré douze mil près l'Escoce; icelluy Dacres,
+ayant descouvert l'entreprinse, le jour auparavant qu'elle
+deust estre exécutée, par l'interception d'aulcunes lettres,
+<span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span>
+où il vit que desjà le dict de Housdon avoit mandé à millord
+Scrup se trouver en certain lieu avec deux mil hommes,
+et qu'il s'y rendroit à heure déterminée avec mil chevaulx et
+cinq centz harquebouziers de la garnyson de Barvich, pour
+l'aller assiéger, il fit dilligence d'en advertyr incontinent
+ceux qui estoient en la frontière d'Escoce; et, de sa part,
+il déliberra d'assembler ce qu'il pourroit des siens pour aller
+combattre l'une des deux troupes, avant qu'elles se peussent
+joindre. Et ainsy, en une nuict, il mict ensemble trois
+mil hommes, et, le matin, alla rencontrer ceulx qui estoient
+sortys de Barvich, et présenta la bataille au susdict de
+Housdon; lequel, se trouvant avoir de meilleures gens et
+mieulx équipés que luy, bien que en moindre nombre, se
+résolut de le combattre, et néantmoins fit semblant de se
+retirer, affin d'attirer l'autre en ung lieu estroict, où avec
+l'harquebouzerye il le deffyt, et luy tua quatre centz des
+siens, et en print cent ou six vingtz de prisonniers. Et à
+peine se fût saulvé le dict Dacres mesmes, sans ce qu'il se
+descouvrit quelques gens de cheval, en compaignie, qui
+lui venoient au secours, à la faveur desquelz il se retira,
+avec tout le reste, en Escoce. Quoy qu'il y ayt, Sire, et que
+ce récit, qui vient de la court, soit à l'advantaige de ceste
+Royne, elle et ceulx de son conseil sont bien fort marrys
+de la retrette du dict Dacres, qui est, après le duc de
+Norfolc, ung des plus principaulz hommes de ce royaulme.
+Et sur ce, etc.</p>
+
+<p>Du dernier jour de febvrier 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">XCIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">IIII</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court, par le S<sup>r</sup> de Sabran</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Irritation causée à Londres par la nouvelle de l'expédition préparée en
+France pour porter des secours en Écosse.&mdash;Effet produit par cette nouvelle
+sur la reine d'Angleterre, dont elle change tout-à-coup les dispositions
+à l'égard de la France.&mdash;Résolution d'Élisabeth de porter ses armes
+en Écosse, et de secourir ouvertement les protestants de la Rochelle.&mdash;<em>Mémoire</em>:
+détails des préparatifs faits sur mer en Angleterre pour empêcher
+le secours de France d'arriver en Écosse.&mdash;Affaires de l'Écosse et
+des Pays-Bas.&mdash;Demande faite par l'Espagne que le commerce avec l'Angleterre
+soit interdit en France.&mdash;<em>Mémoire secret</em>: dispositions des seigneurs
+anglais, qui sont poursuivis en justice, à soutenir les efforts de la France.&mdash;Vives
+instances du duc de Norfolk pour que la reine d'Écosse soit promptement
+secourue.&mdash;Proposition faite par l'ambassadeur à Leicester d'appuyer
+de tout le crédit de la France son mariage avec Élisabeth; sous la
+condition de la restitution de Marie Stuart.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, je n'avois poinct esté encore plus favorablement
+ouy de la Royne d'Angleterre, et n'avois point receu d'elle
+meilleures responces sur les choses, que je luy ay ordinairement
+proposées de vostre part, despuys que suys par deçà,
+que en ceste dernière audience du xx<sup>e</sup> du passé, ny les
+seigneurs de son conseil ne m'avoient plus privéement
+traicté, ny ne s'estoient monstrez plus favorables à me
+parler des affères de ce royaulme que ceste dernière foys;
+de sorte que je m'en retournay assés satisfaict, et au moins
+avec quelque opinion que les choses seroient pour aller de
+bien en mieulx entre Voz Majestez et voz deux royaulmes;
+mesmes qu'ung du dict conseil passa si avant de me dire
+que, pour quelques occasions ès quelles la France n'estoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span>
+poinct meslée, j'entendrois bientost parler d'ung armement
+que, longtemps y a, l'Angleterre n'en avoit gecté
+ny de plus grand, ny de plus brave sur mer; et qu'il ne
+failloit que j'en prinsse aulcun souspeçon, car tant s'en failloit
+que ce fût contre Vostre Majesté, qu'il n'y auroit rien
+qui ne fût à vostre bon commandement: et oultre cella,
+la dicte Dame me tint lors toutz propos fort bons sur les affères
+de la Royne d'Escoce, et sur la bonne disposition, en
+quoy elle estoit, d'entendre à quelque bon expédiant avec
+elle, s'il playsoit à Vostre Majesté de le mettre en avant.</p>
+
+<p>Par lesquelles choses j'estimay, Sire, que les plus modérez
+d'auprès de ceste princesse eussent gaigné ung grand
+poinct envers elle, mesmes que je sceuz, avant que partir
+de là, que le comte d'Arondel avoit esté mandé en court
+pour le desir que la dicte Dame monstroit avoir de regarder,
+avec son conseil et avec sa noblesse, les moyens qu'il luy
+falloit tenir, tant envers les princes ses voysins que envers
+ses subjectz, pour maintenir la paix dehors et dedans
+son royaulme. De quoy les passionnez, qui ont le crédit,
+monstroient n'estre aulcunement contantz: et voycy, Sire,
+ce que, deux jours après, leur est venu en main pour divertir
+le bon cours de ces affères, et pour altérer les choses
+plus que jamais, c'est que, par les lettres de Mr Norrys et
+par celles du S<sup>r</sup> Randolf, qui en mesme jour sont arrivées
+de France et d'Escoce, du xx&#305;&#305;<sup>e</sup> du passé, ilz ont eu
+adviz que Vostre Majesté préparoit d'envoyer ung nombre
+de gens de guerre en Escoce, qui se doibvent embarquer
+en Bretaigne le &#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de may prochain; ce qui leur a
+donné de quoy si bien irriter la dicte Dame et ceulx de son
+dict conseil que, toutes aultres choses délayssées, ilz se sont
+miz après à consulter et dellibérer comme ilz pourront empescher
+<span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span>
+ou prévenir ceste vostre entreprinse; dont j'ay
+baillé une instruction au S<sup>r</sup> de Sabran de tout ce que, pour
+ceste heure, j'ay peu descouvrir de leurs préparatifz et
+aprestz en cella, ensemble du présent estat des aultres choses
+de deçà, auquel me remectant, je prieray, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;v<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, ce n'est de mon gré que je donne à Vostre
+Majesté des adviz, qui quelques foys sont bien contraires
+et divers à ceulx que auparavant je vous ay mandez; mais
+le changement et la contrariété, qui sont assés ordinaires
+en ceulx de ceste court, me contraignent d'en user ainsy;
+dont Vostre Majesté, s'il luy playt, m'en excusera sur le
+soing que j'ay de luy mander leurs actions et dellibérations,
+ainsi clairement et par le menu, comme, jour par jour, je
+les puys aprendre et descouvrir. Il n'y a que huict jours
+que ceste princesse se monstroit bien disposée envers Voz
+Très Chrestiennes Majestez, et de ne cercher rien tant
+que de vous contenter et complaire en ce qui luy estoit
+proposé de vostre part, et de vouloir vivre en grand paix et
+repos en son royaulme, chose fort sellon sa naturelle inclination;
+mais, aussitost qu'on luy a raporté qu'il se préparoit
+en France des gens de guerre pour passer en Escoce, il
+n'est pas à croyre combien la grande jalousie de sa cousine,
+laquelle s'est représentée en cella, luy a soubdain faict changer
+son premier bon propos; et comme, en lieu d'aller
+par moyens paysibles, ainsy qu'elle disoit, ez choses d'Escoce,
+elle a proposé meintennant d'y procéder par les armes.
+La dicte Dame estoit lors après à espargner l'argent,
+<span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span>
+meintennant elle ne parle que d'en despendre; elle cerchoit
+de payer et à ceste heure d'emprumpter; elle disoit vouloir
+regaigner par douceur ses subjectz, meintennant elle faict
+resserrer plus que auparavant ceulx qui sont en prison; et
+crainctz assés, Madame, que l'affection, qu'elle disoit avoir
+à la pacification de vostre royaulme, se soit desjà changée
+à ung contraire désir de vous y nourryr les troubles, si elle
+peult, comme desjà l'on m'a dict qu'elle est pour se monstrer
+plus libéralle à promettre secours et assistance à ceulx
+de la Rochelle, qu'elle n'a faict jusques icy. Je la verray
+sur la première occasion de quelque dépesche de Voz Majestez,
+et mettray peyne de notter les particullaritez de ses
+propos, affin de fère quelque jugement de ses dellibérations.
+Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;v<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">Instruction</span> pour satisfère Leurs Majestez sur le contenu de la dépesche,
+comme s'ensuyt:</p>
+
+<p>Que, le xx<sup>e</sup> du passé, la Royne d'Angleterre se monstroit bien
+disposée envers Leurs Très Chrestiennes Majestez et envers leurs
+présens affères, avec bonne affection à la paix de leur royaume, et
+d'estre preste, pour l'amour d'eulx, de condescendre à des expédiens
+gracieulx avec la Royne d'Escoce, et me dict l'ung des seigneurs de
+son conseil qu'elle avoit ung grand contantement de veoir que Leurs
+dictes Majestez, ny nul de leurs ministres, n'estoient meslez en ces
+choses du North.</p>
+
+<p>Ung autre des seigneurs du dict conseil, me parlant en affection
+d'aulcuns aprestz, qu'on faisoit contre la dicte Dame, en un endroict
+qui, sellon qu'il me le désigna, ne pouvoit estre sinon Flandres,
+me dict qu'ilz estoient après, de leur costé, à préparer en dilligence
+ung des plus grandz et des plus braves armemens qu'ilz eussent,
+longtemps y a, miz en mer, et qu'on cognoistroit que, si l'Angleterre
+n'estoit pour assaillir ung aultre estat, qu'elle estoit suffisante
+pour deffandre le sien, et que, continuant ainsy la bonne paix,
+<span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span>
+comme elle faisoit, avecques le Roy et la France, ilz n'avoient que
+bien peu à craindre le reste de leurs voysins.</p>
+
+<p>Le troisiesme jour après, estantz deux pacquetz, l'un de Mr Norrys
+et l'aultre du S<sup>r</sup> Randolf, arrivez de France et d'Escoce, quasi
+en mesmes heure, et avec conformité d'ung mesmes advis de certain
+nombre de gens de guerre, qu'ilz ont mandé que le Roy préparoit
+d'envoyer en Escoce, qui se debvoient embarquer en Bretaigne, le
+&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> de may, et estre conduicts par le S<sup>r</sup> Estrocy, la dicte Dame fit
+incontinent assembler là dessus son conseil, où, du bon estat que
+les choses monstroient estre deux jours auparavant, elles furent,
+par la contention des mal affectionnez, soubdain converties en
+une présente aygreur; et voicy ce que j'entendz qui fut là arresté:</p>
+
+<p>Que Mr Bach, pourvoyeur de la marine, seroit promptement mandé
+pour lui enjoindre de mettre en ordre et en bon équipage toutz les
+grandz navyres de guerre de la dicte Dame, affin d'estre prestz dans la
+fin de mars ou au commencement d'avril, avec trois mil bons hommes
+dessus, avytaillez pour un moys, affin de servir aulx deux effects;
+l'ung, de résister aux entreprinses de Flandres, et l'aultre, pour
+empescher le passaige et la descente des Françoys en Escoce;</p>
+
+<p>Que le comte de Sussex et Raf Sadeller s'en yroient au Nort, et lèveroient
+six mil hommes, qu'ilz envoyeroient le plus tost qu'ilz pourroient
+en Escoce, et en prépareraient aultres douze mil pour doubler
+et tripler les premiers, s'il estoit besoing;</p>
+
+<p>Que ceste mesmes levée pourroit servir à réprimer les esmotions
+qu'on craignoit au dict pays, et servyroit aussi pour tenir la main
+forte à l'exécution de justice qu'on y prétendoit fère contre ung
+nombre de gentishommes, qu'on a trouvez coulpables de la première
+ellévation;</p>
+
+<p>Que, pour subvenir à telles choses, l'on dresseroit trois estapes de
+vivres et de monitions pour les pouvoir transporter par mer où le
+besoing le requerroit, l'une à Londres, l'aultre à Rochestre, et la
+troisiesme, laquelle j'ay la plus suspecte, à Porsemue, car c'est vis à
+vis du Havre de Grâce;</p>
+
+<p>Que courriers seraient promptement dépeschez par toutes les
+provinces avec lettres aulx officiers, pour fère advertissement à
+ung chacun de se tenir pourveuz d'armes et de chevaulx sellon les
+ordonnances, et d'estre prestz pour marcher, quand ilz seront mandez;</p>
+
+<p>Que M<sup>e</sup> Grassein feroit dilligence de trouver promptement cinquante
+mil livres d'esterlin parmy les merchans pour subvénir au
+<span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span>
+présent besoing de la dicte Dame, oultre et par dessus la somme de
+quarante cinq mil livres d'esterlin desjà ordonnées pour Allemaigne;</p>
+
+<p>Que les affères de la Royne d'Escoce et les propositions qui se
+mettoient en avant pour sa restitution, et pour la dellivrance de l'évesque
+de Roz, son ambassadeur, seroient mises en surcéance et elle
+ung peu plus resserrée;</p>
+
+<p>Et seroit pareillement surcise la dellibération, en quoi l'on estoit,
+de pourvoir à la liberté du duc de Norfolc, sur la caution qu'il
+offroit de deux centz mil livres d'esterlin; et à l'eslargissement de
+millord de Lomelé; et à rappeler en court et au conseil le comte
+d'Arondel, et que les dicts seigneurs seroient plus observez et resserrez
+que auparavant.</p>
+
+<p>Et m'a l'on dict, dont je suys après à le vériffier, qu'il fut aussi
+là arresté que la dicte Dame se monstreroit plus libéralle et prompte,
+qu'elle n'avoit faict jusques ici, à accorder secours à ceulx de la Rochelle
+pour meintenir la guerre en France, affin de divertyr celle
+toute aparante, qui s'alloit susciter dans ceste isle pour les choses
+d'Escoce.</p>
+
+<p>Despuys, est survenu ce rencontre en la frontière du North, lequel
+aulcuns disent n'avoir tant succédé au désadvantaige de millord
+Dacres, comme le filz de millord de Housdon, qui en a porté les
+premières nouvelles, l'a publié; et qu'il y est mort plus de deux
+centz soldatz de la garnyson de Barvich, et qu'il a apareu ung si notable
+secours, qui venoit d'Escoce au dict Dacres, qu'on a heu assés
+de doubte d'une surprinse sur Varvich, dont ceulx cy font plus grand
+dilligence que jamais de haster les ordonnances et provisions dessus
+dicts.</p>
+
+<p>Quant à l'estat des choses d'Escoce, j'entendz que les comtes
+Morthon, Mar, Mareschal et millord de Lendzey ayantz, avec leurs
+complices, relevé en ce qu'ilz ont peu la part du feu comte de Mora,
+ont transféré toute l'authorité au dict de Morthon, lequel se trouve
+meintenant dans l'Islebourg, assisté de la faveur de la Royne d'Angleterre;
+et semble qu'il veut establyr le comte de Lenoz régent au
+dict pays à la dévotion de la dicte dame;</p>
+
+<p>Que les comtes d'Arguil, d'Onteley, d'Atil et aultres bons subjectz
+de la Royne d'Escoce, ayantz tenu une assemblée près de Dombertran,
+où le S<sup>r</sup> de Flemy s'est trouvé, ont dellibéré de s'achemyner
+vers l'Islebourg, pour ordonner, en quelque bonne façon, de l'estat
+des choses, et qu'ilz veullent que le duc de Chatellerault preigne le
+<span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span>
+gouvernement; et que, pour le commencement, il l'ayt au nom du
+jeune prince, affin qu'il y interviegne tant moins de contradiction:
+mais le dict duc, qui est encores prisonnier au chasteau de l'Islebourg,
+demeure fermement résolu de n'accepter aulcune charge, sinon
+au nom et sous l'auctorité de la Royne. Il s'espère quelque convocation
+d'Estatz au dict pays, le &#305;&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> du présent; ce qui s'en entendra,
+je ne fauldray de le mander à Leurs Majestez. Il semble qu'on n'a
+trouvé Ledinthon si bon Anglois qu'on cuydoit, et qu'il est tout du
+dict duc de Chatellerault.</p>
+
+<p>Ceulx qui jugent des dicts affères d'Escoce, et qui désirent la restitution
+de la Royne au dict pays, et y vouldroient veoir succéder les
+choses sellon l'intention du Roy, disent que, sans venir à guerre
+ouverte avecques ceste Royne, il se pourra (avec vingt ou trente mil
+escuz et deux personnaiges de bonne qualité qui saichent, au nom du
+Roy, réunyr et accorder les seigneurs du pays, et avec demy douzaine
+de capitaines pour conduyre leurs gens de guerre, et quelques monitions
+et armes), fère ung si bon fondement dans ce royaume que les
+effortz des Anglois n'y pourront en rien prévaloir; mais il fauldroit
+que cella y passât tout promptement, avant que ceulx cy soyent sur
+mer.</p>
+
+<p>L'accord des deniers et merchandises d'Espaigne se poursuyt
+toutjour fort instantment, et pourra bien estre que, quant aulx deniers,
+il preigne encores quelque tret, pour attandre celle lettre du
+Roy d'Espaigne, par laquelle il veuille advouher que la somme est
+à des merchans; mais, quant aulx merchandises, j'estime que cella
+sera bientost conclud, parce qu'il se dépesche quatre principaulx
+merchans de ceste ville avec généralle procuration pour en aller,
+en compaignie du S<sup>r</sup> Thomas Fiesque, tretter avec le duc d'Alve à
+Bruxelles; et doibvent partyr dans ceste sepmayne. Dont le Roy
+pourra fère incister sur l'ung et sur l'autre de ces deux poincts envers
+le duc d'Alve, qu'il n'en veuille accommoder les Protestans,
+ains entretenir et prolonger la matière, au moins jusques après l'esté
+prochain; dont, de ma part, je travailleray, aultant qu'il me sera
+possible, d'y fère toutjour naistre quelque difficulté, et il s'y en
+trouveroit assés du costé mesmes de ceulx cy, n'estoit la craincte
+qu'ilz ont du Roy sur les choses d'Escoce.</p>
+
+<p>Je suys bien fort pressé par l'ambassadeur d'Espaigne de suplier
+Leurs Majestez Très Chrestiennes qu'ilz veuillent exclurre aux Anglois
+le commerce de la France, parce que, nonobstant la suspencion
+d'entre l'Angleterre et les Pays Bas du Roy son Mestre, ilz ne layssent
+<span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span>
+d'estre accommodez, par le moyen des Françoys, des choses qu'ilz ont
+besoing d'Espaigne; lesquelles, pour le gain, ilz leur aportent toutjour
+en abondance, bien que ceulx cy se monstrent aussi difficilles de
+n'admettre les merchandises d'Espaigne ny de Flandres par deçà,
+comme l'on le pourroit estre en Espaigne ou en Flandres d'y recepvoir
+celles d'Angleterre; tant y a qu'avec des moyens cella se conduict,
+et y a quelcun qui, au nom des Catholiques de ce royaulme,
+m'est venu prier pour la dicte exclusion de traffic, comme de chose
+laquelle admèneroit bientost une telle nécessité en ce pays, qu'on
+s'y eslèveroit contre ceux qui gouvernent; en quoy Sa Majesté considérera
+ce qui est le plus expédient et le plus utille pour son service,
+car je crains que par là l'on s'incommoderoit assés pour accommoder
+aultruy.</p>
+
+<p>Sur la closture de ceste dépesche, le S<sup>r</sup> de Garteley est arrivé, qui
+m'a dict que le secours pour Escoce est desjà tout prest en Bretaigne,
+dont semble estre fort requis de le haster de partir, affin de prévenir
+ceux cy, lesquelz sont tous résoluz de getter dehors, avant la fin de ce
+moys, quinze grandz navyres des premiers prestz pour nous empescher
+la mer.</p>
+
+<p class="center smcap">Aultre instruction a part.</p>
+
+<p>Ce qui est advenu de nouveau en la frontière entre millord Dacres
+et millord de Housdon, joinct les façons dont l'on continue de procéder
+de plus en plus fort rudement contre ces seigneurs qui sont arrestez,
+et d'observer de près le reste de la noblesse, descouvre assés
+qu'il y a une grande contrariété dans ce royaume tant sur la religion,
+et sur le faict de la Royne d'Escoce, et sur les divers tiltres de la
+succession de la couronne, et sur l'emprisonnement des grandz,
+que pour ung général malcontantement contre ceulx qui gouvernent.</p>
+
+<p>Et semble que le duc de Norfolc est plus que jamais désiré d'ung
+chacun, mais il demeure fermement résolu en soy mesmes de ne
+pourchasser sa liberté par nulle aultre voye que par celle de l'équité
+de sa cause; en quoy il se persuade d'avoir ung très bon et très asseuré
+fondement, lequel il ne veult aucunement altérer; mais les
+aultres seigneurs, qui ne sont si resserrez que luy, sont dellibérez
+que, si, dans quinze jours, ilz ne se peuvent prévaloir, ou pour le
+dict duc ou pour eulx; de leurs amys et moyens de court, qu'ilz se
+résouldront à cercher d'aultres expédians, et m'ont faict remercyer
+du reffuge et retrette que je leur ay dict que le Roy leur donroyt en
+son royaume.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span>
+Or, se trouvans les comtes de Northomberland et de Vuesmerland
+et millord Dacres, qui sont trois bien principaulx personnaiges de ce
+royaume, et quelque nombre de gentilshommes de ce pays avec eulx,
+meintennant fuytifz en Escoce, toutz bien affectionnez à la Royne d'Escoce
+et bien fort catholiques; et desirant le duc de Norfolc, de sa
+part, que les affères de la dicte Dame y soient secouruz, nomméement
+du costé de France, il est à espérer que, s'il playt au Roy de
+les favoriser en quelque bonne sorte, non suspecte à ces seigneurs
+angloys partisans de la dicte Dame, qu'elle et son royaulme pourront
+estre préservez contre les entreprinses de l'Angleterre à honneur
+et utillité de la France, et la Royne d'Angleterre et les siens divertys
+de ne pouvoir tant nuyre, comme ilz font en aultres endroicts, aulx
+affères du Roy, non sans que Sa Majesté se forme, par ce moyen, ung
+bon nom, et possible quelque bonne part en l'affection de ceulx de
+ceste isle.</p>
+
+<p>Le duc d'Alve, à la vérité, a des ambassadeurs escoçoys, et anglois
+devers luy pour avoir secours, et il a escript par deçà qu'il est
+tout prest de le bailler, mais que nul de ceulx qui sont venuz ne luy
+sçayt donner compte du temps, du lieu, de la forme et des condicions
+qu'ilz veulent avoir le dict secours, et qu'il ne veult advanturer
+l'honneur et les affères de son Mestre, de mettre en évidence un telle
+entreprinse, sans y voyr bon fondement. Par ainsy, il sollicite que
+quelcun des principaulx le vienne trouver pour conclurre avecques
+luy de toutes les particullaritez du dict secours; et, de tant que le
+duc de Norfolc a suspect ce qui vient de ce cousté là, il me faict
+solliciter de haster l'assistance du Roy en faveur de la Royne d'Escoce.</p>
+
+<p>Le comte de Lestre, en une privée conférance qu'avons heu ensemble,
+m'a dict que la Royne, sa Mestresse, avoit esté naguières
+pressée par ceulx de son conseil de prendre party, affin de remédier
+tout à ung coup à plusieurs difficultez qui se présentent en son
+royaulme, et qu'elle, de son costé, s'estoit monstrée, encores ce
+coup, aussi dégoustée de mariage, comme toutes les aultres foys
+qu'on luy en avoit cy devant parlé; mais enfin elle leur avoit respondu
+que, si pour annuller les divers tiltres qu'on prétend à sa
+succession, lesquelz mettent en division son royaulme, elle estoit
+contraincte de se maryer, qu'elle est toute résolue de n'espouser point
+de ses subjectz.</p>
+
+<p>Je luy ay respondu qu'il sçavoit bien que Leurs Majestez Très
+Chrestiennes avoient toutjours heu désir que ce fût luy qui tint ce
+<span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span>
+lieu, et que ceste leur bonne vollonté continue encores, dont ne
+failloit sinon qu'il regardât comment les y employer; que de ma
+part je luy serviray de bon cueur; que le temps sembloit fère pour
+luy, parce que tout le royaulme plyoit meintennant au désir de la
+dicte Dame, et les principaulx qui estaient travaillez concouroient
+toutz à luy complayre, pourveu qu'il fit quelque chose pour eulx; et
+la Royne d'Escoce, qui pouvoit assés dans ceste isle, favorisoit ses
+nopces, s'il favorisoit sa restitution; et quoy qu'il y eust, puysqu'il
+estoit ainsy advancé en la bonne grâce de la dicte Dame, qu'il advisât
+de prendre ce premier lieu, et à tout le moins de ne le laysser aller
+à nul, qui ne luy sache le bon gré de l'y avoir miz.</p>
+
+<p>Il m'a rendu plusieurs bonnes parolles de mercyement, pour les
+mander de sa part à Leurs Majestez, et, après m'avoir touché ung
+mot de l'extrême déplaysir, que la Royne, sa Mestresse, avoit du
+mariage de la Royne d'Escoce avec le duc de Norfolc, il m'a prié
+qu'en une de mes audiences, je face venir à propos à la dicte Dame
+que, pour obvier aulx inconvénians où elle et son royaulme pourront
+tumber par les diverses prétencions de sa succession, qu'ung
+chacun estime qu'elle feroit bien de se maryer, et que le Roy avoit
+toutjour desiré que, s'il ne pouvoit pour luy ou les siens avoir ce
+bien, que au moins, pour évitter la jalouzie de quelque aultre
+party estrangier, ce fût quelque bien heureulx de ce royaulme qui
+y parvînt, ce que je ne luy ay reffusé de fère; mais j'attendray là
+dessus le commandement de Leurs Majestez.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">XCIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Callais, par Olyvier Cambernon</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Affaires d'Écosse.&mdash;Crainte de l'ambassadeur que tous ses efforts ne puissent
+empêcher la guerre d'éclater.&mdash;Son désir de voir donner satisfaction sur
+les diverses plaintes d'Élisabeth contre la conduite tenue à l'égard des
+Anglais en France.&mdash;Mission du S<sup>r</sup> de Garteley.&mdash;Arrêt prononcé contre
+milord de Lomeley.&mdash;Nouvelles des Pays-Bas.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, quant j'ay dépesché le S<sup>r</sup> de Sabran devers Vostre
+Majesté, le &#305;&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> de ce moys, je l'ay instruict, le plus
+particullièrement que j'ay peu, de l'estat des choses qui se
+passent icy, lesquelles continuent en l'apareil de guerre,
+qu'il vous aura dict, de lever toutjours soldatz en ceste ville
+de Londres et ez envyrons, pour les envoyer au North; et
+dilligenter l'aprest des navyres; et fère les provisions pour
+iceulx; et cercher deniers de toutes partz, bien que la
+malladie, intervenue là dessus, de Mr le comte de Lestre, a
+donné quelque peu de retardement aulx dellibérations de
+ce conseil, lequel ne s'est assemblé durant son grand mal,
+mais à présent il se porte bien; et aussi que toutz en ces
+choses ne se sont trouvez d'accord en ceste court, néantmoins
+j'entends qu'on y a résoluement conclud l'entreprinse
+d'establyr, par toutz les moyens qu'on pourra, le gouvernement
+d'Escoce ez mains de ceulx qui ont relevé la part
+du comte de Mora, parce qu'ilz se monstrent fort contraires
+aulx fuytifz d'Angleterre; et se soubmettent à la protection
+de ceste Royne; et luy demandent le comte de Lenoz
+pour régent; qui sont choses qu'elle trouve bonnes, et
+<span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span>
+qui sont conformes à ce qu'elle desire pour tenir le dict
+royaulme divisé, et avoir toutjour l'une des partz à sa dévotion.
+Je ne sçay si l'assemblée des Estatz, qu'on attandoit
+au dict pays le &#305;&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> du présent, aura esté tenue, et si
+elle aura heu nul effect; il ne s'en dict encores rien, et
+croy qu'il sera bien tard, quant j'en auray des nouvelles,
+car l'on tient les passaiges bien fort serrez.</p>
+
+<p>Cependant la Royne d'Angleterre est entrée en grand
+deffiance sur ce que Mr Norrys son ambassadeur luy a escript
+que Voz Majestez Très Chrestiennes luy ont tenu
+quelque propos fort exprès sur les affères de la Royne
+d'Escoce et de son royaulme; duquel je n'ay encores entendu
+le particullier, sinon qu'on m'a dict que la dicte Dame
+en est fort fâchée, joinct que, par le mesmes pacquet, le
+dict ambassadeur luy a envoyé ung discours, imprimé à Paris,
+sur les troubles de son royaulme, qui ne parle à l'advantaige
+d'elle ny de ceulx qui gouvernent ses affères; et
+d'abondant elle a sceu qu'un homme de son dict ambassadeur
+a esté naguyères arresté à Amiens, et que son pacquet,
+qu'elle luy avoit baillé à porter, luy a esté osté;
+desquelles choses il n'est pas à croyre combien elle s'en
+trouve offancée, et combien les siens en sont mutinez, jusques
+à dire qu'il vauldroit mieulx venir à une guerre déclairée,
+et que leur ambassadeur s'en retornât, et que je
+me retirasse, que d'user de tels déportemens; dont, de
+tant que je les ay fort asseurez que la publication du dict
+discours, ny la détention du pacquet ny du messagier, ne sont
+aulcunement procédées du vouloir ny commandement de
+Voz Majestez, je vous suplie très humblement, Sire, qu'il
+vous playse luy en fère donner quelque satisfaction, comme
+d'accidens que vous n'aviez ny préveuz, ny pensez, et luy
+<span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span>
+fère aussi satisfère sur une pleinte, qu'elle m'a faicte renouveller,
+de certains pescheurs de Dièpe et aultres de dellà,
+qui abusent en la coste de deçà de leur forme de pescher
+et de leurs filetz contre l'ordonnance du pays, affin de ne
+mesler si petites choses avec les plus grandes, qu'avez à
+démesler ensemble.</p>
+
+<p>Le S<sup>r</sup> de Garteley s'en est revenu très contant en toutes
+sortes de Voz Majestez; il a heu congé de passer en Escoce,
+mais non d'aller veoir la Royne sa Mestresse, à laquelle
+toutesfoys nous avons trouvé moyen de fère entendre tout
+l'effect de son voyage, de quoy je m'asseure qu'elle aura
+receu grande consolation.</p>
+
+<p>Millord de Lomellé a heu ampliation de son arrest, luy
+ayant esté permiz d'aller demeurer avec le comte d'Arondel
+son beau père à Noncich, et de pouvoir jouyr de l'air
+et de l'esbat des champs deux mil à l'entour, ce qui donne
+espérance de veoir bientost quelque modération ez affères
+de ces seigneurs.</p>
+
+<p>Les depputez de Flandres, estantz prestz à partir, ont
+trouvé quelque deffectuosité en leurs charges et pouvoirs qui
+les a retardez huict jours, mais j'entendz qu'ilz s'acheminent
+demain, et le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque avec eulx, avec opinion
+de pouvoir accorder facilement le faict des merchandises,
+mais difficilement celluy des deniers. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;x<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">XCV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du<span class="smcap">XIIII</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Contentement de la reine d'Angleterre au sujet de la satisfaction qui lui
+a été donnée sur l'une de ses plaintes.&mdash;Impossibilité de connaître
+quelles sont ses véritables intentions à l'égard de la France.&mdash;Continuation
+des apprêts maritimes et des préparatifs contre l'Écosse.&mdash;Nécessité
+de prendre des mesures pour empêcher le capitaine Sores de continuer ses
+courses sur mer.&mdash;Départ des députés envoyés dans le Pays-Bas pour
+traiter des différends de l'Angleterre avec l'Espagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, le jour d'après ma précédante dépesche, laquelle
+est du &#305;x<sup>e</sup> du présent, j'ay receu celle de Vostre Majesté
+du xx&#305;<sup>e</sup> du passé, en laquelle j'ay trouvé l'honneste satisfaction
+qu'il vous a pleu donner à la Royne d'Angleterre sur
+celle de ces trois pleinctes que je vous ay mandé qu'elle
+avoit le plus à cueur, qui est du discours des troubles de
+son royaulme imprimé à Paris; de laquelle satisfaction,
+despuys que Mr Norrys luy en a donné adviz, elle et les
+siens ont monstré qu'ilz n'estoient plus si offancez comme
+auparavant: ce qui me sera ung argument, la première
+foys que j'yray trouver la dicte Dame, de la prier qu'elle
+veuille user de pareille sincérité et correspondance d'ung
+bon cueur envers Voz Majestez Très Chrestiennes, comme
+par cest acte vous luy avez monstré que vous l'avez clair
+et droict, et entièrement bien disposé envers elle; et luy
+continueray la mesmes instance, que je luy ay ordinairement
+faicte, de ne porter ny souffrir estre apporté par les siens
+<span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span>
+aulcun secours ny assistance à ceulx qui troublent vostre
+royaulme, et qu'il n'est possible qu'ilz en puissent tirer
+d'Angleterre, sans qu'elle tumbe en l'infraction des trettez
+et en une manifeste ropture de la paix.</p>
+
+<p>Plusieurs parlent diversement de l'intention de la dicte
+Dame sur le présent estat de voz affères; les ungs, qu'elle
+l'a bonne et qu'elle incite à la paix ceulx de la Rochelle;
+les aultres, au contraire, qu'elle l'a très mauvaise et qu'elle
+les sollicite à la guerre. Vostre Majesté pourra assés juger
+ce qui en est par la condicion de ceulx qui m'en ont donné
+les adviz, desquelz je réserve vous mander les noms, et la
+façon des propos qu'ilz en ont tenu, par l'ung des miens
+que je dépescheray bientost devers Vostre Majesté.</p>
+
+<p>Je n'ay encores rien entendu de l'effect de l'assemblée
+que les seigneurs d'Escoce debvoient tenir à l'Islebourg,
+le &#305;&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> de ce moys, ny s'ilz ont prins nul bon expédiant
+entre eulx sur l'ordre et gouvernement du pays. Bien m'a
+l'on dict que le comte de Morthon et le sir Randolf ont
+escript à ceste Royne, que, si elle ne faict bientost aparoistre
+son assistance par dellà, que toutz les Escouçoys
+cryeront <em>France</em> et que le nom de Vostre Majesté y est
+bien ouy et bien receu, et qu'ilz demandent d'avoir leur
+Royne; par ainsy, que le jeune prince s'en va déboutté de
+l'authorité, et du nom de Roy qu'on luy a attribué, si
+elle n'y remédye. Dont quelcun m'a adverty que la dicte
+Dame y a envoyé en dilligence six mil <sup><i>lt</i></sup> d'esterlin,
+c'est vingt mil escuz, et que le comte de Sussex, lequel
+a esté mallade trois sepmaines en ceste court, mais
+à présent se porte bien, partyra du premier jour pour
+s'aller présenter sur la frontière d'Escoce, avec quatre
+mil hommes de pied et douze centz chevaulx, lesquelz sont
+<span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span>
+desjà bien avant; et ce, principallement parce que de la
+dicte frontière, despuys que millord Dacres s'y est retiré,
+l'on a faict cinq ou six courses en celle d'Angleterre, et
+brullé des villaiges, et admené plusieurs prisonniers: dont
+le dict Dacres a esté déclairé traistre et rebelle.</p>
+
+<p>J'entendz que les seigneurs de ce conseil ont fait dépescher
+cinq ou six centz lettres missives à des particuliers,
+gentishommes du North, pour les prier de se pourvoir
+en toute dilligence de quelques hommes, et d'armes,
+et de chevaulx, chacun le mieulx et le plus advantaigeusement
+qu'il pourra, oultre l'obligation de l'ordonnance, affin
+de fère promptement ung bien relevé service à la Royne
+leur Mestresse, sellon l'expécialle fiance qu'elle a en eulx.
+Et en ceste ville de Londres l'on lève de nouveau cinq
+centz harquebouziers pour les mettre sur les cinq navyres
+premier pretz, qu'on dellibère getter dehors dans huict
+jours; et en prépare l'on aultres dix pour les getter, à la
+my apvril, dont l'argent pour les avitailler est desjà dellivré
+au pourvoyeur de la marine, et ne cesse l'on d'aprester
+aussi toutz les aultres pour estre prestz à l'entrée de l'esté.</p>
+
+<p>Je viens d'estre adverty que quatre vaysseaulx du cappitaine
+Sores ont de rechef investy ung aultre navyre vénicien,
+qui partoit de ce royaulme chargé de draps, et qu'ilz
+l'ont prins; et, encor qu'il ne soit si riche que les premiers,
+il y a néantmoins pour cinquante mil escuz de merchandise,
+oultre l'artillerye et le vaysseau, qui est des
+meilleurs qui se puissent trouver; et semble, Sire, qu'il
+est expédiant que Vostre Majesté se dellibère de pourvoir
+à ces grandz désordres de la mer, en quoy pourra estre
+que ceste princesse concourra d'y ayder de son cousté, s'il
+vous playt que je luy en face instance.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span>
+Les depputez, qui vont devers le duc d'Alve, sont partys
+despuys devant hier, et croy qu'ilz passent aujourduy
+la mer. J'entendz que, oultre la commission qu'ilz
+portent ouvertement par escript, il leur en a esté baillé une
+à part, pour entrer, s'ilz peuvent, en ung général accord
+de toutes choses; et le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque, qui m'est
+venu dire adieu, m'en a touché quelque mot, et qu'il espère
+avoir charge de retourner bientost pour cest effect
+par deçà. Aulcuns pensent qu'il s'y trouvera beaulcoup de
+difficultez; ce que je croyrois, n'estoit qu'il semble que le
+Roy d'Espaigne sent si fort la prinse qu'on dict que le roy
+d'Argel a faicte de la ville de Tunis<a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>, et crainct tant que ce
+soit ung commancement d'attirer les entreprinses du Turc
+en ces quartiers là, qu'il sera bien ayse d'accommoder
+gracieusement ceste querelle qu'il a avecques ceulx-cy. Sur
+ce, etc. <span class="i2">Ce x&#305;ve jour de mars 1570.</span></p>
+
+<h2 class="p4">XCVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Nouvelles de la Rochelle et d'Allemagne.&mdash;État des affaires du
+Nord.&mdash;Succès
+remporté par les révoltés d'Irlande.&mdash;Nouvelles de la reine
+d'Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, il n'y a que quatre jours qu'ung navyre de la Rochelle
+<span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span>
+est arrivé, dedans lequel sont venuz aulcuns françoys
+qui ont esté incontinent devers Mr le cardinal de Chatillon
+à Chin; et luy, à ce que j'entendz, despuys avoir
+parlé à eulx, a faict démonstration en ceste court, de désirer
+plus la paix que de l'espérer; et sont arrivez aussi,
+dans le mesmes vaysseau, sèze allemans qui s'en retournent
+en leur pays assés mal contantz. Cependant le dict
+sieur cardinal a envoyé solliciter la subvention des esglizes
+protestantes de ce royaulme, avec grand instance d'avoir
+promptement celle que les estrangiers ont offerte, de laquelle
+il a desjà retiré quelque somme; mais celle des Flamens,
+qui est la plus grande, ne luy est venue entière
+comme il pensoit, parce qu'ilz l'avoient accordée principallement
+pour le prince d'Orange, en intention qu'il descendît
+en Flandres; dont, voyantz à ceste heure que c'est pour
+la guerre de France, aulcuns reffuzent de payer, et m'a esté
+raporté que aus dicts Flamens est venu ung adviz d'Allemaigne
+que le dict prince a bien des forces, mais qu'il ne les
+peult bonnement employer durant la guerre de France, sinon
+en la Franche Comté, sur le chemyn du secours qui va
+trouver monsieur l'Admyral, affin de ne s'esloigner les ungs
+des aultres; et m'a l'on asseuré que, le neufvième de ce
+moys, ung facteur du sir Grassein a esté dépesché en Hembourg,
+pour aller donner ordre aulx deniers, qui doibvent
+estre payez en Allemaigne sur le crédit des merchans de
+ceste ville. Ung homme du comte Pallatin est freschement
+arrivé, et encores, despuys luy, ung capitaine itallien nommé
+Roc, lequel, quatre moys a, avoit esté dépesché en Allemaigne,
+mais je n'ay sceu encores au vray ce qu'ilz raportent.</p>
+
+<p>Le comte de Sussex est sur son partement pour aller au
+<span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span>
+North, et les quatre mil hommes de pied et douze centz
+chevaulx, qu'il doibt mener, sont desjà devant. L'on a tenu
+plusieurs assemblées de conseil sur sa dépesche, dont bientost
+se pourra entendre quelque chose de ce qu'y aura esté
+résolu. Il semble que des cinq cens harquebouziers qu'on
+levoit de nouveau en ceste ville, l'on n'en fornyra encores
+les navyres, et qu'ilz seront envoyez en Irlande, où j'entendz
+que les saulvaiges ont donné une estrette aulx gens
+de Millord de Sydenay; mais ceulx cy le tiennent fort
+caché.</p>
+
+<p>J'ay obtenu enfin de la Royne d'Angleterre de pouvoir
+envoyer les lettres de Voz Majestez, que Mr de Montlouet
+m'avoit laissées, à la Royne d'Escoce, par un secrétaire de
+Mr l'évesque de Roz qui les luy à dellivrées bien clozes en
+ses mains, en présence du comte de Cherosbery; et la dicte
+Dame a envoyé la response, laquelle est encores devers le
+secrétaire Cecille, qui ne la dellivrera jusques à ce que le dict
+sieur évesque de Roz ayt esté ouy et examiné, lequel pour
+cest effect a esté mené despuys devant hyer à la court,
+soubz la garde de six serviteurs de l'évesque de Londres; et
+la dicte Royne d'Escoce a trouvé moyen de me fère tenir en
+chiffre le petit mémoire cy encloz<a name="FNanchor_4" id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>, où Vostre Majesté verra
+ce qu'elle continue de vous requérir. Elle se porte bien de
+sa santé, mais craint bien fort d'estre remise ez mains du
+comte de Huntinthon ou du visconte de Harifort, desquelz
+deux elle se craint comme de ses grandz ennemiz. Nous
+espérons avoir en brief quelque certitude des choses d'Escoce.
+Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;x<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span></p>
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><i>Par postille à la lettre précédente</i>.</p>
+
+<p>Le comte de Pembrot morut hyer en ceste court; l'on ne dict encores
+qui sera son successeur en l'estat de Grand Mestre, mais cy
+devant à esté parlé du comte de Betfort.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">XCVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXVII</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Vassa.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Détails circonstanciés d'audience.&mdash;Bonnes dispositions d'Élisabeth envers
+le roi.&mdash;Explication donnée par l'ambassadeur sur les articles
+proposés pour la pacification.&mdash;Nouvelle insistance de la part de la reine
+pour que sa médiation soit acceptée.&mdash;Sollicitations faites par l'ambassadeur
+en faveur de Marie Stuart.&mdash;Déclaration d'Élisabeth qu'elle est résolue
+à porter ses armes en Écosse pour y chercher les révoltés du Nord qui
+s'y sont réfugiés.&mdash;Avertissement lui est donné par l'ambassadeur que si
+les Anglais entraient en Écosse, le roi considérerait cet acte comme
+une rupture des traités.&mdash;Offre qu'il fait de la médiation de la France
+pour apaiser tous les différends d'Écosse.&mdash;Avis secrètement donné
+par Élisabeth d'une levée d'armes en Allemagne contre la France.&mdash;<em>Mémoire.</em>
+Résolutions prises dans le conseil tant à l'égard des troubles du
+Nord que des affaires d'Écosse.&mdash;Nouvelles de ce pays.&mdash;<em>Mémoire secret.</em>
+Avis donné par le duc d'Albe au sujet du traité de paix qui se prépare
+en France.&mdash;Opinion de l'ambassadeur que la reine d'Angleterre desire
+sincèrement la pacification.&mdash;Propositions faites séparément et secrètement
+à l'ambassadeur par Cécil et par Leicester.&mdash;Avis secret sur le
+dessein arrêté par le comte d'Arundel et milord de Lomeley de reprendre,
+même en recourant aux armes, l'exécution de leur projet pour rétablir la
+religion catholique en Angleterre, et Marie Stuart en Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, j'ay esté, ceste saincte sepmaine, devers la Royne
+d'Angleterre pour luy fère veoir que le bon ordre, que Vostre
+Majesté avoit miz de deffandre, pour l'amour d'elle, la
+publication du discours des troubles de son royaulme imprimé
+<span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span>
+à Paris, luy debvoit estre ung bien asseuré tesmoignage
+de vostre droicte intention envers elle, et que, prenant
+par là toute asseurance de vous trouver toutjour franc,
+clair et bien disposé à ne favoriser les entreprises de ceulx
+qui vouldroient troubler son estat, qui mesmes ne vouliez
+souffrir leurs escriptz, que de mesmes elle cessât, et fît cesser
+ses subjectz de ne porter aulcune faveur à ceulx qui troubloient
+le vostre; et qu'au surplus, j'estois bien ayse que
+ce qu'on luy avoit raporté du serviteur de Mr Norrys,
+qu'on l'eust arresté à Amyens, et qu'on luy eust osté les
+pacquetz de la dicte Dame, ne fût vray, affin de n'estre si
+offancée de ces deux choses, comme, par le propos de son
+principal secrétaire, il sembloit qu'elle les print à cueur;
+luy récitant les dicts propos en la façon que par mes précédantes
+je les ay mandez; et que je luy voulois respondre de
+ma vye pour Voz Très Chrestiennes Majestez que, despuys
+la paix, il n'estoit en cella, ny en nulle aultre chose, rien
+procédé de vostre vouloir et commandement, par où vous
+eussiez jamais prétandu qu'elle deubt estre offancée; et que,
+pour mon regard, je serois à trop grand regrect une seulle
+heure en ce royaulme, après que j'aurois tant soit peu commancé
+de cognoistre que je ne luy seroys plus agréable; et
+que je suplieroys très humblement Vostre Majesté d'y envoyer
+ung aultre; mais ne lairroys pourtant de me plaindre
+meintennant à elle du tort qu'on avoit naguières faict à
+ung mien secrétaire, qui portoit vostre pacquet, de luy
+avoir osté son argent à Douvres, la priant de m'en fère
+rayson.</p>
+
+<p>Sur lesquelles choses la dicte Dame m'a respondu qu'elle
+n'avoit rien sceu du petit discours imprimé à Paris, parce,
+à son adviz, que Cecille ne luy avoit vollu donner l'ennuy
+<span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span>
+de luy en parler, mais ne layssoit pourtant de vous avoir
+grande obligation de l'avoir deffandu, dont vous en remercyoit
+de bon cueur; et puysque luy aviez monstré ce
+bon tesmoignage de vostre droicte intention en ses affères,
+qu'elle correspondroit de mesmes aulx vostres de ne pourter
+aulcune faveur à ceulx de la Rochelle, ny souffrir que
+les siens leur en portassent; et encor que aulcuns luy incrèpent
+le désir qu'elle a à la paix de vostre royaulme,
+comme ung désir qui admènera la guerre au sien, qu'elle
+n'en veult rien croyre, ny ne veult cesser de la desirer;
+qu'elle estoit bien ayse que l'homme de son ambassadeur
+et ses pacquetz n'eussent esté arrestez, bien qu'il avoit esté
+unze jours sans qu'on sceût de ses nouvelles; que pour le
+regard de ma négociation, je ne vollusse aulcunement
+doubter qu'elle ne luy fût bien fort agréable; et usa de
+toute l'expression qu'il est possible pour me le donner ainsy
+à cognoistre; et que j'avois bien veu en quelle peyne elle
+avoit esté pour mes pacquetz perduz; dont me feroit fère si
+bonne rayson meintennant de l'argent de mon secrétaire,
+que j'en demeureroys contant.</p>
+
+<p>Et, en toutes sortes, sa responce a esté si honneste
+que, l'en ayant remercyée, j'ay suyvy à luy dire que j'avois
+d'aultres choses à luy faire entendre, lesquelles je la supplioys
+prendre la peyne elle mesmes de les lyre aulx propres
+termes que Vostre Majesté me les mandoit, qui estoient
+si bons que je n'y voullois rien adjouxter, ny rien diminuer;
+et ainsy, luy ay monstré celle partie de vostre lettre du
+&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> du présent, dont vous renvoye l'extraict, laquelle elle
+a leue bien fort curieusement; et puys ay adjouxté que vous
+expliquiez là dedans si à clair vostre intention, que je n'avois
+à y fère aultre office envers elle que de bien recuillyr ce que,
+<span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span>
+pour satisfère à trois choses principallement, il luy plairroit
+de m'y respondre: la première, quelle opinion elle avoit
+des honnestes condicions que vous offriez à vos subjectz; la
+segonde, quelle elle l'auroit de voz subjectz, s'ilz estoient si
+durs et si obstinés de ne les accepter; et la troysiesme, si,
+en ce cas de leur obstiné reffuz, elle non seulement les exclurra
+de sa faveur et de celle de son royaulme, mais si elle
+ne se unyra pas avec Vostre Majesté pour réprimer leur
+témérité et le pernicieulx exemple qu'ilz s'esforcent de relever
+au monde contre l'authorité des princes souverains:
+car, quant à la levée qu'on disoit se fère en Allemaigne
+pour elle, et aulx deniers qu'on dict encores qui s'y espèrent
+et d'aultres qui s'espèrent aussi à la Rochelle d'elle
+et de son royaulme contre vous, je ne la vouloys suplier,
+sinon de vous en esclarcyr si bien une foys qu'il ne vous
+en peult plus rester aulcun doubte.</p>
+
+<p>La dicte Dame, après m'avoir par beaulcoup de bonnes
+parolles et en plusieurs façons donné à cognoistre qu'elle
+avoit ung très grand contantement de ceste confiance, que
+vous monstriez avoir d'elle sur la paciffication de vostre
+royaulme, m'a respondu qu'elle vouloit très fermement
+croyre que le contenu ez articles, que je luy avois dernièrement
+monstrez, estoit proprement ce que vostre Majesté
+avoit intention d'accorder et meintenir de bonne foy à ses
+subjectz pour parvenir à une bonne paciffication, et qu'elle
+me diroit de rechef le mesmes qu'allors, que, si eulx de leur
+costé ne monstroient rayson suffizante pourquoy ilz ne puyssent
+avec cella vivre soubz vostre authorité, leur conscience
+saulve, et leurs vyes asseurées, que non seulement elle ne
+les vouldra favoriser, ains les réputera pour traistres et rebelles,
+dignes d'estre chassez de tout le monde; et que si,
+<span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span>
+pour entendre à quoy ilz se pourroient arrester, il vous
+playsoit luy donner congé qu'elle s'en meslât, qu'elle y procèderoit
+avec aultant de considération de l'authorité qui
+vous est deuhe sur voz subjectz, comme s'il estoit question
+de saulver la sienne sur les siens; et que si, par voz
+lettres, je cognoissoys que vous l'eussiez agréable, qu'elle
+s'y employeroit tout incontinent.</p>
+
+<p>Je luy ay respondu que je ne pouvois ny voulois m'advancer
+à rien de plus que ce qu'elle venoit de lyre; car n'en
+avois aultre commandement, dont tornasmes relyre le dict
+extret de la lettre mot à mot; puys, me pria que je vous
+vollusse asseurer de la continuation de sa bonne vollonté et
+grande affection à la paix de vostre royaulme, et que s'il
+vous playsoit qu'elle s'en meslât, qu'elle envoyeroit devers
+Vostre Majesté, ou bien là où il seroit besoing, ung personnaige
+de qualité correspondante à ung si grand négoce,
+comme elle estime cestuy cy, pour y besoigner, ainsy que
+vous adviseriez, ou bien tretteroit icy avec Mr le cardinal de
+Chatillon; lequel elle cognoissoit très desireux de la paix,
+et l'avoit toutjours cogneu très respectueulx à Voz Très
+Chrestiennes Majestez; et qu'elle estimoit qu'il ne vous
+pourroit revenir qu'à honneur, comme elle mettroit bien
+peyne qu'il vous revînt à proffict, qu'elle s'employât envers
+ceulx de sa religion à les exorter qu'ilz se veuillent contanter
+des offres de leur prince et seigneur, ou bien de suplier
+Vostre Majesté d'eslargir ung peu sa grâce envers eulx; et
+qu'elle sçayt bien que le différer en cecy sera pour vous
+rendre en brief la dicte paciffication beaucoup plus malaysée,
+encor qu'elle peult bien asseurer que, en Allemaigne, ny à
+la Rochelle, il n'est allé, ny yra rien, de sa part, qui soit
+contre Vostre Majesté.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span>
+Je luy ay grandement loué ceste sienne bonne intention,
+avec promesse de la vous fère bien entendre, et qu'elle
+se pouvoit asseurer que la paix de France seroit la paix
+d'Angleterre; et que, si l'occasion de ceste guerre, laquelle
+faisoit toutjour mal passer quelque chose entre voz
+deux royaulmes et voz communs subjectz, estoit ostée;
+et que d'ailleurs elle vollût donner quelque accommodement
+aulx affères de la Royne d'Escoce, elle se pouvoit
+asseurer que nul prince ny princesse de la terre n'auroit
+son règne plus estably ny reposé que seroit le sien; et que
+Vostre Majesté avoit acepté l'offre qu'elle faisoit de vouloir
+entendre à quelque bon expédiant entre elles deux, si
+vous le leur métiez en avant; que vous aviez estimé, si
+les propres offres de la Royne d'Escoce ne luy sembloient
+suffizantes, que c'estoit à elle d'en adviser de plus grandes,
+et que, si elles n'estoient par trop disraysonnables,
+vous croyés fermement, que la dicte Dame les accorderoit,
+et que vous, comme son principal allié, non seulement les
+confirmeriez, mais métriez peyne de les luy fère accomplyr.</p>
+
+<p>Elle a répliqué que la Royne d'Escoce n'avoit jamais
+parlé que en général, et qu'il failloit venir aulx choses
+particullières, dont, s'il luy en estoit miz en avant quelques
+unes, que pour l'honneur de Vostre Majesté elle les
+suyvroit; ayant néantmoins à se pleindre encores de nouveau
+de la dicte Royne d'Escoce, qu'estant, ainsy qu'elle
+est, entre ses mains, elle n'avoit toutesfoys layssé, par
+ceulx qui tiennent son party en Escoce, de fère retirer ses
+fuytifz; et que, en toutes sortes, elle estoit résolue de
+chastier et poursuyvre ses dicts fuytifz, et ceulx qui les
+soubstiennent, me signiffiant aulcunement qu'elle entreprendroit
+de fère entrer des forces dans le pays.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span>
+Je luy ay respondu qu'elle advisât de ne contrevenir aulx
+trettez, et que, s'il luy plaisoit de mettre en liberté l'évesque
+de Roz, luy et moy adviserions de luy ouvrir des
+moyens pour esteindre toutz ces différantz d'entre elles
+deux et leurs deux royaulmes.</p>
+
+<p>«Il n'est pas, dict elle, tant prisonnier qu'il ne puysse
+tretter par lettres avecques sa Mestresse, et n'est retenu
+que <em>pro formâ</em> pour quelque démonstration contre la pratique
+qu'il a meue avec ceulx du North; mais bientost
+il sera en liberté.» Et ainsy gracieusement s'est achevée
+ceste audience, laquelle je vous ay bien vollu ainsy au
+long réciter, Sire, affin que l'intention de la dicte Dame
+vous soit mieulx cogneue, et remectz les aultres choses au
+S<sup>r</sup> de Vassal, présent porteur, auquel je vous supplie très
+humblement donner foy: et sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxv&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p><span class="fancyfont">Chiffre.</span>&mdash;[Madame, je n'ay peu contanter l'homme,
+duquel je vous ay naguière escript par mon secrétaire, de la
+responce que mon dict secrétaire m'a raportée, bien que je
+la lui aye baillée en la façon que ce mien gentilhomme vous
+dira; par lequel il vous plairra, Madame, me mander
+comment je l'en debvray résouldre, car il me presse bien
+fort de le fère, et si, a des considérations telles qu'il ne
+peult penser que ne le debviez accepter. Au reste, Madame,
+la Royne d'Angleterre, pour me tenir la promesse
+qu'elle m'avoit faicte de m'advertyr des choses qu'elle entendroit
+se fère en Allemaigne contre Voz Majestez, m'a
+dict que, dans trois sepmaines, ceulx de la religion doibvent
+<span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span>
+envoyer gens exprès devers les princes protestans
+pour résouldre l'entreprinse de France, si la paix ne sort à
+effect; et que pourtant elle seroit bien ayse de pouvoir
+ayder à la conclurre bientost; de quoy je vous ay bien
+vollu fère ce mot et le vous escripre ainsy à part, parce
+que la dicte Dame m'a dict qu'elle m'en advertissoit soubz
+sacrement de confession, en ce temps de caresme, affin
+que je ne la nommasse pas; car, si les aultres se plaignoient
+qu'elle m'eust donné cest adviz, elle serait contraincte
+de dire qu'elle ne m'en avoit point parlé; et bien
+que ce ne soit ung faict de grand importance, je ne vouldrois
+toutesfoys l'avoir mise en peyne de me désadvouher.]
+Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxv&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">Oultre les susdictes lettres</span>, le dict S<sup>r</sup> de Vassal pourra dire à Leurs
+Majestez:</p>
+
+<p>Qu'il a esté naguières remonstré à la Royne d'Angleterre qu'elle
+et son royaulme estoient pour tumber en ung prochain inconvéniant,
+pour la multitude des difficultez, ès quelles elle se trouvoit embroillée
+avecques le Roy, avecques le Roy d'Espaigne, avecques la
+Royne d'Escoce, avec les Irlandoys, et avec les naturelz de ce
+royaulme, qui sont prisonniers, fuytifz, ou mal contantz, si elle
+s'opinyastroit de les vouloir toutes en ung temps surmonter par la
+force ou par la despence; dont, induicte par le conseil des plus
+modérez d'auprès d'elle, avoit advisé d'y procéder par les gracieux
+expédians qui s'ensuyvent:</p>
+
+<p>En premier lieu, pour le regard du Roy, que, pour effacer la mémoire
+des choses qui pourroient avoir mal passé contre luy du costé
+de ce royaulme, despuys ses derniers troubles, elle s'employeroit
+tout ouvertement de luy procurer une paix tant advantaigeuse et
+honnorable avecques ses subjectz, qu'elle le se randroit bienveuillant,
+et luy offriroit au reste quelque honneste accommodement ez
+affères de la Royne d'Escoce; dont, par ces deux poinctz, elle se conserveroit
+la paix avecques luy;</p>
+
+<p>Que, du costé du Roy d'Espaigne, elle envoyeroit des depputez en
+<span class="pagenum"><a id="Page_96"> 96</a></span>
+Flandres, ainsi qu'on luy en faisoit encores lors grande instance,
+affin d'accorder les différans des prinses, et que ces mesmes depputez
+essayeroient d'entrer plus avant en matière pour voir s'ilz pourroient
+parvenir à ung général accord de toutes aultres choses.</p>
+
+<p>Au regard de la Royne d'Escoce, qu'elle luy escriproit une bonne
+lettre, et que, jouxte ce qu'elle m'avoit naguières promis, elle l'exorteroit
+de mettre en avant quelques bons et honnestes expédians
+entre elles deux, et luy promettroit d'y entendre et les recepvoir de
+bon cueur.</p>
+
+<p>Quant aulx choses d'Irlande et de ce royaulme, qu'elle rapelleroit
+gracieusement aulcuns des seigneurs qui sont les moins offancez, et
+par le moyen de ceulx là, elle essayeroit de radoulcyr les aultres et
+les remettre en leurs degrez et estatz; et puys, avec l'unyon et conformité
+de leurs bons conseilz, et de leur ayde, elle pourroit ayséement
+remettre les choses en ung paysible et bien asseuré estat; dont
+luy fut sur ce proposé une forme de rémission pour les fuytifz, et la
+comtesse de Vuesmerland s'aprocha en ceste ville pour poursuyvre
+le rapel de son mary.</p>
+
+<p>Suyvant laquelle délibération, parce que ceulx qui vouldroient le
+trouble n'eurent de quoy suffizamment la débattre, aulcunes des dictes
+choses ont esté despuys commencées, aultres ont esté en aparance
+accomplyes, mais nulles n'ont sorty à bon effect; ains les ont ces
+gens là tornées en aultre et quasi contraire sens de ce qu'on espéroit.</p>
+
+<p>Car, touchant la paix de France, estant la dicte Dame sur le poinct
+d'envoyer ung personnaige de grande qualité devers le Roy pour
+ayder à la conclurre, ilz ne luy ont pas ozé oster ce sien honneste
+desir, parce qu'ilz ont pensé que la dicte paix se pourroit conclurre
+de deçà comme dellà, et possible à leur dommaige; mais ilz luy ont
+bien persuadé, qu'ayant la dicte Dame esté mal ouye, la première
+foys qu'elle s'est offerte d'en parler, qu'elle debvoit meintennant attendre
+que le Roy l'en pryât, ce qui se raporte au propos qu'elle
+m'en a tenu en ceste audience.</p>
+
+<p>Et des choses de Flandres, ilz luy ont persuadé de deffandre aulx
+depputez, qui alloient par dellà, de ne s'ingérer à rien davantaige
+qu'au simple faict, duquel la dicte Dame estoit maintennant recerchée,
+qui estoit des merchandises; aultrement ce seroit faire amande
+honnorable au duc d'Alve; et que pourtant leur commission debvoit
+estre leue publicquement en présence du S<sup>r</sup> Thomas de Fiesque; et à
+icelle adjouxté la restriction de ne parler ny tretter d'aultre chose
+<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span>
+que des merchandises d'Angleterre, et de pouvoir simplement
+accorder que personnaiges de semblable qualité puissent venir par
+deçà pour tretter de celles d'Espaigne, ce qui a esté ainsy faict.</p>
+
+<p>Et pour l'importance des affères d'Escoce, affin que la dicte Dame
+ne s'obligeât trop par ses lettres à la Royne d'Escoce sa cousine, le
+secrétaire Cecille les a escriptes et a contrefaict la main de sa Mestresse,
+avec plusieurs parolles de consolation et de commémoration
+des bénéfices passez, mais tellement couchées qu'on ne peut comprendre
+où va son intention; toutesfoys la Royne d'Escoce ne laysse
+d'y respondre.</p>
+
+<p>Quant à radoulcyr et rappeller les seigneurs mal contantz, l'on a,
+à la vérité, miz en plus grande mais non en entière liberté millord
+de Lomellé; et le comte d'Arondel, qui estoit, plus de six sepmaines
+a, sur le poinct d'estre rappelé, demeure encores confiné en sa mayson
+de Noncich, et n'y a nulle apparance de la liberté du duc. Par ainsy
+la noblesse reste aussi mal satisfaicte que auparavant, et le comte de
+Pembroc, qui estoit ung médiateur en cella, est naguières trespassé.</p>
+
+<p>Or, sur la grande instance que le sir Randolf, despuys qu'il est en
+Escoce, a toutjours faicte à la dicte Dame, de vouloir, par les meilleurs
+et plus promptz moyens qu'elle pourroit, assister ces seigneurs
+de dellà, qui veulent dépendre d'elle, lesquelz, pour establyr l'authorité
+du petit prince, et oster celle de la Royne d'Escoce, demandent
+avoir le comte de Lenoz pour régent, ou aultrement, que la
+part de la Royne d'Escoce va prévaloir dans le pays; la matière en a
+esté avec grande contention débattue entre ceulx de ce conseil, qui
+enfin ont miz en considération que le dict comte de Lenoz estoit
+suspect de la religion catholique, et qu'il n'estoit de suffisance ny
+d'expériance pour conduyre, à l'intention de la dicte Dame, les
+grandz affères qui se présentent meintenant en Escoce; ains seroit
+pour y aporter plus de retardement que d'advancement: par ainsy,
+ont résolu qu'on se déporteroit de plus luy pourchasser la charge ny
+la régence du dict pays, et que, estant le comte de Sussex desjà dépesché,
+avec tout ample pouvoir, au pays du North, il luy seroit encores
+commis cest affère d'Escoce, car c'estoit tout vers ung mesmes
+quartier.</p>
+
+<p>Dont, à sa commission des choses du dict pays du North, laquelle
+portoit de marcher seulement jusques à la frontière d'Escoce, avec
+quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx; et de faire procéder
+au jugement des coulpables de la première ellévation et exécuter
+les condampnez, et poursuyvre par deffault les absentz, confisquer
+<span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span>
+leurs biens et prendre possession d'iceulx au nom de la dicte
+Dame, et en vendre ce qu'il pourroit; a esté adjouxté qu'il pourra
+lever jusques à dix mil hommes, et qu'il procèdera aulx affères
+d'Escoce tant contre les rebelles qui s'y sont retirez que au faict de
+l'estat; qu'il marchera en pays, s'il est besoing, et ainsy que l'occasion
+s'en présentera; et qu'il pourvoirra surtout que nulz Françoys
+ny Espaignolz, ny aultres estrangiers preignent pied par
+dellà; et, pour cest effect, ordonné luy estre forny contant xx mil <sup><i>lt</i></sup>
+d'esterlin, c'est lxv&#305;&#305; mil trois centz escuz, et que, dans six sepmaines,
+il luy en sera envoyé aultant. Despuys, la dicte Dame
+m'a résoluement déclaré qu'elle envoyera poursuyvre et chastier ses
+fuytifz et ceulx qui les soubstiennent, jusques dans l'Escoce.</p>
+
+<p>L'on faict aller fort secrètes et fort déguysées les nouvelles qui
+viennent du dict pays d'Escoce; néantmoins l'on m'a dict que le
+duc de Chastellerault, et les comtes d'Arguil, d'Honteley, d'Atil et
+toutz les principaulx du pays estoient à l'Islebourg au commencement
+de mars, et les comtes de Northomberland, de Vuesmerland et aultres
+fuytifz d'Angleterre avec eulx; qu'ilz estoient après à tenir une
+assemblée d'Estatz, remise du &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> au x<sup>e</sup> du dict moys, pour regarder
+à ce qu'ilz auroient à fère pour la restitution de leur Royne;
+que cependant ilz avoient faict proclamer par tout le pays l'authorité
+de la dicte Dame; que, parce que le comte de Mar faisoit difficulté
+de se joindre à eulx, ilz avoient proposé de marcher en armes vers
+Esterlin pour le dessaysir du gouvernement du petit prince; que
+despuys il s'estoit rallyé avecques eulx; qu'on ne sçavoit qu'estoit
+devenu le comte de Morthon, et sembloit qu'il se fût retiré en Angleterre;
+que quelques navyres, avec gens de guerre, avoient apparu
+au North d'Escoce, dont aulcuns disoient que c'estoit le secours
+de Flandres, que le frère du comte d'Honteley admenoit, les
+aultres disoient que c'estoit le comte de Bodouel qui venoit de Danemarc,
+avec quelques gens qu'il avoit ramassez.</p>
+
+<p class="center smcap">Seconde Instruction a Part Au Dict Sieur de Vassal.</p>
+
+<p>L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict, despuys huict jours, que le
+duc d'Alve luy avoit escript deux notables considérations qu'il avoit
+mandées au Roy par le mesmes gentilhomme, que Sa Majesté luy
+avoit expressément dépesché pour avoir son conseil sur la paix de
+son royaulme; la première, que d'octroyer liberté de conscience ou
+exercisse de religion à ses subjectz, de tant que c'estoit pure matière
+<span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span>
+éclésiastique, il ne s'en debvoit entremettre aulcunement, ains le
+remettre du tout au Pape; la seconde, que de pardonner aulx ellevez,
+il le trouvoit bon, pour le désir qu'il avoit à la paix de France,
+si cella en estoit le moyen, mais en lieu d'establyr ses affères,
+ce seroient eulx qui les establyroient et se fortiffieroient par la dicte
+paix, et guetteroient le temps de reprendre les armes à leur advantaige,
+lorsqu'ilz cuyderont mieux emporter la couronne; par
+ainsy qu'il estoit nécessaire qu'il y mit meintennant une entière fin:</p>
+
+<p>Que le dict ambassadeur trouvoit ce conseil fort prudent, et que
+le Roy, suyvant icelluy, se debvoit résouldre à la guerre, non de
+donner souvant des batailles, car c'estoit trop hazarder l'estat, mais
+de myner les ennemys à la longue, et qu'aussi bien la paix n'estoit
+près d'estre faicte, parce qu'ung de ses amys de ce conseil l'avoit
+adverty que la Royne d'Angleterre avoit promiz au cardinal de
+Chatillon de secourir l'Admyral, son frère, de deux centz mil escuz;
+et que le dict cardinal luy avoit obligé sa foy, et celle de son dict
+frère, qu'ilz ne permettroient qu'en nulles conditions la dicte paix se
+conclûd.</p>
+
+<p>Je luy ay respondu, quant au premier, que le duc d'Alve estoit
+ung si prudent et si entier et modéré seigneur qu'il ne faudroit de
+conformer toutjours ses adviz sur les affères de France à celluy de
+Leurs Majestez Très Chrestiennes, et des saiges seigneurs de leur
+sang, et de leur conseil, qui les entendoient très bien et sçavoient
+comme il les failloit manyer, et qui auroient toutjours le soing qu'il
+ne s'y fît, pour paix ny pour guerre, rien qui ne fût sellon Dieu, à
+l'honneur du Roy et repos de la Chrestienté:</p>
+
+<p>Et quant à l'aultre, de l'obligation du cardinal à la Royne d'Angleterre,
+que je le prioys de vériffier davantaige ce qu'on luy en avoit
+dict, et où, et commant se feroit le payement des deux centz mil
+escuz.</p>
+
+<p>Mais voulant, de ma part, descouvrir si cella estoit vray, car, quant
+à la promesse des deniers, j'en avois desjà quelque adviz, mais non
+de ceste obligation du cardinal, ny d'une si malle volonté de ceste
+Royne, j'ay, par une interposée personne, faict toucher la matière
+au comte de Lestre et au secrétaire Cecille, desquelz deux se comprend
+toute l'intention de la dicte Dame, et l'ung et l'aultre ont
+monstré que eulx et leur Mestresse desiroient la paix; dont, oultre
+la conjecture des propos, que je sçay qu'ilz en ont tenu à celluy par
+qui je les ay faictz sonder et à d'aultres, voycy ceulx que Cecille
+a dictz à ung mien gentilhomme tout exprès pour me les raporter:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span>
+Que, par les adviz de Mr Norrys et par aultres conjectures, il
+cognoissoit que la paix demeurait d'estre faicte en France, parce que
+le Roy n'y vouloit permettre l'exercisse de la religion, et que ceulx de
+la Rochelle ne combattoient ny pour terres, ny pour empyres, ny pour
+aultre chose quelconque que pour cella; dont il s'advanceroit de dire
+un mot, que possible l'on ne l'estimeroit sage de me l'avoir mandé, que,
+s'il plaisoit au Roy leur ottroyer le dict exercisse en leurs maysons,
+il pensoit fermement qu'il conclurroit quant au reste la paix, tout
+ainsy qu'il la vouldroit; et que, s'il avoit agréable que la Royne, sa
+Mestresse, s'y employât, laquelle y pouvoit possible aultant que prince
+ny princesse de la terre, qu'elle le feroit aultant à l'honneur et advantaige
+de Leurs Majestez Très Chrestiennes, et à la tranquillité de
+leur royaulme, comme si c'estoit pour elle mesmes.</p>
+
+<p>Le comte de Lestre, par ung gentilhomme italien catholique, qui
+est commun amy entre luy et moy, m'a mandé que la dicte Dame estoit
+bien disposée à la dicte paix, et qu'il estoit d'adviz que, comme de
+moy mesmes, je l'en misse en propos, la première foys que je parleroys
+à elle, pour l'exorter de tenir la main à ce qu'on la pût conclurre
+à l'advantaige du Roy, et que les subjectz eussent à se contenter de
+ce que leur prince leur pourrait, avec son honneur, ottroyer, sans en
+vouloir tirer davantaige par la force; et que je luy remonstrasse que
+la paix de France serait la paix d'Angleterre, voyre de toute la
+Chrestienté, et luy toucher à ce propos le restablissement de la Royne
+d'Escoce; et comme, par l'accomplissement de ces deux choses, si
+elle s'y vouloit bien employer, elle pourrait régner très paysiblement
+en son royaulme:</p>
+
+<p>Que, de sa part, il y tiendrait la main, comme très obligé de desirer
+le bien du Roy et de son royaulme, et que, touchant la dicte
+paix, il sçavoit que le cardinal de Chatillon y avoit une extrême affection,
+et que la noblesse de ce royaulme la desiroit, et desiroit tout
+ensemble l'accommodement des affères de la Royne d'Escoce, comme
+deux choses d'où dépendoit le repos et la seurté de leur Royne et de
+son royaulme; et que Cecille, pour estre ennemy conjuré de la Royne
+d'Escoce, et pour la frustrer de la légitime succession qu'elle prétend
+à ce royaulme, affin d'y establyr ung roy de sa main, et ellever
+ceulx de Erfort à la couronne, lesquelz il nourryt en ceste espérance,
+comme ses pupilles, en sa mayson, empeschoit que la dicte Dame ne
+peult bien user de sa bonne intention en nulle de ces deux choses,
+la tenant comme enchantée sur l'éguillon de la jalouzie, qu'il luy
+propose toutjours de la dicte Royne d'Escoce.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span>
+Mais, qu'après que j'en auroys encores une foys parlé à la Royne,
+sa Mestresse, si elle venoit à luy en toucher ung seul mot, il s'ingèreroit
+de luy représenter franchement le debvoir à quoy, l'honneur, la
+foy et la conscience la tiènent obligée envers le Roy et envers la
+Royne d'Escoce pour l'entretennement des trettez; et comme, en
+leur satisfaisant en ce qui seroit de rayson, et s'asseurant par ce
+moyen de la paix de France et d'Escoce, elle demeureroit très asseurée
+et establye contre les dangiers et entreprinses de toutes les aultres
+partz du monde; et, au contraire, si, pour ne se porter bien envers
+le Roy sur ceste paix, ny envers la Royne d'Escoce sur sa restitution,
+elle venoit à tumber en guerre de ces deux costez, à ceste heure
+qu'elle ne sçavoit comme elle estoit avec le Roy d'Espaigne, et que
+ses subjectz estoient divisez, dont possible une partie seroit contre
+elle, il est sans doute qu'elle seroit en ung très grand dangier.</p>
+
+<p>Et ne craindroit de luy remonstrer que, nonobstant le mal qu'elle
+pouvoit vouloir au cardinal de Lorrayne, elle avoit à considérer
+qu'il estoit d'une mayson grande, et de nouveau plus allyée que jamais
+à celle de France, et qu'en estant yssue la Royne d'Escoce de
+par sa mère, monsieur et madame de Lorrayne ne permettroient
+qu'elle fût habandonnée du Roy, oultre les aultres notoires obligations
+d'entre les couronnes de France et d'Escoce:</p>
+
+<p>Qu'il n'eust tant tardé de remonstrer cecy à sa Mestresse, sans
+ce que Cecille le guettoit pour le désarçonner, ainsy qu'il avoit
+désarçonné les aultres principaulx du conseil, par prétexte de la
+Royne d'Escoce; et qu'il tenoit ceulx qui y estoient de reste encores
+toutz bandez contre luy, ne se souscyant de hasarder sa Mestresse,
+son estat et toutes aultres choses, pour establyr la fortune des
+dicts de Erfort, et qu'ayant luy à suyvre celle de sa Mestresse, il luy
+vouloit remonstrer le dangier où elle estoit, encore qu'il en deubt
+estre ruyné.</p>
+
+<p>Despuys, trouvant que l'intention du Roy estoit conforme à celle
+du dict comte, j'ay parlé à la Royne d'Angleterre en la forme que
+je le mande à Sa Majesté, et le dict comte monstre à présent d'estre
+si affectionné à la matière qu'il désire fère luy mesmes le voyage
+devers le Roy avec grand opinion, voyre asseurance, qu'il ne s'en
+retournera sans que la paix soit conclue; sans que les affères de la
+Royne d'Escoce soyent accommodez; et sans que l'amytié d'entre
+le Roy et sa Mestresse soit bien estroictement confirmée.</p>
+
+<p>Ainsy, par les propos de ces deux, se peult conjecturer la division
+qui est entre ceulx de ce conseil, et comme, en ce qui concerne la
+<span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span>
+France, encor que toutz monstrent d'y désirer la paix et de vouloir
+que leur Mestresse s'y employe de si bonne façon que le Roy luy en
+sache gré, c'est néantmoins diversement; car Cecille et les siens ne
+veulent qu'il se parle des affères de la Royne d'Escoce, et le dict
+comte et ceulx de son party desirent qu'ilz soient par mesmes moyen
+accommodez, dont, pour avoir quelcun qui luy fasse espaule au dict
+conseil pour fortiffier son opinion, il est fort après à solliciter le retour
+du comte d'Arondel, qui n'est amy du dict Cecille, et tout
+contraire à ceulx de Erfort.</p>
+
+<p><span class="fancyfont">Chiffre</span>. [Et à propos du dict comte d'Arondel, luy et millord de
+Lomellé m'ont envoyé remercyer de mes bons offices et démonstrations
+envers eulx, et que, si les choses ne prennent icy meilleur
+trein pour eulx, ilz sont pour accepter la faveur du Roy à se retirer
+soubs sa protection en France, et le dict de Lomellé y mener sa
+femme;</p>
+
+<p>Que, pour le présent, il faut qu'ilz attendent veoir que deviendront
+les promesses de leurs amys, et leurs moyens et espérances de
+court; car l'on leur a mandé qu'ilz sont sur le poinct d'estre rappelez
+en leur auctorité accoustumé, laquelle s'ilz ont une foys reprinse,
+ilz jurent de ne s'en laysser plus dépossèder et de la retenir, ou
+par leur droict, ou par la force, contre quiconque leur y vouldra
+fère tort;</p>
+
+<p>Et, si ce paysible moyen d'y retourner ne leur succède dans peu
+de jours, qu'ilz en essayeront quelque aultre plus viollent, car desirent,
+comment que soit, pourvoir aulx désordres de ce royaulme, et
+au faict de la Royne d'Escoce, et aulx affères du duc de Norfolc, et
+encores plus expressément s'ilz peuvent, quant ilz en auront le moyen,
+au restablissement de la religion catholique; pour lesquelles quatre
+choses ilz veulent tout hazarder.</p>
+
+<p>Et disent que l'importance de cecy gyt principalement en deux
+poinctz; l'ung est que le dict duc veuille bien employer les moyens,
+qu'il a dans ce royaulme, pour se mettre en liberté, pour fère prendre
+les armes à ceulx de son party, et pour empescher au conseil les
+dellibérations de ses adversayres:</p>
+
+<p>L'aultre poinct, que ceulx du North, qui se sont retirés en Escoce,
+soyent secouruz; car est sans doubte, s'ilz se peuvent remettre en
+campaigne, et marcher en çà, que ceulx de leur intelligence se déclaireront
+et les repcevront avecques faveur aux meilleurs endroictz
+d'Angleterre, et se joindront à eulx en grand nombre;</p>
+
+<p>Et que le bon succez de toutes choses deppend de ce dernier,
+<span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span>
+sans lequel il semble que le premier ne sera essayé, non que miz à
+exécution; car le dict duc de Norfolc ne veult rien mouvoir de luy
+mesmes de peur d'empyrer sa cause.]</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">XCVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du dernier jour de mars 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par le nepveu du S<sup>r</sup> Acerbo.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Modération des mesures adoptées par la reine d'Angleterre.&mdash;Mise en liberté
+du comte d'Arundel, qui est reçu en grâce par Élisabeth.&mdash;Promesse
+faite à l'évêque de Ross que sa détention va cesser.&mdash;Préparatifs d'une
+expédition qui doit être dirigée vers le Nord.&mdash;Nouvelles d'Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, les dernières lettres que je vous ay escriptes et
+l'instruction que j'ay baillée au S<sup>r</sup> de Vassal, qui les vous a
+aportées, vous auront donné assés ample notice de ce qui
+estoit advenu de plus principal en ce royaulme, jusques à
+la datte d'icelles, laquelle est du lendemain de Pasques.
+Meintennant j'ay à dire à Vostre Majesté que les festes se
+sont passées bien paysiblement en ceste court, sans qu'il y
+soit survenu aulcune chose de nouveau, par où ceste Royne
+et les siens ayent monstré d'en estre esmeuz davantaige;
+et toute expédition d'affères a cessé, s'estans la pluspart
+des seigneurs de ce conseil absentez en leurs maysons
+pour y fère la solempnité; et a l'on espéré que les choses,
+desquelles l'on craignoit debvoir le plus advenir de mouvement
+en ce royaulme, comme sont celles de ces seigneurs
+mal contantz, celles de la Royne d'Escoce et celles
+de la religion, seroient bientost réduictes à quelque modération,
+<span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span>
+ayant la dicte Dame faict une soubdaine faveur
+au comte d'Arondel de l'admettre à luy venir bayser les
+mains, le jour du Jeudy sainct, avec une gracieuse satisfaction
+de ce qu'elle luy avoit faict sentyr son courroux sur le
+faict du mariage du duc de Norfolc avecques la Royne d'Escoce,
+parce qu'on l'avoit asseurée que c'estoit luy qui en
+estoit l'autheur: de quoy il s'est excusé, et qu'il n'avoit esté
+que en la compaignie de ceulx qui en avoient parlé comme
+de chose qu'ilz estimoient convenable au service d'elle, et
+au bien et repoz de son royaulme, et en laquelle ilz n'avoient
+jamais entendu qu'on y deubt procéder, sinon avec
+son bon congé et consentement; et que, de sa part, il ne
+seroit jamais trouvé aultre que son très fidelle subject et
+très loyal à sa couronne. Et ainsy luy ayant dès lors randue
+sa pleyne liberté, il s'en retourna pour quelques jours en sa
+mayson de Noncich, avec promesse de revenir en brief
+trouver la dicte Dame pour résider près d'elle, autant qu'il
+luy plairoit le commander; et à l'évesque de Roz fut donnée
+parolle qu'il seroit eslargy dans trois jours, mais despuys
+luy fut mandé que par ung mesmes moyen, après les festes,
+la dicte Dame le feroit mettre en liberté, et luy permettroit
+de venir tretter avec elle des affères de sa Mestresse; et
+aulx Catholiques n'a esté usé d'aulcune rigueur ny recerche
+à ces Pasques; mais aulcuns pensent que toute ceste
+gracieuse démonstration se faict pour gaigner le temps, et
+pour amortyr les entreprinses qu'on crainct devoir estre
+cest esté.</p>
+
+<p>Aultres ont opinion que, à bon escient, l'on veult accommoder
+les affères, et plustost plyer ung peu que venir
+au dangier de rompre, dont le temps nous fera veoir ce qui
+en sera; tant y a que le comte de Sussex marche toutjours
+<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span>
+vers le North, avec quatre mil hommes de pied et douze
+centz chevaulx, et que l'admyral Clinton est après à lever
+encores (à ce qu'on dict) des gens de pied et de cheval
+vers son pays de Linconscher pour s'aller joindre à luy; et
+a l'on tiré, ces jours passez, de la Tour trente chariotz
+d'armes et de monitions, et créé des cappitaines de pionnyers
+pour leur envoyer; ce qui donne à penser, avec d'aultres
+adviz précédans, qu'on a intention de dresser camp,
+et d'entrer en Escoce; vray est que la sayson ne semble
+propre pour commencer encores ceste guerre, jusques à la
+fin d'aoust, car jusques alors ne se trouvera vivres au dict
+pays du North ny en toute la frontière d'Escoce.</p>
+
+<p>L'on continue de dire que les seigneurs Escouçoys font
+aller toutes choses dans leur pays à l'advantaige de la
+Royne, leur Mestresse, et qu'ilz ont faict proclamer son
+auctorité, et qu'il ne reste des grands du royaulme que quatre
+que toutz ne soyent pour elle. L'on dict qu'ilz ont encores
+remiz jusques au premier jour de may la tenue de
+leurs Estatz. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxx&#305;<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">XCIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">IIII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Cambernon</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Retour du comte d'Arundel à la cour.&mdash;Prolongation de la captivité de l'évêque
+de Ross.&mdash;Affaires d'Écosse.&mdash;Bon accueil fait par le duc d'Albe
+aux députés d'Angleterre.&mdash;Nouvelles d'Allemagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, retournans après ces festes les seigneurs de ce conseil
+en ceste court, le comte d'Arondel y est arrivé des
+premiers, auquel la Royne sa Mestresse a faict beaulcoup
+de faveur, monstrant prendre toute confiance de luy; dont
+semble qu'il ne reffuzera de se laysser introduyre de rechef
+aulx affères, mais ce sera possible plus pour servyr à la liberté
+du duc de Norfolc, son beau filz, et aulx affères de
+la Royne d'Escoce, ausquelz il a toutjour porté bonne affection,
+que pour ambicion qu'il ayt; car le présent manyement
+de l'estat ne semble aller aucunement sellon qu'il
+le vouldroit.</p>
+
+<p>Je suys bien marry qu'en leurs premières dellibérations,
+iceulx seigneurs du conseil, après leur dict retour, ayent
+changé ce qu'ilz avoient auparavant ordonné pour l'évesque
+de Roz, de luy donner sa liberté incontinent après Pasques,
+et qu'il seroit admiz à parler à la Royne leur Mestresse;
+là où meintennant on luy faict dire qu'il ayt encores pacience,
+et qu'elle n'est bien résolue quant, ny commant,
+elle la luy pourra donner. Il semble que le sir Randolf ayt
+donné adviz à la dicte Dame que ceulx, qui ont relevé le
+<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span>
+party du comte de Mora en Escoce, ont desjà dépesché
+l'abbé de Domfermelin et Nicollas Elphiston pour venir
+tretter, avecques elle et avec les seigneurs de son conseil,
+de toutes choses de dellà; et que possible elle y veult avoir
+pourveu, premier que d'eslargyr le dict sieur évesque, de
+peur qu'il ne luy traverse ses desseings. Et de ce, Sire,
+que je vous avois cy devant mandé, que le voyage du comte
+de Lenoz estoit interrompu, les dicts du conseil ont changé
+d'opinion à cause d'une lettre que les comtes de Mar et
+de Glencarve, et les lordz Lendzay, Semple, Ruthunen et
+Drunquhassil ont escripte au dict de Lenoz, qu'il veuille
+venir en dilligence prendre la régence du pays, affin de
+conserver l'authorité au jeune prince son petit filz, et haster
+le secours que la Royne d'Angleterre leur a promiz;
+de tant mesmement que les fuytifz de son royaulme non
+seulement se sont joinctz aulx Amelthons en faveur de la
+Royne d'Escoce, mais publient aussi qu'ilz n'attendent,
+d'heure en heure, que l'arrivée du renfort qui leur doibt
+venir de France et de Flandres. Sur quoi, de tant que
+iceulx du conseil ont senty que le comte de Morthon, duquel
+ilz espéroient beaucoup, n'estoit bien vollu ny de la
+noblesse ny du peuple d'Escoce, et que mesmes il n'estoit
+soubsigné en la dicte lettre avec les aultres, ce qui monstroit
+de n'estre bien d'accord avec eulx, par ainsy qu'ilz ne
+pouvoient fère aulcun bon fondement sur luy, ilz ont advisé
+de laysser aller, plus par nécessité que par ellection,
+le dict de Lenoz par dellà; réservant néantmoins la charge
+principalle du tout au comte de Sussex, et ne fornyssant
+à icelluy de Lenoz que, comme pour fère le voyage, envyron
+trois mil cinq centz escuz. Vray est que la comtesse,
+sa femme, a engaigé ses bagues et sa vaysselle d'argent
+<span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span>
+pour luy fère plus grand somme; et cependant l'on a dépesché,
+coup sur coup, force courriers devers le comte de
+Sussex, ne sçay encores à quelles fins; car le bruyt est que
+les frontières ne sont plus tant pressées comme elles estoient
+par les fuytifz; mais je pense que c'est pour le haster
+vers l'Escoce, me confirmant toutjour en l'opinion qu'ilz
+le feront entrer dans le pays avecques forces, et mesmes
+que, pour pourvoir à la faulte des vivres qu'on pourroit
+avoir par dellà, j'entendz qu'on faict grand provision de
+farines, partout icy autour, pour les y envoyer par mer: ce
+que je mettray peyne de vériffier, et de vous donner de
+cella, et d'aultres choses, ung plus exprès et un plus certain
+adviz par mes premières. Je ne cesse cependant de
+fère, au nom de Voz Majestez Très Chrestiennes, toutz les
+meilleurs et plus exprès offices que je puys pour les affères
+de la dicte Royne d'Escoce, mais je ne sçay que espérer
+d'iceulx en un si grand changement et variation, comme
+l'on m'y use ordinairement, sinon que je croy qu'ilz se rangeront
+enfin d'eulx mesmes, ou qu'ilz ruyneront ceulx qui
+les vouldront ruyner.</p>
+
+<p>Icy court ung bruyt que le duc d'Alve a vingt six grands
+navyres prestz à mettre sur mer, avec nombre d'hommes
+de guerre, et de monitions, mais ne se dict à quel effect;
+néantmoins, cella met ceulx cy en assés de souspeçon, lesquelz
+ne layssent pourtant de solliciter par leurs depputez
+l'accord des différans des Pays Bas; et leur a fort pleu que
+le duc d'Alve les ayt ainsi bien receuz comme il a faict
+avec grand faveur; et que, à Bruges et en Envers où ilz ont
+passé, l'on les ayt caressez et trettez en amys; et que les
+officiers les ayent visitez et leur ayent envoyé présens; et
+que desjà le dict duc ayt depputé personnaige de sa part pour
+<span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span>
+tretter avec eulx; dont s'espère qu'ilz s'accommoderont,
+comme, à la vérité, pour avoir les ungs et les aultres où
+entendre assés en d'aultres choses, il semble que tant plus
+vollontiers ilz vouldront sortyr de celles cy.</p>
+
+<p>Il se parle d'ung grand emprunct que ceste princesse propose
+de fère tout de nouveau; dont suys après à descouvrir
+si c'est pour recepvoir les deniers icy ou en Hembourg, et
+semble bien que les propos et pratiques de la dicte Dame et
+des siens en Allemaigne demeurent en mesmes suspens que
+faict la paix de France; et n'ay point sceu qu'il soit venu,
+de tout le moys passé, aultres nouvelles de dellà, si n'est
+de la diette du xx&#305;&#305;<sup>e</sup> de may à Espyre, et de l'aprest des
+deux Roynes, filles de l'Empereur, pour aller en France et en
+Espaigne; et du faict du prince d'Orange, duquel l'on parle
+diversement, car les ungs disent qu'il sçayt où prendre
+gens et argent pour fère une grande entreprinse et que la
+faveur des princes protestans ne luy manquera: aultres
+asseurent, et mesmement l'ambassadeur d'Espaigne, qu'il
+n'a ny gens, ny argent, ny moyen de rien entreprendre,
+et qu'il a perdu toute sa réputation envers les dicts princes
+protestans. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;v<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">C<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Rossel et Christofle</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">État des forces levées pour le Nord, et sans doute destinées à entrer en
+Écosse.&mdash;Nouvelles de Marie Stuart.&mdash;Sommes importantes réunies par
+Élisabeth.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, l'occasion pour laquelle la Royne d'Angleterre a
+dépesché, despuys huict jours, plusieurs courriers vers son
+pays du North, ainsy que je le vous ay mandé par mes
+précédantes du &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du présent, est, sellon que j'entendz,
+pour mander aux trouppes et compagnies de gens de guerre,
+qu'on a levées en ces quartiers là, de se randre toutes
+ensemble à Yorc le x&#305;&#305;<sup>e</sup> de ce moys; et au comte de Sussex
+qu'il leur face fère incontinent la monstre, et qu'il les
+face acheminer à si bonnes journées qu'il puysse avoir son armée
+toute preste à Barvyc, le premier jour de may; laquelle
+les ungs disent debvoir estre de dix mil hommes de pied et
+cinq mil chevaulx, les aultres de la moytié moins des ungs
+et des aultres, ce que, pour encores, je croy estre le plus
+certain, mais qu'il a bien commission de lever l'aultre plus
+grand nombre, s'il est besoing. Il ne se dict encores ouvertement
+qu'il doibve entrer en Escoce, mais il se tient pour
+résolu qu'il le fera, si les seigneurs du pays, entre cy et
+là, ne se trouvent d'accord, ce que la dicte dame crainct assés;
+auquel cas, elle regardera ung peu de plus près comme
+elle devra poursuyvre l'entreprinse, et possible adviendra
+<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span>
+cependant que de l'avoir seulement entamée, elle leur
+aura donné plus prompte occasion de se réunyr. Il est
+bien certain que ses fuytifz ayant ainsy couru, de jour et
+de nuict, comme ilz ont faict, la frontière de deçà, et
+pillé et brullé les villaiges, et enmené force prisonniers,
+luy donnent occasion d'y envoyer des forces pour leur résister;
+mais elle dict que non seulement elle les veult
+chastier, mais qu'elle veult chastier ceulx qui les ont retirez;
+ce qui s'adresse principallement aulx Escouçoys: car
+l'on m'a asseuré, quant aux dictes frontières, que, despuys
+quelques jours, elles se trouvent assés paysibles, par l'ordre
+que les Escouçoys mesmes y ont miz; et que les principaulx
+chefz des fuytifz sont après à trouver moyen de passer
+en France ou en Flandres, ce qui debvroit fère abstenir
+la dicte Dame de son entreprinse; mais je crains que
+ce sera cella qui l'y convyera davantaige pour luy sembler
+moins difficile, et pour vouloir en toutes sortes establir
+les choses d'Escoce, si elle peult, à sa dévotion.</p>
+
+<p>Et fault estimer, Sire, que son desseing au dict pays ne
+peult estre petit, veu le nombre de canons de batterye,
+de couleuvrines, de monitions, d'armes et de vivres qu'elle
+y envoye. La Royne d'Escoce luy a naguières escript là
+dessus, mais l'évesque de Roz, qui est encores en arrest,
+ny moi, n'avons peu entendre du contenu en sa lettre que ce
+qui concerne seulement sa santé: qu'elle se porte bien,
+qu'elle se loue du bon trettement du comte de Cherosbery,
+et qu'elle trouve bon qu'il la conduyse en une aultre
+sienne mayson pour changer d'air et pour avoir plus
+grande commodité des vivres. L'on attend l'arrivée de
+l'abbé de Domfermelin, et le comte de Lenoz est desjà
+party, duquel l'on ne se peult si bien asseurer qu'on ne
+<span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span>
+voye encores plusieurs difficultez en son voyage, et se
+parle de quelque marché sur le comte de Northomberland,
+que ceste Royne donnera quatre mil <sup><i>lt</i></sup> d'esterlin pour
+lui estre livré entre ses mains, par où semble qu'il soit
+encores dans le chasteau de Lochlevyn; et, à la vérité,
+Sire, je n'ay peu encores avoir assés de certitude
+des choses de dellà, car les passaiges sont trop serrez, et
+ce qui en vient en ceste court est tenu bien fort secrect,
+ou bien l'on le baille tant au contraire de ce qui est que
+je n'y donne poinct de foy. J'espère que par d'aultres
+moyens, que nous avons essayez, il nous en viendra bientost
+quelque notice.</p>
+
+<p>Quant à l'emprunct, dont en mes précédantes je vous
+ay faict mention, j'entendz que la dicte Dame a fait expédier
+mil v<sup>e</sup> lettres de son privé scel, la moindre de cinquante
+<sup><i>lt</i></sup> d'esterlin, et la pluspart de cent, aulx particulliers
+bien aysez de son royaulme pour luy estre forny par
+chacun sa cothe part en ceste ville de Londres, dans le
+prochain moys de may; dont faict estat qu'il montera à la
+somme de cent cinquante mil <sup><i>lt</i></sup> d'esterlin, qui est cinq
+centz mil escuz. L'on commance de préparer une flotte
+de draps pour Hembourg et deux navyres de guerre pour
+la conduyre aulx despens des merchans; mais plusieurs estiment
+que ce sera pour aller en Envers, et que les depputez
+conclurront quelque chose sur ces différans, affin de
+pouvoir continuer leur mutuel traffic comme auparavant.
+Ceulx cy demeurent en grand suspens sur la longueur du
+tretté de paix de Vostre Majesté, et semble, Sire, qu'ilz
+en désirent et qu'ilz en craignent tout ensemble la conclusion
+pour des considérations et respectz, qui sont assés
+divers, dont je suys après d'en vériffier ce que desjà l'on
+<span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span>
+m'en a dict, affin de vous rendre plus claire leur intention.
+Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;x<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Le Tourne</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Continuation des préparatifs militaires contre l'Écosse.&mdash;Inquiétude des
+Anglais sur la négociation des affaires de Flandre.&mdash;Détail des nouvelles
+arrivées en Angleterre sur l'état de la guerre civile en France, et les entreprises
+faites par les protestans.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ce que j'ay aprins de l'expédition de l'armée que
+la Royne d'Angleterre envoye vers le North, despuys les
+dernières nouvelles que j'en ay escriptes à Vostre Majesté
+du &#305;x<sup>e</sup> du présent, est que le comte de Sussex, en marchant
+en là, a assemblé six mil hommes, tant de pied que
+de cheval, à Duram, dont il en eust heu davantaige, s'il
+n'eut renvoyé ceux des gens de cheval qui n'estoient protestans;
+mais n'a regardé de si près aulx gens de pied, et,
+avec ceste troupe, il dellibère s'acheminer vers Barvyc,
+non qu'il ayt encores toutes choses si bien prestes qu'il s'y
+puisse randre le dernier de ce moys, comme il luy a esté
+mandé, ny qu'il puisse, devant le xv<sup>e</sup> du prochain, entrer
+en Escoce. Et de tant qu'on publyoit par dellà que la dicte
+armée seroit de dix mil hommes de pied et cinq mil chevaulx,
+quelcun m'a dict que ceulx du party contraire de la
+<span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span>
+Royne d'Escoce ont mandé qu'il suffiroit, pour ceste heure,
+de fère entrer la moictié des dictes forces dans le pays, à
+cause qu'on ne trouverait assés de vivres pour tant de
+gens et de chevaulx; et qu'avec cella le petit prince pourroit
+estre facilement enlevé sans aulcun empeschement,
+pourveu que le reste se tînt sur la frontière pour venir au
+secours, si besoing estoit. L'on m'a confirmé qu'il est venu
+adviz bien certain à ceste Royne de l'arrivée d'ung ambassadeur
+de Vostre Majesté par dellà, et adjouxte l'on qu'il
+a conduict dans Dombertran six mil harquebouzes et trois
+mil corseletz, et qu'il faict une grande dilligence de réunyr
+et mettre les seigneurs du pays en bon accord, leur promettant
+l'assistance et secours de Vostre Majesté; et que les
+fuytifz d'Angleterre qui estoient près de s'en aller par
+mer, se sont arrestez; bien que quelcun m'a dict que le
+comte de Northomberland a trouvé moyen d'eschapper de
+Lochlevyn, et qu'il s'est retiré en Flandres. Il est vray,
+Sire, que jamais nouvelles ne furent baillées plus diverses
+que celles qui viennent de ce quartier là, parce que la
+matière est affectée de plusieurs, qui les publient sellon
+qu'ilz y ont différante affection. L'abbé de Domfermelin
+n'est encores arrivé. Le comte de Lenoz poursuyt son
+voyage, et la liberté est promise dans trois jours à l'évesque
+de Roz.</p>
+
+<p>Ceulx cy ont si grand désir que les depputez, qu'ilz ont
+envoyé en Flandres, facent quelque bon accord, que, pour
+garder que l'ambassadeur d'Espaigne ou aultres de deçà
+n'escripvent chose qui y puisse donner empeschement, ilz
+ont ung grand aguet sur toutes les dépesches qu'on y faict,
+et n'en layssent passer une seulle qui ne soit visitée. J'entendz
+qu'il est arrivé quelcun, assés freschement, de la Rochelle
+<span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span>
+qui publie que les princes de Navarre et de Condé
+sont en Languedoc ez envyrons de Thoulouze, qui pillent,
+brullent et ruynent tout ce qui deppend des habitans de la
+dicte ville et non d'ailleurs; qu'ilz ont leur armée plus
+forte et en meilleur équipaige que jamais; qu'ilz font toutz
+les jours amaz d'argent et de gens, et mesmes de bandolliers,
+desquelz ilz ont desjà ung bon nombre, des plus
+mauvais garçons de la montaigne; que Mr de Biron est
+encores avec eulx pour tretter de la paix, mais parce qu'il
+ne propose nulles condicions raysonnables, l'on commence
+à souspeçonner qu'il n'a esté envoyé pour dire rien de particullier,
+mais pour espyer leurs forces et recognoistre
+l'estat de leur armée; qu'ilz ont d'aultres forces bien gaillardes
+à la Charité, qui courent ordinairement jusques à
+Bourges et à Orléans, et deux mil hommes de pied et
+cinq centz chevaulx à la Rochelle, avec lesquelles le S<sup>r</sup>
+de La Noue tient tout le pays subject; qu'ilz ont reprins
+Maran et aultres lieux, nomméement Oulonne qui leur
+tenoit les vivres serrez, et qu'à présent ilz en recouvrent
+abondantment de toutes partz; et que Vostre Majesté estoit
+toujours à Angiers, sans argent et sans grand moyen
+d'en recouvrer. Lesquelles nouvelles aulcuns de ce conseil
+les magniffient, et les font encores courir plus amples affin
+d'intimider davantaige les Catholiques de ce pays. Néantmoins
+l'on m'a dict que la Royne, leur Mestresse, continue
+toutjour au mesmes désir que je vous ay cy devant mandé
+de la paix de vostre royaulme. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Jos, mon secrétaire.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Détail de ce qui s'est passé en Écosse après le meurtre du comte de Murray.&mdash;Assemblée
+des états à Lislebourg.&mdash;Espoir du rétablissement des affaires
+de Marie Stuart, si son parti est promptement secouru par la France.&mdash;Nouvelles
+de la Rochelle et de Flandre.&mdash;Nécessité de faire la paix en
+France, et de s'opposer avec vigueur aux projets de l'Angleterre sur l'Écosse.&mdash;Conséquences
+désastreuses qu'aurait pour la France la réunion
+de l'Écosse à l'Angleterre.&mdash;Avis secret donné à Catherine de Médicis.&mdash;<em>Mémoire.</em>
+Résolutions arrêtées dans le conseil d'Angleterre.&mdash;Dessein que
+l'on suppose au roi d'attaquer l'Angleterre aussitôt après la pacification.&mdash;Projet
+imputé au cardinal de Lorraine de vouloir faire périr Élisabeth
+et Cécil par le poison.&mdash;Dissensions causées dans le conseil par la rivalité
+des enfans de Hereford et de Marie Stuart, comme héritiers présomptifs de
+la couronne d'Angleterre.&mdash;<em>Mémoire secret.</em> Communications confidentielles
+venues des Pays-Bas sur les projets de mariage des filles de l'empereur
+avec le roi de France et le roi d'Espagne, et de Madame, s&oelig;ur du roi,
+avec le roi de Portugal.&mdash;Desseins secrets du duc d'Albe.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, jusques à ceste heure, je n'ay peu mander rien
+de bien certain à Vostre Majesté du costé d'Escoce, à
+cause que la Royne d'Angleterre, sentant les diverses affections
+que les siens portent aulx choses de dellà, a miz
+bon ordre qu'il n'en puisse venir nouvelles sinon à elle, et
+de tenir icelles bien secrettes; mais ung des moyens que
+nous avons essayé pour en sçavoir a réuscy; par lequel
+une lettre est arrivée à la Royne d'Escoce, du x&#305;x<sup>e</sup> de
+mars, d'ung de ses bons subjectz qui luy escript, que
+bientost après que le comte de Mora a esté tué, ceulx de
+<span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span>
+son party se sont efforcez de tenir une assemblée à Lislebourg,
+le v&#305;&#305;<sup>e</sup> de febvrier, pour establyr de rechef la
+forme du gouvernement à leur poste, au nom du petit
+prince. A quoy aulcuns d'entre eulx, mesmes qui estoient
+desjà retournez en leur première bonne affection vers leur
+Royne, aydez du desir du peuple qui demandoit la convocation
+généralle des Estatz, y ont donné empeschement,
+estant par le layr de Granges, et sir Jammes Baffour formée
+une opposition, laquelle n'a esté de peu de moment:
+car par là l'on a cogneu que le chasteau de Lislebourg,
+duquel le dict de Granges est capitaine tenoit pour la dicte
+Dame et que les choses avoient esté conduites en façon
+que dès lors une assemblée généralle fut publiée, au &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de
+mars ensuyvant, au mesmes lieu de Lislebourg, en laquelle
+la pluspart de la noblesse s'estoit trouvée, réservé aulcuns
+des Amilthons pour la souspeçon du murtre du dict de Mora,
+et réservé le comte d'Arguil, qui n'avoit passé plus avant
+que Glasco, et que les deux partz ne s'estoient pourtant
+guières meslée l'une avecques l'aultre; ains avoient tenu
+leurs assemblées séparées, sinon quelquefoys que les amys et
+partisans de la Royne avoient condescendu de convenir
+avec aucuns des aultres en la maison du secrétaire Ledinthon,
+qui estoit mallade, pour tretter de certaines particullaritez;
+et qu'enfin n'y avoit esté faicte plus grande
+détermination, que de assigner une aultre nouvelle assemblée
+au mesmes lieu, au premier jour de may prochain,
+de laquelle assemblée à venir les bons serviteurs de la dicte
+Dame ne pouvoient prendre aulcune bonne espérance, s'il
+n'aparoissoit premier pour elle quelque bonne faveur et
+assistance par dellà, ou de France, ou de Flandres, ainsy
+que ceulx qui estoient demeurez fermes en la foy et obéyssance
+<span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span>
+de la dicte Dame, l'avoient toutjour espéré: car
+ceulx du contraire party s'asseuroient d'estre favorisez et
+secouruz, dans le temps, par la Royne d'Angleterre et
+d'hommes, et d'argent, pour maintenir l'authorité du jeune
+Roy et la religion nouvelle dans le pays, ainsy que Randolf,
+son ambassadeur, les en asseuroit; et qu'il estoit bien
+vray que le comte d'Atil, milord de Humes, le ler de
+Granges, le secrétaire Ledinthon, et plusieurs aultres qui
+avoient esté du contraire party, se déclaroient meintennant
+estre de celluy de la dicte Royne d'Escoce; et le dict Ledinthon
+pratiquoit encores d'y admener le comte de Morthon,
+avec lequel il en estoit bien avant en termes; et que
+les fuytifz d'Angleterre estoient aussi toutz déclairez pour
+elle et pour la religion catholique, mesmes le comte de
+Northomberland, qui avoit commancé de tretter de son
+rappel avec le dict Randolf pour sortyr de pryson, avoit,
+par la persuasion du dict Ledinthon, demeuré ferme en son
+premier propos, de sorte que les aultres restoient bien foybles
+dans le pays; mais qu'il estoit certain que les deniers
+et les forces d'Angleterre les relèveroient et leur mettroient
+toutes choses en leur main, si quelque aultre main bien
+forte ne s'y trouvoit opposante pour la dicte Royne d'Escoce;
+et contenoit aussi la dicte lettre que l'abbé de Domfermelin
+estoit dépesché par ceulx du contraire party devers
+ceste Royne, et que les aultres avoit advisé d'envoyer
+conjoinctement Robert Melin devers elle, pour la prier de
+moyenner par son authorité une bonne réconciliation dans
+le pays et en oster la division, affin que les estrangiers n'y
+fussent par les ungs ou par les aultres appellez, au grand
+détriment de la paix et du commun repos des deux
+royaumes.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span>
+Lesquelles susdictes nouvelles, Sire, nous tenons pour
+plus vrayes, que nulles aultres qu'on nous ayt encores raportées;
+et sur icelles la Royne d'Escoce m'a prié de fère
+aulcuns offices envers la Royne d'Angleterre, pour l'exorter
+à l'entretennement des trettez, et de ne rien attempter
+par son armée au préjudice d'iceulx, ce que j'ay desjà
+faict, et y incisteray encores bien fermement; et que je
+veuille aussi fère entendre de sa part à Vostre Majesté
+qu'elle et son royaulme, qui sont l'ung et l'aultre de
+vostre alliance, pourront estre facillement remédiez à ceste
+heure par le secours qu'il vous a pleu luy accorder,
+pourveu qu'il vienne promptement, sellon que les choses
+sont encores en fort bonne disposition; de quoy elle vous
+supplie très humblement, mais que si vostre dict secours
+luy deffault, qu'il adviendra deux grandz inconvénians,
+qui vous seront non guières moins dommageables qu'à elle;
+l'ung, que les affères siens et de ses subjectz, qui sont
+proprement vostres et ceulx de la religion catholique,
+recepvront ung préjudice et détriment perpétuel dans son
+pays; l'aultre, que, pour se rachapter de la pryson où elle
+est et recouvrer son estat et sa liberté, elle sera contraincte
+de mettre le prince d'Escoce, son filz, ez mains
+des Anglois.</p>
+
+<p>Voylà, Sire, quand aulx affères de ceste pouvre princesse,
+qui sont si pressez par la dilligence que ceste
+Royne faict de haster toutjour son armée vers l'Escoce,
+qu'on pense que dans deux moys elle aura achevé son entreprinse,
+et n'est sans soupeçon qu'elle veuille fortiffier
+Dombarre, ou Aymontz, ou quelque aultre lieu dans le
+pays, veu les pyonniers qu'elle y envoye.</p>
+
+<p>Au surplus, Sire, certainz petitz discours qu'on a envoyés
+<span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span>
+imprimez de la Rochelle font aulcunement mal espérer
+ceulx cy de la conclusion de la paix de vostre royaulme.
+Néantmoins la Royne d'Angleterre monstre toutjour de la
+desirer, bien que quelcun m'a dict que si elle estoit déjà
+faicte, que la dicte Dame yroit plus retenue ez choses
+d'Escoce, et n'y procèderoit sinon ainsi que vous le vouldriez,
+mais qu'elle pense, durant le pourparlé d'icelle,
+avoir exécuté ce qu'elle prétend. Il semble par aulcuns propos
+qu'on m'a raporté du S<sup>r</sup> de Lombres que les pratiques
+du prince d'Orange en Allemaigne ne sont mortes et que
+bientost il s'en manifestera quelque chose; dont les Flamans,
+qui sont icy, desireroient la paix de France, affin
+que la guerre fût transférée en leur pays. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, estant les choses d'Escoce en l'estat que je
+les mande en la lettre du Roy, et ceulx cy sur le poinct de
+les aller par armes réduyre à leur dévotion, plusieurs gens
+de bien sont, avec grand desir, attandans quel ordre Voz
+Majestez Très Chrestiennes y mettront pour les remédier,
+et me viennent souvent alléguer qu'il pourra venir beaucoup
+de diminution à vostre grandeur, si vous layssez aller
+en proye aulx Anglois la Royne d'Escoce, et son
+royaume, et la religion catholique de son pays; car, oultre
+qu'il yra assés en cella de la réputation de vostre couronne,
+ilz disent qu'en la présente guerre de vostre
+royaulme, la réduction de toute ceste isle au pouvoir de
+ceulx cy et l'entière réunyon d'icelle à leur religion nouvelle
+<span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span>
+sera ung très grand apuy de deniers, de munitions
+et aultres moyens à ceulx de la Rochelle et aulx Allemans,
+qui les favorisent, en dangier que ceste Royne, par
+après, entrepreigne elle mesmes ouvertement la guerre
+avec eulx, et davantaige qu'à l'advenir, se trouvans les
+Anglois hors de toute souspeçon de l'Escoce, laquelle s'est
+toutjour trouvée preste pour nous contre leurs entreprinses,
+mesmes l'ayant mise de leur costé, qu'ilz ne vous
+meuvent une perpétuelle guerre, pour leurs prétencions;
+ou bien que, par quelque mariage ou par aultre accession,
+ilz aillent joindre toute ceste isle à la grandeur de
+quelque aultre, parce qu'ilz craignent naturellement la
+vostre, qui vous sera de grand préjudice.</p>
+
+<p>Sur quoy je leur répondz, Madame, que les choses
+d'Escoce ne sont si foibles d'elles mesmes, ny si mal
+apuyées de Voz Majestez Très Chrestiennes que les Anglois
+les puissent ayséement plyer; et, quant bien ilz se seroient
+prévaluz de l'oportunité de ce temps, auquel ilz
+vous voyent fort empeschez aulx guerres de vostre
+royaume, que néantmoins vennant la paix, comme Voz
+Majestez ne sont loing de l'avoir, que vous radresserez
+bien ayséement le tout; et que l'Escoce ne sera jamais à
+eulx, que quand ilz la cuyderont bien tenir. Je considère
+assés, Madame, que la Royne d'Angleterre entreprend
+d'une grande affection ce faict d'Escoce, et que les ennemys
+et malveillans, que la Royne sa cousine a dans son
+propre royaulme et dans cestuy cy, l'y persuadent si fort,
+qu'il est très difficile de l'arrester; néantmoins, je vous
+suplie très humblement, Madame, me commander par ce
+mien secrétaire ce que j'auray à dire ou fère là dessus envers
+la dicte Royne d'Angleterre, oultre l'office que je luy ay
+<span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span>
+desjà faict; car je ne fauldray d'ung seul poinct de très
+humblement vous y obéyr. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p>
+
+<p class="center smcap">Aultre lettre a part a la Royne.</p>
+
+<p>Madame, j'ay donné charge à ce mien secrétaire de
+vous bailler ce mot, à part, pour avoir meilleur moyen
+de compter à Vostre Majesté la façon, dont l'on a usé,
+pour fère venir en mes mains le propre original de cest escript,
+qu'il vous baillera en forme d'une lettre qu'on m'adressoit;
+où trouverez, Madame, ung conseil<a name="FNanchor_5" id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>, lequel je
+vous suplie très humblement ne communiquer, du commancement,
+sinon au Roy et à Monseigneur, voz enfans,
+et puis à quelcun de voz plus expéciaulx et saiges serviteurs,
+qui, possible, vous ouvrira l'expédiant comme
+vous vous en pourrez servyr. Il vous pourra, par advanture,
+estre venu ung semblable adviz d'ailleurs, mais je
+vous puys bien jurer, Madame, avecques vérité, que je ne
+sçay ny ne puys penser d'où cestuy cy est procédé. Cella
+considérè je bien que, par icelluy, il y pourroit cy après
+avoir moins d'ellévation dans vostre royaulme et aussi
+moins de moyen d'oster ce qu'y auriez une foys introduict.
+Sur ce, etc.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center smcap">Instruction de ce que mon dict secrétaire aura à dire à
+Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres:</p>
+
+<p>Que les choses de ce royaulme s'entretiennent encores en quelque
+apparence de repos, non d'elles mesmes, car tout est plein de malcontantement,
+mais par la dilligence de ceux qui sont en authorité;
+lesquelz font ce qu'ilz peuvent pour gaigner le temps, mais non
+<span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span>
+pour remédier du tout au mal; car semble plustost qu'ilz le vont
+norrissant pour le fère cy après devenir plus grand.</p>
+
+<p>Ilz s'esforcent de passer cest esté sans troubles par le moyen de
+l'armée, qu'ilz ont faicte dresser à leur Mestresse vers le North par
+prétexte des choses d'Escoce, et d'aller contre les fuytifz; en quoy
+ilz exécuteront, sans faulte, ce qu'ilz pourront; mais il n'y a assés
+de deniers en repos pour entreprendre choses si utilles, sans ce
+qu'on estime que la mesme armée se trouvera preste et en estat
+contre l'ellévation, qu'on crainct bien fort debvoir advenir avant la
+racolte.</p>
+
+<p>Et à ceste force ilz ont adjouxté l'artiffice, car, pour donner quelque
+satisfaction aulx principaulx de la noblesse, affin qu'ilz ne se
+meuvent, et pour leur fère prendre espérance d'ung meilleur estat
+des choses, ilz ont rappellé en court et au conseil le comte d'Arondel, et
+ont miz en pleyne liberté millord de Lomelley, et ont donné
+espérance au duc de Norfolc d'estre en brief eslargy hors de la Tour,
+soubz quelque garde en sa mayson qu'il a à Londres, et que mesmes
+se pourra ottroyer une forme de pardon au comte de Northomberland
+et aultres chefz des fuytifz, pour remettre toutes choses en
+bonne unyon.</p>
+
+<p>Mais il adviendra, possible, que l'artiffice produyra ung aultre
+effect que le simulé, parce que ceste princesse n'a le cueur ny l'intention
+esloignée de celle de sa noblesse, n'y n'est mal affectionnée
+à ses subjectz catholiques, pour lesquelz elle résiste assés souvant
+aulx conseilz, que leurs adversaires luy donnent contre eulx, affin
+qu'avec les ungs et les aultres elle puisse passer son règne en paix.</p>
+
+<p>Et semble bien que les seigneurs catholiques seront pour tenir
+dorsenavant leur partie bien ferme et rellevée, de tant que le comte
+de Lestre se monstre entièrement pour eulx, ayant esté luy le moyen
+de les fère eslargir et rappeller; et il descouvre qu'il a assés d'aisne
+au secrétaire Cecille, pour cause de ceulx de Herfort, lesquelz le dict
+Cecille cherche, par toutz moyens, de les ellever à ceste couronne au
+préjudice du dict comte et des aultres seigneurs, qui estiment qu'il ne
+leur va de moins que leurs testes et de la ruyne de leurs maysons,
+s'ilz y parviennent.</p>
+
+<p>Mais le dict Cecille, oultre ce qu'il tient meintennant sa Mestresse
+assés bien disposée envers les dicts de Herfort, pour la grand jalouzie
+qu'il luy imprime toutjour de la royne d'Escoce; de laquelle le
+tiltre seul précède celluy de Herfort en la succession de ce royaulme,
+il y bande aussi toute la part des Protestans et mesmes les évesques
+<span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span>
+et officiers, et toutz ceulx qui sont en quelque authorité, et pensoit
+bien y avoir aussi conduict le dict comte de Lestre par le moyen de
+la dicte religion, et par beaulcoup d'asseurances et promesses qu'il
+luy avoit faictes; mais j'entendz que, lundy dernier, estantz huict
+les plus protestans de ce conseil assemblez, en la mayson du comte
+de Belfort aulx champs, pour dellibérer de ce qu'ilz avoient à fère
+pour la légitimation des dicts de Herfort, et pour advancer leur tiltre,
+ilz se plaignirent grandement du dict comte de Lestre, de ce qu'ayant
+faict rapeller le comte d'Arondel au conseil, il avoit préparé ung
+grand obstacle à leur entreprinse.</p>
+
+<p>Et le dangier est que la Royne d'Angleterre (de laquelle la vollonté
+et disposition peult beaulcoup en cella) se mette toute de ce
+party pour les grandes impressions, qu'on luy donne, qu'elle est en
+dangier de son estat et de sa propre vie, si elle n'oste et l'estat et
+la vie à sa cousine.</p>
+
+<p>Car, oultre les propos qu'on luy a dict que Monseigneur, frère du
+Roy, avoit tenuz, lesquelz j'ay naguières escriptz à mon dict seigneur,
+j'entendz qu'on luy faict acroyre que Mr le cardinal de Lorraine
+sollicite, à ceste heure, ardentment la paix en France, pour
+avoir plus de moyen de dresser une entreprinse contre l'Angleterre
+en faveur de la Royne d'Escoce, sa niepce; et que, pour y pouvoir
+à moindres fraiz conduyre son intention, et y trouver moins
+de difficulté, qu'il a convenu avec ung Itallien, dont le nom et le
+visaige, disent ilz, sont cognuz, de fère empoysonner la dicte Royne
+d'Angleterre et le secrétaire Cecille, et que les plus grands de
+France inclinent à fère la guerre par deçà.</p>
+
+<p>Et la met on en souspeçon que le Roy d'Espaigne sera pour concourre
+facillement à l'entreprinse, pour revenche de l'injure de ses
+deniers, et des prinses de mer que ceulx cy ont faictes sur ses subjectz;
+et mesmes l'on s'esforce de luy en monstrer desjà quelque indice
+par l'interprétation d'une dépesche, que j'entendz qu'on a intercepté,
+de Mr de Forquevaulx, et envoyée par deçà; en laquelle,
+après ung propos de trois mariages, il faict mencion du grand amaz
+de gens, et d'argent, et des préparatifs, par mer et par terre, que le
+Roy d'Espaigne faict, avec aulcunes particullaritez de plus estroicte
+intelligence avec Leurs Majestez Très Chrestiennes. Ce que n'estimans
+ceulx cy que cella puysse estre pour résister seulement aulx
+Mores, ilz veulent inférer que c'est contre eulx.</p>
+
+<p>A quoy l'on m'a dict qu'ilz sont davantaige confirmez par une
+lettre, qu'on a escripte de la Rochelle à la dicte Dame, en laquelle
+<span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span>
+l'on l'a prié que, si le Roy vient à offrir des condicions de paix à la
+Royne de Navarre, et aulx princes ses filz et ses nepveux, et aultres
+de leur party, qui soyent raisonnables, comme Sa Majesté monstre
+s'en aprocher, qu'elle trouve bon qu'elles soyent aceptées; car
+ne les pourront bonnement reffuzer, sans se monstrer mauvais subjectz,
+et que la noblesse désire grandement satisfère au Roy; aussi
+qu'on voyt bien qu'elle et les princes d'Allemaigne sont longs et
+tardifz à les secourir, et néantmoins adjouxtent beaucoup de grandz
+mercyemens et offres à la dicte Dame, et la prient qu'elle veuille
+bien pourvoir à la seurté de ses affères, parce qu'il semble qu'on
+projecte desjà de grandes entreprinses contre elle et son estat, en faveur
+de la Royne d'Escoce.</p>
+
+<p>Desquelz adviz aulcuns icy ont heu de quoy manifester si ouvertement
+leur malice, qu'ilz ont ozé dire deux choses à la dicte Dame;
+l'une, que si elle n'empeschoit la paix de France, qu'elle aurait certainement
+la guerre en Angleterre; et l'aultre, que jusques à ce
+qu'elle aura faict arracher du tout une si malle plante, comme est la
+Royne d'Escoce, qu'elle ne verra jamais bien, ny repos, en ceste
+isle.</p>
+
+<p>Ce que m'ayant esté raporté, j'ay miz peyne, par d'aultres plus
+modérez personnaiges, de luy fère si bien diminuer ceste opinion
+qu'elle monstre, quant à la paix de France, qu'elle y a toutjour fort
+bonne affection, mais qu'elle desire infinyement luy estre donné
+moyen de s'y employer, affin de pouvoir gaigner la bienveuillance du
+Roy, et se confirmer en paix et amitié avecques luy; et, quant à la
+Royne d'Escoce, qu'elle est bien disposée envers sa personne et sa
+vie, comme je croy qu'elle n'y a heu jamais mauvaise intention, et
+que mesme elle goutte aulcunement sa restitution, et ne la rejecte
+plus tant qu'elle souloit; mais elle prétend à quelque entreprinse en
+Escoce, qui est cogneue de peu de gens, laquelle elle pense avoir
+exécutée plustost qu'on luy en puysse, ny de France, ny de Flandres,
+donner empeschement; et que le tout sera faict dans deux moys,
+pendant lesquelz je ne fays doubte qu'elle ne vollût que Leurs
+Très Chrestienne et Catholique Majestez fussent ailleurs bien fort
+empeschées.</p>
+
+<p class="smcap center">Aultre mémoire a part.</p>
+
+<p>En la dépesche d'Espaigne, dont, en l'aultre mémoire, est faicte
+mention, qui a esté intercepté, j'entendz que Mr de Forquevaulx
+<span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span>
+escripvoit à la Royne que l'ambassadeur de l'Empereur l'avoit prié
+de fère entendre au Roy comme son Maistre, pour l'affection qu'il
+avoit de veoir effectuer les mariages de ses filles avec les deux Roys,
+desiroit que, du premier jour, il y fût procédé sans plus le dilayer;</p>
+
+<p>Qu'il avoit dellibéré d'envoyer les deux Roynes ensemble, par la
+mer, de Gênes à Marseille, avec la moindre compaignie et le moins
+d'officiers qu'il pourroit, s'asseurant qu'elles en amasseroient assés
+en chemyn;</p>
+
+<p>Que l'ambassadeur de Portugal l'avoit asseuré que le party de Madame,
+s&oelig;ur du Roy, playsoit grandement au jeune Roy, son Maistre,
+et aulx deux douarières ses mère et ayeulle, et n'y avoit que ce
+seul différant, qu'elles vouloient que le tout se fît par le bon adviz
+et conseil du Roy d'Espaigne; et les Estatz de Portugal, au contraire,
+s'estimoient assés suffizans pour cella, sans y embesoigner aulcunement
+le dict Roy:</p>
+
+<p>Mandoit avoir entendu que le dict Roy de Portugal estoit subject à
+ses opinions, et ne vouloit guières croyre conseil et qu'il n'avoit près
+de luy que jeunes gens;</p>
+
+<p>Que les médecins et phisiciens ne l'estimoient de longue vie, pour
+quelque defflussion de cerveau qu'il avoit, et que les ungs conseilloient
+qu'on le maryât bientost affin de la divertyr et pour avoir lignée;
+les aultres que le mariage luy abrègeroit ses jours;</p>
+
+<p>Que, quoy que ce fût, venant le dict jeune Roy à mourir, celluy
+qui luy debvoit succéder, par le commun consentement des Estatz,
+espouseroit la veufve; par ainsy que, en toutes sortes, Madame seroit
+longuement Royne:</p>
+
+<p>Que le Roy d'Espaigne s'estoit acheminé à Courdova pour aller
+tenir ses cours de Castille, et pour s'aprocher de l'entreprinse contre
+les Mores, priant icelluy ambassadeur Leurs Majestez Très Chrestiennes
+de luy donner moyen de le pouvoir suyvre, et leur touchoit
+ung mot de sa révocation;</p>
+
+<p>Que le Roy d'Espaigne faisoit tel amaz de gens et d'argent, et ung
+si grand aprest par mer et par terre, qu'il estoit aysé à veoir qu'il
+tendoit à de plus grandes entreprinses que de se deffandre des
+Mores;</p>
+
+<p>Que s'il playsoit à la Royne d'avoir une entrevue avecques luy à
+Marseille; que le dict ambassadeur espéroit de l'y pouvoir facillement
+induyre, parce qu'il l'y trouvoit fort bien disposé, pourveu que cella
+fût tenu fort secrect, et quasi communiqué à nul, de peur des traverses
+qu'on y mettroit pour la jalouzie que plusieurs en auroient.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span>
+De laquelle lettre ceste Royne et les siens ont prins beaucoup de
+souspeçon, et sont, à ceste heure, tant plus desireux de raccommoder
+leur différans avec le Roy d'Espaigne, comme ilz en poursuyvent
+dilligentment l'accord, par leur depputez, qu'ilz ont à cest effect
+envoyé en Flandres; lesquelz, à ce que j'entendz, ont mandé qu'ilz
+en espèrent une bonne yssue.</p>
+
+<p>Et semble que le duc d'Alve, en une façon ou aultre, y condescendra,
+sellon qu'on m'a dict qu'il désire bien fort esteindre ceste
+querelle, ainsy qu'il estime avoir si bien vaincue celle du prince d'Orange,
+et ensepvelye celle des Gueux, qu'elles ne se pourront, l'une
+ny l'aultre, jamais plus ressuciter;</p>
+
+<p>Et qu'à ceste heure, il a bien fort grande affection d'aller en Espaigne,
+comme pour triumfer des choses qu'il a bien faictes, et bien
+saigement et vaillamment conduictes en Flandres, d'y avoir conservé
+la religion catholique, et estinct l'hérésie; d'avoir saulvé l'estat, et
+quasi l'avoir conquiz et estably de nouveau au Roy son Maistre, qui
+auparavant n'en estoit guières bien le maistre; et le luy avoir soubmiz
+à y pouvoir imposer tribut, comme il vouldra, là où auparavant
+l'on y souloit ordinairement contradire; et avoir augmenté le revenu
+jusques à deux millions d'or toutz les ans, qui à peyne en valloit la
+moytié:</p>
+
+<p>Et, avec l'honneur de ces choses, retourner près de son Maistre,
+où la jalouzie du prince d'Enoly le tire, et près de sa femme et des
+siens, qui l'appellent par dellà, à la venue de la nouvelle Royne,
+pour se trouver à l'establissement et à la mutation de diverses choses,
+qui lors se pourront ordonner, mais principallement pour mettre
+le gouvernement de Flandres ez mains de Dom Fadrique, son filz
+aisné:</p>
+
+<p>A quoy il a grand affection, luy ayant pour cest effect baillé tiltre
+et merque nouveaulx de cappitaine général des Espaignolz et gardes,
+ce qu'il n'estime toutesfoys pouvoir bien obtenir, s'il n'est présent
+avec son Maistre;</p>
+
+<p>Et que, pour n'estre son dict retour empesché par la querelle d'Angleterre,
+qu'il la vuydera, et qu'au reste procurera, avant son partement,
+que la consulte et distribution des biens confisqués en Flandres
+se face, affin qu'il puisse entrer en possession de Brada ou d'Ostrante,
+ou de quelque aultre bien bon estat, que son Maistre luy donnera;
+et desireroit bien fort que son dict Maistre remit une partie de la dicte
+consulte à fère à luy, affin de pouvoir gratiffier et récompenser ceulx
+qui l'ont suyvy.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span>
+Toutes lesquelles choses m'ont esté dictes du dict duc par aulcuns,
+qui les peuvent aulcunement sçavoir, et qui les font paroistre estre
+vraysemblables.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">CIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXIII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du S<sup>r</sup> Acerbo.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Publication faite en Angleterre de la prise d'armes contre l'Écosse.&mdash;Préparatifs
+de défense faits par les Écossais.&mdash;Nouvelles difficultés survenues
+dans la négociation avec les Pays-Bas.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, persévérant la Royne d'Angleterre en sa dellibération
+d'envoyer des forces en Escoce, elle a faict, despuys
+trois jours, publier l'occasion de son entreprinse avec le prétexte
+et colleur, que Vostre Majesté verra par la teneur de
+sa proclamation; et a mandé au comte de Sussex qu'avec les
+troupes, qu'il a assemblées à Yorc et à Durem, il ayt toutjour
+à s'acheminer à Neufcastel, et qu'il temporise là jusques
+à tant qu'il ayt receu les monitions qu'elle a ordonné
+luy estre envoyées, lesquelles y pourront arriver envyron
+la fin de ce moys. Cependant, Sire, luy ayant le dict comte
+de Sussex naguière escript que, pour la nouvelle de sa
+venue, les Escouçoys prenoient de toutes partz les armes,
+avec intention de courre sus à ceulx qui parloient d'introduyre
+les Anglois dans le pays; et que desjà milor Herys
+estoit aproché avec quelques forces pour luy deffandre les
+frontières, ceulx qui ont icy la matière bien affectée ont
+<span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span>
+conseillé à la dicte Dame de luy respondre que, sellon sa
+plus ample commission, il ayt à doubler promptement ses
+forces pour poursuyvre son voyage; à quoy elle a faict assés
+de difficulté, voyant que l'entreprinse se monstroit à ceste
+heure plus grande et plus difficille, et de trop plus grand
+coust qu'on ne la luy faisoit du commancement, tant y a qu'à
+leur persuasion elle le luy a mandé; et néantmoins l'on
+pense qu'il trouvera assés de résistance par dellà.</p>
+
+<p>L'on commence à sentyr qu'il y aura assés de difficulté
+en l'accord des différans des Pays Bas, parce qu'on offre
+par dellà de restablyr toutes choses jusques à la valleur
+d'une maille; et demande l'on qu'il soit faict le semblable
+de ce costé, et mesmes que de ce qui aura esté substraict,
+emporté, ou qui se trouvera aultrement dépéry, des merchandises
+des subjectz du Roy d'Espaigne, parce que cella
+est advenu par la coulpe des Anglois, que le tout soit réparé
+par eux, en quoy très difficilement ilz veulent entendre.
+Néantmoins il y a très grande affection de chacun costé
+d'en sortyr. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXVII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Gerin Marchant</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">État des partis en Écosse.&mdash;Arrivée d'un ambassadeur de France dans ce
+pays avec un secours d'hommes.&mdash;Débats entre les seigneurs écossais pour
+la régence.&mdash;Vives sollicitations des ennemis de Marie Stuart pour presser
+l'entrée de l'armée anglaise.&mdash;Départ de la flotte pour Hambourg, et envoi
+des sommes levées en Angleterre pour l'Allemagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, après que j'auray, dimanche prochain, faict entendre
+à la Royne d'Angleterre les louables et vertueux
+propos qui sont contenuz en vostre dépesche du x&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce
+moys, laquelle le S<sup>r</sup> de Vassal m'a randue le xx&#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup>, je vous
+informeray bien particullièrement de l'intention, en quoy
+je l'auray trouvée sur les choses que je luy proposeray de
+vostre part; et cependant je diray à Vostre Majesté, touchant
+celles d'Escoce, que l'arrivée de vostre ambassadeur
+par dellà, et ce qu'on dict qu'avec luy sont arrivez à Dombertran
+cinq cens harquebouziers françoys et assés d'armes
+pour armer encores deux mil hommes, faict aultrement penser
+à ceulx cy de l'entreprinse qu'ilz ont au dict pays, que
+quant ilz l'ont premièrement délibérée; mesmes qu'ayantz
+les principaulx seigneurs d'Escoce desjà heu conférance avec
+luy au lieu de Donquel, l'on asseure qu'ilz ont prins, par les
+lettres et bonnes offres de Vostre Majesté, une bonne résolution;
+sçavoir, ceulx qui estoient demeurez en la foy de
+<span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span>
+leur Royne d'y persévérer constantment, et ceulx qui se portoient
+neutres de se déclairer pour elle; tellement que tous
+ensemble se sont despuys acheminez à Lislebourg: d'où les
+adversayres, avec l'ambassadeur de ceste Royne, se sont
+aussitost despartys; et que, illec, ilz ont faict proclamer,
+le x&#305;&#305;<sup>e</sup> de ce moys, l'authorité de leur Royne, là où millord
+de Granges a déclairé qu'il tenoit le chasteau de Lislebourg
+pour elle; et le duc de Chastellerault, lequel n'est encores
+eslargy du dict chasteau, pour quelque occasion bien considérable,
+s'est aussi déclairé du costé de la dicte Dame; et,
+bien que le comte de Mar n'ayt du tout faict le semblable,
+il a promiz néantmoins de ne délivrer, en façon du monde,
+le jeune prince aulx Anglois, et dict davantaige qu'il ne le
+délivrera pas aussi aulx Françoys, ny aulx Espaignolz, ny
+mesmes aulx Escoussoys. Et, par ainsy, les choses ont
+commancé de prandre quelque train, pour le bien des affères
+de la dicte Royne d'Escoce, à l'advantaige et réputation de
+Vostre Majesté. Mais, Sire, voycy l'ordre qu'on me dict
+que ceulx de l'aultre party ont tenu pour y donner empeschement;
+c'est qu'ilz se sont incontinent assemblez au lieu
+de Domfermelin, où ilz ont résolu deux choses; l'une, de
+fère tout sur l'heure aprocher le comte de Lenoz, qui est
+à Barwich, pour se porter pour régent de la personne et
+estat de son petit filz à la faveur de l'armée de la Royne d'Angleterre
+qui est en campaigne; l'aultre, d'accorder et signer
+les articles de l'instruction qu'ilz ont baillée à l'abbé
+de Domfermelin de tout ce qu'il vient dire, requérir et offrir
+de leur part à ceste Royne.</p>
+
+<p>Sur quoy l'on m'a donné adviz fort secrect, mais de
+bon lieu, que celle partie des dictes forces qui s'est trouvée
+plus advancée, et la garnyson de Barwich, en nombre de
+<span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span>
+quatre mil hommes de pied et quinze centz chevaulx en
+tout et huict pièces de campaigne, ont desjà marché oultre
+les frontières pour favoriser le dict de Lenoz, et qu'il a esté
+mandé au comte de Sussex de parfère promptement sa levée
+de dix mil hommes de pied et quatre mil chevaulx, et
+que le susdict Domfermelin arrivera icy dans deux ou trois
+jours. L'on estime que les aultres seigneurs Escouçoys
+envoyeront millord de Sethon ou millord Boyt devers la
+dicte Dame pour l'effect que je vous ay cy devant mandé;
+mais je ne laysse pour tout cella d'espérer encores bien des
+affères de la royne d'Escoce.</p>
+
+<p>La flotte pour Hembourg est déjà chargée, et commance
+d'avaller contrebas la Tamise. Elle est d'envyron cinquante
+voylles et n'y a que deux grandz navires de ceste Royne
+ordonnez pour les conduyre, mais il y en a aultres trois
+équipez en guerre soubz la charge de Haquens, qui y vont,
+le tout aulx despens des merchans; et, soubz ceste mesmes
+conserve, partent aussi les munitions qu'on envoye au
+North parce que c'est tout une mesme routte. J'entendz
+que desjà les lettres d'eschange, pour le parfornissement de
+cent cinquante mil escuz cy devant ordonnez pour Allemaigne,
+sont expédiées, et qu'elles vont avecques ceste
+flotte, oultre soixante mil escuz en espèces, cuillys sur les
+esglizes des Flamans qui sont en ce royaulme, que le S<sup>r</sup>
+de Lombres envoye au prince d'Orange; et luy eust envoyé
+plus grand somme sans ce que, à mon instance, la Royne
+d'Angleterre a deffandu de ne fère aulcune cuillette de deniers,
+pour ce prétandu prétexte de la deffance de la religion,
+sur ses subjectz, lesquelz s'y monstrent assés vollontaires.</p>
+
+<p>Ceulx cy font tout ce qu'ilz peuvent, de leur costé, pour
+<span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span>
+parvenir à quelque accord sur les différans des Pays Bas,
+et en sont toutjour en bonne espérance. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxv&#305;&#305;<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">III</span><sup>e</sup> jour de may 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Antoine Grimault</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Déclarations faites par l'ambassadeur, au nom du roi, tant au
+sujet de la pacification de France que des affaires d'Écosse.&mdash;Irritation
+causée à la reine d'Angleterre par la déclaration touchant l'Écosse, qui
+renferme une menace de guerre.&mdash;Nouvelles de l'entreprise des Anglais sur
+l'Écosse, où ils sont entrés en armes.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, prévoyant que la Royne d'Angleterre n'auroit
+guières agréable les deux poinctz, que j'avois à luy proposer
+de la dépesche de Vostre Majesté du x&#305;&#305;<sup>e</sup> du passé, en
+ce que vous n'acceptiez son offre d'intervenir à la paciffication
+de vostre royaulme, et que vous luy touchiez vifvement
+le faict de la Royne d'Escoce, j'ay miz peyne, Sire, de
+luy dire l'ung et l'aultre en la plus gracieuse façon que j'ay
+peu; et m'a bien semblé, quant au premier, qu'elle en est
+demeurée assés satisfaicte, par ce mesmement que j'ay
+monstré que Vostre Majesté acceptoit plustost qu'il ne reffuzoit
+son offre, mais de tant que l'affère, par la venue des
+depputez des princes, estoit sur sa conclusion sans qu'il fût
+besoing d'entrer en nouveaulx trettez, ainsy qu'ilz avoient
+toutjour dict qu'ilz ne vouloient aulcunement capituller avec
+<span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span>
+leur Souverain Seigneur, vous estimiez que cella seroit
+bientost faict ou failly, par ainsy, que vous en donriez
+incontinent adviz à la dicte Dame; de laquelle vous requériez
+cependant de vouloir demeurer en son bon et honneste
+desir, qu'elle monstroit avoir vers vous et vers voz
+présens affères, avec asseurance que, en pareille ou meilleure
+occasion, du bien des siens vous luy feriez paroistre
+par effect que vous luy correspondiez en ung semblable debvoir
+de vostre bonne et mutuelle amytié envers elle.</p>
+
+<p>A quoy la dicte Dame m'a respondu que ce luy estoit ung
+singulier playsir de veoir que Vostre Majesté eust prins son
+intention en la bonne part, que vous l'avoit offerte, de s'employer
+aultant droictement à la conservation de vostre
+grandeur et authorité sur voz subjectz comme si c'estoit
+pour sa propre cause; et que la satisfaction que vous luy donniez
+là dessus estoit si grande, que c'estoit à elle meintennant
+de vous en remercyer et à prier Dieu pour le bon succez
+et ferme establissement de vos dicts affères et de la paix
+que vous desirez en vostre royaulme, avec plusieurs aultres
+parolles, dont aulcunes, à la vérité, touchoient les difficultez
+qui pouvoient encores rester en cella, et d'aultres exprimoient
+son affection d'y estre employée: toutes néantmoins
+bien fort honnestes et pleynes de grande démonstration
+d'amytié.</p>
+
+<p>Mais, quant c'est venu à l'aultre poinct, du faict de la
+Royne d'Escoce, bien que je ne le luy aye baillé, sinon
+avec les mesmes termes par lesquelz Votre Majesté monstre
+de vouloir, jusques à l'extrémité du debvoir, constamment
+persévérer en son amytié et en la paix, elle néantmoins en
+a heu le cueur si atteinct qu'elle n'a peu, ny en son visaige,
+ny en sa parolle, dissimuler l'ennuy qu'elle en recepvoit:
+<span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span>
+dont, après aulcuns peu de motz assés incertains, tantost
+de l'esbahyssement d'ung tel propos, tantost de ce que Vostre
+Majesté estoit mal informée du faict: ayant là dessus appellé
+ceulx de son conseil, qui estoient dans la chambre,
+elle leur a dict que je venois de luy fère une bien estrange
+proposition, de la part de Vostre Majesté, et qu'elle me
+vouloit bien prier de la leur exposer tout de mesmes, affin
+qu'ilz en demeurassent mieulx instruictz. Ce que ne luy
+voulant reffuzer, je l'ay de tant plus vollontiers faict et
+avec plus d'expression de toutes les particullaritez de Vostre
+lettre, que je sçavois que l'armée de la dicte Dame estoit
+desjà entrée en Escoce, et qu'il y'en avoit là présens de
+ceulx qui l'avoient conseillé; lesquelz je desiroys bien qu'ilz
+en demeurassent confuz: et y en avoit aussi, qui n'attandoient
+qu'une semblable occasion, pour avoir de quoy luy
+parler librement du faict de la Royne d'Escoce. Dont leur
+ay récité, tout à plain, vostre intention, et ay miz peyne de
+leur monstrer qu'elle n'estoit moins fondée en toute justice,
+que remplye de grande magnanimité.</p>
+
+<p>A quoy nul d'entre eulx n'a rien respondu, sinon le
+marquis de Norampthon aulcun peu de motz sur l'aprobation
+de l'entreprinse d'Escoce. Mais la dicte Dame,
+(après m'avoir dict, ung peu en collère, que Vostre Majesté
+avoit faict comme le bon médecin, qui, ayant à
+bailler des pillules bien amaires à son mallade, en faisait
+tout le dessus de sucre, et qu'ainsy, vostre premier propos
+du mercyement avoit esté bien fort gracieulx et
+doulx, mais celluy d'après estoit bien fort amer et piquant,)
+a commancé de me desduyre amplement l'occasion et justiffication
+de son entreprinse en Escoce; et croy qu'avec
+les mesmes démonstrations, que luy avoient faict ceulx qui
+<span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span>
+la luy ont conseillée, en termes assés véhémentz, mais
+toutesfoys bien fort honnorables en l'endroict de Vostre
+Majesté; qui, en somme, tendent à trois poinctz: l'ung,
+à vous fère veoir qu'il n'y avoit que droict et rayson, en
+ce qu'elle faisoit et qu'elle vouloit fère, vers la Royne
+d'Escoce et vers son royaulme; le second, que nul ne
+debvoit trouver mauvais que justement elle poursuyvît de
+vanger les injures, que injustement l'on avoit faictes à
+elle et à ses subjectz; et le troisiesme, que, nonobstant tout
+cella, et sans s'arrester à tant de véhémentes ou bien vériffiées,
+occasions de malcontantement, à quoy la dicte Royne d'Escoce
+et son ambassadeur, et ceulx de ses subjectz qui tiennent
+pour elle, l'avoient extrêmement provoquée, elle ne
+lairroit de recepvoir les condicions qu'elle luy offriroit sur
+l'accommodement de ses affères, ou bien que Vostre Majesté
+luy feroit offrir pour elle; ains se disposerait tout
+présentement d'y entendre: mesmes que luy en ayant desjà
+la dicte Dame escript une lettre et son ambassadeur une
+aultre, lequel luy avoit d'abondant mandé qu'il s'estoit encores
+réservé d'aultres choses, pour les luy dire en présence,
+elle me promettoit, qu'il seroit bientost ouy, me
+priant au reste de luy vouloir bailler par escript ce que je
+luy avois proposé de vostre part, affin d'en pouvoir mieulx
+dellibérer, et vous y fère plus claire et plus ample responce;
+comme je pense, Sire, qu'elle fera par son ambassadeur.</p>
+
+<p>Et parce qu'il seroit long de réciter icy toutz les propos
+de la dicte Dame et ceulx que je luy ay responduz, je
+remetz de les vous mander en ma prochaine dépesche,
+par ung des miens, que je dépescheray exprès devers
+Vostre Majesté, avec d'aultres choses, lesquelles avecques
+<span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span>
+ceulx cy vous feront prendre quelque jugement des
+intentions de la dicte Dame. Cependant j'ay à dire à
+Vostre Majesté que le comte de Sussex, sire Jehan Fauster,
+et milor Scrup, estans entrez par trois divers endroictz
+en Escoce, y ont allumé des semblables feuz, que
+aulcuns Escouçoys, avec les fuytifz d'Angleterre, avoient
+auparavant allumez en la frontière de deçà, non sans que
+ceulx cy y ayent toutjour crainct quelque rencontre: comme
+il est nouvelles que le dict Scrup et sa trouppe y ont esté
+fort bien battuz. L'artillerye et les munitions qu'on leur envoye
+sont desjà hors de ceste rivière, et m'a l'on dict qu'on
+a adjouxté à icelles mille litz avec leurs matalas et paillasses,
+comme pour accommoder deux mil soldatz dans
+quelque place; et de tant que la dicte Royne d'Angleterre,
+parmy son discours, m'a dict qu'elle n'estoit si
+sotte qu'elle ne cognût bien que toute l'affection, que Vostre
+Majesté et la France ont aulx Escouçoys, n'estoit pour
+proffict ny pour commodité qu'on peult tirer d'eulx, mais
+seulement pour nuyre à l'Angleterre; et que Dombertran
+avoit toutjour esté le port et l'entrée des Françoys
+et des estrangiers dans ceste isle pour troubler le pays;
+(et que d'ailleurs la dicte Dame a donné la grâce à ung
+Escouçoys, qui avoit esté prins au North, lequel luy a
+baillé le pourtraict du chasteau de Lislebourg), il y a quelque
+souspeçon qu'elle veuille assiéger l'une des dictes places,
+ou bien y en fortiffier quelque aultre dans le pays
+pour y entretenir garnyson. Et viens d'estre adverty,
+Sire, qu'elle faict mettre promptement en mer quatre de
+ses grandz navyres et une gallère, avec commandement
+de tenir les aultres bien fort prestz; dont, de tout ce qui
+succèdera de nouveau, je mettray peyne de vous en advertir
+<span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span>
+le plus promptement que me sera possible. Sur
+ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de may 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">VIII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Sabran</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Vifs débats dans le conseil d'Angleterre sur le parti à prendre à l'égard de
+Marie Stuart, et sur la réponse à faire au roi au sujet de l'invasion en
+Écosse.&mdash;Ravages opérés par les Anglais dans ce pays.&mdash;Emprunt fait pour
+la Rochelle.&mdash;Négociation des Pays-Bas.&mdash;Espoir de l'ambassadeur que la
+paix ne sera pas rompue.&mdash;<em>Mémoire.</em> Détail des opinions émises dans le
+conseil d'Angleterre.&mdash;Réponse faite par Élisabeth à la déclaration du roi
+touchant l'Écosse.&mdash;Insistance de l'ambassadeur sur les motifs qui imposent
+au roi l'obligation d'exiger que les Anglais se retirent d'Écosse, et que
+Marie Stuart soit rétablie sur le trône.-<em>Mémoire secret.</em> Motifs particuliers
+qui ont forcé l'ambassadeur à faire connaître à la reine d'Angleterre la
+déclaration du roi sur les affaires d'Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ayant la Royne d'Angleterre prins ce que je luy
+ay dict, de vostre intention touchant la Royne d'Escoce,
+en la façon que, par mes précédantes du &#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> de ce moys,
+je le vous ay mandé, elle a monstré despuys qu'elle tenoit
+en tant ceste vostre déclaration qu'elle vouloit bien
+considéréement adviser comme elle auroit à s'y gouverner;
+dont ayant là dessus assemblé les principaulx de son conseil,
+ilz ont fort vifvement débattu la matière devant elle,
+et aulcuns d'eulx luy ont remonstré qu'il n'y avoit nul
+<span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span>
+prince de bon sens au monde, s'il tenoit ung aultre prince
+entre ses mains, qui se dict compétiteur de sa couronne,
+comme faisoyt la Royne d'Escoce de celle d'Angleterre,
+qui le vollust jamais lascher; et qu'il n'y en avoit poinct
+aussi qui vollust espargner la vie de la dicte Royne d'Escoce,
+si elle avoit excité en leur estat le trouble et la rébellion
+des subjectz, qu'elle avoit esmeu en cestuy cy. Les
+aultres luy ont représanté le contraire, et que la plus
+grande seureté qu'elle pouvoit prendre pour elle, et pour
+sa couronne, et pour la paix universelle de ceste isle,
+estoit de s'employer droictement à la restitution de la dicte
+Royne d'Escoce, et d'establyr une bien ferme amytié et
+bonne intelligence entre elles deux et leurs deux royaumes;
+et en est leur contention venue si avant que, les
+voyant la dicte Dame desjà aulx grosses parolles, les a
+priez d'en remettre la dispute à elle, et qu'elle cognoissoit
+bien que la matière n'estoit sans difficulté: néantmoins
+leur deffandoit fort expressément de ne parler jamais
+de chose qui touchât ny à la vie, ny à la personne
+de la Royne d'Escoce.</p>
+
+<p>Je suis attandant, sire, qu'est ce qui résultera de cette
+détermination de conseil, et quelle responce la dicte Dame
+sera conseillée de fère à Vostre Majesté. Cependant j'ay
+esté adverty que l'exploict du comte de Sussex en Escoce a
+esté d'entrer en pays par trois endroictz; sçavoir: luy avec
+le principal de l'armée par Barvich, et sire Jehan Fauster
+avec la seconde troupe par Carleil, et milord Escrup avec
+le reste par ung aultre endroict; et que, le xv&#305;&#305;<sup>e</sup> d'apvril,
+le comte de Sussex a commancé de fère le gast, et mettre le
+feu à Ware, continuant ainsy jusques à Gadenart, où il a
+faict miner et pourter par terre la mayson du ler de Farneyrst;
+<span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span>
+et là, le sir Jehan Fauster, ayant aussi miz le feu
+partout là où il a passé, s'est venu rejoindre à luy; et du dict
+Gadenart, après l'avoir bruslé, ilz sont allez brusler la
+ville de Fanic, et ont pareillement miné et rasé la maison
+du ler de Balchenech; puys, ont passé oultre jusques à
+Quelso, auquel lieu le ler de Suffort leur est venu offrir
+pleiges pour satisfaction de ce que l'on luy pouvoit demander;
+et peu après, milord de Humes y est aussi venu, lequel
+a parlé au dict comte de Sussex et luy a offert le semblable;
+mais ny l'ung ny l'aultre n'ont raporté aulcune
+bonne responce: et ce faict, icelluy Sussex a ramené ses
+gens, le xx&#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du dict moys, à Barvich. Mais, quant à milor
+Escrup, qui est entré par les marches d'Ouest, les choses
+ne luy ont succédé de mesmes, car il a esté rencontré par
+les Escouçoys qui luy ont deffaict la pluspart de ses gens, et
+dict on que luy mesmes est blessé; et que le comte de
+Vuesmerland s'est trouvé au combat, qui a cuydé estre
+prins. Despuys, l'on m'a dict qu'ayant le dict comte de Sussex
+receu le reste des forces, qui estoient demeurées derrière,
+délibère de rentrer du premier jour au dict pays et
+aller assiéger le chasteau de Humes, sinon que, sur ma
+remonstrance, ceste Royne luy mande de ne passer oultre;
+tant y a que s'il le faict, je ne pense pas que les Escouçoys
+ne luy donnent la bataille; mais je ne vous puys
+mander, Sire, aulcune chose certaine de leur apareil, parce
+que les passaiges sont tenuz extrêmement serrez.</p>
+
+<p>Il est nouvelles que le duc de Chastellerault est hors
+de prison, et que ceulx qui tiennent le party de la Royne
+d'Escoce sont en beaucoup plus grand nombre, et sont
+les principaulx et les plus fortz du pays. Ceulx qui les favorisent
+icy, m'ont faict dire que, si la paix se conclud
+<span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span>
+en France, leur affère se pourtera en toutes sortes fort
+bien, et que ce que j'ay déclairé à ceste Royne ne sera
+venu que le plus à propos du monde; mais, si la paix ne
+se faict poinct, qu'ilz craignent beaucoup que les choses
+n'en aillent que plus mal; et semble, Sire, que aulcuns
+de ceulx de la Rochelle, qui sont icy, n'espèrent guières
+qu'elle se puysse fère: mesmes j'ay adviz qu'il a esté
+mandé en Hembourg de fournir promptement les cinquante
+mil escuz de la lettre de crédit qui, en janvier dernier, a
+esté baillée à Mr le cardinal de Chatillon, ainsy que dès
+lors je le vous ay escript, et que le S<sup>r</sup> de Lombres y
+envoyé présentement une aultre lettre de <span class="smcap">lx</span> mil <sup><i>lt</i></sup> sterlings
+pour le prince d'Orange, qui est une somme qu'il a levée
+sur les esglizes des Flamans protestans résidans par deçà, et
+que le cardinal de Chatillon et luy sont après à dresser
+des contractz et des obligations pour fère fornyr encores
+par dellà cent cinquante mil escuz sur la prochaine flotte
+qui va au dict Hembourg. En quoy me semble qu'il y aura
+assés de difficulté, tant y a qu'ilz n'en sont hors d'espérance;
+et la Royne d'Angleterre, pour recouvrer deniers
+pour elle, a doublé l'emprunct, dont je vous ay naguières
+faict mention, jusques au nombre de trois mille privé
+scelz, desquelz elle espère tirer jusques à six ou sept cens
+mil escuz.</p>
+
+<p>Elle et les siens monstrent avoir une très grande affection
+à l'accord des différandz des Pays Bas, et parce
+qu'il semble que la plus grande difficulté est meintennant
+à contanter les merchans anglois, l'on m'a dict que le
+secrétaire Cecille les ayantz assemblez là dessus, et les
+trouvans ung peu opiniastres, leur a résoluement déclairé
+que les princes veulent demeurer d'accord, par ainsy qu'ilz
+<span class="pagenum"><a id="Page_142"> 142</a></span>
+advisent entre eulx d'accommoder leurs affères. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce v&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de may 1570.</p>
+
+<p class="blockquote">Tout meintennant l'évesque de Roz me vient de mander qu'il a
+esté appellé, ceste après dinée, pardevant quatre seigneurs de ce
+conseil; lesquelz, après plusieurs propos, luy ont dict, que si la Royne
+d'Escoce veult rendre les rebelles d'Angleterre, qui se sont retirez
+en son royaulme, que cella mouvera grandement la Royne, leur
+Mestresse, d'avoir son cueur bien disposé envers elle; et n'ont passé
+plus avant: ce qu'il voyt bien estre une invention des ennemys de
+sa Mestresse pour retarder toutjour ses affères, es quelz ne luy reste
+plus aultre espérance, tant que ceux qui sont ici en authorité gouverneront,
+que celle que la dicte Dame a miz en Vostre Majesté. Et
+viens d'estre adverty que le comte de Sussex est rentré en Escoce,
+qu'il a prins le chasteau de Humes, et qu'il a miz garnyson dedans.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, saichant que la Royne d'Angleterre estoit,
+tous ces jours, après à dellibérer en son conseil qu'est ce
+qu'elle auroit à fère ou dire sur ce que je luy avois proposé,
+de la part de Voz Majestez, en ma dernière audience,
+et voyant que je ne pouvois plus intervenir à luy fère là
+dessus nul aultre office, que celluy que j'avois desjà faict;
+qui, à la vérité, m'avoit bien semblé tel que je l'avois plustost
+disposée à la modération que à continuer son entreprinse
+en Escoce, j'ay envoyé ramentevoir par lettre à Mr le
+comte de Lestre, et par parolle au secrétaire Cecille, les
+occasions qui ont meu Voz Majestez de luy déclairer ainsy
+vostre intention; et comme ilz cognoissent assés que c'est
+ung debvoir, notoirement apartenant à vostre réputation:
+et à l'honneur de vostre couronne; lequel, quant vous n'en
+eussiez rien dict, ou que vous eussiez dissimulé de ne
+vous en soucyer, leur dicte Mestresse et eulx n'eussent
+<span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span>
+layssé pourtant de penser que vous ne le pouviez obmettre;
+et que partant ilz veuillent, à ceste heure, bien pourvoir,
+de la part d'elle, qu'il ne soit faict chose qui puisse
+donner commancement d'altération à ceste tant bonne et
+mutuelle intelligence, qui rend Voz Majestez et la dicte
+Dame très utilles amys les ungs aulx aultres, et de laquelle
+bonne intelligence vous protestiez bien de ne vouloir en
+façon du monde (sinon contrainct par grande nécessité du
+debvoir et à trop grand regrect) jamais vous despartyr.</p>
+
+<p>Sur quoy l'ung et l'aultre m'ont mandé de fort bonnes
+parolles, et telles qu'ilz me font encores reprendre quelque
+espérance: tant y a, Madame, que des premières responces
+que la dicte Dame m'a faictes, lesquelles je vous envoye
+par le S<sup>r</sup> de Sabran, il se peult aulcunement bien
+cognoistre où va son intention. Je ne cognois pas que,
+pour cella, elle ayt encores changé de désir sur la paciffication
+de vostre royaume; mais il me semble bien que
+ceulx de la nouvelle religion, qui sont icy, n'espèrent
+guières qu'elle se face, lesquelz font toute la dilligence
+qu'ilz peuvent de recouvrer deniers comme pour continuer
+la guerre; et j'entendz qu'il vint hyer lettres d'Allemaigne
+à ceste Royne, par lesquelles l'on luy mande que le duc
+Hery de Bronsouyc a licencyé, par faulte de payement, la
+levée qu'il avoit arrestée pour Vostre Majesté; et que le
+maréchal de Hes, tout aussitost, a commencé d'en dresser
+une pour luy; et que l'Empereur, estant contrainct de
+s'en retourner à Vienne pour mettre ordre à une grande
+ellévation qui s'est sussitée en Austriche pour le faict de
+la religion, à laquelle semble que le Vayvaude veuille tenir
+la main, qui a desjà chassé les prestres et pillé les esglizes
+de ses pays, s'est excusée d'intervenir à la prochaine
+<span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span>
+diette du xx&#305;&#305;<sup>e</sup> de ce moys, laquelle estoit assignée à Spire;
+et que, si ceulx de la religion avoient deniers, il ne fit jamais
+si bon en Allemaigne que meintennant. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce v&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de may 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">Instruction au dict S<sup>r</sup> de Sabran</span> de ce qu'il aura à fère entendre
+à Leurs Majestez, oultre la dépesche:</p>
+
+<p>Que naguières furent miz en dellibération au conseil de la Royne
+d'Angleterre, elle présente, les trois poinctz qui s'ensuyvent: Le
+premier, qu'est ce qu'il estoit besoin de fère pour se pourvoir contre
+le Roy et le Roy d'Espaigne, desquelz l'amytié estoit desjà si suspecte
+qu'ilz estoient pour se monstrer tous déclairés ennemys, aussytost
+que l'ung pourrait avoir la paix avecques ses subjectz, et que l'aultre
+seroit venu à boult des Mores révoltez; le segond est quel ordre de
+bien maintenir la religion protestante, et effacer la mémoire et le
+désir de la catholique en tout ce royaume; et le troisiesme, comment
+procéder si seurement au faict de la Royne d'Escoce et de son
+royaulme, que tout l'advantaige en demeurast à la dicte Royne d'Angleterre
+et au sien.</p>
+
+<p>Les adviz furent divers, car, quant au premier poinct, il y en eust
+qui dirent que n'ayans les deux Roys aulcune juste entreprinse en ce
+royaulme, comme ilz n'y avoient aussi aulcune juste prétention, il
+estoit à croyre qu'ilz ne cercheroient que d'estre satisfaictz de quelque
+offance, es quelles il les falloit honnestement contanter, et par
+ce moyen les retenir pour amys; les aultres opinèrent qu'il ne se
+failloit attandre à cella, ains se pourvoir de bonnes et bien fermes
+ligues avec les princes protestans, qui seroit le vray rempart et
+maintien de ceste couronne contre leur effort. Au regard du segond,
+les ungs dirent qu'il estoit bon qu'avec l'exemple de la bonne vie et
+de la droicture des évesques protestans, il fût uzé de si bons déportemens
+envers les Catholiques, et les fère jouyr d'ung si paysible repos,
+qu'ilz n'eussent qu'à se bien contanter du présent estat de la religion,
+qui avoit cours en ce royaulme, sans essayer, avec le dangier de leurs
+vies et de leurs biens, d'attempter rien pour remettre la leur; et les
+aultres, au contraire, que c'estoit par toutes sortes de deffaveur et de
+craincte qu'il les failloit abattre et tenir réprimez: et sur le troisiesme,
+du faict de la Royne d'Escoce, parce que la matière estoit
+fort affectée, il fut seulement dit qu'il failloit, devant toutes choses,
+<span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span>
+regarder à ce qui estoit plus expédiant, ou de retenir ou de délivrer
+la personne de la dicte Dame; et pour lors n'y eust que des remonstrances
+bien fort considérément desduictes pour admener, de
+chacun costé, la dicte Dame à leur opinion, sans qu'on en vînt rien
+à conclurre.</p>
+
+<p>Peu de jours après, les principaulx de la noblesse avoient si bien
+disposé la dicte Dame qu'ilz pensoient n'y avoir rien plus près d'estre
+exécuté que la satisfaction envers les deux Roys et le soulaigement
+des Catholiques, et la liberté et restitution de la Royne d'Escoce; et
+de ce dernier, l'évesque de Roz en avoit conceu une si certaine espérance
+qu'il avoit desjà commancé de proposer des conditions et offres
+à la Royne d'Angleterre; et l'avoit on asseuré qu'il seroit, le lendemain,
+introduict vers elle pour en traicter en présence: mais
+s'estant huict du conseil bandez au contraire, ilz firent le matin venir
+milord Quiper devers la dicte Dame, garny d'une préméditée remonstrance,
+par laquelle il luy mit tant de dangiers et d'inconvénians
+devant les yeulx, et l'irrita si fort sur des livres, que le dict
+évesque avoit faict imprimer sur la deffense de l'honneur de sa Mestresse
+et sur les droicts qu'elle a à la succession de ceste couronne,
+que la dicte Dame, après l'avoir ouy, estima ne pouvoir, en façon
+du monde, estre plus Royne, si la Royne d'Escoce luy eschapoit;
+et qu'il falloit qu'avec le temps elle veist les choses d'Angleterre et
+d'Escoce en meilleure disposition pour elle qu'elles n'estoient, premier
+que de la délivrer. Et sur ce, les affères de ceste pouvre princesse
+furent remiz en surcéance, et le dict évesque de Roz resserré,
+et courriers incontinent dépeschez vers le North pour haster le comte
+de Sussex à son entreprinse.</p>
+
+<p>A quelques jours de là, j'allay déclairer l'intention du Roy là
+dessus à la dicte Royne d'Angleterre, aulx propres termes qu'il me
+l'avoit mandé par sa dépesche du x&#305;&#305;<sup>e</sup> du passé; sur lesquelles elle
+fit les démonstrations de rescentymens et de courroux, que j'ay
+mandé par mes lettres du &#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> du présent, mais non en sorte qu'elle
+ne monstrât bien qu'elle tenoit en grand compte la déclaration du
+Roy; et comme princesse nourrye à la modération et à beaulcoup
+de sortes de vertu, me fit les responces qui s'ensuyvent, par lesquelles
+se pourra juger ce qu'elle avoit lors en son désir; dont cy après s'entendra
+si elle l'aura en rien changé:</p>
+
+<p>Que le Roy, son bon frère, s'il l'estimoit Princesse Souveraine et
+légitime, et non accusée d'aulcun mauvais cryme, et estre aussi bien
+son alliée comme la Royne d'Escoce, laquelle n'estoit mentionnée en
+<span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span>
+nulz trettez, qu'elle n'y fût premier nommée et comprinse, qu'elle
+s'esbahyssoit comment il voulloit meintennant procéder d'une tant
+diverse vollonté entre elles deux, et comme il voulloit avoir tant d'esgard
+à l'une, et si peu à l'aultre, qu'il trouvât bon que toutes les
+offances de la Royne d'Escoce luy fussent réparées, et nulles des
+siennes à elle; à qui toutesfoys elles avoient plustost esté commises
+et en si grand nombre, et tant dommaigeables que tout ce qu'elle
+cerchoit meintennant de la dicte Royne d'Escoce et des siens n'estoit
+sinon comme elle pourrait estre satisfaicte du passé et demeurer bien
+asseurée de l'advenir:</p>
+
+<p>Car, oultre les vielles querelles, il estoit trop vériffié que c'estoit
+la dicte Royne d'Escoce et l'évesque de Roz qui avoient esmeu les
+troubles du North, et qui avoient envoyé lettres, messaiges, bagues,
+argent, et fère offres de grandz sommes et secours aulx comtes de
+Northomberland et Vuesmerland, pour leur fère prendre les armes;
+et, après qu'ilz avoient esté deffaictz, elle avoit donné ordre de les
+fère recepvoir par ceulx qui tiennent son party en Escoce, non
+comme fugitifz pour garentyr leurs vies, mais comme ennemys, poursuyvans
+une guerre contre elle, et contre ses bons subjectz, à feu et
+à sang, et avec tant de cruaulté sur ses frontières qu'elle seroit trop
+indigne d'avoir royaulme, ny couronne, ny tiltre de Royne, si elle
+le comportoit;</p>
+
+<p>Qu'en l'entreprinse, qu'elle avoit faicte pour y remédier, elle avoit
+suivy l'ordre des trettez, sellon lesquelz elle avoit escript et envoyé
+messagiers exprès, devers les principaulx seigneurs et officiers d'Escoce,
+pour fère cesser les désordres et avoir réparation de ceulx qui
+estoient desjà commiz, lesquelz avoient respondu qu'ilz n'y pouvoient
+donner ordre jusqu'à ce qu'ilz auroient accommodé leurs différandz;
+et en avoit aussi adverty la Royne d'Escoce, bien qu'elle
+fût entre ses mains, qui avoit seulement respondu qu'elle n'en pouvoit
+mais:</p>
+
+<p>Par ainsy, qu'après avoir satisfaict aux trettez, desquelz elle sçavoit
+bien les termes, et ne les vouloit transgresser; ains, suyvant sa
+proclamation sur ce faicte, vouloit droictement conserver la paix
+avec la couronne d'Escoce, et non moins bien tretter les bons Escouçoys,
+et ceulx qui ne reçoipvent ny accompaignent ses rebelles
+à luy fère la guerre, que les propres Anglois: elle avoit bien vollu
+aussi satisfère au debvoir qui l'obligeait à la deffance, tuition et
+conservation de ses subjectz, et qu'il n'y avoit lieu de penser
+qu'elle eust une plus grande entreprinse que celle là en Escoce, et,
+<span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span>
+si elle l'y avoit, ce ne seroit à si petites forces qu'elle y entreroit.</p>
+
+<p>Et de la dicte entreprinse, quant le Roy l'entendroit bien à la
+vérité, elle ne pensoit qu'il vollût condampner rien de ce qui, en
+semblable occasion de la deffance de ses subjectz, il est très certain
+qu'il en feroit davantaige; et bien qu'elle n'eust à s'en justiffier qu'à
+Dieu seul, si avoit elle bien vollu qu'il y intervînt tant de justice
+qu'elle ne peult estre raysonnablement blâmée de nul; et que le Roy,
+son bon frère, ny le Roy d'Espaigne, duquel je luy avois faict mencion,
+ny nul aultre prince du monde ne la garderoient qu'elle n'essayât
+toutjours tout ce qu'elle verroit et trouveroit, par conseil, estre
+expédiant de fère pour la deffance de son estat, et qu'elle vouloit
+bien dire que le debvoir obligeroit plus justement le Roy de luy ayder
+à repoulser ses injures, que de maintenir celles que injustement
+la Royne d'Escoce luy faisoit;</p>
+
+<p>Que, quant à la liberté et restablissement de la dicte Dame, encores
+que le dangier des choses présentes, et l'espreuve des passées,
+et le peu de seureté qu'on pouvoit prendre de ses promesses, veu ce
+que son ambassadeur, en parlant d'icelles à Ledinthon avoit dit:
+<em>Quæ in vinculis aguntur, rata non habebo, et frangenti fidem
+fides frangatur eidem</em>; et nonobstant aussi que la dicte Dame se
+fût bien fort efforcée de se déclairer seconde personne de ce
+royaulme, ce que ne luy estoit loysible de fère; et que son dict
+ambassadeur, oultre ses aultres mauvais offices, eust freschement
+publié trois livres en ceste matière, qui touchoient à l'estat et honneur
+d'elle, et de sa couronne, et de ses conseillers; et qu'en toutes sortes
+la Royne d'Escoce l'eust si mal traictée, et remué tant de choses
+pernitieuses en son royaulme, qu'elle eust grand occasion d'estre
+infinyment irritée contre elle, et de ne recepvoir aulcun expédiant
+de sa part:</p>
+
+<p>Si, ne reffuzeroit elle toutesfoys d'ouyr et recepvoir les offres et condicions
+qu'elle ou le Roy luy vouldroient fère, ainsy que desjà la dicte
+Dame et l'évesque de Roz luy en avoient escript, et luy avoient envoyé
+des articles assés semblables à d'aultres, que cy devant l'on luy
+avoit présentez; et le dict évesque luy avoit mandé qu'il avoit à luy
+proposer encores quelque chose davantaige, de parolle; dont seroit
+bientost ouy: mais cependant le Roy ne debvoit trouver mauvais
+qu'elle poursuyvît la vengeance des tortz qu'on luy avoit faictz, et
+néantmoins me prioit de luy bailler par escript ce que je luy avois
+proposé de sa part, affin de pouvoir mieulx dellibérer, et luy en
+fère, puys après, plus clayre responce.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span>
+Je luy respondiz seulement qu'elle debvoit prendre de bonne
+part ceste grande franchise, dont le Roy usoit envers elle, de luy
+ouvrir ainsy clairement son intention; et que, quant bien il ne luy
+en eust ainsy parlé, elle n'eust layssé pourtant de penser qu'il estoit
+de son honneur et de son debvoir, non seulement de le dire, mais
+de le fère ainsy qu'il le diroit; et que ce n'estoit d'aulcune malle vollonté
+envers elle, ains d'une notoire obligation envers la Royne
+d'Escoce, qu'il estoit contrainct d'en user ainsy; et qu'il n'en feroit
+pas moins pour elle, en vertu de leur commune confédération, si
+elle et son royaulme estoient en pareille nécessité, car la loy des
+aliences portoit de subvenir à ceulx des alliez qui sont oprimez, voire
+contre les aultres propres alliez qui les opriment;</p>
+
+<p>Que le Roy, pour n'en venir là, desiroit qu'elle mesmes, par le
+conseil de sa propre conscience, ou par celluy de son cueur qu'il
+estimoit royal et droict, et encores par le conseil de ceulx, qui plus
+parfaictement ayment son bien et sa grandeur, vollût adviser qu'est
+ce que de ceste pouvre princesse, sa niepce, elle pouvoit desirer davantaige,
+de ce qu'elle luy avoit offert; que s'il n'y couroit ung manifeste
+dangier de sa conscience, ou de son honneur, ou de sa vie,
+ou de la perte de son estat, il s'asseuroit qu'elle l'accorderoit, et
+que luy, comme son principal allyé, non seulement le confirmeroit,
+mais mettroit peyne de le luy faire droictement accomplyr;</p>
+
+<p>Et que je luy voulois bien dire qu'après cecy, si la détention de la
+dicte Royne d'Escoce continuoit, et l'invasion de son pays ne cessoit,
+que le Roy demeureroit très justiffié envers Dieu et la dicte
+Royne d'Angleterre, sa bonne s&oelig;ur, et envers toutz les siens,
+comme aussi il s'en justiffieroit envers les aultres roys, et mesmes
+envers les princes d'Allemaigne, qu'il n'auroit tenu à luy d'obvier au
+mal qui pourra advenir, si ses tant raysonnables offres, sur la liberté
+et restitution de sa belle s&oelig;ur, ne sont acceptées, et qu'il ne luy en
+debvra estre rien imputé.</p>
+
+<p class="center smcap">AULTRE INSTRUCTION A PART AU DICT S<sup>r</sup> DE SABRAN.</p>
+
+<p>La peur que j'ai heu que la déclaration du Roy à la Royne d'Angleterre,
+pour les affères de la Royne d'Escoce, mit les siens en dangier,
+m'a tenu en suspens si je la debvois différer, ou non, jusques
+après estre bien asseuré de la paix; mais, voyant que de demeurer
+sans fère quelque prompte démonstration, sur ce que l'armée d'Angleterre
+estoit entrée en Escoce, diminuoit par trop la réputation du
+<span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span>
+Roy, et luy faisoit perdre les bons serviteurs qu'il a icy et au dict
+pays d'Escoce, je ne l'ay vollue différer; bien ay miz peyne d'user
+de tout l'artiffice qu'il m'a esté possible pour garder, qu'en aydant
+les affères de la dicte Royne d'Escoce, je n'aye poinct faict de dommaige
+à ceulx du Roy; car il est sans doubte qu'ilz se portent mutuelle
+faveur, et qu'on respecte les ungs pour l'amour des aultres en
+ceste court.</p>
+
+<p>Et n'a esté sans que aulcuns principaulx seigneurs de ce royaulme,
+et l'évesque de Roz avec eulx, n'ayent cuydé monstrer un grand signe
+de malcontantement de ce que le secours de France ne paroissoit
+desjà en Escoce, et que je ne protestais tout promptement la guerre,
+puysque les Anglois avoient commancé d'entrer en pays, et y fère
+toutz actes d'hostillité.</p>
+
+<p>Et disoient, tout hault, qu'il falloit que le Roy cessât d'estre amy
+ou des Angloys, ou des Escouçoys, car il ne pouvoit meintenir l'amytié
+avecques les deux, et qu'il debvoit bien considérer que si les
+seigneurs catholiques de ce royaulme, qui s'estoient asseurez qu'il favoriseroit
+et secourroit les affères de la Royne d'Escoce et les leurs,
+quand il seroit besoing, n'eussent tenu la main ferme à la paix d'entre
+la France et l'Angleterre, qu'il est très certain que ceulx de l'aultre
+party eussent fait déclairer ouvertement la Royne, leur Mestresse,
+pour ceulx de la Rochelle, sur la grand instance que les princes
+protestans d'Allemaigne luy en faisoient.</p>
+
+<p>Disoit davantaige le dict évesque de Roz que, si la Royne, sa
+Mestresse, vouloit quicter l'alliance de France, il est sans doubte
+qu'elle et luy seroient en liberté, et toutz les affères d'Escoce se porteroient
+bien; et qu'il est certain que les choses estoient venues au
+poinct où l'on les voyoit, d'avoir les comtes du North prins les armes
+pour la liberté et restitution d'elle, et pour l'advancement de la religion
+catholique, par l'exortation de nous deux ambassadeurs de
+France et d'Espaigne; et que meintennant il n'aparoissoit nul secours
+du costé de noz Maistres; ains ceulx qui, soubz leur confiance,
+s'estoient déclairés, demeuroient en proye de la Royne d'Angleterre,
+et ceulx, qui avoient bonne intention de se déclairer, restoient,
+à ceste heure, bien fort descouraigés et intimidez.</p>
+
+<p>Or, l'office, qu'ilz ont veu que j'ay despuys faict envers la Royne
+d'Angleterre a beaucoup rabillé cella, et si, a miz tant de doubte au
+cueur de la dicte Dame et tant de contrariété entre ceulx de son
+conseil, que, confessans les ungs et les aultres la déclaration du Roy
+estre très raysonnable, et fondée au debvoir qu'il a aulx deux Roynes
+<span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span>
+de vouloir retenir l'amytié de l'une et subvenir à l'extrême nécessité
+de l'aultre, il semble que les choses en viendront à quelque modération.</p>
+
+<p>Et ayant le dict évesque de Roz, par aulcuns des siens, faict exorter
+l'ambassadeur d'Espaigne de concourre avecques moi en ung
+semblable office, de la part de son Maistre, envers ceste Royne, pour
+la Royne d'Escoce, il s'est excusé de le fère, disant y avoir assés
+longtemps qu'il a devers luy une lettre à cest effect de son dict
+Maistre pour la Royne d'Angleterre, mais qu'il n'a jamais peu avoir
+audience d'elle, comme, à la vérité, il y a dix sept moys qu'il ne l'a
+veue, et que de luy fère venir meintennant ung nouveau ambassadeur
+sur cest affère, puysqu'elle en a renvoyé deux de grande qualité,
+sans quasi les ouyr, qui estoient envoyez pour les propres affères de
+son dict Maistre, ny aussi d'entreprendre de parler pour aultruy,
+jusques à ce qu'on se sera accommodé soy mesmes, le duc d'Alve
+estime qu'il seroit fort impertinent de le fère. Néantmoins, il donne
+espérance du contraire, ainsy que ce pourteur le dira à Leurs Majestez.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">CVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Oratio d'Almarana</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Nouvelles de l'invasion des Anglais en Écosse.&mdash;Prise du château de Humes,
+dans lequel ils se sont établis.&mdash;Nouvelles d'Allemagne et des Pays-Bas.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ce qui est survenu de nouveau au quartier du
+North et d'Escoce, despuys le v&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce moys, que je
+vous ay mandé, par le S<sup>r</sup> de Sabran, tout ce que, jusques
+alors, j'en avois aprins, est que la Royne d'Angleterre,
+le jour précédant que je luy fisse instance, de vostre part,
+de ne fère entrer ses forces en Escoce, ou de les retirer,
+<span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span>
+si elles y estoient entrées, avoit desjà mandé au comte de
+Sussex d'y retourner par la seconde foys, pour y fère le
+gast; et le dict comte n'avoit failly de se remettre incontinent
+en campaigne: dont, le xxv&#567;<sup>e</sup> et xxv&#305;&#567;<sup>e</sup> du passé, il a marché
+avecques l'armée jusques au chasteau de Humes, lequel
+délibérant prendre par force, et l'ayant faict recognoistre
+et aprocher le canon, ceulx qui estoient dedans envyron
+quatre vingtz hommes, après qu'on a heu seulement tiré
+trois coups, se sont randuz, bagues saulves, le xx&#305;x<sup>e</sup> dudict
+moys: et milord de Scrup qui, en mesmes temps,
+avoit marché plus avant, a esté encores ceste foys rencontré
+par les fugitifz anglois, et par aulcuns Escouçoys qui
+l'ont chargé, et y a heu ung assés aspre combat; mais il
+s'est retiré avec la perte seulement de huict vingtz des siens,
+et sans que le dict de Sussex ny luy ayent passé à plus
+grand exploict. Après avoir layssé deux centz Anglois dans
+le dict chasteau de Humes, ilz s'en sont retournez, le &#305;&#567;<sup>e</sup> de
+may, à Barvich, d'où j'entendz, Sire, que icelluy de Sussex
+a incontinent dépesché un gentilhomme devers la
+Royne, sa Mestresse, sur divers occasions: sçavoir, sur
+les difficultez qui se présentoient plus grandes en ceste nouvelle
+guerre, qu'on ne les pensoit du commancement; sur
+le peu de confiance qu'elle doibt mettre en ces Escouçoys,
+qui disent estre de son party; sur avoir suplément de deniers,
+affin de complyr le nombre d'hommes que porte sa
+commission, car ceulx qui, jusques à ceste heure, sont
+entrez en Escoce, n'ont esté guières plus de cinq mil hommes
+et douze centz chevaulx en tout; et aussi, si la dicte
+Dame entend de fère razer le dict chasteau ou bien le tenir;
+et, au reste, à quoy elle veult que son armée s'employe
+le reste de cest esté.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span>
+Sur toutes lesquelles choses l'on m'a dict que, sabmedy
+dernier, luy a esté seulement respondu, que la dicte Dame
+luy gratiffie grandement le bon debvoir qu'il a faict en ce
+voyage pour son service, et qu'elle est après à donner ordre
+qu'il luy soit bientost envoyé argent et toutes aultres
+provisions qui luy font besoing; qu'elle n'est encores bien
+résolue du chasteau de Humes qu'est ce qu'elle en fera,
+mais qu'il advise cependant de bien entretenir la garnyson
+qu'il y a mise; et qu'il ne se haste de lever plus grand nombre
+de gens de guerre, mais qu'il dispose si bien ceulx qu'il
+a avecques luy le long de la frontière pour la garde d'icelle,
+qu'on n'y puisse plus retourner fère les courses, pilleryes
+et brullement, que par cydevant l'on a faict; et ne luy ordonne
+rien davantaige. Je ne sçay si, cy après, elle luy commandera
+de rentrer encores pour la troisième foys en Escoce.</p>
+
+<p>Il est quelques nouvelles que milord de Herys a mandé
+au dict de Sussex que ses mauvais déportemens contraindroient
+enfin les Escouçoys, à leur grand regrect, d'avoir
+la guerre à la Royne, sa Mestresse; et que s'il ne
+cessoit d'entreprendre en leur pays, que non seulement
+ilz se mettraient en debvoir, avec le secours des Françoys
+qu'ilz attandoient d'heure en heure, de l'aller combattre,
+mais aussi d'entrer et venir bruller plus en avant en Angleterre
+qu'il n'a faict en Escoce; et dict on que le dict de
+Herys et le duc de Chastellerault, entendans que les comtes
+de Mar et de Glanquerne s'estoient assemblez avec le
+comte de Morthon à Lislebourg, pour s'aller joindre aulx
+Angloys, se sont venuz loger avec bonnes forces sur une
+rivière, et leur ont empesché le passaige. J'espère que par
+ces difficultez, et par la déclaration que Vostre Majesté a
+<span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span>
+faicte fère à la Royne d'Angleterre, elle se layssera ramener
+à quelque meilleure rayson. Le comte de Lenoz, à
+ce que j'entendz, est demeuré mallade à Barvich, et le
+sir Randolf l'y est venu trouver. Je ne sçay encores s'ilz
+auront mandement de retourner à Lislebourg.</p>
+
+<p>La flotte des draps a heu si bon vent qu'elle peult estre
+meintennant arrivée à Hembourg, et, au retour des navyres,
+qui la sont allés conduyre, nous pourrons entendre
+quelque nouvelle d'Allemaigne. Cella m'a l'on confirmé que
+les lettres de crédit, que ceulx de la nouvelle religion ont
+obtenues icy, y ont esté apportées pour être forny de dellà,
+jusques à cent cinquante mil escuz, s'il est besoing, ou si
+les draps peuvent avoir bonne vante; et que cependant les
+premiers cinquante mil escuz, ottroyez despuys le mois de
+janvier dernier, seront en toutes sortes payez contant. L'on
+espère du premier jour la conclusion de l'accord sur les
+deniers et merchandises, qui ont esté mutuellement arrestées
+icy en Flandres, et ne pensent les Anglois qu'il y
+puisse plus intervenir aulcune difficulté pour l'empescher.
+Il est vray que l'ambassadeur d'Espaigne m'a dict que les
+choses n'en sont encores si près. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de may 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par le Magnifique Donato.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Changement survenu dans les résolutions de la reine d'Angleterre, qui hésite
+à poursuivre avec vigueur la guerre d'Écosse.&mdash;Espoir de l'ambassadeur
+qu'elle va consentir enfin au rétablissement de Marie Stuart.&mdash;Nouvelles
+d'Écosse, de la Rochelle et des Pays-Bas.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ce n'est sans une très grande difficulté, mais
+non aussi sans beaucoup d'estime de vostre réputation,
+qu'il se commance à manifester quelque effect du bon office,
+que m'avez commandé de fère icy pour la Royne
+d'Escoce; et ne sera encores, comme j'espère, sans
+quelque accommodement de voz affères, s'il peult estre
+conduict à sa perfection. Il est vray, Sire, qu'il est venu
+en temps que le feu estoit le plus allumé, et que la Royne
+d'Angleterre se sentoit extrêmement offancée, et que son
+armée estoit desjà entrée en Escoce; à l'occasion de quoy
+le dict office a trouvé de l'obstacle et de l'empeschement
+davantaige à estre bien receu. Néantmoins il a esté proposé
+tel, et en tel façon, et sur tel rencontre que voycy, Sire,
+ce que despuys s'en est ensuyvy:</p>
+
+<p>Que la Royne d'Angleterre n'a poursuyvy la guerre
+d'Escoce de la mesme ardeur qu'elle l'avoit commancée,
+ainsy que mes précédantes vous l'ont tesmoigné; qu'elle
+est entrée en ung grand doubte de son entreprinse, puysqu'elle
+vous y voyt opposant, et semble bien, que desjà elle
+<span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span>
+commance de quicter l'obstinée résolution, qu'on luy avoit
+faict prendre, d'en venir à boult par la force, pour dorsenavant
+s'y conduyre par ung plus modéré expédiant;
+que les seigneurs de son conseil en sont entrez en une
+grande contention et en manifeste contradiction entre
+eulx; que ceulx du bon party ont reprins cueur, qui est
+d'aultant diminué aulx autres; finalement, que la dicte
+Dame monstre de vouloir meintennant beaulcoup plus entendre
+à la restitution qu'à la ruyne de la Royne d'Escoce;
+et en sont les choses si avant qu'elles doibvent estre débattues
+à plain fondz, et déterminées, à Amthoncourt, mercredy
+prochain, que le conseil y sera pour cest effect assemblé,
+et monstrent les malveuillans de reffouyr assés la
+lice, dont les amys se disposent, de tant plus gaillardement,
+à bien deffandre la cause qu'ilz voyent, Sire, que
+avez desjà commance de la prendre à cueur, et qu'ilz ont
+grand confiance que vous la favoriserez de mesmes en tout
+ce qu'elle aura besoing, cy après, d'estre aydée de parolle,
+ou des démonstrations, ou des bons effectz de Vostre
+Majesté: car sans cella ilz despèreroient non seulement
+de vaincre, mais de pouvoir soubstenir les effortz et
+l'impétuosité des aultres.</p>
+
+<p>Je ne sçay encores, Sire, que me promettre, ny que
+vous debvoir fère espérer de l'yssue de ce conseil, veu
+l'instabilité que j'ay veue et souvant esprouvée de ceulx
+qui en sont, et veu les artiffices de ceulx qui plus possèdent
+ceste princesse; lesquelz luy ont desjà formé mil préjudices
+dans son esprit contre la Royne d'Escoce. Néantmoins,
+de tant qu'on m'a adverty assés en général, et
+sans grande expéciffication, qu'elle veult, en toutes sortes,
+prandre expédiant avecques sa cousine, et veoir comme
+<span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span>
+elle pourra tretter seurement avec elle des poinctz qui
+s'ensuyvent: sçavoir; du tiltre de ceste couronne, d'une
+ligue et de la religion; je vous suplie très humblement,
+Sire, me commander comme j'auray à me conduyre sur
+toutz les trois; s'il convient que j'y intervienne au nom de
+Vostre Majesté; et aussi comme, et en quelz termes il vous
+plairra que, au cas que on veuille interrompre ou prolonger
+la matière, je poursuyve l'instance, que j'ay desjà
+commancée, pour luy donner l'accomplyment que convient
+à l'honneur de la parolle et déclaration de Vostre Majesté.</p>
+
+<p>J'entendz que le lair de Granges, cappitaine du chasteau
+de Lislebourg, a esté essayé, par argent et par grandz
+promesses, de vouloir prendre le party de la Royne d'Angleterre,
+mais il a fermement respondu qu'il sera fidelle
+jusques à la mort à sa Mestresse; et dict on que, despuys
+que l'armée d'Angleterre a heu faict les deux courses dans
+l'Escoce, le comte de Morthon et ses adhérans ont esté
+proclamés traystres, et rebelles, et autheurs d'avoir introduict
+les ennemys dans leur pays.</p>
+
+<p>Barnabé est revenu despuys trois jours de la Rochelle,
+lequel monstre, par ses propos, qu'il a esté jusques au
+camp des princes. Il confirme bien fort que la paix se fera,
+et que Mr l'Admyral la désire; de quoy aulcuns icy mal affectionnez
+monstrent n'en estre guières contantz. Ung des
+gens du prince d'Orange, après avoir toutz ces jours faict
+de grandes sollicitations en ceste court, se prépare de
+partir pour Allemaigne. Je ne sçay encores avec quelles
+expéditions il y va. L'on dict, touchant les différans des
+Pays Bas, qu'il y a desjà des articles accordez sur le faict
+des deniers et merchandises, et que bientost doibvent venir
+<span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span>
+des commissaires flamans par deçà, pour conclurre le
+tout. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de may 1570.</p>
+
+<p class="blockquote">En fermant la présente l'on m'est venu advertyr que l'abbé de
+Domfermelin est arrivé, je ne sçay si cella traversera ce qui est bien
+commancé pour la Royne d'Escoce.</p>
+
+<h2 class="p4">CIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Le Tourne.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Propositions faites à l'évêque de Ross par le conseil d'Angleterre pour la
+restitution de Marie Stuart.&mdash;Déclaration de l'évéque sur les conditions
+qui lui sont offertes.&mdash;Mission de l'abbé de Dunfermline en Angleterre.&mdash;Nouvelles
+d'Écosse.&mdash;Doutes sur la conclusion de la paix en France;
+continuation des emprunts pour la Rochelle.&mdash;État de la négociation dans
+les Pays-Bas.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, le jour que le conseil de la Royne d'Angleterre a
+esté assemblé pour dellibérer, devant elle, s'il estoit expédiant
+ou non qu'elle entendît à la liberté et restitution de
+la Royne d'Escoce, de tant que desjà la dicte Dame estoit
+aulcunement bien disposée d'y entendre, les malveuillans
+n'ont peu empescher que la conclusion ne soit venue à
+ce que l'évesque de Roz seroit incontinent mandé pour
+adviser, avec luy, comment et à quelles conditions il s'y
+pourroit moyenner ung bon accommodement, qui peult
+estre à l'honneur et à la seurté de la Royne d'Angleterre,
+<span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span>
+et au commun repoz des deux royaulmes. Sur quoy, estant
+le dict sieur évesque appellé, l'on luy a proposé les
+trois poinctz; desquelz, en mes précédantes du xv&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce
+moys, je vous ay faict mencion: du tiltre de ce royaulme,
+d'une ligue et de l'establissement de la nouvelle religion; et
+y a esté adjouxté celluy que je vous avois auparavant
+mandé, de rendre les rebelles; et encores ung cinquiesme,
+d'abstenir de tout exploict de guerre entre les deux pays
+pendant que aulcuns depputez d'Escoce pourront venir
+par deçà pour tretter de ces choses. Mais ce en quoy l'on
+a le plus incisté au dict sieur évesque a esté des pleiges et
+seurtez que sa Mestresse pourra bailler pour l'accomplissement
+de ce qu'elle promettra; et si elle sera poinct contante
+de mettre son filz et aucuns principaux personnaiges
+d'Escoce, comme le duc de Chastellerault, ou ses enfans,
+ou bien d'aultres seigneurs, et quelques forteresses ez
+mains de la Royne d'Angleterre; et aussi si vous, Sire,
+vouldrez poinct donner parolle et bailler ostaiges pour
+l'entretennement du tretté qui s'en fera, parce que principallement
+la dicte Dame desire que vous y soyez comprins,
+affin de s'asseurer de la paix avec Vostre Majesté.</p>
+
+<p>Le dict sieur évesque leur a respondu, en général et
+bien fort saigement sellon sa coustume, qu'ilz debvoient demeurer
+très fermement et bien persuadez de l'affection et
+intention de la Royne, sa Mestresse, qu'elle n'en a nulle
+plus grande, ny plus certaine dans son cueur, que de donner
+à la Royne d'Angleterre, et à toute la noblesse de son
+royaulme, le plus grand contantement d'elle et la plus
+grande satisfaction sur ses affères qu'il luy sera possible,
+et qu'ilz ne veuillent aulcunement doubter qu'elle ne condescende
+très libérallement à tout ce que la dicte Royne,
+<span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span>
+sa bonne s&oelig;ur, et eulx estimeront estre honneste et raysonnable
+de luy demander; et, quant aulx particullaritez,
+qu'ilz venoient de luy desduyre, de tant que les unes
+estoient en la puyssance de sa dicte Mestresse et les aultres
+non, et que aulcunes sembloient estre assés aysées, les
+aultres très difficiles, il les requéroit, en premier lieu, de
+luy ottroyer sa liberté, et, après la liberté, d'en aller
+conférer avec sa dicte Mestresse, et puys, permission à elle
+d'envoyer devers les Estatz de son royaulme, affin de leur
+communiquer et leur fère bien recepvoir le tout, sans lesquelz
+rien ne pouvoit estre bien légitimement arresté là
+dessus.</p>
+
+<p>Voilà, Sire, l'ouverture qui a esté desjà faicte en cest
+affère, sur lequel en celle partie qui deppend de Vostre
+Majesté, et toutes en doibvent assés dépendre, il vous
+plairra me commander comment j'auray à m'y conduyre,
+ayant cependant proposé d'ayder, en tout ce qu'il me sera
+possible, l'advancement de la matière, et vous advertyr
+souvent de ce qui, jour par jour, s'y fera, et puys sur la
+conclusion d'icelle suyvre, le plus près que je pourray, ce
+que Vostre Majesté m'aura mandé estre de son intention,
+et convenable à l'honneur de sa couronne et utilité de son
+service. Le dict sieur évesque, ouy l'abbé de Domfermelin,
+a esté appellé, mais je ne sçay encores ce qu'il a proposé, ny
+ce qu'il pourra avoir obtenu, seulement l'on m'a dict qu'il a
+fort incisté d'avoir de l'argent. Or, Sire, j'ay sceu d'ailleurs
+que sur ce que les comtes de Morthon, de Mar et de Glancarve,
+ont mandé au comte de Sussex, qu'il leur vollût
+promptement envoyer ung nombre de gens de guerre, affin
+de conserver l'authorité du jeune Roy, premier que tout le
+pays se fût remiz à l'obéyssance de la Royne d'Escoce, sa
+<span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span>
+mère, parce que le duc de Chastellerault, pour y trouver
+moins de difficulté, s'efforceoyt de fère publier que toutes
+choses eussent à s'administrer dorsenavant au nom et par
+l'authorité d'elle, durant la minorité de son filz, il a esté
+mandé au dict de Sussex qu'il ayt à leur envoyer, tout incontinent,
+deux mille des meilleurs et mieulx choysiz soldatz
+de l'armée, soubz la conduicte du capitaine Drury, mareschal
+de Barvich; non que sur ceste dellibération n'y ayt
+heu beaucoup de débat dans ce conseil, mais enfin il a esté
+résolu que ce ne seroit violler ny enfraindre la paix aulx
+Escouçoys que d'envoyer du secours à leur Roy, et qu'il
+falloit ainsy tenir les choses divisées de dellà jusques à ce
+qu'elles seroient composées, icy, avec la Royne d'Escoce.</p>
+
+<p>J'estime, Sire, que cest affère marchera de mesmes que
+la paix de vostre royaulme, car si l'on vous voyt démeslé
+de la guerre de voz subjectz, ne fault doubter qu'on ne
+condescende plus ayséement icy aulx choses justes et raysonnables
+que vous vouldrez demander; mais il semble qu'ilz
+tiennent pour assés doubteuse la conclusion de la dicte
+paix, à cause d'ung discours qui a esté envoyé de la Rochelle
+sur la négociation de Mr de Biron avec Messieurs
+les Princes; et n'ont ceulx de la nouvelle religion, pour le
+propos de la dicte paix, layssé de se pourvoir du plus de crédit
+de deniers en Allemaigne qu'ilz ont peu; et desjà y ont
+envoyé les lettres, ny ne cessent d'y entretenir leurs pratiques
+aussi vifves comme si la guerre se debvoit encores
+longuement continuer.</p>
+
+<p>Ceste princesse trouve assés de difficulté à lever l'emprunct
+de trois mil privés scelz qu'elle a naguières imposez,
+et n'entreprend d'user de grand contraincte en l'exaction
+d'iceulx, de peur de quelque nouvelle eslévation. L'on attand
+<span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span>
+l'arrivée de deux commissaires, des quatre qui estoient
+allez en Flandres, lesquelz viennent pour tretter
+d'aulcuns particulliers faicts qu'on leur a miz en avant, pour
+en sçavoir l'intention de leur Mestresse. Ung chacun espère
+qu'ilz s'accommoderont quant aulx deniers et merchandises
+arrestées, mais que néantmoins le libre commerce
+d'entre les deux pays demeurera encores en suspend à cause
+de certaines difficultez de la religion et de la jurisdiction,
+dont ne se peuvent bien accorder. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de may 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXVII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Bordillon.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Discussions dans le conseil d'Angleterre.&mdash;Résolution qui a été prise d'éviter
+la guerre avec la France.&mdash;Mise en liberté de l'évêque de Ross.&mdash;Audience.&mdash;Communication
+donnée à Élisabeth de l'état des négociations
+sur la paix en France.&mdash;Vive insistance de l'ambassadeur pour obtenir
+que les Anglais se retirent d'Écosse, et que Marie Stuart soit rendue à la
+liberté.&mdash;Nécessité où se trouve le roi de prendre les armes pour défendre
+les Écossais.&mdash;Explication donnée par Élisabeth des motifs qui ont
+dû la forcer à envahir l'Écosse.&mdash;Résolution du conseil.&mdash;<em>Accord touchant
+l'Écosse.</em> Traité conclu, sauf la ratification du roi, entre l'ambassadeur
+et la reine d'Angleterre, contenant les conditions sous lesquelles
+la reine consent à retirer son armée d'Écosse, et à négocier la restitution
+de Marie Stuart.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, despuys la déclaration que Vostre Majesté m'a
+commandé de fère à la Royne d'Angleterre touchant la
+Royne d'Escoce et son royaulme, je n'ay cessé de la presser
+bien fort qu'elle y vollût prendre ung présent expédiant,
+et voyant que desjà je l'y trouvois ung peu disposée, j'ay
+instantment sollicité les amys de ne laysser réfroydir la
+<span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span>
+matière; lesquels ont tant faict que, nonobstant l'audacieuse
+opposition des adversayres, dont les ungs ne se sont
+peu tenir d'user de parolles insolentes, et les aultres se
+sont expressément absentez pour y cuyder mettre du retardement,
+le conseil a esté tenu là dessus; auquel, entre
+aultres choses, j'entendz qu'il a esté résolu, par l'opinion
+de la dicte Dame, plus que par celle de nul des siens, qu'il
+falloit en toutes sortes éviter d'avoir la guerre avec Vostre
+Majesté; et qu'ayant bien cogneu par mes propos qu'indubitablement
+l'on y viendroit, et que mesmes les Françoys
+seroient bientost en Escoce, si son armée passoit plus avant
+en pays, et s'il n'estoit bientost prins quelque expédiant sur
+les affères de la Royne d'Escoce, qu'elle vouloit que, tout
+présentement, l'on y advisât.</p>
+
+<p>Sur quoy, ceulx qui nous sont contraires n'ont failly de
+luy remonstrer que, pour estre le propos de la paix de
+vostre royaulme plus près d'estre rompu que conclud, vous
+n'aviez garde d'envoyer meintennant en Escoce les gens
+qui feroient bien besoing à vostre propre défance; et que,
+si vous entrepreniez d'y en envoyer, ainsi que je le donnois
+entendre, qu'il failloit qu'elle fît sortir ses navyres,
+qui sont toutz pretz, en mer, pour vous empescher, et
+qu'ilz ne voyent qu'il y eust encores nulle occasion qui la
+deubt divertyr de la première dellibération.</p>
+
+<p>Les amys, au contraire, prenans fondement sur ce qu'il
+falloit évitter d'avoir la guerre avec Vostre Majesté, ont
+asseuré, par la cognoissance qu'ilz ont des choses de France,
+que les Françoys ne fauldroient d'entrer en Escoce, si
+vous entendiez, Sire, que les Anglois y prinsent pied; et
+que, de jetter leurs navyres dehors, il fauldroit, s'ilz rencontroient
+la flotte françoyse, qu'ilz la combatissent, et que
+<span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span>
+la guerre se commenceroit trop plus ouvertement en ceste
+sorte contre la France, que quant les Françoys seroient
+descendu en Escoce, lesquelz ne seroient lors prins que
+pour auxiliaires: mais que le meilleur estoit qu'elle commençât
+de tretter avec l'évesque de Roz et avec moy de
+quelque bon accommodement là dessus.</p>
+
+<p>Laquelle opinion ayant prévalu, l'évesque de Roz a esté,
+le deuxiesme jour après, appellé, avec lequel ceulx de ce
+conseil ont entamé les choses que je vous ay escriptes le
+xx&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce moys; et despuys, sa liberté luy a esté ottroyée:
+bien que la dicte Dame ne luy a encores permiz de parler
+à elle. Et par mesme moyen elle avoit advisé que je serois
+mandé, mais les adversaires l'en divertirent, sur quelque
+poinct de réputation, qu'ilz lui représentoient, qu'il valloit
+mieux attandre l'ocasion que je y vinse de moy mesmes;
+et luy célébrèrent cependant bien fort la ropture de la paix,
+et mesmes firent que, sur la confirmation de ce que
+Mr Norrys en avoit escript, Mr le cardinal de Chatillon fut
+convyé en court, qui disna avec la dicte Dame; mais le lendemain
+je vins devers elle, et ne volluz, pour aulcuns respectz,
+lui monstrer les articles que Vostre Majesté m'avoit
+envoyez des dernières offres faictes aulx depputez, mais
+pour luy oster l'opinion que le propos de la dicte paix fût
+rompu, et pour remédier les choses qui pressoient en Escoce,
+je luy diz que, vous ayant la Royne de Navarre et
+les Princes, ses filz et nepveu, faict fère des supplications
+et requestes plus amples que ne portoient les premiers articles
+que leur aviez accordez, et ayant Vostre Majesté miz
+en considération les infinys maulx que vostre royaulme, despuys
+dix ans, a quasi continuellement souffertz par les
+horribles guerres, que ces troubles ont produicts; que, pour
+<span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span>
+obvier à plus grandz inconvénians, vous aviez bien vollu
+condescendre à la pluspart de leurs dictes requestes, et
+me commandiez de luy dire que vous vous estiez de tant
+plus eslargy envers eulx, que vous vouliez qu'il aparust au
+monde, et nomméement à la dicte Dame, comme aussi
+Dieu vous estoit tesmoing, que vous n'aviez nulle chose
+plus à cueur que de réunyr toutz voz subjectz en bonne
+amytié, et esgallement trestoutz les conserver; et qu'en ce
+que leur aviez ottroyé de nouveau y avoit tant de quoy se
+contanter pour l'exercisse de leur religion, pour l'accommodement
+de leurs affères, et pour la seureté de leurs
+personnes, sans aparance aulcune de deffiance à jamais,
+que vous ne pensiez qu'ilz se peussent tant oublyer qu'aussitost
+que messieurs de Biron et de Malassize le leur auront
+faict entendre, qu'ilz ne l'acceptent; qui sont deux de vostre
+conseil que Vostre Majesté a renvoyé devers eulx pour en
+sçavoir la résolution; et que faisant, de rechef, ung bien
+exprès office de mercyement envers elle pour la bonne affection
+qu'elle a monstré avoir à la paciffication de vostre
+royaulme, je la requisse, de vostre part, de deux choses,
+lesquelles elle estoit tenue de vous accorder: la première,
+que, si par ces grandes et plus que raysonnables offres, il
+advenoyt qu'il ne fût besoing que Vostre Majesté lui donnast
+la peyne de se travailler à les leur fère recepvoir, ains
+que d'eulx mesmes ilz se disposent d'humblement les accepter,
+qu'il luy playse néantmoins vous garder bien entière
+ceste sienne bonne vollonté, laquelle, ou soit que vous ayez
+la paix, ou qu'il vous faille continuer la guerre, vous l'estimerez
+très utille, ainsy que l'avez toutjour estimée très
+honnorable pour vous; la seconde, que, s'ilz estoient si obstinez
+qu'ilz ne s'en vollussent aulcunement contanter, ains
+<span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span>
+vollussent persévérer en leur viollente entreprinse, qu'elle
+veuille ainsy juger d'eulx comme de gens qui aspirent, et
+néantmoins sont bien loing d'abattre l'authorité de leur
+Roy et prince naturel; et qu'elle les veuille tout aussitost
+déclairer non seulement indignes de sa faveur et protection,
+mais très dignes qu'ilz soyent poursuyviz et réprimez par
+les justes armes et d'elle et de toutz les honnorables princes
+qui vivent aujourd'huy au monde.</p>
+
+<p>La dicte Dame, d'ung visaige fort joyeulx et contant,
+après plusieurs mercyemens de la privée communication,
+que luy faisiez de voz affères, m'a dict que les choses, à
+ce qu'elle voyoit, estoient en meilleurs termes qu'on ne
+le luy avoit dict, et qu'elle desiroit toutjour que la fin s'en
+ensuyvyst sellon le bien et repos de vostre royaulme; et
+qu'elle pensoit bien qu'il pouvoit y avoir des considérations
+que, possible, Vostre Majesté estimoit toucher et à
+sa réputation, et au debvoir de ses subjectz, qu'ilz acceptassent
+d'eulx mesmes vos offres, sans y estre induictz
+par la persuasion de nul autre prince, ce qu'elle sera très
+ayse qu'il puisse ainsy advenir; mais si, d'advanture, il
+y intervient aulcune difficulté, qu'elle vous réservera toutjour
+ceste vollonté et affection qu'elle vous a offerte pour
+s'y employer à toutes les heures, que vous cognoistrez
+qu'il en sera besoing, avec aultant de désir de vous y
+conserver les avantaiges, qui vous sont deuz, comme si elle
+avoit l'honneur que vous fussiez son propre filz.</p>
+
+<p>Sur lequel propos je l'ay layssée assés discourir, et
+estant peu à peu venue d'elle mesmes à parler de la bonne
+affection que vous monstrez luy porter, j'ay suyvy à luy
+dire que c'est ce qui vous faisoit plus de mal au cueur,
+qu'estant vostre dellibération de persévérer constantment
+<span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span>
+en son amytié, vous ne pouviez toutesfoys estre jamais
+bien ouy d'elle sur les affères de la Royne d'Escoce, et
+que vous vouliez bien dire que c'estoit, par grand force
+et à vostre très grand regrect, que vous estiez contrainct
+d'avoir là dessus différant avec elle, et que vous estiez
+hors de toute coulpe de l'altération qui en pourroit venir
+entre vous, et des maulx qui s'en pourroient ensuyvre au
+monde; qu'ayant Vostre Majesté, despuys l'aultre foys
+que j'avois parlé à la dicte Dame, entendu ce qui avoit
+succédé en Escoce, vous me commandiez de luy dire que,
+désormais, vous aviez, de vostre part, satisfaict à toutz
+les debvoirs et paysibles offices, en quoy vous pouviez estre
+obligé envers son amytié; d'avoir premièrement exorté
+la Royne d'Escoce de luy donner tout le contantement
+d'elle et toute la satisfaction sur ses affères, et luy réparer,
+à son pouvoir, toutes les affères qu'elle luy pourroit
+redemander; et puys à elle, de vouloir condescendre
+à telles raysonnables condicions envers la dicte Dame, pour
+sa liberté et restitution, comme elle mesmes pourroit juger
+estre honorables, advantaigeuses et bien seures pour
+elle et pour sa couronne, non toutesfoys esloignées de
+l'honnesteté et modération qui doibt estre gardée entre
+telles princesses, avec offre que vous les feriez accomplyr;
+dont estimiez que, non seulement il vous estoit meintennant
+faict tort d'estre rejetté et reffuzé là dessus, mais
+encores grand injure, de ce que, sans respect de voz offres
+et remonstrances, elle avoit commencé de procéder
+par la force, de fère le gast, de brusler, de raser les
+maysons des gentishommes et usé de toutes voyes d'hostillité
+dans l'Escoce; que pourtant, oultre ce que je luy
+avois dict, par voz lettres du x&#305;&#567;<sup>e</sup> d'avril, je n'obliasse
+<span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span>
+rien de ce que je verroys par voz présentes, du &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de
+may, estre de vostre intention de prier et exorter la dicte
+Dame qu'au nom de vostre commune amytié, et de la paix,
+alliance et confédération d'entre Voz Majestez et vos couronnes,
+elle vollust retirer ses forces hors du dict pays et
+n'en y plus envoyer; et que je vous résolusse promptement
+de ce qu'en aurez à espérer, et en quelle vollonté je pouvois
+cognoistre qu'elle estoit meintennant envers la liberté
+et restitution de la Royne d'Escoce, parce que, allantz
+ses affères de mal en piz, vous commandez de cognoistre
+qu'il vous falloit désormais prendre les dilays, dont l'on
+luy usoit, pour manifestes reffuz; et que vous me tanciez
+bien fort de quoy je vous avois longuement entretenu sur
+les bonnes parolles de la dicte Dame; et qu'en lieu de la
+modération que je vous avois promiz d'elle envers la Royne
+d'Escoce, vous voyez qu'il n'avoit succédé qu'ung grand
+commancement de guerre; que meintennant elle me mettoit
+encores en une plus grand peyne commant vous
+pouvoir satisfaire sur ce que, de nouveau, j'avois entendu
+qu'elle avoit envoyé deux mille harquebouziers au comte
+de Morthon jusques à Lislebourg; en quoy je la prioys de
+considérer que, puysqu'elle avoit ainsy baillé son secours
+aulx ennemys de la Royne d'Escoce, avec lesquelz elle
+n'a nulle confédération, que vous estimeriez vous estre
+beaucoup plus loysible de bailler le vostre aulx amys de
+la dicte Dame, laquelle vous estoit très estroictement
+alyée; et que je ne sçavois si desjà il y avoit des compaignies
+embarquées, et que pourtant je luy voulois bien fère,
+de rechef, la mesmes instance que dessus de vouloir retirer
+ses dictes forces affin de ne vous contraindre d'user
+de plus grandz, extraordinaires et violantz remèdes, que
+<span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span>
+vous ne vouliez essayer en choses qu'ussiez jamais à démeller
+avec elle.</p>
+
+<p>La dicte Dame, se trouvant en grand perplexité de ce
+propos, m'a respondu que, despuys ma précédante audience,
+elle avoit toutjour estimé que son armée seroit retirée
+à Barvyc, et me pouvoit jurer que de ceste segonde
+entreprinse il n'y avoit que vingt quatre heures qu'elle en
+avoit receu l'advis par le comte de Sussex; qui luy mandoit
+qu'il avoit esté contrainct d'en user ainsy, parce que
+le duc de Chastellerault avoit retiré les rebelles d'Angleterre,
+et les avoit introduictz au propre conseil d'Escoce,
+et ne luy avoit jamais vollu fère aulcune bonne responce,
+ou de les randre, ou de les habandonner; et que pourtant
+vous, Sire, ne debviez trouver mauvais qu'elle poursuyvît
+par dellà une entreprinse qui touchoit tant à son
+honneur.</p>
+
+<p>Je luy ay toutjour grandement incisté de retirer ses dictes
+forces, et qu'au reste elle poursuyvyst la reddition de
+ses dicts rebelles par une aultre meilleure sorte de quelque
+honneste traicté avec la dicte Royne d'Escoce; sur
+quoy elle m'a bien dict beaucoup de bonnes parolles, mais
+non qu'elle ne l'ayt ainsy lors vollu accorder: de quoy estant
+sur l'heure entré en conférence avec les seigneurs
+de son conseil, avec remonstrance des inconvénians qui
+s'en pourroit eusuyvre, j'ay esté, le jour après, contremandé
+de la dicte Dame pour me trouver de rechef avec
+eulx; avec lesquelz j'ay enfin arresté les choses que Vostre
+Majesté verra par ung mémoire à part, lesquelles m'ont
+esté après confirmées par la dicte Dame; et Vostre Majesté
+aussi, s'il luy playt, les confirmera: et je mettray
+peyne qu'il en sorte quelque bon effect, bien que j'entendz,
+<span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span>
+Sire, que, nonobstant cella, la dicte Dame a ordonné sortir
+promptement six de ses grandz navyres, avec douze
+centz hommes dessus, pour garder la mer; par ce, à mon
+adviz, que son ambassadeur l'a certainement advertye qu'il
+y a des gens toutz prestz en Bretaigne pour passer en Escoce;
+et elle vouldroit bien que ceste démonstration les retînt.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxv&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de may 1570.</span></p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">CERTEIN ACCORD FAICT AVEC LA ROYNE D'ANGLETERRE</span>
+et avec les seigneurs de son conseille touchant les choses d'Escoce, du dict jour.</p>
+
+<p>L'ambassadeur de France a dict à la Royne d'Angleterre que le
+Roy, son Maistre, la prie et l'exorte, au nom de leur commune amytié
+et de la bonne paix, alliance et confédération, qui est entre eulx et
+leurs couronnes, qu'elle veuille retirer ses forces hors d'Escoce, et
+n'en y envoyer plus d'aultres; et que le Roy, son dict Maistre, luy
+commande de le résouldre promptement en quoy il en doibt demourer,
+et en quoy il doibt demeurer de l'intention qu'il peult
+cognoistre qu'a meintennant la dicte Royne d'Angleterre vers la
+liberté et restitution de la Royne d'Escoce, parce que, voyant aller
+les affères de la dicte Dame toujours de mal en piz, il commance
+désormais de prendre les dilays, qu'on use vers elle, pour manifestes
+reffuz;</p>
+
+<p>Et que nul ne doibt trouver estrange, s'il prend ainsy à cueur ceste
+matière; car il y va, d'ung costé, de la conservation de l'amytié de la
+dicte Royne d'Angleterre, sa bonne s&oelig;ur, qui est une chose qu'il
+estime estre de grande conséquence pour luy et d'une grande importance
+pour son royaulme; et, de l'aultre, de la protection et
+deffance de la Royne d'Escoce, sa belle s&oelig;ur, de laquelle il n'y a
+celluy qui ne voye combien il touche à sa réputation et à l'honneur de
+sa couronne, et combien il est abstraint par grandes obligations de
+nullement l'abandonner.</p>
+
+<p>Sur quoy la dicte Royne d'Angleterre, ayant faict aucunes responces
+sur l'heure au dict ambassadeur, elle luy a, le jour d'après, faict
+dire par les seigneurs de son conseil, et encores despuys elle mesmes
+le luy a confirmé de sa parolle, que, pour satisfère au désir du
+Roy, son bon frère, elle trouve bon qu'il soit envoyé ung gentilhomme
+de qualité devers le duc de Chastellerault et devers ces aultres
+<span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span>
+seigneurs Escouçoys, qui tiennent le party de la Royne d'Escoce,
+pour leur dire que, s'ilz veulent rendre les fugitifz d'Angleterre
+ou bien les habandonner, ou bien les retenir pour en rendre
+tel compte, comme sera porté par le tretté qui se fera entre elle et la
+Royne d'Escoce, qu'elle est contante de retirer toutes ses forces hors
+du dict pays d'Escoce;</p>
+
+<p>Et, en ce que le dict duc de Chastellerault et les siens, et pareillement
+le comte de Morthon et ceulx de son party, se désarmeront
+d'ung costé et d'aultre, et que toute hostillité cessera dans le dict
+pays et entre les deux royaulmes d'Angleterre et d'Escoce;</p>
+
+<p>A la charge aussi que, si le Roy, avant que ces choses soient
+acomplyes, avoit de sa part desjà envoyé ou faict passer de ses forces
+en Escoce, la dicte Dame ne veult estre tenue d'observer ce dessus,
+sinon que le dict Roy Très Chrestien les vollût révoquer, auquel
+cas elle révoquera pareillement les siens;</p>
+
+<p>Et que Mr l'évesque de Roz nommera à M<sup>e</sup> Cecille le gentilhomme
+que la Royne, sa Mestresse, vouldra, pour cest effect, envoyer en
+Escoce, affin de luy bailler saufconduict, et en donner adviz à
+Mr le comte de Sussex, devers lequel il passera, et auquel sieur
+comte la dicte Royne d'Angleterre mandera d'acomplyr ceste sienne
+intention, aussitost qu'il aura sceu celle du susdict duc de Chastellerault;</p>
+
+<p>Et que, par le dict ambassadeur de France et par l'évesque de
+Roz, seront baillées au gentilhomme qui yra en Escoce leurs lettres,
+servans à l'accomplissement de cest affère.</p>
+
+<p>Et, quant à la liberté et restitution de la dicte Royne d'Escoce, la
+dicte Royne d'Angleterre promect que, aussitost qu'elle aura receu
+la responce, que la dicte Royne d'Escoce luy vouldra fère sur les
+choses, qui naguières ont été trettées par son ambassadeur, l'évesque
+de Roz, avec les seigneurs de ce conseil, qu'elle y procédera
+avec tant de dilligence qu'elle veult bien que le Roy Très Chrestien,
+son bon frère, demeure juge que plus dilligentment il n'y pourroit
+estre procédé; et ainsy l'a elle confirmé et asseuré au dict sieur ambassadeur,
+en parolle de Royne et de princesse chrestienne pleyne
+de foy et de toute vérité;</p>
+
+<p>Que, suyvant les choses susdictes le dict ambassadeur escripra au
+Roy, son Seigneur, de ne vouloir envoyer de ses forces en Escoce,
+ou, s'il y en avoit desjà envoyé quelques unes, qu'il les veuille tout
+incontinent révoquer.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">I</span><sup>er</sup> jour de juing 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Efforts de l'abbé de Dunfermline pour arrêter l'exécution du traité conclu.&mdash;Nouvelles
+d'Écosse.&mdash;Armemens faits en Angleterre.&mdash;Exécution des
+Northon à Londres.&mdash;Espoir que le duc de Norfolk sera bientôt rendu
+à la liberté.&mdash;Nouvelles de la Rochelle et des Pays-Bas.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ceulx qui sont promptz de nuyre toutjour à la
+Royne d'Escoce, voyantz que la négociation que je faisois
+pour elle commançoyt de succéder, se sont esforcez d'introduyre
+l'abbé de Domfermelin pour m'y donner empeschement;
+lequel, n'ayant aporté qu'une simple lettre à la
+Royne d'Angleterre pour créance, ni pour toute aultre
+sienne instruction qu'ung seul blanc de ceulx qui l'ont envoyé,
+affin d'estre remply icy par l'adviz de deux de ce
+conseil, il a vifvement incisté à la dicte Dame, que, suyvant
+sa vertueuse dellibération et ses promesses, elle vollût
+recepvoir le jeune Roy d'Escoce en sa protection et le
+deffandre de la main meurtrière, qui naguières a faict mourir
+le père, et bientost après l'oncle; et que meintennant
+elle veuille, par son authorité ou par ses forces, fère aprouver
+les décrectz qui, durant le gouvernement du dict oncle,
+ont esté faictz, tant en faveur du dict jeune Roy que pour
+l'establissement de la nouvelle religion en son royaulme;
+et qu'à cest effect elle envoye réprimer les Amilthons, lesquels
+s'esforcent d'infirmer deux si bonnes causes, et sont
+proprement ceulx qui ont receu ses rebelles; et qu'au contraire
+elle haste son secours à ceulx qui soubstiennent l'une
+<span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span>
+et l'aultre, qui n'ont onques consenty de les recepvoir; et
+que beaucoup d'honneur et de réputation à elle, grande seureté
+à son estat et couronne, perpétuel establissement
+en la religion par toute ceste isle, et ung très grand proffict
+et accommodement en toutz ses affères s'en ensuyvra,
+sans que, en l'exécution d'une si glorieuse et utille entreprinse,
+il s'y voye aulcun dangier, et bien fort peu de difficulté.
+Nonobstant lesquelz artiffices, la dicte Dame n'a layssé
+de fère confirmer, par le marquis de Norampton et par le
+comte de Lestre, à l'évesque de Roz, les mesmes choses
+qu'elle m'avoit accordées et qui estoient arrestées entre
+nous; dont sommes après à les effectuer. Et cependant est
+arrivée la responce de la Royne d'Escoce, sur les ouvertures
+que ceulx de ce conseil avoient naguières faictes au dict
+évesque, lequel a demandé là dessus audience de la dicte
+Royne d'Angleterre, qui ne la luy a reffuzée; et aussitost
+que j'auray entendu ce qu'y sera tretté, je ne fauldray
+d'en donner adviz à Vostre Majesté.</p>
+
+<p>J'entendz que les Anglois, qu'on a envoyez au comte de
+Morthon, sont arrivez à Lislebourg sans aulcun rencontre
+et qu'ilz se tiennent là sans fère grandz actes d'hostillité, et
+que le chasteau de Lislebourg ne respond rien à la ville,
+seulement les lairs de Granges et Ledinthon se tiennent
+dedans avec quelques aultres Escouçoys, qu'ilz y ont miz
+de renfort; que le duc de Chastellerault est à Glasco, avec
+bonne troupe des siens, lequel soubstient fermement l'authorité
+de la Royne, sa Mestresse; et que les comtes d'Arguil
+et d'Honteley s'en sont retournez pour s'establyr de mesmes
+en leurs quartiers. Quant à l'aprest des six navyres de
+ceste Royne, il se continue, et de deux davantaige, qui sont
+huict en tout des plus grandz, pour les fère sortir en mer du
+<span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span>
+premier jour avec deux mil hommes, si ne trouvons moyen
+de les arrester; mais j'y feray tout ce qu'il me sera possible.</p>
+
+<p>Vendredy dernier estantz trois gentishommes de bonne
+qualité du North, qui s'apelloient les Northons, condampnez
+à mort comme coulpables de la dernière ellévation, ainsy
+qu'on les tiroit de la Tour pour les mener au suplice, le secrétaire
+Cecille survint en dilligence, qui fyt surceoyr l'exécution,
+et parla à eux, et estime l'on qu'il espéroit trouver
+en leur dernière déposition quelque vériffication contre la
+Royne d'Escoce, et contre le duc de Norfolc, mais ilz
+n'ont rien dict: et le lendemain les deux ont esté exécutez.
+Il semble qu'il se commance d'ouvrir des expédians pour
+la liberté du dict duc, auquel trois de ce conseil sont desjà
+ordonnez pour aller après demain parler à luy; et son filz
+aysné, le comte de Sureth, est arrivé despuys huict jours,
+qui est venu trouver le comte d'Arondel son grand père
+maternel. Quelcun a bien osé entreprendre d'aposer sur
+la porte de l'évesque de Londres une bulle du Pape<a name="FNanchor_6" id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a> contre
+la Royne d'Angleterre, mais on l'a incontinent ostée,
+et faict on grand dilligence de descouvrir d'où elle est venue;
+mais pour donner entendre au peuple que c'est quelque
+aultre chose, l'on a imprimé un aultre placart.</p>
+
+<p>L'on commance, despuys ma dernière audience, d'avoir
+quelque meilleure espérance de la conclusion de la paix de
+vostre royaulme qu'on ne faisoit; et aussi ung certain messagier,
+qui est naguière venu de la Rochelle, semble le
+confirmer, bien qu'on dict qu'il a esté long temps en mer.
+<span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span>
+Je mettray peyne d'entendre ce qu'on publiera de la dépesche
+qu'il aporte, et d'une aultre qui est freschement arrivée
+du comte Pallatin, pour vous donner adviz de toutes deux par
+mes premières. Les depputez de ceste ville, qui sont revenuz
+de Flandres, ont esté desjà ouys de leur Royne, et puys en
+son conseil; ilz ont remonstré les difficultez qui s'offrent encores
+sur le faict de ces deniers et merchandises arrestées,
+et a esté remiz de leur fère responce d'icy à huict jours, à
+cause des affères d'Escoce; ce qui me faict juger que, sellon
+qu'ilz pourront accommoder les ungs, ilz vouldront reigler
+les aultres. Tant y a qu'ilz pensent que, pour le bon succez
+que le Roy d'Espaigne commance d'avoir contre les Mores,
+le duc d'Alve se rend meintennant plus difficile à cest accord.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce &#305;<sup>er</sup> jour de juing 1570.</span></p>
+
+<h2 class="p4">CXII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">V</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Nycolas de Le Poille.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Hésitation du conseil d'Angleterre à assurer l'exécution du traité conclu.&mdash;Résolution
+prise par la reine de le maintenir.&mdash;Audience accordée par
+Élisabeth à l'évêque de Ross.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roi.</p>
+
+<p>Sire, premier que le comte de Sussex ayt sceu, ou au
+moins premier qu'il ayt peu fère sçavoir au capitaine
+Drury à Lislebourg, l'accord d'entre la Royne d'Angleterre
+et moy, touchant retirer les Anglois hors d'Escoce,
+icelluy Drury avoit desjà envoyé sommer le duc de Chastellerault
+et ceulx de son party, qui estoient au siège de
+Glasco, de luy randre les fugitifz d'Angleterre, ou bien
+de les habandonner, et surtout de luy donner parolle de
+<span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span>
+ne recepvoir aulcuns estrangiers dans le pays. A quoy luy
+estant baillé pour responce par le secrétaire Ledinthon,
+qui eut charge de la luy fère, qu'ilz n'estoient prestz ny
+de randre les fugitifz, ny de reffuzer aulcun secours estrangier,
+ains, si les Françoys ne venoient bientost que
+luy mesmes les yroit quéryr, le dict Drury avec ses Anglois,
+et le comte de Morthon avec un nombre d'Escouçoys
+du contraire party, ont marché jusques au dict
+Glasco, là, où ne les ayant le dict duc attanduz, ilz ont
+estimé qu'ilz pourroient exécuter d'aultres plus grandes entreprinses,
+s'ilz passoient plus avant vers Dombertran.
+Mais estant, sur ce poinct, arrivé au dict de Sussex
+l'advertissement de l'accord, il l'a incontinent envoyé notiffier
+au dict Drury, affîn d'arrester son progrès; et néantmoins
+parce que, par une dépesche du mesme jour, il a
+escrit à sa Mestresse que les siens avoient commancé de
+bien fère à Glasco, et que despuys ilz s'estoient acheminez
+à Dombertrand, et qu'en mesmes temps ce que je
+vous ay mandé, Sire, de la bulle du Pape estoit advenu,
+et aussi que de France l'on mandoit y avoir plus grande
+aparance de guerre que de paix, la dicte Dame a cuydé
+délaysser toutz nos bons propos d'accord pour retourner
+à celluy, qu'elle avoit auparavant, de continuer la guerre
+en Escoce; mais j'avois desjà sa promesse si expresse du
+contraire, et le fondement avoit esté miz si bon aulx bonnes
+dellibérations; que les mauvais n'ont peu, pour ce
+coup, remettre sur les mauvaises, dont avons tant faict
+qu'il a esté résolument escript au dict de Sussex d'acomplyr
+icelluy accord, quant de l'aultre costé l'on l'accomplyra.
+Bien luy a esté mandé qu'il ayt à entretenir
+toutjours ses troupes en estat de la frontière, de peur de
+<span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span>
+la descente des Françoys, comme de mesmes a esté ordonné
+icy que, pour encores, les grandz navyres ne partent
+point, mais que, pour la mesmes peur du passaige des
+Françoys, l'on les tiegne toutz prestz à la voyle; et les
+seigneurs de ce conseil ont mandé à l'évesque de Roz et à
+moy qu'on avoit desjà bien advancé de satisfère de leur
+part aulx choses promises, et qu'à nous touchoit meintennant
+de dilligenter l'exécution du surplus.</p>
+
+<p>Cependant le dict évesque a esté admiz à la présance
+de la dicte Dame, laquelle toutesfoys ne l'a receu sinon
+cérémonieusement et assés sévèrement, en présence de
+ceulx de son conseil, à cause des souspeçons auparavant
+conceues contre luy; mais après qu'en se purgeant fort
+honnorablement, il a heu tout librement confessé qu'il
+avoit une seule foys, et non plus, ouy ung messaige du
+comte de Northomberland, qui luy offroit de mettre la
+Royne sa Mestresse en liberté, et de la ramener en son
+royaulme, pourveu qu'on luy fornyst de l'argent, auquel
+il avoit respondu que sa Mestresse ne vouloit partir d'Angleterre
+sans le gré et bonne grâce de la Royne sa bonne
+s&oelig;ur, ny elle n'avoit point d'argent pour luy envoyer; et
+qu'il a eu offert qu'au cas qu'il se peult jamais vériffier
+nulle aultre pratique contre luy avec ceulx du North, qu'il
+renonçoyt à toutz ses privilèges d'ambassadeur, d'évesque,
+et d'estrangier, et de son saufconduict, pour se soubzmettre
+aulx extrêmes punitions des plus rigoureuses loix de
+ce royaulme, la dicte Dame a monstré qu'elle en demeuroit
+satisfaicte; et l'ayant tiré à part, a receu fort humainement
+de ses mains les lettres que la Royne d'Escoce
+luy escripvoit, et a commancé de tretter privéement et
+fort familièrement sur icelles avec luy, de sorte que, se
+<span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span>
+raportant ceste négociation aulx miennes trois précédantes,
+ung chacun juge que la chose s'en va si bien acheminée,
+qu'il s'en peult espérer ung assés prochain et assés
+bon succez.</p>
+
+<p>Je mettray peyne, Sire, de vous expéciffier par mes
+premières les poinctz et particullaritez où l'on en est meintennant,
+et adjouxteray seulement icy que les seigneurs
+du dict conseil sont en ceste ville pour adviser de quelque
+expédiant avecques les marchantz, touchant l'accommodement
+des différandz des Pays Bas; et aussi pour veoir
+comme il faudra procéder sur le faict de la bulle du Pape,
+ayant esté l'adviz d'aulcuns qu'on debvoit purger et examiner
+par sèrement là dessus les principaulx Catholiques de
+ce royaulme, et procéder tout incontinent contre ceulx
+qui se trouveront ou coulpables, ou attainctz du faict, par la
+rigueur des loix mareschalles<a name="FNanchor_7" id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>, qui portent condempnation
+de mort sans figure de procès; mais j'entendz que la prudence
+de la dicte Dame ne leur a acquiescé, laquelle ne
+s'est vollue esloigner des conseilz des modérez, qui la persuadent
+de n'offancer les Catholiques qui luy sont obéyssantz.
+Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce v<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XI</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Vassal.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">L'Évêque de Ross mis en entière liberté.&mdash;Négociation pour le rétablissement
+de Marie Stuart; conditions proposées par Élisabeth.&mdash;Espoir de
+l'ambassadeur que le traité pourra se conclure prochainement, et demande
+d'instruction à ce sujet.&mdash;Même espoir que la liberté sera bientôt
+rendue au duc de Norfolk; chefs d'accusation sur lesquels il a été tenu de
+s'expliquer.&mdash;Affaires des Pays-Bas; grand armement fait en Angleterre,
+où l'on craint une entreprise de la part du duc d'Albe.&mdash;<em>Mémoire.</em> Conditions
+que l'on dit être offertes par la reine de Navarre pour la pacification
+de France.&mdash;Affaires d'Écosse.&mdash;État de la négociation dans les Pays-Bas.&mdash;Sollicitations
+faites auprès d'Élisabeth pour obtenir la liberté du
+duc de Norfolk.&mdash;<em>Mémoire secret.</em> Détails circonstanciés de toutes les discussions
+qui ont déterminé le conseil d'Angleterre à se déclarer pour le
+maintien de la paix avec la France.&mdash;Intrigue de ceux du parti contraire,
+afin d'empêcher cette décision.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, pour s'aquitter la Royne d'Angleterre de la parolle,
+qu'elle m'avoit donnée, qu'aussitost qu'elle auroit receu
+une responce, qu'elle attandoit de la Royne d'Escoce,
+elle procèderoit au faict de sa restitution avec tant de dilligence,
+que Vostre Majesté jugeroit qu'avec plus grande
+ne se pourroit fère, elle a desjà fort amplement traitté, avec
+Mr l'évesque de Roz, des moyens et expédians qu'elle
+veult estre suyviz en cella, et des seuretez et condicions
+qu'elle désire luy estre gardées. A quoy le sieur évesque
+ne luy a contradict en rien, ny ne luy a rien reffuzé; mais
+luy ayant monstre les choses qui en cella se pourroient
+trouver facilles ou difficiles, elle a monstré de ne se restraindre
+tant aulx plus difficiles, qu'elle ne se veuille bien
+accommoder à celles qui seront en la puyssance de la Royne
+d'Escoce d'acomplyr; et ainsy elle a ottroyé au dict sieur
+<span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span>
+évesque sa pleyne liberté, avec licence d'aller conférer librement
+avec sa Mestresse; lequel desjà l'est allée trouver,
+et a emporté ung bien ample saufconduict pour envoyer
+les sires de Leviston ou de Bethon en Escoce, affin
+d'exécuter ce qui a esté arresté, entre la dicte Dame et
+moy, de retirer les siens hors du pays.</p>
+
+<p>J'estime, Sire, que le dict évesque de Roz aura escript
+toute sa dernière négociation à Mr l'archevesque de Glasco
+pour la fère entendre à Vostre Majesté, qui sera cause
+que je ne vous toucheray icy les particularitez d'icelle sinon
+en ce qu'il a semblé que la dicte Dame vouloit fort
+incister d'avoir le Prince d'Escoce en ses mains; et qu'il
+fût envoyé par Vostre Majesté aulcuns des parans de la
+Royne d'Escoce à estre icy quelque temps ostaiges, pour
+l'observance des choses qui seront promises; et que la ligue
+se conclût offancive et deffancive entre l'Angleterre
+et l'Escoce. Mais j'espère, Sire, qu'elle se contantera à
+moins; et affin que aulcune longueur n'y puysse venir de
+nostre costé, le dict sieur évesque m'a très expressément
+requis de suplier très humblement Vostre Majesté qu'il
+vous playse m'envoyer, par ce mesme gentilhomme présent
+porteur, ung pouvoir ample pour assister en vostre nom
+au traitté qui se fera; lequel, pendant que les choses se
+monstrent en assés bonne disposition, il estime estre très
+nécessaire de conclurre sans délay, ou aultrement il y
+courra ung manifeste dangier d'en perdre pour jamais l'occasion.
+Mais, par mesme moyen, il sera vostre bon playsir,
+Sire, de m'envoyer une particulière instruction des
+poinctz où vous desirez que cest affère se réduise pour
+vostre service, affin que vostre intention soit (s'il m'est
+possible) toute la règle de ce qui s'y fera.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span>
+Les affères du duc de Norfolc semblent prendre ung
+mesme acheminement que ceulx de la Royne d'Escoce,
+car la Royne, sa Mestresse, a enfin envoyé deux de son conseil
+parler à luy, qui ne luy ont touché que cinq poinctz;
+sçavoir: celluy de son mariage avec la Royne d'Escoce,
+comme est ce qu'il l'avoit ozé pratiquer sans le sceu de sa
+Mestresse; celluy d'une lettre qu'il avoit escripte au comte
+de Mora, où il disoit avoir passé si avant au mariage
+qu'il ne pouvoit avec son honneur et conscience s'en retirer;
+le troizième, s'il ne s'en vouloit point despartyr maintennant,
+sans jamais y entendre, sinon avec le congé de la
+dicte Royne sa Mestresse; le quatriesme estoit de la religion,
+comme souffroit il que toutz ses principaulx officiers
+et serviteurs fussent ou déclairez ou suspectz Catholiques; et
+le cinquiesme, quelle seurté vouloit il donner à la Royne sa
+Mestresse de luy demeurer à jamais fidelle et obéyssant
+subject et serviteur. A toutes lesquelles choses j'entendz
+qu'il a si bien et sagement respondu que la dicte Dame
+en est assés satisfaicte; et s'espère qu'il sera remiz, du
+premier jour, en sa mayson de ceste ville, mais encores
+soubz quelque garde, pour quelques jours.</p>
+
+<p>L'espérance de la paix de vostre royaulme ayde grandement
+à l'advancement des affères de l'ung et de l'aultre, et
+estime l'on que, succédant icelle, tout yra bien pour eulx;
+mais aussi, si elle ne se conclud, aulcuns ont opinion que
+cecy n'aura esté qu'une aparance pour pouvoir passer l'esté
+sans trouble, et qu'ilz tremperont encores cest yver en leurs
+accoustumées prysons.</p>
+
+<p>J'entendz que le duc d'Alve mène ceulx cy d'ung grand
+artiffice sur l'accord de leurs différantz; car, d'ung costé,
+il les brave bien fort, et les adoulcit encores plus de l'aultre,
+<span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span>
+et leur donne de grandes espérances de la bonne affection
+que son Maistre a d'accommoder, mieulx que jamais,
+leur trafficqz en toutz ses pays; bien que, entendant la
+Royne d'Angleterre qu'aulcuns de ses fugitifz sont passez
+devers le dict duc, et d'aultres sont allez en Espaigne, et
+qu'on lève maintennant des gens de guerre en Flandres,
+elle souspeçonne que c'est plustost contre elle que pour la
+réception de la Royne d'Espaigne, comme l'on en faict le
+semblant; et, à ceste cause, elle a commandé de mettre
+encores en ordre quatorze de ses grandz navyres, oultre
+ceulx qui sont desjà pretz. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">Instruction Au S<sup>r</sup> de Vassal</span>
+de ce qu'il fault fère entendre à Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres:</p>
+
+<p>Qu'après que la Royne de Navarre, en apvril dernier, eust expédié
+devers le Roy les S<sup>rs</sup> de Telligny et de Beauvoys, lorsqu'ilz venoient
+du camp des Princes, et avec eux le S<sup>r</sup> de La Chassetière
+pour adjoinct, elle fit une dépesche par deçà, laquelle a esté si longtemps
+sur mer, qu'elle n'est arrivée que despuys huict ou dix jours:
+et par icelle semble qu'on ayt cogneu que la dicte Dame inclinoit à
+la paix;</p>
+
+<p>Et que par le dict La Chassetière elle ayt faict dire à part au Roy
+et à la Royne qu'il ne tiendroit à elle que la dicte paix ne se fît,
+et qu'elle suplioit Leurs Majestez de vouloir ottroyer à ceulx de la
+nouvelle religion l'éedict de l'an <span class="smcap">LXVII</span>, qu'ilz apellent l'éedict de
+Chartres, et encores ung presche davantaige en la prévosté de Paris,
+et qu'avec cella elle s'esforceroit de les fère contanter et de conclurre
+la dicte paix;</p>
+
+<p>Qu'aulcuns icy ont esté bien ayses de ceste disposition de la dicte
+Dame, comme advenue contre leur espérance, car pensoient que les
+ministres la tiendroient la plus destornée de ce désir qu'ilz pourroient.
+Aultres ont estimé qu'elle s'est trop hastée de parler d'icelluy
+éedict de Chartres, lequel ilz disent estre fort dangereux et de
+nulle seureté; et qu'il eust toutjours esté assés à temps de le requérir,
+<span class="pagenum"><a id="Page_182"> 182</a></span>
+car les menées de court ne permettent qu'on accorde jamais
+les choses ainsy qu'on les demande; ou bien attendre que le Roy
+l'eust offert de luy mesmes, et que eulx l'eussent lors tout librement
+et avec humilité receu de la pure concession et ottroy de Sa
+Majesté;</p>
+
+<p>Que despuys, ne venant de France sinon toutjours nouvelles de
+continuation de guerre, et comme le Roy reffuzoit de rendre les offices
+et bénéfices à ceulx de la dicte religion, et de ne payer leurs reytres,
+Mr le cardinal de Chastillon, désespérant assez, pour ceste cause, de
+la paix, a sollicité plus vifvement que jamais les choses qui pouvoient
+servyr à se maintenir et à maintenir ceulx de son party en
+réputation par deçà, et à se procurer toutjours nouveaulx crédictz
+en Allemaigne.</p>
+
+<p>A quoy semble que l'ayt davantaige confirmé de fère la venue
+d'ung aultre messagier, qui a esté dépesché de la Rochelle après
+le retour des depputez; lequel a aporté une forme d'articles, lesquelz
+à la vérité je n'ay pas veuz, mais l'on m'a dict qu'ilz contiennent
+que le Roy ottroye pour seureté à ceulx de la nouvelle religion
+la Rochelle, Sanxerre et Montauban, plus vingt quatre villes pour
+leur exercisse, lesquelles il nommera après la confection de la paix;
+que les haultz justiciers pourront fère prescher pour eulx, leurs
+subjectz, et ceulx qui y pourront assister; les gentishommes, qui
+ont moyenne justice, auront aussi presche pour eulx et leur famille
+seulement; que la vendition des biens eclésiastiques faicte par les
+Princes sera cassée; les offices de ceulx de la dicte religion demeureront
+vanduz; et que les Princes payeront et renvoyeront leurs
+reytres; et m'a l'on dict que desjà l'on a envoyé les dicts articles
+en Allemaigne avec des additions au marge, qui contiennent les
+raysons pourqnoy on ne les peult ainsy accepter.</p>
+
+<p>Ung Allemand, qui naguières est arrivé de la part du comte Pallatin
+pour donner compte à la Royne d'Angleterre de l'estat des
+choses de delà, nomméement de ce qui se présume de la diette et
+des nopces du prince Cazimir son filz, dict que, parce que les levées du
+Roy en Allemaigne ne passent en avant, celles des aultres demeurent
+aussi en suspens, mais qu'au reste elles se tiennent prestes pour
+le besoing, et que le prince d'Orange s'est retiré pour quelques jours
+en l'estat d'une sienne parente, attandant les nopces du dict Cazimir,
+auxquelles il espère de pouvoir radresser ses affères; et que Mr de
+Lizy ayant passé par Helderberc, où il a séjourné ung jour ou deux,
+après avoir heu quelque petite conférance avec le dict S<sup>r</sup> Pallatin, a
+<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span>
+prins le chemin de Genève avec une troupe de gentishommes Françoys
+qui vont trouver le camp des Princes.</p>
+
+<p>Desquelles apparances de guerre, parce que ceulx cy voyent
+qu'elles ne font poinct cesser les propos qui se mènent de la paix,
+et qu'il se trouve encores des difficultez sur l'accord des différandz
+des Pays Bas, ilz deviennent assez irrésoluz comme debvoir procéder
+ez choses d'Escoce, et craignent bien fort que, de les poursuyvre
+davantaige, la paix de France et la victoire du Roy d'Espaigne
+sur les Mores<a name="FNanchor_8" id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a> ne se convertissent en une guerre sur eulx; ce qui les
+faict plus vollontiers incliner aulx remonstrances que je leur fays
+là dessus. Et encores que le temps et l'ocasion pressent bien fort
+de pourvoir aulx affères d'Escoce, ou aultrement ilz vont incliner à
+la part des Anglois, sans que les Anglois y facent plus grand effort,
+le mesme temps et la mesme ocasion néantmoins semblent se
+monstrer bien à propos au Roy pour pouvoir meintennant conserver,
+sans grand coust et quasi par moyens paysibles, ce que sa couronne
+a heu toutjour d'alliance et d'authorité au dict pays; et croy
+que mal ayséement une aultre foys y pourra il, sans viollance et
+possible sans une grande guerre et à grandz fraiz et difficulté, y remédier.</p>
+
+<p>Les souspeçons ne sont légiers à ceulx cy, du costé du Roy d'Espaigne,
+parce que deux des principaulx hommes d'Irlande sont allez
+à recours à luy, et luy sont allez offrir accez, entrée et obéyssance
+pour la protection de la religion catholique en leur pays; et
+pareillement aulcuns des principaulx fugitifz Anglois, qui s'estoient
+retirez en Escoce, sont passez devers le duc d'Alve. A l'ocasion de
+quoy, le comte de Lestre a, despuys dix jours, faict fère une plaincte
+à Mr l'ambassadeur d'Espaigne de ce qu'on recepvoit les rebelles de
+ce royaulme en Flandres; et il a respondu qu'il n'en sçavoit rien,
+<span class="pagenum"><a id="Page_184"> 184</a></span>
+mais qu'il ne fesoit double qu'ilz ne fussent bien receuz ez terres du
+Roy Catholique, puysqu'ilz estaient chassez pour estre Catholiques,
+mais que ce ne seroit pour y mener rien par armes contre la Royne
+d'Angleterre.</p>
+
+<p>Or, en ce qui concerne les différandz des Pays Bas, il a esté bien
+près d'y mettre ung bon accord, car le duc d'Alve en a faict toutes
+les démonstrations du monde; et en mesme temps est advenu par
+des intelligences, que la Royne d'Angleterre a en Flandres, qu'on
+luy a faict veoir la coppie d'une lettre que le Roy d'Espaigne escripvoit
+au dict duc, par laquelle il luy mandoit de regaigner, par
+toutz les moyens qu'il pourroit, l'amytié de la Royne d'Angleterre
+et des Anglois; dont ilz estiment que la difficulté, qu'il sentoit lors
+en la guerre des Mores, le faisoit parler ainsy, et qu'à ceste heure
+ayant quelque bon succez en icelle, il se veult tenir plus ferme sur
+la restitution des prinses.</p>
+
+<p>Sur laquelle restitution icelluy duc, à l'arrivée des dicts commissaires,
+leur a dict que la demande, qu'ilz estoient venuz fère des
+biens des Anglois, estoit très raysonnable; mais que celle des subjectz
+du Roy, son Maistre, qui demandoient pareillement d'avoir les
+leurs, n'avoit moins de rayson, et qu'il failloit venir à une mutuelle
+satisfaction des deux costez. Et néantmoins, s'estant puys après
+laissé aller à des expédiantz qui revenoient assés à son proffict, et
+qui donnoient grand espérance d'ung accord, il s'en est despuys
+desparty par ung adviz, qu'on luy a envoyé de deçà, d'ung aultre
+proffict plus grand d'envyron cent cinquante mil escuz, s'il retient
+les biens des Anglois; lesquelz biens il a desjà, pour ceste ocasion,
+faictz remettre de nouveau soubz sa main, ou bien les deniers qui
+sont provenuz de la vante d'iceulx; et meintennant l'on est après à
+fère quelque évaluation des ungs et des aultres, pour veoir si l'on
+pourra venir à quelque compensation.</p>
+
+<p>Ceulx qui ont esté les plus contraires à la Royne d'Escoce et à
+ses affères commancent, à ceste heure, de se fère de feste et de luy
+promettre toute faveur et secours; et le mesmes est du duc de Norfolc,
+car ceulx qui ont esté ses plus mortelz ennemys se gettent à
+genoulx devant la Royne, leur Mestresse, pour la suplier pour luy; et
+bien qu'en cella y puisse avoir de la simulation, pour plustost prolonger
+que pour désir d'ayder ses affères, ilz semblent néantmoins
+estre resduictz à ung poinct que, si quelque nouveau accidant ou
+quelque grand malheur ne survient, ilz seront pour estre bientost
+accommodez.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span></p>
+<div class="blockquote">
+<p class="center smcap">AULTRE INSTRUCTION A PART:</p>
+
+<p>Que ce qui plus me fait incister icy aulx choses d'Escoce, et en
+solliciter pareillement Leurs Très Chrestiennes Majestez, est qu'il ne
+peult revenir que à une merveilleuse diminution de leur estime et
+grandeur, de se laysser ainsy arracher comme par force la Royne
+d'Escoce et les Escouçoys de leur protection; et de souffrir que la
+Royne d'Angleterre leur emporte de leur temps ceste alliance, qui a
+esté conservée huict centz ans à la couronne de France, et laquelle
+assés souvant luy a esté très utille, et quelquefoys bien fort nécessaire.</p>
+
+<p>Et je considère que, de s'y opposer meintennant par Leurs Majestez,
+ce n'est les mettre en nouvelle guerre, ains plustost divertir
+celle qui leur pourroit venir d'icy; ny mettre le Roy en grandz frays
+de ses deniers, ains empescher que les Anglois n'envoyent les leurs
+en Allemaigne contre luy; ny l'attacher à de grandes difficultez, car
+la seule démonstration de vouloir envoyer mille harquebouziers en
+Escoce, ou le passaige d'iceulx seulement, rendra ceste entreprinse
+achevée sans aulcunement venir aulx mains, de tant qu'ung chacun
+juge que la Royne d'Angleterre ne les sentyra sitost joinctz aulx
+Escouçoys partisans pour leur Royne, lesquels à présent sont les plus
+fortz, qu'elle ne viegne à telle composition qu'on vouldra; et si, ne
+demeurera que plus ferme en la paix, joinct que je n'ay faict ceste
+instance, sinon après que, par la conférance de ceulx qui entendent
+bien l'estat de ce royaulme, j'ay comprins que c'estoit jouer à boule
+veue.</p>
+
+<p>Et puys, je voy que ceulx qui ont persévéré jusques icy en l'affection
+du Roy, s'ilz ne sont entretenuz de quelque bon espoir, voyre
+de quelque démonstration de son présent secours, comme de celluy
+seul entre les princes chrestiens, qui justement et légitimement peult
+mouvoir ses armes en ceste cause, ilz se vont sans aulcun doubte
+jetter ez braz du Roy d'Espaigne, et bien que ce ne soit aultant de
+droict, comme ez braz du Roy, ilz ont néantmoins desjà leurs messagiers
+devers luy, et à ceulx là est desjà faicte promesse de secours;
+mesme le duc d'Alve leur donne entendre qu'il est si prest qu'il ne
+reste sinon que la Royne d'Escoce envoye son pouvoir et consantement
+pour l'acepter.</p>
+
+<p>Et de ce, la dicte Dame a naguières receu ses lettres ou bien celles
+de son Maistre, car je ne sçay encores duquel des deux; tant y a
+<span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span>
+qu'on l'asseure fort que, en toutes sortes, elle sera assistée et aydée à
+sa restitution par le Roy Catholique, lequel cependant l'exorte de se
+réserver libre de son mariage, et de ne s'obliger à nul, sinon avec
+l'adviz et bon conseil qu'il luy en donnera.</p>
+
+<p>Néantmoins commanceans les affères d'Escoce de s'acheminer par
+la gracieuse voye de la négociation, que Leurs Majestez m'ont commandé
+de fère, j'espère qu'elles succéderont assez sellon leur désir,
+sans y fère aultre effort ny despence; mais à toutes advantures, parce
+que la malice des ennemys, et la faulte de cueur des amys, et la
+jalouzie de ceste Royne contre sa cousine sont choses que j'ay toutjour
+fort suspectes, je désire que Leurs Majestez voyent à clair quel
+a esté et quel est le cours de ceste affère, affin qu'ilz puyssent juger
+quant, et commant, et en quelle sorte il y pourra fère bon.</p>
+
+<p>Après que j'ay heu, par deux foys, résoluement déclairée à la
+Royne d'Angleterre qu'elle ne pouvoit, sans contravention des trettez,
+envoyer ses forces en Escoce, et que pourtant elle debvoit accepter
+les honnestes condicions et offres que la Royne d'Escoce luy
+faisoit, par le moyen desquelles elle obtiendroit, mieulx que par la
+force et sans aulcune despence, ce qu'elle prétandoit, et si, auroit
+conservé l'amytié du Roy, la dicte Dame a demeuré quelques jours
+fort incertaine comme elle en uzeroit; dont aulcuns des siens, craignantz
+le changement de sa dellibération, ont trouvé moyen, il y
+a envyron quinze jours, de luy fère signer une lettre au comte de
+Sussex pour le fère passer si avant en l'entreprise qu'on ne s'en peult
+plus retirer.</p>
+
+<p>De quoy m'ayant esté donné adviz, et estant bien informé que la
+dicte lettre avoit esté substraicte, j'envoyay incontinent solliciter
+ceulx, qui avoient bonne affection en ceste cause, de le fère entendre
+à la dicte Dame, et de convaincre vers elle ceulx qui avoient ozé entreprendre
+ung tel faict, et qui la vouloient, contre toute rayson,
+mettre en guerre avecques le Roy.</p>
+
+<p>Ce que ayant bien oportunéement sceu fère, ilz ont si bien irrité
+la dicte Dame qu'elle a monstré d'en estre fort courroucée, et qu'en
+toutes sortes elle vouloit sortir par quelque aultre meilleur moyen
+hors de cest affère; dont, assignant jour à ceulx de son conseil d'en
+venir délibérer devant elle, les ungs, pour rompre le coup, ont trouvé
+bon de s'absenter en ceste ville par prétexte du terme de la justice,
+et les aultres, ne pouvant contradire à cella, y sont venuz aussi
+pour le mesme prétexte, mais en effect ce a esté pour fère des assemblées
+séparéement avec les partisans et amys, pour voir comme
+<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span>
+ilz pourroient, de chascun costé, advancer leur intention et retarder
+d'aultant celle des aultres.</p>
+
+<p>Et enfin milord Quiper, qui est chef de la partie contraire, après
+avoir bien consulté avecques les siens, avoit, au partir de ceste ville,
+délibéré de s'en aller en la contrée pour allonger et interrompre la
+matière; mais le comte d'Arondel le prévint en son propre logis, et
+le somma de se trouver, le &#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour après, devers la Royne leur Mestresse
+pour résouldre cestuy et aultres très urgentz affères, «qui ne
+pouvoient, disoit il, sans mettre la dicte Dame et son royaume en
+grand dangier, estre plus prolongez.»</p>
+
+<p>Icelluy Quiper, en grand collère, luy respondit qu'il ne délibéroit
+de retourner en court, qu'il ne fût plus de trois foys fort expressément
+appellé, veu que la Royne tenoit si peu de compte d'observer
+les choses une foys arrestées, et qu'elle mesprisoit à ceste heure ses
+conseilz, et ne recepvoit plus sinon ceulx qui luy estoient très dommaigeables,
+ès quelz il ne vouloit en façon du monde intervenir.</p>
+
+<p>Le comte répliqua que à la charge qu'il avoit ne convenoit bien de
+gouverner ainsy ce royaulme par collère, car c'estoit par rayson et
+justice qu'il le debvoit modérer, et qu'il se sçauroit aussi bien courroucer
+que luy s'il vouloit; mais qu'il prévoyoit ung si grand inconvéniant
+d'une généralle sublévation en ce royaulme et de tant de
+guerres avecques les estrangiers, qu'il ne pouvoit pour son debvoir
+différer plus longtemps d'en avertyr sa Mestresse, et qu'il falloit que
+luy, comme son premier conseiller, s'y trouvast présent pour en dellibérer,
+ce que, s'il reffuzoit de fère, qu'il fût asseuré qu'il luy seroit
+reproché; et que, absent ou présant, il ne lairroit de bien chanter
+les vespres au secrétaire Cecille, car ce n'estoit que d'eulx deux que
+procédoit le retardement de toutz les affères de ce royaume. Cella
+fut lors cause que le dict Quiper s'estant ung peu remiz, et estant
+le propos venu à plus gracieulx termes entre eulx, ilz se promirent
+l'ung à l'aultre de se trouver, le cinquiesme jour après, à
+Amptoncourt.</p>
+
+<p>Pendant laquelle assignation, le secrétaire Cecille fit tout ce qu'il
+peult pour destourner la dicte Dame de son bon propos, et luy oza
+bien dire assés licentieusement, présent le comte de Lestre, qu'elle
+s'en alloit habandonnée de ses meilleurs serviteurs, puysqu'elle se
+vouloit ainsy précipiter d'elle mesmes en ung manifeste et trop certain
+péril de sa propre personne et estat par la restitution et dellivrance
+de la Royne d'Escose.</p>
+
+<p>A quoy, en collère, elle luy demanda comme il cognoissoit cella,
+<span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span>
+car jusques à ceste heure, elle n'avoit ouy nulle rayson de luy là
+dessus qui ne fût playne de passion et de hayne, et comme il ne
+respondoit rien, le comte de Lestre dict: «Voyez, Madame, quel
+homme est le secrétaire, car se trouvant hier avec nous tous à Londres,
+il asseura qu'il vous donroit conseil de restituer la Royne
+d'Escoce, et meintennant il parle en toute aultre façon.»&mdash;«Ainsy,
+respondit elle, me raporte il plusieurs choses assés souvant de vostre
+part, qui puys après est tout le contraire. Quoyqu'il y ayt, maistre
+Secretary, dict elle, je veulx sortyr hors de cest affère et entendre à
+ce que le Roy me mande, et ne m'en arrester plus à vous aultres
+frères en Christ.»</p>
+
+<p>Sur cella, m'estant arrivée la dépesche du Roy du &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de may, il
+a esté le plus à propos du monde que j'aye faict ceste troisième recharge,
+du xx&#305;&#567;<sup>e</sup> du dict moys, à la dicte Dame, comme je luy ay
+desjà mandé, par laquelle voyantz les adversayres qu'elle se layssoit
+conduyre à la rayson, et que desjà elle m'accordoit de retirer ses
+forces hors d'Escoce et de procéder à la restitution de la Royne sa
+cousine; après que j'en ay heu aussi parlé au conseil, ilz ont préparé
+l'ung d'entre eulx pour venir, en présence des aultres, tenir le
+merveilleux et bien insolant propos qui s'ensuyt;</p>
+
+<p>C'est de dire à la dicte Dame «qu'elle estoit estrangement pipée
+et trompée en ceste affère, car il estoit désormais trop clair que
+ceulx, de qui elle commançoyt de suyvre le conseil, estoient toutz
+gens partiaulx et bandez contre elle en faveur de la Royne d'Escoce,
+et qu'il n'y avoit rien plus aparant et vraysemblable; que les propos
+de moy ambassadeur estoient emprumptez, ou de Mr le cardinal
+de Lorrayne qui m'avoit mandé d'ainsy parler, ou de la Royne d'Escoce
+qui m'en avoit prié; et que, veu les affères que le Roy avoit
+chez luy, il n'estoit pour mander et encores moins pour fère ce que
+je disoys; et que desjà l'on avoit passé si avant aulx choses d'Escoce
+qu'il n'estoit plus temps de s'en retirer, ny la dicte Dame ne pourroit
+désormais, sans dangier et sans perdre trop de réputation, rappeller
+ses forces de Lislebourg; mais que, si elle poursuyvoit son
+entreprinse, il estoit trop évidant que l'Escoce s'en alloit conquise,
+et les Escouçoys toutz renduz ses subjectz et tributaires, et son
+authorité establye au dict pays, et sa religion à jamais confirmée par
+toute l'isle;</p>
+
+<p>»Que ce qu'il disoit estoit ung bon et droict conseil, et ce qu'on
+alléguoit au contraire estoit tout faulx et suspect, et qu'il vouloit
+mourir pour une si digne querelle, laquelle convenoit à la grandeur
+<span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span>
+et dignité de la couronne d'Angleterre, non de se mouvoir ainsy ny
+de changer de délibération pour les parolles d'un ambassadeur,
+comme il sembloit que la dicte Dame vouloit fère, et que le Roy,
+Henry VIII<sup>e</sup>, n'eust pas lasché prinse, ainsy que honteusement et
+misérablement l'on le conseilloit à elle de le fère; et qu'il offrait, au
+cas que, pour l'amour de la Royne d'Escoce, les Françoys passassent
+de deçà, que luy mesmes luy yroit trancher la teste, s'il playsoit à la
+Royne luy en bailler la commission, s'atachant particullièrement au
+comte de Lestre comme pour le taxer qu'il ne se monstroit fidelle en
+cest endroict à sa Mestresse.»</p>
+
+<p>Le comte luy a respondu «que ces propos estoient d'ung homme
+indigne d'estre au conseil de la Royne, et que, de sa part, il l'avoit
+conseillée droictement sellon conscience et honneur, et sellon qu'il
+estoit dellibéré de vivre et mourir en l'opinion qu'il luy avoit donnée,
+et mesmes à maintenir, contre quiconques vouldroit dire le contraire,
+qu'il ne luy avoit rien dict qui ne fût digne d'ung très bon et
+très fidelle conseiller, serviteur et subject; et puysqu'ilz en venoient
+là, qu'ilz fissent tout le piz qu'ilz pourroient de leur costé, et
+que la dicte Dame regardât quel party elle vouldroit prandre, car
+luy et plusieurs aultres estoient résoluz de persévérer à jamais en leur
+délibération.»</p>
+
+<p>La dicte Dame, se trouvant en perplexité, a respondu en collère
+au premier qui avoit parlé, «que ses conseilz estoient toutjour semblables
+à luy mesmes, qui ne luy en avoit jamais donné que de témérayres
+et dangereux, et que, tant s'en falloit qu'elle vollût avoir
+ung aultre royaulme au pris qu'il disoit de la vie de sa cousine,
+qu'elle aymeroit mieulx avoir perdu le sien que de l'avoir consenty;
+et qu'il n'entreprint sur sa teste de tenir jamais plus un tel langaige,
+et qu'au reste eulx toutz mettoient ses affères, et elle, et son estat,
+en grand dangier, de se porter ainsy tant contraires et opposans en
+leurs opinions.»</p>
+
+<p>Sur cella, après quelque peu de silence, le comte d'Arondel a
+commancé de dire «que la collère, ny la passion, ny la hayne ou
+amytié, qu'on pouvoit avoir à la Royne d'Escoce, ne les debvoit mouvoir
+de donner conseilz précipitez ni dangereux à leur Mestresse,
+ny de venir à nulle contention entre eulx, ains procéder en tout par
+prudence et modération; et que luy vouloit, en présence d'elle et
+de son conseil, librement dire qu'il estoit trop clair qu'en l'entreprinse
+d'ayder une partie des Escouçoys qui estoient désobéyssantz,
+ou qui avoient quel autre prétexte que ce fût contre leur Royne
+<span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span>
+Souverayne, ne pouvoit avoir rien de seurté, ny d'équité, ny de
+proffict, ny rien aultre chose que force difficultez, force despences,
+une très mauvaise estime des gens de bien, une grande offance des
+aultres princes, et une très certaine ouverture de plusieurs guerres,
+que la dicte Dame et son royaulme n'estoient pour pouvoir soubstenir;</p>
+
+<p>«Que c'estoit mal juger des parolles miennes, qu'elles fussent empruntées,
+car jusques icy l'on les avoit trouvées conformes à celles
+du Roy Mon Seigneur, et leur mesmes ambassadeur par ses lettres
+les avoit souvant confirmées; et qu'on n'avoit encores veu, quant ung
+ambassadeur d'ung si grand prince avoit résoluement dict <em>ouy ou
+non</em>, qu'il se trouvât puys après aultrement; car seroit exemple fort
+nouveau, qu'ung ambassadeur se mît en dangier d'estre désadvouhé,
+et n'en fauldroit plus envoyer si l'on en venoit là; par ainsy, qu'ayant
+esté mon dire clair et exprès, il n'y avoit point de doubte qu'il ne
+fût procédé du commandement et de l'intention du Roy Mon Seigneur;</p>
+
+<p>»Qu'il n'y auroit ny honte, ny dangier, de se retirer de ceste entreprinse
+d'Escoce; de honte, parce que cella se feroit sur l'instance
+et prière d'ung grand Roy pour conserver la paix et les trettez, lequel
+promettoit non seulement de n'attempter rien de son costé,
+mais d'accomplir toutes choses à l'advantaige de la Royne; et encores
+moins de dangier, car ne seroit mal aysé de ramener les gens
+qui estoient à Lislebourg jusques à Barvich, sans qu'on en perdit pas
+ung;</p>
+
+<p>»Que possible le Roy Henry VIII<sup>e</sup> n'eust pas vollu lascher prinse,
+mais de son temps l'Angleterre estoit en meilleure disposition et
+mieulx unye que meintennant, et si l'avoit il merveilleusement espuysée
+et ruynée pour les guerres de France; ès quelles toutesfoys il
+n'avoit jamais ozé rien entreprendre qu'il n'eust ung Empereur pour
+compaignon, là où tant s'en failloit qu'on peult fère meintennant estat
+du Roy Catholique, son filz, que au contraire l'on l'avoit bien
+fort offancé, et si enfin les entreprinses du Roy Henry en France
+estoient tornées à rien; que pourtant la dicte Dame advisât de prendre
+l'expédiant qui plus luy pouvoit admener de paix et de seurté en
+son royaulme, qui plus luy pouvoit confirmer l'amytié des aultres
+princes, et qui plus pouvoit justiffier la droicture de ses intentions
+envers Dieu et les hommes.»</p>
+
+<p>A ceste opinion ayant celluy du conseil, qui est le plus homme
+de guerre, adjouxté qu'il se offroit d'aller luy mesmes retirer les
+<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span>
+Anglois, qui estoient à Lislebourg, en si bonne sorte que, sans
+aulcun dangier et à l'honneur de la Royne, il les reconduyroit toutz
+à Barvich, il fut conclud qu'on advertiroit incontinent le comte de
+Sussex de l'accord d'entre la dicte Dame et moy, pour donner ordre
+qu'on n'eust à fère nulle entreprinse davantaige dans l'Escoce.</p>
+
+<p>Mais, le lendemain, survint ung inconvéniant qui cuyda tout gaster,
+car ayant l'évesque de Roz escript une fort courtoyse lettre au comte
+de Lestre pour obtenir de la Royne qu'elle luy vollût donner audience,
+affin d'avoir confirmation de sa bouche des choses que je luy
+avois dict qu'elle accordoit, pour les pouvoir, plus seurement escripre;
+elle ne se peult tenir qu'elle ne dict au dict comte que la lettre
+l'arguoit de souspeçon, qu'on luy imposoit, d'avoir trop prins à cueur
+le party de la Royne d'Escoce: laquelle parolle le piqua si fort qu'après
+s'estre plainct de ce qu'elle vouloit ainsy tourner l'honnesteté
+de la lettre à son trop grand préjudice, il luy dict: «qu'il ne luy
+avoit jamais donné occasion de penser aultrement de luy que comme
+d'ung sien bon conseiller, qui a toutes les obligations du monde de
+ne luy estre jamais aultre que son très obéissant et très fidelle serviteur;</p>
+
+<p>«Que, en ce qu'il luy conseilloit de la Royne d'Escoce, il croyoit,
+comme en Dieu, que consistoit tout son repos et sa principalle
+seurté, et que de fère le contraire estoit sa ruyne et destruction, et
+qu'il ne changerait jamais d'adviz, estant en elle de suyvre lequel
+qu'elle vouldroit; mais que, pour ne luy donner aulcun souspeçon
+de luy, il se privoit désormais fort vollontiers de n'entrer plus en
+son conseil.» Et ainsy s'en partit pour lors, et s'en vint à Londres,
+bien que, incontinent après, la dicte Dame luy envoya, et au marquis
+de Norampton, une commission pour parler au dict évesque de Roz,
+affin dé luy confirmer les choses qu'il desiroit, car pour encores
+elle ne le vouloit admettre en sa présence; toutesfois cella a esté rabillé
+despuys, et le dict comte mesmes a faict parler le dict évesque
+à la dicte Dame.</p>
+
+<p>Ceste tant grande division de court, laquelle est encores plus
+grande dans le royaulme, est cause dont, pour ne laysser intéresser
+le Roy ny sa couronne d'une si ancienne alliance, j'ay ainsy entreprins
+de m'oposer à ceulx de ce conseil qui s'esforcent de la luy oster,
+qui ne sont personnaiges guières principaulx, ny bien fort authorizez,
+pour me joindre aulx aultres qui font tout ce qu'ilz peuvent
+pour la luy conserver, qui sont les premiers et plus nobles de ce
+royaulme, et d'en escripre ainsy que j'ay faict à Leurs Majestez.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVI</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Vollet.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Nouvelle irritation d'Élisabeth contre l'évêque de Ross, Marie Stuart et le
+duc de Norfolk.&mdash;Changement opéré dans les résolutions de la reine
+d'Angleterre.&mdash;Nouvelles d'Écosse, où le traité conclu par l'ambassadeur
+a commencé à recevoir son exécution.&mdash;Mesures prises contre ceux qui
+répandraient les bulles du pape en Angleterre.&mdash;Affaires d'Allemagne.&mdash;Propositions
+que doit faire le pape à la diète de Spire.&mdash;Messager envoyé
+à Londres par l'amiral Coligni.&mdash;Motifs qui ont changé les résolutions
+d'Élisabeth.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, il n'y avoit guières plus de deux heures que le S<sup>r</sup>
+de Vassal estoit party, pour vous aporter ma dépesche du
+x&#305;<sup>e</sup> du présent, quand le S<sup>r</sup> de Sabran est arrivé avec celle
+de Vostre Majesté du dernier du passé, sur laquelle
+m'ayant la Royne d'Angleterre assigné audience à demain,
+je mettray peyne, Sire, de fère, s'il m'est possible,
+qu'elle veuille bien conformer son intention à ce que me
+mandez estre de la vostre; et de luy oster, si je puys, une
+nouvelle offance, que, despuys huict jours, elle a conservé
+contre l'évesque de Ross avec tant d'indignation qu'elle
+jure de ne le vouloir jamais veoir, ainsy que le S<sup>r</sup> de Vassal
+vous l'aura peu dire, chose que je crains assés que me
+sera bien difficile de remédier, et qui pourra possible retarder
+beaucoup les affères de la Royne d'Escoce; mesmement
+que ceulx, qui nous sont contraires, ont heu desjà
+de quoy fère de là ung mauvais office contre elle, c'est de
+changer la pluspart des bonnes dellibérations qui avoient
+esté faictes sur les choses du Nord et d'Escoce; et ont aussi
+<span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span>
+miz tant de traverse à la liberté du duc de Norfolc, qu'il
+semble qu'elle soit meintennant bien fort retardée, ny
+ceulx qui veulent bien à la Royne d'Escoce et au dict duc
+n'ont peu mieulx, pour ce coup, que de céder ung peu au
+courroux de leur Mestresse; dont le comte de Lestre s'est
+absenté pour douze ou quinze jours en sa maison de Quilingourt,
+et le comte d'Arondel s'en est venu en ceste
+ville. Et cependant noz affères dorment, sinon en tant que
+noz ennemys les vont réveillant pour les fère eschapper;
+mais j'espère qu'après le retour du dict évesque
+et de ces seigneurs, nous y donrons telle presse qu'il
+nous y serra baillé une bonne ou bien une mauvaise résolution.</p>
+
+<p>J'entendz que la dicte Royne d'Angleterre a heu si
+grand désir de contanter Vostre Majesté, sur ce qu'elle
+m'avoit promiz de révoquer ses gens de Lislebourg, que,
+l'ayant, incontinent après ma précédante audience, mandé
+au comte de Sussex, il les a heu retirez premier qu'on luy
+ayt peu fère nul contraire mandement; de sorte que
+Drury, avec ses quatorze centz hommes, car plus grand
+nombre n'en avoit il mené par dellà, a esté de retour à
+Barvyc le &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce moys: j'en sçauray demain par la
+dicte Dame encores mieulx la certitude, et pareillement si
+elle aura poinct retiré sa garnyson de Humes et de Fascastel.
+L'on dict que le comte de Lenoz est arrivé à Lislebourg,
+et que ceulx du party du jeune Prince, son petit
+filz, l'ont associé au gouvernement; néantmoins que le
+duc de Chastellerault et les trois comtes d'Honteley, d'Arguil
+et d'Athel, lesquelz ont, dez le x<sup>e</sup> de may, soubzsigné
+à l'authorité de la Royne d'Escoce, et qui se portent toutz
+quatre conjointement lieutenants d'elle, avec l'aprobation
+<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span>
+du reste de la noblesse et du pays, commancent de
+réduyre toutes choses bien fort à leur dévotion.</p>
+
+<p>Cependant l'on se trouve icy en grand perplexité et en
+plusieurs difficultez, pour la bulle dont vous ay cy devant
+escript, et en ont ceulx de ce conseil miz la matière en délibération;
+mais ne s'en pouvans bien accorder, ilz ont faict
+une grande assemblée des plus sçavans de ce royaulme
+pour veoir comme il y fauldroit procéder; et m'a l'on dict
+qu'il est résolu que ceulx, qui auront ozé, ou qui auzeront
+cy après, entreprendre d'aficher bulles, proclamations, placartz
+ou aultres telles choses si expresses contre la Royne,
+en lieux publicz, seront attainctz et convaincuz de lèze majesté,
+et les aultres qui s'en trouveront seulement saisis,
+n'encourront pas du tout si grand crime, mais ilz n'évitteront
+pourtant l'indignation du prince; et semble bien que,
+à l'ocasion de la dicte bulle, les Catholiques sont plus durement
+traittez, et qu'on a plus grand aguet à les observer
+de près qu'on n'avoit auparavant; mesmes le dict évesque
+de Roz a senty que cella est venu ung peu hors de temps
+pour sa Mestresse.</p>
+
+<p>L'escuyer du prince d'Orange arriva icy la sepmaine passée,
+sur les navyres qui revenoient de conduyre la flotte
+de Hembourg; qui a aporté lettres de son maistre à ceste
+Royne, et au comte de Lestre, et au secrétaire Cecille,
+et encores d'aultres lettres à la dicte Dame de son agent qui
+est en Allemaigne, en datte ces dernières du xxv&#567;<sup>e</sup> de may;
+qui contiennent divers adviz, premièrement, que la diette
+a esté prolongée du xx&#305;&#567;<sup>e</sup> de may au xx&#305;&#567;<sup>e</sup> de juing, et que
+le Pape a fort conjuré l'Empereur de s'y trouver, qui aultrement
+s'en vouloit fort excuser, et ce, pour deux considérations,
+que Sa Saincteté a heues, dont l'une se publie
+<span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span>
+assés, qui est pour mettre en avant ung décrect qu'il ne
+soit désormais plus loysible aulx Allemans d'aller travailler
+les estatz des aultres princes chrestiens, par prétexte de secourir
+leurs subjectz pour la cause de la religion; et l'aultre,
+laquelle on tient secrecte, est pour fère passer ung aultre
+décrect contre les comte Pallatin et duc de Vitemberg, et
+contre quelconques princes, ou aultres, qui se seroient despartys
+et séparez des deux religions receues en l'Empire:
+sçavoir, la Catholique et celle de la confession d'Auguste,
+affin de les priver non seulement de l'eslection, dignitez,
+charges, estatz et aultres leurs prééminances, mais y en
+subroger tout incontinent d'aultres, et les exclurre eulx,
+pour jamais, de la paix publicque d'Allemaigne. Ce qu'ayant
+le duc Auguste descouvert, et craignant que la présente
+désauthorisation et ruyne de ces princes ne fût puys après
+celle de luy mesmes, a vollu interrompre la dicte diette;
+mais ne le pouvant fère, les dictes lettres portent que, par
+prétexte de conduyre sa fille en son mesnaige, il s'est accompaigné
+du Lansgrave et de huict ou neuf mil chevaulx,
+pour s'opposer aulx décrectz, et qu'ung chacun juge, puysqu'il
+s'en vient ainsy à Heldelberg, qu'il se trouvera sans
+faulte à la dicte diette et que mal ayséement s'achèvera
+elle sans quelque tumulte, puysque luy et les aultres
+princes se vont ainsy acompaignant; qu'il s'estimoit que
+le Cazimir, incontinent après la dicte diette, ou bien plustost,
+s'achemineroit avec ses reytres au secours des Princes
+et de l'Admyral de France; que le duc Jehan Guillaume
+de Saxe avoit donné pour Vostre Majesté le alliguet<a name="FNanchor_9" id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a> à ses
+gens pour les fère marcher par tout le moys de may; et
+<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span>
+qu'il avoit dict aulx aultres princes protestantz que ce qu'il
+en faisoit n'estoit que pour se maintenir en crédit vers Vostre
+Majesté, et en la pancion que vous luy donnez; laquelle
+luy faisoit bien besoing pour s'entretenir, mais qu'il ne
+nuyroit en façon du monde à ceulx de la nouvelle religion;
+et qu'au reste, l'on se resjouyssoit bien fort en Allemaigne
+de ce que le Roy d'Espaigne s'estoit modéré vers les Flamans
+de leur avoir ottroyé ung pardon général par où l'on
+espéroit que les Pays Bas se maintiendroient en paix; et
+est l'on icy après à dépescher le dict escuyer pour s'en retourner
+devers son maistre.</p>
+
+<p>Mr l'Amyral a trouvé moyen de fère passer jusques icy
+en grand dilligence devers Mr le cardinal de Chatillon ung
+messagier, qui n'a point aporté de lettres, mais seulement
+créance de bouche; de laquelle je n'ay encores entendu le
+contenu, sinon que on m'a dict que c'est pour les choses
+d'Allemaigne, et si n'ay rien sceu du dict homme jusques à
+ce qu'il a esté renvoyé, car n'a esté arresté que deux jours
+icy, et s'en retourne, à ce qu'on dict, par Paris soubz quelque
+passeport emprumpté.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, de ce que Mr l'évesque de Roz, deux jours
+après que la Royne d'Angleterre luy eust ottroyé sa liberté,
+a esté trouvé partant de nuit avec le comte de Southanton,
+jeune seigneur catholique; et de ce qu'on se persuade que
+la bulle du Pape n'a esté expédiée sans le consentement de
+Voz Majestez Très Chrestiennes et du Roy d'Espaigne;
+et qu'en mesmes temps milord de Morlay, principal seigneur
+<span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span>
+d'Angleterre, beau filz du comte Derby, estant appellé
+en ceste court n'y est vollu venir, ains est passé delà
+la mer à Doncquerque; plusieurs choses en ce royaume
+monstrent tendre à quelque altération, mesmes que, pour
+les dicts accidentz, icelluy comte de Soutanthon a esté
+mandé et aussitôt miz en arrest ez mains du capitaine de
+la garde; et maistre Cormuaille, ancien conseiller, et plusieurs
+aultres Catholiques ont esté examinez et aulcuns
+d'eux miz en la Tour; et le duc de Norfolc, qui attandoit
+quelque eslargissement, a esté resserré. Dont je crains
+aussi que les affères de la Royne d'Escoce, qui commançoient
+de s'acheminer, en soient de mesmes bien fort esloignez
+et retardez, mais je feray, pour le regard de ce dernier,
+le mieulx que je pourray envers la dicte Dame pour
+la fère passer, oultre en ce qu'elle m'a commancé d'accorder:
+et j'espère, Madame, que j'en descouvriray demain
+assés son intention, bien que, pour l'absence du comte de
+Lestre, ny elle ne vouldra m'en donner sa résolution, ny
+moy cercher de l'avoir, si je sentz qu'il n'y face bon. Sur
+ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Jacques Tauriel.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Détails d'audience.&mdash;Changement de conduite de la reine d'Angleterre.&mdash;Ses
+plaintes contre le pape.&mdash;Sa colère contre Marie Stuart et l'évêque de
+Ross.&mdash;Insistance de l'ambassadeur pour que le traité touchant l'Écosse
+reçoive son exécution.&mdash;Déclaration d'Élisabeth qu'elle va donner les ordres
+nécessaires à l'effet de faire retirer ses troupes, et qu'elle consent à
+traiter de la restitution de Marie Stuart.&mdash;Motifs secrets qui font agir la
+reine d'Angleterre.&mdash;Nouvelles des protestans de France; leur désir d'en
+venir prochainement à une bataille décisive.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, il n'est advenu sinon, ainsy que je l'avois pencé,
+que je trouverois à ceste heure la Royne d'Angleterre aultrement
+disposée que lorsque je parlay à elle, le xx<sup>e</sup> du
+passé, non toutesfoys ez choses qui sont particullières de
+Vostre Majesté, car en celles là m'a elle respondu comme
+les aultres foys; c'est de desirer toutjour la paix de vostre
+royaulme et que son ambassadeur luy puisse bientost mander
+la conclusion d'icelle, estant bien marrye qu'on la va
+ainsy prolongeant; et qu'elle vouldroit bien sçavoir si tout
+ce que les aultres, de leur costé, disent que Vostre Majesté
+leur a offert est vray; et, quoy que soit, que, comme
+Chrestienne, elle desire que vous les accommodiez en leur
+religion, et, comme Royne, qu'ilz vous randent entièrement
+ce qu'ilz doibvent à vostre authorité.</p>
+
+<p>A quoy je luy ay satisfaict, sellon que la lettre de Vostre
+Majesté, du dernier du passé, m'a baillé ample argument
+de respondre au tout, avec ung sommaire récit de
+l'estat de votre armée, soubz la conduicte de Mr le mareschal
+<span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span>
+de Cossé, et des exploictz que Mr le mareschal de
+Danville a faictz du costé du Languedoc; ce qui n'a esté
+sans parler des aprestz d'Allemaigne et des nopces du
+Cazimir, par manière toutesfoys de me demander ce que
+j'en sçavois: et je n'ai obmiz de mencionner aussi les
+levées du duc Jehan Guillaume de Saxe et de Bronsouyc,
+comme elles commançoient de bransler pour Vostre Majesté.</p>
+
+<p>Et a la dicte Dame faict venir, par deux foys, à propos
+de me dire que l'Empereur luy a naguières escript avec
+aultant d'abondance, d'affection et de bienveuillance,
+comme au contraire le Pape s'est esforcé de luy donner
+ung bien mauvais salut par une sienne bulle, en laquelle
+il l'appelle <em>flagiciorum serva</em>; mais que c'est chose de
+quoy elle ne se soucye guières, sinon qu'elle pense que
+tant d'estranges et insolantz désordres, qu'on voyt advenir,
+présagent bientost la fin du monde; et, avec un rire extraordinaire,
+m'a compté la façon dont mylord de Morlay,
+estant désembarqué à Donquerque, a demandé de parler au
+bourgemestre de la ville, se faisant ung des plus avancez
+et des plus illustres seigneurs d'Angleterre.</p>
+
+<p>Et se sont jusques là toutz noz propos passez bien fort
+gracieusement; mais, quant c'est venu à toucher du faict
+de la Royne d'Escoce, il est bien mal aysé, Sire, que je
+vous puisse dire en combien de façons la dicte Dame a
+monstré qu'on l'avoit de nouveau exaspérée et aigrie contre
+elle et contre l'évesque de Roz; car luy ayant seulement
+suyvy la teneur de voz lettres avec les honnestes
+satisfactions qui y sont, elle, en commémorant ses bienfaictz
+vers sa cousine, m'a récité les offances vieilles et
+nouvelles qu'elle a receu d'elle et de ses ministres, et
+<span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span>
+qu'elles luy estoient si griefves que, si elle les eust tenues
+aussi vériffiées, il y a ung moys, comme elle faict meintennant,
+elle n'eust heu garde d'entrer en nul tretté des
+affères de la dicte Dame avec moy; et qu'elle entendoit
+que, nonobstant le dict tretté, Vostre Majesté faisoit embarquer
+quelques gens en Bretaigne pour envoyer à Dombertrand,
+ce qu'elle remettoit bien à vostre discrétion, et
+vouldroit qu'il fût vray, car ne fauldroit plus parler d'accord;
+toutesfoys qu'elle pence que c'est parce que je vous
+ay mandé l'acheminement de ces harquebuziers, que le
+comte de Sussex avoit envoyez au comte de Morthon, en
+quoy je eusse bien faict de ne me haster de le vous escripre
+sans en parler à elle ou à son secrétaire, qui m'eussent faict
+entendre que ce n'estoit aulcunement pour se mesler des
+droictz du royaulme entre la Royne d'Escoce et son filz,
+mais pour s'opposer à ceulx qui favorisoient et recepvoient
+ses rebelles, et pour donner ayde à ceulx qui les vouloient
+chasser; que, en ce que je lui avois dict que les Escouçoys
+estoient après à vous sommer de leur envoyer secours par
+vertu de voz alliances, qu'elle croyoit bien que Ledinthon,
+qui avoit esté le plus traystre de toutz à sa Mestresse,
+conseilloit meintennant de ce fère, mais qu'elle pense que
+Vostre Majesté n'escoutera de si meschantz subjectz que
+ceulx là, et ne vouldra pour eulx oublyer une si rescente
+preuve d'amytié, comme est celle qu'elle vous a monstrée
+ez présentes guerres de vostre royaulme, d'avoir rejecté
+toutes les persuasions qu'on luy a faictes, et toutes les occasions
+qu'on luy a offertes, d'y pouvoir fort incommoder voz
+affères, et porter ung grand proffict aulx siens; que, de
+ce que son ambassadeur vous avoit requiz de n'envoyer voz
+forces en Escoce avec l'asseurance qu'elle n'y envoyeroit
+<span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span>
+point les siennes, que je croye fermement que tout ce
+qu'elle vous aura mandé ou qu'elle vous mandera par luy,
+elle l'acomplyra, mais qu'il fault considérer la distance
+des lieux, et qu'il n'est possible de si tost exécuter une
+parolle comme elle est dicte; qu'elle remercye Vostre
+Majesté du commandement que m'avez faict de ne m'espargner
+d'aller jusques vers la Royne d'Escoce, s'il est
+besoing, pour l'exorter qu'elle luy veuille fère d'honnestes
+offres, et icelles acomplyr et inviolablement observer;
+qu'elle ne fait doubte qu'elle ne promette assés, mais
+qu'elle ne tiendra jamais; et que l'évesque de Roz est
+desjà allé devers elle pour luy parler, qui me relèvera de
+ceste peyne, duquel toutesfoys elle ne peult plus espérer
+aulcun bon office, et que hardyment la Royne d'Escoce
+envoye ung aultre ministre, car celluy là ne parlera jamais
+plus à elle.</p>
+
+<p>De toutz lesquelz propoz de la dicte Dame, plains de
+courroux, voyant que je ne pouvois recuillyr rien de
+certain, je luy ai demandé s'il luy playsoit point accomplyr
+les deux choses, qu'elle m'avoit naguières promises;
+de procéder dilligentment à la restitution de la Royne
+d'Escoce et de retirer ses forces hors de son pays.</p>
+
+<p>La dicte Dame, intermélant plusieurs aultres propos,
+m'a enfin respondu que, pour l'honneur de Vostre Majesté,
+elle continuera et paraschèvera le tretté avec la
+dicte Dame aussitost qu'elle luy aura faict entendre son
+intention sur ce que l'évesque de Roz luy aura dict; me
+touchant, en passant, que d'aultres foys elle luy avoit
+escript que, s'il n'estoit trouvé bon de la remettre avec
+magnifficence et aparat en son pays, qu'elle estoit contante
+qu'on l'envoyât privéement comme une qui retournoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span>
+aulx siens; en quoy elle a toutjours vollu pourvoir que ce
+fût avec seureté de sa vie: et quant à retirer ses forces,
+que je donne toute asseurance à Vostre Majesté que, suyvant
+sa promesse, le comte de Sussex les a desjà révoquées
+à Barvych, hormiz quelque peu de gens, qu'il a miz
+à la garde de deux chasteaux; lesquelz elle ne dellibère
+randre, qu'elle ne soit satisfaicte des outraiges que luy ont
+faict ceulx à qui ilz apartiennent.</p>
+
+<p>A cella je luy ay répliqué que ce ne seroit retirer ses
+forces que de laysser garnyson dans deux chasteaulx, et
+que je la pouvois asseurer que Vostre Majesté ne s'armeroit
+jamais pour maintenir les rebelles d'Angleterre, ainsy
+qu'elle, de son costé, disoit ne s'armer aussi contre les
+droictz de la Royne d'Escoce: néantmoins de tant que
+ceste alliance d'Escoce, qui a duré neuf centz ans à vostre
+couronne, vous abstreinct d'assister meintennant l'auctorité
+de la Royne d'Escoce, vostre belle s&oelig;ur, contre ses
+propres rebelles; et y voulant elle, en mesmes temps, poursuyvre
+les siens, qu'enfin vous viendriez aulx armes et à la
+guerre entre vous contre votre propre vouloir et intention;
+et que vous aviez trop plus de rayson de mettre garnyson
+dans Dombertrand que elle d'en tenir dans Humes et
+Fascastel.</p>
+
+<p>Elle allors m'a respondu qu'elle ne sçavoit, à la vérité,
+comment le comte de Sussex en a usé, ny quelles gens il
+a layssé dans ces chasteaulx; mais que tout cella se pourra
+accommoder par le tretté, et qu'elle desire bien sçavoir
+quelle responce Vostre Majesté me fera, et ce que vous
+aurez respondu à son ambassadeur sur ce qu'elle, a dernièrement
+tretté avec moy.</p>
+
+<p>Et layssant ainsy ces propos, nous sommes passez à
+<span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span>
+d'aultres plus gracieulx, avec lesquels s'est finye ceste
+audiance, despuys laquelle m'estant pleinct au secrétaire
+Cecille de la dicte garnyson des deux chasteaulx, il m'a
+respondu que ce n'estoit chose de conséquence; car n'y
+avoit que quarante hommes en l'ung, et vingt en l'aultre;
+et que le tretté mettroit fin à tout cella; me priant de continuer
+à fère tousjours bons offices entre Voz Majestez, et
+qu'il contendra avec moy de les fère encores meilleurs,
+s'il peult. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;x<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, les propos, que Vostre Majesté verra, en la lettre
+du Roy, que la Royne d'Angleterre m'a tenuz, procèdent,
+à mon adviz, de l'une de trois occasions et, possible,
+de toutes trois ensemble: la première, des véhémentes
+inpressions qu'on luy a données, et qu'on luy donne encores,
+de ne se debvoir jamais tenir bien asseurée de la Royne
+d'Escoce, dont aulcuns me disent que, quoy aussi que la
+dicte Dame me promette, son intention, ny celle des siens,
+n'est de se despartyr aucunement des premières dellibérations
+qu'ilz ont faictes sur ceste paouvre princesse et sur son
+pays, sinon qu'ilz y soyent contrainctz par la force; la seconde,
+qu'on l'asseure que le capitaine La Roche et le capitaine
+Puygaillard sont desjà embarquez à Suscivye, avec
+cinq centz harquebouziers brethons, pour passer en Escoce:
+ce que la dicte Dame m'a dict le sçavoir bien au
+vray, mais qu'elle est bien advertye aussi que, le &#305;x<sup>e</sup> de ce
+moys, ils n'estoient encores bougez, et, possible, a elle
+vollu ainsy braver lorsqu'elle s'est trouvée en plus grand
+<span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span>
+peur; et la troisiesme est qu'on luy a fort magniffié les forces,
+qui sont en l'armée des Princes de Navarre et de
+Condé, l'asseurant qu'elles sont suffisantes de travailler assez
+toutes celles de Voz Majestez, sans qu'en puyssiez envoyer
+dehors.</p>
+
+<p>Car, voycy, Madame, ce que j'entendz qu'on a miz par
+escript et monstré à la dicte Royne d'Angleterre et puys publié,
+de main en main, de la créance qu'a aportée le messagier
+de Mr l'Amyral. C'est que le dict sieur Amyral fortiffie
+Roane, pour estre ung lieu très oportun et commode
+à maintenir la guerre, et y fère son magazin, et
+pour y retirer ses mallades; et avoir ce passaige de Loyre
+à son commendement, pour y pouvoir sans difficulté recuillyr
+les secours d'Allemaigne et incommoder grandement
+toutz les aultres pays d'alentour; que, oultre qu'il a
+avec luy les viscomtes, et les troupes de gens de cheval et
+de pied qui estoient en Gascoigne, qui ne sont petites, il
+a recuilly en Languedoc ung grand nombre de bien bons
+soldatz, et que le comte de La Rochefoucault l'est venu
+trouver avec huict centz chevaulx et deux mil harquebuziers,
+toutz gens d'eslite; que de la Charité est arrivé
+dans son camp une troupe de quatorze centz bons hommes,
+toutz à cheval; que Mr de Lizy y est aussi arrivé d'une aultre
+part, avec douze centz harquebuziers et cinq centz chevaulx,
+lesquelz il a recuilliz en revenant d'Allemaigne; et que
+tout cella ensemble faict la plus brave armée de Françoys
+qui de longtemps ayt esté veue en France, oultre les reytres
+qu'il a, qui ne sont guyères diminuez; et qu'il ne désire
+rien tant que de venir à une journée, laquelle il cerchera de
+donner bientost par toutz les moyens qu'il luy sera possible;
+et que l'armée du Roy, que Mr le mareschal de Cossé
+<span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span>
+conduict, est composée de huict mil Suisses nouvellement
+levez, car des vieulx n'en y a guières plus, et de quatre
+mil Françoys, d'ung nombre de reytres, qu'on paye à
+trois mil, qui ne sont que dix huict centz, soubz la charge
+du jeune comte de Mensfelt, duquel il ne se deffye pas
+trop, et d'envyron quatre mil chevaulx françoys; et qu'il
+a esté mandé à Mr le mareschal de Damville de se joindre
+au sieur mareschal de Cossé, affin de donner la bataille, laquelle
+néantmoins semble qu'il la vouldra évitter; car s'est
+logé vers Dun le Roy, et se couvre de la rivière d'Allyé. Lesquelles
+nouvelles, comme elles mettent en grand suspens
+les opinions des hommes, aussi suspendent elles les dellibérations
+des affères; et croy qu'elles retarderont ceulx que
+nous traictons icy meintennant, attendant ce qui pourra
+succéder; mesmes que j'entendz que, parmy leurs esglizes,
+il est desjà ordonné de fère prières et jeunes pour ceste
+prochaine bataille, tant ilz pensent que les choses en sont
+prez; et encores que je m'asseure, Madame, que si cecy est
+vray, Voz Majestez l'auront bien entendu d'ailleurs, toutesfoys,
+pour l'inportance de l'affère, et pour le dangier
+qu'aulcuns personnaiges d'honneur et de bien, qui conférons
+quelquefoys ensemble, avons peur que puysse avenir,
+je n'ay vollu différer de le vous mander incontinent par ce
+courrier exprès, avec les responses de la dicte Royne
+d'Angleterre. Et sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;x<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXI</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par Groignet, l'un de mes secrétaires.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Message de la reine d'Angleterre, afin que le roi soit sur-le-champ averti
+qu'elle se considérera comme dégagée de sa parole si l'expédition française,
+destinée à porter des secours en Écosse, sort des ports de Bretagne.&mdash;Désir
+de l'ambassadeur que l'on ajourne cette expédition.&mdash;Nouvelles
+d'Allemagne, où tout se prépare pour donner d'importans secours aux
+protestans de France.&mdash;<em>Lettre secrète à la reine-mère.</em> Dispositions prises
+par les protestans de France, en Angleterre et en Allemagne, dans le but
+de continuer la guerre avec vigueur.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, les responces et adviz, que je vous ay escript despuys
+trois jours, m'ont semblé estre assez pressez pour les
+vous debvoir fère sçavoir par ung courrier exprès, comme
+j'ay faict; et meintennant, Sire, je suys instantment requiz
+par la Royne d'Angleterre de vous en dépescher encores
+ung, tout présentement, pour vous notifier ce que,
+par ung sien secrétaire, nommé maistre Sommer, elle m'a
+envoyé dire jusques en mon logis: c'est qu'elle avoit bonne
+souvenance des choses naguières accordées entre elle et
+moy, touchant la Royne d'Escoce, et qu'elle estoit preste
+de les acomplyr tant à continuer et paraschever le tretté
+avecques elle, que à révoquer ses forces hors de son pays,
+comme desjà elle les avoit faictes retirer à Barvyc; mais
+que, ayant très certain advertissement comme il s'embarquoyt
+des compaignies en Bretaigne pour les envoyer de
+dellà, qu'elle vouloit bien déclairer à Vostre Majesté que,
+si elles y passoient, elle se tenoit, d'ors et desjà, quicte et
+deschargée de la promesse qu'elle m'avoit faicte, et qu'elle
+<span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span>
+exploicteroit dans le dict pays par son armée, qui est encores
+entière et en estat, tout ce qu'elle verroit estre expédiant
+et à propos pour son service; et qu'elle continueroit
+de retenir la Royne d'Escoce là où elle est, sans plus entendre
+à nul tretté avecques elle; et, de tant que cella importoit
+beaulcoup à vostre commune amytié, à laquelle elle
+avoit regrect d'y veoir intervenir ceste altération, me prioit
+que je vous en voulusse promptement advertir par homme
+exprès, qui peult retourner en dilligence, affin que je l'en
+peusse résouldre.</p>
+
+<p>Et bien, Sire, que j'aye respondu au dict Somer que
+j'avois freschement reçeu une responce de Vostre Majesté,
+laquelle j'yrois aporter à la dicte Dame, et j'espérois qu'elle
+la contenteroit, il n'a layssé pourtant de percister que je
+debvois dépescher promptement devers Vostre Majesté; qui
+est l'occasion du voyage de ce mien secrétaire, par lequel
+je vous suplieray très humblement, Sire, que, en voz
+propos à l'ambassadeur d'Angleterre et en voz apretz de
+Bretaigne, il vous playse monstrer toutjour que vous estes
+prestz d'entretenir ce qui a esté accordé en vostre nom à la
+dicte Dame, et de différer l'embarquement et passaige de
+vostre secours en Escoce, jusques à ce qu'aurez veu ce qui
+succèdera du tretté qu'elle a commancé avec la Royne
+vostre belle s&oelig;ur; et qu'elle veuille achever de retirer la
+garnyson qui est demeurée dans Humes et Fascastel,
+comme elle a desjà retiré le principal de ses aultres forces
+du pays, nonobstant que vous rescentiez beaucoup ce
+dernier exploict de ses gens, qui ont abattu quatre maysons
+du duc de Chastellerault et brullé toutz ses villaiges.</p>
+
+<p>Et après, Sire, que j'auray parlé à la dicte Dame sur la
+bonne responce, que m'avez commandé luy fère par vostre
+<span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span>
+dépesche du x<sup>e</sup> du présent, je feray entendre ce que j'auray
+peu comprendre de ses propos, tant sur ce faict de la
+Royne d'Escoce que sur ce que la dicte Dame peult avoir
+sceu des choses d'Allemaigne: d'où j'entendz qu'elle a freschement
+receu lettres, qui lui parlent de l'acheminement
+de l'Empereur à Espire pour la diette; et comme la Royne
+d'Espaigne passe oultre vers les Pays Bas, laquelle deux
+mil chevaulx allemans viennent accompaigner jusques à
+Nimeguen, où le duc d'Alve la doibt aller recepvoir, et
+qu'elle meyne deux de ses petitz frères pour les passer en
+Espaigne, (au lieu des deux aisnez) qui s'en retourneront
+sur les mesmes vaysseaulx, qui la seront allez conduyre; et
+que les nopces du Cazimir ont été accomplyes, où se sont
+trouvez trèze mil chevaulx, lesquelz on tient pour chose
+asseurée que s'acheminent incontinent en France, au secours
+de Messieurs les Princes et Amyral; que les trois
+électeurs laycs se sont liguez ensemble pour s'oposer
+aulx décrectz qui pourroient estre faictz ou contre leur
+religion, ou contre les libertez d'Allemaigne; et qu'il semble
+encores que c'est principallement pour empescher que
+l'Empereur ne puysse fère créer son filz roy des Romains,
+non sans quelque esbahyssement commant celluy de Brandebourg
+s'est joinct à cella, veu qu'il est pensionnaire à six
+mil escuz par an du Roy d'Espagne, et qu'il s'est toutjours
+monstré amy et serviteur de la mayson d'Austriche; et
+que aus dictes nopces du dict Cazimir a appareu quelque
+désordre de l'ung des deux ducz Jehan de Saxe, Frédéric
+ou Guillaume, qui sur quelque débat a vollu tuer le comte
+Pallatin; et que quelque homme Gantoys a esté prins et
+exécuté pour avoir confessé qu'il estoit venu à la dicte assemblée,
+pour donner un coup de pistollé au prince d'Orange.
+<span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span>
+De toutes lesquelles nouvelles, Sire, celle de la descente
+de ces Allemans en votre royaulme me semble considérable,
+parce qu'il y a grand aparance qu'on l'exécutera,
+si la paix ne se conclud bientost; et j'en ay icy de
+grandz indices, et pareillement d'une armée de mer, qui
+se prépare par ceulx de la nouvelle religion, de bon nombre
+de vaysseaulx pour fère une descente de deux ou trois
+mil hommes en quelque lieu de Normandie, Bretaigne ou
+Guyenne; et ne monstrent qu'ilz espèrent encores, en façon
+du monde, la dicte paix, bien que, tout à ceste heure,
+l'on me vient de dire qu'il a esté semé quelque bruict à la
+bource de ceste ville qu'elle est desjà conclue. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne</p>
+
+<p class="right">(<em>Lettre à part du dict jour.</em>)</p>
+
+<p>Madame, ce n'est tant pour satisfère à la Royne d'Angleterre,
+que je vous envoyé présentement ce mien secrétaire,
+comme pour vous aporter ceste mienne lettre
+à part, par laquelle je veulx bien asseurer Vostre Majesté
+que, sur la créance du messagier de Mr l'Admyral, duquel
+je vous ay naguières faict mencion, il a esté tenu, dez dimanche
+dernier, entre les principaulx, qui sont icy, de la
+nouvelle religion, Françoys et Flamans, ung conseil bien
+fort secrect; duquel, à la vérité, je n'ay pas bien descouvert
+toutes les dellibérations, mais ceulx cy sçay je bien de
+certain, c'est que, incontinent après la tenue du dict conseil,
+il a esté dépesché de par eulx, coup sur coup, deux messagiers
+en Hembourg, pour y aporter les lettres de responce
+et de crédict, que de longtemps ilz se sont pourveuz
+<span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span>
+icy pour fère leurs payemens en Allemaigne; et que c'est
+pour fère incontinent marcher leurs nouvelles levées; et
+qu'ilz sont après à ordonner deux d'entre eulx pour les aller
+trouver, affin de les conduyre et leur servyr de mareschaulx
+de camp, jusques à ce qu'ilz seront arrivez en l'armée
+des Princes; et estiment le nombre des dicts Allemans
+non moindre que de douze à quinze mil chevaulx; et
+pour ordonner aussi ung général de mer, d'entre les gentilhommes
+qui sont icy, pour l'envoyer bientost fère une
+descente de deux mil cinq centz hommes, en quelque lieu
+de Normandie ou Bretaigne, où ilz ont intelligence; et
+que desjà les vaysseaulx, les vivres et tout l'apareilh de
+l'entreprinse est prest à la Rochelle, où s'yront joindre les
+vaysseaulx du prince d'Orange, qui sont en ceste coste, et
+encores deux toutz nouveaulx qu'ung sien serviteur a heu,
+despuys deux jours, permission d'aller armer et équiper à
+Amthonne. Et semble qu'il y ayt icy aulcuns gentishommes
+françoys qui, à regrect, feront ce voyage, et que, si Vostre
+Majesté les vouloit gratiffier et les retirer au service
+du Roy, ilz habandonneroient très vollontiers l'aultre
+party, lequel aultrement ilz sont contrainctz de suyvre;
+vous suppliant très humblement, Madame, de ottroyer au
+gentilhomme, pour qui le sieur de Vassal vous aura parlé,
+la seureté qu'il vous demande, laquelle j'estime que reviendra
+au proffict de vostre service. Et faictes semblant,
+Madame, s'il vous playt, que vous n'avez heu ces adviz de
+moy, aultrement il sera dangier que je ne vous en puysse
+plus mander, s'ilz cognoissent que j'aye tant de notice de
+ces affères; car les dicts de la nouvelle religion sont bientost
+advertys de tout ce que le Roy, et Vous, et Monseigneur,
+dictes et faictes; et mesmes l'on m'a asseuré que,
+<span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span>
+en France, oultre ceulx de l'aultre party, il y en a aulcuns,
+lesquelz on ne m'a poinct nommez, qui ne sont point déclairez
+de leur costé, qui toutesfoys sont respondans de la
+paye de ces reytres, qui doibvent venir.</p>
+
+<p>Par ainsy, Madame, considérant l'estat des choses, et le
+peu de confiance que Voz Majestez doibvent mettre en rien
+qui soit que en Dieu seul, et en vous mesmes; et que la
+descente du Cazimir vous doibt estre très suspecte, pour
+l'alliance du duc Auguste, qui ne l'a prins pour son gendre
+pour sa présente grandeur, ains possible pour celle où il
+aspire par les troubles des aultres estatz; et que la Royne
+d'Angleterre ne fauldra d'incliner à leur entreprinse; je ne
+puys que prier Dieu bien fort dévottement qu'il vous doinct,
+Madame, à bientost conclurre la paix, et la conclurre telle
+que la descente des Allemans en soit bien certainement
+divertye, et Voz Majestez exemptes de toute surprinse,
+déception et dangier. Et sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<p class="blockquote">Je vous puys asseurer, Madame, que ceulx de la nouvelle religion,
+qui sont icy, ne s'attendent aucunement à la paix, ains à continuer
+la guerre; et semble que l'ambiguité et la longueur, dont l'on procède
+à vous rendre response sur les articles de la dicte paix, n'est que
+pour gaigner le temps et attandre leur secours.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXV</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès par Jehan Monyer, postillon, jusques à Calais.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Retard apporté à la désignation d'une audience demandée par l'ambassadeur.&mdash;Interrogatoire
+subi par l'évêque de Ross devant le conseil d'Angleterre.&mdash;Conditions
+arrêtées dans ce conseil au sujet du traité qui peut
+être conclu avec la reine d'Écosse.&mdash;Nouvelles d'Allemagne.&mdash;Avis donné
+au roi d'une entreprise qui se prépare pour opérer une descente en
+France.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, affin de mettre la Royne d'Angleterre hors de la
+peyne, où elle est, de l'aprest qu'on luy a dict que Vostre
+Majesté faict en Bretaigne pour envoyer des gens en Escoce,
+je luy ay, dez mardy dernier, envoyé demander
+audience, pour luy fère veoir vostre bonne responce là
+dessus en la façon que par voz lettres, du x<sup>e</sup> de ce moys,
+il vous playt me le commander; et le secrétaire Cecille,
+ayant conféré avecques elle, m'a respondu qu'elle ne me la
+pouvoit si tost ottroyer, à cause qu'elle se trouvoit mal,
+comme à la vérité elle faict, de sa jambe, mais que je luy
+pourrois escripre cella mesmes que j'auroys à luy dire.
+Dont de tant, Sire, qu'on m'a adverty qu'il y a de l'artiffice
+en cella, pour fère tremper l'évesque de Roz, et
+pour fère en sorte que la dicte Dame renvoye cependant
+ses forces en Escoce, et qu'elle face jetter de ses grandz
+navyres en mer, pour la persuasion qu'on luy donne que,
+nonobstant voz bons propoz, qu'avez tenuz à son ambassadeur,
+vous ne lairrez d'envoyer gens par dellà; j'ay escript
+ce matin à la dicte Dame que, de tant qu'une lettre ne
+pourroit suffire pour tout ce que j'avois à luy dire, ny me
+<span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span>
+raporter sa responce, et que les propos, que j'avois à luy
+tenir de vostre part, n'estoient toutz que pour son contantement,
+que je me garderoys de les employer ny par escript,
+ny par présence, en actes si contraires, comme seroit d'en
+travailler sa santé, et que partant j'attendrois fort paciemment
+et de bon cueur la commodité de sa convalescence;
+laquelle je prioys Dieu de luy donner bientost et bien parfaicte.</p>
+
+<p>Je ne suis trop marry, Sire, de ce retardement parce
+que le comte de Lestre et ceulx, qui portent faveur à ceste
+cause, seront cependant de retour; en l'absence desquelz
+ayantz les aultres ouy l'évesque de Roz sur le faict, dont on
+le chargeoit, d'avoir tretté en secret avec le comte de Surampthon,
+et ayantz vollu aussi tirer de luy ce qu'il aportoit
+de l'intention de sa Mestresse, sans l'admettre à la présence
+de la Royne d'Angleterre, après qu'il s'est bien deschargé
+de l'ung, et qu'il leur a heu remonstré qu'il ne pouvoit
+fère l'aultre pour aulcunes choses secrectes qu'il ne pouvoit
+commettre qu'à elle mesmes, ilz se sont desbordez
+jusques là de luy dire qu'ilz ne se soucyoient pas tant de
+l'advancement de ceste matière qu'ilz le vollussent presser
+de la leur proposer; mais, de tant que la Royne d'Escoce
+et luy, qui est son ministre, et toutz les princes qui parlent
+pour elle, estoient papistes, et par ainsy ennemys de
+leur Mestresse et de son estat, qu'ilz tenoient pour très
+suspect tout ce qui se trettoit de sa restitution; à l'ocasion
+de quoy il falloit, avant toutes choses, qu'elle et luy fissent
+profession de la religion réformée, et bien qu'ilz y ayent
+meslé quelque soubzrire, ce n'a esté toutesfoys sans parolles
+véhémentes pour essayer s'ilz pourroient gaigner ce point.</p>
+
+<p>En quoy le dict sieur évesque a usé de saiges responces,
+<span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span>
+qui seroient longues à mettre icy; mais cependant j'ay descouvert,
+Sire, comme ne pouvant ceulx cy vaincre le désir,
+que leur Mestresse a de sortyr de cest affère, qu'ilz se sont
+dellibérez de se tenir fermes et résoluz aux condicions qui
+s'ensuyvent: Que la religion protestante soit establye et
+confirmée en Escoce; que la Royne d'Escoce se doibve
+obliger, par sèrement solemnel, et fère obliger les siens,
+qu'elle n'entendra jamais à nul party de mariage, sans l'exprès
+consantement de la Royne d'Angleterre; qu'elle
+chassera les rebelles anglois, qui se sont retirez en son
+pays, sans jamais plus en recepvoir, et que désormais ilz
+seront randuz mutuellement par l'ung prince à l'aultre sans
+contradict; qu'elle cèdera à la Royne d'Angleterre, et aulx
+descendans qui procéderont d'elle, tout le droict et tiltre
+qu'elle prétend à ceste couronne; qu'elle déclairera, d'ors
+et desjà, pour son successeur à celle d'Escoce et à ses
+droictz prétanduz de ceste cy son filz le Prince d'Escoce;
+que le dict Prince sera mené pour être nourry en Angleterre
+soubz quelque promesse, que la dicte Royne d'Angleterre
+fera, de le déclairer pareillement son successeur
+immédiat après elle, au cas qu'elle n'eust point d'enfans;
+que ligue sera faicte, offencive et deffencive, entre les
+deux roynes et leurs royaulmes à jamais, à laquelle sera
+donné lieu à Vostre Majesté d'y pouvoir entrer si bon
+vous semble, mais soubz des condicions que je n'ay encores
+peu bien sçavoir quelles elles sont; qu'il ne sera loysible
+d'introduyre nul estrangier en armes, d'où qu'ilz soient,
+dans le pays, ny par quelque couleur ou prétexte que ce
+puisse estre; et, finalement, que Vostre Majesté baillera
+ostaiges, à estre icy quelque temps, pour la seureté des
+choses susdictes.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span>
+Je n'ay encores, Sire, donné cest adviz à l'évesque de
+Roz, lequel aussi n'a pas heu loysir de me conférer les
+offres qu'il aporte de sa Mestresse; mais Vostre Majesté,
+s'il luy playt, me commandera de bonne heure sa bonne
+vollonté là dessus, affin que je me trouve bien préparé
+d'icelle, quant il en sera temps; car j'espère que nos amys
+vaincront l'opiniastreté de noz ennemys de ne demeurer
+trop fermes sur si dures condicions comme seroient toutes
+celles icy ensemble.</p>
+
+<p>Au surplus, Sire, il se continue fort que ceste nuée
+d'Allemans des nopces du Cazimir yra estre ung orage en
+vostre royaulme au secours des Princes et de l'Amyral,
+ayant le comte Pallatin escript par deçà que en la dicte
+assemblée ne seroit rien obmiz de ce qui apartiendroit au
+secours de leur religion en France; duquel secours, pour
+l'incertitude de l'intention du duc Auguste, les déterminations
+n'avoient peu prendre aulcune bonne résolution
+jusques à ceste heure; qu'il avoit déclairé que le sien
+seroit le premier prest, et qu'il l'envoyeroit à ses despens.
+Et estime l'on que la dicte assemblée des nopces a esté
+principallement projettée pour estre une contrediette de
+celle que l'Empereur a assignée à Espire, affin de résouldre,
+de eulx mesmes et sans le dict Empereur, les affères
+d'Allemaigne à la dévotion des trois ellecteurs laycs, qui
+semblent avoir tiré celluy de Colloigne eclésiastique à leur
+party; et pour ordonner aussi de l'establissement de leur
+religion en France et en Flandres, mais surtout pour empescher
+que l'ellection du roy des Romains ne se puisse
+fère en la personne du filz, ny du frère de l'Empereur,
+non sans quelque opinion qu'ilz veuillent, entre eulx et de
+leur propre authorité, nommer le dict Auguste roy des
+<span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span>
+Romains. Et de tant, Sire, que, de jour en jour, me
+viennent plusieurs indices que ceulx de la nouvelle religion
+ont une descente en main en quelcun de voz portz ou places
+de mer de dellà, où ilz prétendent mettre deux mil cinq
+centz hommes en terre, et qu'à cest effect ilz aprestent ung
+grand armement à la Rochelle; et que je sçay que les
+vaysseaulx du prince d'Orange, qui sont en ceste mer
+estroicte, s'y préparent; aussi que j'entendz qu'ilz sont sur
+la dellibération s'ilz convyeront les Anglois d'estre de la
+partie, lesquelz tiennent quatorze grandz navyres et plusieurs
+aultres vaysseaulx en estat, et grand nombre d'hommes
+enrollés pour quelque effect; je vous suplye très
+humblement, Sire, qu'il vous playse advertyr incontinent
+les gouverneurs de Normandie, Picardie, Bretaigne et
+Guyenne, car je ne sçay proprement où s'adresse leur entreprinse,
+qu'ilz ayent à y prendre garde et se préparer si bien
+qu'ilz ne puissent estre surprins. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxv<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CXVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXIX</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Dièpe par Brogle, messagier.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Discussion des affaires d'Écosse.&mdash;Promesse de la reine d'arrêter
+toute hostilité, et d'entendre les propositions de l'évêque de Ross.&mdash;Désir
+manifesté par Élisabeth de voir la paix rétablie en France.&mdash;Communication
+faite par la reine à l'ambassadeur des nouvelles qu'elle a reçues
+d'Allemagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, s'estant la Royne d'Angleterre assés tost repentye
+<span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span>
+de ne m'avoir, le xx&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du présent, ottroyé audience,
+elle m'a mandé, le deuxième jour après, que je la vinse
+trouver quant il me plairroit; et se sont, la lettre qu'elle
+me faisoit escripre là dessus par le secrétaire Cecille et la
+mienne, que pour cest aultre effect je luy escripvois, laquelle
+elle a heu bien agréable, rencontrées en chemin,
+dont je suys allé trouver la dicte Dame le xxv&#567;<sup>e</sup> de ce moys
+à Otlant; où m'ayant faict appeller en sa chambre privée,
+en laquelle elle estoit en habit de mallade, ayant sa jambe
+eu repoz, après m'avoir compté de son mal, et faictes ses
+excuses de ne m'avoir peu si tost ouyr comme je l'avois
+desiré, je luy ay ramentu les choses cy devant accordées
+entre nous, et comme je n'avoys failly, suyvant son désir,
+de dépescher ung homme exprès pour aporter à Vostre
+Majesté la déclaration que sur icelle elle m'avoit envoyé
+notiffier par son secrétaire Sommer; laquelle déclaration
+je luy voulois bien dire que je ne l'avoys peu trouver guières
+mauvayse, encore qu'il y eust quelque peu de menace,
+parce qu'il y avoit aussi de la franchise et une vraye démonstration
+qu'elle faisoit de vouloir évitter toute altération
+entre Voz Majestez, dont j'espérois que ce qu'elle entendroit
+meintennant de vostre intention en cella la contanteroit.</p>
+
+<p>Et ainsy, Sire, je luy ay récitté mot à mot le contenu
+de vostre lettre du x<sup>e</sup> de ce moys, non sans qu'elle ayt
+donné une claire cognoissance, sans en rien dissimuler,
+qu'elle recepvoit ung singulier playsir de ce que je luy
+disoys; m'ayant tout aussitost prié bien fort expressément
+de luy en vouloir bailler aultant par escript, affin de le
+monstrer à quelques ungs de ses conseillers, qui luy disoient
+qu'elle ne debvoit laysser de procéder et pourvoir
+aulx affères d'Escoce, tout ainsy que si Vostre Majesté ne
+<span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span>
+luy avoit rien faict promettre par moy, ny luy mesmes rien
+dict à son ambassadeur: car croyoient que vous n'aviez aulcune
+vollonté d'en rien observer, ainsy que voz aprestz de
+Bretaigne, qui ne cessoient pour cella, leur en donnoient
+assés bon tesmoignage; ce néantmoins qu'elle s'en vouloit
+reposer en vostre parolle, comme d'ung magnanime Roy
+et Prince vertueux et saige, qui regardiez à conserver l'amytié
+des princes voz voysins, entre lesquelz ce seroit elle
+qui vous randroit la sienne plus parfaicte et accomplye; et
+qui, oultre le remercyement très grand qu'elle vous fesoit
+de l'esgard qu'avez heu maintennant à icelle, vous cognoistriez
+qu'elle ne l'auroit moins ferme en l'observance de ses
+promesses qu'elle s'asseuroit de la persévérance de la
+vostre, en celles que vous luy faysiez.</p>
+
+<p>J'ay suyvy, Sire, à luy dire qu'elle trouveroit toutjour
+toute seurté et vérité en voz parolles et en celles de la
+Royne vostre mère, et que toutz les jours il luy viendroit
+nouvelles preuves, que Voz Majestez n'avoient aultre intention
+que de vivre en grande unyon de paix, et de toute
+bonne intelligence avecques elle; bien que je luy vollois
+confesser tout librement que, le lendemain de l'aultre audience
+qu'elle m'avoit donnée à Amthoncourt, je n'avoys
+failly de vous fère une dépesche, non pour aigryr ainsy les
+matières, comme il m'avoit semblé que je l'avois trouvée
+elle aigrye et changée en peu de jours, (ce que je n'atribuoys
+aulcunement à elle, ains à d'aultres, qui avoient fort
+à regrect la bonne unyon de Voz Majestez), mais que je
+ne vous avois pas vollu celler ce qu'elle m'avoit résoluement
+dict de vouloir en toutes sortes retenir les deulx chasteaulx
+de Humes et Fascastel, jusques à ce que ceulx à qui ilz
+apartiennent eussent satisfaict à l'obligation des frontières;
+<span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span>
+et que meintennant j'avois à la requérir très instantment
+de deux choses: l'une, que, de tant que Vostre Majesté
+avoit tant vollu defférer à nostre accord qu'ayant ung armement
+tout prest pour le secours d'Escoce, et les Escouçoys
+sur le lieu qui vous requéroient de l'envoyer, et qui vous
+remonstroient le gast, le bruslement et la démolition de
+leurs maysons nobles du pays, et la détention de leur Royne
+en Angleterre; et que, nonobstant tout cella, vous aviez
+différé et quasi interrompu le dict secours pour luy complayre,
+qu'elle, de sa part, vollût entièrement retirer ses
+forces hors du dict pays, comme elle me l'avoit promis, et
+nomméement celles qu'elle avoit encores dans les deux
+chasteaulx; la segonde chose estoit qu'ayant Mr l'évesque
+de Roz aporté toute l'intention et ung ample pouvoir de
+tretter et conclurre toutes choses avec elle pour sa Mestresse,
+qu'elle y vollût meintennant procéder, ainsy dilligemment
+qu'elle vous avoit promiz de le fère, sans plus remettre
+la matière en longueur.</p>
+
+<p>Sur lesquelles deux choses, Sire, nous avons heu beaucoup
+de contention, et n'ay, pour le regard de la première,
+peu obtenir rien de mieulx que ce que la dicte Dame vous
+prie, Sire, de vouloir laysser les loix de leurs frontières
+aller leur cours accoustumé, suyvant lequel, le différant
+des dicts deux chasteaulx et des aultres attemptatz doibvent
+estre vuydez par les gardiens d'icelles, qui ne fauldront
+de randre lors les dicts deux chasteaulx, sans que
+cependant ceulx qui sont dedans facent nul acte d'hostillité,
+qui estoit une rayson que, quand elle seroit vostre vassalle,
+vous ne la luy pouviez bonnement reffuzer; et, quant au
+segond, encor qu'elle eust proposé de ne veoyr jamais
+l'évesque de Roz pour des occasions, lesquelles il n'avoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span>
+peu ny nyer ny excuser, que néantmoins elle me promettoit
+de l'ouyr dans deux ou trois jours; et qu'aussitost que le
+sir de Leviston, lequel nous avions dépesché en Escoce, seroit
+de retour avec les aultres commissaires escouçoys,
+elle vacqueroit sans aulcune intermission aulx affères de
+la dicte Dame.</p>
+
+<p>Après lequel propos estimant, Sire, que je ne le debvois
+pour ceste fois poursuyvre plus avant, la dicte Dame
+m'a dict d'elle mesmes qu'elle desiroit fort que, la première
+foys que je retournerois vers elle, je lui peusse aporter la
+conclusion de la paix de vostre royaulme, estant bien marrye
+qu'elle alloit ainsy traynant.</p>
+
+<p>Je luy ay respondu que je n'avoys nul plus grand desir
+que de la pouvoir satisfaire en cella, et que ceste sienne
+bonne intention obligeoit Vostre Majesté et tout vostre
+royaulme beaucoup à elle, ne faysant doubte, quant elle y
+pourroit ayder de quelque chose, qu'elle ne le fyst.</p>
+
+<p>«Il n'y a, respondit elle, nulle &oelig;uvre en ce monde où je
+m'employasse plus vollontiers, ny où je courusse de meilleur
+cueur, encores que je soys boyteuse, que je ferois à
+celle là, et que de ce j'en asseurasse Vostre Majesté.»</p>
+
+<p>J'ay là dessus passé oultre à luy dire que je craignois bien
+que ceste longueur peult admener quelque chose entre
+deux, et attirer encores possible en vostre royaulme une
+partie de ces Allemans, qui s'estoient trouvez aux nopces du
+duc Cazimir; et qu'elle sçavoit bien ce qui en estoit, qui
+seroit ung bon tour de bonne s&oelig;ur si elle vous en vouloit
+advertyr, comme je luy vouloys bien dire que la condicion
+de la cause et celle de sa qualité, qui estoit Royne, l'obligeoient
+de le fère, et mesmes d'empescher qu'il ne se préparât
+rien pour soubstenir l'opiniastretté et obstination de
+<span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span>
+voz subjectz contre vous, qui n'estoit exemple que pernicieulx
+pour elle mesmes.</p>
+
+<p>Elle m'a respondu qu'elle ne sçavoit pas entièrement
+tout ce qui en estoit, mais que l'Empereur luy avoit bien
+escript que, par prétexte du secours de la nouvelle religion
+en France, il s'estoit faicte une plus grande assemblée à
+ces nopces du Cazimir, que ne requéroit l'ordre des maryez,
+et qu'il monstroit par sa lettre qu'il la tenoit fort
+suspecte pour luy mesmes; adjouxtoit d'aultres gracieulx
+propos de ce qu'il avoit veu maryer son frère l'archiduc,
+encor qu'il l'eust d'aultres foys tout dédyé à elle, mais qu'il
+la prioyt que les dictes nopces ne luy fussent d'aulcune
+jalouzie, car elles n'empescheroient qu'il ne fût encores
+tout sien; et que par le propos de la dicte lettre et par
+plusieurs aultres indices elle croyoit asseuréement qu'il y
+auroit ung nouveau secours d'Allemans pour ceulx de la
+Rochelle, si la paix ne succédoit. Et par ce, Sire, qu'il
+seroit trop long de mettre icy toutz les aultres propoz
+qu'avons heu en ceste audience, je les remettray à une
+aultre foys; et adjouxteray seulement ung mot de la réception
+de vostre dépesche du x&#305;x<sup>e</sup> de ce moys, par le S<sup>r</sup> de
+Vassal, et du voyage que faictes fère par deçà au S<sup>r</sup> de
+Poigny, lequel nous mettrons peyne de l'aprofitter le
+mieulx qu'il nous sera possible. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;x<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">V</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Sabran.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Résolutions d'Élisabeth de maintenir l'accord fait au sujet de l'Écosse, et
+d'entrer en négociation sur la restitution de Marie Stuart.&mdash;Espoir de la
+prochaine liberté du duc de Norfolk.&mdash;État de la négociation des Pays-Bas.&mdash;<em>Mémoire
+général</em>, sur les affaires d'Angleterre.&mdash;Bienveillance
+montrée par Élisabeth aux seigneurs catholiques.&mdash;Condition mise à la
+liberté du duc de Norfolk.&mdash;<em>Mémoire secret.</em> Communication faite par
+l'ambassadeur à la reine d'Angleterre de la réponse du roi sur les articles
+proposés pour la restitution de Marie Stuart.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, pour avoir Vostre Majesté et la Royne, vostre
+mère, ainsy vertueusement parlé, comme vous avez, à
+l'ambassadeur de la Royne d'Angleterre; et pour m'avoir
+commandé de déclairer icy à elle vostre résolue intention
+de ne vouloir habandonner aulcunement la Royne d'Escoce,
+ny les affères de son royaulme; il est advenu que la
+dicte Dame a cessé d'en poursuyvre plus avant l'entreprinse
+par la force, et qu'elle s'est condescendue d'en venir
+au tretté, duquel je vous ay desjà envoyé le commancement.
+Il est vray, Sire, que, despuys dix jours, l'on luy
+a si bien faict acroyre que, nonobstant vostre promesse,
+vous ne larriez d'envoyer des gens en Escoce, que la dicte
+Dame, changeant de dellibération, avoit desjà mandé au
+comte de Sussex de rentrer de rechef avec son armée en
+pays, et d'y saysir toutes les places qu'il pourroit; et à
+l'amyral Clynton de getter promptement six grandz navyres
+en mer, non pour aller attaquer la flotte des François
+au combat de main, laquelle ilz entendoient estre
+<span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span>
+pourveue de deux mil bons harquebouziers, mais pour la
+mettre à fondz à coups de canon, s'il estoit possible; et
+mandé davantaige que le sir de Leviston, lequel nous
+avions dépesché vers le duc de Chastellerault et vers les
+aultres seigneurs escouçoys, pour leur apporter nostre
+accord, fût arresté aulx frontières; et qu'au reste elle ne
+tretteroit ny admettroit jamais plus l'évesque de Roz en sa
+présence; s'esforceans encores ceulx, qui menoient ceste
+mauvaise pratique, de me fère retarder mon audience,
+affin que je ne peusse assés à temps y remédier; dont a
+esté assés mal aysé, Sire, de retirer la dicte Dame de
+ceste opinion. Néantmoins, j'ay miz peyne de luy dire et
+encores de luy bailler par escript, si à propos, la responce
+de Vostre Majesté du x<sup>e</sup> du passé, et de l'asseurer
+tant de la seurté et vérité qu'elle trouveroit toutjour en
+voz promesses, que, oultre les choses que je vous ay desjà
+mandé qu'elle m'avoit en présence lors accordées, voicy,
+Sire, ce que de ceste vostre bonne responce s'en est despuys
+ensuyvy:</p>
+
+<p>Que la dicte Dame a escript au comte de Sussex de casser
+son armée et se retirer luy à Yorc, laissant quelques
+compaignies aulx gardiens des frontières, et une petite
+garnyson dans Humes et Fascastel; qu'elle a ordonné à son
+admyral de ne getter nulz navires dehors, ains de fère
+cesser pour ceste heure tout l'armement et apareil d'iceulx;
+qu'elle a mandé au comte de Lenoz, qui estoit à Lislebourg,
+avec trois centz Escouçoys entretenuz aux despens de la
+dicte Dame, de se retirer à Barvyc; qu'on n'eust à donner
+aulcun empeschement au sir de Leviston en la frontière, ains
+de luy laysser librement poursuyvre son voyage; et finalement,
+suyvant sa promesse, qu'elle a si paciemment ouy
+<span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span>
+l'évesque de Roz, et si favorablement receu des ouvrages,
+qu'il luy a présentez de la part de sa Mestresse, lesquelz
+elle mesmes avoit faictz de sa main, qu'il m'a dict n'avoir
+jamais heu une plus bénigne audience de la dicte Dame ny
+plus pleyne de satisfaction, qu'il a faict ceste foys, avec
+promesse que, aussitost que le sir de Leviston et aultres
+commissaires escouçoys seront arrivez, qu'elle procèdera
+en toute dilligence aulx affères de la Royne d'Escosse. Et
+si, semble, Sire, que le duc de Norfolc ayt aussi assés advancé
+le faict de sa liberté, et qu'il est en termes d'estre
+bientost remiz en son logis de ceste ville, soubz quelque
+soubzmission qu'il pourra fère à la dicte Dame.</p>
+
+<p>Au surplus, Sire, de tant qu'il se trouve meintennant
+beaucoup de diminution et de deschet en la merchandise
+d'Espaigne, qui a esté arresté par deçà, et que ceulx cy
+ne la veulent fère bonne, ny veulent pareillement estre
+tenuz de celle des trèze ourques, que ceulx de la Rochelle
+en ont emmené pour leur part, il semble que leur accord
+avec le duc d'Alve n'est près d'estre faict; mesmes que
+une ordonnance, de nouveau publiée en Flandres contre
+les Anglois, monstre que le duc en est assés esloigné, bien
+que par aultres moyens il en faict de plus en plus attaicher
+la pratique, affin de la faire tumber à son poinct, ainsy
+qu'on attand là dessus des commissaires de Flandres qui
+doibvent bientost arriver; et ceulx cy desirent tant d'en
+sortyr qu'il semble qu'à la fin ils se layrront plyer à ce
+que le dict duc vouldra, comme desjà la dicte Dame lui a
+offert cinquante mil escuz du sien; mais la demande passe
+ung million. Les sollicitations et dilligences de ceulx de la
+nouvelle religion ne s'intermettent d'une seulle heure, ce
+qui faict acroyre au monde qu'ilz sçavent très bien que le
+<span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span>
+propos de la paix sera acroché à quelque difficulté, et que
+la guerre sera encores continuée. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce v<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">INSTRUCTION AU DICT S<sup>r</sup> DE SABRAN</span>
+des choses qu'il fault fère entendre à Leurs Majestés, oultre les lettres:</p>
+
+<p>Que la Royne d'Angleterre est bien fort sollicitée d'interrompre
+la paix de France par aulcuns, qui luy font acroyre, qu'aussitost que
+le Roy l'aura conclue, il se ressouviendra des mauvais déportemens,
+dont les Anglois, durant ceste guerre, ont usé, par mer et par terre,
+à la Rochelle, icy, et en Allemaigne, contre luy; ce qui n'est toutesfoys
+leur principalle craincte, ains qu'avec la dicte paix s'en ensuyve
+l'accomodement des affères de la Royne d'Escoce, laquelle ilz cerchent
+de ruyner, pour préférer à son tiltre, de la succession de ceste
+couronne, ses aultres compétiteurs qui y prétendent.</p>
+
+<p>Mais comme la dicte Royne parle toutjour en fort bonne façon de la
+dicte paix, aulcuns m'ont asseuré que, à bon escient, elle la desire,
+et qu'elle vouldroit en toutes sortes que la querelle des subjectz fût
+bien esteincte au proffict et advantaige du Roy, ny les affères d'Escoce
+ne la peuvent mouvoir au contraire, parce qu'elle veult, commant
+que soit, sortir d'iceulx; et seulement elle crainct que le Roy
+et le Roy d'Espaigne s'accordent à sa ruyne, car aultrement elle
+estime bien que, se concluant la paix en France, le Roy recepvra en
+grâce ceulx de ses subjectz, qui ont senty quelque faveur et support
+d'elle, et que ceulx là seront toutjour moyen que la dicte paix soit
+aussi entretenue entre la France et l'Angleterre.</p>
+
+<p>Et la cause de luy fère ainsy souspeçonner, que l'intelligence des
+deux Roys soit à son dommaige, procède de la bulle; car ne peult
+croyre que, sans leur consentement, le Pape l'ayt ozé expédier ainsy
+rigoureuse contre elle comme elle est; joinct que le duc d'Alve se
+tient à ceste heure trop plus ferme sur l'accord des prinses qu'il ne
+faisoit, et a monstré une très grande anymosité contre les Anglois
+par une ordonnance, qu'il a faicte tout de nouveau publier contre
+eulx; et si, voyent les dicts Anglois qu'il se pourvoyt de beaulcoup
+plus de forces par mer et par terre, qu'il ne leur semble estre besoing
+pour la réception ou conduicte de la Royne d'Espaigne; ce qui
+leur donne occasion de croyre qu'il ayt quelque entreprinse sur ce
+royaulme; entendans mesmement que le Roy d'Espaigne est fort à
+<span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span>
+bout de ses Mores, et que toutz les Catholiques, qui s'absentent d'icy,
+vont à recours à luy.</p>
+
+<p>A l'occasion de quoy j'ay prins, entre deux, l'oportunité de fère
+recepvoir, le mieulx que j'ay peu, à la dicte Dame les honnestes expédians
+et moyens, que le Roy luy a offertz, sur ce qu'ilz peuvent avoir
+à démesler l'ung avecques l'aultre; dont semble que enfin elle se
+lairra conduyre à quelque rayson, et m'a l'on asseuré que, en l'endroit
+des Françoys, Allemans et Flamans, de la nouvelle religion,
+qui sont icy, elle a faict, despuys cinq ou six jours, des démonstrations
+assés expresses qu'elle desiroit la paix de France; et pareillement
+a monstré, touchant les choses d'Escoce, qu'elle vouloit contanter
+le Roy; et a commandé à ceulx de son conseil de me donner
+satisfaction sur les choses raysonnables que je leur pourray demander
+pour les subjectz de Sa Majesté.</p>
+
+<p>Non que, pour tout cella, je cognoisse que ceulx du dict conseil,
+qui portent le faict de la religion nouvelle, aillent en rien plus froidz
+ny plus remiz que de coustume, ny que les principaulx agentz, qui
+sont icy pour ceste cause, intermettent une seule sollicitation ny dilligence
+vers eulx, ny à tenir souvant conseil avecques les ministres,
+pour envoyer lettres et messaigiers de toutz costez et pour recouvrer
+pollices de crédit pour Allemaigne, ensemble pour pourvoir, par mer
+et par terre, à tout ce qu'ilz pensent estre besoing pour continuer la
+guerre, me venans confirmez de plus en plus les adviz, que j'ay
+desjà mandez, qu'il s'apreste ung nouveau secours d'Allemans pour
+eulx, et qu'ilz préparent une descente par mer en quelque lieu de
+Normandie, Picardie ou Bretaigne; dont je crains bien que ung des
+serviteurs de Mr de Norrys, nommé Harcourt, qui est Françoys, lequel
+a esté naguières dépesché d'icy vers son maistre, ayt heu commission
+de passer pour cest effect plus avant jusques en Allemaigne,
+ou jusques au camp des Princes.</p>
+
+<p>Néantmoins la démonstration de la dicte Dame est, pour ceste
+heure, de vouloir trop plus entretenir l'espérance des Catholiques en
+son royaume que d'essayer de la leur rompre, ny de les mettre en
+aulcune souspeçon des Protestans, ayant par son garde des sceaux,
+en l'audience du dernier jour du terme passé, faict dire à l'assemblée
+qu'elle avoit ung très grand regret de veoir que ses subjectz catholiques
+se monstrassent intimidez pour leur religion, ny qu'il y en
+eust qui, pour cause d'icelle, s'absentassent, comme ilz faisoient, de
+son royaulme; et qu'elle les vouloit toutz admonester de bon cueur de
+déposer ceste peur, et de prendre telle asseurance d'elle, qu'elle
+<span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span>
+n'innoveroit ny permettroit estre innové rien des ordonnances sur ce
+establyes par ses Parlementz et Estatz, soubz lesquelles son royaulme
+avoit desjà vescu plusieurs ans en grand repos, et qu'elle n'entendoit
+en façon du monde que les Catholiques fussent forcez en leurs
+consciences.</p>
+
+<p>Dont despuys, la dicte Dame, entendant qu'on avoit rigoureusement
+examiné et tenu assés estroict le sir Jehan Cornouaille, jadis
+conseiller de la Royne Marie, et trois aultres personnaiges d'assés
+bonne qualité, qu'on avoit envoyé à la Tour pour estre cognuz affectionnez
+catholiques, elle s'en est asprement prinse à ceulx qui l'avoient
+osé fère; et, pour leur fère plus de honte, elle a ottroyé que le
+dict Cornouaille puysse venir luy baiser la main, pour le renvoyer libre
+en sa mayson, et a commandé que les aultres soyent tirez de la Tour.</p>
+
+<p>Et, encor qu'on luy ayt vollu imprimer beaucoup de nouvelles
+souspeçons du comte d'Arondel, de milord Lomeley, du viscomte de
+Montégu et d'aulcuns aultres seigneurs réputez catholiques, qui,
+pour ceste cause, s'estoient tenuz retirez, elle n'a layssé de les envoyer
+quérir avecques faveur; et n'a rejetté les propos que eulx mesmes
+et d'aultres luy ont meu sur la liberté du duc de Norfolc, nonobstant
+que, ez quartiers de son duché, ayent esté naguières surprins
+deux gentishommes, assés familiers et serviteurs de sa mayson, qui
+pratiquoient de soublever le peuple et se saysir du chasteau de Farlin,
+qui est la principalle forteresse du pays.</p>
+
+<p>Et semble que le dict duc seroit desjà délivré, sans la compétance
+où en sont le comte de Lestre et le secrétaire Cecille, lesquelz veulent
+chacun en avoir tout le gré, et estime l'on que le comte soit
+marry de ce que n'ayant peu conduyre ce faict avant son partement,
+il ayt trouvé, à son retour, que le dict Cecille l'avoit bien fort advancé,
+lequel, à ce que j'entendz, a tenu un tel moyen vers sa Mestresse:
+c'est de luy avoir persuadé qu'elle debvoit concéder l'eslargissement
+du dict duc, s'il luy déclaroit par une lettre, escripte et
+signée de sa main, qu'il confessoit l'avoir offancée en ce que, sans
+son sceu, il avoit presté l'oreille au mariage de la Royne d'Escoce,
+bien qu'il eust toutjours estimé que c'estoit pour la seurté d'elle et
+pour le repoz de son royaulme, mais puysqu'elle n'estimoit qu'il fût
+ainsy, et qu'il s'apercevoit à ceste heure qu'il estoit assés aultrement,
+il s'en despartoit entièrement et pour jamais, et promettoit de n'entendre
+à cestuy, ny à nul aultre mariage, en sa vie, que ce ne fût
+avec le congé et bonne grâce de la dicte Dame: lequel expédiant je
+croy qui sera suyvy.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span>
+Estant ce dessus escript, j'ay heu adviz comme un pacquet du
+docteur Mont, agent pour ceste Royne en Allemaigne, estoit arrivé,
+dez hyer au soyr, par lequel il mande que le Pape faict bien fort
+presser l'Empereur de commancer la diette et de procéder à la privation
+et désauthorisation des trois ellecteurs laycs, pour substituer
+trois princes catholiques à leur lieu; sçavoir: l'archiduc Ferdinand,
+le duc de Bavière et le duc de Bronsouyc; mais que, se trouvans
+les aultres accompaignés de dix ou douze mil chevaulx, et le dict Empereur
+seulement de douze ou quinze centz, il faict grand difficulté
+de se trouver à la dicte diette.</p>
+
+<p>Et que, par lettres du comte Pallatin venues en mesmes pacquet, le
+dict sieur comte escript que le Pape s'esforce de troubler l'Allemaigne,
+ainsy qu'il a troublé le royaulme de France; et que Dieu lui est tesmoing
+que, de sa part, il desire la tranquillité et le repoz de la
+Chrestienté et singulièrement du dict royaume, en ce toutesfoys que
+la paix s'y puisse fère estable et à la seurté de sa religion, aultrement
+il promect qu'il ne sera rien obmiz de ce qui sera besoing pour réprimer
+ceulx qui la veulent empescher. Il semble que, sur ceste altération
+d'Allemaigne, le dict Pallatin s'employeroit assés vollontiers
+à procurer la dicte paix, dont le Roy pourra essayer de se prévaloir
+de leurs mesmes divisions, et je mettray peyne de fère sonder icy,
+parmi les Protestans, s'ilz sentent que d'icelles leur vienne nul retardement
+ou changement en leurs affères; car j'estime bien qu'on
+attandra de veoir que pourra produyre ceste diette, qui est si suspecte
+aux princes protestans, premier qu'ilz se divertissent à nulles
+aultres entreprinses, et cella donra quelque loysir à Sa Majesté.</p>
+
+<p><span class="center smcap">DIRA DAVANTAIGE, DE MA PART, A LEURS MAJESTEZ</span>:</p>
+
+<p>Que ne sachant comme la Royne d'Angleterre eust peu prandre ce
+que Leurs Majestez me commandoient de luy dire, touchant la ligue
+d'entre la Royne d'Escoce et elle, comme le Roy estoit contant d'y entrer,
+j'ay estimé que, pour réserver tout l'advantaige à Leurs Majestez,
+et obvier qu'on n'y puisse rien calompnier, que j'en debvois parler
+en la façon que j'ay faict:</p>
+
+<p>C'est que j'ay dict à la dicte Dame qu'ayant le Roy entendu les
+trois poinctz, ausquelz s'estoit restreinct tout le premier pourparlé
+d'entre les seigneurs du conseil d'Angleterre et l'évesque de Roz;
+sçavoir: de la religion, du tiltre de ceste couronne et de la ligue;
+que, quant au premier, de la religion, estant desjà certain ordre receu
+<span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span>
+là dessus en Escoce, lequel la Royne n'a jamais enfrainct, il
+vouloit tant seulement prier à ceste heure la dicte Dame de ne fère
+force ny viollance à la conscience de la dicte Royne d'Escoce, ny innover
+rien en ceste matière qui peult admener plus d'altération au
+monde qu'il n'en y a:</p>
+
+<p>Et du segond, qui est le tiltre de la couronne d'Angleterre, qu'il
+desiroit que la dicte Royne d'Escoce luy en fît toute la cession et
+transport, qu'elle et son conseil estimeroient luy estre besoing pour
+sa perpetuelle seurté et pour ceulx qui pourroient provenir d'elle:</p>
+
+<p>Au regard du troisiesme, qui concerne la ligue, qu'il ne seroit
+marry qu'elle se fît entre elles, pourveu que ce ne fût contre luy, ny
+au préjudice des aultres ligues qu'il a avec la dicte Royne d'Angleterre
+et son royaume, et pareillement avec la Royne d'Escoce et
+le sien; et layssay là dessus amplement discourir la dicte Dame et
+estendre ses responces, sans l'interrompre de rien, ainsy que je l'ay
+desjà mandé.</p>
+
+<p>Mais reprenant, puys après, le propos, je luy diz que, ayant considéré
+de moy mesmes combien il sourdoit à toute heure de grandes
+espines et de nouvelles difficultez en ce faict de la restitution de la
+Royne d'Escoce, à cause qu'on la luy proposoit toutjours fort suspecte
+du costé de France, j'avois suplié le Roy de vouloir luy mesmes
+intervenir en la ligue deffencive, qui se feroit entre elles deux,
+affin qu'en lieu de se deffyer de luy, elle en print dorsenavant toute
+asseurance et seurté; et que le Roy m'avoit respondu qu'il le vouldroit
+bien, mais qu'il ne voyoit pas le moyen commant cella se pourroit
+fère; toutesfoys, si je le voyois icy sur le lieu, qu'il s'en remettait
+bien à moy de passer oultre;</p>
+
+<p>Et que je pensoys qu'il avoit regardé à la jalouzie, que les aultres
+princes en pourroient prendre, et possible encores à la diversité de
+la religion; dont, de tant qu'il ne m'avoit commandé d'en déclairer
+si avant à la dicte Dame, et que néantmoins c'estoit chose que je ne
+pouvois effectuer sans elle, je prenois sa parolle pour garant que le
+propos seroit réservé et ne passeroit plus avant qu'entre nous deux,
+ou bien, si elle en vouloit communiquer à son conseil, qu'elle me
+promettait de ne dire jamais que cella fût procédé de moy.</p>
+
+<p>La dicte Dame, ayant très agréable le dict propos, lequel a esté
+cause que tout l'affère est retourné en bons termes, et néantmoins,
+estant marrye que je y allois si réservé, me demanda, trois ou quatre
+foys, si j'avois poinct pensé nul bon moyen en cella. Je ne luy volluz
+soubdain respondre, affin de luy en laysser à elle mesmes mettre
+<span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span>
+quelcun en avant; mais enfin je luy diz que celluy que je voyois le
+plus honeste estoit que la Royne d'Escoce le requist, et que le Roy,
+pour le bien et considération d'elle, auroit plus grande ocasion d'y
+entendre: et n'en est encores la chose plus avant.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">CXX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Dièpe par M<sup>e</sup> Allexandre.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Arrivée de Mr de Poigny en Angleterre.&mdash;Affaires d'Écosse et d'Allemagne.&mdash;Nouvelles
+apportées de la Rochelle; combat de Sainte-Gemme près
+Luçon.&mdash;Déclaration du duc d'Albe que les préparatifs maritimes faits
+dans les Pays-Bas n'ont d'autre but que d'assurer la conduite en Espagne
+de la nouvelle reine.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, estant Mr de Poigny arrivé le &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce moys en
+ceste ville de Londres, j'ay envoyé, le jour d'après, fère
+entendre sa venue à la Royne d'Angleterre, et la prier de
+nous donner audience, laquelle la nous a prolongée jusques
+aujourduy, dimenche, que nous l'allons trouver à Otland,
+assés incertains que pourra réuscyr de son voyage; car il
+semble que la dicte Dame ayt escript à son ambassadeur
+par dellà qu'il s'estoit trop advancé de vous requérir de
+l'envoyer, et que desjà il s'est excusé de n'avoir onques
+pensé de vous parler de telle chose. Et encores est advenu
+que les Escouçoys ont freschement couru et pillé le bestial
+en la frontière d'Angleterre, à l'ocasion de quoy le comte
+de Sussex, non seulement n'a séparé son armée, mais a
+faict grande instance qu'il luy fût permiz de rentrer encores
+une foys en Escoce, et a retenu pour ceste occasion quelques
+jours davantaige à Auvyc le sir de Leviston, que nous
+<span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span>
+envoyons en Escoce. Toutesfoys l'on nous asseure qu'il
+est meintennant passé; dont n'estant encores les choses
+qu'en assés bons termes, nous incisterons, aultant qu'il
+nous sera possible, qu'elles soyent effectuées ainsy qu'on
+a commancé de les tretter.</p>
+
+<p>Et cependant, Sire, je diray à Vostre Majesté qu'il y a
+quelque aparance, parmy ceulx de la nouvelle religion qui
+sont icy, que la nouvelle, qu'ilz ont despuys trois jours
+d'Allemaigne, leur jette l'espérance de leur secours ung
+peu plus loing qu'ilz ne pensoyent, entendans comme l'assemblée
+de Heldelberc s'est séparée; et que le duc Auguste,
+estant allé devers l'Empereur, luy a parlé en si bonne
+sorte de l'ocasion qui le pressoit de s'en retourner chez
+luy, que non seulement l'Empereur le luy a permiz, mais
+ne luy a reffuzé son excuse, de ne se pouvoir sitost trouver
+à la diette; et que despuys, le comte Pallatin l'est semblablement
+allé saluer, qui luy a offert d'intervenir luy mesmes
+à icelle diette, si les aultres princes y viennent; et que,
+contre l'opinion qu'on avoit que, pour craincte de ceste
+assemblée de Heldelberc, le dict Empereur ne passeroit
+oultre, l'on mande qu'il est arrivé le xv&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> de juing à
+Espire, accompaigné seulement, oultre ceulx de sa court,
+du duc Jehan Georges Pallatin, qui monstre de vouloir
+asprement quereller une quarte part du Pallatinat; et que
+le dict Empereur est allé descendre à l'esglize principalle,
+au grand contantement des Catholiques, se descouvrant de
+plus en plus que icelle diette est principallement indicte
+pour procéder contre les trois ellecteurs protestans, desquelz
+n'ayant leur dignité prins aultre origine ny fondement
+que de l'authorité du Pape, par la bulle jadis sur ce expédiée,
+il semble n'estre sans rayson que, par la mesmes
+<span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span>
+authorité, puysqu'ilz s'en sont substraictz, joinct celle de
+l'Empereur, ilz en puissent meintennant estre fort légitimement
+privez; non que les dicts de la religion se tiennent
+pour cella moins asseurez que devant d'avoir leur secours,
+ains plus, à ceste heure qu'ilz disent que, parce que
+les dits princes ont descouvert ceste entreprinse, ilz se
+veulent plus évertuer, qu'ilz n'ont encores jamais faict, pour
+la deffense de la religion; bien pensent qu'affin qu'ilz se
+puissent mieulx opposer à tout ce qui se pourroit décretter
+contre eulx, ils vouldront retenir les forces dans le pays
+jusques à la fin d'icelle diette; et aussi que n'ayantz les
+draps de ceste dernière flotte d'Angleterre heu encores
+assés bonne vante en Hembourg, leurs lettres de crédit, qui
+sont assignées là dessus, n'ont peu estre si tost employées;
+et le payement est retardé d'ung moys: mais ilz n'intermettent
+cependant aulcune poursuyte ny dilligence en cella,
+mesmes qu'on leur a escript que les deniers, pour la levée
+de Vostre Majesté, sont desjà arrivez par dellà.</p>
+
+<p>Et j'entendz, Sire, que jeudy dernier, arriva ung soldat
+de la Rochelle, qui magniffie bien fort quelque routte que
+les Huguenotz ont donnée aulx capitaines La Rivière et
+Puygaillart près de Lusson<a name="FNanchor_10" id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>, où est demeuré, à ce qu'il dict,
+plus de cinq centz des nostres sur la place, et dix sept
+capitaines avec plus de deux centz aultres prisonniers; et,
+sellon les lettres que le dict soldat a apportées, lesquelles
+ont esté veues en ceste court, le comte de La Roche
+Foucault, qui estoit party pour s'aller joindre au camp des
+<span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span>
+Princes, s'en est retourné d'Angoulesme, à cause de la
+blessure du S<sup>r</sup> de La Noue, de qui l'on n'espère guyères
+la guéryson, affin de ne laysser la Rochelle et le pays
+sans gouverneur; et que le dict sieur comte est après à
+mettre aulx champs envyron cinq mil hommes de pied et
+cinq centz chevaulx, avec trois pièces d'artillerye, pour
+aller reprendre Xainctes, et de là marcher en Brouaige;
+et que le capitaine Sores estant adverty que deux très
+riches flottes revenoient des Indes, l'une pour Espaigne, et
+l'aultre pour Portugal, qui doibvent arriver à ce moys
+d'aoust, est allé essayer s'il en pourra piller quelque une,
+ayant, comme il semble, pour ceste occasion remiz l'entreprinse
+de leur descente, dont vous ay ci devant escript,
+jusques à son retour; et cependant les vaysseaulx du prince
+d'Orange et ceulx de quelques pirates françoys, qu'ilz
+nomment le capitaine Joly, du Mur, Bouville et aultres,
+ont combattu, vendredy dernier, dans ceste mer estroicte,
+une flotte de douze grandes ourques, lesquelles, soubz la
+conserve de deux aultres grandz navyres de guerre, passoient
+de Flandres en Espaigne, et ont prins l'admyralle
+et une aultre des plus riches.</p>
+
+<p>Le duc d'Alve a fait déclairer icy par l'ambassadeur
+d'Espaigne que l'armement, qu'il prépare en Flandres,
+n'est pour aultre effect que pour conduyre la Royne, sa
+Mestresse, devers le Roy son mary, avec l'apareil qui convient
+à une si grande princesse comme elle est, pour le
+dangier des pirates; ce que j'estime, qu'il a fait expressément
+pour garder que les Anglois n'arment de leur costé;
+car ilz ne pourroient, puys après, se tenir qu'ilz n'allassent
+se présenter en mer au passaige de la dicte Dame, en dangier
+qu'il y peult survenir quelque accident, ce qu'il veult
+<span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span>
+bien évytter; et a mandé que ceulx qu'il a faict depputer
+sur le différant des merchandises, sont desjà partys pour
+venir par deçà. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;x<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CXXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Dièpe par Jehan Girault.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience accordée par la reine d'Angleterre à Mr de Poigny, envoyé vers
+elle pour négocier la mise en liberté de Marie Stuart, et son rétablissement.&mdash;Nouvelles
+d'Écosse.&mdash;Insistance de l'ambassadeur pour qu'Élisabeth
+refuse toute protection aux protestans de France, s'ils ne consentent
+pas à accepter les conditions offertes par le roi.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, nous avons esté, despuys quatre jours en çà,
+trouver la Royne d'Angleterre à Otland, laquelle a monstré
+de recepvoir, avec playsir, les lettres et recommendations,
+que Voz Majestez lui ont faictes présenter par Mr de
+Poigny, et l'a receu à luy mesmes bien fort favorablement;
+dont, après aulcuns bien honnestes propos, de
+l'ayse qu'elle avoit d'entendre de voz bonnes nouvelles et
+vostre retour en bonne santé vers les quartiers qui sont
+plus près d'icy, elle a commancé de lyre assés hault voz
+lettres; sur lesquelles monstrant de s'esbahyr de l'occasion
+que luy mandiez du voyage du dict S<sup>r</sup> de Poigny, que ce fût
+à l'instance de son ambassadeur, elle nous a dict, tout clairement,
+qu'elle n'avoit point donné ceste charge à son ambassadeur,
+ainsy qu'il se pourroit bien vériffier par la
+minute des lettres que, despuys deux moys, elle lui avoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span>
+escriptes: et le Secrétaire Cecille, lequel elle a appellé là
+dessus, n'a failly de le confirmer de mesmes.</p>
+
+<p>Puys, elle a suyvy à dire qu'il estoit advenu l'ung de
+deux; ou qu'on avoit équivoqué sur ce qu'elle avoit accordé
+que la Royne d'Escoce et moy peussions envoyer ung
+gentilhomme jusques en Escoce pour voir comme les
+armes s'y poseraient, et comme elle feroit retirer ses
+forces hors du pays, ainsy que, pour cest effect, le sir de
+Leviston estoit desjà par dellà, mais non de fère venir
+exprès ung gentilhomme de France; ou bien qu'il y avoit
+de l'artiffice; mais, d'où que peult venir la faulte, elle
+n'estoit que heureuse, puysqu'elle luy estoit moyen de
+pouvoir mieulx entendre l'estat et bonne disposition de
+Voz Majestez.</p>
+
+<p>A quoy ayantz vifvement incisté qu'il n'y avoit, ny pouvoit
+avoir, nul mescompte ny artiffice de vostre costé, le
+dict S<sup>r</sup> de Poigny a allégué qu'il avoit veu son dict ambassadeur
+estre longtemps en l'audience avec Voz Majestez à
+vous discourir et monstrer plusieurs papiers; et que, au
+sortir de là, vous luy aviez commandé de s'en venir, qui ne
+pouvoit estre, sans que le dict ambassadeur l'eust ainsi requis.
+Et a poursuyvy de réciter à la dicte Dame bien particulièrement
+tout le contenu de sa charge, en si bonne et
+gracieuse façon, qu'elle a monstré d'en avoir tout contantement.</p>
+
+<p>Il est vray, Sire, qu'elle a commancé de respondre par
+une plaincte, qu'elle nous a faicte, de l'affection que
+Vostre Majesté monstre de se souvenir trop plus de la
+Royne d'Escoce et de ses affères que des bons tours de
+bonne s&oelig;ur et vraye amie, qu'elle vous a monstrez en ces
+troubles de vostre royaulme; mais que pourtant elle ne veult
+<span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span>
+laysser, sur la considération qu'avez heue de n'envoyer voz
+forces en Escoce, de vous en randre ung bien fort grand
+mercy, et non moindre pour l'amour de vous que pour
+l'amour d'elle mesmes, car l'honneur est égal à toutz
+deux; et qu'au reste, encores qu'on dye que les femmes
+ont toutjours des responces et deffaictes toutes prestes,
+qu'elle n'en usera en cest endroict, ains prendra temps
+pour bien consulter l'affère, affin de nous donner, par
+après, plus grande satisfaction.</p>
+
+<p>Et ainsy, Sire, nous sommes attandans qu'est ce
+qu'elle trouvera par son conseil qu'elle nous debvra dire;
+et, de tant qu'elle nous a touché de l'armement, qu'elle dict
+estre encores tout prest en Bretaigne, contre l'asseurance
+que je luy avois donnée que vous l'aviez contremandé, et
+aussi de quelque personnaige qu'avez freschement dépesché
+par mer en Escoce; et que, parmy cella, elle nous a
+ramentu plusieurs offances que la Royne d'Escoce, à ce
+qu'elle dict, luy a faictes, avec grande deffiance d'elle et
+de Mr le cardinal de Lorrayne, je ne vois pas que nous
+soyons encores bien prez de conclurre quelque bon marché
+entre elles. Tant y a que comme il n'a esté, à mon adviz,
+rien oublyé de ce qui se pouvoit desduyre en ceste première
+remonstrance, nous ne dellibérons d'estre moins
+pressantz en la segonde. Ce poinct, au moins, nous demeure
+gaigné despuys dix jours, que l'armée de la dicte
+Dame, suyvant ce que je vous ay cy devant mandé, est entièrement
+cassée, et ne reste nulles aultres forces en la
+frontière du North que la garnison acoustumée de Barvich
+et celle qu'on a layssé dans les deux chasteaux de Humes et
+Fascastel. Il est vray que, dedans Barvych, demeure ung
+bien fort grand appareil de guerre, qu'on y avoit desjà
+<span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span>
+préparé pour la généralle entreprinse d'Escoce, et l'armée
+peult, en bien peu de jours, estre rassemblée. Je ne sçay
+si le comte de Lenoz aura de mesmes obéy à ce que je vous
+ay mandé, Sire, qu'on luy avoit escript de se retirer au
+dict Barvych et de licentier les trois centz Escouçoys qu'on
+entretenoit près de luy; car, sellon les dernières nouvelles
+qui sont venues de dellà, il s'entend que le dict de Lenoz estoit
+encores à Esterlin, le xxv&#567;<sup>e</sup> du passé, avec les comtes
+de Morthon et de Mar, créez lieuctenans du jeune Roy son
+petit filz, jusques au dixième de ce moys; auquel jour toutz
+ceulx de ceste faction se debvoient trouver à Lislebourg
+pour mettre quelque résolution en leurs affères. Ilz ont esté
+en termes de porter le dict jeune Roy au dict Lislebourg
+affin qu'avec sa présence ilz peussent recouvrer le chasteau,
+mais le lair de Granges a respondu que le dict Prince y seroit
+le bien venu; néantmoins qu'il vouloit demeurer le
+plus fort dedans, attandant que la Royne sa mère et luy
+fussent d'accord comme ilz entendroient qu'il en usast. Cependant
+la dicte Dame a envoyé confirmer à sa dévotion le
+dict de Granges, et ses aultres bons serviteurs de dellà, par
+le dict sir de Leviston, qui leur a apporté, de par elle, trois
+mil escuz, de la somme que je luy ay naguières fornye, affin
+qu'ilz ayent de quoy se pourvoir des choses qui sont nécessaires
+pour la garde du dict chasteau de Lislebourg et de
+celluy de Dombertrand.</p>
+
+<p>Sur la fin de nostre audience, Sire, j'ay faict mencion
+à la dicte Dame de l'estat auquel sont encores les affères
+de vostre royaulme, et comme Vostre Majesté, ayant donné
+ung clair tesmoignage au monde de sa bonne intention à
+réunyr toutz ses subjectz, et esgallement les conserver, et
+d'avoir concédé à ceulx, qui se sont ellevez, une si grande
+<span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span>
+satisfaction, pour leur religion et pour leurs affères, et
+encores pour la seurté de leur personnes, qu'il ne leur
+reste plus aulcune excuse de ne debvoir poser les armes,
+ny de quoy pouvoir alléguer à la dicte Dame, ny aulx aultres
+princes protestans, que vous pourchassiez d'exterminer
+leur religion, puysque permettez qu'elle ayt cours et
+exercisse en vostre royaulme; qu'elle veuille donques
+croyre que vous ne cerchez en ceste guerre que le seul recouvrement
+de l'obéyssance qu'ilz vous doibvent; et que
+leur entreprinse, s'ilz passent oultre, ne peult estre dressé
+que contre vostre estat et authorité; et que n'estantz naiz
+au pareilh degré d'honneur de Voz Majestez, il est sans
+doubte que, s'ilz pouvoient avoir quelque advantaige sur
+vous, que eulx et leurs semblables entreprendroient de
+fère le mesmes, par toutz les aultres estatz de la Chrestienté,
+pour y abattre l'authorité et esteindre le sang royal
+des princes souverains; dont la priez que, s'ilz diffèrent
+ou reffuzent d'accepter vos honnestes offres, qu'elle les
+veuille tout aussitost priver de toute faveur et retraicte en
+ses portz et pays, et employer ses bons moyens, icy et en
+Allemaigne, et vers les princes protestantz, desquelz ilz
+attandent leur secours, et partout où elle pourra, par mer
+et par terre, qu'ilz ne puissent exécuter leurs mauvaises
+et violantes intentions.</p>
+
+<p>A quoy la dicte Dame m'a respondu que je luy estois
+tesmoing, que, entre ses meilleurs desirs, elle avoit toutjours
+heu bien expécial celluy de la paix de vostre
+royaulme, et qu'elle espéroit que voz subjectz ne se diffameroient
+tant que de la rejetter, si les condicions estoient
+telles que je disoys; et que d'autresfoys elle m'avoit dict
+qu'elle vouloit réserver une oreille aulx raysons que les
+<span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span>
+aultres pourroient alléguer, lesquelz, si n'en avoient de si
+bonnes qu'ilz se peussent bien excuser de l'obéyssance et
+déposition d'armes que Vostre Majesté leur demande,
+qu'elle les tiendroit puys après pour rebelles; et qu'elle
+croyt que leur longueur vient de ce que les exemples du
+passé leur font peur; comme encore elle pense que, quant
+Dieu vous aura donné la paix, l'on ne cessera, avant deux
+ans, de vous pousser à la guerre, pour oster ceste religion,
+et mesmes à vous anymer contre ce royaulme comme contre
+ung coin de terre qui sert de retrette aulx Protestans;
+ains qu'elle sçayt bien qu'on a vollu imprimer au cueur de
+Monsieur d'aspirer par ce moyen à quelque couronne,
+mais qu'elle espère que vostre prudence et la sienne, et
+vostre modération, résisteront à si mauvais et pernicieulx
+conseilz; et, quant aulx choses d'Allemaigne, qu'elle m'a
+naguières adverty de ce que l'Empereur luy en avoit escript,
+et bientost elle attand lettres de dellà, desquelles
+elle me fera part, c'est en substance, Sire, ce qui s'est
+passé en la dicte audience. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;v<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</p>
+
+<p class="blockquote">Tout présentement viennent d'arriver les commissaires de Flandres,
+que le duc d'Alve a envoyez pour venir visiter les prinses et en
+fère l'évaluation. Et semble que l'espérance de liberté est prolongée
+au duc de Norfolc encores pour trois moys.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet</i>.)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience accordée à Mr de Poigny et à l'ambassadeur.&mdash;Refus de la reine
+d'Angleterre de laisser passer Mr de Poigny en Écosse.&mdash;Consentement
+qu'elle lui accorde de se rendre auprès de Marie Stuart.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, la Royne d'Angleterre nous a prolongé six jours
+entiers sa responce, et, le septiesme, elle nous a mandé
+venir à Otland pour la nous fère, qui y sommes arrivez sur
+le poinct qu'elle estoit preste d'en desloger, à cause que,
+la nuict précédante, quelques ungs y estoient mortz si
+soubdainement qu'on eust souspeçonné que ce fût de peste.
+Néantmoins s'estans ceulx de son conseil incontinent assemblez,
+Mr de Poigny et moy avons esté premièrement
+introduictz vers eulx, et ilz nous ont faict entendre par milor
+Chamberlan ce qui s'en suyt:</p>
+
+<p>Que la Royne, leur Mestresse, ne voulant aulcunement
+contradire la parolle de Vostre Majesté, en ce que mandiez
+avoir dépesché Mr de Poigny vers elle, sur l'instance que
+son ambassadeur vous en avoit faicte, elle a estimé avoir
+occasion de vous en remercyer, comme elle faict de bon
+cueur; mais qu'elle vous prie, Sire, de croyre que son
+ambassadeur n'a poinct heu ceste charge; et, quant à celle,
+qu'avez donnée au dict S<sup>r</sup> de Poigny, d'assister par deçà
+au tretté qui se fera entre elle et la Royne d'Escoce, encor
+que ce soit chose apartenant à elles deux, où nul aultre
+qu'elles et leurs subjectz n'ont que voir, et où l'arbitrage
+ny l'authorité de nul aultre prince n'est requise, néantmoins
+<span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span>
+elle est contante que, luy ou moy, ou toutz deux
+ensemble, interveignons pour Vostre Majesté en ce qui s'y
+fera, comme en ung acte qu'elle veult vous estre tout clair
+et cogneu; et au regard d'aller visiter la Royne d'Escoce,
+qu'ilz layssoient à la Royne, leur Mestresse, d'en tretter
+avecques nous; mais, quant à passer plus avant jusques en
+Escoce, de tant que cella leur sembloit debvoir plus aporter
+d'empeschement que de proffict au tretté, et possible
+engendrer de grandes difficultez en tout l'affère, comme
+desjà ung pareil exemple les en avoit faictz saiges, qu'ilz
+avoient tout librement dict à la dicte Dame, qu'il n'estoit
+besoing qu'elle l'y layssât passer; à cause de quoy ilz
+prioient Vostre Majesté de trouver bon que, pour n'interrompre
+ung si bon &oelig;uvre, il se déportast entièrement d'y
+aller.</p>
+
+<p>A quoy ayant le dict S<sup>r</sup> de Poigny fort particullièrement
+et bien respondu, et s'estant principallement arresté à ne
+debvoir estre aulcunement empesché de passer en Escoce,
+par des raysons très aparantes, qu'il leur a sagement et
+fort vifvement remonstrées; et y ayant aussi fort fermement
+incisté de ma part, avec prière qu'ilz le vollussent
+acompagnier d'ung aultre gentilhomme des leurs pour
+pouvoir esclayrer ses actions, affin de n'en prendre point
+de deffiance, nous les avons fort pressez de n'uzer en chose
+de si petite importance, laquelle n'estoit que pour leur
+proffict, d'aulcun reffuz qui vous peult ou mal contanter,
+ou préjudicier à la liberté des trettez.</p>
+
+<p>Sur quoy iceulx seigneurs, ayantz de rechef miz l'affère
+en dellibération, nous ont, par le secrétaire Cecille, présens
+toutz les aultres, faict dire que, considéré que en
+ceste cause les personnes qui y interviennent sont Vostre
+<span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span>
+Majesté, la Royne leur Mestresse et la Royne d'Escoce,
+sçavoir: les deux comme principalles en intérest, et Vous,
+Sire, comme allyé fort estroit à l'une, et en bonne amytié
+avecques l'aultre; et que la matière touche principallement
+à leur Mestresse comme invahye en son tiltre, et au nom,
+armes et enseignes de son estat, par la Royne d'Escoce;
+laquelle n'a jamais vollu, quelque dilligence qu'on en ayt
+sceu fère, aprouver le tretté sur ce faict avec ses depputez,
+bien que légitimement authorisez du feu Roy son
+mary, vostre frère, non sans indignité de ceste couronne:
+considéré aussi que ceulx, qui tiennent son party en Escoce,
+non seulement ont retiré les rebelles d'Angleterre,
+ains se sont joinctz avec eulx pour venir assaillyr ce
+royaulme, et que, nonobstant tout cella, ainsy que les
+choses estoient en termes de quelque modération entre le
+comte de Sussex et les Escossoys, au moys d'apvril dernier,
+survenant là dessus ung gentilhomme françoys, tout
+fut interrompu, et commancèrent incontinent ceulx du dict
+party de la Royne d'Escoce de tumultuer et de devenir si
+insolantz, que le dict de Sussex fut contrainct de exploicter
+ses forces contre eulx; et encores tout freschement le sir de
+Leviston n'a esté sitost par dellà que ceulx de la frontière
+d'Escoce n'ayent incontinent entreprins de courre et piller
+celle d'Angleterre: considéré aussi que le dict sir de Leviston
+sera en brief de retour avec les aultres depputez du
+royaulme, lesquelz, si ne sont desjà partys, sont si près
+de le fère, que le mieulx qu'adviendroit au dict S<sup>r</sup> de
+Poigny seroit ou de les faillyr en chemyn, ou de les rencontrer
+en lieu, d'où possible ilz ne vouldroient passer
+plus avant, jusques à ce que sa légation fût entendue de
+ceulx qui les envoyent, qui seroit d'aultant retarder la besoigne;
+<span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span>
+joinct que; tant plus nous incisterions au dict
+voyage, plus nous le leur rendrions suspect, et leur donrions
+à penser que Vostre Majesté ne l'auroit commandé,
+ny pour satisfère à leur ambassadeur, ny pour l'utillité de
+leur Mestresse, ainsy que nous nous esforcions de le leur
+persuader; ilz percistoient, en ce qu'ilz avoient desjà conseillé
+à la dicte dame, qu'il n'estoit aulcunement expédiant
+que le dict S<sup>r</sup> de Poigny passât oultre. Bien nous vouloient,
+quant au reste, donner seurté pour elle qu'aussitost
+que les dicts seigneurs escouçoys seroient arrivez, elle
+sera preste de procéder sur les affères d'entre la Royne
+d'Escoce et elle, sellon le tretté qui en a desjà esté commancé
+avecques moy, et dont j'en ay mis quelque forme
+en escript, et d'entendre à la restitution de la dicte Dame,
+aultant, qu'avec son honneur et sa seureté, elle le pourra
+fère.</p>
+
+<p>Et sont demeurez si fermes en cella que, ne pouvant
+gaigner rien davantaige avec eulx, nous sommes allez
+trouver leur Mestresse; et elle nous a tenu le mesmes langaige,
+adjouxtant seulement, pour le regard de l'indignité
+et moquerie, que nous alléguions estre en cest
+empeschement du voyage du dict S<sup>r</sup> de Poigny en Escoce,
+puysqu'il estoit si avant, qu'elle prenoit en sa
+charge d'en contanter Vostre Majesté; mais, quant à aller
+devers la Royne d'Escoce, s'il me sembloit que d'une
+telle visite, après les occasions que je sçavois bien qu'elle
+luy avoit données de beaucoup d'offances, et sur l'opinion
+qu'on pourroit prendre que ce fût par craincte ou par menaces
+qu'elle l'ottroyoit, il n'en peult advenir de préjudice
+à sa réputation, ny aulcun intérest à votre commune amytié,
+qu'elle estoit contente de le permettre.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span>
+Sur quoy je l'ay priée de prendre de bonne part l'honneste
+office que Vous, Sire, faisiez envers vostre belle
+s&oelig;ur, et qu'elle layssât aux mal affectionnez, d'y donner
+telle interprétation qu'ilz vouldroient, car ce ne pourroit
+jamais estre qu'à la louange de sa bonté, et vertu, et
+encores à son honneur et proffict. Et ainsy, Sire, elle a
+donné saufconduict au dict S<sup>r</sup> de Poigny d'aller trouver la
+dicte Dame; chose que nous n'espérions guyères et laquelle
+monstre desjà debvoir estre de beaucoup de moment pour
+vostre service, en ce royaulme et en celluy d'Escoce. Et
+avant s'acheminer, le dict S<sup>r</sup> de Poigny a advisé de donner
+entier compte de toute sa négociation à Voz Majestez,
+ainsy qu'il vous plairra le voyr par ses lettres, ne voulant,
+Sire, pour quelques aultres empeschemens, qui commancent
+de paroistre tout de nouveau en cest affère, venantz
+de lieu d'où moins vous l'attandiez, laysser d'espérer que
+la paix de vostre royaulme ne soit pour bientost vuyder
+ceste, et encor d'aultres plus grandes difficultez; ainsy que
+ceste Royne n'a vollu finir l'audience sans monstrer une
+conjouyssance du bon espoir qu'elle dict avoir d'icelle, et
+que ce luy sera aultant de joye, de santé et de bon portement,
+si elle en peult bientost entendre la conclusion. Sur
+ce, etc. <span class="i2">Ce x&#305;x<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</span></p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, nous n'avons peu, pour ce coup, obtenir rien
+de mieulx en la négociation de Mr de Poigny que de luy
+permettre qu'il puysse aller visiter la Royne d'Escoce de la
+part de Voz Majestez; qui n'est si peu, Madame, qu'on
+ne le tienne icy en beaucoup, et que la réputation de
+vostre couronne n'en semble estre en quelque chose relevée,
+<span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span>
+et qu'on ne commance de bien espérer de tout le
+reste. Nous avions, avant aller à ceste segonde audience,
+heu advertissement de certaynes traverses, que la communication
+du S<sup>r</sup> dom Francès avec Mr de Norrys vous y faict,
+qui a esté cause que j'ai, avec le plus de véhémence et
+d'affection que j'ay peu, touché à la Royne d'Angleterre
+les poinctz qui la doibvent asseurer de vostre amytié, et ceulx
+qui la luy peuvent rendre utille et pleyne de confiance, et
+le mesmes aulx seigneurs de son conseil; dont le comte de
+Lestre et le secrétaire Cecille m'ont despuys recerché de
+plus estroicte conférance avec eulx; et Mr de Roz a raporté
+d'elle, et d'eulx, plus amples promesses sur l'advancement
+de toutz les affères de sa Mestresse; ainsy que plus en particullier
+je le vous manderay, dans quatre ou cinq jours,
+que je dépescheray ung des miens devers Vostre Majesté.
+Et vous diray cependant, Madame, que le dict S<sup>r</sup> Norrys
+a mandé qu'il y avoit grand apparance que la paix succèderoit
+bientost, ce qui faict monstrer ceulx cy en meilleure
+disposition vers toutes les choses de vostre service. Ilz sont
+après à jetter cinq grandz nayyres avec mil hommes dehors,
+avitaillez pour deux moys, par prétexte d'aller réprimer
+les pirates, mais c'est pour le souspeçon qu'ilz se
+donnent de l'armement du duc d'Alve; auquel toutesfoys
+ceste Royne a naguières, par persuasion du dict S<sup>r</sup> Norrys,
+escript une lettre pleyne d'affection, affin de prendre asseurance
+de luy, et luy en donner tout aultant d'elle, touchant
+le passaige de la Royne d'Espaigne. J'entendz qu'il est
+arrivé plusieurs lettres d'Allemaigne, et entre autres du
+comte Pallatin, qui semble inviter ceste princesse à desirer
+la paix de France. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;x<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXV</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Joz, mon secrétaire.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Délibération du conseil sur la mise en liberté du duc de Norfolk.&mdash;Dispositions
+prises par Élisabeth pour apaiser les troubles de son royaume.&mdash;Préparatifs
+maritimes et militaires dont on doit se défier en France, malgré
+les assurances de paix et d'amitié données par la reine, et la bonne volonté
+qu'elle montre à l'égard de Marie Stuart.&mdash;Nouvelles d'Écosse et d'Allemagne.&mdash;<em>Mémoire
+général</em> sur les affaires d'Angleterre.&mdash;Détail des mesures
+prises en Angleterre pour se défendre contre toute agression.&mdash;Bonnes
+dispositions montrées en faveur de Marie Stuart et du duc de Norfolk.&mdash;<em>Mémoire
+secret</em>. Intrigues de l'Espagne en Angleterre pour traverser
+tous les projets de la France.&mdash;Mission secrète de don Francès
+d'Alava.&mdash;Désir du cardinal de Chatillon de voir la pacification s'établir
+en France; conditions auxquelles les protestans offrent de se soumettre.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, aujourduy, et tout demain, la Royne d'Angleterre
+sera en la mayson du comte de Betford, à xx mil
+d'icy, où elle a mandé venir son garde des sceaulx et ses
+aultres principaulx conseillers pour dellibérer de la liberté
+du duc de Norfolc; de laquelle l'on luy donne grande espérance
+qu'il la pourra obtenir bientost, à tout le moins
+d'estre remiz en sa mayson. Et de là, la dicte Dame veult
+continuer son progrez, sans toutesfoys esloigner guières
+plus que de trente mil la ville de Londres vers Suffoc,
+Norfolc et Sussex, affin d'appayser ces trois pays, qui sont
+voysins d'ici, lesquels ont monstré d'estre disposez à
+quelque nouveaulté; et elle espère de modérer par sa présence
+l'affection des hommes, et fère exploicter la justice
+contre ceulx qui sont prins, et abattre toute l'intelligence
+qu'on luy faict acroyre que les estrangiers ont en ces
+quartiers là; et, par mesme moyen, pourvoir à la seureté de
+<span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span>
+ses portz tout le long d'icelle frontière, ainsy que, à grande
+dilligence, elle les faict fortiffier, à cause qu'ilz sont exposez
+vers Holande et Zélande; d'où elle crainct les entreprinses
+du duc d'Alve, nonobstant que dom Francès d'Alava
+ayt, à ce qu'on dict, remiz elle et luy à traicter
+amyablement et par lettres bien gracieuses l'ung avec
+l'aultre, et que le dict duc luy ayt freschement envoyé des
+depputez sur le faict des prinses; mais ces démonstrations
+ne la peuvent tant asseurer, comme les aultres apparances
+de la sublévation, qu'elle a senty en son pays, et le raport
+qu'on luy faict, qu'en l'armement de Flandres se prépare
+d'embarquer trois mil chevaulx, grand nombre de gens
+de pied, force artillerye, pouldres, pionniers, monitions
+et tout aultre appareil de guerre, la mettent en deffiance.
+De quoy est advenu que la dicte Dame, despuys six jours,
+a faict arrester toutz les navyres tant estrangiers que
+aultres, qui sont par deçà, et serrer les passaiges, et envoyé
+son admiral à Gelingan et le long de la Tamise pour
+ordonner une armée de mer, du plus grand nombre de
+vaysseaulx et de maryniers qu'il luy sera possible, affin de
+l'avoir preste à tout momant, quant il sera besoing; et
+commande aussi qu'on tienne deux mil chevaulx et huict
+mil hommes de pied toutz pretz. Dont je suys après,
+Sire, de regarder si cest appareil se feroict poinct à quelque
+aultre fin contre vostre service; mais, encore que je
+n'en descouvre rien, je vous suplie néantmoins, Sire,
+très humblement que cecy vous serve d'ung adviz pour
+ne laysser à l'arbitre des Anglois rien du vostre, qui
+ne soit pourveu contre les entreprinses qu'ilz y pourroient
+fère; car vostre royaulme est ouvert et exposé à
+toutes injures, tant que cette guerre durera.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span>
+Je veulx toutesfoys bien asseurer Vostre Majesté que
+ceste Royne et les siens m'ont, despuys dix jours, tenu des
+propos plus exprès de la confirmation d'amytié entre Voz
+Majestez, et de la persévérance de paix entre voz deux
+royaulmes, qu'ilz n'avoient faict despuys que je suys en
+ceste charge; ny Mr de Roz, ny moy, ny toutz ceulx qui
+portons icy le faict de la Royne d'Ecosse, n'avons jamais
+mieulx espéré de la restitution d'elle que meintennant;
+mais il ne se fault arrester aux parolles ny aparances de
+ceulx cy, ains se donner garde d'eulx, puysqu'ilz se mettent
+en armes. La dicte Royne d'Escoce aura un singulier
+playsir, et une fort grande consolation, d'estre visitée par
+Mr de Poigny de la part de Voz Majestez, et ne vous sçaurois
+exprimer, Sire, combien ung chacun estime que cella
+luy sera ung commancement de bonheur et ung advancement
+au reste de toutz ses affères, ès quelz l'on nous promect
+toutjours une prompte expédition, aussitost que les
+depputez d'Escoce seront arrivez; mais je crains qu'ilz
+soyent retardez pour l'occasion d'une assemblée, que ceulx
+du party du jeune Prince se vouloient esforcer de tenir à
+Lislebourg, le x<sup>e</sup> de ce moys, pour y créer ung régent; à
+quoy le duc de Chastellerault et le comte de Honteley délibéroient
+de s'oposer, et à cest effect s'estoient acheminez
+avecques bonnes forces vers le dict Lislebourg. L'opinion,
+que ceulx cy ont, que la paix se doibve conclurre en vostre
+royaulme les faict monstrer mieulx disposez aulx choses
+d'Escoce, et si d'avanture elle succède, je pense qu'ilz
+passeront oultre à les accommoder.</p>
+
+<p>J'entendz que les nouvelles d'Allemaigne sont que
+l'Empereur n'advance guières rien en la diette, et que les
+seulz ecclésiastiques le sont venuz trouver; qu'il semble
+<span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span>
+que les princes protestans, pour empescher qu'il ne
+puisse fère créer son filz roi des Romains, se veulent servyr
+d'une ancienne observance de l'Empire, que jamais la
+dignité d'Empereur n'a passé successivement que jusques
+à cinq d'une mesme famille, et qu'il est à présent le cinquiesme
+Empereur de la maison d'Autriche, à quoy les
+princes éclésiastiques ne monstrent guières contradire pour
+ne laysser aller cest estat héréditayre; que le comte Pallatin
+est aproché une lieue près d'Espire accompaigné
+seulement de quatre centz chevaulx, offrant de se trouver
+à l'assemblée, si les aultres ellecteurs y viennent; que le
+reste de la trouppe de Heldelberc est entièrement séparée,
+parce que l'Empereur a faict entendre au dict Pallatin
+et au duc Auguste que, s'ilz se tenoient ainsy accompaignez,
+qu'il manderoit aulx aultres princes de l'Empire de
+s'accompaigner de mesmes, en le venant trouver; qu'il
+semble que le secours, pour ceulx de la nouvelle religion
+en France, est de quelques jours retardé pour attandre
+que produira ceste diette, et aussi pour l'espérance, qu'on
+a, que la paix se doibve conclurre; que le susdict comte
+Pallatin a exorté ceste Royne et les siens, et pareillement
+le cardinal de Chastillon, de procurer la dicte paix; qu'il
+a esté reffuzé au duc de Bronsouyc de fère une levée aulx
+terres de l'évesque de Munster, et que vers le dict Munster
+se sussitent les mesmes sectes qu'on y a d'aultres foys
+veues; que les deniers pour ceulx de la nouvelle religion
+en Hembourg seront prestz à fornyr dans la fin de ce moys;
+qu'il y a quelque apparance que le voyage de la Royne
+d'Espaigne sera retardé, et qu'elle ne passera point par
+Flandres, ains yra prendre ung aultre chemin, et que, à
+cause de cella, l'on estime que le duc d'Alve commancera
+<span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span>
+de réduyre bientost son armement à ung moindre équipage,
+qui ne soit que pour combattre seulement les vaysseaulx
+du prince d'Orange, lesquelz, en la prinse qu'ilz
+ont faicte de deux grandz navyres de conserve, qui alloient
+conduire une flotte vers Espaigne, et d'ung vaysseau de la
+dicte flotte, ilz ont jetté en mer toutz les Espaignolz, qui
+estoient dessus; et despuys le S<sup>r</sup> de Galeace Fregose qui
+est icy, et ung aultre gentilhomme, qui se dict escuyer du
+prince d'Orange, ont esté faictz cappitaines des dicts deux
+grandz navyres de conserve, lesquelz ilz rabillent en dilligence
+pour s'aller incontinent joindre aulx aultres. Sur
+ce, etc. <span class="i2">Ce xxv<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</span></p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center">INSTRUCTION DES CHOSES<br />
+qu'il fault fère entendre à Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres:</p>
+
+<p>Qu'il semble que, par l'examen des gentishommes qui ont esté
+prins en Norfolc, l'on a descouvert que l'assemblée, qu'ilz prétandoient
+de fère le jour de S<sup>t</sup> Jehan au dict pays, n'estoit pour chasser
+les estrangiers, ainsy qu'ilz le donnoient à entendre, ains pour
+commancer une généralle ellévation en ce royaulme, tendans à trois
+fins: l'une, de changer l'estat du gouvernement; l'aultre, de recouvrer
+l'exercice de la religion catholique; et la tierce, de tirer le duc
+de Norfolc hors de prison: sur lesquelz trois poinctz se trouve qu'ilz
+avoient desjà minuté une proclamation pour l'envoyer publier partout.</p>
+
+<p>Et cella, avec la bulle qui est formelle contre ceste Royne, et avec
+ung escript qui a despuys couru, encores plus formel, contre aulcuns
+de ses conseillers, (et nomméement contre Quiper, Cecille, le
+chancellier du domayne et le chancellier des comptes, et dont la
+conclusion d'icelluy est que la communauté du royaulme, quoyque
+coste, veult avoir la religion catholique), met ceulx cy en une indubitable
+opinion qu'il y a une grande conjuration desjà dressée dans le
+pays;</p>
+
+<p>Et qu'elle est fomentée par le Roy et le Roy d'Espaigne, sans le
+consentement desquelz le Pape, comme ilz disent, n'eust jamais osé
+expédier une bulle si rigoureuse comme il a faict; joinct que l'armement
+qu'ilz entendoient se préparer en Bretaigne pour colleur de secourir
+les Escouçoys, et l'apareil du duc d'Alve, trop plus grand qu'il
+<span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span>
+ne sembloit estre requis pour le passaige de la Royne d'Espaigne,
+leur a faict croyre, jusques icy, que tout cella se dressoit contre eulx
+en faveur des Catholiques de ce royaulme.</p>
+
+<p>Dont, pour y remédier, ilz ont, en premier lieu, expédié une ordonnance
+fort furieuse, du dernier du moys passé, contre les porteurs
+de bulles et semeurs de ces libelles; laquelle porte commission
+d'apréhender les autheurs d'iceulx, si fère se peult, affin de les punir
+et de descouvrir par eulx qu'est ce qu'il y a de plus caché en leurs
+déllibérations.</p>
+
+<p>Après, ilz ont dépesché trente cinq lettres aulx trente cinq comtes
+de ce royaulme, pour mander aulx officiers qu'ilz ayent à fère
+enroller promptement en chacune d'icelles, sellon sa portée, ung
+nombre d'hommes, jusques à cinquante mil en tout, tant de pied que
+de cheval, et à iceulx bailler cappitaines, lieutenantz, enseignes,
+tabourins et trompettes, et leur ordonner une paye par an d'envyron
+trois escuz à chacun, et ung peu plus aulx capitaines; dont les
+deniers se prendront sur le plat pays, avec commandement de fère
+monstres par tout ce moys, et le continuer puys après de quartier
+en quartier, et qu'on ayt à les exercer principallement à la haquebutte;</p>
+
+<p>Et ont ordonné à l'admyral Clynton de dresser ung estat, par lequel
+il puysse mettre en mer, toutes les foys que la Royne, sa Mestresse, le
+commandera, cinquante bons navyres de guerre avec douze mil hommes
+dessus, maryniers et soldatz, et que l'avitaillement en tout aultre
+appareil en soit prest et tout dressé ez lieux qu'il cognoistra en
+estre besoing;</p>
+
+<p>Faisans leur compte de combattre les ennemys en mer, premier que
+de leur permettre nulle descente par deçà, avec opinion que, quant
+tout le monde aura bien conjuré contre eulx, qu'ilz pourront avec
+ceste provision ayséement se deffandre:</p>
+
+<p>Car jugent que, s'ilz gaignent une bataille navalle, ilz pourront
+bien garder qu'on n'aproche, puys après, leur coste, et, s'ilz demeurent
+égaulx, qu'encores empescheront ilz qu'on n'y puysse descendre;</p>
+
+<p>Et si, d'avanture, ilz perdent, que ce ne pourra estre sans avoir
+tant rompu les ennemys qu'ilz seront contrainctz de s'en retourner
+pour se reffère; que si, à toute extrémité, il advient que les ennemys
+facent quelque descente, qu'allors les cinquante mil hommes
+se trouveront prestz pour les combattre au désembarquement.</p>
+
+<p>Lequel apareil inthimide grandement les Catholiques, lesquelz
+si l'esté se passe sans qu'il aparoise quelque confort pour eulx, ne
+<span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span>
+s'attandent de moins que d'estre fort rigoureusement trettez l'yver
+prochain; car ilz voyent que leurs adversayres, lesquelz ont la
+Royne, l'authorité et la force en leurs mains, commancent desjà de
+les menacer, et monstrent de n'attandre sinon que le temps les asseure
+contre les entreprinses des estrangiers pour y mettre la main.</p>
+
+<p>Et avoient les dicts Catholiques prins pour mauvais signe la longueur
+que ceulx de ce conseil usoient ez affères de la Royne d'Escoce,
+et en ceulx du duc de Norfolc; vers lesquelz, à cause de ces
+rescentes deffiances, ilz voyoient qu'ilz alloient changeant toutes
+leurs premières bonnes dellibérations, car ilz remettoient de commancer
+le tretté avec l'ambassadeur de la dicte Dame jusques à la
+venue des depputez d'Escoce; et sur ceulx du duc, ilz luy avoient
+faict dire, le x&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce moys, que, pour aulcunes occasions, qui estoient
+fort considérables, la Royne, sa Mestresse, estoit conseillée de
+ne luy ottroyer sa liberté jusques après la S<sup>t</sup> Michel, qui monstre
+bien qu'ilz ne vouloient que gaigner temps; et cependant ilz travailloient
+de se liguer davantaige avec les princes protestans.</p>
+
+<p>Et n'avoit esté sans apparance que les dicts Catholiques eussent
+fondé grande espérance en l'apareil du duc d'Alve, et possible encores
+quelque peu en cellui qu'ilz entendoient estre prest en Bretaigne,
+mais la venue des depputez de Flandres la leur oste de ce costé
+là; et l'opinion, qu'ilz ont, que la guerre doibve continuer en France
+la leur fait perdre de l'aultre.</p>
+
+<p>Cella surtout les descoraige qu'ayantz, jusques à ceste heure,
+pensé que le Roy d'Espaigne et ses ministres procèderaient de bonne
+intelligence avecques le Roy sur les affères de la Royne d'Escoce,
+qui sont conjoinctz avec ceulx de la religion catholique en ce
+royaulme, ainsy que je m'en estois quelquefoys prévalu; et comme
+aussi nulle aultre chose n'avoit, tant que ceste cy, retenu ceulx de ce
+conseil en quelque crainte, il s'est meintennant descouvert qu'il va
+tout aultrement, et que dom Francès d'Alava a tenu de telz propos à
+Mr Norrys, (ainsy que le dict Norrys l'a escript par ses dernières lettres,
+arrivées à sa Mestresse, pendant que Mr de Poigny et moy
+attendions sa responce,) que aulcuns, qui en ont heu assés tost la
+communication, m'ont tout incontinent adverty que, à l'ocasion d'iceulx,
+nous serions fort mal responduz; et que toutz les affères, où
+le Roy Très Chrestien pouvoit avoir intérestz par deçà, en demeureroient
+fort traversez.</p>
+
+<p>Qui a esté cause que, en l'audience ensuyvant, je me suys eslargy,
+premièrement vers les seigneurs de ce conseil, parce que, d'arrivée,
+<span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span>
+nous avons esté introduictz vers eulx, et puys envers la dicte Dame,
+en toutz les plus francz et ouvertz propos, que j'ay estimé les pouvoir
+confirmer en l'amytié du Roy, et à bien espérer d'icelle, sans
+toutesfoys toucher ung seul mot ni du Roy d'Espaigne, ny de ses
+ministres; et est advenu, sur noz remonstrances, que l'on nous a accordé
+une partie de ce que nous demandions, et qu'on nous a faict,
+sur le reste, assés meilleure responce que l'on n'espéroit, ainsy que
+je l'ay mandé par mes précédantes.</p>
+
+<p>Et bien qu'à la grande instance de Madame de Lenoz, l'on eust
+auparavant envoyé par mer vers le North un nombre d'armes, de
+pouldres et d'argent, pour les fère tenir au comte de Lenoz en Escoce,
+j'ay sceu néantmoins que, despuys cella, la Royne d'Angleterre
+a dict à la dicte dame de Lenoz qu'elle estoit résolue de remettre
+la Royne d'Escoce en son royaulme, sur les offres qu'elle et
+le Roy luy faysoient, qui estoient telles qu'avec son honneur elle ne
+les pouvoit reffuzer. A quoy la dicte dame de Lenoz ayant respondu
+que la dicte Royne d'Escoce n'en observeroit rien, la Royne luy a
+répliqué que si feroit, parce qu'elle l'y obligeroit à peyne d'estre
+privée de la succession de ce royaulme, si elle y contrevenoit, car
+aultrement elle ne luy en vouloit fère tort; et n'a la dicte dame de
+Lenoz peu gaigner rien davantaige, encore qu'elle ayt très instantment
+priée la dicte Dame que, si elle persévérait en ceste vollonté,
+il luy pleût de mander à son mary qu'il s'en retornât.</p>
+
+<p>Et le secrétaire Cecille m'a mandé que je croye fermement qu'il ne
+sera miz aulcun retardement ez affères de la Royne d'Escoce, et
+qu'il ne cerche, de sa part, que la seurté de sa Mestresse, laquelle
+estant mortelle, et n'y ayant, après elle, nul plus prochain au droict
+de ceste couronne que la Royne d'Escoce, qu'il ne luy sera, ny
+meintennant, ny à l'advenir, jamais contraire; et le mesmes a il
+confirmé à l'évesque de Roz, avec lequel il est desjà entré si avant
+en matière qu'ilz sont quasi d'accord de toutz les poinctz, qui sembloient
+estre les plus différantz.</p>
+
+<p>Encores, monstrent les affaires du duc de Norfolc qu'ilz pourront
+aussi mieulx réuscyr que la responce du x&#305;&#567;<sup>e</sup> du présent ne le luy
+faisoit espérer, et que la Royne permettra qu'ilz soient, dans trois
+ou quatre jours, miz en dellibération pour après estre procédé à sa
+liberté, sellon qu'ung chacun dict qu'il demeure fort deschargé et
+justiffié de toutes les choses qu'on luy pourrait imputer.</p>
+
+<p>Je veulx bien advouher que je ne cognois rien de plus exprès en
+ceulx cy que leur simulation, ny rien de plus certain que leur inconstance;
+<span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span>
+par ainsy, je ne puys fère grand fondement sur chose
+qu'ilz disent, ny qu'ilz promettent. Néantmoins ilz peuvent incliner
+de nostre costé, aussi bien que d'ung aultre, et j'estime qu'il n'est
+que bon de les y tenir bien disposez, si l'on peult, affin de se prévaloir
+de la paix qu'on a avec eulx, et évitter les inconvénians et incommoditez
+qui pourroient advenir, s'ilz se despartoient du tout de
+nostre intelligence.</p>
+
+<p class="center"><span class="smcap">AULTRE INSTRUCTION A PART POUR DIRE A LEURS MAJESTEZ:</span></p>
+
+<p>Que, jusques à ceste heure, la Royne d'Angleterre et ses conseillers
+protestans avoient esté retenuz d'une grande craincte, et les seigneurs,
+et gens de bien catholiques, conduictz de grande espérance sur
+le faict de la Royne d'Escoce, et sur toutz les affères de ceste isle,
+par l'opinion qu'ilz avoient que le Roy d'Espaigne et le duc d'Alve
+seraient toutjour en bonne intelligence avec le Roy.</p>
+
+<p>Et n'estoit peu de consolation aus dicts Catholiques de veoir en
+quelle peyne les dicts Protestans vivoient pour ne sçavoir si la bulle
+estoit expédiée, ou du propre mouvement du Pape, ou bien par la
+réquisition du Roy, ou bien à l'instance du Roy d'Espaigne: car ilz
+disoient que si c'estoit seulement du Pape, ce n'estoit chose de moment;
+si c'estoit du Roy seul, encor croyoient ilz que Mr le cardinal
+de Lorrayne l'auroit procuré, sans que pour cella le Roy se vollût
+trop haster de rien entreprendre; mais, si c'estoit par le commun consentement
+du Roy et du Roy d'Espaigne, ilz tenoient pour indubitable
+que l'entreprinse de ceste isle estoit desjà jurée entre eulx.</p>
+
+<p>En quoy, pour en avoir quelque lumyère, ilz cerchoient de toutz
+costez s'il se trouveroit que moy, ou Mr l'ambassadeur d'Espaigne,
+eussions tenu la main à la fère notiffier et publier par deçà, mais il
+semble qu'ilz n'ont rien trouvé contre moy, sinon qu'il leur est venu
+un adviz d'Itallie, par la voye de Flandre, comme la dicte bulle a
+esté expédiée à l'instance de l'ambassadeur de France, qui est à
+Rome, et que l'ambassadeur du Roy Catholique par dellà n'a faict
+que y prester son consentement, comme à chose apartenant de si près
+à la religion catholique qu'il ne luy a esté loysible de la contradire;
+dont leur semble que j'en debvois estre participant, mais je croy qu'à
+ceste heure ilz en demeurent toutz esclarcy.</p>
+
+<p>Et, quant à l'ambassadeur d'Espaigne, parce que M<sup>e</sup> Felton, lequel
+est accusé d'avoir affiché la dicte bulle, a confessé, estant sur la
+question, que le prestre espaignol du dict sieur ambassadeur la luy
+<span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span>
+avoit baillée; qui, pour ceste occasion, s'est despuys absenté, car il
+estoit commandé de le prandre, quelque part qu'il pourroit estre
+trouvé, jusques en sa chambre; non seulement l'on en a chargé le
+dict sieur ambassadeur, ains aussi luy impute l'on les aultres libelles,
+qui ont couru en ce royaume, contre le garde des sceaux et
+Cecille, et contre quelques aultres du conseil; mais ne pouvant son
+prestre estre trouvé, l'on ne sçayt commant procéder contre luy.</p>
+
+<p>Et n'ont layssé pour cella les Catholiques de s'entretenir toutjour
+en l'espérance de la faveur du Roy son Maistre et du duc d'Alve,
+pour les affères de la Royne d'Escoce et de la religion catholique;
+de sorte que le dict Felton a bien ozé dire tout hardyment qu'il y
+avoit trente mil hommes de valleur en Angleterre, dont les six mil
+estoient gentishommes, et vingt cinq milordz parmy, qui estoient
+toutz prestz d'exposer leurs vies pour la mesmes querelle, qu'ilz le
+vouloient fère mourir à luy.</p>
+
+<p>Mais, despuys quelques jours, iceulx Catholiques non seulement
+se sont retirez de ceste espérance, ains sont entrez en grand frayeur
+d'estre descouvertz qu'ilz l'ayent heue, parce qu'ilz estiment que le
+dict sieur ambassadeur ayt communiqué toutes choses au S<sup>r</sup> dom
+Francès d'Alava, lequel ilz tiennent aujourduy pour trop plus
+grand serviteur de la Royne d'Angleterre que de son Maistre; car
+Mr Norrys a escript qu'il luy a promiz de disposer si bien les affères
+de la dicte Dame vers le Roy, son dict Maistre, et vers le duc d'Alve,
+qu'elle n'a garde de recepvoir aulcun mal ny dommaige d'eulx, et
+que hardyment elle ne preigne peur des démonstrations et préparatifz
+du dict duc, car il la veult bien asseurer qu'il n'a aulcun commandement
+de luy nuyre, ny d'attampter, pour quelque occasion que
+ce soit, rien par armes contre elle; et qu'au reste le dict dom Francès
+luy a descouvert que c'est Mr le Nonce, qui est en France, qui
+a envoyé icy la bulle à l'ambassadeur d'Espaigne pour la publier.</p>
+
+<p>Duquel acte du dict dom Francès plusieurs seigneurs et gens de
+bien de ce royaulme se sont fort escandalizez, et les aulcuns se sont
+confirmés en une opinion, laquelle ilz avoient desjà conceue, que
+les ministres du Roy d'Espaigne vont procurant vers ceulx cy, et
+partout où ilz peuvent, la continuation de la guerre de France; et
+que, voyantz le faict de la Royne d'Escoce, de laquelle ilz s'estoient
+desjà promiz et l'aliance, et le filz, et le royaulme, et le tiltre d'Angleterre,
+se conduire meintennant au nom et soubz la faveur du
+Roy, qu'ilz le veulent traverser; et qu'ilz sont jalouz de ce que aulcuns
+seigneurs de ce royaulme se monstrent bien affectionnez à Leurs
+<span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span>
+Très Chrestiennes Majestez, qui est ung propos qu'on m'a tenu, présent
+Mr de Poigny, auquel je réserve d'en fère entendre le surplus à
+Leurs Majestez, à son retour; et adjouxteray seulement icy une
+preuve, que le duc d'Alve nous a donné de son intention en ce
+[qu'ayant le Pape envoyé, par la banque d'Anvers, douze mil escuz,
+pour les gentishommes fuytifz d'Angleterre, il a conseillé qu'on ne
+leur envoye ny tout, ny partie de la somme, tant qu'ilz seront en
+Escoce, et par ce moyen il a interrompu le dict secours.</p>
+
+<p>Il est bien certain que, jouxte ceste communication grande d'entre
+dom Francès et le dict S<sup>r</sup> Norrys, ceste Royne a naguières escript
+une bonne lettre au Roy d'Espaigne, laquelle le dict dom Francès a
+prins en sa charge de la luy fère tenir, et une aultre au duc d'Alve,
+par laquelle elle l'exorte de vouloir entretenir l'alliance d'entre ceste
+couronne et la mayson de Bourgoigne, comme, de sa part, elle la
+veult entièrement conserver: et, quant aulx prinses, qu'elle est
+preste d'y satisfère de sa part, en ce qu'il s'y veuille disposer de la
+sienne, et qu'il veuille depputer des personnaiges propres pour en
+accorder, qui ne soyent de ceulx qui veulent troubler ce royaume,
+ainsy que l'ambassadeur, icy résidant, et ceulx, qui cy devant y ont
+esté envoyé, se sont esforcez de le fère; et que de l'apareil qu'elle
+entend qu'il faict bien grand par mer, il ne veuille rien attampter en
+ses portz, car elle offre toute faveur et seur accez en iceulx à la Royne
+d'Espaigne et à ceulx de sa troupe: tant y a que l'ambassadeur d'Espaigne,
+nonobstant tout cella, ne laysse d'estre bien fort offancé
+contre dom Francès, de ce qu'il a parlé de la bulle, et desjà il en a
+escript au duc d'Alve.</p>
+
+<p>J'ay faict sonder, par interposée personne, Mr le cardinal de Chatillon
+et le S<sup>r</sup> de Lumbres quel desir ilz avoient à la paix et à transférer
+la guerre hors de France; et voycy ce qui m'a esté raporté des
+propos du dict sieur Cardinal: qu'il desire infinyement la dicte paix,
+espérant par icelle jouyr de la bonne grâce de Leurs Majestez et de
+six vingtz mil <sup><i>lt</i></sup> de rante en France, en lieu de mille pouvrettez et
+indignitez, qu'il s'esforce de supporter, le plus dignement qu'il peult,
+en Angleterre;</p>
+
+<p>Que se souvenant que le Roy, et la Royne, et Monsieur, pour fermeté
+de l'aultre dernière paix, luy firent l'honneur de luy en donner
+leur promesse de leurs propres mains dans la sienne, et que
+ceulx, qui la leur ont faicte rompre, sont ceulx mesmes avec qui ilz
+ont à conclurre meintennant ceste cy, les cheveulx luy en dressent
+de frayeur;</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span>
+Que le Roy a la paix très ferme et bien asseurée, toutes les foys
+qu'il luy playrra, à bon esciant, que ceulx de la religion puyssent vivre,
+en conscience et honneur, soubz la faveur de sa protection, en
+son royaulme;</p>
+
+<p>Que, de transférer la guerre ailleurs, c'est ce que son frère, Monsieur
+l'Admyral, a toutjour desiré, mais de le fère meintennant, et
+laysser ceulx, qui sont de leur mesmes religion, estre cependant massacrez,
+murdriz et ruinez en leurs maysons, en France, par ceulx qui
+ont la justice et l'authorité et les forces à la main, ilz sont entièrement
+tout résoluz du contraire;</p>
+
+<p>Que, si le Roy les veult recepvoir en sa bonne grâce, et leur ottroyer
+la dicte paix et seurté qu'ilz luy demandent, comme à ses bons
+subjectz, et qu'il se veuille servyr de son frère et de luy, ilz ont en
+main de quoy luy fère le plus grand et le plus notable service, que sa
+couronne ny nul de ses prédécesseurs ayent receu de deux centz ans
+en cà;</p>
+
+<p>Qu'il cognoist bien que les Anglois ne cerchent de fère rien pour la
+religion en ceste guerre, ains de travailler la France, et qu'il crainct
+bien que, se faisant la paix, l'on ne le layrra sortir, de trois moys après,
+de ce royaulme.</p>
+
+<p>Quant au susdict de Lumbres, lequel s'intitulle ambassadeur de
+toutz les princes protestans vers ceste Royne, l'on m'a dict qu'il desire
+aussi bien fort la paix de France, et vouldroit que la guerre fût
+desjà transférée aulx Pays Bas, et n'eust tenu à luy que la descente,
+que ceulx de la Rochelle dellibéroient de fère en quelque port de
+Normandie ou Picardie, si Sores ne fût allé sur la route des Indes, ne
+se fût faicte en Olande: et desjà luy et beaucoup de ceulx de son pays
+font estat, par ceste paix, de se retirer en France, car semble qu'il y
+ayt mutuelle obligation entre les Françoys et Flamans, qui sont de
+ceste religion, de se subvenir les ungs aulx aultres, et de ne cesser,
+qu'ilz ne soyent toutz remiz en leur maysons pour y pouvoir vivre en
+seurté avec l'exercice de leur religion.</p>
+
+<p>Aulcuns Françoys de la dicte religion, qui sont icy, ne prennent
+nul party, attandans la dicte paix; ou bien, si elle ne succède, ilz dellibèrent
+de recourir à la grâce et clémence de Sa Majesté.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXX</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Crainte des Anglais qu'une ligue générale n'ait été formée contre eux.&mdash;Résolution
+du conseil de rendre la liberté au duc de Norfolk, et de lever une
+forte armée navale.&mdash;Armement de la flotte.&mdash;Mission de M<sup>e</sup> Figuillem
+dans les Pays-Bas.&mdash;Déclaration faite à l'ambassadeur que l'armement de
+la flotte n'a d'autre objet que de rendre les honneurs à la reine d'Espagne
+sur son passage, et de se tenir en défense contre les entreprises que pourrait
+tenter le duc d'Albe.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, s'estant la Royne d'Angleterre aperceue que le
+mal de son pied empyroit par le travail de son progrez,
+encore qu'elle n'allât qu'en coche, elle s'est arrestée à
+Cheyneys, qui est celle mayson du comte de Betfort, où
+je vous ay mandé, par mes dernières, qu'elle debvoit demeurer
+tout le xxv<sup>e</sup> et xxv&#305;<sup>e</sup> de ce moys; mais elle y a
+séjourné davantaige, et n'en bougera encores de quelques
+jours. Ceulx de son conseil se sont assemblez au dict lieu
+pour prendre quelque bon ordre sur aulcunes choses qu'ilz
+ont veu estre aultres, ou bien avoir aultre événement,
+qu'ilz ne pensoient; premièrement, sur la détention du
+duc de Norfolc, par laquelle, au lieu d'en avoir assoupy
+et retardé les troubles de ce royaulme, ilz cognoissent
+meintennant que c'est par là qu'ilz les ont advancez et faict
+naistre, car auparavant il n'y en avoit point; et sur la
+guerre d'Irlande, laquelle ilz cuydoient desjà achevée, ilz
+ont nouvelles que, despuys naguyères, l'on s'y est bien
+battu, et que ceulx du party de la Royne, leur Mestresse,
+ont heu du pyre, et que mesmes les saulvaiges monstrent
+<span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span>
+de vouloir passer oultre, et qu'ilz attandent du secours
+d'ailleurs; aussi sur le faict de la Royne d'Escoce, duquel,
+parce que Vostre Majesté le porte et le favorise, ilz
+voyent que toutz leurs affères d'Escoce en succèdent si mal
+qu'ilz sont bien en peyne commant le remédier; pareillement
+sur leurs différans des Pays Bas, lesquelz viennent
+meintennant à leur estre de tant plus suspectz, que, par
+le pardon général publié en Envers par le duc d'Alve, à
+vestemens blancz<a name="FNanchor_11" id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>, le xv&#305;<sup>e</sup> de ce moys, où l'on leur faict
+acroyre que le prince d'Orange est comprins, et qu'on a
+randu ses biens à ses enfans; et aussi par l'accord des
+Mores en Espaigne<a name="FNanchor_12" id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">[12]</a>, ilz estiment que les affères du Roy
+d'Espaigne demeurent si establys en ses pays qu'il n'a
+rien plus à fère meintennant que se rescentyr de l'injure,
+qu'ilz luy ont faicte et à ses subjectz, ainsy que le duc
+d'Alve semble d'en avoir l'apareil tout prest; et encores
+sur la paix de vostre royaulme, laquelle, de tant qu'ilz la
+tiennent desjà comme conclue, sans qu'ilz s'en soyent
+meslez, ilz craignent que Vostre Majesté se veuille de
+mesmes conduyre meintennant en icelle vers eulx, comme
+ilz se sont assés mal déportez vers vous durant la guerre;
+mais principallement sur la division et mal contantement
+de leurs propres subjectz, d'où ilz prévoyent que, s'il n'y
+est, devant toutes aultres choses, pourveu, ce sera de là
+que leur viendront les plus dangereuses guerres et les plus
+grandes difficultez dont, de tant que la Royne leur Mestresse
+s'oppose toutjour bien fort aulx moyens, qu'on luy
+<span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span>
+met en avant, qui tendent ou à la guerre ou à la despence;
+après avoir bien longuement débattu toutes ces matières,
+ilz luy ont enfin conseillé que, d'ung costé, elle veuille
+mettre le duc de Norfolc hors de pryson, et que, par sa
+liberté et par l'ayde qu'il luy pourra fère, elle se tirera
+ayséement hors des plus apparans dangiers; et dresser,
+de l'aultre, tout promptement une bonne armée de mer,
+qui serviroit de remédier à tout le reste, sans regarder de
+si près à la despence, qu'elle y pourra fère, qu'elle ne regarde
+encores plus à la conservation de son estat et à
+l'honneur et grandeur de sa couronne.</p>
+
+<p>Sur laquelle leur résolution s'estant la dicte Dame assés
+collérée contre ceulx, qui l'avoient faicte estre jusques icy
+trop rigoureuse contre le dict duc, leur a respondu qu'elle
+estoit contante de prendre bientost ung bon expédiant
+avecques luy, qui ne viendroit toutesfoys ny d'aulcun
+d'eulx, ny de toutz ensemble, et dont il n'en auroit à remercyer
+que elle seule; et quant à dresser une armée,
+qu'elle ne se vouloit opposer à leur conseil, mais seulement
+les prier qu'ilz advisassent de n'entreprendre rien
+qui ne fût bien nécessaire, et qui ne la mist en plus de
+peyne qu'elle n'est. Dont, tout sur l'heure, les commissions
+ont esté dépeschées, telles que j'ay cy devant mandées
+à Vostre Majesté: de dresser une armée royalle de
+toutz les grandz navyres de la dicte Dame et de bon nombre
+d'aultres vaisseaulx particulliers, et de lever quatre mil
+maryniers, et tenir prestz huict mil hommes de pied et deux
+mil chevaulx; dont, quant aulx navyres et hommes pour
+mettre dessus, qui sont maryniers et soldatz tout ensemble,
+cella s'exécute en toute dilligence; et, dans le x<sup>e</sup> du prochain,
+j'entendz qu'il sortyra en mer sept grandz navyres
+<span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span>
+des premiers prestz, les meilleurs à la voyle, avec douze
+centz hommes dessus, et les aultres suyvront après, à la
+mesure qu'on les aura fornys d'hommes et de vivres; car,
+ilz ont desjà tout leur aultre apareil et fornyment. Mais,
+quant aulx huict mil hommes de pied et deux mil chevaulx,
+l'on ne se haste encores de les fère marcher.</p>
+
+<p>Or, en ce mesmes conseil, a esté advisé de renvoyer
+devers le duc d'Alve maistre Fyguillem, bourgeois de
+ceste ville, l'ung des commissaires des prinses, par prétexte
+de luy aporter une honneste responce sur l'accord
+de leur différandz, comme ceste Royne le prye d'y vouloir
+entendre en quelque bonne sorte, et qu'elle est contante
+de reffère le nombre des merchandises et tout ce qui
+en est dépéry et descheu, despuys le premier inventoire qui
+en fut faict; ce que n'estant encores aprochant de la satisfaction,
+parce que le dict inventoire ne contient guières bien
+le tiers des dictes merchandises, ny que celle moindre partie
+des deniers qui estoit ez quaysses merquées pour le
+Roy d'Espaigne, j'ay bien pensé qu'il n'y alloit que pour
+descouvrir l'intention du dict duc, et à quoy tandoit son
+armement, et quelles pratiques menoient les Anglois catholiques,
+qui ont naguières passé d'Escoce et d'icy devers
+luy. Tant y a, Sire, que, nonobstant cest argument,
+lequel m'a bien faict juger qu'en leur faict y avoit plus de
+peur que d'entreprinse, voyant néantmoins que leur appareil
+estoit tel qu'il le falloit avoir suspect, mesmes que
+nul ne me sçavoit asseurer au vray de l'occasion d'icelluy,
+et qu'ilz ne cessoient de tretter toutjour d'accord avec le
+duc d'Alve, j'ay pensé qu'il estoit expédiant de les fère
+parler; dont ay suplié la dicte Dame et iceulx seigneurs
+de son conseil que, de tant que j'avois à vous donner adviz
+<span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span>
+de leur armement, il leur pleust m'advertyr comme ilz
+desiroient que je le vous escripvisse, affin d'évitter que,
+pour la jalouzie que vous en pourriez avoir, vous ne leur
+en fissiez prendre une aultre en vous armant de vostre
+costé.</p>
+
+<p>A quoy ilz m'ont respondu que je sçavois bien que le
+duc d'Alve faisoit une bien fort grande armée de mer, et
+encor qu'il leur eust notiffié par l'ambassadeur de son
+Maistre, qui est icy, et encores faict dire à Mr Norrys par
+celluy qui est en France, que c'estoit seulement pour conduyre
+la Royne d'Espaigne et non pour occasion quelconque,
+d'où ilz deussent prendre tant soit peu de deffiance
+de luy, que néantmoins la dicte Dame luy avoit bien vollu
+dépescher ung messaigier pour l'advertyr qu'elle estoit
+dellibérée de mettre aussi ses navyres en mer, avec sept
+ou huict mil hommes dessus, pour accompaigner la dicte
+Royne d'Espaigne, sa bonne s&oelig;ur, tout le long de la mer
+de son royaulme, avec commandement à son admyral,
+lequel yroit luy mesmes en l'armée, de la recepvoir, honnorer
+et bien tretter en toutz ses portz et hâvres, où luy
+viendrait à playsir de descendre et prendre terre: dont
+me prioient d'asseurer Vostre Majesté que, sur leur vie
+et honneur, il n'y avoit aultre chose; et que le dict sieur
+Admyral ne bougeroit que la responce du dict duc ne fût
+arrivée. Bien me vouloient dire que aulcuns de leurs rebelles
+trettoient en secrect et ouvertement avecques le dict
+duc, et que les Escossoys se vantoient aussi qu'ilz auroient
+bientost ung secours de Flandres; dont se vouloient trouver
+prestz à tout besoing.</p>
+
+<p>Voylà, Sire, ce qu'ilz m'ont dict, et en quelle façon
+ils se sont descouvertz de la légation du susdict Figuillem,
+<span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span>
+qu'ilz avoient toutjour tenue fort secrecte; et comme,
+soubz démonstrations honnestes, ilz se pourvoyent contre
+les malles intentions les ungs des aultres. Je observeray le
+progrez de leurs actions, du plus près que je pourray, pour
+vous en donner toutjour les plus seurs adviz qu'il me sera
+possible; et sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxx<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">VI</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Mr de Poigny.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Visite de Mr de Poigny à la reine d'Écosse.&mdash;Audience de congé lui est donnée
+par la reine d'Angleterre.&mdash;Heureux effet de son voyage.&mdash;Meilleur
+traitement fait à Marie Stuart et au duc de Norfolk, à qui il est permis de
+sortir de la Tour pour être gardé chez lui.&mdash;Remontrances de l'ambassadeur
+à Élisabeth sur les nouvelles entreprises faites contre l'Écosse.&mdash;Excuses
+données par la reine.&mdash;Résolution prise de signifier le traité aux
+deux partis en Écosse.&mdash;Continuation des armemens maritimes en Angleterre.&mdash;Déclaration
+du duc d'Albe à M<sup>e</sup> Fuyguillem envoyé vers lui
+par Élisabeth.&mdash;Arrivée à Londres d'un député de la Rochelle.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, après que Mr de Poigny a heu satisfaict à la visite,
+que Vostre Majesté luy avoit commandé vers la Royne
+d'Escoce, par l'espace de quatre jours, qu'il luy a esté permiz
+d'estre auprès d'elle, avec ung infiny contantement et
+très grande satisfaction de la dicte Dame, il s'en est retourné
+par deçà; et estant icy, nous avons ensemble considéré
+que, puisqu'il estoit contrainct de se déporter du surplus
+de son voyage en Escoce, parce que la Royne d'Angleterre
+ne le trouvoit bon, et que les commissaires escossoys
+n'estoient point arrivez, qu'il estoit expédiant
+qu'il ne temporisât plus en ce lieu; dont sommes allez, le
+<span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span>
+&#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du présent, trouver la dicte Dame à Cheyneys, où
+elle est encores. A laquelle le dict S<sup>r</sup> de Poigny a faict entendre,
+bien à propos, les choses qu'il avoit veues et
+aprinses de l'estat de la Royne d'Escoce, et de sa santé, et
+aussi de son estroicte garde, et d'aulcunes aultres particullaritez
+de ses affères, luy incistant bien fort de luy vouloir
+ottroyer ung peu plus de liberté qu'elle n'a; et luy ayant
+au reste ramentu de rechef les principaulx poinctz de sa
+charge, avec offre de passer encor en Escoce, s'il estoit
+besoing, pour disposer ces seigneurs de dellà à la continuation
+du tretté, la dicte Dame luy a faict plusieurs diverses
+responces ès quelles, sans luy reffuzer ny accorder
+aussi tout ce qu'il demandoit, sinon touchant aller en Escoce,
+qu'elle luy a bien ouvertement dényé, elle a monstré,
+au reste, qu'elle vouloit beaucoup defférer à Vostre
+Majesté; et, après qu'avec de bien honnestes répliques,
+il a heu tiré d'aultres secondes et meilleures responces de
+la dicte Dame, il a prins congé d'elle. Dont, de tant, Sire,
+que Vostre Majesté entendra mieulx au long et par ordre
+de luy, que ne feroit par ma lettre, tout ce qui s'est passé
+en son audience, et ce qu'il y a proposé, ensemble ce qu'il
+y a obtenu, et ce que la dicte Dame l'a prié de vous dire,
+je me déporteray de vous en toucher icy plus avant, si
+n'est pour vous dire, Sire, qu'encor qu'il ne vous raporte
+résolution de toutes choses, son voyage ne laisse pourtant
+d'estre et bien utille, et heureux, puisque par icelluy est
+advenu que ceste Royne a commancé de se modérer tant
+envers la Royne d'Escoce qu'elle l'a layssée visiter de
+vostre part et luy a eslargy ung peu sa liberté; et qu'en
+mesmes temps le duc de Norfolc, qui estoit en pryson, a
+esté remiz en sa mayson, bien que ce soit encores soubz
+<span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span>
+quelque garde; qui sont tout présaiges de quelques bon
+succez ez aultres affères de la dicte Dame.</p>
+
+<p>Or de ma part, Sire, ayant heu à remercyer la dicte
+Dame de la déclaration qu'elle m'avoit mandé fère, que
+son armement n'estoit aulcunement dressé ny contre Vostre
+Majesté, ny contre vostre royaulme, et de ce qu'elle
+avoit monstré se resjouyr infinyement de la nouvelle, que
+je luy avois faict entendre, qu'on tenoit en France la paix
+pour faicte; et que sur le dict armement elle m'a heu confirmé
+le mesmes, adjouxtant que c'estoit le duc d'Alve et
+non Vostre Majesté qui avoit à se doubter d'icelluy, et
+qu'avec plusieurs parolles, et par tout aultre semblant, elle
+a exprimé ung très grand désir à la dicte paix, et luy tarder
+beaucoup que je la luy puysse bien asseurer de vostre part,
+j'ay tiré le propos à luy parler des choses que nous avions
+entendu d'Escoce: comme pour empescher l'effect de l'accord,
+qui estoit tant bien commancé, l'on avoit trouvé
+moyen de retarder Mr de Leviston (qui l'alloit notiffier
+aulx seigneurs d'Escoce) vingt deux jours en la frontière
+de deçà, et despuys, estant passé en celle de dellà, les
+adversaires de la Royne d'Escoce ne permettoient qu'il
+passât oultre pour acomplyr sa légation; que cependant
+le comte de Sussex avoit envoyé solliciter ceulx du party de
+la Royne d'Escoce de poser les armes, d'abandonner les
+rebelles angloys, de ne recepvoir les estrangiers, et de casser
+les proclamations, qu'ilz avoient faicte de l'authorité de
+leur Royne, pour remettre le faict du gouvernement du
+pays en tel estat que le comte de Mora l'avoit layssé;
+et que, pendant que la dicte Dame se prenoit bien
+asprement à la Royne d'Escoce de ce que ses fuytifz
+trouvoient faveur et retrette en son pays, c'estoient les
+<span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span>
+mauvais subjectz de la Royne d'Escoce qui avoient relevé
+une forme d'authorité, en tiltre de régent, contre et au
+préjudice d'icelle en son royaulme, soubz l'adveu et protection
+des lettres de la dicte Royne d'Angleterre, qui avoient
+esté leues publiquement en l'assemblée, y assistant maistre
+Randolf et son agent par dellà; et que le comte de Lenoz,
+à présent créé régent, se vantoit qu'il auroit tout secours
+d'elle pour estre meintenu en ceste sienne nouvelle authorité,
+et que mesmes le comte de Sussex, en sa faveur, rentreroit
+de rechef avecques forces en Escoce, et que l'armée
+de mer de la dicte Dame seroit bientost devant Dombertran
+pour l'assiéger; dont, de tant que, sur ce que je vous
+avois escript et asseuré du contraire, vous aviez contremandé
+voz forces, qui estoient toutes prestes en Bretaigne,
+et vous estiez venu de toutz ces différantz à ung tretté
+d'accord, duquel ne voyez à présent sortyr nul effect, je
+ne pouvois, pour ma justification envers Vostre Majesté,
+que recourir à la promesse, qu'elle m'avoit faict fère là
+dessus par les seigneurs de son conseil, laquelle elle m'avoit
+despuys confirmée en parolle de Royne et de Princesse
+chrestienne, pleyne de foy et de vérité; et, suyvant
+icelle, la suplyer de vouloir demeurer aulx bons termes
+du dict tretté et icelluy paraschever, ou bien me dire quelle
+satisfaction elle pensoit que j'en debvois donner à Vostre
+Majesté.</p>
+
+<p>La dicte Dame, se voyant fort pressée de ce propos,
+et voyant que j'estois adverty de toutes les pratiques qui
+se menoient en Escoce, s'est efforcée de leur donner le
+meilleur lustre qu'elle a peu, alléguant que ceulx du party
+de la Royne d'Escoce, pour avoir de rechef rentré en la
+frontière d'Angleterre, et avoir dressé avec milor Dacres
+<span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span>
+une bien dangereuse entreprinse sur icelle, si le comte de
+Sussex ne l'eust descouverte, et pour avoir, en proclamant
+l'authorité de la Royne d'Escoce, déclairé ceulx de
+l'aultre party rebelles, avoient commancé les premiers
+de donner occasion à elle de se départyr du dict traicté,
+dont estoit délibérée de ne souffrir plus leurs attemptatz et
+de remédier à leurs mauvaises entreprinses.</p>
+
+<p>Je luy ay répliqué que Vostre Majesté ny la Royne
+d'Escoce n'aviez rien innové de vostre part, et qu'on ne
+pouvoit prétendre que ceulx du party de la Royne d'Escoce
+eussent aussi peu violler le tretté jusques à ce qu'il leur
+auroit esté légitimement notiffié; par ainsy, que je incistois
+toutjour à l'entretennement et continuation d'icelluy.</p>
+
+<p>Enfin la dicte Dame, laquelle faict grand fondement de
+sa parolle jusques à me dire que si je la trouve jamais
+manquer d'icelle, je la veuille estimer indigne que je face
+jamais plus nul office de vostre ambassadeur vers elle, et
+les seigneurs de son conseil, ausquelz j'ay aussi faict la
+mesme remonstrance, m'ont accordé qu'il sera donné
+moyen à Mr de Leviston, ou bien à quelque aultre, qui
+sera présentement dépesché d'icy, de pouvoir aller seurement
+jusques vers le duc de Chastellerault, et vers les
+aultres seigneurs du party de la Royne d'Escoce, pour
+leur signiffier l'accord encommancé, et les sommer d'envoyer
+des depputez pour le continuer et parfaire.</p>
+
+<p>Cependant, Sire, la dicte Dame continue toutjour son
+armement en fort grand dilligence, et n'en remect rien
+pour chose que le duc d'Alve luy ayt respondu, lequel
+aussi, à ce que j'entendz, a parlé ung peu bien ferme à
+maistre Fuyguillem, depputé de la dicte Dame, lequel est
+revenu despuys trois jours: c'est qu'il luy a dict qu'il préparoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span>
+son armée de mer pour conduyre seurement la
+Royne, sa Mestresse, en Espagne, et que rien n'en estoit
+dressé contre les amys et confédérez de son Maistre, mais
+bien pour se deffandre et se venger des injures de ses ennemys;
+et quant à la pleincte qu'il faysoit que l'ambassadeur
+d'Espaigne, icy résidant, avoit donné des saufconduictz
+aulz rebelles d'Angleterre pour passer en Flandres;
+que le Roy, son Maistre, le chastieroit s'il avait mal faict,
+mais que, pour un rebelle anglois qu'il y avoit en Flandres,
+il y en avoit cinq centz flamans en Angleterre: au regard
+de se contanter de l'accord des merchandises sellon l'inventoire
+qui en avoit esté faict, qu'il vouloit de sa part rendre
+aulx Anglois tout entièrement ce qu'il leur avoit faict
+saysir et arrester, et qu'ainsy entendoit il qu'il fût de mesmes
+satisfaict aulx subjectz de son Maistre. Bien m'a l'on
+dict qu'il a usé à part d'aultres parolles gracieuses au dict
+Fuyguillem, qui les mect en plus grande espérance d'accord
+que jamais.</p>
+
+<p>Il est arrivé, despuys lundy dernier, ung des superintendans
+des finances de la Rochelle, nommé le présidant
+des comptes de Bretaigne, lequel on dict estre principallement
+venu pour trois choses; l'une, pour adviser le moyen
+de desdommaiger la Royne d'Angleterre et les siens des
+trèze ourques de merchandises d'Espaigne, qui furent, dès
+le commencement, menées des portz de ce royaulme à la
+Rochelle, et fère pour cella, ou pour recouvrer nouveaulx
+deniers, pour du sel et du vin, quelque nouveau contract
+entre eulx; la seconde, pour consulter avec Mr le cardinal
+de Chatillon des articles de la paix, et les notiffier, de la
+part de la Royne de Navarre, à ceste Royne; la tierce,
+pour aporter à la dicte Dame quelques adviz et pacquetz
+<span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span>
+qui la concernent, lesquelz ilz ont surprins quelque part.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce v&#305;<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XI</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Forces de l'armée navale que l'Angleterre vient de mettre en mer.&mdash;Crainte
+qu'Élisabeth, rassurée contre toute attaque de la part du duc d'Albe, n'emploie
+cet armement à une entreprise sur l'Écosse.&mdash;État des négociations
+au sujet de l'Écosse et de Marie Stuart.&mdash;Conclusion de la paix en France.&mdash;Nouvelles
+de la Rochelle et d'Allemagne.&mdash;Exécution de Felton à Londres;
+continuation des exécutions dans le Norfolk.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, sellon la bonne communication que j'ay faicte à
+Mr de Poigny, pendant qu'avons esté ensemble, de toutes
+choses de deçà, dont j'ay peu avoir quelque notice, j'espère
+qu'il aura donné bon compte à Vostre Majesté non
+seulement de celles là qui s'y mènent ouvertement, mais
+aussi d'aulcunes qui se présument, lesquelles ne sont encores
+qu'en discours; et pareillement de l'estat où sont demeurées
+celles de la Royne d'Escoce, de façon que je n'auray
+à toucher icy, sinon de ce qui a succédé despuys son partement;
+qui est, Sire, que la Royne d'Angleterre a faict
+donner une si grand presse à son armée de mer qu'on l'a
+rendue toute preste à sortyr, dans le xx<sup>e</sup> du présent, en
+nombre de xx&#305;x de ses grandz navires, bien artillez et bien
+garnys de toutes monitions de guerre, et avitaillez pour trois
+mois, avec cinq mil cinq centz hommes dessus et son admyral
+en personne pour y commander, oultre ung nombre
+d'aultres vaysseaulx, que le comte de Betfort faict équiper
+en guerre au pays d'Ouest, qui doibvent sortir, soubz la
+<span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span>
+conduicte de Haquens, et trèze navyres des Françoys et des
+Flamans, de la nouvelle religion, qui sont attendans en l'isle
+d'Ouyc. Quelcung est revenu de la mer sur un batteau légier,
+qui raporte avoir veu, sur la coste de Flandres, envyron
+cinquante quatre voyles desjà hors des portz, ce qui
+faict davantaige haster ceulx cy en leur entreprinse; et les
+seigneurs de ce conseil ont envoyé signiffier, par deux aldremans
+de Londres, à Mr l'ambassadeur d'Espaigne qu'il les
+veuille venir trouver, à S<sup>t</sup> Auban, à xx mil d'icy, affin de
+conférer ensemble; mais ne saichant comme ilz vouldroient
+user vers luy, il est en doubte s'il yra.</p>
+
+<p>Je ne descouvre point encores, Sire, que la dicte Dame
+ayt à nul aultre effect entreprins cest armement que pour le
+souspeçon du duc d'Alve, et croy, à la vérité, que cella
+seul en est la première ocasion; mais, à ceste heure,
+qu'elle a faicte la despense, et que le duc luy a en plusieurs
+sortes déclairé qu'il ne veult rien entreprendre contre elle,
+et aussi n'y a il nul aparance quelconque qu'il soit pour le
+fère, ny qu'il divertisse ailleurs son armée qu'à la conduicte
+de la Royne, sa Mestresse, tant qu'elle soit du
+tout descendue en Espaigne, je crains que la dicte Royne
+d'Angleterre employe cependant la sienne contre l'Escoce;
+car de la dresser contre la France je n'en ay ny indice ny
+sentyment, mais quelcun m'a bien dict qu'on la conseille
+de se saysir de Dombarre, et m'a l'on donné adviz qu'elle
+a mandé de nouveau au comte de Sussex de tenir mil
+cinq centz harquebouziers, six centz corseletz et quatre
+centz chevaulx, toutz prestz en la frontière, qui est argument
+qu'elle espèreroit, par ce secours de terre, facilliter
+l'entreprinse à son armée de mer; et que, par mesmes
+moyen, elle satisferoit au comte de Lenoz, lequel luy
+<span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span>
+ayant demandé une grande provision de deniers pour souldoyer
+des Escossoys près de luy, elle luy a respondu qu'elle
+ayme mieulx employer son argent à souldoyer des siens
+que non d'en acquérryr des estrangiers; néantmoins j'entendz
+qu'on l'a tant pressée qu'enfin elle luy a envoyé trois
+mil <sup><i>lt</i></sup> d'esterlin, qui est dix mil escuz. De cecy, Sire, et
+d'aulcunes conditions assés dures, que la dicte Dame a
+naguières proposées, bien qu'en ryant, à Mr l'évesque de
+Roz, de vouloir pour sa seurté, en restituant sa cousine,
+avoir des ostaiges d'elle, et le Prince son filz, et le chasteau
+de Dombertran; et luy ayant le dict sieur évesque
+respondu que mal ayséement se pourroit tout cella fère, je
+crains que la dicte Dame se veuille pourvoir, de bonne
+heure, d'aulcuns aultres moyens bien contraires à celluy du
+tretté, que nous avons commancé; mais, nonobstant ceste
+démonstration, nous ne layssons de luy incister toutjour
+qu'elle doibt demeurer aulx bons termes du tretté, et
+icelluy paraschever, sellon qu'elle mesmes a prié Mr de
+Poigny de vous asseurer, Sire, que, si la Royne d'Escoce
+luy faict de bien honnestes et honnorables offres, qu'elle
+procèdera très honnorablement envers elle; et, suyvant
+cella, elle nous a despuys baillé ses lettres pour fère passer
+sans difficulté milord de Leviston jusques là où le duc de
+Chastellerault et les aultres seigneurs du party de la Royne
+d'Escoce sont assemblez, affin de leur notiffier l'accord
+encommancé, et les sommer d'envoyer des depputez pour
+ayder à le conclurre; et, par mesmes dépesche, nous
+avons adverty les dicts seigneurs de se donner garde des entreprinses
+de deçà. Ceulx qui portent icy bonne affection à
+la Royne d'Escoce estiment, Sire, qu'il importe beaucoup
+que, en parlant à l'ambassadeur d'Angleterre, et par aultres
+<span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span>
+démonstrations en Bretaigne, Vostre Majesté face
+toutjour cognoistre qu'elle desire secourir et remédier les
+affères de la dicte Dame.</p>
+
+<p>J'entendz que Mr Norrys a escript, du &#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du présent,
+que la paix estoit desjà conclue dez le premier<a name="FNanchor_13" id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">[13]</a>, et qu'il
+restoit rien plus à accorder que quelque formalité sur le
+désarmer et sur reconduyre les reytres hors de vostre
+royaulme, ce qui faict regarder à plusieurs icy, si Vostre
+Majesté vouldra incister plus fort, à ceste heure, au restablissement
+des choses d'Escoce, et s'il en pourra bien
+sortyr du différant entre la France et l'Angleterre; mais je
+leur en oste l'opinion le plus que je puys.</p>
+
+<p>Le présidant venu de la Rochelle est allé desjà une
+foys jusques à ceste court, et m'a l'on dict que, à cause
+des adviz et des lettres interceptés, qu'il disoit aporter concernant
+ceste princesse, elle l'a vollu ouyr, mais bien fort
+en secrect. Les depputez aussi des princes d'Allemaigne
+ont esté ouys une foys, et puys se sont retirez à Londres.
+Il semble que leur négociation demeure en quelque
+suspens par le retour d'ung Oynfild, qui vient freschement
+d'Allemaigne, l'y ayant, dez le moy de may, ceste princesse
+envoyé pour tretter d'aulcunes choses fort secrectement
+avec les dicts princes, et mesmes a heu grande
+communication avec l'évesque de Colloigne. La dicte
+Dame commance de n'avoir plus si suspecte la diette
+d'Espire comme l'on la luy faisoit, puisque le comte Pallatin
+y intervient. L'on dict que ung agent du jeune duc
+<span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span>
+des Deux Ponts est venu poursuyvre icy, contre ceulx de
+la Rochelle, le payement d'environ quarante mil escuz, qui
+furent trouvez ez coffres du feu duc, son père; lesquelz
+monsieur l'Admyral print, avec obligation de la Royne de
+Navarre et des principaulx de l'armée, qu'ilz seroient acquittez
+contantz en Angeterre. Maistre Felton a esté,
+despuys trois jours, exécuté devant icelle mesme porte de
+l'évesque de Londres, où il avoit affiché la bulle, ayant
+soubstenu toutjour fort opinyastrément que l'interdict du
+Pape sur ceste Royne est juste et juridique. L'on continue
+aussi les exécutions en Norfolc. La dicte Dame poursuyt
+son progrez vers Oxfort, et a vollu que je soys sorty de
+Londres, à cause de la peste, pour pouvoir plus librement
+négocier avec elle. De quoi, Sire, et du desloignement de
+sa court, je crains demeurer moins bien adverty de
+beaucoup de choses au villaige que je n'étois à la ville,
+mais j'y mettray toutjour la meilleure dilligence que je
+pourray. Sur ce, etc. <span class="i2">Ce x&#305;<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</span></p>
+
+<p class="blockquote">J'ay faict courir après ce pacquet, qui estoit desjà dépesché dez
+le matin, pour y adjouxter la réception de voz lettres du &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du présent,
+qui m'ont esté rendues par mon secrétaire, avec la bonne et
+desirée nouvelle de la paix; sur laquelle, après avoir remercyé Dieu,
+et, de rechef, de tout mon cueur très humblement baysé les mains
+de Vostre Majesté, j'en yray demain fère la conjoyssance à ceste
+Royne, laquelle, à ce que j'entendz, dépesche ung gentilhomme en
+France, mais ne sçay encores sur quelle occasion.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIIII</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center" >(<i>Envoyée exprès jusques à Calais, par Bordillon.</i>)</p>
+
+<p class="hangin indent">Résolution prise par la reine d'Angleterre d'envoyer Walsingham en France.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, il y a trois jours que la Royne d'Angleterre avoit
+dépesché le S<sup>r</sup> de Valsingan pour aller fère aulcuns offices
+vers Vostre Majesté, et pour les fère en une façon,
+si la paix estoit faicte, et en une aultre, s'il trouvoit
+qu'elle fût encores à fère; dont, à ceste heure, que j'ay
+envoyé demander audience à la dicte Dame pour la luy
+aller annoncer, toute bien faicte et bien conclue, elle m'a
+mandé que je seray le très bien venu avec ceste très
+bonne nouvelle, et qu'elle a desjà expédié ung sien gentilhomme
+en France pour vous en aller fère la conjouyssance
+de sa part; en quoy je vous suplie très humblement,
+Sire, lui agréer, et gratiffier en toutes sortes ceste sienne
+bonne et prompte démonstration, ainsy qu'elle s'atend
+bien que, pour avoir toutjour ouvertement déclairé qu'elle
+la desiroit, et pour s'estre offerte de s'employer à la fère,
+et mesmes pour avoir, durant la guerre, rejetté toutes
+les persuasions qu'on luy a données de se déclairer de l'aultre
+party, et avoir encores, sur le pourparlé de paix,
+procédé en sorte qu'elle veult bien estre veue d'avoir aydé
+en quelque chose à la conclurre, elle se répute avoir
+grandement mérité de vostre amytié. Et j'entendz, Sire,
+que, par mesmes moyen, elle vous fera tenir quelque propos
+du faict d'Escoce, estant le dict de Valsingan principallement
+<span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span>
+envoyé pour notter et comprendre, aultant qu'il
+luy sera possible, à quoy, après ceste paix, va l'intention
+de Vostre Majesté, tant sur les choses qui ont passé du
+costé de ce royaume durant la guerre, que pour voir en quoy
+vous persévérez touchant celles du dict pays d'Escoce et
+touchant la Royne d'Escoce, vostre belle s&oelig;ur; dont j'estime,
+Sire, que le plus de faveur et de grattiffication que
+pourrez monstrer sur celles premières, et plus de fermeté
+et persévérance ez aultres, sera ce qui plus donra d'accommodement
+à vostre service et plus de réputation à voz affères
+de deçà. Icelluy Valsingan est tenu icy pour bien habille
+homme, fort affectionné à la nouvelle religion, et très confidant
+du secrétaire Cecille; qui va desjà fère ung commencement
+d'essay en la charge que, à mon adviz, l'on
+luy a désignée d'ambassadeur ordinaire vers Vostre Majesté
+après Mr Norrys. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;v<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CXXVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par l'homme du S<sup>r</sup> de Valsingan.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Communication officielle donnée par l'ambassadeur à Élisabeth
+de la conclusion de la paix en France.&mdash;Contentement manifesté par la
+reine de cette nouvelle.&mdash;Vives démonstrations en faveur du roi.&mdash;Promesse
+de la reine de hâter la conclusion du traité avec Marie Stuart.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, le jour de la my aoust, j'ay esté porter la certitude
+de la paix de vostre royaulme à la Royne d'Angleterre, à
+Penleparc, qui est trente deux mil loing de Londres; laquelle
+<span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span>
+a monstré non seulement de la bien recepvoir, mais
+d'en vouloir caresser et honorer la nouvelle, ayant faict
+parer sa court, et estant elle mesmes parée et merveilleusement
+bien en poinct; et m'a, à l'arrivée et au retour,
+faict mieulx recueillyr et accompaigner que de coustume,
+et encores me reconvoyer par des gentilshommes exprès
+une grand partie du chemyn, de sorte qu'elle et les seigneurs
+de son conseil, vers lesquelz j'ay faict aussi la conjoyssance
+de vostre part, n'ont rien obmiz de ce qui se
+peult monstrer d'extérieur pour donner entendre qu'ilz ont
+ung très grand plésir de cet accord. Mais, pour descouvrir
+quelque chose de l'intérieur, j'ay dict à la dicte Dame, en
+luy présentant les lettres et recommandations de Voz Majestez,
+que Dieu vous avoit faict la grâce de vous donner
+la paix avecques voz subjectz; et qu'aussitost que vous
+l'aviez peu conclurre vous luy en aviez faict la première
+part, affin de luy advancer, devant les aultres princes, voz
+alliez et confédérez, l'ayse et le playsir que vous estimiez
+qu'elle en recepvroit, parce que, plus que nul de tous eulx,
+elle avoit toutjour monstré de la desirer, et mesmes de se
+vouloir employer à la fère; dont cecy luy estoit ung très
+asseuré tesmoignage que vous n'en avez miz rien en oubly,
+et que vous luy rendrez la tranquillité de vostre royaulme
+aultant utille, comme elle avoit toutjour faict paroistre
+qu'elle l'auroit très agréable.</p>
+
+<p>La dicte Dame, usant de toutes les démonstrations d'ayse
+et de contantement qu'il est possible, m'a respondu qu'elle
+ne pouvoit assés à son gré vous remercyer de la faveur, que
+luy aviez faicte, de luy advancer ceste bonne nouvelle de
+vostre paix, ny assés s'en conjouyr avecques Voz Majestez;
+et que n'ayant heu moindre desir que vous mesmes de la
+<span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span>
+voir bien succéder, ainsy que sa conscience l'en faisoit, à
+ceste heure, estre bien fort contente, et que la certitude
+s'en pouvoit encores vériffier par lettres et tesmoings, elle
+ozoit bien esgaller l'ayse qu'elle recepvoit d'en entendre la
+conclusion, à celluy que Vostre Majesté et la Royne, vostre
+mère, et Messieurs vos frères, voyre quel que soit de voz
+propres subjectz, en pouviez avoir; ce que estant bien
+conféré avec le peu de desir que vous sçavez que les aultres
+princes en avoient, elle vous layssoit à juger si une première
+conjouyssance ne lui en estoit pas deuhe, et pourtant
+que vous ne doubtissiez qu'elle ne la receust avec trop
+plus d'abondance de playsir et d'affection, qu'elle ne le
+pouvoit, par parolle ny par nulle aultre démonstration, bien
+exprimer; seulement elle prioyt Dieu de la vous fère, et à
+voz subjectz, très longuement et heureusement jouyr; et
+qu'encor qu'on luy eust vollu imprimer que vostre paix luy
+seroit ung commancement de guerre, et que vous vous
+layrriez aisément aller à l'instigation, que ses ennemys
+vous feroient, de la luy commancer sinon directement, au
+moins par moyens indirectz de la Royne d'Escoce, qu'elle
+ne le se vouloit toutesfoys persuader; et vous pryoit, de
+tant que vous estiez sur le poinct de vous former une inpression
+d'amytié ou d'ayne pour l'advenir, que vous vollussiez
+retenir elle et son royaulme, qui ne sont pas des
+plus grandz mais non aussi des moindres, au mesmes degré
+d'amytié qu'elle veult droictement persévérer vers vous et
+le vostre; et que, ayant auparavant proposé de vous dépescher
+le S<sup>r</sup> de Valsingan, affin qu'il servyst à quelque bon
+effect entour la conclusion de la dicte paix, elle l'y feroit
+encores plus vollontiers passer, à ceste heure qu'elle estoit
+conclue, pour non seulement vous en aller fère la conjoyssance,
+<span class="pagenum"><a id="Page_278"> 278</a></span>
+mais vous remercyer infinyement de celle que vous
+luy en aviez desjà faicte.</p>
+
+<p>Je n'ay failly là dessus, Sire, d'user des meilleurs et
+plus convenables propos, que j'ay peu, pour mettre la dicte
+Dame en grande confiance de Vostre Majesté et de vostre
+royaulme; et, après avoir touché quelque mot du commandement,
+que me feziez, d'avancer toutjour les affères de
+la Royne d'Escoce; à quoy elle m'a respondu en très bonne
+façon et avec nouvelle promesse d'y procéder du premier
+jour, sellon qu'elle avoit bonnes nouvelles que les seigneurs
+escossoys des deux costez s'y vouloient disposer, elle m'a
+licencié avec tant de bonnes paroles et démonstrations de
+son contantement, et de vouloir donner toute satisfaction à
+Vostre Majesté, que je craindrois d'en diminuer la meilleure
+part, si je m'esforcoys de le vous vouloir davantaige exprimer:
+dont la layrray à tant jusques à la prochaine dépesche
+d'ung des miens, que j'envoyeray bientost devers Vostre
+Majesté, par lequel je vous feray amplement entendre toutes
+aultres choses. Et seulement, Sire, j'adjouxteray à ce
+pacquect la lettre, que la dicte Dame vous escript, oultre
+celles qu'elle a baillé au dict Valsingan pour Voz Majestez,
+lequel est desjà dépesché, et avecques luy le sir Henry Coban
+pour aller saluer, de la part de ceste Royne, la Royne
+d'Espaigne au Pays Bas; et croy qu'il passera jusques à
+Espire devers l'Empereur. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, j'obmetz, tout à esciant, d'escripre à Voz
+Majestez par ceste dépesche beaucoup de propos, qui ont
+<span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span>
+esté tenuz entre la Royne d'Angleterre et moy en ceste
+dernière audience, pour les vous mander cy après plus
+expressément par ung des miens; et suffira, s'il vous playt,
+Madame, que, en ceste cy, je vous dye, sur la nouvelle
+que j'ay annoncée à la Royne d'Angleterre de la paix de
+vostre royaulme, qu'il ne se peult exprimer ung plus grand
+ayse que celluy que, en parolle et en semblant, elle a
+monstré d'en recepvoir; et croy que, sans la crainte des
+choses d'Escoce, que son cueur aussi s'y conformeroit.
+J'entendz qu'elle a prins quelque souspeçon de ce que les
+depputez des Princes n'ont faict rien entendre de ceste dernière
+conclusion à son ambassadeur, comme ilz avoient faict
+les aultresfoys; au moins n'en avoit il encores rien escript à
+la dicte Dame, quant j'ay esté devers elle, laquelle en
+estoit mal contante; et discouroient quelques ungs là dessus
+qu'il y pourroit bien rester encores quelque difficulté: tant
+y a que les choses d'icy ne layssent pourtant de prendre
+aultre forme, sur ce que je leur en ay desjà dict, mesmes en
+l'endroict de l'ambassadeur d'Espaigne, auquel aultrement
+l'on estoit prest de fère piz que jamais. J'espère qu'il en
+réuscyra aussi de l'utillité à vostre service. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXI</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Guilliaume Beroudier.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Rapport de ce que l'ambassadeur a pu savoir des instructions données
+à Walsingham.&mdash;Conclusion définitive de la paix de France.&mdash;Instance
+de l'ambassadeur pour que le roi se prononce avec fermeté sur les
+affaires d'Écosse.&mdash;Effet produit en Angleterre par l'assurance que la paix
+est définitivement signée en France.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ceste bien asseurée confirmation de la paix, qui
+m'est venue par les lettres de Vostre Majesté du x&#305;<sup>e</sup> du
+présent, avec les articles d'icelle, qu'il vous a pleu par
+mesme moyen m'envoyer, ont miz la Royne d'Angleterre
+et ceulx de son conseil hors de tout doubte qu'elle ne soit
+à présent bien conclue et arrestée; car, parce que Mr Norrys
+leur avoit escript que, de vostre costé, Sire, elle estoit
+bien signée, mais qu'elle restoit à signer par Messieurs les
+Princes et Admyral, et que Mr le cardinal de Chatillon n'en
+avoit encores nulles nouvelles, aussi que de dellà l'on mandoit
+que aulcuns s'y opposoient, et que le parlement de
+Paris ne la vouloit en façon du monde recepvoir, plusieurs
+ont estimé que la matière estoit encores bien acrochée;
+et le S<sup>r</sup> de Valsingan mesmes, quant il m'est venu dire
+adieu, n'a sceu tenir son langaige si mesuré qu'il n'ayt
+assés monstré qu'il estoit dépesché sur telle opinion. Et
+j'ay despuys entendu que, l'ayant la dicte Dame faict arrester,
+lorsque je la suys allé trouver, jusques après qu'elle
+m'auroit ouy, aussitost qu'elle a comprins par mon récyt
+que les depputez estoient de rechef renvoyez avec les dicts
+articles vers les Princes, elle l'a soudain faict partyr, sur
+<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span>
+la mesme dépesche qu'elle luy avoit desjà baillée, luy mandant
+qu'il n'estoit besoing d'y rien changer.</p>
+
+<p>Or, Sire, ce que j'ay peu descouvrir de sa charge est
+qu'ayant ceste princesse l'esprit fort agité de tant de deffiances,
+que je vous ay cy devant mandées, et se trouvant
+mal satisfaicte de ce que ceste dernière conclusion de paix
+s'est menée si estroictement que son ambassadeur a souspeçonné
+y debvoir avoir des conventions qui la touchoient,
+puysqu'on les luy tenoit secrectes, elle a advisé d'envoyer
+cestuy cy tout exprès par dellà affin que, trettant avec ceulx
+de l'ung et l'aultre party, il puysse juger de quelle disposition,
+après la dicte paix, se trouvera Vostre Majesté et
+vostre royaume vers elle et le sien, avec commandement
+d'accommoder son parler à l'estat où il verra que les choses
+seront, et de se conduyre néantmoins en ce qu'il aura à
+négocier avec ceulx de la nouvelle religion, sellon certain
+règlement qui a esté arresté avec les depputez, qui sont
+icy, des princes d'Allemaigne, et dont l'ung d'eulx est allé
+avecques luy; et de mesler, à ce que j'entendz, parmy l'aparance
+d'exorter ceulx de la dicte religion à vostre obéyssance,
+qu'ilz veuillent bien regarder à l'establissement de
+ce qui leur sera promiz pour l'exercice d'icelle et pour
+l'establissement de la paix, et que, en ces deux choses, elle
+et les dicts princes ne sont pour les habandonner jamais,
+comme ilz ont encores tout présentement et auront toutjour
+toutes choses bien prestes pour les secourir; leur remonstrant
+aussi qu'ilz n'ont assés bien faict leur debvoir
+d'avoir obmiz, en l'instruction qu'ilz ont donnée à leurs
+depputez pour fère ce tretté, laquelle a esté envoyée icy
+de la Rochelle, et traduicte incontinent en anglois et imprimée
+à Londres, de n'y avoir faict quelque honnorable
+<span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span>
+mencion d'elle et du bon reffuge qu'ilz ont trouvé en son
+royaulme, avec d'aultres particularitez que je suys bien
+ayse qu'elles n'arrivent qu'après la paix faicte; car possible
+n'eussent elles de guières servy à la conclurre.</p>
+
+<p>Et au regard de Vostre Majesté, j'entans, Sire, que
+sa commission porte que, au cas qu'il trouve les choses
+non encores bien accordées, qu'il vous offre toutz les
+moyens et offices, qui seront cognuz pouvoir procéder
+d'elle, pour vous ayder à les accorder avec vostre grandeur,
+réputation et advantaige; mais s'il trouve la paix
+desjà conclue, ainsy que, grâces à Dieu, elle l'est, qu'il
+vous en face la meilleure et plus expresse conjoyssance
+qu'il pourra, et qu'il vous exorte, Sire, à l'entretennement
+et observance d'icelle, avec offre de tout ce qui est
+en la puyssance de la dicte Dame pour vous assister contre
+ceulx qui la vous vouldroient traverser ou empescher; et vous
+prier, au reste, de ne vous laysser jamais persuader du contraire,
+car vous ayant elle jusques icy gardé ce respect
+d'avoir rejetté toutes les très véhémentes persuasions qu'on
+luy a données de se déclairer contre vous, elle proteste
+que, par cy après, elle ne le pourra plus fère; et que, si
+vous entreprenez la guerre contre la religion d'où elle est,
+qu'elle employera toutes ses forces, son estat et sa couronne
+à la deffance, faveur et protection d'icelle; et qu'elle
+entrera en la ligue des princes protestans contre Vostre
+Majesté, ainsy qu'ilz ont encores icy à ceste heure leurs
+ambassadeurs pour l'en solliciter; et avec charge aussi
+au dict Valsingan de vous fère entendre, de la part de la
+dicte Dame, touchant la Royne d'Escoce, qu'elle ne luy
+veult aulcun mal, ny veult en façon du monde procurer sa
+ruyne, que seulement elle cerche de s'asseurer des guerres
+<span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span>
+et dangiers, qui luy ont esté toutjour imminentz du costé
+d'elle et de son royaulme, chose qu'elle estime que ne
+debvez trouver mauvaise; et qu'encores, pour l'amour de
+Vostre Majesté, sera elle contante d'user si honorablement
+vers la dicte Dame, que ung chacun jugera qu'elle
+luy aura la plus grande de toutes les obligations, qu'elle ayt
+jamais heue à personne de ce monde.</p>
+
+<p>Qui est tout ce, Sire, que j'ay aprins de la dépesche
+du dict Valsingan, et ne sçay encores s'il y a heu rien de
+plus ou de moins, ou de changé despuys; dont je suplie
+très humblement Vostre Majesté de gratiffier si bien à la
+dicte Dame ses bonnes parolles que ses intentions en puyssent
+toutjour devenir meilleures, car aussi estime elle vous
+avoir beaucoup obligé de ne vous avoir faict sentyr tant
+de mal et d'empeschement, de son costé, comme l'on l'a
+bien incitée et conseillée de vous en fère.</p>
+
+<p>Au regard, Sire, des choses d'Escoce, encores que la
+dicte Dame ayt, de rechef, très expressément donné parolle
+à Mr de Roz de procéder au tretté, aussitost que les
+depputez d'Escoce seront arrivez, car plustost n'y veult
+elle nullement entendre; néantmoins, de tant que je suys
+seurement adverty que le comte de Sussex, lequel a encores
+des forces en la frontière, et le secrétaire Cecille
+mènent des pratiques, et croy que [c'est] sans le sceu de la
+dicte Dame, pour tirer la matière en longueur et pour fère
+rentrer de rechef les Anglois en Escoce au secours du party
+du régent, qui se trouve le plus foible; il sera le bon
+playsir de Vostre Majesté d'en parler en telle sorte aulx
+ambassadeurs de la dicte Dame qu'ilz cognoissent que vous
+incistez, Sire, très fermement à la continuation et accomplissement
+du tretté et à l'entretennement de ce qui en est
+<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span>
+desjà arresté; ou autrement que vous n'estes pour manquer
+de secours à ceulx de voz allyés qui ont recours à
+vostre protection, et faveur. Et sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, ce peu de temps qui a passé, despuys la première
+nouvelle de la conclusion de la paix, laquelle Voz
+Majestez m'escripvoient du &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du présent, jusques à la
+confirmation que j'en ay présentement reçeue, qui n'est que
+six jours entre deux, nous a donné à dicerner ceulx
+qui desirent icy véritablement la paix de vostre royaulme,
+et l'establissement de vos affères, d'avec ceulx qui n'en
+cerchent que le perpétuel trouble et la diminution de vostre
+grandeur; et n'en est l'affection de la religion aulcunement
+la reigle, car plusieurs catholiques et plusieurs protestans
+meslez ensemble, bien que par divers respectz,
+monstrent d'en estre très marrys, et de mesmes plusieurs
+des deux partys s'en réjouyssent conjoinctement; mais ceulx
+sur toutz, ès quelz gist toute l'espérance de la religion catholique
+en ce royaulme, en font une très solemnelle resjouyssance,
+et desirent la conservation de vostre couronne,
+et croyent et espèrent que d'icelle a de procéder la réunyon
+de l'esglize et le restablissement de la religion catholique
+en ceste mesmes isle, aussi bien qu'en tout le reste
+de la Chrestienté, par les moyens que Dieu vous inspirera,
+plus qu'aulx aultres princes chrestiens, puysque à vous,
+plus qu'à eulx toutz, il vous a faict sentyr combien en est
+dangereuse et pleyne de toutz maulx la division.</p>
+
+<p>Les Huguenotz, qui estoient par deçà, commancent de
+n'y estre plus si bien veuz qu'ilz souloient, et n'y peuvent
+<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span>
+désormais vivre sans soupeçon. J'entendz que ceulx, qui
+estoient pirates, se vont peu à peu retirant, et Clément
+Joly, ayant réduict tout son équipage à deux bons navyres,
+s'en va avec Haquens, qui dresse une flotte pour retourner
+aulx Indes. Ceulx cy ont desjà miz dehors six de leurs
+grandz navyres, soubz la conduicte de maistre Charles Havart,
+filz de milord Chamberlan, lequel commandera en
+l'armée parce que l'admyral est mallade, et y en mettront
+encores quatre dans ceste sepmayne, mais ilz ne donnent
+grand presse aulx aultres vingt navyres, parce qu'ilz ont
+adviz que l'apareil du duc d'Alve ne peult estre prest, jusques
+envyron la S<sup>t</sup> Michel, bien qu'ilz sçavent qu'il est
+allé desjà recuillyr la Royne, sa Mestresse, à Nimegen.
+Maistre Henry Coban s'apreste toutjour pour l'aller saluer,
+de la part de ceste Royne, et avecques luy s'en retourne
+par dellà le mesmes merchant depputé sur le faict des merchandises,
+nommé Fuiguillem, qui en est naguières revenu;
+et sur ce, etc. <span class="i2">Ce xx&#305;<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXVI</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par La Bresle, chevaulcheur.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Assurance de l'ambassadeur que l'armement des Anglais n'est pas dirigé contre
+Calais.&mdash;Recommandation qu'il fait de se prémunir néanmoins en
+France contre toute surprise.&mdash;Instance de la reine d'Écosse pour obtenir
+du roi un secours efficace; sa conviction qu'Élisabeth ne veut pas
+lui rendre la liberté.&mdash;Nouvelles des Pays-Bas.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, je n'ay trouvé nouveau l'adviz, qu'on vous a donné,
+de l'entreprinse de ceulx cy sur Callais, car je pense en
+<span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span>
+avoir mandé quasi aultant à Vostre Majesté par le S<sup>r</sup> de
+Sabran, sur le commancement de juillet, et vous avoir dez
+lors particullarisé quant, commant, et en quel lieu, ilz avoient
+proposé de fère leur descente, mais que bientost après ilz
+avoient changé de dellibération, parce qu'ilz avoient jugé
+que ce seroit attacher une grosse guerre, de laquelle ilz n'avoient
+ny rien de bien prest pour la commancer, ny nul moyen
+de la meintenir, sinon par noz troubles, lesquelz ilz voyoient
+desjà incliner à la paix; et aussi qu'il m'advint lors de toucher
+ung mot à quelcun des leurs de ce que j'en avois senty,
+et en mesmes temps Mr de Gordan saysyt des armes qu'on
+pourtoit à Callais, dont estimèrent que le tout estoit descouvert,
+de sorte que leur présent armement ne monstre
+qu'il soit à nul aultre effect que pour tenir la mer, sans pouvoir
+mettre gens en terre, ainsi que, pour en esclarcyr
+davantaige Vostre Majesté, je renvoye ce mesmes courryer
+pour vous en aporter l'estat, tel que je l'ay peu recouvrer,
+duquel encores il s'en fault beaucoup qu'il soit
+ainsy bien prest, comme le dict estat le porte; et ne le
+pourront avoir si soubdain faict plus grand, ny levé les gens
+de guerre que n'en soyons, de quelques jours devant, advertys.
+Néantmoins, Sire, ayant premièrement descouvert
+qu'ilz ont heu intention de tenter quelque chose sur le brullant
+desir de recouvrer Callais, et les voyant à ceste heure
+(bien que pour aultres fins) estre en armes, j'ay adverty
+Mr de Gordan, et les aultres gouverneurs de vostre frontière,
+de se tenir sur leurs gardes; et ay suplié Vostre Majesté,
+comme je la suplie encore très humblement, de leur mander
+de rechef qu'ilz ayent à se monstrer si préparez et pourveuz
+qu'ilz facent perdre à ceulx cy toute l'ocasion et la
+vollonté, qu'ilz pourroient avoir, d'y rien entreprendre.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span>
+La Royne d'Escoce renvoye ung serviteur du S<sup>r</sup> Douglas
+en France, auquel elle a commiz une dépesche pour
+Vostre Majesté; et croy, Sire, qu'elle vous persuade de
+tout son pouvoir, que, touchant sa liberté et restitution,
+vous ne vous en veuillez plus attandre à ce que la Royne
+d'Angleterre vous en fera dire ou promettre, car elle pense
+avoir assés d'aparans argumens pour juger que l'intention
+de ceulx, qui guydent les conseilz de la dicte Dame, n'est
+aulcunement d'y entendre, ains de s'opiniastrer, de plus en
+plus, à sa détention et à luy fère perdre son estat; ainsy
+que, despuys le commancement du tretté, ilz ont, soubz
+main, faict créer le comte de Lenoz régent en Escoce, et
+se préparent à ceste heure d'y envoyer gens, argent et
+tout aultre secours pour le maintenir; en quoy la dicte Dame
+me prie que, quoyque ceulx cy me puissent dorsenavant
+alléguer, je ne vous veuille plus entretenir en aulcune espérance
+du dict tretté; ains que je vous suplye très humblement,
+Sire, d'aller au devant de la malle entreprinse
+qu'ilz ont sur elle, premier qu'ilz l'ayent du tout ruynée, et
+premier qu'ilz ayent achevé de vous oster une telle allyée,
+et l'alliance, et les allyez que vous avez en elle, son
+royaulme et ses subjectz. Dont semble bien, Sire, que,
+ayant Vostre Majesté porté jusques icy, par voz vertueuses
+parolles et bonnes démonstrations, beaucoup de faveur aulx
+affères de la dicte Dame, lors mesmes que les vostres sentoyent
+plus d'empeschement, que, grâces à Dieu, ilz ne
+font à ceste heure, s'il vous playt d'en user meintennant de
+semblables, ou ung peu de plus expresses, et les fère
+sonner au S<sup>r</sup> de Valsingan, avant qu'il s'en retourne,
+qu'elles seront de bien fort grand moment pour meintenir
+la cause de la dicte Dame, jusques à ce que y puyssiez,
+<span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span>
+à bon esciant, adjouxter les effectz. Mais affin, Sire, que
+voyez plus clayrement quel il y fera, je vous manderay,
+du premier jour, par le S<sup>r</sup> de Vassal, le plus particulièrement
+que je pourray, l'estat de toutes choses d'icy, et ce
+que la Royne d'Angleterre m'aura respondu sur le faict de
+son armement; laquelle je vays présentement trouver.</p>
+
+<p>Et ne vous diray davantage, Sire, sinon que le jeune
+Coban s'apreste toutjour pour passer en Flandres, et ne
+me suys trompé du jugement, que j'ay faict, qu'il yra jusques
+à Espire, dont je mettray peine d'entendre quelque
+chose de sa commission. La nouvelle de la paix de vostre
+royaulme a esté utille à l'ambassadeur d'Espaigne; car,
+oultre qu'elle est cause qu'on ne l'a resserré, l'on luy a
+despuys faict beaucoup de favorables démonstrations. Il est
+vray qu'on a envoyé surprendre, jusques dans le port de
+Bergues en Flandres, le docteur Estory et ung maistre
+Parquer, toutz deux Anglois catholiques, qui estoient là
+depputez par le duc d'Alve sur la visite des merchandises
+d'Angleterre pour les confisquer, et les a l'on transportez
+par deçà, et tout incontinent miz dans la Tour de Londres;
+en quoy l'on a manifestement viollé la franchise des
+Pays Bas, chose qu'on ne peult croyre que le duc d'Alve
+puisse aulcunement dissimuler. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxv&#305;<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">V</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Vassal.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Plainte de l'ambassadeur au nom du roi, qui est averti que
+l'armement de la flotte d'Angleterre est destiné à une entreprise sur Calais.&mdash;Vive
+protestation de la reine qu'elle n'a jamais eu un pareil projet,
+et qu'elle n'a d'autre intention que de repousser les attaques, qui pourraient
+être dirigées contre elle.&mdash;Demande d'explications sur les armemens
+faits en Bretagne.&mdash;Débat sur les délais apportés à la conclusion du
+traité concernant Marie Stuart.&mdash;Nouvelle invasion des Anglais en Écosse.
+<em>Mémoire.</em> Discussions des Anglais sur la paix de France.&mdash;Leur crainte
+qu'une ligue générale ait été formée contre eux.&mdash;Changement de conduite
+d'Élisabeth à l'égard de l'ambassadeur d'Espagne.&mdash;Dispositions
+prises pour éviter une attaque de la part du duc d'Albe.&mdash;Résolution de
+faire sortir la flotte pour rendre honneur à la reine d'Espagne, et se tenir
+prête au besoin à livrer bataille.&mdash;Négociations d'Élisabeth en Allemagne.&mdash;Nouvelles
+de la diète.&mdash;<em>Mémoire secret.</em> Assurance donnée parle duc de
+Norfolk, depuis sa mise en liberté, qu'il reste dévoué à la reine d'Écosse.&mdash;Nécessité
+d'imposer à la reine d'Angleterre un délai, dans lequel le traité
+avec Marie Stuart devra être conclu.&mdash;Utilité de faire quelque changement
+dans la garnison de Calais.&mdash;Projet d'une entreprise du roi d'Espagne sur
+l'Angleterre: insistance faite auprès de Marie Stuart pour qu'elle s'abandonne
+entièrement au duc d'Albe du soin de sa restitution.&mdash;Disposition
+d'Élisabeth à renouer la négociation de son mariage avec l'archiduc Charles.&mdash;Avis
+d'une correspondance entretenue avec l'Angleterre par quelqu'un
+qui approche le duc d'Anjou.&mdash;Nouvelles répandues à Londres sur
+les projets du roi.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, estant la Royne d'Angleterre en une mayson esquartée
+dans les boys, à quarante cinq mil de Londres,
+qui s'apelle Vuynck, elle m'a mandé dire que, si l'affère
+dont j'avois à luy parler estoit hasté, je vinsse prendre ma
+part de l'incommodité du lieu où elle estoit; mais, si ce
+n'estoit chose pressée, qu'elle me prioyt d'attandre jusques
+au v&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour ensuyvant, qu'elle se randroit près d'Oxfort,
+<span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span>
+en la mayson de Mr de Norrys, qui seroit plus commode.
+Et comme elle a entendu que je ne vouloys temporiser,
+et que j'estois desjà prez du dict Vuynck, elle a envoyé
+trois gentishommes pour me conduyre, non en la mayson
+où elle estoit, mais en une fueillée, qui lui estoit préparée
+pour tirer de l'arbaleste aulx dains dedans les toilles; auquel
+lieu elle est venue bientost après, grandement accompaignée,
+où m'ayant, avant descendre du coche, et après
+en estre descendue, fort favorablement receu, premier
+qu'elle se soit divertye à la chasse, m'a demandé des nouvelles
+de Voz Majestez.</p>
+
+<p>Et parce qu'on m'avoit dict que le S<sup>r</sup> de Vualsingan,
+touchant son voyage en France, luy avoit escript qu'il
+trouvoit le monde par dellà mal contant de la paix, je luy
+ay bien vollu dire, Sire, que Vostre Majesté estoit venue à
+Paris en sa court de parlement pour y fère bien recepvoir
+les articles de la dicte paix, lesquelz y avoient esté acceptez
+avec ung grand consentz de tout ce sénat, et que de
+là vous en estiez allé randre grâce à Dieu en la grand esglize
+de Nostre Dame, et solemniser la feste de la my
+aoust; et que, le soir, estiez allé prendre le souper en l'hostel
+de ville, pour mieulx establyr le repoz entre ce grand
+peuple, lequel a accoustumé de servyr d'exemple aulx autres
+villes voysines; et que vous estiez après à regarder principallement
+à deux choses: l'une, de bailler argent aulx reytres
+et estrangiers, au premier jour de septembre, affin de
+les chasser eulx, et le trouble et malheur, hors de vostre
+royaulme; et l'aultre estoit de jouyr heureusement de ceste
+paix, premièrement avec voz subjectz, et puys avec les
+princes voz voysins, allyez et confédérez, chose qui estoit
+bien conforme à ce qu'elle m'avoit prié dernièrement de
+<span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span>
+vous escripre: (que vous vollussiez conserver l'amytié des
+princes voz voysins, comme je la pouvois bien asseurer que
+vous la vouliez conserver droicte et entière envers elle,
+aultant qu'avec nul prince de vostre alliance); mais qu'il y
+avoit ung aultre ambassadeur, lequel je ne cognoissois
+point, qui vous avoit advisé, Sire, de penser tout aultrement
+d'elle en vostre endroict, et qu'elle avoit fermement
+résolu de vous fère bientost la guerre; dont je remercyois
+Dieu que la vigillance de celluy là m'eust relevé de la plus
+notable infamye, où gentilhomme eust peu tomber, d'avoir
+miz mon Roy, Mon Seigneur, et ses affères en ung manifeste
+dangier, s'il ne vous eust advisé d'y prendre garde,
+et de vous bien deffandre du costé, duquel je m'esforçoys
+de vous persuader que vous seriez le moins assailly; bien
+que je ne demeurois sans coulpe de m'estre layssé endormyr
+par ses bonnes parolles, sur ce que m'aviez commandé
+d'avoir les yeulx plus ouvertz, qui estoit l'observance
+et l'entretennement des trettez.</p>
+
+<p>Sur quoy la dicte Dame, pleyne d'esbahyssement, m'a
+demandé qui ce pouvoit estre, et que l'infamye tumberoit
+plus sur elle que sur moy, et qu'elle espéroit de nous en
+descharger si bien toutz deux que la honte en demeureroit
+à celluy qui la nous vouloit fère.</p>
+
+<p>J'ay suyvy à luy dire que je luy en communiquerois, au
+long et au plain, tout ce que Vostre Majesté m'en escripvoit,
+affin de procéder ainsy clairement vers elle, comme
+j'avoys faict jusques icy, et comme je la suplyois de ne
+me contraindre d'en user aultrement; car, pour ne le
+sçavoir fère, et pour ne mettre, par ma sotise, voz affères
+en dangier, j'aymois trop mieulx d'estre révoqué, et
+qu'elle me renvoyât d'où j'estois venu.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_292"> 292</a></span>
+Dont, luy ayant baillé là dessus la lettre de Vostre
+Majesté, avec l'adviz du v&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du passé, elle a leu très
+curieusement l'ung et l'aultre; et puys, sans avoir guières
+pensé, m'a dict qu'elle me feroit en cella une responce
+franche et pleyne de vérité: c'est qu'elle prioyt Vostre Majesté
+de croyre que l'adviz estoit tout entièrement faulx,
+et que, en son armement, elle n'avoit aultre entreprise
+que celle, qu'elle m'avoit faict escripre par ceulx de son
+conseil, et despuys confirmée de sa propre parolle, qui
+est celle, Sire, que je vous ay desjà escripte; et que,
+quant il se trouveroit aultrement, elle vouloit que vous la
+tinssiez pour descheue du rang de Vostre Majesté, où Dieu
+l'a constituée Royne légitime et Princesse chrestienne. Il
+est vray que chose semblable, ou peu différante, luy
+pouvoit avoir esté offerte, mais non de six mois en ça.
+A quoy elle vouhe à Dieu qu'elle n'a jamais vollu entendre,
+et ne le fera, soubz tant de bonnes parolles de paix et d'amytié,
+comme elle m'a prié vous asseurer de sa part; et
+qu'elle vouloit bien dire aussi qu'ayant Vostre Majesté
+procédé en bonne façon vers elle sur les affères de la
+Royne d'Escoce, qu'elle ne vouldroit que bien user vers
+vous, et achever droictement le tretté qui est là dessus
+commancé; mais que si, pour l'ocasion de la dicte Dame,
+laquelle vous sçavez qu'elle luy tient beaucoup de tort,
+vous la vouliez ennuyer, (ainsy que le comte de Betfort luy
+avoit escript despuys deux heures, du pays d'Ouest, que
+Vostre Majesté avoit douze navyres toutz prestz et garnys
+de toutes monitions de guerre à S<sup>t</sup> Malo, pour les passer
+en Escoce, et n'attandoit on plus que les gens de
+guerre pour les mettre dessus; et que, d'abondant, vous
+aviez faict arrester en Bretaigne toutz les navyres anglois
+<span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span>
+comme en temps de guerre,) qu'elle s'esforceroit de vous
+fère tout le pis qu'elle pourroit.</p>
+
+<p>Je répliquay, Sire, que je mettrois peyne de vous fère
+bien entendre sa responce touchant le faict de Callays; et
+je la prioys de vous en fère dire aultant par son ambassadeur,
+affin que peussiez cognoistre que ce que je vous en
+escriprois procédoit de son intention, ce qu'elle m'accorda;
+et, quant au reste, je la pouvois asseurer que je ne sçavois
+rien de l'apareil de S<sup>t</sup> Malo, mais que je mettrois toutjours
+ma vie pour la seurté de la parolle, que vous luy aviez
+promise: tant y a que je la suplioys ne trouver mauvais,
+si, pour n'estre faulx ny desloyal à Vostre Majesté, je vous
+escripvois, touchant le faict d'Escoce, qu'elle nous remettoit
+à un tretté, duquel je n'espérois ny fin ny commancement:
+car elle n'y vouloit procéder jusques à ce que
+les depputez des seigneurs d'Escoce seroient arrivez, et
+le comte de Sussex empeschoit qu'ilz ne se peussent assembler
+pour en eslire quelques ungs; et que la création
+de ce régent, lequel avoit tout incontinent faict pendre
+trente trois bons serviteurs de la Royne d'Escoce, et les
+aultres rolles qui se jouoyent entre le dict comte de Sussex
+et les ennemys de la dicte Dame par dellà, me faisoient
+veoir qu'on ne tendoit à rien moins que à la paciffication.</p>
+
+<p>A cella la dicte Dame m'a respondu qu'il n'y avoit nul
+tort de sa part ny des siens, et qu'elle est toute résolue
+de procéder au dict tretté, et n'attand sinon une responce
+de la Royne d'Escoce, laquelle l'évesque de Roz luy doibt
+porter dans deux jours, pour, incontinent après, envoyer
+deux de son conseil devers elle affin de tretter ouvertement
+de tout ce qu'elles ont à démesler ensemble; et que j'asseure
+<span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span>
+Vostre Majesté que, s'il y a nul des siens qui veuille
+traverser le dict tretté, qu'elle l'en fera amèrement repentyr.
+Et m'ayant la dicte Dame tenu plusieurs aultres
+fort gracieulx propos, tant du présent des haquenées qu'elle
+vous veult fère, que de ce qu'elle a envoyé saluer la Royne
+d'Espaigne et l'Empereur, estant venue l'heure de la
+chasse, elle print l'arbaleste, et tua six daims, dont me
+fit faveur de m'en donner bonne part; et au prendre congé,
+me pria très instantment de vous donner toute satisfaction
+d'elle sur le faict du dict Callais, et luy procurer pareille
+satisfaction de Vostre Majesté sur ce qu'on luy a dict de
+S<sup>t</sup> Malo. Sur ce, etc. <span class="i2">Ce v<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</span></p>
+
+<div class="blockquote">
+<p>Sur la closture de la présente, est venu adviz comme le comte de
+Sussex est rentré en Escoce, ainsy que luy mesmes l'a escript. Nous
+sommes après, icy, d'en demander réparation, et Vostre Majesté y
+pourvoirra, s'il luy playt, par dellà.</p>
+
+<p class="center"><span class="smcap">OULTRE LE CONTENU DES LETTRES,</span>
+le dict S<sup>r</sup> de Vassal dira, de ma part, à Leurs Majestez:</p>
+
+<p>Qu'on juge icy diversement de la paix de France, car les ungs disent
+que le Roy l'a faicte ainsy que monsieur l'Admyral l'a vollue,
+luy laissant, après l'avoir veincu, plus d'exercice de sa religion qu'il
+n'avoit auparavant, et toulz les estatz et villes qu'il a demandé: les
+aultres, au contraire, disent que le dict sieur Admyral s'est layssé aller
+aulx promesses du Roy, et qu'il s'est condescendu aulx plus honteuses
+et dommaigeables condicions de paix qu'il se pouvoit fère,
+ayant layssé perdre les principalles esglizes, que ceulx de sa religion
+eussent ez bonnes villes du royaulme, pour se contanter de quelques
+meschantz faulxbourgs; et d'avoir soubmiz, de rechef, eulx et leurs
+biens aulx parlemens, lesquelz leur sont capitalz ennemys; et d'avoir
+accordé au Roy le quint de leur revenu pour payer les reytres,
+dont beaucoup de Catholiques et de Protestans estrangiers, et mesmement
+ceulx, qui n'ayment ny la grandeur ny l'establissement du
+Roy, arguent par là qu'il y doibt avoir quelque secrecte convention
+<span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span>
+contre les estatz voysins; et descouvrent qu'en leur cueur ilz sont
+marrys de la paix de France, et qu'ilz la craignent.</p>
+
+<p>Mais d'aultres plus modérez, qui en désirent la conservation, jugent
+tout librement que nul moyen plus heureux, ny plus prudent,
+ny plus conjoinct d'honneur avec proffict, se pouvoit trouver au
+monde, que cestuy cy de la paciffication; par laquelle le Roy a regaigné
+l'obéyssance de ses subjectz, et eulx la bonne grâce sienne, et
+toutz ensemble chassé le trouble et le malheur hors du royaume.</p>
+
+<p>Et, à ce propos, la Royne d'Angleterre m'a dict que quelquefoys
+ung prince pouvoit bien avoir fort bon droict sur un estat, qui pourtant
+ne le jouyssoit pas, et que, hormiz le titre, il estoit toutjour en
+peyne ou d'en conquerre ou d'en deffandre tout le reste; et par ainsy
+que le Roy a conquiz, par ceste paix, le plus beau royaulme de tout
+le monde; lequel auparavant il ne possédoit pas, et dont nul aultre
+que le sien n'eust peu si longtemps suporter les maulx de la division,
+sinon avec la mutation ou avec la ruyne entière de l'estat, dont elle le
+conseille de ne le mettre plus en hazard.</p>
+
+<p>Néantmoins monstrans aulcuns des principaulx du conseil de la
+dicte Dame qu'ilz craignent meintennant la dicte paix, ilz donnent à
+cognoistre qu'ilz ne la desiroient pas; et mesmes ung, qui sçayt assés
+de leurs secretz, a raporté qu'ilz ont dict que, si leur entreprinse de
+Picardie n'eust point esté descouverte, et que je n'en eusse rien senty,
+ou bien que monsieur l'Admyral eust peu conduyre son armée vers
+la frontière du dict pays de Picardye ou Normandie, ilz luy eussent
+bien donné moyen d'évitter l'honteuse paix qu'il a faicte.</p>
+
+<p>Et despuys la conclusion d'icelle, ceulx de ce pays n'usent de si
+familière conversation avec les Françoys de leur mesmes religion,
+comme ilz faisoient auparavant, et ne leur layssent nulz marinyers
+anglois dans leurs vaysseaulx, bien qu'ilz n'en ayent quasi point
+d'aultres; et seulement vers Mr le cardinal de Chastillon ilz monstrent
+luy porter encores quelque honneur et respect, pour l'obliger
+davantaige à estre ministre de conserver la paix entre ces deux
+royaulmes.</p>
+
+<p>Et, encor que de certains propos qu'on leur a faict acroyre,
+qui ont esté naguières tenuz près du Roy, au préjudice de ce royaulme;
+et de la rescente mémoire de la bulle, avec la division qu'ilz voyent
+croistre toutjour parmy leurs subjectz; et de certaine coppie de lettre
+qu'ilz pensent avoir recouvert, que le duc d'Alve a escripte à
+Monsieur, frère du Roy, pour l'inciter, à ce qu'ilz disent, contre eulx;
+et de l'advertissement, qu'ilz ont, que le dict duc pourchasse, envers
+<span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span>
+l'Empereur, de fère mettre en arrest toutes les merchandises d'Angleterre,
+qui sont en Hembourg, pour la réparation des prinses, que
+les Anglois ont faictes en mer sur les subjectz de son Maistre, la
+dicte Dame et les seigneurs de son conseil soyent entrez en de bien
+grandz et divers pensements, néantmoins ilz n'en ont esté guières
+esmeuz jusques à la nouvelle de la paix; mais lorsqu'ilz ont veu
+qu'elle estoit conclue à l'honneur et advantaige du Roy, ilz n'ont
+heu rien plus hasté que de consulter et dellibérer, tout incontinent,
+comme ilz se pourroyent munyr contre l'orage, qu'ilz craignent leur
+advenir; en quoy ilz ont pensé qu'ilz le pourroient divertyr par gracieuses
+négociations et bonnes parolles, bien que possible esloignées
+de ce qu'ilz ont en intention.</p>
+
+<p>Et ont commancé de dépescher premier devers le Roy le S<sup>r</sup> de
+Vualsingan pour la conjouyssance de la paix, et pour luy donner
+bonne espérance des affères de la Royne d'Escoce, avec le surplus
+de sa commission, sellon que je l'ay mandé, en la sorte que je l'ay
+peu descouvrir; bien que la dicte paix leur semble formidable parce
+qu'ilz n'ont esté appellez à la fère, et que les principaulx, qui guident
+les conseilz de la dicte Dame, s'opinyastrent, de plus en plus, à
+la détention de la Royne d'Escoce, et à interrompre le tretté encommancé,
+pour fère de rechef rentrer les Anglois en Escoce, ainsy que
+l'empeschement qu'on a donné à Mr de Leviston en la frontière, pour
+créer cependant le comte de Lenoz régent, et la forme de procéder
+du comte de Sussex contre ceulx du party de la Royne d'Escoce,
+le tesmoignent; dont le Roy me commandera s'il sera expédiant que
+je tire de la dicte Royne d'Angleterre une résolue responce sur le
+dict affère.</p>
+
+<p>Et pour le regard du Roy d'Espaigne, ayans eulx pensé de tretter
+plus mal que jamais son ambassadeur, et luy ayant mandé par ung
+sien secrétaire que la Royne d'Angleterre ne le tenoit plus pour
+ambassadeur, et faict dire par deulx aldremans qu'il s'en vînt trouver
+ceulx du conseil à S<sup>t</sup> Aulban, à XL mil de Londres, où j'ay sceu
+despuys qu'ilz avoient faict préparer ung logis pour le resserrer;
+l'asseurance de la paix n'est si tost arrivée qu'on n'ayt changé de
+toute aultre façon en son endroict, l'envoyant visiter avec bonnes
+parolles et offres d'accord sur les différans; et luy ont envoyé
+Haquens pour se justiffier de ce qu'on luy avoit rapporté qu'il dressoit
+une flotte pour aller aux Indes, qui l'a asseuré qu'il n'en estoit
+rien, et qu'il n'avoit intention de naviguer en lieu d'où le Roy, son
+Mestre, peult estre offancé. Ilz ont envoyé Fuyguillem devers le
+<span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span>
+duc d'Alve, et ont dépesché le jeune Coban devers la Royne d'Espaigne,
+avec les plus expresses parolles et les meilleures démonstrations
+d'amytié, dont ilz se sont peu adviser.</p>
+
+<p>Et néantmoins, ne se trouvans bien satisfaictz de la responce, que
+le duc d'Alve leur a faicte touchant son armement, parce qu'il a faict
+mencion qu'il estoit dressé contre les ennemys, ilz ont résolu de se
+présenter en mer, quant la dicte Dame passera, et de disposer leurs
+grands navyres, en sorte qu'ilz luy gaignent le vent, (ainsi qu'ilz disent
+qu'ilz ont cinq ventz qui leur servent et qui leur donnent
+l'advantaige,) et en ceste sorte la saluer et luy monstrer toutz
+signes d'amytié; mais s'il n'est prins en ceste sorte de l'aultre part,
+et qu'ilz ne ressaluent, et ne rendent les mesmes signes d'amytié et
+d'amayner, avec la soumission requise, que, à la moindre mauvaise
+démonstration qu'ilz feront, ceulx cy se tiendront pour provoquez,
+et attacheront le combat. Et y a grande apparance que, si la dicte
+Dame est contraincte, par quelque occasion de temps, de relascher
+par deçà, qu'elle ne s'en pourra partyr quant elle vouldra, bien qu'on
+luy fera tout l'honneur et bon trettement qu'il sera possible; et monstrent
+ceulx cy estre toutz advertys de l'apareil du duc d'Alve et de
+celluy d'Espaigne, mais ne craindre l'ung ni l'aultre; et ont donné
+charge par tout le pays d'user de signalz pour courir aulx portz, au
+cas que l'on y aborde, affin d'en demeurer les maistres.</p>
+
+<p>Et ont donné charge au susdict jeune Coban, après qu'il aura
+visité la Royne d'Espaigne, de passer oultre devers l'Empereur,
+avec lettres, parolles et offres de grande amytié et de grande intelligence
+en son endroict; et pour l'exorter de demeurer en bonne
+unyon avec les princes de l'Empyre; et luy donner compte des différans
+des Pays Bas; et aussi, à ce que j'entendz, quelque peu des
+choses d'Escoce; mais surtout de le prier qu'il n'ordonne rien en
+Hembourg contre les Anglois, ny contre leurs merchandises; et,
+affin de le disposer mieulx vers elle, que icelluy Coban luy remettra
+en termes, avec affection, le propos du mariage avec l'archiduc son
+frère, bien que nul se peult persuader qu'elle ayt intention de l'effectuer.</p>
+
+<p>Et cependant, en l'endroict du dict Empereur et des aultres princes
+catholiques, elle faict valoir et se sert de ceste légation des princes
+protestans, qui ont encores icy leurs ambassadeurs; et je les ay
+faict fort observer, et ay trouvé que entre eulx y a ung docteur,
+qui a seul la charge de toute la négociation, et porte seul la parolle,
+sans en rien conférer aulx aultres, personnaige si secret et réservé,
+<span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span>
+qu'on ne peult tirer ung seul mot de luy: seulement l'on m'a adverty
+qu'il a porté une lettre à la dicte Dame, soubsignée de plusieurs
+princes, sçavoir; des trois ellecteurs Pallatin, de Saxe, Brandebourg,
+les premiers des lansgraves, après et succecifvement d'aultres, jusques
+à douze des principaulx d'Allemaigne; réservé cellui de Vitemberg,
+qui a accepté, à ce qu'on dict, pencion du Roy d'Espaigne,
+et qu'en la dicte lettre est faicte mencion de ce que le Roy leur a
+escript de la paix, et la responce qu'ilz luy ont faicte, et qu'ilz
+exortent la dicte Dame d'espérer toutjour bien d'eulx, et de s'asseurer
+que toutz ensemble luy demeureront bien unys en affection
+et intelligence, ainsy qu'ilz le luy ont promiz; et qu'ilz n'obmettront
+rien de ce qui sera requiz pour l'establissement de leur religion,
+et pour la seurté des princes, peuples et estatz, qui l'ont receue;
+et que, sur la dicte lettre, il a heu quatre foys conférance, à
+part, avec la dicte Dame, laquelle, à mon adviz, l'entretiendra jusques
+après avoir heu responce des aultres princes, car elle ne se veult
+vollontiers obliger à nulle ligue, et ne le fera sinon bien contraincte,
+de tant que les plus grandz frays en auroient à tumber sur sa bourse.</p>
+
+<p>Ce qui s'entend icy de la diette est que les trois ellecteurs ont fort
+suspecte la proposition, que l'Empereur y a faicte, parce qu'il leur
+semble qu'elle tend à leur oster l'authorité des armes, et de ne
+pouvoir fère levées de gens de guerre en Allemaigne, et de diminuer
+la grandeur de celluy de Saxe, par prétexte de relever celle de ses
+cousins; et que le dict Empereur finira la dicte diette par tout
+le moys d'octobre, pour s'en retourner avant l'yver à Vienne,
+non sans en avoir premièrement indicté une aultre; et qu'encores
+qu'il n'ayt, pour ceste foys, procédé à la création du roy des Romains,
+il a néantmoins si bien dressé la pratique, que, pourveu qu'il
+puysse gaigner les trois eclésiastiques, dont ne se deffye plus que
+de celluy de Colloigne, il espère qu'il le pourra effectuer, en baillant
+le tiltre de roy de Bohème à ung tiers pour avoir ceste voix davantaige
+aulx suffrages; et n'y obstera plus que le reiglement de la bulle
+dorée de n'admettre tant d'Empereurs d'une mesmes famille, mais
+le Pape y dispensera; et semble bien que, cella advenant, l'on procédera
+aussi à la privation du Pallatin, car l'on a opinion que, celluy
+là séparé des trois, les aultres deux demeureront bien foybles, et
+que le plus grand soing, qu'ayt à présent le Roy d'Espaigne, est de fère
+créer son nepveu roy des Romains pour la conservation de ses Pays
+Bas et de ses estatz d'Itallye, et qu'il n'espargne peyne, ny argent,
+ny nul de toulz les moyens dont il se peult adviser, pour l'effectuer.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span>
+<span class="center smcap">DIRA D'ABONDANT, A PART, A LEURS MAJESTEZ:</span></p>
+
+<p>Que le duc de Norfolc, despuys estre hors de la Tour, m'a envoyé
+remercyer des bons offices, qu'il a sentys de ma bonne vollonté
+durant sa pryson, lesquelz luy ont esté d'un singulier espoir
+et très grande consolation; et s'asseurant que cella est procédé du
+commandement de Leurs Majestez Très Chrestiennes, il m'a prié
+de leur en bayser très humblement les mains de sa part, et de les
+asseurer qu'après sa Mestresse, il leur demeure très dévot et
+fidelle serviteur plus qu'à nul prince de la terre, et qu'il leur recommande
+toutjour la cause de la Royne d'Escoce, pour la restitution
+de laquelle il veult mettre sa personne, sa vie et son bien.</p>
+
+<p>Il suplie néantmoins Leurs Majestez que l'expécial propos de sa
+dévotion et affection, vers leur service et vers la Royne d'Escoce, ne
+passe plus avant que entre Leurs dictes Majestez et Monseigneur,
+pour le dangier qu'il y a que, s'il estoit sceu de deux endroictz,
+lesquelz j'ay expéciffiez au S<sup>r</sup> de Vassal, il ne luy en advint beaucoup
+de mal; bien desire qu'en ce que Leurs Majestez vouldront
+parler en leur conseil des gens de bien et principaulx de ce royaulme,
+qui desirent la continuation de la paix, et l'entretennement des
+trettez d'entre la France et l'Angleterre, et la restitution de la Royne
+d'Escoce, qu'ilz luy facent l'honneur de le nommer toutjour des premiers.</p>
+
+<p>Leurs Majestez ont veu de quelle façon j'ay procédé ez affères de
+la Royne d'Escoce, et parce qu'il semble adviz à la dicte Dame que
+je me repose trop sur les parolles de la Royne d'Angleterre, et que
+par icelles je pourrois interrompre le bon secours qu'elle attend du
+Roy, elle m'a escript: dont Leurs Majestez, s'il leur playt, orront là
+dessus le dict S<sup>r</sup> de Vassal, et me manderont par luy comme j'en
+auray à user, et si le Roy trouvera bon que, de sa part, je face
+instance à la Royne d'Angleterre de restablyr, dans ung moys, la
+Royne d'Escoce en son estat par la voye du tretté, en s'acommodant
+entre elles mesmes de leurs différans, ou bien luy bailler son secours
+pour estre remise; et, à faulte de ce fère, que la dicte Royne
+d'Angleterre trouve bon que le Roy luy baille le sien, soubz bonne
+seurté qu'il ne portera aulcun dommaige ny à la Royne d'Angleterre,
+ny à son royaulme, ny n'usera par mer, ny par terre, vers elle, ny
+vers les Anglois, sinon comme avec bons amys, allyez et confédérez,
+pourveu qu'ilz facent de mesmes.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span>
+Au regard de l'adviz, qu'on a donné au Roy, de l'entreprinse de
+Callais, je pense avoir toutjour mandé à Sa Majesté ce qui en a esté
+ordinairement proposé à ceste Royne et à son conseil, despuys que
+je suys par deçà, et les choses n'en sont pas passées plus avant.
+Il est vray que milord Coban, despuys le xv<sup>e</sup> d'aoust, a faict entendre
+à la dicte Dame que, si elle veult entretenir quelques compaignies,
+l'espace de deux ou trois moys, toutes prestes, en la coste de deçà,
+qu'il a promesse d'aulcuns, qui habitent dans la ville et territoire de
+Callais, lesquelz ont desjà prins argent de luy, de les mettre d'emblée
+dedans la dicte ville, et de surprendre Mr de Gordan, et de le
+luy randre prysonnier entre ses mains. A quoy la dicte Dame a respondu
+que son advertissement venoit tard, de tant que la paix estoit
+desjà conclue en France; et qu'il fauldroit rompre toutz les trettez
+et commancer, à ceste heure, qui est bien hors de sayson, une grosse
+guerre; en quoy je suplie très humblement Sa Majesté de regarder
+s'il sera bon que la garnyson du dict Callais soit changée, puisque
+les choses en sont en cest estat.</p>
+
+<p>Touchant l'intention, que le Roy d'Espaigne a sur les choses de
+ceste isle, il se descouvre, de plus en plus, qu'il dellibère d'y fère
+quelquefoys ung essay, quant il en aura le moyen; car il a mandé à
+son ambassadeur qu'il entretienne les plus vifves qu'il pourra, les
+bonnes intelligences qu'il a dans le pays, et que, quant bien on le
+vouldroit renvoyer, qu'il ne bouge en façon du monde de sa charge,
+jusques à ce que tous les différans de ces prinses soyent vuydez; et,
+quant au faict de la Royne d'Escoce, que le duc d'Alve a commandement
+résolu de la secourir, mais ne dict en quelle façon; seulement
+le dict ambassadeur inciste qu'elle se veuille mettre ez mains
+du dict duc, et que, sans doubte, il pourvoirra à ses affères et à sa
+restitution.</p>
+
+<p>La Royne d'Angleterre, vivant en très grand deffiance du Roy
+d'Espaigne, et en peu de confiance du Roy, a mandé à l'Empereur
+que, si l'archiduc Charles veult passer en Angleterre, qu'il y sera le
+très bien venu, et que n'estant demeuré la conclusion de leur mariage
+que sur le différand de la religion, elle espère que ses peuples
+luy accorderont l'exercice de la catholique à luy et à sa mayson très
+vollontiers, en contemplation de ce mariage. Et à quoy que aille ce
+jeu, car quelques ungs l'extiment plein de tromperie, la dicte Dame
+commance de publier qu'elle assemblera bientost ung parlement
+pour cest effect; et, en la dernière audience, elle m'a dict qu'elle
+n'avoit nul aultre regrect, sinon de n'avoir pensé à sa postérité, et
+<span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span>
+comme je luy respondiz qu'il y avoit encores assés temps: «Je
+crains, dict elle, que mon temps ayt emporté la vollonté à ceulx qui
+y eussent vollu prétendre.»</p>
+
+<p>Il y a ung certain personnaige prez de Leurs Majestez et de Monseigneur,
+qui escript assés souvent au secrétaire Cecille par aultre
+voye que celle de Mr Norrys, et naguières luy a envoyé deux lettres,
+lesquelles le S<sup>r</sup> Espinolla et Fortivy luy ont baillées, par où il s'esforce
+merveilleusement de broiller les matières par deçà, et aigrir
+ceste princesse, et la mettre en grand deffiance du Roy; mais le plus
+souvant il luy représente des motz et des propos, qu'il dict que
+Monsieur a tenuz contre elle, tant en sa chambre que en ses repas:
+et, en toutes sortes, celluy là se monstre si malicieulx que ung Anglois,
+qui a communication des dictes lettres, lequel n'ayme pas
+beaucoup la France, mais ne vouldroit pourtant que la guerre se print
+entre les deux royaumes, m'en a faict toucher assés expressément
+ung mot, affin que j'advertisse Leurs Majestez, mesmement Monsieur,
+de fère observer qui peult estre celluy qui faict ung si mauvais
+office près d'eulx. Il ne se soubscript guières aux lettres, seulement
+il s'est une foys soubsigné <em>Emanuel</em>. Il y a en son cachet ung lyon
+rampant, et compose assés souvent ses lettres, partie en itallien,
+partie en françoys, et partie en latin. Il avoit mandé cy devant plusieurs
+choses, lesquelles, ayant esté trouvées manteuses, on n'y adjouxte
+grand foy; mais, despuys trois moys, ayant faict entendre à
+Mr Norrys que Leurs Majestez le feroient appeller pour luy tenir
+ung tel et ung tel propos, et estant ainsy advenu, il a fort regaigné
+son crédit.</p>
+
+<p>Il a esté escript une lestre de ceste court en la contrée, dont les
+chefz m'ont esté raportez: c'est que la paix de France a esté conclue
+au préjudice et pour aller faire la guerre aulx Pays Bas; que le Roy
+ne prétend plus espouser la fille de l'Empereur, ains la s&oelig;ur du
+Prince de Navarre, et donner Madame, sa s&oelig;ur, en mariage au dict
+Prince de Navarre, ayant pour cest effect interrompu le propos du
+Roy de Portugal, et que Mr de Guyse avoit prétandu d'espouser
+Ma dicte Dame, s&oelig;ur du Roy: à quoy Mr le cardinal de Lorrayne
+luy tenoit la main, dont toutz deux en sont mal veuz à la
+court.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXXII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Maladie de l'ambassadeur.&mdash;Mission de sir Henri Coban auprès de la reine
+d'Espagne et du duc d'Albe.&mdash;Continuation des armemens en Angleterre.&mdash;Troisième
+invasion du comte de Sussex en Écosse; changement apporté dans
+ses résolutions par la nouvelle de la paix de France.&mdash;Demande d'une réparation
+pour cette dernière atteinte portée aux traités.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, despuys mes précédantes, lesquelles sont du cinquiesme
+du présent, je n'ay point sorty de mon logis à
+cause d'une grosse fiebvre, qui m'avoit desjà surprins,
+quant j'allay trouver la Royne d'Angleterre à Vuynck, et
+ce voyage là me l'augmenta bien fort, parce que je le fiz
+par ung bien mauvais temps, de sorte qu'il ne m'a esté
+possible de me ravoyr jusques à ceste heure, que, grâces
+à Dieu, je commence à me trouver mieulx, et pourray
+continuer le service de Vostre Majesté comme auparavant;
+et si, ne l'ay tant intermiz, durant mon mal, que je n'aye
+toutjour heu soing de m'enquérir comme alloient les affères
+en ceste cour; d'où l'on m'a raporté, Sire, qu'on y est
+fort attendant de sçavoir quelle aura esté la négociation
+du S<sup>r</sup> Vualsingan devers Vostre Majesté, ainsy que le sir
+Henry Coban a desjà mandé, touchant la sienne de Flandres,
+qu'il a esté bien veu du duc d'Alve, et bien fort gracieusement
+receu de la Royne d'Espaigne, et qu'elle a
+monstré tenir grand compte du messaige qu'il luy a faict
+de la part de la Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et luy
+a grandement gratiffié non seulement les bonnes parolles et
+offres, que la dicte Royne d'Angleterre luy a mandées,
+<span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span>
+mais encores le voyage qu'elle luy a commandé fère devers
+l'Empereur, son père; dont, pour ceste occasion, elle
+l'a tant plustost licencié avec faveur et avec ung présent
+d'une chayne de quatre centz escuz. Il a mandé aussi la
+belle distribution et consulte, qui a esté faicte, de beaucoup
+de bienfaictz aulx seigneurs de Flandres, à l'arrivée
+de la dicte Dame; ce que l'on estime qui confirmera grandement
+le pays à la dévotion du Roy, son mary, et d'elle.</p>
+
+<p>Ceulx cy cependant se hastent de getter dix grands navyres
+dehors, et maistre Charles Havart, qui a charge d'y
+commander, est passé, despuys trois jours, en ceste ville
+avec les capitaines et gentishommes qui le vont accompaigner.
+L'on dit que, parce que le duc d'Alve a miz douze
+navyres en mer pour la conserve de la pescherie, que ceulx
+cy se veulent trouver en esgalles forces dans ce canal.</p>
+
+<p>Le comte de Betfort est encores au pays d'Ouest, où a
+semblé, du commancement, qu'il n'eust esté envoyé que
+pour dresser certayne flotte, de laquelle je vous ay desjà
+mandé que Haquens se préparoit pour la conduyre aulx
+Indes; mais s'en estant despuys le dict Haquens venu excuser
+envers l'ambassadeur d'Espaigne, et l'asseurer qu'il
+n'a point pensé en la dicte entreprinse, et ne cessant pourtant
+le dict Betfort de fère toutjour armer et équiper vaysseaulx
+au dict quartier d'Ouest, je ne puys fère que je ne
+suplie très humblement Vostre Majesté d'en fère donner
+adviz aulx gouverneurs de voz portz et places de dessus
+ceste mer; et je mettray peyne d'en fère aussi advertir en
+Escoce, car, pour ceste heure, je ne puys descouvrir rien
+de plus particullier de la dicte entreprinse; seulement,
+Sire, par un nouvel adviz qu'on m'a donné, je me confirme
+en l'opinion, que je vous ay desjà mandée, qu'il est expédiant
+<span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span>
+de changer quelque partie de la garnyson de Callays
+sellon que Mr de Gordan estimera qu'il se debvra fère, en
+la vertu et vigilance duquel ceulx cy cognoissent bien que
+conciste grandement la conservation de ceste place.</p>
+
+<p>Le comte de Sussex a escript freschement une lettre
+au comte de Lestre, en laquelle il s'esforce de fère trouver
+bon son dernier exploict en Escoce, encores qu'il l'ayt
+exécuté sans le commandement de ceste Royne ni de ceulx
+de son conseil, alléguant qu'il a estimé importer beaucoup
+à l'honneur de la couronne d'Angleterre, et bien fort à sa
+propre réputation, de ne laysser inpuny ung seul de ceulx
+qui ont retiré et soubstenu les rebelles de ce royaulme; et
+qu'à la vérité, il se soucye bien fort peu que la Royne
+d'Escoce et les siens se trouvent offancez, pourveu qu'il
+ayt bien servy à la Royne, sa Mestresse; mais qu'il a entendu
+que la paix est conclue en France, sans que la dicte
+Royne, sa Mestresse, y soit comprinse, ny sans qu'elle
+s'y soit entremise si avant qu'on ayt grand occasion de
+luy en sçavoir grâce; par ainsy qu'il crainct que Vostre
+Majesté tourne meintennant ses entreprinses aulx choses
+d'Escoce, et qu'il luy semble que la Royne, sa Mestresse, les
+doibt accommoder, le plustost qu'il luy sera possible, avec
+la Royne d'Escoce, et la restituer par ses propres moyens,
+sans attandre que les estrangiers y mettent la main. Qui
+est desjà, Sire, bon commancement de veoir réprimé, par
+l'establissement de la paix et de vos affères, le cueur de
+cestuy cy, qui monstroit de l'avoir merveilleusement obstiné;
+et le réprimera aussi, comme j'espère, à plusieurs
+aultres, qui se débordoient, à cause des troubles de vostre
+royaulme, en plusieurs audacieuses entreprinses contre
+vostre grandeur.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span>
+Or n'ayant, Sire, pour mon indisposition, peu aller
+trouver la Royne d'Angleterre, affin de me plaindre du
+dict comte de Sussex; et estant aussi Mr de Roz conseillé
+de n'y aller point, toutz deux avons escript à la dicte Dame
+et aulx seigneurs de son conseil, et, pour mon regard, je
+leur ay demandé, au nom de Vostre Majesté, que rayson
+et réparation soit faicte des choses attamptées au préjudice
+du tretté, et que la dicte Dame me veuille mander quelle
+satisfaction j'auray à donner à Vostre Majesté de ceste
+dernière expédition du dict de Sussex, et en quelle intention
+elle demeure du susdict tretté; dont l'on m'a desjà
+adverty qu'il me sera faict une bien fort bonne responce,
+aussitost que le secrétaire Cecille se trouvera ung peu
+mieulx; lequel, pour quelque indisposition, n'a ozé, il y a
+plus de six jours, venir en la présence de la Royne, sa
+Mestresse; et maistre Mildmay a esté envoyé quéryr en
+dilligence, affin que le dict Cecille et luy, et Mr l'évesque
+de Roz s'acheminent incontinent devers la Royne d'Escoce.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce x<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</span></p>
+
+<p class="blockquote">Je viens d'estre adverty que le sire Guilhemme Stuart est présantement
+arrivé d'Escoce, de la part du comte de Lenoz; je croy que
+c'est pour mettre quelques mauvais partys en avant: nous prendrons
+garde à sa négociation.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXXIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par M<sup>e</sup> Lavaur Féron.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Sortie en mer d'une partie de la flotte anglaise.&mdash;Explications données par
+Élisabeth sur la récente expédition du comte de Sussex en Écosse.&mdash;Nécessité
+de se montrer prêt en France à porter secours aux Écossais.&mdash;Message
+du cardinal de Chatillon à l'ambassadeur.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, lundy dernier, x&#305;<sup>e</sup> de ce moys, le sire Charles
+Havart est sorty en mer avec dix grandz navyres seulement
+de ceste Royne et envyron trois mil cinq centz hommes
+dessus, envitaillez pour deux moys, dont les huict centz
+sont harquebouziers; le surplus de l'armement se va entretennant
+en petitz appareilz, sans y donner trop grand
+haste: dont semble qu'on se contantera d'honnorer le passaige
+de la Royne d'Espaigne de ce nombre de dix vaysseaulx,
+sans en mettre davantaige dehors; et qu'on tiendra
+le reste de l'armée preste pour ung besoing, si d'avanture
+quelque ocasion survenoit, comme, à la vérité, ceulx cy
+ne se peuvent fyer ny aulx parolles ny aulx démonstrations
+du duc d'Alve. Néantmoins ilz ont, despuys la paix de
+vostre royaulme, changé de dellibération touchant les choses
+d'Espaigne, car ayant proposé, commant que ce fût, de
+renvoyer ou bien de resserrer estroictement l'ambassadeur
+d'Espaigne, j'entendz qu'ilz ont meintennant résolu en ce
+conseil de ne parler plus de cella, et que la Royne d'Angleterre
+se layssera conduyre à luy permettre de continuer
+son office vers elle, si son Maistre le requiert; bien qu'elle
+ne le peult avoir guières agréable parce qu'elle estime
+<span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span>
+qu'il a dict et faict aulcunes choses directement contre
+elle et contre l'estat de son pays.</p>
+
+<p>Au regard de ce que j'avois escript à la dicte Dame, et
+aulx seigneurs de son conseil, de me fère rayson et réparation
+du dernier exploict, que les Anglois ont faict en Escoce,
+la dicte Dame m'a mandé que je ne vouldray estre
+si inique juge que de condampner l'une des parties sans
+l'ouyr; et que je n'imputeray la coulpe de ce faict au
+comte de Sussex son lieuctenant, quant j'entendray que
+milord Herys et aultres, de la frontière d'Escoce, sont venuz
+accompaigner en armes les rebelles de ce royaume pour
+courre et piller de rechef la frontière d'Angleterre, et
+fère de telles insolances qu'ilz ont donné de très grandes
+occasions au dict de Sussex de leur courre sus; choses
+toutesfoys qu'elle m'asseure estre advenu sans son commandement
+et sans l'ordonnance de son conseil, et en laquelle
+le dict de Sussex a procédé de luy mesmes, mais
+avec telle modération qu'il n'a touché qu'à ceulx qui
+l'avoient provoqué, dont le dommaige n'est pas grand, et
+il s'est desjà retiré; et elle luy a mandé qu'il ne passe plus
+oultre, parce qu'elle est résolue de pourvoir par le tretté à
+toutz ces différans, qu'elle a avec la Royne d'Escoce et
+son royaulme, ainsy que desjà elle a ordonnée à maistre
+Mildmay et au secrétaire Cecille d'aller, pour cest effect,
+devers la dicte Dame; et, en ce qu'il semble que je me
+voulois atacher à sa parolle et promesse, qu'elle me veult
+bien dire que je n'ay heu nulle occasion et ne l'auray jamais
+de me plaindre qu'elle ne me l'ayt toutjour randue
+véritable, me priant de vous donner là dessus, Sire, ceste
+mesmes satisfaction de l'expédition de son lieuctenant,
+affin que Vostre Majesté ne la preigne en pire part qu'elle
+<span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span>
+n'est. Qui est tout ce que la dicte Dame et ceulx de son
+conseil ont respondu à ce que je leur avois escript.</p>
+
+<p>Or, Sire, il semble bien par aulcunes coppies de lettres,
+que j'ay veues du dict de Sussex, et par ce que Mr le comte
+de Lestre m'en a faict entendre, que ceste entreprinse est
+advenue sans le sceu de la dicte Dame, et qu'elle n'en est
+guières contante; tant y a qu'on ne désadvouhe pour cella
+le dict de Sussex, lequel a son garant en court, et il a
+cependant porté beaucoup de dommaige d'avoir abattu sept
+ou huict maysons nobles et faict le gast partout où il a
+passé dans le pays. L'aparance est que ceste princesse
+veult en toutes sortes passer oultre au dict tretté, meue de
+l'apréhention du dangier, où il luy semble qu'aultrement
+elle va tumber, lequel les ennemys de la Royne d'Escoce
+n'ont de quoy le luy pouvoir meintennant effacer; mais ilz
+la font opiniastrer à des condicions trop dures, comme
+d'avoir le Prince d'Escoce entre ses mains, quelque place
+et des ostaiges; dont ceulx, qui entendent bien les affères,
+estiment que, pour les bien effectuer, il est requis que la
+dicte Dame sente vostre secours en Escoce, ou au moins
+si prest d'y passer qu'elle ne le craigne moins que s'il estoit
+desjà par dellà.</p>
+
+<p>Je n'ay encores peu savoir quelle est la commission du
+sire Guilhaume Stuard, lequel le comte de Lenoz a envoyé;
+bien m'a l'on dict qu'il asseure que les seigneurs d'Escoce
+ont desjà ordonné quelques depputez pour venir icy, mais
+nous incisterons qu'on passe oultre sans les attandre. Sur
+ce, etc. <span class="i2">Ce xv<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</span></p>
+
+<p class="blockquote">Ainsy que je fermoys la présente, Mr le cardinal de Chatillon m'a
+envoyé visiter et dire qu'il avoit esté se conjouyr de la paix avecques
+la Royne d'Angleterre, et que bientost il retournera prendre congé
+<span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span>
+d'elle pour aller trouver Voz Majestez; mais qu'avant partyr il ne fauldra
+de me venir saluer, comme ambassadeur de son Roy et Maistre,
+et prendre le diner en mon logis; et qu'il desiroit bien entendre,
+comme procédoient les choses de la dicte paix en France, parce que
+plusieurs attandoient de le sçavoir pour s'y retirer. J'ay respondu
+qu'il y avoit assés longtemps que je n'avois point heu de dépesche,
+mais que je sçavois bien que Voz Majestez donnoient bon ordre
+que la paix prînt establissement et durée, dont vous plairra me
+commander comme j'auray à me gouverner et conduyre envers le
+dict S<sup>r</sup> cardinal et aultres Françoys qui sont par deçà.</p>
+
+<h2 class="p4">CXXXIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Champernon.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Nouvelles de la flotte.&mdash;Négociation avec l'Espagne.&mdash;Affaires d'Écosse.&mdash;Incertitude
+où sont les protestans français de savoir s'ils peuvent rentrer en
+France.&mdash;Nouvelles d'Allemagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, estans sortys les dix navyres de la Royne d'Angleterre
+soubz la conduicte de sire Charles Havart, ainsy
+que je le vous ay mandé par mes précédantes, ilz se
+tiennent meintennant parez en la coste de deçà, attandans
+que la flotte de Flandres se mette à la voyle, et demeurent
+ceulx cy assés persuadez que le passaige de la
+Royne d'Espaigne sera paysible, sans rien attempter en
+nul de leurs portz; mais ilz craignent grandement qu'estant
+arrivée par dellà, le retour de l'armée ne soit à leur
+dommaige, et qu'on n'y embarque des Hespaignolz pour
+fère quelque descente en Irlande, ou bien ez quartiers du
+North d'Escoce, ou en quelque aultre endroict de ceste
+isle, attandu mesmement que milord de Sethon et ung
+<span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span>
+frère du S<sup>r</sup> de Ledinthon sont passez en Flandres, et qu'on
+dict que le comte de Vuesmerland et la comtesse de Northomberland
+sont arrivez devers le duc d'Alve, et que plusieurs
+fuytifz de ce royaulme sont en l'armée, qui va conduyre
+la Royne d'Espaigne; dont a esté miz icy ung nouvel
+ordre de tenir si pretz les aultres grandz navyres de
+ceste Royne qu'il n'y puysse avoir une seule heure de retardement,
+quant ilz seront commandez de sortyr, et ordonné
+d'augmenter les vivres, qui y sont nécessaires pour
+quelque moys davantaige; bien que la dicte Dame et les
+seigneurs de son conseil se contantent bien fort des bonnes
+responces, que le dict duc d'Alve a faictes au jeune Coban,
+en ce mesmement que, luy ayant faict pleincte de l'ambassadeur
+d'Espaigne, de ce qu'il avoit dédeigné de venir devers
+iceulx seigneurs du conseil, et qu'à ce moyen l'accord
+de leurs différans avoit esté retardé, il luy a respondu
+que l'ambassadeur avoit quelque rayson de n'avoir vollu
+complayre du tout à ce que les dicts du conseil luy avoient
+mandé, parce qu'ilz avoient usé de trop dures formalitez
+envers luy, et ne l'avoient, il y a tantost deux ans, tretté
+ny recogneu pour ambassadeur, et mesmes ceste foys
+avoient envoyé des aldremans devers luy comme s'il eust
+esté crimineulx; néantmoins qu'il luy escriproit de ne fère
+plus de difficulté de convenir avec eulx, toutes les foys qu'ilz
+le feroient appeller pour tretter des affères d'entre le Roy,
+son Maistre, et la Royne d'Angleterre; et ainsy l'a escript
+le dict duc au dict ambassadeur, de sorte qu'ilz vont,
+de chacun costé, cerchant les moyens de renouer leurs affères
+et d'acommoder leurs différans.</p>
+
+<p>La malladie du secrétaire Cecille a donné quelque retardement
+aulx affères de la Royne d'Escoce; néantmoins
+<span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span>
+l'on avoit desjà ordonné à sire Quainols de s'aprester pour
+aller avec M<sup>e</sup> Mildmay devers la dicte Dame, mais se trouvant
+le dict secrétaire Cecille meintennant ung peu mieulx,
+le voyage luy est réservé; et cependant milor de Sussex a
+escript que les seigneurs escouçoys, du party de la Royne
+d'Escoce, ont tenu une grande assemblée sur les choses
+que nous leur avions mandées par milor de Leviston, et
+qu'ilz y ont prins une résolution, laquelle ilz envoyent fère
+entendre à la Royne d'Angleterre par le dict mesmes Leviston
+et par aultres leurs depputez, lesquelz il attandoit
+du premier jour en la frontière pour leur bailler saufconduict
+de passer plus avant. Et mande néantmoins le dict
+de Sussex que, en Escoce, l'on ne s'attend guières d'avoir
+secours de France; tant y a qu'on m'a dict que madame
+de Norrys s'est pleincte grandement à la Royne sa Mestresse
+de ce que le dict de Sussex est rentré en Escoce,
+parce qu'ayant son mary asseuré Vostre Majesté que cella
+ne se feroit point, elle craint que ne vous en preigniez
+meintennant à luy, et que ne le faciez arrester et resserrer.</p>
+
+<p>Les Françoys, qui sont icy, se préparent pour retourner
+toutz en leurs maysons: il est vray qu'entendans qu'à Roan,
+à Dieppe, à Callais, et en quelques aultres endroictz, l'on
+faict difficulté de les recepvoir, il y en a quelques ungs
+qui demeurent en suspens, dont envoyent devers moy pour
+sçavoir comme ilz en auront à user; et je leur répond
+que je n'ay pas de plus expresse déclaration de vostre intention
+là dessus que celle qui est contenue par vostre
+éedict, et que, de ma part, je ne voy qu'ilz ayent nulle occasion
+de doubter. Je ne sçay si cella sera occasion que
+Mr le cardinal de Chatillon prendra le chemin de la Rochelle
+pour voir, de là en hors, comme il se pourra asseurer
+<span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span>
+de l'establissement de la dicte paix. Mr le vydame,
+à ce que j'entendz, part dans deux jours et va passer ou à
+la Rye, ou à Callais; et, de tant, Sire, qu'on donne entendre
+à aulcuns merchans voz subjectz, qui poursuyvent
+encores icy la restitution de leurs biens, que tout le faict
+des déprédations est remiz par vostre éedict, il vous plairra
+me commander ce que je leur en auray à respondre, affin
+qu'ilz ne facent dorsenavant la poursuyte en vain.</p>
+
+<p>Il semble que le S<sup>r</sup> de Chantonay, escripvant icy à
+l'ambassadeur d'Espaigne, luy ayt mandé que l'Empereur
+n'aprouve guières la paix de France, comme ne l'estimant
+de durée; et que la diette se prolongera beaucoup oultre
+le moys d'octobre; et que les fianceailles de Vostre Majesté
+se feront avant la Toutz Sainctz, sans toutesfoys qu'on
+y attande pour cella la venue de Monseigneur vostre frère,
+mais plustost celle de monsieur de Lorrayne; et que, estant
+le comte Pallatin à Espire, il a entendu que ses ministres
+avoient presché publiquement l'arrianisme à Heldelberc,
+dont il dellibéroit d'aller réprimer une telle inpiété,
+mais qu'il fauldroit qu'il corrigeât premier la sienne.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce x&#305;x<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</span></p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXXV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXIIII</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du S<sup>r</sup> Acerbo.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Interruption des armemens.&mdash;Mouvement dans le pays de Lancastre.&mdash;Négociation
+de l'évêque de Ross.&mdash;Conférence de l'ambassadeur avec le
+cardinal de Chatillon.&mdash;Sollicitations faites auprès de lui par le vidame
+de Chartres.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, l'aprest des vingt navyres, que ceulx cy debvoient
+jetter dehors, après les dix qui sont desjà sortys, se va peu
+à peu discontinuant, et les a l'on ramenez de l'embouchure
+de la rivière de Rochestre, où desjà ilz estoient,
+jusques à leur arcenal accoustumé de Gelingan, ce qui
+monstre qu'à peyne s'en servyra l'on de ceste année; les
+aultres dix se tiennent toutjour sur la coste près de Douvres,
+attandant le passaige de la Royne d'Espaigne, à
+laquelle le temps ne sert aucunement, et ceulx, qui s'y entendent,
+disent qu'à peyne luy servira il encores de trois
+sepmaines; et est venu quelque adviz en ceste court que le
+Roy d'Espaigne, son mary, luy a mandé que, si l'on voyt
+que la navigation ne soit bien fort propre et fort seure,
+qu'elle attande de se mettre sur mer jusques au prochain
+printemptz, et que possible, entre cy et là, il aura faict
+dessein de la venir trouver pour visiter ses Pays Bas: ce
+que possible a donné occasion à la Royne d'Angleterre de
+fère cesser son armement. Laquelle aussi, comme j'entendz,
+est tumbée en une grande souspeçon d'une nouvelle ellévation
+qu'on luy a dict qui se prépare au pays de Lenclastre,
+où semble qu'elle ayt desjà envoyé gens pour recognoistre
+<span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span>
+que c'est, et des secrettes commissions pour y remédier et
+apréhender quelques uns.</p>
+
+<p>Cependant il nous est venu des lettres de la Royne d'Escoce,
+par lesquelles elle mande que les seigneurs d'Escoce,
+qui sont de son party, luy ont envoyé la déclaration de
+leur vollonté: laquelle est de fère toutjour ce qu'elle leur
+commandera, dont Mr l'évesque de Roz est allé devers
+ceste Royne pour haster sur cella la conclusion du tretté;
+et j'espère, puysque le secrétaire Cecille est à présent
+bien guéry, que luy et maistre Mildmay et le dict sieur
+évesque s'achemineront tout incontinent devers la dicte
+Royne d'Escoce pour y mettre une bonne fin.</p>
+
+<p>Au surplus, Sire, Mr le cardinal de Chatillon est venu,
+despuys quatre jours, prendre son diner en mon logis, et
+m'a dict que, comme vostre très humble subject, il se
+sentoit tenu, et obligé à vostre service, de ceste visite qu'il
+faisoit à vostre ambassadeur; et que ce qui l'avoit engardé
+de la fère, durant les troubles, estoit que vous monstriez
+lors, Sire, de ne prandre à gré, ains d'avoir quasi en horreur
+tout ce qui procédoit de ceulx de sa religion; mais à
+ceste heure qu'il playsoit à Dieu les fère jouyr du bien
+de vostre grâce, et de celle de la Royne, et de Messeigneurs
+voz frères, et qu'il vous playsoit les tenir au nombre de
+voz loyaulx et fidelles subjectz, tout son plus grand soin
+estoit de vous obéyr et complayre, et prier Dieu pour Voz
+Majestez et pour Mes dicts Seigneurs voz frères, et fère
+en sorte que Dieu et le monde cognoissent que la contraincte
+demeure, qu'il a faicte icy, ne l'a randu moins
+bon françoys ny moins dévot et fidelle serviteur de vostre
+grandeur qu'il a esté par cy devant; et qu'il n'a rien oublyé
+de l'obligation naturelle, ny encores de celle expécialle,
+<span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span>
+qu'il a à Voz Majestez et aulx feuz Roys voz prédécesseurs;
+que, puys peu de jours, Messieurs les Princes de Navarre
+et de Condé, et Mr l'Admyral, son frère, ont envoyé ung
+gentilhomme devers ceste Royne, par lequel ilz luy ont
+escript à luy de s'en aller à la Rochelle, et qu'ilz s'y rendront
+le plustost qu'ils pourront, affin de pourvoir à l'accomplissement
+des choses qu'ilz vous ont promises, lesquelles
+ne se peuvent bien effectuer sans luy et sans aulcuns
+principaulx d'entre eulx; lesquelz fault que conviennent
+ensemble pour admonester les aultres, ainsy qu'il a desjà
+fort expressément admonesté toutz les ministres, qui estoient
+icy, premier qu'ilz s'en soyent retournez, de n'excéder
+en rien qui soit, ny pour quelconque occasion que
+puisse estre, voz permissions, ny transgresser aulcunement
+voz deffances; et qu'il est besoing aussi que ce soyent eulx
+qui, pour donner exemple aulx aultres de contribuer à ce
+qu'ilz vous ont promiz de payer, se cothisent les premiers
+bien largement: dont dellibéroit, dans six jours, aller
+prendre congé de ceste Royne pour s'acheminer puys après
+à Ampthonne, affin d'y attandre la commodité de son passaige,
+me priant bien fort de fère entendre ceste sienne
+dellibération à Vostre Majesté avec plusieurs aultres bons
+propos, qui seroient trop longs à mettre icy.</p>
+
+<p>Je luy ay respondu, Sire, le mieulx que j'ay peu, sellon
+que j'ay estimé estre de vostre intention, conforme à la
+notice que j'en pouvois avoir par vostre éedict, car de plus
+expécialle je n'en avois poinct; mais je luy ay principallement
+incisté de vouloir dresser son premier retour en France
+devers Vostre Majesté, affin de monstrer qu'il a plus de
+confiance en vostre bonté et parolle que aulx rempartz des
+places, qu'on a demandées pour seureté.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span>
+A quoy il m'a répliqué que ce avoit bien esté son premier
+desir, mais, puysqu'on luy mandoit de se randre ainsy bientost
+à la Rochelle, affin de donner forme aulx choses qu'il
+falloit ordonner, à ce commancement, pour satisfère à
+Vostre Majesté, et qu'avec très grande incommodité il pourroit
+fère ce grand tour par terre, qu'il estoit contrainct d'y
+aller par mer; mais qu'aussitost qu'on auroit pourveu à vostre
+satisfaction, qu'il vous yroit très humblement bayser les
+mains, et à la Royne, et à Messeigneurs voz frères, sellon
+qu'il espéroit que Voz Majestez le luy permettroient, me
+priant cependant de le vous fère ainsy trouver bon, et que
+ne veuillez jamais penser de luy que comme d'ung vostre
+très humble et très obéyssant serviteur.</p>
+
+<p>Le deuxiesme jour après, à l'exemple de luy, Mr le vydame
+de Chartres, estant prest à partyr, m'est aussi venu
+visiter avec plusieurs bonnes parolles de l'affection et dévotion,
+qu'il dict avoir à vostre service, et m'a requis de
+deux choses: c'est de vous vouloir tesmoigner, par mes premières,
+que ses déportemenz par deçà n'ont esté en rien
+contre vostre dict service; et l'aultre, de luy bailler ung
+mien passeport pour se conduyre, luy, sa femme et son
+trein, jusques à la Fretté, pour, incontinent après, vous
+aller très humblement bayser les mains. Je luy ay agréé, en
+la meilleur façon que j'ay peu, sa bonne intention vers
+Vostre Majesté, mais j'ay faict plusieurs difficultez sur
+l'une et l'aultre de ses demandes; et qu'encor que je ne
+voulois pas nyer que je ne l'eusse faict observer, je ne
+pouvois toutesfoys vous justiffier en aultre sorte ses actions,
+parce que toutes ne me pouvoient estre bien cogneues,
+que de vous dire, Sire, que je ne sçavois pas qu'il en heust
+faict icy de plus mauvaises contre vostre service que d'y estre
+<span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span>
+venu; et, quant au passeport, que ce seroit préjudicier à
+la liberté de la paix de luy en bailler. A quoy il m'a répliqué
+que, pour le regard du premier, il se contentoit bien de ce
+mien tesmoignage, mais du second, il m'en a tant pressé
+que j'ai esté contrainct de lui bailler mon dict passeport.
+Et voylà, Sire, tout ce qui a passé entre les dicts sieurs
+cardinal et vydame, et moy, dont semble bien que les
+Anglois n'ont prins grand playsir à ces deux visites; car par
+icelles ils sont contrainctz de fère quelque meilleur jugement
+de la réunyon de vostre royaulme qu'ilz ne la pensoient;
+mais je ne suis point allé randre la pareille à l'ung
+ny à l'aultre en leur logis, parce que je n'en avois nul ordre
+de Vostre Majesté. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;&#305;v<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CXXXVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du pénultième jour de septembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Campernon.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Négociation avec les Pays-Bas.&mdash;Retard apporté au voyage de la reine d'Espagne.&mdash;Résolution
+d'Élisabeth de procéder à la conclusion du traité avec
+Marie Stuart.&mdash;Mission de Mr de Vérac en Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, par le retour du S<sup>r</sup> de Sabran je demeure assés
+esclarcy d'aulcunes choses de vostre intention, lesquelles
+j'espère que me les ferés plus parfaictement et plus particulièrement
+entendre, quant le S<sup>r</sup> de Vassal me viendra
+retrouver; et vous diray cependant, Sire, que la Royne
+d'Angleterre, achevant son progrez de ceste année, arrive
+aujourduy à Vuyndesor, où elle dellibère fère du séjour,
+<span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span>
+et y attandre le retour des gentishommes, qu'elle a envoyé
+en France, en Flandres et en Allemaigne, pour, puis après,
+y assembler son conseil affin de prendre résolution sur les
+choses qu'ilz raporteront. Les commissaires de Flandres,
+qui estoient allés visiter les merchandises arrestées ez portz
+de deçà, dizent qu'ilz y ont trouvé perte et diminution de
+plus de la moictié; mais, touchant celles qui sont dans
+Londres, l'on leur a faict acroyre que, si le duc d'Alve
+veut procéder à ung bon accord de leurs différans, sellon
+les honnestes offres que la Royne d'Angleterre luy a faictes,
+qu'on leur en révellera pour plus de cent mil escuz davantaige
+qu'on ne leur a encores monstrées. A quoy ilz respondent
+qu'on leur baille premièrement le vray estat d'icelles,
+affin d'en fère un certain raport au dict duc, et que,
+puys après, l'on pourra facillement parvenir aulx condicions
+de l'accord; et veulent, chacun de son costé, gaigner l'advantaige
+de ce point: dont le différant s'en entretient plus
+longuement, mais non sans une grande espérance que bientost
+il s'accommodera: car le duc d'Alve et les principaulx
+ministres du Roy d'Espaigne, qui sont en Flandres, monstrent
+n'avoir aulcun plus grand soin que de regaigner l'amytié
+de la Royne d'Angleterre et de s'esforcer de luy
+complayre; ce que la dicte Dame, à ce qu'on m'a dict,
+attribue plus à la paix de vostre royaume que à leur bonne
+vollonté: et dellibère, de sa part, de suyvre et entretenir
+cella par les meilleures démonstrations qu'elle pourra, mais
+non sans qu'elle demeure toutjour en beaucoup de souspeçon
+et de deffiance, à cause de la retrette de ses subjectz
+fuytifz, et de la légation d'aulcuns Escossoys devers le dict
+duc en Flandres. Cependant les dix grandz navires de la
+dicte Dame demeurent toutjour en la coste de deçà pour
+<span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span>
+honnorer le passaige de la Royne d'Espaigne, non sans
+qu'elle se repente assés de les avoir si tost faictz jetter
+dehors, parce que la despance y va grande, et ne se peult
+juger si le temps pourra encores servyr, de deux moys, à
+la dicte Royne d'Espaigne. Néantmoins il est venu nouveau
+mandement à Londres de tenir encores ung nombre
+de marinyers prestz, comme pour quatre navyres davantaige:
+je ne sçay encores à quel effect.</p>
+
+<p>Nous avons tant pressé l'advancement des affères de la
+Royne d'Escoce que le secrétaire Cecille et maistre Mildmay
+ont esté du tout dépeschez, dez mardy dernier, pour
+aller devers la dicte Dame, et Mr de Roz avec eulx, où
+j'espère qu'il se prendra quelque bon ordre pour le restablissement
+d'elle à sa couronne; mais, de tant que, sur les
+condicions, qu'on luy propose, plusieurs nous donnent divers
+conseilz, je ne m'advanceray d'y intervenir, au nom de
+Vostre Majesté, sans vous avoir faict quelque aultre dépesche
+plus ample et plus expresse là dessus. Bien me confirme
+l'on, de plus en plus, Sire, que ceste Royne, veult
+résoluement entendre à conclurre le tretté, et que cependant
+elle a mandé au comte de Sussex de casser toutes les
+compaignies extraordinaires, qu'il avoit levées en la frontière
+du North. L'arrivée du S<sup>r</sup> de Veyrac en Escoce met
+ceulx cy en quelque jalouzie, mais il ne seroit que bon
+qu'ilz l'eussent encores plus grande, car je crains bien fort
+qu'ayant Mr Norrys escript icy que Vostre Majesté est résolue
+de n'envoyer nulles forces par dellà jusques au printemps,
+que cella leur face prolonger le tretté, soubz espérance
+qu'il puysse cependant survenir quelque chose à leur
+commodité et advantaige. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;x<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXXVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">V</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Calais par ung qui s'en est allé avec le S<sup>r</sup> Frégouse.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Retour de Walsingham en Angleterre, chargé de faire connaître à la reine
+la déclaration du roi touchant l'Écosse.&mdash;Prochain départ de la reine d'Espagne.&mdash;Suspension
+des affaires politiques à Londres pendant l'absence
+de Cécil envoyé vers Marie Stuart.&mdash;Nouvelles d'Allemagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, j'ay receu, le xx&#305;x<sup>e</sup> du passé, les lettres qu'il a
+pleu à Vostre Majesté m'escripre, du xx&#305;&#567;<sup>e</sup> auparavant, par
+le S<sup>r</sup> de Valsingan, qui me les a envoyées passant par Londres,
+et m'a mandé qu'au retour de randre compte à sa
+Mestresse de ce qu'il a faict en France, qu'il me viendra
+voir. Il me semble, Sire, que rien n'a pu venir plus à propos,
+pour les présens affères de la Royne d'Escoce, que d'avoir
+Vostre Majesté ainsy fermement et vertueusement parlé,
+comme avez faict, à l'ambassadeur Mr Norrys et à luy; et
+dont je ne fauldray de représanter à leur dicte Mestresse
+voz mesmes propos, telz qu'ilz sont contenuz en vostre
+lettre, la première foys que je l'yray trouver, ayant estimé
+qu'il estoit bon, pour aulcuns respectz, de les luy réserver
+jusques à la venue d'une aultre vostre dépesche,
+pour luy laysser cependant digérer ce faict sur le récit,
+que le dict de Valsingan luy fera, des propres paroles et
+démonstrations qu'il a ouyes et veues de Vostre Majesté,
+et aussi pour n'interrompre rien en la commission qu'elle
+a donnée au secrétaire Cecille et à Maistre Mildmay vers
+la Royne d'Escoce; ausquelz j'ay opinion qu'elle envoyera
+en dilligence notiffier la déclaration qu'avez faict à ses
+<span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span>
+dicts ambassadeurs, affin qu'ilz ne s'en retournent sans résouldre
+quelque chose avec elle; ayant plusieurs adviz, de
+divers lieux, assés certains qu'il tarde infinyement à la
+dicte Royne d'Angleterre qu'elle puysse, en quelque seure
+façon qui ayt aparance d'honneur et d'advantaige, se démesler
+du faict de la dicte Dame, non sans se repentyr
+de s'en estre si avant entremise. Et est sans doubte que,
+si l'affère pouvoit tumber en la main de quelque aultre,
+qui le manyât avec plus de modération que ne faict le secrétaire
+Cecille, ou que luy mesmes, après avoir veu la
+Royne d'Escoce, se volust modérer, et ne fère plus, sur
+des petitz momentz, naistre de si grandes difficultez et
+longueurs, qu'il a faict jusques icy, que toutz les différans
+d'entre ces deux Princesses et leurs deux royaulmes se
+pourroient facilement et bientost accommoder, dont de ma
+part, Sire, je ne fauldray d'y incister à toute heure; mais
+la vifve parolle et la démonstration que Vostre Majesté
+fera d'un prochain secours, attandant qu'il s'ensuyve à bon
+esciant, s'il est nécessaire, y servyront infinyement.</p>
+
+<p>La dicte Royne d'Angleterre a dépesché ung saufconduict
+pour les depputez d'Escoce, et a mandé au comte
+de Sussex de les bien recepvoir et honorer, et qu'il advertisse
+ceulx du party du régent d'envoyer promptement
+les leurs. Le susdict de Valsingan a desjà parlé à quelques
+ungs de ses amys de la continuation de la paix de
+France comme en doubte, alléguant des occasions qui
+luy font juger qu'elle aura quelque establyssement, et
+d'aultres qui lui font croyre qu'elle ne pourra estre de durée;
+dont de ce qu'il en a dict, et du rapport qu'il en aura
+faict en ceste cour, je mettray peyne qu'il m'en viegne
+quelque adviz, affin de le vous mander par mes premières.
+<span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span>
+Il aura encores rencontré Mr le cardinal de Chastillon en
+ceste dicte court, car son congé luy avoit esté différé
+jusques à hyer.</p>
+
+<p>L'on estime que la Royne d'Espaigne s'embarquera à
+ce commancement d'octobre, car, ayant le retour de la
+lune esté sur un temps propre et qui sert bien à sa navigation,
+l'on estime qu'il durera assés pour la conduyre jusques
+en Espaigne; dont s'atand de sçavoir comment et en
+quelle bonne façon se seront déportez les navyres de la
+Royne d'Angleterre à la saluer, et la convoyer le long de
+la coste de ce royaume. Les commissaires de Flandres pourchassent
+leur congé, mais il semble qu'on le leur prolongera
+jusques au retour du secrétaire Cecille, car en son
+absence rien ne se dépesche; et mesmes l'on a remiz, à
+cause de luy, l'ouverture du terme de la justice jusques au
+premier de novembre, par prétexte toutesfoys de la peste;
+laquelle va néantmoins diminuant, et chacun s'en retourne
+à la ville. Il semble que Henry Coban, qui est allé devers
+l'Empereur, ayt heu charge de ne presser guières son retour:
+dont il a cependant renvoyé ung des siens avec une dépesche,
+de laquelle je n'ay encores bien aprins le contenu, si
+n'est qu'il semble mander que, ne pouvant l'Empereur
+fère guières réuscyr aulcune bonne résolution ez choses
+qu'il a proposées en la diette, qu'il dellibère bientost la
+rompre; et j'entandz que le comte Pallatin a aussi escript
+qu'il a quelque opinion que le Pape se soit advancé de
+créer de luy mesmes, sans attandre la vollonté des ellecteurs,
+l'archiduc Charles roy des Romains, et que cella
+sera pour admener beaucoup de trouble en Allemaigne;
+dont est bruict icy que desjà quelques princes ont esté vers
+<span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span>
+Hembourg, comme pour s'asseurer d'aulcunes levées de
+gens de guerre. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce v<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CXXXVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par le S<sup>r</sup> Troies.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">État de la négociation en faveur de Marie Stuart.&mdash;Conduite faite à la reine
+d'Espagne par la flotte anglaise.&mdash;Crainte où l'on est en Angleterre que les
+hostilités commencent au retour de la flotte espagnole.&mdash;Négociation avec
+les Pays-Bas.&mdash;Départ du cardinal de Chatillon pour la Rochelle; mauvais
+accueil reçu à Dieppe par le vidame de Chartres.&mdash;Prise nouvellement faite
+en mer, malgré la paix, par le capitaine Sores.&mdash;Affaires d'Allemagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, rendant le S<sup>r</sup> de Valsingan compte à la Royne,
+sa Mestresse, de la négociation qu'il a faicte en France,
+j'entendz qu'il luy a faict ung très bon rapport des louables
+qualitez de Vostre Majesté, de ce que ung chacun vous
+tient pour prince magnanime, constant, certain et bien
+fort véritable, et uny par ung grand et naturel amour avec
+la Royne vostre mère, et avec Monseigneur vostre frère,
+desquelz il a aussi fort dignement parlé; et que, par la
+force de leur conseil et la fermeté de voz éedictz, la paix
+de vostre royaulme a d'estre perdurable, et voz aultres
+affères à recepvoir beaucoup d'establissement: dont la
+dicte Dame a de beaucoup davantaige estimé, et heu en
+plus grand prix, les bonnes parolles de paix et d'amytié,
+que Vostre Majesté luy a mandées. Et luy ayant le dict
+de Valsingan, par mesmes moyen, touché le propos, que
+luy avez tenu, de la restitution de la Royne d'Escoce,
+<span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span>
+vostre belle s&oelig;ur, avec l'expression de l'affection qu'il a
+cognu que vous y aviez; et ayant, de ma part, faict fère là
+dessus, le plus à propos que j'ay peu, ung office par le
+comte de Lestre, il est advenu que la dicte Dame a tout
+incontinent dépesché vers le secrétaire Cecille pour l'advertyr
+qu'il ayt à procéder en si bonne façon vers la Royne
+d'Escoce, qu'il ne s'en retourne sans conclurre quelque
+chose avecques elle. Dont, à la première occasion qui me
+viendra d'aller parler à la dicte Dame, je luy confirmeray
+ceste sienne vollonté, et n'obmettray rien de ce qui pourra
+servyr à bien advancer et effectuer le propos, et à establyr
+pareillement l'amytié d'entre Voz Majestez.</p>
+
+<p>L'on tient que la Royne d'Espaigne est passée, et que
+les navyres de la Royne l'ont saluée et accompaignée jusques
+en la coste de Biscaye, et que sire Charles Havart
+luy a baysé les mains avec ung présent d'ung beau dyamant,
+que la Royne sa Mestresse luy a envoyé, qui est
+l'ung de ceulx que le Roy d'Espaigne avoit donnez à la feu
+Royne Marie, sa s&oelig;ur, ou à elle, qui sont estimez valoir,
+l'ung huict mil ducatz, et l'aultre cinq mil; et que la dicte
+Royne d'Espaigne, de son costé, a faict bailler quatre mil
+ducatz au dict Havart et aulx siens; mais la vérité et certitude
+de cecy se sçaura mieulx quant le dict Havart sera de
+retour, lequel est encores en mer. Tant y a que ces démonstrations,
+lesquels sont devenues toutes aultres qu'on
+ne les sembloit préparer du commancement, donnent à
+cognoistre qu'il n'y a en effect nulle malle vollonté entre
+les Espaignols et les Anglois, ains qu'ilz cerchent de s'accommoder
+ensemble en gaignant, aultant qu'il leur sera
+possible, chacun de son côté, quelque advantaige; dont
+usent d'artiffice à fère bien espérer ou à intimider l'ung
+<span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span>
+l'aultre en ce qu'ilz peuvent; et semblent néantmoins que
+les dicts Anglois ne demeurent meintennant sans une
+grande souspeçon du retour de l'armée d'Espaigne, par ce
+mesmement qu'on leur a raporté que une partie d'icelle
+est demeurée toute appareillée, et bon nombre de gens
+pretz à s'y embarquer en Olande; et qu'ilz sçavent que
+aulcuns fuytifz et aulcuns Escossoys sont toutjour près du
+duc d'Alve pour l'inciter à quelque entreprinse par deçà:
+et à ceste occasion, mècredy dernier, ceste Royne a faict
+de rechef appeller toutz les officiers de la maryne à Vuyndesor,
+mais je ne sçay encores ce qu'elle leur a ordonné;
+et est la dicte Dame après a fère cercher deniers de toutz
+costez.</p>
+
+<p>Les commissaires de Flandres s'attendent d'avoir demain
+leur congé, et semble qu'ilz ne s'en retournent guières
+plus contantz ny mieulx satisfaictz que quant ilz sont
+venuz; car, oultre la perte et diminution qu'ilz ont trouvé
+ez merchandises, qui estoient encores en estre, l'on leur
+a baillé ung compte si désadvantaigeulx de celles qui ont
+esté vendues par auctorité de justice, tant au priz que
+aulx fraicz, qu'elles ne reviennent pas au cinquiesme de
+la juste valleur. Par ainsy l'accord se monstre encores assés
+difficile à fère, et cependant l'on ne sçayt si le temps, et la
+longue souspencion du traffic, pourra produyre quelque
+chose de nouveau entre eulx.</p>
+
+<p>Monsieur le cardinal de Chastillon print congé de ceste
+court lundy dernier, non sans recepvoir beaucoup de faveur
+de ceste Royne et plusieurs présens (de haquenées et
+de chiens de sang) des seigneurs d'auprès d'elle; et s'en est
+allé à Hamptonne attandre la commodité de son passaige
+à la Rochelle. Aulcuns demeurent escandalisez des difficultés
+<span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span>
+qu'on a faictes à Mr le vydame de Chartres à Dièpe,
+mais je rendz quelque rayson là dessus, qui monstrent de
+les satisfère. Ung agent de Portugal, qui est en ceste ville,
+dict que le capitaine Sores s'est esforcé de piller de rechef
+la Madère, et qu'au retour de ceste entreprinse il a
+prins un des galions du Roy de Portugal venant des Indes,
+qui estoit demeuré derrière, lequel estoit bien fort
+riche; de quoy ung chacun monstre icy estre fort offancé
+d'entendre ung tel acte après la paix, et crainct on que
+de la Rochelle ayt à sortyr beaucoup de désordre en la mer,
+s'il n'y est remédié.</p>
+
+<p>J'entans qu'il est arrivé des lettres d'Allemaigne, qui
+semblent confirmer ce qu'on avoit auparavant escript de
+la création du roy des Romains par le Pape, jusques avoir
+envoyé une coppie du brevet, et que ung chacun pense
+que les princes ellecteurs procèderont à une contraire ellection
+de leur part; mesmes qu'il semble que l'Empereur
+face toute démonstration d'avoir ignoré et de n'aprouver
+aulcunement ceste procédure de Sa Saincteté; et qu'il a
+esté descouvert qu'on avoit de rechef incidié à la vie du
+comte Pallatin. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXXXIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVI</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Groigniet, mon secrétaire.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Conditions proposées par Cécil à la reine d'Écosse.&mdash;Soulèvement des catholiques
+dans le pays de Lancastre.&mdash;Ordre donné au comte de Derby
+de se rendre à la cour.&mdash;Retour à Londres de sir Charles Havart, amiral
+de la flotte anglaise.&mdash;<em>Mémoire.</em> Opinions diverses sur la durée de la
+paix en France.&mdash;Conférence de l'ambassadeur avec l'ambassadeur
+d'Espagne.&mdash;Ligue du roi d'Espagne avec le pape et les Vénitiens contre
+les Turcs.&mdash;Vives sollicitations pour que le roi consente à en faire partie.&mdash;Offres faites
+par le duc d'Albe à Élisabeth.&mdash;Négociations des Écossais
+avec le duc d'Albe.&mdash;Conditions proposées à Marie Stuart, si elle veut
+obtenir l'appui de l'Espagne.&mdash;Détails sur la négociation de Cécil avec
+Marie Stuart.&mdash;Crainte que les Écossais n'acceptent toutes les conditions
+imposées par l'Angleterre.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ayant le S<sup>r</sup> de Vassal couru une si dangereuse fortune,
+en voulant repasser la mer, que le naufrage de luy,
+et de ceulx qui estoient en son mesme navyre, a esté tenu
+pour vériffié en ceste ville, il n'est pas à croyre combien je
+me suys resjouy, quant, oultre l'espérance des hommes, il
+a pleu à Dieu de le saulver et le fère retourner sauf à Callais,
+avec les lettres et dépesches de Vostre Majesté, où il
+est encores attandant le vent; mais j'espère qu'il sera bientost
+icy, et qu'il me rendra instruict de l'intention de Vostre
+Majesté, laquelle je mettray peyne, Sire, en ce qu'il
+sera besoing de la notiffier à la Royne d'Angleterre, de la
+luy fère bien entendre, et de fère, par toutz les moyens,
+persuasions et instances, qu'il me sera possible, qu'elle y
+veuille conformer la sienne.</p>
+
+<p>Le secrétaire Cecille et son adjoinct sont arrivez avec
+l'évesque de Roz, le premier de ce mois, devers la
+<span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span>
+Royne d'Escoce, à laquelle ilz ont présenté, avec grand
+respect et révérance, une lettre, que la Royne d'Angleterre
+luy a escripte, laquelle avoit le commancement fort
+rigoureux et plein d'une recordation de beaucoup d'offances
+qu'elle reprochoit à la dicte Dame; mais que, pour en
+abolyr la mémoire, elle luy dépeschoit ces deux siens confidans
+conseillers, pour préparer le chemyn d'ung bon tretté
+d'amytié entre elles deux; et n'y a heu aultre chose que
+cella pour le premier jour, sinon l'humayne et favorable
+réception, que la dicte Dame leur a faicte. Mais, le lendemain,
+estans entrez en conférance, elle leur a respondu,
+à chacun poinct de la dicte lettre, avec tant de fondement
+de rayson et avec tant de modestie qu'ilz ont monstré de
+demeurer très bien satisfaictz; et ayant convenu la dicte
+Dame, pour son regard, et eulx, pour la Royne d'Angleterre,
+d'ensepvelir pour jamais les choses mal passées, et
+de procéder à ung renouvellement de vraye et parfaicte intelligence
+entre elles, sellon que le debvoir de leur proximité
+et du commun proffict de l'une et de l'aultre, et de
+leurs deux royaulmes, le requéroit; ilz luy ont leu les articles
+de l'instruction, qu'ilz portoient, lesquelz se sont
+trouvez, pour la pluspart, concerner l'expresse cession et
+résignation du tiltre de ce royaulme par la dicte Royne
+d'Escoce au proffict de la dicte Royne d'Angleterre, sans
+préjudice de la future succession d'icelluy, au cas que la
+dicte Royne d'Angleterre n'ayt point de lignée:&mdash;Que,
+pour seurté de cella, le Prince d'Escoce doibve estre mené
+et norry en Angleterre, sans préfiger temps de le randre,
+sinon au cas que la Royne, sa mère, arrive à morir, ou
+qu'elle luy veuille résigner sa couronne d'Escoce;&mdash;Que
+gouverneurs luy seront baillez, telz que la Royne d'Angleterre
+<span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span>
+advisera, comme les comtes de Lenoz, de Mar ou
+aultres;&mdash;Que trois comtes et trois lordz Escoçoys viendront
+estre ostaiges, l'espace de trois ans, en ce royaulme,
+pour la seurté des choses qui seront promises;&mdash;Que trois
+chasteaulx, sçavoir: Humes, Fascastel et encores ung aultre,
+en Gallovaye ou Quinter, demeureront, pour le dict
+temps, ez mains de la Royne d'Angleterre;&mdash;Que, sans le
+consantement d'icelle ou de la pluspart de la noblesse
+d'Escoce, la dicte Royne d'Escoce ne se maryera;&mdash;Que
+ligue sera faicte entre elles et leurs deux royaumes;&mdash;
+Que, au cas que nul prince estrangier, sans ocasion à luy
+raysonnablement donnée, entrepreigne d'assaillyr ce
+royaulme, la dicte Royne d'Escoce sera tenue de le secourir
+d'hommes et de navyres, aulx despens toutesfoys de la
+Royne d'Angleterre;&mdash;Que le murtre du feu Roy d'Escoce
+et celluy du comte de Mora seront punys;&mdash;Que le
+comte de Northomberland et aultres fuytifz d'Angleterre
+seront randuz;&mdash;Et que, au cas que la dicte Royne d'Escoce
+meuve à jamais pleinte ny querelle du tiltre de ce
+royaulme, ny assiste à nul aultre, qui la veuille mouvoir en
+quelque façon que ce soit contre la dicte Dame, qu'elle
+demeurera privée de la future succession d'icelluy. Et
+avoient d'aultres articles, concernans la seurté des subjectz
+d'Escoce, lesquelz ilz n'ont encores monstrez, mais ilz ont
+fort incisté d'avoir promptement la responce sur ceulx cy.</p>
+
+<p>Je ne sçay si la Royne d'Escoce l'a encores faicte,
+seulement j'ay entendu qu'ung pacquet du dict secrétaire
+arriva, sabmedy au soir, à la Royne d'Angleterre, et que,
+tout incontinent, elle assembla son conseil; et le lendemain
+matin, le courrier fut renvoyé avecques responce.</p>
+
+<p>Aulcuns amys de la dicte Royne d'Escoce m'ont faict
+<span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span>
+advertyr qu'elle est au plus grand dangier, où encores elle
+ayt poinct esté, à cause de la sublévation qui se descouvre
+estre toute formée au pays de Lenclastre, de laquelle on
+luy attribue l'ocasion, aussi bien que de celle passée du
+North; et que pourtant, elle et nous, qui soubstenons icy
+son faict, debvons condescendre à ce que la Royne d'Angleterre
+luy vouldra demander, et luy complayre du tout,
+pourveu qu'elle puysse avoir sa liberté; et ne fère difficulté
+de luy accorder le Prince d'Escoce, pour quelque
+temps, avec honnestes condicions. Aultres de ses amys
+conseillent le contraire: qu'elle peut bien accorder hardyment
+toutes choses raysonnables à la Royne d'Angleterre,
+mais non de luy bailler son filz, ny ostaiges, ny places;
+mais plustost qu'elle mesmes offre de demeurer en Angleterre
+pour asseurance de ce qu'elle promettra. Je sçay, à
+la vérité, qu'on tient de très dangereux conseilz sur la
+personne de ceste princesse, pour l'opinion qu'on a qu'elle
+ayt trop bonne part en ce royaulme, et que, quant elle sera
+du tout ostée, que pareillement sa querelle sera du tout
+esteincte, se persuadant que, ny les Escouçoys, ny les
+Anglois, ses partisans, ny mesmes Vostre Majesté ne se
+soucyeront guières, puys après, de la relever. Et est incroyable
+combien la Royne d'Angleterre et ceulx de son
+conseil sont esmeuz pour les choses du dict pays de Lenclastre,
+sans toutesfoys en fère grand démonstration; car
+les ayant vollues remédier par la voye de la justice, envoyant
+par dellà ung procureur fiscal, ilz ont veu que cella
+ne suffizoit, et que plusieurs ouvertement se déclairoient
+substrectz de l'obéyssance et jurisdiction de la Royne
+d'Angleterre, jusques à ce qu'elle se seroit jettée hors de
+l'interdict de l'esglize catholique: dont elle a mandé au
+<span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span>
+comte Dherby, principal seigneur de tout le dict pays, de
+la venir trouver, par prétexte de vouloir assembler toutz
+ceulx de son conseil, dont il est l'ung des principaulx, affin
+de pourvoir à l'estat de ce royaume; et qu'il veuille mener
+ses enfans avec luy, pour monstrer qu'ilz ne sont coulpables
+d'aulcunes choses qu'on leur a vollu imposer. L'on ne
+sçayt encores si le dict comte vouldra obéyr; tant y a,
+Sire, que je vous ay bien vollu envoyer le susdict adviz de
+la Royne d'Escoce, par homme exprès, affin qu'il vous
+playse m'y commander vostre vollonté; et cependant je
+verray ceste princesse pour l'adoulcyr et modérer, le plus
+qu'il me sera possible, sur icelluy, et pour la fère passer
+oultre au tretté encommancé.</p>
+
+<p>J'entendz que sire Charles Havard a raporté à la dicte
+Dame ung grand contantement du debvoir, qu'il a faict
+envers la Royne d'Espaigne, et des honnestes propos, que
+la dicte Royne d'Espaigne l'a enchargé de dire à la dicte
+Dame de sa part, ayant accepté, avec toute affection, le
+présent qu'elle luy a envoyé, et ayant faict donner une
+chayne de mil ducatz au dict Havart, et une aultre ung
+peu moindre à son vis admyral, et encores dix aultres chaynes
+aulx capitaines des dix navyres. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">POUR FAIRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ</span>
+oultre ce dessus:</p>
+
+<p>Que, par aulcunes lettres, que la Royne de Navarre et Messieurs
+les Princes, ses filz et nepveu, et Mr l'Admiral ont escriptes par
+deçà, et par des parolles et démonstrations, dont Mr le cardinal de
+Chatillon a usé, en prenant congé de ceste court, la Royne d'Angleterre
+et les siens demeurent assez persuadez que la paix de France
+sera de durée.</p>
+
+<p>Et y sont confirmez davantaige par la réputation, qui court, que
+<span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span>
+le Roy a prinz une ferme résolution de vouloir que, en cest endroict.
+et toutz aultres, où sa parolle interviendra, qu'elle ayt à estre très
+certaine et véritable, et que la Royne et Monseigneur, frère du Roy,
+interposent, par une bonne intelligence, si fermement leur conseil et
+authorité à cella, qu'il n'est en la main de nul aultre de le pouvoir
+rompre.</p>
+
+<p>Et a raporté le S<sup>r</sup> de Valsingan, qu'encor que le mariage des deux
+filles de l'Empereur avec le Roy et le Roy d'Espaigne, et l'intelligence
+que ung chacun présumoit demeurer toutjour secrecte entre
+la Royne et Mr le cardinal de Lorrayne, et l'authorité de Monseigneur,
+frère du Roy, lequel après avoir mené la guerre et heu plusieurs
+victoires contre ceux de la nouvelle religion, ne comporteroit
+jamais qu'ilz demeurassent dans le royaulme, fussent trois occasions
+qu'aulcuns remarquoient pour réputer la paix fort douteuse; néanmoins
+ilz jugeroient, à ceste heure, que c'estoit par la vraye et parfaite
+intelligence de la Royne, et de Monseigneur, et de Mr le cardinal de
+Lorrayne, et de toutz les Princes avecques le Roy, que la dicte paix
+se randroit plus ferme et plus estable; et que mesmes le conseiller Cavaignes
+luy avoit dict qu'il s'en promettoit une bien longue continuation,
+et en plus d'advantaiges pour eulx que les articles ne portoient.</p>
+
+<p>Ce qui a remiz en réputation les affères du Roy en ce royaulme,
+et croy que de mesmes ilz en sont relevez ailleurs, car l'ambassadeur
+d'Espaigne, qui est icy, despuys la première foys qu'il me raporta le
+jugement, que le duc d'Alve faisoit de la dicte paix, comme s'il l'estimoit
+pleyne de dangier pour la Chrestienté, il dict meintennant qu'il
+ne faict doubte que le Roy et son prudent conseil ne l'ayent cogneue
+nécessaire, et qu'il faut que Sa Majesté Très Chrestienne la rande
+utille, et luy face produyre, non seulement pour luy et pour son
+royaulme, mais aussi pour ses voysins et pour toute la Chrestienté,
+ung vray repos.</p>
+
+<p>Et s'est le dict ambassadeur curieusement enquiz à moy de deux
+choses: l'une, si je sçavois que Mr le cardinal de Chatillon eust parlé
+en ceste court de tranférer meintennant la guerre, qui est achevée en
+France, au pays de Flandres; et de cella il a vollu que j'en aye
+sondé le dict S<sup>r</sup> cardinal, quant il est venu en mon logis, lequel m'a
+tout franchement respondu, qu'il pourrait estre qu'il en eust parlé
+comme d'ung commun souhait, que toutz ceulx de sa religion y avoient;
+mais non qu'il en vit l'entreprinse bien preste; et j'en ay satisfaict le
+dict ambassadeur.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span>
+Et l'aultre chose, qu'il m'a demandée, est si j'avois entendu
+pourquoy le Roy avoit faict renforcer la garnyson de Péronne, de
+S<sup>t</sup> Quintin et des aultres villes de Picardie, et changé celle de Callais,
+monstrant que le duc d'Alve en avoit prins quelque souspeçon;
+à quoy je luy ay respondu que le Roy n'avoit en cella que renvoyé
+les garnysons en leurs lieux accoustumés, car l'on les en avoit tirez,
+durant la guerre, pour s'en servir au camp, et que meintennant
+il distribuoit en ses frontières ses gens de guerre pour plus sollager
+son royaume et pour ne demeurer pourtant désarmé.</p>
+
+<p>Et, en la mesmes conférance, icelluy sieur ambassadeur, me magniffiant
+grandement la ligue<a name="FNanchor_14" id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">[14]</a> qui a esté faicte entre le Pape, le Roy Catholique,
+son Maistre, et les Véniciens contre le Turc, m'a dict que
+le Roy, son Maistre, s'estimoit estre miz hors par icelle de tout le
+dangier de la guerre du dict Turc, et qu'il n'avoit qu'à contribuer
+seulement au secours accordé, dont se trouvoit fort adélivré pour
+mettre bientost fin à la guerre des Mores, et pour entendre aulx
+choses de Flandres, d'Allemaigne et du costé de deçà;</p>
+
+<p>Que le dict ambassadeur pensoit que l'Empereur enfin entreroit
+en la dicte ligue, comme il en avoit une fort grande vollonté, mais il
+desiroit le fère par aprobation de la diette, affin d'obliger les
+estatz d'Allemaigne à la contribution et au secours de la dicte
+guerre.</p>
+
+<p>Et a adjouxté que, si le Roy Très Chrestien y vouloit entrer et
+quicter la pratique du Turc, retirant son ambassadeur qu'il a près
+de luy, qu'il s'aquerroit ung grand nom et une grande louange
+envers le Siège Apostolique et envers toute la Chrestienté; et,
+quant il ne bailleroit que quatre gallères de secours, que son nom et
+la réputation de la couronne de France y en vauldroient cent.</p>
+
+<p>Je luy ay respondu que ceste ligue estoit faicte pour la conservation
+des estatz, qui estoient exposez aulx entreprinses du Turc, et
+que l'Empereur avoit rayson d'y entrer pour l'ocasion des siens, aussi
+bien que le Pape et le Roy, son Maistre, et les Véniciens, car toutz
+ensemble y estoient bien fort intéressez, et leurs dicts estatz y couroient
+de grandz dangiers; mais que Dieu avoit constitué le Roy et
+<span class="pagenum"><a id="Page_334"> 334</a></span>
+son royaulme en lieu, qui estoit tout gardé des incursions du Turc;
+par ainsy qu'il n'avoit à fère ligue deffencive contre celluy qui
+ne l'assailloit, ny le pouvoit assaillir; et seroit en vain consommer ses
+forces et ses deniers pour aultruy, et entrer en une guerre non nécessaire;
+mais que je croyois bien que, quant toutz les princes chrestiens
+conviendroient en une entreprinse de ruyner l'Empire du Turc
+et amplier la Chrestienté, et que le Roy y verroit quelque bon fondement,
+que ce seroit luy le premier qui y employeroit sa propre personne
+et ses forces, aussi bien qu'avoient faict ses prédécesseurs.</p>
+
+<p>Laquelle rayson le dict ambassadeur a monstré d'aprouver, et a
+adjouxté que possible n'estoit on pas trop loing d'une si grande et
+vertueuse délibération; et puys a continué me dire que les Anglois,
+pour ne pouvoir bien entendre toutz les secretz de la dicte ligue, la
+tenoient pour fort suspecte, comme, à la vérité, j'ay sceu qu'iceulx
+Anglois discourent entre eulx, qu'ayant le Pape passé si avant que
+d'avoir ouvertement interdit cette Royne et son royaulme, et estant
+le Roy d'Espaigne fort offancé des dicts Anglois, et les Véniciens assés
+mal contantz des prinses et déprédations de l'année passée, qu'il est
+à croire qu'on n'a dressé ceste ligue dans Rome, sans y incérer quelque
+article bien exprès contre l'Angleterre, et que le général de la mer
+qui a esté créé par icelle, qui est don Juan d'Austria, aspire bien
+fort à l'entreprinse.</p>
+
+<p>Néantmoins, le duc d'Alve entretient les dicts Anglois en une si
+ferme opinion de l'amytié du Roy, son Maistre, qu'ilz s'en tiennent
+trop plus que bien asseurez; et semble que, ny luy de son costé,
+ny eulx du leur, ne s'ennuyent de laysser encores les choses en suspens,
+sans aultrement les esclarcyr, parce que le temporiser vient à
+propos pour chacun, bien que possible non guières pour les Mestres
+ny pour leurs estatz, mais pour ceulx qui les manyent; et m'a l'on
+asseuré que le dict duc a offert à ceste Royne de luy envoyer dix
+mil hommes de guerre, pour la servyr en ses affères, qu'elle pourroit
+avoir dans son royaulme, ou bien contre l'Escoce, si elle en a
+besoing: mais qu'elle n'a accepté ny l'ung ny l'aultré, ny ne demeure
+pour cella trop dellivrée du souspeçon qu'elle s'est conceue du
+dict duc.</p>
+
+<p>J'entendz que milord de Sethon, estant arrivé en Envers, a soubdain
+envoyé demander audience à icelluy duc jusques à Bergues, lequel
+s'est excusé de la luy pouvoir si tost bailler, pour estre fort empesché
+à l'embarquement de la Royne, sa Mestresse; dont le dict de
+Sethon, ne voulant prolonger les matières, luy a envoyé incontinent
+<span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span>
+les lettres des seigneurs d'Escoce et une coppie de son instruction,
+mais le duc ne s'est hasté pour cella de luy rien respondre, ains l'a
+remiz à quant il seroit en Envers, que le conseil du pays y seroit assemblé;
+et cependant il l'a faict convyer à dyner par le marquis de
+Chetona, où le secrétaire Courteville s'est trouvé, avec lesquelz il a
+heu grand conférance; et despuys il a envoyé icy demander qu'est
+ce qu'il aura à respondre, si le dict duc requéroit d'avoir la Royne
+d'Escoce entre ses mains, ou qu'elle y veuille mettre le Prince d'Escoce
+son filz; s'il inciste qu'elle ne se marye sans le conseil du Roy
+Catholique, et qu'elle veuille entrer en ligue avecques luy, sans
+exception d'aulcune aultre ligue; s'il demande avoir quelques portz
+et places au pays, pour la retrette de ceux qu'il y envoyera; et finallement,
+s'il requiert que la réduction de la religion catholique soit
+faicte en tout le royaulme, et que l'aultre en soit chassée, et toutz
+ceulx qui en sont.</p>
+
+<p>En quoy semble que le dict de Courteville ayt desjà touché toutz
+ces poinctz au dict de Sethon, et, quoy que soit, on m'a bien baillé
+pour chose asseurée que maistre Jehan Amelthon, qui a résidé despuys
+quinze moys, ordinairement, près du dict duc d'Alve, a esté
+naguières envoyé par icelluy duc avec deux aultres gentishommes,
+ung italien et ung espaignol, jusques en Escoce, pour recognoistre
+quelque commode descente; et que le dict Amelthon leur a monstre
+les ports et villes de Montroz et Abredin.</p>
+
+<p>Quant, après plusieurs miennes instances et de Mr l'évesque de
+Roz, la Royne d'Angleterre eust, à la fin de septembre, commandé
+au secrétaire Cecille, et à maistre Mildmay, d'aller devers |a Royne
+d'Escoce, elle ne se peult tenir de jetter quelques motz de jalouzie
+des perfections de sa cousine, demandant au dict secrétaire, s'il se
+lairroit point gaigner à elle, comme les aultres, qui l'avoient veue;
+dont il tomba en ung merveilleux doubte que le voyage luy fût pernicieux,
+et escripvit dez lors à ung sien amy qu'il s'en excuseroit, s'il
+luy estoit possible, ce qui donna à penser, estant incontinent après
+devenu mallade, qu'il le contrafaisoit, mesmes qu'il ne se sentoit
+estre bien vollu de la dicte Royne d'Escoce, et n'estimoit pouvoir
+raporter honneur de ceste négociation; tant y a que, ne voulant
+qu'ung aultre l'eust, il dellibéra de veincre toutz ces doubtes et
+difficultez, mais, premier que de partir, affin d'oster toute souspeçon
+à sa Mestresse, il dressa les articles de son instruction, ainsy
+durs qu'ils sont contenuz en la lettre du Roy, et les communica
+à la dicte Dame, qui les aprouva, et puys au conseil, où quelques
+<span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span>
+ungs luy remonstrèrent qu'il seroit bon de les modérer, affin qu'ilz
+ne malcontentassent par trop ceste princesse, et qu'ilz fussent
+aprouvez des aultres princes; mais il respondit qu'on luy layssât
+manyer cest affère, lequel il entendoit très bien, et le conduyroit
+à bonne fin, à l'honneur de sa Mestresse et de son royaulme;
+et qu'il feroit que la Royne d'Escoce et les princes, ses allyez,
+ne seroient que bien ayses d'en passer par là. Tant y a qu'estant
+sur le lieu, Mr de Roz m'a mandé qu'il monstre d'avoir une grande
+vollonté de conclurre le tretté, et qu'il espère que le retour du
+S<sup>r</sup> de Valsingan, sur lequel l'on luy avoit faict une dépesche, seroit
+cause de luy fère modérer les dures condicions de sa première
+instruction.</p>
+
+<p>Et m'a le dict sieur évesque mandé davantaige que creinct que les
+seigneurs escossois, partisans de sa Mestresse, commençant de n'espérer
+guières nul secours de France, condescendront à telles condicions
+de tretté qu'on leur vouldra imposer; et que quelques ungs sont
+desjà après à s'acommoder à l'authorité du comte de Lenoz; ny l'arrivée
+du S<sup>r</sup> de Vayrac ne les a peu tant confirmer qu'ilz veuillent demeurer
+davantaige en doubte, ny mettre plus en hazard leurs vies
+et leurs biens.</p>
+
+<p>Tant y a que le lair de Granges, cappitaine de Lislebourg, a
+mandé que, s'il playt au Roy fère descendre mille harquebuziers
+seulement ez quartiers, du Nord d'Escoce, qu'il rechassera le dict de
+Lenoz et les Anglois plus loing que Barvich, et réduyra la ville de
+Lislebourg à l'obéissance de la Royne sa Mestresse, et qu'il ne sera
+plus parlé que de l'alliance de France en tout le royaulme d'Escoce.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">CXL<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès par ung des miens, jusques à Calais.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Communication officielle des articles proposés à Marie Stuart.&mdash;Nécessité
+de remontrer à la reine d'Angleterre qu'elle ne peut enlever à la France
+l'alliance de l'Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, vous ayant escript, du jour de hier, assés amplement
+<span class="pagenum"><a id="Page_337"> 337</a></span>
+toutes choses de deçà, ceste cy n'est que pour dire
+à Vostre Majesté comme, ce matin, Mr l'évesque de Roz
+m'a envoyé, en grand dilligence, les articles<a name="FNanchor_15" id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">[15]</a> que les depputez
+de la Royne d'Angleterre ont baillez à la Royne d'Escoce,
+sa Mestresse, me priant de lui envoyer, tout incontinent,
+le messagier avec ma responce et mon adviz là dessus;
+et que je veuille considérer que le moindre dilay ou empeschement,
+qui puysse intervenir en cest affère, est ung
+extrême détriment à sa dicte Mestresse; mais qu'il mettra
+peyne d'entretenir la matière en suspens, jusques à ce que
+ma response arrive, et qu'il est tout certain, si l'on fault
+ceste foys de conclurre quelque chose, que la dicte Dame et
+ses affères, et ceulx de son royaulme, demeurent déplorez
+et hors de tout remède pour jamais. Sur quoy, Sire, j'ay
+esté en grand peyne, car le faict me semble d'un costé
+si important, que je ne me doibz ingérer de rien dellibérer
+ny respondre sur icelluy, sans exprès commandement
+de Vostre Majesté, et, de l'autre, je voys ceste pouvre
+princesse en si dangereux estast, que le moindre retardement
+peult admener une extrême ruyne sur elle et sur son
+royaulme; dont, en telle extrémité, j'ay prins expédiant
+de respondre premièrement au dict sieur évesque, en la
+meilleur façon que j'ay peu, sellon le peu de loysir qu'il
+m'a donné d'y penser, et d'envoyer tout aussitost à Vostre
+Majesté les dicts articles et ma dicte responce, affin qu'il
+vous playse, en mesmes dilligence, me remander vostre bon
+commandement; lequel je mettray peyne, aultant qu'il me
+sera possible, d'exactement accomplyr; et j'espère qu'on
+<span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span>
+ne s'opiniastrera du tout à toutes les conditions des dicts
+articles, ayant desjà faict office, là où j'ay cogneu en estre
+besoing, pour les fère modérer; et je sçay que ce que Voz
+Majestez en ont fermement et vertueusement mandé, par
+le S<sup>r</sup> de Valsingan, à ceste Royne, en fera bien rabattre
+quelque chose. Tant y a que Vostre Majesté verra s'il seroit
+bon que, faisant appeller l'ambassadeur d'Angleterre en sa
+présence, et luy monstrant d'estre bien ayse de la continuation
+du tretté, vous lui faysiez tout clairement entendre
+que vous ne pourriez tout ensemble meintenir l'amytié
+avecques la Royne, sa Mestresse, et veoir qu'elle s'esforçât
+de vous soubstraire l'alliance d'Escoce; et que, de tant
+que vous avez entendu que ceulx, qui dressent le tretté, y
+aspirent, que vous l'avez bien vollu exorter d'advertyr sa
+Mestresse qu'elle se veuille déporter d'entreprendre une
+telle offance contre vous; laquelle vous ne pourriez comporter,
+attandu mesmement que vous n'avez désiré ny procuré
+que tout bon accord entre elle et la Royne d'Escoce,
+et bonne paix entre leurs deux royaumes, pourvu que ce
+ne soit au préjudice de vostre dicte alliance. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXLI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXV</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Assurances réciproques d'amitié.&mdash;Consolidation de la paix
+en France.&mdash;Plainte du roi contre la dernière invasion du comte de
+Sussex en Écosse.&mdash;Vive insistance de l'ambassadeur pour qu'il soit
+procédé à la restitution de Marie Stuart, sous des conditions
+honorables pour la France.&mdash;Plaintes d'Élisabeth contre la reine
+d'Écosse.&mdash;Instance de l'ambassadeur afin qu'une résolution définitive
+soit prise sans retard.&mdash;Protestation d'Élisabeth qu'elle ne veut plus
+retenir Marie Stuart en Angleterre.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, je n'ay receu jusques au xv&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du présent, la dépesche
+de Vostre Majesté, du xxv&#567;<sup>e</sup> du passé, car le S<sup>r</sup>
+de Vassal, qui me l'aportoit, oultre la première tourmente,
+que je vous ay mandé qu'il avoit soufferte, il a,
+par trois fois, despuys, s'esforceant de passer de deçà, toutjour
+esté rejetté en la coste de dellà, et a esté si travaillé
+de la mer, que d'une fiebvre quarte, qu'il avoit auparavant,
+il est tumbé en une continue, qui l'a contrainct de demeurer
+du tout à Callais, d'où il m'a envoyé le pacquet; sur
+lequel, Sire, ayant veu, le xx<sup>e</sup> de ce moys, la Royne
+d'Angleterre, j'ay estimé luy debvoir fère entendre le retardement
+d'icelluy, et comme beaucoup plustost qu'à ceste
+heure, vous m'avez commandé que je l'allasse trouver,
+affin de luy randre, de vostre part, le plus exprès et le plus
+grand mercys, qu'il me seroit possible, pour la tant prompte
+et ouverte conjouyssance, qu'elle avoit usé vers vous sur
+la paix de vostre royaulme; et qu'ayant prévenu en cella
+toutz les aultres princes, voz alliez, vous demeuriez très
+fermement persuadé que, plus que toutz eulx, elle vous
+<span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span>
+avoit véritablement desiré ce bien, et l'establissement de
+voz affères; dont la priez de regarder en quoy elle se vouldroit
+meintennant prévaloir de vous et de vostre présente
+paix; car vous métriez peyne de la luy randre aultant utille,
+comme elle avoit monstré de l'avoir toutjour très agréable;
+et que me commandiez, au reste, de n'obmettre rien qui
+peult servir à luy fère bien cognoistre vostre bonne affection
+et celle de la Royne, vostre mère, en cest endroict;
+mais que je n'entreprendrois de luy en dire davantaige,
+parce que Voz Majestez s'estoient mieulx sceu explicquer,
+par leur propre parolle, au S<sup>r</sup> de Valsingan, que je ne le
+sçaurois fère sur vostre lettre: et comme il avoit dignement
+représanté l'intention d'elle à Voz Majestez par dellà,
+qu'ainsy espérois je que, à son retour, il se seroit très
+bien acquité de luy fère bien entendre les vostres, et toutz
+les bons propos que luy avez tenuz de la parfaicte amytié,
+en laquelle dellibériez persévérer avec elle et son royaume.
+Et suyviz, Sire, à luy toucher quelques motz du bon et asseuré
+establissement, que prènent les choses de la paix en
+vostre royaulme, affin qu'elle ne donnast foy à certaine lettre,
+que je sçavois qu'on luy avoit monstrée de quelcun de
+vostre court, qui a escript à ung seigneur de ce royaulme, en
+langaige françois et lettre françoyse fort proprement, sans
+toutesfoys se soubsigner, sinon par parrafe, qu'il voyoit que
+les troubles alloient recommancer plus fort que devant, en
+vostre royaulme, à cause de plusieurs désordres et viollances
+qu'on fesoit à ceulx de la religion; et que Messieurs les Princes
+avoient envoyé fère des remonstrances là dessus à Vostre
+Majesté, qui leur aviez rendu de fort bonnes responces; et
+aviez soubdain dépesché lettres pour y pourvoir, mais l'on
+n'y avoit vollu obéyr; dont ilz avoient renvoyé vous en fère
+<span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span>
+nouvelle pleinte; et vous aviez de rechef escript que justice
+en fût dilligemment faicte, mais que l'on avoit contempné
+et mesprisé vos lettres, ce qui leur faisoit penser qu'il y avoit
+quelque très dangereuse entreprinse couverte contre ceulx
+de la dicte religion; dont les dicts Princes s'estoient retirez
+mal contans à la Rochelle, non sans avoir desjà adverty
+leurs amys en Allemaigne. De laquelle nouvelle l'on me
+vouloit bien asseurer que la dicte Dame et ceulx de son
+conseil seroient pour changer beaucoup de leurs premières
+dellibérations, mesmement en l'endroict de la Royne d'Escoce,
+si je ne mettois peyne de luy persuader le contraire.</p>
+
+<p>Ce qui m'a faict estendre plus avant le propos, lequel
+seroit long à mettre icy; mais elle a monstré de l'avoir
+bien fort agréable, et m'a respondu que le dict sieur de
+Valsingan avoit trouvé les parolles, dont Vostre Majesté
+et la Royne, vostre mère, luy avoient usé sur la conjoyssance
+de la paix, si pleynes d'honneur et si dignes, qu'il
+n'avoit osé entreprendre de plus particullièrement les luy
+exprimer que de l'asseurer que de plus dignes n'en pouvoient
+estre proférées de nulz princes de la terre; et que,
+sur ce que je luy en disoys meintennant, elle remercyoit
+infinyement Voz Majestez d'avoir vollu ainsy pénétrer en
+son cueur, pour y bien cognoistre l'affection, qu'elle a, trop
+plus certaine et vraye, que nul de toutz vos allyez, à la dicte
+paix de vostre royaulme; et que, tout ainsy qu'elle a cy
+devant prié Dieu de la vous donner, que ainsy, à ceste
+heure, que vous l'avez, elle le prie de la vous conserver
+si entière que nulz plus obéyssantz ny plus fidelles subjectz
+à leur prince que les vostres, ny nul meilleur prince que
+Vostre Majesté à eulx, se puyssent trouver en tout le
+monde.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span>
+Et a poursuyvy aulcunes particullaritez qui sembloient
+bien extraictes de la susdicte lettre; mais je y ay respondu
+en façon qu'elle m'a semblé demeurer bien édiffiée des
+choses de vostre royaume; et puys j'ay adjouxté que le
+S<sup>r</sup> de Valsingan, à mon adviz, n'avoit failly de luy dire
+ce que Vostre Majesté me commandoit de luy représanter
+encores une foys, c'est que vous aviez esté bien fort escandalisé
+du dernier exploict du comte de Sussex en Escoce,
+et que une seule chose vous avoit contanté, que ses deux
+ambassadeurs, et moy pareillement par mes lettres, vous
+avions asseuré que cella estoit advenu sans son sceu et sans
+son commandement; en quoy vous la vouliez donc très
+expressément prier de fère quelque réparation ou démonstration
+là dessus, par où les Escouçoys peussent cognoistre
+que son intention, aussi bien que la vostre, avoit esté
+d'abstenir de toute voye d'hostillité, et de remettre toutz
+leurs différans à ung bon tretté d'accord, ainsy que, sur la
+parolle d'elle, vous les en aviez asseurez, et aviez différé de
+leur bailler vostre secours; et qu'au reste vous aviez heu ung
+singulier playsir d'entendre qu'elle eust envoyé ses depputez
+devers la Royne d'Escoce pour commancer de procéder au
+tretté; et que Vous, Sire, et la Royne, chacun séparément,
+en voz lettres, me commandiez de la prier et conjurer, au
+nom de l'amytié, que luy portez, qu'elle vous fît meintennant
+cognoistre combien elle vouloit satisfère aulx choses,
+qu'elle vous a faictes espérer, et que assés souvant elle vous
+a promises, pour la liberté et restitution de la Royne d'Escoce,
+et de tourner son cueur à ne vous vouloir ny offancer
+ny mescontanter en cella, ains correspondre à ce que, pour
+le seul respect de son amytié, et non d'aultre chose, vous
+desiriez qu'on ne vînt aulx viollantz remèdes, dont l'on
+<span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span>
+vous recherchoit très instantment d'y user; et que plusieurs
+raysons, lesquelles vous luy aviez desjà faictes entendre,
+pressoient vostre honneur et vostre debvoir, et
+l'honneur de vostre couronne, de n'abandonner, en façon
+du monde, ny la liberté, ny la restitution de ceste pouvre
+princesse, vostre belle s&oelig;ur, ny mesmes les affères de
+ceulx qui soubstiennent son party en Escoce, quant bien
+elle n'y seroit plus, et de n'y espargner nul moyen, ny
+pouvoir, que Dieu vous ayt donné en ce monde; dont desiriez
+infinyement que le dict tretté sortît à effect, et que,
+par icelluy, elle demeurast contante et bien satisfaicte de
+tout ce qu'elle pouvoit honnestement et honnorablement
+demander à la Royne d'Escoce, pourveu que ce ne fût
+contre sa consience, ny contre sa dignité, ny contre son
+estat, ny au préjudice des trettez, que vous avez avec
+l'Angleterre, ny derrogeant à vostre alliance avec les Escouçoys;
+car, au reste, vous vouliez, de bon cueur, estre
+garant de toutes les choses qui seroient promises et accordées
+par le tretté.</p>
+
+<p>Auquel propos, qui a esté avec attention, mais non sans
+passion, fort dilligemment escouté de la dicte Dame, elle
+m'a respondu qu'elle s'esbahyssoit grandement, comme
+Voz Majestez Très Chrestiennes avez tant à cueur la Royne
+d'Escoce, que ne vollussiez avoir aulcune considération
+aulx grandes offances, qu'elle luy a faictes: premièrement,
+de luy inpugner sa condicion pour la fère déclairer illégitime;
+puys de s'estre attribuée le titre de son royaulme; et
+finallement, d'avoir esmeu ses propres subjectz contre elle;
+et que ce eust bien esté assés à Voz Majestez de l'avoir
+faict admonester une foys d'y procéder, sellon que l'honneur
+et debvoir l'y pouvoit convyer, sans luy en fère si
+<span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span>
+souvant répéter les instances, comme, à toutes les audiences,
+je ne faillois de les luy renouveller; et que, puysque
+j'en avois esmeu le propos, elle me vouloit bien dire que
+ung pacquet d'une dame d'Escosse luy estoit, despuys deux
+jours, tumbé entre mains, dedans lequel elle avoit trouvé
+une enseigne d'or, en laquelle estoit engravé ung lyon
+avec les armes d'Escoce, soubstenuz de deux cornes, et
+ung liépart avec les armes d'Angleterre, lequel le lyon
+dessiroit, et ung mot en Anglois qui dict: <em>ainsy abattra
+le Lyon Escouçoys le Liépart Anglois</em>; et puys
+une lettre d'une dame, qui se soubsigne <em>Flemy</em>, laquelle
+mande à milord de Leviston, de présenter la dicte enseigne
+à la Royne d'Escoce, sa bonne Mestresse, laquelle en
+entendra bien la signiffication, qui est celle propre qu'elles
+ont souvant devisée et desirée entre elles; et que cella,
+avec plusieurs aultres occasions, la randoient de plus en plus
+offancée contre la dicte Dame.</p>
+
+<p>A quoy j'ay répliqué que, si elle considéroit en quelle
+bonne sorte et modeste façon vous l'aviez toutjour faicte
+requérir sur les affaires de la dicte Royne d'Escoce, elle se
+réputeroit vous en avoir de l'obligation, et non qu'elle s'en
+tînt mal contante, comme j'espérois que le temps le luy
+feroit quelquefoys cognoistre; et que, si elle y eust vollu
+entendre la première foys, nous en fussions à ceste heure
+aulx mercyemens, et non plus aulx tant répétées instances;
+et qu'au reste je ne faysois doubte que plusieurs en Angleterre,
+et plusieurs en Escoce, ne cerchassent, par le
+moyen d'elle, de ruyner la Royne d'Escoce, et plusieurs
+aussi, par la Royne d'Escoce, de la ruyner à elle, s'ilz
+pouvoient; mais qu'elles feroient bien de s'accorder ensemble
+à la propre ruyne d'eulx, et à leur confusion; et que
+<span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span>
+c'estoit à elle de cercher meintennant ou sa vengeance,
+ou sa seureté, en cest affère; et si c'estoit sa vengeance,
+qu'elle considérât les dangereuses conséquences qui en
+pouvoient advenir, et combien elle s'aquerroit par là l'indignation
+de toutz les aultres princes, et la hayne généralle
+des habitans de ceste isle et de presque toute la Chrestienté;
+si, sa seureté, que Vostre Majesté concourroit à
+la luy fère trouver telle, comme elle la pourroit désirer.</p>
+
+<p>A quoy la dicte Dame, avec affection, m'a prié de vous
+escripre que, pour l'honneur de Vostre Majesté, et non
+pour aultre respect du monde, elle a commancé d'envoyer
+ses depputez, et de procéder, envers la Royne d'Escoce,
+en une façon que nul aultre prince, ny princesse offancée
+comme elle, ne l'eust jamais faict, et qu'elle se contraindra
+à toutes les conditions, qu'il luy sera possible, pour remettre
+la dicte Dame, par la voye du tretté, le plus honnorablement
+qu'elle pourra, en son royaulme; et, quant elle
+ne le pourra en ceste façon, qu'encor vous donne elle parolle
+de la renvoyer, commant que soit, à ceulx qui tiennent
+son party en son pays, car ne la veult plus retenir en son
+royaulme; et que, par ainsy, elle espère vous satisfère si
+bien que vous n'aurez plus occasion de vous quereller de
+ce faict, ny de luy en fère plus parler. Qui sont, Sire,
+les principaulx poinctz qui ont esté desduictz en ceste audience.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxv<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</span></p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXLII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXX</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Estienne, le postillon.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Négociation concernant Marie Stuart.&mdash;Nouvelles d'Écosse.&mdash;Avis que le
+duc d'Albe demande à quitter le gouvernement des Pays-Bas.&mdash;Affaires
+d'Allemagne.&mdash;Ligue contre les Turcs.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, le retour des depputez de la Royne d'Angleterre
+ne nous faict que bien espérer du tretté, qu'ilz ont encommancé
+avec la Royne d'Escoce, de laquelle, et des responces
+qu'elle leur a faictes, semble qu'ilz ayent miz peyne
+d'en fère prendre beaucoup de contantement à leur Mestresse,
+et qu'enfin le tretté se conclurra; lequel se fût desjà
+advancé de dresser, avant la venue des depputez d'Escoce,
+si la malladie de milord Quiper ne fût survenue, laquelle
+est cause qu'on s'est résolu d'attandre qu'ilz soient arrivez;
+et que cependant icelluy Quiper pourra estre guéry. Je
+mettray peyne, Sire, d'entendre par Mr de Roz, aussitost
+qu'il sera de retour en ce lieu, les susdictes responces de
+la Royne d'Escose, affin de les vous mander; et vous manderay,
+par mesmes moyen, ce que j'auray aprins d'une
+dépesche, qui vient d'arriver du comte de Lenoz, laquelle
+aulcuns présument estre pour certaine surcéance
+d'armes, qui doibt estre accordée pour deux mois en
+Escoce. Et j'entens que le gentilhomme, qui l'a apportée,
+dict que le duc de Chastellerault, et ceulx du party de la
+Royne d'Escoce, s'opiniastrent de vouloir tenir une assemblée,
+sur le faict de l'estat du pays, nonobstant la dépesche
+<span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span>
+de leurs depputez par decà; et que le S<sup>r</sup> de Flemy est
+sorty en armes de Dombertran pour se saysir des lieux plus
+prochains de sa place, affin d'y dresser des logis et estables,
+comme pour y recepvoir la gent et cavallerie qu'il attand
+bientost de France; laquelle persuasion, avec le raport
+que le cappitaine Comberon faict de la ferme affection,
+en quoy il a trouvé Voz Majestez vers les choses d'Escoce,
+pourront aulcunement servyr à l'advancement du dict tretté.</p>
+
+<p>Et y eust pareillement servy assés le doubte, auquel la
+Royne d'Angleterre demeuroit du retour de l'armée, qui
+est allé conduyre la Royne d'Espaigne, si elle n'eust receu
+ung adviz, (qui est assés semblable à ung aultre, que l'ambassadeur
+d'Espaigne, qui est icy, en a, bien qu'il dict
+ne le tenir du duc d'Alve), que la dicte armée est réservée
+pour ramener en Flandres la princesse de Portugal, affin
+d'y estre régente, et le duc de Medina Celi, qu'elle admeyne
+pour y estre cappitaine général et superintendant des affères
+soubz elle; et qu'avec la mesmes armée le dict duc s'en
+retournera, puis après, en Espaigne, et que, despuys l'embarquement
+de sa Mestresse, icelluy duc a encores dépesché
+ung des siens, en dilligence, devers le Roy son Maistre,
+pour fère, en toutes sortes, résouldre son congé,<a name="FNanchor_16" id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">[16]</a> remonstrant
+son eage et son indisposition; et qu'il a remiz
+le pays en ung si bon et si paysible estat, et si hors de
+toute souspeçon de guerre, qu'on ne doibt plus rien craindre
+de ce costé, ayant faict exécuter les principaulx chefz
+<span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span>
+de la cédition, et ruyné si bien toutz les moyens et la réputation
+du prince d'Orange, qu'il n'ose plus sortyr de
+Nausau; qu'il a miz ung si bon nombre des principaulx
+princes d'Allemaigne en la pencion de son Maistre, que les
+aultres ne luy pourront nuyre; qu'il a accreu ses revenuz
+de Flandres de douze centz mil escuz par an; qu'il a aschevé
+la forteresse d'Envers; ordonné celle de Vallenciennes;
+estably les évesques; confirmé la noblesse; réduict
+les loix, coustumes et ordonnances; et si bien pourveu à
+toutes choses au dict pays, qu'il ne reste qu'à y entretenir
+le bon ordre qu'il y layssera; et que mesmes il a acheminé
+en si bonne façon ce qu'il avoit à démesler avecques les Anglois,
+qu'on vit en une doulce surcéance avec eulx, avec
+grande espérance d'un fort prochain et entier accord. Lequel
+adviz semble que la dicte Dame tienne pour assés véritable,
+et quoy que ce soit, elle a fait ramener en leur
+arcenal accoustumé de Gelingan les dix navyres qu'elle
+avoit envoyez convoyer la Royne d'Espaigne, et a faict
+licencier les gens et mariniers qui estoient dessus, et faict
+cesser toutz ses aultres aprestz et apareilz de mer.</p>
+
+<p>Le sire Henry Coban escript d'Espire qu'il sera respondu
+sur les choses qu'il a proposées à l'Empereur, incontinent
+après que les nopces de la princesse Élizabeth
+seront faictes, et j'entans que, à la vérité, il a renouvellé le
+propos du mariage de l'archiduc Charles, mais l'on ne l'a
+suyvy ainsy chauldement qu'il espéroit. D'aultres lettres
+sont venues d'Allemaigne, qui font mencion de certein différant,
+qui cuyda arriver à Heldelberc, devant l'Empereur,
+entre Jehan Georges Pallatin et Jehan Guilhaume de Saxe,
+sur leur précédance, à qui seroit premier assiz au festin,
+de sorte qu'ilz furent prestz de mettre la main aulx armes;
+<span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span>
+mais l'Empereur assembla soubdein les principaulx, qui
+estoient près de luy, et prononcea pour le dict Georges,
+remonstrant si bien la rayson à l'aultre, que la chose se
+passa gracieusement; et que le comte Pallatin avoit instamment
+prié l'impératrix et la princesse sa fille, qu'elles
+vollussent accompaigner l'Empereur en sa mayson de
+Heldelberc; mais la dicte Dame s'en estoit excusée en
+une façon si résolue de n'y vouloir aulcunement aller, que
+le dict Pallatin en estoit demeuré assés mal contant; que
+l'Empereur avoit une grande affection d'entrer en la ligue
+contre le Turc, et qu'il estoit après à persuader le Vayvaulde
+de renoncer à l'alliance et à la souverayneté d'icelluy,
+et de luy deffandre l'entrée de la Transilvanie, luy
+promettant, s'il perdoit, pour ceste occasion, rien de son
+estat qu'il le récompenseroit en Bohesme; et qu'on avoit
+opinion, s'il pouvoit conduyre le dict Vayvaulde à cella,
+que les Estats de l'Empyre luy consentiroient vollontiers
+d'entrer en la dicte ligue, et s'obligeraient à luy bailler
+deniers et secours pour icelle, bien qu'on souspeçonnoit
+assés que, n'ayantz les Vénitiens esté secouruz à propos
+de ceulx de la susdicte ligue, ils cercheront d'accommoder
+leurs affères et de procurer en toutes sortes par deniers,
+ou bien en accordant quelque tribut sur Chipre, de fère
+paix avec le dict Turc; au moyen de quoy ceste ligue demeureroit,
+puys après, assés froide, et bien fort foible.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxx<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</span></p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXLIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> jour de novembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée à la court par Mr le secrétaire de L'Aubespine.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Vives plaintes de la reine contre la réception faite par le roi à
+Mr de Norris, son ambassadeur, et contre la déclaration du roi en faveur
+de la reine d'Écosse.&mdash;Nécessité où se trouve le roi de réclamer la liberté
+de Marie Stuart.&mdash;Protestation qu'il ne veut pas rompre la paix.&mdash;Communication
+officielle du mariage du roi.&mdash;Compliment de la reine sur
+cette union.&mdash;<em>Lettre secrète à la reine-mère</em> sur la proposition du mariage
+de la reine d'Angleterre avec le duc d'Anjou.&mdash;<em>Mémoire.</em> Bruits
+répandus en Angleterre et en Allemagne que la pacification de France
+n'est point sérieuse, et qu'elle cache quelque secret dessein du roi.&mdash;Détails
+particuliers concernant la négociation avec la reine d'Écosse.&mdash;Rapprochement
+entre l'Angleterre et l'Espagne.&mdash;Plainte de Walsingham au
+sujet de l'accueil que lui a fait le roi dans son audience de congé.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, estant, sabmedy dernier, avec la Royne d'Angleterre
+pour luy fère part de la dépesche, que Mr de L'Aubespine
+m'a apportée, et des aultres choses qu'il m'a sagement
+faictes entendre de l'intention de Vostre Majesté,
+j'avois advisé de luy commancer quelque gracieulx propos
+de vostre mariage, ainsy qu'on m'avoit adverty que je me
+gardasse bien de luy user d'aulcune rigoureuse démonstration,
+si je ne voulois donner aulx ennemys de la Royne
+d'Escoce l'entier gain de leur cause, et advancer grandement
+les affères d'Espaigne, pour d'aultaut deffavoriser
+toutz ceulx de France en son endroict; et que c'estoit à
+l'occasion de certaine deffaveur, que son ambassadeur luy
+avoit mandé qu'il avoit naguières receu de Vostre Majesté,
+meslée de quelque menace contre elle mesmes, sur les affères
+de la Royne d'Escoce, de quoy elle estoit fort offancée;
+et que noz ennemys s'esforceroient d'y semer encores
+<span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span>
+du verre, pour randre la playe incurable; par ainsy, qu'il
+estoit besoing que je radoulcisse le faict.</p>
+
+<p>Mais la dicte Dame me prévint, car aussitost que j'entray
+en sa chambre privée, elle s'advança de me dire
+qu'elle me recepvoit mieulx que son ambassadeur ne l'avoit
+esté en sa dernière audience en France, me remonstrant
+la façon dont Vostre Majesté avoit parlé à luy; de
+laquelle disoit estre de tant plus marrye que deux aultres
+gentishommes anglois, qui n'avoient jamais plus veu vostre
+court, luy avoient raporté, premier que son ambassadeur
+luy en eust rien escript, qu'elle ny ses messagiers n'estoient
+guières prisez ny respectez en France.</p>
+
+<p>Sur quoy l'ayant escoutée paciemment, je luy respondiz
+que je n'avois rien entendu de cest affère, et que je
+sçavois, et estois bon tesmoing, que Vostre Majesté avoit
+toutjours bien receu, avecques beaucoup d'honneur et faveur,
+ses ambassadeurs, et toutz les propos qu'ilz vous
+avoient toutjours tenuz de sa part, aultant que de nul aultre
+prince ny princesse de la terre; ce qui me faisoit croyre
+que l'ocasion n'estoit meintennant procédée de Vostre
+Majesté; et j'en comprenois quelque chose parce qu'elle-mesmes
+disoit que vous aviez la botte, quant son ambassadeur
+arriva, et que vous luy aviez demandé comme est
+ce qu'il venoit à telle heure; et qu'au reste, elle debvoit
+interpréter à bien la franchise de vostre parler sur les affères
+de la Royne d'Escoce; mesmes que s'estant la dicte
+négociation continuée despuys par lettres, vous m'aviez
+envoyé la coppie de celle, que vous aviez escripte à son
+ambassadeur; laquelle je trouvois fort honnorable, et bien
+conforme à tout ce qui pouvoit convenir à l'entretennement
+de vostre commune amytié.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span>
+Elle me répliqua qu'elle ne sçavoit que penser de la
+dicte réponse par escript, et s'esbahyssoit assés comme
+Vostre Majesté y avoit vollu adjouxter de sa main, me
+priant de la luy monstrer, si je l'avois présente, affin que la
+débatissions ensemble, dont la luy ayant monstrée, elle me
+dict, par deux foys, qu'elle n'estoit semblable à celle qu'elle
+avoit desjà veue; et que néantmoins elle trouvoit en ceste cy
+cella bien dur, que vous disiez vouloir secourir la Royne d'Escoce
+en ceste sienne nécessité, et procurer sa liberté par
+toutz les moyens que Dieu avoit miz en vostre puyssance;
+et qu'estant la dicte Royne d'Escoce entre ses mains, vous
+infériez par là que si elle ne la restituoit par le tretté, que
+vous luy dénonciez desjà la guerre.</p>
+
+<p>Sur quoy je luy desduysis les raysons, par lesquelles
+Vostre Majesté ne pouvoit moins dire que cella, ny moins
+fère que ce que vous en disiez; et quant elle vouldroit,
+d'un c&oelig;ur non ulcéré, considérer l'estat de cest affère,
+que non seulement elle ne se tiendroit pour offancée, ains
+cognoistroit vous avoir beaucoup d'obligation de l'honneste
+et modeste façon, dont vous y aviez procédé; et que, nonobstant
+les lettres de son dict ambassadeur, suyvant les
+honnorables propos et honnestes démonstrations de contantement,
+dont elle vous avoit usé touchant vostre mariage,
+lorsque luy en aviez premièrement escript l'accord,
+vous me commandiez de luy dire en quoy en estoient meintennant
+les choses; qui espériez que son playsir augmenteroit
+de sçavoir qu'elles fussent ainsy bien advancées
+qu'elles estoient, et prestes de recepvoir ung bien prochain
+et bien heureulx accomplissement; et luy particularisay le
+voyage de Mr le comte de Retz à Espire, affin d'apporter
+les pouvoirs à l'archiduc Ferdinand, pour espouser, au nom
+<span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span>
+de Vostre Majesté, la princesse Élizabeth sa niepce, et
+comme la cérémonye s'en debvoit célébrer, le xv<sup>e</sup> du passé,
+par l'archevesque de Mayance, et puys s'acheminer la dicte
+Dame, le xx&#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du dict moys, grandement accompaignée,
+en France; et que Monseigneur, frère de Vostre Majesté,
+et Madame de Lorrayne, vostre s&oelig;ur, estoient desjà vers la
+frontière pour la recepvoir et pour la mener fère sa première
+entrée à Mézières, où toute sa mayson luy seroit présentée,
+et de là à Compiegne, auquel lieu Voz Majestez préparoient
+desjà ce qui convenoit à un si solempnel et si royal
+mariage, pour le xv<sup>e</sup> du présent; et puys l'on conduyroit
+la dicte Dame à S<sup>t</sup> Deniz pour la sacrer et couronner Royne
+de France; et se parloit de l'entrée à Paris au premier
+jour de l'an, quant messieurs les mareschaulx et aultres
+principaulx seigneurs, qu'aviez envoyez, pour establir, sans
+dilay ny excuse, vostre éedict par toutes les provinces de
+vostre royaume, pourroient estre de retour; et que,
+comme Vostre Majesté et la dicte Royne d'Angleterre
+aviez accoustumé d'agréer, l'ung à l'aultre, la communication
+de voz bonnes fortunes et prospéritez, que vous luy
+aviez bien vollu fère part de ceste cy, pour l'asseurer que
+ceste vostre nouvelle alliance n'estoit pour diminuer, ains
+pour fortiffier et augmenter davantaige celle que vous avez,
+et en laquelle vous voulez bien persévérer, avec elle; et
+que je croyois que vous seriez bien ayse d'entendre qu'elle
+fust en ces mesmes termes, où à présent vous trouviez, fort
+allègre et bien disposé, affin que mutuellement vous vous
+peussiez conjoyr de son contantement, comme vous vous
+asseuriez qu'elle se resjouyssoit bien fort du vostre.</p>
+
+<p>La dicte Dame, avec abondance de playsir, me respondit
+que cest agréable propos effaçoit beaucoup la dolleur
+<span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span>
+qu'elle avoit pris de l'aultre, et qu'elle vous randoit le
+plus exprès grand mercys qu'elle pouvoit de la communication,
+qu'il vous playsoit luy fère, de chose si privée, et
+apartenant de si près à vostre personne, comme est vostre
+mariage; et qu'elle n'avoit pas pensé que les choses fussent
+si près de leur accomplissement, car eust préparé d'y
+envoyer de ses gentishommes pour y assister; et qu'il
+semble qu'encor que les espousailles du Roy d'Espaigne
+ayent précédé, que néantmoins voz nopces seront plustost
+consommées, et qu'elle vouldroit de bon cueur pouvoir estre
+à la feste; car monstreroit à tout le monde qu'elle se
+resjouyt plus véritablement de vostre prospérité et contantement,
+qu'il ne luy est possible de l'exprimer par parolle;
+que, touchant le premier propos concernant son ambassadeur,
+elle me prioit de vous en mander le mal qu'elle en
+avoit sur le cueur, et qu'elle espéroit que vous luy en donriez
+quelque satisfaction, qui la guériroyt, et luy osteroit
+tout l'empeschement, qu'elle avoit, de ne se pouvoir tant
+resjouyr de ce segond propos du mariage comme elle desireroit
+de le fère; que, touchant le dict segond propos,
+elle vouloit prier Dieu de bényre l'espoux, et l'espousée,
+et les nopces, avec toute la postérité qui en viendroit, laquelle
+se pourroit dire estre de la plus royalle et noble extraction
+de la terre; et que, touchant la Royne d'Escoce,
+qu'elle avoit trouvé les responces, qu'elle avoit faictes à
+ses depputez, fort honorables, dont n'estoient guières loing
+d'accord entre elles; et que les depputez d'Escoce seroient
+bientost icy, pour y procéder du premier jour, comme il
+luy tardoit, plus qu'à nul aultre de ce monde, que cella
+prînt bientost une bonne fin; et, au regard de ce que je
+luy avois touché de la pleincte de ceulx de Roan, qu'elle
+<span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span>
+y feroit dilligemment regarder par ceulx de son conseil,
+affin de vous donner, en l'endroict de ceulx là, occasion de
+fère bien tretter toutz ses subjectz en France, comme elle
+désire qu'ilz y continuent leur traffic.</p>
+
+<p>Et y a heu plusieurs aultres privez discours entre la
+dicte Dame et moy; lesquelz je remetz, avec plusieurs
+aultres choses, à Mr de L'Aubespine pour les vous fère entendre,
+de la mesmes suffizance, qu'il m'a très dignement
+raporté celles que Vostre Majesté luy avoit donné charge
+de me dire, et vous présentera les recommendations de la
+Royne d'Angleterre, comme elle l'a enchargé de ce fère.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce &#305;x<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</span></p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, il est venu fort à propos, par l'arrivée de
+Mr de L'Aubespine, que j'aye heu à parler à la Royne d'Angleterre
+du contenu de la dépesche, qu'il m'a apportée, de
+Voz Majestez, du x&#305;x<sup>e</sup> du passé; suyvant laquelle j'ay
+adoulcy, par les gracieulx propos du mariage du Roy, le
+mieulx que j'ay peu, le courroux, que la dicte Dame avoit,
+du malcontantement, que son ambassadeur, Mr Norrys, luy
+avoit mandé qu'on luy avoit naguières donné en France,
+ainsy que, plus au long, je l'escriptz en la lettre du Roy,
+vous supliant très humblement, Madame, que, la première
+foys que Voz Majestez verront le dict ambassadeur, elles luy
+veuillent dire quelque bonne parolle de faveur, et me commander,
+par vos premières, d'en dire quelque aultre de satisfaction
+icy à la dicte Dame; car, avec bien peu, j'espère
+que tout cella se rabillera. Elle a suyvy avecques
+playsir et a faict longuement durer le propos, que je luy
+<span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span>
+ay commancé, du dict mariage du Roy, et est venue à
+parler du sien: qu'elle n'avoit faict bien de ne se maryer
+poinct, mais qu'elle estoit desjà si vieille que nul, de ceulx
+qui y pourroient prétandre, n'en avoit plus de volonté, et
+qu'elle n'avoit jamais pensé d'en espouser, qui ne fût de
+mayson royalle; que l'Empereur avoit bien employé son
+voyage d'avoir logé ses deux filles aulx deux plus grandz
+Roys; et qu'elle avoit esté bien ayse de pouvoir honorer
+celle qui estoit allée en Hespaigne, pour l'amour du père,
+qui la luy avoit recommandée, et l'avoit priée de favoriser
+et asseurer son passaige; et que, ayant sceu comme elle
+estoit arrivée, à saulvement, en Espaigne, elle avoit soubdain
+dépesché ung homme exprès à Espire pour l'en advertyr;
+qu'elle s'asseuroit que, là où l'Empereur establyroit
+son alliance, qu'il procureroit d'y confirmer aussi celle
+d'Angleterre.</p>
+
+<p>Ausquelles choses je luy ay respondu que Voz Majestez
+recepvroient grand contantement des honnorables propos,
+qu'elle tenoit du mariage du Roy, et loueroient fort sa
+prudente dellibération d'avoir réservé franche sa vollonté
+pour se maryer, quant il luy plairoit, et que mesmes ce
+soit avec un royal prince; que, à la vérité, elle avoit favorisé
+et honnoré grandement le passaige de la Royne d'Espaigne,
+de laquelle j'entendois qu'elle se contantoit bien
+fort, par les bonnes parolles et honnestes lettres, que sire
+Charles Havart luy en avoit raporté; et que j'espérois
+qu'elle recepvroit encore plus de contantement de la
+Royne, sa s&oelig;ur, et se termina pour lors le propos, et
+toute l'audience, avec beaucoup de plésir et contantement
+de la dicte Dame; laquelle, demeurant en quelque craincte
+de la déterminée résolution en quoy elle voyt que Voz Majestez
+<span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span>
+Très Chrestiennes, pour leur honneur, persévèrent
+de vouloir secourir la Royne d'Escoce, et néantmoins que
+vous avez désir de conserver son amytié, et ne l'offancer,
+elle se monstre plus disposée de parachever le tretté; lequel
+nous poursuyvrons, avec la plus continuelle instance, qu'il
+nous sera possible, comme la Royne d'Escoce, de son
+costé, ne pert en cella heure, ny moment. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;x<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p class="right">(<em>Aultre lettre à part.</em>)</p>
+
+<p>Madame, quant Vostre Majesté me dépescha, présent
+le Roy et Monseigneur, voz enfans, pour venir en ceste
+charge, elle me descouvrit ce mesmes désir, dont, à présent,
+il luy playt me fère mencion par sa petite lettre du xx<sup>e</sup> du
+passé<a name="FNanchor_17" id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">[17]</a>; et je vous suplie très humblement, Madame, de
+croyre que j'ay toutjour, despuys, fort soigneusement regardé
+s'il y auroit nul moyen de l'effectuer, sans que j'ay
+esté ny endormy, ny paresseux, de pénétrer, aultant qu'il
+m'a esté possible, ez affères de deçà et en l'intention de
+ceux qui les manyent, par des voyes toutesfoys bien esloignées
+du dict propos, pour voir s'il y auroit rien qui s'y
+peult bien raporter et accomoder. En quoy, si j'eusse
+trouvé quelque fondement, je n'eusse différé une seule
+heure de le vous mander, ny en eusse perdu une aultre à le
+bien et dilligemment poursuyvre. Mais, Madame, voycy en
+<span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span>
+quoy, pour quel regard que ce soit, en sont meintennant les
+choses: que la Royne d'Angleterre, quoy qu'elle ayt donné
+charge au jeune Coban de renouveller, par motz couverts
+et artificieulx, le propos du mariage de l'archiduc; et que,
+assés souvant, elle et les siens en jettent d'aultres, bien exprès,
+touchant Monseigneur vostre filz, ce n'est toutesfoys,
+quant à l'archiduc, que pour monstrer de vouloir accepter
+l'alliance de la maison, d'où les deux grandz Roys se sont
+nouvellement allyez; et rabiller par ce moyen, si elle
+peult, ses différans avec le Roy d'Espaigne, et fère prendre
+de là quelque jalouzie à Voz Majestez Très Chrestiennes,
+comme aussi en fère prendre encores une plus
+grande au Roy d'Espaigne du propos de Mon dict Seigneur,
+vostre filz; et s'entretenir, par la réputation de ces deux
+grandz partys, en plus grande estime envers les siens.
+Mais le jugement d'ung chacun est conforme à celluy que
+faict Vostre Majesté, qu'elle ne se soubsmettra jamais à nul
+mary, ainsy que, d'elle mesmes, elle s'en monstre toutjour
+assés esloignée; et les siens l'en détournent davantaige, affin
+de disposer toutjour, ainsy qu'ilz font, d'elle et de son
+royaulme.</p>
+
+<p>Et ung des principaulx, qui soit auprès d'elle, a naguières
+dict que, despuys trois moys, le vydame de Chartres
+a mené une secrecte pratique avec le secrétaire Cecille,
+pour le mariage de Mon dict Seigneur, vostre filz, avec elle;
+et qu'il a offert de fère, par ce moyen, advancer le tiltre de
+ceux de Herfort à ceste couronne, au cas que la dicte Dame
+ne puysse avoir d'enfans; et que le propos n'a peu estre
+que bien ouy, pour le regard de Mon dict Seigneur, de
+presque toute la noblesse; mais que la pluspart d'icelle l'a
+mal receu et heu fort odieux touchant ceux de Herfort; et
+<span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span>
+qu'il jugeoit que le dict vydame n'y avoit pas grand moyen,
+mais qu'il avoit advancé cella pour complayre au dict Cecille,
+sachant l'extrême affection, qu'il a, à ceulx de Herfort; lesquelz
+sont deux petitz masles, issuz de celle madame
+Catherine<a name="FNanchor_18" id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">[18]</a>, prochaine de ceste couronne, qui est morte
+dans la Tour. Et n'y a poinct de fille en ce royaulme,
+petite ny grande, qui prétande à la dicte succession, sinon
+une s&oelig;ur de la dicte dame Catherine, qui est bossue, et a
+espousé un huissier de la salle de présence, ny la Royne
+d'Angleterre n'a la vollonté d'en adopter pas une; et croy
+que, quant elle le vouldroit fère, au préjudice de ceulx qui
+y prétandent droict, qu'elle ne le pourroit effectuer par le
+parlement, ny mesmes en fère déclairer ung des prétandans,
+tant les partz sont contraires, et les maysons principalles
+de ce royaulme opposantes l'une à l'aultre sur ce
+poinct. De quoy j'estime que le droict de la Royne d'Escoce
+ne s'en rendra que plus fort, bien qu'il semble qu'un tel
+faict ne se démeslera, sans beaucoup de débat.</p>
+
+<p>Quelcun m'a dict qu'on a vollu aussi proposer le mariage
+du Prince de Navarre avec ceste Royne, le faisant
+le plus riche subject de l'Europe, et allégant quelques
+droictz, qu'il a nouvellement gaignez, en la chambre
+impérialle, contre le Roy d'Espaigne, qu'on dict valloir
+plusieurs millions d'or, mais le propos n'a esté suyvy.</p>
+
+<p>Or, Madame, je ne voys pas qu'il y ayt lieu de mettre,
+pour ceste heure, rien en avant de nostre costé, et, par
+ainsy, je m'en tayray du tout, ainsy qu'il vous playt me
+<span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span>
+le commander, bien que je vous suplye de ne laysser de
+suyvre et escouter bénignement ce qu'on vous en pourra
+toucher, monstrant que les plus grandes difficultez vous
+semblent estre du costé de la dicte Dame; sans toutesfoys
+advancer parolle, de laquelle elle se puysse advantaiger.
+Et cependant je veilleray, plus que jamais, sur ce qui se
+pourra descouvrir ou venir en lumyère, propre à cest effect,
+vous voulant bien advertyr, au reste, Madame, que
+de France, l'on a naguières escript à la Royne d'Angleterre
+que Vostre Majesté ne desire aulcunement l'expédition des
+affères de la Royne d'Escoce, ains que vous auriez playsir
+qu'elle ne bougeât encores d'Angleterre; de quoy semble
+que l'évesque de Roz ayt heu un semblable adviz de ceste
+court, mais je luy ay faict cognoistre qu'il n'y a rien au
+monde plus faulx que cella. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce &#305;x<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">POURRA LE DICT SIEUR DE L'AUBESPINE,</span>
+oultre le contenu de la dépesche, dire à Leurs Majestez:</p>
+
+<p>Que quelques ungs du conseil d'Angleterre incistent fermement à
+la Royne, leur Mestresse, de ne debvoir, en façon du monde, tretter
+avec la Royne d'Escoce; et que, pour nulles menaces, ny effortz,
+qu'elle ayt à craindre du costé du Roy, elle né se doibt haster de la
+délivrer, car jugent que la paix ne sera de durée en France; et que,
+par aulcunes lettres et adviz, qu'ilz ont de dellà la mer, ilz ont descouvert
+que le Pape, le Roy d'Espaigne, et les Véniciens sont proprement
+ceulx qui ont conseillé de la fère ainsy qu'elle est, pour peur,
+qu'ilz avoient, que ceux de la nouvelle religion ne gaignassent
+tant d'advantaige, pendant que eulx seroient occupez en la guerre
+du Turc et en celle des Mores, qu'il ne fût, puys après, plus temps
+d'y remédier; et que néantmoins, ilz ont promiz au Roy, qu'aussitost
+qu'ils se verroient démeslez de ces deux guerres, qu'ilz luy
+fornyroient ung si notable secours qu'il pourroit fort ayséement
+purger son royaulme de toute ceste secte de Huguenotz;</p>
+
+<p>Que cella se trouvoit ainsy confirmé par une dépesche de Mr le
+<span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span>
+Nonce à l'aultre Nonce, qui est en Espaigne, laquelle avoit esté
+interceptée, et qu'on avoit trouvé dedans la coppie d'une lettre du
+Pape à Mr le cardinal de Lorrayne, qui en faisoit assés expresse
+mencion;</p>
+
+<p>Que, nonobstant les bonnes démonstrations du Roy sur l'observance
+de la paix, que les aultres Princes et les principaulx de la court ozoient
+assés ouvertement déclairer qu'ilz l'avoient à contre cueur; et que,
+à Thoulouse et à Lyon, ne la vouloient encores bien recepvoir, ce
+qui estoit signe qu'elle s'en iroit plustost rompue que establye;</p>
+
+<p>Et qu'ilz sçavoient que le Roy mesmes, accompaigné de Mrs les
+cardinaulx, et d'aulcuns princes, et aultres plus privez de son conseil,
+avoit, par acte fort secrect, dict et déclairé, en sa court de
+parlement de Paris, que son intention n'estoit d'entretenir aulcunement
+deux religions en son royaulme; et que ce, qu'il avoit instantment
+pourchassé la paix, avoit esté pour séparer l'armée des Huguenotz,
+et renvoyer les estrangiers; mais qu'après cella il mettroit
+aultre ordre et une meilleure forme aulx affères de la dicte religion;
+et que aulcuns des assistans avoient fort loué et magniffié son opinion,
+et avoient tout hault randu grâces à Dieu qu'il eust miz un si
+catholique desir dans le cueur de nostre Roy;</p>
+
+<p>Que Messieurs les Princes et Admyral, estantz assez informez de
+cecy, se tenoient sur leurs gardes, et avoient desjà envoyé notiffier
+toutes ces particullaritez à leurs amys en Allemaigne; et que mesmes
+les cappitaines et colonnelz, qui estoient venuz vers Hembourg,
+pour s'asseurer de certaines levées de gens de guerre pour les princes
+protestans, en avoient parlé assés clair; par lesquelles remonstrances
+l'on a fort essayé de persuader la dicte Dame qu'elle devoit attandre
+l'événement de ces choses de France, premier que de rien remuer en
+celles d'Escoce.</p>
+
+<p>Mais j'ay, à ceste heure, tout à propos, par la venue du dict S<sup>r</sup> de
+L'Aubespine, notiffié à la dicte Dame, et assés publié en sa court,
+le bon ordre, que le Roy a prins, d'envoyer messieurs les mareschaulx
+et aultres seigneurs et cappitaines, avec des maistres de requestes
+et des commissaires, par toutz les lieux et provinces de son
+royaulme, pour y exécuter son éedict sans dilay, ni excuse; ce qui
+faict prendre à la dicte Dame et aulx siens meilleure opinion de nostre
+paix, et semble qu'elle se résould de passer oultre au tretté de la
+Royne d'Escoce.</p>
+
+<p>Car voycy en quoy en sont meintennant les choses, que le secrétaire
+Cecille et maistre Mildmay, estans de retour vers elle, luy ont,
+<span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span>
+d'entrée, protesté qu'encor qu'ilz eussent l'honneur d'estre toutz
+entièrement siens, ses conseillers et subjectz, qu'ilz avoient néantmoins
+juré à la Royne d'Escoce de luy rapporter aultant fidellement
+et à la vérité tout ce qu'ilz avoient veu, cogneu et ouy d'elle, comme
+s'ilz fussent ses propres messagiers; et ainsy ont faict leur raport
+si bon que la dicte Dame est demeurée fort satisfaicte de la dicte
+Royne, sa cousine, et en grande vollonté de conclurre ung bon tretté
+avec elle.</p>
+
+<p>Sur quoy, icelluy Cecille luy a demandé d'où estoit doncques advenu
+que, pendant qu'ilz estoient sur le lieu, elle leur eust mandé
+d'agraver les condicions à la dicte Royne d'Escoce, et les luy proposer
+plus dures, qu'elle ne leur avoit commandé de le fère, quant ilz
+partirent:&mdash;«Prenez vous en, respondit elle, à millord Quiper,
+vostre beau frère; car c'est luy qui m'y a contraincte.»</p>
+
+<p>Et j'ay sceu, à la vérité, que, quant le S<sup>r</sup> de Valsingan revint de
+France, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil pour déterminer
+des affères de la dicte Royne d'Escoce, suyvant ce que le Roy luy en
+mandoit, et leur ayant elle mesmes proposé les choses en une façon,
+qui la monstroient incliner bien fort à la restitution de la dicte
+Dame, le dict Quiper luy respondit seulement:&mdash;«Qu'il la voyoit si
+disposée en cest affère, qu'il ne failloit que l'exécuter, sans plus le
+mettre en dellibération.»&mdash;«Ouy, dict elle, beaucoup d'ocasions,
+à la vérité, me meuvent de le desirer ainsy: mais je veux modérer
+mon desir par vostre adviz.» Il répliqua soubdain:&mdash;«Qu'il estoit là
+pour la conseiller et non pour la contredire, et que, voyant son conseil
+ne pouvoir avoir lieu, qu'il se déportoit de le bailler.» Sur quoy
+la dicte Dame, assés en collère, luy adressa ces parolles:&mdash;«Je vous ay
+creu, ces deux ans passez, de toutes choses, en mon royaulme, et je
+n'y ay veu que troubles, despenses et dangiers. Je veux, à ceste heure,
+user, aultant de temps, de mon propre conseil, pour voir si je m'en
+trouveray mieux.» Et, sur ce poinct, elle se retira dans son cabinet;
+mais le dict Quiper et ceulx du conseil ne layssèrent pour cella,
+d'altérer assez la besoigne, et s'esforcèrent, par plusieurs moyens, de
+randre, touchant ceste négociation, bien fort suspect Cecille à la
+dicte Dame.</p>
+
+<p>Néantmoins, despuys le retour du dict Cecille, ayant de rechef esté
+le conseil rassemblé pour ouyr son raport et les responces de la
+dicte Royne d'Escoce, encor que le dict Quiper se soit opiniastré
+contre la restitution d'elle, et soubstenu qu'on debvoit délaysser ce
+tretté, il semble qu'il n'ayt peu rien gaigner; et qu'à ceste occasion,
+<span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span>
+il soit party de court mal contant; et que la dicte Royne
+d'Angleterre se soit confirmée, de plus en plus, de vouloir tretter.</p>
+
+<p>Dont despuys, ayant Mr l'évesque de Roz esté devers elle, elle luy a
+dict:&mdash;«Que ses deux depputez luy avoient raporté beaucoup de
+satisfaction de la dicte Royne d'Escoce, et qu'elle trouvoit ses
+responces fort honnorables; dont elles deux s'acorderoient fort
+ayséement des aultres choses, qui sembloient demeurer encores en
+différant; et qu'il ne restoit plus que l'arrivée des depputez
+d'Escoce, lesquelz elle vouloit attandre, premier que de passer plus
+oultre.» Et, comme le dict sieur évesque luy toucha ung mot de la
+difficulté, qu'il y avoit, de conclurre la ligue, de peur de
+préjudicier à celle de France, et qu'il la pryoit qu'il en peult
+communiquer avecques moi:&mdash;«Je veulx bien, dict elle, que vous en
+communiquiez à l'ambassadeur du Roy, mais il ne fault que luy, ny
+aultre, m'estiment si sotte, puysque la Royne d'Escoce est entre mes
+mains, que je ne veuille bien pourvoir, premier qu'elle en sorte,
+qu'elle n'aille estre ung instrument à ung aultre prince de me fère la
+guerre.»</p>
+
+<p>Et ainsy le dict sieur évesque de Roz, et moy, sommes après à
+conférer ensemble les articles et condicions, qu'on propose à la
+dicte Royne d'Escosse; en quoy je incisteray fermement que l'intention
+du Roy soit suyvye, ou, au moins, qu'il ne soit faict préjudice
+à rien, qui touche son service; et semble qu'il est expédiant d'accommoder
+ces affères par le présent tretté, sans les remettre à une
+aultre fois, car aultrement la dicte Dame et son estat restent en ung
+très grand dangier; et de tant que les dicts depputez d'Escosse sont
+desjà acheminez, sçavoir: du party de la Royne, milord Herys,
+milord Bonet et le dict sieur évesque, qui est desjà icy; et, de la
+part du régent, le comte de Morthon, milord Clames et l'abbé de
+Domfermelin; et qu'on les attand toutz dans six ou sept jours, et
+que desjà il se parle de l'entrevue des deux Roynes, ung chacun espère
+que l'accord réuscyra.</p>
+
+<p>Pendant que les dicts depputez estoient avec la Royne d'Escosse,
+elle a dépesché ung sien tapissier, nommé Serve, en Flandres, devers
+milord de Sethon, luy apporter ung pouvoir et procuration
+d'elle, en forme, pour tretter avec le duc d'Alve; et luy communiquer
+les articles, que les dicts depputez luy ont proposez; et l'asseurer,
+qu'encor qu'elle soit en beaucoup de nécessitez, qu'elle
+toutesfoys ne conclurra rien sans l'adviz de ses amys. Néantmoins,
+elle a, d'elle mesmes, accordé, par une lettre de sa main, de bailler
+le Prince, son filz, à la Royne d'Angleterre; et l'ambassadeur d'Espaigne,
+<span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span>
+qui est icy, conseilloit néantmoins qu'elle luy accordât plustost
+les places de Dombertran, Lislebourg, et d'Esterlin, et force
+ostaiges, que non le dict Prince.</p>
+
+<p>Les gracieulx propos et honnestes lettres, que la Royne d'Espaigne
+a mandez à la Royne d'Angleterre, sont cause que le dict sieur
+ambassadeur commance d'estre plus respecté et favorisé des Anglois
+qu'il ne souloit, et qu'il est recherché, soubz main, de vouloir demander
+audience de la dicte Dame, à laquelle il n'a parlé, xx&#305;&#567; moys
+a, et qu'elle la luy ottroyera fort vollontiers. Sur quoy il a respondu
+qu'en ayant esté plusieurs foys reffuzé, il importe beaucoup à l'honneur
+de son Maistre que la dicte Dame la luy veuille ottroyer d'elle
+mesmes; et, par ainsy, qu'il est dellibéré d'attandre qu'elle le luy
+mande, ou le luy face dire par quelcun des siens.</p>
+
+<p>Et cependant, l'on a pareillement recerché le S<sup>r</sup> Ridolfy de reprendre
+le propos de l'accord des différans des prinses, sellon ce
+qu'il en avoit quelquefoys miz en avant, dont desjà il en a escript une
+lettre à Mr le comte de Lestre, qui monstre d'y avoir quelque affection,
+et il a esté assés bien respondu. Je croy que cest affère se
+rendra de tant plus facille, que les Anglois trouveront de difficultez
+en nous; et semble que Mr Norrys se soit, puys peu de jours, pleinct
+de quelque deffaveur, qu'on luy a faicte en France, et que sa Mestresse
+en soit bien mal contante:</p>
+
+<p>Comme aussi le S<sup>r</sup> de Valsingan, parmy les propos, qu'il m'a tenuz,
+des honnestes faveurs, qu'il avoit receues de Leurs Majestez Très
+Chrestiennes, il y a meslé je ne sçay quoy de deffaveur, qu'il luy
+sembloit que le Roy luy ayt faict, en la seconde audience, de ne luy
+avoir monstré si bon visage, ny usé de si gracieuses parolles, que
+en la première; et d'avoir, luy présent, dict à Mr Norrys qu'il estoit
+marry qu'il s'en volust sitost retourner, l'ayant trouvé homme de
+bien en sa charge; et qu'il vouloit prier la Royne d'Angleterre, sa
+bonne s&oelig;ur, de ne luy bailler poinct de successeur, qui fût turbulant,
+ny homme qui n'aymât la paix et le repos; comme si Sa Majesté
+entendoit de dresser ce propos à luy, car il estoit en termes de luy
+succéder; et qu'il croyoit que Mr de Glasco luy eust faict donner
+ceste attache, bien qu'il ne se soit, à ce qu'il dict, jamais ingéré ez
+affères de la Royne d'Escosse, sinon quant la Royne, sa Mestresse,
+le luy a commandé; et que je sçay bien qu'il fault obéyr à son naturel
+prince, quant il commande quelque chose.</p>
+
+<p>Ce qui l'avoit fort descouragé d'accepter la légation en France,
+craignant de n'estre agréable à Sa Majesté; toutesfoys que la Royne, sa
+<span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span>
+Mestresse, luy avoit commandé de s'aprester, me priant d'asseurer
+Leurs dictes Majestez Très Chrestiennes que nul jamais ne tiendra
+ce lieu, qui ayt plus droicte intention à meintenir la paix et la bonne
+amytié entre nos deux Maistres et leurs deux royaumes que luy;
+et que, s'en allant l'affère de la Royne d'Escoce composé, il luy sembloit
+qu'il ne restoit plus aulcune occasion de différant entre la
+France et l'Angleterre. A toutes lesquelles choses je luy ay respondu,
+sellon l'honneur et grandeur du Roy, et comme il debvoit prendre la
+franchise du parler de Sa Majesté en bonne part; et luy ay donné,
+au reste, toute bonne espérance de sa légation, voyant qu'aussi
+bien elle luy estoit desjà commise; et estime l'on qu'encor qu'il soit
+tenu pour homme fort affectionné à la religion nouvelle, et assés
+contraire de la Royne d'Escoce, que néantmoins il se rendra modéré.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">CXLIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIIII</span><sup>e</sup> jour de novembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par le corier de Flandres.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Discussion des articles du traité proposé concernant la reine d'Écosse.&mdash;Efforts
+de l'ambassadeur afin de faire accepter les conditions envoyées par
+le roi.&mdash;Consentement de Marie Stuart à ce que son fils soit donné en
+ôtage à la reine d'Angleterre.&mdash;Motifs de cette détermination, qui est
+contraire aux instructions reçues de France.&mdash;État de la négociation avec
+les Pays-Bas; nouvelles de Flandre.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, après le partement du S<sup>r</sup> de L'Aubespine, j'ay
+communiqué le contenu des lettres de Vostre Majesté, du
+xxv&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du passé, qui me sont arrivées, ainsy qu'il partoit,
+à Mr l'évesque de Roz; et, suyvant icelles, je l'ay pressé
+d'incister vifvement à la Royne d'Angleterre de passer
+oultre au tretté encommancé, et que, de sa part, il la
+veuille dorsenavant poursuyvre par la forme, et non
+aultrement, qu'il a pleu à Vostre Majesté me le prescripre,
+luy desduysant les raysons, pourquoy la Royne, sa
+Mestresse, ny luy, ne la doibvent excéder; lesquelles raysons
+<span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span>
+j'ay aussi mandées à la dicte Royne, sa Mestresse,
+avec ung extraict de ce qui en est porté par vos dictes dernières.</p>
+
+<p>Sur quoy le dict sieur évesque m'a asseuré de la parfaicte
+correspondance de sa dicte Mestresse, et de luy, à
+vouloir, en tout et partout, suyvre l'intention et les conseils
+de Vostre Majesté; et que, ayant despuys trois jours esté
+devers la Royne d'Angleterre, pour luy présenter ung
+pourtraict, que la dicte Royne d'Escoce luy envoyoit, du
+Prince son filz, il l'avoit instantment sollicitée de passer
+oultre à parfère le dict tretté, et de luy déclairer si les
+responces, que sa dicte Mestresse avoit faictes à ses
+depputez, luy sembloient raysonnables, affin qu'il la peult
+advertyr de ce qu'elle en debvoit espérer; et que la dicte
+Dame luy avoit respondu que les depputez, qu'elle attandoit
+d'Escoce, d'ung chacun des costez, debvoient arriver
+dans quatre ou cinq jours, avec le comte de Sussex et
+maistre Randolf, qui venoient toutz de compaignye, et
+qu'estantz icy, elle feroit incontinent procéder au dict
+tretté; que, quant aulx responces de sa dicte Mestresse,
+elle les avoit prinses de fort bonne part, et n'estoient trop
+esloignées de ce qui convenoit à fère ung bon accord;
+qu'encor que la dicte Royne d'Escoce fit grande difficulté
+sur l'article de la ligue, à cause de celle de France, qu'il
+ne falloit qu'elle s'y arrestât; adjouxtant, avec ung soubzrire,
+que, puysque Vous, Sire, vous estes meslé avec la
+mayson d'Autriche, qui est de sa ligue, que vous ne debviez
+trouver mauvais qu'elle se meslât avec celle d'Escoce,
+qui est de la vostre. A quoy luy, de Roz, luy avoit soubdain
+respondu qu'il fauldroit donc qu'elle constituast ung semblable
+douaire à sa Mestresse, et donnast ung semblable entretennement
+<span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span>
+des gardes, des gendarmes, des bénéfices,
+plusieurs privilèges, et aultres grandz advantaiges aulx
+Escouçoys en Angleterre, que Vostre Majesté leur faisoit
+jouyr en France; et que, sellon son adviz, il n'aparoissoit
+aulcun honneste moyen de fère ligue entre elles deux, sinon
+en y comprenant Vostre Majesté; et que la dicte Dame
+luy avoit répliqué, là dessus, que les dicts entretennemens
+estoient trop grandz pour en vouloir charger son estat,
+mais que, touchant la ligue, elle m'en parleroit, et en feroit
+parler par son ambassadeur à Vostre Majesté.</p>
+
+<p>Or, Sire, ce poinct de la dicte ligue, plus que nul de
+ceulx, qui sont contenuz ès dicts articles, me semble importer
+grandement à l'honneur et réputation de vostre
+couronne, et, à ceste cause, j'ay desjà dict tout hault que
+j'interrompray en vostre nom l'accord, et protesteray de
+l'infraction des précédans trettez, plustost que d'en laysser
+rien passer. Au regard de l'aultre article, auquel Vostre
+Majesté estime que je n'ay assés expressément respondu à
+l'évesque de Roz, touchant ne bailler le Prince d'Escoce
+aulx Anglois: je vous supplie très humblement, Sire, de
+croyre que je luy ay, par ung adviz escript de ma main,
+premier qu'il soit allé vers sa Mestresse avec les depputez,
+ainsi que je l'ay communiqué au S<sup>r</sup> de L'Aubespine, expressément
+conseillé de ne l'accorder en façon du monde;
+mais la dicte Dame, suyvant d'aultres adviz, que le dict
+évesque mesmes luy a pareillement apportez par escript,
+de plusieurs ses affectionnez et meilleurs amys et serviteurs
+de ce royaulme, et aussi par l'adviz des seigneurs, qui tiennent
+son party en Escoce, l'a offert à la Royne d'Angleterre
+par sa lettre du séziesme du passé, comme chose,
+sans laquelle le dict évesque de Roz dict que la dicte Royne
+<span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span>
+d'Angleterre ne fût jamais entrée en tretté, et sa Mestresse
+fût demeurée au plus dangereux estat de sa personne
+et de toutz ses affères, qu'elle ayt encores esté, pour l'ocasion
+de ceulx qui avoient monstré se rébeller au pays de
+Lenclastre; avec ce, Sire, que ceulx de ce conseil ont
+toutjours estimé qu'il ne se pourroit prendre aulcune aultre
+assez bonne seureté de la dicte Royne d'Escoce, que
+d'avoir son filz par deçà, affin qu'il leur fût ung instrument
+tout accommodé pour contenir sa mère ou pour la déchasser;
+aussi qu'il semble bien que les Escouçoys, qui procurent
+la restitution d'elle, ne sont que bien ayses que le
+Prince s'en aille, affin que ceulx du contraire party
+ne puyssent plus redresser aulcune compétance dans le
+pays; et encores y a il plusieurs principaulx personnaiges
+en ceste court, qui incistent assés que le dict Prince
+ne viegne en façon du monde en Angleterre, de peur qu'il
+n'y advance et establisse par trop le droict, que sa mère a
+à la succession de la couronne, au préjudice des aultres
+prétendans. Ce qui faict que plus vollontiers, la dicte Royne,
+sa mère, consent qu'il y soit mené, et mesmes qu'elle voyt
+bien que le contredire ne luy serviroit de rien, tant la chose
+est hors de sa puyssance; mais l'on n'a layssé pourtant
+d'envoyer solliciter les deux partys, en Escoce, de s'y
+opposer; et aussi le grand père, et l'ayeulle, et plusieurs
+aultres, en ce mesmes royaulme, de ne le trouver bon, et
+de le debvoir empescher; pareillement à la mesme Royne
+d'Angleterre de luy jecter ung escrupulle dans le cueur,
+touchant ce petit Prince, disant que, à son advènement au
+monde, il à déchassé sa mère hors de son estat, et qu'il
+pourroit bien, en venant en Angleterre, chasser sa tante hors
+du sien. Tant y a, Sire, que ce poinct est desjà tenu comme
+<span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span>
+pour accordé entre elles deux; et sur cella se faict le fondement
+de tout le reste; et estime l'on, Sire, pourveu que
+vous obteniez la restitution de la dicte Dame et la réunyon
+des Escouçoys, et que l'authorité des Anglois et leurs forces
+soyent mises hors du pays, que Vostre Majesté, quant au
+reste, ne doibt empescher qu'elle ne se puysse prévaloir
+de son filz à le bailler ostage quelque temps, pour recouvrer
+sa liberté, et retirer sa personne, et son estat, horz du
+grand dangier où ilz sont.</p>
+
+<p>Néantmoins, Sire, en cella, et en toutz les aultres chapitres
+du traicté, j'incisteray toutjour, le plus fermement
+qu'il me sera possible, que l'intention de Vostre Majesté
+soit entièrement suyvye; et, de tant que la Royne d'Angleterre
+s'est plaincte à moy des dommageables condicions,
+qu'elle dict estre apposées contre l'Angleterre, dans le
+dernier tretté d'entre le feu Roy, Françoys le Grand,
+vostre ayeul, et Jaques quatriesme, Roy d'Escoce, lequel
+je croy estre de l'an 1535<a name="FNanchor_19" id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">[19]</a>, je supplie très humblement
+Vostre Majesté de m'en fère envoyer une coppie affin d'y
+respondre; et me commander au reste, Sire, touchant ce
+dessus, si je doibz incister tout oultre, que la Royne
+d'Escoce se retire de la promesse, qu'elle a faicte, de
+bailler son filz, et qu'il vous playse d'en déclairer franchement
+vostre vollonté à Mr de Glasco, son ambassadeur.</p>
+
+<p>Au surplus, Sire, les différans des Pays Bas demeuroient
+acrochez en ce que, sur la diminution que le duc d'Alve a
+trouvé estre ez merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne,
+<span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span>
+pour en avoir une partie esté gastée et les aultres
+mal vendues par deçà, il vouloit que celles des Anglois
+fussent prinses en récompence, sellon qu'elles valloient en
+Angleterre, et non sellon qu'elles ont esté vendues en Flandres;
+en quoy il faisoit proffict d'envyron cent mil escuz;
+mais ceulx cy, ayant, à ce qu'ilz disent, plus d'esgard au
+déshonneur que à la perte, qui leur viendroit en cella,
+n'ont vollu passer ce poinct, ni accorder aulcune inégalle
+et plus advantaigeuse condicion aux Espaignolz et Flamans
+que à eulx; dont les lettres estoient desjà signées de ceste
+Royne pour mander à maistre Figuillem, son agent à présent
+en Flandres, qu'il s'en retournast tout incontinent, si
+le dict duc ne vouloit tenir compte du prix, à quoy les
+merchandises d'Angleterre ont esté vandues, ainsy quelle
+offroit de fère le semblable par deçà, de celles d'Espaigne,
+et d'estre preste d'administrer justice pour celles, qui ne
+se trouveraient en estre, contre ceulx qui en seroient
+coulpables, ce qui alloit fère une grande interruption en
+tout l'affère; mais, voulant le duc en toutes choses l'accommoder,
+il l'a si bien faict négocier icy, soubz main,
+par l'ambassadeur d'Espaigne, et par aultres personnes
+interposées, qu'il n'y a rien, à ceste heure, plus eschauffé
+entre ceulx de ce conseil que d'en vouloir bientost sortyr.
+Et, à cest effect, le S<sup>r</sup> Ridolfy, qui s'en estoit auparavant
+meslé, est appellé en court, et pareillement Cavalcanty
+et Espinola; et s'entend que le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque arrivera
+demain, ou après demain, de Flandres, qui aporte la
+résolue intention du dict duc; et est l'on après à trouver
+moyen que le dict ambassadeur d'Espaigne escripve, sur
+l'ocasion du passaige de la Royne d'Espaigne, et sur l'honneur
+et convoy que luy ont faict les navyres d'Angleterre,
+<span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span>
+et sur son arrivée à saulvement par dellà, une bien honneste
+lettre à la Royne d'Angleterre, affin qu'elle envoye
+aulcuns de son conseil pour en conférer davantaige avec
+luy; lesquelz auront charge de lui octroyer audience de
+la dicte Dame pour le jour, qu'il vouldra l'aller trouver.
+Et de tant, que le Roy d'Espaigne a mandé au dict duc de
+regaigner, par toutz les moyens qu'il pourra, l'amytié des
+Anglois; et qu'il ne veult, sur son partement, laysser
+ceste besoigne en détail, il la presse bien fort, estans venues
+nouvelles que le duc de Medina Celi est prest de s'embarquer
+à Laredo pour passer en Flandres, où il pourra
+arriver à la fin de ce moys, sur la mesmes armée qui a
+conduict par dellà la Royne d'Espaigne, et que la princesse
+de Portugal n'y vient poinct pour encores, mais ce
+sera le cardinal de Grandvelle, qui viendra assister au dict
+duc de Medina Celi. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;v<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CXLV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de novembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Olivier.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Retard apporté à la négociation du traité concernant la reine d'Écosse.&mdash;Mission
+de lord Seyton, dans les Pays-Bas, auprès du duc d'Albe.&mdash;Demandes
+faites au duc de la part de Marie Stuart.&mdash;Nouvelles des Pays-Bas
+et de la Moscovie.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, j'ay de nouveau faict entendre à la Royne d'Angleterre
+que les longueurs, qu'elle avoit uzé, et qu'elle continuoit
+d'user, ez affères de la Royne d'Escoce, vous
+avoient donné grande ocasion de parler ainsy ferme,
+<span class="pagenum"><a id="Page_372"> 372</a></span>
+comme vous aviez faict, à son ambassadeur, et d'essayer,
+à la fin, si pourrez accomplyr ce que franchement vous luy
+en avez dict; laquelle s'est excusée que le retardement
+n'est cy devant provenu, ny encores ne provient, de son
+costé, ains de celluy de la Royne d'Escoce et de ses depputez,
+qui ne sont encores arrivez, et qu'elle ne voyt pas
+comme l'on puysse bonnement procéder à fère le tretté
+sans eulx, et sans ceulx du contraire party; et n'y a heu
+nulle rayson, ny offre, qui l'ayt peu mouvoir de ceste opinion
+parce, à mon adviz, qu'elle a promiz à ceulx du dict
+contraire party de ne fère rien, qu'elle n'ayt premièrement
+pourveu à la seureté du jeune Prince d'Escoce et à
+celle d'ung chacun d'eulx. Et ainsy nous sommes attendans
+l'arrivée d'iceulx depputez, desquels je n'ay encores nulles
+bien certaines nouvelles, sinon que le comte de Lenoz a
+escript qu'il avoit ottroyé de bailler saufconduict à ceulx du
+bon party, et qu'il nommeroit les siens aussitost qu'il sçauroit
+qui sont les aultres, affin d'en envoyer de semblable
+qualité; et que cependant il dépeschoit l'abbé de Domfermelin,
+lequel, pour ceste occasion, est attandu, d'heure
+en heure, en ceste court.</p>
+
+<p>Je prends quelque argument, Sire, de l'intention de la
+dicte Dame, qu'elle a vollonté d'en sortyr, sur ce que
+Mr Norrys l'ayant fort instantment requise de luy donner
+son congé; et s'estant le secrétaire Cecille desjà miz à
+dresser la dépesche du S<sup>r</sup> de Valsingan pour luy aller succéder,
+elle a considéré que, s'il partoit sur ce poinct, Vostre
+Majesté pourroit concepvoir quelque mauvaise espérance
+des affères de la Royne d'Escoce, tant pour le changement
+d'ambassadeur, que pour le souspeçon que ce nouveau
+leur fût trop contraire; dont elle a mandé au S<sup>r</sup> Norrys
+<span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span>
+d'avoir patience jusques à ce que les dicts affères soient
+achevez. Bien m'a l'on dict qu'il a renvoyé en dilligence
+ung des siens, pour remonstrer à la dicte Dame que le dillay
+seroit par trop long; car dict qu'il n'espère veoir les
+affères de la dicte Royne d'Escoce jamais accommodez,
+tant que certaine occasion durera en France; laquelle,
+Sire, je n'ay pas encores bien sçeu quelle elle est, et
+semble aussi qu'il l'ayt mandée assés en général; car l'on
+m'a dict que plusieurs y font diverses interprétations. Cependant
+Mr de Sethon, qui est en Flandres, m'a escript
+que, si ung certain pacquet, que la Royne d'Escoce, sa
+Mestresse, m'avoit adressé pour luy, luy eust esté randu
+pour se pouvoir expédier du duc d'Alve, qu'il fût desjà
+devers Votre Majesté; et, à la vérité, Sire, le dict pacquet
+a esté, par mesgarde, aporté, dez le xxv&#305;&#567;<sup>e</sup> du passé,
+par mon secrétaire jusques à Paris; dont j'estime qu'il
+l'aura meintenant receu.</p>
+
+<p>Et voycy, Sire, ce que j'ay entendu de la négociation
+du dict de Sethon, qu'il a esté ouy à part, et puys en conseil,
+par le duc d'Alve, sur les trois poinctz, pour lesquelz
+il estoit envoyé principallement devers luy: le premier,
+pour avoir le secours, qu'il leur avoit souvant promiz, le
+quel le dict de Sethon offroit de conduyre en lieu seur, où
+il pourroit commodéement descendre, et où l'assistance des
+Escouçoys et des Anglois catholiques, et tout bon entretennement
+et bonne retrette ne luy deffauldroit dans le
+pays; le second, pour recepvoir dix mil escuz, que le dict
+duc avoit accordé à la Royne, sa Mestresse, pour la fourniture
+des chasteaulx de Lislebourg et Dombertran; et le
+troisiesme, pour le prier d'interdire de mesmes le commerce
+aulx Escouçoys en Flandres, que Vostre Majesté le
+<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span>
+leur a prohibé en France à ceulx, qui ne sont du party
+de la Royne, sa Mestresse. Sur quoy, le dernier jour du
+moys passé, Mr de Noerguerme a esté envoyé devers luy
+pour luy fère la responce que, touchant le secours, le duc
+y estoit très disposé, lequel avoit trouvé son offre et ses
+autres expédiantz fort convenables à l'entreprinse; mais
+l'importance d'envoyer une armée de mer en pays estrangé
+estoit si grande que l'exprès commandement du Roy, son
+Maistre, y estoit requis, auquel il en avoit desjà escript;
+et pourtant il falloit attandre sa responce, laquelle ne tarderoit
+guières; que touchant les dix mil escuz, de tant que
+l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, avoit escript au
+dict duc que la Royne d'Escoce luy dépeschoit ung homme
+exprès, avecques un pacquet, pour l'advertyr en quelle
+sorte elle entendoit qu'on ordonnast de la dicte somme, qui
+est, Sire, le susdict pacquet qui a esté apporté à Paris,
+qu'il prioyt le dict de Sethon d'avoir pacience jusques au
+quatriesme du présent, que le messagier pourroit estre arrivé,
+dedans lequel jour, l'on la luy feroit fornyr contante.
+Au regard du troisiesme, de tant que le commerce
+d'Angleterre estoit fermé, et si l'on restreignoit encores
+celluy d'Escoce, il en pourroit venir grand détriment aulx
+Pays Bas, le dict duc, premier que d'y rien ordonner, en
+avoit vollu escripre au Roy, son Maistre, duquel il feroit
+bientost entendre son intention, tant sur cestuy que sur le
+premier article au dict de Sethon. Et semble, Sire, que
+icelluy de Sethon ayt escript à sa Mestresse qu'on l'avoit
+faicte plus espérer du secours du dict duc qu'il n'a trouvé
+qu'elle en eust occasion, et que icelluy duc ne pense
+plus que à quicter les choses pour se retirer en Hespaigne.</p>
+
+<p>Maistre Jehan Amilthon a continué une négociation séparée
+<span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span>
+de celle du dict S<sup>r</sup> de Sethon avec le dict duc, dont
+monstrent n'y avoir bonne intelligence entre eulx. C'est
+luy qui a conduict les deux gentishommes espaignolz en
+Escoce pour visiter la descente, et les a faict parler au
+comte d'Honteley, et les a promenez et festiez en divers
+lieux dans le pays.</p>
+
+<p>Au surplus, Sire, l'on a appellé, despuys trois jours, les
+principaulx merchans de ceste ville à Hamptoncourt pour
+le faict de Roan et pour celluy des Pays Bas. J'entans,
+quant à celluy de Roan, qu'on me baillera la responce
+par escript sur ce que j'en ay remonstré à la Royne d'Angleterre;
+et, quant à l'aultre, que le comte de Lestre et
+le secrétaire Cecille, si aultre empeschement ne survient,
+en yront conférer avec l'ambassadeur d'Espaigne, lequel a
+desjà escripte la lettre à la dicte Dame, dont, par mes précédantes,
+je vous ay faict mencion; et presse l'on, de chacun
+costé, bien fort l'accommodement de ces différans. A
+quoy sert beaucoup le mauvais trettement qu'ont naguières
+receu les merchans anglois en Moscouvie, où ilz pensoient
+dresser quelque grand commerce; mais l'ambassadeur moscovite,
+qui naguières estoit par deçà, s'en estant retourné
+mal satisfaict de ce pays, a faict emprisonner tous les Anglois,
+qui se sont trouvez au sien, et a faict arrester leurs
+merchandises. Le susdict ambassadeur d'Espaigne s'est
+conjouy en ceste court des bonnes nouvelles qu'il a heu,
+que la guerre des Mores avoit du tout prins fin<a name="FNanchor_20" id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">[20]</a>. Quelcun,
+à ce que j'entans, luy a escript que le duc de Medina
+Celi diffère sa venue en Flandres jusques en janvier,
+et qu'il a la vollonté de passer en France. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;x<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CXLVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXV</span><sup>e</sup> jour de novembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée par Jehan Monyer jusques à Calais exprès.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Déclaration du roi à l'ambassadeur d'Angleterre concernant l'Écosse.&mdash;Irritation
+causée à la reine d'Angleterre par les menaces du roi.&mdash;Opinion
+de l'ambassadeur qu'Élisabeth est bien décidée à éviter la guerre.&mdash;Instance
+faite auprès d'elle pour l'engager dans l'alliance d'Espagne.&mdash;Succès
+des efforts de l'ambassadeur, qui parvient à empêcher l'exécution
+de ce projet.&mdash;Assurance de dévouement au roi donnée par Walsingham,
+désigné pour l'ambassade de France.&mdash;Remontrance faite par l'ambassadeur
+à la reine d'Angleterre des motifs qui doivent forcer le roi à secourir,
+même par les armes, la reine d'Écosse.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, entendant que Mr Norrys, par sa dernière dépesche,
+avoit rafreschy à la Royne, sa Mestresse, les mesmes
+propos, qu'il luy avoit auparavant escript, qu'il trouvoit en
+Vostre Majesté une ferme résolution de secourir la Royne
+d'Escoce, et que vous continuez d'user de parolles et démonstrations
+fort expresses en cella, j'ay miz peyne de
+sçavoir comme la dicte Dame le prenoit; dont aulcuns, qui
+desirent la modération des affères, m'ont mandé qu'elle se
+trouvoit toute scandalizée qu'allors que, pour vous complayre,
+elle avoit envoyé deux de ses principaulx conseillers
+devers la Royne d'Escoce, pour donner commancement à
+ung bon tretté, et qu'à vostre instance elle avoit envoyé retirer
+son armée de sur la frontière d'Escoce, c'estoit lors proprement
+qu'il luy sembloit que vous aviez délayssé la voye,
+que vous aviez toutjours tenue, de procéder en cest endroict
+par gracieuses prières et honnestes remonstrances, pour y
+aller meintennant par une aultre façon de la menacer, et de
+rudoyer son ambassadeur; et qu'encores ne se sentoit elle
+<span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span>
+si piquée de ce que vous en aviez dict de vous mesmes, qui
+aviez parlé en Roy, ainsy qu'il luy avenoit bien à elle de
+parler quelquefoys en Royne, comme de ce que vostre conseil
+avoit trouvé bon qu'il en fût escript une lettre bien expresse
+et bien considérée à son dict ambassadeur; et qu'elle
+se résolvoit de ne fère rien par menaces, et de monstrer à
+tout le monde que, si elle condescendoit à quelque accord
+en cest endroict, ce ne seroit que par le seul bénéfice de sa
+bonne vollonté envers vous, et de sa propre bonté envers
+la Royne d'Escoce, et que toutz aultres effortz et instances
+ne servyroient que d'empyrer et retarder davantaige la
+besoigne.</p>
+
+<p>D'aultres, qui cognoissent assés bien son intention, m'ont
+faict dire qu'encor qu'elle ayt parlé ainsy devant ceulx de
+son conseil, affin d'estre estimée princesse de cueur, comme,
+à la vérité, elle l'est, si a elle monstré, en d'aultres siens
+propos, à part, qu'elle vouloit évitter, en toutes sortes,
+d'avoir la guerre à Vostre Majesté; et que c'estoit par voz
+vertueuses responces et par voz démonstrations et appareilhz,
+qu'elle avoit passé si avant à tretter, et que, sans
+cella, il y en a assés qui l'eussent bien engardée d'y toucher,
+et la destourneroient encores d'y prendre jamais aulcune
+bonne résolution; par ainsy, qu'ilz estimoient que
+toute la ressource et restablissement de ceste pouvre princesse,
+et de son royaulme, concistoit en la seulle faveur et
+assistance, que Vostre Majesté luy feroit; dont semble
+qu'entre deux si contraires adviz le plus expédiant sera de
+suyvre une voye de millieu.</p>
+
+<p>Et, à ce propos, Sire, ayant une foys la dicte Dame
+faict dellibération d'envoyer ung des plus grandz d'auprès
+d'elle en France, ainsy qu'elle mesmes m'en avoit touché
+<span class="pagenum"><a id="Page_378"> 378</a></span>
+quelque mot, pour honnorer, à son pouvoir, les nopces de
+Vostre Majesté, et la venue de la Royne Très Chrestienne;
+et mesmes ayant pensé que ce seroit le comte de Lestre,
+comme plus agréable à Vostre Majesté, affin de fère en
+cella quelque démonstration, qui correspondît à celle de
+l'honnorable convoy, qu'elle a faict fère, avec grande magnifficence
+et grande despence, par dix grandz navyres de
+guerre, à la Royne d'Espaigne, j'ay sceu que quelques
+malicieulx luy sont venuz mettre en avant qu'il y avoit
+grand apparance que le dict comte ne seroit bien receu;
+et que Vous, Sire, aviez donné à cognoistre, en l'endroict
+de Mr Norrys, que ses aultres ambassadeurs seroient peu
+respectez, dont debvoit considérer combien elle demeureroit
+moquée et offancée, si, à ung tel et si grand des siens,
+comme le dict de Lestre, n'estoit faicte la faveur et bon
+recueilh et bon trettement qu'elle s'attandoit; s'esforceans
+d'imprimer à la dicte Dame, bien qu'au plus loing de leur
+affection, qu'elle debvoit, par toutz moyens, retourner à
+la bonne intelligence du Roy d'Espaigne; et qu'allors elle
+n'auroit à se craindre de la France, et pourroit, à son playsir,
+disposer de la Royne d'Escoce. Sur quoy, voyantz
+qu'elle ne rejettoit le propos, ilz ont essayé de l'induyre à
+donner audience a Mr l'ambassadeur d'Espaigne sur l'occasion
+d'une lettre, qu'il luy a escripte; et semble bien,
+Sire, que si, de mon costé, j'eusse aultrement usé envers
+elle que sellon qu'il vous avoit pleu me le commander,
+sçavoir, de la plus gracieuse et modeste façon qu'il me seroit
+possible, qu'elle s'y fût condescendue, et heust du
+tout résolu de n'envoyer point en France et d'interrompre
+possible les affères d'Escoce; mais elle s'est tenue ferme
+à ne vouloir encores rien céder aulx choses d'Espaigne; et
+<span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span>
+croy que si, du costé du duc d'Alve, ne vient quelque
+honneste satisfaction, que les différans auront plus empyré
+que amandé, d'y avoir faict cest essay, ayant la dicte Dame
+mandé à son depputé, qui est en Flandres, que, si le duc
+ne veult admettre la compensation des merchandises et
+prendre celles d'Angleterre au priz qu'elles ont esté vandues,
+qu'il s'en viegne, avec résolution qu'aussitost qu'il
+sera icy, l'on procèdera à la vante de celles d'Espaigne.
+Dont chacun estime que le dict duc plyera à ce poinct, et
+qu'il envoyera, pour cest effect, nouveaulx depputez par
+deçà; bien que l'entrecours et le commerce d'entre les
+deux pays n'est pour estre encores radressé.</p>
+
+<p>Cependant le propos de n'envoyer poinct en France, et
+d'interrompre le tretté de la Royne d'Escoce, n'a poinct
+heu lieu; et a remiz la dicte Dame d'y dellibérer, dont
+j'ay esté conseillé de fère là dessus une petite négociation
+par lettre avec Mr le comte de Lestre, affin de luy bailler
+argument d'en parler à sa Mestresse. Je ne sçay encores
+ce qui en réuscyra; tant y a que, ayant moy mesmes à
+parler, dans ung jour ou deux, à elle, sur l'occasion de la
+dépesche de Vostre Majesté, du v&#305;<sup>e</sup> du présent, qui m'est
+tout présentement arrivée, je mettray peyne de rabiller les
+choses, le plus que je pourray.</p>
+
+<p>Le S<sup>r</sup> de Valsingan est venu, ce dimenche passé, prendre
+son disner en mon logis, et m'a dict que Mr Norrys
+avoit tant faict qu'il avoit obtenu son congé, et que à luy
+estoit desjà résoluement commandé, par la Royne, sa
+Mestresse, de s'aprester pour luy aller bientost succéder;
+mais qu'elle n'avoit encores ordonné à l'ung le jour de son
+retour, ny à l'aultre celluy de son partement; et que, pour
+le peu d'establissement, qu'on disoit que la paix prenoit en
+<span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span>
+France, qu'il n'ozoit y admener encores sa femme; jusques
+à ce qu'il eust veu sur ce lieu, comme il en alloit. A
+quoy je luy ay si bien respondu, jouxte le contenu de
+ce qu'il vous avoit pleu m'en escripre, qu'il en est demeuré
+aultrement persuadé; et au reste, Sire, il jure et
+promect d'estre ambassadeur paysible près de Vostre Majesté;
+et de ne cercher aultre chose, en sa charge, que les
+moyens d'accroistre et augmenter davantaige l'amytié
+d'entre Vous et la Royne, sa Mestresse, et la bonne paix
+d'entre voz royaulmes et subjectz. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxv<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p>Madame, par la lettre, que j'escriptz présentement
+au Roy, Voz Majestez verront comme la Royne d'Angleterre
+se répute estre mal trettée et ung peu rudoyée
+de certains propos, qui ont esté dictz et escriptz à son
+ambassadeur, touchant les affères de la Royne d'Escoce;
+et n'a pas long temps qu'elle me dict qu'il sembloit que
+Voz Majestez Très Chrestiennes fussent constituées entre
+elles, comme alliez à toutes deux, mais tenans l'oreille,
+qui devoit estre ouverte de son costé, toutjour bouchée,
+et celle du costé de la Royne d'Escoce très prompte et
+toutjour fort ententive à toutes ses pleinctes; et que vous
+ne vous portiez en cella ainsy égallement, comme l'équité
+et la rayson le requéroient.</p>
+
+<p>A quoy je luy respondiz que, à la vérité, l'une et l'aultre
+vous debvoient compter pour leurs principaulx alliez et confédérez;
+et que, pour le regard d'elle, veu le bon estat
+de ses affères, Voz Majestez n'avoient à fère aultre office,
+<span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span>
+en son endroict, que de vous conjouyr de sa prospérité, et
+luy offrir ce qui pouvoit estre en vostre puyssance, pour
+meintenir et acroistre sa grandeur, comme, à toute occasion,
+vous seriez prest de le fère; mais, quant à la
+Royne d'Escoce, je craignois bien fort que ceulx, qui la
+voyoient ainsy captive et deschassée de son estat, comme
+elle est, ne vous estimassent beaucoup plus abstreinctz par
+les trettez de pourchasser chauldement sa liberté et restitution
+que vous ne le faisiez; et, quant elle vouldroit considérer
+ung peu de plus près cest affère, et la despence que
+vous aviez desjà commancée pour préparer, dez l'esté
+passé, ung secours, et l'avoir, pour l'amour d'elle, despuys
+révoqué, et d'en entretenir meintennant ung aultre, sans
+l'envoyer, pour attandre le tretté; tant s'en fault qu'elle
+se deubt tenir offancée de Voz Majestez, que, au contraire,
+elle réputeroit vous avoir de l'obligation de l'honneste et
+modeste façon, dont vous y aviez procédé; et dont vous
+luy déclariez encores tout franchement la contraincte nécessité,
+que vous aviez, d'entreprendre quelque aultre essay,
+comme vous le pourriez fère, au cas qu'elle vollût
+rejetter celluy de voz honnestes prières et gracieuses remonstrances.</p>
+
+<p>Ainsy la dicte Dame se modéra pour lors, et proposa
+d'envoyer le comte de Lestre devers Voz Majestez, pour
+fère la conjouyssance des nopces du Roy et de la venue de
+la Royne, vostre belle fille, et accommoder, par mesmes
+moyen, le faict de la Royne d'Escoce; mais quelcun, despuys,
+en a traversé le propos; dont j'en suys aulx termes,
+que je mande en la dicte lettre du Roy; et essayeray, Madame,
+à ceste prochaine audience, de rabiller le faict, et
+de moyenner, en quelque bonne sorte, si je puys, que le
+<span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span>
+dict voyage du comte de Lestre, ou au moins de quelque
+aultre milor, ne soit interrompu, si toutesfoys Vostre Majesté
+me faict entendre qu'elle l'ayt agréable. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xxv<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p>
+
+<h2 class="p4">CXLVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du dernier jour de novembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Joz, mon secrétaire.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Notification officielle des fiançailles du roi et des fêtes ordonnées
+pour célébrer le mariage.&mdash;Invitation faite à la reine d'Angleterre d'envoyer
+une ambassade extraordinaire au roi, et aux seigneurs anglais d'assister
+au tournoi qui est annoncé en France.&mdash;Vives sollicitations en faveur
+de la reine d'Écosse.&mdash;Gracieuses réponses d'Élisabeth sur la communication
+du mariage du roi.&mdash;Son emportement contre les déclarations qui
+lui sont faites au sujet de l'Écosse.&mdash;Sa ferme volonté de conclure le
+traité avec Marie Stuart sans l'intervention du roi.&mdash;<em>Mémoire général</em> sur
+les affaires d'Angleterre.&mdash;Détails secrets sur les projets des catholiques
+dans le pays de Lancastre; secours qu'ils demandent au roi; appui qu'ils
+espèrent du duc de Norfolk.&mdash;Hésitations d'Élisabeth sur le parti qu'elle
+doit prendre à l'égard de Marie Stuart; opinion émise dans le conseil qu'il
+faut la faire mourir; crainte de l'ambassadeur que l'on ait voulu l'empoisonner.&mdash;Négociations
+avec l'Espagne; persistance d'Élisabeth dans son
+refus d'accorder audience à l'ambassadeur d'Espagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, je me suys bien aperceu, ceste foys, qu'on s'estoit efforcé
+de randre la Royne d'Angleterre fort offancée contre
+Vostre Majesté, car je l'ay trouvée preste de me recommancer
+les mesmes querelles et plainctes, qu'elle m'avoit faicte,
+en la précédante audience; et, sans ce que Mr le comte de
+Lestre estoit, peu d'heures auparavant, arrivé de dehors,
+qui l'avoit entretenue sur une lettre, qu'il avoit naguières
+receue de moy, elle ne m'eust encores randu de si gracieuses
+<span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span>
+responces, comme enfin, après avoir longuement débattu
+ensemble je les ay raportées; et croy que ce a esté
+aussi parce que, d'entrée, je luy ay dict que Vostre Majesté
+me commandoit de luy compter comme voz fianceailles
+avoient esté fort honnorablement faictes à Spire, le
+dernier dimenche du mois passé; et que, incontinent après,
+la Princesse Elizabeth s'estoit acheminée, en bonne et
+grande compaignye, pour venir en France; et que, sellon
+le compte de ses journées, elle debvoit arriver à Mézières le
+xx<sup>e</sup> du présent, où Vostre Majesté l'alloit rencontrer pour
+y célébrer, au playsir de Dieu, voz nopces, le xx&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup>, et
+que bientost après, vous en retourneriez vers Paris, pour
+y fère vostre entrée; auquel lieu vous aviez remiz les triumphes
+des nopces, parce que Mézières estoit trop petite
+ville pour un tel appareil; et y aviez, à ceste occasion, faict
+cryer un tournoy général, qui seroit ouvert, à toutz venantz,
+le premier jour de l'an. Ce que vous me commandiez
+de luy notiffier et aulx seigneurs de sa court, affin que,
+s'il luy playsoit d'y en envoyer, ou permettre qu'ilz y allassent,
+que Vostre Majesté et Monsieur promettiez qu'ilz y seroient
+bien receuz, et leur donriez lieu, avec vous mesmes,
+de s'esprouver aux honnestes exercices d'armes, qui s'y feroient;
+et que, pour l'honneur d'elle, ilz y seroient respectez
+et favorisez; qu'il me souvenoit bien de ce qu'elle
+m'avoit dict, que l'Empereur, envoyant la Royne d'Espaigne
+à son mary, la luy avoit recommandée, dont elle l'avoit
+grandement honnorée, et faict fort honnorablement convoyer,
+avec magnifficence et despence, par dix de ses grandz
+navyres de guerre, passant en ceste mer; et que, si le dict
+seigneur avoit, d'avanture, oublyé de luy fère une pareille
+recommendation, par lettre, de son aultre fille, qu'il envoyoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span>
+à ung grand Roy, son mary, qui luy estoit allyé,
+qu'il ne layssoit pourtant de la luy recommander de tout
+son cueur, et qu'il s'atandoit bien qu'elle useroit de toutes
+démonstrations de bienveuillance envers elle; et, quant
+bien il luy auroit plus expressément recommandé celle qu'il
+envoyoit en la mayson d'Austriche, d'où il est, qu'il y avoit
+plusieurs aultres bonnes occasions, qui la doibvent convyer
+d'avoir en non moindre recommendation celle qui vient en
+la mayson de France, où je la pouvois asseurer qu'elle estoit
+aultant aymée, honnorée et respectée que en nulle
+aultre part de la Chrestienté; et pourtant je m'asseurois
+qu'elle n'oblyeroit de envoyer quelque honnorable ambassade
+en France, pour fère, tout ensemble, deux grandes
+conjouyssances: l'une, pour les nopces de Vostre Majesté,
+et l'aultre pour la venue de la Royne Très Chrestienne,
+sa bonne s&oelig;ur, et bonne voysine. Et luy ay bien vollu dire
+cella, Sire, parce que je sçavois qu'on luy avoit faict rompre
+sa dellibération d'y envoyer; puys j'ay adjouxté qu'elle
+debvoit prendre pour ung grand signe d'amytié, que vous
+luy feziez communication de chose si privée, comme vostre
+mariage, et que mesmes, il sembloit que vous augmentiez
+votre ayse du contantement que vous pensiez luy
+donner de celluy que Vostre Majesté recepvoit; que, outre
+cella, vous me commandiez de luy fère encores fort
+bonne part d'ung aultre bien grand contantement que vous
+aviez de voir vostre royaulme très paysible; et que vostre
+éedict s'y alloit establissant, ainsi que vous le pouviez souhayter,
+de quoy vous vous en conjoyssiez avec elle, comme
+avec celle qui proprement desiroit que ceste prospérité
+vous fût entière, et accomplye en vostre royaulme; et que
+vous luy en desiriez une toute semblable au sien, et luy offriez
+<span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span>
+tout ce qui estoit en vostre puyssance pour l'y meintenir;</p>
+
+<p>Que, pour la fin de vostre lettre, vous me commandiez
+luy fère entendre le singulier playsir, que ce vous avoit esté,
+de voir que voz honnestes prières et gracieuses remonstrances
+eussent eu tant de lieu que, pour l'amour de vous,
+elle heût envoyé ses depputez devers la Royne d'Escoce,
+pour donner commancement à ung bon traicté, et eust
+mandé retirer son armée de sur la frontière d'Escoce; de
+quoy ne vouliez faillyr de la remercyer; et la remerciés
+encores bien fort de vous avoir déclairé qu'elle seroit bien
+ayse de pouvoir honnorablement restituer la Royne d'Escoce
+par la voye du traicté; et que, quant cella n'adviendroit
+ainsy, qu'encores la renvoyeroit elle aulx seigneurs
+escouçoys qui tiennent son party; en quoy vous la supliez
+très affectueusement d'y vouloir persévérer, et de vous en
+fère bientost paroistre ceste sienne bonne intention par
+effect, affin de vous descharger de l'inportunité de ceulx
+qui vous abstraignoient, par vertu des traictez, de luy
+bailler secours; lesquelz se monstroient de tant plus ardantz
+à le pourchasser, que le comte de Lenoz poursuyvoit
+toutjour d'user de viollance contre eulx, au préjudice de
+la surcéance d'armes; et que vous desiriez, Sire, que les
+conditions du traicté réuscissent toutes bien fort seures et
+honnorables pour elle, et pareillement bien honnestes et
+esloignées de toute offance pour la Royne d'Escoce, et pour
+vous: ou bien, si c'estoit par l'aultre moyen qu'elle la
+vollust restituer, que vous y requériez sa sincérité et sa
+grandeur de cueur à le fère; en sorte que la liberté qu'elle
+luy donroit ne luy fût ung nouveau tourment et peyne.</p>
+
+<p>La dicte Dame, depposant ung peu de la sévérité, qu'elle
+<span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span>
+avoit usé à me recepvoir, m'a respondu que ces propos luy
+sembloient meilleurs qu'elle n'avoit espéré de les ouyr de
+Vostre Majesté, après une telle menace et rigoureuse démonstration,
+que vous aviez usée vers son ambassadeur,
+et préparée en Bretaigne; et qu'elle ne pouvoit fère que,
+pour ceulx de vostre mariage, elle ne vous en remercyât
+aultant, de vraye et bonne affection, comme il luy estoit
+possible de le fère, et que vous ne vous tromperiez jamais,
+si vous vouliez droictement croyre qu'elle estoit et seroit
+toutjours très ayse de voz prospéritez et contantemens,
+aultant et plus que nul de toutz les princes de vostre alliance;
+et, quoy qu'il y ayt, que vous luy feriez grand tort
+si ne demeuriez très fermement persuadé que vostre mariage
+luy est singulièrement agréable, et qu'elle prioyt Dieu
+d'y envoyer ses bénédictions, affin qu'il fust très heureux
+aulx espousez, et que la postérité en fust de mesmes très
+heureuse. Et s'est le propos poursuyvy à dire que Vostre Majesté
+se pouvoit promettre une bonne part de la vigne, qui
+est pour ceulx qui peuvent passer le premier an de leurs
+nopces sans se repentyr, et que ceste vigne estoit proprement
+pour les mariages si bien et si convenablement faictz
+comme le vostre.</p>
+
+<p>A quoy j'ay adjouxté que Vostre Majesté n'avoit garde
+de tumber en nulle sorte de repentailles, et que celle de la
+vigne s'entendoit que nul n'estoit maryé de si bonne heure,
+qu'il ne se repentît de ne l'avoir esté plustost, et que j'espérois
+voir ung matin qu'elle seroit touchée de ce repentir;
+ce que, en soubzriant, elle a advouhé, et que mesmes elle
+en estoit desjà bien fort attaincte; et a continué que, quant
+à la recommendation que l'Empereur luy avoit faicte de la
+Royne d'Espaigne, cella estoit advenu, parce qu'elle avoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span>
+envoyé devers elle en Flandres, et puys devers luy à Spyre,
+sur l'occasion du différant, qu'elle avoit avec le Roy d'Espagne,
+qui n'estoit procédé de luy, mais de ses ministres;
+et que, voyant que sa fille auroit à passer en ceste mer,
+il luy avoit escript de luy vouloir randre son passaige bien
+asseuré, qui aultrement, possible, ne l'eust guières esté; et
+qu'encores que la Royne Très Chrestienne ne vînt poinct en
+ceste mer, si ne lairroit elle de l'honnorer; et puysque je
+luy faisoys ceste notiffication de la remise des triomphes à
+Paris, qu'elle adviseroit d'envoyer quelcun de sa part pour
+fère la conjouyssance, mais quant à tournoyer, qu'il y avoit
+quelques ans qu'elle avoit entretenu sa court, comme en
+veufve, sans y fère tournoys; dont craignoit que les braz
+de ses gentishommes fussent devenuz si engourdiz qu'en
+lieu d'aller aquérir de l'honneur; ils y gaignassent de la
+honte pour eulx et pour leur nation; au regard de la paix
+de vostre royaulme, que Vostre Majesté ne s'en resjouyssoit
+pas plus droictement qu'elle, qui ne cédoit à nul, qui,
+plus qu'elle, la vous desirât stable et de durée; ce qui la
+faisoit de tant plus esbahyr pourquoy Vostre Majesté entreprenoit
+de la rudoyer, et mal traicter pour la Royne d'Escosse,
+et qu'elle n'eust jamais pensé que vous l'eussiez vollue
+accomparer de respect à elle, et ne tenir en trop meilleur
+compte son amytié que celle de la dicte Royne d'Escosse.</p>
+
+<p>Et s'est eslargie en tant de parolles aigres contre la
+dicte Royne d'Escosse, et sur vos dictes menaces, et sur
+les secours qu'elle entendoit s'aprester de rechef en Bretaigne,
+que je suys demeuré assés esbahy comme la dicte
+Dame estoit si changée despuys l'aultre foys, dont ne me
+suis peu tenir (luy gardant néantmoins toutjours tout le respect
+<span class="pagenum"><a id="Page_388"> 388</a></span>
+qu'il m'a esté possible), que ne luy aye fermement
+répliqué qu'elle se faisoit grand tort de prendre ainsy en
+mauvaise part les très honnestes et gracieuses remonstrances,
+que Vostre Majesté luy faisoit pour la Royne d'Escosse,
+et la franchise dont vous luy déclairiez comme vous
+estiez contrainct de la secourir; qui pourtant monstriez,
+par la patience dont vous y procédiez, que vous auriez
+grand regrect qu'il vous en fallust venir à tant. Et n'ay
+obmiz de luy respondre à toutz ses aultres argumentz, ung
+à ung, luy demandant enfin quelle aultre voye donques
+estimoit elle que Vostre Majesté pourroit tenir pour, tout
+ensemble, conserver son amytié, et s'acquicter de son debvoir
+envers la Royne d'Escosse.</p>
+
+<p>A quoy, après y avoir ung peu pensé, elle m'a respondu
+qu'elle vous prioyt, de toute son affection, de ne monstrer,
+par voz parolles et aprestz, que vous mesprisez son
+amytié, et de ne vouloir traitter que honnorablement avec
+elle et avec son ambassadeur, comme elle estoit preste
+d'user de mesmes envers vous; car aymoit mieulx venir à
+toutes aultres extrémités que de souffrir rien qui fût indigne
+de sa réputation, ny de celle de sa couronne. Et quant au
+reste, elle me vouloit bien dire qu'elle ne prétandoit que
+nul aultre prince s'entremît du traicté d'entre elle et la
+Royne d'Escosse, que elles deux, et que je ne debvois
+craindre qu'il s'y fît ligue contre Vostre Majesté, mais
+bien pour se deffandre entre elles, si quelcun les vouloit
+assaillyr; et qu'elle avoit mandé, pour le jour d'après,
+l'évesque de Roz, et puys, pour le lendemain, l'abbé de
+Donfermelin qui estoit desjà arrivé, affin de les ouyr, l'ung
+après l'aultre, et donner, puys après, le plus d'advancement
+qu'elle pourroit au dict traicté.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span>
+Et n'ay raporté, pour ceste foys, aultre chose de la
+dicte Dame sinon que noz propos se sont terminez gracieusement,
+et j'ay sceu despuys qu'ilz ont eu beaucoup
+d'effect à la modérer sur tout ce qui peult concerner vostre
+commune amytié et les affères de la dicte Royne
+d'Escosse. Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxx<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</span></p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">POUR FÈRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ,</span>
+oultre le contenu des lettres:</p>
+
+<p>Que d'aulcunes choses, dont la Royne d'Angleterre est en peyne,
+il y en a principallement trois, qui, à ceste heure, la travaillent:
+l'ellévation à quoy se sont monstrez promptz ceulx de Lenclastre, où
+elle n'ose toucher, de peur que le mal n'en deviegne plus grand et
+plus universel en son royaulme; la seconde est les affères de la Royne
+d'Escosse, lesquelz sont suportez du Roy, et soubstenuz avec tant
+d'affection par une partie de ses subjectz, et contradictz si opiniastrément
+par l'aultre, mesmement par les évesques et principaulx
+de la nouvelle religion, qu'elle ne sçayt quel expédiant y
+prendre; la troisiesme est les différans des Pays Bas, desquelz tant
+plus l'accord s'en prolonge, plus les prinses se dépérissent, et elle
+s'en tient comme responsable, et les commerces cessent, desquelz
+avoit accoustumé de tirer les meilleurs et plus clairs revenuz;</p>
+
+<p>Et, qui pis est, qu'il semble que ces trois causes se vont confortant
+l'une à l'aultre, et qu'elles sont pour devenir toutes à ung: à fère
+quelque grand effect dans ce royaulme, dont la dicte Dame assemble
+souvant ceulx de son conseil pour y remédier; et je ne sçay encores
+quelles résolutions ilz y mettent, parce qu'ilz les tiennent fort secrectes,
+mais voycy ce que j'ay aprins de particulier sur chacune des
+dictes occasions, d'où se pourra aucunement colliger à quoy elles
+auront à devenir.</p>
+
+<p>Un seigneur bien entendu ez affères de ce royaulme, qui naguières
+estoit en conversation avec d'aultres personnaiges de bonne qualité,
+en ceste ville, leur dict que la Royne, leur Mestresse, estoit à
+présent fort particullièrement informée de ce qui se passoit au quartier
+de Lenclastre; et que ung des principaulx autheurs de l'entreprinse
+en estoit venu descouvrir si véritablement tout ce qui en estoit,
+qu'il n'avoit espargné d'acuser son propre père, et avoit esté enfermé
+<span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span>
+quatre heures avec le secrétaire Cecille, pour luy notiffier les personnes,
+et luy expécifier les dellibérations, et luy ouvrir encores les
+moyens d'y remédier;</p>
+
+<p>Et que, sellon son rapport, sembloit que le comte Dherby, deux
+de ses enfans, et la pluspart de la noblesse du pays se fussent ouvertement
+soubstraictz de l'obéyssance de la dicte Dame, et eussent déclairé
+de ne vouloir plus respondre à sa justice, ny obéyr à chose qui se
+fit par son autorité, allégans que Dieu et leur conscience les pressoient
+de ne recognoistre pour leur Royne et Souveraine celle qui estoit
+déclairée illégitime et interdicte par l'esglize, jusques à ce qu'elle se
+fût mize hors de l'interdict; et que c'estoit sir Thomas Stanlay, second
+filz du dict Dherby, qui conduysoit principallement cest affère,
+lequel se promettoit d'avoir toutz les principaulx de ce royaulme de
+son parti, hormiz le comte de Betfort, le comte de Huntington et le
+duc de Norfolc, parce que ceulx là estaient l'un épicurien, l'aultre
+sacrementaire, et le tiers neutre; et que la dicte Dame estoit pour
+demeurer en grand peyne de cecy, si de Lenclastre mesmes l'on ne
+luy eust mandé qu'elle ne s'en donnât poinct de peur, car il restoit
+encores des gens de bien en si grand nombre dans le pays qu'ilz
+romproyent ayséement les entreprinses de ces papistes.</p>
+
+<p>J'ay entendu d'ailleurs que ung gentilhomme, que les dicts de
+Lenclastre avoient envoyé devers aulcuns seigneurs des quartiers de
+deçà, leur a dict qu'ilz se mettroient trente ou quarante mil hommes
+assés promptement ensemble, si eulx se vouloient déclairer ouvertement
+de leur party; et que iceulx seigneurs luy ont respondu qu'ilz
+ne pouvoient rien fère de eulx mesmes, si le duc de Norfolc n'estoit
+de la partie, lequel estoit encores dettenu, et ne monstroit qu'il eust
+vollonté de rien remuer.</p>
+
+<p>Laquelle responce semble que, sans en rien communiquer au dict
+duc, ilz l'ayent ainsy expressément faicte à icelluy gentilhomme pour
+ne se descouvrir à nul anglois, car ilz ne se fyent les ungs des aultres;
+et que néantmoins semble qu'ilz sont assez délibérez et résolus
+à l'entreprinse, pourveu qu'elle soit conduicte secrectement, et que
+le dict duc en veuille estre, et donner parolle qu'il advancera le
+droict de la Royne d'Escosse au tiltre de ce royaulme, et qu'il promettra
+que l'exercice de la religion catholique aura cours pour ceulx
+qui la vouldront avoir; car aultrement ilz aymeroient mieulx que la
+Royne d'Escosse print le party du plus estrangier du monde que le
+sien; mais, cella accordé, qu'ilz tiendront l'entreprinse pour
+bien, fort advancée, en ce que le Pape, et le Roy, et le Roy d'Espaigne
+<span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span>
+les veuillent secourir de six mil harquebouziers seulement, en
+six divers lieux, qui soient conduicts par gens, qui ne sachent en façon
+du monde où ilz vont.</p>
+
+<p>Aulcuns estiment que le duc de Norfolc n'accepteroit que très
+vollontiers les dictes deux conditions, mais il ne peult fère aulcun
+bon fondement sur ceulx qui se meslent de l'entreprinse, s'estant
+trouvé une foys trop déceu en celle de son mariage; et aussi, qu'estant
+encores resserré, il estime, possible, qu'il ne se pourroit assés bien
+prévaloir de ses propres moyens.</p>
+
+<p>Et d'ailleurs il se sent assés offancé d'aulcunes choses, que les
+principaulx de son intelligence ont exécuté contre luy, despuys sa
+détention, mesmement le viscomte de Montagu, lequel a faict tout
+ce qu'il a peu en faveur de millord Dacres, de qui il a espousé la
+s&oelig;ur, pour débouter la niepce, qui est maryée au filz ayné du duc,
+de toute la succession Dacres; et millord de Lomelay, qui a espousé la
+fille du comte d'Arondel, de laquelle il n'a poinct d'enfans, voyant
+que toute la succession de son beau père va au filz ayné du dict duc,
+qui est filz d'une aultre sienne fille, il l'induict de vendre, pièce à
+pièce, tout son estat et ses terres; dont n'y a bonne intelligence entre
+les principaulx, qui sont pour fère quelque effect. Par ainsy
+semble qu'il seroit mal à propos de rien remuer, et le dict duc, de
+sa part, fonde toute son espérance des affères de la Royne d'Escosse,
+au secours et démonstrations du Roy; duquel il dict qu'il veult
+dépendre, et qu'il espère qu'avec une bien médiocre assistance
+de luy, les choses d'Escosse viendront à estre bien remédiées, et ne
+trouve bon que la dicte Royne d'Escosse ny luy s'embroillent avec
+les dicts de Lenclastre, lesquelz néantmoins se promettent du dict
+duc et des aultres principaulx seigneurs du royaulme, et encores
+des estrangiers, tout secours, quant il en sera besoing; et, attandans
+cella, ilz ne remuent rien, ny ne sont pareillement recerchez.</p>
+
+<p>Au regard des affères de la Royne d'Escosse, les depputez, qui
+ont esté devers elle, ayant faict un très bon rapport des propos et
+démonstrations, dont elle leur a usé, tendans à une bonne paix et
+sincère amytié, sans fraulde, entre les deux Roynes et leurs royaulmes,
+ilz ont ayséement induict la dicte Royne d'Angleterre de
+vouloir venir en accord; laquelle a miz en considération ce que
+aulcuns aultres de son conseil luy ont remonstré, qu'elle avoit desjà
+beaucoup despendu pour les choses d'Escosse, sans avoir rien estably
+de ce qu'elle prétandoit, et que, quant ceulx du party de la
+dicte Royne d'Escosse ne viendroient estre qu'à moictié prez secouruz
+<span class="pagenum"><a id="Page_392"> 392</a></span>
+du Roy, de ce que le comte de Mora et celluy de Lenoz l'ont esté
+d'elle, que non seulement ilz déboutteroient leurs adversayres, mais
+pourroient procurer une dangereuse revenche contre l'Angleterre.</p>
+
+<p>Ce qui a faict que la dicte Dame s'est fort opposée à ceulx qui
+vouloient interrompre le tretté, lesquelz n'ont heu enfin aulcun plus
+fort argument que de luy remonstrer que, puysque le Roy s'affectionnoit
+si fort à le pourchasser, elle debvoit croyre qu'il y prétandoit
+quelque grand intérest, qui ne se descouvroit encores, lequel
+pourroit bien revenir au dommaige d'elle; et que, quant bien il n'y
+auroit, à présent, sinon ce, qu'il l'a menacée, et qu'il a rudoyé son
+ambassadeur, encores importoit il grandement à sa grandeur et réputation
+qu'elle ne fist rien pour ceste foys.</p>
+
+<p>Et a cella faict tant d'impression en l'opinion de la dicte Dame
+qu'elle s'est cuydée estranger de l'amityé du Roy, et se despartyr
+de tout bon propos d'avec la Royne d'Escosse. Néantmoins, en ma
+dernière audience, après avoir paysiblement escoutté tout ce que
+je luy ay vollu dire là dessus, conforme à l'intention du Roy, en
+la plus gracieuse façon et esloignée d'offance qu'il m'a esté possible,
+elle m'a enfin respondu ce qui est desduict en la lettre du
+Roy.</p>
+
+<p>Dont ceulx qui sont contraires au tretté, voyantz qu'elle inclinoit
+toutjour de passer oultre, ont advisé de l'abstraindre, par la conscience,
+de ne le vouloir aulcunement fère, que, premier, la Royne
+d'Escosse n'ayt expressément promiz et fort solennellement juré
+qu'elle n'innovera rien en la religion, quant elle sera de retour en
+Escosse, ny pareillement en ce royaulme, si, d'avanture, elle y vient à
+succéder; et nous a esté raporté qu'ilz avoient encores passé oultre
+à dellibérer sur la vie de ceste pouvre princesse; dont en estant venu
+un tel advertissement à l'évesque de Roz, et s'estant là dessus la
+dicte Dame trouvée bien mal, nous avons esté en grand peur d'elle,
+et avons miz peyne que d'icy luy a esté envoyé aulcuns bien bons
+remèdes en fort grande dilligence.</p>
+
+<p>Or, de ce qui se peult espérer de l'yssue de son faict, je l'ay assés
+desduict par toutes mes dépesches précédentes, et par celle de ceste
+datte, et que, nonobstant mes traverses, et empeschemens qu'on y
+faict, qu'il y a grande apparance que le tretté succédera avec le
+temps; et que l'abbé de Domfermelin, lequel, à ce qu'on dict, est
+venu devant, de la part du comte de Lenoz, pour l'interrompre, ne
+pourra sinon le retarder quelque peu de jours.</p>
+
+<p>Quant aulx différans des Pays Bas, ceulx qui ont senty que la dicte
+<span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span>
+Dame se tenoit offancée du costé de France, luy sont venuz mettre en
+avant qu'en toutes sortes elle debvoit retourner à l'intelligence du
+Roy d'Espaigne, et ne se soucyer de toutz les aultres accidans du
+monde. A quoy l'ayans trouvée en général fort bien disposée, ilz ont
+espéré de la pouvoir fère condescendre à ce particullier, de recepvoir
+une lettre de l'ambassadeur d'Espaigne, et de fère qu'elle luy randroit
+responce, ou luy accorderoit audience, ou bien envoyeroit quelques
+ungs du conseil pour tretter avecques luy; et, à la vérité, ilz ont
+trouvé moyen de luy fère bien recepvoir la dicte lettre, en laquelle le
+dict ambassadeur s'est seulement conjouy avec elle de ce que la Royne
+d'Espaigne, après avoir esté honnorablement convoyée par ses navyres,
+est arrivée à bon port le IIIJe du mois passé; et n'a touché aulcun
+autre poinct. Mais, quant il a esté question d'avoir la responce,
+et de passer plus avant avec le dict ambassadeur, elle a respondu
+qu'il suffizoit, pour ceste heure, qu'on dict à son secrétaire qu'elle
+avoit receu sa lettre, et avoit esté bien ayse, comme elle le sera toutjour,
+d'entendre toutes bonnes nouvelles de la Royne d'Espaigne, sa
+bonne s&oelig;ur.</p>
+
+<p>Sur quoy aulcuns se sont entremiz d'accommoder, et les aultres
+de traverser l'affère, qui enfin est demeurée en ce, que, si l'ambassadeur
+avoit quelque lettre de son Maistre pour la dicte Dame qu'il
+la luy envoyât, et elle adviseroit d'entrer en si bon tretté avecques
+son dict Maistre, qu'elle donroit à cognoistre de n'avoir heu jamais
+aultre desir que bien conserver son amytié; et que desjà elle luy
+avoit escript trois lettres, despuys ces différans, à nulle desquelles
+elle n'avoit esté respondue, et qu'il importoit beaucoup à sa réputation
+qu'elle ne parlât ny escripvît plus en ceste affère, jusques à ce
+qu'elle eust de ses nouvelles.</p>
+
+<p>Et n'a rien servi de remonstrer à la dicte Dame que le dict ambassadeur
+pouvoit avoir des lettres de son dict Maistre, lesquelles
+ne luy estait loysible de présenter que par luy mesmes; car a respondu
+que si son Maistre ne la pryoit, par une sienne bien expresse
+lettre, de luy redonner sa présence, qu'elle ne l'y admettra jamais;
+et qu'il feroit bien d'en envoyer ung aultre, car la souvenance des
+choses qu'il avoit escriptes d'elle, et de ce qu'il s'estoit meslé de l'eslévation
+du North et de la bulle, ne permettoient qu'elle le peult
+avoir jamais agréable.</p>
+
+<p>Et, sur ceste résolution, elle n'a plus vollu différer d'escripre à
+son depputé en Flandres, que, si le duc d'Alve ne vouloit admettre
+la compensation des merchandises, et prendre celles d'Angleterre
+<span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span>
+pour le priz qu'elles ont esté vandues par dellà, qu'il s'en vint; et
+que, aussitost qu'il seroit icy, il seroit procédé à la finalle vante de
+celles d'Espaigne, dont s'entend que le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque sera de
+rechef dépesché pour venir accorder ce poinct; et que le duc d'Alve
+ne s'y opiniastrera; et, quant au principal faict de l'entrecours, que
+le S<sup>r</sup> Ridolfy passera bientost devers icelluy duc, pour mettre en avant
+quelque bon expédiant.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">CXLVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">VII</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Guillaume Bernard.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Sollicitations pour ramener Élisabeth à de meilleurs sentimens envers la
+France.&mdash;Prière de l'ambassadeur au roi afin de l'engager à faire un plus
+favorable accueil à l'ambassadeur d'Angleterre.&mdash;Maladie subite de Marie
+Stuart.&mdash;Arrivée de quelques-uns des députés d'Écosse.&mdash;Affaires des
+Pays-Bas et d'Allemagne.&mdash;Prochain départ du cardinal de Chatillon.&mdash;Espoir
+de l'ambassadeur que Leicester, ou quelqu'un des grands d'Angleterre,
+sera envoyé en France à l'occasion du mariage du roi.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, après vous avoir dépesché mon secrétaire, le dernier
+de l'aultre mois, j'ay cerché de sçavoir en quelle disposition
+continuoit d'estre la Royne d'Angleterre vers Vostre
+Majesté et vers la Royne d'Escosse; et j'ay aprins,
+Sire, que luy ayant esté naguières parlé de l'ung et de l'autre,
+à heure bien propre, et en termes convenables pour
+luy oster l'impression de ces menaces et rigoureuses démonstrations,
+dont son ambassadeur s'est plainct qu'on luy
+avoit usé en France, elle a monstré d'avoir beaucoup de regrect
+que cella fût advenu pour interrompre les tesmoignages
+de la bonne affection, qu'elle se préparoit de manifester
+bientost au monde qu'elle avoit vers Vostre Majesté; et
+encores de celle que, pour l'amour de vous, elle vouloit
+<span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span>
+fère sentyr à la Royne d'Escosse; et qu'on sçavoit bien
+qu'elle avoit desjà proposé d'envoyer une ambassade en
+France, non moins honnorable que si elle y eust dépesché
+ung sien propre frère, pour fère la conjoyssance de voz
+nopces et de la venue de la Royne, et pour honnorer l'ung
+et l'aultre, ensemble la Royne, vostre mère, de quelques
+présens, et de vous gratiffier et vous accorder tout ce
+qu'elle eust peu pour la Royne d'Escosse.</p>
+
+<p>Sur quoy luy ayant, l'ung de ceulx qui estoient là présens,
+assés soubdain remonstré qu'elle ne debvoit laysser
+de le fère pour chose, que son ambassadeur luy eust escript,
+parce que moy, vostre ambassadeur par deçà, asseurois
+bien fort que Vostre Majesté n'avoit aulcune vollonté
+de l'offancer, et que mesmes elle pouvoit cognoistre qu'encores
+que vous travaillissiez de satisfère à ce que vous debviez
+à la Royne d'Escosse et aulx Escossoys, vous cerchiez
+néantmoins de n'avoir poinct de guerre à elle; car, d'ung
+costé, vous pourchassiez le tretté, et lui déclairiez, de l'aultre,
+qu'au cas qu'il ne succédât vous seriez contrainct d'envoyer
+vostre secours en Escosse; et s'est esforcé, par ce
+moyen, de ramener la dicte Dame à sa première bonne dellibération
+d'envoyer en France; de quoy elle ne s'est monstrée
+trop esloignée. Néantmoins, de tant que sa principalle entente
+est de fère veoir aulx siens que les princes estrangiers
+l'honnorent et la respectent, et que, là où ilz ne le vouldroient
+fère, qu'elle a le cueur bon pour ne leur rien céder,
+affin que cella luy serve pour se maintenir en plus d'authorité
+dans son royaulme, elle a enfin respondu que nul ne la
+debvoit conseiller de porter honneur à celluy qui luy vouloit
+oster le sien, ny de recercher d'amytié celluy qui mesprisoit
+la sienne, et qu'elle abaysseroit par trop la dignité
+<span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span>
+de la couronne d'Angleterre, si elle monstroit de fère quelque
+chose par menaces; dont attandroit de veoir comme
+ses démonstrations de bonne vollonté auroient à être bien
+receues en France, premier qu'elle advanturast de les envoyer
+offrir.</p>
+
+<p>Sur quoy j'ay esté advisé, Sire, par ung, qui est bien
+affectionné à vostre service, de vous debvoir escripre que,
+de tant qu'il ne vous peult estre imputé que à grande
+courtoysie de defférer quelque chose aulx dames, et que
+ceste cy n'a, au fondz de son cueur, que très bonne affection
+de persévérer en toute amytié et intelligence avec
+Vostre Majesté et avec la France; et qu'il est dangier
+qu'elle s'en retire, pour s'adjoindre ung aultre party qui
+la recerche infinyement, et où vous pourriez estre quelquefoys
+bien marry qu'elle y eust passé, lorsque, possible,
+vous vouldriez, avec très grand désir, l'avoir réservée du
+vostre; et que les affères d'Escosse ne succéderont que
+mieulx à vostre désir, et mesmes il vous viendra plusieurs
+aultres commoditez de ceste princesse et de son royaulme,
+si vous la regaignez; que Vostre Majesté fera bien de porter
+quelque faveur à son ambassadeur, et de luy tenir des
+propos honnestes, et plains d'amytié et de bienveuillance
+vers elle, luy faysant quelque part des nouvelles de vostre
+mariage; et que, estant les choses d'Escosse accommodées,
+ainsy que vous espériez qu'elles le seroient, par le tretté, et
+dont vous la priez que ce soit bientost, que vous pourrez,
+puys après, vivre en une très parfaicte intelligence et entière
+amytié avec elle; et que desjà le dict ambassadeur
+est adverty que s'il vous plaît, Sire, parler à luy en ceste
+sorte, que, pour deux motz que Vostre Majesté luy en
+dira, il y ayt à luy en escripre plusieurs de si bons à sa Mestresse,
+<span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span>
+qu'il luy face perdre la mémoire de ceulx qui luy
+ont faict mal au cueur; et que, si Vostre Majesté avoit
+agréable de m'en fère aussi toucher quelques unes en vostre
+première dépesche, qui fussent assés exprès pour les
+pouvoir monstrer à la dicte Dame, qu'elle en demeureroit
+très grandement satisfaicte, et toutes choses en yroient
+mieulx. Dont de tant, Sire, que ce conseil ne peult estre
+que décent à Vostre Majesté, et que ceulx, qui portent
+icy les affères de la Royne d'Escosse, m'ont prié de le vous
+fère trouver bon, je n'ay vollu faillyr de le vous escripre
+tout incontinent, et adjouxter, Sire, qu'il me semble qu'il
+ne pourra estre que honneste et utille à vostre service d'en
+user ainsy.</p>
+
+<p>Cependant il est advenu que la Royne d'Escosse est
+tumbée fort mallade, et qu'ayant changé d'air et de logis,
+à Chiffil, pour cuyder s'y trouver mieulx, son mal est augmenté,
+de sorte qu'elle a mandé à l'évesque de Roz de
+l'aller trouver en dilligence, et de luy admener ung homme
+d'esglize pour l'administrer; lequel est party ce matin pour
+luy aller luy mesme fère ce sainct office, par faulte d'aultre,
+et a mené deux bons mèdecins, que la Royne d'Angleterre
+luy a baillez, laquelle a escript une bonne lettre
+à la dicte Dame, qui la consolera grandement; car aussi
+nous a elle mandé que son plus grand mal est d'ennuy de
+ses affères, et que nous ne demeurions en souspeçon de
+l'adviz que nous luy avions mandé, parce qu'elle a fort bien
+prins toutjour garde à son vivre. Nous estimons que c'est
+son accoustumé mal de costé, et que bientost nous aurons
+meilleures nouvelles d'elle; lesquelles, Sire, je vous feray
+incontinent tenir.</p>
+
+<p>L'abbé de Domfermelin a faict plusieurs vifves remonstrances
+<span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span>
+à la Royne d'Angleterre pour rompre le traicté,
+desquelles elle a esté assés esmeue; mais enfin elle l'a
+renvoyé pour aller quérir les aultres depputez du party du
+régent, avec dellibération de passer oultre, monstrant
+toutesfoys n'estre contante que les depputez, qui viennent
+pour le party de la Royne d'Escosse, ne sont personnaiges
+plus principaulx qu'ilz ne sont: car a entendu que c'est
+seulement l'évesque de Galoa et milord Leviston; mais
+l'on luy a donné espérance que le comte d'Arguil pourra
+venir, ce qui fera encores quelque longueur en cest affère;
+mais j'y donray toutjour le plus de presse qu'il me sera
+possible.</p>
+
+<p>L'on s'esbahyt qu'il y a plus d'ung mois que nul courrier
+n'est venu de Flandres, mais l'on ne le prend que
+pour bon signe, de tant qu'ayant esté escript au depputé,
+qui est en Envers, d'aller incontinent trouver le duc d'Alve
+à Bruxelles, pour luy proposer la dernière offre; et que,
+s'il y faict nulle difficulté, qu'il s'en retourne tout incontinent,
+l'on estime que le dict duc l'a acceptée, et que l'on
+est meintennant après à conclurre les chappitres de l'accord.
+J'entendz que le jeune Coban a esté licencié de
+l'Empereur, dez le v&#305;&#305;&#305;<sup>e</sup> du passé, pour s'en retourner devers
+sa Mestresse; il est encores en chemin, mais ung personnaige
+d'assés bonne qualité, allemant, est arrivé despuys
+deux jours, qui se dict ambassadeur du duc Auguste
+de Saxe, duquel je n'ay encores rien aprins de sa légation;
+je travailleray d'en entendre quelque chose. Monsieur le
+cardinal de Chastillon partit hyer de ceste ville pour aller
+à Canturbery, pour estre plus près du passaige, dellibérant
+d'attandre là des nouvelles de son homme, qu'il a envoyé
+en France. Il m'est, de rechef, venu visiter, avec plusieurs
+<span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span>
+bonnes parolles de sa dévotion et fidellité vers vostre service,
+et qu'il n'a nul plus grand desir au monde que de
+vous en fère, et qu'il espère bientost vous aller bayser les
+mains pour plus expressément le vous tesmoigner. Sur
+ce, etc. <span class="i2">Ce v&#305;&#305;<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p>
+
+<p class="blockquote">Je pense avoir desjà tant rabattu de courroux de la Royne d'Angleterre
+que, si elle n'envoye le comte de Lestre en France, que au
+moins y dépeschera elle ung aultre milord de bonne qualité.</p>
+
+<h2 class="p4">CXLIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par Antoine Jaquet, chevaulcheur.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Maladie de Marie Stuart.&mdash;État de la négociation qui la concerne.&mdash;Incertitude
+sur la négociation des Pays-Bas.&mdash;Nouvelles d'Allemagne.&mdash;Réclamations
+relatives aux plaintes des négocians de Rouen et de la Bretagne.&mdash;Résolution
+de la reine d'Angleterre d'envoyer un ambassadeur en France,
+à l'occasion du mariage du roi.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, il n'est venu aulcunes nouvelles de la Royne d'Escosse
+despuys mes aultres lettres, de devant celles icy,
+lesquelles sont du septième de ce mois, qui est signe, Sire,
+qu'elle se trouve mieulx, ou au moins qu'elle ne va en empyrant;
+car son mal est assés tost publié en ce royaulme.
+J'espère que, par mes premières, je vous pourray mander
+quelque chose de particullier de sa convalescence, sellon
+que les bons mèdecins, qu'on lui a admené d'icy, et les
+bons remèdes qu'on luy a envoyez, luy auront, avec l'ayde
+de Dieu, peu servir. Cependant l'abbé de Domfermelin a
+fort négocié en ceste court, pour interrompre le tretté,
+mais il ne l'a peu fère; dont, voyant que la Royne d'Angleterre
+<span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span>
+incistoit toutjour que les depputez de son party
+vinssent, il s'est résolu de les attandre icy, et a dépesché
+ser Guilhaume Stuart en poste pour les aller quéryr, et
+pour apporter une dépesche et responce de la dicte Dame
+au comte de Lenos. Il estime que les comtes de Morthon
+et de Glames viendront. L'on a opinion que les depputez
+de l'aultre party sont desjà à Cheffil avec la Royne d'Escosse,
+leur Mestresse, et que l'évesque de Roz, qui l'est
+allée trouver, les admènera bientost par deçà. Je vays,
+en son absence, entretenant, la plus vifve que je puys,
+la pratique du dict tretté et, par toutes les sondes que je y
+fays, je trouve que la résolution demeure ferme de passer
+oultre; non que pour cella, Sire, il ne s'y voye beaucoup
+de difficultez, semblables à celles du passé, et mesmes
+que le comte de Sussex, à son arrivée, y en a semé plusieurs
+de celles qui tesmoignent le regrect, qu'il a, d'estre
+depposé de sa charge, et de ce que son armée luy a esté
+cassée, magniffiant ces derniers exploictz d'Escosse, et
+monstrant combien il seroit facille, et hors de dangier,
+d'y en exécuter de plus grandz, veu les ordinaires empeschemens,
+que Vostre Majesté et les princes de dellà la
+mer ont en leurs affères. Néantmoins l'on pourra juger
+plus à clair du succez de cest affère, quant toutz les depputez
+seront achevez d'arriver, ce que je n'espère devant
+le huictiesme de janvier.</p>
+
+<p>Il est, coup sur coup, arrivé trois courriers de Flandres,
+qui sont allez descendre au logis du secrétaire Cecille
+en ceste ville, où il est encores mallade; qui les a
+examinez à part, et les a assés tost expédiez vers la Royne
+sa Mestresse, sans permettre qu'ilz ayent rien publié de
+leur dépesche. Tant y a que j'ay ung adviz d'assez bon
+<span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span>
+lieu, que le duc d'Alve, en baillant sa responce au depputté
+de la dicte Dame, ne luy a accepté son offre, ny
+aussy ne la luy a reffuzée; mais il luy a miz en avant d'aultres
+gracieulx expédientz, par lesquelz il faict espérer à
+ceste princesse, et aulx siens, que non seulement le faict
+de ces prinses, mais aussi celluy du commerce et de l'entrecours,
+et pareillement toutz aultres différans, d'entre le
+Roy Catholique et elle, et d'entre leurs pays et subjectz,
+se pourront facillement accommoder, avant la fin de febvrier,
+ou au moins, dans tout le mois de mars. Je ne sçay
+si elle s'y endormyra, mais ceulx de son conseil monstrent
+qu'il y a une extrême nécessité de trafiquer en ce royaulme,
+et pressent bien fort l'ambassadeur d'Espaigne de leur ottroyer
+des passeportz, pour envoyer des navyres et merchandises
+en Biscaye et Andelouzie.</p>
+
+<p>Le jeune Coban est arrivé, despuys trois jours, en ceste
+court, lequel n'a passé en ceste ville; dont n'ay encores
+rien aprins de certain de ce qu'il a raporté de sa légation.
+Il est vray que quelques lettres sont venues d'Allemaigne,
+par lesquelles l'on escript que l'Empereur luy a notiffié le
+mariage de l'archiduc Charles, son frère, avec la fille de
+Bavière, et que cella, avec quelques bonnes parolles d'amytié,
+ont esté toute la substance de la responce qu'il luy
+a faicte.</p>
+
+<p>Il a esté procédé si gracieusement ez choses de Lenclastre,
+que les sires Thomas et Edouart Stanlays et le sire
+Thomas Gerard, soubz parolles de seureté, se sont enfin
+venuz représanter en ceste court, où le comte de Lestre
+et le secrétaire Cecille leur ont, d'entrée, monstré grand
+faveur. Je ne sçay quelle sera l'yssue de leur faict. Le dict
+secrétaire Cecille m'a envoyé, par le S<sup>r</sup> de Quillegray,
+<span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span>
+son beau frère, la responce, que les maire et eschevins
+de Londres font aulx remonstrances de voz subjectz de
+Roan, et m'a mandé que, si les dicts de Roan ne s'en
+contentent, qu'ilz les apostillent, ou bien qu'ilz depputent
+deux d'entre eulx pour en conférer avec deux aultres de
+Londres, affin de s'en accommoder ensemble. Car sa Mestresse;
+desire que, pour l'honneur de Vostre Majesté, ilz
+soyent contantés, et le commerce continué. Et m'a dict
+aussi le dict Cecille que, pour remédier aulx désordres
+d'entre la Bretaigne et l'Angleterre, il vous playse, Sire,
+ordonner à Mr de Montpensier de fère une recerche des
+prinses et déprédations faictes aux Anglois par dellà, et y
+depputer des commissaires pour en juger sommairement;
+et sa dicte Mestresse pourvoyra de fère le semblable par
+deçà, pour la restitution des biens des Bretons, et qu'aultrement
+le commerce d'entre les deux pays va estre de
+tout interrompu.</p>
+
+<p>Monsieur le comte de Lecestre m'a envoyé dire, ce
+matin, par ung de ses gentishommes, qu'il a continué
+vers la Royne, sa Mestresse, la négociation que j'avois
+commancée avec luy, suyvant laquelle ayant priz en bonne
+part noz remonstrances, elle s'est résolue de persévérer en
+tous debvoirs de bonne amytié vers Vostre Majesté, et
+qu'elle envoyera une bien honnorable ambassade en France,
+pour fère la conjouyssance de voz nopces et de la venue
+de la Royne. J'entendz que ce sera milord Boucart, parant
+en mesme degré de la dicte dame qu'est milord d'Ousdon.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce x&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CL<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Nouvelles de la santé de Marie Stuart.&mdash;Préparatifs de départ de lord
+Buchard et des seigneurs de sa suite pour assister aux fêtes du mariage
+du roi.&mdash;Négociation des Pays-Bas.&mdash;Nouvelles d'Allemagne.&mdash;Affaires
+d'Irlande.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, suyvant ce que, en mes précédantes du x&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce
+moys, j'avois espéré de vous pouvoir, par celles de ceste
+heure, mander de bonnes nouvelles de la Royne d'Escoce,
+il est advenu que Mr l'évesque de Roz m'a escript, du x&#567;<sup>e</sup> de
+ce moys, tout l'estat auquel il l'a trouvée, quant il est arrivé
+vers elle; qui est chose pitoyable à ouyr, mesmes que,
+oultre la complication de beaucoup de malladies, qui la
+pressent, elle est affligée d'ung extrême ennuy de ses affères,
+et d'un crèvecueur trop grand, qu'elle a d'aulcunes
+mauvaises parolles qu'on a aprins au Prince d'Escoce, son
+filz, de proférer d'elle. Néantmoins, par la bonne dilligence
+et les bons remèdes, qu'on luy a usé, les médecins jugent
+qu'elle est à présent hors de dangier; ce que je vous confirmeray,
+Sire, par mes subséquentes, sellon la certitude
+qui m'en viendra chacun jour. Les depputez de son party
+ne sont encores arrivez, et estime l'on qu'on a changé l'ellection,
+et que le comte d'Athil, ou celluy d'Arguil, avec
+milord Herys, seront envoyés. Leur longueur aporte beaucoup
+de retardement à leurs propres affères, et à ceulx de
+leur Mestresse.</p>
+
+<p>Cependand milord Boucard se met au plus honneste
+équipage qu'il peult, pour aller trouver Vostre Majesté,
+<span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span>
+et a commandé la Royne, sa Mestresse, au comte de
+Rotheland, et encores à vingt chevaliers ou gentishommes
+de sa court, de l'acompaigner, monstrant qu'elle veult honnorer,
+à son pouvoir, ce tant illustre mariage des deux
+personnes, qui sont les plus royalles et de la plus haute extraction
+de la Chrestienté, et d'honnorer encores particullièrement
+la venue de la Royne, comme d'une princesse,
+que, oultre les communes occasions de leur mutuelle bienveuillance,
+elle veult, pour l'honneur de l'Empereur, son
+père, contracter une fort estroicte et bien fort espécialle
+amytié avec elle. Et s'attand bien aussi la dicte Dame que
+Voz trois Majestez Très Chrestiennes et Messeigneurs voz
+frères, et Mesdames voz s&oelig;urs, et pareillement toute la
+France, luy gratiffierez ceste sienne bienveuillance et
+grande démonstration; laquelle je vous puys asseurer, Sire,
+qu'on me la tesmoigne icy pour une fort grande expression du
+desir, qu'elle a, de persévérer en toute bonne amytié avec
+Vostre Majesté, et d'accommoder encores, pour l'honneur
+de vous, les affères de la Royne d'Escoce; ce que je
+remets bien à le voir par les effectz. Tant y a que je vous suplie
+très humblement, Sire, de commander que les choses,
+qui conviennent à bien et favorablement recepvoir une si
+notable ambassade, soient ordonnées de bonne heure.</p>
+
+<p>Au regard des différans de Flandres, j'entendz que le
+duc d'Alve a faict remonstrer, soubz main, au depputé de
+la Royne d'Angleterre qu'il ne pouvoit, en façon du
+monde, accepter son offre de prandre les merchandises
+d'Angleterre au pris qu'elles avoient esté vandues; car il
+y feroit, par trop, le dommaige de son Maistre, mais qu'il
+s'esforceroit bien de luy fère trouver bon que ce fût sellon
+qu'elles avoient vallu en Envers, ung mois auparavant les
+<span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span>
+saysies, parce que l'empeschement, survenu despuys, sur
+le commun commerce des deux pays, les avoit faictes venir
+beaucoup plus chères; et que c'estoit ung expédiant,
+qui luy sembloit fort raysonnable, et par lequel il espéroit
+qu'on viendroit facillement au moyen d'accommoder les
+aultres affères du commerce, et de l'entrecours, et de toutz
+les différans qu'ilz pouvoient avoir ensemble; auquel expédiant,
+Sire, semble que ceulx cy condescendront, mais,
+de tant que le dict duc n'en a encores rien escript à l'ambassadeur,
+qui est icy, l'on estime que ce n'est matière bien
+preste.</p>
+
+<p>Il ne se publie encores rien de la responce, que le jeune
+Coban a raportée de l'Empereur; pourra estre qu'avant
+mes premières j'en auray aprins quelque chose pour le vous
+mander, mais, quant à l'allemant, qui estoit arrivé ung peu
+devant luy, c'est ung capitaine qui s'appelle sire Mans Olsamer,
+d'Auxbourg, qui desire estre receu au service et à
+la pencion de la Royne d'Angleterre; et, pour tesmoignage
+de sa valleur, il a aporté des lettres de recommendation
+du duc Auguste, et quelque présent de coffres d'Allemaigne
+à la dicte Dame, et six belles pères de pistollés
+au comte de Lestre. L'on estime que luy et ung aultre ambassadeur,
+que le comte Pallatin et le comte de Mansfelt
+en mesmes temps envoyé icy, par prétexte de
+quelque reste de payement de reistres, poursuyvent ce que
+leurs aultres ambassadeurs, l'esté passé, avoient miz en
+avant d'une ligue avec ceste princesse, dont je mettray
+peyne d'en entendre ce qui en est.</p>
+
+<p>L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict qu'on avoit icy adviz
+d'Irlande comme les sauvaiges ont surprins ung chasteau
+sur ung port de mer, appartenant au comte d'Esmont, prisonnier
+<span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span>
+en la Tour de Londres, lequel la Royne d'Angleterre
+avoit commis en garde à quelque aultre gentilhomme
+du pays, et que les dicts sauvaiges y ont miz une garnyzon
+de Bretons, de quoy l'on ne m'a encores parlé, et je n'en
+ay poinct d'adviz d'ailleurs; ayant au reste, Sire, bien dilligement
+considéré ce que Vostre Majesté m'a escript, du
+premier de ce moys, touchant le dict pays, qui est une
+chose qui se raporte assés bien à ce que je vous en manday,
+dez le x&#567;<sup>e</sup> de juing dernier; et me semble, Sire, que ceulx
+cy ont meintennant fort oublyé la plus grand souspeçon qu'ilz
+eussent en cest endroict, car ilz n'ont nul appareil sur mer;
+et si, estiment que l'Espaigne n'est encores bien délivrée
+des Mores, et que le Roy Catholique a receu honte et perte
+en l'entreprinse du Levant, n'ayant son armée de rien
+servy au secours de Nicocye<a name="FNanchor_21" id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">[21]</a>, ny rien exploicté de bien, en
+tout le voyage, que la perte de quatre ou cinq mil soldatz,
+et s'est retirée, sans bonne intelligence, d'avec celles des
+aultres allyez. Possible qu'ilz s'endorment ez belles parolles
+du duc d'Alve. J'essayeray de voir, ung peu de près, où
+en sont, à présent, les choses, affin de vous en escripre
+plus à certain par mes premières; mais il est requis, Sire,
+qu'on y ayt principallement l'&oelig;il ouvert du costé d'Espaigne
+et de Flandres; car c'est là, où desjà sont passez
+ceulx qui ont à conduyre l'entreprinse, si aulcune s'en faict.
+Sur ce etc. <span class="i2">Ce xv&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_407"> 407</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CLI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXIII</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais, par Jehan Monyer.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Retour de sir Henri Coban de sa mission en Allemagne.&mdash;Rapport qu'il fait
+à la reine de ce qui s'est passé aux fiançailles du roi à Spire.&mdash;Conférence
+de l'ambassadeur et de lord Buchard.&mdash;Instructions qui ont été données
+à lord Buchard par la reine d'Angleterre.&mdash;Espoir de l'ambassadeur
+de ramener Élisabeth à une entière confiance dans le roi.&mdash;Convalescence
+de Marie Stuart.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, j'ay fort dilligemment cerché de sçavoir si ceulx
+cy avoient nul sentyment de l'aprest, que Vostre Majesté
+m'a mandé par sa lettre du premier de ce mois, mais je
+trouve qu'ilz ne se deffient à ceste heure, peu ny prou, de
+cest endroict, estans en termes de bien accorder leurs différans
+avec le duc d'Alve; et ayant la Royne d'Angleterre
+receu, par le retour du jeune Coban, qui a repassé par
+Flandres, une lettre du Roy Catholique et une aultre du
+dict duc, desquelles, à la vérité, je ne sçay encores la teneur;
+tant y a que le dict duc luy faict espérer beaucoup de
+l'amytié de son Maistre, et luy promect plusieurs bons offices
+de sa part; sur quoy elle et les siens sont à présent
+endormys. Il est vray qu'ayant la responce, que icelluy duc
+a faicte au depputé d'icy, (laquelle, du commancement,
+avoit semblé fort raysonnable), esté baillée à examiner aulx
+gens de lettre de ceste ville, ilz l'ont en quelque part
+trouvé captieuse, de sorte qu'on estime qu'il y aura encores
+bien à débattre. Le dict jeune Coban a faict ung
+honnorable rapport des fianceailles de Vostre Majesté, lesquelles
+il a veues cellébrer à Spire, et de la bonne grâce,
+<span class="pagenum"><a id="Page_408"> 408</a></span>
+vertu et débonaireté de la Royne, des vertueulx déportemens
+de Mr le comte de Retz aus dites fianceailles, avec
+honneur et dignité, et pareillement de monsieur le comte
+de Fiesque, et de toutz les Françoys, qui estoient en leur
+compaignie; et s'est loué des honnorables propos, que le
+dict S<sup>r</sup> comte de Retz luy a tenuz de la Royne d'Angleterre,
+sa Mestresse, et de la faveur qu'il luy a faicte particulièrement
+à luy; mais quant aulx aultres contantemens,
+qu'il a raporté de la cour de l'Empereur, j'entendz que sa
+dicte Mestresse ne les a aulcunement goustez, ains qu'elle
+demeure offancée des responces, que l'Empereur luy a
+faictes; lesquelles j'espère que, par mes premières, je les
+vous pourray mander.</p>
+
+<p>Lundy dernier, Mr de Valsingan me fit ung somptueulx
+festin, auquel il appella milord de Boucart, le comte de
+Rotheland, et une trouppe des plus habilles hommes de
+bonne qualité de ceste ville, qui me vinrent quérir fort
+honnorablement en mon logis; il me dict qu'il estoit du
+tout dépesché pour aller succéder à Mr Norrys, et qu'il me
+donnoit parolle, en homme de bien, de se comporter en
+telle sorte, en sa légation, que Vostre Majesté en auroit
+tout contentement; et me fit toute ceste compaignie une
+fort honneste démonstration de bienveuillance envers la
+France. Le dict S<sup>r</sup> de Boucard me dict, à part, que sa
+Mestresse luy avoit commancé de bailler son instruction,
+et que, sans les choses que son ambassadeur luy avoit escriptes,
+elle eust faict fère le voyage par le comte de Lestre,
+lequel, à présent, ne pouvoit plus estre ainsy bien prest
+comme elle le desireroit; bien que je luy eusse, à ce qu'elle
+disoit, desjà interprété en si bonne sorte ce que Vostre
+Majesté avoit faict et dict, en l'endroict de son ambassadeur,
+<span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span>
+qu'elle en demeuroit fort satisfaicte, mais qu'elle vouloit
+que le dict de Boucart accomplyst si honnorablement
+ceste légation au lieu du dict de Lestre, que Voz Majestez
+Très Chrestiennes, et toute la France, en puissiez recepvoir
+le contantement, qu'elle desireroit; et luy avoit
+parlé en une façon qu'elle monstroit ne vous porter moins
+bonne affection, que si elle vous estoit propre s&oelig;ur germayne,
+et qu'elle fût vrayement fille de la Royne, vostre
+mère; et qu'il y en avoit, qui luy conseilloient de composer
+aultrement son langaige, quant il seroit en France, mais
+qu'il n'avoit garde, et qu'il vous représenteroit droictement
+les propos de sa Mestresse. Il est, à la vérité, ung bien
+modeste gentilhomme, et aussi bien intentionné que j'en
+cognoisse poinct en ceste court, il eust desiré que le terme
+de vostre entrée à Paris n'eust pas esté si court, affin d'avoir
+plus de loysir de se préparer; et luy ay donné quelque
+espérance qu'elle pourra estre prolongée jusques au v&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> ou
+x<sup>e</sup> de janvier.</p>
+
+<p>Je vays demain trouver la Royne, sa Mestresse, et espère,
+puysqu'elle a commancé de bien prandre mes raysons,
+que je la ramèneray aulx premiers termes de la bonne
+amytié, que Vostre Majesté desire continuer avec elle, sellon
+le bon argument que je luy en feray voir par vos lettres
+du xx&#305;&#567;<sup>e</sup> du passé; et ne larray de luy toucher des affères
+de la Royne d'Escoce, encores qu'ilz luy soyent toutjours
+fort espineux; et la remercyerai de la consolation, qu'elle
+luy a donnée par ses lettres, en ceste grande malladye
+où elle a esté, de laquelle l'on pense icy qu'elle ne soit encores
+bien hors de dangier; mais, tout présentement, ung
+sien serviteur, qui est son fruytier, et faict l'office d'apoticquaire,
+et qui la servyt vendredy dernier à son disner,
+<span class="pagenum"><a id="Page_410"> 410</a></span>
+m'a apporté certaines nouvelles qu'elle se trouve mieulx.
+La Royne d'Angleterre est après à l'envoyer visiter par
+ung gentilhomme des siens, et luy envoyer une bague,
+qu'elle a faicte fère exprès, pour renouveler quelques
+merques d'amytié entre elles; et semble qu'il ne tient
+plus qu'aulx depputez d'Escoce qu'on ne procède au
+traicté. Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xx&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p>
+
+<h2 class="p4">CLII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXIX</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Sabran.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Explication sur le mauvais accueil dont s'est plaint l'ambassadeur
+d'Angleterre.&mdash;Satisfaction de la reine.&mdash;Discussion des affaires de
+la reine d'Écosse.&mdash;Plainte d'Élisabeth au sujet des menaces faites par le
+roi.&mdash;<em>Lettre secrète à la reine-mère.</em> Conférence du cardinal de Chatillon
+avec l'ambassadeur; projet de mariage du duc d'Anjou avec Élisabeth.&mdash;Commencement
+de cette négociation.&mdash;Déclaration de Leicester qu'il favorisera
+ce projet.&mdash;Propos tenu à ce sujet par l'ambassadeur à la reine
+d'Angleterre.&mdash;<em>Mémoire.</em> Proposition du comte de Sussex sur les affaires
+de Marie Stuart.&mdash;Efforts des Anglais pour enlever à la France l'alliance
+de l'Écosse.&mdash;Poursuites dirigées au sujet des troubles du pays de
+Lancastre.&mdash;Affaires d'Espagne et des Pays-Bas.&mdash;Confiance des Anglais
+dans les promesses du duc d'Albe.&mdash;Négociation de sir Henri Coban en
+Allemagne.&mdash;Mécontentement d'Élisabeth contre l'Empereur.&mdash;Nouvelle
+d'un grand armement fait en Espagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, j'ay dict à la Royne d'Angleterre que sur la dépesche
+que je vous avois faicte par le S<sup>r</sup> de L'Aubespine,
+touchant le malcontantement qu'elle avoit des choses, qui
+avoient esté faictes en l'endroict de son ambassadeur, Vostre
+Majesté ne m'avoit guières vollu différer sa responce, en
+<span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span>
+laquelle j'avois trouvé tout ce qui s'étoit passé avecques luy,
+le jour dont il se pleignoit; dont me commandiez de le représanter
+à elle par le menu, et que, s'il luy restoit nul
+bon desir, ni aulcune bonne affection envers Vostre Majesté,
+et si elle ne vouloit condempner la franchise et sincérité,
+dont vous desiriez uzer en son endroict, vous espériez
+qu'elle n'interprèteroit que à bien tout ce qui vous
+estoit advenu de fère et dire, lors, à son dict ambassadeur:
+et néantmoins, parce que je vous avois mandé qu'elle desiroit
+d'en estre satisfaicte, vous n'aviez vollu différer d'en
+mettre la satisfaction dans vostre lettre, et y aviez adjouxté
+l'intention, dont vous aviez parlé, des affères de la
+Royne d'Escoce, et ce que vous en aviez encores sur le
+cueur; à quoy vous la supliez toutjour de pourvoir, et puys
+veniez, en vostre lettre, à d'aultres particullaritez, qui estoient
+toutes à son contantement; dont, de tant que vous
+y expliquiez si bien vostre intention, que je craignois d'offusquer
+beaucoup la clarté d'icelle, si je la rédigoys en mes
+propos, j'avois aporté le propre extraict de vostre chiffre,
+pour le luy monstrer, après toutesfoys avoir impétré d'elle
+qu'elle ne prendroit, sinon en fort bonne part, tout ce qui
+y estoit contenu.</p>
+
+<p>La dicte Dame, me remercyant de la communication
+que je luy vouloys fère de vostre dépesche, affin d'y comprendre
+mieulx vostre intention, la leust fort curieusement
+du commancement jusques à la fin, et considéra de prez
+toutes les particullaritez qui y estoient contenues; et puys
+me dict qu'elle vouloit bien demeurer contante et satisfaicte
+de ce qu'il vous playsoit, et prendre de bonne part les bons
+argumens, qu'elle voyoit dans vostre lettre, de vostre
+bonne amytié vers elle; mais cella luy faisoit mal que vous
+<span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span>
+l'y colloquiez segonde, après la Royne d'Escoce, bien
+qu'elle méritast d'estre première, et que, si vous y aviez
+touché aulcunes honnestes et bien gracieuses particullaritez
+pour elle, vous y aviez encores plus amplement poursuyvy
+les affères de la dicte Royne d'Escoce; dont eust
+desiré que, au moins ceste foys, vous eussiez oublyé d'y
+mettre le mesmes langaige, que vous aviez escript à son
+dict ambassadeur, mais il y estoit tout semblable; et qu'elle
+voyoit bien que vous ne l'aviez peu dire, ny escripre, à
+luy, ny à moy, sans que vous ne l'eussiez heu ainsy dans
+le cueur; néantmoins qu'elle estimoit que vous luy réserviez
+toutjour une très bonne affection, ainsy que vous l'escripvez;
+et que, pour le regard de la Royne d'Escoce, elle
+avoit esté très desplaysante de sa malladye, et de ce qu'il
+sembloit qu'elle ne fust encores hors de dangier, néantmoins
+elle l'envoyeroit visiter par ung gentilhomme, affin
+de luy donner toute la consolation qu'il luy seroit possible;
+qu'elle espéroit que ses depputez seroient bientost icy, luy
+ayant néantmoins mandé d'en fère venir de plus capables
+que ceulx qui avoient esté nommez, car c'estoit derrision
+d'envoyer ceulx là; et, qu'aussitost qu'ilz seroient venuz,
+des deux partys, qu'on procèderoit au tretté, auquel,
+quant à ce que Vostre Majesté me commandoit de prendre
+garde qu'il n'y fût rien faict à vostre préjudice, qu'elle
+ne le prétandoit aulcunement, mais seulement de fère que
+la Royne d'Escoce ne luy nuysît poinct à elle; au regard
+de voz nopces, qu'elle avoit receu ung singulier playsir
+d'en entendre l'honnorable récit, que je luy en avois faict,
+et qu'elle se délectoit de les ouyr cellébrer et magniffier,
+comme les plus honnorables de nostre temps; (ès quelles
+n'avoit esté besoing de dispence, ainsy que aulx aultres,
+<span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span>
+où sembloit qu'enfin le Pape permettroit de se mesler avec
+les propres s&oelig;urs); et qu'elle les envoyeroit honnorer et
+aprouver encores de sa part, par ung de ses barons, qui
+estoit son parant fort prochain du costé de sa mère, lequel
+elle avoit expressément choisy à cest effect pour vous contanter;
+et vous pryoit, Sire, de le vouloir bien recepvoir,
+et l'accepter avecques faveur; et vous remercyoit, au
+reste, de tout son cueur, de ce que, pour vous avoir desiré
+toute félicité en vostre mariage, et avoir invoqué la bénédiction
+de Dieu sur icelluy, vous luy en avez souhayté ung
+pour elle, qui fust à son contantement, chose qu'elle s'asseure
+que vous luy vouldriez procurer de bonne affection,
+et elle aussi y vouldroit suyvre très vollontiers vostre jugement,
+sellon qu'elle s'asseuroit que vous luy vouliez beaucoup
+de bien, si elle en venoit à cella; et qu'au reste elle
+n'avoit poinct doubte de l'establissement de la paix de vostre
+royaulme, néantmoins qu'elle estoit infinyement bien ayse
+de vous voir bien résolu de la maintenir, et que toutz vos
+subjectz se rangeassent, comme ilz faisoient, à bien exactement
+l'observer.</p>
+
+<p>Toutz lesquelz bons propos, Sire, elle a estenduz en
+plusieurs honnestes termes d'amytié et de bonne affection
+envers Voz Majestez Très Chrestiennes et au plaisir, qu'elle
+disoit participer avec celluy qu'elle jugeoit fort grand,
+et quasi incroyable, de la Royne, vostre mère, sur les
+prospéritez qu'elle voyoit aujourduy en ses enfans et en la
+France; ce que j'ay suyvy avec les meileures parolles,
+que j'ay estimé convenir à vostre grandeur et à l'honneur
+et dignité du présent estat de voz affères; et me suys ainsi
+licencié d'elle.</p>
+
+<p>Or, Sire, le comte de Lestre m'a faict une ouverte
+<span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span>
+démonstration de la bonne intelligence, en quoy la dicte
+Dame veult demeurer avec Vostre Majesté, mais que voz
+ennemys luy objectent que ce n'est de la dignité de sa
+couronne, ny de l'honneur de son royaume, qu'elle se
+laysse aller à voz menaces sur les affères de la Royne d'Escoce,
+et qu'il me vouloit dire que la dicte Dame avoit heu
+mille et mille foys plus de respect à vous pour la Royne
+d'Escoce, que non pas à elle, et que je pouvois dire qu'en
+vostre nom j'avoys tiré son affère hors des abismes, néantmoins
+qu'elle en vouloit bien avoir le gré et l'honneur, et
+que tout seroit gasté, si l'on y procédoit par rigueur; dont
+ayant Vostre Majesté à procéder en cella avecques une
+femme, desiroit qu'il vous pleust luy uzer de toutes agréables
+parolles, et encores de gracieuses prières, et qu'avec
+ceste courtoysie le dict sieur comte espéroit de vaincre les
+adversayres de ceste cause, lesquelz il estoit incroyable
+combien ilz lui avoient donné de peyne jusques icy. Et
+sur ce, etc. <span class="i2">Ce xx&#305;x<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p>
+
+<p>Madame, j'ay à dire à Vostre Majesté touchant le particullier
+de la petite lettre du xx&#305;<sup>e</sup> de novembre que, quant
+Mr le cardinal de Chastillon a repassé en ceste ville, en
+s'en retournant d'Amptome, il m'est venu visiter pour satisfère,
+à ce qu'il dict, à son debvoir envers Voz Majestez,
+et a curieusement examiné de quelle intention Elles et Monseigneur
+estoient en l'entretennement de la paix, et si elles
+se vouloient poinct tirer hors de la subjection du Roy
+d'Espaigne et des aultres princes, qui tirannisent vostre
+<span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span>
+couronne, et si Mon dict Seigneur estoit si avant au party
+de la princesse de Portugal qu'il ne peult entendre à celluy
+de la Royne d'Angleterre, lequel, s'il le vouloit, se
+pourroit meintennant conduyre, estendant son propos en
+plusieurs aultres choses, lesquelles revenoient toutes à ces
+trois poinctz.</p>
+
+<p>Je luy ay respondu, quant à la paix, qu'il ne doubtât
+que Voz Majestez et Monseigneur ne la rendissiez stable et
+de durée, jouxte l'édict, qui en avoit esté faict, pourveu
+que eulx, de leur costé, l'observassent; que vostre dellibération
+estoit de fère voz affères, sans dépendre de nul
+aultre prince, mais qu'il seroit bien dangereux, à la fin de
+ceste guerre des Protestans, d'en laysser renoveller une
+des Catholiques, veu l'intelligence que luy mesmes disoit
+que les aultres princes avoient dans le royaume; par ainsy
+qu'il vous failloit laysser bien establyr, et qu'il considérât
+combien il avoit esté besoing que Voz Majestez et Mon
+dict Seigneur eussiez usé d'une ferme et constante vertu,
+et d'une grande magnanimité, à fère ceste paix, estant
+assez contradicte de toutz les aultres princes catholiques;
+que, touchant la Royne d'Angleterre, elle avoit toujour
+monstré ne vouloir poinct de mary, ou de ne vouloir entendre
+à nul autre que à l'archiduc; mais si, à ceste heure
+que Mon dict Seigneur estoit en fleur d'eage, et florissant
+en toutes vertuz, aultant et, possible, plus que nul prince
+de la Chrestienté, elle trouvoit bon de l'espouser, je ne
+faisois doubte que luy et Voz Majestez, et toute la France,
+embrassissiez ce party avec toute affection, comme le
+plus grand et le plus honnorable de toutz les aultres, et duquel
+j'estimois qu'adviendroit plus de réconcilliation au
+monde, plus de paix à la France, et plus de terreur aulx
+<span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span>
+ennemys d'icelle, que de nulle chose, qu'il se peult aujourduy
+mettre en avant.</p>
+
+<p>Ce qu'il monstra de recepvoir avec affection et d'en demeurer
+bien fort consollé; et s'en retourna, puys après,
+au logis du comte de Lestre, où il fut tout le soir en privée
+conférence avecques luy: puys, le matin, il me manda qu'il
+espéroit que noz propos produyroient quelque bon effect.</p>
+
+<p>Peu de jours après, ainsi que j'étois bien mallade, le
+S<sup>r</sup> Guydo Cavalcanty me vint, par forme de visite, en
+mon lict entretenir d'ung grand circuyt de bonnes parolles;
+lesquelles il fit tumber sur Mon dict Seigneur, et que le mariage
+de l'archiduc avec la fille de Bavière, l'indignation,
+que la Royne d'Angleterre en avoit prins, et ce qu'elle
+vouloit bien monstrer qu'elle estoit pour trouver aussi bon
+party que le sien; et puys les différans des Pays Bas, ceulx
+de la Royne d'Escoce, la paix de la France, l'accommodement
+qui se pourroit fère de Callais, s'il y avoit enfans, la
+disposition venue de Monsieur, qui estoit desjà homme,
+celle qui commanceroit doresenavant de passer de la dicte
+Royne d'Angleterre, estoient toutes influances pour fère
+effectuer, ceste année, ung bien heureux mariage entre
+eulx; et que, si je le trouvois bon, il en mettroit quelque
+chose, comme de luy mesmes, en avant au secrétaire Cecille,
+avec de si bonnes considérations, qu'il espéroit
+qu'elles auroient effect, me priant de fère entendre ceste
+sienne bonne intention à Vostre Majesté.</p>
+
+<p>Auquel Cavalcanty, parce que je le cognoissois fort de
+ceste court, et que c'estoit luy qui avoit toutjour entretenu
+le party de l'archiduc, je respondiz que le propos me sembloit
+si honnorable et si advantaigeux pour Monseigneur,
+que j'avois ung grand playsir qu'il me l'eust miz en avant,
+<span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span>
+et que je ne fauldrois d'en donner adviz à Vostre Majesté,
+ne voyant qu'il y peult avoir que tout bien d'en entamer
+telz propos, comme il les sçauroit bien penser et bien sagement
+conduyre, car je le réputois pour ung expécial serviteur
+de Vostre Majesté et bien affectionné à la France; que,
+pour ma part, ne saichant, à présent, en quelle disposition
+vous en pouviez estre, je ne luy pouvois dire sinon que,
+de toutz les partys, dont je vous avois ouy fère grand cas;
+mesmes pour le Roy vostre filz, vous aviez toutjour estimé
+le plus grand et le plus digne celluy de la Royne d'Angleterre;
+et que sur ung tel fondement se pourroit bien establyr
+une bonne alliance, si l'on s'y disposoit du costé
+de deçà.</p>
+
+<p>A trois jours de là, le dict Cavalcanty me revint trouver,
+qui me dict avoir desjà ouvert ce bon propos au dict secrétaire,
+et qu'il l'avoit receu avec affection, mais que, ayant
+esté longtemps mallade, sans avoir veu sa Mestresse, il ne
+l'avoit peu suyvre; mais il l'avoit pryé de l'aller trouver à
+Amthoncourt, aussitost qu'il y seroit, et qu'ilz en tretteroient
+plus amplement.</p>
+
+<p>Despuys cella, Madame, j'ay esté au dict Amthoncourt,
+où me trouvant à part avec le comte de Lestre, après d'aultres
+discours, je luy ay dict tout ouvertement qu'ung personnaige
+de bonne qualité, lequel toutesfoys je ne luy ay point
+nommé, m'avoit tenu le susdict propos, lequel j'avois receu
+avec honneur et respect, mais que je n'en voulois user sinon
+ainsy qu'il me conseilleroit; car je sçavois que Voz
+Majestez le réputoient comme conseiller et protecteur de
+tout ce que vous auriez à fère en ce royaulme, et que, si
+quelque chose debvoit advenir de cella, vous ne vous en
+vouldriez jamais adresser qu'à luy. Lequel me respondit
+<span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span>
+qu'il y avoit plusieurs jours qu'il avoit desiré de conférer
+avecques moy de cest affère, sur ce qui en avoit esté desjà
+miz en termes par le vydame de Chartres et par d'aultres,
+mais, plus expressément que par nul, par Mr le cardinal de
+Chastillon, qui avoit parlé si haultement des grandes qualitez
+de Monsieur, comme le cognoissant bien, qu'il l'avoit
+faict le plus desirable prince de la terre; que, de sa part,
+il s'estoit toutjour opposé au party d'Austriche bien que, en
+aparence, utille à sa Mestresse, mais puysqu'elle estoit résolue
+de n'entendre à celluy de nul de ses subjectz, qu'il
+se vouloit sacriffier pour conduyre celluy de Monsieur; et
+qu'il y vouloit procéder en telle façon que ung esgal et mutuel
+advantaige fût gardé aulx deux, affin de ne fère naistre
+d'ung tel pourchaz d'amytié aulcune matière d'offance,
+comme il voyoit bien qu'il en restoit quelcune assés grande
+du propos de l'archiduc, et qu'on estoit pis que jamais avec
+le Roy d'Espaigne, nonobstant les bonnes lettres, que luy
+et le duc d'Alve avoient naguières escriptes; et que, en
+brief, il viendroit exprès à Londres pour me festoyer en sa
+mayson, et pour tretter amplement de cest affère avecques
+moy; duquel il estoit d'adviz que je touchasse cependant
+quelque mot à la Royne, sa Mestresse; et qu'il espéroit que,
+sur ceste occasion, se dresseroit ung voyage pour luy en
+France, puysqu'il avoit failly ceste foys d'y aller; et qu'il
+avoit ung infiny desir d'aller bayser les mains à Voz Majestez,
+comme recognoissant le Roy pour son supérieur, à
+cause de l'honneur, qu'il luy avoit faict, de son ordre.</p>
+
+<p>Et de ce pas il me mena en la chambre privée de sa
+Mestresse, où je la trouvay mieulx parée que de coustume,
+et qui monstra qu'elle s'attandoit bien qu'en luy parlant
+des nopces du Roy, je luy en desirerois une pour elle; à
+<span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span>
+quoy elle m'achemina, par aulcuns siens propos, sur lesquelz
+enfin je luy diz qu'il me souvenoit bien de ce qu'elle
+m'avoit asseuré de n'avoir poinct faict de veu de ne se maryer
+pas, et que le plus grand regrect qu'elle eust estoit de
+n'avoir pensé de bonne heure à sa postérité, et qu'elle ne
+prendroit jamais party, qui ne fût de mayson royalle, convenable
+à sa qualité; sur quoy je serois marry qu'elle
+m'estimât si mal abille que je n'entendisse bien que cella
+quadroit merveilleusement bien en Monseigneur, frère du
+Roy, comme en celluy, lequel j'osois (sans passion ny flatterye)
+réputer le plus acomply prince, qui aujourduy vesquit
+au monde pour mériter ses bonnes grâces; et que je
+me réputerois le mieulx fortuné gentilhomme de la terre,
+si je pouvois intervenir à quelque commancement d'une si
+heureuse alliance, qui peult revenir à bon effect; car j'en
+demeurerois cellèbre à toute la postérité.</p>
+
+<p>La dicte Dame receust merveilleusement bien ce peu de
+motz, et me respondit que Monsieur estoit de telle estime
+et de si exellante qualité qu'il estoit digne de quelque
+grandeur qui fût au monde, et qu'elle croyoit que ses pensées
+estoient bien logées en plus beau lieu qu'en elle, qui
+estoit desjà vieille, et qui, sans la considération de la postérité,
+auroit honte de parler de mary, et qu'elle estoit
+desjà de celles dont on vouldroit bien espouser le royaume,
+mais non pas la royne, ainsy qu'il advenoit souvent entre
+les grandz, qui se maryoient la pluspart sans se voir; et que
+ceulx de la mayson de France avoient bien réputation d'estre
+bons marys, à bien fort honnorer leurs femmes, mais à
+ne guières les aymer. Et suyvyt assés longtemps ces propos
+avec toutes les plus honnestes et favorables parolles,
+qui se pouvoient respondre à ung, qui monstroit ne parler
+<span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span>
+aulcunement que de luy mesmes, et sans aulcune charge.
+Dont ne fault doubter, Madame, que ce qui en seroit meintennant
+miz en avant ne fût receu d'elle, et embrassé de
+tout son royaulme, avec affection; mais je ne puys juger encores
+si elle l'acomplyroit par après, car souvent elle a promiz
+à ses Estats de se maryer, et puys elle a trouvé moyen
+d'en prolonger et interrompre les propos. Néantmoins, de
+tant qu'on imputera à une très grande faulte à la France
+d'avoir layssé eschapper ung si grand party, comme est cestuy
+cy, qui semble se présenter à Monseigneur, je desirerois
+que vous l'eussiez desjà disposé de le vouloir; et que,
+sur ce qui en est desjà entamé entre Mr le comte de Lestre
+et moy, Vostre Majesté me commendast de passer oultre,
+et me prescript la forme comme j'aurois à le fère: car il
+me semble bien que ce sera à nous (si l'on en vient là)
+de parler les premiers, mais qu'il fauldroit qu'ilz y respondissent
+si clairement que l'affère fût plus tost conclud que
+divulgué, à cause des jalouzies, traverses et inconvénians,
+qui y pourroient survenir; et puys après, l'on y pourroit
+bien adjouxter les cérémonyes et respectz qui y seroient nécessaires
+pour honnorer l'acte; surtout je prendray garde,
+aultant qu'il me sera possible, que n'y soyez trompez ny
+remiz à nulle longueur. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xx&#305;x<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p>Encores tout présentement, je viens de recepvoir adviz, de bon
+lieu, que le susdict propos commence de prendre icy grand fondement;
+dont je continueray d'en escripre toutjour quelque mot, à part,
+à Vostre Majesté; mais il n'y a rien plus requis que de tenir la matière
+secrecte.</p>
+
+<p class="center"><span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span>
+<span class="smcap">ADVERTYRA LE DICT DE SABRAN LEURS MAJESTEZ,</span>
+oultre le contenu des lettres:</p>
+
+<p>Que milord de Sussex a proposé, à son arrivée, de fort mauvais conseilz
+contre les affères de la Royne d'Escoce, remonstrant qu'avec
+quatre centz mil escuz, qui ont esté employez ceste année, par ses mains,
+contre les Escouçoys, il a bien chastié ceulx d'entre eulx, qui avoient
+osé offancer la Royne, sa Mestresse, en retirant et supportant ses rebelles;
+et qu'il avoit estably aulx aultres un régent à sa dévotion;
+et relevé si bien la part du jeune Roy, que ceulx de l'aultre party ne
+faisoient plus que ce qu'il leur ordonnoit, et les avoit presque rengez
+à se soubsmettre à luy; et que, pendant que le Roy Très Chrestien
+estoit encores bien laz des guerres civiles de son royaulme, et les
+aultres princes de dellà la mer assés empeschez, chacun en son estat,
+il s'esbahyssoit comme la Royne, sa Mestresse, se retranchoit ainsy
+court à elle mesmes son entreprinse, de ne se saysir de l'Escoce,
+comme il luy avoit facillité la voye de ce fère, et de pouvoir establyr
+par là ung repos en ceste isle; lequel aultrement il n'espéroit l'y
+veoir jamais bien asseuré, mesmement si la Royne d'Escoce estoit
+restituée; et qu'on ne pouvoit donner ung plus loyal conseil à la
+Royne, sa Mestresse, que d'interrompre ce propos encommancé,
+et de luy fère poursuyvre chauldement, à ce prochain printemptz,
+son entreprinse de renvoyer l'armée en Escoce; car s'asseuroit
+dans peu de jours, la randre maistresse de Lislebourg, Esterlin et
+Dombertrand, et de forclorre aulx Françoys leur descente et retrette
+au dict pays; lesquelz aussi, sellon son opinion, n'avoient, à présent,
+guières à cueur les choses de deçà la mer, se trouvant seigneurs de
+Callais.</p>
+
+<p>Auquel conseil s'estantz joinctz ceulx, qui avoient toutjours heu
+le mesmes adviz, ilz ont euydé traverser grandement toutz noz affères;
+mais la Royne mesmes n'a monstré qu'elle y inclinast; et aulcuns
+seigneurs plus modérez ont remonstré au dict de Sussex qu'il
+y avoit plus de dangier et d'inconvéniant, en ceste entreprinse qu'il
+n'y en voyoit, de sorte qu'il n'est demeuré bien ferme en son opinion.
+Il est vray que l'abbé de Domfermelin est fort ordinaire en sa
+compaignye, ce qui le nous rend toutjour assés suspect, mais
+l'évesque de Roz, avant partyr, luy est allé remonstrer plusieurs
+choses, par lesquelles il l'a ramené à ceste rayson que, s'il se pouvoit
+establyr quelque bonne seureté entre les deux Roynes, il confessoit,
+<span class="pagenum"><a id="Page_422"> 422</a></span>
+veu la proximité d'elles, et le droict de la future succession à celle
+d'Escoce, que le plus expédiant seroit de la restituer; mais n'a
+parlé que condicionnellement, et par difficultez, avec un désir très
+ambitieux de demeurer en charge; et qu'en tout événement, il failloit
+que la dicte Dame quictast l'alliance de France pour en fère une
+nouvelle et perpétuelle avec la Royne d'Angleterre.</p>
+
+<p>A quoy le dict évesque luy a remonstré qu'il estoit impossible de ce
+fère, et qu'il ne seroit honneste ny proffittable à la Royne d'Angleterre
+de le requérir, joinct que, si elle pressoit de cella sa Mestresse,
+elle la presseroit à elle de renoncer à l'alliance de Bourgoigne. A
+quoy il a soubdain respondu que Dieu vollust garder sa Mestresse
+d'un si dangereux conseil, comme de quicter les anciennes alliances
+de sa couronne, mais qu'il n'estoit de mesmes à ceste heure, en l'endroict
+de la Royne d'Escoce, parce qu'il falloit qu'elle print la loy
+de la Royne d'Angleterre. Tant y a que, despuys, il semble que, à
+cause du duc de Norfolc, le dict de Sussex se soit ung peu modéré;
+et toutjour le comte de Lestre et le secrétaire monstrent persévérer
+droictement à vouloir que l'accord succède par le traicté; dont nous
+vivons en meilleure espérance.</p>
+
+<p>Et ceste honnorable ambassade, que la Royne d'Angleterre envoye
+meintennant en France, monstre qu'elle n'a le cueur esloigné
+de cella; mesmes Mr le cardinal de Chastillon m'a asseuré,
+ceste dernière foys qu'il m'est venu visiter, qu'il sçavoit certainement
+que la résolution estoit prinse, entre la dicte Dame et ceulx de
+son conseil, de restituer la Royne d'Escoce, mais que je ne m'esbahysse
+de la longueur; car elle estoit naturelle à ceulx cy, sellon que luy
+mesmes l'avoit esprouvé; et que, despuys l'aultre foys qu'il avoit esté
+avecques moy, ayant considéré, par les choses que Mr de Roz et
+moy luy avions desduictes, que le Roy avoit grand intérest à la
+restitution de la dicte Royne d'Escoce, il en avoit parlé si à propos
+à la Royne d'Angleterre qu'il l'avoit fort disposée d'y prendre quelque
+bon expédiant. Ceulx aussi, à qui cest affère est aultant à cueur
+en ceste court comme leur propre vie, m'asseurent qu'il ne tient plus
+qu'à la venue des depputez d'Escoce qu'on ne passe oultre à conclurre
+le traicté, et m'ont faict advertyr de suplier Leurs Majestez
+Très Chrestiennes de fère, en cest endroict, l'office que j'ay donné
+charge au S<sup>r</sup> de Sabran de leur dire.</p>
+
+<p>Le sire Thomas Stanlay a esté ouy et examiné eu ce conseil sur les
+mouvemens de Lenclastre; et puys son frère Édouart après luy, et le
+sir Thomas Gérard, après, en présence de toutz deux, leur estant
+<span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span>
+remonstré qu'ilz proposoient ung très mauvais exemple d'eulx au
+dict pays de ne se ranger à la forme de religion, qui estoit ordonnée,
+sellon les parlemens, à la tranquillité publique du royaulme; et que,
+s'ilz ne s'y déportoient plus sagement, la Royne, leur Mestresse, ne
+pourroit de moins que procéder contre eulx par la voye de justice;
+et, pour ceste foys, ne leur ont touché que ce point de la religion.
+A quoy ils ont respondu qu'ilz estoient personnaiges qualiffiez, et
+bien cautionnez en ce royaulme, et que, s'ilz se fussent sentys coulpables
+d'aulcune chose envers la Royne et son estat, qu'ilz ne fussent
+point venuz, et qu'ilz avoient, en toutz leurs actes, toutjours procédé
+en fort gens de bien, dont les requéroient qu'ilz ne vollussent
+prendre aulcune mauvaise opinion d'eulx, ny rien ordonner à leur
+préjudice, que leurs accusateurs ne fussent présens, car ils s'asseuroient
+de leur bien respondre, et de se bien justiffier devant eulx.
+Ilz sont encores à la suyte de la court, et cependant est venu nouvelles
+que celluy, qui les avoit defférèz, est mort de quelque accidant
+fort soubdain et fort estrange.</p>
+
+<p>J'ay faict dire, de loing, à aulcuns, qui ont parfaicte cognoissance
+des choses de ce royaulme, que j'avois entendu que la Royne d'Angleterre
+et ceulx de son conseil avoient toutjours heu pour suspect
+le retour de l'armée d'Espaigne, et qu'il sembloit qu'à ceste heure ilz
+en fussent en plus grand doubte que jamais; dont je les pryois de
+me mander en quoy ilz estimoient que les choses en fussent. Lesquelz
+m'ont respondu quasi conformément, de plusieurs endroictz,
+qu'à la vérité l'on estoit en assés de deffiance du costé d'Espaigne
+et de Portugal, tant à cause des prinses de l'an 1569, que de ce que
+les fuytifz de ce royaulme s'étoient retirez vers le duc d'Alve; et que
+Estuqueley estoit passé devers le Roy Catholique pour l'inviter à
+quelque entreprinse en l'Yrlande, ainsy qu'il estoit homme pour le
+luy sçavoir imprimer et pour se offrir à la conduyre; et que ung
+itallien, nommé Lotini, lequel ceste Royne entretennoit en Yrlande,
+avoit esté naguières chassé pour souspeçon, qu'on avoit heu, qu'il
+s'entendit avec le dict Estuqueley; néantmoins que la dicte Dame et
+toutz ceulx de son conseil demeuroient fermement persuadez que le
+Roy d'Espaigne ne romproit jamais avec eulx, tant qu'ilz seroient
+saysys des merchandises et deniers qu'ilz ont prins sur luy, car il
+auroit aultant perdu; joinct qu'ilz estoient si avant en traicté avec le
+duc d'Alve, qu'ilz attendoient plustost accord que guerre de son
+costé; et que l'on estoit après à y regarder de si près, qu'on estimoit
+bien qu'il ne seroit rien layssé en différand, d'où l'on en peult venir
+<span class="pagenum"><a id="Page_424"> 424</a></span>
+cy après aulx armes. Par lesquelles responces se peult assés cognoistre
+que ceulx cy ne sont bien aperceuz des appareilz d'Espaigne ni de
+Portugal; ce qu'ilz monstrent encores mieulx par le peu de prévoyance
+qu'ilz donnent aulx choses de la guerre; car je n'ay entendu
+qu'ilz ayent, pour encores, ordonné aultre chose que aulx
+pourvoyeurs de la marine de sçavoir où prendre l'avitaillement
+pour vingt cinq navyres, dans quinze jours, quant il leur sera commandé.</p>
+
+<p>Tant y a que le duc d'Alve, par les difficultez qu'il faict naistre,
+l'une après l'aultre, en ces différans des prinses, et qu'il ne se haste
+de parler guières expressément de l'accord du commerce, et de l'entrecours,
+monstre qu'il vouldroit, en quelque façon, s'asseurer des
+dictes prinses, lesquelles montent à grand somme; et puys essayer
+de se revencher; dont il va temporisant et entretennant ceulx cy de
+parolles et de bonnes espérances, affin qu'ilz n'y preignent garde.
+Et je sçay, à la vérité, qu'il a naguières envoyé, par le jeune Coban,
+une lettre du Roy, son Maistre, à la Royne d'Angleterre, en laquelle
+son dict Maistre rend seulement ung fort grand et fort exprès grand
+mercys à la dicte Dame pour l'honnorable convoy qu'elle a faict fère
+par ses grandz navyres à la Royne, sa femme, passant en ceste mer;
+et ne touche nul aultre poinct, ni mesmes luy faict aulcune mencion
+des trois lettres, que la dicte Dame luy a escriptes, despuys les
+dictes prinses; et, par mesme moyen, le duc d'Alve luy en a escript
+une, de sa part, pour accompaigner celle de son Maistre, et pour
+prendre congé d'elle, et l'exorter à l'entretennement de la paix
+et de l'alliance avec son dict Maistre, avecques grandz offres de
+s'employer droictement à le randre de mesmes bien disposé envers
+elle.</p>
+
+<p>Quant au voyage du dict jeune Coban à Espire, l'on m'advertyt,
+avant son partement, qu'il y alloit pour renouveller le propos de
+l'archiduc Charles, mais ce n'estoit que une démonstration, que la
+Royne d'Angleterre vouloit faire pour s'en prévaloir en ses présens
+affères de dehors et de dedans son royaulme, et qu'en effect l'envye
+ne luy estoit crue de se maryer; mesmes que n'y ayant le
+comte de Sussex rien advancé, quant il y alla, encores estoit il à croyre
+que ung jeune gentilhomme de nulle authorité, qui à peyne avoit
+poil en barbe, y feroit à ceste heure encores moins.</p>
+
+<p>Tant y a qu'avec plusieurs aultres propos d'amytié le dict Coban
+a proposé à l'Empereur que sa Mestresse l'avoit envoyé vers luy
+pour continuer la mesmes négociation, que, trois ans a, le comte de
+<span class="pagenum"><a id="Page_425"> 425</a></span>
+Sussex luy avoit commancé; à laquelle elle n'avoit, plus tost qu'à ceste
+heure, peu randre responce, pour avoir esté souvent despuys assés
+mallade, et pour les guerres de France, Flandres et aultres empeschemens,
+qui estoient jusques en son propre pays survenuz; mais
+qu'elle n'avoit toutesfoys, en différant la responce, pensé de rien
+interrompre au propos de l'archiduc son frère, et que, s'il luy
+playsoit de passer meintennant en Angleterre, il y seroit le très
+bien venu, et qu'estant resté tout le différant sur sa religion, elle
+espéroit que ses subjectz y consentyroient qu'il eust, pour luy et les
+siens, si ample exercice d'icelle qu'il en demeureroit contant.</p>
+
+<p>Lequel propos le dict Empereur monstra recepvoir de bonne
+part, et print temps de luy respondre, affin d'advertyr l'archiduc son
+frère; et enfin la responce a esté que luy et son dict frère estoient
+bien marrys que la bonne intention de la dicte Dame leur eust esté
+si tard notiffiée; de laquelle ilz luy demeureroient néantmoins bien
+fort obligez; et que son dict frère n'avoit peu penser de moins,
+luy différant, elle, trois ans sa responce, sinon qu'il n'estoit accepté;
+dont il avoit regardé à ung aultre party, et desjà s'y estoit obligé
+avec une princesse, sa parente, catholique, avec laquelle il n'auroit
+point de différent pour sa religion; qu'il luy vouloit dire, encores
+une aultre foys, qu'il avoit grand regrect que l'ocasion n'eust esté acceptée
+de toutz deux, quant elle s'estoit présentée, et qu'il ne
+lairroit pourtant de demeurer très bon amy et comme frère à la
+dicte Dame; laquelle il vouloit au reste exorter, pour son bien, de
+vivre en bonne paix avec les princes, ses voysins; dont estant meintennant
+les deux plus grandz ses gendres, il auroit grand playsir
+qu'elle se déportât comme bonne s&oelig;ur avec eulx, et qu'il la vouloit
+advertyr que de là dépendoit sa seureté et celle de son estat. Et avec
+ces honnestes parolles, et quelque présent de vaysselle d'argent, il a
+licencié le dict Coban.</p>
+
+<p>Laquelle responce n'a peu, en façon du monde, estre bien goustée
+ny bien prinse de la dicte Dame, laquelle en demeure offancée jusques
+au cueur; et ne s'est peu tenir de dire que l'Empereur luy faisoit
+injure, et que, si elle estoit aussi bien homme comme elle est
+femme, qu'elle le luy redemanderoit par les armes. Sur quoy il m'est
+tombé entre mains une lettre d'ung seigneur de ceste court qui
+mande aussi à ung aultre:&mdash;«La cause du dueil et fâcherie de nostre
+Royne est asseuréement le mariage de l'archiduc Charles avec la fille
+de sa s&oelig;ur, la duchesse de Bavière, soit ou que véritablement elle
+eust assis son amour et fantasie en luy; ou bien qu'elle est marrye
+<span class="pagenum"><a id="Page_426"> 426</a></span>
+que sa beaulté et sa grandeur n'ayent esté plus instantment requises
+de luy; ou bien qu'elle a perdu, à ceste heure, l'entretien qu'elle
+donnoit par là à son peuple, craignant qu'elle soit pressée par ses
+Estatz et par son parlement de ne différer plus à prendre party,
+qui est le principal poinct que tout son royaulme luy requiert.»</p>
+
+<p>Despuys ce que dessus escript, j'ay esté adverty qu'il vient d'arriver
+ung navyre de Cadix, qui porte des lettres du &#305;&#567;<sup>e</sup> de ce mois, par
+lesquelles l'on mande le grand aprest de guerre, qui se faict en Espaigne;
+et que aulcuns l'interprètent estre contre le Turc; aultres
+disent que c'est pour parachever la guerre des Mores, qui encores se
+renouvelle; et aultres que c'est pour descendre en Yrlande. Je prendray
+garde comme ceulx cy le prendront et comme ilz y pourvoyrront.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">CLIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">VI</span><sup>e</sup> jour de janvier 1571.&mdash;</p>
+
+<p class="hanging indent">Nouvelles d'Espagne.&mdash;Pompe déployée pour le mariage du roi.&mdash;Mouvemens
+dans les Pays-Bas et en Irlande.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire<a name="FNanchor_22" id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">[22]</a>
+........................................................
+Il se continue icy que le duc d'Alve partira en mars pour
+s'en retourner en Espaigne, et qu'il prendra le chemyn
+d'Itallye, où il layssera quelques compaignies italliennes,
+qui l'accompaigneront jusques là; lesquelles pourront servyr
+à la guerre contre le Turcq, au commancement du printemps;
+et que le duc de Medina C&oelig;li s'embarquera, à ce
+prochain febvrier, pour passer en Flandres, et qu'il admènera
+les deux filz aysnez de l'Empereur; ne se faisant icy
+<span class="pagenum"><a id="Page_427"> 427</a></span>
+aulcune démonstration qu'on se doubte de luy, ny de l'armée
+de mer, qui le vient conduyre, parce que plusieurs
+vaysseaux de la dicte armée ont passé, et qu'il est desjà
+arrivé en Flandres plus de deux centz voyles d'Andelouzie
+ou de Portugal; qui faict encore discourir à aulcuns que
+le dict duc et iceulx petitz princes pourront s'acheminer par
+la France, puysqu'ilz ont layssé venir tant de vaysseaulx
+par deçà.</p>
+
+<p>L'on a heu en admiration en ceste court l'ordre, l'apareil,
+les riches habitz, les présens et la despance, dont a
+esté usé aulx nopces de Vostre Majesté, ainsy soubdain
+après la guerre passée, et de ce qui se prépare encores
+pour une entrée à Paris; qui leur faict bien juger que la
+grandeur de vostre estat a ung bien solide fondement, et
+que si Vostre Majesté joue ung peu son jeu couvert, et
+commance de s'aquiter et de fère les affères, il n'est pas à
+croyre combien il demeurera d'impression au monde des
+grandes forces et oppulance de vostre royaulme, et de la
+merveilleuse ressource qui est en icelluy. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce v&#305;<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p>
+
+<p class="blockquote">L'on me vient d'advertyr qu'au soir arrivèrent deux nouvelles en
+ceste court: que ceulx de la nouvelle religion des Pays Bas ont
+surprins un chasteau près de Groninguem, où le duc d'Alve y a envoyé
+huict centz Espaignolz pour le reprendre; et que, en Irlande,
+sont descenduz quelques soldats françoys, en moindre nombre de
+deux centz, appellez par les saulvaiges du pays, et que desjà le
+comte d'Ormont s'est esforcé de les combattre; mais ilz se sont faictz
+lascher. Si ainsy est, cella troublera assés les affaires de ce royaume.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_428"> 428</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CLIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de janvier 1571.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du S<sup>r</sup> Acerbo.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Affaires d'Écosse.&mdash;État de la négociation de lord Seyton en Flandre.&mdash;Nouvelles
+d'Espagne et d'Allemagne.&mdash;Projet de Walsingham de traiter
+avec les protestans d'Allemagne.&mdash;Bruit répandu en Angleterre que les
+armes ne tarderont pas à être reprises en France.&mdash;<em>Lettre secrète à la
+reine-mère</em> sur la proposition du mariage du duc d'Anjou.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, bien peu d'heures après que je vous ay heu faict
+ma dépesche du v&#567;<sup>e</sup> du présent, mon secrétaire est arrivé
+avec celle de Vostre Majesté du xxv&#567;<sup>e</sup> du passé, en laquelle
+j'ay trouvé deux de voz lettres; desquelles l'une répond fort
+bien aux particullaritez que je vous avois auparavant mandées,
+et l'aultre est pour la faire voir à la Royne d'Angleterre,
+qui en recepvra une très acomplye satisfaction, laquelle
+luy sera davantaige confirmée par les bons propos et
+démonstrations, pleynes de faveur, qu'avez usé à son ambassadeur.
+De quoy je mettray peyne, Sire, d'en faire icy
+le proffict de vostre service, et n'obmettray de toucher à la
+dicte Dame les principaulx poinctz de vos dictes lettres; et
+ceulx mesmement qui concernent l'honneur et grandeur de
+Vostre Majesté, dont, de ce qu'elle m'y aura respondu je
+ne fauldray de le vous mander par mes premières; vous voulant
+au reste bien dire, Sire, touchant la mainlevée qu'avez
+donnée aux merchans escossoys, qu'encor que la Royne
+d'Escosse se soit tenue ung peu opiniastre à ne vouloir que
+cella se fît, si, étions après, Mr de Roz et moy, à luy en oster
+l'opinion, parce que le comte de Lenoz acrochoit le
+tretté à ce seul poinct, disant qu'il ne passeroit jamais oultre
+sans que les merchans jouyssent de l'abstinence d'hostillité,
+<span class="pagenum"><a id="Page_429"> 429</a></span>
+aussi bien que les aultres subjectz, et qu'elle leur
+estoit viollée quand on leur faisoit saysir leurs biens et navyres.
+Les députez de la dicte Dame commencent [d'arriver]
+aujourduy, et nous avons nouvelles que ceulx [de
+l'autre parti sont] desjà en chemin; par ainsy, j'espère
+que bientost [il sera procédé] au dict tretté, sellon que
+j'ay aussi entendu que la Royne d'Angleterre [a] ordonné
+six depputez pour y vaquer de sa part, assavoir [lord Quiper]
+garde des sceaulx, le marquis de Norampthon, le
+comte de Lestre, le comte de Sussex, le secrétaire Cecille,
+et le sixiesme reste à nommer, qu'on pense sera
+maistre Mildmay.</p>
+
+<p>Cependant est advenu à Lislebourg qu'ayans deux soldatz
+du chateau esté saysiz par l'autorité du comte de Lenoz,
+ainsy qu'ilz s'en retournoient du Petit Lict, et menez
+ez prisons de la ville, le capitaine Granges, qui en a esté
+offancé, a, le soir mesmes, sur le tard, faict lascher toute
+l'artillerie du chasteau par dessus la ville; et, à l'instant
+mesmes, a faict sortir cinquante soldatz qui sont allez forcer
+les dictes prysons, et ont ramené leurs compagnons avec
+eulx. De quoy le dict de Lenoz se plaint grandement, comme
+d'une infraction d'abstinence d'armes, mais non sans avoir
+tant de peur qu'il a cuydé habandonner Lislebourg pour se
+retirer à Esterling.</p>
+
+<p>J'estime, Sire, que le S<sup>r</sup> de Sethon est maintenant devers
+Vostre Majesté, ayant prins congé du duc d'Alve dez
+le xv&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du passé, après avoir obtenu de luy les dix mil
+escuz, que je vous ay ci devant mandé; desquelz j'entendz
+qu'il a envoyé les sept mil en Escosse, par le frère du secrétaire
+Ledingthon, qui est party, le mesme jour, pour
+s'aller embarquer à Fleysinghes; il en a miz deux mil en
+<span class="pagenum"><a id="Page_430"> 430</a></span>
+Envers pour faire tenir à sa Mestresse, et mil pour luy; et
+semble qu'il n'a esté respondu sur ce qu'il demandoit, de
+faire serrer le trafic aux Escouçoys en Flandres, parce
+que l'ordre n'en étoit encores arrivé d'Espaigne. Je croy,
+Sire, qu'il sera bon de luy temporiser aussi, avec bonnes
+parolles, la responce des propositions qu'il fera à Vostre
+Majesté, attandant ce qu'il succédera de ce traicté, et attandant
+aussi que je vous aye mandé deux particullaritez
+fort considérables qui se presentent maintenant en cest affaire.
+J'ay adviz que le duc d'Alve est fort marry de ce
+qu'on vous a rapporté qu'il avoit envoyé deux gentishommes
+en Escosse, et néantmoins l'on m'a asseuré qu'il y en a encores
+despuys renvoyé ung troisiesme, mais j'eusse bien
+desiré que dom Francès d'Allava n'eust pas sceu que je vous
+en eusse adverty.</p>
+
+<p>Le voyage que les gallaires ont faict, l'esté passé, en
+Levant, a sonné fort mal icy pour la réputation du Roy
+d'Espaigne, mais son ambassadeur s'esforce de luy donner
+beaucoup de raysons et de couleurs, qui seroient longues à
+mettre en ceste lettre, dont je les réserve à une aultre foys;
+tant y a qu'elles tendent toutes à rejetter les faultes sur la
+malle pourvoyance et peu de conduicte des Véniciens au
+faict de la guerre, ainsy que eulx mesmes, à ce qu'il dict,
+l'advouhent meintenant; et sur ce qu'on s'estoit esbahy
+que la ligue tardoit tant à se résouldre, il asseure qu'elle se
+conclurra bientost sellon les propres chappitres, que le
+Roy, son Maistre, a desiré y estre apposez; et publie encores
+la généralle victoire des Mores<a name="FNanchor_23" id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">[23]</a> et plusieurs aultres
+prospéritez de son Maistre.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_431"> 431</a></span>
+Au reste, Sire, il s'entend, par lettres freschement venues
+d'Espire, que la diette s'en alloit finyr, et que le jour estoit
+desjà indict, auquel l'on la conclurroit, qui seroit sans que
+l'Empereur y eust faict passer en décrect guières des choses
+qu'il y avoit proposées; desquelles encor les déterminations
+ne seroient divulguées jusques à ce qu'il arriveroit en Prague,
+qu'on les auroit cependant réduictes par ordre et faictes
+imprimer; et que la liberté du duc Jehan Guilhaume
+de Saxe<a name="FNanchor_24" id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">[24]</a>, encor qu'elle fût très agréable aux princes d'Allemaigne,
+elle monstroit néantmoins d'avoir quelque chose
+de suspect contre le duc Auguste; et par ce, Sire, que je
+vous en ay desjà mandé quelles responces le jeune Coban
+avoit rapportées du dict Empereur, je ne vous en toucheray
+icy rien davantaige; seulement vous diray que, suyvant
+la négociation, qu'il avoit commancée par dellà avec
+aulcuns princes protestans, le S<sup>r</sup> de Vualsingan a esté dépesché,
+de quelques jours plus tost, pour rencontrer encores
+en France leurs ambassadeurs, avec lesquelz ne faut
+doubter qu'il ne traicte, s'il peult, avec affection et véhémence
+les choses qui concernent sa religion, car il est des
+plus passionnez; dont sera bon, Sire, de le faire ung peu
+observer: et a l'on aussi hasté davantaige son partement
+parce que le frère du comte de Sussex, qui est ung des fugitifz
+du North, s'estant retiré à Mr Norrys, pour retourner
+<span class="pagenum"><a id="Page_432"> 432</a></span>
+par son moyen à l'obéyssance et grâce de sa Mestresse,
+et ne l'ayant le dict S<sup>r</sup> Norrys vollu ouyr, sans l'exprès
+congé d'elle, le dict de Vualsingan a heu commandement
+de l'accepter, et luy offrir sa rémission, et mesmes de
+l'employer, s'il est possible, à regaigner le comte de Vuesmerlan
+et les aultres, qui sont dellà la mer: ce qui sera
+bon, Sire, de trouver moyen d'empescher pour quelque
+temps, attandant que les affaires d'Escosse soyent accommodez.</p>
+
+<p>Et pour la fin, il y a ici ung advis, venu de Gennes,
+comme par lettres de Thurin, du &#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du passé, l'on mande
+que les armes se vont reprandre pour deux occasions: l'une,
+parce que la Royne de Navarre use en Béarn d'une extrême
+rigueur contre les Catholiques; et l'aultre, par la difficulté
+que Mr de Savoye faict à la comtesse d'Autremont de luy
+randre quelques chasteaulx; et qu'encor que Vostre Majesté
+ne puisse mais de l'une ni de l'aultre, que le feu
+néantmoins s'en ralumera plus fort que jamais en vostre
+royaulme. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p>
+
+<p>Madame, je puys asseurer Vostre Majesté que le faict
+de la petite lettre commance d'aller bien chauldement en
+ceste court, duquel ayantz les dames de la privée chambre
+heu quelque sentyment, elles l'ont desjà descouvert à quelques
+seigneurs de ce royaulme, qui y font diverses interprétations;
+et aulcuns d'eulx m'ont mandé que, de tant qu'il
+semble que le cardinal de Chastillon le conduict sans moy,
+qu'on n'y cerchoit guières de faire le proffict du Roy ni de
+<span class="pagenum"><a id="Page_433"> 433</a></span>
+son royaume. J'ai monstré que le propos m'estoit nouveau,
+et que je ne pensois qu'il y en eust rien en termes auprès
+de Voz Majestez; et de faict, Madame, je travailleray, aultant
+qu'il me sera possible, qu'il soit mené par le plus secret
+et destorné cheming que faire se pourra; car je sentz
+qu'il en est besoing. Je suys adverty que celluy qui va en
+France aura charge de suyvre bien curieusement ce qui luy
+en sera touché, et que mesmes quelcun neutre sera possible
+pryé de passer en mesme temps affin d'en entamer le
+propos. Je croy que Mr le comte de Lestre m'a envoyé
+prier de disner demain avecques luy pour m'en parler, et
+que Mr le cardinal de Chastillon revient expressément en
+court pour ce faict, et que mesmes il y est, à ceste occasion,
+bien desiré, possible qu'il se plaindra, par mesmes
+moyen, de la détention de ses biens en France; dont de tout
+ce qui succèdera, et que j'en pourray entendre, je ne fauldray
+d'en advertyr incontinent Vostre Majesté. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce x&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p>
+
+<h2 class="p4">CLV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> jour de janvier 1571.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Calais par homme exprès.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Vives démonstrations d'amitié de la part d'Élisabeth au sujet
+du mariage du roi.&mdash;Son intention de procéder au traité avec la reine
+d'Écosse.&mdash;Nouvelle que les Gueux ont repris les armes en Flandre.&mdash;<em>Lettre
+secrète à la reine-mère</em> sur l'état de la négociation relative au mariage
+du duc d'Anjou.&mdash;Confidence de Leicester à l'ambassadeur.&mdash;Proposition
+faite au nom du roi par le cardinal de Chatillon à la reine d'Angleterre.&mdash;Discussion
+dans le conseil.&mdash;Divisions causées en Angleterre par ce projet.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, j'ay esté trouver la Royne d'Angleterre à Hamptoncourt
+<span class="pagenum"><a id="Page_434"> 434</a></span>
+le x&#305;&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce mois, laquelle n'a failly de me demander
+incontinent quelles nouvelles j'avois de Vostre
+Majesté, et comme vous vous trouviez en mariage. A quoy
+je luy ay respondu que vous me commandiez de luy continuer
+encores le mesmes propos, que je luy avois desjà
+commancé, de vostre conjoyssance touchant la Royne; et
+que, si vous aviez receu ung singulier playsir de sa venue,
+il s'estoit despuys redoublé et devenu si grand, par les
+vertueuses et excellentes qualitez qui se trouvoient en elle,
+que vous en demeuriez le plus content prince de la terre;
+mesmes qu'elle se faisoit merveilleusement aymer et bien
+vouloir de la Royne, vostre mère, de Messieurs voz frères,
+de Mesdames voz s&oelig;urs, de Monsieur de Lorrayne et de
+toutz les princes et seigneurs de vostre court, et générallement
+de toute la France; ce que vous mettiez en compte
+d'une grand félicité; oultre que, à l'ocasion d'elle, les
+princes d'Allemaigne, (lesquelz je lui ay nommez, sellon le
+contenu de vostre lettre), s'estoient despuys, par leurs ambassadeurs,
+conjouys avec Vostre Majesté de ce que Dieu
+avoit en ce temps réuny et renouvellé le sang de l'ancienne
+alliance de la Germanye avec la France; et que,
+pour ceste occasion, ilz vous avoient envoyé offrir, et à
+Messeigneurs voz frères, toutz leurs moyens et forces pour
+vous en servyr, ainsy qu'il vous plairoit les employer, et
+que leurs dicts ambassadeurs n'avoient obmiz de se conjouyr
+pareillement de la paix de vostre royaulme, et de ce qu'ilz
+l'y avoient trouvée très bien establye, et vous avoient suplyé
+de l'y vouloir entretenir. Qui estoient choses qui vous
+avoient apporté beaucoup de satisfaction; desquelles vous
+vouliez bien faire part à la dicte Dame, pour le playsir que
+vous estimiez qu'elle en recepvroit.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_435"> 435</a></span>
+A quoy, par parolles fort expresses, elle m'a respondu
+qu'elle se sentoit grandement obligée à Vostre Majesté
+de la communication qu'il vous playsoit luy faire de ce propos,
+lequel elle réputoit très honnorable et vrayement digne
+d'estre tenu entre princes, qui avoient bonne et vraye
+amytié ensemble, comme elle vous suplyoit de croyre que,
+de son costé, elle la vous portoit entière et parfaicte, et de
+bien bonne s&oelig;ur; et qu'à ceste occasion elle se resjouyssoit,
+non guières moins, du beau serain que Dieu monstroit
+meintennant en voz affères, après tant de divers orages
+que vous y aviez souffertz, que si c'estoit pour elles mesmes,
+car aussi pensoit elle y participer. Et a suyvy à parler
+de ceste ambassade d'Allemaigne comme d'une chose
+qu'elle réputoit authoriser bien fort vostre grandeur: et
+puys est retournée à ce qu'elle avoit entendu de la louable
+et vrayment royalle norriture de la Royne; chose que je
+luy ay asseurée qui demeuroit très confirmée par les exemples
+qu'elle en monstroit, et que, non moins par effect que
+en tiltre, elle estoit Royne Très Chrestienne et Très Dévotte,
+et au reste tant de bonne grâce, doubce et débonnaire,
+et sans cérémonye, que Vostre Majesté n'avoit nul
+plus grand playsir que d'estre, jour et nuict, en sa compaignye.</p>
+
+<p>A quoy elle m'a respondu que la recordation des amours
+du père et grand père luy faisoient ung peu craindre que
+vous les vouldriez imiter, et m'a révellé ung secrect de Vostre
+Majesté, lequel je confesse, Sire, que je n'avois pas
+sceu; et que néantmoins si vous continuez de rendre ainsi
+vostre parolle certayne et véritable, et estre bon mary,
+comme vous en avez desjà la réputation, qu'elle ne faict
+doubte que vostre règne n'en soit très heureux et éloigné
+<span class="pagenum"><a id="Page_436"> 436</a></span>
+de ces inconvénians et disgrâces, qui ont accoutumé de
+venir aux princes qui ne tiennent leur parolle, et à ceulx
+qui ne gardent leur loyaulté. Et a continué ce propos et plusieurs
+aultres, en termes bien fort honnorables de Voz trois
+Majestez très Chrestiennes et de Monseigneur vostre frère;
+lesquelz j'ay suyviz sans rien obmettre de ce que j'ay estimé
+convenir à vostre honneur et grandeur.</p>
+
+<p>Et pour la fin, je luy ay faict voir vostre lettre, qui portoit
+sa satisfaction, laquelle elle a entièrement leue, et n'y
+a heu nulle partie qu'elle n'ayt bien considéré, et où elle
+ne se soit arrestée pour m'y faire de fort bonnes responces;
+lesquelles, en somme, sont: qu'elle remercye Dieu que
+Vostre Majesté commance de cognoistre son intention, laquelle
+elle peult jurer n'avoir jamais esté de vous vouloir
+offancer ny nuyre; ains d'avoir toutjours désiré la conservation
+de vostre authorité et l'establyssement de vostre
+grandeur comme d'elle mesmes; et que son malcontantement
+est seulement procédé de ce qu'elle ne s'est trouvée
+si aymée et bien vollue de Vostre Majesté comme elle pensoit
+le mériter, et qu'elle n'advouera jamais, quant bien
+on la mettroit sur la roue, qu'elle n'ayt heu occasoin de se
+douloir; mais la satisfaction en est meintenant si ample
+qu'elle vous en doibt de retour beaucoup de grandz mercys,
+et ne vouldroit n'avoir esté offancée; qu'elle vous remercye
+bien grandement du compte que vous voulez tenir
+de son parant, lequel elle a desjà dépesché pour se trouver
+à vostre entrée; (et le comte de Lecestre aussi a faict harnacher
+les haquenées, qui s'aschemineront devant;) et que
+ce luy est ung singulier playsir, que vous veuillez bien recepvoir
+son nouveau ambassadeur; que quant à celluy qui
+s'en retourne elle vous prie de croyre qu'il a faict toutjours
+<span class="pagenum"><a id="Page_437"> 437</a></span>
+toutz les meilleurs offices, pour l'entretennement de l'amytié,
+qu'il est possible, et qu'il en sera pour ceste occasion
+mieulx receu d'elle à son retour; qu'au surplus elle vous
+veult asseurer de la convalescence et bonne santé de la
+Royne d'Escosse, et que desjà elle a donné audience à ses
+depputez, avec lesquelz elle procèdera à faire le traicté
+aussitost que ceux de l'aultre party seront arrivez, qui sera
+dans huict ou dix jours au plus loing; et qu'il luy tarde,
+plus qu'à nulle personne qui vive, que cest affaire soit bientost
+accommodé.</p>
+
+<p>Lesquelles siennes responces, Sire, j'ay miz peyne de
+luy gratiffier le plus que j'ay peu au nom de Vostre Majesté,
+et me suys ainsy licentié d'elle bien fort gracieusement.
+Et parce que j'ay trouvé une conformité de tout ce
+dessus en ceulx de son conseil, je ne puys sinon bien juger
+de la présente intention d'elle et d'eulx envers Vostre Majesté;
+et néantmoins cella sera cause que j'observeray de
+plus prez toutes choses pour voir si, soubz ceste apparance,
+il y auroit quelque chose de caché, qui soit contre vostre
+service; car, à ce que j'entendz, le mesmes comte de Lenoz,
+celluy de Morthon, et le lair de Glannes, viennent pour
+se trouver au traicté.</p>
+
+<p>Au regard des différandz des Pays Bas, il n'en est rien
+venu par le dernier courrier, dont ceulx cy ne sont contantz,
+sinon qu'on a escript que le duc d'Alve n'a encores
+rien respondu au depputé d'Angleterre sur sa dernière
+proposition, parce qu'on pense qu'il est attendant sur icelle
+quelque ordre d'Espaigne. Sur ce, etc.,</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p>
+
+<p class="blockquote">Présentement l'on me vient de donner adviz que les Gueux ont
+recommancé la guerre en Flandres; ce qui feroit prendre assés de
+<span class="pagenum"><a id="Page_438"> 438</a></span>
+nouveaulx desseings à ceulx cy. Le S<sup>r</sup> Guilhaume Lesley, bon subject
+de la Royne d'Escosse, parant de l'évesque de Roz, est venu
+avec les depputez de la dicte Dame; il estime avoir de bonnes intelligences
+icy, et se dict très dévot au service de Vostre Majesté.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p>
+
+<p>Madame, avant que monsieur le comte de Lestre me
+menât, dimanche dernier, en la présence de la Royne d'Angleterre,
+il m'entretint quelque temps sur le faict de la
+petite lettre, et je me plaigniz à luy qu'il estoit desjà trop
+divulgué, ce qu'il m'asseura n'estre procédé de la court,
+ains de ce qu'on voyoit n'y avoir rien de plus convenable;
+et, par ainsy, ung chacun en parloit; dont il vouloit sonder,
+à la vérité, l'intention de la dicte Dame et de ceulx de son
+conseil, affin de dresser, puys après, l'affaire en si bonne sorte
+que, s'il venoit à succéder, ou bien qu'il demeurast sans
+effect, il n'eust à raporter sinon contantement à chacun
+des costez; et qu'il me voulloit dire tout librement, que la
+dicte Dame ne s'estoit jamais monstrée disposée à prendre
+party, comme elle faisoit meintenant, par ce, possible,
+qu'elle s'y voyoit contraincte, pour les nécessitez de son
+royaulme; et que sur les privez propos, qu'il luy en avoit tenuz,
+elle n'avoit rien objecté que l'eage; à quoy il avoit respondu
+qu'il ne layssoit pourtant d'estre desjà homme:
+«Mais aussi, respondit elle, ne laisseroit il d'estre toutjour
+plus jeune que moy.»&mdash;«Tant mieulx sera ce pour
+vous,» avoit il respondu, en ryant. Et me pria le dict
+comte d'en toucher quelque mot à la dicte Dame, laquelle,
+à la vérité, a prins de fort bonne part toutz les motz que
+je luy ay proposez aprochans de cella; car je ne luy en
+ay poinct touché de plus exprès que de luy avoyr dict, sur
+<span class="pagenum"><a id="Page_439"> 439</a></span>
+le contantement que le Roy avoit de vivre en grand amytié et privaulté
+avecques la Royne, que je conseillerois à une princesse, qui vouldroit
+rencontrer un très parfaict et accomply bonheur de mariage, d'en
+prendre de la mayson de France.&mdash;A quoy elle m'a respondu que madame
+d'Estampes et madame de Vallantinois luy faisoient encores peur, et
+qu'elle ne vouldroit un mary qui ne l'honnorast seulement que pour
+Royne, s'il ne l'aymoit aussi pour femme.&mdash;A quoy j'ay réplicqué que
+celluy, dont j'entendois parler, entre les exellantes qualitez, dont
+il abondoit aultant que nul prince de la terre, il avoit celle
+péculière qu'il sçavoit extrêmement bien aymer, et se randre de mesmes
+parfaitement aymable.&mdash;«A la vérité, m'a elle respondu, il a tant de
+perfections en luy qu'on n'en ouyt jamais parler qu'avec grand
+louange.» Et, peu après que je fuz party d'avec la dicte Dame, Mr le
+cardinal de Chastillon vint parler longtemps à elle, dont je n'ay sceu
+ce qu'il luy dict; car, ny auparavant, ny despuys, nous n'avons
+conféré ensemble: mais voycy madame ce que j'ay aprins d'ailleurs et
+de fort bon lieu:</p>
+
+<p>Qu'après qu'il fût retiré, la dicte Dame assembla ceulx
+de son conseil pour leur dire que le dict sieur cardinal luy
+avoit demandé trois choses: l'une, si elle estoit point libre
+de toute promesse pour se pouvoir maryer où elle vouldroit;
+l'aultre, si elle en vouloit prandre de ceulx de son royaulme
+ou bien ung estrangier; et la troisiesme que, au cas que ce
+fût ung estrangier, si elle vouldroit point accepter Monsieur,
+frère du Roy; et qu'elle luy avoit respondu qu'elle
+estoit libre, qu'elle ne vouloit point espouser de ses subjectz,
+et qu'elle vouloit de bon cueur entendre au party de
+Monsieur avec les condicions qui se pourront adviser. Sur
+<span class="pagenum"><a id="Page_440"> 440</a></span>
+quoy le dict sieur cardinal luy avoit dict qu'il avoit donques
+charge de luy en parler, et luy avoit présenté à cest effect
+une lettre de créance du Roy, et l'avoit priée que, de tant
+que l'affaire estoit de grande conséquence au monde,
+qu'elle le vollust communiquer à son conseil, premier que
+passer oultre; de quoy elle leur vouloit bien dire qu'elle
+n'avoit trouvé cella bon, et luy avoit respondu qu'elle estoit
+Royne Souverayne, qui ne deppendoit de ceulx de
+son conseil, ains eulx toutz d'elle, comme ayant leurs vies
+et leurs testes en sa main, et qu'ilz n'auseroient faire que
+ce qu'elle vouldroit; mais, de tant qu'il luy avoit représanté
+les inconvéniantz, qui avoient cuydé survenir à la feu
+Royne, sa s&oelig;ur, d'avoir vollu tretter son mariage avec le
+Roy d'Espaigne sans ceulx de son conseil, elle luy avoit
+promiz de le leur proposer; dont vouloit que eulx toutz luy
+en donnassent promptement leur adviz.</p>
+
+<p>Sur quoy, iceulx du dict conseil bayssans la teste, n'en y
+eust pas ung qui respondit ung seul mot, parce que le propos
+estoit nouveau à la pluspart d'eulx, sinon, au bout de
+pièce, ung des principaulx s'advancea de dire que Monsieur
+sembloit estre bien jeune pour la dicte Dame:&mdash;«Commant,
+respondit elle, prenant le mot en aultre sens, suys
+je pas encores pour luy satisfaire.» Et puys, suyvit à dire
+que le dict sieur cardinal, oultre la lettre de créance, avoit
+des articles à proposer, sur lesquelz elle estimoit estre bon
+de l'ouyr pour voir si les condicions pourroient estre acceptées;
+ce que ung chacun aprouva. Et pour lors, n'y eust rien
+davantaige sinon que, le lendemain, Dupin et le ministre
+du dict sieur cardinal furent là dessus en privée conférance
+plus de trois heures avec le secrétaire Cecille.</p>
+
+<p>Duquel propos l'on me vouloit bien advertyr qu'il commançoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_441"> 441</a></span>
+à courir une merveilleuse contention dans ce
+royaulme sellon les parciallitez de Bourgoigne, et sellon
+celles de la religion, et que aulcuns estimoient que la dicte
+Dame ne se servoit d'icelluy sinon pour la commodité de
+ses affaires, sans qu'elle eust aucune affection de se maryer;
+et, par ainsy, que je prinse garde que le Roy ne fût trompé
+et moqué. Et d'aultres, qui sont bien affectionnez au Roy,
+et portent le faict de la Royne d'Escosse, et mesmes les
+seigneurs catholiques, m'ont mandé qu'ilz demeuroient fort
+escandalizez que cest affaire se menast par le dict sieur
+cardinal, et qu'ilz voyoient bien que c'estoit plus pour accommoder
+le faict de ceulx de la Rochelle, que non celluy
+d'entre ces deulx royaulmes, à l'intérest des catholiques;
+dont ilz vouloient penser à leurs affaires, me priantz seulement
+de leur vouloir estre toutjours tel comme je sçavois
+qu'ils s'estoient, en temps et lieu, monstrez bons amys et
+serviteurs du Roy; et se sont esforcez de m'imprimer une
+grand jalouzie de ce que je n'estois participant de ce
+propos.</p>
+
+<p>Sur quoy, pour leur faire prendre bonne espérance et
+les retenir toutjour en la dévotion, qu'ilz ont esté jusques
+icy vers Voz Majestez, et pour descouvrir plus avant toutes
+choses par leur moyen, je leur ay mandé que j'avois esté
+toutjours réputé si fidelle à vostre service, et si loyal à voz
+intentions, que si cest affaire estoit en telz termes qu'ilz
+dizoient, il ne passeroit guières que Voz Majestez ne m'en
+fissent entendre leur intention, et que la conclusion ne se
+feroit sans que je y fusse employé; dont je les asseurois que
+Voz dictes Majestez ne consentyroient jamais le passaige
+de Monsieur en ce royaulme, sans qu'il eust bonne intelligence
+avec eulx, et sans que les affaires de la Royne
+<span class="pagenum"><a id="Page_442"> 442</a></span>
+d'Escosse, et les leurs, n'en demeurassent bien accommodez,
+et que de cella vous leur en donriez la main et vostre promesse;
+chose, Madame, que, comme elle semble nécessaire
+et fort importante pour bien asseurer le négoce, ainsy
+est il requis qu'elle soit tenue fort secrecte et menée bien
+dextrement.</p>
+
+<p>Il est venu quelque sentyment de ce party à la notice de
+l'ambassadeur d'Espaigne, et de celluy, qui est agent icy
+pour le Pape, dont en ont escript chauldement dellà la
+mer. Je sçay aussi que l'évesque de Roz en a escript à
+Mr le cardinal de Lorrayne, dont ne luy fauldra dényer le
+faict, s'il vous en parle, mais luy donner meilleure espérance
+par là des affaires de la Royne d'Escosse que jamais.
+Le S<sup>r</sup> Cavalcanty a grand désir de passer en France pour
+servyr d'un tiers neutre à mouvoir ce propos entre Vostre
+Majesté et milord de Boucard, parce qu'il estime ne se
+pouvoir avec dignité entamer par l'ung ny l'aultre party,
+sans ung tel moyen; et sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce xv&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p>
+
+<p class="blockquote">Il semble fort requis que Vostre Majesté ne se haste de dépescher
+message ny ambassade par deçà sans voir que l'affaire soit comme
+tout asseuré.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_443"> 443</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CLVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXIII</span><sup>e</sup> jour de janvier 1571.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Retour d'Élisabeth à Londres après la cessation de la peste.&mdash;Affaires
+d'Écosse.&mdash;Audience.&mdash;Plainte de la reine au sujet de la descente
+d'un parti de Français en Irlande.&mdash;Avis donné par elle d'une levée
+qui se prépare en Allemagne.&mdash;Son désir de voir la réunion des églises
+proposée par le roi.&mdash;Négociation des Pays-Bas.&mdash;<em>Lettre secrète à la
+reine-mère.</em> Conférence de l'ambassadeur avec le cardinal de Chatillon
+sur le projet de mariage du duc d'Anjou.&mdash;Avis sur l'entreprise faite
+en Irlande par des Bretons.</p>
+
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, ceulx de ceste ville de Londres ont monstré beaucoup
+de resjouyssance à la venue de leur Royne, laquelle,
+pour cause de la peste, n'y avoit esté, il y a deux ans. Elle
+va aujourduy veoir ung bastyment nouveau qu'on y a édiffié,
+fort commode, et de grand ornement, affin de luy donner
+le nom; qui, jusques à ceste heure, a esté appellé par provision
+la <em>Bource</em>. Le festin luy est préparé en la maison de
+maistre Grassein. L'on dict qu'après demain elle descendra
+à Grenwich pour y passer le reste de l'yver, où se dresse
+desjà le lieu pour faire ung tournoy à ce caresme prenant;
+duquel le comte d'Oxfort et sire Charles Havard doivent
+estre les tenans.</p>
+
+<p>Les affaires de la Royne d'Escosse demeurent toutjour
+en bonne disposition, attendant l'arrivée des depputez de
+l'aultre party, lesquelz, parce que j'avois incisté qu'on ne
+les debvoit attandre, le secrétaire Cecille m'a opiniastrément
+débattu que l'honneur de sa Mestresse n'estoit de
+procéder sans eulx, mais, que je ne fisse nul doubte que
+les choses n'allassent bien; et encores que, despuys quatre
+<span class="pagenum"><a id="Page_444"> 444</a></span>
+jours aulcuns de ce conseil se soient plainctz à l'évesque
+de Roz d'une entreprinse, qu'on a vollu faire en Escosse,
+pour tuer le comte de Lenoz; et de ce qu'ilz ont entendu
+qu'on fornyst de l'argent dellà la mer aulx rebelles d'Angleterre,
+ilz n'ont guières répliqué à ce qu'il leur a respondu,
+qu'il estoit esbahy comme le dict de Lenoz duroit
+tant au dict pays, veu les viollances et désordres qu'il y
+faisoit; et, quant aux fugitifs d'Angleterre, qu'il croyoit
+que rien ne leur manqueroit, mais que ce n'estoit de sa
+Mestresse qu'ilz estoient secouruz, parce qu'elle n'avoit de
+quoy le faire.</p>
+
+<p>Et hyer, la Royne d'Angleterre, m'ayant envoyé quéryr,
+me dict que, si l'on faisoit nul oultrage au dict de Lenoz,
+qu'elle ne procèderoit aulcunement au dict tretté; dont j'ay
+conformé ma responce à celle du dict sieur évesque de Roz,
+adjouxtant que rien n'en debvoit estre imputé à la Royne
+d'Escosse, parce qu'elle n'en pouvoit mais, et que mesmes
+l'on avoit de sa part desjà dépesché ung gentilhomme en
+Escosse pour obvier à cest inconvénient.</p>
+
+<p>Et suyvyt la dicte Royne d'Angleterre à me dire que la
+principalle occasion, pour laquelle elle m'avoit prié de venir,
+estoit pour me communiquer ung adviz par escript, qu'on
+luy avoit envoyé d'Irlande, lequel elle me prioit de faire
+tenir à Vostre Majesté; et que, pour ne faire voir au
+monde que les armes fussent prinses entre les Françoys et
+les Anglois, et ne rompre aulcunement la paix avec la
+France, elle avoit faict gracieusement remonstrer au capitaine
+La Roche et à ceulx, qui sont avec luy en Irlande,
+de se retirer; ce que, trois moys a, ilz avoient promis de
+faire; mais monstrans à ceste heure qu'ilz ont une aultre
+dellibération, elle vous en vouloit bien advertyr, affin qu'il
+<span class="pagenum"><a id="Page_445"> 445</a></span>
+vous pleust, Sire, y pourvoir sellon que les bons trettez de
+paix, qui sont entre Voz Majestez, le pouvoient requérir.</p>
+
+<p>J'ai respondu que ce propos m'estoit nouveau, comme
+celluy, duquel je n'avois cy devant ouy parler, et que je
+le vous représanterois le mieulx que je pourrois, avec l'exprétion
+des mesmes parolles, et de l'intention, que j'avois
+cognue en elle, de vouloir évitter toute occasion de différand
+avec Vostre Majesté; et luy en ferois tenir vostre responce,
+aussitost que je l'aurois receue.</p>
+
+<p>Et s'exaspéra bien fort la dicte Dame contre celluy Fitz
+Maurice, qui est en Bretaigne, disant que luy et son père
+avoient usurpé, comme traystres, le tiltre du comte d'Esmont,
+bien que le vray comte soit encore vivant en ce
+royaulme.</p>
+
+<p>Après ce propos, il en succéda ung aultre, par lequel
+nous vinsmes à parler des aprestz d'Allemaigne, qui seroient
+longs à mettre icy, mais je prins par là occasion de demander
+tout librement à la dicte Dame si elle entendoit qu'il y
+eust rien de dressé contre Vostre Majesté, ny contre vostre
+royaume, ainsi que, d'aultre fois, elle vous avoit bien faict
+ce bon tour, de vous en réveller quelque chose par moy.</p>
+
+<p>Elle me respondit qu'encores que ses intelligences n'estoient
+plus telles vers l'Allemaigne, ni avec l'Empereur,
+comme elles souloient, néantmoins elle y en avoit encores
+d'assés bonnes pour pouvoir asseurer Vostre Majesté qu'il
+s'y préparoit une levée; laquelle elle ne sçavoit encores si
+viendroit à effect, mais croyoit que ce n'estoit pour vous
+nuyre, car elle le vous diroit, et y opposeroit le crédit qu'elle
+y pourroit avoir, mais c'estoit en faveur du prince d'Orange;
+et qu'elle estoit fort marrye qu'on poursuyvît ainsy
+les affaires de la religion par les armes, de quoy ne pouvoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_446"> 446</a></span>
+revenir, à la fin, que une grande ruyne à la Chrestienté;
+et qu'elle me prioit de vous exorter, Sire, qu'avec la bonne
+intelligence, qu'avez meintenant avec l'Empereur, vostre
+beau père, avec lequel elle continuoit aussi toutjour une
+bien fort estroicte amytié, et avoit naguières receu de ses
+lettres, il vous pleust, à ceste heure, mettre en avant quelque
+favorable moyen d'accord et de réunyon en l'esglize;
+et que, de sa part, elle vous y assisteroit, et ne s'y monstreroit
+aulcunement opiniastre.</p>
+
+<p>Je luy louay grandement cestuy sien très vertueux desir,
+et, sans toutesfois accepter ny reffuzer aussi d'en
+faire rien entendre à Vostre Majesté, affin que vostre
+intention en cella soit réservée au temps et moment qu'il
+vous semblera bon de la manifester; je la priay seulement,
+en ryant, qu'elle ne vollust observer l'extrémité de ne
+concéder aulx Catholiques l'exercice de leur religion en
+Angleterre, comme il n'en estoit permis pas ung aulx
+Protestans en Espaigne, ny en Flandres, et qu'elle suyvist
+l'exemple de Vostre Majesté, qui estiez au milieu,
+qui avez permiz le cours des deux en vostre royaulme.</p>
+
+<p>Elle respondit que les Catholiques ne se pouvoient pas
+beaucoup plaindre d'elle, et qu'elle cognoissoit le Roy
+d'Espaigne d'ung si bon naturel qu'il ne vouldroit aussi
+retenir la Chrestienté en ce dangereux suspend, où elle est,
+s'il y ozoit procurer les remèdes, mais que les passionnez
+l'en empeschoient, lesquelz elle vouldroit qui en sentissent
+seulz le mal.</p>
+
+<p>Et se continua assés longtemps ce propos entre la dicte
+Dame et moy, au millieu duquel, me venant à toucher
+des différans, qu'elle accusoit le duc d'Alve luy avoir
+succité avec le Roy son Maistre, me dict que je serois tout
+<span class="pagenum"><a id="Page_447"> 447</a></span>
+esbahy si je sçavois quelles choses le dict duc, despuys ung
+mois, avait vollu tretter avec elle, au préjudice de ses
+voysins, ce qu'elle réservoit à une aultre foys, et que
+néantmoins c'estoit une parenthèse digne de noter.</p>
+
+<p>Or, Sire, touchant les dicts différans, le depputé d'Angleterre,
+qui est aulx Pays Bas, a escript, ceste foys, à
+la dicte Dame qu'il avoit présenté à icelluy duc les derniers
+articles, qu'elle luy avoit envoyez; qui les avoit cognuz
+si raysonnables que, ne luy restant plus que contredire
+pourquoy il ne les deubt accepter, il avoit respondu qu'il y
+vouloit penser: et ainsy le faict en demeure là, qui se conforme
+assés à ce que Vostre Majesté m'en a mandé, en
+chiffre, par ses dernières du &#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du présent, que j'ay bien
+notté. Et sur ce, etc. <span class="i2">Ce xx&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</span></p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p>
+
+<p>Madame, s'estant Mr le cardinal de Chatillon, jeudy
+dernier, convyé à disner en mon logis, il m'a compté la
+favorable expédition, qu'il a obtenue de Voz Majestez,
+sur le recouvrement de ses biens, et comme il s'en est
+venu conjouyr avec la Royne d'Angleterre; et puys m'a
+parlé du faict de la petite lettre en bien fort bonne sorte,
+et que ce dont je m'estois plainct au comte de Lestre, que
+le propos en estoit trop divulgué, n'estoit procédé d'ailleurs
+que du peu de discrétion, que le vydame y avoit
+tenu, qui en avoit parlé et escript icy et en France à
+trop de gens, et que, de sa part, il n'en avoit jamais faict
+rien sçavoir qu'à Voz Majestez; desquelles, après qu'il
+avoit heu responce, il y avoit procédé le plus secrectement
+qu'il avoit peu; et que les choses en estoient en assés
+<span class="pagenum"><a id="Page_448"> 448</a></span>
+bons termes, et ceux du conseil en beaucoup de diverses
+opinions là dessus entre eulx, mais qu'il n'y avoit encores
+rien de conclud. Sur quoy luy ayant aprouvé grandement
+son intention et les sages moyens, qu'il tenoit, pour la
+bien conduyre, je l'ay sondé de plusieurs endroictz pour
+voir s'il y avoit nulle aultre fin et prétention en luy que
+celle qu'il monstroit en aparance; mais toutz ses propos
+sont revenuz à la considération de la grandeur que ce seroit
+pour Monsieur, et combien elle accroistroit celle du
+Roy et de sa couronne, et ravalleroit d'aultant celle d'Espaigne;
+ne me touchant toutesfois tant de particullaritez de
+l'affaire comme j'en sçavois, et comme je vous en ay
+desjà escript; dont j'ai fait semblant d'en sçavoir encores
+moins, attendant si Vostre Majesté (pour y procéder avec
+plus de lumyère, par les adviz que pourrons avoir de
+divers lieux) trouvera bon que nous nous communiquons
+secrectement l'ung à l'aultre, car je croy bien que les Protestans
+reçoipvent mieulx ce propos, venant du dict sieur
+cardinal que ne feroient de moy. Et il y va, à mon opinion,
+d'une droicte et bien bonne vollonté.</p>
+
+<p>Les Catholiques, qui sont la partie la plus grande,
+plus noble et plus forte, et où y a plus d'asseurance, le
+tiennent fort suspect, et vouldroient avoir quelque asseurance
+de Voz Majestez par mon moyen. La dicte Dame
+nous oyt fort bien, et avec grande affection, l'ung et l'aultre,
+dont Vostre Majesté me commandera comme j'en auray
+à uzer; et seulement vous suplie très humblement,
+Madame, de réserver, entre le Roy et Vous, et Monsieur,
+ce que je vous ay escript par ma petite lettre de devant
+ceste cy, et ce que, cy après, je vous pourray escripre ou
+mander des propos, que la dicte Dame tiendra en privé,
+<span class="pagenum"><a id="Page_449"> 449</a></span>
+ou avec ceulx de son conseil, sans qu'il se puysse jamais cognoistre
+qu'ilz vous viennent de moy. J'ay dict à Mr le cardinal
+que si le propos alloit en avant, qu'il estoit bien besoing
+de le conduyre à ce poinct qu'on ne s'advançât de le
+publier, ny de faire aulcune ouverte démonstration, du
+costé de Voz Majestez, d'y vouloir entendre, jusques à ce
+qu'on le vît tout conclud et bien arresté; car, puys après,
+l'on y adjouxteroit bien toutz les honnorables actes et
+respectz, qu'on vouldroit; et que surtout il n'y fût usé de
+longueur ny de remises. A quoy il m'a respondu que, le
+lendemain, il estoit convyé en court et qu'il verroit ce qu'il
+y pourroit advancer.</p>
+
+<p>J'ay sceu, Madame, que, pendant que nous estions ensemble,
+la Royne d'Angleterre estoit enfermée avec ceulx
+de son conseil pour prandre résolution de ce qu'elle debvoit
+respondre au dict sieur cardinal, et qu'elle a la matière si à
+cueur qu'elle ne prend playsir de parler, ny ouyr parler,
+d'aultre chose; et, de ma part, Madame, tant plus je considère
+le party, plus il me semble estre grand, honnorable
+et advantageux pour le Roy, et pour Monsieur; dont je ne
+desire sinon qu'il soit exempt de tromperie, comme je
+prendray bien garde, du plus prez qu'il me sera possible,
+qu'il n'y en ayt point, et que Dieu le veuille bien achever.
+Et sur ce, etc. <span class="i2">Ce xx&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</span></p>
+
+<div class="blockquote">
+<p>Millord de Boucard est bien fort affectionné à ce propos, et desire
+y estre employé. Sa Mestresse luy a dict qu'elle réserve de lui bailler
+son instruction à l'heure qu'il partyra. J'entendz que le comte de
+Lestre, si cella va en avant, est desjà désigné à passer en France
+pour l'aller conclurre. Je suys convyé aujourduy avecques la Royne;
+sur ceste bonne occasion, je notteray ce qu'elle me dira.</p>
+
+<p class="center"><span class="pagenum"><a id="Page_450"> 450</a></span>
+<span class="smcap">ADVIZ SUR LES CHOSES D'IRLANDE:</span></p>
+
+<p>Que on auroit suborné certaines gens pour pratiquer et suciter
+une rébellion en Yrlande, dont ung d'eulx se nomme de La Roche,
+gouverneur de Morlays en la Basse Bretaigne, qui s'en est allé là,
+avecques quatre navyres, pour se randre en l'endroict où le comte
+de Desmond se tenoit, et qu'il s'en est retourné de là et a admené
+avecques luy ung gentilhomme, nommé Fitz Maurice, qui, pour le
+présent, se tient secrectement en la Basse Bretaigne, et sollicite
+d'avoir des forces pour les mener ce printemps en Yrlande.</p>
+
+<p>Que le capitaine de Brest auroit prins ung fort, nommé d'Ingin,
+et une petite isle, non guières loing de là, en Yrlande.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">CLVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du dernier jour de janvier 1571.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Réjouissances faites à Londres pour célébrer la rentrée d'Élisabeth.&mdash;Conversation
+de la reine et de l'ambassadeur au sujet de cette fête.&mdash;Affaires
+d'Écosse.&mdash;État de la négociation des Pays-Bas.&mdash;Nouvelles d'Allemagne
+et d'Espagne.&mdash;<em>Lettre secrète à la reine-mère.</em> Négociation du mariage
+du duc d'Anjou.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, le jour que j'ay esté convyé, pour accompaigner la
+Royne d'Angleterre au festin de la Bource, n'a esté guières
+moins solemnel en Londres, que celluy du couronnement
+de la dicte Dame, car on l'y a receue avec concours de
+peuple, les rues tandues, et chacun en ordre et en son
+rang, comme si ce eust esté sa première entrée; et elle a
+heu grand playsir que j'y aye assisté, parce qu'il s'y est
+monstré plus de grandeur, ainsy soubdain, que si la chose
+eust esté préméditée de longtemps; et n'a obmiz la dicte
+Dame de me faire remarquer l'affection et dévotion qui
+<span class="pagenum"><a id="Page_451"> 451</a></span>
+s'est veue en ce grand peuple; lequel, despuys le matin
+jusques à l'heure qu'ayant donné le nouveau nom de
+<em>Change Real</em> à la Bource, elle s'est vollue retirer, envyron
+les huict heures de nuict, il ne s'est lassé d'estre par
+les rues, les ungs en leur rang, les aultres à la foule, avec
+force torches, pour l'honnorer, et luy faire mille acclamations
+de joye, chose qu'elle m'a demandée si, au petit
+pied, ne me faisoit pas souvenir des resjouyssances, qu'on
+faisoit à Paris, quant Vostre Majesté y arrivoit; et qu'elle
+me confessoit tout librement qu'il luy faisoit grand bien au
+cueur de se veoir ainsy aymée et desirée de ses subjectz,
+lesquelz elle sçavoit n'avoir nul plus grand regrect que, la
+cognoissant mortelle, ilz ne voyoient nul certain successeur,
+yssu d'elle, pour régner sur eulx, après sa mort; et
+que la France estoit très heureuse de cognoistre ses Roys,
+et ceulx qui, par ordre, debvoient, les ungs après les aultres,
+succéder à la couronne.</p>
+
+<p>J'ay respondu, le plus au contentement et satisfaction
+de la dicte Dame, à toutz ses propos, qu'il m'a esté possible,
+louant beaucoup ce que je voyois de sa grandeur, qui
+estoit à priser, sans rabattre néantmoins rien de ce qu'on
+sçait assés estre de plus en la vostre; et qu'au reste, il me
+sembloit qu'elle auroit bien à faire à s'excuser envers Dieu
+et le monde, si elle frustroit ses subjectz de la belle postérité,
+qu'elle leur pouvoit bailler, et qu'ilz attandoient d'elle
+pour les gouverner; qui a esté ung article, sur lequel elle
+s'est prinse à discourir plusieurs aultres choses, avec playsir
+et avec modestie, lesquelles je vous puys asseurer, Sire,
+que ne se sont passées sans qu'elle ayt monstré, en plusieurs
+endroictz, de vouloir persévérer en grande amytié
+avec Vostre Majesté; et, le soir mesmes, la résolution du
+<span class="pagenum"><a id="Page_452"> 452</a></span>
+voyage de milord Boucard a esté du tout prinse, luy commandant
+la dicte Dame ne faillyr d'estre prest à partir demain,
+qui est le premier jour de febvrier, ainsy qu'il faict.</p>
+
+<p>Or, Sire, nonobstant l'acclamation du peuple, la dicte
+Dame et ceulx de son conseil ne layssent de craindre la division
+et sublévation du pays: car ayans les filz du comte
+Dherby essayé d'obtenir leur congé pour retourner vers
+leur père, il leur a esté dict qu'ilz n'en parlassent poinct,
+s'ilz n'en vouloient estre du tout reffuzez, jusques à ce que
+les affaires de la Royne d'Escosse fussent accommodez, qui
+monstre que, par iceulx, ilz entendent acquiéter les leurs.
+Et le semblable a esté dict au duc de Norfolc, de ne presser
+sa plus ample liberté, jusques à ce qu'il ayt esté ordonné de
+celle de la Royne d'Escosse et de sa restitution, de laquelle
+l'on nous faict toutjour espérer de bien en mieulx; et qu'il
+n'y a retardement que de ces depputez de l'aultre party,
+desquelz le comte de Lenoz a, de rechef, escript qu'ilz estoient
+partys, et qu'il avoit surciz la tenue du parlement,
+ainsy que la Royne d'Angleterre le luy avoit mandé, pour
+remettre toutes choses à ce qui seroit ordonné par le
+tretté.</p>
+
+<p>Hyer, on tenoit en ceste court la pratique des différans
+de Flandres pour toute désacordée, non sans beaucoup
+d'indignation contre le duc d'Alve et contre l'ambassadeur
+d'Espaigne; mais, ce matin, par aulcunes lettres d'Envers,
+s'est entendu que le dict duc avoit condescendu à la pluspart
+des choses, que le depputé de Londres avoit desirées;
+et que le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque seroit en brief par deçà pour
+entièrement les conclurre. Je ne sçay s'il est ainsy, ou si
+c'est artiffice: tant y a que cella ne pourra estre que pour
+le regard des merchandises; car, quant à l'entrecours et
+<span class="pagenum"><a id="Page_453"> 453</a></span>
+commerce, j'entendz qu'il n'en est, pour encores, faict aulcune
+mencion.</p>
+
+<p>Il est nouvelle icy que le duc de Sualsambourg a quatre
+mille chevaulx et six mil hommes de pied ez environs d'Hembourg,
+et que c'est en faveur du roy de Dannemarc, pour
+se rescentir d'aulcuns mauvais déportemens, que icelle
+ville a uzé contre luy, durant la guerre contre le roy de
+Suède, et m'a dict l'ambassadeur d'Espaigne que le duc
+d'Alve est très bien adverty que ce n'est à aultres fins que
+pour branqueter la dicte ville; et que ce que le comte de
+Vuandeberg a aussi entreprins, de retourner en quelcune
+de ses terres en Frize, n'a esté qu'une légière course, laquelle
+ne luy a bien réuscy; et que le dict duc craint si peu,
+pour ceste année, les mouvemens d'Allemaigne, qu'il
+renvoye une partie de sa cavallerie au secours des Vénitiens
+contre le Turq, estimant qu'il n'eust peu rien succéder
+plus à propos pour le repos de la Chrestienté que la mort
+soubdainement advenue du duc Auguste<a name="FNanchor_25" id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">[25]</a>. Néantmoins il
+m'a confessé que, pour quelque souspeçon de guerre aulx
+Pays Bas, le dict duc ne parloit plus de s'en retourner en
+Espaigne, et que le propos du duc de Medina C&oelig;li estoit
+réfroydy, s'estans desjà expédiez les princes de Bohesme
+de Leurs Majestez Catholiques pour s'en retourner par
+Gennes en Allemaigne, sans qu'il fût nouvelles que le dict
+duc les accompaignât; qu'au reste toutz les articles de la
+ligue contre le Turc estoient accordez; ne restoit plus que
+celluy de la création du lieuctenant de général: que le
+Pape vouloit que ce fût Marc Anthonio Collonna, et le
+Roy d'Espaigne, puisque dom Joan d'Austria estoit le général,
+<span class="pagenum"><a id="Page_454"> 454</a></span>
+desiroit que le commandador major de Castille ou
+bien Joan André Doria eussent à commander soubz luy.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxx&#305;<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</span></p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p>
+
+<p>Madame, estant en ce festin, où j'ay esté convyé pour
+accompaigner la Royne d'Angleterre, le xx&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce
+mois, elle a prins playsir de deviser l'après dinée, fort
+longtemps avecques moy; et, entre aultres choses, elle
+m'a dict qu'elle estoit résolue de se maryer, non tant pour
+ne s'en sçavoir passer, (car elle en avoit assés faict de
+preuve), comme pour satisfaire à ses subjectz; et aussi pour
+obvier, par l'authorité d'ung mary, ou par la nayssance de
+quelque lignée, s'il playsoit à Dieu luy en donner, aux
+entreprinses qu'elle sentoit bien qu'on feroit contre elle,
+et sur son estat, si elle devenoit si vieille qu'il n'y eust plus
+lieu de prendre party, ny espérance qu'elle deubt avoir
+d'enfans. Il est vray qu'elle craignoit grandement de n'estre
+bien aymée de celluy qui la vouldroit espouser, qui luy seroit
+ung second inconvénient plus dur que le premier, car
+elle en mourroit plustost; et que, pourtant, elle y vouloit
+bien regarder.</p>
+
+<p>Je luy ay respondu que à si prudentes considérations et
+si vrayes, comme celles qu'elle disoit, je n'avois que adjouxter,
+sinon qu'elle pouvoit, dans ung an, avoir bien
+pourveu à tout cella, si, avant les prochaines Pasques, elle
+se maryoit à quelque prince royal, dont l'ellection s'en pourroit
+aiséement faire; et j'en cognoissoys ung qui estoit nay
+à tant de sortes de vertu, qu'il ne failloit doubter qu'elle
+n'en fût fort honnorée et singulièrement bien aymée, et
+<span class="pagenum"><a id="Page_455"> 455</a></span>
+dont j'espèrerois qu'au bout de neuf mois après, elle se
+trouveroit mère d'ung beau filz; par ainsy, en se rendant
+très heureuse de mary et de lignée, elle amortyroit, par
+mesmes moyen, toutes les malles entreprinses qui se pourroient
+jamais dresser contre elle.</p>
+
+<p>Ce qu'elle a aprouvé bien fort, et à suivy le propos
+assés longtemps, avec plusieurs parolles joyeuses et modestes;
+et estoit Mr le cardinal de Chatillon au mesmes festin,
+auquel elle n'a point parlé à part; mais, le lendemain,
+il a demandé audience, et a esté quelque temps avec elle;
+puys, au retour, il m'est venu dire adieu, parce qu'il
+partoit le lendemain pour Canturbery, et m'a compté l'estat
+où il layssoit l'affaire, qui luy sembloit estre en termes
+d'y pouvoir commancer quelque fondement, mais non qu'il
+y en vît encores nul pour s'y debvoir arrester; dont dépescheroit
+Dupin pour le vous aller représanter tel qu'il estoit,
+affin que Vostre Majesté, sellon sa prudence, nous
+vollût commander, à luy et à moy, ce que nous aurions
+à faire.</p>
+
+<p>Je luy descouvriz quelques choses que j'avois aprinses
+de sa négociation, pour luy donner plus grand lumyère
+comme elle estoit receue, et avons advisé d'user de bonne
+intelligence ensemble, mais secrectement, affin d'obvier
+aulx soupeçons de ceste court, qui bientost seroient si
+grandz en ce faict, que plus ne se peult dire; et n'ay point
+faict semblant au dict sieur cardinal que Vostre Majesté
+m'en ayt encores faict mencion; mais ceulx qui m'ont donné
+les premiers adviz de ce qu'il en a proposé, m'ont adverty
+qu'à la vérité il n'a point monstré lettre de Voz Majestez,
+qui luy en donnast expresse commission; dont la dicte Dame
+s'estoit retirée, et avoit dict que, quant vous y vouldriez
+<span class="pagenum"><a id="Page_456"> 456</a></span>
+entendre, vous m'en commanderiez quelque chose, comme
+vous fiant beaucoup de moy. Et ceulx là mesmes m'ont
+mandé qu'elle a parlé de ce faict à plusieurs des siens, à
+part l'ung de l'aultre, et mesmes a vollu avoir le conseil
+du duc de Norfolc, qui a respondu qu'il avoit esté le principal
+autheur d'induyre les Estatz de ce royaulme à la
+suplyer de se maryer, et de laysser à sa liberté de prendre
+le party que bon luy sembleroit: dont ne vouloit
+changer d'opinion; que quant à Monsieur, toutes choses
+estoient grandes en luy, mais qu'il falloit regarder aux
+condicions, sur quoi le mariage se pourroit conclurre,
+qui fussent honnorables pour sa Mestresse et heurées
+pour son estat.</p>
+
+<p>D'aultres m'ont mandé que les quatre principaulx, qui
+guydent les intentions de la dicte Dame, se sont assemblez
+pour résouldre qu'est ce qu'ilz luy en conseilleroient. Je
+vous manderay bientost leur conseil, et vous adjouxteray
+cependant, Madame, cestuy cy du mien, qu'encor que
+ceste princesse soit bonne et vertueuse, je ne la tiens
+toutesfois esloignée du naturel de celles qui veulent monstrer
+de fouyr, lorsque plus elles sont recerchées; et ceste
+nation a aussi cella de péculier que, plus on desire quelque
+chose d'eulx, encor qu'à leur proffict, plus ilz la souspeçonnent;
+dont sera bon de ne descouvrir trop d'affection
+de vostre costé, Madame, jusques à ce qu'ilz se soyent
+layssez clairement entendre du leur. Je vous escripray bientost
+d'aultres choses plus importantes de ce propos par le
+S<sup>r</sup> de Vassal, qui vous pourront assés esclayrer: et sur
+ce, etc. <span class="i2">Ce xxx&#305;<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</span></p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_457"> 457</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CLVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">VI</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1571.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Vassal.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Négociation concernant Marie Stuart.&mdash;Congé accordé par la reine aux fils
+du comte de Dherby.&mdash;Concession faite par le pape au roi d'Espagne du
+royaume d'Irlande, sous la condition d'y rétablir la religion catholique.&mdash;Entreprise
+préparée par les Espagnols pour s'emparer de ce pays.&mdash;<em>Lettre
+secrète à la reine-mère.</em> Négociation du mariage du duc d'Anjou.&mdash;<em>Mémoire.</em>
+Nouvelles d'Allemagne.&mdash;Projet des protestans de faire une
+entreprise contre les Pays-Bas.&mdash;Affaires d'Écosse.&mdash;<em>Mémoire secret.</em> Détails
+circonstanciés et confidentiels sur la proposition de mariage du duc
+d'Anjou.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, s'estant la Royne d'Angleterre bien trouvée de sa
+santé en ceste ville de Londres, d'où le grand yver a
+chassé toute souspeçon de peste, elle s'est résolue d'y
+passer le reste du caresme prenant, et, à ceste cause,
+s'est allée loger en sa mayson de Ouesmestre, où l'on radresse
+les lisses pour le tournoy, dont je vous ay cy devant
+escript; ayant remiz la dicte Dame de ne descendre à
+Grenvich jusques à environ la my mars, que noz amys de
+ceste court nous donnent grand espérance que les affaires
+de la Royne d'Escosse seront, entre cy et là, accommodez,
+nonobstant les grandz empeschemens que les comte
+et comtesse de Lenoz s'esforcent d'y mettre; qui, despuys
+huict jours, ont donné entendre qu'il y avoit une entreprinse
+dressée en Escosse pour venir enlever la dicte Dame
+du lieu où elle est, et l'aller remettre par force en son estat.
+De quoy est advenu que le comte de Cherosbery l'a
+faicte despuis fort observer, et luy a usé ceste rigueur qui
+l'a faicte recheoir en fiebvre, mais l'on y a remédié le
+<span class="pagenum"><a id="Page_458"> 458</a></span>
+mieulx et par le plus sage moyen qu'on a peu. Les depputez
+de l'aultre party s'espèrent en ce lieu, dans cinq ou
+six jours, et n'est possible que plus tost qu'ilz arrivent
+nous puissions aulcunement advancer le tretté. Ceulx qui
+portent icy ce faict m'ont prié, Sire, de vous advertyr en
+dilligence que milord Boucard a commission expresse de
+vous en parler et de remander incontinent par deçà vostre
+responce, et tout ce qu'il aura pu noter de vostre intention
+en cella, affin que, sellon qu'il vous y aura cogneu
+ou remiz, ou affectionné, l'on procède icy ou froydement,
+ou bien avecques effect, au dict tretté; dont Vostre Majesté
+luy pourra user des mesmes parolles vertueuses et
+modestes qu'il a faict jusques icy, affin de consommer
+l'honnorable &oelig;uvre, qu'avez commancé, de la restitution
+de ceste princesse, qui touche assés à Vostre Majesté et à
+la réputation de vostre couronne; et aussi pour obvier aulx
+inconvéniens qu'à faulte de ce pourroient cy après survenir.</p>
+
+<p>Les deux filz du comte Derby, nonobstant qu'on les ayt
+advertys de ne demander leur congé, n'ont layssé d'instantment
+le pourchasser; et leur est advenu ce qu'ilz
+avoient pansé, qu'on ne le leur auzeroit reffuzer, dont,
+après que la Royne leur a faict quelque réprimande, et
+les a heu admonestez de se mieulx déporter pour l'advenir,
+avec quelque difficulté de ne leur bailler sa main à bayser,
+elle les a licenciez.</p>
+
+<p>Au surplus, Sire, aulcuns seigneurs catholiques de ce
+royaulme me viennent d'advertyr qu'ilz ont tout freschement
+receu nouvelles de Rome, comme le Roy d'Espaigne
+a envoyé proposer au Pape l'offre que Estuqueley luy a faicte
+du royaulme d'Yrlande, de la part de ceulx du pays, qui
+<span class="pagenum"><a id="Page_459"> 459</a></span>
+sont prestz de le recepvoir, et comme il n'y a vollu entendre,
+sans la concession de Sa Saincteté, comme de celluy,
+de qui relève, de droict, icelle couronne; et que Sa dicte
+Saincteté luy en a desjà envoyé son consens avec permission
+d'entreprendre, au nom de Dieu, ceste conqueste, en ce
+qu'il restablyra la religion catholique au dict pays; et que
+le dict Roy est dellibéré d'y faire descendre bientost, ou
+du costé d'Espaigne ou de Flandres, dix mil hommes. Je
+ne sçay encores si les dicts seigneurs catholiques ont
+encores descouvert rien de cecy à leur Royne; tant y a
+que je ne vois pas qu'il se face nul préparatif pour y résister:
+et l'ambassadeur d'Espaigne m'a curieusement enquiz
+comme il alloit de ces Brethons, qui estoient descenduz au
+dict pays, et en quoy en estoit la plaincte, que la Royne
+d'Angleterre m'en avoit faicte. A quoy je luy ay respondu,
+sellon l'intention que j'ay estimé qu'il me le demandoit.
+Et a l'on opinion, Sire, qu'affin que ceulx cy ne
+souspeçonnent rien de l'entreprinse, et qu'ilz ne preignent
+nulle deffiance du Roy d'Espaigne, le duc d'Alve les
+va entretenant d'ung grand artiffice sur l'accord des merchandises,
+lequel pourtant se monstre enveloupé chacun
+jour de nouvelles difficultez. Sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce v&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p>
+
+<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p>
+
+<p>Madame, j'ay sceu que des quatre seigneurs que je vous
+escripviz, par ma précédante petite lettre, qui s'estoit assemblez
+pour dellibérer de ce qu'ilz avoient à conseiller à
+leur Mestresse touchant le party de Monseigneur vostre
+filz, le premier l'a plainement aprouvé comme très bon
+<span class="pagenum"><a id="Page_460"> 460</a></span>
+et très honnorable; le second l'a entièrement contradict,
+comme suspect à la religion protestante, plein de jalouzie
+aulx aultres princes, et très dangereux pour ce royaume;
+le tiers a assez suyvy ceste seconde opinion; et le quatriesme
+s'est joinct au premier, mais avec ung conseil assés
+dangereux: c'est qu'il a dict qu'il falloit, en toutes
+sortes, suyvre le propos, car si leur Mestresse estoit résolue
+de se marier et de ne vouloir point des siens, il n'y
+avoit nul prince si commode au monde pour elle que Monsieur,
+et qu'il ne falloit doubter que le mariage ne s'en
+ensuyvyst, avec l'honneur et advantaige d'elle et de son
+royaume: si, d'advanture, elle n'en avoit nul desir, encores
+sçavoit il le moyen comme, avecques le mesmes
+honneur et advantaige, après qu'on se seroit servy du propos,
+l'on le pourroit rompre sans offancer Monsieur, qui
+n'en demeureroit que bien affectionné à la dicte Dame,
+mais que tout le mal gré en tumberoit sur le Roy, par ce qu'il
+n'auroit vollu accomplyr les condicions; et s'en engendreroit
+une division entre les deux frères, qui ne seroit que
+utille à l'Angleterre. Ce n'est pourtant, Madame, que
+celluy, qui a donné ce conseil, n'ayt bonne affection au
+party, mais il est anglois, et possible il a proposé cella,
+affin qu'il se trouve tant moins de contradisans au présent
+desir de la dicte Dame, laquelle monstre cercher bien fort
+qui le luy veuille aprouver; et c'est cependant un adviz à
+Vostre Majesté pour divertyr que tel inconveniant n'adviegne.</p>
+
+<p>J'ay cerché de sçavoir qu'est ce qui avoit réussy du dict
+conseil, et aulcuns de ceulx, qui ne sont encores bien résoluz
+s'ilz debvoient trouver le dict party bon ou mauvais,
+m'ont mandé que toutes les parolles et démonstrations de
+<span class="pagenum"><a id="Page_461"> 461</a></span>
+la dicte Dame et des siens ne sont que simulation, affin de
+pouvoir bientost tenir ung parlement là dessus, et tirer de
+l'argent des subjectz, et se meintenir en quelque réputation
+vers eulx et vers les princes estrangiers; et que pourtant
+l'on ne se doibt haster d'en parler plus avant, jusques
+à ce que l'on y voye quelque meilleur fondement; et que
+mesmes le comte de Lestre s'estoit de nouveau faict proposer
+à sa Mestresse par aulcuns des principaulx du conseil,
+qui avoit fort réfroydy le propos. D'aultres m'ont
+mandé que la dicte Dame persévéroit, et à bon esciant,
+et pour causes nécessaires, à se vouloir marier; et que,
+sur le partement de milord Boucard, entendant les diverses
+opinions que ceulx de son conseil avoient là dessus, elle
+les avoit assemblez pour leur dire, la larme à l'&oelig;il, que,
+si nul mal venoit à elle, à sa couronne et à ses subjectz,
+pour n'avoir espousé l'archiduc Charles, il debvoit estre
+imputé à eulx et non à elle; qui aussi estoient cause que
+le Roy d'Espaigne avoit esté offancé, et que le royaulme
+d'Escosse estoit en armes contre le sien, et qu'il n'avoit
+tenu aussi à eulx que le Roy n'eust esté beaucoup provoqué
+davantaige par leurs déportemens en faveur de ceulx
+de la Rochelle, si elle ne les eust empeschez; dont les
+prioit très toutz de luy ayder meintenant à rabiller toutz
+les maulx par ung seul moyen, qui estoit de bien conduyre
+ce party de Monsieur; et qu'elle tiendroit pour mauvais
+subject, et ennemy de ce royaulme et très déloyal à son
+service, qui aulcunement le luy traverseroit. Dont me
+vouloient bien asseurer que nulz, à présent, n'y ozoient
+plus contradire.</p>
+
+<p>Je n'ay layssé, pour cella, de tenir fort suspect le
+comte de Lestre, à cause de l'adviz précédant, jusques à
+<span class="pagenum"><a id="Page_462"> 462</a></span>
+ce que luy mesmes, lundy dernier, s'est convyé à dyner
+en mon logis avec le marquis de Norampthon, le comte
+de Sussex, le comte de Betfort, milord Chamberlan, et
+aultres seigneurs de ceste court, tout exprès pour me venir
+compter comme les partisans d'Espaigne, qui craignent
+infinyement le mariage de Monsieur, et aussi le secrétaire-Cecille
+qui ne veult en façon du monde que sa Mestresse
+ayt ny luy, ny nul aultre mary que soy mesmes, qui est
+roy plus qu'elle, l'avoient fort instantment sollicitée de
+vouloir accepter le dict comte de Lestre comme celluy qui
+seroit de très grande satisfaction à tout le royaulme, et
+qu'elle mesmes l'avoit pryé de les en remercyer; mais il luy
+avoit respondu que, quant le temps luy estoit bon, ils luy
+avoient esté contraires, et meintenant que le temps ne luy
+servoit plus ilz monstroient de luy ayder, et qu'ilz ne faisoient
+cella, ny comme bons serviteurs d'elle, ny comme
+vrays amys à luy, ains pour interrompre le propos de Monsieur;
+par ainsy, qu'elle l'excusât s'il ne leur en sçavoit nul
+gré, ny leur en randoit nul mercys. Et a adjouxté qu'il
+espéroit que les amys pourroient plus en cecy que les adversayres.
+J'ay donné instruction, Madame, d'aulcunes
+aultres particullaritez là dessus au S<sup>r</sup> de Vassal, comme à
+ung gentilhomme, que je tiens fort secrect et fidelle, qui
+vous en rendra bon compte; et sur ce, etc.</p>
+
+<p class="right">Ce v&#305;<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</p>
+
+<div class="blockquote">
+<p class="center"><span class="smcap">DIRA LE S<sup>r</sup> DE VASSAL A LEURS MAJESTEZ,</span>
+oultre les choses susdictes:</p>
+
+<p>Que, despuys quelque temps en çà, la Royne d'Angleterre a déclaré
+qu'elle se vouloit maryer, et a monstré que ce sien desir estoit
+fondé sur une tant raysonnable et quasi nécessaire occasion que plusieurs,
+qui souloient opinyastrer le contraire, commencent d'en parler,
+<span class="pagenum"><a id="Page_463"> 463</a></span>
+à ceste heure, aultrement; néantmoins, sur ce qui ne se peult
+bien dicerner encores, si elle le veult à bon esciant, ou bien si elle
+le veult ainsy donner à croyre, et sur la diversité des partys ausquelz
+elle pourroit entendre, et des condicions qui auroient à se requérir,
+non seulement ceulx de son conseil, mais ceulx de sa noblesse, et
+presque toutz ses principaulx subjectz en sont en grand contention
+entre eulx, et se bandent desjà en plusieurs conseils et assemblées
+secrectes pour en tretter, sellon que le desir, ou de pourvoir à la
+religion protestante; ou d'ayder à la catholique; ou de préjudicier
+aulx tiltres prétendus de la succession de ce royaulme; ou de favoriser
+les affaires de la Royne d'Escosse; ou de nourryr amytié avec la
+France; ou bien de confirmer plus que jamais celle de Bourgoigne;
+ou de n'innover rien au présent estat de ce royaulme, qui est doulx
+à plusieurs, pousse les ungs et les autres à interrompre ou bien advancer
+le propos.</p>
+
+<p>Néantmoins, pour estre encores ceste matière trop peu meure, la
+dicte Dame réserve la tenue de son parlement jusques en may ou
+juing, pour en mieulx dellibérer, lequel aultrement debvoit estre
+convoqué en ce moys de janvier, sur la nécessité d'avoir argent;
+car l'Allemaigne et l'Escosse, despuys deux ans, luy ont assés espuysé
+ses finances; et l'interruption du commerce n'a permiz qu'elle
+les ayt peu remplyr, bien que, en certain propos, elle m'a naguières
+donné entendre qu'elle avoit heu si peu de nécessité, que encores
+n'avoit elle aulcunement touché aulx deniers du Roy d'Espaigne.</p>
+
+<p>Par lettres, naguières venues de dellà la mer, de divers lieux,
+l'on est en diverses opinions, en ceste court, des choses d'Allemaigne;
+car les ungs mandent que le duc d'Alve a intelligence avec le
+duc de Sualsambourg, pensionnaire du Roy d'Espaigne, contre
+la ville de Hembourg, parce qu'elle a receu le commerce des Anglois,
+et est encores pleyne de leurs merchandises, et si, a favorisé
+les pratiques du prince d'Orange, et forny argent pour icelles contre
+les Pays Bas.</p>
+
+<p>Les aultres escripvent que les princes et capitaines, qui lèvent gens
+en Allemaigne, s'entendent avec le dict de Sualsambourg et avec le
+comte de Vuandeberc, et que, soubz colleur, l'ung d'assiéger Hembourg
+pour le roy de Danemarc, et l'aultre de recouvrer ses terres,
+ilz se préparent toutz deux, et le roy de Dannemarc aussi, à l'entreprinse
+des Pays Bas, avec le secours que le Prince d'Orange, beau
+frère des trois, doibt admener d'Allemaigne; et que icelluy roy de
+Dannemarc dellibère d'interrompre toutz les trafficz d'Ostrelan, et
+<span class="pagenum"><a id="Page_464"> 464</a></span>
+des régions froydes, aulx Flamans; et mesmes leur serrer une rivière,
+par où ilz ont accoustumé de recouvrer leurs bledz et aultres
+provisions, affin de commancer, de bonne heure, à leur retrancher
+vivres.</p>
+
+<p>Et adjouxtent que Monsieur, frère du Roy, n'est que bien disposé
+à ceste entreprinse pour recouvrer ceste portion des dicts Pays Bas,
+qui apartient à la couronne de France; et qu'il a suplié le Roy de luy
+permettre de faire ung essay pour en agrandir son appanaige, et d'y
+employer la gendarmerye, et ce grand nombre de gens de guerre, qui
+sont meintennant en France, mesmes que les Françoys ne desirent
+rien tant que cella; s'apercevans enfin des tromperies et simulations
+du Roy d'Espaigne et de ses ministres, et murmurans que les
+jours ont esté advancez à sa dernière femme, Fille de France, par
+mauvais trettement qu'elle a reçeu avecques luy, dont j'ay merveilleusement
+rejetté tout le contenu de cest article, quant on m'en a
+parlé;</p>
+
+<p>Et que le duc d'Alve, craignant ung si grand orage, commance de
+mettre ung grand ordre à ses affaires, à recueillyr deniers et armes
+de toutz costez, et faire secrecte description de gens de guerre. Néantmoins
+l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, monstre de ne croyre,
+en façon du monde, qu'il y ayt nulz aprestz contre les Pays Bas, ains
+tout le contraire, ainsi que je l'ay mandé par ma précédante dépesche,
+qu'encor qu'il pense bien qu'il ne tiendroit aulx Anglois
+que telles choses ne fussent mises en avant et exécutées, que néantmoins
+la Royne d'Angleterre n'y veult advancer ses deniers contans,
+ni aultre chose que parolles et promesses, qui ne sont suffizantes
+pour mouvoir les Allemans, ni pour faire marcher une armée.</p>
+
+<p>Comme, à la vérité, j'entendz que le capitaine, qui est icy pour
+le duc Auguste, et qui asseure n'y avoir aulcune certitude de la
+mort de son maistre, mais bien qu'il estoit fort mallade, n'a esté
+encores guières bien respondu sur la pratique qu'il mène d'avoir
+deniers pour les dicts aprestz d'Allemaigne; et si, semble qu'il n'inciste
+pas fort que la dicte Dame veuille entrer en nulle ligue avec
+les princes protestans, s'estant layssé entendre que le dict duc Auguste
+aussi n'y entrera pas et qu'il ne cerche que fère amys de toutz
+costez, pour s'en ayder au besoing; néantmoins qu'il favorisera et
+assistera la dicte entreprinse d'iceulx princes.</p>
+
+<p>Le susdict ambassadeur d'Espaigne a heu adviz que Mr le cardinal
+de Chatillon a proposé à ceste Royne, et à ceulx de son conseil, s'ilz
+trouveroient bon que le comte Ludovic de Naussau vînt avec aulcuns
+<span class="pagenum"><a id="Page_465"> 465</a></span>
+bons navyres de guerre de la Rochelle pour se joindre à ceulx du
+S<sup>r</sup> de Lumbres, affin de tenir ceste mer subjecte contre le duc
+d'Alve à la dévotion toutesfoys de ce royaulme, et que cella a esté
+bien receu du dict conseil et favorisé du comte de Lestre, et qu'il
+entend qu'on arme à cest effect à la Rochelle plusieurs navyres,
+chose qu'il estime ne pouvoir estre trouvée bonne du Roy.</p>
+
+<p>Les depputez de la Royne d'Escosse sont venuz plusieurs fois
+prandre familièrement leur disner en mon logis, et m'ont, entre
+aultres choses, remonstré qu'ilz sont envoyez, de la part des principaux
+seigneurs de leur pays, pour assister au tretté et y procurer la
+restitution de leur Mestresse, avec charge de procéder en tout sellon
+qu'elle leur ordonnera, et avec article espécial de ne faire rien
+au préjudice de l'alliance de France; et qu'ilz supplient très humblement
+le Roy, qu'au cas que le dict tretté ne succède, qu'il veuille
+avoir souvenance d'eulx; car ilz disent avoir esté toutz essayez, l'ung
+après l'autre, par grandes offres et présens, de la part de la Royne
+d'Angleterre, pour suyvre son party, et qu'ilz ont tout rejetté, et ont
+choysy de souffrir plustost toutes extrémitez que de quicter ung seul
+point de l'alliance et dévotion qu'ilz ont à la couronne de France;</p>
+
+<p>Et que les dicts seigneurs requièrent une chose de l'évesque de
+Roz et de moy, c'est que nous les veuillons advertyr, de bonne
+heure, s'il y aura apparance que le tretté ne succède, affin de se
+pourvoir; et que, sans mettre le Roy en nulle guerre ouverte, s'il luy
+playt les ayder, quelque temps, de quatre mil escuz par mois, pour
+entretenir trois cens hommes dans le chasteau de Lislebourg, et
+sept cens hommes en la campaigne, ilz promettent de faire ce qui
+s'ensuyt:</p>
+
+<p>Sçavoir, le lair de Granges, capitaine du dict chasteau de Lislebourg,
+de surprendre les comtes de Lenoz et de Morthon, et les
+mettre dans son dict chasteau, pour en faire ce que leur Mestresse
+commandera, et de randre paysible et obéyssante la ville de Lislebourg
+à la dicte Dame; les aultres seigneurs qu'avec les sept centz
+hommes, ilz chasseront les Anglois de tout le pays, estandront leur
+ligue, remettront partout l'authorité de la Royne d'Escosse, de sorte
+qu'il ne se parlera plus que de luy obéyr, et de demeurer fermes en
+l'alliance de France, et qu'ilz réduyront, tout entièrement, le
+royaulme en l'estat qu'il estoit auparavant, estantz toutz les principaulx
+de la noblesse de ce desir, sinon le dict Lenoz, qui n'a, à
+présent, cinq cens escuz de rante au dict pays, et Morthon, qui est
+homme nouveau et sordide.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_466"> 466</a></span>
+Le Roy d'Espaigne a escript à son ambassadeur, qui est icy, qu'il
+le résolve clairement, et en brief, de ce qui se doibt espérer de la
+restitution de la Royne d'Escosse, et en quoy l'on est du tretté,
+monstrant qu'il a bien fort à cueur la matière; et icelluy ambassadeur
+a dict à l'évesque de Roz que son Maistre ne regarde sinon
+comme le Roy commancera d'y procéder, car, de sa part, il y est tout
+prest et tout résolu. Et par lettre de Rome s'entend que le Pape a
+desjà miz une provision de deniers ez mains du duc d'Alve, pour
+ayder l'entreprinse sellon que l'ordre en sera mandé par Ridolfy; lequel
+Ridolfy et les seigneurs catholiques de ce pays, me recerchent
+fort de mettre en avant que les deux Roys se veuillent entendre
+et se unyr à la dicte entreprinse; ce que j'ayme mieulx qui me soit
+proposé par le dict ambassadeur, qui ne m'en a parlé, longtemps y a,
+que non pas par eulx.</p>
+
+<p>Je ne puis encores juger au vray si la dellibération de la dicte
+entreprinse est bien certaine, et moins encores quel événement elle
+pourra avoir. Tant y a que, pour la conformité de celle d'Yrlande,
+elle me semble trop esloignée du vraysemblable, et je sens bien que
+les Escouçoys, doubtans du secours de France, commancent fort
+d'espérer en cestuy cy; et le duc d'Alve leur a desjà advancé quelques
+deniers, ainsy que je l'ay desjà escript.</p>
+
+<p><span class="center smcap">AULTRE MÉMOIRE ET INSTRUCTION A PART:</span></p>
+
+<p>Que le propos de maryer Monsieur avec la Royne, a prins son
+commancement de ce que, ayant, en une mienne audience, parlé à la
+dicte Dame des fianceailles du Roy, qui se debvoient faire à Espire,
+après qu'elle se fût retirée avec ses dames, elle se plaignit que, se
+faisans plusieurs honnorables mariages en la Chrestienté, nul de
+son conseil ne luy parloit à elle de prandre party, et que, si le comte
+de Sussex fût présent, au moins luy ramentevroit il l'archiduc
+Charles.</p>
+
+<p>Ce que ayant l'une des dames raporté au comte de Lestre, il s'esforcea,
+le lendemain, affin de luy complayre, de luy remettre si bien
+le dict archiduc en termes, que le voyage de Coban en fut incontinent
+dressé; et, de là en avant, elle monstra, de plus en plus, estre
+résolue de se maryer, et de parler d'affection de l'archiduc, de sorte
+que le dict comte se repentyt assés d'en avoir meu le propos.</p>
+
+<p>Sur quoy arrivant le vydame de Chartres pour prandre congé
+d'elle, il luy parla de Monsieur, frère du Roy, et en parla aussi à
+<span class="pagenum"><a id="Page_467"> 467</a></span>
+plusieurs de son conseil, qui en furent les ungs bien ayses pour
+traverser l'aultre propos, et les aultres marrys, qui ne vouloient
+qu'on mit, en façon du monde, cestuy cy en avant.</p>
+
+<p>Dont, après que le dict Coban fût de retour avec la responce de
+reffuz, elle commança lors d'ouyr, avec plus d'affection, ceulx qui
+luy proposoient Monsieur; et arrivant là dessus quelque responce du
+vydame, et survenant, peu après, Mr le cardinal de Chatillon, la
+matière s'est si bien eschauffée que la dicte Dame ne parle plus que de
+luy, et a dict, tout hault, «que les siens l'avoient souvant pressée de
+se maryer, mais puys après ilz y avoient adjouxté tant de dures condicions
+qu'ilz l'en avoient engardée, et qu'elle cognoistroit meintenant
+qui seroient ses bons et fidelles subjectz, et les sauroit bien
+remarquer, et qu'elle tiendroit pour desloyaux ceulx qui luy traverseroient
+ce tant honnorable party».</p>
+
+<p>Et comme l'une de ses dames regrettoit que Mon dict Seigneur
+n'eust quelques ans davantaige, elle respondit:&mdash;«Il a vingt ans qui
+en vallent vingt cinq, car il n'y a rien en son esprit, ny en sa personne,
+qui ne soit d'homme de valleur.»</p>
+
+<p>Et à milord Chamberland qui luy faisoit ung compte, comme Mon
+dict Seigneur avoit faict une course jusques à Roan pour voir une
+jeune flamande fort belle, que le père, craignant qu'elle ne se derrobât
+pour le suyvre, l'avoit jettée en haste hors de la ville et conduicte
+à Dièpe, où n'attendoit que le vent pour la passer en Angleterre,
+l'une des dames respondit:&mdash;«Et bien c'est qu'il n'est point
+paresseux pour aller voir les dames, il ne craindra guières de passer
+la mer.»&mdash;«Ce ne seroit, respondit la Royne, à mon proffict
+qu'il fût si dilligent, mais il n'en est pourtant moins à priser.»</p>
+
+<p>Et au baron de Vualfrind, lequel je luy présentay de la part du
+Roy, après qu'elle luy eust assés amplement parlé du mariage de
+l'archiduc, en une façon pleyne de jalouzie et de desdein, réprouvant
+bien fort les nopces d'entre si prochains, comme l'oncle et la
+niepce:&mdash;«Bien que le Roy d'Espaigne, disoit elle, comme grand
+prince, eust possible estimé que son exemple servyroit de loy au
+monde, mais c'estoit une loy contre le ciel;» luy dit:&mdash;«Que l'archiduc
+luy estoit grandement obligé de ce que, l'ayant reffusé, elle luy
+avoit faict trouver mieulx qu'elle, et où l'amytié ne deffauldroit, car,
+s'ilz ne s'aymoient comme espouzés, ilz s'aymeroient comme parans;
+et qu'elle espéroit aussi trouver mieulx que luy, dont le regrect cesseroit
+des deux costez.» Puys se corrigea que;&mdash;«A la vérité elle ne
+l'avoit pas reffuzé, mais elle avoit bien différé la responce, et il ne
+<span class="pagenum"><a id="Page_468"> 468</a></span>
+l'avoit vollue attandre; néantmoins elle ne lairroit d'aymer et honnorer
+toutjour l'Empereur, et toute sa mayson, sans aulcun excepter.»</p>
+
+<p>Et, au retour de là, le dict sieur baron me demanda si je pensois
+qu'elle eust parlé d'affection et avec jalouzie du dict archiduc, ou
+bien par manière de deviz, et qu'il se repentoit de ne luy avoir proposé
+le prince Rodolfe, qui a desjà dix sept ans. Je luy respondiz
+que «le voyage, que le jeune Coban avoit dernièrement faict devers
+l'Empereur, monstroit que, si l'archiduc eust vollu, à ceste
+heure, entendre à ce party, qu'il eust esté accepté.»&mdash;Il répliqua «qu'il
+en auroit doncques beaucoup de regrect, et qu'il s'estoit trop hasté
+de s'obliger à celle de Bavière, bien qu'il me vouloit dire que les
+conditions, sur lesquelles on le vouloit maryer avec ceste Royne,
+estoient, à ce qu'il avoit ouy dire, si dures et iniques qu'il eust esté
+trop plus subject que Roy.»</p>
+
+<p>L'on me vient d'advertyr que, sabmedy dernier, se plaignant la
+dicte Dame à l'admyralle Clinton et à milady Coban des difficultez,
+qu'aulcuns des siens trouvoient au party de Monsieur, comme trop
+jeune, elle les avoit conjuré de luy en dire librement leur opinion,
+et que, comme les deux plus loyales, et où elle se fyoit plus qu'en
+dames de ce monde, elles ne luy en vollussent rien dissimuler; et
+que la dicte Clinton, luy ayant fort loué ses perfections et confirmé
+grandement son opinion de se maryer, avoit aprouvé entièrement
+qu'elle deût espouser Monsieur; et que sa jeunesse ne luy debvoit
+faire peur, car il estoit vertueux, et elle, pour luy en donner,
+en toutes sortes, plus de satisfaction que nulle aultre princesse du
+monde ne sçauroit faire. Ce que la dicte Dame avoit accepté avec
+tant de démonstration de playsir, que milady Coban, n'y ozant rien
+contradire, avoit seulement dict que les mariages estoient toutjour
+mieulx faictz et plus plains de contantement, quant l'on espousoit
+personne de âge pareil, ou aprochant au sien, que quant il y avoit
+grande inégalité. A quoy elle avoit respondu:&mdash;«Qu'il n'y avoit que
+dix ans de différant entre deux, et qu'il eust esté fort à propos que
+ce eust esté luy qui les heût davantaige; mais, puysqu'il playsoit à
+Dieu qu'elle fût la plus vielle, elle espéroit qu'il se contenteroit des
+aultres advantaiges.»</p>
+
+<p>Il semble que milord Boucard va par dellà fort pourveu de
+bonne intention en cest endroict, et qu'il desire infinyement d'y estre
+employé; et le secrétaire, qu'il mène, qui luy a esté ordonné par
+la dicte Dame, s'est venu offryr à moy de servyr, en tout ce qu'il
+pourra, jusques à la mort; et le S<sup>r</sup> Cavalcanty y est plus ardant que
+<span class="pagenum"><a id="Page_469"> 469</a></span>
+nul, mais je ne sçay s'il a encores descouvert en quelle intention en
+est Cecille; tant y a que deppendant entièrement de luy, il sera bon
+d'aller ung peu réservé en son endroict, et néantmoins s'en servyr
+en ce que Leurs Majestez cognoistront qu'il leur y pourra estre ministre
+commode et opportun; car, oultre qu'il se dict très dévot à la
+France, et péculier serviteur de la Royne, il est fort bien entendu
+ez humeurs de deçà. Il n'a vollu partyr avec le dict Boucard pour
+n'estre veu aller aulcunement pour ce fait, et m'a dict qu'il n'est pas
+expressément commandé de faire le voyage, mais qu'on est bien fort
+ayse qu'il le face, et il part demain matin.</p>
+</div>
+
+<h2 class="p4">CLIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1571.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès par Jehan Volet jusques à Calais.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Négociation de Walsingham, ambassadeur en France.&mdash;Affaires d'Irlande;
+crainte des Anglais qu'une entreprise ne soit tentée sur ce pays.&mdash;Affaires
+d'Écosse; retards apportés à la conclusion du traité.&mdash;Ligue contre les
+Turcs.&mdash;Nouvelles d'Allemagne.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, par la première dépesche, que le S<sup>r</sup> de Vualsinguan
+a faict par deçà<a name="FNanchor_26" id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">[26]</a>, il s'est si grandement loué à la
+Royne, sa Mestresse, de l'honorable réception et des
+vertueuses responces qu'il a eues de Vostre Majesté, et
+des bons propos et démonstrations que la Royne, vostre
+Mère, et Monseigneur, luy ont usé, que le comte de Lestre
+m'a mandé qu'elle m'en rendra ung bien fort grand
+mercys, la première fois que je l'yray trouver, affin que
+je le vous face puys après entendre de sa part; et que je
+vous représante le grand contantement qu'elle en a reçeu,
+<span class="pagenum"><a id="Page_470"> 470</a></span>
+qui ne la pourriez, à ce qu'il dict, en nulle chose du
+monde plus grandement gratiffier que de favoriser ses ambassadeurs.
+Et n'ay point sçeu, à la vérité, Sire, que,
+pour ce commancement, il ayt donné que une bien fort
+bonne satisfaction de Voz Majestez à sa dicte Mestresse. Il
+est vray qu'il a asseuré la dicte Dame, ainsy qu'on m'a
+dict, que la pratique, que le capitaine La Roche mène en
+Yrlande, n'est incogneue en vostre court; de quoy aulcuns
+de son conseil luy ont vollu persuader qu'elle devoit
+donc révoquer milord de Boucard qui, pour ceste occasion,
+a esté arresté ung jour à Canturbery; mais elle a vollu
+qu'il ayt passé oultre, espérant que, sur ce qu'elle m'a naguières
+proposé d'icelluy faict, Vostre Majesté l'en satisfera
+bientost.</p>
+
+<p>La dicte Dame commance de tourner ses pensées aulx
+choses du dict pays d'Yrlande, car, oultre le faict du dict
+capitaine La Roche, elle a toutjours crainct que le Roy
+d'Espaigne se vouldroit revancher des prinses de mer par
+quelque entreprinse sur icelluy pays; et, encores, par le
+dernier courrier de Flandres, entendant que le duc d'Alve
+se monstroit si réfroydy en la composition des dictes prinses,
+que l'agent de la dicte Dame estoit sur le poinct de s'en revenir,
+sans avoir rien faict, elle en entroit en plus grande
+deffiance, mais ung aultre courrier extraordinaire en vient
+d'arriver, qui dict que icelluy agent a heu, despuys huict
+jours, une meilleure responce du dict duc. Néantmoins,
+estantz desjà aulcuns indices venuz à la dicte Dame de la
+dellibération du dict Roy d'Espaigne en cella, et luy en
+ayant Mr le cardinal de Chatillon, à ce qu'on m'a dict,
+mandé, despuys six jours, d'aultres certains adviz, elle
+monstre, à présent, de le croyre; dont a mandé à millord
+<span class="pagenum"><a id="Page_471"> 471</a></span>
+Sydney debitis d'Yrlande, qui estoit prest à s'en venir par
+deçà, de ne bouger de sa charge, et de pourvoir soigneusement
+à la garde du pays, et qu'elle donna promptement
+ordre qu'il luy soit envoyé tout ce qui luy sera besoing.</p>
+
+<p>Les choses d'Escosse se brouillent de nouveau, car ceulx
+du party de la Royne commancent de se revancher par
+dellà sur ceulx qui suyvent le party du comte de Lenoz, et
+le comte de Morthon, faisant le long à venir, prolonge icy
+beaucoup le tretté, ce qui donne cependant loysir à la comtesse
+de Lenoz et aulx siens de remettre en l'opinion de
+la Royne d'Angleterre plusieurs malles impressions contre
+la Royne d'Escosse, luy persuadant qu'elle aspire à sa vie et
+à la déboutter de son estat, si bien qu'elle en est entrée en
+de grandes souspeçons, mesmes contre ses plus intimes
+conseillers; qui faict que toute ceste court s'en trouve divisée
+et en grand perplexité. Dont les depputez de la dicte
+Royne d'Escosse, craignans qu'enfin cella n'admène une
+ropture du dict traicté, suplient, de rechef, très humblement
+Vostre Majesté, de les vouloir, de bonne heure, et
+par secrectz moyens, secourir de ceste provision de quatre
+mil escuz par moys, qu'ilz vous demandent, durant quelque
+temps, affin d'exécuter promptement ce qu'ilz ont projecté
+pour le restablissement de l'auctorité de leur Mestresse, et
+pour la conservation de leur pays, et pour l'honneur et la
+gloire de Vostre Majesté et de l'alliance qu'ilz ont avec
+vostre couronne; s'asseurans que la guerre ne durera jamais
+ung ou deux tiers d'an. Et m'ont proposé, au cas
+que voz présens affaires ne permissent, Sire, que les puyssiez
+si tost ayder de ceste somme, qu'il soit vostre bon playsir
+de la leur faire recouvrer sur l'afferme du douaire de
+leur Mestresse, en la faisant délivrer à quelques merchans
+<span class="pagenum"><a id="Page_472"> 472</a></span>
+pour deux ou trois ans à venir, moyennant qu'ilz advanceront
+les deniers, desquelz, s'il en debvoit survenir cy après
+nul intérest à Vostre Majesté, ou quelque diminution à
+leur dicte Mestresse, ilz se offrent de le faire rembourser
+par les Estatz de leur pays; et ne vous auront, à ce qu'ilz
+disent, moindre obligation que si le secours estoit tout entièrement
+sorty de voz propres finances. A quoy vous
+playrra, Sire, me faire respondre par voz premières, car,
+sellon que j'en entendray vostre vollonté, je les laysseray,
+ou bien les divertiray d'en envoyer poursuyvre le moyen
+par dellà, comme ilz ont dellibéré de faire.</p>
+
+<p>Il est nouvelles icy que l'Empereur a offert d'entrer en
+la ligue contre le Turq, et que, en propre personne, il luy
+commancera la guerre, pourveu que les confédérez luy
+veuillent souldoyer vingt mil hommes de pied, et luy donner
+douze mil escuz par moys, pour les aultres provisions
+de l'armée; et qu'il a esté de nouveau provoqué à cella, à
+l'ocasion de ce que le Turq luy a mandé qu'il ayt à luy remettre
+entièrement le tiltre du royaulme de Transilvanye,
+sans jamais plus le s'aproprier.</p>
+
+<p>L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a adviz que le
+comte de Sualsemberg, après avoir composé avec ceulx
+d'Embourg, pour quarante mil tallardz contants, et avec
+ceulx de Brème pour vingt cinq mil, a séparé ses gens;
+par ainsy, toute la peur de ceste guerre est estaincte. Sur
+ce, etc. <span class="i2">Ce x&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</span></p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="Page_473"> 473</a></span></p>
+
+<h2 class="p4">CLX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1571.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Bon Jehan.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Affaires d'Écosse.&mdash;Efforts de l'ambassadeur pour empêcher que le prince
+d'Écosse ne soit livré à la reine d'Angleterre.&mdash;Sollicitation faite par le duc
+d'Albe, au nom du roi d'Espagne, en faveur de Marie Stuart.&mdash;Négociation
+des Pays-Bas.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, par la dépesche de Vostre Majesté, du premier de
+ce mois, que le S<sup>r</sup> de Sabran m'a apportée, il m'a esté
+si sagement et avec tant de bonnes considérations satisfaict
+sur tout ce que, par mes précédantes, jusques au vingt
+quatriesme du passé, je vous avois escript de l'estat
+des choses de deçà, qu'il ne me reste rien à présent que de
+bien ensuyvre ce que clairement et fort exprès il vous playt
+m'en commander, qui mettray peine, Sire, que vous y
+soyez le plus exactement bien servy qu'il me sera possible;
+seulement je me trouve empesché du faict du petit Prince
+d'Escosse, lequel je vous suplie très humblement, Sire, de
+croyre que j'ay travaillé aultant que j'ay peu, et sans trop
+me descouvrir, à disposer icy les depputez de la Royne, sa
+mère, et ay pareillement envoyé disposer ceulx de l'aultre
+party jusques en Escosse, pour s'opposer à ce qu'il ne soit
+admené par deçà, et n'ay obmiz nul des inconvéniens qui
+en pourroient advenir, que je ne les leur aye toutz représentez;
+et ay sondé si avant iceulx depputez de la dicte
+Dame qu'ilz m'ont confessé que les seigneurs qui les ont
+envoyez, déclairent, en ung article de leur instruction,
+qu'ilz ne le peuvent consentyr; néantmoins qu'ilz leur ont
+<span class="pagenum"><a id="Page_474"> 474</a></span>
+baillé pouvoir, à part, d'en user comme la Royne, leur
+Mestresse, leur ordonnera; et m'ont remonstré que, demeurant
+les choses en l'estat qu'elles sont, la Royne d'Angleterre
+tient en ses mains la mère, le filz et le royaulme,
+et a desjà estably un sien subject pour régent au pays,
+et qu'ilz ne peuvent, sans ung notable secours de Vostre
+Majesté, plus différer de se soubmettre eulx mesmes à ce
+que la dicte Royne d'Angleterre vouldra: sçavoir est,
+d'obéyr au dict régent, et recognoistre le jeune Prince
+pour leur Roy, si, d'avanture, leur Mestresse n'est bientost
+restituée; et que, si le tretté n'eust esté miz en avant,
+par lequel l'armée d'Angleterre a esté retirée, il est sans
+doubte qu'ilz se fussent desjà toutz rangez à ce party, de
+sorte, Sire, qu'il ne se fault guières attandre que, du costé
+de la Royne d'Escosse, laquelle a desjà baillé son consentz,
+ny de ceulx qui tiennent pour elle, il se face grande résistance
+à cest article; qui est néantmoins le principal, auquel
+la Royne d'Angleterre et les siens incistent, et sans
+lequel elle monstre de vouloir poursuyvre ses entreprinses,
+ainsy qu'elle les a commancées au dict pays.</p>
+
+<p>Je verray ce que je pourray faire secrectement avec les
+depputez de l'aultre party, qui ne sont encores arrivez,
+mais l'on les attand dans quatre jours; car il est nouvelles
+qu'ilz ont desjà passé Barwich, et ne voys point, Sire,
+qu'il reste plus de ce costé nul moyen en cecy, que je ne
+l'aye desjà tanté; dont adviserez s'il s'en pourra trouver
+quelcun aultre d'ailleurs qui y puysse mieulx remédier.</p>
+
+<p>Au regard de l'article de la ligue, j'en useray tout
+ainsy, sans plus ny moins, qu'il vous playst me le prescrire,
+et semble bien que desjà, sur les fermes et résoluz
+propos, que j'en ay tenuz à la Royne d'Angleterre
+<span class="pagenum"><a id="Page_475"> 475</a></span>
+et aulx siens, ilz soyent en quelques termes de n'en parler
+point.</p>
+
+<p>L'évesque de Roz est allé presser les seigneurs de ce
+conseil de vouloir commancer le dict tretté, plus pour
+cognoistre si leur Mestresse avoit changé de vollonté
+que pour espérance de rien faire, jusques à ce que les
+aultres soyent icy; et a trouvé qu'à leur arrivée elle dellibère
+de passer oultre, meue beaucoup plus des difficultez,
+qui surviennent chacun jour plus grandes, et en Escosse,
+et en son pays, que de bonne affection qu'elle y ayt; et
+luy ont iceulx du dict conseil dict deux choses: l'une, qu'il
+ne fault que la Royne, sa Mestresse, escoutte les conseilz
+qu'on luy mandra de dellà la mer, de ne consentyr
+que son filz viegne en Angleterre, car, sans ce poinct,
+qui estoit desjà accordé par elle, il ne fault plus parler de
+tretté; la segonde, qu'elle veuille délaysser du tout la pratique
+de se maryer avec dom Joan d'Austria, et n'ouyr
+plus sur cella Mr le cardinal de Lorrayne, qui en renouvelle,
+à ce qu'ilz disent, encores à présent le propos. A
+quoy il a respondu en général, que, si la Royne d'Angleterre
+veult bien user envers sa Mestresse, elle se peult
+asseurer qu'elle la trouvera toute disposée à son amytié, et
+à faire toutes choses à son contantement.</p>
+
+<p>Or, a le duc d'Alve escript, par le dernier ordinaire,
+une lettre à la Royne d'Angleterre, en laquelle, entre
+aultres choses, il luy faict entendre la charge, qu'il a du
+Roy d'Espaigne son Maistre, de la prier bien fort affectueusement
+qu'elle veuille condescendre à quelque bon accord
+avec la Royne d'Escosse, et luy moyéner sa restitution;
+et qu'une des choses qu'il désire aultant à ceste heure est
+de les voir elles deux et leur deux royaulmes en bonne
+<span class="pagenum"><a id="Page_476"> 476</a></span>
+paix et unyon, en quoy, s'il se peult rien ayder et servyr,
+il offre de bon cueur s'y employer. Je n'ay encores aprins
+les aultres particullaritez de la dicte lettre, sinon qu'on m'a
+asseuré que la dicte Dame l'a heue fort agréable, et que
+le secrétaire Cecille a dict que le duc d'Alve se monstre à
+ceste heure fort rabillé vers elle, et la recherche beaucoup
+d'amytié; et que sur ce que M<sup>e</sup> Prestal l'avoit, puys peu de
+jours, vollu estreindre à quelques pratiques avec les rebelles
+d'Angleterre et d'Yrlande, et avec les Escouçoys
+du party de la Royne, il n'y avoit vollu entendre. Ce qui
+faict meintenant, Sire, que ceulx cy se rasseurent des
+choses d'Yrlande; et à la vérité, la comtesse de Northomberland,
+et aulcuns fuytifz, qui sont en Flandres, ont
+naguières escript que le Roy d'Espaigne a bien bonne affection
+de les secourir et d'entreprendre en Yrlande, mais
+que le duc d'Alve en estoit tout réfroydy, et qu'il leur
+est besoing d'envoyer ung personnaige de bonne qualité
+en Espaigne pour négocier, par eulx mesmes, leur affaire
+avec le Roy d'Espaigne. Je ne sçay s'ilz auront esleu
+à cella millord de Sethon; tant y a que je vous puys asseurer,
+Sire, qu'il estoit, le xx&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> du passé, au logis de
+l'ambassadeur d'Escosse à Paris, possible qu'il aura passé
+oultre.</p>
+
+<p>L'accord des prinses estoit venu à une manifeste ropture
+avec le depputé de ceste Royne, qui s'estoit desjà
+acheminé pour s'en retourner, sans avoir rien faict,
+quant le duc d'Alve l'a contremandé pour luy dire qu'il
+avoit receu nouvelles lettres d'Espaigne, par lesquelles il
+luy vouloit bien signiffier la bonne intention du Roy, son
+Maistre, envers la Royne d'Angleterre, sa bonne s&oelig;ur,
+et comme il avoit desir d'accorder à toutes les choses raysonnables
+<span class="pagenum"><a id="Page_477"> 477</a></span>
+qu'elle vouloit; par ainsy que les difficultez seroient
+bientost vuydées, et qu'il envoyeroit un notable
+conseiller par deçà pour l'accommodement de toutes choses;
+dont s'attand, à ceste heure icy, l'arrivée du S<sup>r</sup> Suenegheme
+de Bruges, qui vient avec le dict depputé d'Angleterre.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xv&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</span></p>
+
+<h2 class="p4">CLXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2>
+
+<p class="center">&mdash;du <span class="smcap">XXIII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1571.&mdash;</p>
+
+<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par ung gentilhomme escouçoys.</i>)</p>
+
+<p class="hanging indent">Audience.&mdash;Assurances d'amitié.&mdash;Maladie de la reine de France.&mdash;Désaveu
+du roi au sujet de la descente des Bretons en Irlande.&mdash;Satisfaction
+d'Élisabeth à raison du refus qu'aurait fait le duc d'Anjou de se mettre à
+la tête d'une entreprise sur l'Irlande.</p>
+
+<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p>
+
+<p>Sire, à la dellibération, que j'avois, d'aller trouver la
+Royne d'Angleterre sur ce que le S<sup>r</sup> de Sabran m'avoit
+apporté, il m'y est encores venue nouvelle occasion, par
+la dépesche suyvante, que j'ay cependant receue de Vostre
+Majesté, du v&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> de ce moys, de laquelle j'ay faict de
+tout ung avec la première; et n'ay séparé les poinctz de
+l'une ny de l'aultre, sinon par l'ordre que je les ay trouvez
+en icelles, qui y sont si bien et si distinctement comprins,
+qu'il n'a esté besoing d'y adjouxter du mien que seulement
+ce que j'ay estimé à propos pour les faire bien prandre
+à la dicte Dame.</p>
+
+<p>Laquelle m'a respondu, quant au premier, qu'elle avoit
+ung singulier playsir que ses ambassadeurs vous eussent
+bien signiffié la droicte intention, qu'elle a, à la commune
+<span class="pagenum"><a id="Page_478"> 478</a></span>
+paix d'entre Voz Majestez, et à celle particulière de vostre
+royaulme; et qu'elle vous prie, Sire, de croyre que,
+quant au debvoir de persévérer en vostre amytié, et à desirer
+le bien et establissement de voz affaires, qu'elle y est
+si parfaictement disposée que nul du monde ne le sçauroit
+estre davantaige; et que vous cognoistrez qu'elle l'a desjà
+ainsy monstré par effectz, quant plusieurs choses, de celles
+qui ont passé despuys trois ans, vous seront mieulx cogneues
+qu'elles ne le sont à présent; et qu'elle vous promect,
+pour l'advenir, qu'il ne sortyra, de son costé, occasion
+aulcune, par où vostre dicte amytié puysse estre offancée,
+pourveu que vous ne veuillez poinct offancer la sienne;
+qu'elle avoit grande occasion de vous remercyer de ce qu'il
+vous avoit pleu fort favorablement licencier l'ung de ses
+ambassadeurs, et recepvoir avec mesme faveur l'aultre, et
+de ce, encores, qu'avez commancé de faire honorer grandement
+milord Boucart à Callais, à Bolloigne et à Montrueil;
+dont il luy avoit escript le bon trettement qu'on luy
+avoit faict en ces trois villes, et que Vostre Majesté aussi
+ne trouveroit en eulx, s'ilz ne veulent estre traystres à elle
+et désobéyssans à ses commandemens, que toute disposition
+de vous honorer et servyr, et vous complayre en tout
+ce qu'il leur sera possible; que la nouvelle que je luy apportois
+de la malladye de la Royne, à ceste heure qu'elle
+guérissoit et alloit en amandant, n'estoit si facheuse à ouyr,
+comme si je la luy eusse dicte, quant elle estoit en dangier,
+dont elle prioyt Dieu pour sa convalescence, comme
+pour la sienne propre; et que Dieu vous avoit vollu tempérer
+à toutz deux, par ce petit ennuy, le grand ayse de vostre
+mariage, affin de le vous randre meilleur et de plus de
+durée cy après; qu'encor que le sacre et couronnement
+<span class="pagenum"><a id="Page_479"> 479</a></span>
+d'elle, et son entrée fussent remiz à une aultre foys, et
+que ceulx, qu'elle a envoyez par dellà, ne puyssent voir
+toutz les triomphes qu'ilz s'attandoient, elle toutesfois ne
+vouldroit avoir différé davantaige la conjoyssance de voz
+nopces, ny de la venue de la Royne, pour ne deffaillir à
+ce que, non moins de son affection que de son debvoir, elle
+estimoit estre tenue en cella; au demeurant, qu'elle demeuroit
+très contante et bien satisfaicte de la responce,
+que vous luy faisiez sur les choses d'Yrlande, et encores
+plus de ce qu'elle s'asseuroit que Vostre Majesté l'accomplyroit
+ainsy par &oelig;uvre, comme elle avoit desjà entendu
+que, sur ce que Mr le cardinal de Lorrayne et Mr le Nunce
+et l'arsevesque de Glasco avoient naguières proposé à Monsieur,
+frère de Vostre Majesté, de faire une entreprinse au
+dict pays, il avoit esté si vertueulx et si sage, qu'il n'y avoit
+vollu entendre, ny Voz Majestez Très Chrestiennes y prester
+l'oreille, dont ne vouloit obmettre de vous en remercyer
+toutz trois de tout son cueur; mais pourtant elle n'avoit
+vollu ottroyer de saufconduict au dict arsevesque de
+Glasco, bien que la Royne d'Escosse le luy eust fort instantment
+faict demander par l'évesque de Ross; car avoit
+opinion que c'estoit plus pour venir interrompre le tretté
+que pour l'advancer; et que, estant le comte de Morthon
+prest à arriver dans peu d'heures, l'on procèderoit incontinent
+au dict tretté avec le plus d'expédition que faire se
+pourroit.</p>
+
+<p>Je luy ay seulement répliqué, Sire, quant à l'entreprinse,
+qu'elle disoit avoir esté proposée à Monsieur, si elle
+sçavoit à la vérité que cella fût vray, et m'ayant soubdainement
+respondu que <em>ouy</em>, tant certainement que mesmes
+elle avoit par escript le mesmes propos, qui luy en avoit
+<span class="pagenum"><a id="Page_480"> 480</a></span>
+esté tenu, j'ay suyvy à luy dire qu'elle prînt bien garde
+que cella ne procédast de quelque mauvaise boutique pour
+cuyder luy en mettre la jalouzie dans le cueur, car Mr le
+cardinal estoit ung si prudent et si advisé seigneur en ses
+conseilz, qu'à peyne en avoit il miz ung tel en avant à
+Monsieur, en temps de si bonne paix; néantmoins, commant
+que la chose allât, elle voyoit que Vostre Majesté
+faisoit ung grand fondement de la parolle, que luy aviez
+donnée, de désister de toute entreprinse d'armes, jusques
+à ce que le traicté fût achevé, et que vous faisiez aussi pareil
+estat de celle que vous aviez d'elle, pour la liberté et
+restitution de la Royne d'Escosse; dont je la suplyois qu'elle
+y vollust meintenant mettre le desiré effect, que Vostre
+Majesté attandoit de sa bonté et de sa promesse.</p>
+
+<p>Elle m'a respondu qu'elle voyoit bien que Vostre Majesté
+ne pourroit jamais oublyer cest affaire, parce qu'il y
+en avoit assés qui le vous recordoient, et qu'elle espéroit
+qu'il s'acommoderoit bientost, non sans qu'on se mouquast
+assés par tout le monde d'elle, d'estre si indulgente et facille
+envers celle qui l'a infinyement offancée; qu'au reste
+elle recepvoit ung singulier playsir d'entendre que Vostre
+Majesté eust une si vertueuse et si droicte intention à la
+réunyon de l'esglize, comme je le luy asseuroys, qui ne
+pourroit estre que cella n'admenast ung grand bien à la
+Chrestienté, et qu'elle vous y correspondroit de sa part,
+avec telle affection et promptitude, comme vous le pourriez
+desirer; qui pourtant vous prioyt de persévérer en ce
+sainct propos, et ne vous laysser persuader à ceulx qui
+vous y vouldroient proposer les armes.</p>
+
+<p>Et ainsy me suys gracieusement licencié de la dicte
+Dame, mais j'ay comprins despuys, par aulcuns propos du
+<span class="pagenum"><a id="Page_481"> 481</a></span>
+secrétaire Cecille, qu'elle avoit heu ung singulier playsir
+que Vostre Majesté n'a advoué les choses d'Yrlande, parce
+qu'elle a envoyé pour surprendre ce qui s'y trouvera de
+Bretons et estrangiers pour les chastier. La dicte Dame a
+faict dépescher lettres à toutes ses provinces pour convoquer
+ung parlement, au deuxiesme jour d'avril prochain,
+en ceste ville de Londres, avec secret mandement de n'eslire
+aulcun depputé, qui ne soit déclairé protestant. Elle
+estime que la tenue d'icelluy ne sera que de dix jours, dedans
+lesquelz elle espère avoir obtenu ce qu'elle prétend,
+de quelque subvention de deniers; d'un decrect sur les
+biens et personnes des fugitifz; et sur quelque reiglement
+plus estroict en leur religion; qui sont les trois poinctz
+pour lesquelz l'assemblée se faict. Les commissaires de
+Flandres ne sont encores venuz, mais l'on me vient d'advertyr
+que le comte de Morthon est tout meintenant arrivé.
+Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xx&#305;&#305;&#567;<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</span></p>
+
+<p class="p2 center small">FIN DU TROISIÈME VOLUME.</p>
+<p><a id="Page_482"></a>
+<span class="pagenum"><a id="Page_483"> 483</a></span></p>
+
+<hr class="c25 p4" />
+<div class="footnotes"><h2>NOTES:</h2>
+<div class="footnote">
+
+<p><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> Partisan, chef de bande.</p>
+
+<p><a name="Footnote_2" id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> Cet évènement arriva en plein jour, le 23 janvier 1570, au moment où
+le régent traversait la petite ville de Linlithgow, à dix-sept milles d'Édimbourg.
+Jacques Hamilton de Bothwell-Haugh, qui se vengea par ce meurtre des relations
+que Murray avait entretenues avec sa femme, trouva moyen de s'échapper
+et de se réfugier en France.</p>
+
+<p><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a> Au commencement de 1570, Aluch-Aly, dey d'Alger, s'empara de Tunis,
+et chassa de ses Etats Muley Homaidah, dernier roi de Tunis de la dynastie
+des Hafsides, qui s'était reconnu feudataire de l'Espagne. Les Espagnols,
+sous la conduite de don Juan, reprirent Tunis, en 1573.</p>
+
+<p><a name="Footnote_4" id="Footnote_4" href="#FNanchor_4"><span class="label">[4]</span></a> A partir de cette époque, les pièces jointes aux dépêches ont cessé d'être
+transcrites sur les registres de l'ambassadeur.</p>
+
+<p><a name="Footnote_5" id="Footnote_5" href="#FNanchor_5"><span class="label">[5]</span></a> La pièce n'ayant pas été transcrite sur les registres de l'ambassadeur, on
+ne connaît pas la teneur de cet avis.</p>
+
+<p><a name="Footnote_6" id="Footnote_6" href="#FNanchor_6"><span class="label">[6]</span></a> Cette bulle, en date du 25 février 1570, déclarait Elisabeth hérétique et
+schismatique, et relevait ses sujets du serment d'obéissance. La publication
+qui en fut faite à Londres causa le supplice de Felton, mis à mort le 8 août
+suivant. Elle est rapportée en entier par <span class="smcap">Camden</span>, <em>année</em> 1570.</p>
+
+<p><a name="Footnote_7" id="Footnote_7" href="#FNanchor_7"><span class="label">[7]</span></a> C'est-à-dire, les <em>lois martiales</em>. Voyez <span class="smcap">Du Cange</span> au mot <em>Marescalcialis</em>,
+tom. <span class="smcap">IV</span>, col. 543.</p>
+
+<p><a name="Footnote_8" id="Footnote_8" href="#FNanchor_8"><span class="label">[8]</span></a> Cette victoire se rapporte aux avantages obtenus par don Juan sur les
+Maures d'Espagne, qui s'étaient soulevés en 1569. Il s'agit plus particulièrement
+ici, soit du combat devant Finix, qui entraîna le pillage de la ville (fin
+avril 1570), soit du combat livré dans les montagnes de Baza et de Filabres
+dans les premiers jours de mai 1570. Ces victoires furent immédiatement suivies
+d'un traité conclu ayec Abaqui, l'un des principaux chefs des révoltés,
+qui se rendit auprès de Don Juan, le 19 mai, et fit le lendemain sa soumission
+solennelle. Cependant la guerre continua quelque temps encore, par
+suite de la résistance d'Aben-Aboo, qui s'était fait proclamer roi d'Andalousie,
+sous le nom de Muley-Abdala; elle ne finit qu'au mois de novembre suivant,
+après qu'Aben-Aboo eut été tué par Seniz, autre chef des Mores.</p>
+
+<p><a name="Footnote_9" id="Footnote_9" href="#FNanchor_9"><span class="label">[9]</span></a> La solde du mois.</p>
+
+<p><a name="Footnote_10" id="Footnote_10" href="#FNanchor_10"><span class="label">[10]</span></a> Combat livré à Sainte-Gemme-la-Plaine, en Poitou, dans lequel la Noue,
+qui commandait les Protestans dans la Saintonge, remporta une victoire signalée
+sur les troupes royales. La blessure qu'il reçut quelques jours après,
+à l'assaut de Fontenay, nécessita l'amputation du bras gauche, mais il ne
+tarda pas à reprendre son commandement.</p>
+
+<p><a name="Footnote_11" id="Footnote_11" href="#FNanchor_11"><span class="label">[11]</span></a> Le duc d'Albe déploya, pour la publication de cette amnistie, une pompe
+extraordinaire. Ces mots <em>vêtements blancs</em> se rapportent probablement à
+quelque particularité des costumes employés dans cette cérémonie.</p>
+
+<p><a name="Footnote_12" id="Footnote_12" href="#FNanchor_12"><span class="label">[12]</span></a> Voir la note ci-dessus, p. <a href="#Page_183">183</a>.</p>
+
+<p><a name="Footnote_13" id="Footnote_13" href="#FNanchor_13"><span class="label">[13]</span></a> Cette paix, connue sous le nom de <em>paix boiteuse et mal assise</em>, parce qu'elle
+fut négociée par Mr de Biron, qui était boiteux, et par le sieur de Mesmes,
+seigneur de Malassise, fut conclue à Saint-Germain-en-Laye, le 11 août 1570.
+Les articles au nombre de quarante-six sont rapportés dans l'édit de pacification,
+donné à Saint-Germain, le 15 du même mois.</p>
+
+<p><a name="Footnote_14" id="Footnote_14" href="#FNanchor_14"><span class="label">[14]</span></a> Cette ligue ne fut définitivement conclue que quelque temps après, au
+mois de mai 1571. Don Juan fut nommé général de la ligue, et remporta, le
+7 octobre de la même année, la célèbre victoire de Lépante. Le pape choisit pour
+commandant de sa flotte Marc-Antoine Colonne, et la république de Venise
+nomma pour son amiral Sébastien Venicri, qui fut élu doge en 1577.</p>
+
+<p><a name="Footnote_15" id="Footnote_15" href="#FNanchor_15"><span class="label">[15]</span></a> Ces articles, ainsi que les réponses de Marie Stuart, n'ont pas été
+transcrits sur les registres de l'ambassadeur; mais ils sont textuellement
+rapportés par les historiens, et notamment par Camden at Rapin Thoiras.</p>
+
+<p><a name="Footnote_16" id="Footnote_16" href="#FNanchor_16"><span class="label">[16]</span></a> Le duc d'Albe avait été investi du gouvernement des Pays-Bas en 1566.
+Le projet dont il est ici mention ne fut pas exécuté; il fut maintenu dans
+sa charge jusqu'à la fin de 1573, époque à laquelle il céda le gouvernement
+à don Louis de Requessens, commandeur de Castille, après avoir publié une
+amnistie générale, au mois de décembre de cette année.</p>
+
+<p><a name="Footnote_17" id="Footnote_17" href="#FNanchor_17"><span class="label">[17]</span></a> <em>Lettre, escrite de la main de la Roine mère, à Mr de La Mothe Fénélon, pour
+lui estre rendue en mains propres</em>, du 20 octobre 1570:&mdash;«Monsieur de La
+Mothe Fénélon, monsieur le cardinal de Chastillon a faict tenir propos à
+mon fils, le duc d'Anjou, d'une ouverture de mariage de la royne d'Angleterre
+et de mon dict fils...» Voir le <em>Supplément à la Correspondance Diplomatique
+de La Mothe Fénélon</em>, contenant les lettres qui lui étaient écrites de
+la cour.</p>
+
+<p><a name="Footnote_18" id="Footnote_18" href="#FNanchor_18"><span class="label">[18]</span></a> Catherine, s&oelig;ur puînée de Jeanne Gray. Elle avait épousé le comte de
+Hereford, et deux enfans étaient issus de ce mariage, Henri et Édouard. Marie,
+dernière s&oelig;ur de Jeanne Gray, avait été mariée à un simple gentilhomme
+nommé Keyt.</p>
+
+<p><a name="Footnote_19" id="Footnote_19" href="#FNanchor_19"><span class="label">[19]</span></a> Jacques IV était mort en 1513; deux ans avant l'avènement de François
+Ier. L'ambassadeur veut sans doute parler du traité de Rouen, conclu le
+26 août 1517, entre Jacques V et François Ier, et renouvelé en 1535, lorsque
+Jacques V épousa Madelaine de France.</p>
+
+<p><a name="Footnote_20" id="Footnote_20" href="#FNanchor_20"><span class="label">[20]</span></a> Voyez ci dessus la note, p. <a href="#Page_183">183</a>.</p>
+
+<p><a name="Footnote_21" id="Footnote_21" href="#FNanchor_21"><span class="label">[21]</span></a> La ville de Nicosie, malgré les efforts de la flotte combinée des chrétiens,
+fut prise par les Turcs, le 9 septembre 1570.</p>
+
+<p><a name="Footnote_22" id="Footnote_22" href="#FNanchor_22"><span class="label">[22]</span></a> Le premier feuillet du registre, qui contient les dépêches de l'année 1571,
+se trouvant déchiré, le commencement de cette lettre manque: c'est au reste
+la seule lacune que présente le manuscrit.</p>
+
+<p><a name="Footnote_23" id="Footnote_23" href="#FNanchor_23"><span class="label">[23]</span></a> Cette victoire se rapporte aux divers avantages remportés à cette époque,
+qui amenèrent la réduction de tous les Mores. Voyez <em>note</em> p. <a href="#Page_183">183</a>.</p>
+
+<p><a name="Footnote_24" id="Footnote_24" href="#FNanchor_24"><span class="label">[24]</span></a> Il s'agit ici de Jean-Frédéric II, mis au ban de l'empire pour avoir donné
+retraite à Guillaume de Grumbach et à ses complices, meurtriers de l'évêque de
+Wurzbourg. Le duc Auguste, chargé de l'exécution du décret, l'avait assiégé
+et pris par famine, le 13 avril 1567. On négociait alors sa liberté, mais elle
+ne lui fut pas rendue: il est mort en prison, à Neustad, le 9 mai 1595, après
+vingt-huit ans de captivité. Le duc Jean-Guillaume, son frère, loin de partager
+sa disgrâce, avait, au contraire, été appelé à profiter de la confiscation
+de tous ses biens.</p>
+
+<p><a name="Footnote_25" id="Footnote_25" href="#FNanchor_25"><span class="label">[25]</span></a> Cette nouvelle était fausse. Auguste, duc et électeur de Saxe, est mort
+seize ans après, le 14 mars 1586.</p>
+
+<p><a name="Footnote_26" id="Footnote_26" href="#FNanchor_26"><span class="label">[26]</span></a> Voir les <em>Mémoires et Instructions pour les ambassadeurs ou Lettres et Négociations
+de Walsingham, ministre et secrétaire d'état sous Élisabeth, reine
+d'Angleterre</em>, 1 vol. in-4<sup>o</sup>, Amsterdam, 1700.</p>
+
+<hr class="c5" />
+ </div>
+</div>
+
+<h2>TABLE<br />
+<span class="large">DES MATIÈRES DU TROISIÈME VOLUME.</span></h2>
+
+<table border="0" cellpadding="5" cellspacing="5" summary="toc">
+<tr>
+ <th colspan="2">ANNÉE 1570.</th>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Pages</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">81<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;4 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_6">6</a></td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Nouvelles de la Rochelle.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_6">6</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Déroute des révoltés du nord.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_7">7</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">82<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;10 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_10">10</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles du nord.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_10">10</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_12">12</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Craintes des Anglais.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_13">13</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">83<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;15 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_14">14</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Le comte de Northumberland prisonnier.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_15">15</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Allemagne et des Pays-Bas.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_16">16</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_18">18</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires de la Rochelle.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_18">18</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">84<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;21 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_20">20</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Exécutions dans le nord.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_21">21</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_24">24</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Propositions faites à Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_24">24</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Lettre en chiffre.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_24">24</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire secret.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_26">26</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Projets du duc d'Albe.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_29">29</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Proposition d'une ligue avec l'Espagne contre l'Angleterre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_29">29</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">85<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;28 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_33">33</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Mission de Mr de Montlouet.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_33">33</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_3">3</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">86e <i>Dépêche.</i>&mdash;2 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_37">37</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_37">37</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Mort du comte de Murray.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_39">39</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_40">40</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_40">40</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">87<sup>e</sup> Dépêche.&mdash;10 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_41">41</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_41">41</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Arrestation de l'évêque de Ross.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_43">43</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_43">43</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Préparatifs contre l'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_44">44</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Note.</i> État général des affaires.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_45">45</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">88<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;13 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_47">47</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation avec les Pays-Bas.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_47">47</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_49">49</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">89<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;17 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_51">51</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Sollicitations des protestans.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_52">52</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Préparatifs de guerre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_5">5</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_53">53</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Divisions en Angleterre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_53">53</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire général</i> sur l'état des affaires.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_54">54</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">90<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;22 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_58">58</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_58">58</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_61">61</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires de Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_62">62</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">91<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;26 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_63">63</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires de la Rochelle.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_63">63</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Instances de Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_66">66</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">92<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;28 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;
+ <span class="pagenum"><a id="Page_484"> 484</a></span></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_67">67</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Défaite de lord Dacre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_67">67</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">93<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;4 mars.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_69">69</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_69">69</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_71">71</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Changement dans les dispositions d'Élisabeth.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_71">71</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire.</i> Préparatifs de guerre en Angleterre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_72">72</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Projet pour le rétablissement de
+ Marie Stuart en Écosse, et de la religion catholique
+ en Angleterre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_76">76</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">94<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;9 mars.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_79">79</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Continuation des préparatifs de guerre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_79">79</a></td>
+</tr>
+<tr>
+<td><p class="p2">95<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;14 mars.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_82">82</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Satisfaction donnée à Élisabeth.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_82">82</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_83">83</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">96<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;19 mars.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_85">85</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_86">86</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Succès des révoltés en Irlande.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_87">87</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">97<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;27 mars.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_88">88</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_88">88</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>)</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_94">94</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Avis d'une levée d'armes en Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_94">94</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire</i> sur les troubles du nord.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_95">95</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Avis du duc d'Albe; propositions de
+ Cécil et de Leicester; projets des seigneurs catholiques.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_98">98</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">98<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;31 mars.&mdash;</p></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_103">103</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Modération d'Élisabeth.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_103">103</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Le comte d'Arundel mis en liberté.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_104">104</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">99<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;4 avril.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_106">106</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Faveur du comte d'Arundel.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_106">106</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Projet contre l'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_107">107</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">100<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;9 avril.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_110">110</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Préparatifs de guerre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_110">110</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">101<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;13 avril.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_113">113</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Continuation des préparatifs.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_113">113</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles des protestans de France.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_114">114</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">102<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;18 avril.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_116">116</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_116">116</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_120">120</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nécessité de la paix en France.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_121">121</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Lettre secrète.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_122">122</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire.</i> Résolution du conseil d'Angleterre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_122">122</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire secret</i> sur divers projets de mariage.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_125">125</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">103<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;25 avril.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_128">128</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Prise d'armes contre l'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_128">128</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">104<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;27 avril.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_130">130</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>État des partis en Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_130">130</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">105<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;5 mai.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_133">133</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_133">133</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_137">137</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">106<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;8 mai.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_138">138</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Débats dans le conseil.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_138">138</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Première invasion en Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_139">139</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_142">142</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Déclaration du roi touchant l'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_142">142</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire général.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_144">144</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire secret</i> sur la déclaration du roi.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_148">148</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">107<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>&mdash;13 mai.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_150">150</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles de l'invasion.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_150">150</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">108<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;17 mai.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;
+ <span class="pagenum"><a id="Page_485"> 485</a></span></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_154">154</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Hésitation d'Élisabeth à poursuivre son entreprise
+ sur l'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_154">154</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">109<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;22 mai.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_157">157</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Proposition d'un accord touchant Marie Stuart et l'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_157">157</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">110<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;27 mai.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_161">161</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>L'évêque de Ross mis en liberté.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_163">163</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_163">163</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Résolution du conseil d'éviter la guerre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_168">168</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Traité</i> concernant l'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_169">169</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">111<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;1er juin.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_171">171</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_171">171</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Exécution des Northon.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_173">173</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Bulle qui déclare Élisabeth hérétique.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_173">173</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">112<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;5 juin.</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_174">174</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Maintien du traité conclu.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_175">175</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience accordée à l'évêque de Ross.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_176">176</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">113<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;11 juin.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_178">178</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Liberté de l'évêque de Ross.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_179">179</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Conditions de la restitution de Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_179">179</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Interrogatoire du duc de Norfolk.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_180">180</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire général.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_181">181</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire secret.</i> Discussion sur le traité.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_183">183</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">114<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;16 juin.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_192">192</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Changement dans les résolutions d'Élisabeth.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_192">192</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_196">196</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Mesures de rigueur contre les catholiques.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_196">196</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">115<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;19 juin.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_198">198</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_198">198</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_203">203</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles de la Rochelle.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_204">204</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">116<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;21 juin.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_206">206</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Expédition de Bretagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_206">206</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_208">208</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>Lettre secrète</i>)</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_209">209</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Projets des protestans de France.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_209">209</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">117<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;25 juin.&mdash;</p></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_212">212</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Conditions du traité pour Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_214">214</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_215">215</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">118<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;29 juin.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_216">216</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_216">216</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">119<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;5 juillet.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_222">222</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation touchant l'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_222">222</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire général.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_223">223</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Articles concernant Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_228">228</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">120<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;9 juillet.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_230">230</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Mission de Mr de Poigny.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_230">230</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Combat de Sainte-Gemme, près Luçon.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_232">232</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Déclaration du duc d'Albe.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_233">233</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">121<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;14 juillet.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_234">234</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_234">234</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">122<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;19 juillet.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_240">240</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_240">240</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_244">244</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Espoir de la restitution de Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_244">244</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">123<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;25 juillet.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_246">246</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Délibération concernant le duc de Norfolk.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_246">246</a>
+ <span class="pagenum"><a id="Page_486"> 486</a></span></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Préparatifs de guerre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_247">247</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_248">248</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire général.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_250">250</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Intrigues de l'Espagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_254">254</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Dispositions du cardinal de Chatillon.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_256">256</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">124<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;30 juillet.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_258">258</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Crainte en Angleterre d'une ligue générale; armemens.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_258">258</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">125<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;6 août.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_263">263</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Visite de Mr de Poigny à Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_263">263</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_264">264</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">126<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;11 août.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_269">269</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Force de la flotte armée en guerre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_269">269</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Paix de France.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_272">272</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Exécution de Felton.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_273">273</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">127<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;14 août.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_274">274</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Mission de Walsingham en France.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_274">274</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">128<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;18 août.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_275">275</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_276">276</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_278">278</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Doutes sur la paix de France.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_279">279</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">129<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;21 août.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_280">280</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Instructions de Walsingham.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_281">281</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_283">283</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_284">284</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Effet de la pacification.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_284">284</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">130<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;26 août.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_285">285</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>D'une entreprise sur Calais.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_285">285</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Instances de Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_287">287</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">131<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;5 septembre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_289">289</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_290">290</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Deuxième invasion en Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_294">294</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire général.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_294">294</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Dévouement du duc de Norfolk à
+ Marie Stuart; projet de l'Espagne contre l'Angleterre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_299">299</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">132<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;10 septemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_302">302</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Mission de sir Henri Coban aux Pays-Bas.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_302">302</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Troisième invasion en Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_304">304</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">133<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;15 septemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_306">306</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Sortie de la flotte.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_306">306</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Explications sur la dernière invasion en Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_307">307</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Message du cardinal de Chatillon.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_308">308</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">134<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;19 septemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_309">309</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation avec l'Espagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_310">310</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_311">311</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">135<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;24 septemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_313">313</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Mouvement au pays de Lancastre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_313">313</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Conférence avec le cardinal de Chatillon.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_314">314</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">136<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;29 septemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_317">317</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation des Pays-Bas.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_318">318</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Mission de Mr de Vérac en Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_319">319</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">137<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;5 octobre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_320">320</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Retour de Walsingham.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_320">320</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Cécil envoyé vers Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_321">321</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_322">322</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">138<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;10 octobre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_323">323</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Passage de la reine d'Espagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_324">324</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Prises faites par le capitaine Sores.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_326">326</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">139<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;16 octobre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_327">327</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Conditions proposées à Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_328">328</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Soulèvement au pays de Lancastre.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_330">330</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire général.</i> Intrigues de l'Espagne, affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_331">331</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">140<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;17 octobre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_336">336</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>De l'alliance d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_337">337</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">141<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;25 octobre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_339">339</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_339">339</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">142<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;30 octobre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_346">346</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation de Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_346">346</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_348">348</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">143<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;9 novembre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_350">350</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_350">350</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_355">355</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouveaux détails d'audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_355">355</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Lettre secrète.</i> Proposition du mariage du duc d'Anjou avec Élisabeth.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire général.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_360">360</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">144<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;14 novemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_365">365</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Articles proposés à Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_365">365</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles des Pays-Bas.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_369">369</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">145<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;19 novemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_371">371</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Mission de lord Seyton.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_373">373</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">146<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;25 novemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_376">376</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Déclaration du roi concernant l'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_376">376</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_380">380</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Détails d'audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_380">380</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">147<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;30 novembre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_382">382</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_383">383</a></td>
+</tr>
+<tr>
+<td class="tdl"><i>Mémoire général.</i> Projet des catholiques dans
+ le pays de Lancastre;&mdash;Opinions émises dans le conseil
+ contre Marie Stuart;&mdash;Négociations de l'Angleterre avec
+ l'Espagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_389">389</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">148<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;7 décembre.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_394">394</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Maladie de Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_397">397</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires des Pays-Bas et d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_398">398</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">149<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;13 décemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_399">399</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation de Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_399">399</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Retour de sir Henri Coban.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_400">400</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">150<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;18 décemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_403">403</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Préparatifs de départ de lord Buchard.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_403">403</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Irlande.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_405">405</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">151<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;23 décemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_407">407</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Rapport de Coban à son retour d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_407">407</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Instructions de lord Buchard.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_408">408</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">152<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;29 décemb.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_411">411</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_411">411</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_414">414</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Négociation du mariage du duc d'Anjou.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_414">414</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire général.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_421">421</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td colspan="2"><p class="center p2"><b>Année 1571.&mdash;Première partie.</b></p></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">153<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;6 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_426">426</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Espagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_426">426</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_427">427</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><p class="p2">154<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;13 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_428">428</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_428">428</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Mission de lord Seyton.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_429">429</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_431">431</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_432">432</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation du mariage.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_432">432</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">155<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;18 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_433">433</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_433">433</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Prise d'armes des Gueux.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_437">437</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_438">438</a>
+ <span class="pagenum"><a id="Page_488"> 488</a></span></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation du mariage.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_438">438</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">156<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;23 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_443">443</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_444">444</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_447">447</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation du mariage.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_447">447</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Avis</i> sur les affaires d'Irlande.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_450">450</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">157<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;31 janvier.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_450">450</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Fêtes pour le retour d'Élisabeth à Londres.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_450">450</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_452">452</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Allemagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_453">453</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_454">454</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation du mariage.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_454">454</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">158<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;6 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_457">457</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles de Marie Stuart.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_457">457</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl">Concession de l'Irlande faite par le pape au roi d'Espagne.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_458">458</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation du mariage.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_459">459</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><i>Mémoire général.</i></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_462">462</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire secret</i> sur la négociation du mariage.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_466">466</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">159<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;12 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_469">469</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Négociation de Walsingham.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_469">469</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Irlande.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_470">470</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_471">471</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">160<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;17 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_473">473</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Affaires d'Écosse.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_473">473</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Nouvelles des Pays-Bas.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_476">476</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><p class="p2">161<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.&mdash;23 février.&mdash;</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td><span class="i2">AU ROI.</span></td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_477">477</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Audience.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_477">477</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td>Convocation du parlement.</td>
+ <td class="tdr"><a href="#Page_481">481</a></td>
+</tr>
+</table>
+<p class="p2 center small">FIN DE LA TABLE DU TROISIÈME VOLUME.</p>
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Correspondance Diplomatique de
+Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE ***
+
+***** This file should be named 39201-h.htm or 39201-h.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ http://www.gutenberg.org/3/9/2/0/39201/
+
+Produced by Robert Connal, Hélène de Mink, and the Online
+Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
+file was produced from images generously made available
+by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
+http://gallica.bnf.fr)
+
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
+
+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
+
+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+http://gutenberg.org/license).
+
+
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
+electronic works
+
+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
+and accept all the terms of this license and intellectual property
+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
+
+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
+
+1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
+
+1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.
+
+1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+</pre>
+
+</body>
+</html>
diff --git a/39201-h/images/cover.jpg b/39201-h/images/cover.jpg
new file mode 100644
index 0000000..e4ab15a
--- /dev/null
+++ b/39201-h/images/cover.jpg
Binary files differ
diff --git a/39201.txt b/39201.txt
new file mode 100644
index 0000000..c7bc826
--- /dev/null
+++ b/39201.txt
@@ -0,0 +1,16954 @@
+The Project Gutenberg EBook of Correspondance Diplomatique de Bertrand de
+Salignac de La Mothe Fenelon, Tome Troisieme, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fenelon
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
+
+
+Title: Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fenelon, Tome Troisieme
+
+Author: Bertrand de Salignac de la Mothe Fenelon
+
+Release Date: March 19, 2012 [EBook #39201]
+
+Language: English
+
+Character set encoding: ASCII
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE ***
+
+
+
+
+Produced by Robert Connal, Helene de Mink, and the Online
+Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
+file was produced from images generously made available
+by the Bibliotheque nationale de France (BnF/Gallica) at
+http://gallica.bnf.fr)
+
+
+
+
+
+
+
+Notes de transcription: Les erreurs clairement introduites par le
+typographe ont ete corrigees. L'orthographe d'origine a ete conservee
+et n'a pas ete harmonisee.
+
+Quelques caracteres, en exposant dans l'original, et dont l'abrevation
+n'est pas evidente ou non courante, ont ete mis en accolade dans cette
+version electronique. Ainsi, l'abreviation {lt} signifie livre
+tournois.
+
+Texte imprime en lettres gothiques dans le livre d'origine est
+marque =ainsi=.
+
+
+
+
+ CORRESPONDANCE
+
+ DIPLOMATIQUE
+
+ DE
+
+ BERTRAND DE SALIGNAC
+
+ DE LA MOTHE FENELON,
+
+ AMBASSADEUR DE FRANCE EN ANGLETERRE
+
+ DE 1568 A 1575,
+
+
+ PUBLIEE POUR LA PREMIERE FOIS
+
+ Sur les manuscrits conserves aux Archives du Royaume.
+
+
+ TOME TROISIEME.
+
+ ANNEES 1570 ET 1571.
+
+
+ PARIS ET LONDRES.
+
+ 1840.
+
+
+
+
+ DEPECHES, RAPPORTS,
+
+ INSTRUCTIONS ET MEMOIRES
+
+ DES AMBASSADEURS DE FRANCE
+
+ EN ANGLETERRE ET EN ECOSSE
+
+ PENDANT LE XVIe SIECLE.
+
+
+
+
+ RECUEIL
+
+ DES
+
+ DEPECHES, RAPPORTS,
+
+ INSTRUCTIONS ET MEMOIRES
+
+ Des Ambassadeurs de France
+
+ EN ANGLETERRE ET EN ECOSSE
+
+ PENDANT LE XVIe SIECLE,
+
+ Conserves aux Archives du Royaume,
+
+ A la Bibliotheque du Roi,
+ etc., etc.
+
+ ET PUBLIES POUR LA PREMIERE FOIS
+
+ _Sous la Direction_
+
+ DE M. CHARLES PURTON COOPER.
+
+ PARIS ET LONDRES.
+
+ 1840.
+
+ LA MOTHE FENELON.
+
+
+
+
+ Imprime par BETHONE et PLON, a Paris.
+
+
+
+
+ AU-TRES-NOBLE
+
+ GEORGE HAMILTON GORDON
+
+ COMTE D'ABERDEEN.
+
+ CE VOLUME LUI EST DEDIE
+
+ PAR
+
+ SON TRES-DEVOUE ET TRES-RECONNAISSAINT SERVITEUR
+
+ CHARLES PURTON COOPER.
+
+
+
+
+DEPECHES
+
+DE
+
+LA MOTHE FENELON.
+
+
+
+
+LXXXIe DEPESCHE
+
+--du IVe jour de janvier 1570.--(_Envoyee jusques a Callais par Jehan
+Vollet._)
+
+ Audience accordee par la reine d'Angleterre a l'ambassadeur de
+ France.--Desir du roi de retablir la paix en son
+ royaume.--Satisfaction qu'il eprouve de ce que les troubles du
+ Nord paraissent apaises en Angleterre.--Protestation
+ d'Elisabeth qu'elle ne desire rien tant que la reunion des
+ eglises.--Instances de l'ambassadeur en faveur de Marie
+ Stuart.--Explications sur la conduite qu'il a du tenir dans
+ cette negociation.--Nouvelles arrivees a Londres sur l'etat des
+ affaires des protestans en France.--Nouvelles des troubles du
+ Nord; deroute des comtes de Northumberland et de Westmorland.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay faict entendre a la Royne d'Angleterre que, pour la bonne
+estime que Voz Majestez Tres Chrestiennes ont de sa bonne et droicte
+intention en l'endroit de voz afferes et de la tranquillite de vostre
+royaulme, vous n'avez sitost veu donner ung peu de commancement et
+ouverture a la paciffication des troubles et guerres d'iceluy, que
+vous ne m'ayez incontinent commande de le luy notiffier, affin que,
+devant toutz les aultres princes vos alliez, elle ayt le plaisir
+d'entendre que les choses s'acheminent par la voye qu'elle a desire;
+et ainsy, luy particullarisant ce qui est advenu a la reddition de
+Sainct Jehan d'Angely, et les propos que le sieur de La Personne vous
+a tenuz, avec la vertueuse responce de Vostre Majeste, laquelle elle a
+vollu curieusement lyre par deux foys, j'ay suivy a luy dire: qu'encor
+que vous ayez grand occasion de vous rescentir des choses mal passees,
+du coste de ceulx de la Rochelle, de ce qu'ilz ont mene une tres
+viollante et dangereuse guerre dans vostre royaulme, et y ont
+introduict les armes et armees estrangieres, a la grand ruyne de vos
+bons subjectz; et qu'il soit maintenant en vostre pouvoir de prendre
+par force toutes les places qu'ilz tiennent, et de poursuyvre et venir
+bien a boult du reste qui est encore en campaigne; neantmoins vous
+aymez mieulx uzer envers eulx de la clemence toutjour accoustumee a
+vostre couronne, et plus usee de vostre regne, que de nul de toutz voz
+predecesseurs, et les regaigner par doulceur, que de les mener a
+l'extremite d'ung chastiment, esperant qu'ilz auront tant plus de
+regrect de leurs deffiances passees, et persevereront dorsenavant plus
+constantment en la confiance, fidellite, et amour qu'ils doibvent a
+Vostre Majeste, leur prince naturel, que moins ils esperoient d'estre
+jamais receuz en vostre bonne grace, laquelle neantmoins vous ne leur
+avez differee d'ung seul moment, aussitost qu'ilz ont offert de
+s'humilier et de se remettre en vostre obeyssance.
+
+La dicte Dame, d'ung visaige joyeulx, m'a respondu qu'a ceste heure me
+voyoit elle, et oyoit mes propos, de trop meilleure affection qu'elle
+n'avoit faict despuys ung an, et qu'elle rendoit graces a Dieu d'avoir
+miz au cueur de Voz Majestez Tres Chrestiennes, et pareillement en
+ceulx de vos subjectz, de retourner a ce mutuel bon ordre de vostre
+benignite envers eulx et de leur subjection envers vous; qu'elle vous
+remercye mille et mille foys de luy avoir, ainsy soubdainement et
+particullierement, faict entendre en quoy les choses en sont, es
+quelles elle vous desire tant de bien et de bonheur que vous les
+puissiez effectuer a vostre grand advantaige et au repoz de toute la
+Chrestiente; et que, si son moyen y peult servyr de quelque chose,
+elle le vous offre de tout son coeur, bien qu'elle ne peult fere que
+ne porte quelque envye au bonheur de celluy qui a sceu si
+oportuneement mettre en avant ce sainct et desire propos, qu'il ayt
+heu meilleur rencontre que quant, d'aultre foys, elle a entreprins
+d'en parler; et qu'elle n'a regrect sinon a ce que voz subjectz
+peuvent monstrer au monde que, pour leur avoir este violle vostre
+propre eedict de la paciffication, tant par attemptatz contre leurs
+vies, que par contraires lettres contre l'exercisse de leur religion,
+ilz ayent heu quelque aparante coulleur de prendre les armes; non que
+pourtant elle aprouve qu'ilz ayent bien faict, car plustost s'en
+debvoient ils estre allez, et qu'il est tout certain que de quelles
+persuasions qu'on luy ayt use, qui n'ont este petites, sur la
+justiffication de leur cause, elle ne les a jamais volluz secourir.
+
+Je luy ay replique que tout le tort de ceste guerre se manifeste en ce
+que ceulx de l'aultre party, en leur plus grande resistance, se
+trouvent vaincuz par vos forces, et sont par vostre clemence surmontez
+en leur humillite, et que cella vous faict prendre meilleure esperance
+de voir bientost remiz vostre royaulme en son premier estat et
+grandeur; adjouxtant, afin de parler de la reunion du sien, que ce que
+je luy ayt dict de ceste reconcilliation de vos subjectz, Voz Majestez
+desirent qu'elle le preigne pour ung tesmoignage que, comme vous
+estes correspondant a son desir sur le bien de vostre royaulme,
+qu'aussi bien le serez vous sur le bien et paciffication du sien, et
+sur ce que vous entendrez bientost que ceste eslevation, qui a apparu
+en son pays du North, est esteinte ainsi que je le vous ay desja
+mande.
+
+La dicte Dame, usant la dessus de beaucoup de mercyementz, m'a fort
+prie de vous assurer que toute ceste guerre du North est veritablement
+achevee, et que le comte de Northomberland, se retirant en Ecosse, est
+tumbe ez mains du comte de Mora; que le comte de Vuesmerland s'en est
+fouy seul, et abandonne des siens, aux montaignes des frontieres; et
+que plus de cinq cents gentishommes des leurs sont prins, le reste
+discipe, et plusieurs executez; et qu'elle ne prendroit que pour une
+risee toute ceste entreprinse, tant elle a este folle et legiere,
+n'estoit qu'il luy faict mal au cueur qu'il s'y soit trouve mesle ung
+seul homme de qualite.--"Car jamais subjectz, dict elle, n'eurent
+moins d'occasion que les siens de mouvoir choses semblables contre
+leur prince."
+
+Et luy ayant seulement replique ce mot: "c'est qu'il est fort a
+craindre que, tant que la division de la religion durera, que l'on
+sera toutz les ans a recommancer," elle m'a soubdain respondu qu'a la
+verite, puisque les Protestans commancent de proposer entre eulx,
+assavoir s'il y a aucune cause pour laquelle l'on puisse, sellon Dieu
+et conscience, se soubstraire de l'obeyssance d'ung prince, et le
+demettre de son estat; ainsy que le Pape, de son coste, declaire aussi
+les estats de ceulx, qu'il tient pour scismatiques ou heretiques,
+toutz comis et vacquans; elle estime que toutes les couronnes de la
+Chrestiente sont assez mal asseurees, et que, de sa part, elle ne se
+montrera jamais opiniastre de ne se conformer aulx aultres princes
+chrestiens, quant Dieu leur aura mis au cueur de procurer, toutz
+ensemble, la reunyon de l'esglyze de Dieu.
+
+Apres cella, Sire, j'ay mene le propos a parler de la Royne d'Escoce,
+faisant toutjour instance de sa liberte, bon traictement et
+restitution. Sur quoy elle m'a dict que Voz Majestez Tres Chrestiennes
+en avez parle amplement a son ambassadeur, et qu'elle vous prie de
+considerer que le differand est entre deux princesses qui vous sont
+parantes, allyees et confederees; desquelles vous debviez egallement
+peser leur droict, et n'avoir en tant d'affection celluy de la Royne
+d'Escoce que ne regardiez a conserver le sien; et qu'elle vous fera
+remonstrer encores d'aultres choses par son dict ambassadeur, es
+quelles elle espere que vous luy ferez favorable responce; et ay
+cogneu, Sire, que les propos que Voz Majestez ont tenu la dessus au
+dict ambassadeur ont grandement esmeu la dicte Dame, a laquelle j'ay
+dict que, puysque vostre intention se trouve conforme aulx
+continuelles instances que je luy ay faictes icy de vostre part pour
+la Royne d'Escoce, que je la suplye de deposer a ceste heure le cueur
+et le courroux qu'elle a contre elle, puysqu'elle s'est justiffiee de
+toutz ces troubles du North, pour se la randre desormais tant attenue
+et obligee, qu'elle n'ayt a estre jamais rien tant que toute sienne;
+et que, pour l'amour de Voz Majestez Tres Chrestiennes, qui tant l'en
+priez, elle veuille aussi faire quelque chose pour son bien, n'estant
+possible que vous puyssiez laysser de le pourchasser tant que vous la
+voyez restituee, ce que vous desirez toutesfoys estre sellon son gre
+et contantement.
+
+Elle m'a promiz la dessus, qu'aussitost qu'une responce, qu'elle
+attant d'Escoce, sera arrivee, elle ne differera d'ung seul jour
+d'entendre en l'affaire de la dicte Dame, et y prendre ung si bon
+expediant qu'elle espere que vous en serez contant; dont de tout ce
+qui s'en resouldra elle mettra peyne que vous en soyez adverty: et
+remettant, Sire, plusieurs aultres choses, que j'ay notees de ses
+propos, au premier des miens que je vous depescheray, je bayseray en
+cest endroict tres humblement les mains de Vostre Majeste, et
+supplieray le Createur qu'il vous doinct, Sire, en parfaicte sante,
+tres heureuse et tres longue vie, et toute la grandeur et prosperite
+que vous desire.
+
+ Ce IVe jour de janvier 1570.
+
+ Je crains asses qu'on veuille mettre en avant l'eschange de la
+ Royne d'Escoce et du comte de Northomberland; vray est qu'il ne
+ s'en entend encores rien.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, je mectz en la lettre, que j'escriptz au Roy, aulcuns propos
+de la Royne d'Angleterre, touchant ceulx que, par les deux dernieres
+depesches de Voz Majestez, vous m'avez commande de luy tenir, sur
+lesquelz me reste a vous dire, Madame, qu'il semble que ceste
+princesse et les siens soyent bien ayses, mais diversement, qu'il se
+face une paciffication en vostre royaulme; elle, affin d'estre exempte
+de bailler secours a ceulx de la Rochelle, et ne venir a vous faire
+quelque manifeste offance pour eulx, et mesmes aura plaisir que les
+choses se facent a votre grand advantaige; et eulx, pour n'ozer
+meintenant guieres presser leur Mestresse de les secourir, ny
+d'attempter rien qui vous puysse desplayre; mais ilz vouldroient que
+l'advantaige demeurat a ceulx de l'aultre party, sur la soubmission
+desquelz, laquelle leur ambassadeur a escripte par deca, encores que
+le jeune comte de Mensfelt fut desja despeche, ilz le font temporiser,
+affin d'attandre quelle yssue prendra ce que le Sr de La Personne en a
+commence de traicter. Et doublant asses que la paciffication ne s'en
+puysse bien ensuyvre, luy et le Sr de Lombres incistent grandement de
+fayre resouldre icy quelque secours de pouldres et d'armes, et de
+quelque nombre de gens de cheval, pour l'envoyer a Mr l'Admyral,
+s'esforceans de persuader qu'il est encores si fort qu'avec bien peu
+d'ayde, il se monstrera plus releve que jamais, et qu'on luy veuille
+aussi (soubz caution) assister de quelques deniers, pour envoyer au
+duc de Cazimir, affin de souldoyer des gens de pied, sans lesquelz il
+n'oze mettre en campaigne les gens de cheval qu'il a toutz prestz; et
+que d'ailleurs le prince d'Orange, voyant qu'une sienne entreprinse
+qu'il avoit en Flandres est descouverte, se dellibere de tourner tout
+son aprest aulx choses de France; lesquelles propositions demeurent
+encores en suspens; et je metz peyne, en tout evenement, de les
+retarder ou empescher, aultant qu'il m'est possible.
+
+Quant a ceulx du North, j'ai vollu verifier si ce que m'en a dict la
+dicte Dame estoit vray, parce qu'on luy deguyse asses souvent les
+nouvelles; mais l'on m'a confirme la route des deux comtes et de toute
+leur armee, laquelle a este de quinze mil hommes; dont y en avoit sept
+mille de pied bien armez, et deux mil de cheval en aussi bon equipaige
+qu'il s'en peult trouver en Angleterre; et que n'ayantz, pour leur
+irresolution et mauvais accord, oze venir au combat, ilz se sont
+retirez en la frontiere d'entre l'Angleterre et l'Escoce, ou celluy
+de Northomberland et sa femme sont tumbez ez mains d'un armestrang[1],
+qu'on a estime le devoir incontinent livrer au comte de Mora; et que
+celluy de Vuesmerland, en habit deguyse, s'en est fouy au plus haut
+des montaignes, ayant pour ceste occasion ceste Royne envoye casser
+incontinent son armee, et revoquer le comte de Vuarvic. Mais aulcuns
+estiment que le dict armestrang n'est pour consigner le comte de
+Northomberland a celluy de Mora, ains plustost pour le relever et pour
+luy ayder a remettre sus nouvelles forces.
+
+ [1] Partisan, chef de bande.
+
+Au reste nul propos n'esmeust tant ceste Royne que quant on luy parle
+de la Royne d'Escoce, et ce que Voz Majestez en ont dernierement dict
+a son ambassadeur a faict beaucoup d'effect envers elle. J'ay bien
+vollu, pour mon regard, tirer de la propre parole de la dicte Dame ma
+justiffication de ne luy avoir, sur les affaires de la dicte Royne
+d'Escoce, ny en nulle autre matiere, jamais dict ung seul mot qui
+l'ayt peu offancer; de quoy elle m'a randu le tesmoignage tout clair
+et prompt, que non seulement elle n'a trouve jamais mauvaise, ains
+tres agreable, ma facon de parler, et la substance de toutz mes
+propos, ainsy que je les luy ay dictz, et qu'elle vous fera expliquer
+que ce qu'elle a prins a cueur de mon dire est pour luy avoir asseure
+que Voz Majestez reputeroient toucher a leurs propres personnes les
+torts et indignitez qu'on feroit a celle de la Royne d'Escoce; et
+qu'elle s'estime vous apartenir en si bonne part, qu'elle doibt bien
+estre tenue en quelque compte et respect envers Voz Majestez aussi
+bien que la dicte Royne d'Escoce. A quoy je luy ay satisfaict si bien
+que, prenant rayson en payement, elle a promis d'entrer bientost en
+quelque expediant touchant les affaires de la dicte Dame; et m'a prie
+au reste de vous escripre fort affectueusement que, a ce changement de
+gouverneur de Bretaigne, il vous playse de commander a celluy qui
+l'est meintenant, et a son lieutenant, de donner libre et sur accez
+aulx Angloix, de leur pouvoir aller demander justice; et que
+dorsenavant ilz la leur vueillent administrer eulx mesmes, puysqu'il
+n'est possible qu'ilz la puissent aulcunement avoir des officiers et
+magistratz du pays, car ses dicts subjectz ne peuvent plus supporter
+les oltraiges qu'ilz y recoipvent ordinairement.
+
+Depuis le partement du Sr Chapin, l'on a fait exorter les estrangiers
+de s'abstenir de tout commerce avec les subjectz du Roy d'Espaigne et
+de ne couvrir aulcunement leurs trafficqs par lettres, ny soubz noms
+empruntez d'aultres merchantz; et neantmoins la dicte Dame a
+vollontairement offert au dict Sr Chapin d'admettre l'ambassadeur
+d'Espaigne a parler et traicter avecques elle comme auparavant, sur le
+moindre mot que le Roy d'Espaigne luy en vouldra escripre.
+
+Je bayse tres humblement les mains de Vostre Majeste et prie Dieu,
+qu'il vous doinct, etc.
+
+ Ce IVe jour de janvier 1570.
+
+ La Royne d'Angleterre, outre les susdicts propos, m'a tres
+ honorablement parle, et avec aparance de bonne affection, de Voz
+ Majestez et de Monseigneur vostre filz, et qu'elle avoit avec
+ grand playsir ouy, du filz de Mr Norreys, plusieurs actes
+ genereux et de grand vertu du Roy et de mon dict Seigneur,
+ lesquelz elle luy avoit faict reciter plus de deux foys, sellon
+ qu'il disoit les avoir veuz et les avoir aprins de ceulx qui les
+ scavoient bien.--Ceulx de ce conseil, et mesmement le comte de
+ Lestre, m'ont faict pryer d'octroyer mon passeport au Sr
+ Barnabe, qu'ilz depeschent, avec commission de ceste Royne, pour
+ aller recouvrer une grande nef venicienne, chargee de plus de
+ cent cinquante mil escus de merchandize, qu'on envoyoit en ceste
+ ville, laquelle le capitaine Sores a prinse despuys ung mois;
+ affin que, si le dict Barnabe est rencontre par les galleres ou
+ navyres francoys, ilz ne luy facent poinct de mal. Je ne scay
+ s'il yra poursuyvre le dict Sores jusques a la Rochelle.
+
+
+
+
+LXXXIIe DEPESCHE
+
+--du Xe jour de janvier 1570.--
+
+(_Envoyee jusques a Callais par homme expres._)
+
+ Ferme persuasion ou l'on est en Angleterre que la paix sera
+ conclue en France.--Nouvelles du Nord et de la
+ Flandre.--Meilleur traitement fait a la reine
+ d'Ecosse.--Crainte des Anglais que le roi, delivre de la guerre
+ civile, ne donne assistance aux Espagnols dans les Pays-Bas
+ pour attaquer l'Angleterre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il est venu adviz a la Royne d'Angleterre, par la voye de la
+mer, que ceulx de la Rochelle tiennent deja comme pour conclud le
+propos qu'ilz vous ont faict requerir de la paix; et, par ainsy, que
+vostre royaulme s'en va hors de troubles, et vous, Sire, en bon trein
+de remettre sus fort bien et bientost vos afferes, sans qu'il
+aparoisse que, pour toutes ces horribles guerres passees, il vous y
+soit advenu aulcune diminution, ny en l'estendue de vostre estat, ny
+en l'affection de vos subjectz, ains plustot, une augmentation partout
+de vostre grandeur; de laquelle le fondement, en cette mesmes
+division, s'est monstre si ferme qu'on a opinion, s'il est une foys
+bien reuny, que nulles forces humaines le pourront jamais esbranler.
+Dont ceste Royne et les siens continuent, a ceste heure, de me fere
+meilleure demonstration que jamais de vouloir perseverer en bonne paix
+et amytie avec Vostre Majeste; et n'ont encore depesche le jeune comte
+de Mensfelt, ny rien respondu au Sr de Lombres, attendans si la fin du
+dict propos viendra a bonne conclusion, ou bien s'il sera rompu. Et,
+cependant, est arrive ung homme d'Allemaigne, lequel, a ce que
+j'entans, raporte que le Cazimir ne leve pas encores ses reytres, mais
+qu'il a distribue, ces jours passes, une somme de deniers aulx
+capitaines, affin d'estre pretz, quant il les mandera; et il parle
+aussi des praticques et menees du prince d'Orange.
+
+Les choses d'icy ne monstrent, a ceste heure, guieres grand mouvement,
+estantz ceulz du North separez et rompuz d'eulz mesmes, ainsy que je
+le vous ay confirme par mes precedantes du IIIIe de ce moys. Il est
+vray que, de tant que les deux comtes ne sont au pouvoir de la Royne
+d'Angleterre ny ne sont pour y estre aiseement livrez, parce qu'on
+dict que celluy de Northomberland est avec milor de Humes et avec le
+ser de Farmihirst, comme avecques ses amys; et celluy de Vuesmerland,
+avec le comte d'Arguil, qui le trette bien; la chaleur de leur
+entreprinse n'est encores refroydie aulx cueurs des Catholiques, ny en
+ceulz des malcontantz; lesquelz demeurent d'ailleurs en quelque
+esperance du duc d'Alve, par la mesme peur et grande souspecon qu'ilz
+voyent que la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil se donnent
+des aprestz qu'il faict, qui leur sont confirmez par plusieurs
+secrectes lettres qu'arrivent ordinairement a la dicte Dame des Pays
+Bas; et mesmes l'asseurent que, despuys le retour du marquis de
+Chetona, le dict duc s'est resolu de vouloir recouvrer, commant que ce
+soit, ses deniers, et les marchandises d'Espaigne arrestees par deca,
+et que, pour y commancer par quelque bout, il a commande de consigner
+toutz les biens des Anglois, qui estoient en Anvers, a certains
+Genevois qui ont faict ung party de six centz mil escuz avec le Roy
+d'Espaigne; dont ceulx cy se preparent, avec grand dilligence, au long
+de la coste qui regarde vers Flandres, pour resister a ses
+entreprinses. Je prendray garde a quoy, jour par jour, cella
+s'acheminera, affin de vous en donner toutjour adviz.
+
+Despuys la derniere instance que j'ay faicte a ceste Royne pour la
+Royne d'Escoce, elle l'a faicte ramener a Tutbery, en la compaignie du
+comte de Cherosbery seul; s'en estant celluy de Untington alle, qui a
+este du tout descharge de sa garde, et elle remise en ung peu plus de
+liberte, avec demonstration a monseigneur l'evesque de Roz de quelque
+faveur davantaige en ceste court, et d'y mieulx recepvoir ses
+remonstrances, qu'on n'avoit faict toutz ces jours passez. Ce qui nous
+remect en quelque esperance que nous pourrons bientost (si nouvel
+accident ne survient) obtenir une ou aultre provision ez afferes de la
+dicte Dame. Sur ce, etc.
+
+ Ce Xe jour de janvier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ce qui s'espere de la paciffication des troubles de vostre
+royaulme ne monstre aporter, a ceste heure, tant de soupecon a la
+Royne d'Angleterre ny aulx siens, comme il sembloit que, du
+commancement, ilz eussent tres ferme opinion que la fin de nostre
+guerre seroit ung commancement a eulx d'y entrer. Il est vray qu'ilz
+ne sont du tout dellivrez de cette peur, craignantz, a ce qu'ilz
+disent, que l'estroicte intelligence, que le duc d'Alve a avecques Voz
+Majestez, vous attire de son party contre l'Angleterre; car,
+aultrement, il leur semble qu'ilz n'ont guieres a le craindre, veu le
+credict et faveur de ceste Royne en Allemaigne. Et ainsy, ilz vont
+temporisant avecques luy, sans admettre ny rejecter aussi les termes
+de l'accord, esperantz qu'ilz se pourront, dans peu de jours,
+esclarcyr de vostre couste, pour scavoir commant mieulx se conduyre du
+sien; et n'estantz encores bien asseurez si le propos de la paix
+prendra bonne resolution en France, ilz tiennent leurs delliberations
+en suspens, dillayantz la depesche du jeune comte de Mansfelt, et leur
+responce au Sr de Lombres; et pareillement de ne toucher aux afferes
+de la Royne d'Escoce, jusques a ce que leur ambassadeur, Mr Norrys,
+leur ayt mande la certitude du tout; et n'ont faict plus grand
+empeschement a ung courrier du duc d'Alve, qui est arrive depuys cinq
+jours, que de l'avoir conduict a la court et visite seulement le
+dessus de ses pacquetz, lesquels, se doutans bien qu'ilz estoient en
+chiffre, l'ont renvoye avec les dicts pacquetz bien cloz a Mr
+l'ambassadeur d'Espaigne, et luy ont ottroye passeport pour s'en
+pouvoir retourner de della, bien qu'ilz ne layssent pourtant de vivre
+toutjour en grande deffiance du dict duc. A l'occasion de quoy ilz
+dressent de grandes forces et ordonnent beaulcoup de gens de cheval,
+pistoliers, et renforcent les garnysons tout le long de la coste qui
+regarde les Pays Bas; sur ce, etc.
+
+ Ce Xe jour de janvier 1570.
+
+
+
+
+LXXXIIIe DEPESCHE
+
+--du XVe jour de janvier 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Callais par Olivier Cambernon._)
+
+Efforts que l'on fait en Angleterre pour impliquer le duc de Norfolk
+et la reine d'Ecosse dans la revolte du Nord.--Le comte de
+Northumberland livre dans sa fuite au pouvoir du comte de
+Murray.--Mission d'Elphinstone en Angleterre.--Proposition emise dans
+le conseil de demander l'echange du comte de Northumberland contre la
+reine d'Ecosse.--Preparatifs de guerre faits en Allemagne pour
+soutenir les protestans de France.--Forces redoutables reunies sur mer
+par les protestans de France et d'Allemagne.--Negociations de
+l'Angleterre avec les Pays-Bas.--Motifs politiques qui engagent
+Elisabeth a soutenir les protestans de France; espoir que cependant la
+paix ne sera pas troublee.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il ne se faict, a ceste heure, aulcune plus grande dilligence
+par deca, apres avoir esteint l'eslevation du North, que de cercher
+d'ou elle est procedee, et qui sont les principaulx, qui ont heu
+intelligence avec les deux comtes; en quoy s'engendrent plusieurs
+malcontantemens et malveuillances qui se descouvrent toutz les jours
+en plusieurs endroictz et villes de ce royaulme, et se continuent
+jusques a la court; mesmes semble que, des champs ou la guerre estoit,
+elle se soit transferee ez cueurs et affections des hommes, et dict on
+que de la procede le retardement de la liberte du duc de Norfolc,
+lequel aultrement estoit en trein de sortir bientost de la Tour pour
+estre remis en son logis de ceste ville; mais les divisions et
+competances de ceulx du conseil l'empeschent, lesquels veulent
+monstrer qu'ilz concourent toutz contre la cause de l'eslevation, et,
+encor que nulz manifestement ne le chargent de rien d'icelle,
+neantmoins les ungs s'efforcent de l'y trouver embrouille, et les
+aultres de l'en declairer exempt; ny n'est moindre leur contention sur
+le faict de la Royne d'Escoce, soit pour le regard de la dicte
+entreprinse du North, ou soit pour ses aultres afferes, es quelz ses
+amys et serviteurs, qu'elle a en ce royaulme, ne se monstrent, pour
+chose qui soit advenue, moins fermes en sa faveur, ny aussi ses
+adversaires moins vehementz contre elle que auparavant. Et cependant
+le gouverneur de Barvich a envoye a la Royne d'Angleterre une lettre
+du comte de Mora, par laquelle, de tant que la dicte Dame ne l'a
+vollue communiquer a personne et qu'elle a fait semblant d'y avoir
+trouve plusieurs veriffications de l'entreprinse du North, quelques
+ungs des grandz en demeurent en peyne; et bientost apres, est arrive
+devers elle le ser Nicollas Elphingston, tres familier et inthime du
+dict de Mora, lequel elle a curieusement et avec grand affection ouy,
+mais ne se publie encores rien de l'occasion de sa venue, si n'est
+qu'on dict qu'il a aporte la depposition du comte de Northomberland,
+lequel estant enfin tumbe ez mains du comte de Mora, il l'a faict
+mettre dans Lochlevin, ou la Royne d'Escoce estoit prisonniere; mais
+je crains que le dict Elphingston ayt charge de renouveller le propos
+de consigner la Royne d'Escoce au dict de Mora, moyennant les ostages
+qu'on luy a demande, ou bien de fere l'eschange d'elle et du dict
+comte de Northomberland, ce que je scay avoir este deja propose en ce
+conseil, ainsy que je l'avois auparavant bien preveu; mais il semble
+qu'il ne peult aucunement venir au cueur de la Royne d'Angleterre de
+le debvoir fere, et y a aulcuns des siens qui ne sont pour le
+consentyr, tant y a que la pouvre princesse et ceulx, qui portons icy
+son faict, en sommes en grand peyne; mesmement a ceste heure que le
+comte de Lestre, lequel a accoustume de proceder d'une plus honneste
+et genereuse facon envers elle que les aultres du dict conseil, s'en
+est, pour quelque occasion (et croy que pour les differans de court),
+alle en sa mayson de Quilingourt, ou, toutesfoys, l'on croyt que la
+Royne d'Angleterre ne le larra longtemps sans le fere revenir.
+
+J'entendz que ung secretaire du comte Palatin vient d'arriver, lequel
+fault que soit passe par Flandres (car la navigation de Hembourg et de
+Hendein est serree des glaces jusques en mars) ou bien echappe par la
+France. Il est alle droict a Vuyndesor, et n'ay encores rien peu
+aprandre de sa commission, si n'est par ung qui l'a observe en
+passant, qui a comprins de luy qu'il vient pour avoir de l'argent, ou
+bien lettre de credit et de responce a certains juifz qui ont promiz
+de fornir une somme en Allemaigne, et qu'il est tout certain que le
+Cazimir et le prince d'Orange ont une armee preste pour entrer en
+France, a ce prochain primtempz; dont le jeune comte de Mensfelt s'est
+eslargy de dire, qu'aussitost qu'il arrivera en Allemaigne avec la
+depesche de ceste princesse, le dict de Cazimir commancera de marcher;
+ce que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, lequel j'avois hier a
+disner en mon logis, m'a confirme, bien qu'il crainct, si le propos de
+la paix se conclud en France, que tout cella aille tumber sur les bras
+du duc d'Alve; et, ce pendant, le capitaine Sores a prins une seconde
+nef venicienne, plus riche que la premiere, et faict on compte que la
+charge des deux vault plus de trois cenz mil escuz, oultre quatre
+vingtz pieces de bonne artillerye qu'il y a dedans, et oultre les
+deulx vaysseaulx, qui sont les deux meilleurs de la mer; de quoy toutz
+les merchans, tant naturelz que estrangiers, de ce royaulme, demeurent
+fort scandalizez contre Mr le cardinal de Chatillon, et requierent
+ceste Royne d'y pourvoir; mais, ou soit qu'elle et les siens n'ayent
+moyen de le fere, ou bien que, pour s'exempter de prester de l'argent
+a ceulx de la Rochelle, ilz leur veuillent permettre de se prevaloir
+de ceste riche et grande prinse, ilz dissimulent et prolongent les
+remedes; et est a craindre que le dict Sores, avec tant de bons et
+grandz vaysseaulx, et bien artillez, qu'il a a ceste heure, et le Sr
+de Olain, et le bastard de Briderode, qui en ont ung aultre bon
+nombre, ne tiennent dorsenavant bien fort subjecte ceste estroicte
+mer, et mesmes qu'ilz ne dressent quelque entreprinse sur vos
+galleres; bien qu'on m'a dict, Sire, que le dict de Olain est alle
+jusques en Allemaigne porter soixante mil escuz au prince d'Orange du
+butin de ses prinses de mer.
+
+Le Sr Thomas de Fiesque poursuyt d'accomoder icy le faict des deniers
+et merchandises, prinses et arrestees par deca sur les subjectz du Roy
+d'Espaigne, au nom des merchans a qui elles appartiennent, proposant
+que les deniers, qui sont en especes, et pareillement ceulx qui
+proviendront des merchandises, demeurent ez mains de ceste Royne
+jusques a ung entier accord, en ce qu'elle leur permette de les
+vandre, et qu'elle leur veuille bailler pour respondant la chambre de
+Londres, de payer le tout a bons termes, apres qu'elle s'en sera
+servye. Sur ce, etc.
+
+Ce XVe jour de janvier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, le surplus que j'ay a dire a Vostre Majeste, oultre le contenu
+en la lettre que j'escriptz presentement au Roy, je le reserve a vous
+mander par le Sr de La Croix, aussitost que l'ung des miens, qui sont
+par della, sera arrive, et n'adjousteray icy, Madame, si n'est qu'on
+parle diversement en ce royaulme de la paix qui se trette en France,
+estantz ceulx des deux religions en contraires esperances la dessus;
+scavoir: les Catholiques, que des grandes et notables victoires, que
+Monseigneur vostre filz a gaignees, ayt a reuscyr ung accord fort
+advantaigeux pour nostre religion et tres honnorable pour le Roy; et
+les Protestantz, que monsieur l'Admyral s'estant aulcunement reffect,
+et pres d'estre, dans six sepmaines ou deux moys, secouru du prince
+Cazimir, n'ayt a quicter rien de ce qui apartient a la leur, ny en
+l'exercisse, ny en l'establissement d'icelle dans le royaulme; et
+estiment, les ungs et les aultres, que leur propre faict deppend du
+succez des choses de della; dont, encor que la Royne d'Angleterre et
+les plus moderez d'aupres d'elle dettestent asses les guerres des
+subjectz, neantmoins, ceulx qui ont plus d'auctorite et de manyement
+pres d'elle, desirans que la part des Catholiques demeure fort oprimee
+par deca, condamnent en toutes sortes l'entreprinse de ceulx du North
+comme inique, et luy coulorent de quelque equite celle de France et
+luy persuadent, que du maintien d'icelle deppend la seurete de son
+estat et du tiltre de son royaulme, et de la legitime qualite de sa
+personne; laquelle aultrement seroit par les Catholiques tenue
+illegitime. Ce qui faict, Madame, qu'encor que ceste princesse ayt
+grand regrect a la prinse de ces deux grandes nefz veniciennes, et
+qu'elle sente que, pour aulcun respect, il tourne au prejudice de sa
+reputation que, l'une, en partant d'icy, et l'aultre, en y arrivant,
+ayent este prinses en la plaige et quasi dans les portz de son
+royaulme; neantmoins, pour n'incommoder ceulx de la dicte religion,
+iceulx de son dict conseil la contraignent de differer et dissimuler
+le remede, que tres volontiers elle donroit aulx merchans; et le
+secretaire Cecille a asses soubdain respondu a ceulx qui l'en ont
+sollicite, que ceulx de la Rochelle avoient guerre contre les
+Veniciens, parce qu'ilz ont preste de l'argent au Roy; et mesmes,
+aulcuns a ce propos m'ont interroge si la Royne de Navarre n'estoit
+pas en actuelle possession de quelque partie de son royaulme, ayant
+este propose en ce conseil, si, comme Princesse Souveraine, elle ne
+pouvoit pas declarer une guerre, apres l'avoir jugee juste et
+legitime. Sur quoy, me doubtant bien pourquoy l'on me faisoit ceste
+demande, j'ay respondu que la dicte Dame n'a rien qui ne soit, ou
+mouvant de la couronne de France, ou tenu soubz la protection
+d'icelle, et ainsy n'ont rien gaigne sur moy de cest endroict.
+
+J'ay receu l'acte de mainlevee, qui a este faicte a Roan, des biens
+des Anglois, de laquelle ceste Royne et les siens se sont fort
+contentez, et ont, de leur part, desja procede de mesmes a la
+restitution des biens que les Francoys ont peu monstrer leur apartenir
+par deca, et continuent encores toutz les jours de leur faire justice.
+Ilz se plaignent seulement de Bretaigne, et suplient Vostre Majeste
+d'y donner ordre. Il me semble qu'en toutes sortes, ceste Royne et le
+general de son royaulme veulent perseverer en bonne paix, et ouverte
+amytie, avecques Voz Majestez Tres Chrestiennes; mais que, en
+particullier, aulcuns passionnez feront toutjour, soubz main, tout ce
+qu'ilz pourront, et icy, et en Allemaigne, pour ceulx de la Rochelle,
+et feroient davantaige si, avec vostre authorite, je ne mettois peyne
+de les empescher. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVe jour de janvier 1570.
+
+
+
+
+LXXXIVe DEPESCHE
+
+--du XXIe jour de janvier 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusgues a Callais par Letorne, estant le sieur de La
+Croix tumbe malade, dont il est alle a Dieu._)
+
+ Intrigues a la cour de Londres; rivalites entre Leicester et
+ Cecil.--Nombreuses executions faites par le comte de Sussex a
+ la suite de la revolte du Nord.--Moderation du comte de Warwick
+ a l'egard des insurges qui sont tombes en son pouvoir.--On
+ croit que les Ecossais aideront le comte de Westmorland a
+ rentrer en Angleterre.--Negociation d'Elphinstone.--Crainte que
+ l'on doit avoir en France du cote d'Allemagne.--Sollicitation
+ faite aupres de la reine d'Ecosse par le comte de Huntingdon
+ pour qu'elle consente a se marier avec Leicester.--Clauses d'un
+ traite qui lui est propose pour son
+ retablissement.--Preparatifs faits par le prince d'Orange
+ contre les Pays-Bas.--_Avis_ donne au roi de divers bruits que
+ l'on fait courir a Londres sur les mesintelligences qui se
+ seraient elevees a la cour de France.--_Memoire secret_.
+ Soupcons eleves contre le duc de Norfolk, le duc d'Albe, la
+ reine d'Ecosse, et l'ambassadeur de France au sujet de la
+ revolte du Nord.--Menees du duc d'Albe en
+ Angleterre.--Declaration d'Elisabeth que la reine d'Ecosse a
+ forme le projet de s'emparer de la couronne d'Angleterre pour
+ reduire le royaume a la religion catholique.--Proposition faite
+ par l'ambassadeur d'Espagne au roi de France de former une
+ ligue pour retablir Marie Stuart sur le trone d'Ecosse, et la
+ religion catholique en Angleterre.--Conduite qu'a du tenir
+ l'ambassadeur de France a cet egard.--Projets que l'on doit
+ supposer a l'Espagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, pour l'occasion des troubles du North, la Royne d'Angleterre,
+au commancement de ceste annee, a advise d'augmenter son conseil d'ung
+nombre de personnaiges miz a sa devotion, lesquelz elle a pourveuz
+d'aulcuns offices qui vacquoient de longtemps, qui ont lieu en son
+dict conseil, comme est le contrerolleur, trezorier, vychambrelan, et
+aultres de sa mayson; en quoy la contention n'a este petite en sa
+court, entre ceulx qui aspiroient a cella, ou pour eulx mesmes ou pour
+y en mettre de leur faction, ou bien pour empescher qu'il n'y en
+entrat plus grand nombre; et est advenu, par le moyen du comte de
+Lestre, que le sire Jacques Croft a este faict contrerolleur, bien
+qu'on ayt crye qu'il estoit papiste; mais, possible, l'y a t on admiz
+plus vollontiers pour estre auculnement estime ennemy du duc de
+Norfolc, et le Sr de Frocmarthon, qui y pretandoit grandement, a este
+du tout descheu pour ceste foys, demeurant comme banny de court; et
+semble que, pour ces contentions, le comte de Lestre se soyt despuys
+absente, et qu'entre luy et le secretaire Cecille, lequel est en plus
+grand credict que jamais, y ayt beaulcoup de simulte, et que
+neantmoins il ne sera longtemps sans revenir.
+
+Le comte de Sussex poursuyt de fere de grandes executions a Durhem et
+Artelpoul, et aultres lieux de son gouvernement, sur ceulx qui avoient
+prins les armes, ayant desja faict pendre, outre ceulx du commun, bien
+cent personnaiges de qualite, baillifz, connestables ou officiers, et
+pareillement les prestres qui estoient avec eulx, nommeement le Sr
+Thomas Plumbeth, estime homme fort scavant et de bonne vie, et pense
+l'on qu'il se monstre aussi vehement, pour effacer le souspecon qu'on
+a heu de luy; et, au contraire, le comte de Vuarvich s'y porte fort
+modestement, lequel a envoye supplier la Royne d'octroyer remission a
+ces pouvres gens, ce que, en partie, elle a concede; et l'admyral
+Clinton est demoure encores a Vuodderby, avec mil hommes, pour
+contenir le pays, et pour empescher que le comte de Vuesmerland, avec
+l'assistance des Escossoys, ne puisse rentrer en armes en Angleterre,
+ce que l'on crainct asses qu'il face, parce qu'il est avec le ler de
+Farnihyrst, affectionne serviteur de la Royne d'Escoce, et que les
+aultres principaulx de l'entreprinse sont avecques d'aultres seigneurs
+escossoys, leurs amiz, de ce mesme party; et que aulcuns se sont
+acheminez a Dumbertran. Le seul comte de Northomberland a este prins
+et livre au comte de Mora, qui l'a incontinent faict mettre dans
+Lochlevyn; et a soubdain depesche devers ceste Royne le Sr Elphiston,
+son familier, lequel, a ce que j'entendz, raporte plusieurs choses de
+la depposition du dict de Northomberland, et plusieurs aultres, pour
+fere acroyre que la Royne d'Escoce et l'evesque de Roz ont induict le
+dict de Northomberland de prendre les armes; a quoy semble qu'on
+n'adjoute grand foy: et, d'abondant, monstre excuser le dict de Mora
+de ne pouvoir, en bonne conscience, ny sellon son honneur, ny encores
+sellon les loix du royaulme d'Escoce, rendre icelluy comte, mais par
+mesme moyen, il faict instance a la Royne d'Angleterre de luy prester,
+pour chose fort importante au bien des deux royaulmes, une somme
+d'argent; et tout ainsi qu'on luy donne l'esperance qu'il en pourra
+avoir, il la donne, encores plus grande, que le dict de Northomberland
+pourra estre randu, et espere davantaige qu'en le rendant, il se
+pourra aussi tretter de randre au dict de Mora la Royne d'Escoce: dont
+il prepare de s'en retourner en grand dilligence devers luy.
+
+Cependant, Sire, nous ne serons paresseulx de luy preparer toutz les
+obstacles qu'il nous sera possible, et pareillement au secretaire du
+comte Pallatin, lequel demande en general assistance de deniers, affin
+de lever gens pour les secours et deffance de la nouvelle relligion en
+France, et pour fere une descente contre le duc d'Alve en Flandres;
+dont aulcuns estiment qu'il ne s'en retournera sans quelque provision,
+tant y a qu'il ne luy a este encores respondu sellon son desir.
+Neantmoins, je vous supplie tres humblement, Sire, de fere
+soigneusement prendre garde aulx mouvemens d'Allemaigne; car l'on
+tient icy pour chose fort certayne qu'il y a armee preste, et qu'elle
+n'est pour aller en Flandres, ny pour s'adresser ailleurs qu'en
+France, tant que la guerre y durera, et que le Sr d'Olain a porte au
+prince d'Orange plus de six vingtz mil escuz, oultre que les bagues de
+la Royne de Navarre sont en Allemaigne, et les nefz veniciennes,
+riches de trois centz mil escus, sont desja arrivees a la Rochelle; et
+quant bien ceste Royne ne vouldra rien debourcer, les esglizes
+protestantes de son royaulme ne lairront pourtant d'y envoyer quelque
+notable subvention, comme celle de l'annee passee, qui fut de cent mil
+escuz, ny la dicte Dame, quant bien ne le vouldroit, ne le pourra
+contredire, tant le feu de cette matiere est, a ceste heure, ardemment
+espriz en ce royaulme comme je croy qu'il est de mesmes ailleurs.
+
+La Royne d'Escosse est meintennant a Tutbery, accompagnee seulement du
+comte de Cherosbery et des siens, qui luy octroyent plus de liberte
+qu'ilz ne souloyent; elle se porte bien, et encores que plusieurs
+choses se soyent opposees aulx esperances que nous avions de ses
+afferes, il nous en reste quelques aultres qui, possible, viendront a
+bon effect; et j'ay desja quelque adviz que ceux de son party en
+Escosse pretendent de se mettre bientost en campaigne, remectant,
+Sire, au Sr de La Croix de vous faire entendre aulcunes aultres
+particullaritez, sur lesquelles je vous supplie tres humblement luy
+donner foy. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour de janvier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, par le contenu de la lettre que j'escriptz au Roy, et par
+l'instruction que j'ay baillee au Sr de La Croix, je fays entendre a
+Vostre Majeste les principalles choses, qui me semblent regarder
+meintenant icy l'interest des vostres; et ne vous diray davantaige,
+Madame, si n'est que le comte de Huntington, pendant qu'il a este a la
+garde de la Royne d'Escosse, l'a si souvant sollicitee de se departir
+du propos du duc de Norfolc, pour entendre a celluy du comte de Lestre
+son beau frere, que, pour ne se pouvoir la dicte Dame excuser de
+quelque responce, elle luy a dict que, pour ceste heure, elle n'avoit
+rien moins a penser qu'a se marier, et qu'aussi le comte de Lestre
+avoit bien toute aultre pretencion, avec ce que, si elle contradisoit
+meintennant au desir de ces seigneurs, qui luy avoient si expressement
+escript en faveur du duc, elle craignoit fort de les irriter et
+offancer, et que le comte de Lestre mesmes, qui en estoit l'ung,
+prendroit une fort mauvaise opinion d'elle. De quoy l'aultre ne se
+contantant, et la pressant de luy fere une plus particulliere
+responce, elle, enfin, luy a dict tout rondement, que, si la Royne
+d'Angleterre et les siens, lesquelz luy avoient propose le duc, ne
+trouvoient bon que le propos passat en avant, qu'elle estoit toute
+resolue de n'espouser jamais Anglois. Sur ce il s'est advance de dire
+qu'elle faisoit fort bien, car aussi tout ce royaulme inclinoyt a ce
+desir, et qu'il voyoit que, nonobstant toutz empeschemens, avant ne
+fut deux ans, elle et le duc seroient maryes ensemble. Puys luy a
+parle fort expressement de quatre choses; la premiere, de tretter
+conjoinctement, entre l'Angleterre et l'Escosse, de l'establissement
+de la nouvelle religion; la segonde, de fere une bien seure et
+perpetuelle ligue entre les deux royaulmes; la troisiesme, de
+consentyr que, par decrect de parlement, ce royaulme soit, apres elle,
+toutjour transfere aulx males plus prochains de la couronne, parce que
+le dict de Huntington vient de l'estoc d'iceulx; et la quatriesme, que
+Voz Majestez Tres Chrestiennes veuillez depputter aulcuns pour
+assister, de vostre part, icy, aulx choses qui seront proposees, entre
+la dicte Dame et ses subjectz, sur la restitution d'elle, et sur le
+faict du feu Roy d'Escoce son mary. Et a adjouxte que monsieur le
+cardinal de Lorrayne feroit bien, comme prochain parant, d'intervenir
+au jugement d'une si grande cause.
+
+Nous sommes apres pour scavoir d'ou sont parvenus ces propos, et
+semble que le dict comte de Lestre ne les advouhe, et que mesmes il
+pense que la Royne d'Angleterre sera fort courroucee contre le dict
+Huntington, quant elle les saura, et que tout cella est party de
+l'invention du secretaire Cecille. La dicte Royne d'Escoce a tire ung
+adviz du dict de Huntington, que le prince d'Orange praticque de fere
+descendre dix mil Anglois en Flandres, et qu'avec cella, et ce qu'il
+prepare en Allemaigne, joinct l'intelligence du pays, il espere d'en
+chasser le duc d'Alve et les Espaignols, ce qui a este notiffie a
+l'ambassadeur d'Espaigne. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour de janvier 1570.
+
+
+AULTRE LETTRE A LA ROYNE
+
+ (_du dict jour, ecrite en chiffres_).
+
+Madame, parce qu'on publie, icy, a mon grand regrect, qu'il n'y a bon
+accord entre le Roy et Monsieur, son frere, voz enfantz, et que douze
+des principalles citez de France s'opposent a ce que Voz Majestez ne
+puissent aulcunement accommoder, par voye de paciffication, les
+guerres de vostre royaulme; qui sont deux choses dont Vostre Majeste
+auroit, de la premiere, le plus extreme desplaisir, et nous, le plus
+notable dommaige qui nous pourroit onques advenir; et la segonde
+seroit pour torner a une fort pernicieuse consequence contre
+l'auctorite du Roy, et droictement contre la vostre; mesmes qu'on m'a
+dict qu'en quelques endroictz du monde l'on faict desja des desseings
+la dessus, et que ceste Royne m'en pourra possible toucher quelque
+mot, je vous suplie tres humblement, Madame, me commander ce que
+j'auray a luy en respondre, ensemble a plusieurs seigneurs de ce
+royaulme, et mesmement aulx Catholiques, qui envoyent souvant m'en
+interroger, lesquelz demeurent toutz esbahys et desconfortez de ce
+que, sept sepmaines a, je n'ay nulles nouvelles de Voz Majestez;
+ausquelz toutesfoys j'ay bien desja desnye l'une et l'aultre de ces
+nouvelles, comme les tenant toutes deux fort faulces, et sur ce, etc.
+
+ MEMOIRE ET INSTRUCTION de ce que le Sr de La Croix a a dire a
+ Leurs Majestez, oultre le contenu de la depesche.
+
+ De ces troubles du North, qu'encor qu'ilz ayent este bientost
+ apaysez, neantmoins, parce que, en mesme temps, s'est descouvert
+ qu'en Norfolc l'on avoit entreprins de se saysir des armes, qui
+ estoient ez maysons du duc de Norfolc, et de contraindre le sire
+ Henry Hemart, son frere, d'estre chef d'une troupe de douze mil
+ hommes qui se tenoient prestz pour marcher droict a la Tour de
+ Londres, affin de tirer icelluy duc de pryson; et que, en Galles,
+ les choses ne se monstroient guieres plus paysibles, ceste Royne
+ est demeuree en plusieurs doubtes et deffiances de ses subjectz.
+
+ Ce qui luy est augmente par l'opinion, qu'elle a, que
+ l'intelligence du duc d'Alve y soit bien avant meslee, sellon
+ que, par l'examen d'aulcuns du North, qui ont este executez, et
+ de la depposition du comte de Northomberland, laquelle celluy de
+ Mora a envoyee, il semble que cella luy ayt este confirme.
+
+ En laquelle depposition, oultre que le dict de Northomberland
+ charge les plus grandz de ce royaulme, l'on dict qu'il affirme,
+ qu'ainsy que luy et le comte de Vuesmerland furent en campaigne,
+ l'ambassadeur d'Espaigne et l'evesque de Roz envoyerent devers
+ eulx ung homme expres, avec lettres, pour les conforter a leur
+ entreprinse, et leur promettre un prochain secours du duc d'Alve,
+ et pareillement de France, s'ilz se saysyssoient de quelque port.
+
+ Duquel acte de l'evesque de Roz la dicte Dame a prins argument
+ que la Royne d'Escoce, sa Mestresse, a bien peu estre mellee en
+ cella, et par consequent moy a cause d'elle; car, aultrement,
+ elle n'a aulcune conjecture que je m'en soys entremiz, ny que
+ deca ny della la mer il y ayt este mene aulcune pratique au nom
+ du Roy; et le dict acte n'est suffizant pour luy en fere prendre
+ guieres grande opinion, parce qu'il ne se trouve que j'aye rien
+ escript, ny mesmes que j'aye dict une parolle, ny heu aulcune
+ conferance, avec personne qu'elle ayt occasion de souspeconner.
+
+ Elle recoit asses souvant lettres d'aulcuns siens secrectz
+ serviteurs, qui sont en Flandres, qui l'advertissent que le duc
+ d'Alve prepare des entreprinses contre ce royaulme; et que la
+ plus part de la noblesse d'Angleterre sont de son party; et que
+ plusieurs d'icelle ont desja receu force escuz au soleil de luy;
+ dont j'entends que milord de Coban, depuys naguieres, a envoye
+ quatre des dictes lettres tout a la foys en ceste court, les deux
+ signees de noms supposez et les aultres non signees lesquelles
+ estant leues; au conseil auquel s'est trouve le comte de Pembrot,
+ toutz les Protestantz ont incontinent jette les yeux sur luy, et
+ il a fort hardyment repondu que ceulx qui escripvoient telles
+ lettres estoient toutz meschantz d'accuser ainsy en general la
+ noblesse d'un royaulme, et, s'ilz avoient cueur ny valleur, ilz
+ debvoient nommer ceulx qui ont prinz ces escuz et se nommer eulx
+ mesmes pour le leur maintenir, mais que ce n'estoient que
+ menteries, et que, quant la Royne, sa Mestresse, aura ses
+ subjectz bien uniz, les effortz du duc d'Alve luy seront bien
+ ayses a repousser.
+
+ Pour l'occasion de ces advertissements, l'on dict que la dicte
+ Dame et ceulx de son conseil ont advise de dresser une grand
+ milice, d'envyron quatre vingtz dix mil hommes de pied et trente
+ mil chevaulx en trois endroictz de ce royaulme; scavoir: trente
+ mil hommes de pied et dix mil chevaulx du coste de France vers le
+ Ouest; aultant en Suffoc, Norfolc et Germue, qui regarde le pays
+ de Flandres; et le tiers restant vers le coste du North contre
+ l'Escoce; de quoy l'on asseure que les rolles et descriptions
+ sont desja bien avancez, et que surtout l'on s'esforce de dresser
+ grand nombre de pistolliers, et mettre a cheval beaulcoup plus
+ d'hommes qu'on n'a oncques faict de nul aultre regne.
+
+ Tout cest ordre est conduict par ceulx de la nouvelle religion,
+ lesquelz, pour l'occasion des victoires du Roy et des batailles
+ que Monsieur, son frere, a gaignees, et des preparatifs du duc
+ d'Alve, et de ce qu'il leur semble qu'il se va trop establissant
+ en Flandres, aussi pour la reduction du nouveau roy et du
+ royaulme de Suede a la religion catholique, et pour le mouvement
+ des Catholiques de ce pays, ilz sont entrez en grandes
+ deliberations, et ont tenu plusieurs conseils comme ilz pourront
+ conserver et maintenir leur nouvelle religion.
+
+ Et, bien que ceste Royne n'est d'elle mesme mal affectionnee a la
+ partie des Catholiques, ains seroit pour requerir fort
+ vollontiers la reunyon de l'esglize et ne s'opposer guieres a ce
+ qu'elle se fit par ung bon concille; neantmoins les Protestans la
+ retiennent par une vehemente persuasion qu'ilz lui ont donne de
+ la perte de son estat, si elle n'est toujours opposante a
+ l'authorite de l'esglize romaine.
+
+ Ce que je conjecture par le propos qui s'ensuyt, lequel elle m'a
+ naguieres tenu, c'est qu'elle dict avoir deux grandes occasions
+ de regarder de bien prez au faict de la Royne d'Escoce; l'une,
+ parce que la dicte Dame ne s'est pas attribuee le tiltre de ce
+ royaulme sans une bien profonde delliberation, et sans une fort
+ grande opinion de son droict; l'autre, qu'elle voyt bien que la
+ dicte Dame se veult prevaloir de la division de la religion, et
+ cerche de s'insinuer par la ez cueurs de la noblesse
+ d'Angleterre, et que desja plusieurs briefz du Pape ont ete
+ interceuz, par lesquelz il declare absoulz ceulx qui cy devant
+ ont obei a elle, bien que illegitime et scismatique, pourveu
+ qu'ilz veuillent dorsenavant recevoir la Royne d'Escoce pour leur
+ Dame et Princesse. Et a adjouxte qu'on se trompoit bien en cella;
+ car, encor que le feu Roy, son pere, eust espouse la Royne, sa
+ mere, a la religion protestante, il a toutesfoys obtenu le
+ rescript du Pape la dessus; par laquelle persuasion des dictz
+ briefz, que je croy estre chose supposee, les Protestants
+ retiennent bien fort le cueur de ceste princesse contre les
+ Catholiques et contre la Royne d'Escosse, bien que j'ay miz peyne
+ de luy en diminuer l'opinion tant que j'ay peu.
+
+ =>Chiffre.= [Le premier jour de ceste annee 1570, et le Xe
+ ensuyvant, monsieur l'ambassadeur d'Espaigne et moy avons este en
+ conferance en mon logis sur l'estat des choses de ce royaulme, et
+ avons considere que, puysque les Catholiques n'ont heu le cueur
+ de s'ozer prevaloir de la premiere prinse d'armes qu'ilz avoient
+ faicte avec une assemblee de quinze mil hommes, ou y en avoit bon
+ nombre de pied et de cheval bien armez et en bon equipage, et
+ avec ung asses heureux commancement, sans que les Protestans
+ fussent preparez ny pourveus pour leur resister, qu'il sera bien
+ mal ayse, qu'a ceste heure qu'ilz les ont comme advertys, ilz
+ puissent rien plus entreprendre; et qu'estant, au reste, le duc
+ de Norfolc prisonnier, le comte d'Arondel fort refroydy, celluy
+ de Pembrot retourne a la court pour servir a ses amys, et
+ conserver ses estatz et les estatz de ses enfans, milor de Lomele
+ encores en arrest et toutz les Catholiques en general fort
+ inthimidez, qu'il est dangier que les Protestans, qui sont seulz
+ en authorite, viegnent a tumultuer plus que jamais, et mener
+ leurs pratiques, icy et en Allemaigne, et pareillement leurs
+ entreprinses par mer et par terre, plus ouvertement qu'ilz n'ont
+ encores fayct. Dont le dict ambassadeur, apres que nous avons heu
+ accorde l'ung a l'aultre ce que chacun de nous avons peu sentir
+ que les dictz Protestans menoient contre l'interest de nos
+ Mestres, il m'a dit que le sien et pareillement le duc d'Alve
+ avoient une tres grande affection que ce royaulme fust reduict a
+ la religion catholique, parce qu'on ne peult esperer que
+ oltraiges et indignitez d'icelluy, tant qu'il demeurera entache
+ de ceste nouvelle religion; et, de tant qu'il s'asseuroit que le
+ Roy, Mon Seigneur, avoit le semblable desir, il me prioyt fort
+ affectueusement de lui persuader qu'il voulut escripre
+ promptement une lettre au Roy Catholique, son beau frere, par
+ laquelle il luy mit en avant la commune entreprinse d'entre eulx
+ deulx contre l'Angleterre pour la restitution de la Royne
+ d'Escosse, seulement, comme pour cause juste et apartenant
+ proprement a Sa Majeste Tres Chrestienne, et en laquelle il le
+ pryat d'y vouloir employer ses forces; ce que le dict ambassadeur
+ asseuroit que le dict Roy, son Mestre, accorderoit de fere plus
+ vollontiers qu'il n'en seroit requis, et qu'apres cella, les deux
+ ensemble tinsent leur armement prest pour l'heure que nous, qui
+ sommes sur les lieux, leur manderons; car, si les choses
+ d'Angleterre n'etoient prinses sur le poinct qu'elles se
+ presentent, elles estoient si soubdaines qu'on les perdoit
+ incontinent;
+
+ Et que j'advertisse aussi Leurs Majestez Tres Chrestiennes
+ d'envoyer promptement devers le comte de Mora, pour le garder de
+ ne randre les comtes de Northomberland et Vuesmerland a la Royne
+ d'Angleterre; et que, pour la confederation que la France a non
+ tant avec la Royne d'Escosse que avec sa couronne et avec toutz
+ les Escossoys, ilz le voloient bien admonester de son debvoir en
+ ce qui se offre, affin qu'il ne face ce tort a l'honneur de ce
+ royaulme, ou les dictz comtes ont heu leur reffuge, que de les
+ randre au mandement des Anglois; et que mesmes, pour estre les
+ biens et estats de toutz deux en la terre debattable, ou en celle
+ de la conqueste faicte sur l'Escosse, qu'il se presente occasion,
+ par leur moyen, de la recouvrer.
+
+ Ces mesmes choses m'a il faict despuys remonstrer par l'evesque
+ de Roz, lequel toutesfoys ne les a prinses, pour luy mesmes, en
+ suffisant payement de ce que, au nom de sa Mestresse, il a prye
+ le dict Sr ambassadeur de fere meintenant descendre en Escosse le
+ secours de quatre mil hommes, et cent mil escuz, que le duc
+ d'Alve a mande avoir toutz prestz pour envoyer aulx deux comtes,
+ s'ilz eussent peu meintenir encores quinze jours les armes; et
+ qu'a cest effect, elle fera passer quelques seigneurs d'Escosse
+ devers le dict duc pour adviser avecques luy de leur descente et
+ reception dans le pays, et, si besoing est, elle envoyera un
+ gentilhomme jusques au Roy d'Espaigne pour avoir son
+ commandement; en quoy le dict ambassadeur a seulement promiz d'en
+ escripre, mais qu'il failloit que, de mon coste, je fisse en
+ dilligence ce qu'il m'avoit dict, et que surtout l'on fut bien
+ advise de ne toucher entre Leurs Tres Chrestienne et Catholique
+ Majestez ung seul mot du faict de la nouvelle religion de peur de
+ mouvoir les Allemans.]
+
+ Je n'ay monstre aux dictz sieurs ambassadeur et de Roz que toute
+ bonne affection en ce qu'ilz m'ont propose, sinon que je leur ay
+ allegue aulcunes difficultez pour les presentes guerres de
+ France, et que, pour le dangier des pacquetz, j'estimois qu'il
+ seroit meilleur que le duc d'Alve envoyat sur le lieu tretter par
+ quelq'un des siens ou bien par Dom Frances [le faict de
+ l'entreprinse contre l'Angleterre] que non que le Roy en
+ escripvit au Roy, son Maistre; et que, d'empescher la reddition
+ des deux comtes, de tant que celluy de Mora s'est monstre trop
+ adversaire de la Royne d'Escosse, mal vollontiers le Roy le
+ vouldra requerir, ny de cella ny d'aultre chose, sans toutesfoys
+ que je leur aye reffuze, ny accorde aussi d'en rien escripre a
+ Leurs Majestez; vray est qu'auparavant il avoit este desja donne
+ tout l'ordre qu'on avoit peu [pour envoyer empescher en Escosse
+ que les deux comtes ne soyent rendus].
+
+ L'ambassadeur d'Espaigne a tres bonne affection a la religion
+ catholique, et procede fort droictement en tout ce qui est pour
+ l'advancement d'icelle; il fault considerer aussi qu'il peult
+ bien en ces choses estre aultant esmeu du desir qu'il scayt que
+ le Roy, son Maistre, a de recouvrer l'argent et merchandises de
+ ses subjectz, prinses et arrestees par deca, et de se vanger des
+ offances receues en cella, et pareillement de celles que le duc
+ d'Alve se sent en particullier fort picque, pour les indignitez
+ usees a luy mesmes et a ceulx qui sont venuz de sa part, que non
+ de l'interest de la couronne d'Escosse, ny pour vouloir diminuer
+ la grandeur de celle d'Angleterre, qui est alliee de la maison de
+ Bourgogne; ou bien qu'il cognoist que, si ceste Royne sent que le
+ Roy conviegne avec le Roy d'Espaigne contre elle, qu'elle sera
+ plus facille de se reconcillier avec le duc d'Alve, dont Leurs
+ Majestez Tres Chrestiennes adviseront ce qui sera le plus
+ expediant pour leur service.
+
+ Il est bien certain que, despuys le commancement des differans
+ des Pays Bas, et lors mesmement que le Sr d'Assoleville et puys
+ le Sr Chapin Vitelly sont passez de deca, que ceste princesse m'a
+ toutjour faict sonder de quelle intention le Roy et la Royne
+ seroient en son endroict, affin de s'accommoder avec celle des
+ parties qu'elle cognoistra luy estre de meilleure disposition; de
+ quoy ayant heu cognoissance, et encores quelque adviz, je me suys
+ conduict de telle facon envers elle, que luy donnant bonne
+ esperance du coste de France, sans luy parler toutesfoys qu'en
+ tres bonne et advantaigeuse facon des choses d'Espaigne, je l'ay
+ retenue en quelque devotion envers Leurs Tres Chrestiennes
+ Majestez, et je croy qu'elle s'est de tant monstree plus
+ difficille et contraire au duc d'Alve.
+
+ Davantaige conferans le dict sieur ambassadeur et moy noz adviz
+ sur la negociation que faict le secretaire du comte Pallatin en
+ ceste court, il nous a este raporte a toutz deux qu'il poursuyt
+ argent affin de lever gens en Allemaigne, tant pour envoyer au
+ secours de ceulx de la nouvelle religion en France, que pour fere
+ une descente contre le duc d'Alve aulx Pays Bas; et de tant que
+ le Sr de Lombres, flamant, qui a este envoye icy par ceulx de la
+ Rochelle, sollicite vifvement ce fait au nom du prince d'Orange,
+ le dict ambassadeur l'a pour plus suspect, et me presse pour cela
+ fort vifvement que nous veuillons [induyre conjoinctement noz
+ deux Maistres d'entreprendre promptement quelque chose contre ce
+ royaulme], bien que, a propos du dict prince d'Orange, il m'a
+ dict qu'il scavoit que ce qu'il preparoit en Allemaigne estoit
+ pour retourner en France. Sur quoy luy ayant respondu qu'il
+ n'avoit receu aucune offance du Roy pour le debvoir fere, il m'a
+ seulement demande si le Roy ne lui avoit pas confisque son estat
+ qu'il a en France; a quoy je lui ay respondu que ce n'estoit
+ chose qu'il dut tenir en tant, pour en commancer une guerre,
+ quant bien le Roy le luy auroit confisque: et, la dessus, il m'a
+ faict ung discours comme si l'Allemaigne n'estoit pour plus luy
+ consentyr de retourner a main armee aulx Pays Bas, mais bien de
+ procurer son retour en ses biens par le pardon et bonne grace du
+ Roy son Seigneur.
+
+
+
+
+LXXXVe DEPESCHE
+
+--du XXVIIIe jour de janvier 1570.--
+
+(_Envoyee jusques a Callais expres par Pierre Bordillon._)
+
+ Arrivee de Mr de Montlouet a Londres.--Mission dont il est charge
+ pour l'Ecosse; etat des affaires dans ce pays.--Projets du
+ comte de Westmorland, qui prepare une nouvelle prise
+ d'armes.--Avantage remporte en Irlande par mylord
+ Sidney.--Espoir d'Elisabeth que les differends avec les
+ Pays-Bas pourront s'arranger a l'avantage de
+ l'Angleterre.--Preparatifs du duc Casimir qui se dispose a
+ entrer en campagne.--Efforts de l'ambassadeur pour empecher que
+ des secours d'argent soient donnes aux protestans de la
+ Rochelle.--Reclamation de la republique de Venise afin
+ d'obtenir la restitution des prises faites par le capitaine
+ Sores.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je n'avois rien entendu de la venue de Mr de Montlouet, quant,
+le XXe de ce moys, il m'a este mande de ceste court qu'il avoit desja
+passe la mer, et qu'il estoit a Douvres; au quel lieu l'on l'a arreste
+deux jours et demy, sans luy permettre de passer plus avant; et croy
+que c'est le filz de Mr Norrys qui, ayant passe avecques luy, et
+laisse madame de Norrys sa mere a Boulloigne, a advise les officiers
+de fere ceste difficulte, afin qu'il eust loysir d'en advertir la
+Royne sa Mestresse, laquelle a mande tout aussitost qu'on le laissat
+venir, monstrant d'estre marrye qu'on l'eust aulcunement retarde. Par
+ainsy, Sire, il est arrive en ceste ville le XXIIIe, et, le lendemain
+XXIVe, nous avons envoye a Hamptoncourt, ou la dicte Dame est a
+present, pour demander son audience; laquelle elle nous a incontinent
+accourdee au XXVIe; mais ceulx de son conseil, qui avoient a se
+trouver toute ceste sepmaine en ceste ville pour l'ouverture du terme
+de la justice, la luy ont faicte prolonger jusques a dimanche
+prochain, qui sera le XXIXe; et semble, Sire, que monsieur Norrys ayt
+donne adviz a la dicte Dame que le voyage du dict Sr de Montlouet est
+pour les afferes de la Royne d'Escoce, dont elle s'est desja preparee,
+ainsy que j'entendz, de la responce qu'elle luy doibt fere; et je
+doubte asses qu'elle luy veuille accorder de passeport pour aller en
+Escoce; car, oultre que l'ordinaire souspecon et jalouzie qu'elle a de
+l'auctorite de Vostre Majeste en ce pays la luy administre assez
+inventions pour y trouver toujour quelque excuse, il luy semblera, a
+ceste heure, qu'elle en ayt une fort aparante pour les troubles
+naguieres suscitez en son pays du North, et pour la retrette qu'ont
+faict les chefz et autheurs d'iceulx avec leur cavallerye vers ces
+quartiers de terres debattables d'entre les deux royaulmes; ou, a la
+verite, l'on dict que le comte de Vuesmerland se va refaysant, et
+assemblant une trouppe, qui ne sera moindre de quatre mille chevaulx
+anglois ou escoucoys, lesquels il pourra joindre toutes les foys qu'il
+vouldra, en moins de quatre jours; et le comte de Northomberland n'est
+mal trette du lord de Lochlevyn, qui, encor qu'il soit beau frere du
+comte de Mora, ne monstre le vouloir randre a la Royne d'Angleterre.
+Neantmoins, ayant le dict Sr de Montlouet et moy desja heu
+communication avec monsieur l'evesque de Roz, nous n'obmettrons rien
+de tout ce qui se pourra dire et fere, au nom de Vostre Majeste,
+envers ceste Royne, pour la liberte, restitution et advancement de la
+Royne d'Escoce, et pour avoir permission de l'aller veoir, et puys de
+parfere son voyage.
+
+Il est certain que la retrette des comtes de Northomberland et de
+Vuesmerland n'a tant apayse les troubles du North, que la dicte Royne
+d'Angleterre et les siens ne craignent bien fort qu'il se fasse
+encores une reprinse d'armes, non seulement au mesmes pays du North,
+ou l'execution de tant de pouvres hommes, qu'on y faict mourir, ne
+faict qu'endurcyr et aigrir davantage les aultres, mais aussi en
+plusieurs endroictz de ce royaulme; et que, si ceulx qui se sont
+retirez en Escoce retournent, la seconde entreprinse sera trop plus
+dangereuse que la premiere. Il est vray que ce pendant la dicte Dame
+se trouve dellivree de deux aultres grands soucys, l'ung du coste de
+l'Irlande, et l'aultre des Pays Bas; car milord Sideney luy a mande
+qu'en une course, qu'il a faicte sur les saulvaiges au plus fort de
+l'hyver, lorsqu'ilz s'en doubtoient le moins, il a reprins vingt huict
+lieux fortz sur eulx, et a ramene de prisonniers cent soixante des
+plus principaulx des leurs, de sorte qu'il se promect une briefve et
+fort heureuse yssue de toutz les afferes de della. Et de Flandres la
+dicte Dame estime avoir ung bien asseure adviz que les aprestz du duc
+d'Alve contre ce royaulme se vont refroydissant, et vont estre remiz
+en ung aultre temps; ce qui lui semble estre davantaige confirme par
+la dilligence que les Srs Espinola et Fiesque font icy d'accommoder le
+faict des deniers et merchandises d'Espaigne, bien fort a l'advantaige
+de la dicte Dame.
+
+Les adviz des aprestz et mouvemens d'Allemaigne continuent en ce que,
+sans aulcun doubte, le duc de Cazimir sera en campaigne avec cinq mil
+chevaulx et huict mil hommes de pied, a la fin de febvrier ou au
+commencement de mars; et que desja le payement de ses gens pour deux
+moys est consigne, et que le troisiesme moys se payera le jour qu'il
+commencera de marcher. L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a ung
+non guieres dissemblable adviz, disant ouvertement que c'est pour
+entrer en France. Neantmoins, son parler monstre qu'il crainct asses
+que ce soit pour descendre en Flandres, de tant que le prince d'Orange
+s'entremect beaulcoup de l'entreprinse, et qu'il a este devers le
+comte Pallatin a Heldelberc, et puys en poste jusques en Saxe devers
+le duc Auguste; dont le duc d'Alve a mande haster la levee que luy
+faict le duc de Bronsouyc, affin de garnyr tout a temps le Luxembourg
+de bonnes forces. Tant y a qu'ayant monsieur de Lizy naguieres escript
+que, nonobstant les grandes difficultez qu'il avoit trouvees aux
+princes protestans, ilz l'avoient enfin asseure du secours qu'il leur
+avoit requis, il est a croyre que leur premier effort se fera en
+France pour ceulx de la Rochelle. Le secretaire du comte Pallatin, et
+ceulx qui sont icy pour le prince d'Orange et pour les dicts de la
+Rochelle, n'ont encore heu resolue responce de ce conseil sur le prest
+des deniers qu'ilz demandent, et ceste Royne s'en excuse bien fort;
+mais ceulx qui ont auctorite pres d'elle trouvent moyen que son credit
+et celluy de son royaulme y peuvent estre de telle facon employez,
+sans qu'il luy coste rien, que desja les aultres s'asseurent de tirer
+de cest endroict cinquante mil escuz; mais ilz incistent a plus grand
+somme jusques a cent cinquante mille, non sans esperance de l'obtenir,
+pourveu qu'il n'y aille rien de la bource de la dicte Dame; et ceulx
+qui mesurent les finances, dont l'on peult avoir quelque notice qu'ilz
+pourront fere estat ceste annee, disent que c'est de cinq a six centz
+mil escuz. Je mettray peyne de les empescher de ce coste le plus qu'il
+me sera possible.
+
+Les Seigneurs Magniffiques de la Seigneurie de Venize, qui sont icy,
+ont obtenu lettres de ceste Royne fort expresses a la Royne de Navarre
+pour le recouvrement de leurs vaysseaulx et merchandises, et m'ont
+prie de bailler mon passeport a l'ung d'entre eulx, qui les est alle
+presenter, affin que si, pour le temps, il estoit contrainct de
+relascher en France, ou qu'il fut rencontre par aulcuns navyres de
+guerres de Vostre Majeste en la mer, il puisse tesmoigner de la juste
+occasion de son voyage au dict lieu de la Rochelle. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVIIIe jour de janvier 1570.
+
+
+
+
+LXXXVIe DEPESCHE
+
+--du IIe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyee par Guillaume de La Porte expres jusques a Calais._)
+
+Audience accordee par la reine d'Angleterre a Mr de Montlouet et a
+l'ambassadeur.--Reproche fait par Elisabeth a la reine d'Ecosse
+d'avoir favorise la revolte du Nord.--Crainte qu'il ne soit permis a
+Mr de Montlouet ni d'accomplir sa mission vers Marie Stuart, ni de se
+rendre en Ecosse.--Nouvelle de la mort du comte de Murray; mesures
+prises par Elisabeth pour conserver son influence en Ecosse, malgre
+cet evenement.--Vives instances faites par les protestans de France
+pour obtenir en Angleterre des secours d'hommes et d'argent.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, deux jours apres ma precedante depesche, laquelle est du XXVIIe
+du passe, nous avons este a Hamptoncourt devers la Royne d'Angleterre,
+a laquelle Mr de Montlouet a presente voz lettres et reccomendations,
+et luy a d'une fort bonne et agreable facon recitte le contenu de sa
+charge, sans rien obmettre de ce qui a este requis pour dignement luy
+porter la parolle, et la creance de Voz Majestez, et pour luy faire
+bien expressement entendre vostre intention sur le faict de la Royne
+d'Escoce: en quoy la dicte Dame a monstre que la matiere luy estoit de
+bien grande consequence, mais qu'elle n'estoit encores en guieres de
+disposition d'y entendre pour des occasions, qu'elle a faict semblant
+d'avoir descouvertes de nouveau contre la Royne d'Escoce et contre
+l'evesque de Roz, d'aulcunes leurs menees avec le comte de
+Northomberland sur les derniers troubles du North; et n'a toutesfoys
+laysse de donner des responses pleynes a la verite d'indignation
+envers la dicte Royne d'Escoce, mais de quelque respect envers Voz
+Majestez Tres Chrestiennes, et s'est reservee d'en bailler, dans trois
+ou quatre jours, de plus amples apres qu'elle aura heu le loysir d'y
+penser.
+
+Le dict sieur de Montlouet luy a faict des remonstrances et
+replicques, fort convenables a ce propos, avec instance de luy
+permettre de visiter la dicte Dame de vostre part, et de passer, puys
+apres, jusques a ses subjectz, pour aulcunes bonnes occasions que Voz
+Majestez le depeschent devers elle et devers eulx. A quoy j'ay adjoute
+ce que j'ay estime convenir a ceste negociation, sellon celle que j'ay
+asses continuee jusques icy de ce faict, et sellon les advertissemens
+du dict Sr evesque de Roz; mais la dicte Dame a remis de respondre au
+tout, apres qu'elle y aura pense.
+
+Cependant elle a couppe asses court le dict propos, comme si elle s'en
+trouvoit pressee, pour demander curieusement des nouvelles de Voz
+Majestez et de celles de la paix. A quoy le dict Sr de Montlouet luy a
+amplement satisfaict; dont, des propos qu'elle luy a tenuz et de ses
+responses, et pareillement de ce qu'elle luy a dict sur le faict de
+la fille de Mad{e} de Mouy et sur ce que Mr de La Meilleraye vous
+avoit escript des desordres qui continuent encores en la mer, je
+laisse au dict Sr de Montlouet de le vous fere bientost entendre par
+luy mesmes, s'il ne va plus avant; ainsy qu'il semble qu'a grand
+difficulte le luy vouldra l'on permettre, ou bien de le vous escripre,
+si, d'advanture, il accomplit son voyage.
+
+Et seulement adjouxteray icy, Sire, ce que la dicte Dame nous a dict
+de la mort du comte de Mora, comme en passant par une rue, en la ville
+de Lithquo, il a este tue d'ung coup de pistolle, avec quatre balles
+au travers du corps, par le fils du cherif du dict lieu, lequel est
+des Amelthons, qui s'est despuys saulve[2]. Duquel coup la dicte Dame
+n'a peu dissimuler le regrect qu'elle y avoit, ce qui la nous a
+(sellon mon adviz) randue moins bien disposee en ceste premiere
+audience, sentant possible debvoir advenir beaulcoup de mutation de
+ceste mort ez choses d'Escoce, et, possible, beaucoup en celles de
+toute l'isle; dont a depesche en dilligence le Sr Randol par della
+pour deux occasions principallement; l'une, affin de solliciter
+l'eslection d'ung aultre regent, qui soit de mesmes disposition envers
+elle qu'estoit le dict de Mora; et l'aultre, pour empescher que le
+comte de Northomberland ne soit mis en liberte sur ce changement, et
+fere beaulcoup d'offres et promesses la dessus.
+
+ [2] Cet evenement arriva en plein jour, le 23 janvier 1570, au
+ moment ou le regent traversait la petite ville de Linlithgow, a
+ dix-sept milles d'Edimbourg. Jacques Hamilton de Bothwell-Haugh,
+ qui se vengea par ce meurtre des relations que Murray avait
+ entretenues avec sa femme, trouva moyen de s'echapper et de se
+ refugier en France.
+
+Ung certain capitaine alleman, nomme Oulfan d'Arnac, est despuys
+naguieres arrive de la Rochelle; par la venue duquel le jeune comte de
+Mensfelt haste son partement; et toutz deux sont pretz de s'embarquer
+pour passer en Allemaigne, affin de se trouver bientost avec le
+Cazimir; lequel ilz cuydent se debvoir, dans peu de jours, mettre en
+campaigne; et cependant la subvention des esglizes protestantes de ce
+royaulme commence a se lever ainsy que je l'avois desja preveu, et
+possible que par mes premieres, je vous pourray mander combien elle se
+montera. Sur ce, etc.
+
+ Ce IIe jour de febvrier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ayant la Royne d'Angleterre remiz a fere, d'icy a quatre
+jours, responce a Mr de Montlouet et a moy sur les choses qu'il luy a
+proposees de la part de Voz Majestez, il n'y auroit guieres lieu de
+vous depescher ce pacquet jusques alors, n'estoit la nouvelle qui
+cependant est survenue de la mort du comte de Mora; laquelle je ne
+vous veulx aulcunement retarder, pour l'aparance qu'il y a que
+d'icelle ayt a naistre bientost beaulcoup de nouvelletez en Escoce, et
+possible asses de mutation ez choses de ce royaulme, ou ce coup se
+faict desja tant sentyr, qu'il semble qu'en la court, et par tout le
+pays, ung chacun en soit bien fort esmeu; et n'a la dicte Royne
+d'Angleterre, apres l'avoir sceu, differe que bien peu d'heures de
+depescher Randolf en Escoce, pour fere en toutes sortes qu'on y
+substitue ung aultre regent, qui soit pour perseverer aulx mesmes
+trettez qu'elle avoit avecques le deffunct, avec offres d'argent et de
+forces pour meintenir l'authorite de celluy qui le sera, et pour
+empescher que aulcuns estrangiers puissent estre appellez contre luy
+dans le pays; dont aulcuns estiment que le frere du dict de Mora
+tiendra meintenant ce lieu. En quoy Vostre Majeste considerera, au cas
+que Mr de Montlouet n'ayt permission de passer jusques en Escosse par
+terre, s'il sera expediant d'y depescher ung aultre par mer, qui y
+puisse arriver avant que les choses y soient establyes a la devotion
+des adversaires de la dicte Royne d'Escoce. L'on a adviz icy que
+Dombertrand a este avitaille par deux navyres francoys, dont ne fault
+doubter que le party de la dicte Dame ne s'en trouve grandement
+confirme dans le pays, et je scay qu'il en faict grand mal au cueur a
+plusieurs en ceste court. Sur ce, etc.
+
+ Ce IIe jour de febvrier 1570.
+
+
+
+
+LXXXVIIe DEPESCHE
+
+--du Xe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyee par Mr de Montlouet s'en retornant devers le Roy._)
+
+Nouvelle audience accordee a Mr de Montlouet.--Refus fait par
+Elisabeth de lui donner passage.--Motifs qui ont du l'engager a
+prendre ce parti.--Arrestation de l'eveque de Ross.--Protestation
+de la reine d'Angleterre qu'elle veut se maintenir en paix avec
+le roi, et qu'elle ne donnera aucun secours a ceux de la
+Rochelle.--Preparatifs faits en Angleterre contre l'Ecosse.--Necessite
+d'envoyer sans retard, par mer, un depute en Ecosse, et de ne rien
+negliger pour arreter l'execution des projets des Anglais.--_Note_
+remise a Mr de Montlouet sur l'etat general des affaires d'Angleterre
+et d'Ecosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ayant la Royne d'Angleterre, au boult de huict jours, faict
+entendre a Mr de Montlouet et a moy, avec quelque aparat, en presence
+de unze seigneurs de son conseil, touchant les afferes de la Royne
+d'Escoce, que de laysser passer le dict Sr de Montlouet jusques au
+lieu ou est la dicte Dame, et puys de la en Escoce, elle ne le pouvoit
+meintennant en facon du monde consentyr, pour des occasions,
+lesquelles, si eussent este bien sceues, lorsqu'il fut depesche, elle
+s'assure que Vostre Majeste ne luy eust donne charge d'y aller; et que
+de la seurte de la dicte Dame Vostre Majeste pouvoit croyre que, quand
+la dicte Royne d'Escoce auroit bien machine de la fere tuer a elle
+d'ung coup de haquebutte, elle pourtant ne consentyroit jamais qu'on
+touchat ny a sa vie, ny a sa personne; et que de son bon trettement
+elle le luy fesoit fere tel et a telz frays qu'elle scayt que l'Escoce
+ne seroit pour y fornyr de mesmes. Au regard de sa plus grande liberte
+et restitution a sa couronne, qu'encor qu'elle n'eust a rendre compte
+qu'a Dieu seul de ses actions en cella, elle neantmoins les vous
+feroit entendre par son ambassadeur, ou par ung gentilhomme expres,
+avec esperance, que vous les trouverez si equitables, que dorsenavant
+vous ne seriez tant pour la dicte Royne d'Escoce, que vous ne fussiez
+aussi pour elle; et de tout ce que, avec ung bien long et prepare
+discours et avec plusieurs demonstrations, elle a desduict la dessus,
+le dict Sr de Montlouet le saura trop mieulx represanter a Voz
+Majestez que je ne le vous scaurois escripre, vous pouvant asseurer,
+Sire, qu'il a si vifvement replique et tant fermement inciste a la
+dicte Dame sur toutz les poinctz de l'instruction, que Vostre Majeste
+luy avoit baillee, qu'il ne s'y peult rien desirer davantaige. Et j'ay
+adjouxte ce que j'ay peu de plus expres pour la presser de luy fere
+meilleure responce; mais le mariage du duc de Norfolc et l'ellevation
+du North lui sont deux offances si rescentes, lesquelles elle impute a
+la dicte Dame, et la mort du comte de Mora les luy a tant rafreschies,
+que nulle sorte d'apareil y peult encores estre bonne; mesmes, sur ce
+dernier courroux de la mort du comte de Mora, elle a faict resserrer
+l'evesque de Roz ez mains de l'evesque de Londres, qui sont deux fort
+differantz personnages, en meurs et en religion, l'ung de l'autre;
+dont semble qu'il fault qu'avec le temps vienne le remede de ce mal.
+
+Je laisse au dict Sr de Montlouet de vous dire le contantement que la
+dicte Royne d'Angleterre a monstre avoir de ce que Voz Majestez Tres
+Chrestiennes se sont vollues conjouyr avecques elle sur la
+paciffication des troubles de son royaulme, et les bonnes parolles
+qu'elle a dictes en cella, qui toutjour en use de fort bonnes ez
+choses qui luy sont proposees de Voz Majestez, sinon en ce qu'on luy
+touche de la Royne d'Escoce; et vous dira pareillement les promesses,
+qu'elle nous a faictes, de n'assister en aulcune sorte a ceulx de la
+Rochelle contre Vostre Majeste et sur ce, etc.
+
+ Ce Xe jour de febvrier 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, il n'a tenu ny a soing, ny a dilligence, ny a fere bien
+dignement et expressement entendre, par Mr de Montlouet, a la Royne
+d'Angleterre les choses de sa charge, ny encores a les avoir bien
+preparees et sollicitees par Mr de Roz et par moy, aultant qu'il nous
+a este possible, que le dict Sr de Montlouet ne raporte une meilleure
+responce qu'il ne faict sur les afferes de la Royne d'Escoce; mais le
+mariage du duc de Norfolc et l'ellevation du North y font ung tres
+grand obstacle et, possible, y en faict davantaige la mort, naguieres
+survenue, du comte de Mora; laquelle la dicte dame et ceulx de son
+conseil, qui sont protestantz, monstroient de la prendre plus a cueur
+que nul aultre accident qui leur eust peu advenir, et sont apres a
+fere plusieurs grandz et nouveaulx desseings la dessus; dont desja ont
+mande renforcer bien fort la garnyson de Barvich, et crains asses
+qu'ilz veuillent dresser, du premier jour, armee pour l'envoyer par
+della, comme j'en ay quelque sentyment; laquelle survenant en la
+division, ou est a croyre que ce royaulme se trouve meintennant, elle
+sera pour y fere des effectz, qui seront, par avanture, dommaigables a
+l'advenir; dont je perciste en ce que, par mes precedantes, j'ay
+escript que, ne voulant ceste Royne permettre que le Roy et Vous y
+puissiez envoyer quelqu'un des vostres par terre, qu'il sera bon que y
+depeschiez promptement ung personnaige de bonne qualite par mer, qui
+soit pour moyenner et establyr, avec vostre auctorite, une bonne
+concorde entre les seigneurs du pays; et les bien disposer de resister
+aux estrangiers, et y relever le nom de leur Royne; en quoy semble
+aussi, si Voz Majestez n'y peuvent pour ceste heure envoyer forces,
+qu'il sera fort a propos que envoyez au moins quelques capitaines, et
+gens d'entendement et de valleur, qui les saichent bien conduyre. Sur
+ce, etc.
+
+ Ce Xe jour de febvrier 1570.
+
+CE QUI S'ENSUIT a este baille a Mr de Montlouet pour luy servyr de
+memoyre.
+
+De la communicquation que Mr de Montlouet et moy avons heu ensemble,
+touchant ses deux instructions, il se pourra servyr de l'ordre
+d'icelles comme d'ung memoire, pour tout ce que je luy ay dict sur ung
+chacun article, affin d'en satisfere Leurs Majestez.
+
+Et l'extraict de la lettre, que j'escriptz au Roy, s'il luy playt de
+l'emporter, sera pour nous conformer l'ung a l'aultre ez choses que la
+Royne d'Angleterre nous a respondues sur le faict de la Royne
+d'Escoce.
+
+De la continuation de la paix;--Il pourra dire que la Royne
+d'Angleterre monstre d'y vouloir perseverer, et semble que ceulx de la
+Rochelle ne tireront d'elle aulcun manifeste secours; mais ne fault
+doubter que, par moyens secrects et soubz aultres pretextes, les siens
+ne les accomodent, par mer et en Allemaigne, aultant que, sans mettre
+leur Mestresse a la guerre, ilz le pourront fere.
+
+Le jeune comte de Mensfelt est desja embarque, lequel anticipe de deux
+moys son partement, parce que, par ung navyre venu du North, l'on a
+sceu que ceste annee la mer n'a point gele; et va descendre en
+Hendein, dont s'estime qu'a son arrivee en Allemaigne, avec les
+responces et lettres de credict d'icy, le Cazimir et le prince
+d'Orange se mettront incontinent en campaigne. Les dictes lettres, a
+ce qu'on dict, sont pour trente mil livres esterlin en tout, c'est
+cent mil escuz, ce que je n'ay encores bien veriffie.
+
+De l'estat des afferes de la Royne d'Escoce et du duc de
+Norfolc;--J'ay monstre a Mr de Montlouet aulcunes petites lettres, qui
+tesmoignent ce qui en est, et ce qu'ung chacun d'eulx espere
+particullierement pour soy, et ce que l'ung espere pour l'aultre.
+
+Et pareillement ce qu'elle, pour son regard, espere du secours de
+Flandres, et l'instance qu'elle en faict, et ce que luy espere de
+celluy de France, et comme il presse de le haster.
+
+L'estat des choses d'Escoce.--Ledinthon et milor Herys, hors de
+pryson, ont releve avec les principaulx de la noblesse le nom et
+tiltre de leur Royne.--Le duc de Chastellerault encores
+prisonnier.--Le comte de Morthon et Lendzey ont jure la vengeance de
+la mort du comte de Mora.--S'entend que le comte de Northomberland est
+en liberte. Celluy de Vuesmerland a couru jusques sur quelque garnyson
+d'Angleterre et l'a surprinse.
+
+La Royne d'Angleterre semble vouloir preparer une armee. Je n'ay
+poinct argument que ce soit contre la France, sinon par aulcuns adviz
+de l'annee passee que une descente d'Anglois en Picardie doibt
+concourir, quant le Cazimir conduyra son armee vers ce quartier la,
+ayant promiz de s'employer a la reconqueste de Callays pour la dicte
+Dame; a quoy, a toutes advantures, Leurs Majestez feront prendre
+garde.
+
+La plus grand opinion est que ce sera pour aller en Escoce, affin d'y
+establyr le comte de Morthon regent, ou bien fere intervenir le comte
+de Lenoz au gouvernement de l'estat, et de la personne du prince son
+petit filz; et le maintenir comme son subject en ce sien droict, par
+toutz les moyens qu'elle pourra, ou bien pour se saysir, si elle
+peult, du dict petit prince et le transporter en Angleterre; et,
+possible, pour y fere quelque conqueste; et, en monstrant de vouloir
+appeller a la succession de son royaulme le dict petit prince, se
+saysir cependant des deux, le tout par pretexte d'aller contre ses
+rebelles du North, qui se sont retirez au dict pays.
+
+La detention de l'evesque de Roz et des aultres seigneurs catholiques
+porte grand empeschement a ma negociation de la liberte et
+eslargissement; desquelz ne se parle ung seul mot.
+
+Des differandz des Pays Bas, et ce que Espinola et Fiesque en trettent
+d'ung coste, et ce que l'ambassadeur et Anthoneda en trettent de
+l'aultre, pareillement ce que Cecille cerche d'en fere mettre en avant
+par le Sr Ridolfy, et la remonstrance que j'ay faict au dict
+ambassadeur pour empescher l'accord des deniers.
+
+Du Sr Chapin Vitel.
+
+De ce que Leguens a mande.
+
+De fere administrer justice en Bretaigne aulx Angloys.
+
+Au cas que la Royne d'Escoce se veuille retirer en France, me mander
+si Leurs Majestez l'auront agreable, et qu'est ce que j'auray a fere,
+si elle entreprend de passer en Flandres.
+
+Parler a Monsieur le duc de la pleincte que ceulx ci font qu'on
+retarde par trop a Paris les passeportz a leur ambassadeur.
+
+
+
+
+LXXXVIIIe DEPESCHE
+
+--du XIIIe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais, par Olyvier Cambernon._)
+
+Efforts faits en Angleterre pour obtenir le consentement de l'Espagne,
+afin de disposer des deniers saisis et deposes a la Tour.--Interet du
+roi a l'empecher pour que cet argent ne serve pas a faire des levees
+d'hommes contre la France.--Affaires d'Ecosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, les choses que Mr de Montlouet a vues, et entendues icy, et
+celles dont nous avons heu communication ensemble, il les scaura si
+bien representer a Voz Majestez, que je n'entreprendray de vous en
+toucher icy ung seul mot; seulement je vous diray, Sire, touchant
+celles qui sont venues a ma cognoissance, despuys qu'il est party, que
+le voyage qu'il scayt que Mr le cardinal de Chatillon a faict a
+Hamptoncourt, le jour de caresme prenant, a este pour deux occasions;
+l'une, pour prier la Royne d'Angleterre de permettre a Rouvrey, lequel
+par fortune de temps est arrive mallade et blesse a Greneze, qu'il y
+puisse demeurer quelque moys pour se gueryr, nonobstant l'estroicte
+deffance qu'il y a de n'y souffrir aulcun estrangier, ce qu'il a
+facillement obtenu; et l'aultre occasion est pour tres instemment
+prier la dicte Dame, avec les ambassadeurs des princes protestans, et
+avec ceulx, qui naguieres sont venuz de la Rochelle, qu'elle veuille
+acquiter, a ce prochain mars, certaine portion d'ung sien debte
+qu'elle a promiz de payer en Allemaigne, affin qu'ilz s'en puyssent
+ayder a fere leurs levees, prenant sur eulx la dicte portion du
+principal avec les interestz _pro rata_. Mais a cecy la dicte Dame a
+respondu qu'elle avoit meintenant tant d'afferes en son royaume,
+qu'elle estoit pour entrer plus tost en nouveaulx empruntz que de
+payer les vieulx debtes, et qu'il n'estoit possible qu'elle entendit a
+faire aulcun payement, si elle ne s'aydoit des deniers d'Espaigne,
+ausquelz elle n'avoit encores touche, attendant qu'il s'y fit quelque
+bon accord. Sur quoy, se trouvant que Espinola et Fiesque avoient miz
+en avant une composition au nom des merchans, de laysser les dicts
+deniers a la dicte Dame, jusques a l'entier accord des differans des
+Pays Bas, a interest de dix pour cent pour l'advenir, sans payer rien
+du passe, et baillant seulement la chambre de Londres et mestre
+Grassein pour respondans, tant du principal que des dictz interestz,
+il se faict une extreme sollicitation que cella s'effectue; et je
+inciste, de tout ce qu'il m'est possible envers l'ambassadeur
+d'Espaigne, qu'il le veuille empescher, luy remonstrant que ce sera
+accommoder d'aultant ceulx qui vous menent la guerre en vostre
+royaulme, lesquelz se prevauldront de ces deniers; et il scayt combien
+il y court un grand prejudice pour son Mestre: a quoy il m'a promis de
+fere tout ce qu'il pourra pour l'interrompre, mais il creinct que
+Albornoz, secretaire du duc d'Alve, tienne la main a cella pour
+l'amytie qu'il a avec les dicts Espinola et Fiesque, ou pour avoir
+receu d'eulx un present de douze ou quinze mil escuz, ainsy qu'on dict
+qu'ilz en offrent icy ung aultre de cinquante mil escuz au comte de
+Lestre et de vingt mil a Cecille. Mais je ne puys croyre que les dicts
+Espinola, Fiesque et Albornoz menent ung tel faict, qui touche
+grandement l'interest du Roy d'Espaigne, duquel ilz sont subjectz, et
+bien fort sa reputation et celle du duc d'Alve, pareillement
+l'offance de son ambassadeur, icy residant, et des aultres deux
+ambassadeurs qui, a diverses foys, y ont este envoyez, ensemble celle
+qui a este faicte a leurs navyres, a leurs subjectz et merchandises,
+sans que le dict Roy Catholique et le duc d'Alve y soient consentans.
+Et j'ay freschement heu adviz, asses conforme a ce que j'ay dict au
+dict Sr de Montlouet, que l'on est apres de tirer le Roy d'Espaigne
+hors de l'obligation des merchans, et du risque des dicts deniers; et
+qu'avec cella, il dissimulera pour ceste foys tout le reste, dont
+semble estre fort requis, Sire, que Vostre Majeste face instamment
+requerir le dict duc d'Alve de ne souffrir que les dicts deniers
+soyent ainsy delayssez a la dicte Dame par la composition des
+merchans; car, s'il s'y oppose, la dicte Dame n'y ozera toucher, et,
+aultrement, il est tout certain qu'il en sera envoye une partie en
+Allemaigne pour fere les levees; vous suppliant tres humblement, Sire,
+me pardonner, si je vous oze dire que, au poinct ou vous et vos
+afferes se retrouvent meintenant, une telle chose n'est aulcunement
+tollerable au dict duc d'Alve.
+
+Au surplus, il semble que ceste Royne et les siens se veuillent
+bientost resouldre a l'entreprinse des choses d'Escoce; car ils sont
+toutz les jours a consulter la dessus, dont je mettray peyne de
+descouvrir, aultant qu'il me sera possible, leurs delliberations, et
+de fere que les partisans de la Royne d'Escoce par della en soyent
+advertys; et suys toutjours d'adviz, Sire, que debvez envoyer
+promptement ung ou deux personnaiges de bonne qualite par della pour
+confirmer le pays a vostre devotion, ainsy que ceulx cy y depeschent
+de leur part aulcuns de leur conseil, pour le disposer, s'ilz peuvent,
+a la leur; et cependant j'ay advyz qu'ilz ont mande armer promptement
+deux grandz navyres a Bristo, et mettre cent cinquante bons hommes
+dessus, pour surprendre les deux navyres francoys qui sont allez
+avitailler Dombertran, ainsy qu'ilz s'en retourneront. A quoy Vostre
+Majeste advisera du remede qui s'y pourra donner. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour de febvrier 1570.
+
+
+
+
+LXXXIXe DEPESCHE
+
+--du XVIIe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyee par Joz, mon secretaire, expres jusques a la court._)
+
+Necessite de se premunir en France contre l'expedition qui se prepare
+en Allemagne.--Secours d'argent et de munitions que l'on se dispose a
+envoyer d'Angleterre a la Rochelle.--Etat des affaires en Ecosse apres
+le meurtre du comte de Murray.--Armement fait a Londres que l'on
+pourrait craindre de voir diriger contre Calais.--Divisions qui se
+continuent entre les seigneurs d'Angleterre.--Offre faite au roi de la
+part d'un seigneur anglais.--_Memoire_ sur les affaires generales
+d'Angleterre et d'Ecosse.--Regret eprouve par Elisabeth de la mort de
+Murray.--Dispositions prises en Angleterre pour mettre le royaume en
+etat de defense, et fournir de l'argent aux protestants de France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ayant miz peyne de veriffier l'adviz que, par mes precedantes,
+du XIIIe du present, je vous ay mande touchant certains deniers, qu'on
+presse la Royne d'Angleterre de fornyr en Allemaigne sur l'acquit de
+ses debtes, afin que les princes protestans s'en puyssent accommoder
+au payement de leurs levees, je tiens pour asseure, (nonobstant que la
+dicte Dame et les siens facent demonstration toute au contraire, et
+que Mr l'ambassadeur d'Espaigne, qui n'a moins suspect en cest
+endroict ce qui s'en pourchasse au nom du prince d'Orange, que moy la
+sollicitation de ceulx de la Rochelle, n'en ayt encores rien
+descouvert,) que neantmoins la chose est desja toute conclue, ainsy
+que j'ay baille, par instruction, a ce mien secretaire, de le fere
+particullierement entendre a Voz Majestez; et semble, Sire, que ne
+debvez plus demeurer sur le doubte si les Allemans descendront ou non,
+mais vous preparer comme pour leur resister et pour leur empescher
+l'entree de vostre royaulme; a laquelle delliberation, de fornyr
+deniers, j'entans que la dicte Dame a beaulcoup resiste, comme celle
+qui ne s'en vouloit auculnement despourvoir; mais elle n'a sceu
+comment enfin s'excuser de n'acquicter son debte et fere tout ensemble
+playsir a ses amys, sans qu'il luy coste que la seule advance de
+l'argent qu'elle doibt, dont elle demeure quiete; et neantmoins luy
+sera dans quelques moys rembource. J'ay d'ailleurs envoye
+soigneusement enquerir, par les portz de ce royaulme, s'il y auroit
+aulcun conge, ou permission, d'enlever pouldres et monitions pour la
+Rochelle; et m'a l'on raporte qu'a la verite il n'y a nulle expresse
+permission de cella, mais qu'aulcuns merchans ont bien achapte
+secrectement des bledz et des chairs en ce pays, et ont faict venir de
+Nuremberg, de Hembourg et d'Anvers, des pouldres, des armes, des
+beuffles et choses semblables pour les envoyer a la Rochelle, afin de
+faire leur profict; a quoy j'essaye bien de les empecher, mais ils
+nyent que ce soit pour la Rochelle; neantmoins j'ay adverty ceulx de
+ce conseil que Vostre Majeste declairera de bonne prinse tous les
+vaysseaulx qu'on trouvera retournans du dict lieu. Les choses
+d'Escoce se racontent en diverses facons, mais l'on tient pour la plus
+vraye que le comte de Morthon s'est vollu ingerer au gouvernement du
+pays en qualite de regent; et que plusieurs des grandz s'y sont
+opposes, et ont si bien releve le nom de leur Royne que son auctorite
+y est pour ceste heure la plus recogneue; et que le duc de
+Chatellerault est encores prisonnier et resserre davantaige pour la
+souspecon du murtre du comte de Mora; que Ledinthon est hors de
+pryson; que les principaulx des deux factions ont convenu de laysser
+courir, pour ceste heure, le seul exercisse de la religion nouvelle
+dans le pays, et que pour l'establissement des afferes l'on assemblera
+les Estatz, ou s'espere que le retour et restablissement de leur Royne
+sera requiz.
+
+J'entans que ceulx cy arment plus de vaysseaulx que les deux que j'ay
+mande par mes precedantes, tout au long de la coste d'ouest, pour
+garder que nulz navyres estrangiers puissent aller ny venir en Escoce,
+especiallement a Dombertran. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIe jour de febvrier 1570.
+
+ Je viens, tout a ceste heure, d'estre adverty que ceulx cy sont
+ apres a ordonner ung grand armement des navyres de guerre de
+ ceste Royne et aultres de ce royaume, pour une grande
+ entreprinse, qu'ilz veulent executer avec intelligence du prince
+ d'Orange, qui les doibt ayder de ses vaysseaulx qu'il a en mer,
+ sous la charge du Sr de Olain et du bastard de Briderode; et
+ esperent aussi se prevaloir de ceulx de la Rochelle. Aulcuns
+ soupeconnent que ce soit sur Callais, dont j'ay reouvert le
+ pacquet pour y adjouxter cest article, encor que je ne l'aye plus
+ avant veriffie. J'ay aussi presentement receu les deux depesches
+ de Vostre Majeste, du XXVIIe du passe et du sixiesme d'estuy cy,
+ par un mesme courrier, sur lesquelles je verray bientost ceste
+ Royne, et ne changeray rien pour la venue d'icelles en ceste
+ depesche.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+=Chiffre.=--[Madame, la division continue toutjour en ce royaume, et le
+malcontantement croyt de plus en plus ez cueurs des principaulx et des
+Catholiques, parce que les gouverneurs, qui sont des moindres et toutz
+protestans, procedent insolentement contre eulx; dont ne peult estre
+que bientost l'alteration ne s'en monstre bien grande, et que la cause
+de la religion, celle de la Royne d'Escoce, celle des seigneurs
+prisonniers, et encores celle de l'incertaine succession de ce
+royaulme, qui ont chacune leurs partisans, ne produyse de divers
+effectz; en quoy je mettray peyne de tenir le nom du Roy le plus
+releve que je pourray, et qu'il n'y en ayt point de plus respecte que
+le sien.
+
+X.... m'est venu trouver, sur les dix heures de nuict, pour me dire
+que, s'il playt au Roy de le recepvoir, il passera tres vollontiers a
+son service, avec une si bonne entreprinse en main que, quant Sa
+Majeste la vouldra executer, il la trouvera tres utille pour sa
+grandeur, adjouxtant plusieurs occasions de son malcontantement et de
+celluy des principaulx seigneurs de ce royaulme. Sur quoy, ne saichant
+s'il venoit pour m'essayer, j'ay respondu que je ne scavois que le Roy
+eust aultre intention que fort bonne a l'entretennement de la paix
+avec la Royne d'Angleterre et avec son royaulme; mais, parce que
+toutes ses pretencions et desirs ne me pouvoient estre cognuz, je ne
+fauldrois de l'advertir de ce qu'il me disoit, et qu'il pouvoit bien
+considerer que Sa Majeste avoit a se douloir, aussi bien que luy, de
+ceulx qui gouvernoient en ce royaume; et qu'a ceste occasion il le
+pourroit bien accepter et l'employer a s'en revencher ensemble; dont
+il m'a dict qu'il viendra, dans quelque temps, scavoir la responce que
+Vostre Majeste m'aura faicte]. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIe jour de febvrier 1570.
+
+ INSTRUCTION AU SR DE JOS de ce qu'il aura a dire a Leurs
+ Majestez, oultre le contenu de la depesche.
+
+ Ainsy que la Royne d'Angleterre estoit apres a esteindre les
+ troubles du North, et a pourvoir qu'ilz ne se peussent plus
+ rallumer; et qu'elle faisoit estat, que d'Escoce, d'ou elle heut
+ heu le plus a se doubter, ne luy viendroit que toute faveur et
+ assistance, tant que le comte de Mora y commanderoit, mesmes
+ qu'il tenoit le comte de Northumberland en ses mains; et ne
+ cerchoit sinon comme elle et luy pourroient concourre en ung
+ mesme interest contre la restitution de la Royne d'Escoce; il
+ n'est pas a croire combien la dicte Dame a vifvement senty la
+ mort du dict de Mora.
+
+ Pour laquelle, s'estant enfermee dans sa chambre, elle a escrye,
+ avecques larmes, qu'elle avoit perdu le meilleur et le plus
+ utille amy, qu'elle eut au monde, pour l'ayder a se meintenir et
+ conserver en repos, et en a prins ung si grand ennuy que le comte
+ de Lestre a este contrainct de luy dire, qu'elle faisoit tort a
+ sa grandeur de monstrer que sa seurte et celle de son estat
+ eussent a dependre d'ung homme seul.
+
+ Et parce que l'avitaillement de Dombertran, la venue de Mr de
+ Montlouet, quelque course du comte de Vuesmerland sur la
+ frontiere, et la retrette d'aulcuns Anglois en Escoce, sont
+ advenues en mesme temps, la dicte Dame et ceulx de son conseil
+ sont entrez en grand opinion que les Catholiques de ce pays, avec
+ l'intelligence des estrangiers, ayent mene ceste practique, et
+ qu'il y ayt bien d'aultres entreprinses en campaigne.
+
+ Et mesme l'on s'esforce de randre suspect a la dicte Dame le
+ propos de la paix de France, comme si, la faisant, l'on debvoit
+ incontinent luy declairer la guerre; ce que toutesfoys elle ne se
+ veult ayseement persuader, et pourtant ne peult laysser de la
+ desirer, pourveu qu'il ne s'y conclue rien contre elle, ny trop
+ au desadvantaige de sa religion; affin qu'elle demeure deschargee
+ de tant de demandes et importunites qu'on luy faict pour
+ l'entretennement de ceste guerre.
+
+ Mais parce qu'aulcuns luy remonstrent que des exploicts de ceste
+ annee a de resulter l'establissement ou la ruine de sa dicte
+ religion, et pareillement le repos ou l'alteration de son estat,
+ car ilz conjoignent l'ung avecques l'aultre, j'entendz que la
+ dicte Dame et ceulx de son conseil ont desja resolu la plus part
+ des choses qu'ilz estiment estre besoing d'y pourvoir, desquelles
+ j'ay sceu en premier lieu:
+
+ Qu'ilz ordonnent de continuer la description des forces, que j'ay
+ cy devant mandees, de quatre vingtz dix mil hommes de pied et
+ trente mil chevaux, en trois endroictz de ce royaulme; et que la
+ charge en sera principallement commise aulx Protestans, et qu'on
+ regardera de si pres aux Catholiques, qu'on ne leur permettra de
+ se trouver plus de six ensemble, sur peyne de pryson: que les
+ seigneurs, qui sont dettenuz, seront resserrez davantaige, et
+ sera continue d'enquerir contre eulx, mesme a este parle de
+ _convoquer ung parlement_ pour trois occasions seulement; l'une,
+ pour avoir deniers; et l'aultre, pour declairer criminels de leze
+ majeste ceulx qui se sont ellevez, et leurs adherans, affin de
+ proceder a leur confiscation; et la troisieme, pour confirmer les
+ decrectz de leur religion. Mais de peur que le dict parlement ne
+ veuille toucher a d'aultres choses, il n'est encores resolu de le
+ convoquer; et est, en toutes sortes, si rigoureusement procede
+ contre les dicts Catholiques, qu'ilz vivent en grand frayeur,
+ dont les Protestans, qui ont toute l'auctorite, pensent que par
+ ce moyen ilz les pourront contenir.
+
+ Pour le regard des choses d'Escoce, ayantz faict passer le
+ mareschal de Barvich, et ung capitaine de la mesme garnyson, au
+ dict pays, incontinent qu'on a entendu l'inconveniant du dict de
+ Mora, affin de relever le party qu'il tenoit, ilz y ont despuys
+ envoye Randof, et sont apres a y depescher encores Raf Sadeller
+ qui est du conseil, avec lettres a huict principaulx du pays et
+ creance de leur offrir hommes et argent au nom de ceste Royne; et
+ ont donne charge au comte de Sussex de doubler la garnyson de
+ Barvich, dont il emporte commission d'y mettre promptement cinq
+ centz hommes, et trois centz chevaulx de renfort; et, a cest
+ effect, luy a este baille douze capitaines de la suyte de ceste
+ court, estimans que la dicte garnyson de Barvich, ainsy
+ renforcee, laquelle sera de mil harquebouziers et six centz
+ chevaulx, avec l'ayde du gardien de la frontiere, suffira contre
+ les courses de Vuesmerland, jusques a ce que cest este, ou plus
+ tost, ils auront dresse armee pour aller courre l'Escoce, affin
+ d'y establyr les choses a leur devotion, estant l'opinion
+ d'aulcuns qu'ilz se saysiront, s'ilz peuvent, du petit prince du
+ pays; et qu'ayantz la mere et le filz en leurs mains, il leur
+ sera ayse de annuller le tiltre que la mayson d'Escoce pretend a
+ la succession de ce royaulme.
+
+ Et ne deffault qui persuade a ceste princesse qu'affin qu'elle ne
+ soit, ny par le coste de France, ny de Flandres, empeschee en ses
+ afferes de deca, qu'elle doibt accommoder les princes protestans
+ en leurs entreprinses de della, et leur donner moyen qu'ilz se
+ puissent prevaloir d'aulcuns deniers de ce royaulme, pourveu
+ qu'elle n'en desbource rien; dont j'entens qu'apres s'en etre
+ quelque temps fort excusee, enfin elle a condescendu de dire a
+ ceulx de son conseil qu'ilz advisent comment cella se pourra
+ fere; dont desja ont resolu que la dicte Dame payera, dans le
+ moys d'apvril, une partie de ses debtes en Allemaigne, laquelle
+ iceulx princes prendront des mains de ses crediteurs; et encor
+ que les deniers reviegnent toutz a son acquit, ilz luy seront
+ neantmoins remboursez, la moictie des prinses, et l'aultre
+ moictie par les esglizes protestantes de ce royaulme; lesquelles,
+ a ce qu'on dict, ont accorde de bailler quatre vingtz mil escuz
+ dans huict moys, ainsy que de mesmes les aultres esglizes
+ protestantes de France, de Flandres, d'Allemaigne, des Suisses,
+ d'Itallie, et mesmes disent d'Espaigne, contribuent a ceste
+ guerre: dont l'on faict compte que la contribution de toutes
+ ensemble, comprins les dix mil escuz de ceste cy, monte envyron
+ trente mil escuz toutz les moys.
+
+ Mais la difficulte est en ce que, sans mettre la main aux deniers
+ d'Espaigne, la dicte Dame ne peut, ny veult payer aulcune portion
+ de ses debtes, ceste annee, en Allemaigne, affin de ne se
+ desfornyr d'argent; et ce qui a este cause de quoy Espinola et
+ Fiesque ont este mieux ouys sur les offres qu'ilz ont faictes, au
+ nom des merchans Espaignolz et Genevoys, de laysser les dicts
+ deniers a la dicte Dame, ainsy que je l'ay mande par mes
+ precedantes. Et j'ay advis qu'on tient cella pour si accommode,
+ que desja est ordonne a Me Grassein d'en distribuer quarante cinq
+ mil livres d'esterlin aulx merchans de ceste ville, c'est cent
+ cinquante mil escuz, pour les fornyr, a ce prochain apvril, en
+ Allemaigne, aux dits crediteurs de ceste Royne et vingt mil {lt}
+ aussi d'esterlin, c'est soixante douze mil escuz, ordonnez pour
+ les afferes d'Escoce.
+
+ Reste seulement que la dicte Dame demande aus dicts Espinola et
+ Fiesque ung mot de lettre du Roy d'Espaigne, par lequel il
+ advouhe que les dicts deniers sont des merchans, et non siens;
+ ce que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est ici, me promect que son
+ Mestre ne le fera jamais. Aultres estiment que, pour sortyr hors
+ de l'obligation et du risque des dicts deniers envers les
+ merchantz, qu'il ne reffusera de le fere; aultres disent que,
+ ores qu'il ne le face, qu'on ne lairra pourtant d'accorder des
+ dicts deniers avecques les merchans, et s'en ayder en Allemaigne;
+ neantmoins, il sera toutjour bon d'incister au duc d'Alve qu'il
+ empesche le dict accord:
+
+ Car il est desja nouvelles que Quillegrey sera depesche pour
+ aller porter les lettres de police du dict payement, et pour
+ aller faire semblables offices, ceste annee, qu'il fit la
+ precedente envers les princes protestans; dont s'estime, qu'a son
+ arrivee par della, plus qu'a celle du jeune comte de Mensfelt,
+ les dicts princes s'esmouveront et commenceront de marcher; et
+ que le dict de Mensfelt n'a emporte que quelques lettres
+ d'acquit, pour vingt mil livres d'esterlin, qui avoient este
+ desja prinses sur les bagues de la Royne de Navarre. Par ainsy,
+ il fault fere estat que l'armee de Cazimir yra au secours de
+ ceulx de la Rochelle.
+
+ Il semble qu'on ayt vollu imprimer quelque peur a ceste princesse
+ du duc de Olstein, luy donnant entendre qu'il a este devers le
+ duc d'Alve a Bruxelles pour tretter quelque entreprinse contre
+ elle, et qu'il faict une levee de gens de pied et de cheval vers
+ Hembourg et Osterelan, de quoy elle a certain adviz, et que le
+ duc Ery de Bronzouye a aussi la sienne toute preste; dont, encor
+ que le dict duc d'Alve monstre que son principal pretexte soit
+ pour resister aulx entreprinses du prince d'Orange, neantmoins la
+ jalousie qu'elle s'est donnee de cella, et possible le desir de
+ favoriser les afferes du dict prince d'Orange, et les choses
+ advenues par la mort du comte de Mora sont cause dont elle se
+ laysse ainsy aller a la forniture de deniers en Allemaigne;
+ aulcuns estiment tout le contraire du duc d'Olstein, qu'il est
+ pour le dict prince d'Orange, bien m'a l'on dict qu'il y a desja
+ trois ans que ceste Royne a oste de son estat le dict de Olstein
+ lequel souloit etre son pencionnaire.
+
+
+
+
+XCe DEPESCHE
+
+--du XXIIe jour de febvrier 1570.--
+
+_(Envoyee par Hamberlin, chevaulcheur d'escuerye, jusques a la
+court.)_
+
+ Audience accordee a l'ambassadeur; communication faite a
+ Elisabeth de l'etat des negociations en France pour arriver a
+ la pacification.--Conditions proposees par le roi.--Offre faite
+ par la reine d'Angleterre de sa mediation.--Nouvelle assurance
+ qu'elle n'a donne aucun secours aux protestans de
+ France.--Affaires de la reine d'Ecosse.--Elisabeth propose
+ d'accepter la mediation du roi pour ses differends avec Marie
+ Stuart.
+
+ AU ROY.
+
+Sire, pour faire entendre a la Royne d'Angleterre ce qui a passe avec
+les depputez de la Royne de Navarre, des princes de Navarre, de Conde,
+et des aultres de leur party, qui vous ont tres humblement requiz la
+paix, je luy ay recite les mesmes bons et bien convenables propos de
+vostre lettre du VIe du present, avec ung peu d'expression de
+l'incroyable debonnairete et infinye clemence qu'il vous playt user
+envers eulx, sur toutes les offances, ruynes et dommaiges, que vous et
+vostre royaulme avez receu de leur ellevation et de leur prinse
+d'armes; et que si la dicte Dame veult considerer les graces et
+concessions que vous leur offrez, je m'asseure qu'elle les estimera,
+sinon excessives, a tout le moins telles que de plus grandes vous ne
+leur en pouvez bonnement conceder, sinon que pour les contanter a eulx
+seulz, Vostre Majeste se vollut par trop se malcontanter soy mesmes,
+et offancer vos aultres bons subjectz catholiques, qui sont de vostre
+party, qui ont toutjour suyvy vos intentions, n'ont onques contradict
+a icelles, ont combattu avecques vous et pour vous, et n'ont rien
+espargne du leur pour vous secourir; et pareillement offancer bonne
+partie du reste des Chrestiens, especiallement les princes, vos alliez
+et confederez, qui monstrent avoir interest en ceste cause pour la
+religion catholique et pour la souveraine auctorite, qu'ilz desirent
+estre, l'une et l'aultre, bien conservees en vostre royaulme, comme en
+ung siege principal de la Chrestiente, en quoy, en lieu qu'ilz vous
+penseroient avoir regaigne pour bien veuillant et favorable prince, il
+est a croyre qu'ilz vous trouveroient a jamais offance, irrite et bien
+fort ulcere contre eulx.
+
+La dicte Dame, d'ung visaige bien fort joyeulx et contant, apres
+plusieurs bien bonnes parolles du mercyement, qu'elle m'a prie de vous
+fere, pour une tant favorable communication du pourparle de paix avec
+vos subjectz, a curieusement vollu lire les articles d'icelluy, et
+j'ay miz peyne de les lui fere trouver plus que raysonnables de vostre
+coste; et que, si ceulx de l'aultre part se monstrent tant sans rayson
+qu'ilz ne les acceptent, que Vostre Majeste la prie de les tenir
+dorsenavant pour ceulx qui ne sont meuz d'aulcun desir de religion,
+ains d'une pure ambicion d'occuper l'authorite souveraine s'ilz
+pouvoient; et que, pour le debvoir de l'alliance et bonne amytie, qui
+est entre Vostre Majeste et la dicte Dame et voz deux couronnes, elle
+les veuille a jamais exclurre de sa protection, faveur et secours, et
+nommeement de l'assistance de deniers qu'ilz se vantent debvoir avoir
+ceste annee d'elle ou de son royaulme; et, comme ennemye conjuree
+contre eulx, se veuille unyr avec Vostre Majeste pour les reprimer, et
+pour vous ayder de reconquerir sur eulx les droictz souverains,
+qu'ilz s'esforcent [d'usurper], et donner exemple aux aultres subjectz
+d'ozer, par pretexte de religion, entreprendre d'usurper sur leurs
+vrays et naturelz princes et seigneurs.
+
+A quoy elle m'a respondu qu'elle ne doubte aulcunement que, en Vostre
+Majeste et en celle de la Royne, ne soit le mesmes bon desir que les
+dicts articles monstrent pour la reunyon et reconcilliation de voz
+subjectz, et comme elle le loue infinyement, ainsy vous prie elle de
+croyre qu'elle a grand affection de la veoir bien effectuee; et que,
+si ceulx de la Rochelle ont de quoy pouvoir, sans contraincte de leur
+conscience, vivre soubz vostre auctorite, en paix et bonne seurte de
+leurs vyes et de leurs personnes, elle ne voyt commant ilz le
+puyssent, ny doibvent reffuzer; dont, si pour la conclusion d'ung si
+bon oeuvre, au cas qu'il y intervienne aulcune difficulte, il vous
+playt qu'elle s'y employe, elle le fera droictement a l'advantaige deu
+a Voz Majestez, comme si c'estoit pour le sien propre; et quant a
+secours, elle peult jurer devant Dieu qu'il n'en est procede d'elle,
+ny en argent, ny en aultre chose, dont ilz se puyssent raysonnablement
+vanter qu'elle leur en ayt baille contre vous, et qu'elle n'ozeroit
+jamais lever les yeulx pour me regarder, si, apres tant de parolles et
+de promesses qu'elle m'a faictes vous escripre la dessus, elle venoit
+meintenant a leur en donner.
+
+J'ay este en doubte, Sire, comment uzer de ce, qu'en lieu que je l'ay
+requise de leur estre ennemye, s'ilz n'acceptent les condicions de
+paix, elle s'est offerte d'en composer les difficultez; dont, sans en
+rien acepter, je l'ay seulement remercyee, au nom de Voz Majestez, et
+que je ne fauldrois de le vous escripre, et ay poursuyvy que
+j'esperois que la mesme responce conviendroit a ce que j'avoys a luy
+requerir tres instantment de vostre part, qu'elle vous vollut tout
+ouvertement signiffier si une levee de huict mil reystres, qu'on vous
+a mande que le duc d'Olstein et le comte d'Endein font pour elle en
+Allemaigne, est en faveur de ceulx de la Rochelle, ainsy qu'on le vous
+veult persuader, et qu'il vous semble bien que la dicte Dame doibt
+ceste franche et claire declaration a la bonne amytie, que Voz
+Majestez Tres Chrestiennes luy portent, et que le cueur ne vous peult
+dire que vous ayez en ce temps a esperer actes si ennemys et si
+contraires du coste de la dicte Dame.
+
+Elle m'a respondu, de fort bonne facon, que Mr Norrys luy a touche ce
+particullier par ses lettres, et que par lui mesmes elle vous y fera
+satisfere: cependant me vouloit bien asseurer qu'elle ne faict point
+fere la dicte levee, et qu'elle ne veult jamais estre estimee Royne,
+s'il se trouve aultrement; et a passe oultre a me dire qu'il se parle
+bien de quelque levee a venir, mais qu'elle ne scayt encores ce qui en
+est; et, quand elle l'entendra, s'il y a rien contre Vostre Majeste,
+elle me le fera notiffier.
+
+Je croy que la dicte Dame m'a respondu asses sellon la verite et
+sellon son intention en ces deux choses; mais je mettray peyne de
+mieulx les veriffier, et sur ce, etc.
+
+ Ce XXIIe jour de febvrier 1570.
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ayant envoye me condouloir a Mr le comte de Lestre du peu de
+satisfaction que la Royne, sa Mestresse, a vollu donner a Voz Majestez
+Tres Chrestiennes, par Mr de Montlouet sur les afferes de la Royne
+d'Escoce, il m'a mande que je debvois excuser la dicte Dame sur les
+espouvantables conseilz qu'on luy donnoit, de la subversion de sa
+couronne et de son estat, si elle ne procedoit encores plus
+rigoureusement contre elle, ce qui n'estoit aulcunement sellon son
+cueur; et que, n'ozant de luy mesmes se ingerer de luy en parler, si
+je luy en voulois escripre une lettre a part, il la feroit si
+oportunement veoir a la dicte Dame qu'il esperoit que les afferes de
+la dicte Royne d'Escoce s'en porteroient mieulx. Je luy ay escript
+aulcun peu de motz, lesquelz il luy a monstrez, et elle m'a faict
+cognoistre, en ma derniere audience, qu'elle les avoit benignement
+receuz; lesquelz ont heu tant d'effect qu'elle m'a offert d'elle
+mesmes que, s'il playt a Voz Majestez mettre en avant ung moyen ou
+expediant entre elles deux, qui soit honneste et non prejudiciable a
+elle ny a sa couronne, ny contraire a son honneur et conscience,
+qu'elle y entendra tres vollontiers; et ainsy m'a elle, une et deux
+foys, prie de vous le mander. Dont je mettray peyne, Madame,
+d'entendre la dessus le desir de la dicte Royne d'Escoce, et le
+conseil, s'il m'est possible, de Mr l'evesque de Roz, lequel est
+encores bien resserre, pour en user le plus oportunement que je
+pourray. Cependant il plairra a Voz Majestez m'en commander ung mot
+par une lettre que je puysse monstrer, et sur ce, etc.
+
+ Ce XXIIe jour de febvrier 1570.
+
+
+
+
+XCIe DEPESCHE
+
+--du XXVIe jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Callais par Lepecoc_.)
+
+Opinion generale repandue en Angleterre que la paix sera prochainement
+conclue en France.--Etat des affaires en Flandre.--Incertitude sur les
+nouvelles d'Ecosse; necessite d'envoyer un prompt secours dans ce
+pays.--Reclamation des Anglais contre la conduite qui est tenue a leur
+egard en Bretagne.--Vives instances de Marie Stuart pour obtenir un
+secours de France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, apres avoir, le XXe de ce moys, amplement discouru a la Royne
+d'Angleterre en quel estat estoient demourees les choses avec les
+depputez de la Rochelle, lorsque Vostre Majeste m'a commande de luy en
+parler, et que la dicte Dame m'eust prie de luy laysser le memoire des
+condicions que vous leur offriez, lesquelles elle ne fit semblant de
+les trouver que bien fort raysonnables, et qu'elle ne voyoit plus
+aulcune difficulte en cella, sinon possible ung peu de l'asseurance, a
+cause de l'infraction des precedantz traittez, elle manda, le jour
+d'apres, Mr le cardinal de Chatillon pour les luy communiquer; et ne
+scay encores, Sire, ce qui en fut debattu entre eulx, sinon qu'on m'a
+adverty que le dict Sr cardinal dict que la Royne de Navarre, plus de
+douze jours auparavant, luy en avoit en substance mande le contenu, a
+la mesure que les depputez, durant le pourparle, le luy escripvoient,
+et qu'il faisoit grand difficulte que la paix se peult conclure la
+dessus, qu'il ne leur fut en quelque chose mieulx satisfaict, et en
+quelque aultre plus seurement pourveu. Je mettray peyne de scavoir si
+la dicte Dame a trouve fondement en sa dicte difficulte, veu qu'elle
+m'a dict que ses plus scavantz prescheurs maintenoient, par
+tesmoignages de l'escripture saincte, que nulle eslevation contre son
+prince, ny mesmes pour la conscience, peult estre juste ny
+raysonnable.
+
+Il semble qu'on ayt icy asses d'opinion que la paix se conclurra, et
+neantmoins je n'entendz qu'on revoque l'ordonnance des deniers pour
+Allemaigne, bien qu'aulcuns estiment que les levees de gens de guerre
+sont retardees pour attandre quelle fin le dict traitte prendra; et se
+parle beaulcoup plus, a ceste heure, des aprestz du prince d'Orange
+que de ceulx de Cazimir, et qu'encores que en Flandres ne s'en face
+aulcun semblant, que neantmoins le duc d'Alve ne laysse de pourvoir
+secrectement a ses afferes; dont ceulx cy ont quelque adviz de ses
+aprestz, et mesmes tiennent pour asses suspectz ceulx qu'ilz entendent
+qu'il faict pour la mer, qui ne peuvent, ce leur semble, estre dressez
+contre le dict prince; et par ainsy, doubtent que ce soit contre eulx,
+mais ilz monstrent de ne les craindre guieres. La composition des
+deniers et merchandises, arrestees par deca sur les subjectz du Roy
+d'Espaigne, se poursuyt toutjours. Il est vray qu'il semble qu'on
+attand la responce d'une depesche, que le duc d'Alve, apres le retour
+du Sr Chapin en Flandres, a faicte au Roy son Mestre sur ceste affere,
+qui n'est encores venue.
+
+Je ne puys avoir certitude des presentes choses d'Escoce, et semble
+que le Sr Randolf mesmes, qui est sur le lieu de la part de ceste
+Royne, ne peult comprendre quelles elles sont, et qu'il en escript
+confuzement. Le comte de Lenoz se prepare toutjours pour y aller;
+mais il creinct quelque malle adventure par della, et n'ayant la dicte
+Royne d'Escoce faulte d'adviz en ses propres afferes, elle nous a
+faict tenir celluy que je vous envoye duquel nous mettrons peyne d'en
+avoir plus grande veriffication; et d'aultant qu'avec icelluy vous
+verrez, Sire, l'instance qu'elle me prie de vous fere pour son
+secours, il ne sera besoing de le vous exprimer davantaige, si n'est
+pour vous dire, Sire, que peu d'ayde a ce commancement vous pourra
+espargner les frays d'ung grand secours, que possible cy apres vous y
+vouldriez avoir envoye; lequel, ou n'y pourra lors passer, ou n'y
+viendra jamais asses a temps. Je ne scay si, suyvant mes precedantes
+lettres, ceste Royne vouldra entendre a quelque bon expediant avec la
+dicte Royne d'Escoce, elle m'a faict demonstration d'y estre assez
+bien disposee; mais la dicte Royne d'Escoce a trop d'ennemys en ceste
+court.
+
+La dicte Royne d'Angleterre m'a faict dellivrer trois Francoys qui
+estoient prisonniers a Colchester, et m'accorde ordinairement, et fort
+liberallement, les provisions de justice que je luy demande pour voz
+subjectz. Il est vray que ceulx de son conseil m'ont faict escripre
+par le juge de l'admyraulte que, s'il n'est faict rayson a trois
+Anglois, qui vont pourchasser la restitution de leurs biens a
+Granville en Bretaigne, qui leur a este deux et trois foys desnyee,
+que les Bretons ne s'esbahyssent plus s'ilz n'ont dellivrance des
+biens qui leur seront prins ou arrestez par deca; vous supliant, Sire,
+mander au Sr de La Roche, cappitaine du dict Granville, qu'il les leur
+face dellivrer, et que dorsenavant Vostre Majeste commande estre
+mieulx pourveu a l'administration de la justice aux dicts Anglois en
+Bretaigne, qu'ilz disent qu'ilz n'y en ont heu jusques icy; et sur ce,
+etc.
+
+ Ce XXVIe jour de febvrier 1570.
+
+ Sur la fin de la presente m'est venu advis qu'il y a heu
+ rencontre, sur la frontiere du North, entre millord Dacres, qui
+ se retirait en Escoce avec quelque troupe, et milord de Housdon
+ gouverneur de Barvich, qui l'a vollu empescher.
+
+ EXTRAICT de la lettre de la Royne d'Escoce a Mr l'evesque de Roz,
+ son ambassadeur.
+
+ J'ay receu, par ce pourteur, la lettre que m'avez escripte du VIe
+ du present, et suys fort marrye de vostre emprysonnement, a ceste
+ heure que mes afferes ont grand besoing de vous, sur le poinct
+ qu'on m'a dict que le Roy a accorde d'envoyer deux mil hommes en
+ Escoce; je vous prie, sollicitez Mr l'ambassadeur de fere
+ instance a son Mestre qu'il les veuille haster, et advertissez
+ l'arsevesque de Glasco et Rollet, de faire le mesme par della. Je
+ vouldrois bien entendre quel secours nous aurons de Flandres. Je
+ crains qu'il sera asses petit, et qu'il viendra bien tard; car
+ j'entends que desja la Royne d'Angleterre faict lever une armee
+ de douze mil hommes en ce pays, et en veult envoyer, du premier
+ jour, trois mil en Escoce, et puys apres, y fere acheminer le
+ reste par mer et par terre, avec intention, comme on dict,
+ d'avoir, ou par moyen, ou par force, mon filz en ses mains, et
+ puys apres disposer de ma vie. Mais, si Dieu m'est favorable,
+ comme je n'en doubte poinct, je ne crains poinct cella;
+ neantmoins, je vous prie tres affectueusement de le nottifier
+ aulx ambassadeurs, affin que, s'ilz m'ayment et ayment mes
+ afferes, qu'ilz procurent de fere envoyer en dilligence le
+ secours en Escoce. Il est bruict que le Roy d'Espaigne est fort
+ mallade, et que le Roy a aultant a fere dedans son royaulme comme
+ auparavant, et qu'il n'a peu fere la paix avecques ses subjectz,
+ dont vous prie m'en faire entendre la verite.
+
+ EXTRAICT d'aultre lettre escripte par la dicte Royne d'Escoce a
+ Jehan Cobert, secretaire de Mr de Roz, du XIIIe febvrier 1570.
+
+ Jehan Cobert, si vostre mestre est si estroictement garde qu'il
+ ne puisse vaquer a mes afferes, ne faillez de trouver quelque
+ moyen de me donner toutjours adviz des occurrences, le plus
+ souvent que vous pourrez. Faictes mon excuse a Mr l'ambassadeur
+ de France, si je ne luy escriptz par ce pourteur, car je ne m'ose
+ fyer en luy; supliez le de parler a la Royne pour vostre mestre;
+ et luy dictes que c'est Huntington qui, par malice, a procure son
+ emprisonnement; car luy mesmes m'a dict qu'il se vengeroit de
+ luy. Priez le aussi, en mon nom, de solliciter le Roy, son
+ Mestre, comme je le mande en l'aultre lettre, de haster le
+ secours; car il peult veoir le grand dangier en quoy mon royaulme
+ et mon filz et moy sommes.
+
+
+
+
+XCIIe DEPESCHE.
+
+--du dernier jour de febvrier 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Callais, par le sire Crespin de Chaumont_.)
+
+ Details circonstancies de la rencontre qui a eu lieu entre milord
+ Dacre et milord Houston; defaite de milord Dacre qui a ete
+ force de se refugier en Ecosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, au fondz de la lettre que j'ay escripte, le XXVIe du present a
+Vostre Majeste, j'ay faict mention d'ung rencontre naguieres advenu
+vers la frontiere du North, du coste d'Escoce, entre millord Dacres et
+millord de Housdon, subjectz de ce royaulme, de quoy la confirmation
+est despuys arrivee, qui se racompte ainsy: c'est que ayant la Royne
+d'Angleterre, pour aulcuns soupecons du dict millord Dacres, et parce
+qu'il differoit de venir devers elle, mande a millord Housdon de
+l'aller surprendre, le plus secrectement qu'il le pourroit fere, en
+une sienne mayson, ou il s'estoit retire douze mil pres l'Escoce;
+icelluy Dacres, ayant descouvert l'entreprinse, le jour auparavant
+qu'elle deust estre executee, par l'interception d'aulcunes lettres,
+ou il vit que desja le dict de Housdon avoit mande a millord Scrup se
+trouver en certain lieu avec deux mil hommes, et qu'il s'y rendroit a
+heure determinee avec mil chevaulx et cinq centz harquebouziers de la
+garnyson de Barvich, pour l'aller assieger, il fit dilligence d'en
+advertyr incontinent ceux qui estoient en la frontiere d'Escoce; et,
+de sa part, il deliberra d'assembler ce qu'il pourroit des siens pour
+aller combattre l'une des deux troupes, avant qu'elles se peussent
+joindre. Et ainsy, en une nuict, il mict ensemble trois mil hommes,
+et, le matin, alla rencontrer ceulx qui estoient sortys de Barvich, et
+presenta la bataille au susdict de Housdon; lequel, se trouvant avoir
+de meilleures gens et mieulx equipes que luy, bien que en moindre
+nombre, se resolut de le combattre, et neantmoins fit semblant de se
+retirer, affin d'attirer l'autre en ung lieu estroict, ou avec
+l'harquebouzerye il le deffyt, et luy tua quatre centz des siens, et
+en print cent ou six vingtz de prisonniers. Et a peine se fut saulve
+le dict Dacres mesmes, sans ce qu'il se descouvrit quelques gens de
+cheval, en compaignie, qui lui venoient au secours, a la faveur
+desquelz il se retira, avec tout le reste, en Escoce. Quoy qu'il y
+ayt, Sire, et que ce recit, qui vient de la court, soit a l'advantaige
+de ceste Royne, elle et ceulx de son conseil sont bien fort marrys de
+la retrette du dict Dacres, qui est, apres le duc de Norfolc, ung des
+plus principaulz hommes de ce royaulme. Et sur ce, etc.
+
+ Du dernier jour de febvrier 1570.
+
+
+
+
+XCIIIe DEPESCHE
+
+--du IIIIe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyee jusques a la court, par le Sr de Sabran_.)
+
+ Irritation causee a Londres par la nouvelle de l'expedition
+ preparee en France pour porter des secours en Ecosse.--Effet
+ produit par cette nouvelle sur la reine d'Angleterre, dont elle
+ change tout-a-coup les dispositions a l'egard de la
+ France.--Resolution d'Elisabeth de porter ses armes en Ecosse,
+ et de secourir ouvertement les protestants de la
+ Rochelle.--_Memoire_: details des preparatifs faits sur mer en
+ Angleterre pour empecher le secours de France d'arriver en
+ Ecosse.--Affaires de l'Ecosse et des Pays-Bas.--Demande faite
+ par l'Espagne que le commerce avec l'Angleterre soit interdit
+ en France.--_Memoire secret_: dispositions des seigneurs
+ anglais, qui sont poursuivis en justice, a soutenir les efforts
+ de la France.--Vives instances du duc de Norfolk pour que la
+ reine d'Ecosse soit promptement secourue.--Proposition faite
+ par l'ambassadeur a Leicester d'appuyer de tout le credit de la
+ France son mariage avec Elisabeth; sous la condition de la
+ restitution de Marie Stuart.
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je n'avois poinct este encore plus favorablement ouy de la Royne
+d'Angleterre, et n'avois point receu d'elle meilleures responces sur
+les choses, que je luy ay ordinairement proposees de vostre part,
+despuys que suys par deca, que en ceste derniere audience du XXe du
+passe, ny les seigneurs de son conseil ne m'avoient plus priveement
+traicte, ny ne s'estoient monstrez plus favorables a me parler des
+afferes de ce royaulme que ceste derniere foys; de sorte que je m'en
+retournay asses satisfaict, et au moins avec quelque opinion que les
+choses seroient pour aller de bien en mieulx entre Voz Majestez et voz
+deux royaulmes; mesmes qu'ung du dict conseil passa si avant de me
+dire que, pour quelques occasions es quelles la France n'estoit
+poinct meslee, j'entendrois bientost parler d'ung armement que,
+longtemps y a, l'Angleterre n'en avoit gecte ny de plus grand, ny de
+plus brave sur mer; et qu'il ne failloit que j'en prinsse aulcun
+souspecon, car tant s'en failloit que ce fut contre Vostre Majeste,
+qu'il n'y auroit rien qui ne fut a vostre bon commandement: et oultre
+cella, la dicte Dame me tint lors toutz propos fort bons sur les
+afferes de la Royne d'Escoce, et sur la bonne disposition, en quoy
+elle estoit, d'entendre a quelque bon expediant avec elle, s'il
+playsoit a Vostre Majeste de le mettre en avant.
+
+Par lesquelles choses j'estimay, Sire, que les plus moderez d'aupres
+de ceste princesse eussent gaigne ung grand poinct envers elle, mesmes
+que je sceuz, avant que partir de la, que le comte d'Arondel avoit
+este mande en court pour le desir que la dicte Dame monstroit avoir de
+regarder, avec son conseil et avec sa noblesse, les moyens qu'il luy
+falloit tenir, tant envers les princes ses voysins que envers ses
+subjectz, pour maintenir la paix dehors et dedans son royaulme. De
+quoy les passionnez, qui ont le credit, monstroient n'estre
+aulcunement contantz: et voycy, Sire, ce que, deux jours apres, leur
+est venu en main pour divertir le bon cours de ces afferes, et pour
+alterer les choses plus que jamais, c'est que, par les lettres de Mr
+Norrys et par celles du Sr Randolf, qui en mesme jour sont arrivees de
+France et d'Escoce, du XXIIe du passe, ilz ont eu adviz que Vostre
+Majeste preparoit d'envoyer ung nombre de gens de guerre en Escoce,
+qui se doibvent embarquer en Bretaigne le IIIe jour de may prochain;
+ce qui leur a donne de quoy si bien irriter la dicte Dame et ceulx de
+son dict conseil que, toutes aultres choses delayssees, ilz se sont
+miz apres a consulter et delliberer comme ilz pourront empescher ou
+prevenir ceste vostre entreprinse; dont j'ay baille une instruction au
+Sr de Sabran de tout ce que, pour ceste heure, j'ay peu descouvrir de
+leurs preparatifz et aprestz en cella, ensemble du present estat des
+aultres choses de deca, auquel me remectant, je prieray, etc.
+
+ Ce IVe jour de mars 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ce n'est de mon gre que je donne a Vostre Majeste des adviz,
+qui quelques foys sont bien contraires et divers a ceulx que
+auparavant je vous ay mandez; mais le changement et la contrariete,
+qui sont asses ordinaires en ceulx de ceste court, me contraignent
+d'en user ainsy; dont Vostre Majeste, s'il luy playt, m'en excusera
+sur le soing que j'ay de luy mander leurs actions et delliberations,
+ainsi clairement et par le menu, comme, jour par jour, je les puys
+aprendre et descouvrir. Il n'y a que huict jours que ceste princesse
+se monstroit bien disposee envers Voz Tres Chrestiennes Majestez, et
+de ne cercher rien tant que de vous contenter et complaire en ce qui
+luy estoit propose de vostre part, et de vouloir vivre en grand paix
+et repos en son royaulme, chose fort sellon sa naturelle inclination;
+mais, aussitost qu'on luy a raporte qu'il se preparoit en France des
+gens de guerre pour passer en Escoce, il n'est pas a croyre combien la
+grande jalousie de sa cousine, laquelle s'est representee en cella,
+luy a soubdain faict changer son premier bon propos; et comme, en lieu
+d'aller par moyens paysibles, ainsy qu'elle disoit, ez choses
+d'Escoce, elle a propose meintennant d'y proceder par les armes. La
+dicte Dame estoit lors apres a espargner l'argent, meintennant elle
+ne parle que d'en despendre; elle cerchoit de payer et a ceste heure
+d'emprumpter; elle disoit vouloir regaigner par douceur ses subjectz,
+meintennant elle faict resserrer plus que auparavant ceulx qui sont en
+prison; et crainctz asses, Madame, que l'affection, qu'elle disoit
+avoir a la pacification de vostre royaulme, se soit desja changee a
+ung contraire desir de vous y nourryr les troubles, si elle peult,
+comme desja l'on m'a dict qu'elle est pour se monstrer plus liberalle
+a promettre secours et assistance a ceulx de la Rochelle, qu'elle n'a
+faict jusques icy. Je la verray sur la premiere occasion de quelque
+depesche de Voz Majestez, et mettray peyne de notter les
+particullaritez de ses propos, affin de fere quelque jugement de ses
+delliberations. Sur ce, etc.
+
+ Ce IVe jour de mars 1570.
+
+ INSTRUCTION pour satisfere Leurs Majestez sur le contenu de la
+ depesche, comme s'ensuyt:
+
+ Que, le XXe du passe, la Royne d'Angleterre se monstroit bien
+ disposee envers Leurs Tres Chrestiennes Majestez et envers leurs
+ presens afferes, avec bonne affection a la paix de leur royaume,
+ et d'estre preste, pour l'amour d'eulx, de condescendre a des
+ expediens gracieulx avec la Royne d'Escoce, et me dict l'ung des
+ seigneurs de son conseil qu'elle avoit ung grand contantement de
+ veoir que Leurs dictes Majestez, ny nul de leurs ministres,
+ n'estoient meslez en ces choses du North.
+
+ Ung autre des seigneurs du dict conseil, me parlant en affection
+ d'aulcuns aprestz, qu'on faisoit contre la dicte Dame, en un
+ endroict qui, sellon qu'il me le designa, ne pouvoit estre sinon
+ Flandres, me dict qu'ilz estoient apres, de leur coste, a
+ preparer en dilligence ung des plus grandz et des plus braves
+ armemens qu'ilz eussent, longtemps y a, miz en mer, et qu'on
+ cognoistroit que, si l'Angleterre n'estoit pour assaillir ung
+ aultre estat, qu'elle estoit suffisante pour deffandre le sien,
+ et que, continuant ainsy la bonne paix, comme elle faisoit,
+ avecques le Roy et la France, ilz n'avoient que bien peu a
+ craindre le reste de leurs voysins.
+
+ Le troisiesme jour apres, estantz deux pacquetz, l'un de Mr
+ Norrys et l'aultre du Sr Randolf, arrivez de France et d'Escoce,
+ quasi en mesmes heure, et avec conformite d'ung mesmes advis de
+ certain nombre de gens de guerre, qu'ilz ont mande que le Roy
+ preparoit d'envoyer en Escoce, qui se debvoient embarquer en
+ Bretaigne, le IIIe de may, et estre conduicts par le Sr Estrocy,
+ la dicte Dame fit incontinent assembler la dessus son conseil,
+ ou, du bon estat que les choses monstroient estre deux jours
+ auparavant, elles furent, par la contention des mal affectionnez,
+ soubdain converties en une presente aygreur; et voicy ce que
+ j'entendz qui fut la arreste:
+
+ Que Mr Bach, pourvoyeur de la marine, seroit promptement mande
+ pour lui enjoindre de mettre en ordre et en bon equipage toutz
+ les grandz navyres de guerre de la dicte Dame, affin d'estre
+ prestz dans la fin de mars ou au commencement d'avril, avec trois
+ mil bons hommes dessus, avytaillez pour un moys, affin de servir
+ aulx deux effects; l'ung, de resister aux entreprinses de
+ Flandres, et l'aultre, pour empescher le passaige et la descente
+ des Francoys en Escoce;
+
+ Que le comte de Sussex et Raf Sadeller s'en yroient au Nort, et
+ leveroient six mil hommes, qu'ilz envoyeroient le plus tost
+ qu'ilz pourroient en Escoce, et en prepareraient aultres douze
+ mil pour doubler et tripler les premiers, s'il estoit besoing;
+
+ Que ceste mesmes levee pourroit servir a reprimer les esmotions
+ qu'on craignoit au dict pays, et servyroit aussi pour tenir la
+ main forte a l'execution de justice qu'on y pretendoit fere
+ contre ung nombre de gentishommes, qu'on a trouvez coulpables de
+ la premiere ellevation;
+
+ Que, pour subvenir a telles choses, l'on dresseroit trois estapes
+ de vivres et de monitions pour les pouvoir transporter par mer ou
+ le besoing le requerroit, l'une a Londres, l'aultre a Rochestre,
+ et la troisiesme, laquelle j'ay la plus suspecte, a Porsemue, car
+ c'est vis a vis du Havre de Grace;
+
+ Que courriers seraient promptement depeschez par toutes les
+ provinces avec lettres aulx officiers, pour fere advertissement a
+ ung chacun de se tenir pourveuz d'armes et de chevaulx sellon les
+ ordonnances, et d'estre prestz pour marcher, quand ilz seront
+ mandez;
+
+ Que Me Grassein feroit dilligence de trouver promptement
+ cinquante mil livres d'esterlin parmy les merchans pour subvenir
+ au present besoing de la dicte Dame, oultre et par dessus la
+ somme de quarante cinq mil livres d'esterlin desja ordonnees pour
+ Allemaigne;
+
+ Que les afferes de la Royne d'Escoce et les propositions qui se
+ mettoient en avant pour sa restitution, et pour la dellivrance de
+ l'evesque de Roz, son ambassadeur, seroient mises en surceance et
+ elle ung peu plus resserree;
+
+ Et seroit pareillement surcise la delliberation, en quoi l'on
+ estoit, de pourvoir a la liberte du duc de Norfolc, sur la
+ caution qu'il offroit de deux centz mil livres d'esterlin; et a
+ l'eslargissement de millord de Lomele; et a rappeler en court et
+ au conseil le comte d'Arondel, et que les dicts seigneurs
+ seroient plus observez et resserrez que auparavant.
+
+ Et m'a l'on dict, dont je suys apres a le veriffier, qu'il fut
+ aussi la arreste que la dicte Dame se monstreroit plus liberalle
+ et prompte, qu'elle n'avoit faict jusques ici, a accorder secours
+ a ceulx de la Rochelle pour meintenir la guerre en France, affin
+ de divertyr celle toute aparante, qui s'alloit susciter dans
+ ceste isle pour les choses d'Escoce.
+
+ Despuys, est survenu ce rencontre en la frontiere du North,
+ lequel aulcuns disent n'avoir tant succede au desadvantaige de
+ millord Dacres, comme le filz de millord de Housdon, qui en a
+ porte les premieres nouvelles, l'a publie; et qu'il y est mort
+ plus de deux centz soldatz de la garnyson de Barvich, et qu'il a
+ apareu ung si notable secours, qui venoit d'Escoce au dict
+ Dacres, qu'on a heu asses de doubte d'une surprinse sur Varvich,
+ dont ceulx cy font plus grand dilligence que jamais de haster les
+ ordonnances et provisions dessus dicts.
+
+ Quant a l'estat des choses d'Escoce, j'entendz que les comtes
+ Morthon, Mar, Mareschal et millord de Lendzey ayantz, avec leurs
+ complices, releve en ce qu'ilz ont peu la part du feu comte de
+ Mora, ont transfere toute l'authorite au dict de Morthon, lequel
+ se trouve meintenant dans l'Islebourg, assiste de la faveur de la
+ Royne d'Angleterre; et semble qu'il veut establyr le comte de
+ Lenoz regent au dict pays a la devotion de la dicte dame;
+
+ Que les comtes d'Arguil, d'Onteley, d'Atil et aultres bons
+ subjectz de la Royne d'Escoce, ayantz tenu une assemblee pres de
+ Dombertran, ou le Sr de Flemy s'est trouve, ont dellibere de
+ s'achemyner vers l'Islebourg, pour ordonner, en quelque bonne
+ facon, de l'estat des choses, et qu'ilz veullent que le duc de
+ Chatellerault preigne le gouvernement; et que, pour le
+ commencement, il l'ayt au nom du jeune prince, affin qu'il y
+ interviegne tant moins de contradiction: mais le dict duc, qui
+ est encores prisonnier au chasteau de l'Islebourg, demeure
+ fermement resolu de n'accepter aulcune charge, sinon au nom et
+ sous l'auctorite de la Royne. Il s'espere quelque convocation
+ d'Estatz au dict pays, le IIIIe du present; ce qui s'en entendra,
+ je ne fauldray de le mander a Leurs Majestez. Il semble qu'on n'a
+ trouve Ledinthon si bon Anglois qu'on cuydoit, et qu'il est tout
+ du dict duc de Chatellerault.
+
+ Ceulx qui jugent des dicts afferes d'Escoce, et qui desirent la
+ restitution de la Royne au dict pays, et y vouldroient veoir
+ succeder les choses sellon l'intention du Roy, disent que, sans
+ venir a guerre ouverte avecques ceste Royne, il se pourra (avec
+ vingt ou trente mil escuz et deux personnaiges de bonne qualite
+ qui saichent, au nom du Roy, reunyr et accorder les seigneurs du
+ pays, et avec demy douzaine de capitaines pour conduyre leurs
+ gens de guerre, et quelques monitions et armes), fere ung si bon
+ fondement dans ce royaume que les effortz des Anglois n'y
+ pourront en rien prevaloir; mais il fauldroit que cella y passat
+ tout promptement, avant que ceulx cy soyent sur mer.
+
+ L'accord des deniers et merchandises d'Espaigne se poursuyt
+ toutjour fort instantment, et pourra bien estre que, quant aulx
+ deniers, il preigne encores quelque tret, pour attandre celle
+ lettre du Roy d'Espaigne, par laquelle il veuille advouher que la
+ somme est a des merchans; mais, quant aulx merchandises, j'estime
+ que cella sera bientost conclud, parce qu'il se depesche quatre
+ principaulx merchans de ceste ville avec generalle procuration
+ pour en aller, en compaignie du Sr Thomas Fiesque, tretter avec
+ le duc d'Alve a Bruxelles; et doibvent partyr dans ceste
+ sepmayne. Dont le Roy pourra fere incister sur l'ung et sur
+ l'autre de ces deux poincts envers le duc d'Alve, qu'il n'en
+ veuille accommoder les Protestans, ains entretenir et prolonger
+ la matiere, au moins jusques apres l'este prochain; dont, de ma
+ part, je travailleray, aultant qu'il me sera possible, d'y fere
+ toutjour naistre quelque difficulte, et il s'y en trouveroit
+ asses du coste mesmes de ceulx cy, n'estoit la craincte qu'ilz
+ ont du Roy sur les choses d'Escoce.
+
+ Je suys bien fort presse par l'ambassadeur d'Espaigne de suplier
+ Leurs Majestez Tres Chrestiennes qu'ilz veuillent exclurre aux
+ Anglois le commerce de la France, parce que, nonobstant la
+ suspencion d'entre l'Angleterre et les Pays Bas du Roy son
+ Mestre, ilz ne layssent d'estre accommodez, par le moyen des
+ Francoys, des choses qu'ilz ont besoing d'Espaigne; lesquelles,
+ pour le gain, ilz leur aportent toutjour en abondance, bien que
+ ceulx cy se monstrent aussi difficilles de n'admettre les
+ merchandises d'Espaigne ny de Flandres par deca, comme l'on le
+ pourroit estre en Espaigne ou en Flandres d'y recepvoir celles
+ d'Angleterre; tant y a qu'avec des moyens cella se conduict, et y
+ a quelcun qui, au nom des Catholiques de ce royaulme, m'est venu
+ prier pour la dicte exclusion de traffic, comme de chose laquelle
+ admeneroit bientost une telle necessite en ce pays, qu'on s'y
+ esleveroit contre ceux qui gouvernent; en quoy Sa Majeste
+ considerera ce qui est le plus expedient et le plus utille pour
+ son service, car je crains que par la l'on s'incommoderoit asses
+ pour accommoder aultruy.
+
+ Sur la closture de ceste depesche, le Sr de Garteley est arrive,
+ qui m'a dict que le secours pour Escoce est desja tout prest en
+ Bretaigne, dont semble estre fort requis de le haster de partir,
+ affin de prevenir ceux cy, lesquelz sont tous resoluz de getter
+ dehors, avant la fin de ce moys, quinze grandz navyres des
+ premiers prestz pour nous empescher la mer.
+
+ AULTRE INSTRUCTION A PART.
+
+ Ce qui est advenu de nouveau en la frontiere entre millord Dacres
+ et millord de Housdon, joinct les facons dont l'on continue de
+ proceder de plus en plus fort rudement contre ces seigneurs qui
+ sont arrestez, et d'observer de pres le reste de la noblesse,
+ descouvre asses qu'il y a une grande contrariete dans ce royaume
+ tant sur la religion, et sur le faict de la Royne d'Escoce, et
+ sur les divers tiltres de la succession de la couronne, et sur
+ l'emprisonnement des grandz, que pour ung general malcontantement
+ contre ceulx qui gouvernent.
+
+ Et semble que le duc de Norfolc est plus que jamais desire d'ung
+ chacun, mais il demeure fermement resolu en soy mesmes de ne
+ pourchasser sa liberte par nulle aultre voye que par celle de
+ l'equite de sa cause; en quoy il se persuade d'avoir ung tres bon
+ et tres asseure fondement, lequel il ne veult aucunement alterer;
+ mais les aultres seigneurs, qui ne sont si resserrez que luy,
+ sont delliberez que, si, dans quinze jours, ilz ne se peuvent
+ prevaloir, ou pour le dict duc ou pour eulx; de leurs amys et
+ moyens de court, qu'ilz se resouldront a cercher d'aultres
+ expedians, et m'ont faict remercyer du reffuge et retrette que je
+ leur ay dict que le Roy leur donroyt en son royaume.
+
+
+Or, se trouvans les comtes de Northomberland et de Vuesmerland et
+millord Dacres, qui sont trois bien principaulx personnaiges de ce
+royaume, et quelque nombre de gentilshommes de ce pays avec eulx,
+meintennant fuytifz en Escoce, toutz bien affectionnez a la Royne
+d'Escoce et bien fort catholiques; et desirant le duc de Norfolc, de
+sa part, que les afferes de la dicte Dame y soient secouruz,
+nommeement du coste de France, il est a esperer que, s'il playt au Roy
+de les favoriser en quelque bonne sorte, non suspecte a ces seigneurs
+angloys partisans de la dicte Dame, qu'elle et son royaulme pourront
+estre preservez contre les entreprinses de l'Angleterre a honneur et
+utillite de la France, et la Royne d'Angleterre et les siens divertys
+de ne pouvoir tant nuyre, comme ilz font en aultres endroicts, aulx
+afferes du Roy, non sans que Sa Majeste se forme, par ce moyen, ung
+bon nom, et possible quelque bonne part en l'affection de ceulx de
+ceste isle.
+
+Le duc d'Alve, a la verite, a des ambassadeurs escocoys, et anglois
+devers luy pour avoir secours, et il a escript par deca qu'il est tout
+prest de le bailler, mais que nul de ceulx qui sont venuz ne luy scayt
+donner compte du temps, du lieu, de la forme et des condicions qu'ilz
+veulent avoir le dict secours, et qu'il ne veult advanturer l'honneur
+et les afferes de son Mestre, de mettre en evidence un telle
+entreprinse, sans y voyr bon fondement. Par ainsy, il sollicite que
+quelcun des principaulx le vienne trouver pour conclurre avecques luy
+de toutes les particullaritez du dict secours; et, de tant que le duc
+de Norfolc a suspect ce qui vient de ce couste la, il me faict
+solliciter de haster l'assistance du Roy en faveur de la Royne
+d'Escoce.
+
+Le comte de Lestre, en une privee conferance qu'avons heu ensemble,
+m'a dict que la Royne, sa Mestresse, avoit este naguieres pressee par
+ceulx de son conseil de prendre party, affin de remedier tout a ung
+coup a plusieurs difficultez qui se presentent en son royaulme, et
+qu'elle, de son coste, s'estoit monstree, encores ce coup, aussi
+degoustee de mariage, comme toutes les aultres foys qu'on luy en avoit
+cy devant parle; mais enfin elle leur avoit respondu que, si pour
+annuller les divers tiltres qu'on pretend a sa succession, lesquelz
+mettent en division son royaulme, elle estoit contraincte de se
+maryer, qu'elle est toute resolue de n'espouser point de ses subjectz.
+
+Je luy ay respondu qu'il scavoit bien que Leurs Majestez Tres
+Chrestiennes avoient toutjours heu desir que ce fut luy qui tint ce
+lieu, et que ceste leur bonne vollonte continue encores, dont ne
+failloit sinon qu'il regardat comment les y employer; que de ma part
+je luy serviray de bon cueur; que le temps sembloit fere pour luy,
+parce que tout le royaulme plyoit meintennant au desir de la dicte
+Dame, et les principaulx qui estaient travaillez concouroient toutz a
+luy complayre, pourveu qu'il fit quelque chose pour eulx; et la Royne
+d'Escoce, qui pouvoit asses dans ceste isle, favorisoit ses nopces,
+s'il favorisoit sa restitution; et quoy qu'il y eust, puysqu'il estoit
+ainsy advance en la bonne grace de la dicte Dame, qu'il advisat de
+prendre ce premier lieu, et a tout le moins de ne le laysser aller a
+nul, qui ne luy sache le bon gre de l'y avoir miz.
+
+Il m'a rendu plusieurs bonnes parolles de mercyement, pour les mander
+de sa part a Leurs Majestez, et, apres m'avoir touche ung mot de
+l'extreme deplaysir, que la Royne, sa Mestresse, avoit du mariage de
+la Royne d'Escoce avec le duc de Norfolc, il m'a prie qu'en une de mes
+audiences, je face venir a propos a la dicte Dame que, pour obvier
+aulx inconvenians ou elle et son royaulme pourront tumber par les
+diverses pretencions de sa succession, qu'ung chacun estime qu'elle
+feroit bien de se maryer, et que le Roy avoit toutjour desire que,
+s'il ne pouvoit pour luy ou les siens avoir ce bien, que au moins,
+pour evitter la jalouzie de quelque aultre party estrangier, ce fut
+quelque bien heureulx de ce royaulme qui y parvint, ce que je ne luy
+ay reffuse de fere; mais j'attendray la dessus le commandement de
+Leurs Majestez.
+
+
+
+
+XCIVe DEPESCHE
+
+--du IXe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Callais, par Olyvier Cambernon_.)
+
+ Affaires d'Ecosse.--Crainte de l'ambassadeur que tous ses efforts
+ ne puissent empecher la guerre d'eclater.--Son desir de voir
+ donner satisfaction sur les diverses plaintes d'Elisabeth
+ contre la conduite tenue a l'egard des Anglais en
+ France.--Mission du Sr de Garteley.--Arret prononce contre
+ milord de Lomeley.--Nouvelles des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, quant j'ay depesche le Sr de Sabran devers Vostre Majeste, le
+IIIIe de ce moys, je l'ay instruict, le plus particullierement que
+j'ay peu, de l'estat des choses qui se passent icy, lesquelles
+continuent en l'apareil de guerre, qu'il vous aura dict, de lever
+toutjours soldatz en ceste ville de Londres et ez envyrons, pour les
+envoyer au North; et dilligenter l'aprest des navyres; et fere les
+provisions pour iceulx; et cercher deniers de toutes partz, bien que
+la malladie, intervenue la dessus, de Mr le comte de Lestre, a donne
+quelque peu de retardement aulx delliberations de ce conseil, lequel
+ne s'est assemble durant son grand mal, mais a present il se porte
+bien; et aussi que toutz en ces choses ne se sont trouvez d'accord en
+ceste court, neantmoins j'entends qu'on y a resoluement conclud
+l'entreprinse d'establyr, par toutz les moyens qu'on pourra, le
+gouvernement d'Escoce ez mains de ceulx qui ont releve la part du
+comte de Mora, parce qu'ilz se monstrent fort contraires aulx fuytifz
+d'Angleterre; et se soubmettent a la protection de ceste Royne; et luy
+demandent le comte de Lenoz pour regent; qui sont choses qu'elle
+trouve bonnes, et qui sont conformes a ce qu'elle desire pour tenir
+le dict royaulme divise, et avoir toutjour l'une des partz a sa
+devotion. Je ne scay si l'assemblee des Estatz, qu'on attandoit au
+dict pays le IIIIe du present, aura este tenue, et si elle aura heu
+nul effect; il ne s'en dict encores rien, et croy qu'il sera bien
+tard, quant j'en auray des nouvelles, car l'on tient les passaiges
+bien fort serrez.
+
+Cependant la Royne d'Angleterre est entree en grand deffiance sur ce
+que Mr Norrys son ambassadeur luy a escript que Voz Majestez Tres
+Chrestiennes luy ont tenu quelque propos fort expres sur les afferes
+de la Royne d'Escoce et de son royaulme; duquel je n'ay encores
+entendu le particullier, sinon qu'on m'a dict que la dicte Dame en est
+fort fachee, joinct que, par le mesmes pacquet, le dict ambassadeur
+luy a envoye ung discours, imprime a Paris, sur les troubles de son
+royaulme, qui ne parle a l'advantaige d'elle ny de ceulx qui
+gouvernent ses afferes; et d'abondant elle a sceu qu'un homme de son
+dict ambassadeur a este naguyeres arreste a Amiens, et que son
+pacquet, qu'elle luy avoit baille a porter, luy a este oste;
+desquelles choses il n'est pas a croyre combien elle s'en trouve
+offancee, et combien les siens en sont mutinez, jusques a dire qu'il
+vauldroit mieulx venir a une guerre declairee, et que leur ambassadeur
+s'en retornat, et que je me retirasse, que d'user de tels deportemens;
+dont, de tant que je les ay fort asseurez que la publication du dict
+discours, ny la detention du pacquet ny du messagier, ne sont
+aulcunement procedees du vouloir ny commandement de Voz Majestez, je
+vous suplie tres humblement, Sire, qu'il vous playse luy en fere
+donner quelque satisfaction, comme d'accidens que vous n'aviez ny
+preveuz, ny pensez, et luy fere aussi satisfere sur une pleinte,
+qu'elle m'a faicte renouveller, de certains pescheurs de Diepe et
+aultres de della, qui abusent en la coste de deca de leur forme de
+pescher et de leurs filetz contre l'ordonnance du pays, affin de ne
+mesler si petites choses avec les plus grandes, qu'avez a demesler
+ensemble.
+
+Le Sr de Garteley s'en est revenu tres contant en toutes sortes de Voz
+Majestez; il a heu conge de passer en Escoce, mais non d'aller veoir
+la Royne sa Mestresse, a laquelle toutesfoys nous avons trouve moyen
+de fere entendre tout l'effect de son voyage, de quoy je m'asseure
+qu'elle aura receu grande consolation.
+
+Millord de Lomelle a heu ampliation de son arrest, luy ayant este
+permiz d'aller demeurer avec le comte d'Arondel son beau pere a
+Noncich, et de pouvoir jouyr de l'air et de l'esbat des champs deux
+mil a l'entour, ce qui donne esperance de veoir bientost quelque
+moderation ez afferes de ces seigneurs.
+
+Les depputez de Flandres, estantz prestz a partir, ont trouve quelque
+deffectuosite en leurs charges et pouvoirs qui les a retardez huict
+jours, mais j'entendz qu'ilz s'acheminent demain, et le Sr Thomas
+Fiesque avec eulx, avec opinion de pouvoir accorder facilement le
+faict des merchandises, mais difficilement celluy des deniers. Sur ce,
+etc.
+
+ Ce IXe jour de mars 1570.
+
+
+
+
+XCVe DEPESCHE
+
+--du XIIIIe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet_.)
+
+ Contentement de la reine d'Angleterre au sujet de la satisfaction
+ qui lui a ete donnee sur l'une de ses plaintes.--Impossibilite
+ de connaitre quelles sont ses veritables intentions a l'egard
+ de la France.--Continuation des apprets maritimes et des
+ preparatifs contre l'Ecosse.--Necessite de prendre des mesures
+ pour empecher le capitaine Sores de continuer ses courses sur
+ mer.--Depart des deputes envoyes dans le Pays-Bas pour traiter
+ des differends de l'Angleterre avec l'Espagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le jour d'apres ma precedante depesche, laquelle est du IXe du
+present, j'ay receu celle de Vostre Majeste du XXIe du passe, en
+laquelle j'ay trouve l'honneste satisfaction qu'il vous a pleu donner
+a la Royne d'Angleterre sur celle de ces trois pleinctes que je vous
+ay mande qu'elle avoit le plus a cueur, qui est du discours des
+troubles de son royaulme imprime a Paris; de laquelle satisfaction,
+despuys que Mr Norrys luy en a donne adviz, elle et les siens ont
+monstre qu'ilz n'estoient plus si offancez comme auparavant: ce qui me
+sera ung argument, la premiere foys que j'yray trouver la dicte Dame,
+de la prier qu'elle veuille user de pareille sincerite et
+correspondance d'ung bon cueur envers Voz Majestez Tres Chrestiennes,
+comme par cest acte vous luy avez monstre que vous l'avez clair et
+droict, et entierement bien dispose envers elle; et luy continueray la
+mesmes instance, que je luy ay ordinairement faicte, de ne porter ny
+souffrir estre apporte par les siens aulcun secours ny assistance a
+ceulx qui troublent vostre royaulme, et qu'il n'est possible qu'ilz en
+puissent tirer d'Angleterre, sans qu'elle tumbe en l'infraction des
+trettez et en une manifeste ropture de la paix.
+
+Plusieurs parlent diversement de l'intention de la dicte Dame sur le
+present estat de voz afferes; les ungs, qu'elle l'a bonne et qu'elle
+incite a la paix ceulx de la Rochelle; les aultres, au contraire,
+qu'elle l'a tres mauvaise et qu'elle les sollicite a la guerre. Vostre
+Majeste pourra asses juger ce qui en est par la condicion de ceulx qui
+m'en ont donne les adviz, desquelz je reserve vous mander les noms, et
+la facon des propos qu'ilz en ont tenu, par l'ung des miens que je
+depescheray bientost devers Vostre Majeste.
+
+Je n'ay encores rien entendu de l'effect de l'assemblee que les
+seigneurs d'Escoce debvoient tenir a l'Islebourg, le IIIIe de ce moys,
+ny s'ilz ont prins nul bon expediant entre eulx sur l'ordre et
+gouvernement du pays. Bien m'a l'on dict que le comte de Morthon et le
+sir Randolf ont escript a ceste Royne, que, si elle ne faict bientost
+aparoistre son assistance par della, que toutz les Escoucoys cryeront
+_France_ et que le nom de Vostre Majeste y est bien ouy et bien receu,
+et qu'ilz demandent d'avoir leur Royne; par ainsy, que le jeune prince
+s'en va deboutte de l'authorite, et du nom de Roy qu'on luy a
+attribue, si elle n'y remedye. Dont quelcun m'a adverty que la dicte
+Dame y a envoye en dilligence six mil {lt} d'esterlin, c'est vingt mil
+escuz, et que le comte de Sussex, lequel a este mallade trois
+sepmaines en ceste court, mais a present se porte bien, partyra du
+premier jour pour s'aller presenter sur la frontiere d'Escoce, avec
+quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx, lesquelz sont
+desja bien avant; et ce, principallement parce que de la dicte
+frontiere, despuys que millord Dacres s'y est retire, l'on a faict
+cinq ou six courses en celle d'Angleterre, et brulle des villaiges, et
+admene plusieurs prisonniers: dont le dict Dacres a este declaire
+traistre et rebelle.
+
+J'entendz que les seigneurs de ce conseil ont fait depescher cinq ou
+six centz lettres missives a des particuliers, gentishommes du North,
+pour les prier de se pourvoir en toute dilligence de quelques hommes,
+et d'armes, et de chevaulx, chacun le mieulx et le plus
+advantaigeusement qu'il pourra, oultre l'obligation de l'ordonnance,
+affin de fere promptement ung bien releve service a la Royne leur
+Mestresse, sellon l'expecialle fiance qu'elle a en eulx. Et en ceste
+ville de Londres l'on leve de nouveau cinq centz harquebouziers pour
+les mettre sur les cinq navyres premier pretz, qu'on dellibere getter
+dehors dans huict jours; et en prepare l'on aultres dix pour les
+getter, a la my apvril, dont l'argent pour les avitailler est desja
+dellivre au pourvoyeur de la marine, et ne cesse l'on d'aprester aussi
+toutz les aultres pour estre prestz a l'entree de l'este.
+
+Je viens d'estre adverty que quatre vaysseaulx du cappitaine Sores ont
+de rechef investy ung aultre navyre venicien, qui partoit de ce
+royaulme charge de draps, et qu'ilz l'ont prins; et, encor qu'il ne
+soit si riche que les premiers, il y a neantmoins pour cinquante mil
+escuz de merchandise, oultre l'artillerye et le vaysseau, qui est des
+meilleurs qui se puissent trouver; et semble, Sire, qu'il est
+expediant que Vostre Majeste se dellibere de pourvoir a ces grandz
+desordres de la mer, en quoy pourra estre que ceste princesse
+concourra d'y ayder de son couste, s'il vous playt que je luy en face
+instance.
+
+Les depputez, qui vont devers le duc d'Alve, sont partys despuys
+devant hier, et croy qu'ilz passent aujourduy la mer. J'entendz que,
+oultre la commission qu'ilz portent ouvertement par escript, il leur
+en a este baille une a part, pour entrer, s'ilz peuvent, en ung
+general accord de toutes choses; et le Sr Thomas Fiesque, qui m'est
+venu dire adieu, m'en a touche quelque mot, et qu'il espere avoir
+charge de retourner bientost pour cest effect par deca. Aulcuns
+pensent qu'il s'y trouvera beaulcoup de difficultez; ce que je
+croyrois, n'estoit qu'il semble que le Roy d'Espaigne sent si fort la
+prinse qu'on dict que le roy d'Argel a faicte de la ville de Tunis[3],
+et crainct tant que ce soit ung commancement d'attirer les
+entreprinses du Turc en ces quartiers la, qu'il sera bien ayse
+d'accommoder gracieusement ceste querelle qu'il a avecques ceulx-cy.
+Sur ce, etc. Ce XIVe jour de mars 1570.
+
+ [3] Au commencement de 1570, Aluch-Aly, dey d'Alger, s'empara de
+ Tunis, et chassa de ses Etats Muley Homaidah, dernier roi de
+ Tunis de la dynastie des Hafsides, qui s'etait reconnu feudataire
+ de l'Espagne. Les Espagnols, sous la conduite de don Juan,
+ reprirent Tunis, en 1573.
+
+
+
+
+XCVIe DEPESCHE
+
+--du XIXe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Monyer_.)
+
+ Nouvelles de la Rochelle et d'Allemagne.--Etat des affaires du
+ Nord.--Succes remporte par les revoltes d'Irlande.--Nouvelles
+ de la reine d'Ecosse.
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il n'y a que quatre jours qu'ung navyre de la Rochelle est
+arrive, dedans lequel sont venuz aulcuns francoys qui ont este
+incontinent devers Mr le cardinal de Chatillon a Chin; et luy, a ce
+que j'entendz, despuys avoir parle a eulx, a faict demonstration en
+ceste court, de desirer plus la paix que de l'esperer; et sont arrivez
+aussi, dans le mesmes vaysseau, seze allemans qui s'en retournent en
+leur pays asses mal contantz. Cependant le dict sieur cardinal a
+envoye solliciter la subvention des esglizes protestantes de ce
+royaulme, avec grand instance d'avoir promptement celle que les
+estrangiers ont offerte, de laquelle il a desja retire quelque somme;
+mais celle des Flamens, qui est la plus grande, ne luy est venue
+entiere comme il pensoit, parce qu'ilz l'avoient accordee
+principallement pour le prince d'Orange, en intention qu'il descendit
+en Flandres; dont, voyantz a ceste heure que c'est pour la guerre de
+France, aulcuns reffuzent de payer, et m'a este raporte que aus dicts
+Flamens est venu ung adviz d'Allemaigne que le dict prince a bien des
+forces, mais qu'il ne les peult bonnement employer durant la guerre de
+France, sinon en la Franche Comte, sur le chemyn du secours qui va
+trouver monsieur l'Admyral, affin de ne s'esloigner les ungs des
+aultres; et m'a l'on asseure que, le neufvieme de ce moys, ung facteur
+du sir Grassein a este depesche en Hembourg, pour aller donner ordre
+aulx deniers, qui doibvent estre payez en Allemaigne sur le credit des
+merchans de ceste ville. Ung homme du comte Pallatin est freschement
+arrive, et encores, despuys luy, ung capitaine itallien nomme Roc,
+lequel, quatre moys a, avoit este depesche en Allemaigne, mais je n'ay
+sceu encores au vray ce qu'ilz raportent.
+
+Le comte de Sussex est sur son partement pour aller au North, et les
+quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx, qu'il doibt mener,
+sont desja devant. L'on a tenu plusieurs assemblees de conseil sur sa
+depesche, dont bientost se pourra entendre quelque chose de ce qu'y
+aura este resolu. Il semble que des cinq cens harquebouziers qu'on
+levoit de nouveau en ceste ville, l'on n'en fornyra encores les
+navyres, et qu'ilz seront envoyez en Irlande, ou j'entendz que les
+saulvaiges ont donne une estrette aulx gens de Millord de Sydenay;
+mais ceulx cy le tiennent fort cache.
+
+J'ay obtenu enfin de la Royne d'Angleterre de pouvoir envoyer les
+lettres de Voz Majestez, que Mr de Montlouet m'avoit laissees, a la
+Royne d'Escoce, par un secretaire de Mr l'evesque de Roz qui les luy a
+dellivrees bien clozes en ses mains, en presence du comte de
+Cherosbery; et la dicte Dame a envoye la response, laquelle est
+encores devers le secretaire Cecille, qui ne la dellivrera jusques a
+ce que le dict sieur evesque de Roz ayt este ouy et examine, lequel
+pour cest effect a este mene despuys devant hyer a la court, soubz la
+garde de six serviteurs de l'evesque de Londres; et la dicte Royne
+d'Escoce a trouve moyen de me fere tenir en chiffre le petit memoire
+cy encloz[4], ou Vostre Majeste verra ce qu'elle continue de vous
+requerir. Elle se porte bien de sa sante, mais craint bien fort
+d'estre remise ez mains du comte de Huntinthon ou du visconte de
+Harifort, desquelz deux elle se craint comme de ses grandz ennemiz.
+Nous esperons avoir en brief quelque certitude des choses d'Escoce.
+Sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de mars 1570.
+
+ [4] A partir de cette epoque, les pieces jointes aux depeches ont
+ cesse d'etre transcrites sur les registres de l'ambassadeur.
+
+ _Par postille a la lettre precedente_.
+
+ Le comte de Pembrot morut hyer en ceste court; l'on ne dict
+ encores qui sera son successeur en l'estat de Grand Mestre, mais
+ cy devant a este parle du comte de Betfort.
+
+
+
+
+XCVIIe DEPESCHE
+
+--du XXVIIe jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Vassa._)
+
+ Details circonstancies d'audience.--Bonnes dispositions
+ d'Elisabeth envers le roi.--Explication donnee par
+ l'ambassadeur sur les articles proposes pour la
+ pacification.--Nouvelle insistance de la part de la reine pour
+ que sa mediation soit acceptee.--Sollicitations faites par
+ l'ambassadeur en faveur de Marie Stuart.--Declaration
+ d'Elisabeth qu'elle est resolue a porter ses armes en Ecosse
+ pour y chercher les revoltes du Nord qui s'y sont
+ refugies.--Avertissement lui est donne par l'ambassadeur que si
+ les Anglais entraient en Ecosse, le roi considererait cet acte
+ comme une rupture des traites.--Offre qu'il fait de la
+ mediation de la France pour apaiser tous les differends
+ d'Ecosse.--Avis secretement donne par Elisabeth d'une levee
+ d'armes en Allemagne contre la France.--_Memoire._ Resolutions
+ prises dans le conseil tant a l'egard des troubles du Nord que
+ des affaires d'Ecosse.--Nouvelles de ce pays.--_Memoire
+ secret._ Avis donne par le duc d'Albe au sujet du traite de
+ paix qui se prepare en France.--Opinion de l'ambassadeur que la
+ reine d'Angleterre desire sincerement la
+ pacification.--Propositions faites separement et secretement a
+ l'ambassadeur par Cecil et par Leicester.--Avis secret sur le
+ dessein arrete par le comte d'Arundel et milord de Lomeley de
+ reprendre, meme en recourant aux armes, l'execution de leur
+ projet pour retablir la religion catholique en Angleterre, et
+ Marie Stuart en Ecosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay este, ceste saincte sepmaine, devers la Royne d'Angleterre
+pour luy fere veoir que le bon ordre, que Vostre Majeste avoit miz de
+deffandre, pour l'amour d'elle, la publication du discours des
+troubles de son royaulme imprime a Paris, luy debvoit estre ung bien
+asseure tesmoignage de vostre droicte intention envers elle, et que,
+prenant par la toute asseurance de vous trouver toutjour franc, clair
+et bien dispose a ne favoriser les entreprises de ceulx qui
+vouldroient troubler son estat, qui mesmes ne vouliez souffrir leurs
+escriptz, que de mesmes elle cessat, et fit cesser ses subjectz de ne
+porter aulcune faveur a ceulx qui troubloient le vostre; et qu'au
+surplus, j'estois bien ayse que ce qu'on luy avoit raporte du
+serviteur de Mr Norrys, qu'on l'eust arreste a Amyens, et qu'on luy
+eust oste les pacquetz de la dicte Dame, ne fut vray, affin de n'estre
+si offancee de ces deux choses, comme, par le propos de son principal
+secretaire, il sembloit qu'elle les print a cueur; luy recitant les
+dicts propos en la facon que par mes precedantes je les ay mandez; et
+que je luy voulois respondre de ma vye pour Voz Tres Chrestiennes
+Majestez que, despuys la paix, il n'estoit en cella, ny en nulle
+aultre chose, rien procede de vostre vouloir et commandement, par ou
+vous eussiez jamais pretandu qu'elle deubt estre offancee; et que,
+pour mon regard, je serois a trop grand regrect une seulle heure en ce
+royaulme, apres que j'aurois tant soit peu commance de cognoistre que
+je ne luy seroys plus agreable; et que je suplieroys tres humblement
+Vostre Majeste d'y envoyer ung aultre; mais ne lairroys pourtant de me
+plaindre meintennant a elle du tort qu'on avoit naguieres faict a ung
+mien secretaire, qui portoit vostre pacquet, de luy avoir oste son
+argent a Douvres, la priant de m'en fere rayson.
+
+Sur lesquelles choses la dicte Dame m'a respondu qu'elle n'avoit rien
+sceu du petit discours imprime a Paris, parce, a son adviz, que
+Cecille ne luy avoit vollu donner l'ennuy de luy en parler, mais ne
+layssoit pourtant de vous avoir grande obligation de l'avoir deffandu,
+dont vous en remercyoit de bon cueur; et puysque luy aviez monstre ce
+bon tesmoignage de vostre droicte intention en ses afferes, qu'elle
+correspondroit de mesmes aulx vostres de ne pourter aulcune faveur a
+ceulx de la Rochelle, ny souffrir que les siens leur en portassent; et
+encor que aulcuns luy increpent le desir qu'elle a a la paix de vostre
+royaulme, comme ung desir qui admenera la guerre au sien, qu'elle n'en
+veult rien croyre, ny ne veult cesser de la desirer; qu'elle estoit
+bien ayse que l'homme de son ambassadeur et ses pacquetz n'eussent
+este arrestez, bien qu'il avoit este unze jours sans qu'on sceut de
+ses nouvelles; que pour le regard de ma negociation, je ne vollusse
+aulcunement doubter qu'elle ne luy fut bien fort agreable; et usa de
+toute l'expression qu'il est possible pour me le donner ainsy a
+cognoistre; et que j'avois bien veu en quelle peyne elle avoit este
+pour mes pacquetz perduz; dont me feroit fere si bonne rayson
+meintennant de l'argent de mon secretaire, que j'en demeureroys
+contant.
+
+Et, en toutes sortes, sa responce a este si honneste que, l'en ayant
+remercyee, j'ay suyvy a luy dire que j'avois d'aultres choses a luy
+faire entendre, lesquelles je la supplioys prendre la peyne elle
+mesmes de les lyre aulx propres termes que Vostre Majeste me les
+mandoit, qui estoient si bons que je n'y voullois rien adjouxter, ny
+rien diminuer; et ainsy, luy ay monstre celle partie de vostre lettre
+du IIIe du present, dont vous renvoye l'extraict, laquelle elle a leue
+bien fort curieusement; et puys ay adjouxte que vous expliquiez la
+dedans si a clair vostre intention, que je n'avois a y fere aultre
+office envers elle que de bien recuillyr ce que, pour satisfere a
+trois choses principallement, il luy plairroit de m'y respondre: la
+premiere, quelle opinion elle avoit des honnestes condicions que vous
+offriez a vos subjectz; la segonde, quelle elle l'auroit de voz
+subjectz, s'ilz estoient si durs et si obstines de ne les accepter; et
+la troysiesme, si, en ce cas de leur obstine reffuz, elle non
+seulement les exclurra de sa faveur et de celle de son royaulme, mais
+si elle ne se unyra pas avec Vostre Majeste pour reprimer leur
+temerite et le pernicieulx exemple qu'ilz s'esforcent de relever au
+monde contre l'authorite des princes souverains: car, quant a la levee
+qu'on disoit se fere en Allemaigne pour elle, et aulx deniers qu'on
+dict encores qui s'y esperent et d'aultres qui s'esperent aussi a la
+Rochelle d'elle et de son royaulme contre vous, je ne la vouloys
+suplier, sinon de vous en esclarcyr si bien une foys qu'il ne vous en
+peult plus rester aulcun doubte.
+
+La dicte Dame, apres m'avoir par beaulcoup de bonnes parolles et en
+plusieurs facons donne a cognoistre qu'elle avoit ung tres grand
+contantement de ceste confiance, que vous monstriez avoir d'elle sur
+la paciffication de vostre royaulme, m'a respondu qu'elle vouloit tres
+fermement croyre que le contenu ez articles, que je luy avois
+dernierement monstrez, estoit proprement ce que vostre Majeste avoit
+intention d'accorder et meintenir de bonne foy a ses subjectz pour
+parvenir a une bonne paciffication, et qu'elle me diroit de rechef le
+mesmes qu'allors, que, si eulx de leur coste ne monstroient rayson
+suffizante pourquoy ilz ne puyssent avec cella vivre soubz vostre
+authorite, leur conscience saulve, et leurs vyes asseurees, que non
+seulement elle ne les vouldra favoriser, ains les reputera pour
+traistres et rebelles, dignes d'estre chassez de tout le monde; et que
+si, pour entendre a quoy ilz se pourroient arrester, il vous playsoit
+luy donner conge qu'elle s'en meslat, qu'elle y procederoit avec
+aultant de consideration de l'authorite qui vous est deuhe sur voz
+subjectz, comme s'il estoit question de saulver la sienne sur les
+siens; et que si, par voz lettres, je cognoissoys que vous l'eussiez
+agreable, qu'elle s'y employeroit tout incontinent.
+
+Je luy ay respondu que je ne pouvois ny voulois m'advancer a rien de
+plus que ce qu'elle venoit de lyre; car n'en avois aultre
+commandement, dont tornasmes relyre le dict extret de la lettre mot a
+mot; puys, me pria que je vous vollusse asseurer de la continuation de
+sa bonne vollonte et grande affection a la paix de vostre royaulme, et
+que s'il vous playsoit qu'elle s'en meslat, qu'elle envoyeroit devers
+Vostre Majeste, ou bien la ou il seroit besoing, ung personnaige de
+qualite correspondante a ung si grand negoce, comme elle estime cestuy
+cy, pour y besoigner, ainsy que vous adviseriez, ou bien tretteroit
+icy avec Mr le cardinal de Chatillon; lequel elle cognoissoit tres
+desireux de la paix, et l'avoit toutjours cogneu tres respectueulx a
+Voz Tres Chrestiennes Majestez; et qu'elle estimoit qu'il ne vous
+pourroit revenir qu'a honneur, comme elle mettroit bien peyne qu'il
+vous revint a proffict, qu'elle s'employat envers ceulx de sa religion
+a les exorter qu'ilz se veuillent contanter des offres de leur prince
+et seigneur, ou bien de suplier Vostre Majeste d'eslargir ung peu sa
+grace envers eulx; et qu'elle scayt bien que le differer en cecy sera
+pour vous rendre en brief la dicte paciffication beaucoup plus
+malaysee, encor qu'elle peult bien asseurer que, en Allemaigne, ny a
+la Rochelle, il n'est alle, ny yra rien, de sa part, qui soit contre
+Vostre Majeste.
+
+Je luy ay grandement loue ceste sienne bonne intention, avec promesse
+de la vous fere bien entendre, et qu'elle se pouvoit asseurer que la
+paix de France seroit la paix d'Angleterre; et que, si l'occasion de
+ceste guerre, laquelle faisoit toutjour mal passer quelque chose entre
+voz deux royaulmes et voz communs subjectz, estoit ostee; et que
+d'ailleurs elle vollut donner quelque accommodement aulx afferes de la
+Royne d'Escoce, elle se pouvoit asseurer que nul prince ny princesse
+de la terre n'auroit son regne plus estably ny repose que seroit le
+sien; et que Vostre Majeste avoit acepte l'offre qu'elle faisoit de
+vouloir entendre a quelque bon expediant entre elles deux, si vous le
+leur metiez en avant; que vous aviez estime, si les propres offres de
+la Royne d'Escoce ne luy sembloient suffizantes, que c'estoit a elle
+d'en adviser de plus grandes, et que, si elles n'estoient par trop
+disraysonnables, vous croyes fermement, que la dicte Dame les
+accorderoit, et que vous, comme son principal allie, non seulement les
+confirmeriez, mais metriez peyne de les luy fere accomplyr.
+
+Elle a replique que la Royne d'Escoce n'avoit jamais parle que en
+general, et qu'il failloit venir aulx choses particullieres, dont,
+s'il luy en estoit miz en avant quelques unes, que pour l'honneur de
+Vostre Majeste elle les suyvroit; ayant neantmoins a se pleindre
+encores de nouveau de la dicte Royne d'Escoce, qu'estant, ainsy
+qu'elle est, entre ses mains, elle n'avoit toutesfoys laysse, par
+ceulx qui tiennent son party en Escoce, de fere retirer ses fuytifz;
+et que, en toutes sortes, elle estoit resolue de chastier et
+poursuyvre ses dicts fuytifz, et ceulx qui les soubstiennent, me
+signiffiant aulcunement qu'elle entreprendroit de fere entrer des
+forces dans le pays.
+
+Je luy ay respondu qu'elle advisat de ne contrevenir aulx trettez, et
+que, s'il luy plaisoit de mettre en liberte l'evesque de Roz, luy et
+moy adviserions de luy ouvrir des moyens pour esteindre toutz ces
+differantz d'entre elles deux et leurs deux royaulmes.
+
+"Il n'est pas, dict elle, tant prisonnier qu'il ne puysse tretter par
+lettres avecques sa Mestresse, et n'est retenu que _pro forma_ pour
+quelque demonstration contre la pratique qu'il a meue avec ceulx du
+North; mais bientost il sera en liberte." Et ainsy gracieusement s'est
+achevee ceste audience, laquelle je vous ay bien vollu ainsy au long
+reciter, Sire, affin que l'intention de la dicte Dame vous soit mieulx
+cogneue, et remectz les aultres choses au Sr de Vassal, present
+porteur, auquel je vous supplie tres humblement donner foy: et sur ce,
+etc.
+
+ Ce XXVIIe jour de mars 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+
+=Chiffre.=--[Madame, je n'ay peu contanter l'homme, duquel je vous ay
+naguiere escript par mon secretaire, de la responce que mon dict
+secretaire m'a raportee, bien que je la lui aye baillee en la facon
+que ce mien gentilhomme vous dira; par lequel il vous plairra, Madame,
+me mander comment je l'en debvray resouldre, car il me presse bien
+fort de le fere, et si, a des considerations telles qu'il ne peult
+penser que ne le debviez accepter. Au reste, Madame, la Royne
+d'Angleterre, pour me tenir la promesse qu'elle m'avoit faicte de
+m'advertyr des choses qu'elle entendroit se fere en Allemaigne contre
+Voz Majestez, m'a dict que, dans trois sepmaines, ceulx de la religion
+doibvent envoyer gens expres devers les princes protestans pour
+resouldre l'entreprinse de France, si la paix ne sort a effect; et que
+pourtant elle seroit bien ayse de pouvoir ayder a la conclurre
+bientost; de quoy je vous ay bien vollu fere ce mot et le vous
+escripre ainsy a part, parce que la dicte Dame m'a dict qu'elle m'en
+advertissoit soubz sacrement de confession, en ce temps de caresme,
+affin que je ne la nommasse pas; car, si les aultres se plaignoient
+qu'elle m'eust donne cest adviz, elle serait contraincte de dire
+qu'elle ne m'en avoit point parle; et bien que ce ne soit ung faict de
+grand importance, je ne vouldrois toutesfoys l'avoir mise en peyne de
+me desadvouher.] Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVIIe jour de mars 1570.
+
+ OULTRE LES SUSDICTES LETTRES, le dict Sr de Vassal pourra dire a
+ Leurs Majestez:
+
+ Qu'il a este naguieres remonstre a la Royne d'Angleterre qu'elle
+ et son royaulme estoient pour tumber en ung prochain
+ inconveniant, pour la multitude des difficultez, es quelles elle
+ se trouvoit embroillee avecques le Roy, avecques le Roy
+ d'Espaigne, avecques la Royne d'Escoce, avec les Irlandoys, et
+ avec les naturelz de ce royaulme, qui sont prisonniers, fuytifz,
+ ou mal contantz, si elle s'opinyastroit de les vouloir toutes en
+ ung temps surmonter par la force ou par la despence; dont,
+ induicte par le conseil des plus moderez d'aupres d'elle, avoit
+ advise d'y proceder par les gracieux expedians qui s'ensuyvent:
+
+ En premier lieu, pour le regard du Roy, que, pour effacer la
+ memoire des choses qui pourroient avoir mal passe contre luy du
+ coste de ce royaulme, despuys ses derniers troubles, elle
+ s'employeroit tout ouvertement de luy procurer une paix tant
+ advantaigeuse et honnorable avecques ses subjectz, qu'elle le se
+ randroit bienveuillant, et luy offriroit au reste quelque
+ honneste accommodement ez afferes de la Royne d'Escoce; dont, par
+ ces deux poinctz, elle se conserveroit la paix avecques luy;
+
+ Que, du coste du Roy d'Espaigne, elle envoyeroit des depputez en
+ Flandres, ainsi qu'on luy en faisoit encores lors grande
+ instance, affin d'accorder les differans des prinses, et que ces
+ mesmes depputez essayeroient d'entrer plus avant en matiere pour
+ voir s'ilz pourroient parvenir a ung general accord de toutes
+ aultres choses.
+
+ Au regard de la Royne d'Escoce, qu'elle luy escriproit une bonne
+ lettre, et que, jouxte ce qu'elle m'avoit naguieres promis, elle
+ l'exorteroit de mettre en avant quelques bons et honnestes
+ expedians entre elles deux, et luy promettroit d'y entendre et
+ les recepvoir de bon cueur.
+
+ Quant aulx choses d'Irlande et de ce royaulme, qu'elle
+ rapelleroit gracieusement aulcuns des seigneurs qui sont les
+ moins offancez, et par le moyen de ceulx la, elle essayeroit de
+ radoulcyr les aultres et les remettre en leurs degrez et estatz;
+ et puys, avec l'unyon et conformite de leurs bons conseilz, et de
+ leur ayde, elle pourroit ayseement remettre les choses en ung
+ paysible et bien asseure estat; dont luy fut sur ce propose une
+ forme de remission pour les fuytifz, et la comtesse de
+ Vuesmerland s'aprocha en ceste ville pour poursuyvre le rapel de
+ son mary.
+
+ Suyvant laquelle deliberation, parce que ceulx qui vouldroient le
+ trouble n'eurent de quoy suffizamment la debattre, aulcunes des
+ dictes choses ont este despuys commencees, aultres ont este en
+ aparance accomplyes, mais nulles n'ont sorty a bon effect; ains
+ les ont ces gens la tornees en aultre et quasi contraire sens de
+ ce qu'on esperoit.
+
+ Car, touchant la paix de France, estant la dicte Dame sur le
+ poinct d'envoyer ung personnaige de grande qualite devers le Roy
+ pour ayder a la conclurre, ilz ne luy ont pas oze oster ce sien
+ honneste desir, parce qu'ilz ont pense que la dicte paix se
+ pourroit conclurre de deca comme della, et possible a leur
+ dommaige; mais ilz luy ont bien persuade, qu'ayant la dicte Dame
+ este mal ouye, la premiere foys qu'elle s'est offerte d'en
+ parler, qu'elle debvoit meintennant attendre que le Roy l'en
+ pryat, ce qui se raporte au propos qu'elle m'en a tenu en ceste
+ audience.
+
+ Et des choses de Flandres, ilz luy ont persuade de deffandre aulx
+ depputez, qui alloient par della, de ne s'ingerer a rien
+ davantaige qu'au simple faict, duquel la dicte Dame estoit
+ maintennant recerchee, qui estoit des merchandises; aultrement ce
+ seroit faire amande honnorable au duc d'Alve; et que pourtant
+ leur commission debvoit estre leue publicquement en presence du
+ Sr Thomas de Fiesque; et a icelle adjouxte la restriction de ne
+ parler ny tretter d'aultre chose que des merchandises
+ d'Angleterre, et de pouvoir simplement accorder que personnaiges
+ de semblable qualite puissent venir par deca pour tretter de
+ celles d'Espaigne, ce qui a este ainsy faict.
+
+ Et pour l'importance des afferes d'Escoce, affin que la dicte
+ Dame ne s'obligeat trop par ses lettres a la Royne d'Escoce sa
+ cousine, le secretaire Cecille les a escriptes et a contrefaict
+ la main de sa Mestresse, avec plusieurs parolles de consolation
+ et de commemoration des benefices passez, mais tellement couchees
+ qu'on ne peut comprendre ou va son intention; toutesfoys la Royne
+ d'Escoce ne laysse d'y respondre.
+
+ Quant a radoulcyr et rappeller les seigneurs mal contantz, l'on
+ a, a la verite, miz en plus grande mais non en entiere liberte
+ millord de Lomelle; et le comte d'Arondel, qui estoit, plus de
+ six sepmaines a, sur le poinct d'estre rappele, demeure encores
+ confine en sa mayson de Noncich, et n'y a nulle apparance de la
+ liberte du duc. Par ainsy la noblesse reste aussi mal satisfaicte
+ que auparavant, et le comte de Pembroc, qui estoit ung mediateur
+ en cella, est naguieres trespasse.
+
+ Or, sur la grande instance que le sir Randolf, despuys qu'il est
+ en Escoce, a toutjours faicte a la dicte Dame, de vouloir, par
+ les meilleurs et plus promptz moyens qu'elle pourroit, assister
+ ces seigneurs de della, qui veulent dependre d'elle, lesquelz,
+ pour establyr l'authorite du petit prince, et oster celle de la
+ Royne d'Escoce, demandent avoir le comte de Lenoz pour regent, ou
+ aultrement, que la part de la Royne d'Escoce va prevaloir dans le
+ pays; la matiere en a este avec grande contention debattue entre
+ ceulx de ce conseil, qui enfin ont miz en consideration que le
+ dict comte de Lenoz estoit suspect de la religion catholique, et
+ qu'il n'estoit de suffisance ny d'experiance pour conduyre, a
+ l'intention de la dicte Dame, les grandz afferes qui se
+ presentent meintenant en Escoce; ains seroit pour y aporter plus
+ de retardement que d'advancement: par ainsy, ont resolu qu'on se
+ deporteroit de plus luy pourchasser la charge ny la regence du
+ dict pays, et que, estant le comte de Sussex desja depesche, avec
+ tout ample pouvoir, au pays du North, il luy seroit encores
+ commis cest affere d'Escoce, car c'estoit tout vers ung mesmes
+ quartier.
+
+ Dont, a sa commission des choses du dict pays du North, laquelle
+ portoit de marcher seulement jusques a la frontiere d'Escoce,
+ avec quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx; et de
+ faire proceder au jugement des coulpables de la premiere
+ ellevation et executer les condampnez, et poursuyvre par deffault
+ les absentz, confisquer leurs biens et prendre possession
+ d'iceulx au nom de la dicte Dame, et en vendre ce qu'il pourroit;
+ a este adjouxte qu'il pourra lever jusques a dix mil hommes, et
+ qu'il procedera aulx afferes d'Escoce tant contre les rebelles
+ qui s'y sont retirez que au faict de l'estat; qu'il marchera en
+ pays, s'il est besoing, et ainsy que l'occasion s'en presentera;
+ et qu'il pourvoirra surtout que nulz Francoys ny Espaignolz, ny
+ aultres estrangiers preignent pied par della; et, pour cest
+ effect, ordonne luy estre forny contant XX mil {lt} d'esterlin,
+ c'est LXVII mil trois centz escuz, et que, dans six sepmaines, il
+ luy en sera envoye aultant. Despuys, la dicte Dame m'a
+ resoluement declare qu'elle envoyera poursuyvre et chastier ses
+ fuytifz et ceulx qui les soubstiennent, jusques dans l'Escoce.
+
+ L'on faict aller fort secretes et fort deguysees les nouvelles
+ qui viennent du dict pays d'Escoce; neantmoins l'on m'a dict que
+ le duc de Chastellerault, et les comtes d'Arguil, d'Honteley,
+ d'Atil et toutz les principaulx du pays estoient a l'Islebourg au
+ commencement de mars, et les comtes de Northomberland, de
+ Vuesmerland et aultres fuytifz d'Angleterre avec eulx; qu'ilz
+ estoient apres a tenir une assemblee d'Estatz, remise du IIIIe au
+ Xe du dict moys, pour regarder a ce qu'ilz auroient a fere pour
+ la restitution de leur Royne; que cependant ilz avoient faict
+ proclamer par tout le pays l'authorite de la dicte Dame; que,
+ parce que le comte de Mar faisoit difficulte de se joindre a
+ eulx, ilz avoient propose de marcher en armes vers Esterlin pour
+ le dessaysir du gouvernement du petit prince; que despuys il
+ s'estoit rallye avecques eulx; qu'on ne scavoit qu'estoit devenu
+ le comte de Morthon, et sembloit qu'il se fut retire en
+ Angleterre; que quelques navyres, avec gens de guerre, avoient
+ apparu au North d'Escoce, dont aulcuns disoient que c'estoit le
+ secours de Flandres, que le frere du comte d'Honteley admenoit,
+ les aultres disoient que c'estoit le comte de Bodouel qui venoit
+ de Danemarc, avec quelques gens qu'il avoit ramassez.
+
+ SECONDE INSTRUCTION A PART AU DICT SIEUR DE VASSAL.
+
+ L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict, despuys huict jours, que le
+ duc d'Alve luy avoit escript deux notables considerations qu'il
+ avoit mandees au Roy par le mesmes gentilhomme, que Sa Majeste
+ luy avoit expressement depesche pour avoir son conseil sur la
+ paix de son royaulme; la premiere, que d'octroyer liberte de
+ conscience ou exercisse de religion a ses subjectz, de tant que
+ c'estoit pure matiere eclesiastique, il ne s'en debvoit
+ entremettre aulcunement, ains le remettre du tout au Pape; la
+ seconde, que de pardonner aulx ellevez, il le trouvoit bon, pour
+ le desir qu'il avoit a la paix de France, si cella en estoit le
+ moyen, mais en lieu d'establyr ses afferes, ce seroient eulx qui
+ les establyroient et se fortiffieroient par la dicte paix, et
+ guetteroient le temps de reprendre les armes a leur advantaige,
+ lorsqu'ilz cuyderont mieux emporter la couronne; par ainsy qu'il
+ estoit necessaire qu'il y mit meintennant une entiere fin:
+
+ Que le dict ambassadeur trouvoit ce conseil fort prudent, et que
+ le Roy, suyvant icelluy, se debvoit resouldre a la guerre, non de
+ donner souvant des batailles, car c'estoit trop hazarder l'estat,
+ mais de myner les ennemys a la longue, et qu'aussi bien la paix
+ n'estoit pres d'estre faicte, parce qu'ung de ses amys de ce
+ conseil l'avoit adverty que la Royne d'Angleterre avoit promiz au
+ cardinal de Chatillon de secourir l'Admyral, son frere, de deux
+ centz mil escuz; et que le dict cardinal luy avoit oblige sa foy,
+ et celle de son dict frere, qu'ilz ne permettroient qu'en nulles
+ conditions la dicte paix se conclud.
+
+ Je luy ay respondu, quant au premier, que le duc d'Alve estoit
+ ung si prudent et si entier et modere seigneur qu'il ne faudroit
+ de conformer toutjours ses adviz sur les afferes de France a
+ celluy de Leurs Majestez Tres Chrestiennes, et des saiges
+ seigneurs de leur sang, et de leur conseil, qui les entendoient
+ tres bien et scavoient comme il les failloit manyer, et qui
+ auroient toutjours le soing qu'il ne s'y fit, pour paix ny pour
+ guerre, rien qui ne fut sellon Dieu, a l'honneur du Roy et repos
+ de la Chrestiente:
+
+ Et quant a l'aultre, de l'obligation du cardinal a la Royne
+ d'Angleterre, que je le prioys de veriffier davantaige ce qu'on
+ luy en avoit dict, et ou, et commant se feroit le payement des
+ deux centz mil escuz.
+
+ Mais voulant, de ma part, descouvrir si cella estoit vray, car,
+ quant a la promesse des deniers, j'en avois desja quelque adviz,
+ mais non de ceste obligation du cardinal, ny d'une si malle
+ volonte de ceste Royne, j'ay, par une interposee personne, faict
+ toucher la matiere au comte de Lestre et au secretaire Cecille,
+ desquelz deux se comprend toute l'intention de la dicte Dame, et
+ l'ung et l'aultre ont monstre que eulx et leur Mestresse
+ desiroient la paix; dont, oultre la conjecture des propos, que je
+ scay qu'ilz en ont tenu a celluy par qui je les ay faictz sonder
+ et a d'aultres, voycy ceulx que Cecille a dictz a ung mien
+ gentilhomme tout expres pour me les raporter:
+
+ Que, par les adviz de Mr Norrys et par aultres conjectures, il
+ cognoissoit que la paix demeurait d'estre faicte en France, parce
+ que le Roy n'y vouloit permettre l'exercisse de la religion, et
+ que ceulx de la Rochelle ne combattoient ny pour terres, ny pour
+ empyres, ny pour aultre chose quelconque que pour cella; dont il
+ s'advanceroit de dire un mot, que possible l'on ne l'estimeroit
+ sage de me l'avoir mande, que, s'il plaisoit au Roy leur ottroyer
+ le dict exercisse en leurs maysons, il pensoit fermement qu'il
+ conclurroit quant au reste la paix, tout ainsy qu'il la
+ vouldroit; et que, s'il avoit agreable que la Royne, sa
+ Mestresse, s'y employat, laquelle y pouvoit possible aultant que
+ prince ny princesse de la terre, qu'elle le feroit aultant a
+ l'honneur et advantaige de Leurs Majestez Tres Chrestiennes, et a
+ la tranquillite de leur royaulme, comme si c'estoit pour elle
+ mesmes.
+
+ Le comte de Lestre, par ung gentilhomme italien catholique, qui
+ est commun amy entre luy et moy, m'a mande que la dicte Dame
+ estoit bien disposee a la dicte paix, et qu'il estoit d'adviz
+ que, comme de moy mesmes, je l'en misse en propos, la premiere
+ foys que je parleroys a elle, pour l'exorter de tenir la main a
+ ce qu'on la put conclurre a l'advantaige du Roy, et que les
+ subjectz eussent a se contenter de ce que leur prince leur
+ pourrait, avec son honneur, ottroyer, sans en vouloir tirer
+ davantaige par la force; et que je luy remonstrasse que la paix
+ de France serait la paix d'Angleterre, voyre de toute la
+ Chrestiente, et luy toucher a ce propos le restablissement de la
+ Royne d'Escoce; et comme, par l'accomplissement de ces deux
+ choses, si elle s'y vouloit bien employer, elle pourrait regner
+ tres paysiblement en son royaulme:
+
+ Que, de sa part, il y tiendrait la main, comme tres oblige de
+ desirer le bien du Roy et de son royaulme, et que, touchant la
+ dicte paix, il scavoit que le cardinal de Chatillon y avoit une
+ extreme affection, et que la noblesse de ce royaulme la desiroit,
+ et desiroit tout ensemble l'accommodement des afferes de la Royne
+ d'Escoce, comme deux choses d'ou dependoit le repos et la seurte
+ de leur Royne et de son royaulme; et que Cecille, pour estre
+ ennemy conjure de la Royne d'Escoce, et pour la frustrer de la
+ legitime succession qu'elle pretend a ce royaulme, affin d'y
+ establyr ung roy de sa main, et ellever ceulx de Erfort a la
+ couronne, lesquelz il nourryt en ceste esperance, comme ses
+ pupilles, en sa mayson, empeschoit que la dicte Dame ne peult
+ bien user de sa bonne intention en nulle de ces deux choses, la
+ tenant comme enchantee sur l'eguillon de la jalouzie, qu'il luy
+ propose toutjours de la dicte Royne d'Escoce.
+
+ Mais, qu'apres que j'en auroys encores une foys parle a la Royne,
+ sa Mestresse, si elle venoit a luy en toucher ung seul mot, il
+ s'ingereroit de luy representer franchement le debvoir a quoy,
+ l'honneur, la foy et la conscience la tienent obligee envers le
+ Roy et envers la Royne d'Escoce pour l'entretennement des
+ trettez; et comme, en leur satisfaisant en ce qui seroit de
+ rayson, et s'asseurant par ce moyen de la paix de France et
+ d'Escoce, elle demeureroit tres asseuree et establye contre les
+ dangiers et entreprinses de toutes les aultres partz du monde;
+ et, au contraire, si, pour ne se porter bien envers le Roy sur
+ ceste paix, ny envers la Royne d'Escoce sur sa restitution, elle
+ venoit a tumber en guerre de ces deux costez, a ceste heure
+ qu'elle ne scavoit comme elle estoit avec le Roy d'Espaigne, et
+ que ses subjectz estoient divisez, dont possible une partie
+ seroit contre elle, il est sans doute qu'elle seroit en ung tres
+ grand dangier.
+
+ Et ne craindroit de luy remonstrer que, nonobstant le mal qu'elle
+ pouvoit vouloir au cardinal de Lorrayne, elle avoit a considerer
+ qu'il estoit d'une mayson grande, et de nouveau plus allyee que
+ jamais a celle de France, et qu'en estant yssue la Royne d'Escoce
+ de par sa mere, monsieur et madame de Lorrayne ne permettroient
+ qu'elle fut habandonnee du Roy, oultre les aultres notoires
+ obligations d'entre les couronnes de France et d'Escoce:
+
+ Qu'il n'eust tant tarde de remonstrer cecy a sa Mestresse, sans
+ ce que Cecille le guettoit pour le desarconner, ainsy qu'il avoit
+ desarconne les aultres principaulx du conseil, par pretexte de la
+ Royne d'Escoce; et qu'il tenoit ceulx qui y estoient de reste
+ encores toutz bandez contre luy, ne se souscyant de hasarder sa
+ Mestresse, son estat et toutes aultres choses, pour establyr la
+ fortune des dicts de Erfort, et qu'ayant luy a suyvre celle de sa
+ Mestresse, il luy vouloit remonstrer le dangier ou elle estoit,
+ encore qu'il en deubt estre ruyne.
+
+ Despuys, trouvant que l'intention du Roy estoit conforme a celle
+ du dict comte, j'ay parle a la Royne d'Angleterre en la forme que
+ je le mande a Sa Majeste, et le dict comte monstre a present
+ d'estre si affectionne a la matiere qu'il desire fere luy mesmes
+ le voyage devers le Roy avec grand opinion, voyre asseurance,
+ qu'il ne s'en retournera sans que la paix soit conclue; sans que
+ les afferes de la Royne d'Escoce soyent accommodez; et sans que
+ l'amytie d'entre le Roy et sa Mestresse soit bien estroictement
+ confirmee.
+
+ Ainsy, par les propos de ces deux, se peult conjecturer la
+ division qui est entre ceulx de ce conseil, et comme, en ce qui
+ concerne la France, encor que toutz monstrent d'y desirer la
+ paix et de vouloir que leur Mestresse s'y employe de si bonne
+ facon que le Roy luy en sache gre, c'est neantmoins diversement;
+ car Cecille et les siens ne veulent qu'il se parle des afferes de
+ la Royne d'Escoce, et le dict comte et ceulx de son party
+ desirent qu'ilz soient par mesmes moyen accommodez, dont, pour
+ avoir quelcun qui luy fasse espaule au dict conseil pour
+ fortiffier son opinion, il est fort apres a solliciter le retour
+ du comte d'Arondel, qui n'est amy du dict Cecille, et tout
+ contraire a ceulx de Erfort.
+
+ =Chiffre=. [Et a propos du dict comte d'Arondel, luy et millord de
+ Lomelle m'ont envoye remercyer de mes bons offices et
+ demonstrations envers eulx, et que, si les choses ne prennent icy
+ meilleur trein pour eulx, ilz sont pour accepter la faveur du Roy
+ a se retirer soubs sa protection en France, et le dict de Lomelle
+ y mener sa femme;
+
+ Que, pour le present, il faut qu'ilz attendent veoir que
+ deviendront les promesses de leurs amys, et leurs moyens et
+ esperances de court; car l'on leur a mande qu'ilz sont sur le
+ poinct d'estre rappelez en leur auctorite accoustume, laquelle
+ s'ilz ont une foys reprinse, ilz jurent de ne s'en laysser plus
+ deposseder et de la retenir, ou par leur droict, ou par la force,
+ contre quiconque leur y vouldra fere tort;
+
+ Et, si ce paysible moyen d'y retourner ne leur succede dans peu
+ de jours, qu'ilz en essayeront quelque aultre plus viollent, car
+ desirent, comment que soit, pourvoir aulx desordres de ce
+ royaulme, et au faict de la Royne d'Escoce, et aulx afferes du
+ duc de Norfolc, et encores plus expressement s'ilz peuvent, quant
+ ilz en auront le moyen, au restablissement de la religion
+ catholique; pour lesquelles quatre choses ilz veulent tout
+ hazarder.
+
+ Et disent que l'importance de cecy gyt principalement en deux
+ poinctz; l'ung est que le dict duc veuille bien employer les
+ moyens, qu'il a dans ce royaulme, pour se mettre en liberte, pour
+ fere prendre les armes a ceulx de son party, et pour empescher au
+ conseil les delliberations de ses adversayres:
+
+ L'aultre poinct, que ceulx du North, qui se sont retires en
+ Escoce, soyent secouruz; car est sans doubte, s'ilz se peuvent
+ remettre en campaigne, et marcher en ca, que ceulx de leur
+ intelligence se declaireront et les repcevront avecques faveur
+ aux meilleurs endroictz d'Angleterre, et se joindront a eulx en
+ grand nombre;
+
+ Et que le bon succez de toutes choses deppend de ce dernier,
+ sans lequel il semble que le premier ne sera essaye, non que miz
+ a execution; car le dict duc de Norfolc ne veult rien mouvoir de
+ luy mesmes de peur d'empyrer sa cause.]
+
+
+
+
+XCVIIIe DEPESCHE
+
+--du dernier jour de mars 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par le nepveu du Sr Acerbo._)
+
+ Moderation des mesures adoptees par la reine d'Angleterre.--Mise
+ en liberte du comte d'Arundel, qui est recu en grace par
+ Elisabeth.--Promesse faite a l'eveque de Ross que sa detention
+ va cesser.--Preparatifs d'une expedition qui doit etre dirigee
+ vers le Nord.--Nouvelles d'Ecosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, les dernieres lettres que je vous ay escriptes et l'instruction
+que j'ay baillee au Sr de Vassal, qui les vous a aportees, vous auront
+donne asses ample notice de ce qui estoit advenu de plus principal en
+ce royaulme, jusques a la datte d'icelles, laquelle est du lendemain
+de Pasques. Meintennant j'ay a dire a Vostre Majeste que les festes se
+sont passees bien paysiblement en ceste court, sans qu'il y soit
+survenu aulcune chose de nouveau, par ou ceste Royne et les siens
+ayent monstre d'en estre esmeuz davantaige; et toute expedition
+d'afferes a cesse, s'estans la pluspart des seigneurs de ce conseil
+absentez en leurs maysons pour y fere la solempnite; et a l'on espere
+que les choses, desquelles l'on craignoit debvoir le plus advenir de
+mouvement en ce royaulme, comme sont celles de ces seigneurs mal
+contantz, celles de la Royne d'Escoce et celles de la religion,
+seroient bientost reduictes a quelque moderation, ayant la dicte Dame
+faict une soubdaine faveur au comte d'Arondel de l'admettre a luy
+venir bayser les mains, le jour du Jeudy sainct, avec une gracieuse
+satisfaction de ce qu'elle luy avoit faict sentyr son courroux sur le
+faict du mariage du duc de Norfolc avecques la Royne d'Escoce, parce
+qu'on l'avoit asseuree que c'estoit luy qui en estoit l'autheur: de
+quoy il s'est excuse, et qu'il n'avoit este que en la compaignie de
+ceulx qui en avoient parle comme de chose qu'ilz estimoient convenable
+au service d'elle, et au bien et repoz de son royaulme, et en laquelle
+ilz n'avoient jamais entendu qu'on y deubt proceder, sinon avec son
+bon conge et consentement; et que, de sa part, il ne seroit jamais
+trouve aultre que son tres fidelle subject et tres loyal a sa
+couronne. Et ainsy luy ayant des lors randue sa pleyne liberte, il
+s'en retourna pour quelques jours en sa mayson de Noncich, avec
+promesse de revenir en brief trouver la dicte Dame pour resider pres
+d'elle, autant qu'il luy plairoit le commander; et a l'evesque de Roz
+fut donnee parolle qu'il seroit eslargy dans trois jours, mais despuys
+luy fut mande que par ung mesmes moyen, apres les festes, la dicte
+Dame le feroit mettre en liberte, et luy permettroit de venir tretter
+avec elle des afferes de sa Mestresse; et aulx Catholiques n'a este
+use d'aulcune rigueur ny recerche a ces Pasques; mais aulcuns pensent
+que toute ceste gracieuse demonstration se faict pour gaigner le
+temps, et pour amortyr les entreprinses qu'on crainct devoir estre
+cest este.
+
+Aultres ont opinion que, a bon escient, l'on veult accommoder les
+afferes, et plustost plyer ung peu que venir au dangier de rompre,
+dont le temps nous fera veoir ce qui en sera; tant y a que le comte de
+Sussex marche toutjours vers le North, avec quatre mil hommes de pied
+et douze centz chevaulx, et que l'admyral Clinton est apres a lever
+encores (a ce qu'on dict) des gens de pied et de cheval vers son pays
+de Linconscher pour s'aller joindre a luy; et a l'on tire, ces jours
+passez, de la Tour trente chariotz d'armes et de monitions, et cree
+des cappitaines de pionnyers pour leur envoyer; ce qui donne a penser,
+avec d'aultres adviz precedans, qu'on a intention de dresser camp, et
+d'entrer en Escoce; vray est que la sayson ne semble propre pour
+commencer encores ceste guerre, jusques a la fin d'aoust, car jusques
+alors ne se trouvera vivres au dict pays du North ny en toute la
+frontiere d'Escoce.
+
+L'on continue de dire que les seigneurs Escoucoys font aller toutes
+choses dans leur pays a l'advantaige de la Royne, leur Mestresse, et
+qu'ilz ont faict proclamer son auctorite, et qu'il ne reste des grands
+du royaulme que quatre que toutz ne soyent pour elle. L'on dict qu'ilz
+ont encores remiz jusques au premier jour de may la tenue de leurs
+Estatz. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXXIe jour de mars 1570.
+
+
+
+
+XCIXe DEPESCHE
+
+--du IIIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Olivyer Cambernon_.)
+
+ Retour du comte d'Arundel a la cour.--Prolongation de la
+ captivite de l'eveque de Ross.--Affaires d'Ecosse.--Bon accueil
+ fait par le duc d'Albe aux deputes d'Angleterre.--Nouvelles
+ d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, retournans apres ces festes les seigneurs de ce conseil en ceste
+court, le comte d'Arondel y est arrive des premiers, auquel la Royne
+sa Mestresse a faict beaulcoup de faveur, monstrant prendre toute
+confiance de luy; dont semble qu'il ne reffuzera de se laysser
+introduyre de rechef aulx afferes, mais ce sera possible plus pour
+servyr a la liberte du duc de Norfolc, son beau filz, et aulx afferes
+de la Royne d'Escoce, ausquelz il a toutjour porte bonne affection,
+que pour ambicion qu'il ayt; car le present manyement de l'estat ne
+semble aller aucunement sellon qu'il le vouldroit.
+
+Je suys bien marry qu'en leurs premieres delliberations, iceulx
+seigneurs du conseil, apres leur dict retour, ayent change ce qu'ilz
+avoient auparavant ordonne pour l'evesque de Roz, de luy donner sa
+liberte incontinent apres Pasques, et qu'il seroit admiz a parler a la
+Royne leur Mestresse; la ou meintennant on luy faict dire qu'il ayt
+encores pacience, et qu'elle n'est bien resolue quant, ny commant,
+elle la luy pourra donner. Il semble que le sir Randolf ayt donne
+adviz a la dicte Dame que ceulx, qui ont releve le party du comte de
+Mora en Escoce, ont desja depesche l'abbe de Domfermelin et Nicollas
+Elphiston pour venir tretter, avecques elle et avec les seigneurs de
+son conseil, de toutes choses de della; et que possible elle y veult
+avoir pourveu, premier que d'eslargyr le dict sieur evesque, de peur
+qu'il ne luy traverse ses desseings. Et de ce, Sire, que je vous avois
+cy devant mande, que le voyage du comte de Lenoz estoit interrompu,
+les dicts du conseil ont change d'opinion a cause d'une lettre que les
+comtes de Mar et de Glencarve, et les lordz Lendzay, Semple, Ruthunen
+et Drunquhassil ont escripte au dict de Lenoz, qu'il veuille venir en
+dilligence prendre la regence du pays, affin de conserver l'authorite
+au jeune prince son petit filz, et haster le secours que la Royne
+d'Angleterre leur a promiz; de tant mesmement que les fuytifz de son
+royaulme non seulement se sont joinctz aulx Amelthons en faveur de la
+Royne d'Escoce, mais publient aussi qu'ilz n'attendent, d'heure en
+heure, que l'arrivee du renfort qui leur doibt venir de France et de
+Flandres. Sur quoi, de tant que iceulx du conseil ont senty que le
+comte de Morthon, duquel ilz esperoient beaucoup, n'estoit bien vollu
+ny de la noblesse ny du peuple d'Escoce, et que mesmes il n'estoit
+soubsigne en la dicte lettre avec les aultres, ce qui monstroit de
+n'estre bien d'accord avec eulx, par ainsy qu'ilz ne pouvoient fere
+aulcun bon fondement sur luy, ilz ont advise de laysser aller, plus
+par necessite que par ellection, le dict de Lenoz par della; reservant
+neantmoins la charge principalle du tout au comte de Sussex, et ne
+fornyssant a icelluy de Lenoz que, comme pour fere le voyage, envyron
+trois mil cinq centz escuz. Vray est que la comtesse, sa femme, a
+engaige ses bagues et sa vaysselle d'argent pour luy fere plus grand
+somme; et cependant l'on a depesche, coup sur coup, force courriers
+devers le comte de Sussex, ne scay encores a quelles fins; car le
+bruyt est que les frontieres ne sont plus tant pressees comme elles
+estoient par les fuytifz; mais je pense que c'est pour le haster vers
+l'Escoce, me confirmant toutjour en l'opinion qu'ilz le feront entrer
+dans le pays avecques forces, et mesmes que, pour pourvoir a la faulte
+des vivres qu'on pourroit avoir par della, j'entendz qu'on faict grand
+provision de farines, partout icy autour, pour les y envoyer par mer:
+ce que je mettray peyne de veriffier, et de vous donner de cella, et
+d'aultres choses, ung plus expres et un plus certain adviz par mes
+premieres. Je ne cesse cependant de fere, au nom de Voz Majestez Tres
+Chrestiennes, toutz les meilleurs et plus expres offices que je puys
+pour les afferes de la dicte Royne d'Escoce, mais je ne scay que
+esperer d'iceulx en un si grand changement et variation, comme l'on
+m'y use ordinairement, sinon que je croy qu'ilz se rangeront enfin
+d'eulx mesmes, ou qu'ilz ruyneront ceulx qui les vouldront ruyner.
+
+Icy court ung bruyt que le duc d'Alve a vingt six grands navyres
+prestz a mettre sur mer, avec nombre d'hommes de guerre, et de
+monitions, mais ne se dict a quel effect; neantmoins, cella met ceulx
+cy en asses de souspecon, lesquelz ne layssent pourtant de solliciter
+par leurs depputez l'accord des differans des Pays Bas; et leur a fort
+pleu que le duc d'Alve les ayt ainsi bien receuz comme il a faict avec
+grand faveur; et que, a Bruges et en Envers ou ilz ont passe, l'on les
+ayt caressez et trettez en amys; et que les officiers les ayent
+visitez et leur ayent envoye presens; et que desja le dict duc ayt
+deppute personnaige de sa part pour tretter avec eulx; dont s'espere
+qu'ilz s'accommoderont, comme, a la verite, pour avoir les ungs et les
+aultres ou entendre asses en d'aultres choses, il semble que tant plus
+vollontiers ilz vouldront sortyr de celles cy.
+
+Il se parle d'ung grand emprunct que ceste princesse propose de fere
+tout de nouveau; dont suys apres a descouvrir si c'est pour recepvoir
+les deniers icy ou en Hembourg, et semble bien que les propos et
+pratiques de la dicte Dame et des siens en Allemaigne demeurent en
+mesmes suspens que faict la paix de France; et n'ay point sceu qu'il
+soit venu, de tout le moys passe, aultres nouvelles de della, si n'est
+de la diette du XXIIe de may a Espyre, et de l'aprest des deux Roynes,
+filles de l'Empereur, pour aller en France et en Espaigne; et du faict
+du prince d'Orange, duquel l'on parle diversement, car les ungs disent
+qu'il scayt ou prendre gens et argent pour fere une grande entreprinse
+et que la faveur des princes protestans ne luy manquera: aultres
+asseurent, et mesmement l'ambassadeur d'Espaigne, qu'il n'a ny gens,
+ny argent, ny moyen de rien entreprendre, et qu'il a perdu toute sa
+reputation envers les dicts princes protestans. Sur ce, etc.
+
+ Ce IVe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+Ce DEPESCHE
+
+--du IXe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Rossel et Christofle_.)
+
+ Etat des forces levees pour le Nord, et sans doute destinees a
+ entrer en Ecosse.--Nouvelles de Marie Stuart.--Sommes
+ importantes reunies par Elisabeth.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, l'occasion pour laquelle la Royne d'Angleterre a depesche,
+despuys huict jours, plusieurs courriers vers son pays du North, ainsy
+que je le vous ay mande par mes precedantes du IIIIe du present, est,
+sellon que j'entendz, pour mander aux trouppes et compagnies de gens
+de guerre, qu'on a levees en ces quartiers la, de se randre toutes
+ensemble a Yorc le XIIe de ce moys; et au comte de Sussex qu'il leur
+face fere incontinent la monstre, et qu'il les face acheminer a si
+bonnes journees qu'il puysse avoir son armee toute preste a Barvyc, le
+premier jour de may; laquelle les ungs disent debvoir estre de dix mil
+hommes de pied et cinq mil chevaulx, les aultres de la moytie moins
+des ungs et des aultres, ce que, pour encores, je croy estre le plus
+certain, mais qu'il a bien commission de lever l'aultre plus grand
+nombre, s'il est besoing. Il ne se dict encores ouvertement qu'il
+doibve entrer en Escoce, mais il se tient pour resolu qu'il le fera,
+si les seigneurs du pays, entre cy et la, ne se trouvent d'accord, ce
+que la dicte dame crainct asses; auquel cas, elle regardera ung peu de
+plus pres comme elle devra poursuyvre l'entreprinse, et possible
+adviendra cependant que de l'avoir seulement entamee, elle leur aura
+donne plus prompte occasion de se reunyr. Il est bien certain que ses
+fuytifz ayant ainsy couru, de jour et de nuict, comme ilz ont faict,
+la frontiere de deca, et pille et brulle les villaiges, et enmene
+force prisonniers, luy donnent occasion d'y envoyer des forces pour
+leur resister; mais elle dict que non seulement elle les veult
+chastier, mais qu'elle veult chastier ceulx qui les ont retirez; ce
+qui s'adresse principallement aulx Escoucoys: car l'on m'a asseure,
+quant aux dictes frontieres, que, despuys quelques jours, elles se
+trouvent asses paysibles, par l'ordre que les Escoucoys mesmes y ont
+miz; et que les principaulx chefz des fuytifz sont apres a trouver
+moyen de passer en France ou en Flandres, ce qui debvroit fere
+abstenir la dicte Dame de son entreprinse; mais je crains que ce sera
+cella qui l'y convyera davantaige pour luy sembler moins difficile, et
+pour vouloir en toutes sortes establir les choses d'Escoce, si elle
+peult, a sa devotion.
+
+Et fault estimer, Sire, que son desseing au dict pays ne peult estre
+petit, veu le nombre de canons de batterye, de couleuvrines, de
+monitions, d'armes et de vivres qu'elle y envoye. La Royne d'Escoce
+luy a naguieres escript la dessus, mais l'evesque de Roz, qui est
+encores en arrest, ny moi, n'avons peu entendre du contenu en sa
+lettre que ce qui concerne seulement sa sante: qu'elle se porte bien,
+qu'elle se loue du bon trettement du comte de Cherosbery, et qu'elle
+trouve bon qu'il la conduyse en une aultre sienne mayson pour changer
+d'air et pour avoir plus grande commodite des vivres. L'on attend
+l'arrivee de l'abbe de Domfermelin, et le comte de Lenoz est desja
+party, duquel l'on ne se peult si bien asseurer qu'on ne voye encores
+plusieurs difficultez en son voyage, et se parle de quelque marche sur
+le comte de Northomberland, que ceste Royne donnera quatre mil {lt}
+d'esterlin pour lui estre livre entre ses mains, par ou semble qu'il
+soit encores dans le chasteau de Lochlevyn; et, a la verite, Sire, je
+n'ay peu encores avoir asses de certitude des choses de della, car les
+passaiges sont trop serrez, et ce qui en vient en ceste court est tenu
+bien fort secrect, ou bien l'on le baille tant au contraire de ce qui
+est que je n'y donne poinct de foy. J'espere que par d'aultres moyens,
+que nous avons essayez, il nous en viendra bientost quelque notice.
+
+Quant a l'emprunct, dont en mes precedantes je vous ay faict mention,
+j'entendz que la dicte Dame a fait expedier mil Ve lettres de son
+prive scel, la moindre de cinquante {lt} d'esterlin, et la pluspart de
+cent, aulx particulliers bien aysez de son royaulme pour luy estre
+forny par chacun sa cothe part en ceste ville de Londres, dans le
+prochain moys de may; dont faict estat qu'il montera a la somme de
+cent cinquante mil {lt} d'esterlin, qui est cinq centz mil escuz. L'on
+commance de preparer une flotte de draps pour Hembourg et deux navyres
+de guerre pour la conduyre aulx despens des merchans; mais plusieurs
+estiment que ce sera pour aller en Envers, et que les depputez
+conclurront quelque chose sur ces differans, affin de pouvoir
+continuer leur mutuel traffic comme auparavant. Ceulx cy demeurent en
+grand suspens sur la longueur du trette de paix de Vostre Majeste, et
+semble, Sire, qu'ilz en desirent et qu'ilz en craignent tout ensemble
+la conclusion pour des considerations et respectz, qui sont asses
+divers, dont je suys apres d'en veriffier ce que desja l'on m'en a
+dict, affin de vous rendre plus claire leur intention. Sur ce, etc.
+
+ Ce IXe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+CIe DEPESCHE
+
+--du XIIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Le Tourne_.)
+
+ Continuation des preparatifs militaires contre
+ l'Ecosse.--Inquietude des Anglais sur la negociation des
+ affaires de Flandre.--Detail des nouvelles arrivees en
+ Angleterre sur l'etat de la guerre civile en France, et les
+ entreprises faites par les protestans.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ce que j'ay aprins de l'expedition de l'armee que la Royne
+d'Angleterre envoye vers le North, despuys les dernieres nouvelles que
+j'en ay escriptes a Vostre Majeste du IXe du present, est que le comte
+de Sussex, en marchant en la, a assemble six mil hommes, tant de pied
+que de cheval, a Duram, dont il en eust heu davantaige, s'il n'eut
+renvoye ceux des gens de cheval qui n'estoient protestans; mais n'a
+regarde de si pres aulx gens de pied, et, avec ceste troupe, il
+dellibere s'acheminer vers Barvyc, non qu'il ayt encores toutes choses
+si bien prestes qu'il s'y puisse randre le dernier de ce moys, comme
+il luy a este mande, ny qu'il puisse, devant le XVe du prochain,
+entrer en Escoce. Et de tant qu'on publyoit par della que la dicte
+armee seroit de dix mil hommes de pied et cinq mil chevaulx, quelcun
+m'a dict que ceulx du party contraire de la Royne d'Escoce ont mande
+qu'il suffiroit, pour ceste heure, de fere entrer la moictie des
+dictes forces dans le pays, a cause qu'on ne trouverait asses de
+vivres pour tant de gens et de chevaulx; et qu'avec cella le petit
+prince pourroit estre facilement enleve sans aulcun empeschement,
+pourveu que le reste se tint sur la frontiere pour venir au secours,
+si besoing estoit. L'on m'a confirme qu'il est venu adviz bien certain
+a ceste Royne de l'arrivee d'ung ambassadeur de Vostre Majeste par
+della, et adjouxte l'on qu'il a conduict dans Dombertran six mil
+harquebouzes et trois mil corseletz, et qu'il faict une grande
+dilligence de reunyr et mettre les seigneurs du pays en bon accord,
+leur promettant l'assistance et secours de Vostre Majeste; et que les
+fuytifz d'Angleterre qui estoient pres de s'en aller par mer, se sont
+arrestez; bien que quelcun m'a dict que le comte de Northomberland a
+trouve moyen d'eschapper de Lochlevyn, et qu'il s'est retire en
+Flandres. Il est vray, Sire, que jamais nouvelles ne furent baillees
+plus diverses que celles qui viennent de ce quartier la, parce que la
+matiere est affectee de plusieurs, qui les publient sellon qu'ilz y
+ont differante affection. L'abbe de Domfermelin n'est encores arrive.
+Le comte de Lenoz poursuyt son voyage, et la liberte est promise dans
+trois jours a l'evesque de Roz.
+
+Ceulx cy ont si grand desir que les depputez, qu'ilz ont envoye en
+Flandres, facent quelque bon accord, que, pour garder que
+l'ambassadeur d'Espaigne ou aultres de deca n'escripvent chose qui y
+puisse donner empeschement, ilz ont ung grand aguet sur toutes les
+depesches qu'on y faict, et n'en layssent passer une seulle qui ne
+soit visitee. J'entendz qu'il est arrive quelcun, asses freschement,
+de la Rochelle qui publie que les princes de Navarre et de Conde sont
+en Languedoc ez envyrons de Thoulouze, qui pillent, brullent et
+ruynent tout ce qui deppend des habitans de la dicte ville et non
+d'ailleurs; qu'ilz ont leur armee plus forte et en meilleur equipaige
+que jamais; qu'ilz font toutz les jours amaz d'argent et de gens, et
+mesmes de bandolliers, desquelz ilz ont desja ung bon nombre, des plus
+mauvais garcons de la montaigne; que Mr de Biron est encores avec eulx
+pour tretter de la paix, mais parce qu'il ne propose nulles condicions
+raysonnables, l'on commence a souspeconner qu'il n'a este envoye pour
+dire rien de particullier, mais pour espyer leurs forces et
+recognoistre l'estat de leur armee; qu'ilz ont d'aultres forces bien
+gaillardes a la Charite, qui courent ordinairement jusques a Bourges
+et a Orleans, et deux mil hommes de pied et cinq centz chevaulx a la
+Rochelle, avec lesquelles le Sr de La Noue tient tout le pays subject;
+qu'ilz ont reprins Maran et aultres lieux, nommeement Oulonne qui leur
+tenoit les vivres serrez, et qu'a present ilz en recouvrent
+abondantment de toutes partz; et que Vostre Majeste estoit toujours a
+Angiers, sans argent et sans grand moyen d'en recouvrer. Lesquelles
+nouvelles aulcuns de ce conseil les magniffient, et les font encores
+courir plus amples affin d'intimider davantaige les Catholiques de ce
+pays. Neantmoins l'on m'a dict que la Royne, leur Mestresse, continue
+toutjour au mesmes desir que je vous ay cy devant mande de la paix de
+vostre royaulme. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+CIIe DEPESCHE
+
+--du XVIIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par Jos, mon secretaire._)
+
+ Detail de ce qui s'est passe en Ecosse apres le meurtre du comte
+ de Murray.--Assemblee des etats a Lislebourg.--Espoir du
+ retablissement des affaires de Marie Stuart, si son parti est
+ promptement secouru par la France.--Nouvelles de la Rochelle et
+ de Flandre.--Necessite de faire la paix en France, et de
+ s'opposer avec vigueur aux projets de l'Angleterre sur
+ l'Ecosse.--Consequences desastreuses qu'aurait pour la France
+ la reunion de l'Ecosse a l'Angleterre.--Avis secret donne a
+ Catherine de Medicis.--_Memoire._ Resolutions arretees dans le
+ conseil d'Angleterre.--Dessein que l'on suppose au roi
+ d'attaquer l'Angleterre aussitot apres la pacification.--Projet
+ impute au cardinal de Lorraine de vouloir faire perir Elisabeth
+ et Cecil par le poison.--Dissensions causees dans le conseil
+ par la rivalite des enfans de Hereford et de Marie Stuart,
+ comme heritiers presomptifs de la couronne
+ d'Angleterre.--_Memoire secret._ Communications confidentielles
+ venues des Pays-Bas sur les projets de mariage des filles de
+ l'empereur avec le roi de France et le roi d'Espagne, et de
+ Madame, soeur du roi, avec le roi de Portugal.--Desseins
+ secrets du duc d'Albe.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, jusques a ceste heure, je n'ay peu mander rien de bien certain a
+Vostre Majeste du coste d'Escoce, a cause que la Royne d'Angleterre,
+sentant les diverses affections que les siens portent aulx choses de
+della, a miz bon ordre qu'il n'en puisse venir nouvelles sinon a elle,
+et de tenir icelles bien secrettes; mais ung des moyens que nous avons
+essaye pour en scavoir a reuscy; par lequel une lettre est arrivee a
+la Royne d'Escoce, du XIXe de mars, d'ung de ses bons subjectz qui luy
+escript, que bientost apres que le comte de Mora a este tue, ceulx de
+son party se sont efforcez de tenir une assemblee a Lislebourg, le
+VIIe de febvrier, pour establyr de rechef la forme du gouvernement a
+leur poste, au nom du petit prince. A quoy aulcuns d'entre eulx,
+mesmes qui estoient desja retournez en leur premiere bonne affection
+vers leur Royne, aydez du desir du peuple qui demandoit la convocation
+generalle des Estatz, y ont donne empeschement, estant par le layr de
+Granges, et sir Jammes Baffour formee une opposition, laquelle n'a
+este de peu de moment: car par la l'on a cogneu que le chasteau de
+Lislebourg, duquel le dict de Granges est capitaine tenoit pour la
+dicte Dame et que les choses avoient este conduites en facon que des
+lors une assemblee generalle fut publiee, au IIIIe de mars ensuyvant,
+au mesmes lieu de Lislebourg, en laquelle la pluspart de la noblesse
+s'estoit trouvee, reserve aulcuns des Amilthons pour la souspecon du
+murtre du dict de Mora, et reserve le comte d'Arguil, qui n'avoit
+passe plus avant que Glasco, et que les deux partz ne s'estoient
+pourtant guieres meslee l'une avecques l'aultre; ains avoient tenu
+leurs assemblees separees, sinon quelquefoys que les amys et partisans
+de la Royne avoient condescendu de convenir avec aucuns des aultres en
+la maison du secretaire Ledinthon, qui estoit mallade, pour tretter de
+certaines particullaritez; et qu'enfin n'y avoit este faicte plus
+grande determination, que de assigner une aultre nouvelle assemblee au
+mesmes lieu, au premier jour de may prochain, de laquelle assemblee a
+venir les bons serviteurs de la dicte Dame ne pouvoient prendre
+aulcune bonne esperance, s'il n'aparoissoit premier pour elle quelque
+bonne faveur et assistance par della, ou de France, ou de Flandres,
+ainsy que ceulx qui estoient demeurez fermes en la foy et obeyssance
+de la dicte Dame, l'avoient toutjour espere: car ceulx du contraire
+party s'asseuroient d'estre favorisez et secouruz, dans le temps, par
+la Royne d'Angleterre et d'hommes, et d'argent, pour maintenir
+l'authorite du jeune Roy et la religion nouvelle dans le pays, ainsy
+que Randolf, son ambassadeur, les en asseuroit; et qu'il estoit bien
+vray que le comte d'Atil, milord de Humes, le ler de Granges, le
+secretaire Ledinthon, et plusieurs aultres qui avoient este du
+contraire party, se declaroient meintennant estre de celluy de la
+dicte Royne d'Escoce; et le dict Ledinthon pratiquoit encores d'y
+admener le comte de Morthon, avec lequel il en estoit bien avant en
+termes; et que les fuytifz d'Angleterre estoient aussi toutz declairez
+pour elle et pour la religion catholique, mesmes le comte de
+Northomberland, qui avoit commance de tretter de son rappel avec le
+dict Randolf pour sortyr de pryson, avoit, par la persuasion du dict
+Ledinthon, demeure ferme en son premier propos, de sorte que les
+aultres restoient bien foybles dans le pays; mais qu'il estoit certain
+que les deniers et les forces d'Angleterre les releveroient et leur
+mettroient toutes choses en leur main, si quelque aultre main bien
+forte ne s'y trouvoit opposante pour la dicte Royne d'Escoce; et
+contenoit aussi la dicte lettre que l'abbe de Domfermelin estoit
+depesche par ceulx du contraire party devers ceste Royne, et que les
+aultres avoit advise d'envoyer conjoinctement Robert Melin devers
+elle, pour la prier de moyenner par son authorite une bonne
+reconciliation dans le pays et en oster la division, affin que les
+estrangiers n'y fussent par les ungs ou par les aultres appellez, au
+grand detriment de la paix et du commun repos des deux royaumes.
+
+Lesquelles susdictes nouvelles, Sire, nous tenons pour plus vrayes,
+que nulles aultres qu'on nous ayt encores raportees; et sur icelles la
+Royne d'Escoce m'a prie de fere aulcuns offices envers la Royne
+d'Angleterre, pour l'exorter a l'entretennement des trettez, et de ne
+rien attempter par son armee au prejudice d'iceulx, ce que j'ay desja
+faict, et y incisteray encores bien fermement; et que je veuille aussi
+fere entendre de sa part a Vostre Majeste qu'elle et son royaulme, qui
+sont l'ung et l'aultre de vostre alliance, pourront estre facillement
+remediez a ceste heure par le secours qu'il vous a pleu luy accorder,
+pourveu qu'il vienne promptement, sellon que les choses sont encores
+en fort bonne disposition; de quoy elle vous supplie tres humblement,
+mais que si vostre dict secours luy deffault, qu'il adviendra deux
+grandz inconvenians, qui vous seront non guieres moins dommageables
+qu'a elle; l'ung, que les afferes siens et de ses subjectz, qui sont
+proprement vostres et ceulx de la religion catholique, recepvront ung
+prejudice et detriment perpetuel dans son pays; l'aultre, que, pour se
+rachapter de la pryson ou elle est et recouvrer son estat et sa
+liberte, elle sera contraincte de mettre le prince d'Escoce, son filz,
+ez mains des Anglois.
+
+Voyla, Sire, quand aulx afferes de ceste pouvre princesse, qui sont si
+pressez par la dilligence que ceste Royne faict de haster toutjour son
+armee vers l'Escoce, qu'on pense que dans deux moys elle aura acheve
+son entreprinse, et n'est sans soupecon qu'elle veuille fortiffier
+Dombarre, ou Aymontz, ou quelque aultre lieu dans le pays, veu les
+pyonniers qu'elle y envoye.
+
+Au surplus, Sire, certainz petitz discours qu'on a envoyes imprimez
+de la Rochelle font aulcunement mal esperer ceulx cy de la conclusion
+de la paix de vostre royaulme. Neantmoins la Royne d'Angleterre
+monstre toutjour de la desirer, bien que quelcun m'a dict que si elle
+estoit deja faicte, que la dicte Dame yroit plus retenue ez choses
+d'Escoce, et n'y procederoit sinon ainsi que vous le vouldriez, mais
+qu'elle pense, durant le pourparle d'icelle, avoir execute ce qu'elle
+pretend. Il semble par aulcuns propos qu'on m'a raporte du Sr de
+Lombres que les pratiques du prince d'Orange en Allemaigne ne sont
+mortes et que bientost il s'en manifestera quelque chose; dont les
+Flamans, qui sont icy, desireroient la paix de France, affin que la
+guerre fut transferee en leur pays. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour d'apvril 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, estant les choses d'Escoce en l'estat que je les mande en la
+lettre du Roy, et ceulx cy sur le poinct de les aller par armes
+reduyre a leur devotion, plusieurs gens de bien sont, avec grand
+desir, attandans quel ordre Voz Majestez Tres Chrestiennes y mettront
+pour les remedier, et me viennent souvent alleguer qu'il pourra venir
+beaucoup de diminution a vostre grandeur, si vous layssez aller en
+proye aulx Anglois la Royne d'Escoce, et son royaume, et la religion
+catholique de son pays; car, oultre qu'il yra asses en cella de la
+reputation de vostre couronne, ilz disent qu'en la presente guerre de
+vostre royaulme, la reduction de toute ceste isle au pouvoir de ceulx
+cy et l'entiere reunyon d'icelle a leur religion nouvelle sera ung
+tres grand apuy de deniers, de munitions et aultres moyens a ceulx de
+la Rochelle et aulx Allemans, qui les favorisent, en dangier que ceste
+Royne, par apres, entrepreigne elle mesmes ouvertement la guerre avec
+eulx, et davantaige qu'a l'advenir, se trouvans les Anglois hors de
+toute souspecon de l'Escoce, laquelle s'est toutjour trouvee preste
+pour nous contre leurs entreprinses, mesmes l'ayant mise de leur
+coste, qu'ilz ne vous meuvent une perpetuelle guerre, pour leurs
+pretencions; ou bien que, par quelque mariage ou par aultre accession,
+ilz aillent joindre toute ceste isle a la grandeur de quelque aultre,
+parce qu'ilz craignent naturellement la vostre, qui vous sera de grand
+prejudice.
+
+Sur quoy je leur repondz, Madame, que les choses d'Escoce ne sont si
+foibles d'elles mesmes, ny si mal apuyees de Voz Majestez Tres
+Chrestiennes que les Anglois les puissent ayseement plyer; et, quant
+bien ilz se seroient prevaluz de l'oportunite de ce temps, auquel ilz
+vous voyent fort empeschez aulx guerres de vostre royaume, que
+neantmoins vennant la paix, comme Voz Majestez ne sont loing de
+l'avoir, que vous radresserez bien ayseement le tout; et que l'Escoce
+ne sera jamais a eulx, que quand ilz la cuyderont bien tenir. Je
+considere asses, Madame, que la Royne d'Angleterre entreprend d'une
+grande affection ce faict d'Escoce, et que les ennemys et malveillans,
+que la Royne sa cousine a dans son propre royaulme et dans cestuy cy,
+l'y persuadent si fort, qu'il est tres difficile de l'arrester;
+neantmoins, je vous suplie tres humblement, Madame, me commander par
+ce mien secretaire ce que j'auray a dire ou fere la dessus envers la
+dicte Royne d'Angleterre, oultre l'office que je luy ay desja faict;
+car je ne fauldray d'ung seul poinct de tres humblement vous y obeyr.
+Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour d'apvril 1570.
+
+AULTRE LETTRE A PART A LA ROYNE.
+
+Madame, j'ay donne charge a ce mien secretaire de vous bailler ce mot,
+a part, pour avoir meilleur moyen de compter a Vostre Majeste la
+facon, dont l'on a use, pour fere venir en mes mains le propre
+original de cest escript, qu'il vous baillera en forme d'une lettre
+qu'on m'adressoit; ou trouverez, Madame, ung conseil[5], lequel je
+vous suplie tres humblement ne communiquer, du commancement, sinon au
+Roy et a Monseigneur, voz enfans, et puis a quelcun de voz plus
+expeciaulx et saiges serviteurs, qui, possible, vous ouvrira
+l'expediant comme vous vous en pourrez servyr. Il vous pourra, par
+advanture, estre venu ung semblable adviz d'ailleurs, mais je vous
+puys bien jurer, Madame, avecques verite, que je ne scay ny ne puys
+penser d'ou cestuy cy est procede. Cella considere je bien que, par
+icelluy, il y pourroit cy apres avoir moins d'ellevation dans vostre
+royaulme et aussi moins de moyen d'oster ce qu'y auriez une foys
+introduict. Sur ce, etc.
+
+ [5] La piece n'ayant pas ete transcrite sur les registres de
+ l'ambassadeur, on ne connait pas la teneur de cet avis.
+
+ Que les choses de ce royaulme s'entretiennent encores en quelque
+ apparence de repos, non d'elles mesmes, car tout est plein de
+ malcontantement, mais par la dilligence de ceux qui sont en
+ authorite; lesquelz font ce qu'ilz peuvent pour gaigner le temps,
+ mais non pour remedier du tout au mal; car semble plustost
+ qu'ilz le vont norrissant pour le fere cy apres devenir plus
+ grand.
+
+ Ilz s'esforcent de passer cest este sans troubles par le moyen de
+ l'armee, qu'ilz ont faicte dresser a leur Mestresse vers le North
+ par pretexte des choses d'Escoce, et d'aller contre les fuytifz;
+ en quoy ilz executeront, sans faulte, ce qu'ilz pourront; mais il
+ n'y a asses de deniers en repos pour entreprendre choses si
+ utilles, sans ce qu'on estime que la mesme armee se trouvera
+ preste et en estat contre l'ellevation, qu'on crainct bien fort
+ debvoir advenir avant la racolte.
+
+ Et a ceste force ilz ont adjouxte l'artiffice, car, pour donner
+ quelque satisfaction aulx principaulx de la noblesse, affin
+ qu'ilz ne se meuvent, et pour leur fere prendre esperance d'ung
+ meilleur estat des choses, ilz ont rappelle en court et au
+ conseil le comte d'Arondel, et ont miz en pleyne liberte millord
+ de Lomelley, et ont donne esperance au duc de Norfolc d'estre en
+ brief eslargy hors de la Tour, soubz quelque garde en sa mayson
+ qu'il a a Londres, et que mesmes se pourra ottroyer une forme de
+ pardon au comte de Northomberland et aultres chefz des fuytifz,
+ pour remettre toutes choses en bonne unyon.
+
+ Mais il adviendra, possible, que l'artiffice produyra ung aultre
+ effect que le simule, parce que ceste princesse n'a le cueur ny
+ l'intention esloignee de celle de sa noblesse, n'y n'est mal
+ affectionnee a ses subjectz catholiques, pour lesquelz elle
+ resiste asses souvant aulx conseilz, que leurs adversaires luy
+ donnent contre eulx, affin qu'avec les ungs et les aultres elle
+ puisse passer son regne en paix.
+
+ Et semble bien que les seigneurs catholiques seront pour tenir
+ dorsenavant leur partie bien ferme et rellevee, de tant que le
+ comte de Lestre se monstre entierement pour eulx, ayant este luy
+ le moyen de les fere eslargir et rappeller; et il descouvre qu'il
+ a asses d'aisne au secretaire Cecille, pour cause de ceulx de
+ Herfort, lesquelz le dict Cecille cherche, par toutz moyens, de
+ les ellever a ceste couronne au prejudice du dict comte et des
+ aultres seigneurs, qui estiment qu'il ne leur va de moins que
+ leurs testes et de la ruyne de leurs maysons, s'ilz y
+ parviennent.
+
+ Mais le dict Cecille, oultre ce qu'il tient meintennant sa
+ Mestresse asses bien disposee envers les dicts de Herfort, pour
+ la grand jalouzie qu'il luy imprime toutjour de la royne
+ d'Escoce; de laquelle le tiltre seul precede celluy de Herfort en
+ la succession de ce royaulme, il y bande aussi toute la part des
+ Protestans et mesmes les evesques et officiers, et toutz ceulx
+ qui sont en quelque authorite, et pensoit bien y avoir aussi
+ conduict le dict comte de Lestre par le moyen de la dicte
+ religion, et par beaulcoup d'asseurances et promesses qu'il luy
+ avoit faictes; mais j'entendz que, lundy dernier, estantz huict
+ les plus protestans de ce conseil assemblez, en la mayson du
+ comte de Belfort aulx champs, pour delliberer de ce qu'ilz
+ avoient a fere pour la legitimation des dicts de Herfort, et pour
+ advancer leur tiltre, ilz se plaignirent grandement du dict comte
+ de Lestre, de ce qu'ayant faict rapeller le comte d'Arondel au
+ conseil, il avoit prepare ung grand obstacle a leur entreprinse.
+
+ Et le dangier est que la Royne d'Angleterre (de laquelle la
+ vollonte et disposition peult beaulcoup en cella) se mette toute
+ de ce party pour les grandes impressions, qu'on luy donne,
+ qu'elle est en dangier de son estat et de sa propre vie, si elle
+ n'oste et l'estat et la vie a sa cousine.
+
+ Car, oultre les propos qu'on luy a dict que Monseigneur, frere du
+ Roy, avoit tenuz, lesquelz j'ay naguieres escriptz a mon dict
+ seigneur, j'entendz qu'on luy faict acroyre que Mr le cardinal de
+ Lorraine sollicite, a ceste heure, ardentment la paix en France,
+ pour avoir plus de moyen de dresser une entreprinse contre
+ l'Angleterre en faveur de la Royne d'Escoce, sa niepce; et que,
+ pour y pouvoir a moindres fraiz conduyre son intention, et y
+ trouver moins de difficulte, qu'il a convenu avec ung Itallien,
+ dont le nom et le visaige, disent ilz, sont cognuz, de fere
+ empoysonner la dicte Royne d'Angleterre et le secretaire Cecille,
+ et que les plus grands de France inclinent a fere la guerre par
+ deca.
+
+ Et la met on en souspecon que le Roy d'Espaigne sera pour
+ concourre facillement a l'entreprinse, pour revenche de l'injure
+ de ses deniers, et des prinses de mer que ceulx cy ont faictes
+ sur ses subjectz; et mesmes l'on s'esforce de luy en monstrer
+ desja quelque indice par l'interpretation d'une depesche, que
+ j'entendz qu'on a intercepte, de Mr de Forquevaulx, et envoyee
+ par deca; en laquelle, apres ung propos de trois mariages, il
+ faict mencion du grand amaz de gens, et d'argent, et des
+ preparatifs, par mer et par terre, que le Roy d'Espaigne faict,
+ avec aulcunes particullaritez de plus estroicte intelligence avec
+ Leurs Majestez Tres Chrestiennes. Ce que n'estimans ceulx cy que
+ cella puysse estre pour resister seulement aulx Mores, ilz
+ veulent inferer que c'est contre eulx.
+
+ A quoy l'on m'a dict qu'ilz sont davantaige confirmez par une
+ lettre, qu'on a escripte de la Rochelle a la dicte Dame, en
+ laquelle l'on l'a prie que, si le Roy vient a offrir des
+ condicions de paix a la Royne de Navarre, et aulx princes ses
+ filz et ses nepveux, et aultres de leur party, qui soyent
+ raisonnables, comme Sa Majeste monstre s'en aprocher, qu'elle
+ trouve bon qu'elles soyent aceptees; car ne les pourront
+ bonnement reffuzer, sans se monstrer mauvais subjectz, et que la
+ noblesse desire grandement satisfere au Roy; aussi qu'on voyt
+ bien qu'elle et les princes d'Allemaigne sont longs et tardifz a
+ les secourir, et neantmoins adjouxtent beaucoup de grandz
+ mercyemens et offres a la dicte Dame, et la prient qu'elle
+ veuille bien pourvoir a la seurte de ses afferes, parce qu'il
+ semble qu'on projecte desja de grandes entreprinses contre elle
+ et son estat, en faveur de la Royne d'Escoce.
+
+ Desquelz adviz aulcuns icy ont heu de quoy manifester si
+ ouvertement leur malice, qu'ilz ont oze dire deux choses a la
+ dicte Dame; l'une, que si elle n'empeschoit la paix de France,
+ qu'elle aurait certainement la guerre en Angleterre; et l'aultre,
+ que jusques a ce qu'elle aura faict arracher du tout une si malle
+ plante, comme est la Royne d'Escoce, qu'elle ne verra jamais
+ bien, ny repos, en ceste isle.
+
+ Ce que m'ayant este raporte, j'ay miz peyne, par d'aultres plus
+ moderez personnaiges, de luy fere si bien diminuer ceste opinion
+ qu'elle monstre, quant a la paix de France, qu'elle y a toutjour
+ fort bonne affection, mais qu'elle desire infinyement luy estre
+ donne moyen de s'y employer, affin de pouvoir gaigner la
+ bienveuillance du Roy, et se confirmer en paix et amitie avecques
+ luy; et, quant a la Royne d'Escoce, qu'elle est bien disposee
+ envers sa personne et sa vie, comme je croy qu'elle n'y a heu
+ jamais mauvaise intention, et que mesme elle goutte aulcunement
+ sa restitution, et ne la rejecte plus tant qu'elle souloit; mais
+ elle pretend a quelque entreprinse en Escoce, qui est cogneue de
+ peu de gens, laquelle elle pense avoir executee plustost qu'on
+ luy en puysse, ny de France, ny de Flandres, donner empeschement;
+ et que le tout sera faict dans deux moys, pendant lesquelz je ne
+ fays doubte qu'elle ne vollut que Leurs Tres Chrestienne et
+ Catholique Majestez fussent ailleurs bien fort empeschees.
+
+ AULTRE MEMOIRE A PART.
+
+ En la depesche d'Espaigne, dont, en l'aultre memoire, est faicte
+ mention, qui a este intercepte, j'entendz que Mr de Forquevaulx
+ escripvoit a la Royne que l'ambassadeur de l'Empereur l'avoit
+ prie de fere entendre au Roy comme son Maistre, pour l'affection
+ qu'il avoit de veoir effectuer les mariages de ses filles avec
+ les deux Roys, desiroit que, du premier jour, il y fut procede
+ sans plus le dilayer;
+
+ Qu'il avoit dellibere d'envoyer les deux Roynes ensemble, par la
+ mer, de Genes a Marseille, avec la moindre compaignie et le moins
+ d'officiers qu'il pourroit, s'asseurant qu'elles en amasseroient
+ asses en chemyn;
+
+ Que l'ambassadeur de Portugal l'avoit asseure que le party de
+ Madame, soeur du Roy, playsoit grandement au jeune Roy, son
+ Maistre, et aulx deux douarieres ses mere et ayeulle, et n'y
+ avoit que ce seul differant, qu'elles vouloient que le tout se
+ fit par le bon adviz et conseil du Roy d'Espaigne; et les Estatz
+ de Portugal, au contraire, s'estimoient asses suffizans pour
+ cella, sans y embesoigner aulcunement le dict Roy:
+
+ Mandoit avoir entendu que le dict Roy de Portugal estoit subject
+ a ses opinions, et ne vouloit guieres croyre conseil et qu'il
+ n'avoit pres de luy que jeunes gens;
+
+ Que les medecins et phisiciens ne l'estimoient de longue vie,
+ pour quelque defflussion de cerveau qu'il avoit, et que les ungs
+ conseilloient qu'on le maryat bientost affin de la divertyr et
+ pour avoir lignee; les aultres que le mariage luy abregeroit ses
+ jours;
+
+ Que, quoy que ce fut, venant le dict jeune Roy a mourir, celluy
+ qui luy debvoit succeder, par le commun consentement des Estatz,
+ espouseroit la veufve; par ainsy que, en toutes sortes, Madame
+ seroit longuement Royne:
+
+ Que le Roy d'Espaigne s'estoit achemine a Courdova pour aller
+ tenir ses cours de Castille, et pour s'aprocher de l'entreprinse
+ contre les Mores, priant icelluy ambassadeur Leurs Majestez Tres
+ Chrestiennes de luy donner moyen de le pouvoir suyvre, et leur
+ touchoit ung mot de sa revocation;
+
+ Que le Roy d'Espaigne faisoit tel amaz de gens et d'argent, et
+ ung si grand aprest par mer et par terre, qu'il estoit ayse a
+ veoir qu'il tendoit a de plus grandes entreprinses que de se
+ deffandre des Mores;
+
+ Que s'il playsoit a la Royne d'avoir une entrevue avecques luy a
+ Marseille; que le dict ambassadeur esperoit de l'y pouvoir
+ facillement induyre, parce qu'il l'y trouvoit fort bien dispose,
+ pourveu que cella fut tenu fort secrect, et quasi communique a
+ nul, de peur des traverses qu'on y mettroit pour la jalouzie que
+ plusieurs en auroient.
+
+ De laquelle lettre ceste Royne et les siens ont prins beaucoup de
+ souspecon, et sont, a ceste heure, tant plus desireux de
+ raccommoder leur differans avec le Roy d'Espaigne, comme ilz en
+ poursuyvent dilligentment l'accord, par leur depputez, qu'ilz ont
+ a cest effect envoye en Flandres; lesquelz, a ce que j'entendz,
+ ont mande qu'ilz en esperent une bonne yssue.
+
+ Et semble que le duc d'Alve, en une facon ou aultre, y
+ condescendra, sellon qu'on m'a dict qu'il desire bien fort
+ esteindre ceste querelle, ainsy qu'il estime avoir si bien
+ vaincue celle du prince d'Orange, et ensepvelye celle des Gueux,
+ qu'elles ne se pourront, l'une ny l'aultre, jamais plus
+ ressuciter;
+
+ Et qu'a ceste heure, il a bien fort grande affection d'aller en
+ Espaigne, comme pour triumfer des choses qu'il a bien faictes, et
+ bien saigement et vaillamment conduictes en Flandres, d'y avoir
+ conserve la religion catholique, et estinct l'heresie; d'avoir
+ saulve l'estat, et quasi l'avoir conquiz et estably de nouveau au
+ Roy son Maistre, qui auparavant n'en estoit guieres bien le
+ maistre; et le luy avoir soubmiz a y pouvoir imposer tribut,
+ comme il vouldra, la ou auparavant l'on y souloit ordinairement
+ contradire; et avoir augmente le revenu jusques a deux millions
+ d'or toutz les ans, qui a peyne en valloit la moytie:
+
+ Et, avec l'honneur de ces choses, retourner pres de son Maistre,
+ ou la jalouzie du prince d'Enoly le tire, et pres de sa femme et
+ des siens, qui l'appellent par della, a la venue de la nouvelle
+ Royne, pour se trouver a l'establissement et a la mutation de
+ diverses choses, qui lors se pourront ordonner, mais
+ principallement pour mettre le gouvernement de Flandres ez mains
+ de Dom Fadrique, son filz aisne:
+
+ A quoy il a grand affection, luy ayant pour cest effect baille
+ tiltre et merque nouveaulx de cappitaine general des Espaignolz
+ et gardes, ce qu'il n'estime toutesfoys pouvoir bien obtenir,
+ s'il n'est present avec son Maistre;
+
+ Et que, pour n'estre son dict retour empesche par la querelle
+ d'Angleterre, qu'il la vuydera, et qu'au reste procurera, avant
+ son partement, que la consulte et distribution des biens
+ confisques en Flandres se face, affin qu'il puisse entrer en
+ possession de Brada ou d'Ostrante, ou de quelque aultre bien bon
+ estat, que son Maistre luy donnera; et desireroit bien fort que
+ son dict Maistre remit une partie de la dicte consulte a fere a
+ luy, affin de pouvoir gratiffier et recompenser ceulx qui l'ont
+ suyvy.
+
+ Toutes lesquelles choses m'ont este dictes du dict duc par
+ aulcuns, qui les peuvent aulcunement scavoir, et qui les font
+ paroistre estre vraysemblables.
+
+
+
+
+CIIIe DEPESCHE
+
+--du XXIIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par la voye du Sr Acerbo._)
+
+Publication faite en Angleterre de la prise d'armes contre
+l'Ecosse.--Preparatifs de defense faits par les Ecossais.--Nouvelles
+difficultes survenues dans la negociation avec les Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, perseverant la Royne d'Angleterre en sa delliberation d'envoyer
+des forces en Escoce, elle a faict, despuys trois jours, publier
+l'occasion de son entreprinse avec le pretexte et colleur, que Vostre
+Majeste verra par la teneur de sa proclamation; et a mande au comte de
+Sussex qu'avec les troupes, qu'il a assemblees a Yorc et a Durem, il
+ayt toutjour a s'acheminer a Neufcastel, et qu'il temporise la jusques
+a tant qu'il ayt receu les monitions qu'elle a ordonne luy estre
+envoyees, lesquelles y pourront arriver envyron la fin de ce moys.
+Cependant, Sire, luy ayant le dict comte de Sussex naguiere escript
+que, pour la nouvelle de sa venue, les Escoucoys prenoient de toutes
+partz les armes, avec intention de courre sus a ceulx qui parloient
+d'introduyre les Anglois dans le pays; et que desja milor Herys estoit
+aproche avec quelques forces pour luy deffandre les frontieres, ceulx
+qui ont icy la matiere bien affectee ont conseille a la dicte Dame de
+luy respondre que, sellon sa plus ample commission, il ayt a doubler
+promptement ses forces pour poursuyvre son voyage; a quoy elle a faict
+asses de difficulte, voyant que l'entreprinse se monstroit a ceste
+heure plus grande et plus difficille, et de trop plus grand coust
+qu'on ne la luy faisoit du commancement, tant y a qu'a leur persuasion
+elle le luy a mande; et neantmoins l'on pense qu'il trouvera asses de
+resistance par della.
+
+L'on commence a sentyr qu'il y aura asses de difficulte en l'accord
+des differans des Pays Bas, parce qu'on offre par della de restablyr
+toutes choses jusques a la valleur d'une maille; et demande l'on qu'il
+soit faict le semblable de ce coste, et mesmes que de ce qui aura este
+substraict, emporte, ou qui se trouvera aultrement depery, des
+merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne, parce que cella est
+advenu par la coulpe des Anglois, que le tout soit repare par eux, en
+quoy tres difficilement ilz veulent entendre. Neantmoins il y a tres
+grande affection de chacun coste d'en sortyr. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIIIe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+CIVe DEPESCHE
+
+--du XXVIIe jour d'apvril 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Gerin Marchant_.)
+
+ Etat des partis en Ecosse.--Arrivee d'un ambassadeur de France
+ dans ce pays avec un secours d'hommes.--Debats entre les
+ seigneurs ecossais pour la regence.--Vives sollicitations des
+ ennemis de Marie Stuart pour presser l'entree de l'armee
+ anglaise.--Depart de la flotte pour Hambourg, et envoi des
+ sommes levees en Angleterre pour l'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, apres que j'auray, dimanche prochain, faict entendre a la Royne
+d'Angleterre les louables et vertueux propos qui sont contenuz en
+vostre depesche du XIIe de ce moys, laquelle le Sr de Vassal m'a
+randue le XXIIIIe, je vous informeray bien particullierement de
+l'intention, en quoy je l'auray trouvee sur les choses que je luy
+proposeray de vostre part; et cependant je diray a Vostre Majeste,
+touchant celles d'Escoce, que l'arrivee de vostre ambassadeur par
+della, et ce qu'on dict qu'avec luy sont arrivez a Dombertran cinq
+cens harquebouziers francoys et asses d'armes pour armer encores deux
+mil hommes, faict aultrement penser a ceulx cy de l'entreprinse qu'ilz
+ont au dict pays, que quant ilz l'ont premierement deliberee; mesmes
+qu'ayantz les principaulx seigneurs d'Escoce desja heu conferance avec
+luy au lieu de Donquel, l'on asseure qu'ilz ont prins, par les lettres
+et bonnes offres de Vostre Majeste, une bonne resolution; scavoir,
+ceulx qui estoient demeurez en la foy de leur Royne d'y perseverer
+constantment, et ceulx qui se portoient neutres de se declairer pour
+elle; tellement que tous ensemble se sont despuys acheminez a
+Lislebourg: d'ou les adversayres, avec l'ambassadeur de ceste Royne,
+se sont aussitost despartys; et que, illec, ilz ont faict proclamer,
+le XIIe de ce moys, l'authorite de leur Royne, la ou millord de
+Granges a declaire qu'il tenoit le chasteau de Lislebourg pour elle;
+et le duc de Chastellerault, lequel n'est encores eslargy du dict
+chasteau, pour quelque occasion bien considerable, s'est aussi
+declaire du coste de la dicte Dame; et, bien que le comte de Mar n'ayt
+du tout faict le semblable, il a promiz neantmoins de ne delivrer, en
+facon du monde, le jeune prince aulx Anglois, et dict davantaige qu'il
+ne le delivrera pas aussi aulx Francoys, ny aulx Espaignolz, ny mesmes
+aulx Escoussoys. Et, par ainsy, les choses ont commance de prandre
+quelque train, pour le bien des afferes de la dicte Royne d'Escoce, a
+l'advantaige et reputation de Vostre Majeste. Mais, Sire, voycy
+l'ordre qu'on me dict que ceulx de l'aultre party ont tenu pour y
+donner empeschement; c'est qu'ilz se sont incontinent assemblez au
+lieu de Domfermelin, ou ilz ont resolu deux choses; l'une, de fere
+tout sur l'heure aprocher le comte de Lenoz, qui est a Barwich, pour
+se porter pour regent de la personne et estat de son petit filz a la
+faveur de l'armee de la Royne d'Angleterre qui est en campaigne;
+l'aultre, d'accorder et signer les articles de l'instruction qu'ilz
+ont baillee a l'abbe de Domfermelin de tout ce qu'il vient dire,
+requerir et offrir de leur part a ceste Royne.
+
+Sur quoy l'on m'a donne adviz fort secrect, mais de bon lieu, que
+celle partie des dictes forces qui s'est trouvee plus advancee, et la
+garnyson de Barwich, en nombre de quatre mil hommes de pied et quinze
+centz chevaulx en tout et huict pieces de campaigne, ont desja marche
+oultre les frontieres pour favoriser le dict de Lenoz, et qu'il a este
+mande au comte de Sussex de parfere promptement sa levee de dix mil
+hommes de pied et quatre mil chevaulx, et que le susdict Domfermelin
+arrivera icy dans deux ou trois jours. L'on estime que les aultres
+seigneurs Escoucoys envoyeront millord de Sethon ou millord Boyt
+devers la dicte Dame pour l'effect que je vous ay cy devant mande;
+mais je ne laysse pour tout cella d'esperer encores bien des afferes
+de la royne d'Escoce.
+
+La flotte pour Hembourg est deja chargee, et commance d'avaller
+contrebas la Tamise. Elle est d'envyron cinquante voylles et n'y a que
+deux grandz navires de ceste Royne ordonnez pour les conduyre, mais il
+y en a aultres trois equipez en guerre soubz la charge de Haquens, qui
+y vont, le tout aulx despens des merchans; et, soubz ceste mesmes
+conserve, partent aussi les munitions qu'on envoye au North parce que
+c'est tout une mesme routte. J'entendz que desja les lettres
+d'eschange, pour le parfornissement de cent cinquante mil escuz cy
+devant ordonnez pour Allemaigne, sont expediees, et qu'elles vont
+avecques ceste flotte, oultre soixante mil escuz en especes, cuillys
+sur les esglizes des Flamans qui sont en ce royaulme, que le Sr de
+Lombres envoye au prince d'Orange; et luy eust envoye plus grand somme
+sans ce que, a mon instance, la Royne d'Angleterre a deffandu de ne
+fere aulcune cuillette de deniers, pour ce pretandu pretexte de la
+deffance de la religion, sur ses subjectz, lesquelz s'y monstrent
+asses vollontaires.
+
+Ceulx cy font tout ce qu'ilz peuvent, de leur coste, pour parvenir a
+quelque accord sur les differans des Pays Bas, et en sont toutjour en
+bonne esperance. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVIIe jour d'apvril 1570.
+
+
+
+
+CVe DEPESCHE
+
+--du IIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Antoine Grimault_.)
+
+ Audience.--Declarations faites par l'ambassadeur, au nom du roi,
+ tant au sujet de la pacification de France que des affaires
+ d'Ecosse.--Irritation causee a la reine d'Angleterre par la
+ declaration touchant l'Ecosse, qui renferme une menace de
+ guerre.--Nouvelles de l'entreprise des Anglais sur l'Ecosse, ou
+ ils sont entres en armes.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, prevoyant que la Royne d'Angleterre n'auroit guieres agreable
+les deux poinctz, que j'avois a luy proposer de la depesche de Vostre
+Majeste du XIIe du passe, en ce que vous n'acceptiez son offre
+d'intervenir a la paciffication de vostre royaulme, et que vous luy
+touchiez vifvement le faict de la Royne d'Escoce, j'ay miz peyne,
+Sire, de luy dire l'ung et l'aultre en la plus gracieuse facon que
+j'ay peu; et m'a bien semble, quant au premier, qu'elle en est
+demeuree asses satisfaicte, par ce mesmement que j'ay monstre que
+Vostre Majeste acceptoit plustost qu'il ne reffuzoit son offre, mais
+de tant que l'affere, par la venue des depputez des princes, estoit
+sur sa conclusion sans qu'il fut besoing d'entrer en nouveaulx
+trettez, ainsy qu'ilz avoient toutjour dict qu'ilz ne vouloient
+aulcunement capituller avec leur Souverain Seigneur, vous estimiez
+que cella seroit bientost faict ou failly, par ainsy, que vous en
+donriez incontinent adviz a la dicte Dame; de laquelle vous requeriez
+cependant de vouloir demeurer en son bon et honneste desir, qu'elle
+monstroit avoir vers vous et vers voz presens afferes, avec asseurance
+que, en pareille ou meilleure occasion, du bien des siens vous luy
+feriez paroistre par effect que vous luy correspondiez en ung
+semblable debvoir de vostre bonne et mutuelle amytie envers elle.
+
+A quoy la dicte Dame m'a respondu que ce luy estoit ung singulier
+playsir de veoir que Vostre Majeste eust prins son intention en la
+bonne part, que vous l'avoit offerte, de s'employer aultant
+droictement a la conservation de vostre grandeur et authorite sur voz
+subjectz comme si c'estoit pour sa propre cause; et que la
+satisfaction que vous luy donniez la dessus estoit si grande, que
+c'estoit a elle meintennant de vous en remercyer et a prier Dieu pour
+le bon succez et ferme establissement de vos dicts afferes et de la
+paix que vous desirez en vostre royaulme, avec plusieurs aultres
+parolles, dont aulcunes, a la verite, touchoient les difficultez qui
+pouvoient encores rester en cella, et d'aultres exprimoient son
+affection d'y estre employee: toutes neantmoins bien fort honnestes et
+pleynes de grande demonstration d'amytie.
+
+Mais, quant c'est venu a l'aultre poinct, du faict de la Royne
+d'Escoce, bien que je ne le luy aye baille, sinon avec les mesmes
+termes par lesquelz Votre Majeste monstre de vouloir, jusques a
+l'extremite du debvoir, constamment perseverer en son amytie et en la
+paix, elle neantmoins en a heu le cueur si atteinct qu'elle n'a peu,
+ny en son visaige, ny en sa parolle, dissimuler l'ennuy qu'elle en
+recepvoit: dont, apres aulcuns peu de motz asses incertains, tantost
+de l'esbahyssement d'ung tel propos, tantost de ce que Vostre Majeste
+estoit mal informee du faict: ayant la dessus appelle ceulx de son
+conseil, qui estoient dans la chambre, elle leur a dict que je venois
+de luy fere une bien estrange proposition, de la part de Vostre
+Majeste, et qu'elle me vouloit bien prier de la leur exposer tout de
+mesmes, affin qu'ilz en demeurassent mieulx instruictz. Ce que ne luy
+voulant reffuzer, je l'ay de tant plus vollontiers faict et avec plus
+d'expression de toutes les particullaritez de Vostre lettre, que je
+scavois que l'armee de la dicte Dame estoit desja entree en Escoce, et
+qu'il y'en avoit la presens de ceulx qui l'avoient conseille; lesquelz
+je desiroys bien qu'ilz en demeurassent confuz: et y en avoit aussi,
+qui n'attandoient qu'une semblable occasion, pour avoir de quoy luy
+parler librement du faict de la Royne d'Escoce. Dont leur ay recite,
+tout a plain, vostre intention, et ay miz peyne de leur monstrer
+qu'elle n'estoit moins fondee en toute justice, que remplye de grande
+magnanimite.
+
+A quoy nul d'entre eulx n'a rien respondu, sinon le marquis de
+Norampthon aulcun peu de motz sur l'aprobation de l'entreprinse
+d'Escoce. Mais la dicte Dame, (apres m'avoir dict, ung peu en collere,
+que Vostre Majeste avoit faict comme le bon medecin, qui, ayant a
+bailler des pillules bien amaires a son mallade, en faisait tout le
+dessus de sucre, et qu'ainsy, vostre premier propos du mercyement
+avoit este bien fort gracieulx et doulx, mais celluy d'apres estoit
+bien fort amer et piquant,) a commance de me desduyre amplement
+l'occasion et justiffication de son entreprinse en Escoce; et croy
+qu'avec les mesmes demonstrations, que luy avoient faict ceulx qui la
+luy ont conseillee, en termes asses vehementz, mais toutesfoys bien
+fort honnorables en l'endroict de Vostre Majeste; qui, en somme,
+tendent a trois poinctz: l'ung, a vous fere veoir qu'il n'y avoit que
+droict et rayson, en ce qu'elle faisoit et qu'elle vouloit fere, vers
+la Royne d'Escoce et vers son royaulme; le second, que nul ne debvoit
+trouver mauvais que justement elle poursuyvit de vanger les injures,
+que injustement l'on avoit faictes a elle et a ses subjectz; et le
+troisiesme, que, nonobstant tout cella, et sans s'arrester a tant de
+vehementes ou bien veriffiees, occasions de malcontantement, a quoy la
+dicte Royne d'Escoce et son ambassadeur, et ceulx de ses subjectz qui
+tiennent pour elle, l'avoient extremement provoquee, elle ne lairroit
+de recepvoir les condicions qu'elle luy offriroit sur l'accommodement
+de ses afferes, ou bien que Vostre Majeste luy feroit offrir pour
+elle; ains se disposerait tout presentement d'y entendre: mesmes que
+luy en ayant desja la dicte Dame escript une lettre et son ambassadeur
+une aultre, lequel luy avoit d'abondant mande qu'il s'estoit encores
+reserve d'aultres choses, pour les luy dire en presence, elle me
+promettoit, qu'il seroit bientost ouy, me priant au reste de luy
+vouloir bailler par escript ce que je luy avois propose de vostre
+part, affin d'en pouvoir mieulx delliberer, et vous y fere plus claire
+et plus ample responce; comme je pense, Sire, qu'elle fera par son
+ambassadeur.
+
+Et parce qu'il seroit long de reciter icy toutz les propos de la dicte
+Dame et ceulx que je luy ay responduz, je remetz de les vous mander en
+ma prochaine depesche, par ung des miens, que je depescheray expres
+devers Vostre Majeste, avec d'aultres choses, lesquelles avecques
+ceulx cy vous feront prendre quelque jugement des intentions de la
+dicte Dame. Cependant j'ay a dire a Vostre Majeste que le comte de
+Sussex, sire Jehan Fauster, et milor Scrup, estans entrez par trois
+divers endroictz en Escoce, y ont allume des semblables feuz, que
+aulcuns Escoucoys, avec les fuytifz d'Angleterre, avoient auparavant
+allumez en la frontiere de deca, non sans que ceulx cy y ayent
+toutjour crainct quelque rencontre: comme il est nouvelles que le dict
+Scrup et sa trouppe y ont este fort bien battuz. L'artillerye et les
+munitions qu'on leur envoye sont desja hors de ceste riviere, et m'a
+l'on dict qu'on a adjouxte a icelles mille litz avec leurs matalas et
+paillasses, comme pour accommoder deux mil soldatz dans quelque place;
+et de tant que la dicte Royne d'Angleterre, parmy son discours, m'a
+dict qu'elle n'estoit si sotte qu'elle ne cognut bien que toute
+l'affection, que Vostre Majeste et la France ont aulx Escoucoys,
+n'estoit pour proffict ny pour commodite qu'on peult tirer d'eulx,
+mais seulement pour nuyre a l'Angleterre; et que Dombertran avoit
+toutjour este le port et l'entree des Francoys et des estrangiers dans
+ceste isle pour troubler le pays; (et que d'ailleurs la dicte Dame a
+donne la grace a ung Escoucoys, qui avoit este prins au North, lequel
+luy a baille le pourtraict du chasteau de Lislebourg), il y a quelque
+souspecon qu'elle veuille assieger l'une des dictes places, ou bien y
+en fortiffier quelque aultre dans le pays pour y entretenir garnyson.
+Et viens d'estre adverty, Sire, qu'elle faict mettre promptement en
+mer quatre de ses grandz navyres et une gallere, avec commandement de
+tenir les aultres bien fort prestz; dont, de tout ce qui succedera de
+nouveau, je mettray peyne de vous en advertir le plus promptement que
+me sera possible. Sur ce, etc.
+
+ Ce IIIe jour de may 1570.
+
+
+
+
+CVIe DEPESCHE
+
+--du VIIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyee jusques a la court par le Sr de Sabran_.)
+
+ Vifs debats dans le conseil d'Angleterre sur le parti a prendre a
+ l'egard de Marie Stuart, et sur la reponse a faire au roi au
+ sujet de vasion en Ecosse.--Ravages operes par les Anglais dans
+ ce pays.--Emprunt fait pour la Rochelle.--Negociation des
+ Pays-Bas.--Espoir de l'ambassadeur que la paix ne sera pas
+ rompue.--_Memoire._ Detail des opinions emises dans le conseil
+ d'Angleterre.--Reponse faite par Elisabeth a la declaration du
+ roi touchant l'Ecosse.--Insistance de l'ambassadeur sur les
+ motifs qui imposent au roi l'obligation d'exiger que les
+ Anglais se retirent d'Ecosse, et que Marie Stuart soit retablie
+ sur le trone.-_Memoire secret._ Motifs particuliers qui ont
+ force l'ambassadeur a faire connaitre a la reine d'Angleterre
+ la declaration du roi sur les affaires d'Ecosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ayant la Royne d'Angleterre prins ce que je luy ay dict, de
+vostre intention touchant la Royne d'Escoce, en la facon que, par mes
+precedantes du IIIe de ce moys, je le vous ay mande, elle a monstre
+despuys qu'elle tenoit en tant ceste vostre declaration qu'elle
+vouloit bien considereement adviser comme elle auroit a s'y gouverner;
+dont ayant la dessus assemble les principaulx de son conseil, ilz ont
+fort vifvement debattu la matiere devant elle, et aulcuns d'eulx luy
+ont remonstre qu'il n'y avoit nul prince de bon sens au monde, s'il
+tenoit ung aultre prince entre ses mains, qui se dict competiteur de
+sa couronne, comme faisoyt la Royne d'Escoce de celle d'Angleterre,
+qui le vollust jamais lascher; et qu'il n'y en avoit poinct aussi qui
+vollust espargner la vie de la dicte Royne d'Escoce, si elle avoit
+excite en leur estat le trouble et la rebellion des subjectz, qu'elle
+avoit esmeu en cestuy cy. Les aultres luy ont represante le contraire,
+et que la plus grande seurete qu'elle pouvoit prendre pour elle, et
+pour sa couronne, et pour la paix universelle de ceste isle, estoit de
+s'employer droictement a la restitution de la dicte Royne d'Escoce, et
+d'establyr une bien ferme amytie et bonne intelligence entre elles
+deux et leurs deux royaumes; et en est leur contention venue si avant
+que, les voyant la dicte Dame desja aulx grosses parolles, les a priez
+d'en remettre la dispute a elle, et qu'elle cognoissoit bien que la
+matiere n'estoit sans difficulte: neantmoins leur deffandoit fort
+expressement de ne parler jamais de chose qui touchat ny a la vie, ny
+a la personne de la Royne d'Escoce.
+
+Je suis attandant, sire, qu'est ce qui resultera de cette
+determination de conseil, et quelle responce la dicte Dame sera
+conseillee de fere a Vostre Majeste. Cependant j'ay este adverty que
+l'exploict du comte de Sussex en Escoce a este d'entrer en pays par
+trois endroictz; scavoir: luy avec le principal de l'armee par
+Barvich, et sire Jehan Fauster avec la seconde troupe par Carleil, et
+milord Escrup avec le reste par ung aultre endroict; et que, le XVIIe
+d'apvril, le comte de Sussex a commance de fere le gast, et mettre le
+feu a Ware, continuant ainsy jusques a Gadenart, ou il a faict miner
+et pourter par terre la mayson du ler de Farneyrst; et la, le sir
+Jehan Fauster, ayant aussi miz le feu partout la ou il a passe, s'est
+venu rejoindre a luy; et du dict Gadenart, apres l'avoir brusle, ilz
+sont allez brusler la ville de Fanic, et ont pareillement mine et rase
+la maison du ler de Balchenech; puys, ont passe oultre jusques a
+Quelso, auquel lieu le ler de Suffort leur est venu offrir pleiges
+pour satisfaction de ce que l'on luy pouvoit demander; et peu apres,
+milord de Humes y est aussi venu, lequel a parle au dict comte de
+Sussex et luy a offert le semblable; mais ny l'ung ny l'aultre n'ont
+raporte aulcune bonne responce: et ce faict, icelluy Sussex a ramene
+ses gens, le XXIIIIe du dict moys, a Barvich. Mais, quant a milor
+Escrup, qui est entre par les marches d'Ouest, les choses ne luy ont
+succede de mesmes, car il a este rencontre par les Escoucoys qui luy
+ont deffaict la pluspart de ses gens, et dict on que luy mesmes est
+blesse; et que le comte de Vuesmerland s'est trouve au combat, qui a
+cuyde estre prins. Despuys, l'on m'a dict qu'ayant le dict comte de
+Sussex receu le reste des forces, qui estoient demeurees derriere,
+delibere de rentrer du premier jour au dict pays et aller assieger le
+chasteau de Humes, sinon que, sur ma remonstrance, ceste Royne luy
+mande de ne passer oultre; tant y a que s'il le faict, je ne pense pas
+que les Escoucoys ne luy donnent la bataille; mais je ne vous puys
+mander, Sire, aulcune chose certaine de leur apareil, parce que les
+passaiges sont tenuz extremement serrez.
+
+Il est nouvelles que le duc de Chastellerault est hors de prison, et
+que ceulx qui tiennent le party de la Royne d'Escoce sont en beaucoup
+plus grand nombre, et sont les principaulx et les plus fortz du pays.
+Ceulx qui les favorisent icy, m'ont faict dire que, si la paix se
+conclud en France, leur affere se pourtera en toutes sortes fort
+bien, et que ce que j'ay declaire a ceste Royne ne sera venu que le
+plus a propos du monde; mais, si la paix ne se faict poinct, qu'ilz
+craignent beaucoup que les choses n'en aillent que plus mal; et
+semble, Sire, que aulcuns de ceulx de la Rochelle, qui sont icy,
+n'esperent guieres qu'elle se puysse fere: mesmes j'ay adviz qu'il a
+este mande en Hembourg de fournir promptement les cinquante mil escuz
+de la lettre de credit qui, en janvier dernier, a este baillee a Mr le
+cardinal de Chatillon, ainsy que des lors je le vous ay escript, et
+que le Sr de Lombres y envoye presentement une aultre lettre de LX mil
+{lt} sterlings pour le prince d'Orange, qui est une somme qu'il a
+levee sur les esglizes des Flamans protestans residans par deca, et
+que le cardinal de Chatillon et luy sont apres a dresser des contractz
+et des obligations pour fere fornyr encores par della cent cinquante
+mil escuz sur la prochaine flotte qui va au dict Hembourg. En quoy me
+semble qu'il y aura asses de difficulte, tant y a qu'ilz n'en sont
+hors d'esperance; et la Royne d'Angleterre, pour recouvrer deniers
+pour elle, a double l'emprunct, dont je vous ay naguieres faict
+mention, jusques au nombre de trois mille prive scelz, desquelz elle
+espere tirer jusques a six ou sept cens mil escuz.
+
+Elle et les siens monstrent avoir une tres grande affection a l'accord
+des differandz des Pays Bas, et parce qu'il semble que la plus grande
+difficulte est meintennant a contanter les merchans anglois, l'on m'a
+dict que le secretaire Cecille les ayantz assemblez la dessus, et les
+trouvans ung peu opiniastres, leur a resoluement declaire que les
+princes veulent demeurer d'accord, par ainsy qu'ilz advisent entre
+eulx d'accommoder leurs afferes. Sur ce, etc.
+
+ Ce VIIIe jour de may 1570.
+
+
+ Tout meintennant l'evesque de Roz me vient de mander qu'il a este
+ appelle, ceste apres dinee, pardevant quatre seigneurs de ce
+ conseil; lesquelz, apres plusieurs propos, luy ont dict, que si
+ la Royne d'Escoce veult rendre les rebelles d'Angleterre, qui se
+ sont retirez en son royaulme, que cella mouvera grandement la
+ Royne, leur Mestresse, d'avoir son cueur bien dispose envers
+ elle; et n'ont passe plus avant: ce qu'il voyt bien estre une
+ invention des ennemys de sa Mestresse pour retarder toutjour ses
+ afferes, es quelz ne luy reste plus aultre esperance, tant que
+ ceux qui sont ici en authorite gouverneront, que celle que la
+ dicte Dame a miz en Vostre Majeste. Et viens d'estre adverty que
+ le comte de Sussex est rentre en Escoce, qu'il a prins le
+ chasteau de Humes, et qu'il a miz garnyson dedans.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, saichant que la Royne d'Angleterre estoit, tous ces jours,
+apres a delliberer en son conseil qu'est ce qu'elle auroit a fere ou
+dire sur ce que je luy avois propose, de la part de Voz Majestez, en
+ma derniere audience, et voyant que je ne pouvois plus intervenir a
+luy fere la dessus nul aultre office, que celluy que j'avois desja
+faict; qui, a la verite, m'avoit bien semble tel que je l'avois
+plustost disposee a la moderation que a continuer son entreprinse en
+Escoce, j'ay envoye ramentevoir par lettre a Mr le comte de Lestre, et
+par parolle au secretaire Cecille, les occasions qui ont meu Voz
+Majestez de luy declairer ainsy vostre intention; et comme ilz
+cognoissent asses que c'est ung debvoir, notoirement apartenant a
+vostre reputation: et a l'honneur de vostre couronne; lequel, quant
+vous n'en eussiez rien dict, ou que vous eussiez dissimule de ne vous
+en soucyer, leur dicte Mestresse et eulx n'eussent laysse pourtant de
+penser que vous ne le pouviez obmettre; et que partant ilz veuillent,
+a ceste heure, bien pourvoir, de la part d'elle, qu'il ne soit faict
+chose qui puisse donner commancement d'alteration a ceste tant bonne
+et mutuelle intelligence, qui rend Voz Majestez et la dicte Dame tres
+utilles amys les ungs aulx aultres, et de laquelle bonne intelligence
+vous protestiez bien de ne vouloir en facon du monde (sinon contrainct
+par grande necessite du debvoir et a trop grand regrect) jamais vous
+despartyr.
+
+Sur quoy l'ung et l'aultre m'ont mande de fort bonnes parolles, et
+telles qu'ilz me font encores reprendre quelque esperance: tant y a,
+Madame, que des premieres responces que la dicte Dame m'a faictes,
+lesquelles je vous envoye par le Sr de Sabran, il se peult aulcunement
+bien cognoistre ou va son intention. Je ne cognois pas que, pour
+cella, elle ayt encores change de desir sur la paciffication de vostre
+royaume; mais il me semble bien que ceulx de la nouvelle religion, qui
+sont icy, n'esperent guieres qu'elle se face, lesquelz font toute la
+dilligence qu'ilz peuvent de recouvrer deniers comme pour continuer la
+guerre; et j'entendz qu'il vint hyer lettres d'Allemaigne a ceste
+Royne, par lesquelles l'on luy mande que le duc Hery de Bronsouyc a
+licencye, par faulte de payement, la levee qu'il avoit arrestee pour
+Vostre Majeste; et que le marechal de Hes, tout aussitost, a commence
+d'en dresser une pour luy; et que l'Empereur, estant contrainct de
+s'en retourner a Vienne pour mettre ordre a une grande ellevation qui
+s'est sussitee en Austriche pour le faict de la religion, a laquelle
+semble que le Vayvaude veuille tenir la main, qui a desja chasse les
+prestres et pille les esglizes de ses pays, s'est excusee d'intervenir
+a la prochaine diette du XXIIe de ce moys, laquelle estoit assignee a
+Spire; et que, si ceulx de la religion avoient deniers, il ne fit
+jamais si bon en Allemaigne que meintennant. Sur ce, etc.
+
+Ce VIIIe jour de may 1570.
+
+ INSTRUCTION AU DICT SR DE SABRAN de ce qu'il aura a fere entendre
+ a Leurs Majestez, oultre la depesche:
+
+ Que naguieres furent miz en delliberation au conseil de la Royne
+ d'Angleterre, elle presente, les trois poinctz qui s'ensuyvent:
+ Le premier, qu'est ce qu'il estoit besoin de fere pour se
+ pourvoir contre le Roy et le Roy d'Espaigne, desquelz l'amytie
+ estoit desja si suspecte qu'ilz estoient pour se monstrer tous
+ declaires ennemys, aussytost que l'ung pourrait avoir la paix
+ avecques ses subjectz, et que l'aultre seroit venu a boult des
+ Mores revoltez; le segond est quel ordre de bien maintenir la
+ religion protestante, et effacer la memoire et le desir de la
+ catholique en tout ce royaume; et le troisiesme, comment proceder
+ si seurement au faict de la Royne d'Escoce et de son royaulme,
+ que tout l'advantaige en demeurast a la dicte Royne d'Angleterre
+ et au sien.
+
+ Les adviz furent divers, car, quant au premier poinct, il y en
+ eust qui dirent que n'ayans les deux Roys aulcune juste
+ entreprinse en ce royaulme, comme ilz n'y avoient aussi aulcune
+ juste pretention, il estoit a croyre qu'ilz ne cercheroient que
+ d'estre satisfaictz de quelque offance, es quelles il les falloit
+ honnestement contanter, et par ce moyen les retenir pour amys;
+ les aultres opinerent qu'il ne se failloit attandre a cella, ains
+ se pourvoir de bonnes et bien fermes ligues avec les princes
+ protestans, qui seroit le vray rempart et maintien de ceste
+ couronne contre leur effort. Au regard du segond, les ungs dirent
+ qu'il estoit bon qu'avec l'exemple de la bonne vie et de la
+ droicture des evesques protestans, il fut uze de si bons
+ deportemens envers les Catholiques, et les fere jouyr d'ung si
+ paysible repos, qu'ilz n'eussent qu'a se bien contanter du
+ present estat de la religion, qui avoit cours en ce royaulme,
+ sans essayer, avec le dangier de leurs vies et de leurs biens,
+ d'attempter rien pour remettre la leur; et les aultres, au
+ contraire, que c'estoit par toutes sortes de deffaveur et de
+ craincte qu'il les failloit abattre et tenir reprimez: et sur le
+ troisiesme, du faict de la Royne d'Escoce, parce que la matiere
+ estoit fort affectee, il fut seulement dit qu'il failloit, devant
+ toutes choses, regarder a ce qui estoit plus expediant, ou de
+ retenir ou de delivrer la personne de la dicte Dame; et pour lors
+ n'y eust que des remonstrances bien fort considerement desduictes
+ pour admener, de chacun coste, la dicte Dame a leur opinion, sans
+ qu'on en vint rien a conclurre.
+
+ Peu de jours apres, les principaulx de la noblesse avoient si
+ bien dispose la dicte Dame qu'ilz pensoient n'y avoir rien plus
+ pres d'estre execute que la satisfaction envers les deux Roys et
+ le soulaigement des Catholiques, et la liberte et restitution de
+ la Royne d'Escoce; et de ce dernier, l'evesque de Roz en avoit
+ conceu une si certaine esperance qu'il avoit desja commance de
+ proposer des conditions et offres a la Royne d'Angleterre; et
+ l'avoit on asseure qu'il seroit, le lendemain, introduict vers
+ elle pour en traicter en presence: mais s'estant huict du conseil
+ bandez au contraire, ilz firent le matin venir milord Quiper
+ devers la dicte Dame, garny d'une premeditee remonstrance, par
+ laquelle il luy mit tant de dangiers et d'inconvenians devant les
+ yeulx, et l'irrita si fort sur des livres, que le dict evesque
+ avoit faict imprimer sur la deffense de l'honneur de sa Mestresse
+ et sur les droicts qu'elle a a la succession de ceste couronne,
+ que la dicte Dame, apres l'avoir ouy, estima ne pouvoir, en facon
+ du monde, estre plus Royne, si la Royne d'Escoce luy eschapoit;
+ et qu'il falloit qu'avec le temps elle veist les choses
+ d'Angleterre et d'Escoce en meilleure disposition pour elle
+ qu'elles n'estoient, premier que de la delivrer. Et sur ce, les
+ afferes de ceste pouvre princesse furent remiz en surceance, et
+ le dict evesque de Roz resserre, et courriers incontinent
+ depeschez vers le North pour haster le comte de Sussex a son
+ entreprinse.
+
+ A quelques jours de la, j'allay declairer l'intention du Roy la
+ dessus a la dicte Royne d'Angleterre, aulx propres termes qu'il
+ me l'avoit mande par sa depesche du XIIe du passe; sur lesquelles
+ elle fit les demonstrations de rescentymens et de courroux, que
+ j'ay mande par mes lettres du IIIe du present, mais non en sorte
+ qu'elle ne monstrat bien qu'elle tenoit en grand compte la
+ declaration du Roy; et comme princesse nourrye a la moderation et
+ a beaulcoup de sortes de vertu, me fit les responces qui
+ s'ensuyvent, par lesquelles se pourra juger ce qu'elle avoit lors
+ en son desir; dont cy apres s'entendra si elle l'aura en rien
+ change:
+
+ Que le Roy, son bon frere, s'il l'estimoit Princesse Souveraine
+ et legitime, et non accusee d'aulcun mauvais cryme, et estre
+ aussi bien son alliee comme la Royne d'Escoce, laquelle n'estoit
+ mentionnee en nulz trettez, qu'elle n'y fut premier nommee et
+ comprinse, qu'elle s'esbahyssoit comment il voulloit meintennant
+ proceder d'une tant diverse vollonte entre elles deux, et comme
+ il voulloit avoir tant d'esgard a l'une, et si peu a l'aultre,
+ qu'il trouvat bon que toutes les offances de la Royne d'Escoce
+ luy fussent reparees, et nulles des siennes a elle; a qui
+ toutesfoys elles avoient plustost este commises et en si grand
+ nombre, et tant dommaigeables que tout ce qu'elle cerchoit
+ meintennant de la dicte Royne d'Escoce et des siens n'estoit
+ sinon comme elle pourrait estre satisfaicte du passe et demeurer
+ bien asseuree de l'advenir:
+
+ Car, oultre les vielles querelles, il estoit trop veriffie que
+ c'estoit la dicte Royne d'Escoce et l'evesque de Roz qui avoient
+ esmeu les troubles du North, et qui avoient envoye lettres,
+ messaiges, bagues, argent, et fere offres de grandz sommes et
+ secours aulx comtes de Northomberland et Vuesmerland, pour leur
+ fere prendre les armes; et, apres qu'ilz avoient este deffaictz,
+ elle avoit donne ordre de les fere recepvoir par ceulx qui
+ tiennent son party en Escoce, non comme fugitifz pour garentyr
+ leurs vies, mais comme ennemys, poursuyvans une guerre contre
+ elle, et contre ses bons subjectz, a feu et a sang, et avec tant
+ de cruaulte sur ses frontieres qu'elle seroit trop indigne
+ d'avoir royaulme, ny couronne, ny tiltre de Royne, si elle le
+ comportoit;
+
+ Qu'en l'entreprinse, qu'elle avoit faicte pour y remedier, elle
+ avoit suivy l'ordre des trettez, sellon lesquelz elle avoit
+ escript et envoye messagiers expres, devers les principaulx
+ seigneurs et officiers d'Escoce, pour fere cesser les desordres
+ et avoir reparation de ceulx qui estoient desja commiz, lesquelz
+ avoient respondu qu'ilz n'y pouvoient donner ordre jusqu'a ce
+ qu'ilz auroient accommode leurs differandz; et en avoit aussi
+ adverty la Royne d'Escoce, bien qu'elle fut entre ses mains, qui
+ avoit seulement respondu qu'elle n'en pouvoit mais:
+
+ Par ainsy, qu'apres avoir satisfaict aux trettez, desquelz elle
+ scavoit bien les termes, et ne les vouloit transgresser; ains,
+ suyvant sa proclamation sur ce faicte, vouloit droictement
+ conserver la paix avec la couronne d'Escoce, et non moins bien
+ tretter les bons Escoucoys, et ceulx qui ne recoipvent ny
+ accompaignent ses rebelles a luy fere la guerre, que les propres
+ Anglois: elle avoit bien vollu aussi satisfere au debvoir qui
+ l'obligeait a la deffance, tuition et conservation de ses
+ subjectz, et qu'il n'y avoit lieu de penser qu'elle eust une plus
+ grande entreprinse que celle la en Escoce, et, si elle l'y
+ avoit, ce ne seroit a si petites forces qu'elle y entreroit.
+
+ Et de la dicte entreprinse, quant le Roy l'entendroit bien a la
+ verite, elle ne pensoit qu'il vollut condampner rien de ce qui,
+ en semblable occasion de la deffance de ses subjectz, il est tres
+ certain qu'il en feroit davantaige; et bien qu'elle n'eust a s'en
+ justiffier qu'a Dieu seul, si avoit elle bien vollu qu'il y
+ intervint tant de justice qu'elle ne peult estre raysonnablement
+ blamee de nul; et que le Roy, son bon frere, ny le Roy
+ d'Espaigne, duquel je luy avois faict mencion, ny nul aultre
+ prince du monde ne la garderoient qu'elle n'essayat toutjours
+ tout ce qu'elle verroit et trouveroit, par conseil, estre
+ expediant de fere pour la deffance de son estat, et qu'elle
+ vouloit bien dire que le debvoir obligeroit plus justement le Roy
+ de luy ayder a repoulser ses injures, que de maintenir celles que
+ injustement la Royne d'Escoce luy faisoit;
+
+ Que, quant a la liberte et restablissement de la dicte Dame,
+ encores que le dangier des choses presentes, et l'espreuve des
+ passees, et le peu de seurete qu'on pouvoit prendre de ses
+ promesses, veu ce que son ambassadeur, en parlant d'icelles a
+ Ledinthon avoit dit: _Quae in vinculis aguntur, rata non habebo,
+ et frangenti fidem fides frangatur eidem_; et nonobstant aussi
+ que la dicte Dame se fut bien fort efforcee de se declairer
+ seconde personne de ce royaulme, ce que ne luy estoit loysible de
+ fere; et que son dict ambassadeur, oultre ses aultres mauvais
+ offices, eust freschement publie trois livres en ceste matiere,
+ qui touchoient a l'estat et honneur d'elle, et de sa couronne, et
+ de ses conseillers; et qu'en toutes sortes la Royne d'Escoce
+ l'eust si mal traictee, et remue tant de choses pernitieuses en
+ son royaulme, qu'elle eust grand occasion d'estre infinyment
+ irritee contre elle, et de ne recepvoir aulcun expediant de sa
+ part:
+
+ Si, ne reffuzeroit elle toutesfoys d'ouyr et recepvoir les offres
+ et condicions qu'elle ou le Roy luy vouldroient fere, ainsy que
+ desja la dicte Dame et l'evesque de Roz luy en avoient escript,
+ et luy avoient envoye des articles asses semblables a d'aultres,
+ que cy devant l'on luy avoit presentez; et le dict evesque luy
+ avoit mande qu'il avoit a luy proposer encores quelque chose
+ davantaige, de parolle; dont seroit bientost ouy: mais cependant
+ le Roy ne debvoit trouver mauvais qu'elle poursuyvit la vengeance
+ des tortz qu'on luy avoit faictz, et neantmoins me prioit de luy
+ bailler par escript ce que je luy avois propose de sa part, affin
+ de pouvoir mieulx delliberer, et luy en fere, puys apres, plus
+ clayre responce.
+
+ Je luy respondiz seulement qu'elle debvoit prendre de bonne part
+ ceste grande franchise, dont le Roy usoit envers elle, de luy
+ ouvrir ainsy clairement son intention; et que, quant bien il ne
+ luy en eust ainsy parle, elle n'eust laysse pourtant de penser
+ qu'il estoit de son honneur et de son debvoir, non seulement de
+ le dire, mais de le fere ainsy qu'il le diroit; et que ce
+ n'estoit d'aulcune malle vollonte envers elle, ains d'une notoire
+ obligation envers la Royne d'Escoce, qu'il estoit contrainct d'en
+ user ainsy; et qu'il n'en feroit pas moins pour elle, en vertu de
+ leur commune confederation, si elle et son royaulme estoient en
+ pareille necessite, car la loy des aliences portoit de subvenir a
+ ceulx des alliez qui sont oprimez, voire contre les aultres
+ propres alliez qui les opriment;
+
+ Que le Roy, pour n'en venir la, desiroit qu'elle mesmes, par le
+ conseil de sa propre conscience, ou par celluy de son cueur qu'il
+ estimoit royal et droict, et encores par le conseil de ceulx, qui
+ plus parfaictement ayment son bien et sa grandeur, vollut adviser
+ qu'est ce que de ceste pouvre princesse, sa niepce, elle pouvoit
+ desirer davantaige, de ce qu'elle luy avoit offert; que s'il n'y
+ couroit ung manifeste dangier de sa conscience, ou de son
+ honneur, ou de sa vie, ou de la perte de son estat, il
+ s'asseuroit qu'elle l'accorderoit, et que luy, comme son
+ principal allye, non seulement le confirmeroit, mais mettroit
+ peyne de le luy faire droictement accomplyr;
+
+ Et que je luy voulois bien dire qu'apres cecy, si la detention de
+ la dicte Royne d'Escoce continuoit, et l'invasion de son pays ne
+ cessoit, que le Roy demeureroit tres justiffie envers Dieu et la
+ dicte Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, et envers toutz les
+ siens, comme aussi il s'en justiffieroit envers les aultres roys,
+ et mesmes envers les princes d'Allemaigne, qu'il n'auroit tenu a
+ luy d'obvier au mal qui pourra advenir, si ses tant raysonnables
+ offres, sur la liberte et restitution de sa belle soeur, ne sont
+ acceptees, et qu'il ne luy en debvra estre rien impute.
+
+ AULTRE INSTRUCTION A PART AU DICT SR DE SABRAN.
+
+ La peur que j'ai heu que la declaration du Roy a la Royne
+ d'Angleterre, pour les afferes de la Royne d'Escoce, mit les
+ siens en dangier, m'a tenu en suspens si je la debvois differer,
+ ou non, jusques apres estre bien asseure de la paix; mais, voyant
+ que de demeurer sans fere quelque prompte demonstration, sur ce
+ que l'armee d'Angleterre estoit entree en Escoce, diminuoit par
+ trop la reputation du Roy, et luy faisoit perdre les bons
+ serviteurs qu'il a icy et au dict pays d'Escoce, je ne l'ay
+ vollue differer; bien ay miz peyne d'user de tout l'artiffice
+ qu'il m'a este possible pour garder, qu'en aydant les afferes de
+ la dicte Royne d'Escoce, je n'aye poinct faict de dommaige a
+ ceulx du Roy; car il est sans doubte qu'ilz se portent mutuelle
+ faveur, et qu'on respecte les ungs pour l'amour des aultres en
+ ceste court.
+
+ Et n'a este sans que aulcuns principaulx seigneurs de ce
+ royaulme, et l'evesque de Roz avec eulx, n'ayent cuyde monstrer
+ un grand signe de malcontantement de ce que le secours de France
+ ne paroissoit desja en Escoce, et que je ne protestais tout
+ promptement la guerre, puysque les Anglois avoient commance
+ d'entrer en pays, et y fere toutz actes d'hostillite.
+
+ Et disoient, tout hault, qu'il falloit que le Roy cessat d'estre
+ amy ou des Angloys, ou des Escoucoys, car il ne pouvoit meintenir
+ l'amytie avecques les deux, et qu'il debvoit bien considerer que
+ si les seigneurs catholiques de ce royaulme, qui s'estoient
+ asseurez qu'il favoriseroit et secourroit les afferes de la Royne
+ d'Escoce et les leurs, quand il seroit besoing, n'eussent tenu la
+ main ferme a la paix d'entre la France et l'Angleterre, qu'il est
+ tres certain que ceulx de l'aultre party eussent fait declairer
+ ouvertement la Royne, leur Mestresse, pour ceulx de la Rochelle,
+ sur la grand instance que les princes protestans d'Allemaigne luy
+ en faisoient.
+
+ Disoit davantaige le dict evesque de Roz que, si la Royne, sa
+ Mestresse, vouloit quicter l'alliance de France, il est sans
+ doubte qu'elle et luy seroient en liberte, et toutz les afferes
+ d'Escoce se porteroient bien; et qu'il est certain que les choses
+ estoient venues au poinct ou l'on les voyoit, d'avoir les comtes
+ du North prins les armes pour la liberte et restitution d'elle,
+ et pour l'advancement de la religion catholique, par l'exortation
+ de nous deux ambassadeurs de France et d'Espaigne; et que
+ meintennant il n'aparoissoit nul secours du coste de noz
+ Maistres; ains ceulx qui, soubz leur confiance, s'estoient
+ declaires, demeuroient en proye de la Royne d'Angleterre, et
+ ceulx, qui avoient bonne intention de se declairer, restoient, a
+ ceste heure, bien fort descouraiges et intimidez.
+
+ Or, l'office, qu'ilz ont veu que j'ay despuys faict envers la
+ Royne d'Angleterre a beaucoup rabille cella, et si, a miz tant de
+ doubte au cueur de la dicte Dame et tant de contrariete entre
+ ceulx de son conseil, que, confessans les ungs et les aultres la
+ declaration du Roy estre tres raysonnable, et fondee au debvoir
+ qu'il a aulx deux Roynes de vouloir retenir l'amytie de l'une et
+ subvenir a l'extreme necessite de l'aultre, il semble que les
+ choses en viendront a quelque moderation.
+
+ Et ayant le dict evesque de Roz, par aulcuns des siens, faict
+ exorter l'ambassadeur d'Espaigne de concourre avecques moi en ung
+ semblable office, de la part de son Maistre, envers ceste Royne,
+ pour la Royne d'Escoce, il s'est excuse de le fere, disant y
+ avoir asses longtemps qu'il a devers luy une lettre a cest effect
+ de son dict Maistre pour la Royne d'Angleterre, mais qu'il n'a
+ jamais peu avoir audience d'elle, comme, a la verite, il y a dix
+ sept moys qu'il ne l'a veue, et que de luy fere venir meintennant
+ ung nouveau ambassadeur sur cest affere, puysqu'elle en a renvoye
+ deux de grande qualite, sans quasi les ouyr, qui estoient envoyez
+ pour les propres afferes de son dict Maistre, ny aussi
+ d'entreprendre de parler pour aultruy, jusques a ce qu'on se sera
+ accommode soy mesmes, le duc d'Alve estime qu'il seroit fort
+ impertinent de le fere. Neantmoins, il donne esperance du
+ contraire, ainsy que ce pourteur le dira a Leurs Majestez.
+
+
+
+
+CVIIe DEPESCHE
+
+--du XIIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Oratio d'Almarana_.)
+
+ Nouvelles de l'invasion des Anglais en Ecosse.--Prise du chateau
+ de Humes, dans lequel ils se sont etablis.--Nouvelles
+ d'Allemagne et des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ce qui est survenu de nouveau au quartier du North et d'Escoce,
+despuys le VIIIe de ce moys, que je vous ay mande, par le Sr de
+Sabran, tout ce que, jusques alors, j'en avois aprins, est que la
+Royne d'Angleterre, le jour precedant que je luy fisse instance, de
+vostre part, de ne fere entrer ses forces en Escoce, ou de les
+retirer, si elles y estoient entrees, avoit desja mande au comte de
+Sussex d'y retourner par la seconde foys, pour y fere le gast; et le
+dict comte n'avoit failly de se remettre incontinent en campaigne:
+dont, le XXVIe et XXVIIe du passe, il a marche avecques l'armee
+jusques au chasteau de Humes, lequel deliberant prendre par force, et
+l'ayant faict recognoistre et aprocher le canon, ceulx qui estoient
+dedans envyron quatre vingtz hommes, apres qu'on a heu seulement tire
+trois coups, se sont randuz, bagues saulves, le XXIXe dudict moys: et
+milord de Scrup qui, en mesmes temps, avoit marche plus avant, a este
+encores ceste foys rencontre par les fugitifz anglois, et par aulcuns
+Escoucoys qui l'ont charge, et y a heu ung asses aspre combat; mais il
+s'est retire avec la perte seulement de huict vingtz des siens, et
+sans que le dict de Sussex ny luy ayent passe a plus grand exploict.
+Apres avoir laysse deux centz Anglois dans le dict chasteau de Humes,
+ilz s'en sont retournez, le IIe de may, a Barvich, d'ou j'entendz,
+Sire, que icelluy de Sussex a incontinent depesche un gentilhomme
+devers la Royne, sa Mestresse, sur divers occasions: scavoir, sur les
+difficultez qui se presentoient plus grandes en ceste nouvelle guerre,
+qu'on ne les pensoit du commancement; sur le peu de confiance qu'elle
+doibt mettre en ces Escoucoys, qui disent estre de son party; sur
+avoir suplement de deniers, affin de complyr le nombre d'hommes que
+porte sa commission, car ceulx qui, jusques a ceste heure, sont entrez
+en Escoce, n'ont este guieres plus de cinq mil hommes et douze centz
+chevaulx en tout; et aussi, si la dicte Dame entend de fere razer le
+dict chasteau ou bien le tenir; et, au reste, a quoy elle veult que
+son armee s'employe le reste de cest este.
+
+Sur toutes lesquelles choses l'on m'a dict que, sabmedy dernier, luy a
+este seulement respondu, que la dicte Dame luy gratiffie grandement le
+bon debvoir qu'il a faict en ce voyage pour son service, et qu'elle
+est apres a donner ordre qu'il luy soit bientost envoye argent et
+toutes aultres provisions qui luy font besoing; qu'elle n'est encores
+bien resolue du chasteau de Humes qu'est ce qu'elle en fera, mais
+qu'il advise cependant de bien entretenir la garnyson qu'il y a mise;
+et qu'il ne se haste de lever plus grand nombre de gens de guerre,
+mais qu'il dispose si bien ceulx qu'il a avecques luy le long de la
+frontiere pour la garde d'icelle, qu'on n'y puisse plus retourner fere
+les courses, pilleryes et brullement, que par cydevant l'on a faict;
+et ne luy ordonne rien davantaige. Je ne scay si, cy apres, elle luy
+commandera de rentrer encores pour la troisieme foys en Escoce.
+
+Il est quelques nouvelles que milord de Herys a mande au dict de
+Sussex que ses mauvais deportemens contraindroient enfin les
+Escoucoys, a leur grand regrect, d'avoir la guerre a la Royne, sa
+Mestresse; et que s'il ne cessoit d'entreprendre en leur pays, que non
+seulement ilz se mettraient en debvoir, avec le secours des Francoys
+qu'ilz attandoient d'heure en heure, de l'aller combattre, mais aussi
+d'entrer et venir bruller plus en avant en Angleterre qu'il n'a faict
+en Escoce; et dict on que le dict de Herys et le duc de
+Chastellerault, entendans que les comtes de Mar et de Glanquerne
+s'estoient assemblez avec le comte de Morthon a Lislebourg, pour
+s'aller joindre aulx Angloys, se sont venuz loger avec bonnes forces
+sur une riviere, et leur ont empesche le passaige. J'espere que par
+ces difficultez, et par la declaration que Vostre Majeste a faicte
+fere a la Royne d'Angleterre, elle se layssera ramener a quelque
+meilleure rayson. Le comte de Lenoz, a ce que j'entendz, est demeure
+mallade a Barvich, et le sir Randolf l'y est venu trouver. Je ne scay
+encores s'ilz auront mandement de retourner a Lislebourg.
+
+La flotte des draps a heu si bon vent qu'elle peult estre meintennant
+arrivee a Hembourg, et, au retour des navyres, qui la sont alles
+conduyre, nous pourrons entendre quelque nouvelle d'Allemaigne. Cella
+m'a l'on confirme que les lettres de credit, que ceulx de la nouvelle
+religion ont obtenues icy, y ont este apportees pour etre forny de
+della, jusques a cent cinquante mil escuz, s'il est besoing, ou si les
+draps peuvent avoir bonne vante; et que cependant les premiers
+cinquante mil escuz, ottroyez despuys le mois de janvier dernier,
+seront en toutes sortes payez contant. L'on espere du premier jour la
+conclusion de l'accord sur les deniers et merchandises, qui ont este
+mutuellement arrestees icy en Flandres, et ne pensent les Anglois
+qu'il y puisse plus intervenir aulcune difficulte pour l'empescher. Il
+est vray que l'ambassadeur d'Espaigne m'a dict que les choses n'en
+sont encores si pres. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour de may 1570.
+
+
+
+
+CVIIIe DEPESCHE
+
+--du XVIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par le Magnifique Donato._)
+
+ Changement survenu dans les resolutions de la reine d'Angleterre,
+ qui hesite a poursuivre avec vigueur la guerre
+ d'Ecosse.--Espoir de l'ambassadeur qu'elle va consentir enfin
+ au retablissement de Marie Stuart.--Nouvelles d'Ecosse, de la
+ Rochelle et des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ce n'est sans une tres grande difficulte, mais non aussi sans
+beaucoup d'estime de vostre reputation, qu'il se commance a manifester
+quelque effect du bon office, que m'avez commande de fere icy pour la
+Royne d'Escoce; et ne sera encores, comme j'espere, sans quelque
+accommodement de voz afferes, s'il peult estre conduict a sa
+perfection. Il est vray, Sire, qu'il est venu en temps que le feu
+estoit le plus allume, et que la Royne d'Angleterre se sentoit
+extremement offancee, et que son armee estoit desja entree en Escoce;
+a l'occasion de quoy le dict office a trouve de l'obstacle et de
+l'empeschement davantaige a estre bien receu. Neantmoins il a este
+propose tel, et en tel facon, et sur tel rencontre que voycy, Sire, ce
+que despuys s'en est ensuyvy:
+
+Que la Royne d'Angleterre n'a poursuyvy la guerre d'Escoce de la mesme
+ardeur qu'elle l'avoit commancee, ainsy que mes precedantes vous l'ont
+tesmoigne; qu'elle est entree en ung grand doubte de son entreprinse,
+puysqu'elle vous y voyt opposant, et semble bien, que desja elle
+commance de quicter l'obstinee resolution, qu'on luy avoit faict
+prendre, d'en venir a boult par la force, pour dorsenavant s'y
+conduyre par ung plus modere expediant; que les seigneurs de son
+conseil en sont entrez en une grande contention et en manifeste
+contradiction entre eulx; que ceulx du bon party ont reprins cueur,
+qui est d'aultant diminue aulx autres; finalement, que la dicte Dame
+monstre de vouloir meintennant beaulcoup plus entendre a la
+restitution qu'a la ruyne de la Royne d'Escoce; et en sont les choses
+si avant qu'elles doibvent estre debattues a plain fondz, et
+determinees, a Amthoncourt, mercredy prochain, que le conseil y sera
+pour cest effect assemble, et monstrent les malveuillans de reffouyr
+asses la lice, dont les amys se disposent, de tant plus gaillardement,
+a bien deffandre la cause qu'ilz voyent, Sire, que avez desja commance
+de la prendre a cueur, et qu'ilz ont grand confiance que vous la
+favoriserez de mesmes en tout ce qu'elle aura besoing, cy apres,
+d'estre aydee de parolle, ou des demonstrations, ou des bons effectz
+de Vostre Majeste: car sans cella ilz despereroient non seulement de
+vaincre, mais de pouvoir soubstenir les effortz et l'impetuosite des
+aultres.
+
+Je ne scay encores, Sire, que me promettre, ny que vous debvoir fere
+esperer de l'yssue de ce conseil, veu l'instabilite que j'ay veue et
+souvant esprouvee de ceulx qui en sont, et veu les artiffices de ceulx
+qui plus possedent ceste princesse; lesquelz luy ont desja forme mil
+prejudices dans son esprit contre la Royne d'Escoce. Neantmoins, de
+tant qu'on m'a adverty asses en general, et sans grande
+expeciffication, qu'elle veult, en toutes sortes, prandre expediant
+avecques sa cousine, et veoir comme elle pourra tretter seurement
+avec elle des poinctz qui s'ensuyvent: scavoir; du tiltre de ceste
+couronne, d'une ligue et de la religion; je vous suplie tres
+humblement, Sire, me commander comme j'auray a me conduyre sur toutz
+les trois; s'il convient que j'y intervienne au nom de Vostre Majeste;
+et aussi comme, et en quelz termes il vous plairra que, au cas que on
+veuille interrompre ou prolonger la matiere, je poursuyve l'instance,
+que j'ay desja commancee, pour luy donner l'accomplyment que convient
+a l'honneur de la parolle et declaration de Vostre Majeste.
+
+J'entendz que le lair de Granges, cappitaine du chasteau de
+Lislebourg, a este essaye, par argent et par grandz promesses, de
+vouloir prendre le party de la Royne d'Angleterre, mais il a fermement
+respondu qu'il sera fidelle jusques a la mort a sa Mestresse; et dict
+on que, despuys que l'armee d'Angleterre a heu faict les deux courses
+dans l'Escoce, le comte de Morthon et ses adherans ont este proclames
+traystres, et rebelles, et autheurs d'avoir introduict les ennemys
+dans leur pays.
+
+Barnabe est revenu despuys trois jours de la Rochelle, lequel monstre,
+par ses propos, qu'il a este jusques au camp des princes. Il confirme
+bien fort que la paix se fera, et que Mr l'Admyral la desire; de quoy
+aulcuns icy mal affectionnez monstrent n'en estre guieres contantz.
+Ung des gens du prince d'Orange, apres avoir toutz ces jours faict de
+grandes sollicitations en ceste court, se prepare de partir pour
+Allemaigne. Je ne scay encores avec quelles expeditions il y va. L'on
+dict, touchant les differans des Pays Bas, qu'il y a desja des
+articles accordez sur le faict des deniers et merchandises, et que
+bientost doibvent venir des commissaires flamans par deca, pour
+conclurre le tout. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIe jour de may 1570.
+
+ En fermant la presente l'on m'est venu advertyr que l'abbe de
+ Domfermelin est arrive, je ne scay si cella traversera ce qui est
+ bien commance pour la Royne d'Escoce.
+
+
+
+
+CIXe DEPESCHE
+
+--du XXIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Le Tourne._)
+
+ Propositions faites a l'eveque de Ross par le conseil
+ d'Angleterre pour la restitution de Marie Stuart.--Declaration
+ de l'eveque sur les conditions qui lui sont offertes.--Mission
+ de l'abbe de Dunfermline en Angleterre.--Nouvelles
+ d'Ecosse.--Doutes sur la conclusion de la paix en France;
+ continuation des emprunts pour la Rochelle.--Etat de la
+ negociation dans les Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le jour que le conseil de la Royne d'Angleterre a este assemble
+pour delliberer, devant elle, s'il estoit expediant ou non qu'elle
+entendit a la liberte et restitution de la Royne d'Escoce, de tant que
+desja la dicte Dame estoit aulcunement bien disposee d'y entendre, les
+malveuillans n'ont peu empescher que la conclusion ne soit venue a ce
+que l'evesque de Roz seroit incontinent mande pour adviser, avec luy,
+comment et a quelles conditions il s'y pourroit moyenner ung bon
+accommodement, qui peult estre a l'honneur et a la seurte de la Royne
+d'Angleterre, et au commun repoz des deux royaulmes. Sur quoy, estant
+le dict sieur evesque appelle, l'on luy a propose les trois poinctz;
+desquelz, en mes precedantes du XVIIe de ce moys, je vous ay faict
+mencion: du tiltre de ce royaulme, d'une ligue et de l'establissement
+de la nouvelle religion; et y a este adjouxte celluy que je vous avois
+auparavant mande, de rendre les rebelles; et encores ung cinquiesme,
+d'abstenir de tout exploict de guerre entre les deux pays pendant que
+aulcuns depputez d'Escoce pourront venir par deca pour tretter de ces
+choses. Mais ce en quoy l'on a le plus inciste au dict sieur evesque a
+este des pleiges et seurtez que sa Mestresse pourra bailler pour
+l'accomplissement de ce qu'elle promettra; et si elle sera poinct
+contante de mettre son filz et aucuns principaux personnaiges
+d'Escoce, comme le duc de Chastellerault, ou ses enfans, ou bien
+d'aultres seigneurs, et quelques forteresses ez mains de la Royne
+d'Angleterre; et aussi si vous, Sire, vouldrez poinct donner parolle
+et bailler ostaiges pour l'entretennement du trette qui s'en fera,
+parce que principallement la dicte Dame desire que vous y soyez
+comprins, affin de s'asseurer de la paix avec Vostre Majeste.
+
+Le dict sieur evesque leur a respondu, en general et bien fort
+saigement sellon sa coustume, qu'ilz debvoient demeurer tres fermement
+et bien persuadez de l'affection et intention de la Royne, sa
+Mestresse, qu'elle n'en a nulle plus grande, ny plus certaine dans son
+cueur, que de donner a la Royne d'Angleterre, et a toute la noblesse
+de son royaulme, le plus grand contantement d'elle et la plus grande
+satisfaction sur ses afferes qu'il luy sera possible, et qu'ilz ne
+veuillent aulcunement doubter qu'elle ne condescende tres
+liberallement a tout ce que la dicte Royne, sa bonne soeur, et eulx
+estimeront estre honneste et raysonnable de luy demander; et, quant
+aulx particullaritez, qu'ilz venoient de luy desduyre, de tant que les
+unes estoient en la puyssance de sa dicte Mestresse et les aultres
+non, et que aulcunes sembloient estre asses aysees, les aultres tres
+difficiles, il les requeroit, en premier lieu, de luy ottroyer sa
+liberte, et, apres la liberte, d'en aller conferer avec sa dicte
+Mestresse, et puys, permission a elle d'envoyer devers les Estatz de
+son royaulme, affin de leur communiquer et leur fere bien recepvoir le
+tout, sans lesquelz rien ne pouvoit estre bien legitimement arreste la
+dessus.
+
+Voila, Sire, l'ouverture qui a este desja faicte en cest affere, sur
+lequel en celle partie qui deppend de Vostre Majeste, et toutes en
+doibvent asses dependre, il vous plairra me commander comment j'auray
+a m'y conduyre, ayant cependant propose d'ayder, en tout ce qu'il me
+sera possible, l'advancement de la matiere, et vous advertyr souvent
+de ce qui, jour par jour, s'y fera, et puys sur la conclusion d'icelle
+suyvre, le plus pres que je pourray, ce que Vostre Majeste m'aura
+mande estre de son intention, et convenable a l'honneur de sa couronne
+et utilite de son service. Le dict sieur evesque, ouy l'abbe de
+Domfermelin, a este appelle, mais je ne scay encores ce qu'il a
+propose, ny ce qu'il pourra avoir obtenu, seulement l'on m'a dict
+qu'il a fort inciste d'avoir de l'argent. Or, Sire, j'ay sceu
+d'ailleurs que sur ce que les comtes de Morthon, de Mar et de
+Glancarve, ont mande au comte de Sussex, qu'il leur vollut promptement
+envoyer ung nombre de gens de guerre, affin de conserver l'authorite
+du jeune Roy, premier que tout le pays se fut remiz a l'obeyssance de
+la Royne d'Escoce, sa mere, parce que le duc de Chastellerault, pour
+y trouver moins de difficulte, s'efforceoyt de fere publier que toutes
+choses eussent a s'administrer dorsenavant au nom et par l'authorite
+d'elle, durant la minorite de son filz, il a este mande au dict de
+Sussex qu'il ayt a leur envoyer, tout incontinent, deux mille des
+meilleurs et mieulx choysiz soldatz de l'armee, soubz la conduicte du
+capitaine Drury, mareschal de Barvich; non que sur ceste delliberation
+n'y ayt heu beaucoup de debat dans ce conseil, mais enfin il a este
+resolu que ce ne seroit violler ny enfraindre la paix aulx Escoucoys
+que d'envoyer du secours a leur Roy, et qu'il falloit ainsy tenir les
+choses divisees de della jusques a ce qu'elles seroient composees,
+icy, avec la Royne d'Escoce.
+
+J'estime, Sire, que cest affere marchera de mesmes que la paix de
+vostre royaulme, car si l'on vous voyt demesle de la guerre de voz
+subjectz, ne fault doubter qu'on ne condescende plus ayseement icy
+aulx choses justes et raysonnables que vous vouldrez demander; mais il
+semble qu'ilz tiennent pour asses doubteuse la conclusion de la dicte
+paix, a cause d'ung discours qui a este envoye de la Rochelle sur la
+negociation de Mr de Biron avec Messieurs les Princes; et n'ont ceulx
+de la nouvelle religion, pour le propos de la dicte paix, laysse de se
+pourvoir du plus de credit de deniers en Allemaigne qu'ilz ont peu; et
+desja y ont envoye les lettres, ny ne cessent d'y entretenir leurs
+pratiques aussi vifves comme si la guerre se debvoit encores
+longuement continuer.
+
+Ceste princesse trouve asses de difficulte a lever l'emprunct de trois
+mil prives scelz qu'elle a naguieres imposez, et n'entreprend d'user
+de grand contraincte en l'exaction d'iceulx, de peur de quelque
+nouvelle eslevation. L'on attand l'arrivee de deux commissaires, des
+quatre qui estoient allez en Flandres, lesquelz viennent pour tretter
+d'aulcuns particulliers faicts qu'on leur a miz en avant, pour en
+scavoir l'intention de leur Mestresse. Ung chacun espere qu'ilz
+s'accommoderont quant aulx deniers et merchandises arrestees, mais que
+neantmoins le libre commerce d'entre les deux pays demeurera encores
+en suspend a cause de certaines difficultez de la religion et de la
+jurisdiction, dont ne se peuvent bien accorder. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIIe jour de may 1570.
+
+
+
+
+CXe DEPESCHE
+
+--du XXVIIe jour de may 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Bordillon._)
+
+ Discussions dans le conseil d'Angleterre.--Resolution qui a ete
+ prise d'eviter la guerre avec la France.--Mise en liberte de
+ l'eveque de Ross.--Audience.--Communication donnee a Elisabeth
+ de l'etat des negociations sur la paix en France.--Vive
+ insistance de l'ambassadeur pour obtenir que les Anglais se
+ retirent d'Ecosse, et que Marie Stuart soit rendue a la
+ liberte.--Necessite ou se trouve le roi de prendre les armes
+ pour defendre les Ecossais.--Explication donnee par Elisabeth
+ des motifs qui ont du la forcer a envahir l'Ecosse.--Resolution
+ du conseil.--_Accord touchant l'Ecosse._ Traite conclu, sauf la
+ ratification du roi, entre l'ambassadeur et la reine
+ d'Angleterre, contenant les conditions sous lesquelles la reine
+ consent a retirer son armee d'Ecosse, et a negocier la
+ restitution de Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, despuys la declaration que Vostre Majeste m'a commande de fere a
+la Royne d'Angleterre touchant la Royne d'Escoce et son royaulme, je
+n'ay cesse de la presser bien fort qu'elle y vollut prendre ung
+present expediant, et voyant que desja je l'y trouvois ung peu
+disposee, j'ay instantment sollicite les amys de ne laysser refroydir
+la matiere; lesquels ont tant faict que, nonobstant l'audacieuse
+opposition des adversayres, dont les ungs ne se sont peu tenir d'user
+de parolles insolentes, et les aultres se sont expressement absentez
+pour y cuyder mettre du retardement, le conseil a este tenu la dessus;
+auquel, entre aultres choses, j'entendz qu'il a este resolu, par
+l'opinion de la dicte Dame, plus que par celle de nul des siens, qu'il
+falloit en toutes sortes eviter d'avoir la guerre avec Vostre Majeste;
+et qu'ayant bien cogneu par mes propos qu'indubitablement l'on y
+viendroit, et que mesmes les Francoys seroient bientost en Escoce, si
+son armee passoit plus avant en pays, et s'il n'estoit bientost prins
+quelque expediant sur les afferes de la Royne d'Escoce, qu'elle
+vouloit que, tout presentement, l'on y advisat.
+
+Sur quoy, ceulx qui nous sont contraires n'ont failly de luy
+remonstrer que, pour estre le propos de la paix de vostre royaulme
+plus pres d'estre rompu que conclud, vous n'aviez garde d'envoyer
+meintennant en Escoce les gens qui feroient bien besoing a vostre
+propre defance; et que, si vous entrepreniez d'y en envoyer, ainsi que
+je le donnois entendre, qu'il failloit qu'elle fit sortir ses navyres,
+qui sont toutz pretz, en mer, pour vous empescher, et qu'ilz ne voyent
+qu'il y eust encores nulle occasion qui la deubt divertyr de la
+premiere delliberation.
+
+Les amys, au contraire, prenans fondement sur ce qu'il falloit evitter
+d'avoir la guerre avec Vostre Majeste, ont asseure, par la
+cognoissance qu'ilz ont des choses de France, que les Francoys ne
+fauldroient d'entrer en Escoce, si vous entendiez, Sire, que les
+Anglois y prinsent pied; et que, de jetter leurs navyres dehors, il
+fauldroit, s'ilz rencontroient la flotte francoyse, qu'ilz la
+combatissent, et que la guerre se commenceroit trop plus ouvertement
+en ceste sorte contre la France, que quant les Francoys seroient
+descendu en Escoce, lesquelz ne seroient lors prins que pour
+auxiliaires: mais que le meilleur estoit qu'elle commencat de tretter
+avec l'evesque de Roz et avec moy de quelque bon accommodement la
+dessus.
+
+Laquelle opinion ayant prevalu, l'evesque de Roz a este, le deuxiesme
+jour apres, appelle, avec lequel ceulx de ce conseil ont entame les
+choses que je vous ay escriptes le XXIIe de ce moys; et despuys, sa
+liberte luy a este ottroyee: bien que la dicte Dame ne luy a encores
+permiz de parler a elle. Et par mesme moyen elle avoit advise que je
+serois mande, mais les adversaires l'en divertirent, sur quelque
+poinct de reputation, qu'ilz lui representoient, qu'il valloit mieux
+attandre l'ocasion que je y vinse de moy mesmes; et luy celebrerent
+cependant bien fort la ropture de la paix, et mesmes firent que, sur
+la confirmation de ce que Mr Norrys en avoit escript, Mr le cardinal
+de Chatillon fut convye en court, qui disna avec la dicte Dame; mais
+le lendemain je vins devers elle, et ne volluz, pour aulcuns respectz,
+lui monstrer les articles que Vostre Majeste m'avoit envoyez des
+dernieres offres faictes aulx depputez, mais pour luy oster l'opinion
+que le propos de la dicte paix fut rompu, et pour remedier les choses
+qui pressoient en Escoce, je luy diz que, vous ayant la Royne de
+Navarre et les Princes, ses filz et nepveu, faict fere des
+supplications et requestes plus amples que ne portoient les premiers
+articles que leur aviez accordez, et ayant Vostre Majeste miz en
+consideration les infinys maulx que vostre royaulme, despuys dix ans,
+a quasi continuellement souffertz par les horribles guerres, que ces
+troubles ont produicts; que, pour obvier a plus grandz inconvenians,
+vous aviez bien vollu condescendre a la pluspart de leurs dictes
+requestes, et me commandiez de luy dire que vous vous estiez de tant
+plus eslargy envers eulx, que vous vouliez qu'il aparust au monde, et
+nommeement a la dicte Dame, comme aussi Dieu vous estoit tesmoing, que
+vous n'aviez nulle chose plus a cueur que de reunyr toutz voz subjectz
+en bonne amytie, et esgallement trestoutz les conserver; et qu'en ce
+que leur aviez ottroye de nouveau y avoit tant de quoy se contanter
+pour l'exercisse de leur religion, pour l'accommodement de leurs
+afferes, et pour la seurete de leurs personnes, sans aparance aulcune
+de deffiance a jamais, que vous ne pensiez qu'ilz se peussent tant
+oublyer qu'aussitost que messieurs de Biron et de Malassize le leur
+auront faict entendre, qu'ilz ne l'acceptent; qui sont deux de vostre
+conseil que Vostre Majeste a renvoye devers eulx pour en scavoir la
+resolution; et que faisant, de rechef, ung bien expres office de
+mercyement envers elle pour la bonne affection qu'elle a monstre avoir
+a la paciffication de vostre royaulme, je la requisse, de vostre part,
+de deux choses, lesquelles elle estoit tenue de vous accorder: la
+premiere, que, si par ces grandes et plus que raysonnables offres, il
+advenoyt qu'il ne fut besoing que Vostre Majeste lui donnast la peyne
+de se travailler a les leur fere recepvoir, ains que d'eulx mesmes ilz
+se disposent d'humblement les accepter, qu'il luy playse neantmoins
+vous garder bien entiere ceste sienne bonne vollonte, laquelle, ou
+soit que vous ayez la paix, ou qu'il vous faille continuer la guerre,
+vous l'estimerez tres utille, ainsy que l'avez toutjour estimee tres
+honnorable pour vous; la seconde, que, s'ilz estoient si obstinez
+qu'ilz ne s'en vollussent aulcunement contanter, ains vollussent
+perseverer en leur viollente entreprinse, qu'elle veuille ainsy juger
+d'eulx comme de gens qui aspirent, et neantmoins sont bien loing
+d'abattre l'authorite de leur Roy et prince naturel; et qu'elle les
+veuille tout aussitost declairer non seulement indignes de sa faveur
+et protection, mais tres dignes qu'ilz soyent poursuyviz et reprimez
+par les justes armes et d'elle et de toutz les honnorables princes qui
+vivent aujourd'huy au monde.
+
+La dicte Dame, d'ung visaige fort joyeulx et contant, apres plusieurs
+mercyemens de la privee communication, que luy faisiez de voz afferes,
+m'a dict que les choses, a ce qu'elle voyoit, estoient en meilleurs
+termes qu'on ne le luy avoit dict, et qu'elle desiroit toutjour que la
+fin s'en ensuyvyst sellon le bien et repos de vostre royaulme; et
+qu'elle pensoit bien qu'il pouvoit y avoir des considerations que,
+possible, Vostre Majeste estimoit toucher et a sa reputation, et au
+debvoir de ses subjectz, qu'ilz acceptassent d'eulx mesmes vos offres,
+sans y estre induictz par la persuasion de nul autre prince, ce
+qu'elle sera tres ayse qu'il puisse ainsy advenir; mais si,
+d'advanture, il y intervient aulcune difficulte, qu'elle vous
+reservera toutjour ceste vollonte et affection qu'elle vous a offerte
+pour s'y employer a toutes les heures, que vous cognoistrez qu'il en
+sera besoing, avec aultant de desir de vous y conserver les
+avantaiges, qui vous sont deuz, comme si elle avoit l'honneur que vous
+fussiez son propre filz.
+
+Sur lequel propos je l'ay layssee asses discourir, et estant peu a peu
+venue d'elle mesmes a parler de la bonne affection que vous monstrez
+luy porter, j'ay suyvy a luy dire que c'est ce qui vous faisoit plus
+de mal au cueur, qu'estant vostre delliberation de perseverer
+constantment en son amytie, vous ne pouviez toutesfoys estre jamais
+bien ouy d'elle sur les afferes de la Royne d'Escoce, et que vous
+vouliez bien dire que c'estoit, par grand force et a vostre tres grand
+regrect, que vous estiez contrainct d'avoir la dessus differant avec
+elle, et que vous estiez hors de toute coulpe de l'alteration qui en
+pourroit venir entre vous, et des maulx qui s'en pourroient ensuyvre
+au monde; qu'ayant Vostre Majeste, despuys l'aultre foys que j'avois
+parle a la dicte Dame, entendu ce qui avoit succede en Escoce, vous me
+commandiez de luy dire que, desormais, vous aviez, de vostre part,
+satisfaict a toutz les debvoirs et paysibles offices, en quoy vous
+pouviez estre oblige envers son amytie; d'avoir premierement exorte la
+Royne d'Escoce de luy donner tout le contantement d'elle et toute la
+satisfaction sur ses afferes, et luy reparer, a son pouvoir, toutes
+les afferes qu'elle luy pourroit redemander; et puys a elle, de
+vouloir condescendre a telles raysonnables condicions envers la dicte
+Dame, pour sa liberte et restitution, comme elle mesmes pourroit juger
+estre honorables, advantaigeuses et bien seures pour elle et pour sa
+couronne, non toutesfoys esloignees de l'honnestete et moderation qui
+doibt estre gardee entre telles princesses, avec offre que vous les
+feriez accomplyr; dont estimiez que, non seulement il vous estoit
+meintennant faict tort d'estre rejette et reffuze la dessus, mais
+encores grand injure, de ce que, sans respect de voz offres et
+remonstrances, elle avoit commence de proceder par la force, de fere
+le gast, de brusler, de raser les maysons des gentishommes et use de
+toutes voyes d'hostillite dans l'Escoce; que pourtant, oultre ce que
+je luy avois dict, par voz lettres du XIIe d'avril, je n'obliasse
+rien de ce que je verroys par voz presentes, du IIIIe de may, estre
+de vostre intention de prier et exorter la dicte Dame qu'au nom de
+vostre commune amytie, et de la paix, alliance et confederation
+d'entre Voz Majestez et vos couronnes, elle vollust retirer ses forces
+hors du dict pays et n'en y plus envoyer; et que je vous resolusse
+promptement de ce qu'en aurez a esperer, et en quelle vollonte je
+pouvois cognoistre qu'elle estoit meintennant envers la liberte et
+restitution de la Royne d'Escoce, parce que, allantz ses afferes de
+mal en piz, vous commandez de cognoistre qu'il vous falloit desormais
+prendre les dilays, dont l'on luy usoit, pour manifestes reffuz; et
+que vous me tanciez bien fort de quoy je vous avois longuement
+entretenu sur les bonnes parolles de la dicte Dame; et qu'en lieu de
+la moderation que je vous avois promiz d'elle envers la Royne
+d'Escoce, vous voyez qu'il n'avoit succede qu'ung grand commancement
+de guerre; que meintennant elle me mettoit encores en une plus grand
+peyne commant vous pouvoir satisfaire sur ce que, de nouveau, j'avois
+entendu qu'elle avoit envoye deux mille harquebouziers au comte de
+Morthon jusques a Lislebourg; en quoy je la prioys de considerer que,
+puysqu'elle avoit ainsy baille son secours aulx ennemys de la Royne
+d'Escoce, avec lesquelz elle n'a nulle confederation, que vous
+estimeriez vous estre beaucoup plus loysible de bailler le vostre aulx
+amys de la dicte Dame, laquelle vous estoit tres estroictement alyee;
+et que je ne scavois si desja il y avoit des compaignies embarquees,
+et que pourtant je luy voulois bien fere, de rechef, la mesmes
+instance que dessus de vouloir retirer ses dictes forces affin de ne
+vous contraindre d'user de plus grandz, extraordinaires et violantz
+remedes, que vous ne vouliez essayer en choses qu'ussiez jamais a
+demeller avec elle.
+
+La dicte Dame, se trouvant en grand perplexite de ce propos, m'a
+respondu que, despuys ma precedante audience, elle avoit toutjour
+estime que son armee seroit retiree a Barvyc, et me pouvoit jurer que
+de ceste segonde entreprinse il n'y avoit que vingt quatre heures
+qu'elle en avoit receu l'advis par le comte de Sussex; qui luy mandoit
+qu'il avoit este contrainct d'en user ainsy, parce que le duc de
+Chastellerault avoit retire les rebelles d'Angleterre, et les avoit
+introduictz au propre conseil d'Escoce, et ne luy avoit jamais vollu
+fere aulcune bonne responce, ou de les randre, ou de les habandonner;
+et que pourtant vous, Sire, ne debviez trouver mauvais qu'elle
+poursuyvit par della une entreprinse qui touchoit tant a son honneur.
+
+Je luy ay toutjour grandement inciste de retirer ses dictes forces, et
+qu'au reste elle poursuyvyst la reddition de ses dicts rebelles par
+une aultre meilleure sorte de quelque honneste traicte avec la dicte
+Royne d'Escoce; sur quoy elle m'a bien dict beaucoup de bonnes
+parolles, mais non qu'elle ne l'ayt ainsy lors vollu accorder: de quoy
+estant sur l'heure entre en conference avec les seigneurs de son
+conseil, avec remonstrance des inconvenians qui s'en pourroit
+eusuyvre, j'ay este, le jour apres, contremande de la dicte Dame pour
+me trouver de rechef avec eulx; avec lesquelz j'ay enfin arreste les
+choses que Vostre Majeste verra par ung memoire a part, lesquelles
+m'ont este apres confirmees par la dicte Dame; et Vostre Majeste
+aussi, s'il luy playt, les confirmera: et je mettray peyne qu'il en
+sorte quelque bon effect, bien que j'entendz, Sire, que, nonobstant
+cella, la dicte Dame a ordonne sortir promptement six de ses grandz
+navyres, avec douze centz hommes dessus, pour garder la mer; par ce, a
+mon adviz, que son ambassadeur l'a certainement advertye qu'il y a des
+gens toutz prestz en Bretaigne pour passer en Escoce; et elle
+vouldroit bien que ceste demonstration les retint. Sur ce, etc. Ce
+XXVIIe jour de may 1570.
+
+ CERTEIN ACCORD FAICT AVEC LA ROYNE D'ANGLETERRE et avec les
+ seigneurs de son conseille touchant les choses d'Escoce, du dict
+ jour.
+
+ L'ambassadeur de France a dict a la Royne d'Angleterre que le
+ Roy, son Maistre, la prie et l'exorte, au nom de leur commune
+ amytie et de la bonne paix, alliance et confederation, qui est
+ entre eulx et leurs couronnes, qu'elle veuille retirer ses forces
+ hors d'Escoce, et n'en y envoyer plus d'aultres; et que le Roy,
+ son dict Maistre, luy commande de le resouldre promptement en
+ quoy il en doibt demourer, et en quoy il doibt demeurer de
+ l'intention qu'il peult cognoistre qu'a meintennant la dicte
+ Royne d'Angleterre vers la liberte et restitution de la Royne
+ d'Escoce, parce que, voyant aller les afferes de la dicte Dame
+ toujours de mal en piz, il commance desormais de prendre les
+ dilays, qu'on use vers elle, pour manifestes reffuz;
+
+ Et que nul ne doibt trouver estrange, s'il prend ainsy a cueur
+ ceste matiere; car il y va, d'ung coste, de la conservation de
+ l'amytie de la dicte Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, qui est
+ une chose qu'il estime estre de grande consequence pour luy et
+ d'une grande importance pour son royaulme; et, de l'aultre, de la
+ protection et deffance de la Royne d'Escoce, sa belle soeur, de
+ laquelle il n'y a celluy qui ne voye combien il touche a sa
+ reputation et a l'honneur de sa couronne, et combien il est
+ abstraint par grandes obligations de nullement l'abandonner.
+
+ Sur quoy la dicte Royne d'Angleterre, ayant faict aucunes
+ responces sur l'heure au dict ambassadeur, elle luy a, le jour
+ d'apres, faict dire par les seigneurs de son conseil, et encores
+ despuys elle mesmes le luy a confirme de sa parolle, que, pour
+ satisfere au desir du Roy, son bon frere, elle trouve bon qu'il
+ soit envoye ung gentilhomme de qualite devers le duc de
+ Chastellerault et devers ces aultres seigneurs Escoucoys, qui
+ tiennent le party de la Royne d'Escoce, pour leur dire que, s'ilz
+ veulent rendre les fugitifz d'Angleterre ou bien les habandonner,
+ ou bien les retenir pour en rendre tel compte, comme sera porte
+ par le trette qui se fera entre elle et la Royne d'Escoce,
+ qu'elle est contante de retirer toutes ses forces hors du dict
+ pays d'Escoce;
+
+ Et, en ce que le dict duc de Chastellerault et les siens, et
+ pareillement le comte de Morthon et ceulx de son party, se
+ desarmeront d'ung coste et d'aultre, et que toute hostillite
+ cessera dans le dict pays et entre les deux royaulmes
+ d'Angleterre et d'Escoce;
+
+ A la charge aussi que, si le Roy, avant que ces choses soient
+ acomplyes, avoit de sa part desja envoye ou faict passer de ses
+ forces en Escoce, la dicte Dame ne veult estre tenue d'observer
+ ce dessus, sinon que le dict Roy Tres Chrestien les vollut
+ revoquer, auquel cas elle revoquera pareillement les siens;
+
+ Et que Mr l'evesque de Roz nommera a Me Cecille le gentilhomme
+ que la Royne, sa Mestresse, vouldra, pour cest effect, envoyer en
+ Escoce, affin de luy bailler saufconduict, et en donner adviz a
+ Mr le comte de Sussex, devers lequel il passera, et auquel sieur
+ comte la dicte Royne d'Angleterre mandera d'acomplyr ceste sienne
+ intention, aussitost qu'il aura sceu celle du susdict duc de
+ Chastellerault;
+
+ Et que, par le dict ambassadeur de France et par l'evesque de
+ Roz, seront baillees au gentilhomme qui yra en Escoce leurs
+ lettres, servans a l'accomplissement de cest affere.
+
+ Et, quant a la liberte et restitution de la dicte Royne d'Escoce,
+ la dicte Royne d'Angleterre promect que, aussitost qu'elle aura
+ receu la responce, que la dicte Royne d'Escoce luy vouldra fere
+ sur les choses, qui naguieres ont ete trettees par son
+ ambassadeur, l'evesque de Roz, avec les seigneurs de ce conseil,
+ qu'elle y procedera avec tant de dilligence qu'elle veult bien
+ que le Roy Tres Chrestien, son bon frere, demeure juge que plus
+ dilligentment il n'y pourroit estre procede; et ainsy l'a elle
+ confirme et asseure au dict sieur ambassadeur, en parolle de
+ Royne et de princesse chrestienne pleyne de foy et de toute
+ verite;
+
+ Que, suyvant les choses susdictes le dict ambassadeur escripra au
+ Roy, son Seigneur, de ne vouloir envoyer de ses forces en Escoce,
+ ou, s'il y en avoit desja envoye quelques unes, qu'il les veuille
+ tout incontinent revoquer.
+
+
+
+
+CXIe DEPESCHE
+
+--du Ier jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._)
+
+ Efforts de l'abbe de Dunfermline pour arreter l'execution du
+ traite conclu.--Nouvelles d'Ecosse.--Armemens faits en
+ Angleterre.--Execution des Northon a Londres.--Espoir que le
+ duc de Norfolk sera bientot rendu a la liberte.--Nouvelles de
+ la Rochelle et des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ceulx qui sont promptz de nuyre toutjour a la Royne d'Escoce,
+voyantz que la negociation que je faisois pour elle commancoyt de
+succeder, se sont esforcez d'introduyre l'abbe de Domfermelin pour m'y
+donner empeschement; lequel, n'ayant aporte qu'une simple lettre a la
+Royne d'Angleterre pour creance, ni pour toute aultre sienne
+instruction qu'ung seul blanc de ceulx qui l'ont envoye, affin d'estre
+remply icy par l'adviz de deux de ce conseil, il a vifvement inciste a
+la dicte Dame, que, suyvant sa vertueuse delliberation et ses
+promesses, elle vollut recepvoir le jeune Roy d'Escoce en sa
+protection et le deffandre de la main meurtriere, qui naguieres a
+faict mourir le pere, et bientost apres l'oncle; et que meintennant
+elle veuille, par son authorite ou par ses forces, fere aprouver les
+decrectz qui, durant le gouvernement du dict oncle, ont este faictz,
+tant en faveur du dict jeune Roy que pour l'establissement de la
+nouvelle religion en son royaulme; et qu'a cest effect elle envoye
+reprimer les Amilthons, lesquels s'esforcent d'infirmer deux si bonnes
+causes, et sont proprement ceulx qui ont receu ses rebelles; et qu'au
+contraire elle haste son secours a ceulx qui soubstiennent l'une et
+l'aultre, qui n'ont onques consenty de les recepvoir; et que beaucoup
+d'honneur et de reputation a elle, grande seurete a son estat et
+couronne, perpetuel establissement en la religion par toute ceste
+isle, et ung tres grand proffict et accommodement en toutz ses afferes
+s'en ensuyvra, sans que, en l'execution d'une si glorieuse et utille
+entreprinse, il s'y voye aulcun dangier, et bien fort peu de
+difficulte. Nonobstant lesquelz artiffices, la dicte Dame n'a laysse
+de fere confirmer, par le marquis de Norampton et par le comte de
+Lestre, a l'evesque de Roz, les mesmes choses qu'elle m'avoit
+accordees et qui estoient arrestees entre nous; dont sommes apres a
+les effectuer. Et cependant est arrivee la responce de la Royne
+d'Escoce, sur les ouvertures que ceulx de ce conseil avoient naguieres
+faictes au dict evesque, lequel a demande la dessus audience de la
+dicte Royne d'Angleterre, qui ne la luy a reffuzee; et aussitost que
+j'auray entendu ce qu'y sera trette, je ne fauldray d'en donner adviz
+a Vostre Majeste.
+
+J'entendz que les Anglois, qu'on a envoyez au comte de Morthon, sont
+arrivez a Lislebourg sans aulcun rencontre et qu'ilz se tiennent la
+sans fere grandz actes d'hostillite, et que le chasteau de Lislebourg
+ne respond rien a la ville, seulement les lairs de Granges et
+Ledinthon se tiennent dedans avec quelques aultres Escoucoys, qu'ilz y
+ont miz de renfort; que le duc de Chastellerault est a Glasco, avec
+bonne troupe des siens, lequel soubstient fermement l'authorite de la
+Royne, sa Mestresse; et que les comtes d'Arguil et d'Honteley s'en
+sont retournez pour s'establyr de mesmes en leurs quartiers. Quant a
+l'aprest des six navyres de ceste Royne, il se continue, et de deux
+davantaige, qui sont huict en tout des plus grandz, pour les fere
+sortir en mer du premier jour avec deux mil hommes, si ne trouvons
+moyen de les arrester; mais j'y feray tout ce qu'il me sera possible.
+
+Vendredy dernier estantz trois gentishommes de bonne qualite du North,
+qui s'apelloient les Northons, condampnez a mort comme coulpables de
+la derniere ellevation, ainsy qu'on les tiroit de la Tour pour les
+mener au suplice, le secretaire Cecille survint en dilligence, qui fyt
+surceoyr l'execution, et parla a eux, et estime l'on qu'il esperoit
+trouver en leur derniere deposition quelque veriffication contre la
+Royne d'Escoce, et contre le duc de Norfolc, mais ilz n'ont rien dict:
+et le lendemain les deux ont este executez. Il semble qu'il se
+commance d'ouvrir des expedians pour la liberte du dict duc, auquel
+trois de ce conseil sont desja ordonnez pour aller apres demain parler
+a luy; et son filz aysne, le comte de Sureth, est arrive despuys huict
+jours, qui est venu trouver le comte d'Arondel son grand pere
+maternel. Quelcun a bien ose entreprendre d'aposer sur la porte de
+l'evesque de Londres une bulle du Pape[6] contre la Royne
+d'Angleterre, mais on l'a incontinent ostee, et faict on grand
+dilligence de descouvrir d'ou elle est venue; mais pour donner
+entendre au peuple que c'est quelque aultre chose, l'on a imprime un
+aultre placart.
+
+ [6] Cette bulle, en date du 25 fevrier 1570, declarait Elisabeth
+ heretique et schismatique, et relevait ses sujets du serment
+ d'obeissance. La publication qui en fut faite a Londres causa le
+ supplice de Felton, mis a mort le 8 aout suivant. Elle est
+ rapportee en entier par CAMDEN, _annee_ 1570.
+
+L'on commance, despuys ma derniere audience, d'avoir quelque meilleure
+esperance de la conclusion de la paix de vostre royaulme qu'on ne
+faisoit; et aussi ung certain messagier, qui est naguiere venu de la
+Rochelle, semble le confirmer, bien qu'on dict qu'il a este long temps
+en mer. Je mettray peyne d'entendre ce qu'on publiera de la depesche
+qu'il aporte, et d'une aultre qui est freschement arrivee du comte
+Pallatin, pour vous donner adviz de toutes deux par mes premieres. Les
+depputez de ceste ville, qui sont revenuz de Flandres, ont este desja
+ouys de leur Royne, et puys en son conseil; ilz ont remonstre les
+difficultez qui s'offrent encores sur le faict de ces deniers et
+merchandises arrestees, et a este remiz de leur fere responce d'icy a
+huict jours, a cause des afferes d'Escoce; ce qui me faict juger que,
+sellon qu'ilz pourront accommoder les ungs, ilz vouldront reigler les
+aultres. Tant y a qu'ilz pensent que, pour le bon succez que le Roy
+d'Espaigne commance d'avoir contre les Mores, le duc d'Alve se rend
+meintennant plus difficile a cest accord. Sur ce, etc. Ce Ier jour de
+juing 1570.
+
+
+
+
+CXIIe DEPESCHE
+
+--du Ve jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Nycolas de Le Poille._)
+
+ Hesitation du conseil d'Angleterre a assurer l'execution du
+ traite conclu.--Resolution prise par la reine de le
+ maintenir.--Audience accordee par Elisabeth a l'eveque de Ross.
+
+
+ AU ROI.
+
+Sire, premier que le comte de Sussex ayt sceu, ou au moins premier
+qu'il ayt peu fere scavoir au capitaine Drury a Lislebourg, l'accord
+d'entre la Royne d'Angleterre et moy, touchant retirer les Anglois
+hors d'Escoce, icelluy Drury avoit desja envoye sommer le duc de
+Chastellerault et ceulx de son party, qui estoient au siege de Glasco,
+de luy randre les fugitifz d'Angleterre, ou bien de les habandonner,
+et surtout de luy donner parolle de ne recepvoir aulcuns estrangiers
+dans le pays. A quoy luy estant baille pour responce par le secretaire
+Ledinthon, qui eut charge de la luy fere, qu'ilz n'estoient prestz ny
+de randre les fugitifz, ny de reffuzer aulcun secours estrangier,
+ains, si les Francoys ne venoient bientost que luy mesmes les yroit
+queryr, le dict Drury avec ses Anglois, et le comte de Morthon avec un
+nombre d'Escoucoys du contraire party, ont marche jusques au dict
+Glasco, la, ou ne les ayant le dict duc attanduz, ilz ont estime
+qu'ilz pourroient executer d'aultres plus grandes entreprinses, s'ilz
+passoient plus avant vers Dombertran. Mais estant, sur ce poinct,
+arrive au dict de Sussex l'advertissement de l'accord, il l'a
+incontinent envoye notiffier au dict Drury, affin d'arrester son
+progres; et neantmoins parce que, par une depesche du mesme jour, il a
+escrit a sa Mestresse que les siens avoient commance de bien fere a
+Glasco, et que despuys ilz s'estoient acheminez a Dombertrand, et
+qu'en mesmes temps ce que je vous ay mande, Sire, de la bulle du Pape
+estoit advenu, et aussi que de France l'on mandoit y avoir plus grande
+aparance de guerre que de paix, la dicte Dame a cuyde delaysser toutz
+nos bons propos d'accord pour retourner a celluy, qu'elle avoit
+auparavant, de continuer la guerre en Escoce; mais j'avois desja sa
+promesse si expresse du contraire, et le fondement avoit este miz si
+bon aulx bonnes delliberations; que les mauvais n'ont peu, pour ce
+coup, remettre sur les mauvaises, dont avons tant faict qu'il a este
+resolument escript au dict de Sussex d'acomplyr icelluy accord, quant
+de l'aultre coste l'on l'accomplyra. Bien luy a este mande qu'il ayt a
+entretenir toutjours ses troupes en estat de la frontiere, de peur de
+la descente des Francoys, comme de mesmes a este ordonne icy que,
+pour encores, les grandz navyres ne partent point, mais que, pour la
+mesmes peur du passaige des Francoys, l'on les tiegne toutz prestz a
+la voyle; et les seigneurs de ce conseil ont mande a l'evesque de Roz
+et a moy qu'on avoit desja bien advance de satisfere de leur part aulx
+choses promises, et qu'a nous touchoit meintennant de dilligenter
+l'execution du surplus.
+
+Cependant le dict evesque a este admiz a la presance de la dicte Dame,
+laquelle toutesfoys ne l'a receu sinon ceremonieusement et asses
+severement, en presence de ceulx de son conseil, a cause des
+souspecons auparavant conceues contre luy; mais apres qu'en se
+purgeant fort honnorablement, il a heu tout librement confesse qu'il
+avoit une seule foys, et non plus, ouy ung messaige du comte de
+Northomberland, qui luy offroit de mettre la Royne sa Mestresse en
+liberte, et de la ramener en son royaulme, pourveu qu'on luy fornyst
+de l'argent, auquel il avoit respondu que sa Mestresse ne vouloit
+partir d'Angleterre sans le gre et bonne grace de la Royne sa bonne
+soeur, ny elle n'avoit point d'argent pour luy envoyer; et qu'il a eu
+offert qu'au cas qu'il se peult jamais veriffier nulle aultre pratique
+contre luy avec ceulx du North, qu'il renoncoyt a toutz ses privileges
+d'ambassadeur, d'evesque, et d'estrangier, et de son saufconduict,
+pour se soubzmettre aulx extremes punitions des plus rigoureuses loix
+de ce royaulme, la dicte Dame a monstre qu'elle en demeuroit
+satisfaicte; et l'ayant tire a part, a receu fort humainement de ses
+mains les lettres que la Royne d'Escoce luy escripvoit, et a commance
+de tretter priveement et fort familierement sur icelles avec luy, de
+sorte que, se raportant ceste negociation aulx miennes trois
+precedantes, ung chacun juge que la chose s'en va si bien acheminee,
+qu'il s'en peult esperer ung asses prochain et asses bon succez.
+
+Je mettray peyne, Sire, de vous expeciffier par mes premieres les
+poinctz et particullaritez ou l'on en est meintennant, et adjouxteray
+seulement icy que les seigneurs du dict conseil sont en ceste ville
+pour adviser de quelque expediant avecques les marchantz, touchant
+l'accommodement des differandz des Pays Bas; et aussi pour veoir comme
+il faudra proceder sur le faict de la bulle du Pape, ayant este
+l'adviz d'aulcuns qu'on debvoit purger et examiner par serement la
+dessus les principaulx Catholiques de ce royaulme, et proceder tout
+incontinent contre ceulx qui se trouveront ou coulpables, ou attainctz
+du faict, par la rigueur des loix mareschalles[7], qui portent
+condempnation de mort sans figure de proces; mais j'entendz que la
+prudence de la dicte Dame ne leur a acquiesce, laquelle ne s'est
+vollue esloigner des conseilz des moderez, qui la persuadent de
+n'offancer les Catholiques qui luy sont obeyssantz. Sur ce, etc.
+
+ Ce Ve jour de juing 1570.
+
+ [7] C'est-a-dire, les _lois martiales_. Voyez DU CANGE au mot
+ _Marescalcialis_, tom. IV, col. 543.
+
+
+
+
+CXIIIe DEPESCHE
+
+--du XIe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Vassal._)
+
+ L'Eveque de Ross mis en entiere liberte.--Negociation pour le
+ retablissement de Marie Stuart; conditions proposees par
+ Elisabeth.--Espoir de l'ambassadeur que le traite pourra se
+ conclure prochainement, et demande d'instruction a ce
+ sujet.--Meme espoir que la liberte sera bientot rendue au duc
+ de Norfolk; chefs d'accusation sur lesquels il a ete tenu de
+ s'expliquer.--Affaires des Pays-Bas; grand armement fait en
+ Angleterre, ou l'on craint une entreprise de la part du duc
+ d'Albe.--_Memoire._ Conditions que l'on dit etre offertes par
+ la reine de Navarre pour la pacification de France.--Affaires
+ d'Ecosse.--Etat de la negociation dans les
+ Pays-Bas.--Sollicitations faites aupres d'Elisabeth pour
+ obtenir la liberte du duc de Norfolk.--_Memoire secret._
+ Details circonstancies de toutes les discussions qui ont
+ determine le conseil d'Angleterre a se declarer pour le
+ maintien de la paix avec la France.--Intrigue de ceux du parti
+ contraire, afin d'empecher cette decision.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, pour s'aquitter la Royne d'Angleterre de la parolle, qu'elle
+m'avoit donnee, qu'aussitost qu'elle auroit receu une responce,
+qu'elle attandoit de la Royne d'Escoce, elle procederoit au faict de
+sa restitution avec tant de dilligence, que Vostre Majeste jugeroit
+qu'avec plus grande ne se pourroit fere, elle a desja fort amplement
+traitte, avec Mr l'evesque de Roz, des moyens et expedians qu'elle
+veult estre suyviz en cella, et des seuretez et condicions qu'elle
+desire luy estre gardees. A quoy le sieur evesque ne luy a contradict
+en rien, ny ne luy a rien reffuze; mais luy ayant monstre les choses
+qui en cella se pourroient trouver facilles ou difficiles, elle a
+monstre de ne se restraindre tant aulx plus difficiles, qu'elle ne se
+veuille bien accommoder a celles qui seront en la puyssance de la
+Royne d'Escoce d'acomplyr; et ainsy elle a ottroye au dict sieur
+evesque sa pleyne liberte, avec licence d'aller conferer librement
+avec sa Mestresse; lequel desja l'est allee trouver, et a emporte ung
+bien ample saufconduict pour envoyer les sires de Leviston ou de
+Bethon en Escoce, affin d'executer ce qui a este arreste, entre la
+dicte Dame et moy, de retirer les siens hors du pays.
+
+J'estime, Sire, que le dict evesque de Roz aura escript toute sa
+derniere negociation a Mr l'archevesque de Glasco pour la fere
+entendre a Vostre Majeste, qui sera cause que je ne vous toucheray icy
+les particularitez d'icelle sinon en ce qu'il a semble que la dicte
+Dame vouloit fort incister d'avoir le Prince d'Escoce en ses mains; et
+qu'il fut envoye par Vostre Majeste aulcuns des parans de la Royne
+d'Escoce a estre icy quelque temps ostaiges, pour l'observance des
+choses qui seront promises; et que la ligue se conclut offancive et
+deffancive entre l'Angleterre et l'Escoce. Mais j'espere, Sire,
+qu'elle se contantera a moins; et affin que aulcune longueur n'y
+puysse venir de nostre coste, le dict sieur evesque m'a tres
+expressement requis de suplier tres humblement Vostre Majeste qu'il
+vous playse m'envoyer, par ce mesme gentilhomme present porteur, ung
+pouvoir ample pour assister en vostre nom au traitte qui se fera;
+lequel, pendant que les choses se monstrent en asses bonne
+disposition, il estime estre tres necessaire de conclurre sans delay,
+ou aultrement il y courra ung manifeste dangier d'en perdre pour
+jamais l'occasion. Mais, par mesme moyen, il sera vostre bon playsir,
+Sire, de m'envoyer une particuliere instruction des poinctz ou vous
+desirez que cest affere se reduise pour vostre service, affin que
+vostre intention soit (s'il m'est possible) toute la regle de ce qui
+s'y fera.
+
+Les afferes du duc de Norfolc semblent prendre ung mesme acheminement
+que ceulx de la Royne d'Escoce, car la Royne, sa Mestresse, a enfin
+envoye deux de son conseil parler a luy, qui ne luy ont touche que
+cinq poinctz; scavoir: celluy de son mariage avec la Royne d'Escoce,
+comme est ce qu'il l'avoit oze pratiquer sans le sceu de sa Mestresse;
+celluy d'une lettre qu'il avoit escripte au comte de Mora, ou il
+disoit avoir passe si avant au mariage qu'il ne pouvoit avec son
+honneur et conscience s'en retirer; le troizieme, s'il ne s'en vouloit
+point despartyr maintennant, sans jamais y entendre, sinon avec le
+conge de la dicte Royne sa Mestresse; le quatriesme estoit de la
+religion, comme souffroit il que toutz ses principaulx officiers et
+serviteurs fussent ou declairez ou suspectz Catholiques; et le
+cinquiesme, quelle seurte vouloit il donner a la Royne sa Mestresse de
+luy demeurer a jamais fidelle et obeyssant subject et serviteur. A
+toutes lesquelles choses j'entendz qu'il a si bien et sagement
+respondu que la dicte Dame en est asses satisfaicte; et s'espere qu'il
+sera remiz, du premier jour, en sa mayson de ceste ville, mais encores
+soubz quelque garde, pour quelques jours.
+
+L'esperance de la paix de vostre royaulme ayde grandement a
+l'advancement des afferes de l'ung et de l'aultre, et estime l'on que,
+succedant icelle, tout yra bien pour eulx; mais aussi, si elle ne se
+conclud, aulcuns ont opinion que cecy n'aura este qu'une aparance pour
+pouvoir passer l'este sans trouble, et qu'ilz tremperont encores cest
+yver en leurs accoustumees prysons.
+
+J'entendz que le duc d'Alve mene ceulx cy d'ung grand artiffice sur
+l'accord de leurs differantz; car, d'ung coste, il les brave bien
+fort, et les adoulcit encores plus de l'aultre, et leur donne de
+grandes esperances de la bonne affection que son Maistre a
+d'accommoder, mieulx que jamais, leur trafficqz en toutz ses pays;
+bien que, entendant la Royne d'Angleterre qu'aulcuns de ses fugitifz
+sont passez devers le dict duc, et d'aultres sont allez en Espaigne,
+et qu'on leve maintennant des gens de guerre en Flandres, elle
+souspeconne que c'est plustost contre elle que pour la reception de la
+Royne d'Espaigne, comme l'on en faict le semblant; et, a ceste cause,
+elle a commande de mettre encores en ordre quatorze de ses grandz
+navyres, oultre ceulx qui sont desja pretz. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIe jour de juing 1570.
+
+ INSTRUCTION AU SR DE VASSAL de ce qu'il fault fere entendre a
+ Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres:
+
+ Qu'apres que la Royne de Navarre, en apvril dernier, eust expedie
+ devers le Roy les Srs de Telligny et de Beauvoys, lorsqu'ilz
+ venoient du camp des Princes, et avec eux le Sr de La Chassetiere
+ pour adjoinct, elle fit une depesche par deca, laquelle a este si
+ longtemps sur mer, qu'elle n'est arrivee que despuys huict ou dix
+ jours: et par icelle semble qu'on ayt cogneu que la dicte Dame
+ inclinoit a la paix;
+
+ Et que par le dict La Chassetiere elle ayt faict dire a part au
+ Roy et a la Royne qu'il ne tiendroit a elle que la dicte paix ne
+ se fit, et qu'elle suplioit Leurs Majestez de vouloir ottroyer a
+ ceulx de la nouvelle religion l'eedict de l'an LXVII, qu'ilz
+ apellent l'eedict de Chartres, et encores ung presche davantaige
+ en la prevoste de Paris, et qu'avec cella elle s'esforceroit de
+ les fere contanter et de conclurre la dicte paix;
+
+ Qu'aulcuns icy ont este bien ayses de ceste disposition de la
+ dicte Dame, comme advenue contre leur esperance, car pensoient
+ que les ministres la tiendroient la plus destornee de ce desir
+ qu'ilz pourroient. Aultres ont estime qu'elle s'est trop hastee
+ de parler d'icelluy eedict de Chartres, lequel ilz disent estre
+ fort dangereux et de nulle seurete; et qu'il eust toutjours este
+ asses a temps de le requerir, car les menees de court ne
+ permettent qu'on accorde jamais les choses ainsy qu'on les
+ demande; ou bien attendre que le Roy l'eust offert de luy mesmes,
+ et que eulx l'eussent lors tout librement et avec humilite receu
+ de la pure concession et ottroy de Sa Majeste;
+
+ Que despuys, ne venant de France sinon toutjours nouvelles de
+ continuation de guerre, et comme le Roy reffuzoit de rendre les
+ offices et benefices a ceulx de la dicte religion, et de ne payer
+ leurs reytres, Mr le cardinal de Chastillon, desesperant assez,
+ pour ceste cause, de la paix, a sollicite plus vifvement que
+ jamais les choses qui pouvoient servyr a se maintenir et a
+ maintenir ceulx de son party en reputation par deca, et a se
+ procurer toutjours nouveaulx credictz en Allemaigne.
+
+ A quoy semble que l'ayt davantaige confirme de fere la venue
+ d'ung aultre messagier, qui a este depesche de la Rochelle apres
+ le retour des depputez; lequel a aporte une forme d'articles,
+ lesquelz a la verite je n'ay pas veuz, mais l'on m'a dict qu'ilz
+ contiennent que le Roy ottroye pour seurete a ceulx de la
+ nouvelle religion la Rochelle, Sanxerre et Montauban, plus vingt
+ quatre villes pour leur exercisse, lesquelles il nommera apres la
+ confection de la paix; que les haultz justiciers pourront fere
+ prescher pour eulx, leurs subjectz, et ceulx qui y pourront
+ assister; les gentishommes, qui ont moyenne justice, auront aussi
+ presche pour eulx et leur famille seulement; que la vendition des
+ biens eclesiastiques faicte par les Princes sera cassee; les
+ offices de ceulx de la dicte religion demeureront vanduz; et que
+ les Princes payeront et renvoyeront leurs reytres; et m'a l'on
+ dict que desja l'on a envoye les dicts articles en Allemaigne
+ avec des additions au marge, qui contiennent les raysons pourqnoy
+ on ne les peult ainsy accepter.
+
+ Ung Allemand, qui naguieres est arrive de la part du comte
+ Pallatin pour donner compte a la Royne d'Angleterre de l'estat
+ des choses de dela, nommeement de ce qui se presume de la diette
+ et des nopces du prince Cazimir son filz, dict que, parce que les
+ levees du Roy en Allemaigne ne passent en avant, celles des
+ aultres demeurent aussi en suspens, mais qu'au reste elles se
+ tiennent prestes pour le besoing, et que le prince d'Orange s'est
+ retire pour quelques jours en l'estat d'une sienne parente,
+ attandant les nopces du dict Cazimir, auxquelles il espere de
+ pouvoir radresser ses afferes; et que Mr de Lizy ayant passe par
+ Helderberc, ou il a sejourne ung jour ou deux, apres avoir heu
+ quelque petite conferance avec le dict Sr Pallatin, a prins le
+ chemin de Geneve avec une troupe de gentishommes Francoys qui
+ vont trouver le camp des Princes.
+
+ Desquelles apparances de guerre, parce que ceulx cy voyent
+ qu'elles ne font poinct cesser les propos qui se menent de la
+ paix, et qu'il se trouve encores des difficultez sur l'accord des
+ differandz des Pays Bas, ilz deviennent assez irresoluz comme
+ debvoir proceder ez choses d'Escoce, et craignent bien fort que,
+ de les poursuyvre davantaige, la paix de France et la victoire du
+ Roy d'Espaigne sur les Mores[8] ne se convertissent en une guerre
+ sur eulx; ce qui les faict plus vollontiers incliner aulx
+ remonstrances que je leur fays la dessus. Et encores que le temps
+ et l'ocasion pressent bien fort de pourvoir aulx afferes
+ d'Escoce, ou aultrement ilz vont incliner a la part des Anglois,
+ sans que les Anglois y facent plus grand effort, le mesme temps
+ et la mesme ocasion neantmoins semblent se monstrer bien a propos
+ au Roy pour pouvoir meintennant conserver, sans grand coust et
+ quasi par moyens paysibles, ce que sa couronne a heu toutjour
+ d'alliance et d'authorite au dict pays; et croy que mal ayseement
+ une aultre foys y pourra il, sans viollance et possible sans une
+ grande guerre et a grandz fraiz et difficulte, y remedier.
+
+ [8] Cette victoire se rapporte aux avantages obtenus par don Juan
+ sur les Maures d'Espagne, qui s'etaient souleves en 1569. Il
+ s'agit plus particulierement ici, soit du combat devant Finix,
+ qui entraina le pillage de la ville (fin avril 1570), soit du
+ combat livre dans les montagnes de Baza et de Filabres dans les
+ premiers jours de mai 1570. Ces victoires furent immediatement
+ suivies d'un traite conclu ayec Abaqui, l'un des principaux chefs
+ des revoltes, qui se rendit aupres de Don Juan, le 19 mai, et fit
+ le lendemain sa soumission solennelle. Cependant la guerre
+ continua quelque temps encore, par suite de la resistance
+ d'Aben-Aboo, qui s'etait fait proclamer roi d'Andalousie, sous le
+ nom de Muley-Abdala; elle ne finit qu'au mois de novembre
+ suivant, apres qu'Aben-Aboo eut ete tue par Seniz, autre chef des
+ Mores.
+
+ Les souspecons ne sont legiers a ceulx cy, du coste du Roy
+ d'Espaigne, parce que deux des principaulx hommes d'Irlande sont
+ allez a recours a luy, et luy sont allez offrir accez, entree et
+ obeyssance pour la protection de la religion catholique en leur
+ pays; et pareillement aulcuns des principaulx fugitifz Anglois,
+ qui s'estoient retirez en Escoce, sont passez devers le duc
+ d'Alve. A l'ocasion de quoy, le comte de Lestre a, despuys dix
+ jours, faict fere une plaincte a Mr l'ambassadeur d'Espaigne de ce
+ qu'on recepvoit les rebelles de ce royaulme en Flandres; et il a
+ respondu qu'il n'en scavoit rien, mais qu'il ne fesoit double
+ qu'ilz ne fussent bien receuz ez terres du Roy Catholique,
+ puysqu'ilz estaient chassez pour estre Catholiques, mais que ce ne
+ seroit pour y mener rien par armes contre la Royne d'Angleterre.
+
+ Or, en ce qui concerne les differandz des Pays Bas, il a este bien
+ pres d'y mettre ung bon accord, car le duc d'Alve en a faict
+ toutes les demonstrations du monde; et en mesme temps est advenu
+ par des intelligences, que la Royne d'Angleterre a en Flandres,
+ qu'on luy a faict veoir la coppie d'une lettre que le Roy
+ d'Espaigne escripvoit au dict duc, par laquelle il luy mandoit de
+ regaigner, par toutz les moyens qu'il pourroit, l'amytie de la
+ Royne d'Angleterre et des Anglois; dont ilz estiment que la
+ difficulte, qu'il sentoit lors en la guerre des Mores, le faisoit
+ parler ainsy, et qu'a ceste heure ayant quelque bon succez en
+ icelle, il se veult tenir plus ferme sur la restitution des
+ prinses.
+
+ Sur laquelle restitution icelluy duc, a l'arrivee des dicts
+ commissaires, leur a dict que la demande, qu'ilz estoient venuz
+ fere des biens des Anglois, estoit tres raysonnable; mais que
+ celle des subjectz du Roy, son Maistre, qui demandoient
+ pareillement d'avoir les leurs, n'avoit moins de rayson, et qu'il
+ failloit venir a une mutuelle satisfaction des deux costez. Et
+ neantmoins, s'estant puys apres laisse aller a des expediantz qui
+ revenoient asses a son proffict, et qui donnoient grand esperance
+ d'ung accord, il s'en est despuys desparty par ung adviz, qu'on
+ luy a envoye de deca, d'ung aultre proffict plus grand d'envyron
+ cent cinquante mil escuz, s'il retient les biens des Anglois;
+ lesquelz biens il a desja, pour ceste ocasion, faictz remettre de
+ nouveau soubz sa main, ou bien les deniers qui sont provenuz de la
+ vante d'iceulx; et meintennant l'on est apres a fere quelque
+ evaluation des ungs et des aultres, pour veoir si l'on pourra
+ venir a quelque compensation.
+
+ Ceulx qui ont este les plus contraires a la Royne d'Escoce et a
+ ses afferes commancent, a ceste heure, de se fere de feste et de
+ luy promettre toute faveur et secours; et le mesmes est du duc de
+ Norfolc, car ceulx qui ont este ses plus mortelz ennemys se
+ gettent a genoulx devant la Royne, leur Mestresse, pour la suplier
+ pour luy; et bien qu'en cella y puisse avoir de la simulation,
+ pour plustost prolonger que pour desir d'ayder ses afferes, ilz
+ semblent neantmoins estre resduictz a ung poinct que, si quelque
+ nouveau accidant ou quelque grand malheur ne survient, ilz seront
+ pour estre bientost accommodez.
+
+ AULTRE INSTRUCTION A PART:
+
+ Que ce qui plus me fait incister icy aulx choses d'Escoce, et en
+ solliciter pareillement Leurs Tres Chrestiennes Majestez, est
+ qu'il ne peult revenir que a une merveilleuse diminution de leur
+ estime et grandeur, de se laysser ainsy arracher comme par force
+ la Royne d'Escoce et les Escoucoys de leur protection; et de
+ souffrir que la Royne d'Angleterre leur emporte de leur temps
+ ceste alliance, qui a este conservee huict centz ans a la
+ couronne de France, et laquelle asses souvant luy a este tres
+ utille, et quelquefoys bien fort necessaire.
+
+ Et je considere que, de s'y opposer meintennant par Leurs
+ Majestez, ce n'est les mettre en nouvelle guerre, ains plustost
+ divertir celle qui leur pourroit venir d'icy; ny mettre le Roy en
+ grandz frays de ses deniers, ains empescher que les Anglois
+ n'envoyent les leurs en Allemaigne contre luy; ny l'attacher a de
+ grandes difficultez, car la seule demonstration de vouloir
+ envoyer mille harquebouziers en Escoce, ou le passaige d'iceulx
+ seulement, rendra ceste entreprinse achevee sans aulcunement
+ venir aulx mains, de tant qu'ung chacun juge que la Royne
+ d'Angleterre ne les sentyra sitost joinctz aulx Escoucoys
+ partisans pour leur Royne, lesquels a present sont les plus
+ fortz, qu'elle ne viegne a telle composition qu'on vouldra; et
+ si, ne demeurera que plus ferme en la paix, joinct que je n'ay
+ faict ceste instance, sinon apres que, par la conferance de ceulx
+ qui entendent bien l'estat de ce royaulme, j'ay comprins que
+ c'estoit jouer a boule veue.
+
+ Et puys, je voy que ceulx qui ont persevere jusques icy en
+ l'affection du Roy, s'ilz ne sont entretenuz de quelque bon
+ espoir, voyre de quelque demonstration de son present secours,
+ comme de celluy seul entre les princes chrestiens, qui justement
+ et legitimement peult mouvoir ses armes en ceste cause, ilz se
+ vont sans aulcun doubte jetter ez braz du Roy d'Espaigne, et bien
+ que ce ne soit aultant de droict, comme ez braz du Roy, ilz ont
+ neantmoins desja leurs messagiers devers luy, et a ceulx la est
+ desja faicte promesse de secours; mesme le duc d'Alve leur donne
+ entendre qu'il est si prest qu'il ne reste sinon que la Royne
+ d'Escoce envoye son pouvoir et consantement pour l'acepter.
+
+ Et de ce, la dicte Dame a naguieres receu ses lettres ou bien
+ celles de son Maistre, car je ne scay encores duquel des deux;
+ tant y a qu'on l'asseure fort que, en toutes sortes, elle sera
+ assistee et aydee a sa restitution par le Roy Catholique, lequel
+ cependant l'exorte de se reserver libre de son mariage, et de ne
+ s'obliger a nul, sinon avec l'adviz et bon conseil qu'il luy en
+ donnera.
+
+ Neantmoins commanceans les afferes d'Escoce de s'acheminer par la
+ gracieuse voye de la negociation, que Leurs Majestez m'ont
+ commande de fere, j'espere qu'elles succederont assez sellon leur
+ desir, sans y fere aultre effort ny despence; mais a toutes
+ advantures, parce que la malice des ennemys, et la faulte de
+ cueur des amys, et la jalouzie de ceste Royne contre sa cousine
+ sont choses que j'ay toutjour fort suspectes, je desire que Leurs
+ Majestez voyent a clair quel a este et quel est le cours de ceste
+ affere, affin qu'ilz puyssent juger quant, et commant, et en
+ quelle sorte il y pourra fere bon.
+
+ Apres que j'ay heu, par deux foys, resoluement declairee a la
+ Royne d'Angleterre qu'elle ne pouvoit, sans contravention des
+ trettez, envoyer ses forces en Escoce, et que pourtant elle
+ debvoit accepter les honnestes condicions et offres que la Royne
+ d'Escoce luy faisoit, par le moyen desquelles elle obtiendroit,
+ mieulx que par la force et sans aulcune despence, ce qu'elle
+ pretandoit, et si, auroit conserve l'amytie du Roy, la dicte Dame
+ a demeure quelques jours fort incertaine comme elle en uzeroit;
+ dont aulcuns des siens, craignantz le changement de sa
+ delliberation, ont trouve moyen, il y a envyron quinze jours, de
+ luy fere signer une lettre au comte de Sussex pour le fere passer
+ si avant en l'entreprise qu'on ne s'en peult plus retirer.
+
+ De quoy m'ayant este donne adviz, et estant bien informe que la
+ dicte lettre avoit este substraicte, j'envoyay incontinent
+ solliciter ceulx, qui avoient bonne affection en ceste cause, de
+ le fere entendre a la dicte Dame, et de convaincre vers elle
+ ceulx qui avoient oze entreprendre ung tel faict, et qui la
+ vouloient, contre toute rayson, mettre en guerre avecques le Roy.
+
+ Ce que ayant bien oportuneement sceu fere, ilz ont si bien irrite
+ la dicte Dame qu'elle a monstre d'en estre fort courroucee, et
+ qu'en toutes sortes elle vouloit sortir par quelque aultre
+ meilleur moyen hors de cest affere; dont, assignant jour a ceulx
+ de son conseil d'en venir deliberer devant elle, les ungs, pour
+ rompre le coup, ont trouve bon de s'absenter en ceste ville par
+ pretexte du terme de la justice, et les aultres, ne pouvant
+ contradire a cella, y sont venuz aussi pour le mesme pretexte,
+ mais en effect ce a este pour fere des assemblees separeement
+ avec les partisans et amys, pour voir comme ilz pourroient, de
+ chascun coste, advancer leur intention et retarder d'aultant
+ celle des aultres.
+
+ Et enfin milord Quiper, qui est chef de la partie contraire,
+ apres avoir bien consulte avecques les siens, avoit, au partir de
+ ceste ville, delibere de s'en aller en la contree pour allonger
+ et interrompre la matiere; mais le comte d'Arondel le prevint en
+ son propre logis, et le somma de se trouver, le IIIe jour apres,
+ devers la Royne leur Mestresse pour resouldre cestuy et aultres
+ tres urgentz afferes, "qui ne pouvoient, disoit il, sans mettre
+ la dicte Dame et son royaume en grand dangier, estre plus
+ prolongez."
+
+ Icelluy Quiper, en grand collere, luy respondit qu'il ne
+ deliberoit de retourner en court, qu'il ne fut plus de trois foys
+ fort expressement appelle, veu que la Royne tenoit si peu de
+ compte d'observer les choses une foys arrestees, et qu'elle
+ mesprisoit a ceste heure ses conseilz, et ne recepvoit plus sinon
+ ceulx qui luy estoient tres dommaigeables, es quelz il ne vouloit
+ en facon du monde intervenir.
+
+ Le comte repliqua que a la charge qu'il avoit ne convenoit bien
+ de gouverner ainsy ce royaulme par collere, car c'estoit par
+ rayson et justice qu'il le debvoit moderer, et qu'il se scauroit
+ aussi bien courroucer que luy s'il vouloit; mais qu'il prevoyoit
+ ung si grand inconveniant d'une generalle sublevation en ce
+ royaulme et de tant de guerres avecques les estrangiers, qu'il ne
+ pouvoit pour son debvoir differer plus longtemps d'en avertyr sa
+ Mestresse, et qu'il falloit que luy, comme son premier
+ conseiller, s'y trouvast present pour en delliberer, ce que, s'il
+ reffuzoit de fere, qu'il fut asseure qu'il luy seroit reproche;
+ et que, absent ou presant, il ne lairroit de bien chanter les
+ vespres au secretaire Cecille, car ce n'estoit que d'eulx deux
+ que procedoit le retardement de toutz les afferes de ce royaume.
+ Cella fut lors cause que le dict Quiper s'estant ung peu remiz,
+ et estant le propos venu a plus gracieulx termes entre eulx, ilz
+ se promirent l'ung a l'aultre de se trouver, le cinquiesme jour
+ apres, a Amptoncourt.
+
+ Pendant laquelle assignation, le secretaire Cecille fit tout ce
+ qu'il peult pour destourner la dicte Dame de son bon propos, et
+ luy oza bien dire asses licentieusement, present le comte de
+ Lestre, qu'elle s'en alloit habandonnee de ses meilleurs
+ serviteurs, puysqu'elle se vouloit ainsy precipiter d'elle mesmes
+ en ung manifeste et trop certain peril de sa propre personne et
+ estat par la restitution et dellivrance de la Royne d'Escose.
+
+ A quoy, en collere, elle luy demanda comme il cognoissoit cella,
+ car jusques a ceste heure, elle n'avoit ouy nulle rayson de luy
+ la dessus qui ne fut playne de passion et de hayne, et comme il
+ ne respondoit rien, le comte de Lestre dict: "Voyez, Madame, quel
+ homme est le secretaire, car se trouvant hier avec nous tous a
+ Londres, il asseura qu'il vous donroit conseil de restituer la
+ Royne d'Escoce, et meintennant il parle en toute aultre
+ facon."--"Ainsy, respondit elle, me raporte il plusieurs choses
+ asses souvant de vostre part, qui puys apres est tout le
+ contraire. Quoyqu'il y ayt, maistre Secretary, dict elle, je
+ veulx sortyr hors de cest affere et entendre a ce que le Roy me
+ mande, et ne m'en arrester plus a vous aultres freres en Christ."
+
+ Sur cella, m'estant arrivee la depesche du Roy du IIIIe de may,
+ il a este le plus a propos du monde que j'aye faict ceste
+ troisieme recharge, du XXIIe du dict moys, a la dicte Dame, comme
+ je luy ay desja mande, par laquelle voyantz les adversayres
+ qu'elle se layssoit conduyre a la rayson, et que desja elle
+ m'accordoit de retirer ses forces hors d'Escoce et de proceder a
+ la restitution de la Royne sa cousine; apres que j'en ay heu
+ aussi parle au conseil, ilz ont prepare l'ung d'entre eulx pour
+ venir, en presence des aultres, tenir le merveilleux et bien
+ insolant propos qui s'ensuyt;
+
+ C'est de dire a la dicte Dame "qu'elle estoit estrangement pipee
+ et trompee en ceste affere, car il estoit desormais trop clair
+ que ceulx, de qui elle commancoyt de suyvre le conseil, estoient
+ toutz gens partiaulx et bandez contre elle en faveur de la Royne
+ d'Escoce, et qu'il n'y avoit rien plus aparant et vraysemblable;
+ que les propos de moy ambassadeur estoient emprumptez, ou de Mr
+ le cardinal de Lorrayne qui m'avoit mande d'ainsy parler, ou de
+ la Royne d'Escoce qui m'en avoit prie; et que, veu les afferes
+ que le Roy avoit chez luy, il n'estoit pour mander et encores
+ moins pour fere ce que je disoys; et que desja l'on avoit passe
+ si avant aulx choses d'Escoce qu'il n'estoit plus temps de s'en
+ retirer, ny la dicte Dame ne pourroit desormais, sans dangier et
+ sans perdre trop de reputation, rappeller ses forces de
+ Lislebourg; mais que, si elle poursuyvoit son entreprinse, il
+ estoit trop evidant que l'Escoce s'en alloit conquise, et les
+ Escoucoys toutz renduz ses subjectz et tributaires, et son
+ authorite establye au dict pays, et sa religion a jamais
+ confirmee par toute l'isle;
+
+ "Que ce qu'il disoit estoit ung bon et droict conseil, et ce
+ qu'on alleguoit au contraire estoit tout faulx et suspect, et
+ qu'il vouloit mourir pour une si digne querelle, laquelle
+ convenoit a la grandeur et dignite de la couronne d'Angleterre,
+ non de se mouvoir ainsy ny de changer de deliberation pour les
+ parolles d'un ambassadeur, comme il sembloit que la dicte Dame
+ vouloit fere, et que le Roy, Henry VIIIe, n'eust pas lasche
+ prinse, ainsy que honteusement et miserablement l'on le
+ conseilloit a elle de le fere; et qu'il offrait, au cas que, pour
+ l'amour de la Royne d'Escoce, les Francoys passassent de deca,
+ que luy mesmes luy yroit trancher la teste, s'il playsoit a la
+ Royne luy en bailler la commission, s'atachant particullierement
+ au comte de Lestre comme pour le taxer qu'il ne se monstroit
+ fidelle en cest endroict a sa Mestresse."
+
+ Le comte luy a respondu "que ces propos estoient d'ung homme
+ indigne d'estre au conseil de la Royne, et que, de sa part, il
+ l'avoit conseillee droictement sellon conscience et honneur, et
+ sellon qu'il estoit dellibere de vivre et mourir en l'opinion
+ qu'il luy avoit donnee, et mesmes a maintenir, contre quiconques
+ vouldroit dire le contraire, qu'il ne luy avoit rien dict qui ne
+ fut digne d'ung tres bon et tres fidelle conseiller, serviteur et
+ subject; et puysqu'ilz en venoient la, qu'ilz fissent tout le piz
+ qu'ilz pourroient de leur coste, et que la dicte Dame regardat
+ quel party elle vouldroit prandre, car luy et plusieurs aultres
+ estoient resoluz de perseverer a jamais en leur deliberation."
+
+ La dicte Dame, se trouvant en perplexite, a respondu en collere
+ au premier qui avoit parle, "que ses conseilz estoient toutjour
+ semblables a luy mesmes, qui ne luy en avoit jamais donne que de
+ temerayres et dangereux, et que, tant s'en falloit qu'elle vollut
+ avoir ung aultre royaulme au pris qu'il disoit de la vie de sa
+ cousine, qu'elle aymeroit mieulx avoir perdu le sien que de
+ l'avoir consenty; et qu'il n'entreprint sur sa teste de tenir
+ jamais plus un tel langaige, et qu'au reste eulx toutz mettoient
+ ses afferes, et elle, et son estat, en grand dangier, de se
+ porter ainsy tant contraires et opposans en leurs opinions."
+
+ Sur cella, apres quelque peu de silence, le comte d'Arondel a
+ commance de dire "que la collere, ny la passion, ny la hayne ou
+ amytie, qu'on pouvoit avoir a la Royne d'Escoce, ne les debvoit
+ mouvoir de donner conseilz precipitez ni dangereux a leur
+ Mestresse, ny de venir a nulle contention entre eulx, ains
+ proceder en tout par prudence et moderation; et que luy vouloit,
+ en presence d'elle et de son conseil, librement dire qu'il estoit
+ trop clair qu'en l'entreprinse d'ayder une partie des Escoucoys
+ qui estoient desobeyssantz, ou qui avoient quel autre pretexte
+ que ce fut contre leur Royne Souverayne, ne pouvoit avoir rien
+ de seurte, ny d'equite, ny de proffict, ny rien aultre chose que
+ force difficultez, force despences, une tres mauvaise estime des
+ gens de bien, une grande offance des aultres princes, et une tres
+ certaine ouverture de plusieurs guerres, que la dicte Dame et son
+ royaulme n'estoient pour pouvoir soubstenir;
+
+ "Que c'estoit mal juger des parolles miennes, qu'elles fussent
+ empruntees, car jusques icy l'on les avoit trouvees conformes a
+ celles du Roy Mon Seigneur, et leur mesmes ambassadeur par ses
+ lettres les avoit souvant confirmees; et qu'on n'avoit encores
+ veu, quant ung ambassadeur d'ung si grand prince avoit
+ resoluement dict _ouy ou non_, qu'il se trouvat puys apres
+ aultrement; car seroit exemple fort nouveau, qu'ung ambassadeur
+ se mit en dangier d'estre desadvouhe, et n'en fauldroit plus
+ envoyer si l'on en venoit la; par ainsy, qu'ayant este mon dire
+ clair et expres, il n'y avoit point de doubte qu'il ne fut
+ procede du commandement et de l'intention du Roy Mon Seigneur;
+
+ "Qu'il n'y auroit ny honte, ny dangier, de se retirer de ceste
+ entreprinse d'Escoce; de honte, parce que cella se feroit sur
+ l'instance et priere d'ung grand Roy pour conserver la paix et
+ les trettez, lequel promettoit non seulement de n'attempter rien
+ de son coste, mais d'accomplir toutes choses a l'advantaige de la
+ Royne; et encores moins de dangier, car ne seroit mal ayse de
+ ramener les gens qui estoient a Lislebourg jusques a Barvich,
+ sans qu'on en perdit pas ung;
+
+ "Que possible le Roy Henry VIIIe n'eust pas vollu lascher prinse,
+ mais de son temps l'Angleterre estoit en meilleure disposition et
+ mieulx unye que meintennant, et si l'avoit il merveilleusement
+ espuysee et ruynee pour les guerres de France; es quelles
+ toutesfoys il n'avoit jamais oze rien entreprendre qu'il n'eust
+ ung Empereur pour compaignon, la ou tant s'en failloit qu'on
+ peult fere meintennant estat du Roy Catholique, son filz, que au
+ contraire l'on l'avoit bien fort offance, et si enfin les
+ entreprinses du Roy Henry en France estoient tornees a rien; que
+ pourtant la dicte Dame advisat de prendre l'expediant qui plus
+ luy pouvoit admener de paix et de seurte en son royaulme, qui
+ plus luy pouvoit confirmer l'amytie des aultres princes, et qui
+ plus pouvoit justiffier la droicture de ses intentions envers
+ Dieu et les hommes."
+
+ A ceste opinion ayant celluy du conseil, qui est le plus homme de
+ guerre, adjouxte qu'il se offroit d'aller luy mesmes retirer les
+ Anglois, qui estoient a Lislebourg, en si bonne sorte que, sans
+ aulcun dangier et a l'honneur de la Royne, il les reconduyroit
+ toutz a Barvich, il fut conclud qu'on advertiroit incontinent le
+ comte de Sussex de l'accord d'entre la dicte Dame et moy, pour
+ donner ordre qu'on n'eust a fere nulle entreprinse davantaige
+ dans l'Escoce.
+
+ Mais, le lendemain, survint ung inconveniant qui cuyda tout
+ gaster, car ayant l'evesque de Roz escript une fort courtoyse
+ lettre au comte de Lestre pour obtenir de la Royne qu'elle luy
+ vollut donner audience, affin d'avoir confirmation de sa bouche
+ des choses que je luy avois dict qu'elle accordoit, pour les
+ pouvoir, plus seurement escripre; elle ne se peult tenir qu'elle
+ ne dict au dict comte que la lettre l'arguoit de souspecon, qu'on
+ luy imposoit, d'avoir trop prins a cueur le party de la Royne
+ d'Escoce: laquelle parolle le piqua si fort qu'apres s'estre
+ plainct de ce qu'elle vouloit ainsy tourner l'honnestete de la
+ lettre a son trop grand prejudice, il luy dict: "qu'il ne luy
+ avoit jamais donne occasion de penser aultrement de luy que comme
+ d'ung sien bon conseiller, qui a toutes les obligations du monde
+ de ne luy estre jamais aultre que son tres obeissant et tres
+ fidelle serviteur;
+
+ "Que, en ce qu'il luy conseilloit de la Royne d'Escoce, il
+ croyoit, comme en Dieu, que consistoit tout son repos et sa
+ principalle seurte, et que de fere le contraire estoit sa ruyne
+ et destruction, et qu'il ne changerait jamais d'adviz, estant en
+ elle de suyvre lequel qu'elle vouldroit; mais que, pour ne luy
+ donner aulcun souspecon de luy, il se privoit desormais fort
+ vollontiers de n'entrer plus en son conseil." Et ainsy s'en
+ partit pour lors, et s'en vint a Londres, bien que, incontinent
+ apres, la dicte Dame luy envoya, et au marquis de Norampton, une
+ commission pour parler au dict evesque de Roz, affin de luy
+ confirmer les choses qu'il desiroit, car pour encores elle ne le
+ vouloit admettre en sa presence; toutesfois cella a este rabille
+ despuys, et le dict comte mesmes a faict parler le dict evesque a
+ la dicte Dame.
+
+ Ceste tant grande division de court, laquelle est encores plus
+ grande dans le royaulme, est cause dont, pour ne laysser
+ interesser le Roy ny sa couronne d'une si ancienne alliance, j'ay
+ ainsy entreprins de m'oposer a ceulx de ce conseil qui
+ s'esforcent de la luy oster, qui ne sont personnaiges guieres
+ principaulx, ny bien fort authorizez, pour me joindre aulx
+ aultres qui font tout ce qu'ilz peuvent pour la luy conserver,
+ qui sont les premiers et plus nobles de ce royaulme, et d'en
+ escripre ainsy que j'ay faict a Leurs Majestez.
+
+
+
+
+CXIVe DEPESCHE
+
+--du XVIe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Vollet._)
+
+ Nouvelle irritation d'Elisabeth contre l'eveque de Ross, Marie
+ Stuart et le duc de Norfolk.--Changement opere dans les
+ resolutions de la reine d'Angleterre.--Nouvelles d'Ecosse, ou
+ le traite conclu par l'ambassadeur a commence a recevoir son
+ execution.--Mesures prises contre ceux qui repandraient les
+ bulles du pape en Angleterre.--Affaires
+ d'Allemagne.--Propositions que doit faire le pape a la diete de
+ Spire.--Messager envoye a Londres par l'amiral Coligni.--Motifs
+ qui ont change les resolutions d'Elisabeth.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il n'y avoit guieres plus de deux heures que le Sr de Vassal
+estoit party, pour vous aporter ma depesche du XIe du present, quand
+le Sr de Sabran est arrive avec celle de Vostre Majeste du dernier du
+passe, sur laquelle m'ayant la Royne d'Angleterre assigne audience a
+demain, je mettray peyne, Sire, de fere, s'il m'est possible, qu'elle
+veuille bien conformer son intention a ce que me mandez estre de la
+vostre; et de luy oster, si je puys, une nouvelle offance, que,
+despuys huict jours, elle a conserve contre l'evesque de Ross avec
+tant d'indignation qu'elle jure de ne le vouloir jamais veoir, ainsy
+que le Sr de Vassal vous l'aura peu dire, chose que je crains asses
+que me sera bien difficile de remedier, et qui pourra possible
+retarder beaucoup les afferes de la Royne d'Escoce; mesmement que
+ceulx, qui nous sont contraires, ont heu desja de quoy fere de la ung
+mauvais office contre elle, c'est de changer la pluspart des bonnes
+delliberations qui avoient este faictes sur les choses du Nord et
+d'Escoce; et ont aussi miz tant de traverse a la liberte du duc de
+Norfolc, qu'il semble qu'elle soit meintennant bien fort retardee, ny
+ceulx qui veulent bien a la Royne d'Escoce et au dict duc n'ont peu
+mieulx, pour ce coup, que de ceder ung peu au courroux de leur
+Mestresse; dont le comte de Lestre s'est absente pour douze ou quinze
+jours en sa maison de Quilingourt, et le comte d'Arondel s'en est venu
+en ceste ville. Et cependant noz afferes dorment, sinon en tant que
+noz ennemys les vont reveillant pour les fere eschapper; mais j'espere
+qu'apres le retour du dict evesque et de ces seigneurs, nous y donrons
+telle presse qu'il nous y serra baille une bonne ou bien une mauvaise
+resolution.
+
+J'entendz que la dicte Royne d'Angleterre a heu si grand desir de
+contanter Vostre Majeste, sur ce qu'elle m'avoit promiz de revoquer
+ses gens de Lislebourg, que, l'ayant, incontinent apres ma precedante
+audience, mande au comte de Sussex, il les a heu retirez premier qu'on
+luy ayt peu fere nul contraire mandement; de sorte que Drury, avec ses
+quatorze centz hommes, car plus grand nombre n'en avoit il mene par
+della, a este de retour a Barvyc le IIIIe de ce moys: j'en scauray
+demain par la dicte Dame encores mieulx la certitude, et pareillement
+si elle aura poinct retire sa garnyson de Humes et de Fascastel. L'on
+dict que le comte de Lenoz est arrive a Lislebourg, et que ceulx du
+party du jeune Prince, son petit filz, l'ont associe au gouvernement;
+neantmoins que le duc de Chastellerault et les trois comtes
+d'Honteley, d'Arguil et d'Athel, lesquelz ont, dez le Xe de may,
+soubzsigne a l'authorite de la Royne d'Escoce, et qui se portent toutz
+quatre conjointement lieutenants d'elle, avec l'aprobation du reste
+de la noblesse et du pays, commancent de reduyre toutes choses bien
+fort a leur devotion.
+
+Cependant l'on se trouve icy en grand perplexite et en plusieurs
+difficultez, pour la bulle dont vous ay cy devant escript, et en ont
+ceulx de ce conseil miz la matiere en deliberation; mais ne s'en
+pouvans bien accorder, ilz ont faict une grande assemblee des plus
+scavans de ce royaulme pour veoir comme il y fauldroit proceder; et
+m'a l'on dict qu'il est resolu que ceulx, qui auront oze, ou qui
+auzeront cy apres, entreprendre d'aficher bulles, proclamations,
+placartz ou aultres telles choses si expresses contre la Royne, en
+lieux publicz, seront attainctz et convaincuz de leze majeste, et les
+aultres qui s'en trouveront seulement saisis, n'encourront pas du tout
+si grand crime, mais ilz n'evitteront pourtant l'indignation du
+prince; et semble bien que, a l'ocasion de la dicte bulle, les
+Catholiques sont plus durement traittez, et qu'on a plus grand aguet a
+les observer de pres qu'on n'avoit auparavant; mesmes le dict evesque
+de Roz a senty que cella est venu ung peu hors de temps pour sa
+Mestresse.
+
+L'escuyer du prince d'Orange arriva icy la sepmaine passee, sur les
+navyres qui revenoient de conduyre la flotte de Hembourg; qui a aporte
+lettres de son maistre a ceste Royne, et au comte de Lestre, et au
+secretaire Cecille, et encores d'aultres lettres a la dicte Dame de
+son agent qui est en Allemaigne, en datte ces dernieres du XXVIe de
+may; qui contiennent divers adviz, premierement, que la diette a este
+prolongee du XXIIe de may au XXIIe de juing, et que le Pape a fort
+conjure l'Empereur de s'y trouver, qui aultrement s'en vouloit fort
+excuser, et ce, pour deux considerations, que Sa Sainctete a heues,
+dont l'une se publie asses, qui est pour mettre en avant ung decrect
+qu'il ne soit desormais plus loysible aulx Allemans d'aller travailler
+les estatz des aultres princes chrestiens, par pretexte de secourir
+leurs subjectz pour la cause de la religion; et l'aultre, laquelle on
+tient secrecte, est pour fere passer ung aultre decrect contre les
+comte Pallatin et duc de Vitemberg, et contre quelconques princes, ou
+aultres, qui se seroient despartys et separez des deux religions
+receues en l'Empire: scavoir, la Catholique et celle de la confession
+d'Auguste, affin de les priver non seulement de l'eslection, dignitez,
+charges, estatz et aultres leurs preeminances, mais y en subroger tout
+incontinent d'aultres, et les exclurre eulx, pour jamais, de la paix
+publicque d'Allemaigne. Ce qu'ayant le duc Auguste descouvert, et
+craignant que la presente desauthorisation et ruyne de ces princes ne
+fut puys apres celle de luy mesmes, a vollu interrompre la dicte
+diette; mais ne le pouvant fere, les dictes lettres portent que, par
+pretexte de conduyre sa fille en son mesnaige, il s'est accompaigne du
+Lansgrave et de huict ou neuf mil chevaulx, pour s'opposer aulx
+decrectz, et qu'ung chacun juge, puysqu'il s'en vient ainsy a
+Heldelberg, qu'il se trouvera sans faulte a la dicte diette et que mal
+ayseement s'achevera elle sans quelque tumulte, puysque luy et les
+aultres princes se vont ainsy acompaignant; qu'il s'estimoit que le
+Cazimir, incontinent apres la dicte diette, ou bien plustost,
+s'achemineroit avec ses reytres au secours des Princes et de l'Admyral
+de France; que le duc Jehan Guillaume de Saxe avoit donne pour Vostre
+Majeste le alliguet[9] a ses gens pour les fere marcher par tout le
+moys de may; et qu'il avoit dict aulx aultres princes protestantz que
+ce qu'il en faisoit n'estoit que pour se maintenir en credit vers
+Vostre Majeste, et en la pancion que vous luy donnez; laquelle luy
+faisoit bien besoing pour s'entretenir, mais qu'il ne nuyroit en facon
+du monde a ceulx de la nouvelle religion; et qu'au reste, l'on se
+resjouyssoit bien fort en Allemaigne de ce que le Roy d'Espaigne
+s'estoit modere vers les Flamans de leur avoir ottroye ung pardon
+general par ou l'on esperoit que les Pays Bas se maintiendroient en
+paix; et est l'on icy apres a depescher le dict escuyer pour s'en
+retourner devers son maistre.
+
+ [9] La solde du mois.
+
+Mr l'Amyral a trouve moyen de fere passer jusques icy en grand
+dilligence devers Mr le cardinal de Chatillon ung messagier, qui n'a
+point aporte de lettres, mais seulement creance de bouche; de laquelle
+je n'ay encores entendu le contenu, sinon que on m'a dict que c'est
+pour les choses d'Allemaigne, et si n'ay rien sceu du dict homme
+jusques a ce qu'il a este renvoye, car n'a este arreste que deux jours
+icy, et s'en retourne, a ce qu'on dict, par Paris soubz quelque
+passeport emprumpte.
+
+ Ce XVIe jour de juing 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, de ce que Mr l'evesque de Roz, deux jours apres que la Royne
+d'Angleterre luy eust ottroye sa liberte, a este trouve partant de
+nuit avec le comte de Southanton, jeune seigneur catholique; et de ce
+qu'on se persuade que la bulle du Pape n'a este expediee sans le
+consentement de Voz Majestez Tres Chrestiennes et du Roy d'Espaigne;
+et qu'en mesmes temps milord de Morlay, principal seigneur
+d'Angleterre, beau filz du comte Derby, estant appelle en ceste court
+n'y est vollu venir, ains est passe dela la mer a Doncquerque;
+plusieurs choses en ce royaume monstrent tendre a quelque alteration,
+mesmes que, pour les dicts accidentz, icelluy comte de Soutanthon a
+este mande et aussitot miz en arrest ez mains du capitaine de la
+garde; et maistre Cormuaille, ancien conseiller, et plusieurs aultres
+Catholiques ont este examinez et aulcuns d'eux miz en la Tour; et le
+duc de Norfolc, qui attandoit quelque eslargissement, a este resserre.
+Dont je crains aussi que les afferes de la Royne d'Escoce, qui
+commancoient de s'acheminer, en soient de mesmes bien fort esloignez
+et retardez, mais je feray, pour le regard de ce dernier, le mieulx
+que je pourray envers la dicte Dame pour la fere passer, oultre en ce
+qu'elle m'a commance d'accorder: et j'espere, Madame, que j'en
+descouvriray demain asses son intention, bien que, pour l'absence du
+comte de Lestre, ny elle ne vouldra m'en donner sa resolution, ny moy
+cercher de l'avoir, si je sentz qu'il n'y face bon. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIe jour de juing 1570.
+
+
+
+
+CXVe DEPESCHE
+
+--du XIXe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par Jacques Tauriel._)
+
+ Details d'audience.--Changement de conduite de la reine
+ d'Angleterre.--Ses plaintes contre le pape.--Sa colere contre
+ Marie Stuart et l'eveque de Ross.--Insistance de l'ambassadeur
+ pour que le traite touchant l'Ecosse recoive son
+ execution.--Declaration d'Elisabeth qu'elle va donner les
+ ordres necessaires a l'effet de faire retirer ses troupes, et
+ qu'elle consent a traiter de la restitution de Marie
+ Stuart.--Motifs secrets qui font agir la reine
+ d'Angleterre.--Nouvelles des protestans de France; leur desir
+ d'en venir prochainement a une bataille decisive.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il n'est advenu sinon, ainsy que je l'avois pence, que je
+trouverois a ceste heure la Royne d'Angleterre aultrement disposee que
+lorsque je parlay a elle, le XXe du passe, non toutesfoys ez choses
+qui sont particullieres de Vostre Majeste, car en celles la m'a elle
+respondu comme les aultres foys; c'est de desirer toutjour la paix de
+vostre royaulme et que son ambassadeur luy puisse bientost mander la
+conclusion d'icelle, estant bien marrye qu'on la va ainsy prolongeant;
+et qu'elle vouldroit bien scavoir si tout ce que les aultres, de leur
+coste, disent que Vostre Majeste leur a offert est vray; et, quoy que
+soit, que, comme Chrestienne, elle desire que vous les accommodiez en
+leur religion, et, comme Royne, qu'ilz vous randent entierement ce
+qu'ilz doibvent a vostre authorite.
+
+A quoy je luy ay satisfaict, sellon que la lettre de Vostre Majeste,
+du dernier du passe, m'a baille ample argument de respondre au tout,
+avec ung sommaire recit de l'estat de votre armee, soubz la conduicte
+de Mr le mareschal de Cosse, et des exploictz que Mr le mareschal de
+Danville a faictz du coste du Languedoc; ce qui n'a este sans parler
+des aprestz d'Allemaigne et des nopces du Cazimir, par maniere
+toutesfoys de me demander ce que j'en scavois: et je n'ai obmiz de
+mencionner aussi les levees du duc Jehan Guillaume de Saxe et de
+Bronsouyc, comme elles commancoient de bransler pour Vostre Majeste.
+
+Et a la dicte Dame faict venir, par deux foys, a propos de me dire que
+l'Empereur luy a naguieres escript avec aultant d'abondance,
+d'affection et de bienveuillance, comme au contraire le Pape s'est
+esforce de luy donner ung bien mauvais salut par une sienne bulle, en
+laquelle il l'appelle _flagiciorum serva_; mais que c'est chose de
+quoy elle ne se soucye guieres, sinon qu'elle pense que tant
+d'estranges et insolantz desordres, qu'on voyt advenir, presagent
+bientost la fin du monde; et, avec un rire extraordinaire, m'a compte
+la facon dont mylord de Morlay, estant desembarque a Donquerque, a
+demande de parler au bourgemestre de la ville, se faisant ung des plus
+avancez et des plus illustres seigneurs d'Angleterre.
+
+Et se sont jusques la toutz noz propos passez bien fort gracieusement;
+mais, quant c'est venu a toucher du faict de la Royne d'Escoce, il est
+bien mal ayse, Sire, que je vous puisse dire en combien de facons la
+dicte Dame a monstre qu'on l'avoit de nouveau exasperee et aigrie
+contre elle et contre l'evesque de Roz; car luy ayant seulement suyvy
+la teneur de voz lettres avec les honnestes satisfactions qui y sont,
+elle, en commemorant ses bienfaictz vers sa cousine, m'a recite les
+offances vieilles et nouvelles qu'elle a receu d'elle et de ses
+ministres, et qu'elles luy estoient si griefves que, si elle les eust
+tenues aussi veriffiees, il y a ung moys, comme elle faict
+meintennant, elle n'eust heu garde d'entrer en nul trette des afferes
+de la dicte Dame avec moy; et qu'elle entendoit que, nonobstant le
+dict trette, Vostre Majeste faisoit embarquer quelques gens en
+Bretaigne pour envoyer a Dombertrand, ce qu'elle remettoit bien a
+vostre discretion, et vouldroit qu'il fut vray, car ne fauldroit plus
+parler d'accord; toutesfoys qu'elle pence que c'est parce que je vous
+ay mande l'acheminement de ces harquebuziers, que le comte de Sussex
+avoit envoyez au comte de Morthon, en quoy je eusse bien faict de ne
+me haster de le vous escripre sans en parler a elle ou a son
+secretaire, qui m'eussent faict entendre que ce n'estoit aulcunement
+pour se mesler des droictz du royaulme entre la Royne d'Escoce et son
+filz, mais pour s'opposer a ceulx qui favorisoient et recepvoient ses
+rebelles, et pour donner ayde a ceulx qui les vouloient chasser; que,
+en ce que je lui avois dict que les Escoucoys estoient apres a vous
+sommer de leur envoyer secours par vertu de voz alliances, qu'elle
+croyoit bien que Ledinthon, qui avoit este le plus traystre de toutz a
+sa Mestresse, conseilloit meintennant de ce fere, mais qu'elle pense
+que Vostre Majeste n'escoutera de si meschantz subjectz que ceulx la,
+et ne vouldra pour eulx oublyer une si rescente preuve d'amytie, comme
+est celle qu'elle vous a monstree ez presentes guerres de vostre
+royaulme, d'avoir rejecte toutes les persuasions qu'on luy a faictes,
+et toutes les occasions qu'on luy a offertes, d'y pouvoir fort
+incommoder voz afferes, et porter ung grand proffict aulx siens; que,
+de ce que son ambassadeur vous avoit requiz de n'envoyer voz forces en
+Escoce avec l'asseurance qu'elle n'y envoyeroit point les siennes,
+que je croye fermement que tout ce qu'elle vous aura mande ou qu'elle
+vous mandera par luy, elle l'acomplyra, mais qu'il fault considerer la
+distance des lieux, et qu'il n'est possible de si tost executer une
+parolle comme elle est dicte; qu'elle remercye Vostre Majeste du
+commandement que m'avez faict de ne m'espargner d'aller jusques vers
+la Royne d'Escoce, s'il est besoing, pour l'exorter qu'elle luy
+veuille fere d'honnestes offres, et icelles acomplyr et inviolablement
+observer; qu'elle ne fait doubte qu'elle ne promette asses, mais
+qu'elle ne tiendra jamais; et que l'evesque de Roz est desja alle
+devers elle pour luy parler, qui me relevera de ceste peyne, duquel
+toutesfoys elle ne peult plus esperer aulcun bon office, et que
+hardyment la Royne d'Escoce envoye ung aultre ministre, car celluy la
+ne parlera jamais plus a elle.
+
+De toutz lesquelz propoz de la dicte Dame, plains de courroux, voyant
+que je ne pouvois recuillyr rien de certain, je luy ai demande s'il
+luy playsoit point accomplyr les deux choses, qu'elle m'avoit
+naguieres promises; de proceder dilligentment a la restitution de la
+Royne d'Escoce et de retirer ses forces hors de son pays.
+
+La dicte Dame, intermelant plusieurs aultres propos, m'a enfin
+respondu que, pour l'honneur de Vostre Majeste, elle continuera et
+paraschevera le trette avec la dicte Dame aussitost qu'elle luy aura
+faict entendre son intention sur ce que l'evesque de Roz luy aura
+dict; me touchant, en passant, que d'aultres foys elle luy avoit
+escript que, s'il n'estoit trouve bon de la remettre avec
+magnifficence et aparat en son pays, qu'elle estoit contante qu'on
+l'envoyat priveement comme une qui retournoit aulx siens; en quoy
+elle a toutjours vollu pourvoir que ce fut avec seurete de sa vie: et
+quant a retirer ses forces, que je donne toute asseurance a Vostre
+Majeste que, suyvant sa promesse, le comte de Sussex les a desja
+revoquees a Barvych, hormiz quelque peu de gens, qu'il a miz a la
+garde de deux chasteaux; lesquelz elle ne dellibere randre, qu'elle ne
+soit satisfaicte des outraiges que luy ont faict ceulx a qui ilz
+apartiennent.
+
+A cella je luy ay replique que ce ne seroit retirer ses forces que de
+laysser garnyson dans deux chasteaulx, et que je la pouvois asseurer
+que Vostre Majeste ne s'armeroit jamais pour maintenir les rebelles
+d'Angleterre, ainsy qu'elle, de son coste, disoit ne s'armer aussi
+contre les droictz de la Royne d'Escoce: neantmoins de tant que ceste
+alliance d'Escoce, qui a dure neuf centz ans a vostre couronne, vous
+abstreinct d'assister meintennant l'auctorite de la Royne d'Escoce,
+vostre belle soeur, contre ses propres rebelles; et y voulant elle, en
+mesmes temps, poursuyvre les siens, qu'enfin vous viendriez aulx armes
+et a la guerre entre vous contre votre propre vouloir et intention; et
+que vous aviez trop plus de rayson de mettre garnyson dans Dombertrand
+que elle d'en tenir dans Humes et Fascastel.
+
+Elle allors m'a respondu qu'elle ne scavoit, a la verite, comment le
+comte de Sussex en a use, ny quelles gens il a laysse dans ces
+chasteaulx; mais que tout cella se pourra accommoder par le trette, et
+qu'elle desire bien scavoir quelle responce Vostre Majeste me fera, et
+ce que vous aurez respondu a son ambassadeur sur ce qu'elle, a
+dernierement trette avec moy.
+
+Et layssant ainsy ces propos, nous sommes passez a d'aultres plus
+gracieulx, avec lesquels s'est finye ceste audiance, despuys laquelle
+m'estant pleinct au secretaire Cecille de la dicte garnyson des deux
+chasteaulx, il m'a respondu que ce n'estoit chose de consequence; car
+n'y avoit que quarante hommes en l'ung, et vingt en l'aultre; et que
+le trette mettroit fin a tout cella; me priant de continuer a fere
+tousjours bons offices entre Voz Majestez, et qu'il contendra avec moy
+de les fere encores meilleurs, s'il peult. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de juing 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, les propos, que Vostre Majeste verra, en la lettre du Roy, que
+la Royne d'Angleterre m'a tenuz, procedent, a mon adviz, de l'une de
+trois occasions et, possible, de toutes trois ensemble: la premiere,
+des vehementes inpressions qu'on luy a donnees, et qu'on luy donne
+encores, de ne se debvoir jamais tenir bien asseuree de la Royne
+d'Escoce, dont aulcuns me disent que, quoy aussi que la dicte Dame me
+promette, son intention, ny celle des siens, n'est de se despartyr
+aucunement des premieres delliberations qu'ilz ont faictes sur ceste
+paouvre princesse et sur son pays, sinon qu'ilz y soyent contrainctz
+par la force; la seconde, qu'on l'asseure que le capitaine La Roche et
+le capitaine Puygaillard sont desja embarquez a Suscivye, avec cinq
+centz harquebouziers brethons, pour passer en Escoce: ce que la dicte
+Dame m'a dict le scavoir bien au vray, mais qu'elle est bien advertye
+aussi que, le IXe de ce moys, ils n'estoient encores bougez, et,
+possible, a elle vollu ainsy braver lorsqu'elle s'est trouvee en plus
+grand peur; et la troisiesme est qu'on luy a fort magniffie les
+forces, qui sont en l'armee des Princes de Navarre et de Conde,
+l'asseurant qu'elles sont suffisantes de travailler assez toutes
+celles de Voz Majestez, sans qu'en puyssiez envoyer dehors.
+
+Car, voycy, Madame, ce que j'entendz qu'on a miz par escript et
+monstre a la dicte Royne d'Angleterre et puys publie, de main en main,
+de la creance qu'a aportee le messagier de Mr l'Amyral. C'est que le
+dict sieur Amyral fortiffie Roane, pour estre ung lieu tres oportun et
+commode a maintenir la guerre, et y fere son magazin, et pour y
+retirer ses mallades; et avoir ce passaige de Loyre a son
+commendement, pour y pouvoir sans difficulte recuillyr les secours
+d'Allemaigne et incommoder grandement toutz les aultres pays
+d'alentour; que, oultre qu'il a avec luy les viscomtes, et les troupes
+de gens de cheval et de pied qui estoient en Gascoigne, qui ne sont
+petites, il a recuilly en Languedoc ung grand nombre de bien bons
+soldatz, et que le comte de La Rochefoucault l'est venu trouver avec
+huict centz chevaulx et deux mil harquebuziers, toutz gens d'eslite;
+que de la Charite est arrive dans son camp une troupe de quatorze
+centz bons hommes, toutz a cheval; que Mr de Lizy y est aussi arrive
+d'une aultre part, avec douze centz harquebuziers et cinq centz
+chevaulx, lesquelz il a recuilliz en revenant d'Allemaigne; et que
+tout cella ensemble faict la plus brave armee de Francoys qui de
+longtemps ayt este veue en France, oultre les reytres qu'il a, qui ne
+sont guyeres diminuez; et qu'il ne desire rien tant que de venir a une
+journee, laquelle il cerchera de donner bientost par toutz les moyens
+qu'il luy sera possible; et que l'armee du Roy, que Mr le mareschal de
+Cosse conduict, est composee de huict mil Suisses nouvellement levez,
+car des vieulx n'en y a guieres plus, et de quatre mil Francoys, d'ung
+nombre de reytres, qu'on paye a trois mil, qui ne sont que dix huict
+centz, soubz la charge du jeune comte de Mensfelt, duquel il ne se
+deffye pas trop, et d'envyron quatre mil chevaulx francoys; et qu'il a
+este mande a Mr le mareschal de Damville de se joindre au sieur
+mareschal de Cosse, affin de donner la bataille, laquelle neantmoins
+semble qu'il la vouldra evitter; car s'est loge vers Dun le Roy, et se
+couvre de la riviere d'Allye. Lesquelles nouvelles, comme elles
+mettent en grand suspens les opinions des hommes, aussi suspendent
+elles les delliberations des afferes; et croy qu'elles retarderont
+ceulx que nous traictons icy meintennant, attendant ce qui pourra
+succeder; mesmes que j'entendz que, parmy leurs esglizes, il est desja
+ordonne de fere prieres et jeunes pour ceste prochaine bataille, tant
+ilz pensent que les choses en sont prez; et encores que je m'asseure,
+Madame, que si cecy est vray, Voz Majestez l'auront bien entendu
+d'ailleurs, toutesfoys, pour l'inportance de l'affere, et pour le
+dangier qu'aulcuns personnaiges d'honneur et de bien, qui conferons
+quelquefoys ensemble, avons peur que puysse avenir, je n'ay vollu
+differer de le vous mander incontinent par ce courrier expres, avec
+les responses de la dicte Royne d'Angleterre. Et sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de juing 1570.
+
+
+
+
+CXVIe DEPESCHE
+
+--du XXIe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyee jusques a la court par Groignet, l'un de mes secretaires._)
+
+ Message de la reine d'Angleterre, afin que le roi soit
+ sur-le-champ averti qu'elle se considerera comme degagee de sa
+ parole si l'expedition francaise, destinee a porter des secours
+ en Ecosse, sort des ports de Bretagne.--Desir de l'ambassadeur
+ que l'on ajourne cette expedition.--Nouvelles d'Allemagne, ou
+ tout se prepare pour donner d'importans secours aux protestans
+ de France.--_Lettre secrete a la reine-mere._ Dispositions
+ prises par les protestans de France, en Angleterre et en
+ Allemagne, dans le but de continuer la guerre avec vigueur.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, les responces et adviz, que je vous ay escript despuys trois
+jours, m'ont semble estre assez pressez pour les vous debvoir fere
+scavoir par ung courrier expres, comme j'ay faict; et meintennant,
+Sire, je suys instantment requiz par la Royne d'Angleterre de vous en
+depescher encores ung, tout presentement, pour vous notifier ce que,
+par ung sien secretaire, nomme maistre Sommer, elle m'a envoye dire
+jusques en mon logis: c'est qu'elle avoit bonne souvenance des choses
+naguieres accordees entre elle et moy, touchant la Royne d'Escoce, et
+qu'elle estoit preste de les acomplyr tant a continuer et paraschever
+le trette avecques elle, que a revoquer ses forces hors de son pays,
+comme desja elle les avoit faictes retirer a Barvyc; mais que, ayant
+tres certain advertissement comme il s'embarquoyt des compaignies en
+Bretaigne pour les envoyer de della, qu'elle vouloit bien declairer a
+Vostre Majeste que, si elles y passoient, elle se tenoit, d'ors et
+desja, quicte et deschargee de la promesse qu'elle m'avoit faicte, et
+qu'elle exploicteroit dans le dict pays par son armee, qui est
+encores entiere et en estat, tout ce qu'elle verroit estre expediant
+et a propos pour son service; et qu'elle continueroit de retenir la
+Royne d'Escoce la ou elle est, sans plus entendre a nul trette
+avecques elle; et, de tant que cella importoit beaulcoup a vostre
+commune amytie, a laquelle elle avoit regrect d'y veoir intervenir
+ceste alteration, me prioit que je vous en voulusse promptement
+advertir par homme expres, qui peult retourner en dilligence, affin
+que je l'en peusse resouldre.
+
+Et bien, Sire, que j'aye respondu au dict Somer que j'avois
+freschement receu une responce de Vostre Majeste, laquelle j'yrois
+aporter a la dicte Dame, et j'esperois qu'elle la contenteroit, il n'a
+laysse pourtant de percister que je debvois depescher promptement
+devers Vostre Majeste; qui est l'occasion du voyage de ce mien
+secretaire, par lequel je vous suplieray tres humblement, Sire, que,
+en voz propos a l'ambassadeur d'Angleterre et en voz apretz de
+Bretaigne, il vous playse monstrer toutjour que vous estes prestz
+d'entretenir ce qui a este accorde en vostre nom a la dicte Dame, et
+de differer l'embarquement et passaige de vostre secours en Escoce,
+jusques a ce qu'aurez veu ce qui succedera du trette qu'elle a
+commance avec la Royne vostre belle soeur; et qu'elle veuille achever
+de retirer la garnyson qui est demeuree dans Humes et Fascastel, comme
+elle a desja retire le principal de ses aultres forces du pays,
+nonobstant que vous rescentiez beaucoup ce dernier exploict de ses
+gens, qui ont abattu quatre maysons du duc de Chastellerault et brulle
+toutz ses villaiges.
+
+Et apres, Sire, que j'auray parle a la dicte Dame sur la bonne
+responce, que m'avez commande luy fere par vostre depesche du Xe du
+present, je feray entendre ce que j'auray peu comprendre de ses
+propos, tant sur ce faict de la Royne d'Escoce que sur ce que la dicte
+Dame peult avoir sceu des choses d'Allemaigne: d'ou j'entendz qu'elle
+a freschement receu lettres, qui lui parlent de l'acheminement de
+l'Empereur a Espire pour la diette; et comme la Royne d'Espaigne passe
+oultre vers les Pays Bas, laquelle deux mil chevaulx allemans viennent
+accompaigner jusques a Nimeguen, ou le duc d'Alve la doibt aller
+recepvoir, et qu'elle meyne deux de ses petitz freres pour les passer
+en Espaigne, (au lieu des deux aisnez) qui s'en retourneront sur les
+mesmes vaysseaulx, qui la seront allez conduyre; et que les nopces du
+Cazimir ont ete accomplyes, ou se sont trouvez treze mil chevaulx,
+lesquelz on tient pour chose asseuree que s'acheminent incontinent en
+France, au secours de Messieurs les Princes et Amyral; que les trois
+electeurs laycs se sont liguez ensemble pour s'oposer aulx decrectz
+qui pourroient estre faictz ou contre leur religion, ou contre les
+libertez d'Allemaigne; et qu'il semble encores que c'est
+principallement pour empescher que l'Empereur ne puysse fere creer son
+filz roy des Romains, non sans quelque esbahyssement commant celluy de
+Brandebourg s'est joinct a cella, veu qu'il est pensionnaire a six mil
+escuz par an du Roy d'Espagne, et qu'il s'est toutjours monstre amy et
+serviteur de la mayson d'Austriche; et que aus dictes nopces du dict
+Cazimir a appareu quelque desordre de l'ung des deux ducz Jehan de
+Saxe, Frederic ou Guillaume, qui sur quelque debat a vollu tuer le
+comte Pallatin; et que quelque homme Gantoys a este prins et execute
+pour avoir confesse qu'il estoit venu a la dicte assemblee, pour
+donner un coup de pistolle au prince d'Orange. De toutes lesquelles
+nouvelles, Sire, celle de la descente de ces Allemans en votre
+royaulme me semble considerable, parce qu'il y a grand aparance qu'on
+l'executera, si la paix ne se conclud bientost; et j'en ay icy de
+grandz indices, et pareillement d'une armee de mer, qui se prepare par
+ceulx de la nouvelle religion, de bon nombre de vaysseaulx pour fere
+une descente de deux ou trois mil hommes en quelque lieu de Normandie,
+Bretaigne ou Guyenne; et ne monstrent qu'ilz esperent encores, en
+facon du monde, la dicte paix, bien que, tout a ceste heure, l'on me
+vient de dire qu'il a este seme quelque bruict a la bource de ceste
+ville qu'elle est desja conclue. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour de juing 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre a part du dict jour._)
+
+Madame, ce n'est tant pour satisfere a la Royne d'Angleterre, que je
+vous envoye presentement ce mien secretaire, comme pour vous aporter
+ceste mienne lettre a part, par laquelle je veulx bien asseurer Vostre
+Majeste que, sur la creance du messagier de Mr l'Admyral, duquel je
+vous ay naguieres faict mencion, il a este tenu, dez dimanche dernier,
+entre les principaulx, qui sont icy, de la nouvelle religion, Francoys
+et Flamans, ung conseil bien fort secrect; duquel, a la verite, je
+n'ay pas bien descouvert toutes les delliberations, mais ceulx cy scay
+je bien de certain, c'est que, incontinent apres la tenue du dict
+conseil, il a este depesche de par eulx, coup sur coup, deux
+messagiers en Hembourg, pour y aporter les lettres de responce et de
+credict, que de longtemps ilz se sont pourveuz icy pour fere leurs
+payemens en Allemaigne; et que c'est pour fere incontinent marcher
+leurs nouvelles levees; et qu'ilz sont apres a ordonner deux d'entre
+eulx pour les aller trouver, affin de les conduyre et leur servyr de
+mareschaulx de camp, jusques a ce qu'ilz seront arrivez en l'armee des
+Princes; et estiment le nombre des dicts Allemans non moindre que de
+douze a quinze mil chevaulx; et pour ordonner aussi ung general de
+mer, d'entre les gentilhommes qui sont icy, pour l'envoyer bientost
+fere une descente de deux mil cinq centz hommes, en quelque lieu de
+Normandie ou Bretaigne, ou ilz ont intelligence; et que desja les
+vaysseaulx, les vivres et tout l'apareilh de l'entreprinse est prest a
+la Rochelle, ou s'yront joindre les vaysseaulx du prince d'Orange, qui
+sont en ceste coste, et encores deux toutz nouveaulx qu'ung sien
+serviteur a heu, despuys deux jours, permission d'aller armer et
+equiper a Amthonne. Et semble qu'il y ayt icy aulcuns gentishommes
+francoys qui, a regrect, feront ce voyage, et que, si Vostre Majeste
+les vouloit gratiffier et les retirer au service du Roy, ilz
+habandonneroient tres vollontiers l'aultre party, lequel aultrement
+ilz sont contrainctz de suyvre; vous suppliant tres humblement,
+Madame, de ottroyer au gentilhomme, pour qui le sieur de Vassal vous
+aura parle, la seurete qu'il vous demande, laquelle j'estime que
+reviendra au proffict de vostre service. Et faictes semblant, Madame,
+s'il vous playt, que vous n'avez heu ces adviz de moy, aultrement il
+sera dangier que je ne vous en puysse plus mander, s'ilz cognoissent
+que j'aye tant de notice de ces afferes; car les dicts de la nouvelle
+religion sont bientost advertys de tout ce que le Roy, et Vous, et
+Monseigneur, dictes et faictes; et mesmes l'on m'a asseure que, en
+France, oultre ceulx de l'aultre party, il y en a aulcuns, lesquelz on
+ne m'a poinct nommez, qui ne sont point declairez de leur coste, qui
+toutesfoys sont respondans de la paye de ces reytres, qui doibvent
+venir.
+
+Par ainsy, Madame, considerant l'estat des choses, et le peu de
+confiance que Voz Majestez doibvent mettre en rien qui soit que en
+Dieu seul, et en vous mesmes; et que la descente du Cazimir vous doibt
+estre tres suspecte, pour l'alliance du duc Auguste, qui ne l'a prins
+pour son gendre pour sa presente grandeur, ains possible pour celle ou
+il aspire par les troubles des aultres estatz; et que la Royne
+d'Angleterre ne fauldra d'incliner a leur entreprinse; je ne puys que
+prier Dieu bien fort devottement qu'il vous doinct, Madame, a bientost
+conclurre la paix, et la conclurre telle que la descente des Allemans
+en soit bien certainement divertye, et Voz Majestez exemptes de toute
+surprinse, deception et dangier. Et sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour de juing 1570.
+
+ Je vous puys asseurer, Madame, que ceulx de la nouvelle religion,
+ qui sont icy, ne s'attendent aucunement a la paix, ains a
+ continuer la guerre; et semble que l'ambiguite et la longueur,
+ dont l'on procede a vous rendre response sur les articles de la
+ dicte paix, n'est que pour gaigner le temps et attandre leur
+ secours.
+
+
+
+
+CXVIIe DEPESCHE
+
+--du XXVe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyee expres par Jehan Monyer, postillon, jusques a Calais._)
+
+ Retard apporte a la designation d'une audience demandee par
+ l'ambassadeur.--Interrogatoire subi par l'eveque de Ross devant
+ le conseil d'Angleterre.--Conditions arretees dans ce conseil
+ au sujet du traite qui peut etre conclu avec la reine
+ d'Ecosse.--Nouvelles d'Allemagne.--Avis donne au roi d'une
+ entreprise qui se prepare pour operer une descente en France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, affin de mettre la Royne d'Angleterre hors de la peyne, ou elle
+est, de l'aprest qu'on luy a dict que Vostre Majeste faict en
+Bretaigne pour envoyer des gens en Escoce, je luy ay, dez mardy
+dernier, envoye demander audience, pour luy fere veoir vostre bonne
+responce la dessus en la facon que par voz lettres, du Xe de ce moys,
+il vous playt me le commander; et le secretaire Cecille, ayant confere
+avecques elle, m'a respondu qu'elle ne me la pouvoit si tost ottroyer,
+a cause qu'elle se trouvoit mal, comme a la verite elle faict, de sa
+jambe, mais que je luy pourrois escripre cella mesmes que j'auroys a
+luy dire. Dont de tant, Sire, qu'on m'a adverty qu'il y a de
+l'artiffice en cella, pour fere tremper l'evesque de Roz, et pour fere
+en sorte que la dicte Dame renvoye cependant ses forces en Escoce, et
+qu'elle face jetter de ses grandz navyres en mer, pour la persuasion
+qu'on luy donne que, nonobstant voz bons propoz, qu'avez tenuz a son
+ambassadeur, vous ne lairrez d'envoyer gens par della; j'ay escript ce
+matin a la dicte Dame que, de tant qu'une lettre ne pourroit suffire
+pour tout ce que j'avois a luy dire, ny me raporter sa responce, et
+que les propos, que j'avois a luy tenir de vostre part, n'estoient
+toutz que pour son contantement, que je me garderoys de les employer
+ny par escript, ny par presence, en actes si contraires, comme seroit
+d'en travailler sa sante, et que partant j'attendrois fort paciemment
+et de bon cueur la commodite de sa convalescence; laquelle je prioys
+Dieu de luy donner bientost et bien parfaicte.
+
+Je ne suis trop marry, Sire, de ce retardement parce que le comte de
+Lestre et ceulx, qui portent faveur a ceste cause, seront cependant de
+retour; en l'absence desquelz ayantz les aultres ouy l'evesque de Roz
+sur le faict, dont on le chargeoit, d'avoir trette en secret avec le
+comte de Surampthon, et ayantz vollu aussi tirer de luy ce qu'il
+aportoit de l'intention de sa Mestresse, sans l'admettre a la presence
+de la Royne d'Angleterre, apres qu'il s'est bien descharge de l'ung,
+et qu'il leur a heu remonstre qu'il ne pouvoit fere l'aultre pour
+aulcunes choses secrectes qu'il ne pouvoit commettre qu'a elle mesmes,
+ilz se sont desbordez jusques la de luy dire qu'ilz ne se soucyoient
+pas tant de l'advancement de ceste matiere qu'ilz le vollussent
+presser de la leur proposer; mais, de tant que la Royne d'Escoce et
+luy, qui est son ministre, et toutz les princes qui parlent pour elle,
+estoient papistes, et par ainsy ennemys de leur Mestresse et de son
+estat, qu'ilz tenoient pour tres suspect tout ce qui se trettoit de sa
+restitution; a l'ocasion de quoy il falloit, avant toutes choses,
+qu'elle et luy fissent profession de la religion reformee, et bien
+qu'ilz y ayent mesle quelque soubzrire, ce n'a este toutesfoys sans
+parolles vehementes pour essayer s'ilz pourroient gaigner ce point.
+
+En quoy le dict sieur evesque a use de saiges responces, qui seroient
+longues a mettre icy; mais cependant j'ay descouvert, Sire, comme ne
+pouvant ceulx cy vaincre le desir, que leur Mestresse a de sortyr de
+cest affere, qu'ilz se sont delliberez de se tenir fermes et resoluz
+aux condicions qui s'ensuyvent: Que la religion protestante soit
+establye et confirmee en Escoce; que la Royne d'Escoce se doibve
+obliger, par serement solemnel, et fere obliger les siens, qu'elle
+n'entendra jamais a nul party de mariage, sans l'expres consantement
+de la Royne d'Angleterre; qu'elle chassera les rebelles anglois, qui
+se sont retirez en son pays, sans jamais plus en recepvoir, et que
+desormais ilz seront randuz mutuellement par l'ung prince a l'aultre
+sans contradict; qu'elle cedera a la Royne d'Angleterre, et aulx
+descendans qui procederont d'elle, tout le droict et tiltre qu'elle
+pretend a ceste couronne; qu'elle declairera, d'ors et desja, pour son
+successeur a celle d'Escoce et a ses droictz pretanduz de ceste cy son
+filz le Prince d'Escoce; que le dict Prince sera mene pour etre nourry
+en Angleterre soubz quelque promesse, que la dicte Royne d'Angleterre
+fera, de le declairer pareillement son successeur immediat apres elle,
+au cas qu'elle n'eust point d'enfans; que ligue sera faicte, offencive
+et deffencive, entre les deux roynes et leurs royaulmes a jamais, a
+laquelle sera donne lieu a Vostre Majeste d'y pouvoir entrer si bon
+vous semble, mais soubz des condicions que je n'ay encores peu bien
+scavoir quelles elles sont; qu'il ne sera loysible d'introduyre nul
+estrangier en armes, d'ou qu'ilz soient, dans le pays, ny par quelque
+couleur ou pretexte que ce puisse estre; et, finalement, que Vostre
+Majeste baillera ostaiges, a estre icy quelque temps, pour la seurete
+des choses susdictes.
+
+Je n'ay encores, Sire, donne cest adviz a l'evesque de Roz, lequel
+aussi n'a pas heu loysir de me conferer les offres qu'il aporte de sa
+Mestresse; mais Vostre Majeste, s'il luy playt, me commandera de bonne
+heure sa bonne vollonte la dessus, affin que je me trouve bien prepare
+d'icelle, quant il en sera temps; car j'espere que nos amys vaincront
+l'opiniastrete de noz ennemys de ne demeurer trop fermes sur si dures
+condicions comme seroient toutes celles icy ensemble.
+
+Au surplus, Sire, il se continue fort que ceste nuee d'Allemans des
+nopces du Cazimir yra estre ung orage en vostre royaulme au secours
+des Princes et de l'Amyral, ayant le comte Pallatin escript par deca
+que en la dicte assemblee ne seroit rien obmiz de ce qui apartiendroit
+au secours de leur religion en France; duquel secours, pour
+l'incertitude de l'intention du duc Auguste, les determinations
+n'avoient peu prendre aulcune bonne resolution jusques a ceste heure;
+qu'il avoit declaire que le sien seroit le premier prest, et qu'il
+l'envoyeroit a ses despens. Et estime l'on que la dicte assemblee des
+nopces a este principallement projettee pour estre une contrediette de
+celle que l'Empereur a assignee a Espire, affin de resouldre, de eulx
+mesmes et sans le dict Empereur, les afferes d'Allemaigne a la
+devotion des trois ellecteurs laycs, qui semblent avoir tire celluy de
+Colloigne eclesiastique a leur party; et pour ordonner aussi de
+l'establissement de leur religion en France et en Flandres, mais
+surtout pour empescher que l'ellection du roy des Romains ne se puisse
+fere en la personne du filz, ny du frere de l'Empereur, non sans
+quelque opinion qu'ilz veuillent, entre eulx et de leur propre
+authorite, nommer le dict Auguste roy des Romains. Et de tant, Sire,
+que, de jour en jour, me viennent plusieurs indices que ceulx de la
+nouvelle religion ont une descente en main en quelcun de voz portz ou
+places de mer de della, ou ilz pretendent mettre deux mil cinq centz
+hommes en terre, et qu'a cest effect ilz aprestent ung grand armement
+a la Rochelle; et que je scay que les vaysseaulx du prince d'Orange,
+qui sont en ceste mer estroicte, s'y preparent; aussi que j'entendz
+qu'ilz sont sur la delliberation s'ilz convyeront les Anglois d'estre
+de la partie, lesquelz tiennent quatorze grandz navyres et plusieurs
+aultres vaysseaulx en estat, et grand nombre d'hommes enrolles pour
+quelque effect; je vous suplye tres humblement, Sire, qu'il vous
+playse advertyr incontinent les gouverneurs de Normandie, Picardie,
+Bretaigne et Guyenne, car je ne scay proprement ou s'adresse leur
+entreprinse, qu'ilz ayent a y prendre garde et se preparer si bien
+qu'ilz ne puissent estre surprins. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVe jour de juing 1570.
+
+
+
+
+CXVIIIe DEPESCHE
+
+--du XXIXe jour de juing 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Diepe par Brogle, messagier._)
+
+ Audience.--Discussion des affaires d'Ecosse.--Promesse de la
+ reine d'arreter toute hostilite, et d'entendre les propositions
+ de l'eveque de Ross.--Desir manifeste par Elisabeth de voir la
+ paix retablie en France.--Communication faite par la reine a
+ l'ambassadeur des nouvelles qu'elle a recues d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, s'estant la Royne d'Angleterre asses tost repentye de ne
+m'avoir, le XXIIIe du present, ottroye audience, elle m'a mande, le
+deuxieme jour apres, que je la vinse trouver quant il me plairroit; et
+se sont, la lettre qu'elle me faisoit escripre la dessus par le
+secretaire Cecille et la mienne, que pour cest aultre effect je luy
+escripvois, laquelle elle a heu bien agreable, rencontrees en chemin,
+dont je suys alle trouver la dicte Dame le XXVIe de ce moys a Otlant;
+ou m'ayant faict appeller en sa chambre privee, en laquelle elle
+estoit en habit de mallade, ayant sa jambe eu repoz, apres m'avoir
+compte de son mal, et faictes ses excuses de ne m'avoir peu si tost
+ouyr comme je l'avois desire, je luy ay ramentu les choses cy devant
+accordees entre nous, et comme je n'avoys failly, suyvant son desir,
+de depescher ung homme expres pour aporter a Vostre Majeste la
+declaration que sur icelle elle m'avoit envoye notiffier par son
+secretaire Sommer; laquelle declaration je luy voulois bien dire que
+je ne l'avoys peu trouver guieres mauvayse, encore qu'il y eust
+quelque peu de menace, parce qu'il y avoit aussi de la franchise et
+une vraye demonstration qu'elle faisoit de vouloir evitter toute
+alteration entre Voz Majestez, dont j'esperois que ce qu'elle
+entendroit meintennant de vostre intention en cella la contanteroit.
+
+Et ainsy, Sire, je luy ay recitte mot a mot le contenu de vostre
+lettre du Xe de ce moys, non sans qu'elle ayt donne une claire
+cognoissance, sans en rien dissimuler, qu'elle recepvoit ung singulier
+playsir de ce que je luy disoys; m'ayant tout aussitost prie bien fort
+expressement de luy en vouloir bailler aultant par escript, affin de
+le monstrer a quelques ungs de ses conseillers, qui luy disoient
+qu'elle ne debvoit laysser de proceder et pourvoir aulx afferes
+d'Escoce, tout ainsy que si Vostre Majeste ne luy avoit rien faict
+promettre par moy, ny luy mesmes rien dict a son ambassadeur: car
+croyoient que vous n'aviez aulcune vollonte d'en rien observer, ainsy
+que voz aprestz de Bretaigne, qui ne cessoient pour cella, leur en
+donnoient asses bon tesmoignage; ce neantmoins qu'elle s'en vouloit
+reposer en vostre parolle, comme d'ung magnanime Roy et Prince
+vertueux et saige, qui regardiez a conserver l'amytie des princes voz
+voysins, entre lesquelz ce seroit elle qui vous randroit la sienne
+plus parfaicte et accomplye; et qui, oultre le remercyement tres grand
+qu'elle vous fesoit de l'esgard qu'avez heu maintennant a icelle, vous
+cognoistriez qu'elle ne l'auroit moins ferme en l'observance de ses
+promesses qu'elle s'asseuroit de la perseverance de la vostre, en
+celles que vous luy faysiez.
+
+J'ay suyvy, Sire, a luy dire qu'elle trouveroit toutjour toute seurte
+et verite en voz parolles et en celles de la Royne vostre mere, et que
+toutz les jours il luy viendroit nouvelles preuves, que Voz Majestez
+n'avoient aultre intention que de vivre en grande unyon de paix, et de
+toute bonne intelligence avecques elle; bien que je luy vollois
+confesser tout librement que, le lendemain de l'aultre audience
+qu'elle m'avoit donnee a Amthoncourt, je n'avoys failly de vous fere
+une depesche, non pour aigryr ainsy les matieres, comme il m'avoit
+semble que je l'avois trouvee elle aigrye et changee en peu de jours,
+(ce que je n'atribuoys aulcunement a elle, ains a d'aultres, qui
+avoient fort a regrect la bonne unyon de Voz Majestez), mais que je ne
+vous avois pas vollu celler ce qu'elle m'avoit resoluement dict de
+vouloir en toutes sortes retenir les deulx chasteaulx de Humes et
+Fascastel, jusques a ce que ceulx a qui ilz apartiennent eussent
+satisfaict a l'obligation des frontieres; et que meintennant j'avois
+a la requerir tres instantment de deux choses: l'une, que, de tant que
+Vostre Majeste avoit tant vollu defferer a nostre accord qu'ayant ung
+armement tout prest pour le secours d'Escoce, et les Escoucoys sur le
+lieu qui vous requeroient de l'envoyer, et qui vous remonstroient le
+gast, le bruslement et la demolition de leurs maysons nobles du pays,
+et la detention de leur Royne en Angleterre; et que, nonobstant tout
+cella, vous aviez differe et quasi interrompu le dict secours pour luy
+complayre, qu'elle, de sa part, vollut entierement retirer ses forces
+hors du dict pays, comme elle me l'avoit promis, et nommeement celles
+qu'elle avoit encores dans les deux chasteaulx; la segonde chose
+estoit qu'ayant Mr l'evesque de Roz aporte toute l'intention et ung
+ample pouvoir de tretter et conclurre toutes choses avec elle pour sa
+Mestresse, qu'elle y vollut meintennant proceder, ainsy dilligemment
+qu'elle vous avoit promiz de le fere, sans plus remettre la matiere en
+longueur.
+
+Sur lesquelles deux choses, Sire, nous avons heu beaucoup de
+contention, et n'ay, pour le regard de la premiere, peu obtenir rien
+de mieulx que ce que la dicte Dame vous prie, Sire, de vouloir laysser
+les loix de leurs frontieres aller leur cours accoustume, suyvant
+lequel, le differant des dicts deux chasteaulx et des aultres
+attemptatz doibvent estre vuydez par les gardiens d'icelles, qui ne
+fauldront de randre lors les dicts deux chasteaulx, sans que cependant
+ceulx qui sont dedans facent nul acte d'hostillite, qui estoit une
+rayson que, quand elle seroit vostre vassalle, vous ne la luy pouviez
+bonnement reffuzer; et, quant au segond, encor qu'elle eust propose de
+ne veoyr jamais l'evesque de Roz pour des occasions, lesquelles il
+n'avoit peu ny nyer ny excuser, que neantmoins elle me promettoit de
+l'ouyr dans deux ou trois jours; et qu'aussitost que le sir de
+Leviston, lequel nous avions depesche en Escoce, seroit de retour avec
+les aultres commissaires escoucoys, elle vacqueroit sans aulcune
+intermission aulx afferes de la dicte Dame.
+
+Apres lequel propos estimant, Sire, que je ne le debvois pour ceste
+fois poursuyvre plus avant, la dicte Dame m'a dict d'elle mesmes
+qu'elle desiroit fort que, la premiere foys que je retournerois vers
+elle, je lui peusse aporter la conclusion de la paix de vostre
+royaulme, estant bien marrye qu'elle alloit ainsy traynant.
+
+Je luy ay respondu que je n'avoys nul plus grand desir que de la
+pouvoir satisfaire en cella, et que ceste sienne bonne intention
+obligeoit Vostre Majeste et tout vostre royaulme beaucoup a elle, ne
+faysant doubte, quant elle y pourroit ayder de quelque chose, qu'elle
+ne le fyst.
+
+"Il n'y a, respondit elle, nulle oeuvre en ce monde ou je m'employasse
+plus vollontiers, ny ou je courusse de meilleur cueur, encores que je
+soys boyteuse, que je ferois a celle la, et que de ce j'en asseurasse
+Vostre Majeste."
+
+J'ay la dessus passe oultre a luy dire que je craignois bien que ceste
+longueur peult admener quelque chose entre deux, et attirer encores
+possible en vostre royaulme une partie de ces Allemans, qui s'estoient
+trouvez aux nopces du duc Cazimir; et qu'elle scavoit bien ce qui en
+estoit, qui seroit ung bon tour de bonne soeur si elle vous en vouloit
+advertyr, comme je luy vouloys bien dire que la condicion de la cause
+et celle de sa qualite, qui estoit Royne, l'obligeoient de le fere, et
+mesmes d'empescher qu'il ne se preparat rien pour soubstenir
+l'opiniastrette et obstination de voz subjectz contre vous, qui
+n'estoit exemple que pernicieulx pour elle mesmes.
+
+Elle m'a respondu qu'elle ne scavoit pas entierement tout ce qui en
+estoit, mais que l'Empereur luy avoit bien escript que, par pretexte
+du secours de la nouvelle religion en France, il s'estoit faicte une
+plus grande assemblee a ces nopces du Cazimir, que ne requeroit
+l'ordre des maryez, et qu'il monstroit par sa lettre qu'il la tenoit
+fort suspecte pour luy mesmes; adjouxtoit d'aultres gracieulx propos
+de ce qu'il avoit veu maryer son frere l'archiduc, encor qu'il l'eust
+d'aultres foys tout dedye a elle, mais qu'il la prioyt que les dictes
+nopces ne luy fussent d'aulcune jalouzie, car elles n'empescheroient
+qu'il ne fut encores tout sien; et que par le propos de la dicte
+lettre et par plusieurs aultres indices elle croyoit asseureement
+qu'il y auroit ung nouveau secours d'Allemans pour ceulx de la
+Rochelle, si la paix ne succedoit. Et par ce, Sire, qu'il seroit trop
+long de mettre icy toutz les aultres propoz qu'avons heu en ceste
+audience, je les remettray a une aultre foys; et adjouxteray seulement
+ung mot de la reception de vostre depesche du XIXe de ce moys, par le
+Sr de Vassal, et du voyage que faictes fere par deca au Sr de Poigny,
+lequel nous mettrons peyne de l'aprofitter le mieulx qu'il nous sera
+possible. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIXe jour de juing 1570.
+
+
+
+
+CXIXe DEPESCHE
+
+--du Ve jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Sabran._)
+
+Resolutions d'Elisabeth de maintenir l'accord fait au sujet de
+l'Ecosse, et d'entrer en negociation sur la restitution de Marie
+Stuart.--Espoir de la prochaine liberte du duc de Norfolk.--Etat de la
+negociation des Pays-Bas.--_Memoire general_, sur les affaires
+d'Angleterre.--Bienveillance montree par Elisabeth aux seigneurs
+catholiques.--Condition mise a la liberte du duc de Norfolk.--_Memoire
+secret._ Communication faite par l'ambassadeur a la reine d'Angleterre
+de la reponse du roi sur les articles proposes pour la restitution de
+Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, pour avoir Vostre Majeste et la Royne, vostre mere, ainsy
+vertueusement parle, comme vous avez, a l'ambassadeur de la Royne
+d'Angleterre; et pour m'avoir commande de declairer icy a elle vostre
+resolue intention de ne vouloir habandonner aulcunement la Royne
+d'Escoce, ny les afferes de son royaulme; il est advenu que la dicte
+Dame a cesse d'en poursuyvre plus avant l'entreprinse par la force, et
+qu'elle s'est condescendue d'en venir au trette, duquel je vous ay
+desja envoye le commancement. Il est vray, Sire, que, despuys dix
+jours, l'on luy a si bien faict acroyre que, nonobstant vostre
+promesse, vous ne larriez d'envoyer des gens en Escoce, que la dicte
+Dame, changeant de delliberation, avoit desja mande au comte de Sussex
+de rentrer de rechef avec son armee en pays, et d'y saysir toutes les
+places qu'il pourroit; et a l'amyral Clynton de getter promptement six
+grandz navyres en mer, non pour aller attaquer la flotte des Francois
+au combat de main, laquelle ilz entendoient estre pourveue de deux
+mil bons harquebouziers, mais pour la mettre a fondz a coups de canon,
+s'il estoit possible; et mande davantaige que le sir de Leviston,
+lequel nous avions depesche vers le duc de Chastellerault et vers les
+aultres seigneurs escoucoys, pour leur apporter nostre accord, fut
+arreste aulx frontieres; et qu'au reste elle ne tretteroit ny
+admettroit jamais plus l'evesque de Roz en sa presence; s'esforceans
+encores ceulx, qui menoient ceste mauvaise pratique, de me fere
+retarder mon audience, affin que je ne peusse asses a temps y
+remedier; dont a este asses mal ayse, Sire, de retirer la dicte Dame
+de ceste opinion. Neantmoins, j'ay miz peyne de luy dire et encores de
+luy bailler par escript, si a propos, la responce de Vostre Majeste du
+Xe du passe, et de l'asseurer tant de la seurte et verite qu'elle
+trouveroit toutjour en voz promesses, que, oultre les choses que je
+vous ay desja mande qu'elle m'avoit en presence lors accordees, voicy,
+Sire, ce que de ceste vostre bonne responce s'en est despuys ensuyvy:
+
+Que la dicte Dame a escript au comte de Sussex de casser son armee et
+se retirer luy a Yorc, laissant quelques compaignies aulx gardiens des
+frontieres, et une petite garnyson dans Humes et Fascastel; qu'elle a
+ordonne a son admyral de ne getter nulz navires dehors, ains de fere
+cesser pour ceste heure tout l'armement et apareil d'iceulx; qu'elle a
+mande au comte de Lenoz, qui estoit a Lislebourg, avec trois centz
+Escoucoys entretenuz aux despens de la dicte Dame, de se retirer a
+Barvyc; qu'on n'eust a donner aulcun empeschement au sir de Leviston
+en la frontiere, ains de luy laysser librement poursuyvre son voyage;
+et finalement, suyvant sa promesse, qu'elle a si paciemment ouy
+l'evesque de Roz, et si favorablement receu des ouvrages, qu'il luy a
+presentez de la part de sa Mestresse, lesquelz elle mesmes avoit
+faictz de sa main, qu'il m'a dict n'avoir jamais heu une plus benigne
+audience de la dicte Dame ny plus pleyne de satisfaction, qu'il a
+faict ceste foys, avec promesse que, aussitost que le sir de Leviston
+et aultres commissaires escoucoys seront arrivez, qu'elle procedera en
+toute dilligence aulx afferes de la Royne d'Escosse. Et si, semble,
+Sire, que le duc de Norfolc ayt aussi asses advance le faict de sa
+liberte, et qu'il est en termes d'estre bientost remiz en son logis de
+ceste ville, soubz quelque soubzmission qu'il pourra fere a la dicte
+Dame.
+
+Au surplus, Sire, de tant qu'il se trouve meintennant beaucoup de
+diminution et de deschet en la merchandise d'Espaigne, qui a este
+arreste par deca, et que ceulx cy ne la veulent fere bonne, ny veulent
+pareillement estre tenuz de celle des treze ourques, que ceulx de la
+Rochelle en ont emmene pour leur part, il semble que leur accord avec
+le duc d'Alve n'est pres d'estre faict; mesmes que une ordonnance, de
+nouveau publiee en Flandres contre les Anglois, monstre que le duc en
+est asses esloigne, bien que par aultres moyens il en faict de plus en
+plus attaicher la pratique, affin de la faire tumber a son poinct,
+ainsy qu'on attand la dessus des commissaires de Flandres qui doibvent
+bientost arriver; et ceulx cy desirent tant d'en sortyr qu'il semble
+qu'a la fin ils se layrront plyer a ce que le dict duc vouldra, comme
+desja la dicte Dame lui a offert cinquante mil escuz du sien; mais la
+demande passe ung million. Les sollicitations et dilligences de ceulx
+de la nouvelle religion ne s'intermettent d'une seulle heure, ce qui
+faict acroyre au monde qu'ilz scavent tres bien que le propos de la
+paix sera acroche a quelque difficulte, et que la guerre sera encores
+continuee. Sur ce, etc.
+
+ Ce Ve jour de juillet 1570.
+
+ INSTRUCTION AU DICT SR DE SABRAN des choses qu'il fault fere
+ entendre a Leurs Majestes, oultre les lettres:
+
+ Que la Royne d'Angleterre est bien fort sollicitee d'interrompre
+ la paix de France par aulcuns, qui luy font acroyre, qu'aussitost
+ que le Roy l'aura conclue, il se ressouviendra des mauvais
+ deportemens, dont les Anglois, durant ceste guerre, ont use, par
+ mer et par terre, a la Rochelle, icy, et en Allemaigne, contre
+ luy; ce qui n'est toutesfoys leur principalle craincte, ains
+ qu'avec la dicte paix s'en ensuyve l'accomodement des afferes de
+ la Royne d'Escoce, laquelle ilz cerchent de ruyner, pour preferer
+ a son tiltre, de la succession de ceste couronne, ses aultres
+ competiteurs qui y pretendent.
+
+ Mais comme la dicte Royne parle toutjour en fort bonne facon de
+ la dicte paix, aulcuns m'ont asseure que, a bon escient, elle la
+ desire, et qu'elle vouldroit en toutes sortes que la querelle des
+ subjectz fut bien esteincte au proffict et advantaige du Roy, ny
+ les afferes d'Escoce ne la peuvent mouvoir au contraire, parce
+ qu'elle veult, commant que soit, sortir d'iceulx; et seulement
+ elle crainct que le Roy et le Roy d'Espaigne s'accordent a sa
+ ruyne, car aultrement elle estime bien que, se concluant la paix
+ en France, le Roy recepvra en grace ceulx de ses subjectz, qui
+ ont senty quelque faveur et support d'elle, et que ceulx la
+ seront toutjour moyen que la dicte paix soit aussi entretenue
+ entre la France et l'Angleterre.
+
+ Et la cause de luy fere ainsy souspeconner, que l'intelligence
+ des deux Roys soit a son dommaige, procede de la bulle; car ne
+ peult croyre que, sans leur consentement, le Pape l'ayt oze
+ expedier ainsy rigoureuse contre elle comme elle est; joinct que
+ le duc d'Alve se tient a ceste heure trop plus ferme sur l'accord
+ des prinses qu'il ne faisoit, et a monstre une tres grande
+ anymosite contre les Anglois par une ordonnance, qu'il a faicte
+ tout de nouveau publier contre eulx; et si, voyent les dicts
+ Anglois qu'il se pourvoyt de beaulcoup plus de forces par mer et
+ par terre, qu'il ne leur semble estre besoing pour la reception
+ ou conduicte de la Royne d'Espaigne; ce qui leur donne occasion
+ de croyre qu'il ayt quelque entreprinse sur ce royaulme;
+ entendans mesmement que le Roy d'Espaigne est fort a bout de ses
+ Mores, et que toutz les Catholiques, qui s'absentent d'icy, vont
+ a recours a luy.
+
+ A l'occasion de quoy j'ay prins, entre deux, l'oportunite de fere
+ recepvoir, le mieulx que j'ay peu, a la dicte Dame les honnestes
+ expedians et moyens, que le Roy luy a offertz, sur ce qu'ilz
+ peuvent avoir a demesler l'ung avecques l'aultre; dont semble que
+ enfin elle se lairra conduyre a quelque rayson, et m'a l'on
+ asseure que, en l'endroit des Francoys, Allemans et Flamans, de
+ la nouvelle religion, qui sont icy, elle a faict, despuys cinq ou
+ six jours, des demonstrations asses expresses qu'elle desiroit la
+ paix de France; et pareillement a monstre, touchant les choses
+ d'Escoce, qu'elle vouloit contanter le Roy; et a commande a ceulx
+ de son conseil de me donner satisfaction sur les choses
+ raysonnables que je leur pourray demander pour les subjectz de Sa
+ Majeste.
+
+ Non que, pour tout cella, je cognoisse que ceulx du dict conseil,
+ qui portent le faict de la religion nouvelle, aillent en rien
+ plus froidz ny plus remiz que de coustume, ny que les principaulx
+ agentz, qui sont icy pour ceste cause, intermettent une seule
+ sollicitation ny dilligence vers eulx, ny a tenir souvant conseil
+ avecques les ministres, pour envoyer lettres et messaigiers de
+ toutz costez et pour recouvrer pollices de credit pour
+ Allemaigne, ensemble pour pourvoir, par mer et par terre, a tout
+ ce qu'ilz pensent estre besoing pour continuer la guerre, me
+ venans confirmez de plus en plus les adviz, que j'ay desja
+ mandez, qu'il s'apreste ung nouveau secours d'Allemans pour eulx,
+ et qu'ilz preparent une descente par mer en quelque lieu de
+ Normandie, Picardie ou Bretaigne; dont je crains bien que ung des
+ serviteurs de Mr de Norrys, nomme Harcourt, qui est Francoys,
+ lequel a este naguieres depesche d'icy vers son maistre, ayt heu
+ commission de passer pour cest effect plus avant jusques en
+ Allemaigne, ou jusques au camp des Princes.
+
+ Neantmoins la demonstration de la dicte Dame est, pour ceste
+ heure, de vouloir trop plus entretenir l'esperance des
+ Catholiques en son royaume que d'essayer de la leur rompre, ny de
+ les mettre en aulcune souspecon des Protestans, ayant par son
+ garde des sceaux, en l'audience du dernier jour du terme passe,
+ faict dire a l'assemblee qu'elle avoit ung tres grand regret de
+ veoir que ses subjectz catholiques se monstrassent intimidez pour
+ leur religion, ny qu'il y en eust qui, pour cause d'icelle,
+ s'absentassent, comme ilz faisoient, de son royaulme; et qu'elle
+ les vouloit toutz admonester de bon cueur de deposer ceste peur,
+ et de prendre telle asseurance d'elle, qu'elle n'innoveroit ny
+ permettroit estre innove rien des ordonnances sur ce establyes
+ par ses Parlementz et Estatz, soubz lesquelles son royaulme avoit
+ desja vescu plusieurs ans en grand repos, et qu'elle n'entendoit
+ en facon du monde que les Catholiques fussent forcez en leurs
+ consciences.
+
+ Dont despuys, la dicte Dame, entendant qu'on avoit rigoureusement
+ examine et tenu asses estroict le sir Jehan Cornouaille, jadis
+ conseiller de la Royne Marie, et trois aultres personnaiges
+ d'asses bonne qualite, qu'on avoit envoye a la Tour pour estre
+ cognuz affectionnez catholiques, elle s'en est asprement prinse a
+ ceulx qui l'avoient ose fere; et, pour leur fere plus de honte,
+ elle a ottroye que le dict Cornouaille puysse venir luy baiser la
+ main, pour le renvoyer libre en sa mayson, et a commande que les
+ aultres soyent tirez de la Tour.
+
+ Et, encor qu'on luy ayt vollu imprimer beaucoup de nouvelles
+ souspecons du comte d'Arondel, de milord Lomeley, du viscomte de
+ Montegu et d'aulcuns aultres seigneurs reputez catholiques, qui,
+ pour ceste cause, s'estoient tenuz retirez, elle n'a laysse de
+ les envoyer querir avecques faveur; et n'a rejette les propos que
+ eulx mesmes et d'aultres luy ont meu sur la liberte du duc de
+ Norfolc, nonobstant que, ez quartiers de son duche, ayent este
+ naguieres surprins deux gentishommes, asses familiers et
+ serviteurs de sa mayson, qui pratiquoient de soublever le peuple
+ et se saysir du chasteau de Farlin, qui est la principalle
+ forteresse du pays.
+
+ Et semble que le dict duc seroit desja delivre, sans la
+ competance ou en sont le comte de Lestre et le secretaire
+ Cecille, lesquelz veulent chacun en avoir tout le gre, et estime
+ l'on que le comte soit marry de ce que n'ayant peu conduyre ce
+ faict avant son partement, il ayt trouve, a son retour, que le
+ dict Cecille l'avoit bien fort advance, lequel, a ce que
+ j'entendz, a tenu un tel moyen vers sa Mestresse: c'est de luy
+ avoir persuade qu'elle debvoit conceder l'eslargissement du dict
+ duc, s'il luy declaroit par une lettre, escripte et signee de sa
+ main, qu'il confessoit l'avoir offancee en ce que, sans son sceu,
+ il avoit preste l'oreille au mariage de la Royne d'Escoce, bien
+ qu'il eust toutjours estime que c'estoit pour la seurte d'elle et
+ pour le repoz de son royaulme, mais puysqu'elle n'estimoit qu'il
+ fut ainsy, et qu'il s'apercevoit a ceste heure qu'il estoit asses
+ aultrement, il s'en despartoit entierement et pour jamais, et
+ promettoit de n'entendre a cestuy, ny a nul aultre mariage, en sa
+ vie, que ce ne fut avec le conge et bonne grace de la dicte Dame:
+ lequel expediant je croy qui sera suyvy.
+
+ Estant ce dessus escript, j'ay heu adviz comme un pacquet du
+ docteur Mont, agent pour ceste Royne en Allemaigne, estoit
+ arrive, dez hyer au soyr, par lequel il mande que le Pape faict
+ bien fort presser l'Empereur de commancer la diette et de
+ proceder a la privation et desauthorisation des trois ellecteurs
+ laycs, pour substituer trois princes catholiques a leur lieu;
+ scavoir: l'archiduc Ferdinand, le duc de Baviere et le duc de
+ Bronsouyc; mais que, se trouvans les aultres accompaignes de dix
+ ou douze mil chevaulx, et le dict Empereur seulement de douze ou
+ quinze centz, il faict grand difficulte de se trouver a la dicte
+ diette.
+
+ Et que, par lettres du comte Pallatin venues en mesmes pacquet,
+ le dict sieur comte escript que le Pape s'esforce de troubler
+ l'Allemaigne, ainsy qu'il a trouble le royaulme de France; et que
+ Dieu lui est tesmoing que, de sa part, il desire la tranquillite
+ et le repoz de la Chrestiente et singulierement du dict royaume,
+ en ce toutesfoys que la paix s'y puisse fere estable et a la
+ seurte de sa religion, aultrement il promect qu'il ne sera rien
+ obmiz de ce qui sera besoing pour reprimer ceulx qui la veulent
+ empescher. Il semble que, sur ceste alteration d'Allemaigne, le
+ dict Pallatin s'employeroit asses vollontiers a procurer la dicte
+ paix, dont le Roy pourra essayer de se prevaloir de leurs mesmes
+ divisions, et je mettray peyne de fere sonder icy, parmi les
+ Protestans, s'ilz sentent que d'icelles leur vienne nul
+ retardement ou changement en leurs afferes; car j'estime bien
+ qu'on attandra de veoir que pourra produyre ceste diette, qui est
+ si suspecte aux princes protestans, premier qu'ilz se
+ divertissent a nulles aultres entreprinses, et cella donra
+ quelque loysir a Sa Majeste.
+
+ DIRA DAVANTAIGE, DE MA PART, A LEURS MAJESTEZ:
+
+ Que ne sachant comme la Royne d'Angleterre eust peu prandre ce
+ que Leurs Majestez me commandoient de luy dire, touchant la ligue
+ d'entre la Royne d'Escoce et elle, comme le Roy estoit contant
+ d'y entrer, j'ay estime que, pour reserver tout l'advantaige a
+ Leurs Majestez, et obvier qu'on n'y puisse rien calompnier, que
+ j'en debvois parler en la facon que j'ay faict:
+
+ C'est que j'ay dict a la dicte Dame qu'ayant le Roy entendu les
+ trois poinctz, ausquelz s'estoit restreinct tout le premier
+ pourparle d'entre les seigneurs du conseil d'Angleterre et
+ l'evesque de Roz; scavoir: de la religion, du tiltre de ceste
+ couronne et de la ligue; que, quant au premier, de la religion,
+ estant desja certain ordre receu la dessus en Escoce, lequel la
+ Royne n'a jamais enfrainct, il vouloit tant seulement prier a
+ ceste heure la dicte Dame de ne fere force ny viollance a la
+ conscience de la dicte Royne d'Escoce, ny innover rien en ceste
+ matiere qui peult admener plus d'alteration au monde qu'il n'en y
+ a:
+
+ Et du segond, qui est le tiltre de la couronne d'Angleterre,
+ qu'il desiroit que la dicte Royne d'Escoce luy en fit toute la
+ cession et transport, qu'elle et son conseil estimeroient luy
+ estre besoing pour sa perpetuelle seurte et pour ceulx qui
+ pourroient provenir d'elle:
+
+ Au regard du troisiesme, qui concerne la ligue, qu'il ne seroit
+ marry qu'elle se fit entre elles, pourveu que ce ne fut contre
+ luy, ny au prejudice des aultres ligues qu'il a avec la dicte
+ Royne d'Angleterre et son royaume, et pareillement avec la Royne
+ d'Escoce et le sien; et layssay la dessus amplement discourir la
+ dicte Dame et estendre ses responces, sans l'interrompre de rien,
+ ainsy que je l'ay desja mande.
+
+ Mais reprenant, puys apres, le propos, je luy diz que, ayant
+ considere de moy mesmes combien il sourdoit a toute heure de
+ grandes espines et de nouvelles difficultez en ce faict de la
+ restitution de la Royne d'Escoce, a cause qu'on la luy proposoit
+ toutjours fort suspecte du coste de France, j'avois suplie le Roy
+ de vouloir luy mesmes intervenir en la ligue deffencive, qui se
+ feroit entre elles deux, affin qu'en lieu de se deffyer de luy,
+ elle en print dorsenavant toute asseurance et seurte; et que le
+ Roy m'avoit respondu qu'il le vouldroit bien, mais qu'il ne
+ voyoit pas le moyen commant cella se pourroit fere; toutesfoys,
+ si je le voyois icy sur le lieu, qu'il s'en remettait bien a moy
+ de passer oultre;
+
+ Et que je pensoys qu'il avoit regarde a la jalouzie, que les
+ aultres princes en pourroient prendre, et possible encores a la
+ diversite de la religion; dont, de tant qu'il ne m'avoit commande
+ d'en declairer si avant a la dicte Dame, et que neantmoins
+ c'estoit chose que je ne pouvois effectuer sans elle, je prenois
+ sa parolle pour garant que le propos seroit reserve et ne
+ passeroit plus avant qu'entre nous deux, ou bien, si elle en
+ vouloit communiquer a son conseil, qu'elle me promettait de ne
+ dire jamais que cella fut procede de moy.
+
+ La dicte Dame, ayant tres agreable le dict propos, lequel a este
+ cause que tout l'affere est retourne en bons termes, et
+ neantmoins, estant marrye que je y allois si reserve, me demanda,
+ trois ou quatre foys, si j'avois poinct pense nul bon moyen en
+ cella. Je ne luy volluz soubdain respondre, affin de luy en
+ laysser a elle mesmes mettre quelcun en avant; mais enfin je luy
+ diz que celluy que je voyois le plus honeste estoit que la Royne
+ d'Escoce le requist, et que le Roy, pour le bien et consideration
+ d'elle, auroit plus grande ocasion d'y entendre: et n'en est
+ encores la chose plus avant.
+
+
+
+
+CXXe DEPESCHE
+
+--du IXe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Diepe par Me Allexandre._)
+
+ Arrivee de Mr de Poigny en Angleterre.--Affaires d'Ecosse et
+ d'Allemagne.--Nouvelles apportees de la Rochelle; combat de
+ Sainte-Gemme pres Lucon.--Declaration du duc d'Albe que les
+ preparatifs maritimes faits dans les Pays-Bas n'ont d'autre but
+ que d'assurer la conduite en Espagne de la nouvelle reine.
+
+ AU ROY.
+
+Sire, estant Mr de Poigny arrive le IIIIe de ce moys en ceste ville de
+Londres, j'ay envoye, le jour d'apres, fere entendre sa venue a la
+Royne d'Angleterre, et la prier de nous donner audience, laquelle la
+nous a prolongee jusques aujourduy, dimenche, que nous l'allons
+trouver a Otland, asses incertains que pourra reuscyr de son voyage;
+car il semble que la dicte Dame ayt escript a son ambassadeur par
+della qu'il s'estoit trop advance de vous requerir de l'envoyer, et
+que desja il s'est excuse de n'avoir onques pense de vous parler de
+telle chose. Et encores est advenu que les Escoucoys ont freschement
+couru et pille le bestial en la frontiere d'Angleterre, a l'ocasion de
+quoy le comte de Sussex, non seulement n'a separe son armee, mais a
+faict grande instance qu'il luy fut permiz de rentrer encores une foys
+en Escoce, et a retenu pour ceste occasion quelques jours davantaige a
+Auvyc le sir de Leviston, que nous envoyons en Escoce. Toutesfoys
+l'on nous asseure qu'il est meintennant passe; dont n'estant encores
+les choses qu'en asses bons termes, nous incisterons, aultant qu'il
+nous sera possible, qu'elles soyent effectuees ainsy qu'on a commance
+de les tretter.
+
+Et cependant, Sire, je diray a Vostre Majeste qu'il y a quelque
+aparance, parmy ceulx de la nouvelle religion qui sont icy, que la
+nouvelle, qu'ilz ont despuys trois jours d'Allemaigne, leur jette
+l'esperance de leur secours ung peu plus loing qu'ilz ne pensoyent,
+entendans comme l'assemblee de Heldelberc s'est separee; et que le duc
+Auguste, estant alle devers l'Empereur, luy a parle en si bonne sorte
+de l'ocasion qui le pressoit de s'en retourner chez luy, que non
+seulement l'Empereur le luy a permiz, mais ne luy a reffuze son
+excuse, de ne se pouvoir sitost trouver a la diette; et que despuys,
+le comte Pallatin l'est semblablement alle saluer, qui luy a offert
+d'intervenir luy mesmes a icelle diette, si les aultres princes y
+viennent; et que, contre l'opinion qu'on avoit que, pour craincte de
+ceste assemblee de Heldelberc, le dict Empereur ne passeroit oultre,
+l'on mande qu'il est arrive le XVIIIe de juing a Espire, accompaigne
+seulement, oultre ceulx de sa court, du duc Jehan Georges Pallatin,
+qui monstre de vouloir asprement quereller une quarte part du
+Pallatinat; et que le dict Empereur est alle descendre a l'esglize
+principalle, au grand contantement des Catholiques, se descouvrant de
+plus en plus que icelle diette est principallement indicte pour
+proceder contre les trois ellecteurs protestans, desquelz n'ayant leur
+dignite prins aultre origine ny fondement que de l'authorite du Pape,
+par la bulle jadis sur ce expediee, il semble n'estre sans rayson que,
+par la mesmes authorite, puysqu'ilz s'en sont substraictz, joinct
+celle de l'Empereur, ilz en puissent meintennant estre fort
+legitimement privez; non que les dicts de la religion se tiennent pour
+cella moins asseurez que devant d'avoir leur secours, ains plus, a
+ceste heure qu'ilz disent que, parce que les dits princes ont
+descouvert ceste entreprinse, ilz se veulent plus evertuer, qu'ilz
+n'ont encores jamais faict, pour la deffense de la religion; bien
+pensent qu'affin qu'ilz se puissent mieulx opposer a tout ce qui se
+pourroit decretter contre eulx, ils vouldront retenir les forces dans
+le pays jusques a la fin d'icelle diette; et aussi que n'ayantz les
+draps de ceste derniere flotte d'Angleterre heu encores asses bonne
+vante en Hembourg, leurs lettres de credit, qui sont assignees la
+dessus, n'ont peu estre si tost employees; et le payement est retarde
+d'ung moys: mais ilz n'intermettent cependant aulcune poursuyte ny
+dilligence en cella, mesmes qu'on leur a escript que les deniers, pour
+la levee de Vostre Majeste, sont desja arrivez par della.
+
+Et j'entendz, Sire, que jeudy dernier, arriva ung soldat de la
+Rochelle, qui magniffie bien fort quelque routte que les Huguenotz ont
+donnee aulx capitaines La Riviere et Puygaillart pres de Lusson[10],
+ou est demeure, a ce qu'il dict, plus de cinq centz des nostres sur la
+place, et dix sept capitaines avec plus de deux centz aultres
+prisonniers; et, sellon les lettres que le dict soldat a apportees,
+lesquelles ont este veues en ceste court, le comte de La Roche
+Foucault, qui estoit party pour s'aller joindre au camp des Princes,
+s'en est retourne d'Angoulesme, a cause de la blessure du Sr de La
+Noue, de qui l'on n'espere guyeres la gueryson, affin de ne laysser la
+Rochelle et le pays sans gouverneur; et que le dict sieur comte est
+apres a mettre aulx champs envyron cinq mil hommes de pied et cinq
+centz chevaulx, avec trois pieces d'artillerye, pour aller reprendre
+Xainctes, et de la marcher en Brouaige; et que le capitaine Sores
+estant adverty que deux tres riches flottes revenoient des Indes,
+l'une pour Espaigne, et l'aultre pour Portugal, qui doibvent arriver a
+ce moys d'aoust, est alle essayer s'il en pourra piller quelque une,
+ayant, comme il semble, pour ceste occasion remiz l'entreprinse de
+leur descente, dont vous ay ci devant escript, jusques a son retour;
+et cependant les vaysseaulx du prince d'Orange et ceulx de quelques
+pirates francoys, qu'ilz nomment le capitaine Joly, du Mur, Bouville
+et aultres, ont combattu, vendredy dernier, dans ceste mer estroicte,
+une flotte de douze grandes ourques, lesquelles, soubz la conserve de
+deux aultres grandz navyres de guerre, passoient de Flandres en
+Espaigne, et ont prins l'admyralle et une aultre des plus riches.
+
+ [10] Combat livre a Sainte-Gemme-la-Plaine, en Poitou, dans
+ lequel la Noue, qui commandait les Protestans dans la Saintonge,
+ remporta une victoire signalee sur les troupes royales. La
+ blessure qu'il recut quelques jours apres, a l'assaut de
+ Fontenay, necessita l'amputation du bras gauche, mais il ne tarda
+ pas a reprendre son commandement.
+
+Le duc d'Alve a fait declairer icy par l'ambassadeur d'Espaigne que
+l'armement, qu'il prepare en Flandres, n'est pour aultre effect que
+pour conduyre la Royne, sa Mestresse, devers le Roy son mary, avec
+l'apareil qui convient a une si grande princesse comme elle est, pour
+le dangier des pirates; ce que j'estime, qu'il a fait expressement
+pour garder que les Anglois n'arment de leur coste; car ilz ne
+pourroient, puys apres, se tenir qu'ilz n'allassent se presenter en
+mer au passaige de la dicte Dame, en dangier qu'il y peult survenir
+quelque accident, ce qu'il veult bien evytter; et a mande que ceulx
+qu'il a faict depputer sur le differant des merchandises, sont desja
+partys pour venir par deca. Sur ce, etc.
+
+ Ce IXe jour de juillet 1570.
+
+
+
+
+CXXIe DEPESCHE
+
+--du XIIIe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Diepe par Jehan Girault._)
+
+ Audience accordee par la reine d'Angleterre a Mr de Poigny,
+ envoye vers elle pour negocier la mise en liberte de Marie
+ Stuart, et son retablissement.--Nouvelles d'Ecosse.--Insistance
+ de l'ambassadeur pour qu'Elisabeth refuse toute protection aux
+ protestans de France, s'ils ne consentent pas a accepter les
+ conditions offertes par le roi.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, nous avons este, despuys quatre jours en ca, trouver la Royne
+d'Angleterre a Otland, laquelle a monstre de recepvoir, avec playsir,
+les lettres et recommendations, que Voz Majestez lui ont faictes
+presenter par Mr de Poigny, et l'a receu a luy mesmes bien fort
+favorablement; dont, apres aulcuns bien honnestes propos, de l'ayse
+qu'elle avoit d'entendre de voz bonnes nouvelles et vostre retour en
+bonne sante vers les quartiers qui sont plus pres d'icy, elle a
+commance de lyre asses hault voz lettres; sur lesquelles monstrant de
+s'esbahyr de l'occasion que luy mandiez du voyage du dict Sr de
+Poigny, que ce fut a l'instance de son ambassadeur, elle nous a dict,
+tout clairement, qu'elle n'avoit point donne ceste charge a son
+ambassadeur, ainsy qu'il se pourroit bien veriffier par la minute des
+lettres que, despuys deux moys, elle lui avoit escriptes: et le
+Secretaire Cecille, lequel elle a appelle la dessus, n'a failly de le
+confirmer de mesmes.
+
+Puys, elle a suyvy a dire qu'il estoit advenu l'ung de deux; ou qu'on
+avoit equivoque sur ce qu'elle avoit accorde que la Royne d'Escoce et
+moy peussions envoyer ung gentilhomme jusques en Escoce pour voir
+comme les armes s'y poseraient, et comme elle feroit retirer ses
+forces hors du pays, ainsy que, pour cest effect, le sir de Leviston
+estoit desja par della, mais non de fere venir expres ung gentilhomme
+de France; ou bien qu'il y avoit de l'artiffice; mais, d'ou que peult
+venir la faulte, elle n'estoit que heureuse, puysqu'elle luy estoit
+moyen de pouvoir mieulx entendre l'estat et bonne disposition de Voz
+Majestez.
+
+A quoy ayantz vifvement inciste qu'il n'y avoit, ny pouvoit avoir, nul
+mescompte ny artiffice de vostre coste, le dict Sr de Poigny a allegue
+qu'il avoit veu son dict ambassadeur estre longtemps en l'audience
+avec Voz Majestez a vous discourir et monstrer plusieurs papiers; et
+que, au sortir de la, vous luy aviez commande de s'en venir, qui ne
+pouvoit estre, sans que le dict ambassadeur l'eust ainsi requis. Et a
+poursuyvy de reciter a la dicte Dame bien particulierement tout le
+contenu de sa charge, en si bonne et gracieuse facon, qu'elle a
+monstre d'en avoir tout contantement.
+
+Il est vray, Sire, qu'elle a commance de respondre par une plaincte,
+qu'elle nous a faicte, de l'affection que Vostre Majeste monstre de se
+souvenir trop plus de la Royne d'Escoce et de ses afferes que des bons
+tours de bonne soeur et vraye amie, qu'elle vous a monstrez en ces
+troubles de vostre royaulme; mais que pourtant elle ne veult laysser,
+sur la consideration qu'avez heue de n'envoyer voz forces en Escoce,
+de vous en randre ung bien fort grand mercy, et non moindre pour
+l'amour de vous que pour l'amour d'elle mesmes, car l'honneur est egal
+a toutz deux; et qu'au reste, encores qu'on dye que les femmes ont
+toutjours des responces et deffaictes toutes prestes, qu'elle n'en
+usera en cest endroict, ains prendra temps pour bien consulter
+l'affere, affin de nous donner, par apres, plus grande satisfaction.
+
+Et ainsy, Sire, nous sommes attandans qu'est ce qu'elle trouvera par
+son conseil qu'elle nous debvra dire; et, de tant qu'elle nous a
+touche de l'armement, qu'elle dict estre encores tout prest en
+Bretaigne, contre l'asseurance que je luy avois donnee que vous
+l'aviez contremande, et aussi de quelque personnaige qu'avez
+freschement depesche par mer en Escoce; et que, parmy cella, elle nous
+a ramentu plusieurs offances que la Royne d'Escoce, a ce qu'elle dict,
+luy a faictes, avec grande deffiance d'elle et de Mr le cardinal de
+Lorrayne, je ne vois pas que nous soyons encores bien prez de
+conclurre quelque bon marche entre elles. Tant y a que comme il n'a
+este, a mon adviz, rien oublye de ce qui se pouvoit desduyre en ceste
+premiere remonstrance, nous ne delliberons d'estre moins pressantz en
+la segonde. Ce poinct, au moins, nous demeure gaigne despuys dix
+jours, que l'armee de la dicte Dame, suyvant ce que je vous ay cy
+devant mande, est entierement cassee, et ne reste nulles aultres
+forces en la frontiere du North que la garnison acoustumee de Barvich
+et celle qu'on a laysse dans les deux chasteaux de Humes et Fascastel.
+Il est vray que, dedans Barvych, demeure ung bien fort grand appareil
+de guerre, qu'on y avoit desja prepare pour la generalle entreprinse
+d'Escoce, et l'armee peult, en bien peu de jours, estre rassemblee. Je
+ne scay si le comte de Lenoz aura de mesmes obey a ce que je vous ay
+mande, Sire, qu'on luy avoit escript de se retirer au dict Barvych et
+de licentier les trois centz Escoucoys qu'on entretenoit pres de luy;
+car, sellon les dernieres nouvelles qui sont venues de della, il
+s'entend que le dict de Lenoz estoit encores a Esterlin, le XXVIe du
+passe, avec les comtes de Morthon et de Mar, creez lieuctenans du
+jeune Roy son petit filz, jusques au dixieme de ce moys; auquel jour
+toutz ceulx de ceste faction se debvoient trouver a Lislebourg pour
+mettre quelque resolution en leurs afferes. Ilz ont este en termes de
+porter le dict jeune Roy au dict Lislebourg affin qu'avec sa presence
+ilz peussent recouvrer le chasteau, mais le lair de Granges a respondu
+que le dict Prince y seroit le bien venu; neantmoins qu'il vouloit
+demeurer le plus fort dedans, attandant que la Royne sa mere et luy
+fussent d'accord comme ilz entendroient qu'il en usast. Cependant la
+dicte Dame a envoye confirmer a sa devotion le dict de Granges, et ses
+aultres bons serviteurs de della, par le dict sir de Leviston, qui
+leur a apporte, de par elle, trois mil escuz, de la somme que je luy
+ay naguieres fornye, affin qu'ilz ayent de quoy se pourvoir des choses
+qui sont necessaires pour la garde du dict chasteau de Lislebourg et
+de celluy de Dombertrand.
+
+Sur la fin de nostre audience, Sire, j'ay faict mencion a la dicte
+Dame de l'estat auquel sont encores les afferes de vostre royaulme, et
+comme Vostre Majeste, ayant donne ung clair tesmoignage au monde de sa
+bonne intention a reunyr toutz ses subjectz, et esgallement les
+conserver, et d'avoir concede a ceulx, qui se sont ellevez, une si
+grande satisfaction, pour leur religion et pour leurs afferes, et
+encores pour la seurte de leur personnes, qu'il ne leur reste plus
+aulcune excuse de ne debvoir poser les armes, ny de quoy pouvoir
+alleguer a la dicte Dame, ny aulx aultres princes protestans, que vous
+pourchassiez d'exterminer leur religion, puysque permettez qu'elle ayt
+cours et exercisse en vostre royaulme; qu'elle veuille donques croyre
+que vous ne cerchez en ceste guerre que le seul recouvrement de
+l'obeyssance qu'ilz vous doibvent; et que leur entreprinse, s'ilz
+passent oultre, ne peult estre dresse que contre vostre estat et
+authorite; et que n'estantz naiz au pareilh degre d'honneur de Voz
+Majestez, il est sans doubte que, s'ilz pouvoient avoir quelque
+advantaige sur vous, que eulx et leurs semblables entreprendroient de
+fere le mesmes, par toutz les aultres estatz de la Chrestiente, pour y
+abattre l'authorite et esteindre le sang royal des princes souverains;
+dont la priez que, s'ilz different ou reffuzent d'accepter vos
+honnestes offres, qu'elle les veuille tout aussitost priver de toute
+faveur et retraicte en ses portz et pays, et employer ses bons moyens,
+icy et en Allemaigne, et vers les princes protestantz, desquelz ilz
+attandent leur secours, et partout ou elle pourra, par mer et par
+terre, qu'ilz ne puissent executer leurs mauvaises et violantes
+intentions.
+
+A quoy la dicte Dame m'a respondu que je luy estois tesmoing, que,
+entre ses meilleurs desirs, elle avoit toutjours heu bien expecial
+celluy de la paix de vostre royaulme, et qu'elle esperoit que voz
+subjectz ne se diffameroient tant que de la rejetter, si les
+condicions estoient telles que je disoys; et que d'autresfoys elle
+m'avoit dict qu'elle vouloit reserver une oreille aulx raysons que les
+aultres pourroient alleguer, lesquelz, si n'en avoient de si bonnes
+qu'ilz se peussent bien excuser de l'obeyssance et deposition d'armes
+que Vostre Majeste leur demande, qu'elle les tiendroit puys apres pour
+rebelles; et qu'elle croyt que leur longueur vient de ce que les
+exemples du passe leur font peur; comme encore elle pense que, quant
+Dieu vous aura donne la paix, l'on ne cessera, avant deux ans, de vous
+pousser a la guerre, pour oster ceste religion, et mesmes a vous
+anymer contre ce royaulme comme contre ung coin de terre qui sert de
+retrette aulx Protestans; ains qu'elle scayt bien qu'on a vollu
+imprimer au cueur de Monsieur d'aspirer par ce moyen a quelque
+couronne, mais qu'elle espere que vostre prudence et la sienne, et
+vostre moderation, resisteront a si mauvais et pernicieulx conseilz;
+et, quant aulx choses d'Allemaigne, qu'elle m'a naguieres adverty de
+ce que l'Empereur luy en avoit escript, et bientost elle attand
+lettres de della, desquelles elle me fera part, c'est en substance,
+Sire, ce qui s'est passe en la dicte audience. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIVe jour de juillet 1570.
+
+ Tout presentement viennent d'arriver les commissaires de
+ Flandres, que le duc d'Alve a envoyez pour venir visiter les
+ prinses et en fere l'evaluation. Et semble que l'esperance de
+ liberte est prolongee au duc de Norfolc encores pour trois moys.
+
+
+
+
+CXXIIe DEPESCHE
+
+--du XIXe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet_.)
+
+ Audience accordee a Mr de Poigny et a l'ambassadeur.--Refus de la
+ reine d'Angleterre de laisser passer Mr de Poigny en
+ Ecosse.--Consentement qu'elle lui accorde de se rendre aupres
+ de Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, la Royne d'Angleterre nous a prolonge six jours entiers sa
+responce, et, le septiesme, elle nous a mande venir a Otland pour la
+nous fere, qui y sommes arrivez sur le poinct qu'elle estoit preste
+d'en desloger, a cause que, la nuict precedante, quelques ungs y
+estoient mortz si soubdainement qu'on eust souspeconne que ce fut de
+peste. Neantmoins s'estans ceulx de son conseil incontinent assemblez,
+Mr de Poigny et moy avons este premierement introduictz vers eulx, et
+ilz nous ont faict entendre par milor Chamberlan ce qui s'en suyt:
+
+Que la Royne, leur Mestresse, ne voulant aulcunement contradire la
+parolle de Vostre Majeste, en ce que mandiez avoir depesche Mr de
+Poigny vers elle, sur l'instance que son ambassadeur vous en avoit
+faicte, elle a estime avoir occasion de vous en remercyer, comme elle
+faict de bon cueur; mais qu'elle vous prie, Sire, de croyre que son
+ambassadeur n'a poinct heu ceste charge; et, quant a celle, qu'avez
+donnee au dict Sr de Poigny, d'assister par deca au trette qui se fera
+entre elle et la Royne d'Escoce, encor que ce soit chose apartenant a
+elles deux, ou nul aultre qu'elles et leurs subjectz n'ont que voir,
+et ou l'arbitrage ny l'authorite de nul aultre prince n'est requise,
+neantmoins elle est contante que, luy ou moy, ou toutz deux ensemble,
+interveignons pour Vostre Majeste en ce qui s'y fera, comme en ung
+acte qu'elle veult vous estre tout clair et cogneu; et au regard
+d'aller visiter la Royne d'Escoce, qu'ilz layssoient a la Royne, leur
+Mestresse, d'en tretter avecques nous; mais, quant a passer plus avant
+jusques en Escoce, de tant que cella leur sembloit debvoir plus
+aporter d'empeschement que de proffict au trette, et possible
+engendrer de grandes difficultez en tout l'affere, comme desja ung
+pareil exemple les en avoit faictz saiges, qu'ilz avoient tout
+librement dict a la dicte Dame, qu'il n'estoit besoing qu'elle l'y
+layssat passer; a cause de quoy ilz prioient Vostre Majeste de trouver
+bon que, pour n'interrompre ung si bon oeuvre, il se deportast
+entierement d'y aller.
+
+A quoy ayant le dict Sr de Poigny fort particullierement et bien
+respondu, et s'estant principallement arreste a ne debvoir estre
+aulcunement empesche de passer en Escoce, par des raysons tres
+aparantes, qu'il leur a sagement et fort vifvement remonstrees; et y
+ayant aussi fort fermement inciste de ma part, avec priere qu'ilz le
+vollussent acompagnier d'ung aultre gentilhomme des leurs pour pouvoir
+esclayrer ses actions, affin de n'en prendre point de deffiance, nous
+les avons fort pressez de n'uzer en chose de si petite importance,
+laquelle n'estoit que pour leur proffict, d'aulcun reffuz qui vous
+peult ou mal contanter, ou prejudicier a la liberte des trettez.
+
+Sur quoy iceulx seigneurs, ayantz de rechef miz l'affere en
+delliberation, nous ont, par le secretaire Cecille, presens toutz les
+aultres, faict dire que, considere que en ceste cause les personnes
+qui y interviennent sont Vostre Majeste, la Royne leur Mestresse et
+la Royne d'Escoce, scavoir: les deux comme principalles en interest,
+et Vous, Sire, comme allye fort estroit a l'une, et en bonne amytie
+avecques l'aultre; et que la matiere touche principallement a leur
+Mestresse comme invahye en son tiltre, et au nom, armes et enseignes
+de son estat, par la Royne d'Escoce; laquelle n'a jamais vollu,
+quelque dilligence qu'on en ayt sceu fere, aprouver le trette sur ce
+faict avec ses depputez, bien que legitimement authorisez du feu Roy
+son mary, vostre frere, non sans indignite de ceste couronne:
+considere aussi que ceulx, qui tiennent son party en Escoce, non
+seulement ont retire les rebelles d'Angleterre, ains se sont joinctz
+avec eulx pour venir assaillyr ce royaulme, et que, nonobstant tout
+cella, ainsy que les choses estoient en termes de quelque moderation
+entre le comte de Sussex et les Escossoys, au moys d'apvril dernier,
+survenant la dessus ung gentilhomme francoys, tout fut interrompu, et
+commancerent incontinent ceulx du dict party de la Royne d'Escoce de
+tumultuer et de devenir si insolantz, que le dict de Sussex fut
+contrainct de exploicter ses forces contre eulx; et encores tout
+freschement le sir de Leviston n'a este sitost par della que ceulx de
+la frontiere d'Escoce n'ayent incontinent entreprins de courre et
+piller celle d'Angleterre: considere aussi que le dict sir de Leviston
+sera en brief de retour avec les aultres depputez du royaulme,
+lesquelz, si ne sont desja partys, sont si pres de le fere, que le
+mieulx qu'adviendroit au dict Sr de Poigny seroit ou de les faillyr en
+chemyn, ou de les rencontrer en lieu, d'ou possible ilz ne vouldroient
+passer plus avant, jusques a ce que sa legation fut entendue de ceulx
+qui les envoyent, qui seroit d'aultant retarder la besoigne; joinct
+que; tant plus nous incisterions au dict voyage, plus nous le leur
+rendrions suspect, et leur donrions a penser que Vostre Majeste ne
+l'auroit commande, ny pour satisfere a leur ambassadeur, ny pour
+l'utillite de leur Mestresse, ainsy que nous nous esforcions de le
+leur persuader; ilz percistoient, en ce qu'ilz avoient desja conseille
+a la dicte dame, qu'il n'estoit aulcunement expediant que le dict Sr
+de Poigny passat oultre. Bien nous vouloient, quant au reste, donner
+seurte pour elle qu'aussitost que les dicts seigneurs escoucoys
+seroient arrivez, elle sera preste de proceder sur les afferes d'entre
+la Royne d'Escoce et elle, sellon le trette qui en a desja este
+commance avecques moy, et dont j'en ay mis quelque forme en escript,
+et d'entendre a la restitution de la dicte Dame, aultant, qu'avec son
+honneur et sa seurete, elle le pourra fere.
+
+Et sont demeurez si fermes en cella que, ne pouvant gaigner rien
+davantaige avec eulx, nous sommes allez trouver leur Mestresse; et
+elle nous a tenu le mesmes langaige, adjouxtant seulement, pour le
+regard de l'indignite et moquerie, que nous alleguions estre en cest
+empeschement du voyage du dict Sr de Poigny en Escoce, puysqu'il
+estoit si avant, qu'elle prenoit en sa charge d'en contanter Vostre
+Majeste; mais, quant a aller devers la Royne d'Escoce, s'il me
+sembloit que d'une telle visite, apres les occasions que je scavois
+bien qu'elle luy avoit donnees de beaucoup d'offances, et sur
+l'opinion qu'on pourroit prendre que ce fut par craincte ou par
+menaces qu'elle l'ottroyoit, il n'en peult advenir de prejudice a sa
+reputation, ny aulcun interest a votre commune amytie, qu'elle estoit
+contente de le permettre.
+
+Sur quoy je l'ay priee de prendre de bonne part l'honneste office que
+Vous, Sire, faisiez envers vostre belle soeur, et qu'elle layssat aux
+mal affectionnez, d'y donner telle interpretation qu'ilz vouldroient,
+car ce ne pourroit jamais estre qu'a la louange de sa bonte, et vertu,
+et encores a son honneur et proffict. Et ainsy, Sire, elle a donne
+saufconduict au dict Sr de Poigny d'aller trouver la dicte Dame; chose
+que nous n'esperions guyeres et laquelle monstre desja debvoir estre
+de beaucoup de moment pour vostre service, en ce royaulme et en celluy
+d'Escoce. Et avant s'acheminer, le dict Sr de Poigny a advise de
+donner entier compte de toute sa negociation a Voz Majestez, ainsy
+qu'il vous plairra le voyr par ses lettres, ne voulant, Sire, pour
+quelques aultres empeschemens, qui commancent de paroistre tout de
+nouveau en cest affere, venantz de lieu d'ou moins vous l'attandiez,
+laysser d'esperer que la paix de vostre royaulme ne soit pour bientost
+vuyder ceste, et encor d'aultres plus grandes difficultez; ainsy que
+ceste Royne n'a vollu finir l'audience sans monstrer une conjouyssance
+du bon espoir qu'elle dict avoir d'icelle, et que ce luy sera aultant
+de joye, de sante et de bon portement, si elle en peult bientost
+entendre la conclusion. Sur ce, etc. Ce XIXe jour de juillet 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, nous n'avons peu, pour ce coup, obtenir rien de mieulx en la
+negociation de Mr de Poigny que de luy permettre qu'il puysse aller
+visiter la Royne d'Escoce de la part de Voz Majestez; qui n'est si
+peu, Madame, qu'on ne le tienne icy en beaucoup, et que la reputation
+de vostre couronne n'en semble estre en quelque chose relevee, et
+qu'on ne commance de bien esperer de tout le reste. Nous avions, avant
+aller a ceste segonde audience, heu advertissement de certaynes
+traverses, que la communication du Sr dom Frances avec Mr de Norrys
+vous y faict, qui a este cause que j'ai, avec le plus de vehemence et
+d'affection que j'ay peu, touche a la Royne d'Angleterre les poinctz
+qui la doibvent asseurer de vostre amytie, et ceulx qui la luy peuvent
+rendre utille et pleyne de confiance, et le mesmes aulx seigneurs de
+son conseil; dont le comte de Lestre et le secretaire Cecille m'ont
+despuys recerche de plus estroicte conferance avec eulx; et Mr de Roz
+a raporte d'elle, et d'eulx, plus amples promesses sur l'advancement
+de toutz les afferes de sa Mestresse; ainsy que plus en particullier
+je le vous manderay, dans quatre ou cinq jours, que je depescheray ung
+des miens devers Vostre Majeste. Et vous diray cependant, Madame, que
+le dict Sr Norrys a mande qu'il y avoit grand apparance que la paix
+succederoit bientost, ce qui faict monstrer ceulx cy en meilleure
+disposition vers toutes les choses de vostre service. Ilz sont apres a
+jetter cinq grandz nayyres avec mil hommes dehors, avitaillez pour
+deux moys, par pretexte d'aller reprimer les pirates, mais c'est pour
+le souspecon qu'ilz se donnent de l'armement du duc d'Alve; auquel
+toutesfoys ceste Royne a naguieres, par persuasion du dict Sr Norrys,
+escript une lettre pleyne d'affection, affin de prendre asseurance de
+luy, et luy en donner tout aultant d'elle, touchant le passaige de la
+Royne d'Espaigne. J'entendz qu'il est arrive plusieurs lettres
+d'Allemaigne, et entre autres du comte Pallatin, qui semble inviter
+ceste princesse a desirer la paix de France. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de juillet 1570.
+
+
+
+
+CXXIIIe DEPESCHE
+
+--du XXVe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par Joz, mon secretaire._)
+
+ Deliberation du conseil sur la mise en liberte du duc de
+ Norfolk.--Dispositions prises par Elisabeth pour apaiser les
+ troubles de son royaume.--Preparatifs maritimes et militaires
+ dont on doit se defier en France, malgre les assurances de paix
+ et d'amitie donnees par la reine, et la bonne volonte qu'elle
+ montre a l'egard de Marie Stuart.--Nouvelles d'Ecosse et
+ d'Allemagne.--_Memoire general_ sur les affaires
+ d'Angleterre.--Detail des mesures prises en Angleterre pour se
+ defendre contre toute agression.--Bonnes dispositions montrees
+ en faveur de Marie Stuart et du duc de Norfolk.--_Memoire
+ secret_. Intrigues de l'Espagne en Angleterre pour traverser
+ tous les projets de la France.--Mission secrete de don Frances
+ d'Alava.--Desir du cardinal de Chatillon de voir la
+ pacification s'etablir en France; conditions auxquelles les
+ protestans offrent de se soumettre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, aujourduy, et tout demain, la Royne d'Angleterre sera en la
+mayson du comte de Betford, a XX mil d'icy, ou elle a mande venir son
+garde des sceaulx et ses aultres principaulx conseillers pour
+delliberer de la liberte du duc de Norfolc; de laquelle l'on luy donne
+grande esperance qu'il la pourra obtenir bientost, a tout le moins
+d'estre remiz en sa mayson. Et de la, la dicte Dame veult continuer
+son progrez, sans toutesfoys esloigner guieres plus que de trente mil
+la ville de Londres vers Suffoc, Norfolc et Sussex, affin d'appayser
+ces trois pays, qui sont voysins d'ici, lesquels ont monstre d'estre
+disposez a quelque nouveaulte; et elle espere de moderer par sa
+presence l'affection des hommes, et fere exploicter la justice contre
+ceulx qui sont prins, et abattre toute l'intelligence qu'on luy faict
+acroyre que les estrangiers ont en ces quartiers la; et, par mesme
+moyen, pourvoir a la seurete de ses portz tout le long d'icelle
+frontiere, ainsy que, a grande dilligence, elle les faict fortiffier,
+a cause qu'ilz sont exposez vers Holande et Zelande; d'ou elle crainct
+les entreprinses du duc d'Alve, nonobstant que dom Frances d'Alava
+ayt, a ce qu'on dict, remiz elle et luy a traicter amyablement et par
+lettres bien gracieuses l'ung avec l'aultre, et que le dict duc luy
+ayt freschement envoye des depputez sur le faict des prinses; mais ces
+demonstrations ne la peuvent tant asseurer, comme les aultres
+apparances de la sublevation, qu'elle a senty en son pays, et le
+raport qu'on luy faict, qu'en l'armement de Flandres se prepare
+d'embarquer trois mil chevaulx, grand nombre de gens de pied, force
+artillerye, pouldres, pionniers, monitions et tout aultre appareil de
+guerre, la mettent en deffiance. De quoy est advenu que la dicte Dame,
+despuys six jours, a faict arrester toutz les navyres tant estrangiers
+que aultres, qui sont par deca, et serrer les passaiges, et envoye son
+admiral a Gelingan et le long de la Tamise pour ordonner une armee de
+mer, du plus grand nombre de vaysseaulx et de maryniers qu'il luy sera
+possible, affin de l'avoir preste a tout momant, quant il sera
+besoing; et commande aussi qu'on tienne deux mil chevaulx et huict mil
+hommes de pied toutz pretz. Dont je suys apres, Sire, de regarder si
+cest appareil se feroict poinct a quelque aultre fin contre vostre
+service; mais, encore que je n'en descouvre rien, je vous suplie
+neantmoins, Sire, tres humblement que cecy vous serve d'ung adviz pour
+ne laysser a l'arbitre des Anglois rien du vostre, qui ne soit pourveu
+contre les entreprinses qu'ilz y pourroient fere; car vostre royaulme
+est ouvert et expose a toutes injures, tant que cette guerre durera.
+
+Je veulx toutesfoys bien asseurer Vostre Majeste que ceste Royne et
+les siens m'ont, despuys dix jours, tenu des propos plus expres de la
+confirmation d'amytie entre Voz Majestez, et de la perseverance de
+paix entre voz deux royaulmes, qu'ilz n'avoient faict despuys que je
+suys en ceste charge; ny Mr de Roz, ny moy, ny toutz ceulx qui portons
+icy le faict de la Royne d'Ecosse, n'avons jamais mieulx espere de la
+restitution d'elle que meintennant; mais il ne se fault arrester aux
+parolles ny aparances de ceulx cy, ains se donner garde d'eulx,
+puysqu'ilz se mettent en armes. La dicte Royne d'Escoce aura un
+singulier playsir, et une fort grande consolation, d'estre visitee par
+Mr de Poigny de la part de Voz Majestez, et ne vous scaurois exprimer,
+Sire, combien ung chacun estime que cella luy sera ung commancement de
+bonheur et ung advancement au reste de toutz ses afferes, es quelz
+l'on nous promect toutjours une prompte expedition, aussitost que les
+depputez d'Escoce seront arrivez; mais je crains qu'ilz soyent
+retardez pour l'occasion d'une assemblee, que ceulx du party du jeune
+Prince se vouloient esforcer de tenir a Lislebourg, le Xe de ce moys,
+pour y creer ung regent; a quoy le duc de Chastellerault et le comte
+de Honteley deliberoient de s'oposer, et a cest effect s'estoient
+acheminez avecques bonnes forces vers le dict Lislebourg. L'opinion,
+que ceulx cy ont, que la paix se doibve conclurre en vostre royaulme
+les faict monstrer mieulx disposez aulx choses d'Escoce, et si
+d'avanture elle succede, je pense qu'ilz passeront oultre a les
+accommoder.
+
+J'entendz que les nouvelles d'Allemaigne sont que l'Empereur n'advance
+guieres rien en la diette, et que les seulz ecclesiastiques le sont
+venuz trouver; qu'il semble que les princes protestans, pour
+empescher qu'il ne puisse fere creer son filz roi des Romains, se
+veulent servyr d'une ancienne observance de l'Empire, que jamais la
+dignite d'Empereur n'a passe successivement que jusques a cinq d'une
+mesme famille, et qu'il est a present le cinquiesme Empereur de la
+maison d'Autriche, a quoy les princes eclesiastiques ne monstrent
+guieres contradire pour ne laysser aller cest estat hereditayre; que
+le comte Pallatin est aproche une lieue pres d'Espire accompaigne
+seulement de quatre centz chevaulx, offrant de se trouver a
+l'assemblee, si les aultres ellecteurs y viennent; que le reste de la
+trouppe de Heldelberc est entierement separee, parce que l'Empereur a
+faict entendre au dict Pallatin et au duc Auguste que, s'ilz se
+tenoient ainsy accompaignez, qu'il manderoit aulx aultres princes de
+l'Empire de s'accompaigner de mesmes, en le venant trouver; qu'il
+semble que le secours, pour ceulx de la nouvelle religion en France,
+est de quelques jours retarde pour attandre que produira ceste diette,
+et aussi pour l'esperance, qu'on a, que la paix se doibve conclurre;
+que le susdict comte Pallatin a exorte ceste Royne et les siens, et
+pareillement le cardinal de Chastillon, de procurer la dicte paix;
+qu'il a este reffuze au duc de Bronsouyc de fere une levee aulx terres
+de l'evesque de Munster, et que vers le dict Munster se sussitent les
+mesmes sectes qu'on y a d'aultres foys veues; que les deniers pour
+ceulx de la nouvelle religion en Hembourg seront prestz a fornyr dans
+la fin de ce moys; qu'il y a quelque apparance que le voyage de la
+Royne d'Espaigne sera retarde, et qu'elle ne passera point par
+Flandres, ains yra prendre ung aultre chemin, et que, a cause de
+cella, l'on estime que le duc d'Alve commancera de reduyre bientost
+son armement a ung moindre equipage, qui ne soit que pour combattre
+seulement les vaysseaulx du prince d'Orange, lesquelz, en la prinse
+qu'ilz ont faicte de deux grandz navyres de conserve, qui alloient
+conduire une flotte vers Espaigne, et d'ung vaysseau de la dicte
+flotte, ilz ont jette en mer toutz les Espaignolz, qui estoient
+dessus; et despuys le Sr de Galeace Fregose qui est icy, et ung aultre
+gentilhomme, qui se dict escuyer du prince d'Orange, ont este faictz
+cappitaines des dicts deux grandz navyres de conserve, lesquelz ilz
+rabillent en dilligence pour s'aller incontinent joindre aulx aultres.
+Sur ce, etc. Ce XXVe jour de juillet 1570.
+
+ INSTRUCTION DES CHOSES qu'il fault fere entendre a Leurs
+ Majestez, oultre le contenu des lettres:
+
+ Qu'il semble que, par l'examen des gentishommes qui ont este
+ prins en Norfolc, l'on a descouvert que l'assemblee, qu'ilz
+ pretandoient de fere le jour de St Jehan au dict pays, n'estoit
+ pour chasser les estrangiers, ainsy qu'ilz le donnoient a
+ entendre, ains pour commancer une generalle ellevation en ce
+ royaulme, tendans a trois fins: l'une, de changer l'estat du
+ gouvernement; l'aultre, de recouvrer l'exercice de la religion
+ catholique; et la tierce, de tirer le duc de Norfolc hors de
+ prison: sur lesquelz trois poinctz se trouve qu'ilz avoient desja
+ minute une proclamation pour l'envoyer publier partout.
+
+ Et cella, avec la bulle qui est formelle contre ceste Royne, et
+ avec ung escript qui a despuys couru, encores plus formel, contre
+ aulcuns de ses conseillers, (et nommeement contre Quiper,
+ Cecille, le chancellier du domayne et le chancellier des comptes,
+ et dont la conclusion d'icelluy est que la communaute du
+ royaulme, quoyque coste, veult avoir la religion catholique), met
+ ceulx cy en une indubitable opinion qu'il y a une grande
+ conjuration desja dressee dans le pays;
+
+ Et qu'elle est fomentee par le Roy et le Roy d'Espaigne, sans le
+ consentement desquelz le Pape, comme ilz disent, n'eust jamais
+ ose expedier une bulle si rigoureuse comme il a faict; joinct que
+ l'armement qu'ilz entendoient se preparer en Bretaigne pour
+ colleur de secourir les Escoucoys, et l'apareil du duc d'Alve,
+ trop plus grand qu'il ne sembloit estre requis pour le passaige
+ de la Royne d'Espaigne, leur a faict croyre, jusques icy, que
+ tout cella se dressoit contre eulx en faveur des Catholiques de
+ ce royaulme.
+
+ Dont, pour y remedier, ilz ont, en premier lieu, expedie une
+ ordonnance fort furieuse, du dernier du moys passe, contre les
+ porteurs de bulles et semeurs de ces libelles; laquelle porte
+ commission d'aprehender les autheurs d'iceulx, si fere se peult,
+ affin de les punir et de descouvrir par eulx qu'est ce qu'il y a
+ de plus cache en leurs delliberations.
+
+ Apres, ilz ont depesche trente cinq lettres aulx trente cinq
+ comtes de ce royaulme, pour mander aulx officiers qu'ilz ayent a
+ fere enroller promptement en chacune d'icelles, sellon sa portee,
+ ung nombre d'hommes, jusques a cinquante mil en tout, tant de
+ pied que de cheval, et a iceulx bailler cappitaines, lieutenantz,
+ enseignes, tabourins et trompettes, et leur ordonner une paye par
+ an d'envyron trois escuz a chacun, et ung peu plus aulx
+ capitaines; dont les deniers se prendront sur le plat pays, avec
+ commandement de fere monstres par tout ce moys, et le continuer
+ puys apres de quartier en quartier, et qu'on ayt a les exercer
+ principallement a la haquebutte;
+
+ Et ont ordonne a l'admyral Clynton de dresser ung estat, par
+ lequel il puysse mettre en mer, toutes les foys que la Royne, sa
+ Mestresse, le commandera, cinquante bons navyres de guerre avec
+ douze mil hommes dessus, maryniers et soldatz, et que
+ l'avitaillement en tout aultre appareil en soit prest et tout
+ dresse ez lieux qu'il cognoistra en estre besoing;
+
+ Faisans leur compte de combattre les ennemys en mer, premier que
+ de leur permettre nulle descente par deca, avec opinion que,
+ quant tout le monde aura bien conjure contre eulx, qu'ilz
+ pourront avec ceste provision ayseement se deffandre:
+
+ Car jugent que, s'ilz gaignent une bataille navalle, ilz pourront
+ bien garder qu'on n'aproche, puys apres, leur coste, et, s'ilz
+ demeurent egaulx, qu'encores empescheront ilz qu'on n'y puysse
+ descendre;
+
+ Et si, d'avanture, ilz perdent, que ce ne pourra estre sans avoir
+ tant rompu les ennemys qu'ilz seront contrainctz de s'en
+ retourner pour se reffere; que si, a toute extremite, il advient
+ que les ennemys facent quelque descente, qu'allors les cinquante
+ mil hommes se trouveront prestz pour les combattre au
+ desembarquement.
+
+ Lequel apareil inthimide grandement les Catholiques, lesquelz si
+ l'este se passe sans qu'il aparoise quelque confort pour eulx, ne
+ s'attandent de moins que d'estre fort rigoureusement trettez
+ l'yver prochain; car ilz voyent que leurs adversayres, lesquelz
+ ont la Royne, l'authorite et la force en leurs mains, commancent
+ desja de les menacer, et monstrent de n'attandre sinon que le
+ temps les asseure contre les entreprinses des estrangiers pour y
+ mettre la main.
+
+ Et avoient les dicts Catholiques prins pour mauvais signe la
+ longueur que ceulx de ce conseil usoient ez afferes de la Royne
+ d'Escoce, et en ceulx du duc de Norfolc; vers lesquelz, a cause
+ de ces rescentes deffiances, ilz voyoient qu'ilz alloient
+ changeant toutes leurs premieres bonnes delliberations, car ilz
+ remettoient de commancer le trette avec l'ambassadeur de la dicte
+ Dame jusques a la venue des depputez d'Escoce; et sur ceulx du
+ duc, ilz luy avoient faict dire, le XIIe de ce moys, que, pour
+ aulcunes occasions, qui estoient fort considerables, la Royne, sa
+ Mestresse, estoit conseillee de ne luy ottroyer sa liberte
+ jusques apres la St Michel, qui monstre bien qu'ilz ne vouloient
+ que gaigner temps; et cependant ilz travailloient de se liguer
+ davantaige avec les princes protestans.
+
+ Et n'avoit este sans apparance que les dicts Catholiques eussent
+ fonde grande esperance en l'apareil du duc d'Alve, et possible
+ encores quelque peu en cellui qu'ilz entendoient estre prest en
+ Bretaigne, mais la venue des depputez de Flandres la leur oste de
+ ce coste la; et l'opinion, qu'ilz ont, que la guerre doibve
+ continuer en France la leur fait perdre de l'aultre.
+
+ Cella surtout les descoraige qu'ayantz, jusques a ceste heure,
+ pense que le Roy d'Espaigne et ses ministres procederaient de
+ bonne intelligence avecques le Roy sur les afferes de la Royne
+ d'Escoce, qui sont conjoinctz avec ceulx de la religion
+ catholique en ce royaulme, ainsy que je m'en estois quelquefoys
+ prevalu; et comme aussi nulle aultre chose n'avoit, tant que
+ ceste cy, retenu ceulx de ce conseil en quelque crainte, il s'est
+ meintennant descouvert qu'il va tout aultrement, et que dom
+ Frances d'Alava a tenu de telz propos a Mr Norrys, (ainsy que le
+ dict Norrys l'a escript par ses dernieres lettres, arrivees a sa
+ Mestresse, pendant que Mr de Poigny et moy attendions sa
+ responce,) que aulcuns, qui en ont heu asses tost la
+ communication, m'ont tout incontinent adverty que, a l'ocasion
+ d'iceulx, nous serions fort mal responduz; et que toutz les
+ afferes, ou le Roy Tres Chrestien pouvoit avoir interestz par
+ deca, en demeureroient fort traversez.
+
+ Qui a este cause que, en l'audience ensuyvant, je me suys
+ eslargy, premierement vers les seigneurs de ce conseil, parce
+ que, d'arrivee, nous avons este introduictz vers eulx, et puys
+ envers la dicte Dame, en toutz les plus francz et ouvertz propos,
+ que j'ay estime les pouvoir confirmer en l'amytie du Roy, et a
+ bien esperer d'icelle, sans toutesfoys toucher ung seul mot ni du
+ Roy d'Espaigne, ny de ses ministres; et est advenu, sur noz
+ remonstrances, que l'on nous a accorde une partie de ce que nous
+ demandions, et qu'on nous a faict, sur le reste, asses meilleure
+ responce que l'on n'esperoit, ainsy que je l'ay mande par mes
+ precedantes.
+
+ Et bien qu'a la grande instance de Madame de Lenoz, l'on eust
+ auparavant envoye par mer vers le North un nombre d'armes, de
+ pouldres et d'argent, pour les fere tenir au comte de Lenoz en
+ Escoce, j'ay sceu neantmoins que, despuys cella, la Royne
+ d'Angleterre a dict a la dicte dame de Lenoz qu'elle estoit
+ resolue de remettre la Royne d'Escoce en son royaulme, sur les
+ offres qu'elle et le Roy luy faysoient, qui estoient telles
+ qu'avec son honneur elle ne les pouvoit reffuzer. A quoy la dicte
+ dame de Lenoz ayant respondu que la dicte Royne d'Escoce n'en
+ observeroit rien, la Royne luy a replique que si feroit, parce
+ qu'elle l'y obligeroit a peyne d'estre privee de la succession de
+ ce royaulme, si elle y contrevenoit, car aultrement elle ne luy
+ en vouloit fere tort; et n'a la dicte dame de Lenoz peu gaigner
+ rien davantaige, encore qu'elle ayt tres instantment priee la
+ dicte Dame que, si elle perseverait en ceste vollonte, il luy
+ pleut de mander a son mary qu'il s'en retornat.
+
+ Et le secretaire Cecille m'a mande que je croye fermement qu'il
+ ne sera miz aulcun retardement ez afferes de la Royne d'Escoce,
+ et qu'il ne cerche, de sa part, que la seurte de sa Mestresse,
+ laquelle estant mortelle, et n'y ayant, apres elle, nul plus
+ prochain au droict de ceste couronne que la Royne d'Escoce, qu'il
+ ne luy sera, ny meintennant, ny a l'advenir, jamais contraire; et
+ le mesmes a il confirme a l'evesque de Roz, avec lequel il est
+ desja entre si avant en matiere qu'ilz sont quasi d'accord de
+ toutz les poinctz, qui sembloient estre les plus differantz.
+
+ Encores, monstrent les affaires du duc de Norfolc qu'ilz pourront
+ aussi mieulx reuscyr que la responce du XIIe du present ne le luy
+ faisoit esperer, et que la Royne permettra qu'ilz soient, dans
+ trois ou quatre jours, miz en delliberation pour apres estre
+ procede a sa liberte, sellon qu'ung chacun dict qu'il demeure
+ fort descharge et justiffie de toutes les choses qu'on luy
+ pourrait imputer.
+
+ Je veulx bien advouher que je ne cognois rien de plus expres en
+ ceulx cy que leur simulation, ny rien de plus certain que leur
+ inconstance; par ainsy, je ne puys fere grand fondement sur
+ chose qu'ilz disent, ny qu'ilz promettent. Neantmoins ilz peuvent
+ incliner de nostre coste, aussi bien que d'ung aultre, et
+ j'estime qu'il n'est que bon de les y tenir bien disposez, si
+ l'on peult, affin de se prevaloir de la paix qu'on a avec eulx,
+ et evitter les inconvenians et incommoditez qui pourroient
+ advenir, s'ilz se despartoient du tout de nostre intelligence.
+
+ AULTRE INSTRUCTION A PART POUR DIRE A LEURS MAJESTEZ:
+
+ Que, jusques a ceste heure, la Royne d'Angleterre et ses
+ conseillers protestans avoient este retenuz d'une grande
+ craincte, et les seigneurs, et gens de bien catholiques,
+ conduictz de grande esperance sur le faict de la Royne d'Escoce,
+ et sur toutz les afferes de ceste isle, par l'opinion qu'ilz
+ avoient que le Roy d'Espaigne et le duc d'Alve seraient toutjour
+ en bonne intelligence avec le Roy.
+
+ Et n'estoit peu de consolation aus dicts Catholiques de veoir en
+ quelle peyne les dicts Protestans vivoient pour ne scavoir si la
+ bulle estoit expediee, ou du propre mouvement du Pape, ou bien
+ par la requisition du Roy, ou bien a l'instance du Roy
+ d'Espaigne: car ilz disoient que si c'estoit seulement du Pape,
+ ce n'estoit chose de moment; si c'estoit du Roy seul, encor
+ croyoient ilz que Mr le cardinal de Lorrayne l'auroit procure,
+ sans que pour cella le Roy se vollut trop haster de rien
+ entreprendre; mais, si c'estoit par le commun consentement du Roy
+ et du Roy d'Espaigne, ilz tenoient pour indubitable que
+ l'entreprinse de ceste isle estoit desja juree entre eulx.
+
+ En quoy, pour en avoir quelque lumyere, ilz cerchoient de toutz
+ costez s'il se trouveroit que moy, ou Mr l'ambassadeur
+ d'Espaigne, eussions tenu la main a la fere notiffier et publier
+ par deca, mais il semble qu'ilz n'ont rien trouve contre moy,
+ sinon qu'il leur est venu un adviz d'Itallie, par la voye de
+ Flandre, comme la dicte bulle a este expediee a l'instance de
+ l'ambassadeur de France, qui est a Rome, et que l'ambassadeur du
+ Roy Catholique par della n'a faict que y prester son
+ consentement, comme a chose apartenant de si pres a la religion
+ catholique qu'il ne luy a este loysible de la contradire; dont
+ leur semble que j'en debvois estre participant, mais je croy qu'a
+ ceste heure ilz en demeurent toutz esclarcy.
+
+ Et, quant a l'ambassadeur d'Espaigne, parce que Me Felton, lequel
+ est accuse d'avoir affiche la dicte bulle, a confesse, estant sur
+ la question, que le prestre espaignol du dict sieur ambassadeur
+ la luy avoit baillee; qui, pour ceste occasion, s'est despuys
+ absente, car il estoit commande de le prandre, quelque part qu'il
+ pourroit estre trouve, jusques en sa chambre; non seulement l'on
+ en a charge le dict sieur ambassadeur, ains aussi luy impute l'on
+ les aultres libelles, qui ont couru en ce royaume, contre le
+ garde des sceaux et Cecille, et contre quelques aultres du
+ conseil; mais ne pouvant son prestre estre trouve, l'on ne scayt
+ commant proceder contre luy.
+
+ Et n'ont laysse pour cella les Catholiques de s'entretenir
+ toutjour en l'esperance de la faveur du Roy son Maistre et du duc
+ d'Alve, pour les afferes de la Royne d'Escoce et de la religion
+ catholique; de sorte que le dict Felton a bien oze dire tout
+ hardyment qu'il y avoit trente mil hommes de valleur en
+ Angleterre, dont les six mil estoient gentishommes, et vingt cinq
+ milordz parmy, qui estoient toutz prestz d'exposer leurs vies
+ pour la mesmes querelle, qu'ilz le vouloient fere mourir a luy.
+
+ Mais, despuys quelques jours, iceulx Catholiques non seulement se
+ sont retirez de ceste esperance, ains sont entrez en grand
+ frayeur d'estre descouvertz qu'ilz l'ayent heue, parce qu'ilz
+ estiment que le dict sieur ambassadeur ayt communique toutes
+ choses au Sr dom Frances d'Alava, lequel ilz tiennent aujourduy
+ pour trop plus grand serviteur de la Royne d'Angleterre que de
+ son Maistre; car Mr Norrys a escript qu'il luy a promiz de
+ disposer si bien les afferes de la dicte Dame vers le Roy, son
+ dict Maistre, et vers le duc d'Alve, qu'elle n'a garde de
+ recepvoir aulcun mal ny dommaige d'eulx, et que hardyment elle ne
+ preigne peur des demonstrations et preparatifz du dict duc, car
+ il la veult bien asseurer qu'il n'a aulcun commandement de luy
+ nuyre, ny d'attampter, pour quelque occasion que ce soit, rien
+ par armes contre elle; et qu'au reste le dict dom Frances luy a
+ descouvert que c'est Mr le Nonce, qui est en France, qui a envoye
+ icy la bulle a l'ambassadeur d'Espaigne pour la publier.
+
+ Duquel acte du dict dom Frances plusieurs seigneurs et gens de
+ bien de ce royaulme se sont fort escandalizez, et les aulcuns se
+ sont confirmes en une opinion, laquelle ilz avoient desja
+ conceue, que les ministres du Roy d'Espaigne vont procurant vers
+ ceulx cy, et partout ou ilz peuvent, la continuation de la guerre
+ de France; et que, voyantz le faict de la Royne d'Escoce, de
+ laquelle ilz s'estoient desja promiz et l'aliance, et le filz, et
+ le royaulme, et le tiltre d'Angleterre, se conduire meintennant
+ au nom et soubz la faveur du Roy, qu'ilz le veulent traverser; et
+ qu'ilz sont jalouz de ce que aulcuns seigneurs de ce royaulme se
+ monstrent bien affectionnez a Leurs Tres Chrestiennes Majestez,
+ qui est ung propos qu'on m'a tenu, present Mr de Poigny, auquel
+ je reserve d'en fere entendre le surplus a Leurs Majestez, a son
+ retour; et adjouxteray seulement icy une preuve, que le duc
+ d'Alve nous a donne de son intention en ce [qu'ayant le Pape
+ envoye, par la banque d'Anvers, douze mil escuz, pour les
+ gentishommes fuytifz d'Angleterre, il a conseille qu'on ne leur
+ envoye ny tout, ny partie de la somme, tant qu'ilz seront en
+ Escoce, et par ce moyen il a interrompu le dict secours.]
+
+ Il est bien certain que, jouxte ceste communication grande
+ d'entre dom Frances et le dict Sr Norrys, ceste Royne a naguieres
+ escript une bonne lettre au Roy d'Espaigne, laquelle le dict dom
+ Frances a prins en sa charge de la luy fere tenir, et une aultre
+ au duc d'Alve, par laquelle elle l'exorte de vouloir entretenir
+ l'alliance d'entre ceste couronne et la mayson de Bourgoigne,
+ comme, de sa part, elle la veult entierement conserver: et, quant
+ aulx prinses, qu'elle est preste d'y satisfere de sa part, en ce
+ qu'il s'y veuille disposer de la sienne, et qu'il veuille
+ depputer des personnaiges propres pour en accorder, qui ne soyent
+ de ceulx qui veulent troubler ce royaume, ainsy que
+ l'ambassadeur, icy residant, et ceulx, qui cy devant y ont este
+ envoye, se sont esforcez de le fere; et que de l'apareil qu'elle
+ entend qu'il faict bien grand par mer, il ne veuille rien
+ attampter en ses portz, car elle offre toute faveur et seur accez
+ en iceulx a la Royne d'Espaigne et a ceulx de sa troupe: tant y a
+ que l'ambassadeur d'Espaigne, nonobstant tout cella, ne laysse
+ d'estre bien fort offance contre dom Frances, de ce qu'il a parle
+ de la bulle, et desja il en a escript au duc d'Alve.
+
+ J'ay faict sonder, par interposee personne, Mr le cardinal de
+ Chatillon et le Sr de Lumbres quel desir ilz avoient a la paix et
+ a transferer la guerre hors de France; et voycy ce qui m'a este
+ raporte des propos du dict sieur Cardinal: qu'il desire
+ infinyement la dicte paix, esperant par icelle jouyr de la bonne
+ grace de Leurs Majestez et de six vingtz mil {lt} de rante en
+ France, en lieu de mille pouvrettez et indignitez, qu'il
+ s'esforce de supporter, le plus dignement qu'il peult, en
+ Angleterre;
+
+ Que se souvenant que le Roy, et la Royne, et Monsieur, pour
+ fermete de l'aultre derniere paix, luy firent l'honneur de luy en
+ donner leur promesse de leurs propres mains dans la sienne, et
+ que ceulx, qui la leur ont faicte rompre, sont ceulx mesmes avec
+ qui ilz ont a conclurre meintennant ceste cy, les cheveulx luy en
+ dressent de frayeur;
+
+ Que le Roy a la paix tres ferme et bien asseuree, toutes les foys
+ qu'il luy playrra, a bon esciant, que ceulx de la religion
+ puyssent vivre, en conscience et honneur, soubz la faveur de sa
+ protection, en son royaulme;
+
+ Que, de transferer la guerre ailleurs, c'est ce que son frere,
+ Monsieur l'Admyral, a toutjour desire, mais de le fere
+ meintennant, et laysser ceulx, qui sont de leur mesmes religion,
+ estre cependant massacrez, murdriz et ruinez en leurs maysons, en
+ France, par ceulx qui ont la justice et l'authorite et les forces
+ a la main, ilz sont entierement tout resoluz du contraire;
+
+ Que, si le Roy les veult recepvoir en sa bonne grace, et leur
+ ottroyer la dicte paix et seurte qu'ilz luy demandent, comme a
+ ses bons subjectz, et qu'il se veuille servyr de son frere et de
+ luy, ilz ont en main de quoy luy fere le plus grand et le plus
+ notable service, que sa couronne ny nul de ses predecesseurs
+ ayent receu de deux centz ans en ca;
+
+ Qu'il cognoist bien que les Anglois ne cerchent de fere rien pour
+ la religion en ceste guerre, ains de travailler la France, et
+ qu'il crainct bien que, se faisant la paix, l'on ne le layrra
+ sortir, de trois moys apres, de ce royaulme.
+
+ Quant au susdict de Lumbres, lequel s'intitulle ambassadeur de
+ toutz les princes protestans vers ceste Royne, l'on m'a dict
+ qu'il desire aussi bien fort la paix de France, et vouldroit que
+ la guerre fut desja transferee aulx Pays Bas, et n'eust tenu a
+ luy que la descente, que ceulx de la Rochelle delliberoient de
+ fere en quelque port de Normandie ou Picardie, si Sores ne fut
+ alle sur la route des Indes, ne se fut faicte en Olande: et desja
+ luy et beaucoup de ceulx de son pays font estat, par ceste paix,
+ de se retirer en France, car semble qu'il y ayt mutuelle
+ obligation entre les Francoys et Flamans, qui sont de ceste
+ religion, de se subvenir les ungs aulx aultres, et de ne cesser,
+ qu'ilz ne soyent toutz remiz en leur maysons pour y pouvoir vivre
+ en seurte avec l'exercice de leur religion.
+
+ Aulcuns Francoys de la dicte religion, qui sont icy, ne prennent
+ nul party, attandans la dicte paix; ou bien, si elle ne succede,
+ ilz delliberent de recourir a la grace et clemence de Sa Majeste.
+
+
+
+
+CXXIVe DEPESCHE
+
+--du XXXe jour de juillet 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._)
+
+ Crainte des Anglais qu'une ligue generale n'ait ete formee contre
+ eux.--Resolution du conseil de rendre la liberte au duc de
+ Norfolk, et de lever une forte armee navale.--Armement de la
+ flotte.--Mission de Me Figuillem dans les
+ Pays-Bas.--Declaration faite a l'ambassadeur que l'armement de
+ la flotte n'a d'autre objet que de rendre les honneurs a la
+ reine d'Espagne sur son passage, et de se tenir en defense
+ contre les entreprises que pourrait tenter le duc d'Albe.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, s'estant la Royne d'Angleterre aperceue que le mal de son pied
+empyroit par le travail de son progrez, encore qu'elle n'allat qu'en
+coche, elle s'est arrestee a Cheyneys, qui est celle mayson du comte
+de Betfort, ou je vous ay mande, par mes dernieres, qu'elle debvoit
+demeurer tout le XXVe et XXVIe de ce moys; mais elle y a sejourne
+davantaige, et n'en bougera encores de quelques jours. Ceulx de son
+conseil se sont assemblez au dict lieu pour prendre quelque bon ordre
+sur aulcunes choses qu'ilz ont veu estre aultres, ou bien avoir aultre
+evenement, qu'ilz ne pensoient; premierement, sur la detention du duc
+de Norfolc, par laquelle, au lieu d'en avoir assoupy et retarde les
+troubles de ce royaulme, ilz cognoissent meintennant que c'est par la
+qu'ilz les ont advancez et faict naistre, car auparavant il n'y en
+avoit point; et sur la guerre d'Irlande, laquelle ilz cuydoient desja
+achevee, ilz ont nouvelles que, despuys naguyeres, l'on s'y est bien
+battu, et que ceulx du party de la Royne, leur Mestresse, ont heu du
+pyre, et que mesmes les saulvaiges monstrent de vouloir passer
+oultre, et qu'ilz attandent du secours d'ailleurs; aussi sur le faict
+de la Royne d'Escoce, duquel, parce que Vostre Majeste le porte et le
+favorise, ilz voyent que toutz leurs afferes d'Escoce en succedent si
+mal qu'ilz sont bien en peyne commant le remedier; pareillement sur
+leurs differans des Pays Bas, lesquelz viennent meintennant a leur
+estre de tant plus suspectz, que, par le pardon general publie en
+Envers par le duc d'Alve, a vestemens blancz[11], le XVIe de ce moys,
+ou l'on leur faict acroyre que le prince d'Orange est comprins, et
+qu'on a randu ses biens a ses enfans; et aussi par l'accord des Mores
+en Espaigne[12], ilz estiment que les afferes du Roy d'Espaigne
+demeurent si establys en ses pays qu'il n'a rien plus a fere
+meintennant que se rescentyr de l'injure, qu'ilz luy ont faicte et a
+ses subjectz, ainsy que le duc d'Alve semble d'en avoir l'apareil tout
+prest; et encores sur la paix de vostre royaulme, laquelle, de tant
+qu'ilz la tiennent desja comme conclue, sans qu'ilz s'en soyent
+meslez, ilz craignent que Vostre Majeste se veuille de mesmes conduyre
+meintennant en icelle vers eulx, comme ilz se sont asses mal deportez
+vers vous durant la guerre; mais principallement sur la division et
+mal contantement de leurs propres subjectz, d'ou ilz prevoyent que,
+s'il n'y est, devant toutes aultres choses, pourveu, ce sera de la que
+leur viendront les plus dangereuses guerres et les plus grandes
+difficultez dont, de tant que la Royne leur Mestresse s'oppose
+toutjour bien fort aulx moyens, qu'on luy met en avant, qui tendent
+ou a la guerre ou a la despence; apres avoir bien longuement debattu
+toutes ces matieres, ilz luy ont enfin conseille que, d'ung coste,
+elle veuille mettre le duc de Norfolc hors de pryson, et que, par sa
+liberte et par l'ayde qu'il luy pourra fere, elle se tirera ayseement
+hors des plus apparans dangiers; et dresser, de l'aultre, tout
+promptement une bonne armee de mer, qui serviroit de remedier a tout
+le reste, sans regarder de si pres a la despence, qu'elle y pourra
+fere, qu'elle ne regarde encores plus a la conservation de son estat
+et a l'honneur et grandeur de sa couronne.
+
+ [11] Le duc d'Albe deploya, pour la publication de cette
+ amnistie, une pompe extraordinaire. Ces mots _vetements blancs_
+ se rapportent probablement a quelque particularite des costumes
+ employes dans cette ceremonie.
+
+ [12] Voir la note ci-dessus, p. 183.
+
+Sur laquelle leur resolution s'estant la dicte Dame asses colleree
+contre ceulx, qui l'avoient faicte estre jusques icy trop rigoureuse
+contre le dict duc, leur a respondu qu'elle estoit contante de prendre
+bientost ung bon expediant avecques luy, qui ne viendroit toutesfoys
+ny d'aulcun d'eulx, ny de toutz ensemble, et dont il n'en auroit a
+remercyer que elle seule; et quant a dresser une armee, qu'elle ne se
+vouloit opposer a leur conseil, mais seulement les prier qu'ilz
+advisassent de n'entreprendre rien qui ne fut bien necessaire, et qui
+ne la mist en plus de peyne qu'elle n'est. Dont, tout sur l'heure, les
+commissions ont este depeschees, telles que j'ay cy devant mandees a
+Vostre Majeste: de dresser une armee royalle de toutz les grandz
+navyres de la dicte Dame et de bon nombre d'aultres vaisseaulx
+particulliers, et de lever quatre mil maryniers, et tenir prestz huict
+mil hommes de pied et deux mil chevaulx; dont, quant aulx navyres et
+hommes pour mettre dessus, qui sont maryniers et soldatz tout
+ensemble, cella s'execute en toute dilligence; et, dans le Xe du
+prochain, j'entendz qu'il sortyra en mer sept grandz navyres des
+premiers prestz, les meilleurs a la voyle, avec douze centz hommes
+dessus, et les aultres suyvront apres, a la mesure qu'on les aura
+fornys d'hommes et de vivres; car, ilz ont desja tout leur aultre
+apareil et fornyment. Mais, quant aulx huict mil hommes de pied et
+deux mil chevaulx, l'on ne se haste encores de les fere marcher.
+
+Or, en ce mesmes conseil, a este advise de renvoyer devers le duc
+d'Alve maistre Fyguillem, bourgeois de ceste ville, l'ung des
+commissaires des prinses, par pretexte de luy aporter une honneste
+responce sur l'accord de leur differandz, comme ceste Royne le prye
+d'y vouloir entendre en quelque bonne sorte, et qu'elle est contante
+de reffere le nombre des merchandises et tout ce qui en est depery et
+descheu, despuys le premier inventoire qui en fut faict; ce que
+n'estant encores aprochant de la satisfaction, parce que le dict
+inventoire ne contient guieres bien le tiers des dictes merchandises,
+ny que celle moindre partie des deniers qui estoit ez quaysses
+merquees pour le Roy d'Espaigne, j'ay bien pense qu'il n'y alloit que
+pour descouvrir l'intention du dict duc, et a quoy tandoit son
+armement, et quelles pratiques menoient les Anglois catholiques, qui
+ont naguieres passe d'Escoce et d'icy devers luy. Tant y a, Sire, que,
+nonobstant cest argument, lequel m'a bien faict juger qu'en leur faict
+y avoit plus de peur que d'entreprinse, voyant neantmoins que leur
+appareil estoit tel qu'il le falloit avoir suspect, mesmes que nul ne
+me scavoit asseurer au vray de l'occasion d'icelluy, et qu'ilz ne
+cessoient de tretter toutjour d'accord avec le duc d'Alve, j'ay pense
+qu'il estoit expediant de les fere parler; dont ay suplie la dicte
+Dame et iceulx seigneurs de son conseil que, de tant que j'avois a
+vous donner adviz de leur armement, il leur pleust m'advertyr comme
+ilz desiroient que je le vous escripvisse, affin d'evitter que, pour
+la jalouzie que vous en pourriez avoir, vous ne leur en fissiez
+prendre une aultre en vous armant de vostre coste.
+
+A quoy ilz m'ont respondu que je scavois bien que le duc d'Alve
+faisoit une bien fort grande armee de mer, et encor qu'il leur eust
+notiffie par l'ambassadeur de son Maistre, qui est icy, et encores
+faict dire a Mr Norrys par celluy qui est en France, que c'estoit
+seulement pour conduyre la Royne d'Espaigne et non pour occasion
+quelconque, d'ou ilz deussent prendre tant soit peu de deffiance de
+luy, que neantmoins la dicte Dame luy avoit bien vollu depescher ung
+messaigier pour l'advertyr qu'elle estoit delliberee de mettre aussi
+ses navyres en mer, avec sept ou huict mil hommes dessus, pour
+accompaigner la dicte Royne d'Espaigne, sa bonne soeur, tout le long
+de la mer de son royaulme, avec commandement a son admyral, lequel
+yroit luy mesmes en l'armee, de la recepvoir, honnorer et bien tretter
+en toutz ses portz et havres, ou luy viendrait a playsir de descendre
+et prendre terre: dont me prioient d'asseurer Vostre Majeste que, sur
+leur vie et honneur, il n'y avoit aultre chose; et que le dict sieur
+Admyral ne bougeroit que la responce du dict duc ne fut arrivee. Bien
+me vouloient dire que aulcuns de leurs rebelles trettoient en secrect
+et ouvertement avecques le dict duc, et que les Escossoys se vantoient
+aussi qu'ilz auroient bientost ung secours de Flandres; dont se
+vouloient trouver prestz a tout besoing.
+
+Voyla, Sire, ce qu'ilz m'ont dict, et en quelle facon ils se sont
+descouvertz de la legation du susdict Figuillem, qu'ilz avoient
+toutjour tenue fort secrecte; et comme, soubz demonstrations
+honnestes, ilz se pourvoyent contre les malles intentions les ungs des
+aultres. Je observeray le progrez de leurs actions, du plus pres que
+je pourray, pour vous en donner toutjour les plus seurs adviz qu'il me
+sera possible; et sur ce, etc. Ce XXXe jour de juillet 1570.
+
+
+
+
+CXXVe DEPESCHE
+
+--du VIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par Mr de Poigny._)
+
+ Visite de Mr de Poigny a la reine d'Ecosse.--Audience de conge
+ lui est donnee par la reine d'Angleterre.--Heureux effet de son
+ voyage.--Meilleur traitement fait a Marie Stuart et au duc de
+ Norfolk, a qui il est permis de sortir de la Tour pour etre
+ garde chez lui.--Remontrances de l'ambassadeur a Elisabeth sur
+ les nouvelles entreprises faites contre l'Ecosse.--Excuses
+ donnees par la reine.--Resolution prise de signifier le traite
+ aux deux partis en Ecosse.--Continuation des armemens maritimes
+ en Angleterre.--Declaration du duc d'Albe a Me Fuyguillem
+ envoye vers lui par Elisabeth.--Arrivee a Londres d'un depute
+ de la Rochelle.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, apres que Mr de Poigny a heu satisfaict a la visite, que Vostre
+Majeste luy avoit commande vers la Royne d'Escoce, par l'espace de
+quatre jours, qu'il luy a este permiz d'estre aupres d'elle, avec ung
+infiny contantement et tres grande satisfaction de la dicte Dame, il
+s'en est retourne par deca; et estant icy, nous avons ensemble
+considere que, puisqu'il estoit contrainct de se deporter du surplus
+de son voyage en Escoce, parce que la Royne d'Angleterre ne le
+trouvoit bon, et que les commissaires escossoys n'estoient point
+arrivez, qu'il estoit expediant qu'il ne temporisat plus en ce lieu;
+dont sommes allez, le IIIIe du present, trouver la dicte Dame a
+Cheyneys, ou elle est encores. A laquelle le dict Sr de Poigny a faict
+entendre, bien a propos, les choses qu'il avoit veues et aprinses de
+l'estat de la Royne d'Escoce, et de sa sante, et aussi de son
+estroicte garde, et d'aulcunes aultres particullaritez de ses afferes,
+luy incistant bien fort de luy vouloir ottroyer ung peu plus de
+liberte qu'elle n'a; et luy ayant au reste ramentu de rechef les
+principaulx poinctz de sa charge, avec offre de passer encor en
+Escoce, s'il estoit besoing, pour disposer ces seigneurs de della a la
+continuation du trette, la dicte Dame luy a faict plusieurs diverses
+responces es quelles, sans luy reffuzer ny accorder aussi tout ce
+qu'il demandoit, sinon touchant aller en Escoce, qu'elle luy a bien
+ouvertement denye, elle a monstre, au reste, qu'elle vouloit beaucoup
+defferer a Vostre Majeste; et, apres qu'avec de bien honnestes
+repliques, il a heu tire d'aultres secondes et meilleures responces de
+la dicte Dame, il a prins conge d'elle. Dont, de tant, Sire, que
+Vostre Majeste entendra mieulx au long et par ordre de luy, que ne
+feroit par ma lettre, tout ce qui s'est passe en son audience, et ce
+qu'il y a propose, ensemble ce qu'il y a obtenu, et ce que la dicte
+Dame l'a prie de vous dire, je me deporteray de vous en toucher icy
+plus avant, si n'est pour vous dire, Sire, qu'encor qu'il ne vous
+raporte resolution de toutes choses, son voyage ne laisse pourtant
+d'estre et bien utille, et heureux, puisque par icelluy est advenu que
+ceste Royne a commance de se moderer tant envers la Royne d'Escoce
+qu'elle l'a layssee visiter de vostre part et luy a eslargy ung peu sa
+liberte; et qu'en mesmes temps le duc de Norfolc, qui estoit en
+pryson, a este remiz en sa mayson, bien que ce soit encores soubz
+quelque garde; qui sont tout presaiges de quelques bon succez ez
+aultres afferes de la dicte Dame.
+
+Or de ma part, Sire, ayant heu a remercyer la dicte Dame de la
+declaration qu'elle m'avoit mande fere, que son armement n'estoit
+aulcunement dresse ny contre Vostre Majeste, ny contre vostre
+royaulme, et de ce qu'elle avoit monstre se resjouyr infinyement de la
+nouvelle, que je luy avois faict entendre, qu'on tenoit en France la
+paix pour faicte; et que sur le dict armement elle m'a heu confirme le
+mesmes, adjouxtant que c'estoit le duc d'Alve et non Vostre Majeste
+qui avoit a se doubter d'icelluy, et qu'avec plusieurs parolles, et
+par tout aultre semblant, elle a exprime ung tres grand desir a la
+dicte paix, et luy tarder beaucoup que je la luy puysse bien asseurer
+de vostre part, j'ay tire le propos a luy parler des choses que nous
+avions entendu d'Escoce: comme pour empescher l'effect de l'accord,
+qui estoit tant bien commance, l'on avoit trouve moyen de retarder Mr
+de Leviston (qui l'alloit notiffier aulx seigneurs d'Escoce) vingt
+deux jours en la frontiere de deca, et despuys, estant passe en celle
+de della, les adversaires de la Royne d'Escoce ne permettoient qu'il
+passat oultre pour acomplyr sa legation; que cependant le comte de
+Sussex avoit envoye solliciter ceulx du party de la Royne d'Escoce de
+poser les armes, d'abandonner les rebelles angloys, de ne recepvoir
+les estrangiers, et de casser les proclamations, qu'ilz avoient faicte
+de l'authorite de leur Royne, pour remettre le faict du gouvernement
+du pays en tel estat que le comte de Mora l'avoit laysse; et que,
+pendant que la dicte Dame se prenoit bien asprement a la Royne
+d'Escoce de ce que ses fuytifz trouvoient faveur et retrette en son
+pays, c'estoient les mauvais subjectz de la Royne d'Escoce qui
+avoient releve une forme d'authorite, en tiltre de regent, contre et
+au prejudice d'icelle en son royaulme, soubz l'adveu et protection des
+lettres de la dicte Royne d'Angleterre, qui avoient este leues
+publiquement en l'assemblee, y assistant maistre Randolf et son agent
+par della; et que le comte de Lenoz, a present cree regent, se vantoit
+qu'il auroit tout secours d'elle pour estre meintenu en ceste sienne
+nouvelle authorite, et que mesmes le comte de Sussex, en sa faveur,
+rentreroit de rechef avecques forces en Escoce, et que l'armee de mer
+de la dicte Dame seroit bientost devant Dombertran pour l'assieger;
+dont, de tant que, sur ce que je vous avois escript et asseure du
+contraire, vous aviez contremande voz forces, qui estoient toutes
+prestes en Bretaigne, et vous estiez venu de toutz ces differantz a
+ung trette d'accord, duquel ne voyez a present sortyr nul effect, je
+ne pouvois, pour ma justification envers Vostre Majeste, que recourir
+a la promesse, qu'elle m'avoit faict fere la dessus par les seigneurs
+de son conseil, laquelle elle m'avoit despuys confirmee en parolle de
+Royne et de Princesse chrestienne, pleyne de foy et de verite; et,
+suyvant icelle, la suplyer de vouloir demeurer aulx bons termes du
+dict trette et icelluy paraschever, ou bien me dire quelle
+satisfaction elle pensoit que j'en debvois donner a Vostre Majeste.
+
+La dicte Dame, se voyant fort pressee de ce propos, et voyant que
+j'estois adverty de toutes les pratiques qui se menoient en Escoce,
+s'est efforcee de leur donner le meilleur lustre qu'elle a peu,
+alleguant que ceulx du party de la Royne d'Escoce, pour avoir de
+rechef rentre en la frontiere d'Angleterre, et avoir dresse avec milor
+Dacres une bien dangereuse entreprinse sur icelle, si le comte de
+Sussex ne l'eust descouverte, et pour avoir, en proclamant l'authorite
+de la Royne d'Escoce, declaire ceulx de l'aultre party rebelles,
+avoient commance les premiers de donner occasion a elle de se departyr
+du dict traicte, dont estoit deliberee de ne souffrir plus leurs
+attemptatz et de remedier a leurs mauvaises entreprinses.
+
+Je luy ay replique que Vostre Majeste ny la Royne d'Escoce n'aviez
+rien innove de vostre part, et qu'on ne pouvoit pretendre que ceulx du
+party de la Royne d'Escoce eussent aussi peu violler le trette jusques
+a ce qu'il leur auroit este legitimement notiffie; par ainsy, que je
+incistois toutjour a l'entretennement et continuation d'icelluy.
+
+Enfin la dicte Dame, laquelle faict grand fondement de sa parolle
+jusques a me dire que si je la trouve jamais manquer d'icelle, je la
+veuille estimer indigne que je face jamais plus nul office de vostre
+ambassadeur vers elle, et les seigneurs de son conseil, ausquelz j'ay
+aussi faict la mesme remonstrance, m'ont accorde qu'il sera donne
+moyen a Mr de Leviston, ou bien a quelque aultre, qui sera
+presentement depesche d'icy, de pouvoir aller seurement jusques vers
+le duc de Chastellerault, et vers les aultres seigneurs du party de la
+Royne d'Escoce, pour leur signiffier l'accord encommance, et les
+sommer d'envoyer des depputez pour le continuer et parfaire.
+
+Cependant, Sire, la dicte Dame continue toutjour son armement en fort
+grand dilligence, et n'en remect rien pour chose que le duc d'Alve luy
+ayt respondu, lequel aussi, a ce que j'entendz, a parle ung peu bien
+ferme a maistre Fuyguillem, deppute de la dicte Dame, lequel est
+revenu despuys trois jours: c'est qu'il luy a dict qu'il preparoit
+son armee de mer pour conduyre seurement la Royne, sa Mestresse, en
+Espagne, et que rien n'en estoit dresse contre les amys et confederez
+de son Maistre, mais bien pour se deffandre et se venger des injures
+de ses ennemys; et quant a la pleincte qu'il faysoit que l'ambassadeur
+d'Espaigne, icy residant, avoit donne des saufconduictz aulz rebelles
+d'Angleterre pour passer en Flandres; que le Roy, son Maistre, le
+chastieroit s'il avait mal faict, mais que, pour un rebelle anglois
+qu'il y avoit en Flandres, il y en avoit cinq centz flamans en
+Angleterre: au regard de se contanter de l'accord des merchandises
+sellon l'inventoire qui en avoit este faict, qu'il vouloit de sa part
+rendre aulx Anglois tout entierement ce qu'il leur avoit faict saysir
+et arrester, et qu'ainsy entendoit il qu'il fut de mesmes satisfaict
+aulx subjectz de son Maistre. Bien m'a l'on dict qu'il a use a part
+d'aultres parolles gracieuses au dict Fuyguillem, qui les mect en plus
+grande esperance d'accord que jamais.
+
+Il est arrive, despuys lundy dernier, ung des superintendans des
+finances de la Rochelle, nomme le presidant des comptes de Bretaigne,
+lequel on dict estre principallement venu pour trois choses; l'une,
+pour adviser le moyen de desdommaiger la Royne d'Angleterre et les
+siens des treze ourques de merchandises d'Espaigne, qui furent, des le
+commencement, menees des portz de ce royaulme a la Rochelle, et fere
+pour cella, ou pour recouvrer nouveaulx deniers, pour du sel et du
+vin, quelque nouveau contract entre eulx; la seconde, pour consulter
+avec Mr le cardinal de Chatillon des articles de la paix, et les
+notiffier, de la part de la Royne de Navarre, a ceste Royne; la
+tierce, pour aporter a la dicte Dame quelques adviz et pacquetz qui
+la concernent, lesquelz ilz ont surprins quelque part. Sur ce, etc. Ce
+VIe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXVIe DEPESCHE
+
+--du XIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._)
+
+ Forces de l'armee navale que l'Angleterre vient de mettre en
+ mer.--Crainte qu'Elisabeth, rassuree contre toute attaque de la
+ part du duc d'Albe, n'emploie cet armement a une entreprise sur
+ l'Ecosse.--Etat des negociations au sujet de l'Ecosse et de
+ Marie Stuart.--Conclusion de la paix en France.--Nouvelles de
+ la Rochelle et d'Allemagne.--Execution de Felton a Londres;
+ continuation des executions dans le Norfolk.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, sellon la bonne communication que j'ay faicte a Mr de Poigny,
+pendant qu'avons este ensemble, de toutes choses de deca, dont j'ay
+peu avoir quelque notice, j'espere qu'il aura donne bon compte a
+Vostre Majeste non seulement de celles la qui s'y menent ouvertement,
+mais aussi d'aulcunes qui se presument, lesquelles ne sont encores
+qu'en discours; et pareillement de l'estat ou sont demeurees celles de
+la Royne d'Escoce, de facon que je n'auray a toucher icy, sinon de ce
+qui a succede despuys son partement; qui est, Sire, que la Royne
+d'Angleterre a faict donner une si grand presse a son armee de mer
+qu'on l'a rendue toute preste a sortyr, dans le XXe du present, en
+nombre de XXIX de ses grandz navires, bien artillez et bien garnys de
+toutes monitions de guerre, et avitaillez pour trois mois, avec cinq
+mil cinq centz hommes dessus et son admyral en personne pour y
+commander, oultre ung nombre d'aultres vaysseaulx, que le comte de
+Betfort faict equiper en guerre au pays d'Ouest, qui doibvent sortir,
+soubz la conduicte de Haquens, et treze navyres des Francoys et des
+Flamans, de la nouvelle religion, qui sont attendans en l'isle d'Ouyc.
+Quelcung est revenu de la mer sur un batteau legier, qui raporte avoir
+veu, sur la coste de Flandres, envyron cinquante quatre voyles desja
+hors des portz, ce qui faict davantaige haster ceulx cy en leur
+entreprinse; et les seigneurs de ce conseil ont envoye signiffier, par
+deux aldremans de Londres, a Mr l'ambassadeur d'Espaigne qu'il les
+veuille venir trouver, a St Auban, a XX mil d'icy, affin de conferer
+ensemble; mais ne saichant comme ilz vouldroient user vers luy, il est
+en doubte s'il yra.
+
+Je ne descouvre point encores, Sire, que la dicte Dame ayt a nul
+aultre effect entreprins cest armement que pour le souspecon du duc
+d'Alve, et croy, a la verite, que cella seul en est la premiere
+ocasion; mais, a ceste heure, qu'elle a faicte la despense, et que le
+duc luy a en plusieurs sortes declaire qu'il ne veult rien
+entreprendre contre elle, et aussi n'y a il nul aparance quelconque
+qu'il soit pour le fere, ny qu'il divertisse ailleurs son armee qu'a
+la conduicte de la Royne, sa Mestresse, tant qu'elle soit du tout
+descendue en Espaigne, je crains que la dicte Royne d'Angleterre
+employe cependant la sienne contre l'Escoce; car de la dresser contre
+la France je n'en ay ny indice ny sentyment, mais quelcun m'a bien
+dict qu'on la conseille de se saysir de Dombarre, et m'a l'on donne
+adviz qu'elle a mande de nouveau au comte de Sussex de tenir mil cinq
+centz harquebouziers, six centz corseletz et quatre centz chevaulx,
+toutz prestz en la frontiere, qui est argument qu'elle espereroit, par
+ce secours de terre, facilliter l'entreprinse a son armee de mer; et
+que, par mesmes moyen, elle satisferoit au comte de Lenoz, lequel luy
+ayant demande une grande provision de deniers pour souldoyer des
+Escossoys pres de luy, elle luy a respondu qu'elle ayme mieulx
+employer son argent a souldoyer des siens que non d'en acquerryr des
+estrangiers; neantmoins j'entendz qu'on l'a tant pressee qu'enfin elle
+luy a envoye trois mil {lt} d'esterlin, qui est dix mil escuz. De
+cecy, Sire, et d'aulcunes conditions asses dures, que la dicte Dame a
+naguieres proposees, bien qu'en ryant, a Mr l'evesque de Roz, de
+vouloir pour sa seurte, en restituant sa cousine, avoir des ostaiges
+d'elle, et le Prince son filz, et le chasteau de Dombertran; et luy
+ayant le dict sieur evesque respondu que mal ayseement se pourroit
+tout cella fere, je crains que la dicte Dame se veuille pourvoir, de
+bonne heure, d'aulcuns aultres moyens bien contraires a celluy du
+trette, que nous avons commance; mais, nonobstant ceste demonstration,
+nous ne layssons de luy incister toutjour qu'elle doibt demeurer aulx
+bons termes du trette, et icelluy paraschever, sellon qu'elle mesmes a
+prie Mr de Poigny de vous asseurer, Sire, que, si la Royne d'Escoce
+luy faict de bien honnestes et honnorables offres, qu'elle procedera
+tres honnorablement envers elle; et, suyvant cella, elle nous a
+despuys baille ses lettres pour fere passer sans difficulte milord de
+Leviston jusques la ou le duc de Chastellerault et les aultres
+seigneurs du party de la Royne d'Escoce sont assemblez, affin de leur
+notiffier l'accord encommance, et les sommer d'envoyer des depputez
+pour ayder a le conclurre; et, par mesmes depesche, nous avons adverty
+les dicts seigneurs de se donner garde des entreprinses de deca. Ceulx
+qui portent icy bonne affection a la Royne d'Escoce estiment, Sire,
+qu'il importe beaucoup que, en parlant a l'ambassadeur d'Angleterre,
+et par aultres demonstrations en Bretaigne, Vostre Majeste face
+toutjour cognoistre qu'elle desire secourir et remedier les afferes de
+la dicte Dame.
+
+J'entendz que Mr Norrys a escript, du IIIe du present, que la paix
+estoit desja conclue dez le premier[13], et qu'il restoit rien plus a
+accorder que quelque formalite sur le desarmer et sur reconduyre les
+reytres hors de vostre royaulme, ce qui faict regarder a plusieurs
+icy, si Vostre Majeste vouldra incister plus fort, a ceste heure, au
+restablissement des choses d'Escoce, et s'il en pourra bien sortyr du
+differant entre la France et l'Angleterre; mais je leur en oste
+l'opinion le plus que je puys.
+
+ [13] Cette paix, connue sous le nom de _paix boiteuse et mal
+ assise_, parce qu'elle fut negociee par Mr de Biron, qui etait
+ boiteux, et par le sieur de Mesmes, seigneur de Malassise, fut
+ conclue a Saint-Germain-en-Laye, le 11 aout 1570. Les articles au
+ nombre de quarante-six sont rapportes dans l'edit de
+ pacification, donne a Saint-Germain, le 15 du meme mois.
+
+Le presidant venu de la Rochelle est alle desja une foys jusques a
+ceste court, et m'a l'on dict que, a cause des adviz et des lettres
+interceptes, qu'il disoit aporter concernant ceste princesse, elle l'a
+vollu ouyr, mais bien fort en secrect. Les depputez aussi des princes
+d'Allemaigne ont este ouys une foys, et puys se sont retirez a
+Londres. Il semble que leur negociation demeure en quelque suspens par
+le retour d'ung Oynfild, qui vient freschement d'Allemaigne, l'y
+ayant, dez le moy de may, ceste princesse envoye pour tretter
+d'aulcunes choses fort secrectement avec les dicts princes, et mesmes
+a heu grande communication avec l'evesque de Colloigne. La dicte Dame
+commance de n'avoir plus si suspecte la diette d'Espire comme l'on la
+luy faisoit, puisque le comte Pallatin y intervient. L'on dict que ung
+agent du jeune duc des Deux Ponts est venu poursuyvre icy, contre
+ceulx de la Rochelle, le payement d'environ quarante mil escuz, qui
+furent trouvez ez coffres du feu duc, son pere; lesquelz monsieur
+l'Admyral print, avec obligation de la Royne de Navarre et des
+principaulx de l'armee, qu'ilz seroient acquittez contantz en
+Angeterre. Maistre Felton a este, despuys trois jours, execute devant
+icelle mesme porte de l'evesque de Londres, ou il avoit affiche la
+bulle, ayant soubstenu toutjour fort opinyastrement que l'interdict du
+Pape sur ceste Royne est juste et juridique. L'on continue aussi les
+executions en Norfolc. La dicte Dame poursuyt son progrez vers Oxfort,
+et a vollu que je soys sorty de Londres, a cause de la peste, pour
+pouvoir plus librement negocier avec elle. De quoi, Sire, et du
+desloignement de sa court, je crains demeurer moins bien adverty de
+beaucoup de choses au villaige que je n'etois a la ville, mais j'y
+mettray toutjour la meilleure dilligence que je pourray. Sur ce, etc.
+Ce XIe jour d'aoust 1570.
+
+ J'ay faict courir apres ce pacquet, qui estoit desja depesche dez
+ le matin, pour y adjouxter la reception de voz lettres du IIIIe
+ du present, qui m'ont este rendues par mon secretaire, avec la
+ bonne et desiree nouvelle de la paix; sur laquelle, apres avoir
+ remercye Dieu, et, de rechef, de tout mon cueur tres humblement
+ bayse les mains de Vostre Majeste, j'en yray demain fere la
+ conjoyssance a ceste Royne, laquelle, a ce que j'entendz,
+ depesche ung gentilhomme en France, mais ne scay encores sur
+ quelle occasion.
+
+
+
+
+CXXVIIe DEPESCHE
+
+--du XIIIIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais, par Bordillon._)
+
+ Resolution prise par la reine d'Angleterre d'envoyer Walsingham
+ en France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il y a trois jours que la Royne d'Angleterre avoit depesche le
+Sr de Valsingan pour aller fere aulcuns offices vers Vostre Majeste,
+et pour les fere en une facon, si la paix estoit faicte, et en une
+aultre, s'il trouvoit qu'elle fut encores a fere; dont, a ceste heure,
+que j'ay envoye demander audience a la dicte Dame pour la luy aller
+annoncer, toute bien faicte et bien conclue, elle m'a mande que je
+seray le tres bien venu avec ceste tres bonne nouvelle, et qu'elle a
+desja expedie ung sien gentilhomme en France pour vous en aller fere
+la conjouyssance de sa part; en quoy je vous suplie tres humblement,
+Sire, lui agreer, et gratiffier en toutes sortes ceste sienne bonne et
+prompte demonstration, ainsy qu'elle s'atend bien que, pour avoir
+toutjour ouvertement declaire qu'elle la desiroit, et pour s'estre
+offerte de s'employer a la fere, et mesmes pour avoir, durant la
+guerre, rejette toutes les persuasions qu'on luy a donnees de se
+declairer de l'aultre party, et avoir encores, sur le pourparle de
+paix, procede en sorte qu'elle veult bien estre veue d'avoir ayde en
+quelque chose a la conclurre, elle se repute avoir grandement merite
+de vostre amytie. Et j'entendz, Sire, que, par mesmes moyen, elle vous
+fera tenir quelque propos du faict d'Escoce, estant le dict de
+Valsingan principallement envoye pour notter et comprendre, aultant
+qu'il luy sera possible, a quoy, apres ceste paix, va l'intention de
+Vostre Majeste, tant sur les choses qui ont passe du coste de ce
+royaume durant la guerre, que pour voir en quoy vous perseverez
+touchant celles du dict pays d'Escoce et touchant la Royne d'Escoce,
+vostre belle soeur; dont j'estime, Sire, que le plus de faveur et de
+grattiffication que pourrez monstrer sur celles premieres, et plus de
+fermete et perseverance ez aultres, sera ce qui plus donra
+d'accommodement a vostre service et plus de reputation a voz afferes
+de deca. Icelluy Valsingan est tenu icy pour bien habille homme, fort
+affectionne a la nouvelle religion, et tres confidant du secretaire
+Cecille; qui va desja fere ung commencement d'essay en la charge que,
+a mon adviz, l'on luy a designee d'ambassadeur ordinaire vers Vostre
+Majeste apres Mr Norrys. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIVe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXVIIIe DEPESCHE
+
+--du XVIIIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par l'homme du Sr de Valsingan._)
+
+ Audience.--Communication officielle donnee par l'ambassadeur a
+ Elisabeth de la conclusion de la paix en France.--Contentement
+ manifeste par la reine de cette nouvelle.--Vives demonstrations
+ en faveur du roi.--Promesse de la reine de hater la conclusion
+ du traite avec Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le jour de la my aoust, j'ay este porter la certitude de la paix
+de vostre royaulme a la Royne d'Angleterre, a Penleparc, qui est
+trente deux mil loing de Londres; laquelle a monstre non seulement de
+la bien recepvoir, mais d'en vouloir caresser et honorer la nouvelle,
+ayant faict parer sa court, et estant elle mesmes paree et
+merveilleusement bien en poinct; et m'a, a l'arrivee et au retour,
+faict mieulx recueillyr et accompaigner que de coustume, et encores me
+reconvoyer par des gentilshommes expres une grand partie du chemyn, de
+sorte qu'elle et les seigneurs de son conseil, vers lesquelz j'ay
+faict aussi la conjoyssance de vostre part, n'ont rien obmiz de ce qui
+se peult monstrer d'exterieur pour donner entendre qu'ilz ont ung tres
+grand plesir de cet accord. Mais, pour descouvrir quelque chose de
+l'interieur, j'ay dict a la dicte Dame, en luy presentant les lettres
+et recommandations de Voz Majestez, que Dieu vous avoit faict la grace
+de vous donner la paix avecques voz subjectz; et qu'aussitost que vous
+l'aviez peu conclurre vous luy en aviez faict la premiere part, affin
+de luy advancer, devant les aultres princes, voz alliez et confederez,
+l'ayse et le playsir que vous estimiez qu'elle en recepvroit, parce
+que, plus que nul de tous eulx, elle avoit toutjour monstre de la
+desirer, et mesmes de se vouloir employer a la fere; dont cecy luy
+estoit ung tres asseure tesmoignage que vous n'en avez miz rien en
+oubly, et que vous luy rendrez la tranquillite de vostre royaulme
+aultant utille, comme elle avoit toutjour faict paroistre qu'elle
+l'auroit tres agreable.
+
+La dicte Dame, usant de toutes les demonstrations d'ayse et de
+contantement qu'il est possible, m'a respondu qu'elle ne pouvoit asses
+a son gre vous remercyer de la faveur, que luy aviez faicte, de luy
+advancer ceste bonne nouvelle de vostre paix, ny asses s'en conjouyr
+avecques Voz Majestez; et que n'ayant heu moindre desir que vous
+mesmes de la voir bien succeder, ainsy que sa conscience l'en
+faisoit, a ceste heure, estre bien fort contente, et que la certitude
+s'en pouvoit encores veriffier par lettres et tesmoings, elle ozoit
+bien esgaller l'ayse qu'elle recepvoit d'en entendre la conclusion, a
+celluy que Vostre Majeste et la Royne, vostre mere, et Messieurs vos
+freres, voyre quel que soit de voz propres subjectz, en pouviez avoir;
+ce que estant bien confere avec le peu de desir que vous scavez que
+les aultres princes en avoient, elle vous layssoit a juger si une
+premiere conjouyssance ne lui en estoit pas deuhe, et pourtant que
+vous ne doubtissiez qu'elle ne la receust avec trop plus d'abondance
+de playsir et d'affection, qu'elle ne le pouvoit, par parolle ny par
+nulle aultre demonstration, bien exprimer; seulement elle prioyt Dieu
+de la vous fere, et a voz subjectz, tres longuement et heureusement
+jouyr; et qu'encor qu'on luy eust vollu imprimer que vostre paix luy
+seroit ung commancement de guerre, et que vous vous layrriez aisement
+aller a l'instigation, que ses ennemys vous feroient, de la luy
+commancer sinon directement, au moins par moyens indirectz de la Royne
+d'Escoce, qu'elle ne le se vouloit toutesfoys persuader; et vous
+pryoit, de tant que vous estiez sur le poinct de vous former une
+inpression d'amytie ou d'ayne pour l'advenir, que vous vollussiez
+retenir elle et son royaulme, qui ne sont pas des plus grandz mais non
+aussi des moindres, au mesmes degre d'amytie qu'elle veult droictement
+perseverer vers vous et le vostre; et que, ayant auparavant propose de
+vous depescher le Sr de Valsingan, affin qu'il servyst a quelque bon
+effect entour la conclusion de la dicte paix, elle l'y feroit encores
+plus vollontiers passer, a ceste heure qu'elle estoit conclue, pour
+non seulement vous en aller fere la conjoyssance, mais vous remercyer
+infinyement de celle que vous luy en aviez desja faicte.
+
+Je n'ay failly la dessus, Sire, d'user des meilleurs et plus
+convenables propos, que j'ay peu, pour mettre la dicte Dame en grande
+confiance de Vostre Majeste et de vostre royaulme; et, apres avoir
+touche quelque mot du commandement, que me feziez, d'avancer toutjour
+les afferes de la Royne d'Escoce; a quoy elle m'a respondu en tres
+bonne facon et avec nouvelle promesse d'y proceder du premier jour,
+sellon qu'elle avoit bonnes nouvelles que les seigneurs escossoys des
+deux costez s'y vouloient disposer, elle m'a licencie avec tant de
+bonnes paroles et demonstrations de son contantement, et de vouloir
+donner toute satisfaction a Vostre Majeste, que je craindrois d'en
+diminuer la meilleure part, si je m'esforcoys de le vous vouloir
+davantaige exprimer: dont la layrray a tant jusques a la prochaine
+depesche d'ung des miens, que j'envoyeray bientost devers Vostre
+Majeste, par lequel je vous feray amplement entendre toutes aultres
+choses. Et seulement, Sire, j'adjouxteray a ce pacquect la lettre, que
+la dicte Dame vous escript, oultre celles qu'elle a baille au dict
+Valsingan pour Voz Majestez, lequel est desja depesche, et avecques
+luy le sir Henry Coban pour aller saluer, de la part de ceste Royne,
+la Royne d'Espaigne au Pays Bas; et croy qu'il passera jusques a
+Espire devers l'Empereur. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour d'aoust 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, j'obmetz, tout a esciant, d'escripre a Voz Majestez par ceste
+depesche beaucoup de propos, qui ont este tenuz entre la Royne
+d'Angleterre et moy en ceste derniere audience, pour les vous mander
+cy apres plus expressement par ung des miens; et suffira, s'il vous
+playt, Madame, que, en ceste cy, je vous dye, sur la nouvelle que j'ay
+annoncee a la Royne d'Angleterre de la paix de vostre royaulme, qu'il
+ne se peult exprimer ung plus grand ayse que celluy que, en parolle et
+en semblant, elle a monstre d'en recepvoir; et croy que, sans la
+crainte des choses d'Escoce, que son cueur aussi s'y conformeroit.
+J'entendz qu'elle a prins quelque souspecon de ce que les depputez des
+Princes n'ont faict rien entendre de ceste derniere conclusion a son
+ambassadeur, comme ilz avoient faict les aultresfoys; au moins n'en
+avoit il encores rien escript a la dicte Dame, quant j'ay este devers
+elle, laquelle en estoit mal contante; et discouroient quelques ungs
+la dessus qu'il y pourroit bien rester encores quelque difficulte:
+tant y a que les choses d'icy ne layssent pourtant de prendre aultre
+forme, sur ce que je leur en ay desja dict, mesmes en l'endroict de
+l'ambassadeur d'Espaigne, auquel aultrement l'on estoit prest de fere
+piz que jamais. J'espere qu'il en reuscyra aussi de l'utillite a
+vostre service. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXIXe DEPESCHE
+
+--du XXIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par Guilliaume Beroudier._)
+
+ Rapport de ce que l'ambassadeur a pu savoir des instructions
+ donnees a Walsingham.--Conclusion definitive de la paix de
+ France.--Instance de l'ambassadeur pour que le roi se prononce
+ avec fermete sur les affaires d'Ecosse.--Effet produit en
+ Angleterre par l'assurance que la paix est definitivement
+ signee en France.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ceste bien asseuree confirmation de la paix, qui m'est venue par
+les lettres de Vostre Majeste du XIe du present, avec les articles
+d'icelle, qu'il vous a pleu par mesme moyen m'envoyer, ont miz la
+Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil hors de tout doubte qu'elle
+ne soit a present bien conclue et arrestee; car, parce que Mr Norrys
+leur avoit escript que, de vostre coste, Sire, elle estoit bien
+signee, mais qu'elle restoit a signer par Messieurs les Princes et
+Admyral, et que Mr le cardinal de Chatillon n'en avoit encores nulles
+nouvelles, aussi que de della l'on mandoit que aulcuns s'y opposoient,
+et que le parlement de Paris ne la vouloit en facon du monde
+recepvoir, plusieurs ont estime que la matiere estoit encores bien
+acrochee; et le Sr de Valsingan mesmes, quant il m'est venu dire
+adieu, n'a sceu tenir son langaige si mesure qu'il n'ayt asses monstre
+qu'il estoit depesche sur telle opinion. Et j'ay despuys entendu que,
+l'ayant la dicte Dame faict arrester, lorsque je la suys alle trouver,
+jusques apres qu'elle m'auroit ouy, aussitost qu'elle a comprins par
+mon recyt que les depputez estoient de rechef renvoyez avec les dicts
+articles vers les Princes, elle l'a soudain faict partyr, sur la
+mesme depesche qu'elle luy avoit desja baillee, luy mandant qu'il
+n'estoit besoing d'y rien changer.
+
+Or, Sire, ce que j'ay peu descouvrir de sa charge est qu'ayant ceste
+princesse l'esprit fort agite de tant de deffiances, que je vous ay cy
+devant mandees, et se trouvant mal satisfaicte de ce que ceste
+derniere conclusion de paix s'est menee si estroictement que son
+ambassadeur a souspeconne y debvoir avoir des conventions qui la
+touchoient, puysqu'on les luy tenoit secrectes, elle a advise
+d'envoyer cestuy cy tout expres par della affin que, trettant avec
+ceulx de l'ung et l'aultre party, il puysse juger de quelle
+disposition, apres la dicte paix, se trouvera Vostre Majeste et vostre
+royaume vers elle et le sien, avec commandement d'accommoder son
+parler a l'estat ou il verra que les choses seront, et de se conduyre
+neantmoins en ce qu'il aura a negocier avec ceulx de la nouvelle
+religion, sellon certain reglement qui a este arreste avec les
+depputez, qui sont icy, des princes d'Allemaigne, et dont l'ung d'eulx
+est alle avecques luy; et de mesler, a ce que j'entendz, parmy
+l'aparance d'exorter ceulx de la dicte religion a vostre obeyssance,
+qu'ilz veuillent bien regarder a l'establissement de ce qui leur sera
+promiz pour l'exercice d'icelle et pour l'establissement de la paix,
+et que, en ces deux choses, elle et les dicts princes ne sont pour les
+habandonner jamais, comme ilz ont encores tout presentement et auront
+toutjour toutes choses bien prestes pour les secourir; leur
+remonstrant aussi qu'ilz n'ont asses bien faict leur debvoir d'avoir
+obmiz, en l'instruction qu'ilz ont donnee a leurs depputez pour fere
+ce trette, laquelle a este envoyee icy de la Rochelle, et traduicte
+incontinent en anglois et imprimee a Londres, de n'y avoir faict
+quelque honnorable mencion d'elle et du bon reffuge qu'ilz ont trouve
+en son royaulme, avec d'aultres particularitez que je suys bien ayse
+qu'elles n'arrivent qu'apres la paix faicte; car possible n'eussent
+elles de guieres servy a la conclurre.
+
+Et au regard de Vostre Majeste, j'entans, Sire, que sa commission
+porte que, au cas qu'il trouve les choses non encores bien accordees,
+qu'il vous offre toutz les moyens et offices, qui seront cognuz
+pouvoir proceder d'elle, pour vous ayder a les accorder avec vostre
+grandeur, reputation et advantaige; mais s'il trouve la paix desja
+conclue, ainsy que, graces a Dieu, elle l'est, qu'il vous en face la
+meilleure et plus expresse conjoyssance qu'il pourra, et qu'il vous
+exorte, Sire, a l'entretennement et observance d'icelle, avec offre de
+tout ce qui est en la puyssance de la dicte Dame pour vous assister
+contre ceulx qui la vous vouldroient traverser ou empescher; et vous
+prier, au reste, de ne vous laysser jamais persuader du contraire, car
+vous ayant elle jusques icy garde ce respect d'avoir rejette toutes
+les tres vehementes persuasions qu'on luy a donnees de se declairer
+contre vous, elle proteste que, par cy apres, elle ne le pourra plus
+fere; et que, si vous entreprenez la guerre contre la religion d'ou
+elle est, qu'elle employera toutes ses forces, son estat et sa
+couronne a la deffance, faveur et protection d'icelle; et qu'elle
+entrera en la ligue des princes protestans contre Vostre Majeste,
+ainsy qu'ilz ont encores icy a ceste heure leurs ambassadeurs pour
+l'en solliciter; et avec charge aussi au dict Valsingan de vous fere
+entendre, de la part de la dicte Dame, touchant la Royne d'Escoce,
+qu'elle ne luy veult aulcun mal, ny veult en facon du monde procurer
+sa ruyne, que seulement elle cerche de s'asseurer des guerres et
+dangiers, qui luy ont este toutjour imminentz du coste d'elle et de
+son royaulme, chose qu'elle estime que ne debvez trouver mauvaise; et
+qu'encores, pour l'amour de Vostre Majeste, sera elle contante d'user
+si honorablement vers la dicte Dame, que ung chacun jugera qu'elle luy
+aura la plus grande de toutes les obligations, qu'elle ayt jamais heue
+a personne de ce monde.
+
+Qui est tout ce, Sire, que j'ay aprins de la depesche du dict
+Valsingan, et ne scay encores s'il y a heu rien de plus ou de moins,
+ou de change despuys; dont je suplie tres humblement Vostre Majeste de
+gratiffier si bien a la dicte Dame ses bonnes parolles que ses
+intentions en puyssent toutjour devenir meilleures, car aussi estime
+elle vous avoir beaucoup oblige de ne vous avoir faict sentyr tant de
+mal et d'empeschement, de son coste, comme l'on l'a bien incitee et
+conseillee de vous en fere.
+
+Au regard, Sire, des choses d'Escoce, encores que la dicte Dame ayt,
+de rechef, tres expressement donne parolle a Mr de Roz de proceder au
+trette, aussitost que les depputez d'Escoce seront arrivez, car
+plustost n'y veult elle nullement entendre; neantmoins, de tant que je
+suys seurement adverty que le comte de Sussex, lequel a encores des
+forces en la frontiere, et le secretaire Cecille menent des pratiques,
+et croy que [c'est] sans le sceu de la dicte Dame, pour tirer la
+matiere en longueur et pour fere rentrer de rechef les Anglois en
+Escoce au secours du party du regent, qui se trouve le plus foible; il
+sera le bon playsir de Vostre Majeste d'en parler en telle sorte aulx
+ambassadeurs de la dicte Dame qu'ilz cognoissent que vous incistez,
+Sire, tres fermement a la continuation et accomplissement du trette et
+a l'entretennement de ce qui en est desja arreste; ou autrement que
+vous n'estes pour manquer de secours a ceulx de voz allyes qui ont
+recours a vostre protection, et faveur. Et sur ce, etc.
+
+ Ce XXIe jour d'aoust 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, ce peu de temps qui a passe, despuys la premiere nouvelle de
+la conclusion de la paix, laquelle Voz Majestez m'escripvoient du
+IIIIe du present, jusques a la confirmation que j'en ay presentement
+receue, qui n'est que six jours entre deux, nous a donne a dicerner
+ceulx qui desirent icy veritablement la paix de vostre royaulme, et
+l'establissement de vos afferes, d'avec ceulx qui n'en cerchent que le
+perpetuel trouble et la diminution de vostre grandeur; et n'en est
+l'affection de la religion aulcunement la reigle, car plusieurs
+catholiques et plusieurs protestans meslez ensemble, bien que par
+divers respectz, monstrent d'en estre tres marrys, et de mesmes
+plusieurs des deux partys s'en rejouyssent conjoinctement; mais ceulx
+sur toutz, es quelz gist toute l'esperance de la religion catholique
+en ce royaulme, en font une tres solemnelle resjouyssance, et desirent
+la conservation de vostre couronne, et croyent et esperent que
+d'icelle a de proceder la reunyon de l'esglize et le restablissement
+de la religion catholique en ceste mesmes isle, aussi bien qu'en tout
+le reste de la Chrestiente, par les moyens que Dieu vous inspirera,
+plus qu'aulx aultres princes chrestiens, puysque a vous, plus qu'a
+eulx toutz, il vous a faict sentyr combien en est dangereuse et pleyne
+de toutz maulx la division.
+
+Les Huguenotz, qui estoient par deca, commancent de n'y estre plus si
+bien veuz qu'ilz souloient, et n'y peuvent desormais vivre sans
+soupecon. J'entendz que ceulx, qui estoient pirates, se vont peu a peu
+retirant, et Clement Joly, ayant reduict tout son equipage a deux bons
+navyres, s'en va avec Haquens, qui dresse une flotte pour retourner
+aulx Indes. Ceulx cy ont desja miz dehors six de leurs grandz navyres,
+soubz la conduicte de maistre Charles Havart, filz de milord
+Chamberlan, lequel commandera en l'armee parce que l'admyral est
+mallade, et y en mettront encores quatre dans ceste sepmayne, mais ilz
+ne donnent grand presse aulx aultres vingt navyres, parce qu'ilz ont
+adviz que l'apareil du duc d'Alve ne peult estre prest, jusques
+envyron la St Michel, bien qu'ilz scavent qu'il est alle desja
+recuillyr la Royne, sa Mestresse, a Nimegen. Maistre Henry Coban
+s'apreste toutjour pour l'aller saluer, de la part de ceste Royne, et
+avecques luy s'en retourne par della le mesmes merchant deppute sur le
+faict des merchandises, nomme Fuiguillem, qui en est naguieres revenu;
+et sur ce, etc. Ce XXIe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXXe DEPESCHE
+
+--du XXVIe jour d'aoust 1570.--
+
+(_Envoyee jusques a la court par La Bresle, chevaulcheur._)
+
+ Assurance de l'ambassadeur que l'armement des Anglais n'est pas
+ dirige contre Calais.--Recommandation qu'il fait de se premunir
+ neanmoins en France contre toute surprise.--Instance de la
+ reine d'Ecosse pour obtenir du roi un secours efficace; sa
+ conviction qu'Elisabeth ne veut pas lui rendre la
+ liberte.--Nouvelles des Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je n'ay trouve nouveau l'adviz, qu'on vous a donne, de
+l'entreprinse de ceulx cy sur Callais, car je pense en avoir mande
+quasi aultant a Vostre Majeste par le Sr de Sabran, sur le
+commancement de juillet, et vous avoir dez lors particullarise quant,
+commant, et en quel lieu, ilz avoient propose de fere leur descente,
+mais que bientost apres ilz avoient change de delliberation, parce
+qu'ilz avoient juge que ce seroit attacher une grosse guerre, de
+laquelle ilz n'avoient ny rien de bien prest pour la commancer, ny nul
+moyen de la meintenir, sinon par noz troubles, lesquelz ilz voyoient
+desja incliner a la paix; et aussi qu'il m'advint lors de toucher ung
+mot a quelcun des leurs de ce que j'en avois senty, et en mesmes temps
+Mr de Gordan saysyt des armes qu'on pourtoit a Callais, dont
+estimerent que le tout estoit descouvert, de sorte que leur present
+armement ne monstre qu'il soit a nul aultre effect que pour tenir la
+mer, sans pouvoir mettre gens en terre, ainsi que, pour en esclarcyr
+davantaige Vostre Majeste, je renvoye ce mesmes courryer pour vous en
+aporter l'estat, tel que je l'ay peu recouvrer, duquel encores il s'en
+fault beaucoup qu'il soit ainsy bien prest, comme le dict estat le
+porte; et ne le pourront avoir si soubdain faict plus grand, ny leve
+les gens de guerre que n'en soyons, de quelques jours devant,
+advertys. Neantmoins, Sire, ayant premierement descouvert qu'ilz ont
+heu intention de tenter quelque chose sur le brullant desir de
+recouvrer Callais, et les voyant a ceste heure (bien que pour aultres
+fins) estre en armes, j'ay adverty Mr de Gordan, et les aultres
+gouverneurs de vostre frontiere, de se tenir sur leurs gardes; et ay
+suplie Vostre Majeste, comme je la suplie encore tres humblement, de
+leur mander de rechef qu'ilz ayent a se monstrer si preparez et
+pourveuz qu'ilz facent perdre a ceulx cy toute l'ocasion et la
+vollonte, qu'ilz pourroient avoir, d'y rien entreprendre.
+
+La Royne d'Escoce renvoye ung serviteur du Sr Douglas en France,
+auquel elle a commiz une depesche pour Vostre Majeste; et croy, Sire,
+qu'elle vous persuade de tout son pouvoir, que, touchant sa liberte et
+restitution, vous ne vous en veuillez plus attandre a ce que la Royne
+d'Angleterre vous en fera dire ou promettre, car elle pense avoir
+asses d'aparans argumens pour juger que l'intention de ceulx, qui
+guydent les conseilz de la dicte Dame, n'est aulcunement d'y entendre,
+ains de s'opiniastrer, de plus en plus, a sa detention et a luy fere
+perdre son estat; ainsy que, despuys le commancement du trette, ilz
+ont, soubz main, faict creer le comte de Lenoz regent en Escoce, et se
+preparent a ceste heure d'y envoyer gens, argent et tout aultre
+secours pour le maintenir; en quoy la dicte Dame me prie que, quoyque
+ceulx cy me puissent dorsenavant alleguer, je ne vous veuille plus
+entretenir en aulcune esperance du dict trette; ains que je vous
+suplye tres humblement, Sire, d'aller au devant de la malle
+entreprinse qu'ilz ont sur elle, premier qu'ilz l'ayent du tout
+ruynee, et premier qu'ilz ayent acheve de vous oster une telle allyee,
+et l'alliance, et les allyez que vous avez en elle, son royaulme et
+ses subjectz. Dont semble bien, Sire, que, ayant Vostre Majeste porte
+jusques icy, par voz vertueuses parolles et bonnes demonstrations,
+beaucoup de faveur aulx afferes de la dicte Dame, lors mesmes que les
+vostres sentoyent plus d'empeschement, que, graces a Dieu, ilz ne font
+a ceste heure, s'il vous playt d'en user meintennant de semblables, ou
+ung peu de plus expresses, et les fere sonner au Sr de Valsingan,
+avant qu'il s'en retourne, qu'elles seront de bien fort grand moment
+pour meintenir la cause de la dicte Dame, jusques a ce que y puyssiez,
+a bon esciant, adjouxter les effectz. Mais affin, Sire, que voyez
+plus clayrement quel il y fera, je vous manderay, du premier jour, par
+le Sr de Vassal, le plus particulierement que je pourray, l'estat de
+toutes choses d'icy, et ce que la Royne d'Angleterre m'aura respondu
+sur le faict de son armement; laquelle je vays presentement trouver.
+
+Et ne vous diray davantage, Sire, sinon que le jeune Coban s'apreste
+toutjour pour passer en Flandres, et ne me suys trompe du jugement,
+que j'ay faict, qu'il yra jusques a Espire, dont je mettray peine
+d'entendre quelque chose de sa commission. La nouvelle de la paix de
+vostre royaulme a este utille a l'ambassadeur d'Espaigne; car, oultre
+qu'elle est cause qu'on ne l'a resserre, l'on luy a despuys faict
+beaucoup de favorables demonstrations. Il est vray qu'on a envoye
+surprendre, jusques dans le port de Bergues en Flandres, le docteur
+Estory et ung maistre Parquer, toutz deux Anglois catholiques, qui
+estoient la depputez par le duc d'Alve sur la visite des merchandises
+d'Angleterre pour les confisquer, et les a l'on transportez par deca,
+et tout incontinent miz dans la Tour de Londres; en quoy l'on a
+manifestement violle la franchise des Pays Bas, chose qu'on ne peult
+croyre que le duc d'Alve puisse aulcunement dissimuler. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVIe jour d'aoust 1570.
+
+
+
+
+CXXXIe DEPESCHE
+
+--du Ve jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Vassal._)
+
+ Audience.--Plainte de l'ambassadeur au nom du roi, qui est averti
+ que l'armement de la flotte d'Angleterre est destine a une
+ entreprise sur Calais.--Vive protestation de la reine qu'elle
+ n'a jamais eu un pareil projet, et qu'elle n'a d'autre
+ intention que de repousser les attaques, qui pourraient etre
+ dirigees contre elle.--Demande d'explications sur les armemens
+ faits en Bretagne.--Debat sur les delais apportes a la
+ conclusion du traite concernant Marie Stuart.--Nouvelle
+ invasion des Anglais en Ecosse. _Memoire._ Discussions des
+ Anglais sur la paix de France.--Leur crainte qu'une ligue
+ generale ait ete formee contre eux.--Changement de conduite
+ d'Elisabeth a l'egard de l'ambassadeur d'Espagne.--Dispositions
+ prises pour eviter une attaque de la part du duc
+ d'Albe.--Resolution de faire sortir la flotte pour rendre
+ honneur a la reine d'Espagne, et se tenir prete au besoin a
+ livrer bataille.--Negociations d'Elisabeth en
+ Allemagne.--Nouvelles de la diete.--_Memoire secret._ Assurance
+ donnee parle duc de Norfolk, depuis sa mise en liberte, qu'il
+ reste devoue a la reine d'Ecosse.--Necessite d'imposer a la
+ reine d'Angleterre un delai, dans lequel le traite avec Marie
+ Stuart devra etre conclu.--Utilite de faire quelque changement
+ dans la garnison de Calais.--Projet d'une entreprise du roi
+ d'Espagne sur l'Angleterre: insistance faite aupres de Marie
+ Stuart pour qu'elle s'abandonne entierement au duc d'Albe du
+ soin de sa restitution.--Disposition d'Elisabeth a renouer la
+ negociation de son mariage avec l'archiduc Charles.--Avis d'une
+ correspondance entretenue avec l'Angleterre par quelqu'un qui
+ approche le duc d'Anjou.--Nouvelles repandues a Londres sur les
+ projets du roi.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, estant la Royne d'Angleterre en une mayson esquartee dans les
+boys, a quarante cinq mil de Londres, qui s'apelle Vuynck, elle m'a
+mande dire que, si l'affere dont j'avois a luy parler estoit haste, je
+vinsse prendre ma part de l'incommodite du lieu ou elle estoit; mais,
+si ce n'estoit chose pressee, qu'elle me prioyt d'attandre jusques au
+VIIIe jour ensuyvant, qu'elle se randroit pres d'Oxfort, en la mayson
+de Mr de Norrys, qui seroit plus commode. Et comme elle a entendu que
+je ne vouloys temporiser, et que j'estois desja prez du dict Vuynck,
+elle a envoye trois gentishommes pour me conduyre, non en la mayson ou
+elle estoit, mais en une fueillee, qui lui estoit preparee pour tirer
+de l'arbaleste aulx dains dedans les toilles; auquel lieu elle est
+venue bientost apres, grandement accompaignee, ou m'ayant, avant
+descendre du coche, et apres en estre descendue, fort favorablement
+receu, premier qu'elle se soit divertye a la chasse, m'a demande des
+nouvelles de Voz Majestez.
+
+Et parce qu'on m'avoit dict que le Sr de Vualsingan, touchant son
+voyage en France, luy avoit escript qu'il trouvoit le monde par della
+mal contant de la paix, je luy ay bien vollu dire, Sire, que Vostre
+Majeste estoit venue a Paris en sa court de parlement pour y fere bien
+recepvoir les articles de la dicte paix, lesquelz y avoient este
+acceptez avec ung grand consentz de tout ce senat, et que de la vous
+en estiez alle randre grace a Dieu en la grand esglize de Nostre Dame,
+et solemniser la feste de la my aoust; et que, le soir, estiez alle
+prendre le souper en l'hostel de ville, pour mieulx establyr le repoz
+entre ce grand peuple, lequel a accoustume de servyr d'exemple aulx
+autres villes voysines; et que vous estiez apres a regarder
+principallement a deux choses: l'une, de bailler argent aulx reytres
+et estrangiers, au premier jour de septembre, affin de les chasser
+eulx, et le trouble et malheur, hors de vostre royaulme; et l'aultre
+estoit de jouyr heureusement de ceste paix, premierement avec voz
+subjectz, et puys avec les princes voz voysins, allyez et confederez,
+chose qui estoit bien conforme a ce qu'elle m'avoit prie dernierement
+de vous escripre: (que vous vollussiez conserver l'amytie des princes
+voz voysins, comme je la pouvois bien asseurer que vous la vouliez
+conserver droicte et entiere envers elle, aultant qu'avec nul prince
+de vostre alliance); mais qu'il y avoit ung aultre ambassadeur, lequel
+je ne cognoissois point, qui vous avoit advise, Sire, de penser tout
+aultrement d'elle en vostre endroict, et qu'elle avoit fermement
+resolu de vous fere bientost la guerre; dont je remercyois Dieu que la
+vigillance de celluy la m'eust releve de la plus notable infamye, ou
+gentilhomme eust peu tomber, d'avoir miz mon Roy, Mon Seigneur, et ses
+afferes en ung manifeste dangier, s'il ne vous eust advise d'y prendre
+garde, et de vous bien deffandre du coste, duquel je m'esforcoys de
+vous persuader que vous seriez le moins assailly; bien que je ne
+demeurois sans coulpe de m'estre laysse endormyr par ses bonnes
+parolles, sur ce que m'aviez commande d'avoir les yeulx plus ouvertz,
+qui estoit l'observance et l'entretennement des trettez.
+
+Sur quoy la dicte Dame, pleyne d'esbahyssement, m'a demande qui ce
+pouvoit estre, et que l'infamye tumberoit plus sur elle que sur moy,
+et qu'elle esperoit de nous en descharger si bien toutz deux que la
+honte en demeureroit a celluy qui la nous vouloit fere.
+
+J'ay suyvy a luy dire que je luy en communiquerois, au long et au
+plain, tout ce que Vostre Majeste m'en escripvoit, affin de proceder
+ainsy clairement vers elle, comme j'avoys faict jusques icy, et comme
+je la suplyois de ne me contraindre d'en user aultrement; car, pour ne
+le scavoir fere, et pour ne mettre, par ma sotise, voz afferes en
+dangier, j'aymois trop mieulx d'estre revoque, et qu'elle me renvoyat
+d'ou j'estois venu.
+
+Dont, luy ayant baille la dessus la lettre de Vostre Majeste, avec
+l'adviz du VIIIe du passe, elle a leu tres curieusement l'ung et
+l'aultre; et puys, sans avoir guieres pense, m'a dict qu'elle me
+feroit en cella une responce franche et pleyne de verite: c'est
+qu'elle prioyt Vostre Majeste de croyre que l'adviz estoit tout
+entierement faulx, et que, en son armement, elle n'avoit aultre
+entreprise que celle, qu'elle m'avoit faict escripre par ceulx de son
+conseil, et despuys confirmee de sa propre parolle, qui est celle,
+Sire, que je vous ay desja escripte; et que, quant il se trouveroit
+aultrement, elle vouloit que vous la tinssiez pour descheue du rang de
+Vostre Majeste, ou Dieu l'a constituee Royne legitime et Princesse
+chrestienne. Il est vray que chose semblable, ou peu differante, luy
+pouvoit avoir este offerte, mais non de six mois en ca. A quoy elle
+vouhe a Dieu qu'elle n'a jamais vollu entendre, et ne le fera, soubz
+tant de bonnes parolles de paix et d'amytie, comme elle m'a prie vous
+asseurer de sa part; et qu'elle vouloit bien dire aussi qu'ayant
+Vostre Majeste procede en bonne facon vers elle sur les afferes de la
+Royne d'Escoce, qu'elle ne vouldroit que bien user vers vous, et
+achever droictement le trette qui est la dessus commance; mais que si,
+pour l'ocasion de la dicte Dame, laquelle vous scavez qu'elle luy
+tient beaucoup de tort, vous la vouliez ennuyer, (ainsy que le comte
+de Betfort luy avoit escript despuys deux heures, du pays d'Ouest, que
+Vostre Majeste avoit douze navyres toutz prestz et garnys de toutes
+monitions de guerre a St Malo, pour les passer en Escoce, et
+n'attandoit on plus que les gens de guerre pour les mettre dessus; et
+que, d'abondant, vous aviez faict arrester en Bretaigne toutz les
+navyres anglois comme en temps de guerre,) qu'elle s'esforceroit de
+vous fere tout le pis qu'elle pourroit.
+
+Je repliquay, Sire, que je mettrois peyne de vous fere bien entendre
+sa responce touchant le faict de Callays; et je la prioys de vous en
+fere dire aultant par son ambassadeur, affin que peussiez cognoistre
+que ce que je vous en escriprois procedoit de son intention, ce
+qu'elle m'accorda; et, quant au reste, je la pouvois asseurer que je
+ne scavois rien de l'apareil de St Malo, mais que je mettrois
+toutjours ma vie pour la seurte de la parolle, que vous luy aviez
+promise: tant y a que je la suplioys ne trouver mauvais, si, pour
+n'estre faulx ny desloyal a Vostre Majeste, je vous escripvois,
+touchant le faict d'Escoce, qu'elle nous remettoit a un trette, duquel
+je n'esperois ny fin ny commancement: car elle n'y vouloit proceder
+jusques a ce que les depputez des seigneurs d'Escoce seroient arrivez,
+et le comte de Sussex empeschoit qu'ilz ne se peussent assembler pour
+en eslire quelques ungs; et que la creation de ce regent, lequel avoit
+tout incontinent faict pendre trente trois bons serviteurs de la Royne
+d'Escoce, et les aultres rolles qui se jouoyent entre le dict comte de
+Sussex et les ennemys de la dicte Dame par della, me faisoient veoir
+qu'on ne tendoit a rien moins que a la paciffication.
+
+A cella la dicte Dame m'a respondu qu'il n'y avoit nul tort de sa part
+ny des siens, et qu'elle est toute resolue de proceder au dict trette,
+et n'attand sinon une responce de la Royne d'Escoce, laquelle
+l'evesque de Roz luy doibt porter dans deux jours, pour, incontinent
+apres, envoyer deux de son conseil devers elle affin de tretter
+ouvertement de tout ce qu'elles ont a demesler ensemble; et que
+j'asseure Vostre Majeste que, s'il y a nul des siens qui veuille
+traverser le dict trette, qu'elle l'en fera amerement repentyr. Et
+m'ayant la dicte Dame tenu plusieurs aultres fort gracieulx propos,
+tant du present des haquenees qu'elle vous veult fere, que de ce
+qu'elle a envoye saluer la Royne d'Espaigne et l'Empereur, estant
+venue l'heure de la chasse, elle print l'arbaleste, et tua six daims,
+dont me fit faveur de m'en donner bonne part; et au prendre conge, me
+pria tres instantment de vous donner toute satisfaction d'elle sur le
+faict du dict Callais, et luy procurer pareille satisfaction de Vostre
+Majeste sur ce qu'on luy a dict de St Malo. Sur ce, etc. Ce Ve jour de
+septembre 1570.
+
+ Sur la closture de la presente, est venu adviz comme le comte de
+ Sussex est rentre en Escoce, ainsy que luy mesmes l'a escript.
+ Nous sommes apres, icy, d'en demander reparation, et Vostre
+ Majeste y pourvoirra, s'il luy playt, par della.
+
+ OULTRE LE CONTENU DES LETTRES, le dict Sr de Vassal dira, de ma
+ part, a Leurs Majestez:
+
+ Qu'on juge icy diversement de la paix de France, car les ungs
+ disent que le Roy l'a faicte ainsy que monsieur l'Admyral l'a
+ vollue, luy laissant, apres l'avoir veincu, plus d'exercice de sa
+ religion qu'il n'avoit auparavant, et toulz les estatz et villes
+ qu'il a demande: les aultres, au contraire, disent que le dict
+ sieur Admyral s'est laysse aller aulx promesses du Roy, et qu'il
+ s'est condescendu aulx plus honteuses et dommaigeables condicions
+ de paix qu'il se pouvoit fere, ayant laysse perdre les
+ principalles esglizes, que ceulx de sa religion eussent ez bonnes
+ villes du royaulme, pour se contanter de quelques meschantz
+ faulxbourgs; et d'avoir soubmiz, de rechef, eulx et leurs biens
+ aulx parlemens, lesquelz leur sont capitalz ennemys; et d'avoir
+ accorde au Roy le quint de leur revenu pour payer les reytres,
+ dont beaucoup de Catholiques et de Protestans estrangiers, et
+ mesmement ceulx, qui n'ayment ny la grandeur ny l'establissement
+ du Roy, arguent par la qu'il y doibt avoir quelque secrecte
+ convention contre les estatz voysins; et descouvrent qu'en leur
+ cueur ilz sont marrys de la paix de France, et qu'ilz la
+ craignent.
+
+ Mais d'aultres plus moderez, qui en desirent la conservation,
+ jugent tout librement que nul moyen plus heureux, ny plus
+ prudent, ny plus conjoinct d'honneur avec proffict, se pouvoit
+ trouver au monde, que cestuy cy de la paciffication; par laquelle
+ le Roy a regaigne l'obeyssance de ses subjectz, et eulx la bonne
+ grace sienne, et toutz ensemble chasse le trouble et le malheur
+ hors du royaume.
+
+ Et, a ce propos, la Royne d'Angleterre m'a dict que quelquefoys
+ ung prince pouvoit bien avoir fort bon droict sur un estat, qui
+ pourtant ne le jouyssoit pas, et que, hormiz le titre, il estoit
+ toutjour en peyne ou d'en conquerre ou d'en deffandre tout le
+ reste; et par ainsy que le Roy a conquiz, par ceste paix, le plus
+ beau royaulme de tout le monde; lequel auparavant il ne possedoit
+ pas, et dont nul aultre que le sien n'eust peu si longtemps
+ suporter les maulx de la division, sinon avec la mutation ou avec
+ la ruyne entiere de l'estat, dont elle le conseille de ne le
+ mettre plus en hazard.
+
+ Neantmoins monstrans aulcuns des principaulx du conseil de la
+ dicte Dame qu'ilz craignent meintennant la dicte paix, ilz
+ donnent a cognoistre qu'ilz ne la desiroient pas; et mesmes ung,
+ qui scayt asses de leurs secretz, a raporte qu'ilz ont dict que,
+ si leur entreprinse de Picardie n'eust point este descouverte, et
+ que je n'en eusse rien senty, ou bien que monsieur l'Admyral eust
+ peu conduyre son armee vers la frontiere du dict pays de Picardye
+ ou Normandie, ilz luy eussent bien donne moyen d'evitter
+ l'honteuse paix qu'il a faicte.
+
+ Et despuys la conclusion d'icelle, ceulx de ce pays n'usent de si
+ familiere conversation avec les Francoys de leur mesmes religion,
+ comme ilz faisoient auparavant, et ne leur layssent nulz
+ marinyers anglois dans leurs vaysseaulx, bien qu'ilz n'en ayent
+ quasi point d'aultres; et seulement vers Mr le cardinal de
+ Chastillon ilz monstrent luy porter encores quelque honneur et
+ respect, pour l'obliger davantaige a estre ministre de conserver
+ la paix entre ces deux royaulmes.
+
+ Et, encor que de certains propos qu'on leur a faict acroyre, qui
+ ont este naguieres tenuz pres du Roy, au prejudice de ce
+ royaulme; et de la rescente memoire de la bulle, avec la division
+ qu'ilz voyent croistre toutjour parmy leurs subjectz; et de
+ certaine coppie de lettre qu'ilz pensent avoir recouvert, que le
+ duc d'Alve a escripte a Monsieur, frere du Roy, pour l'inciter, a
+ ce qu'ilz disent, contre eulx; et de l'advertissement, qu'ilz
+ ont, que le dict duc pourchasse, envers l'Empereur, de fere
+ mettre en arrest toutes les merchandises d'Angleterre, qui sont
+ en Hembourg, pour la reparation des prinses, que les Anglois ont
+ faictes en mer sur les subjectz de son Maistre, la dicte Dame et
+ les seigneurs de son conseil soyent entrez en de bien grandz et
+ divers pensements, neantmoins ilz n'en ont este guieres esmeuz
+ jusques a la nouvelle de la paix; mais lorsqu'ilz ont veu qu'elle
+ estoit conclue a l'honneur et advantaige du Roy, ilz n'ont heu
+ rien plus haste que de consulter et delliberer, tout incontinent,
+ comme ilz se pourroyent munyr contre l'orage, qu'ilz craignent
+ leur advenir; en quoy ilz ont pense qu'ilz le pourroient divertyr
+ par gracieuses negociations et bonnes parolles, bien que possible
+ esloignees de ce qu'ilz ont en intention.
+
+ Et ont commance de depescher premier devers le Roy le Sr de
+ Vualsingan pour la conjouyssance de la paix, et pour luy donner
+ bonne esperance des afferes de la Royne d'Escoce, avec le surplus
+ de sa commission, sellon que je l'ay mande, en la sorte que je
+ l'ay peu descouvrir; bien que la dicte paix leur semble
+ formidable parce qu'ilz n'ont este appellez a la fere, et que les
+ principaulx, qui guident les conseilz de la dicte Dame,
+ s'opinyastrent, de plus en plus, a la detention de la Royne
+ d'Escoce, et a interrompre le trette encommance, pour fere de
+ rechef rentrer les Anglois en Escoce, ainsy que l'empeschement
+ qu'on a donne a Mr de Leviston en la frontiere, pour creer
+ cependant le comte de Lenoz regent, et la forme de proceder du
+ comte de Sussex contre ceulx du party de la Royne d'Escoce, le
+ tesmoignent; dont le Roy me commandera s'il sera expediant que je
+ tire de la dicte Royne d'Angleterre une resolue responce sur le
+ dict affere.
+
+ Et pour le regard du Roy d'Espaigne, ayans eulx pense de tretter
+ plus mal que jamais son ambassadeur, et luy ayant mande par ung
+ sien secretaire que la Royne d'Angleterre ne le tenoit plus pour
+ ambassadeur, et faict dire par deulx aldremans qu'il s'en vint
+ trouver ceulx du conseil a St Aulban, a XL mil de Londres, ou
+ j'ay sceu despuys qu'ilz avoient faict preparer ung logis pour le
+ resserrer; l'asseurance de la paix n'est si tost arrivee qu'on
+ n'ayt change de toute aultre facon en son endroict, l'envoyant
+ visiter avec bonnes parolles et offres d'accord sur les
+ differans; et luy ont envoye Haquens pour se justiffier de ce
+ qu'on luy avoit rapporte qu'il dressoit une flotte pour aller aux
+ Indes, qui l'a asseure qu'il n'en estoit rien, et qu'il n'avoit
+ intention de naviguer en lieu d'ou le Roy, son Mestre, peult
+ estre offance. Ilz ont envoye Fuyguillem devers le duc d'Alve,
+ et ont depesche le jeune Coban devers la Royne d'Espaigne, avec
+ les plus expresses parolles et les meilleures demonstrations
+ d'amytie, dont ilz se sont peu adviser.
+
+ Et neantmoins, ne se trouvans bien satisfaictz de la responce,
+ que le duc d'Alve leur a faicte touchant son armement, parce
+ qu'il a faict mencion qu'il estoit dresse contre les ennemys, ilz
+ ont resolu de se presenter en mer, quant la dicte Dame passera,
+ et de disposer leurs grands navyres, en sorte qu'ilz luy gaignent
+ le vent, (ainsi qu'ilz disent qu'ilz ont cinq ventz qui leur
+ servent et qui leur donnent l'advantaige,) et en ceste sorte la
+ saluer et luy monstrer toutz signes d'amytie; mais s'il n'est
+ prins en ceste sorte de l'aultre part, et qu'ilz ne ressaluent,
+ et ne rendent les mesmes signes d'amytie et d'amayner, avec la
+ soumission requise, que, a la moindre mauvaise demonstration
+ qu'ilz feront, ceulx cy se tiendront pour provoquez, et
+ attacheront le combat. Et y a grande apparance que, si la dicte
+ Dame est contraincte, par quelque occasion de temps, de relascher
+ par deca, qu'elle ne s'en pourra partyr quant elle vouldra, bien
+ qu'on luy fera tout l'honneur et bon trettement qu'il sera
+ possible; et monstrent ceulx cy estre toutz advertys de l'apareil
+ du duc d'Alve et de celluy d'Espaigne, mais ne craindre l'ung
+ ni l'aultre; et ont donne charge par tout le pays d'user de
+ signalz pour courir aulx portz, au cas que l'on y aborde, affin
+ d'en demeurer les maistres.
+
+ Et ont donne charge au susdict jeune Coban, apres qu'il aura
+ visite la Royne d'Espaigne, de passer oultre devers l'Empereur,
+ avec lettres, parolles et offres de grande amytie et de grande
+ intelligence en son endroict; et pour l'exorter de demeurer en
+ bonne unyon avec les princes de l'Empyre; et luy donner compte
+ des differans des Pays Bas; et aussi, a ce que j'entendz, quelque
+ peu des choses d'Escoce; mais surtout de le prier qu'il n'ordonne
+ rien en Hembourg contre les Anglois, ny contre leurs
+ merchandises; et, affin de le disposer mieulx vers elle, que
+ icelluy Coban luy remettra en termes, avec affection, le propos
+ du mariage avec l'archiduc son frere, bien que nul se peult
+ persuader qu'elle ayt intention de l'effectuer.
+
+ Et cependant, en l'endroict du dict Empereur et des aultres
+ princes catholiques, elle faict valoir et se sert de ceste
+ legation des princes protestans, qui ont encores icy leurs
+ ambassadeurs; et je les ay faict fort observer, et ay trouve que
+ entre eulx y a ung docteur, qui a seul la charge de toute la
+ negociation, et porte seul la parolle, sans en rien conferer aulx
+ aultres, personnaige si secret et reserve, qu'on ne peult tirer
+ ung seul mot de luy: seulement l'on m'a adverty qu'il a porte une
+ lettre a la dicte Dame, soubsignee de plusieurs princes, scavoir;
+ des trois ellecteurs Pallatin, de Saxe, Brandebourg, les premiers
+ des lansgraves, apres et succecifvement d'aultres, jusques a
+ douze des principaulx d'Allemaigne; reserve cellui de Vitemberg,
+ qui a accepte, a ce qu'on dict, pencion du Roy d'Espaigne, et
+ qu'en la dicte lettre est faicte mencion de ce que le Roy leur a
+ escript de la paix, et la responce qu'ilz luy ont faicte, et
+ qu'ilz exortent la dicte Dame d'esperer toutjour bien d'eulx, et
+ de s'asseurer que toutz ensemble luy demeureront bien unys en
+ affection et intelligence, ainsy qu'ilz le luy ont promiz; et
+ qu'ilz n'obmettront rien de ce qui sera requiz pour
+ l'establissement de leur religion, et pour la seurte des princes,
+ peuples et estatz, qui l'ont receue; et que, sur la dicte lettre,
+ il a heu quatre foys conferance, a part, avec la dicte Dame,
+ laquelle, a mon adviz, l'entretiendra jusques apres avoir heu
+ responce des aultres princes, car elle ne se veult vollontiers
+ obliger a nulle ligue, et ne le fera sinon bien contraincte, de
+ tant que les plus grandz frays en auroient a tumber sur sa
+ bourse.
+
+ Ce qui s'entend icy de la diette est que les trois ellecteurs ont
+ fort suspecte la proposition, que l'Empereur y a faicte, parce
+ qu'il leur semble qu'elle tend a leur oster l'authorite des
+ armes, et de ne pouvoir fere levees de gens de guerre en
+ Allemaigne, et de diminuer la grandeur de celluy de Saxe, par
+ pretexte de relever celle de ses cousins; et que le dict Empereur
+ finira la dicte diette par tout le moys d'octobre, pour s'en
+ retourner avant l'yver a Vienne, non sans en avoir premierement
+ indicte une aultre; et qu'encores qu'il n'ayt, pour ceste foys,
+ procede a la creation du roy des Romains, il a neantmoins si bien
+ dresse la pratique, que, pourveu qu'il puysse gaigner les trois
+ eclesiastiques, dont ne se deffye plus que de celluy de
+ Colloigne, il espere qu'il le pourra effectuer, en baillant le
+ tiltre de roy de Boheme a ung tiers pour avoir ceste voix
+ davantaige aulx suffrages; et n'y obstera plus que le reiglement
+ de la bulle doree de n'admettre tant d'Empereurs d'une mesmes
+ famille, mais le Pape y dispensera; et semble bien que, cella
+ advenant, l'on procedera aussi a la privation du Pallatin, car
+ l'on a opinion que, celluy la separe des trois, les aultres deux
+ demeureront bien foybles, et que le plus grand soing, qu'ayt a
+ present le Roy d'Espaigne, est de fere creer son nepveu roy des
+ Romains pour la conservation de ses Pays Bas et de ses estatz
+ d'Itallye, et qu'il n'espargne peyne, ny argent, ny nul de toulz
+ les moyens dont il se peult adviser, pour l'effectuer.
+
+ DIRA D'ABONDANT, A PART, A LEURS MAJESTEZ:
+
+ Que le duc de Norfolc, despuys estre hors de la Tour, m'a envoye
+ remercyer des bons offices, qu'il a sentys de ma bonne vollonte
+ durant sa pryson, lesquelz luy ont este d'un singulier espoir et
+ tres grande consolation; et s'asseurant que cella est procede du
+ commandement de Leurs Majestez Tres Chrestiennes, il m'a prie de
+ leur en bayser tres humblement les mains de sa part, et de les
+ asseurer qu'apres sa Mestresse, il leur demeure tres devot et
+ fidelle serviteur plus qu'a nul prince de la terre, et qu'il leur
+ recommande toutjour la cause de la Royne d'Escoce, pour la
+ restitution de laquelle il veult mettre sa personne, sa vie et
+ son bien.
+
+ Il suplie neantmoins Leurs Majestez que l'expecial propos de sa
+ devotion et affection, vers leur service et vers la Royne
+ d'Escoce, ne passe plus avant que entre Leurs dictes Majestez et
+ Monseigneur, pour le dangier qu'il y a que, s'il estoit sceu de
+ deux endroictz, lesquelz j'ay expeciffiez au Sr de Vassal, il ne
+ luy en advint beaucoup de mal; bien desire qu'en ce que Leurs
+ Majestez vouldront parler en leur conseil des gens de bien et
+ principaulx de ce royaulme, qui desirent la continuation de la
+ paix, et l'entretennement des trettez d'entre la France et
+ l'Angleterre, et la restitution de la Royne d'Escoce, qu'ilz luy
+ facent l'honneur de le nommer toutjour des premiers.
+
+ Leurs Majestez ont veu de quelle facon j'ay procede ez afferes de
+ la Royne d'Escoce, et parce qu'il semble adviz a la dicte Dame
+ que je me repose trop sur les parolles de la Royne d'Angleterre,
+ et que par icelles je pourrois interrompre le bon secours qu'elle
+ attend du Roy, elle m'a escript: dont Leurs Majestez, s'il leur
+ playt, orront la dessus le dict Sr de Vassal, et me manderont par
+ luy comme j'en auray a user, et si le Roy trouvera bon que, de sa
+ part, je face instance a la Royne d'Angleterre de restablyr, dans
+ ung moys, la Royne d'Escoce en son estat par la voye du trette,
+ en s'acommodant entre elles mesmes de leurs differans, ou bien
+ luy bailler son secours pour estre remise; et, a faulte de ce
+ fere, que la dicte Royne d'Angleterre trouve bon que le Roy luy
+ baille le sien, soubz bonne seurte qu'il ne portera aulcun
+ dommaige ny a la Royne d'Angleterre, ny a son royaulme, ny
+ n'usera par mer, ny par terre, vers elle, ny vers les Anglois,
+ sinon comme avec bons amys, allyez et confederez, pourveu qu'ilz
+ facent de mesmes.
+
+ Au regard de l'adviz, qu'on a donne au Roy, de l'entreprinse de
+ Callais, je pense avoir toutjour mande a Sa Majeste ce qui en a
+ este ordinairement propose a ceste Royne et a son conseil,
+ despuys que je suys par deca, et les choses n'en sont pas passees
+ plus avant. Il est vray que milord Coban, despuys le XVe d'aoust,
+ a faict entendre a la dicte Dame que, si elle veult entretenir
+ quelques compaignies, l'espace de deux ou trois moys, toutes
+ prestes, en la coste de deca, qu'il a promesse d'aulcuns, qui
+ habitent dans la ville et territoire de Callais, lesquelz ont
+ desja prins argent de luy, de les mettre d'emblee dedans la dicte
+ ville, et de surprendre Mr de Gordan, et de le luy randre
+ prysonnier entre ses mains. A quoy la dicte Dame a respondu que
+ son advertissement venoit tard, de tant que la paix estoit desja
+ conclue en France; et qu'il fauldroit rompre toutz les trettez et
+ commancer, a ceste heure, qui est bien hors de sayson, une grosse
+ guerre; en quoy je suplie tres humblement Sa Majeste de regarder
+ s'il sera bon que la garnyson du dict Callais soit changee,
+ puisque les choses en sont en cest estat.
+
+ Touchant l'intention, que le Roy d'Espaigne a sur les choses de
+ ceste isle, il se descouvre, de plus en plus, qu'il dellibere d'y
+ fere quelquefoys ung essay, quant il en aura le moyen; car il a
+ mande a son ambassadeur qu'il entretienne les plus vifves qu'il
+ pourra, les bonnes intelligences qu'il a dans le pays, et que,
+ quant bien on le vouldroit renvoyer, qu'il ne bouge en facon du
+ monde de sa charge, jusques a ce que tous les differans de ces
+ prinses soyent vuydez; et, quant au faict de la Royne d'Escoce,
+ que le duc d'Alve a commandement resolu de la secourir, mais ne
+ dict en quelle facon; seulement le dict ambassadeur inciste
+ qu'elle se veuille mettre ez mains du dict duc, et que, sans
+ doubte, il pourvoirra a ses afferes et a sa restitution.
+
+ La Royne d'Angleterre, vivant en tres grand deffiance du Roy
+ d'Espaigne, et en peu de confiance du Roy, a mande a l'Empereur
+ que, si l'archiduc Charles veult passer en Angleterre, qu'il y
+ sera le tres bien venu, et que n'estant demeure la conclusion de
+ leur mariage que sur le differand de la religion, elle espere que
+ ses peuples luy accorderont l'exercice de la catholique a luy et
+ a sa mayson tres vollontiers, en contemplation de ce mariage. Et
+ a quoy que aille ce jeu, car quelques ungs l'extiment plein de
+ tromperie, la dicte Dame commance de publier qu'elle assemblera
+ bientost ung parlement pour cest effect; et, en la derniere
+ audience, elle m'a dict qu'elle n'avoit nul aultre regrect, sinon
+ de n'avoir pense a sa posterite, et comme je luy respondiz qu'il
+ y avoit encores asses temps: "Je crains, dict elle, que mon temps
+ ayt emporte la vollonte a ceulx qui y eussent vollu pretendre."
+
+ Il y a ung certain personnaige prez de Leurs Majestez et de
+ Monseigneur, qui escript asses souvent au secretaire Cecille par
+ aultre voye que celle de Mr Norrys, et naguieres luy a envoye
+ deux lettres, lesquelles le Sr Espinolla et Fortivy luy ont
+ baillees, par ou il s'esforce merveilleusement de broiller les
+ matieres par deca, et aigrir ceste princesse, et la mettre en
+ grand deffiance du Roy; mais le plus souvant il luy represente
+ des motz et des propos, qu'il dict que Monsieur a tenuz contre
+ elle, tant en sa chambre que en ses repas: et, en toutes sortes,
+ celluy la se monstre si malicieulx que ung Anglois, qui a
+ communication des dictes lettres, lequel n'ayme pas beaucoup la
+ France, mais ne vouldroit pourtant que la guerre se print entre
+ les deux royaumes, m'en a faict toucher asses expressement ung
+ mot, affin que j'advertisse Leurs Majestez, mesmement Monsieur,
+ de fere observer qui peult estre celluy qui faict ung si mauvais
+ office pres d'eulx. Il ne se soubscript guieres aux lettres,
+ seulement il s'est une foys soubsigne _Emanuel_. Il y a en son
+ cachet ung lyon rampant, et compose asses souvent ses lettres,
+ partie en itallien, partie en francoys, et partie en latin. Il
+ avoit mande cy devant plusieurs choses, lesquelles, ayant este
+ trouvees manteuses, on n'y adjouxte grand foy; mais, despuys
+ trois moys, ayant faict entendre a Mr Norrys que Leurs Majestez
+ le feroient appeller pour luy tenir ung tel et ung tel propos, et
+ estant ainsy advenu, il a fort regaigne son credit.
+
+ Il a este escript une lestre de ceste court en la contree, dont
+ les chefz m'ont este raportez: c'est que la paix de France a este
+ conclue au prejudice et pour aller faire la guerre aulx Pays Bas;
+ que le Roy ne pretend plus espouser la fille de l'Empereur, ains
+ la soeur du Prince de Navarre, et donner Madame, sa soeur, en
+ mariage au dict Prince de Navarre, ayant pour cest effect
+ interrompu le propos du Roy de Portugal, et que Mr de Guyse avoit
+ pretandu d'espouser Ma dicte Dame, soeur du Roy: a quoy Mr le
+ cardinal de Lorrayne luy tenoit la main, dont toutz deux en sont
+ mal veuz a la court.
+
+
+
+
+CXXXIIe DEPESCHE
+
+--du Xe jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._)
+
+ Maladie de l'ambassadeur.--Mission de sir Henri Coban aupres de
+ la reine d'Espagne et du duc d'Albe.--Continuation des armemens
+ en Angleterre.--Troisieme invasion du comte de Sussex en
+ Ecosse; changement apporte dans ses resolutions par la nouvelle
+ de la paix de France.--Demande d'une reparation pour cette
+ derniere atteinte portee aux traites.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, despuys mes precedantes, lesquelles sont du cinquiesme du
+present, je n'ay point sorty de mon logis a cause d'une grosse
+fiebvre, qui m'avoit desja surprins, quant j'allay trouver la Royne
+d'Angleterre a Vuynck, et ce voyage la me l'augmenta bien fort, parce
+que je le fiz par ung bien mauvais temps, de sorte qu'il ne m'a este
+possible de me ravoyr jusques a ceste heure, que, graces a Dieu, je
+commence a me trouver mieulx, et pourray continuer le service de
+Vostre Majeste comme auparavant; et si, ne l'ay tant intermiz, durant
+mon mal, que je n'aye toutjour heu soing de m'enquerir comme alloient
+les afferes en ceste cour; d'ou l'on m'a raporte, Sire, qu'on y est
+fort attendant de scavoir quelle aura este la negociation du Sr
+Vualsingan devers Vostre Majeste, ainsy que le sir Henry Coban a desja
+mande, touchant la sienne de Flandres, qu'il a este bien veu du duc
+d'Alve, et bien fort gracieusement receu de la Royne d'Espaigne, et
+qu'elle a monstre tenir grand compte du messaige qu'il luy a faict de
+la part de la Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et luy a grandement
+gratiffie non seulement les bonnes parolles et offres, que la dicte
+Royne d'Angleterre luy a mandees, mais encores le voyage qu'elle luy
+a commande fere devers l'Empereur, son pere; dont, pour ceste
+occasion, elle l'a tant plustost licencie avec faveur et avec ung
+present d'une chayne de quatre centz escuz. Il a mande aussi la belle
+distribution et consulte, qui a este faicte, de beaucoup de bienfaictz
+aulx seigneurs de Flandres, a l'arrivee de la dicte Dame; ce que l'on
+estime qui confirmera grandement le pays a la devotion du Roy, son
+mary, et d'elle.
+
+Ceulx cy cependant se hastent de getter dix grands navyres dehors, et
+maistre Charles Havart, qui a charge d'y commander, est passe, despuys
+trois jours, en ceste ville avec les capitaines et gentishommes qui le
+vont accompaigner. L'on dit que, parce que le duc d'Alve a miz douze
+navyres en mer pour la conserve de la pescherie, que ceulx cy se
+veulent trouver en esgalles forces dans ce canal.
+
+Le comte de Betfort est encores au pays d'Ouest, ou a semble, du
+commancement, qu'il n'eust este envoye que pour dresser certayne
+flotte, de laquelle je vous ay desja mande que Haquens se preparoit
+pour la conduyre aulx Indes; mais s'en estant despuys le dict Haquens
+venu excuser envers l'ambassadeur d'Espaigne, et l'asseurer qu'il n'a
+point pense en la dicte entreprinse, et ne cessant pourtant le dict
+Betfort de fere toutjour armer et equiper vaysseaulx au dict quartier
+d'Ouest, je ne puys fere que je ne suplie tres humblement Vostre
+Majeste d'en fere donner adviz aulx gouverneurs de voz portz et places
+de dessus ceste mer; et je mettray peyne d'en fere aussi advertir en
+Escoce, car, pour ceste heure, je ne puys descouvrir rien de plus
+particullier de la dicte entreprinse; seulement, Sire, par un nouvel
+adviz qu'on m'a donne, je me confirme en l'opinion, que je vous ay
+desja mandee, qu'il est expediant de changer quelque partie de la
+garnyson de Callays sellon que Mr de Gordan estimera qu'il se debvra
+fere, en la vertu et vigilance duquel ceulx cy cognoissent bien que
+conciste grandement la conservation de ceste place.
+
+Le comte de Sussex a escript freschement une lettre au comte de
+Lestre, en laquelle il s'esforce de fere trouver bon son dernier
+exploict en Escoce, encores qu'il l'ayt execute sans le commandement
+de ceste Royne ni de ceulx de son conseil, alleguant qu'il a estime
+importer beaucoup a l'honneur de la couronne d'Angleterre, et bien
+fort a sa propre reputation, de ne laysser inpuny ung seul de ceulx
+qui ont retire et soubstenu les rebelles de ce royaulme; et qu'a la
+verite, il se soucye bien fort peu que la Royne d'Escoce et les siens
+se trouvent offancez, pourveu qu'il ayt bien servy a la Royne, sa
+Mestresse; mais qu'il a entendu que la paix est conclue en France,
+sans que la dicte Royne, sa Mestresse, y soit comprinse, ny sans
+qu'elle s'y soit entremise si avant qu'on ayt grand occasion de luy en
+scavoir grace; par ainsy qu'il crainct que Vostre Majeste tourne
+meintennant ses entreprinses aulx choses d'Escoce, et qu'il luy semble
+que la Royne, sa Mestresse, les doibt accommoder, le plustost qu'il
+luy sera possible, avec la Royne d'Escoce, et la restituer par ses
+propres moyens, sans attandre que les estrangiers y mettent la main.
+Qui est desja, Sire, bon commancement de veoir reprime, par
+l'establissement de la paix et de vos afferes, le cueur de cestuy cy,
+qui monstroit de l'avoir merveilleusement obstine; et le reprimera
+aussi, comme j'espere, a plusieurs aultres, qui se debordoient, a
+cause des troubles de vostre royaulme, en plusieurs audacieuses
+entreprinses contre vostre grandeur.
+
+Or n'ayant, Sire, pour mon indisposition, peu aller trouver la Royne
+d'Angleterre, affin de me plaindre du dict comte de Sussex; et estant
+aussi Mr de Roz conseille de n'y aller point, toutz deux avons escript
+a la dicte Dame et aulx seigneurs de son conseil, et, pour mon regard,
+je leur ay demande, au nom de Vostre Majeste, que rayson et reparation
+soit faicte des choses attamptees au prejudice du trette, et que la
+dicte Dame me veuille mander quelle satisfaction j'auray a donner a
+Vostre Majeste de ceste derniere expedition du dict de Sussex, et en
+quelle intention elle demeure du susdict trette; dont l'on m'a desja
+adverty qu'il me sera faict une bien fort bonne responce, aussitost
+que le secretaire Cecille se trouvera ung peu mieulx; lequel, pour
+quelque indisposition, n'a oze, il y a plus de six jours, venir en la
+presence de la Royne, sa Mestresse; et maistre Mildmay a este envoye
+queryr en dilligence, affin que le dict Cecille et luy, et Mr
+l'evesque de Roz s'acheminent incontinent devers la Royne d'Escoce.
+Sur ce, etc. Ce Xe jour de septembre 1570.
+
+ Je viens d'estre adverty que le sire Guilhemme Stuart est
+ presantement arrive d'Escoce, de la part du comte de Lenoz; je
+ croy que c'est pour mettre quelques mauvais partys en avant: nous
+ prendrons garde a sa negociation.
+
+
+
+
+CXXXIIIe DEPESCHE
+
+--du XVe jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par Me Lavaur Feron._)
+
+ Sortie en mer d'une partie de la flotte anglaise.--Explications
+ donnees par Elisabeth sur la recente expedition du comte de
+ Sussex en Ecosse.--Necessite de se montrer pret en France a
+ porter secours aux Ecossais.--Message du cardinal de Chatillon
+ a l'ambassadeur.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, lundy dernier, XIe de ce moys, le sire Charles Havart est sorty
+en mer avec dix grandz navyres seulement de ceste Royne et envyron
+trois mil cinq centz hommes dessus, envitaillez pour deux moys, dont
+les huict centz sont harquebouziers; le surplus de l'armement se va
+entretennant en petitz appareilz, sans y donner trop grand haste: dont
+semble qu'on se contantera d'honnorer le passaige de la Royne
+d'Espaigne de ce nombre de dix vaysseaulx, sans en mettre davantaige
+dehors; et qu'on tiendra le reste de l'armee preste pour ung besoing,
+si d'avanture quelque ocasion survenoit, comme, a la verite, ceulx cy
+ne se peuvent fyer ny aulx parolles ny aulx demonstrations du duc
+d'Alve. Neantmoins ilz ont, despuys la paix de vostre royaulme, change
+de delliberation touchant les choses d'Espaigne, car ayant propose,
+commant que ce fut, de renvoyer ou bien de resserrer estroictement
+l'ambassadeur d'Espaigne, j'entendz qu'ilz ont meintennant resolu en
+ce conseil de ne parler plus de cella, et que la Royne d'Angleterre se
+layssera conduyre a luy permettre de continuer son office vers elle,
+si son Maistre le requiert; bien qu'elle ne le peult avoir guieres
+agreable parce qu'elle estime qu'il a dict et faict aulcunes choses
+directement contre elle et contre l'estat de son pays.
+
+Au regard de ce que j'avois escript a la dicte Dame, et aulx seigneurs
+de son conseil, de me fere rayson et reparation du dernier exploict,
+que les Anglois ont faict en Escoce, la dicte Dame m'a mande que je ne
+vouldray estre si inique juge que de condampner l'une des parties sans
+l'ouyr; et que je n'imputeray la coulpe de ce faict au comte de Sussex
+son lieuctenant, quant j'entendray que milord Herys et aultres, de la
+frontiere d'Escoce, sont venuz accompaigner en armes les rebelles de
+ce royaume pour courre et piller de rechef la frontiere d'Angleterre,
+et fere de telles insolances qu'ilz ont donne de tres grandes
+occasions au dict de Sussex de leur courre sus; choses toutesfoys
+qu'elle m'asseure estre advenu sans son commandement et sans
+l'ordonnance de son conseil, et en laquelle le dict de Sussex a
+procede de luy mesmes, mais avec telle moderation qu'il n'a touche
+qu'a ceulx qui l'avoient provoque, dont le dommaige n'est pas grand,
+et il s'est desja retire; et elle luy a mande qu'il ne passe plus
+oultre, parce qu'elle est resolue de pourvoir par le trette a toutz
+ces differans, qu'elle a avec la Royne d'Escoce et son royaulme, ainsy
+que desja elle a ordonnee a maistre Mildmay et au secretaire Cecille
+d'aller, pour cest effect, devers la dicte Dame; et, en ce qu'il
+semble que je me voulois atacher a sa parolle et promesse, qu'elle me
+veult bien dire que je n'ay heu nulle occasion et ne l'auray jamais de
+me plaindre qu'elle ne me l'ayt toutjour randue veritable, me priant
+de vous donner la dessus, Sire, ceste mesmes satisfaction de
+l'expedition de son lieuctenant, affin que Vostre Majeste ne la
+preigne en pire part qu'elle n'est. Qui est tout ce que la dicte Dame
+et ceulx de son conseil ont respondu a ce que je leur avois escript.
+
+Or, Sire, il semble bien par aulcunes coppies de lettres, que j'ay
+veues du dict de Sussex, et par ce que Mr le comte de Lestre m'en a
+faict entendre, que ceste entreprinse est advenue sans le sceu de la
+dicte Dame, et qu'elle n'en est guieres contante; tant y a qu'on ne
+desadvouhe pour cella le dict de Sussex, lequel a son garant en court,
+et il a cependant porte beaucoup de dommaige d'avoir abattu sept ou
+huict maysons nobles et faict le gast partout ou il a passe dans le
+pays. L'aparance est que ceste princesse veult en toutes sortes passer
+oultre au dict trette, meue de l'aprehention du dangier, ou il luy
+semble qu'aultrement elle va tumber, lequel les ennemys de la Royne
+d'Escoce n'ont de quoy le luy pouvoir meintennant effacer; mais ilz la
+font opiniastrer a des condicions trop dures, comme d'avoir le Prince
+d'Escoce entre ses mains, quelque place et des ostaiges; dont ceulx,
+qui entendent bien les afferes, estiment que, pour les bien effectuer,
+il est requis que la dicte Dame sente vostre secours en Escoce, ou au
+moins si prest d'y passer qu'elle ne le craigne moins que s'il estoit
+desja par della.
+
+Je n'ay encores peu savoir quelle est la commission du sire Guilhaume
+Stuard, lequel le comte de Lenoz a envoye; bien m'a l'on dict qu'il
+asseure que les seigneurs d'Escoce ont desja ordonne quelques depputez
+pour venir icy, mais nous incisterons qu'on passe oultre sans les
+attandre. Sur ce, etc. Ce XVe jour de septembre 1570.
+
+ Ainsy que je fermoys la presente, Mr le cardinal de Chatillon m'a
+ envoye visiter et dire qu'il avoit este se conjouyr de la paix
+ avecques la Royne d'Angleterre, et que bientost il retournera
+ prendre conge d'elle pour aller trouver Voz Majestez; mais
+ qu'avant partyr il ne fauldra de me venir saluer, comme
+ ambassadeur de son Roy et Maistre, et prendre le diner en mon
+ logis; et qu'il desiroit bien entendre, comme procedoient les
+ choses de la dicte paix en France, parce que plusieurs
+ attandoient de le scavoir pour s'y retirer. J'ay respondu qu'il y
+ avoit asses longtemps que je n'avois point heu de depesche, mais
+ que je scavois bien que Voz Majestez donnoient bon ordre que la
+ paix print establissement et duree, dont vous plairra me
+ commander comme j'auray a me gouverner et conduyre envers le dict
+ Sr cardinal et aultres Francoys qui sont par deca.
+
+
+
+
+CXXXIVe DEPESCHE
+
+--du XIXe jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Olivyer Champernon._)
+
+ Nouvelles de la flotte.--Negociation avec l'Espagne.--Affaires
+ d'Ecosse.--Incertitude ou sont les protestans francais de
+ savoir s'ils peuvent rentrer en France.--Nouvelles d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, estans sortys les dix navyres de la Royne d'Angleterre soubz la
+conduicte de sire Charles Havart, ainsy que je le vous ay mande par
+mes precedantes, ilz se tiennent meintennant parez en la coste de
+deca, attandans que la flotte de Flandres se mette a la voyle, et
+demeurent ceulx cy asses persuadez que le passaige de la Royne
+d'Espaigne sera paysible, sans rien attempter en nul de leurs portz;
+mais ilz craignent grandement qu'estant arrivee par della, le retour
+de l'armee ne soit a leur dommaige, et qu'on n'y embarque des
+Hespaignolz pour fere quelque descente en Irlande, ou bien ez
+quartiers du North d'Escoce, ou en quelque aultre endroict de ceste
+isle, attandu mesmement que milord de Sethon et ung frere du Sr de
+Ledinthon sont passez en Flandres, et qu'on dict que le comte de
+Vuesmerland et la comtesse de Northomberland sont arrivez devers le
+duc d'Alve, et que plusieurs fuytifz de ce royaulme sont en l'armee,
+qui va conduyre la Royne d'Espaigne; dont a este miz icy ung nouvel
+ordre de tenir si pretz les aultres grandz navyres de ceste Royne
+qu'il n'y puysse avoir une seule heure de retardement, quant ilz
+seront commandez de sortyr, et ordonne d'augmenter les vivres, qui y
+sont necessaires pour quelque moys davantaige; bien que la dicte Dame
+et les seigneurs de son conseil se contantent bien fort des bonnes
+responces, que le dict duc d'Alve a faictes au jeune Coban, en ce
+mesmement que, luy ayant faict pleincte de l'ambassadeur d'Espaigne,
+de ce qu'il avoit dedeigne de venir devers iceulx seigneurs du
+conseil, et qu'a ce moyen l'accord de leurs differans avoit este
+retarde, il luy a respondu que l'ambassadeur avoit quelque rayson de
+n'avoir vollu complayre du tout a ce que les dicts du conseil luy
+avoient mande, parce qu'ilz avoient use de trop dures formalitez
+envers luy, et ne l'avoient, il y a tantost deux ans, trette ny
+recogneu pour ambassadeur, et mesmes ceste foys avoient envoye des
+aldremans devers luy comme s'il eust este crimineulx; neantmoins qu'il
+luy escriproit de ne fere plus de difficulte de convenir avec eulx,
+toutes les foys qu'ilz le feroient appeller pour tretter des afferes
+d'entre le Roy, son Maistre, et la Royne d'Angleterre; et ainsy l'a
+escript le dict duc au dict ambassadeur, de sorte qu'ilz vont, de
+chacun coste, cerchant les moyens de renouer leurs afferes et
+d'acommoder leurs differans.
+
+La malladie du secretaire Cecille a donne quelque retardement aulx
+afferes de la Royne d'Escoce; neantmoins l'on avoit desja ordonne a
+sire Quainols de s'aprester pour aller avec Me Mildmay devers la dicte
+Dame, mais se trouvant le dict secretaire Cecille meintennant ung peu
+mieulx, le voyage luy est reserve; et cependant milor de Sussex a
+escript que les seigneurs escoucoys, du party de la Royne d'Escoce,
+ont tenu une grande assemblee sur les choses que nous leur avions
+mandees par milor de Leviston, et qu'ilz y ont prins une resolution,
+laquelle ilz envoyent fere entendre a la Royne d'Angleterre par le
+dict mesmes Leviston et par aultres leurs depputez, lesquelz il
+attandoit du premier jour en la frontiere pour leur bailler
+saufconduict de passer plus avant. Et mande neantmoins le dict de
+Sussex que, en Escoce, l'on ne s'attend guieres d'avoir secours de
+France; tant y a qu'on m'a dict que madame de Norrys s'est pleincte
+grandement a la Royne sa Mestresse de ce que le dict de Sussex est
+rentre en Escoce, parce qu'ayant son mary asseure Vostre Majeste que
+cella ne se feroit point, elle craint que ne vous en preigniez
+meintennant a luy, et que ne le faciez arrester et resserrer.
+
+Les Francoys, qui sont icy, se preparent pour retourner toutz en leurs
+maysons: il est vray qu'entendans qu'a Roan, a Dieppe, a Callais, et
+en quelques aultres endroictz, l'on faict difficulte de les recepvoir,
+il y en a quelques ungs qui demeurent en suspens, dont envoyent devers
+moy pour scavoir comme ilz en auront a user; et je leur repond que je
+n'ay pas de plus expresse declaration de vostre intention la dessus
+que celle qui est contenue par vostre eedict, et que, de ma part, je
+ne voy qu'ilz ayent nulle occasion de doubter. Je ne scay si cella
+sera occasion que Mr le cardinal de Chatillon prendra le chemin de la
+Rochelle pour voir, de la en hors, comme il se pourra asseurer de
+l'establissement de la dicte paix. Mr le vydame, a ce que j'entendz,
+part dans deux jours et va passer ou a la Rye, ou a Callais; et, de
+tant, Sire, qu'on donne entendre a aulcuns merchans voz subjectz, qui
+poursuyvent encores icy la restitution de leurs biens, que tout le
+faict des depredations est remiz par vostre eedict, il vous plairra me
+commander ce que je leur en auray a respondre, affin qu'ilz ne facent
+dorsenavant la poursuyte en vain.
+
+Il semble que le Sr de Chantonay, escripvant icy a l'ambassadeur
+d'Espaigne, luy ayt mande que l'Empereur n'aprouve guieres la paix de
+France, comme ne l'estimant de duree; et que la diette se prolongera
+beaucoup oultre le moys d'octobre; et que les fianceailles de Vostre
+Majeste se feront avant la Toutz Sainctz, sans toutesfoys qu'on y
+attande pour cella la venue de Monseigneur vostre frere, mais plustost
+celle de monsieur de Lorrayne; et que, estant le comte Pallatin a
+Espire, il a entendu que ses ministres avoient presche publiquement
+l'arrianisme a Heldelberc, dont il delliberoit d'aller reprimer une
+telle inpiete, mais qu'il fauldroit qu'il corrigeat premier la sienne.
+Sur ce, etc. Ce XIXe jour de septembre 1570.
+
+
+
+
+CXXXVe DEPESCHE
+
+--du XXIIIIe jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par la voie du Sr Acerbo._)
+
+ Interruption des armemens.--Mouvement dans le pays de
+ Lancastre.--Negociation de l'eveque de Ross.--Conference de
+ l'ambassadeur avec le cardinal de Chatillon.--Sollicitations
+ faites aupres de lui par le vidame de Chartres.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, l'aprest des vingt navyres, que ceulx cy debvoient jetter
+dehors, apres les dix qui sont desja sortys, se va peu a peu
+discontinuant, et les a l'on ramenez de l'embouchure de la riviere de
+Rochestre, ou desja ilz estoient, jusques a leur arcenal accoustume de
+Gelingan, ce qui monstre qu'a peyne s'en servyra l'on de ceste annee;
+les aultres dix se tiennent toutjour sur la coste pres de Douvres,
+attandant le passaige de la Royne d'Espaigne, a laquelle le temps ne
+sert aucunement, et ceulx, qui s'y entendent, disent qu'a peyne luy
+servira il encores de trois sepmaines; et est venu quelque adviz en
+ceste court que le Roy d'Espaigne, son mary, luy a mande que, si l'on
+voyt que la navigation ne soit bien fort propre et fort seure, qu'elle
+attande de se mettre sur mer jusques au prochain printemptz, et que
+possible, entre cy et la, il aura faict dessein de la venir trouver
+pour visiter ses Pays Bas: ce que possible a donne occasion a la Royne
+d'Angleterre de fere cesser son armement. Laquelle aussi, comme
+j'entendz, est tumbee en une grande souspecon d'une nouvelle
+ellevation qu'on luy a dict qui se prepare au pays de Lenclastre, ou
+semble qu'elle ayt desja envoye gens pour recognoistre que c'est, et
+des secrettes commissions pour y remedier et aprehender quelques uns.
+
+Cependant il nous est venu des lettres de la Royne d'Escoce, par
+lesquelles elle mande que les seigneurs d'Escoce, qui sont de son
+party, luy ont envoye la declaration de leur vollonte: laquelle est de
+fere toutjour ce qu'elle leur commandera, dont Mr l'evesque de Roz est
+alle devers ceste Royne pour haster sur cella la conclusion du trette;
+et j'espere, puysque le secretaire Cecille est a present bien guery,
+que luy et maistre Mildmay et le dict sieur evesque s'achemineront
+tout incontinent devers la dicte Royne d'Escoce pour y mettre une
+bonne fin.
+
+Au surplus, Sire, Mr le cardinal de Chatillon est venu, despuys quatre
+jours, prendre son diner en mon logis, et m'a dict que, comme vostre
+tres humble subject, il se sentoit tenu, et oblige a vostre service,
+de ceste visite qu'il faisoit a vostre ambassadeur; et que ce qui
+l'avoit engarde de la fere, durant les troubles, estoit que vous
+monstriez lors, Sire, de ne prandre a gre, ains d'avoir quasi en
+horreur tout ce qui procedoit de ceulx de sa religion; mais a ceste
+heure qu'il playsoit a Dieu les fere jouyr du bien de vostre grace, et
+de celle de la Royne, et de Messeigneurs voz freres, et qu'il vous
+playsoit les tenir au nombre de voz loyaulx et fidelles subjectz, tout
+son plus grand soin estoit de vous obeyr et complayre, et prier Dieu
+pour Voz Majestez et pour Mes dicts Seigneurs voz freres, et fere en
+sorte que Dieu et le monde cognoissent que la contraincte demeure,
+qu'il a faicte icy, ne l'a randu moins bon francoys ny moins devot et
+fidelle serviteur de vostre grandeur qu'il a este par cy devant; et
+qu'il n'a rien oublye de l'obligation naturelle, ny encores de celle
+expecialle, qu'il a a Voz Majestez et aulx feuz Roys voz
+predecesseurs; que, puys peu de jours, Messieurs les Princes de
+Navarre et de Conde, et Mr l'Admyral, son frere, ont envoye ung
+gentilhomme devers ceste Royne, par lequel ilz luy ont escript a luy
+de s'en aller a la Rochelle, et qu'ilz s'y rendront le plustost qu'ils
+pourront, affin de pourvoir a l'accomplissement des choses qu'ilz vous
+ont promises, lesquelles ne se peuvent bien effectuer sans luy et sans
+aulcuns principaulx d'entre eulx; lesquelz fault que conviennent
+ensemble pour admonester les aultres, ainsy qu'il a desja fort
+expressement admoneste toutz les ministres, qui estoient icy, premier
+qu'ilz s'en soyent retournez, de n'exceder en rien qui soit, ny pour
+quelconque occasion que puisse estre, voz permissions, ny transgresser
+aulcunement voz deffances; et qu'il est besoing aussi que ce soyent
+eulx qui, pour donner exemple aulx aultres de contribuer a ce qu'ilz
+vous ont promiz de payer, se cothisent les premiers bien largement:
+dont delliberoit, dans six jours, aller prendre conge de ceste Royne
+pour s'acheminer puys apres a Ampthonne, affin d'y attandre la
+commodite de son passaige, me priant bien fort de fere entendre ceste
+sienne delliberation a Vostre Majeste avec plusieurs aultres bons
+propos, qui seroient trop longs a mettre icy.
+
+Je luy ay respondu, Sire, le mieulx que j'ay peu, sellon que j'ay
+estime estre de vostre intention, conforme a la notice que j'en
+pouvois avoir par vostre eedict, car de plus expecialle je n'en avois
+poinct; mais je luy ay principallement inciste de vouloir dresser son
+premier retour en France devers Vostre Majeste, affin de monstrer
+qu'il a plus de confiance en vostre bonte et parolle que aulx rempartz
+des places, qu'on a demandees pour seurete.
+
+A quoy il m'a replique que ce avoit bien este son premier desir, mais,
+puysqu'on luy mandoit de se randre ainsy bientost a la Rochelle, affin
+de donner forme aulx choses qu'il falloit ordonner, a ce commancement,
+pour satisfere a Vostre Majeste, et qu'avec tres grande incommodite il
+pourroit fere ce grand tour par terre, qu'il estoit contrainct d'y
+aller par mer; mais qu'aussitost qu'on auroit pourveu a vostre
+satisfaction, qu'il vous yroit tres humblement bayser les mains, et a
+la Royne, et a Messeigneurs voz freres, sellon qu'il esperoit que Voz
+Majestez le luy permettroient, me priant cependant de le vous fere
+ainsy trouver bon, et que ne veuillez jamais penser de luy que comme
+d'ung vostre tres humble et tres obeyssant serviteur.
+
+Le deuxiesme jour apres, a l'exemple de luy, Mr le vydame de Chartres,
+estant prest a partyr, m'est aussi venu visiter avec plusieurs bonnes
+parolles de l'affection et devotion, qu'il dict avoir a vostre
+service, et m'a requis de deux choses: c'est de vous vouloir
+tesmoigner, par mes premieres, que ses deportemenz par deca n'ont este
+en rien contre vostre dict service; et l'aultre, de luy bailler ung
+mien passeport pour se conduyre, luy, sa femme et son trein, jusques a
+la Frette, pour, incontinent apres, vous aller tres humblement bayser
+les mains. Je luy ay agree, en la meilleur facon que j'ay peu, sa
+bonne intention vers Vostre Majeste, mais j'ay faict plusieurs
+difficultez sur l'une et l'aultre de ses demandes; et qu'encor que je
+ne voulois pas nyer que je ne l'eusse faict observer, je ne pouvois
+toutesfoys vous justiffier en aultre sorte ses actions, parce que
+toutes ne me pouvoient estre bien cogneues, que de vous dire, Sire,
+que je ne scavois pas qu'il en heust faict icy de plus mauvaises
+contre vostre service que d'y estre venu; et, quant au passeport, que
+ce seroit prejudicier a la liberte de la paix de luy en bailler. A
+quoy il m'a replique que, pour le regard du premier, il se contentoit
+bien de ce mien tesmoignage, mais du second, il m'en a tant presse que
+j'ai este contrainct de lui bailler mon dict passeport. Et voyla,
+Sire, tout ce qui a passe entre les dicts sieurs cardinal et vydame,
+et moy, dont semble bien que les Anglois n'ont prins grand playsir a
+ces deux visites; car par icelles ils sont contrainctz de fere quelque
+meilleur jugement de la reunyon de vostre royaulme qu'ilz ne la
+pensoient; mais je ne suis point alle randre la pareille a l'ung ny a
+l'aultre en leur logis, parce que je n'en avois nul ordre de Vostre
+Majeste. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIVe jour de septembre 1570.
+
+
+
+
+CXXXVIe DEPESCHE
+
+--du penultieme jour de septembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Olivyer Campernon._)
+
+ Negociation avec les Pays-Bas.--Retard apporte au voyage de la
+ reine d'Espagne.--Resolution d'Elisabeth de proceder a la
+ conclusion du traite avec Marie Stuart.--Mission de Mr de Verac
+ en Ecosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, par le retour du Sr de Sabran je demeure asses esclarcy
+d'aulcunes choses de vostre intention, lesquelles j'espere que me les
+feres plus parfaictement et plus particulierement entendre, quant le
+Sr de Vassal me viendra retrouver; et vous diray cependant, Sire, que
+la Royne d'Angleterre, achevant son progrez de ceste annee, arrive
+aujourduy a Vuyndesor, ou elle dellibere fere du sejour, et y
+attandre le retour des gentishommes, qu'elle a envoye en France, en
+Flandres et en Allemaigne, pour, puis apres, y assembler son conseil
+affin de prendre resolution sur les choses qu'ilz raporteront. Les
+commissaires de Flandres, qui estoient alles visiter les merchandises
+arrestees ez portz de deca, dizent qu'ilz y ont trouve perte et
+diminution de plus de la moictie; mais, touchant celles qui sont dans
+Londres, l'on leur a faict acroyre que, si le duc d'Alve veut proceder
+a ung bon accord de leurs differans, sellon les honnestes offres que
+la Royne d'Angleterre luy a faictes, qu'on leur en revellera pour plus
+de cent mil escuz davantaige qu'on ne leur a encores monstrees. A quoy
+ilz respondent qu'on leur baille premierement le vray estat d'icelles,
+affin d'en fere un certain raport au dict duc, et que, puys apres,
+l'on pourra facillement parvenir aulx condicions de l'accord; et
+veulent, chacun de son coste, gaigner l'advantaige de ce point: dont
+le differant s'en entretient plus longuement, mais non sans une grande
+esperance que bientost il s'accommodera: car le duc d'Alve et les
+principaulx ministres du Roy d'Espaigne, qui sont en Flandres,
+monstrent n'avoir aulcun plus grand soin que de regaigner l'amytie de
+la Royne d'Angleterre et de s'esforcer de luy complayre; ce que la
+dicte Dame, a ce qu'on m'a dict, attribue plus a la paix de vostre
+royaume que a leur bonne vollonte: et dellibere, de sa part, de suyvre
+et entretenir cella par les meilleures demonstrations qu'elle pourra,
+mais non sans qu'elle demeure toutjour en beaucoup de souspecon et de
+deffiance, a cause de la retrette de ses subjectz fuytifz, et de la
+legation d'aulcuns Escossoys devers le dict duc en Flandres. Cependant
+les dix grandz navires de la dicte Dame demeurent toutjour en la coste
+de deca pour honnorer le passaige de la Royne d'Espaigne, non sans
+qu'elle se repente asses de les avoir si tost faictz jetter dehors,
+parce que la despance y va grande, et ne se peult juger si le temps
+pourra encores servyr, de deux moys, a la dicte Royne d'Espaigne.
+Neantmoins il est venu nouveau mandement a Londres de tenir encores
+ung nombre de marinyers prestz, comme pour quatre navyres davantaige:
+je ne scay encores a quel effect.
+
+Nous avons tant presse l'advancement des afferes de la Royne d'Escoce
+que le secretaire Cecille et maistre Mildmay ont este du tout
+depeschez, dez mardy dernier, pour aller devers la dicte Dame, et Mr
+de Roz avec eulx, ou j'espere qu'il se prendra quelque bon ordre pour
+le restablissement d'elle a sa couronne; mais, de tant que, sur les
+condicions, qu'on luy propose, plusieurs nous donnent divers conseilz,
+je ne m'advanceray d'y intervenir, au nom de Vostre Majeste, sans vous
+avoir faict quelque aultre depesche plus ample et plus expresse la
+dessus. Bien me confirme l'on, de plus en plus, Sire, que ceste Royne,
+veult resoluement entendre a conclurre le trette, et que cependant
+elle a mande au comte de Sussex de casser toutes les compaignies
+extraordinaires, qu'il avoit levees en la frontiere du North.
+L'arrivee du Sr de Veyrac en Escoce met ceulx cy en quelque jalouzie,
+mais il ne seroit que bon qu'ilz l'eussent encores plus grande, car je
+crains bien fort qu'ayant Mr Norrys escript icy que Vostre Majeste est
+resolue de n'envoyer nulles forces par della jusques au printemps, que
+cella leur face prolonger le trette, soubz esperance qu'il puysse
+cependant survenir quelque chose a leur commodite et advantaige. Sur
+ce, etc.
+
+ Ce XXIXe jour de septembre 1570.
+
+
+
+
+CXXXVIIe DEPESCHE
+
+--du Ve jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyee jusques a Calais par ung qui s'en est alle avec le Sr
+Fregouse._)
+
+ Retour de Walsingham en Angleterre, charge de faire connaitre a
+ la reine la declaration du roi touchant l'Ecosse.--Prochain
+ depart de la reine d'Espagne.--Suspension des affaires
+ politiques a Londres pendant l'absence de Cecil envoye vers
+ Marie Stuart.--Nouvelles d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay receu, le XXIXe du passe, les lettres qu'il a pleu a Vostre
+Majeste m'escripre, du XXIIe auparavant, par le Sr de Valsingan, qui
+me les a envoyees passant par Londres, et m'a mande qu'au retour de
+randre compte a sa Mestresse de ce qu'il a faict en France, qu'il me
+viendra voir. Il me semble, Sire, que rien n'a pu venir plus a propos,
+pour les presens afferes de la Royne d'Escoce, que d'avoir Vostre
+Majeste ainsy fermement et vertueusement parle, comme avez faict, a
+l'ambassadeur Mr Norrys et a luy; et dont je ne fauldray de
+represanter a leur dicte Mestresse voz mesmes propos, telz qu'ilz sont
+contenuz en vostre lettre, la premiere foys que je l'yray trouver,
+ayant estime qu'il estoit bon, pour aulcuns respectz, de les luy
+reserver jusques a la venue d'une aultre vostre depesche, pour luy
+laysser cependant digerer ce faict sur le recit, que le dict de
+Valsingan luy fera, des propres paroles et demonstrations qu'il a
+ouyes et veues de Vostre Majeste, et aussi pour n'interrompre rien en
+la commission qu'elle a donnee au secretaire Cecille et a Maistre
+Mildmay vers la Royne d'Escoce; ausquelz j'ay opinion qu'elle envoyera
+en dilligence notiffier la declaration qu'avez faict a ses dicts
+ambassadeurs, affin qu'ilz ne s'en retournent sans resouldre quelque
+chose avec elle; ayant plusieurs adviz, de divers lieux, asses
+certains qu'il tarde infinyement a la dicte Royne d'Angleterre qu'elle
+puysse, en quelque seure facon qui ayt aparance d'honneur et
+d'advantaige, se demesler du faict de la dicte Dame, non sans se
+repentyr de s'en estre si avant entremise. Et est sans doubte que, si
+l'affere pouvoit tumber en la main de quelque aultre, qui le manyat
+avec plus de moderation que ne faict le secretaire Cecille, ou que luy
+mesmes, apres avoir veu la Royne d'Escoce, se volust moderer, et ne
+fere plus, sur des petitz momentz, naistre de si grandes difficultez
+et longueurs, qu'il a faict jusques icy, que toutz les differans
+d'entre ces deux Princesses et leurs deux royaulmes se pourroient
+facilement et bientost accommoder, dont de ma part, Sire, je ne
+fauldray d'y incister a toute heure; mais la vifve parolle et la
+demonstration que Vostre Majeste fera d'un prochain secours, attandant
+qu'il s'ensuyve a bon esciant, s'il est necessaire, y servyront
+infinyement.
+
+La dicte Royne d'Angleterre a depesche ung saufconduict pour les
+depputez d'Escoce, et a mande au comte de Sussex de les bien recepvoir
+et honorer, et qu'il advertisse ceulx du party du regent d'envoyer
+promptement les leurs. Le susdict de Valsingan a desja parle a
+quelques ungs de ses amys de la continuation de la paix de France
+comme en doubte, alleguant des occasions qui luy font juger qu'elle
+aura quelque establyssement, et d'aultres qui lui font croyre qu'elle
+ne pourra estre de duree; dont de ce qu'il en a dict, et du rapport
+qu'il en aura faict en ceste cour, je mettray peyne qu'il m'en viegne
+quelque adviz, affin de le vous mander par mes premieres. Il aura
+encores rencontre Mr le cardinal de Chastillon en ceste dicte court,
+car son conge luy avoit este differe jusques a hyer.
+
+L'on estime que la Royne d'Espaigne s'embarquera a ce commancement
+d'octobre, car, ayant le retour de la lune este sur un temps propre et
+qui sert bien a sa navigation, l'on estime qu'il durera asses pour la
+conduyre jusques en Espaigne; dont s'atand de scavoir comment et en
+quelle bonne facon se seront deportez les navyres de la Royne
+d'Angleterre a la saluer, et la convoyer le long de la coste de ce
+royaume. Les commissaires de Flandres pourchassent leur conge, mais il
+semble qu'on le leur prolongera jusques au retour du secretaire
+Cecille, car en son absence rien ne se depesche; et mesmes l'on a
+remiz, a cause de luy, l'ouverture du terme de la justice jusques au
+premier de novembre, par pretexte toutesfoys de la peste; laquelle va
+neantmoins diminuant, et chacun s'en retourne a la ville. Il semble
+que Henry Coban, qui est alle devers l'Empereur, ayt heu charge de ne
+presser guieres son retour: dont il a cependant renvoye ung des siens
+avec une depesche, de laquelle je n'ay encores bien aprins le contenu,
+si n'est qu'il semble mander que, ne pouvant l'Empereur fere guieres
+reuscyr aulcune bonne resolution ez choses qu'il a proposees en la
+diette, qu'il dellibere bientost la rompre; et j'entandz que le comte
+Pallatin a aussi escript qu'il a quelque opinion que le Pape se soit
+advance de creer de luy mesmes, sans attandre la vollonte des
+ellecteurs, l'archiduc Charles roy des Romains, et que cella sera pour
+admener beaucoup de trouble en Allemaigne; dont est bruict icy que
+desja quelques princes ont este vers Hembourg, comme pour s'asseurer
+d'aulcunes levees de gens de guerre. Sur ce, etc.
+
+ Ce Ve jour d'octobre 1570.
+
+
+
+
+CXXXVIIIe DEPESCHE
+
+--du Xe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par le Sr Troies._)
+
+ Etat de la negociation en faveur de Marie Stuart.--Conduite faite
+ a la reine d'Espagne par la flotte anglaise.--Crainte ou l'on
+ est en Angleterre que les hostilites commencent au retour de la
+ flotte espagnole.--Negociation avec les Pays-Bas.--Depart du
+ cardinal de Chatillon pour la Rochelle; mauvais accueil recu a
+ Dieppe par le vidame de Chartres.--Prise nouvellement faite en
+ mer, malgre la paix, par le capitaine Sores.--Affaires
+ d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, rendant le Sr de Valsingan compte a la Royne, sa Mestresse, de
+la negociation qu'il a faicte en France, j'entendz qu'il luy a faict
+ung tres bon rapport des louables qualitez de Vostre Majeste, de ce
+que ung chacun vous tient pour prince magnanime, constant, certain et
+bien fort veritable, et uny par ung grand et naturel amour avec la
+Royne vostre mere, et avec Monseigneur vostre frere, desquelz il a
+aussi fort dignement parle; et que, par la force de leur conseil et la
+fermete de voz eedictz, la paix de vostre royaulme a d'estre
+perdurable, et voz aultres afferes a recepvoir beaucoup
+d'establissement: dont la dicte Dame a de beaucoup davantaige estime,
+et heu en plus grand prix, les bonnes parolles de paix et d'amytie,
+que Vostre Majeste luy a mandees. Et luy ayant le dict de Valsingan,
+par mesmes moyen, touche le propos, que luy avez tenu, de la
+restitution de la Royne d'Escoce, vostre belle soeur, avec
+l'expression de l'affection qu'il a cognu que vous y aviez; et ayant,
+de ma part, faict fere la dessus, le plus a propos que j'ay peu, ung
+office par le comte de Lestre, il est advenu que la dicte Dame a tout
+incontinent depesche vers le secretaire Cecille pour l'advertyr qu'il
+ayt a proceder en si bonne facon vers la Royne d'Escoce, qu'il ne s'en
+retourne sans conclurre quelque chose avecques elle. Dont, a la
+premiere occasion qui me viendra d'aller parler a la dicte Dame, je
+luy confirmeray ceste sienne vollonte, et n'obmettray rien de ce qui
+pourra servyr a bien advancer et effectuer le propos, et a establyr
+pareillement l'amytie d'entre Voz Majestez.
+
+L'on tient que la Royne d'Espaigne est passee, et que les navyres de
+la Royne l'ont saluee et accompaignee jusques en la coste de Biscaye,
+et que sire Charles Havart luy a bayse les mains avec ung present
+d'ung beau dyamant, que la Royne sa Mestresse luy a envoye, qui est
+l'ung de ceulx que le Roy d'Espaigne avoit donnez a la feu Royne
+Marie, sa soeur, ou a elle, qui sont estimez valoir, l'ung huict mil
+ducatz, et l'aultre cinq mil; et que la dicte Royne d'Espaigne, de son
+coste, a faict bailler quatre mil ducatz au dict Havart et aulx siens;
+mais la verite et certitude de cecy se scaura mieulx quant le dict
+Havart sera de retour, lequel est encores en mer. Tant y a que ces
+demonstrations, lesquels sont devenues toutes aultres qu'on ne les
+sembloit preparer du commancement, donnent a cognoistre qu'il n'y a en
+effect nulle malle vollonte entre les Espaignols et les Anglois, ains
+qu'ilz cerchent de s'accommoder ensemble en gaignant, aultant qu'il
+leur sera possible, chacun de son cote, quelque advantaige; dont usent
+d'artiffice a fere bien esperer ou a intimider l'ung l'aultre en ce
+qu'ilz peuvent; et semblent neantmoins que les dicts Anglois ne
+demeurent meintennant sans une grande souspecon du retour de l'armee
+d'Espaigne, par ce mesmement qu'on leur a raporte que une partie
+d'icelle est demeuree toute appareillee, et bon nombre de gens pretz a
+s'y embarquer en Olande; et qu'ilz scavent que aulcuns fuytifz et
+aulcuns Escossoys sont toutjour pres du duc d'Alve pour l'inciter a
+quelque entreprinse par deca: et a ceste occasion, mecredy dernier,
+ceste Royne a faict de rechef appeller toutz les officiers de la
+maryne a Vuyndesor, mais je ne scay encores ce qu'elle leur a ordonne;
+et est la dicte Dame apres a fere cercher deniers de toutz costez.
+
+Les commissaires de Flandres s'attendent d'avoir demain leur conge, et
+semble qu'ilz ne s'en retournent guieres plus contantz ny mieulx
+satisfaictz que quant ilz sont venuz; car, oultre la perte et
+diminution qu'ilz ont trouve ez merchandises, qui estoient encores en
+estre, l'on leur a baille ung compte si desadvantaigeulx de celles qui
+ont este vendues par auctorite de justice, tant au priz que aulx
+fraicz, qu'elles ne reviennent pas au cinquiesme de la juste valleur.
+Par ainsy l'accord se monstre encores asses difficile a fere, et
+cependant l'on ne scayt si le temps, et la longue souspencion du
+traffic, pourra produyre quelque chose de nouveau entre eulx.
+
+Monsieur le cardinal de Chastillon print conge de ceste court lundy
+dernier, non sans recepvoir beaucoup de faveur de ceste Royne et
+plusieurs presens (de haquenees et de chiens de sang) des seigneurs
+d'aupres d'elle; et s'en est alle a Hamptonne attandre la commodite de
+son passaige a la Rochelle. Aulcuns demeurent escandalisez des
+difficultes qu'on a faictes a Mr le vydame de Chartres a Diepe, mais
+je rendz quelque rayson la dessus, qui monstrent de les satisfere. Ung
+agent de Portugal, qui est en ceste ville, dict que le capitaine Sores
+s'est esforce de piller de rechef la Madere, et qu'au retour de ceste
+entreprinse il a prins un des galions du Roy de Portugal venant des
+Indes, qui estoit demeure derriere, lequel estoit bien fort riche; de
+quoy ung chacun monstre icy estre fort offance d'entendre ung tel acte
+apres la paix, et crainct on que de la Rochelle ayt a sortyr beaucoup
+de desordre en la mer, s'il n'y est remedie.
+
+J'entans qu'il est arrive des lettres d'Allemaigne, qui semblent
+confirmer ce qu'on avoit auparavant escript de la creation du roy des
+Romains par le Pape, jusques avoir envoye une coppie du brevet, et que
+ung chacun pense que les princes ellecteurs procederont a une
+contraire ellection de leur part; mesmes qu'il semble que l'Empereur
+face toute demonstration d'avoir ignore et de n'aprouver aulcunement
+ceste procedure de Sa Sainctete; et qu'il a este descouvert qu'on
+avoit de rechef incidie a la vie du comte Pallatin. Sur ce, etc.
+
+ Ce Xe jour d'octobre 1570.
+
+
+
+
+CXXXIXe DEPESCHE
+
+--du XVIe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par Groigniet, mon secretaire._)
+
+ Conditions proposees par Cecil a la reine d'Ecosse.--Soulevement
+ des catholiques dans le pays de Lancastre.--Ordre donne au
+ comte de Derby de se rendre a la cour.--Retour a Londres de sir
+ Charles Havart, amiral de la flotte anglaise.--_Memoire._
+ Opinions diverses sur la duree de la paix en
+ France.--Conference de l'ambassadeur avec l'ambassadeur
+ d'Espagne.--Ligue du roi d'Espagne avec le pape et les
+ Venitiens contre les Turcs.--Vives sollicitations pour que le
+ roi consente a en faire partie.--Offres faites par le duc
+ d'Albe a Elisabeth.--Negociations des Ecossais avec le duc
+ d'Albe.--Conditions proposees a Marie Stuart, si elle veut
+ obtenir l'appui de l'Espagne.--Details sur la negociation de
+ Cecil avec Marie Stuart.--Crainte que les Ecossais n'acceptent
+ toutes les conditions imposees par l'Angleterre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ayant le Sr de Vassal couru une si dangereuse fortune, en
+voulant repasser la mer, que le naufrage de luy, et de ceulx qui
+estoient en son mesme navyre, a este tenu pour veriffie en ceste
+ville, il n'est pas a croyre combien je me suys resjouy, quant, oultre
+l'esperance des hommes, il a pleu a Dieu de le saulver et le fere
+retourner sauf a Callais, avec les lettres et depesches de Vostre
+Majeste, ou il est encores attandant le vent; mais j'espere qu'il sera
+bientost icy, et qu'il me rendra instruict de l'intention de Vostre
+Majeste, laquelle je mettray peyne, Sire, en ce qu'il sera besoing de
+la notiffier a la Royne d'Angleterre, de la luy fere bien entendre, et
+de fere, par toutz les moyens, persuasions et instances, qu'il me sera
+possible, qu'elle y veuille conformer la sienne.
+
+Le secretaire Cecille et son adjoinct sont arrivez avec l'evesque de
+Roz, le premier de ce mois, devers la Royne d'Escoce, a laquelle ilz
+ont presente, avec grand respect et reverance, une lettre, que la
+Royne d'Angleterre luy a escripte, laquelle avoit le commancement fort
+rigoureux et plein d'une recordation de beaucoup d'offances qu'elle
+reprochoit a la dicte Dame; mais que, pour en abolyr la memoire, elle
+luy depeschoit ces deux siens confidans conseillers, pour preparer le
+chemyn d'ung bon trette d'amytie entre elles deux; et n'y a heu aultre
+chose que cella pour le premier jour, sinon l'humayne et favorable
+reception, que la dicte Dame leur a faicte. Mais, le lendemain, estans
+entrez en conferance, elle leur a respondu, a chacun poinct de la
+dicte lettre, avec tant de fondement de rayson et avec tant de
+modestie qu'ilz ont monstre de demeurer tres bien satisfaictz; et
+ayant convenu la dicte Dame, pour son regard, et eulx, pour la Royne
+d'Angleterre, d'ensepvelir pour jamais les choses mal passees, et de
+proceder a ung renouvellement de vraye et parfaicte intelligence entre
+elles, sellon que le debvoir de leur proximite et du commun proffict
+de l'une et de l'aultre, et de leurs deux royaulmes, le requeroit; ilz
+luy ont leu les articles de l'instruction, qu'ilz portoient, lesquelz
+se sont trouvez, pour la pluspart, concerner l'expresse cession et
+resignation du tiltre de ce royaulme par la dicte Royne d'Escoce au
+proffict de la dicte Royne d'Angleterre, sans prejudice de la future
+succession d'icelluy, au cas que la dicte Royne d'Angleterre n'ayt
+point de lignee:--Que, pour seurte de cella, le Prince d'Escoce doibve
+estre mene et norry en Angleterre, sans prefiger temps de le randre,
+sinon au cas que la Royne, sa mere, arrive a morir, ou qu'elle luy
+veuille resigner sa couronne d'Escoce;--Que gouverneurs luy seront
+baillez, telz que la Royne d'Angleterre advisera, comme les comtes de
+Lenoz, de Mar ou aultres;--Que trois comtes et trois lordz Escocoys
+viendront estre ostaiges, l'espace de trois ans, en ce royaulme, pour
+la seurte des choses qui seront promises;--Que trois chasteaulx,
+scavoir: Humes, Fascastel et encores ung aultre, en Gallovaye ou
+Quinter, demeureront, pour le dict temps, ez mains de la Royne
+d'Angleterre;--Que, sans le consantement d'icelle ou de la pluspart de
+la noblesse d'Escoce, la dicte Royne d'Escoce ne se maryera;--Que
+ligue sera faicte entre elles et leurs deux royaumes;--Que, au cas que
+nul prince estrangier, sans ocasion a luy raysonnablement donnee,
+entrepreigne d'assaillyr ce royaulme, la dicte Royne d'Escoce sera
+tenue de le secourir d'hommes et de navyres, aulx despens toutesfoys
+de la Royne d'Angleterre;--Que le murtre du feu Roy d'Escoce et celluy
+du comte de Mora seront punys;--Que le comte de Northomberland et
+aultres fuytifz d'Angleterre seront randuz;--Et que, au cas que la
+dicte Royne d'Escoce meuve a jamais pleinte ny querelle du tiltre de
+ce royaulme, ny assiste a nul aultre, qui la veuille mouvoir en
+quelque facon que ce soit contre la dicte Dame, qu'elle demeurera
+privee de la future succession d'icelluy. Et avoient d'aultres
+articles, concernans la seurte des subjectz d'Escoce, lesquelz ilz
+n'ont encores monstrez, mais ilz ont fort inciste d'avoir promptement
+la responce sur ceulx cy.
+
+Je ne scay si la Royne d'Escoce l'a encores faicte, seulement j'ay
+entendu qu'ung pacquet du dict secretaire arriva, sabmedy au soir, a
+la Royne d'Angleterre, et que, tout incontinent, elle assembla son
+conseil; et le lendemain matin, le courrier fut renvoye avecques
+responce.
+
+Aulcuns amys de la dicte Royne d'Escoce m'ont faict advertyr qu'elle
+est au plus grand dangier, ou encores elle ayt poinct este, a cause de
+la sublevation qui se descouvre estre toute formee au pays de
+Lenclastre, de laquelle on luy attribue l'ocasion, aussi bien que de
+celle passee du North; et que pourtant, elle et nous, qui soubstenons
+icy son faict, debvons condescendre a ce que la Royne d'Angleterre luy
+vouldra demander, et luy complayre du tout, pourveu qu'elle puysse
+avoir sa liberte; et ne fere difficulte de luy accorder le Prince
+d'Escoce, pour quelque temps, avec honnestes condicions. Aultres de
+ses amys conseillent le contraire: qu'elle peut bien accorder
+hardyment toutes choses raysonnables a la Royne d'Angleterre, mais non
+de luy bailler son filz, ny ostaiges, ny places; mais plustost qu'elle
+mesmes offre de demeurer en Angleterre pour asseurance de ce qu'elle
+promettra. Je scay, a la verite, qu'on tient de tres dangereux
+conseilz sur la personne de ceste princesse, pour l'opinion qu'on a
+qu'elle ayt trop bonne part en ce royaulme, et que, quant elle sera du
+tout ostee, que pareillement sa querelle sera du tout esteincte, se
+persuadant que, ny les Escoucoys, ny les Anglois, ses partisans, ny
+mesmes Vostre Majeste ne se soucyeront guieres, puys apres, de la
+relever. Et est incroyable combien la Royne d'Angleterre et ceulx de
+son conseil sont esmeuz pour les choses du dict pays de Lenclastre,
+sans toutesfoys en fere grand demonstration; car les ayant vollues
+remedier par la voye de la justice, envoyant par della ung procureur
+fiscal, ilz ont veu que cella ne suffizoit, et que plusieurs
+ouvertement se declairoient substrectz de l'obeyssance et jurisdiction
+de la Royne d'Angleterre, jusques a ce qu'elle se seroit jettee hors
+de l'interdict de l'esglize catholique: dont elle a mande au comte
+Dherby, principal seigneur de tout le dict pays, de la venir trouver,
+par pretexte de vouloir assembler toutz ceulx de son conseil, dont il
+est l'ung des principaulx, affin de pourvoir a l'estat de ce royaume;
+et qu'il veuille mener ses enfans avec luy, pour monstrer qu'ilz ne
+sont coulpables d'aulcunes choses qu'on leur a vollu imposer. L'on ne
+scayt encores si le dict comte vouldra obeyr; tant y a, Sire, que je
+vous ay bien vollu envoyer le susdict adviz de la Royne d'Escoce, par
+homme expres, affin qu'il vous playse m'y commander vostre vollonte;
+et cependant je verray ceste princesse pour l'adoulcyr et moderer, le
+plus qu'il me sera possible, sur icelluy, et pour la fere passer
+oultre au trette encommance.
+
+J'entendz que sire Charles Havard a raporte a la dicte Dame ung grand
+contantement du debvoir, qu'il a faict envers la Royne d'Espaigne, et
+des honnestes propos, que la dicte Royne d'Espaigne l'a encharge de
+dire a la dicte Dame de sa part, ayant accepte, avec toute affection,
+le present qu'elle luy a envoye, et ayant faict donner une chayne de
+mil ducatz au dict Havart, et une aultre ung peu moindre a son vis
+admyral, et encores dix aultres chaynes aulx capitaines des dix
+navyres. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIe jour d'octobre 1570.
+
+ POUR FAIRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ oultre ce dessus:
+
+ Que, par aulcunes lettres, que la Royne de Navarre et Messieurs
+ les Princes, ses filz et nepveu, et Mr l'Admiral ont escriptes
+ par deca, et par des parolles et demonstrations, dont Mr le
+ cardinal de Chatillon a use, en prenant conge de ceste court, la
+ Royne d'Angleterre et les siens demeurent assez persuadez que la
+ paix de France sera de duree.
+
+ Et y sont confirmez davantaige par la reputation, qui court, que
+ le Roy a prinz une ferme resolution de vouloir que, en cest
+ endroict. et toutz aultres, ou sa parolle interviendra, qu'elle
+ ayt a estre tres certaine et veritable, et que la Royne et
+ Monseigneur, frere du Roy, interposent, par une bonne
+ intelligence, si fermement leur conseil et authorite a cella,
+ qu'il n'est en la main de nul aultre de le pouvoir rompre.
+
+ Et a raporte le Sr de Valsingan, qu'encor que le mariage des deux
+ filles de l'Empereur avec le Roy et le Roy d'Espaigne, et
+ l'intelligence que ung chacun presumoit demeurer toutjour
+ secrecte entre la Royne et Mr le cardinal de Lorrayne, et
+ l'authorite de Monseigneur, frere du Roy, lequel apres avoir mene
+ la guerre et heu plusieurs victoires contre ceux de la nouvelle
+ religion, ne comporteroit jamais qu'ilz demeurassent dans le
+ royaulme, fussent trois occasions qu'aulcuns remarquoient pour
+ reputer la paix fort douteuse; neanmoins ilz jugeroient, a ceste
+ heure, que c'estoit par la vraye et parfaite intelligence de la
+ Royne, et de Monseigneur, et de Mr le cardinal de Lorrayne, et de
+ toutz les Princes avecques le Roy, que la dicte paix se randroit
+ plus ferme et plus estable; et que mesmes le conseiller Cavaignes
+ luy avoit dict qu'il s'en promettoit une bien longue
+ continuation, et en plus d'advantaiges pour eulx que les articles
+ ne portoient.
+
+ Ce qui a remiz en reputation les afferes du Roy en ce royaulme,
+ et croy que de mesmes ilz en sont relevez ailleurs, car
+ l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, despuys la premiere foys
+ qu'il me raporta le jugement, que le duc d'Alve faisoit de la
+ dicte paix, comme s'il l'estimoit pleyne de dangier pour la
+ Chrestiente, il dict meintennant qu'il ne faict doubte que le Roy
+ et son prudent conseil ne l'ayent cogneue necessaire, et qu'il
+ faut que Sa Majeste Tres Chrestienne la rande utille, et luy face
+ produyre, non seulement pour luy et pour son royaulme, mais aussi
+ pour ses voysins et pour toute la Chrestiente, ung vray repos.
+
+ Et s'est le dict ambassadeur curieusement enquiz a moy de deux
+ choses: l'une, si je scavois que Mr le cardinal de Chatillon eust
+ parle en ceste court de tranferer meintennant la guerre, qui est
+ achevee en France, au pays de Flandres; et de cella il a vollu
+ que j'en aye sonde le dict Sr cardinal, quant il est venu en mon
+ logis, lequel m'a tout franchement respondu, qu'il pourrait estre
+ qu'il en eust parle comme d'ung commun souhait, que toutz ceulx
+ de sa religion y avoient; mais non qu'il en vit l'entreprinse
+ bien preste; et j'en ay satisfaict le dict ambassadeur.
+
+ Et l'aultre chose, qu'il m'a demandee, est si j'avois entendu
+ pourquoy le Roy avoit faict renforcer la garnyson de Peronne, de
+ St Quintin et des aultres villes de Picardie, et change celle de
+ Callais, monstrant que le duc d'Alve en avoit prins quelque
+ souspecon; a quoy je luy ay respondu que le Roy n'avoit en cella
+ que renvoye les garnysons en leurs lieux accoustumes, car l'on
+ les en avoit tirez, durant la guerre, pour s'en servir au camp,
+ et que meintennant il distribuoit en ses frontieres ses gens de
+ guerre pour plus sollager son royaume et pour ne demeurer
+ pourtant desarme.
+
+ Et, en la mesmes conferance, icelluy sieur ambassadeur, me
+ magniffiant grandement la ligue[14] qui a este faicte entre le
+ Pape, le Roy Catholique, son Maistre, et les Veniciens contre le
+ Turc, m'a dict que le Roy, son Maistre, s'estimoit estre miz hors
+ par icelle de tout le dangier de la guerre du dict Turc, et qu'il
+ n'avoit qu'a contribuer seulement au secours accorde, dont se
+ trouvoit fort adelivre pour mettre bientost fin a la guerre des
+ Mores, et pour entendre aulx choses de Flandres, d'Allemaigne et
+ du coste de deca;
+
+ Que le dict ambassadeur pensoit que l'Empereur enfin entreroit en
+ la dicte ligue, comme il en avoit une fort grande vollonte, mais
+ il desiroit le fere par aprobation de la diette, affin d'obliger
+ les estatz d'Allemaigne a la contribution et au secours de la
+ dicte guerre.
+
+ [14] Cette ligue ne fut definitivement conclue que quelque temps
+ apres, au mois de mai 1571. Don Juan fut nomme general de la
+ ligue, et remporta, le 7 octobre de la meme annee, la celebre
+ victoire de Lepante. Le pape choisit pour commandant de sa flotte
+ Marc-Antoine Colonne, et la republique de Venise nomma pour son
+ amiral Sebastien Venicri, qui fut elu doge en 1577.
+
+ Et a adjouxte que, si le Roy Tres Chrestien y vouloit entrer et
+ quicter la pratique du Turc, retirant son ambassadeur qu'il a
+ pres de luy, qu'il s'aquerroit ung grand nom et une grande
+ louange envers le Siege Apostolique et envers toute la
+ Chrestiente; et, quant il ne bailleroit que quatre galleres de
+ secours, que son nom et la reputation de la couronne de France y
+ en vauldroient cent.
+
+ Je luy ay respondu que ceste ligue estoit faicte pour la
+ conservation des estatz, qui estoient exposez aulx entreprinses
+ du Turc, et que l'Empereur avoit rayson d'y entrer pour l'ocasion
+ des siens, aussi bien que le Pape et le Roy, son Maistre, et les
+ Veniciens, car toutz ensemble y estoient bien fort interessez, et
+ leurs dicts estatz y couroient de grandz dangiers; mais que Dieu
+ avoit constitue le Roy et son royaulme en lieu, qui estoit tout
+ garde des incursions du Turc; par ainsy qu'il n'avoit a fere
+ ligue deffencive contre celluy qui ne l'assailloit, ny le pouvoit
+ assaillir; et seroit en vain consommer ses forces et ses deniers
+ pour aultruy, et entrer en une guerre non necessaire; mais que je
+ croyois bien que, quant toutz les princes chrestiens
+ conviendroient en une entreprinse de ruyner l'Empire du Turc et
+ amplier la Chrestiente, et que le Roy y verroit quelque bon
+ fondement, que ce seroit luy le premier qui y employeroit sa
+ propre personne et ses forces, aussi bien qu'avoient faict ses
+ predecesseurs.
+
+ Laquelle rayson le dict ambassadeur a monstre d'aprouver, et a
+ adjouxte que possible n'estoit on pas trop loing d'une si grande
+ et vertueuse deliberation; et puys a continue me dire que les
+ Anglois, pour ne pouvoir bien entendre toutz les secretz de la
+ dicte ligue, la tenoient pour fort suspecte, comme, a la verite,
+ j'ay sceu qu'iceulx Anglois discourent entre eulx, qu'ayant le
+ Pape passe si avant que d'avoir ouvertement interdit cette Royne
+ et son royaulme, et estant le Roy d'Espaigne fort offance des
+ dicts Anglois, et les Veniciens asses mal contantz des prinses et
+ depredations de l'annee passee, qu'il est a croire qu'on n'a
+ dresse ceste ligue dans Rome, sans y incerer quelque article bien
+ expres contre l'Angleterre, et que le general de la mer qui a
+ este cree par icelle, qui est don Juan d'Austria, aspire bien
+ fort a l'entreprinse.
+
+ Neantmoins, le duc d'Alve entretient les dicts Anglois en une si
+ ferme opinion de l'amytie du Roy, son Maistre, qu'ilz s'en
+ tiennent trop plus que bien asseurez; et semble que, ny luy de
+ son coste, ny eulx du leur, ne s'ennuyent de laysser encores les
+ choses en suspens, sans aultrement les esclarcyr, parce que le
+ temporiser vient a propos pour chacun, bien que possible non
+ guieres pour les Mestres ny pour leurs estatz, mais pour ceulx
+ qui les manyent; et m'a l'on asseure que le dict duc a offert a
+ ceste Royne de luy envoyer dix mil hommes de guerre, pour la
+ servyr en ses afferes, qu'elle pourroit avoir dans son royaulme,
+ ou bien contre l'Escoce, si elle en a besoing: mais qu'elle n'a
+ accepte ny l'ung ny l'aultre, ny ne demeure pour cella trop
+ dellivree du souspecon qu'elle s'est conceue du dict duc.
+
+ J'entendz que milord de Sethon, estant arrive en Envers, a
+ soubdain envoye demander audience a icelluy duc jusques a
+ Bergues, lequel s'est excuse de la luy pouvoir si tost bailler,
+ pour estre fort empesche a l'embarquement de la Royne, sa
+ Mestresse; dont le dict de Sethon, ne voulant prolonger les
+ matieres, luy a envoye incontinent les lettres des seigneurs
+ d'Escoce et une coppie de son instruction, mais le duc ne s'est
+ haste pour cella de luy rien respondre, ains l'a remiz a quant il
+ seroit en Envers, que le conseil du pays y seroit assemble; et
+ cependant il l'a faict convyer a dyner par le marquis de Chetona,
+ ou le secretaire Courteville s'est trouve, avec lesquelz il a heu
+ grand conferance; et despuys il a envoye icy demander qu'est ce
+ qu'il aura a respondre, si le dict duc requeroit d'avoir la Royne
+ d'Escoce entre ses mains, ou qu'elle y veuille mettre le Prince
+ d'Escoce son filz; s'il inciste qu'elle ne se marye sans le
+ conseil du Roy Catholique, et qu'elle veuille entrer en ligue
+ avecques luy, sans exception d'aulcune aultre ligue; s'il demande
+ avoir quelques portz et places au pays, pour la retrette de ceux
+ qu'il y envoyera; et finallement, s'il requiert que la reduction
+ de la religion catholique soit faicte en tout le royaulme, et que
+ l'aultre en soit chassee, et toutz ceulx qui en sont.
+
+ En quoy semble que le dict de Courteville ayt desja touche toutz
+ ces poinctz au dict de Sethon, et, quoy que soit, on m'a bien
+ baille pour chose asseuree que maistre Jehan Amelthon, qui a
+ reside despuys quinze moys, ordinairement, pres du dict duc
+ d'Alve, a este naguieres envoye par icelluy duc avec deux aultres
+ gentishommes, ung italien et ung espaignol, jusques en Escoce,
+ pour recognoistre quelque commode descente; et que le dict
+ Amelthon leur a monstre les ports et villes de Montroz et
+ Abredin.
+
+ Quant, apres plusieurs miennes instances et de Mr l'evesque de
+ Roz, la Royne d'Angleterre eust, a la fin de septembre, commande
+ au secretaire Cecille, et a maistre Mildmay, d'aller devers |a
+ Royne d'Escoce, elle ne se peult tenir de jetter quelques motz de
+ jalouzie des perfections de sa cousine, demandant au dict
+ secretaire, s'il se lairroit point gaigner a elle, comme les
+ aultres, qui l'avoient veue; dont il tomba en ung merveilleux
+ doubte que le voyage luy fut pernicieux, et escripvit dez lors a
+ ung sien amy qu'il s'en excuseroit, s'il luy estoit possible, ce
+ qui donna a penser, estant incontinent apres devenu mallade,
+ qu'il le contrafaisoit, mesmes qu'il ne se sentoit estre bien
+ vollu de la dicte Royne d'Escoce, et n'estimoit pouvoir raporter
+ honneur de ceste negociation; tant y a que, ne voulant qu'ung
+ aultre l'eust, il dellibera de veincre toutz ces doubtes et
+ difficultez, mais, premier que de partir, affin d'oster toute
+ souspecon a sa Mestresse, il dressa les articles de son
+ instruction, ainsy durs qu'ils sont contenuz en la lettre du Roy,
+ et les communica a la dicte Dame, qui les aprouva, et puys au
+ conseil, ou quelques ungs luy remonstrerent qu'il seroit bon de
+ les moderer, affin qu'ilz ne malcontentassent par trop ceste
+ princesse, et qu'ilz fussent aprouvez des aultres princes; mais
+ il respondit qu'on luy layssat manyer cest affere, lequel il
+ entendoit tres bien, et le conduyroit a bonne fin, a l'honneur de
+ sa Mestresse et de son royaulme; et qu'il feroit que la Royne
+ d'Escoce et les princes, ses allyez, ne seroient que bien ayses
+ d'en passer par la. Tant y a qu'estant sur le lieu, Mr de Roz m'a
+ mande qu'il monstre d'avoir une grande vollonte de conclurre le
+ trette, et qu'il espere que le retour du Sr de Valsingan, sur
+ lequel l'on luy avoit faict une depesche, seroit cause de luy
+ fere moderer les dures condicions de sa premiere instruction.
+
+ Et m'a le dict sieur evesque mande davantaige que creinct que les
+ seigneurs escossois, partisans de sa Mestresse, commencant de
+ n'esperer guieres nul secours de France, condescendront a telles
+ condicions de trette qu'on leur vouldra imposer; et que quelques
+ ungs sont desja apres a s'acommoder a l'authorite du comte de
+ Lenoz; ny l'arrivee du Sr de Vayrac ne les a peu tant confirmer
+ qu'ilz veuillent demeurer davantaige en doubte, ny mettre plus en
+ hazard leurs vies et leurs biens.
+
+ Tant y a que le lair de Granges, cappitaine de Lislebourg, a
+ mande que, s'il playt au Roy fere descendre mille harquebuziers
+ seulement ez quartiers, du Nord d'Escoce, qu'il rechassera le
+ dict de Lenoz et les Anglois plus loing que Barvich, et reduyra
+ la ville de Lislebourg a l'obeissance de la Royne sa Mestresse,
+ et qu'il ne sera plus parle que de l'alliance de France en tout
+ le royaulme d'Escoce.
+
+
+
+
+CXLe DEPESCHE
+
+--du XVIIe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyee expres par ung des miens, jusques a Calais._)
+
+ Communication officielle des articles proposes a Marie
+ Stuart.--Necessite de remontrer a la reine d'Angleterre qu'elle
+ ne peut enlever a la France l'alliance de l'Ecosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, vous ayant escript, du jour de hier, asses amplement toutes
+choses de deca, ceste cy n'est que pour dire a Vostre Majeste comme,
+ce matin, Mr l'evesque de Roz m'a envoye, en grand dilligence, les
+articles[15] que les depputez de la Royne d'Angleterre ont baillez a
+la Royne d'Escoce, sa Mestresse, me priant de lui envoyer, tout
+incontinent, le messagier avec ma responce et mon adviz la dessus; et
+que je veuille considerer que le moindre dilay ou empeschement, qui
+puysse intervenir en cest affere, est ung extreme detriment a sa dicte
+Mestresse; mais qu'il mettra peyne d'entretenir la matiere en suspens,
+jusques a ce que ma response arrive, et qu'il est tout certain, si
+l'on fault ceste foys de conclurre quelque chose, que la dicte Dame et
+ses afferes, et ceulx de son royaulme, demeurent deplorez et hors de
+tout remede pour jamais. Sur quoy, Sire, j'ay este en grand peyne, car
+le faict me semble d'un coste si important, que je ne me doibz ingerer
+de rien delliberer ny respondre sur icelluy, sans expres commandement
+de Vostre Majeste, et, de l'autre, je voys ceste pouvre princesse en
+si dangereux estast, que le moindre retardement peult admener une
+extreme ruyne sur elle et sur son royaulme; dont, en telle extremite,
+j'ay prins expediant de respondre premierement au dict sieur evesque,
+en la meilleur facon que j'ay peu, sellon le peu de loysir qu'il m'a
+donne d'y penser, et d'envoyer tout aussitost a Vostre Majeste les
+dicts articles et ma dicte responce, affin qu'il vous playse, en
+mesmes dilligence, me remander vostre bon commandement; lequel je
+mettray peyne, aultant qu'il me sera possible, d'exactement accomplyr;
+et j'espere qu'on ne s'opiniastrera du tout a toutes les conditions
+des dicts articles, ayant desja faict office, la ou j'ay cogneu en
+estre besoing, pour les fere moderer; et je scay que ce que Voz
+Majestez en ont fermement et vertueusement mande, par le Sr de
+Valsingan, a ceste Royne, en fera bien rabattre quelque chose. Tant y
+a que Vostre Majeste verra s'il seroit bon que, faisant appeller
+l'ambassadeur d'Angleterre en sa presence, et luy monstrant d'estre
+bien ayse de la continuation du trette, vous lui faysiez tout
+clairement entendre que vous ne pourriez tout ensemble meintenir
+l'amytie avecques la Royne, sa Mestresse, et veoir qu'elle s'esforcat
+de vous soubstraire l'alliance d'Escoce; et que, de tant que vous avez
+entendu que ceulx, qui dressent le trette, y aspirent, que vous l'avez
+bien vollu exorter d'advertyr sa Mestresse qu'elle se veuille deporter
+d'entreprendre une telle offance contre vous; laquelle vous ne
+pourriez comporter, attandu mesmement que vous n'avez desire ny
+procure que tout bon accord entre elle et la Royne d'Escoce, et bonne
+paix entre leurs deux royaumes, pourvu que ce ne soit au prejudice de
+vostre dicte alliance. Sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIe jour d'octobre 1570.
+
+ [15] Ces articles, ainsi que les reponses de Marie Stuart, n'ont
+ pas ete transcrits sur les registres de l'ambassadeur; mais ils
+ sont textuellement rapportes par les historiens, et notamment par
+ Camden at Rapin Thoiras.
+
+
+
+
+CXLIe DEPESCHE
+
+--du XXVe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._)
+
+ Audience.--Assurances reciproques d'amitie.--Consolidation de la
+ paix en France.--Plainte du roi contre la derniere invasion du
+ comte de Sussex en Ecosse.--Vive insistance de l'ambassadeur
+ pour qu'il soit procede a la restitution de Marie Stuart, sous
+ des conditions honorables pour la France.--Plaintes
+ d'Elisabeth contre la reine d'Ecosse.--Instance de
+ l'ambassadeur afin qu'une resolution definitive soit prise sans
+ retard.--Protestation d'Elisabeth qu'elle ne veut plus retenir
+ Marie Stuart en Angleterre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je n'ay receu jusques au XVIIIe du present, la depesche de
+Vostre Majeste, du XXVIe du passe, car le Sr de Vassal, qui me
+l'aportoit, oultre la premiere tourmente, que je vous ay mande qu'il
+avoit soufferte, il a, par trois fois, despuys, s'esforceant de passer
+de deca, toutjour este rejette en la coste de della, et a este si
+travaille de la mer, que d'une fiebvre quarte, qu'il avoit auparavant,
+il est tumbe en une continue, qui l'a contrainct de demeurer du tout a
+Callais, d'ou il m'a envoye le pacquet; sur lequel, Sire, ayant veu,
+le XXe de ce moys, la Royne d'Angleterre, j'ay estime luy debvoir fere
+entendre le retardement d'icelluy, et comme beaucoup plustost qu'a
+ceste heure, vous m'avez commande que je l'allasse trouver, affin de
+luy randre, de vostre part, le plus expres et le plus grand mercys,
+qu'il me seroit possible, pour la tant prompte et ouverte
+conjouyssance, qu'elle avoit use vers vous sur la paix de vostre
+royaulme; et qu'ayant prevenu en cella toutz les aultres princes,
+voz alliez, vous demeuriez tres fermement persuade que, plus
+que toutz eulx, elle vous avoit veritablement desire ce bien, et
+l'establissement de voz afferes; dont la priez de regarder en quoy
+elle se vouldroit meintennant prevaloir de vous et de vostre presente
+paix; car vous metriez peyne de la luy randre aultant utille, comme
+elle avoit monstre de l'avoir toutjour tres agreable; et que me
+commandiez, au reste, de n'obmettre rien qui peult servir a luy fere
+bien cognoistre vostre bonne affection et celle de la Royne, vostre
+mere, en cest endroict; mais que je n'entreprendrois de luy en dire
+davantaige, parce que Voz Majestez s'estoient mieulx sceu explicquer,
+par leur propre parolle, au Sr de Valsingan, que je ne le scaurois
+fere sur vostre lettre: et comme il avoit dignement represante
+l'intention d'elle a Voz Majestez par della, qu'ainsy esperois je que,
+a son retour, il se seroit tres bien acquite de luy fere bien entendre
+les vostres, et toutz les bons propos que luy avez tenuz de la
+parfaicte amytie, en laquelle delliberiez perseverer avec elle et son
+royaume. Et suyviz, Sire, a luy toucher quelques motz du bon et
+asseure establissement, que prenent les choses de la paix en vostre
+royaulme, affin qu'elle ne donnast foy a certaine lettre, que je
+scavois qu'on luy avoit monstree de quelcun de vostre court, qui a
+escript a ung seigneur de ce royaulme, en langaige francois et lettre
+francoyse fort proprement, sans toutesfoys se soubsigner, sinon par
+parrafe, qu'il voyoit que les troubles alloient recommancer plus fort
+que devant, en vostre royaulme, a cause de plusieurs desordres et
+viollances qu'on fesoit a ceulx de la religion; et que Messieurs les
+Princes avoient envoye fere des remonstrances la dessus a Vostre
+Majeste, qui leur aviez rendu de fort bonnes responces; et aviez
+soubdain depesche lettres pour y pourvoir, mais l'on n'y avoit vollu
+obeyr; dont ilz avoient renvoye vous en fere nouvelle pleinte; et
+vous aviez de rechef escript que justice en fut dilligemment faicte,
+mais que l'on avoit contempne et mesprise vos lettres, ce qui leur
+faisoit penser qu'il y avoit quelque tres dangereuse entreprinse
+couverte contre ceulx de la dicte religion; dont les dicts Princes
+s'estoient retirez mal contans a la Rochelle, non sans avoir desja
+adverty leurs amys en Allemaigne. De laquelle nouvelle l'on me vouloit
+bien asseurer que la dicte Dame et ceulx de son conseil seroient pour
+changer beaucoup de leurs premieres delliberations, mesmement en
+l'endroict de la Royne d'Escoce, si je ne mettois peyne de luy
+persuader le contraire.
+
+Ce qui m'a faict estendre plus avant le propos, lequel seroit long a
+mettre icy; mais elle a monstre de l'avoir bien fort agreable, et m'a
+respondu que le dict sieur de Valsingan avoit trouve les parolles,
+dont Vostre Majeste et la Royne, vostre mere, luy avoient use sur la
+conjoyssance de la paix, si pleynes d'honneur et si dignes, qu'il
+n'avoit ose entreprendre de plus particullierement les luy exprimer
+que de l'asseurer que de plus dignes n'en pouvoient estre proferees de
+nulz princes de la terre; et que, sur ce que je luy en disoys
+meintennant, elle remercyoit infinyement Voz Majestez d'avoir vollu
+ainsy penetrer en son cueur, pour y bien cognoistre l'affection,
+qu'elle a, trop plus certaine et vraye, que nul de toutz vos allyez, a
+la dicte paix de vostre royaulme; et que, tout ainsy qu'elle a cy
+devant prie Dieu de la vous donner, que ainsy, a ceste heure, que vous
+l'avez, elle le prie de la vous conserver si entiere que nulz plus
+obeyssantz ny plus fidelles subjectz a leur prince que les vostres, ny
+nul meilleur prince que Vostre Majeste a eulx, se puyssent trouver en
+tout le monde.
+
+Et a poursuyvy aulcunes particullaritez qui sembloient bien extraictes
+de la susdicte lettre; mais je y ay respondu en facon qu'elle m'a
+semble demeurer bien ediffiee des choses de vostre royaume; et puys
+j'ay adjouxte que le Sr de Valsingan, a mon adviz, n'avoit failly de
+luy dire ce que Vostre Majeste me commandoit de luy represanter
+encores une foys, c'est que vous aviez este bien fort escandalise du
+dernier exploict du comte de Sussex en Escoce, et que une seule chose
+vous avoit contante, que ses deux ambassadeurs, et moy pareillement
+par mes lettres, vous avions asseure que cella estoit advenu sans son
+sceu et sans son commandement; en quoy vous la vouliez donc tres
+expressement prier de fere quelque reparation ou demonstration la
+dessus, par ou les Escoucoys peussent cognoistre que son intention,
+aussi bien que la vostre, avoit este d'abstenir de toute voye
+d'hostillite, et de remettre toutz leurs differans a ung bon trette
+d'accord, ainsy que, sur la parolle d'elle, vous les en aviez
+asseurez, et aviez differe de leur bailler vostre secours; et qu'au
+reste vous aviez heu ung singulier playsir d'entendre qu'elle eust
+envoye ses depputez devers la Royne d'Escoce pour commancer de
+proceder au trette; et que Vous, Sire, et la Royne, chacun separement,
+en voz lettres, me commandiez de la prier et conjurer, au nom de
+l'amytie, que luy portez, qu'elle vous fit meintennant cognoistre
+combien elle vouloit satisfere aulx choses, qu'elle vous a faictes
+esperer, et que asses souvant elle vous a promises, pour la liberte et
+restitution de la Royne d'Escoce, et de tourner son cueur a ne vous
+vouloir ny offancer ny mescontanter en cella, ains correspondre a ce
+que, pour le seul respect de son amytie, et non d'aultre chose, vous
+desiriez qu'on ne vint aulx viollantz remedes, dont l'on vous
+recherchoit tres instantment d'y user; et que plusieurs raysons,
+lesquelles vous luy aviez desja faictes entendre, pressoient vostre
+honneur et vostre debvoir, et l'honneur de vostre couronne, de
+n'abandonner, en facon du monde, ny la liberte, ny la restitution de
+ceste pouvre princesse, vostre belle soeur, ny mesmes les afferes de
+ceulx qui soubstiennent son party en Escoce, quant bien elle n'y
+seroit plus, et de n'y espargner nul moyen, ny pouvoir, que Dieu vous
+ayt donne en ce monde; dont desiriez infinyement que le dict trette
+sortit a effect, et que, par icelluy, elle demeurast contante et bien
+satisfaicte de tout ce qu'elle pouvoit honnestement et honnorablement
+demander a la Royne d'Escoce, pourveu que ce ne fut contre sa
+consience, ny contre sa dignite, ny contre son estat, ny au prejudice
+des trettez, que vous avez avec l'Angleterre, ny derrogeant a vostre
+alliance avec les Escoucoys; car, au reste, vous vouliez, de bon
+cueur, estre garant de toutes les choses qui seroient promises et
+accordees par le trette.
+
+Auquel propos, qui a este avec attention, mais non sans passion, fort
+dilligemment escoute de la dicte Dame, elle m'a respondu qu'elle
+s'esbahyssoit grandement, comme Voz Majestez Tres Chrestiennes avez
+tant a cueur la Royne d'Escoce, que ne vollussiez avoir aulcune
+consideration aulx grandes offances, qu'elle luy a faictes:
+premierement, de luy inpugner sa condicion pour la fere declairer
+illegitime; puys de s'estre attribuee le titre de son royaulme; et
+finallement, d'avoir esmeu ses propres subjectz contre elle; et que ce
+eust bien este asses a Voz Majestez de l'avoir faict admonester une
+foys d'y proceder, sellon que l'honneur et debvoir l'y pouvoit
+convyer, sans luy en fere si souvant repeter les instances, comme, a
+toutes les audiences, je ne faillois de les luy renouveller; et que,
+puysque j'en avois esmeu le propos, elle me vouloit bien dire que ung
+pacquet d'une dame d'Escosse luy estoit, despuys deux jours, tumbe
+entre mains, dedans lequel elle avoit trouve une enseigne d'or, en
+laquelle estoit engrave ung lyon avec les armes d'Escoce, soubstenuz
+de deux cornes, et ung liepart avec les armes d'Angleterre, lequel le
+lyon dessiroit, et ung mot en Anglois qui dict: _ainsy abattra le Lyon
+Escoucoys le Liepart Anglois_; et puys une lettre d'une dame, qui se
+soubsigne _Flemy_, laquelle mande a milord de Leviston, de presenter
+la dicte enseigne a la Royne d'Escoce, sa bonne Mestresse, laquelle en
+entendra bien la signiffication, qui est celle propre qu'elles ont
+souvant devisee et desiree entre elles; et que cella, avec plusieurs
+aultres occasions, la randoient de plus en plus offancee contre la
+dicte Dame.
+
+A quoy j'ay replique que, si elle consideroit en quelle bonne sorte et
+modeste facon vous l'aviez toutjour faicte requerir sur les affaires
+de la dicte Royne d'Escoce, elle se reputeroit vous en avoir de
+l'obligation, et non qu'elle s'en tint mal contante, comme j'esperois
+que le temps le luy feroit quelquefoys cognoistre; et que, si elle y
+eust vollu entendre la premiere foys, nous en fussions a ceste heure
+aulx mercyemens, et non plus aulx tant repetees instances; et qu'au
+reste je ne faysois doubte que plusieurs en Angleterre, et plusieurs
+en Escoce, ne cerchassent, par le moyen d'elle, de ruyner la Royne
+d'Escoce, et plusieurs aussi, par la Royne d'Escoce, de la ruyner a
+elle, s'ilz pouvoient; mais qu'elles feroient bien de s'accorder
+ensemble a la propre ruyne d'eulx, et a leur confusion; et que
+c'estoit a elle de cercher meintennant ou sa vengeance, ou sa
+seurete, en cest affere; et si c'estoit sa vengeance, qu'elle
+considerat les dangereuses consequences qui en pouvoient advenir, et
+combien elle s'aquerroit par la l'indignation de toutz les aultres
+princes, et la hayne generalle des habitans de ceste isle et de
+presque toute la Chrestiente; si, sa seurete, que Vostre Majeste
+concourroit a la luy fere trouver telle, comme elle la pourroit
+desirer.
+
+A quoy la dicte Dame, avec affection, m'a prie de vous escripre que,
+pour l'honneur de Vostre Majeste, et non pour aultre respect du monde,
+elle a commance d'envoyer ses depputez, et de proceder, envers la
+Royne d'Escoce, en une facon que nul aultre prince, ny princesse
+offancee comme elle, ne l'eust jamais faict, et qu'elle se contraindra
+a toutes les conditions, qu'il luy sera possible, pour remettre la
+dicte Dame, par la voye du trette, le plus honnorablement qu'elle
+pourra, en son royaulme; et, quant elle ne le pourra en ceste facon,
+qu'encor vous donne elle parolle de la renvoyer, commant que soit, a
+ceulx qui tiennent son party en son pays, car ne la veult plus retenir
+en son royaulme; et que, par ainsy, elle espere vous satisfere si bien
+que vous n'aurez plus occasion de vous quereller de ce faict, ny de
+luy en fere plus parler. Qui sont, Sire, les principaulx poinctz qui
+ont este desduictz en ceste audience. Sur ce, etc. Ce XXVe jour
+d'octobre 1570.
+
+
+
+
+CXLIIe DEPESCHE
+
+--du XXXe jour d'octobre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Estienne, le postillon._)
+
+ Negociation concernant Marie Stuart.--Nouvelles d'Ecosse.--Avis
+ que le duc d'Albe demande a quitter le gouvernement des
+ Pays-Bas.--Affaires d'Allemagne.--Ligue contre les Turcs.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le retour des depputez de la Royne d'Angleterre ne nous faict
+que bien esperer du trette, qu'ilz ont encommance avec la Royne
+d'Escoce, de laquelle, et des responces qu'elle leur a faictes, semble
+qu'ilz ayent miz peyne d'en fere prendre beaucoup de contantement a
+leur Mestresse, et qu'enfin le trette se conclurra; lequel se fut
+desja advance de dresser, avant la venue des depputez d'Escoce, si la
+malladie de milord Quiper ne fut survenue, laquelle est cause qu'on
+s'est resolu d'attandre qu'ilz soient arrivez; et que cependant
+icelluy Quiper pourra estre guery. Je mettray peyne, Sire, d'entendre
+par Mr de Roz, aussitost qu'il sera de retour en ce lieu, les
+susdictes responces de la Royne d'Escose, affin de les vous mander; et
+vous manderay, par mesmes moyen, ce que j'auray aprins d'une depesche,
+qui vient d'arriver du comte de Lenoz, laquelle aulcuns presument
+estre pour certaine surceance d'armes, qui doibt estre accordee pour
+deux mois en Escoce. Et j'entens que le gentilhomme, qui l'a apportee,
+dict que le duc de Chastellerault, et ceulx du party de la Royne
+d'Escoce, s'opiniastrent de vouloir tenir une assemblee, sur le faict
+de l'estat du pays, nonobstant la depesche de leurs depputez par
+deca; et que le Sr de Flemy est sorty en armes de Dombertran pour se
+saysir des lieux plus prochains de sa place, affin d'y dresser des
+logis et estables, comme pour y recepvoir la gent et cavallerie qu'il
+attand bientost de France; laquelle persuasion, avec le raport que le
+cappitaine Comberon faict de la ferme affection, en quoy il a trouve
+Voz Majestez vers les choses d'Escoce, pourront aulcunement servyr a
+l'advancement du dict trette.
+
+Et y eust pareillement servy asses le doubte, auquel la Royne
+d'Angleterre demeuroit du retour de l'armee, qui est alle conduyre la
+Royne d'Espaigne, si elle n'eust receu ung adviz, (qui est asses
+semblable a ung aultre, que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, en
+a, bien qu'il dict ne le tenir du duc d'Alve), que la dicte armee est
+reservee pour ramener en Flandres la princesse de Portugal, affin d'y
+estre regente, et le duc de Medina Celi, qu'elle admeyne pour y estre
+cappitaine general et superintendant des afferes soubz elle; et
+qu'avec la mesmes armee le dict duc s'en retournera, puis apres, en
+Espaigne, et que, despuys l'embarquement de sa Mestresse, icelluy duc
+a encores depesche ung des siens, en dilligence, devers le Roy son
+Maistre, pour fere, en toutes sortes, resouldre son conge,[16]
+remonstrant son eage et son indisposition; et qu'il a remiz le pays en
+ung si bon et si paysible estat, et si hors de toute souspecon de
+guerre, qu'on ne doibt plus rien craindre de ce coste, ayant faict
+executer les principaulx chefz de la cedition, et ruyne si bien toutz
+les moyens et la reputation du prince d'Orange, qu'il n'ose plus
+sortyr de Nausau; qu'il a miz ung si bon nombre des principaulx
+princes d'Allemaigne en la pencion de son Maistre, que les aultres ne
+luy pourront nuyre; qu'il a accreu ses revenuz de Flandres de douze
+centz mil escuz par an; qu'il a ascheve la forteresse d'Envers;
+ordonne celle de Vallenciennes; estably les evesques; confirme la
+noblesse; reduict les loix, coustumes et ordonnances; et si bien
+pourveu a toutes choses au dict pays, qu'il ne reste qu'a y entretenir
+le bon ordre qu'il y layssera; et que mesmes il a achemine en si bonne
+facon ce qu'il avoit a demesler avecques les Anglois, qu'on vit en une
+doulce surceance avec eulx, avec grande esperance d'un fort prochain
+et entier accord. Lequel adviz semble que la dicte Dame tienne pour
+asses veritable, et quoy que ce soit, elle a fait ramener en leur
+arcenal accoustume de Gelingan les dix navyres qu'elle avoit envoyez
+convoyer la Royne d'Espaigne, et a faict licencier les gens et
+mariniers qui estoient dessus, et faict cesser toutz ses aultres
+aprestz et apareilz de mer.
+
+ [16] Le duc d'Albe avait ete investi du gouvernement des Pays-Bas
+ en 1566. Le projet dont il est ici mention ne fut pas execute; il
+ fut maintenu dans sa charge jusqu'a la fin de 1573, epoque a
+ laquelle il ceda le gouvernement a don Louis de Requessens,
+ commandeur de Castille, apres avoir publie une amnistie generale,
+ au mois de decembre de cette annee.
+
+Le sire Henry Coban escript d'Espire qu'il sera respondu sur les
+choses qu'il a proposees a l'Empereur, incontinent apres que les
+nopces de la princesse Elizabeth seront faictes, et j'entans que, a la
+verite, il a renouvelle le propos du mariage de l'archiduc Charles,
+mais l'on ne l'a suyvy ainsy chauldement qu'il esperoit. D'aultres
+lettres sont venues d'Allemaigne, qui font mencion de certein
+differant, qui cuyda arriver a Heldelberc, devant l'Empereur, entre
+Jehan Georges Pallatin et Jehan Guilhaume de Saxe, sur leur
+precedance, a qui seroit premier assiz au festin, de sorte qu'ilz
+furent prestz de mettre la main aulx armes; mais l'Empereur assembla
+soubdein les principaulx, qui estoient pres de luy, et prononcea pour
+le dict Georges, remonstrant si bien la rayson a l'aultre, que la
+chose se passa gracieusement; et que le comte Pallatin avoit
+instamment prie l'imperatrix et la princesse sa fille, qu'elles
+vollussent accompaigner l'Empereur en sa mayson de Heldelberc; mais la
+dicte Dame s'en estoit excusee en une facon si resolue de n'y vouloir
+aulcunement aller, que le dict Pallatin en estoit demeure asses mal
+contant; que l'Empereur avoit une grande affection d'entrer en la
+ligue contre le Turc, et qu'il estoit apres a persuader le Vayvaulde
+de renoncer a l'alliance et a la souveraynete d'icelluy, et de luy
+deffandre l'entree de la Transilvanie, luy promettant, s'il perdoit,
+pour ceste occasion, rien de son estat qu'il le recompenseroit en
+Bohesme; et qu'on avoit opinion, s'il pouvoit conduyre le dict
+Vayvaulde a cella, que les Estats de l'Empyre luy consentiroient
+vollontiers d'entrer en la dicte ligue, et s'obligeraient a luy
+bailler deniers et secours pour icelle, bien qu'on souspeconnoit asses
+que, n'ayantz les Venitiens este secouruz a propos de ceulx de la
+susdicte ligue, ils cercheront d'accommoder leurs afferes et de
+procurer en toutes sortes par deniers, ou bien en accordant quelque
+tribut sur Chipre, de fere paix avec le dict Turc; au moyen de quoy
+ceste ligue demeureroit, puys apres, asses froide, et bien fort
+foible. Sur ce, etc. Ce XXXe jour d'octobre 1570.
+
+
+
+
+CXLIIIe DEPESCHE
+
+--du IXe jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyee a la court par Mr le secretaire de L'Aubespine._)
+
+ Audience.--Vives plaintes de la reine contre la reception faite
+ par le roi a Mr de Norris, son ambassadeur, et contre la
+ declaration du roi en faveur de la reine d'Ecosse.--Necessite
+ ou se trouve le roi de reclamer la liberte de Marie
+ Stuart.--Protestation qu'il ne veut pas rompre la
+ paix.--Communication officielle du mariage du roi.--Compliment
+ de la reine sur cette union.--_Lettre secrete a la reine-mere_
+ sur la proposition du mariage de la reine d'Angleterre avec le
+ duc d'Anjou.--_Memoire._ Bruits repandus en Angleterre et en
+ Allemagne que la pacification de France n'est point serieuse,
+ et qu'elle cache quelque secret dessein du roi.--Details
+ particuliers concernant la negociation avec la reine
+ d'Ecosse.--Rapprochement entre l'Angleterre et
+ l'Espagne.--Plainte de Walsingham au sujet de l'accueil que lui
+ a fait le roi dans son audience de conge.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, estant, sabmedy dernier, avec la Royne d'Angleterre pour luy
+fere part de la depesche, que Mr de L'Aubespine m'a apportee, et des
+aultres choses qu'il m'a sagement faictes entendre de l'intention de
+Vostre Majeste, j'avois advise de luy commancer quelque gracieulx
+propos de vostre mariage, ainsy qu'on m'avoit adverty que je me
+gardasse bien de luy user d'aulcune rigoureuse demonstration, si je ne
+voulois donner aulx ennemys de la Royne d'Escoce l'entier gain de leur
+cause, et advancer grandement les afferes d'Espaigne, pour d'aultaut
+deffavoriser toutz ceulx de France en son endroict; et que c'estoit a
+l'occasion de certaine deffaveur, que son ambassadeur luy avoit mande
+qu'il avoit naguieres receu de Vostre Majeste, meslee de quelque
+menace contre elle mesmes, sur les afferes de la Royne d'Escoce, de
+quoy elle estoit fort offancee; et que noz ennemys s'esforceroient d'y
+semer encores du verre, pour randre la playe incurable; par ainsy,
+qu'il estoit besoing que je radoulcisse le faict.
+
+Mais la dicte Dame me prevint, car aussitost que j'entray en sa
+chambre privee, elle s'advanca de me dire qu'elle me recepvoit mieulx
+que son ambassadeur ne l'avoit este en sa derniere audience en France,
+me remonstrant la facon dont Vostre Majeste avoit parle a luy; de
+laquelle disoit estre de tant plus marrye que deux aultres
+gentishommes anglois, qui n'avoient jamais plus veu vostre court, luy
+avoient raporte, premier que son ambassadeur luy en eust rien escript,
+qu'elle ny ses messagiers n'estoient guieres prisez ny respectez en
+France.
+
+Sur quoy l'ayant escoutee paciemment, je luy respondiz que je n'avois
+rien entendu de cest affere, et que je scavois, et estois bon
+tesmoing, que Vostre Majeste avoit toutjours bien receu, avecques
+beaucoup d'honneur et faveur, ses ambassadeurs, et toutz les propos
+qu'ilz vous avoient toutjours tenuz de sa part, aultant que de nul
+aultre prince ny princesse de la terre; ce qui me faisoit croyre que
+l'ocasion n'estoit meintennant procedee de Vostre Majeste; et j'en
+comprenois quelque chose parce qu'elle-mesmes disoit que vous aviez la
+botte, quant son ambassadeur arriva, et que vous luy aviez demande
+comme est ce qu'il venoit a telle heure; et qu'au reste, elle debvoit
+interpreter a bien la franchise de vostre parler sur les afferes de la
+Royne d'Escoce; mesmes que s'estant la dicte negociation continuee
+despuys par lettres, vous m'aviez envoye la coppie de celle, que vous
+aviez escripte a son ambassadeur; laquelle je trouvois fort
+honnorable, et bien conforme a tout ce qui pouvoit convenir a
+l'entretennement de vostre commune amytie.
+
+Elle me repliqua qu'elle ne scavoit que penser de la dicte reponse par
+escript, et s'esbahyssoit asses comme Vostre Majeste y avoit vollu
+adjouxter de sa main, me priant de la luy monstrer, si je l'avois
+presente, affin que la debatissions ensemble, dont la luy ayant
+monstree, elle me dict, par deux foys, qu'elle n'estoit semblable a
+celle qu'elle avoit desja veue; et que neantmoins elle trouvoit en
+ceste cy cella bien dur, que vous disiez vouloir secourir la Royne
+d'Escoce en ceste sienne necessite, et procurer sa liberte par toutz
+les moyens que Dieu avoit miz en vostre puyssance; et qu'estant la
+dicte Royne d'Escoce entre ses mains, vous inferiez par la que si elle
+ne la restituoit par le trette, que vous luy denonciez desja la
+guerre.
+
+Sur quoy je luy desduysis les raysons, par lesquelles Vostre Majeste
+ne pouvoit moins dire que cella, ny moins fere que ce que vous en
+disiez; et quant elle vouldroit, d'un coeur non ulcere, considerer
+l'estat de cest affere, que non seulement elle ne se tiendroit pour
+offancee, ains cognoistroit vous avoir beaucoup d'obligation de
+l'honneste et modeste facon, dont vous y aviez procede; et que,
+nonobstant les lettres de son dict ambassadeur, suyvant les
+honnorables propos et honnestes demonstrations de contantement, dont
+elle vous avoit use touchant vostre mariage, lorsque luy en aviez
+premierement escript l'accord, vous me commandiez de luy dire en quoy
+en estoient meintennant les choses; qui esperiez que son playsir
+augmenteroit de scavoir qu'elles fussent ainsy bien advancees qu'elles
+estoient, et prestes de recepvoir ung bien prochain et bien heureulx
+accomplissement; et luy particularisay le voyage de Mr le comte de
+Retz a Espire, affin d'apporter les pouvoirs a l'archiduc Ferdinand,
+pour espouser, au nom de Vostre Majeste, la princesse Elizabeth sa
+niepce, et comme la ceremonye s'en debvoit celebrer, le XVe du passe,
+par l'archevesque de Mayance, et puys s'acheminer la dicte Dame, le
+XXIIIIe du dict moys, grandement accompaignee, en France; et que
+Monseigneur, frere de Vostre Majeste, et Madame de Lorrayne, vostre
+soeur, estoient desja vers la frontiere pour la recepvoir et pour la
+mener fere sa premiere entree a Mezieres, ou toute sa mayson luy
+seroit presentee, et de la a Compiegne, auquel lieu Voz Majestez
+preparoient desja ce qui convenoit a un si solempnel et si royal
+mariage, pour le XVe du present; et puys l'on conduyroit la dicte Dame
+a St Deniz pour la sacrer et couronner Royne de France; et se parloit
+de l'entree a Paris au premier jour de l'an, quant messieurs les
+mareschaulx et aultres principaulx seigneurs, qu'aviez envoyez, pour
+establir, sans dilay ny excuse, vostre eedict par toutes les provinces
+de vostre royaume, pourroient estre de retour; et que, comme Vostre
+Majeste et la dicte Royne d'Angleterre aviez accoustume d'agreer,
+l'ung a l'aultre, la communication de voz bonnes fortunes et
+prosperitez, que vous luy aviez bien vollu fere part de ceste cy, pour
+l'asseurer que ceste vostre nouvelle alliance n'estoit pour diminuer,
+ains pour fortiffier et augmenter davantaige celle que vous avez, et
+en laquelle vous voulez bien perseverer, avec elle; et que je croyois
+que vous seriez bien ayse d'entendre qu'elle fust en ces mesmes
+termes, ou a present vous trouviez, fort allegre et bien dispose,
+affin que mutuellement vous vous peussiez conjoyr de son contantement,
+comme vous vous asseuriez qu'elle se resjouyssoit bien fort du vostre.
+
+La dicte Dame, avec abondance de playsir, me respondit que cest
+agreable propos effacoit beaucoup la dolleur qu'elle avoit pris de
+l'aultre, et qu'elle vous randoit le plus expres grand mercys qu'elle
+pouvoit de la communication, qu'il vous playsoit luy fere, de chose si
+privee, et apartenant de si pres a vostre personne, comme est vostre
+mariage; et qu'elle n'avoit pas pense que les choses fussent si pres
+de leur accomplissement, car eust prepare d'y envoyer de ses
+gentishommes pour y assister; et qu'il semble qu'encor que les
+espousailles du Roy d'Espaigne ayent precede, que neantmoins voz
+nopces seront plustost consommees, et qu'elle vouldroit de bon cueur
+pouvoir estre a la feste; car monstreroit a tout le monde qu'elle se
+resjouyt plus veritablement de vostre prosperite et contantement,
+qu'il ne luy est possible de l'exprimer par parolle; que, touchant le
+premier propos concernant son ambassadeur, elle me prioit de vous en
+mander le mal qu'elle en avoit sur le cueur, et qu'elle esperoit que
+vous luy en donriez quelque satisfaction, qui la gueriroyt, et luy
+osteroit tout l'empeschement, qu'elle avoit, de ne se pouvoir tant
+resjouyr de ce segond propos du mariage comme elle desireroit de le
+fere; que, touchant le dict segond propos, elle vouloit prier Dieu de
+benyre l'espoux, et l'espousee, et les nopces, avec toute la posterite
+qui en viendroit, laquelle se pourroit dire estre de la plus royalle
+et noble extraction de la terre; et que, touchant la Royne d'Escoce,
+qu'elle avoit trouve les responces, qu'elle avoit faictes a ses
+depputez, fort honorables, dont n'estoient guieres loing d'accord
+entre elles; et que les depputez d'Escoce seroient bientost icy, pour
+y proceder du premier jour, comme il luy tardoit, plus qu'a nul aultre
+de ce monde, que cella print bientost une bonne fin; et, au regard de
+ce que je luy avois touche de la pleincte de ceulx de Roan, qu'elle y
+feroit dilligemment regarder par ceulx de son conseil, affin de vous
+donner, en l'endroict de ceulx la, occasion de fere bien tretter toutz
+ses subjectz en France, comme elle desire qu'ilz y continuent leur
+traffic.
+
+Et y a heu plusieurs aultres privez discours entre la dicte Dame et
+moy; lesquelz je remetz, avec plusieurs aultres choses, a Mr de
+L'Aubespine pour les vous fere entendre, de la mesmes suffizance,
+qu'il m'a tres dignement raporte celles que Vostre Majeste luy avoit
+donne charge de me dire, et vous presentera les recommendations de la
+Royne d'Angleterre, comme elle l'a encharge de ce fere. Sur ce, etc.
+Ce IXe jour de novembre 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, il est venu fort a propos, par l'arrivee de Mr de L'Aubespine,
+que j'aye heu a parler a la Royne d'Angleterre du contenu de la
+depesche, qu'il m'a apportee, de Voz Majestez, du XIXe du passe;
+suyvant laquelle j'ay adoulcy, par les gracieulx propos du mariage du
+Roy, le mieulx que j'ay peu, le courroux, que la dicte Dame avoit, du
+malcontantement, que son ambassadeur, Mr Norrys, luy avoit mande qu'on
+luy avoit naguieres donne en France, ainsy que, plus au long, je
+l'escriptz en la lettre du Roy, vous supliant tres humblement, Madame,
+que, la premiere foys que Voz Majestez verront le dict ambassadeur,
+elles luy veuillent dire quelque bonne parolle de faveur, et me
+commander, par vos premieres, d'en dire quelque aultre de satisfaction
+icy a la dicte Dame; car, avec bien peu, j'espere que tout cella se
+rabillera. Elle a suyvy avecques playsir et a faict longuement durer
+le propos, que je luy ay commance, du dict mariage du Roy, et est
+venue a parler du sien: qu'elle n'avoit faict bien de ne se maryer
+poinct, mais qu'elle estoit desja si vieille que nul, de ceulx qui y
+pourroient pretandre, n'en avoit plus de volonte, et qu'elle n'avoit
+jamais pense d'en espouser, qui ne fut de mayson royalle; que
+l'Empereur avoit bien employe son voyage d'avoir loge ses deux filles
+aulx deux plus grandz Roys; et qu'elle avoit este bien ayse de pouvoir
+honorer celle qui estoit allee en Hespaigne, pour l'amour du pere, qui
+la luy avoit recommandee, et l'avoit priee de favoriser et asseurer
+son passaige; et que, ayant sceu comme elle estoit arrivee, a
+saulvement, en Espaigne, elle avoit soubdain depesche ung homme expres
+a Espire pour l'en advertyr; qu'elle s'asseuroit que, la ou l'Empereur
+establyroit son alliance, qu'il procureroit d'y confirmer aussi celle
+d'Angleterre.
+
+Ausquelles choses je luy ay respondu que Voz Majestez recepvroient
+grand contantement des honnorables propos, qu'elle tenoit du mariage
+du Roy, et loueroient fort sa prudente delliberation d'avoir reserve
+franche sa vollonte pour se maryer, quant il luy plairoit, et que
+mesmes ce soit avec un royal prince; que, a la verite, elle avoit
+favorise et honnore grandement le passaige de la Royne d'Espaigne, de
+laquelle j'entendois qu'elle se contantoit bien fort, par les bonnes
+parolles et honnestes lettres, que sire Charles Havart luy en avoit
+raporte; et que j'esperois qu'elle recepvroit encore plus de
+contantement de la Royne, sa soeur, et se termina pour lors le propos,
+et toute l'audience, avec beaucoup de plesir et contantement de la
+dicte Dame; laquelle, demeurant en quelque craincte de la determinee
+resolution en quoy elle voyt que Voz Majestez Tres Chrestiennes, pour
+leur honneur, perseverent de vouloir secourir la Royne d'Escoce, et
+neantmoins que vous avez desir de conserver son amytie, et ne
+l'offancer, elle se monstre plus disposee de parachever le trette;
+lequel nous poursuyvrons, avec la plus continuelle instance, qu'il
+nous sera possible, comme la Royne d'Escoce, de son coste, ne pert en
+cella heure, ny moment. Sur ce, etc.
+
+ Ce IXe jour de novembre 1570.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Aultre lettre a part._)
+
+Madame, quant Vostre Majeste me depescha, present le Roy et
+Monseigneur, voz enfans, pour venir en ceste charge, elle me
+descouvrit ce mesmes desir, dont, a present, il luy playt me fere
+mencion par sa petite lettre du XXe du passe[17]; et je vous suplie
+tres humblement, Madame, de croyre que j'ay toutjour, despuys, fort
+soigneusement regarde s'il y auroit nul moyen de l'effectuer, sans que
+j'ay este ny endormy, ny paresseux, de penetrer, aultant qu'il m'a
+este possible, ez afferes de deca et en l'intention de ceux qui les
+manyent, par des voyes toutesfoys bien esloignees du dict propos, pour
+voir s'il y auroit rien qui s'y peult bien raporter et accomoder. En
+quoy, si j'eusse trouve quelque fondement, je n'eusse differe une
+seule heure de le vous mander, ny en eusse perdu une aultre a le bien
+et dilligemment poursuyvre. Mais, Madame, voycy en quoy, pour quel
+regard que ce soit, en sont meintennant les choses: que la Royne
+d'Angleterre, quoy qu'elle ayt donne charge au jeune Coban de
+renouveller, par motz couverts et artificieulx, le propos du mariage
+de l'archiduc; et que, asses souvant, elle et les siens en jettent
+d'aultres, bien expres, touchant Monseigneur vostre filz, ce n'est
+toutesfoys, quant a l'archiduc, que pour monstrer de vouloir accepter
+l'alliance de la maison, d'ou les deux grandz Roys se sont
+nouvellement allyez; et rabiller par ce moyen, si elle peult, ses
+differans avec le Roy d'Espaigne, et fere prendre de la quelque
+jalouzie a Voz Majestez Tres Chrestiennes, comme aussi en fere prendre
+encores une plus grande au Roy d'Espaigne du propos de Mon dict
+Seigneur, vostre filz; et s'entretenir, par la reputation de ces deux
+grandz partys, en plus grande estime envers les siens. Mais le
+jugement d'ung chacun est conforme a celluy que faict Vostre Majeste,
+qu'elle ne se soubsmettra jamais a nul mary, ainsy que, d'elle mesmes,
+elle s'en monstre toutjour asses esloignee; et les siens l'en
+detournent davantaige, affin de disposer toutjour, ainsy qu'ilz font,
+d'elle et de son royaulme.
+
+ [17] _Lettre, escrite de la main de la Roine mere, a Mr de La
+ Mothe Fenelon, pour lui estre rendue en mains propres_, du 20
+ octobre 1570:--"Monsieur de La Mothe Fenelon, monsieur le
+ cardinal de Chastillon a faict tenir propos a mon fils, le duc
+ d'Anjou, d'une ouverture de mariage de la royne d'Angleterre et
+ de mon dict fils..." Voir le _Supplement a la Correspondance
+ Diplomatique de La Mothe Fenelon_, contenant les lettres qui lui
+ etaient ecrites de la cour.
+
+Et ung des principaulx, qui soit aupres d'elle, a naguieres dict que,
+despuys trois moys, le vydame de Chartres a mene une secrecte pratique
+avec le secretaire Cecille, pour le mariage de Mon dict Seigneur,
+vostre filz, avec elle; et qu'il a offert de fere, par ce moyen,
+advancer le tiltre de ceux de Herfort a ceste couronne, au cas que la
+dicte Dame ne puysse avoir d'enfans; et que le propos n'a peu estre
+que bien ouy, pour le regard de Mon dict Seigneur, de presque toute la
+noblesse; mais que la pluspart d'icelle l'a mal receu et heu fort
+odieux touchant ceux de Herfort; et qu'il jugeoit que le dict vydame
+n'y avoit pas grand moyen, mais qu'il avoit advance cella pour
+complayre au dict Cecille, sachant l'extreme affection, qu'il a, a
+ceulx de Herfort; lesquelz sont deux petitz masles, issuz de celle
+madame Catherine[18], prochaine de ceste couronne, qui est morte dans
+la Tour. Et n'y a poinct de fille en ce royaulme, petite ny grande,
+qui pretande a la dicte succession, sinon une soeur de la dicte dame
+Catherine, qui est bossue, et a espouse un huissier de la salle de
+presence, ny la Royne d'Angleterre n'a la vollonte d'en adopter pas
+une; et croy que, quant elle le vouldroit fere, au prejudice de ceulx
+qui y pretandent droict, qu'elle ne le pourroit effectuer par le
+parlement, ny mesmes en fere declairer ung des pretandans, tant les
+partz sont contraires, et les maysons principalles de ce royaulme
+opposantes l'une a l'aultre sur ce poinct. De quoy j'estime que le
+droict de la Royne d'Escoce ne s'en rendra que plus fort, bien qu'il
+semble qu'un tel faict ne se demeslera, sans beaucoup de debat.
+
+ [18] Catherine, soeur puinee de Jeanne Gray. Elle avait epouse le
+ comte de Hereford, et deux enfans etaient issus de ce mariage,
+ Henri et Edouard. Marie, derniere soeur de Jeanne Gray, avait ete
+ mariee a un simple gentilhomme nomme Keyt.
+
+Quelcun m'a dict qu'on a vollu aussi proposer le mariage du Prince de
+Navarre avec ceste Royne, le faisant le plus riche subject de
+l'Europe, et allegant quelques droictz, qu'il a nouvellement gaignez,
+en la chambre imperialle, contre le Roy d'Espaigne, qu'on dict valloir
+plusieurs millions d'or, mais le propos n'a este suyvy.
+
+Or, Madame, je ne voys pas qu'il y ayt lieu de mettre, pour ceste
+heure, rien en avant de nostre coste, et, par ainsy, je m'en tayray du
+tout, ainsy qu'il vous playt me le commander, bien que je vous suplye
+de ne laysser de suyvre et escouter benignement ce qu'on vous en
+pourra toucher, monstrant que les plus grandes difficultez vous
+semblent estre du coste de la dicte Dame; sans toutesfoys advancer
+parolle, de laquelle elle se puysse advantaiger. Et cependant je
+veilleray, plus que jamais, sur ce qui se pourra descouvrir ou venir
+en lumyere, propre a cest effect, vous voulant bien advertyr, au
+reste, Madame, que de France, l'on a naguieres escript a la Royne
+d'Angleterre que Vostre Majeste ne desire aulcunement l'expedition des
+afferes de la Royne d'Escoce, ains que vous auriez playsir qu'elle ne
+bougeat encores d'Angleterre; de quoy semble que l'evesque de Roz ayt
+heu un semblable adviz de ceste court, mais je luy ay faict cognoistre
+qu'il n'y a rien au monde plus faulx que cella. Sur ce, etc.
+
+ Ce IXe jour de novembre 1570.
+
+ POURRA LE DICT SIEUR DE L'AUBESPINE, oultre le contenu de la
+ depesche, dire a Leurs Majestez:
+
+ Que quelques ungs du conseil d'Angleterre incistent fermement a
+ la Royne, leur Mestresse, de ne debvoir, en facon du monde,
+ tretter avec la Royne d'Escoce; et que, pour nulles menaces, ny
+ effortz, qu'elle ayt a craindre du coste du Roy, elle ne se doibt
+ haster de la delivrer, car jugent que la paix ne sera de duree en
+ France; et que, par aulcunes lettres et adviz, qu'ilz ont de
+ della la mer, ilz ont descouvert que le Pape, le Roy d'Espaigne,
+ et les Veniciens sont proprement ceulx qui ont conseille de la
+ fere ainsy qu'elle est, pour peur, qu'ilz avoient, que ceux de la
+ nouvelle religion ne gaignassent tant d'advantaige, pendant que
+ eulx seroient occupez en la guerre du Turc et en celle des Mores,
+ qu'il ne fut, puys apres, plus temps d'y remedier; et que
+ neantmoins, ilz ont promiz au Roy, qu'aussitost qu'ils se
+ verroient demeslez de ces deux guerres, qu'ilz luy fornyroient
+ ung si notable secours qu'il pourroit fort ayseement purger son
+ royaulme de toute ceste secte de Huguenotz;
+
+ Que cella se trouvoit ainsy confirme par une depesche de Mr le
+ Nonce a l'aultre Nonce, qui est en Espaigne, laquelle avoit este
+ interceptee, et qu'on avoit trouve dedans la coppie d'une lettre
+ du Pape a Mr le cardinal de Lorrayne, qui en faisoit asses
+ expresse mencion;
+
+ Que, nonobstant les bonnes demonstrations du Roy sur l'observance
+ de la paix, que les aultres Princes et les principaulx de la
+ court ozoient asses ouvertement declairer qu'ilz l'avoient a
+ contre cueur; et que, a Thoulouse et a Lyon, ne la vouloient
+ encores bien recepvoir, ce qui estoit signe qu'elle s'en iroit
+ plustost rompue que establye;
+
+ Et qu'ilz scavoient que le Roy mesmes, accompaigne de Mrs les
+ cardinaulx, et d'aulcuns princes, et aultres plus privez de son
+ conseil, avoit, par acte fort secrect, dict et declaire, en sa
+ court de parlement de Paris, que son intention n'estoit
+ d'entretenir aulcunement deux religions en son royaulme; et que
+ ce, qu'il avoit instantment pourchasse la paix, avoit este pour
+ separer l'armee des Huguenotz, et renvoyer les estrangiers; mais
+ qu'apres cella il mettroit aultre ordre et une meilleure forme
+ aulx afferes de la dicte religion; et que aulcuns des assistans
+ avoient fort loue et magniffie son opinion, et avoient tout hault
+ randu graces a Dieu qu'il eust miz un si catholique desir dans le
+ cueur de nostre Roy;
+
+ Que Messieurs les Princes et Admyral, estantz assez informez de
+ cecy, se tenoient sur leurs gardes, et avoient desja envoye
+ notiffier toutes ces particullaritez a leurs amys en Allemaigne;
+ et que mesmes les cappitaines et colonnelz, qui estoient venuz
+ vers Hembourg, pour s'asseurer de certaines levees de gens de
+ guerre pour les princes protestans, en avoient parle asses clair;
+ par lesquelles remonstrances l'on a fort essaye de persuader la
+ dicte Dame qu'elle devoit attandre l'evenement de ces choses de
+ France, premier que de rien remuer en celles d'Escoce.
+
+ Mais j'ay, a ceste heure, tout a propos, par la venue du dict Sr
+ de L'Aubespine, notiffie a la dicte Dame, et asses publie en sa
+ court, le bon ordre, que le Roy a prins, d'envoyer messieurs les
+ mareschaulx et aultres seigneurs et cappitaines, avec des
+ maistres de requestes et des commissaires, par toutz les lieux et
+ provinces de son royaulme, pour y executer son eedict sans dilay,
+ ni excuse; ce qui faict prendre a la dicte Dame et aulx siens
+ meilleure opinion de nostre paix, et semble qu'elle se resould de
+ passer oultre au trette de la Royne d'Escoce.
+
+ Car voycy en quoy en sont meintennant les choses, que le
+ secretaire Cecille et maistre Mildmay, estans de retour vers
+ elle, luy ont, d'entree, proteste qu'encor qu'ilz eussent
+ l'honneur d'estre toutz entierement siens, ses conseillers et
+ subjectz, qu'ilz avoient neantmoins jure a la Royne d'Escoce de
+ luy rapporter aultant fidellement et a la verite tout ce qu'ilz
+ avoient veu, cogneu et ouy d'elle, comme s'ilz fussent ses
+ propres messagiers; et ainsy ont faict leur raport si bon que la
+ dicte Dame est demeuree fort satisfaicte de la dicte Royne, sa
+ cousine, et en grande vollonte de conclurre ung bon trette avec
+ elle.
+
+ Sur quoy, icelluy Cecille luy a demande d'ou estoit doncques
+ advenu que, pendant qu'ilz estoient sur le lieu, elle leur eust
+ mande d'agraver les condicions a la dicte Royne d'Escoce, et les
+ luy proposer plus dures, qu'elle ne leur avoit commande de le
+ fere, quant ilz partirent:--"Prenez vous en, respondit elle, a
+ millord Quiper, vostre beau frere; car c'est luy qui m'y a
+ contraincte."
+
+ Et j'ay sceu, a la verite, que, quant le Sr de Valsingan revint
+ de France, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil pour
+ determiner des afferes de la dicte Royne d'Escoce, suyvant ce que
+ le Roy luy en mandoit, et leur ayant elle mesmes propose les
+ choses en une facon, qui la monstroient incliner bien fort a la
+ restitution de la dicte Dame, le dict Quiper luy respondit
+ seulement:--"Qu'il la voyoit si disposee en cest affere, qu'il ne
+ failloit que l'executer, sans plus le mettre en
+ delliberation."--"Ouy, dict elle, beaucoup d'ocasions, a la
+ verite, me meuvent de le desirer ainsy: mais je veux moderer mon
+ desir par vostre adviz." Il repliqua soubdain:--"Qu'il estoit la
+ pour la conseiller et non pour la contredire, et que, voyant son
+ conseil ne pouvoir avoir lieu, qu'il se deportoit de le bailler."
+ Sur quoy la dicte Dame, asses en collere, luy adressa ces
+ parolles:--"Je vous ay creu, ces deux ans passez, de toutes
+ choses, en mon royaulme, et je n'y ay veu que troubles, despenses
+ et dangiers. Je veux, a ceste heure, user, aultant de temps, de
+ mon propre conseil, pour voir si je m'en trouveray mieux." Et,
+ sur ce poinct, elle se retira dans son cabinet; mais le dict
+ Quiper et ceulx du conseil ne laysserent pour cella, d'alterer
+ assez la besoigne, et s'esforcerent, par plusieurs moyens, de
+ randre, touchant ceste negociation, bien fort suspect Cecille a
+ la dicte Dame.
+
+ Neantmoins, despuys le retour du dict Cecille, ayant de rechef
+ este le conseil rassemble pour ouyr son raport et les responces
+ de la dicte Royne d'Escoce, encor que le dict Quiper se soit
+ opiniastre contre la restitution d'elle, et soubstenu qu'on
+ debvoit delaysser ce trette, il semble qu'il n'ayt peu rien
+ gaigner; et qu'a ceste occasion, il soit party de court mal
+ contant; et que la dicte Royne d'Angleterre se soit confirmee, de
+ plus en plus, de vouloir tretter.
+
+ Dont despuys, ayant Mr l'evesque de Roz este devers elle, elle
+ luy a dict:--"Que ses deux depputez luy avoient raporte beaucoup
+ de satisfaction de la dicte Royne d'Escoce, et qu'elle trouvoit
+ ses responces fort honnorables; dont elles deux s'acorderoient
+ fort ayseement des aultres choses, qui sembloient demeurer
+ encores en differant; et qu'il ne restoit plus que l'arrivee des
+ depputez d'Escoce, lesquelz elle vouloit attandre, premier que de
+ passer plus oultre." Et, comme le dict sieur evesque luy toucha
+ ung mot de la difficulte, qu'il y avoit, de conclurre la ligue,
+ de peur de prejudicier a celle de France, et qu'il la pryoit
+ qu'il en peult communiquer avecques moi:--"Je veulx bien, dict
+ elle, que vous en communiquiez a l'ambassadeur du Roy, mais il ne
+ fault que luy, ny aultre, m'estiment si sotte, puysque la Royne
+ d'Escoce est entre mes mains, que je ne veuille bien pourvoir,
+ premier qu'elle en sorte, qu'elle n'aille estre ung instrument a
+ ung aultre prince de me fere la guerre."
+
+ Et ainsy le dict sieur evesque de Roz, et moy, sommes apres a
+ conferer ensemble les articles et condicions, qu'on propose a la
+ dicte Royne d'Escosse; en quoy je incisteray fermement que
+ l'intention du Roy soit suyvye, ou, au moins, qu'il ne soit faict
+ prejudice a rien, qui touche son service; et semble qu'il est
+ expediant d'accommoder ces afferes par le present trette, sans
+ les remettre a une aultre fois, car aultrement la dicte Dame et
+ son estat restent en ung tres grand dangier; et de tant que les
+ dicts depputez d'Escosse sont desja acheminez, scavoir: du party
+ de la Royne, milord Herys, milord Bonet et le dict sieur evesque,
+ qui est desja icy; et, de la part du regent, le comte de Morthon,
+ milord Clames et l'abbe de Domfermelin; et qu'on les attand toutz
+ dans six ou sept jours, et que desja il se parle de l'entrevue
+ des deux Roynes, ung chacun espere que l'accord reuscyra.
+
+ Pendant que les dicts depputez estoient avec la Royne d'Escosse,
+ elle a depesche ung sien tapissier, nomme Serve, en Flandres,
+ devers milord de Sethon, luy apporter ung pouvoir et procuration
+ d'elle, en forme, pour tretter avec le duc d'Alve; et luy
+ communiquer les articles, que les dicts depputez luy ont
+ proposez; et l'asseurer, qu'encor qu'elle soit en beaucoup de
+ necessitez, qu'elle toutesfoys ne conclurra rien sans l'adviz de
+ ses amys. Neantmoins, elle a, d'elle mesmes, accorde, par une
+ lettre de sa main, de bailler le Prince, son filz, a la Royne
+ d'Angleterre; et l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy,
+ conseilloit neantmoins qu'elle luy accordat plustost les places
+ de Dombertran, Lislebourg, et d'Esterlin, et force ostaiges, que
+ non le dict Prince.
+
+ Les gracieulx propos et honnestes lettres, que la Royne
+ d'Espaigne a mandez a la Royne d'Angleterre, sont cause que le
+ dict sieur ambassadeur commance d'estre plus respecte et favorise
+ des Anglois qu'il ne souloit, et qu'il est recherche, soubz main,
+ de vouloir demander audience de la dicte Dame, a laquelle il n'a
+ parle, XXII moys a, et qu'elle la luy ottroyera fort vollontiers.
+ Sur quoy il a respondu qu'en ayant este plusieurs foys reffuze,
+ il importe beaucoup a l'honneur de son Maistre que la dicte Dame
+ la luy veuille ottroyer d'elle mesmes; et, par ainsy, qu'il est
+ dellibere d'attandre qu'elle le luy mande, ou le luy face dire
+ par quelcun des siens.
+
+ Et cependant, l'on a pareillement recerche le Sr Ridolfy de
+ reprendre le propos de l'accord des differans des prinses, sellon
+ ce qu'il en avoit quelquefoys miz en avant, dont desja il en a
+ escript une lettre a Mr le comte de Lestre, qui monstre d'y avoir
+ quelque affection, et il a este asses bien respondu. Je croy que
+ cest affere se rendra de tant plus facille, que les Anglois
+ trouveront de difficultez en nous; et semble que Mr Norrys se
+ soit, puys peu de jours, pleinct de quelque deffaveur, qu'on luy
+ a faicte en France, et que sa Mestresse en soit bien mal
+ contante:
+
+ Comme aussi le Sr de Valsingan, parmy les propos, qu'il m'a
+ tenuz, des honnestes faveurs, qu'il avoit receues de Leurs
+ Majestez Tres Chrestiennes, il y a mesle je ne scay quoy de
+ deffaveur, qu'il luy sembloit que le Roy luy ayt faict, en la
+ seconde audience, de ne luy avoir monstre si bon visage, ny use
+ de si gracieuses parolles, que en la premiere; et d'avoir, luy
+ present, dict a Mr Norrys qu'il estoit marry qu'il s'en volust
+ sitost retourner, l'ayant trouve homme de bien en sa charge; et
+ qu'il vouloit prier la Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, de ne
+ luy bailler poinct de successeur, qui fut turbulant, ny homme qui
+ n'aymat la paix et le repos; comme si Sa Majeste entendoit de
+ dresser ce propos a luy, car il estoit en termes de luy succeder;
+ et qu'il croyoit que Mr de Glasco luy eust faict donner ceste
+ attache, bien qu'il ne se soit, a ce qu'il dict, jamais ingere ez
+ afferes de la Royne d'Escosse, sinon quant la Royne, sa
+ Mestresse, le luy a commande; et que je scay bien qu'il fault
+ obeyr a son naturel prince, quant il commande quelque chose.
+
+ Ce qui l'avoit fort descourage d'accepter la legation en France,
+ craignant de n'estre agreable a Sa Majeste; toutesfoys que la
+ Royne, sa Mestresse, luy avoit commande de s'aprester, me priant
+ d'asseurer Leurs dictes Majestez Tres Chrestiennes que nul jamais
+ ne tiendra ce lieu, qui ayt plus droicte intention a meintenir la
+ paix et la bonne amytie entre nos deux Maistres et leurs deux
+ royaumes que luy; et que, s'en allant l'affere de la Royne
+ d'Escoce compose, il luy sembloit qu'il ne restoit plus aulcune
+ occasion de differant entre la France et l'Angleterre. A toutes
+ lesquelles choses je luy ay respondu, sellon l'honneur et
+ grandeur du Roy, et comme il debvoit prendre la franchise du
+ parler de Sa Majeste en bonne part; et luy ay donne, au reste,
+ toute bonne esperance de sa legation, voyant qu'aussi bien elle
+ luy estoit desja commise; et estime l'on qu'encor qu'il soit tenu
+ pour homme fort affectionne a la religion nouvelle, et asses
+ contraire de la Royne d'Escoce, que neantmoins il se rendra
+ modere.
+
+
+
+
+CXLIVe DEPESCHE
+
+--du XIIIIe jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par le corier de Flandres._)
+
+ Discussion des articles du traite propose concernant la reine
+ d'Ecosse.--Efforts de l'ambassadeur afin de faire accepter les
+ conditions envoyees par le roi.--Consentement de Marie Stuart a
+ ce que son fils soit donne en otage a la reine
+ d'Angleterre.--Motifs de cette determination, qui est contraire
+ aux instructions recues de France.--Etat de la negociation avec
+ les Pays-Bas; nouvelles de Flandre.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, apres le partement du Sr de L'Aubespine, j'ay communique le
+contenu des lettres de Vostre Majeste, du XXVIIIe du passe, qui me
+sont arrivees, ainsy qu'il partoit, a Mr l'evesque de Roz; et, suyvant
+icelles, je l'ay presse d'incister vifvement a la Royne d'Angleterre
+de passer oultre au trette encommance, et que, de sa part, il la
+veuille dorsenavant poursuyvre par la forme, et non aultrement, qu'il
+a pleu a Vostre Majeste me le prescripre, luy desduysant les raysons,
+pourquoy la Royne, sa Mestresse, ny luy, ne la doibvent exceder;
+lesquelles raysons j'ay aussi mandees a la dicte Royne, sa Mestresse,
+avec ung extraict de ce qui en est porte par vos dictes dernieres.
+
+Sur quoy le dict sieur evesque m'a asseure de la parfaicte
+correspondance de sa dicte Mestresse, et de luy, a vouloir, en tout et
+partout, suyvre l'intention et les conseils de Vostre Majeste; et que,
+ayant despuys trois jours este devers la Royne d'Angleterre, pour luy
+presenter ung pourtraict, que la dicte Royne d'Escoce luy envoyoit, du
+Prince son filz, il l'avoit instantment sollicitee de passer oultre a
+parfere le dict trette, et de luy declairer si les responces, que sa
+dicte Mestresse avoit faictes a ses depputez, luy sembloient
+raysonnables, affin qu'il la peult advertyr de ce qu'elle en debvoit
+esperer; et que la dicte Dame luy avoit respondu que les depputez,
+qu'elle attandoit d'Escoce, d'ung chacun des costez, debvoient arriver
+dans quatre ou cinq jours, avec le comte de Sussex et maistre Randolf,
+qui venoient toutz de compaignye, et qu'estantz icy, elle feroit
+incontinent proceder au dict trette; que, quant aulx responces de sa
+dicte Mestresse, elle les avoit prinses de fort bonne part, et
+n'estoient trop esloignees de ce qui convenoit a fere ung bon accord;
+qu'encor que la dicte Royne d'Escoce fit grande difficulte sur
+l'article de la ligue, a cause de celle de France, qu'il ne falloit
+qu'elle s'y arrestat; adjouxtant, avec ung soubzrire, que, puysque
+Vous, Sire, vous estes mesle avec la mayson d'Autriche, qui est de sa
+ligue, que vous ne debviez trouver mauvais qu'elle se meslat avec
+celle d'Escoce, qui est de la vostre. A quoy luy, de Roz, luy avoit
+soubdain respondu qu'il fauldroit donc qu'elle constituast ung
+semblable douaire a sa Mestresse, et donnast ung semblable
+entretennement des gardes, des gendarmes, des benefices, plusieurs
+privileges, et aultres grandz advantaiges aulx Escoucoys en
+Angleterre, que Vostre Majeste leur faisoit jouyr en France; et que,
+sellon son adviz, il n'aparoissoit aulcun honneste moyen de fere ligue
+entre elles deux, sinon en y comprenant Vostre Majeste; et que la
+dicte Dame luy avoit replique, la dessus, que les dicts entretennemens
+estoient trop grandz pour en vouloir charger son estat, mais que,
+touchant la ligue, elle m'en parleroit, et en feroit parler par son
+ambassadeur a Vostre Majeste.
+
+Or, Sire, ce poinct de la dicte ligue, plus que nul de ceulx, qui sont
+contenuz es dicts articles, me semble importer grandement a l'honneur
+et reputation de vostre couronne, et, a ceste cause, j'ay desja dict
+tout hault que j'interrompray en vostre nom l'accord, et protesteray
+de l'infraction des precedans trettez, plustost que d'en laysser rien
+passer. Au regard de l'aultre article, auquel Vostre Majeste estime
+que je n'ay asses expressement respondu a l'evesque de Roz, touchant
+ne bailler le Prince d'Escoce aulx Anglois: je vous supplie tres
+humblement, Sire, de croyre que je luy ay, par ung adviz escript de ma
+main, premier qu'il soit alle vers sa Mestresse avec les depputez,
+ainsi que je l'ay communique au Sr de L'Aubespine, expressement
+conseille de ne l'accorder en facon du monde; mais la dicte Dame,
+suyvant d'aultres adviz, que le dict evesque mesmes luy a pareillement
+apportez par escript, de plusieurs ses affectionnez et meilleurs amys
+et serviteurs de ce royaulme, et aussi par l'adviz des seigneurs, qui
+tiennent son party en Escoce, l'a offert a la Royne d'Angleterre par
+sa lettre du seziesme du passe, comme chose, sans laquelle le dict
+evesque de Roz dict que la dicte Royne d'Angleterre ne fut jamais
+entree en trette, et sa Mestresse fut demeuree au plus dangereux estat
+de sa personne et de toutz ses afferes, qu'elle ayt encores este, pour
+l'ocasion de ceulx qui avoient monstre se rebeller au pays de
+Lenclastre; avec ce, Sire, que ceulx de ce conseil ont toutjours
+estime qu'il ne se pourroit prendre aulcune aultre assez bonne seurete
+de la dicte Royne d'Escoce, que d'avoir son filz par deca, affin qu'il
+leur fut ung instrument tout accommode pour contenir sa mere ou pour
+la dechasser; aussi qu'il semble bien que les Escoucoys, qui procurent
+la restitution d'elle, ne sont que bien ayses que le Prince s'en
+aille, affin que ceulx du contraire party ne puyssent plus redresser
+aulcune competance dans le pays; et encores y a il plusieurs
+principaulx personnaiges en ceste court, qui incistent asses que le
+dict Prince ne viegne en facon du monde en Angleterre, de peur qu'il
+n'y advance et establisse par trop le droict, que sa mere a a la
+succession de la couronne, au prejudice des aultres pretendans. Ce qui
+faict que plus vollontiers, la dicte Royne, sa mere, consent qu'il y
+soit mene, et mesmes qu'elle voyt bien que le contredire ne luy
+serviroit de rien, tant la chose est hors de sa puyssance; mais l'on
+n'a laysse pourtant d'envoyer solliciter les deux partys, en Escoce,
+de s'y opposer; et aussi le grand pere, et l'ayeulle, et plusieurs
+aultres, en ce mesmes royaulme, de ne le trouver bon, et de le debvoir
+empescher; pareillement a la mesme Royne d'Angleterre de luy jecter
+ung escrupulle dans le cueur, touchant ce petit Prince, disant que, a
+son advenement au monde, il a dechasse sa mere hors de son estat, et
+qu'il pourroit bien, en venant en Angleterre, chasser sa tante hors du
+sien. Tant y a, Sire, que ce poinct est desja tenu comme pour accorde
+entre elles deux; et sur cella se faict le fondement de tout le reste;
+et estime l'on, Sire, pourveu que vous obteniez la restitution de la
+dicte Dame et la reunyon des Escoucoys, et que l'authorite des Anglois
+et leurs forces soyent mises hors du pays, que Vostre Majeste, quant
+au reste, ne doibt empescher qu'elle ne se puysse prevaloir de son
+filz a le bailler ostage quelque temps, pour recouvrer sa liberte, et
+retirer sa personne, et son estat, horz du grand dangier ou ilz sont.
+
+Neantmoins, Sire, en cella, et en toutz les aultres chapitres du
+traicte, j'incisteray toutjour, le plus fermement qu'il me sera
+possible, que l'intention de Vostre Majeste soit entierement suyvye;
+et, de tant que la Royne d'Angleterre s'est plaincte a moy des
+dommageables condicions, qu'elle dict estre apposees contre
+l'Angleterre, dans le dernier trette d'entre le feu Roy, Francoys le
+Grand, vostre ayeul, et Jaques quatriesme, Roy d'Escoce, lequel je
+croy estre de l'an 1535[19], je supplie tres humblement Vostre Majeste
+de m'en fere envoyer une coppie affin d'y respondre; et me commander
+au reste, Sire, touchant ce dessus, si je doibz incister tout oultre,
+que la Royne d'Escoce se retire de la promesse, qu'elle a faicte, de
+bailler son filz, et qu'il vous playse d'en declairer franchement
+vostre vollonte a Mr de Glasco, son ambassadeur.
+
+ [19] Jacques IV etait mort en 1513; deux ans avant l'avenement de
+ Francois Ier. L'ambassadeur veut sans doute parler du traite de
+ Rouen, conclu le 26 aout 1517, entre Jacques V et Francois Ier,
+ et renouvele en 1535, lorsque Jacques V epousa Madelaine de
+ France.
+
+Au surplus, Sire, les differans des Pays Bas demeuroient acrochez en
+ce que, sur la diminution que le duc d'Alve a trouve estre ez
+merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne, pour en avoir une partie
+este gastee et les aultres mal vendues par deca, il vouloit que celles
+des Anglois fussent prinses en recompence, sellon qu'elles valloient
+en Angleterre, et non sellon qu'elles ont este vendues en Flandres; en
+quoy il faisoit proffict d'envyron cent mil escuz; mais ceulx cy,
+ayant, a ce qu'ilz disent, plus d'esgard au deshonneur que a la perte,
+qui leur viendroit en cella, n'ont vollu passer ce poinct, ni accorder
+aulcune inegalle et plus advantaigeuse condicion aux Espaignolz et
+Flamans que a eulx; dont les lettres estoient desja signees de ceste
+Royne pour mander a maistre Figuillem, son agent a present en
+Flandres, qu'il s'en retournast tout incontinent, si le dict duc ne
+vouloit tenir compte du prix, a quoy les merchandises d'Angleterre ont
+este vandues, ainsy quelle offroit de fere le semblable par deca, de
+celles d'Espaigne, et d'estre preste d'administrer justice pour
+celles, qui ne se trouveraient en estre, contre ceulx qui en seroient
+coulpables, ce qui alloit fere une grande interruption en tout
+l'affere; mais, voulant le duc en toutes choses l'accommoder, il l'a
+si bien faict negocier icy, soubz main, par l'ambassadeur d'Espaigne,
+et par aultres personnes interposees, qu'il n'y a rien, a ceste heure,
+plus eschauffe entre ceulx de ce conseil que d'en vouloir bientost
+sortyr. Et, a cest effect, le Sr Ridolfy, qui s'en estoit auparavant
+mesle, est appelle en court, et pareillement Cavalcanty et Espinola;
+et s'entend que le Sr Thomas Fiesque arrivera demain, ou apres demain,
+de Flandres, qui aporte la resolue intention du dict duc; et est l'on
+apres a trouver moyen que le dict ambassadeur d'Espaigne escripve, sur
+l'ocasion du passaige de la Royne d'Espaigne, et sur l'honneur et
+convoy que luy ont faict les navyres d'Angleterre, et sur son arrivee
+a saulvement par della, une bien honneste lettre a la Royne
+d'Angleterre, affin qu'elle envoye aulcuns de son conseil pour en
+conferer davantaige avec luy; lesquelz auront charge de lui octroyer
+audience de la dicte Dame pour le jour, qu'il vouldra l'aller trouver.
+Et de tant, que le Roy d'Espaigne a mande au dict duc de regaigner,
+par toutz les moyens qu'il pourra, l'amytie des Anglois; et qu'il ne
+veult, sur son partement, laysser ceste besoigne en detail, il la
+presse bien fort, estans venues nouvelles que le duc de Medina Celi
+est prest de s'embarquer a Laredo pour passer en Flandres, ou il
+pourra arriver a la fin de ce moys, sur la mesmes armee qui a conduict
+par della la Royne d'Espaigne, et que la princesse de Portugal n'y
+vient poinct pour encores, mais ce sera le cardinal de Grandvelle, qui
+viendra assister au dict duc de Medina Celi. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIVe jour de novembre 1570.
+
+
+
+
+CXLVe DEPESCHE
+
+--du XIXe jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Olivier._)
+
+ Retard apporte a la negociation du traite concernant la reine
+ d'Ecosse.--Mission de lord Seyton, dans les Pays-Bas, aupres du
+ duc d'Albe.--Demandes faites au duc de la part de Marie
+ Stuart.--Nouvelles des Pays-Bas et de la Moscovie.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay de nouveau faict entendre a la Royne d'Angleterre que les
+longueurs, qu'elle avoit uze, et qu'elle continuoit d'user, ez afferes
+de la Royne d'Escoce, vous avoient donne grande ocasion de parler
+ainsy ferme, comme vous aviez faict, a son ambassadeur, et d'essayer,
+a la fin, si pourrez accomplyr ce que franchement vous luy en avez
+dict; laquelle s'est excusee que le retardement n'est cy devant
+provenu, ny encores ne provient, de son coste, ains de celluy de la
+Royne d'Escoce et de ses depputez, qui ne sont encores arrivez, et
+qu'elle ne voyt pas comme l'on puysse bonnement proceder a fere le
+trette sans eulx, et sans ceulx du contraire party; et n'y a heu nulle
+rayson, ny offre, qui l'ayt peu mouvoir de ceste opinion parce, a mon
+adviz, qu'elle a promiz a ceulx du dict contraire party de ne fere
+rien, qu'elle n'ayt premierement pourveu a la seurete du jeune Prince
+d'Escoce et a celle d'ung chacun d'eulx. Et ainsy nous sommes
+attendans l'arrivee d'iceulx depputez, desquels je n'ay encores nulles
+bien certaines nouvelles, sinon que le comte de Lenoz a escript qu'il
+avoit ottroye de bailler saufconduict a ceulx du bon party, et qu'il
+nommeroit les siens aussitost qu'il scauroit qui sont les aultres,
+affin d'en envoyer de semblable qualite; et que cependant il
+depeschoit l'abbe de Domfermelin, lequel, pour ceste occasion, est
+attandu, d'heure en heure, en ceste court.
+
+Je prends quelque argument, Sire, de l'intention de la dicte Dame,
+qu'elle a vollonte d'en sortyr, sur ce que Mr Norrys l'ayant fort
+instantment requise de luy donner son conge; et s'estant le secretaire
+Cecille desja miz a dresser la depesche du Sr de Valsingan pour luy
+aller succeder, elle a considere que, s'il partoit sur ce poinct,
+Vostre Majeste pourroit concepvoir quelque mauvaise esperance des
+afferes de la Royne d'Escoce, tant pour le changement d'ambassadeur,
+que pour le souspecon que ce nouveau leur fut trop contraire; dont
+elle a mande au Sr Norrys d'avoir patience jusques a ce que les dicts
+afferes soient achevez. Bien m'a l'on dict qu'il a renvoye en
+dilligence ung des siens, pour remonstrer a la dicte Dame que le
+dillay seroit par trop long; car dict qu'il n'espere veoir les afferes
+de la dicte Royne d'Escoce jamais accommodez, tant que certaine
+occasion durera en France; laquelle, Sire, je n'ay pas encores bien
+sceu quelle elle est, et semble aussi qu'il l'ayt mandee asses en
+general; car l'on m'a dict que plusieurs y font diverses
+interpretations. Cependant Mr de Sethon, qui est en Flandres, m'a
+escript que, si ung certain pacquet, que la Royne d'Escoce, sa
+Mestresse, m'avoit adresse pour luy, luy eust este randu pour se
+pouvoir expedier du duc d'Alve, qu'il fut desja devers Votre Majeste;
+et, a la verite, Sire, le dict pacquet a este, par mesgarde, aporte,
+dez le XXVIIe du passe, par mon secretaire jusques a Paris; dont
+j'estime qu'il l'aura meintenant receu.
+
+Et voycy, Sire, ce que j'ay entendu de la negociation du dict de
+Sethon, qu'il a este ouy a part, et puys en conseil, par le duc
+d'Alve, sur les trois poinctz, pour lesquelz il estoit envoye
+principallement devers luy: le premier, pour avoir le secours, qu'il
+leur avoit souvant promiz, le quel le dict de Sethon offroit de
+conduyre en lieu seur, ou il pourroit commodeement descendre, et ou
+l'assistance des Escoucoys et des Anglois catholiques, et tout bon
+entretennement et bonne retrette ne luy deffauldroit dans le pays; le
+second, pour recepvoir dix mil escuz, que le dict duc avoit accorde a
+la Royne, sa Mestresse, pour la fourniture des chasteaulx de
+Lislebourg et Dombertran; et le troisiesme, pour le prier d'interdire
+de mesmes le commerce aulx Escoucoys en Flandres, que Vostre Majeste
+le leur a prohibe en France a ceulx, qui ne sont du party de la
+Royne, sa Mestresse. Sur quoy, le dernier jour du moys passe, Mr de
+Noerguerme a este envoye devers luy pour luy fere la responce que,
+touchant le secours, le duc y estoit tres dispose, lequel avoit trouve
+son offre et ses autres expediantz fort convenables a l'entreprinse;
+mais l'importance d'envoyer une armee de mer en pays estrange estoit
+si grande que l'expres commandement du Roy, son Maistre, y estoit
+requis, auquel il en avoit desja escript; et pourtant il falloit
+attandre sa responce, laquelle ne tarderoit guieres; que touchant les
+dix mil escuz, de tant que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy,
+avoit escript au dict duc que la Royne d'Escoce luy depeschoit ung
+homme expres, avecques un pacquet, pour l'advertyr en quelle sorte
+elle entendoit qu'on ordonnast de la dicte somme, qui est, Sire, le
+susdict pacquet qui a este apporte a Paris, qu'il prioyt le dict de
+Sethon d'avoir pacience jusques au quatriesme du present, que le
+messagier pourroit estre arrive, dedans lequel jour, l'on la luy
+feroit fornyr contante. Au regard du troisiesme, de tant que le
+commerce d'Angleterre estoit ferme, et si l'on restreignoit encores
+celluy d'Escoce, il en pourroit venir grand detriment aulx Pays Bas,
+le dict duc, premier que d'y rien ordonner, en avoit vollu escripre au
+Roy, son Maistre, duquel il feroit bientost entendre son intention,
+tant sur cestuy que sur le premier article au dict de Sethon. Et
+semble, Sire, que icelluy de Sethon ayt escript a sa Mestresse qu'on
+l'avoit faicte plus esperer du secours du dict duc qu'il n'a trouve
+qu'elle en eust occasion, et que icelluy duc ne pense plus que a
+quicter les choses pour se retirer en Hespaigne.
+
+Maistre Jehan Amilthon a continue une negociation separee de celle du
+dict Sr de Sethon avec le dict duc, dont monstrent n'y avoir bonne
+intelligence entre eulx. C'est luy qui a conduict les deux
+gentishommes espaignolz en Escoce pour visiter la descente, et les a
+faict parler au comte d'Honteley, et les a promenez et festiez en
+divers lieux dans le pays.
+
+Au surplus, Sire, l'on a appelle, despuys trois jours, les principaulx
+merchans de ceste ville a Hamptoncourt pour le faict de Roan et pour
+celluy des Pays Bas. J'entans, quant a celluy de Roan, qu'on me
+baillera la responce par escript sur ce que j'en ay remonstre a la
+Royne d'Angleterre; et, quant a l'aultre, que le comte de Lestre et le
+secretaire Cecille, si aultre empeschement ne survient, en yront
+conferer avec l'ambassadeur d'Espaigne, lequel a desja escripte la
+lettre a la dicte Dame, dont, par mes precedantes, je vous ay faict
+mencion; et presse l'on, de chacun coste, bien fort l'accommodement de
+ces differans. A quoy sert beaucoup le mauvais trettement qu'ont
+naguieres receu les merchans anglois en Moscouvie, ou ilz pensoient
+dresser quelque grand commerce; mais l'ambassadeur moscovite, qui
+naguieres estoit par deca, s'en estant retourne mal satisfaict de ce
+pays, a faict emprisonner tous les Anglois, qui se sont trouvez au
+sien, et a faict arrester leurs merchandises. Le susdict ambassadeur
+d'Espaigne s'est conjouy en ceste court des bonnes nouvelles qu'il a
+heu, que la guerre des Mores avoit du tout prins fin[20]. Quelcun, a
+ce que j'entans, luy a escript que le duc de Medina Celi differe sa
+venue en Flandres jusques en janvier, et qu'il a la vollonte de passer
+en France. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIXe jour de novembre 1570.
+
+ [20] Voyez ci dessus la note, p. 183.
+
+
+
+
+CXLVIe DEPESCHE
+
+--du XXVe jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyee par Jehan Monyer jusques a Calais expres._)
+
+ Declaration du roi a l'ambassadeur d'Angleterre concernant
+ l'Ecosse.--Irritation causee a la reine d'Angleterre par les
+ menaces du roi.--Opinion de l'ambassadeur qu'Elisabeth est bien
+ decidee a eviter la guerre.--Instance faite aupres d'elle pour
+ l'engager dans l'alliance d'Espagne.--Succes des efforts de
+ l'ambassadeur, qui parvient a empecher l'execution de ce
+ projet.--Assurance de devouement au roi donnee par Walsingham,
+ designe pour l'ambassade de France.--Remontrance faite par
+ l'ambassadeur a la reine d'Angleterre des motifs qui doivent
+ forcer le roi a secourir, meme par les armes, la reine
+ d'Ecosse.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, entendant que Mr Norrys, par sa derniere depesche, avoit
+rafreschy a la Royne, sa Mestresse, les mesmes propos, qu'il luy avoit
+auparavant escript, qu'il trouvoit en Vostre Majeste une ferme
+resolution de secourir la Royne d'Escoce, et que vous continuez d'user
+de parolles et demonstrations fort expresses en cella, j'ay miz peyne
+de scavoir comme la dicte Dame le prenoit; dont aulcuns, qui desirent
+la moderation des afferes, m'ont mande qu'elle se trouvoit toute
+scandalizee qu'allors que, pour vous complayre, elle avoit envoye deux
+de ses principaulx conseillers devers la Royne d'Escoce, pour donner
+commancement a ung bon trette, et qu'a vostre instance elle avoit
+envoye retirer son armee de sur la frontiere d'Escoce, c'estoit lors
+proprement qu'il luy sembloit que vous aviez delaysse la voye, que
+vous aviez toutjours tenue, de proceder en cest endroict par
+gracieuses prieres et honnestes remonstrances, pour y aller
+meintennant par une aultre facon de la menacer, et de rudoyer son
+ambassadeur; et qu'encores ne se sentoit elle si piquee de ce que
+vous en aviez dict de vous mesmes, qui aviez parle en Roy, ainsy qu'il
+luy avenoit bien a elle de parler quelquefoys en Royne, comme de ce
+que vostre conseil avoit trouve bon qu'il en fut escript une lettre
+bien expresse et bien consideree a son dict ambassadeur; et qu'elle se
+resolvoit de ne fere rien par menaces, et de monstrer a tout le monde
+que, si elle condescendoit a quelque accord en cest endroict, ce ne
+seroit que par le seul benefice de sa bonne vollonte envers vous, et
+de sa propre bonte envers la Royne d'Escoce, et que toutz aultres
+effortz et instances ne servyroient que d'empyrer et retarder
+davantaige la besoigne.
+
+D'aultres, qui cognoissent asses bien son intention, m'ont faict dire
+qu'encor qu'elle ayt parle ainsy devant ceulx de son conseil, affin
+d'estre estimee princesse de cueur, comme, a la verite, elle l'est, si
+a elle monstre, en d'aultres siens propos, a part, qu'elle vouloit
+evitter, en toutes sortes, d'avoir la guerre a Vostre Majeste; et que
+c'estoit par voz vertueuses responces et par voz demonstrations et
+appareilhz, qu'elle avoit passe si avant a tretter, et que, sans
+cella, il y en a asses qui l'eussent bien engardee d'y toucher, et la
+destourneroient encores d'y prendre jamais aulcune bonne resolution;
+par ainsy, qu'ilz estimoient que toute la ressource et restablissement
+de ceste pouvre princesse, et de son royaulme, concistoit en la seulle
+faveur et assistance, que Vostre Majeste luy feroit; dont semble
+qu'entre deux si contraires adviz le plus expediant sera de suyvre une
+voye de millieu.
+
+Et, a ce propos, Sire, ayant une foys la dicte Dame faict
+delliberation d'envoyer ung des plus grandz d'aupres d'elle en France,
+ainsy qu'elle mesmes m'en avoit touche quelque mot, pour honnorer, a
+son pouvoir, les nopces de Vostre Majeste, et la venue de la Royne
+Tres Chrestienne; et mesmes ayant pense que ce seroit le comte de
+Lestre, comme plus agreable a Vostre Majeste, affin de fere en cella
+quelque demonstration, qui correspondit a celle de l'honnorable
+convoy, qu'elle a faict fere, avec grande magnifficence et grande
+despence, par dix grandz navyres de guerre, a la Royne d'Espaigne,
+j'ay sceu que quelques malicieulx luy sont venuz mettre en avant qu'il
+y avoit grand apparance que le dict comte ne seroit bien receu; et que
+Vous, Sire, aviez donne a cognoistre, en l'endroict de Mr Norrys, que
+ses aultres ambassadeurs seroient peu respectez, dont debvoit
+considerer combien elle demeureroit moquee et offancee, si, a ung tel
+et si grand des siens, comme le dict de Lestre, n'estoit faicte la
+faveur et bon recueilh et bon trettement qu'elle s'attandoit;
+s'esforceans d'imprimer a la dicte Dame, bien qu'au plus loing de leur
+affection, qu'elle debvoit, par toutz moyens, retourner a la bonne
+intelligence du Roy d'Espaigne; et qu'allors elle n'auroit a se
+craindre de la France, et pourroit, a son playsir, disposer de la
+Royne d'Escoce. Sur quoy, voyantz qu'elle ne rejettoit le propos, ilz
+ont essaye de l'induyre a donner audience a Mr l'ambassadeur
+d'Espaigne sur l'occasion d'une lettre, qu'il luy a escripte; et
+semble bien, Sire, que si, de mon coste, j'eusse aultrement use envers
+elle que sellon qu'il vous avoit pleu me le commander, scavoir, de la
+plus gracieuse et modeste facon qu'il me seroit possible, qu'elle s'y
+fut condescendue, et heust du tout resolu de n'envoyer point en France
+et d'interrompre possible les afferes d'Escoce; mais elle s'est tenue
+ferme a ne vouloir encores rien ceder aulx choses d'Espaigne; et croy
+que si, du coste du duc d'Alve, ne vient quelque honneste
+satisfaction, que les differans auront plus empyre que amande, d'y
+avoir faict cest essay, ayant la dicte Dame mande a son deppute, qui
+est en Flandres, que, si le duc ne veult admettre la compensation des
+merchandises et prendre celles d'Angleterre au priz qu'elles ont este
+vandues, qu'il s'en viegne, avec resolution qu'aussitost qu'il sera
+icy, l'on procedera a la vante de celles d'Espaigne. Dont chacun
+estime que le dict duc plyera a ce poinct, et qu'il envoyera, pour
+cest effect, nouveaulx depputez par deca; bien que l'entrecours et le
+commerce d'entre les deux pays n'est pour estre encores radresse.
+
+Cependant le propos de n'envoyer poinct en France, et d'interrompre le
+trette de la Royne d'Escoce, n'a poinct heu lieu; et a remiz la dicte
+Dame d'y delliberer, dont j'ay este conseille de fere la dessus une
+petite negociation par lettre avec Mr le comte de Lestre, affin de luy
+bailler argument d'en parler a sa Mestresse. Je ne scay encores ce qui
+en reuscyra; tant y a que, ayant moy mesmes a parler, dans ung jour ou
+deux, a elle, sur l'occasion de la depesche de Vostre Majeste, du VIe
+du present, qui m'est tout presentement arrivee, je mettray peyne de
+rabiller les choses, le plus que je pourray.
+
+Le Sr de Valsingan est venu, ce dimenche passe, prendre son disner en
+mon logis, et m'a dict que Mr Norrys avoit tant faict qu'il avoit
+obtenu son conge, et que a luy estoit desja resoluement commande, par
+la Royne, sa Mestresse, de s'aprester pour luy aller bientost
+succeder; mais qu'elle n'avoit encores ordonne a l'ung le jour de son
+retour, ny a l'aultre celluy de son partement; et que, pour le peu
+d'establissement, qu'on disoit que la paix prenoit en France, qu'il
+n'ozoit y admener encores sa femme; jusques a ce qu'il eust veu sur ce
+lieu, comme il en alloit. A quoy je luy ay si bien respondu, jouxte le
+contenu de ce qu'il vous avoit pleu m'en escripre, qu'il en est
+demeure aultrement persuade; et au reste, Sire, il jure et promect
+d'estre ambassadeur paysible pres de Vostre Majeste; et de ne cercher
+aultre chose, en sa charge, que les moyens d'accroistre et augmenter
+davantaige l'amytie d'entre Vous et la Royne, sa Mestresse, et la
+bonne paix d'entre voz royaulmes et subjectz. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVe jour de novembre 1570.
+
+ A LA ROYNE.
+
+Madame, par la lettre, que j'escriptz presentement au Roy, Voz
+Majestez verront comme la Royne d'Angleterre se repute estre mal
+trettee et ung peu rudoyee de certains propos, qui ont este dictz et
+escriptz a son ambassadeur, touchant les afferes de la Royne d'Escoce;
+et n'a pas long temps qu'elle me dict qu'il sembloit que Voz Majestez
+Tres Chrestiennes fussent constituees entre elles, comme alliez a
+toutes deux, mais tenans l'oreille, qui devoit estre ouverte de son
+coste, toutjour bouchee, et celle du coste de la Royne d'Escoce tres
+prompte et toutjour fort ententive a toutes ses pleinctes; et que vous
+ne vous portiez en cella ainsy egallement, comme l'equite et la rayson
+le requeroient.
+
+A quoy je luy respondiz que, a la verite, l'une et l'aultre vous
+debvoient compter pour leurs principaulx alliez et confederez; et que,
+pour le regard d'elle, veu le bon estat de ses afferes, Voz Majestez
+n'avoient a fere aultre office, en son endroict, que de vous conjouyr
+de sa prosperite, et luy offrir ce qui pouvoit estre en vostre
+puyssance, pour meintenir et acroistre sa grandeur, comme, a toute
+occasion, vous seriez prest de le fere; mais, quant a la Royne
+d'Escoce, je craignois bien fort que ceulx, qui la voyoient ainsy
+captive et deschassee de son estat, comme elle est, ne vous
+estimassent beaucoup plus abstreinctz par les trettez de pourchasser
+chauldement sa liberte et restitution que vous ne le faisiez; et,
+quant elle vouldroit considerer ung peu de plus pres cest affere, et
+la despence que vous aviez desja commancee pour preparer, dez l'este
+passe, ung secours, et l'avoir, pour l'amour d'elle, despuys revoque,
+et d'en entretenir meintennant ung aultre, sans l'envoyer, pour
+attandre le trette; tant s'en fault qu'elle se deubt tenir offancee de
+Voz Majestez, que, au contraire, elle reputeroit vous avoir de
+l'obligation de l'honneste et modeste facon, dont vous y aviez
+procede; et dont vous luy declariez encores tout franchement la
+contraincte necessite, que vous aviez, d'entreprendre quelque aultre
+essay, comme vous le pourriez fere, au cas qu'elle vollut rejetter
+celluy de voz honnestes prieres et gracieuses remonstrances.
+
+Ainsy la dicte Dame se modera pour lors, et proposa d'envoyer le comte
+de Lestre devers Voz Majestez, pour fere la conjouyssance des nopces
+du Roy et de la venue de la Royne, vostre belle fille, et accommoder,
+par mesmes moyen, le faict de la Royne d'Escoce; mais quelcun,
+despuys, en a traverse le propos; dont j'en suys aulx termes, que je
+mande en la dicte lettre du Roy; et essayeray, Madame, a ceste
+prochaine audience, de rabiller le faict, et de moyenner, en quelque
+bonne sorte, si je puys, que le dict voyage du comte de Lestre, ou au
+moins de quelque aultre milor, ne soit interrompu, si toutesfoys
+Vostre Majeste me faict entendre qu'elle l'ayt agreable. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXVe jour de novembre 1570.
+
+
+
+
+CXLVIIe DEPESCHE
+
+--du dernier jour de novembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par Joz, mon secretaire._)
+
+ Audience.--Notification officielle des fiancailles du roi et des
+ fetes ordonnees pour celebrer le mariage.--Invitation faite a
+ la reine d'Angleterre d'envoyer une ambassade extraordinaire au
+ roi, et aux seigneurs anglais d'assister au tournoi qui est
+ annonce en France.--Vives sollicitations en faveur de la reine
+ d'Ecosse.--Gracieuses reponses d'Elisabeth sur la communication
+ du mariage du roi.--Son emportement contre les declarations qui
+ lui sont faites au sujet de l'Ecosse.--Sa ferme volonte de
+ conclure le traite avec Marie Stuart sans l'intervention du
+ roi.--_Memoire general_ sur les affaires d'Angleterre.--Details
+ secrets sur les projets des catholiques dans le pays de
+ Lancastre; secours qu'ils demandent au roi; appui qu'ils
+ esperent du duc de Norfolk.--Hesitations d'Elisabeth sur le
+ parti qu'elle doit prendre a l'egard de Marie Stuart; opinion
+ emise dans le conseil qu'il faut la faire mourir; crainte de
+ l'ambassadeur que l'on ait voulu l'empoisonner.--Negociations
+ avec l'Espagne; persistance d'Elisabeth dans son refus
+ d'accorder audience a l'ambassadeur d'Espagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, je me suys bien aperceu, ceste foys, qu'on s'estoit efforce de
+randre la Royne d'Angleterre fort offancee contre Vostre Majeste, car
+je l'ay trouvee preste de me recommancer les mesmes querelles et
+plainctes, qu'elle m'avoit faicte, en la precedante audience; et, sans
+ce que Mr le comte de Lestre estoit, peu d'heures auparavant, arrive
+de dehors, qui l'avoit entretenue sur une lettre, qu'il avoit
+naguieres receue de moy, elle ne m'eust encores randu de si gracieuses
+responces, comme enfin, apres avoir longuement debattu ensemble je
+les ay raportees; et croy que ce a este aussi parce que, d'entree, je
+luy ay dict que Vostre Majeste me commandoit de luy compter comme voz
+fianceailles avoient este fort honnorablement faictes a Spire, le
+dernier dimenche du mois passe; et que, incontinent apres, la
+Princesse Elizabeth s'estoit acheminee, en bonne et grande compaignye,
+pour venir en France; et que, sellon le compte de ses journees, elle
+debvoit arriver a Mezieres le XXe du present, ou Vostre Majeste
+l'alloit rencontrer pour y celebrer, au playsir de Dieu, voz nopces,
+le XXIIIe, et que bientost apres, vous en retourneriez vers Paris,
+pour y fere vostre entree; auquel lieu vous aviez remiz les triumphes
+des nopces, parce que Mezieres estoit trop petite ville pour un tel
+appareil; et y aviez, a ceste occasion, faict cryer un tournoy
+general, qui seroit ouvert, a toutz venantz, le premier jour de l'an.
+Ce que vous me commandiez de luy notiffier et aulx seigneurs de sa
+court, affin que, s'il luy playsoit d'y en envoyer, ou permettre
+qu'ilz y allassent, que Vostre Majeste et Monsieur promettiez qu'ilz y
+seroient bien receuz, et leur donriez lieu, avec vous mesmes, de
+s'esprouver aux honnestes exercices d'armes, qui s'y feroient; et que,
+pour l'honneur d'elle, ilz y seroient respectez et favorisez; qu'il me
+souvenoit bien de ce qu'elle m'avoit dict, que l'Empereur, envoyant la
+Royne d'Espaigne a son mary, la luy avoit recommandee, dont elle
+l'avoit grandement honnoree, et faict fort honnorablement convoyer,
+avec magnifficence et despence, par dix de ses grandz navyres de
+guerre, passant en ceste mer; et que, si le dict seigneur avoit,
+d'avanture, oublye de luy fere une pareille recommendation, par
+lettre, de son aultre fille, qu'il envoyoit a ung grand Roy, son
+mary, qui luy estoit allye, qu'il ne layssoit pourtant de la luy
+recommander de tout son cueur, et qu'il s'atandoit bien qu'elle
+useroit de toutes demonstrations de bienveuillance envers elle; et,
+quant bien il luy auroit plus expressement recommande celle qu'il
+envoyoit en la mayson d'Austriche, d'ou il est, qu'il y avoit
+plusieurs aultres bonnes occasions, qui la doibvent convyer d'avoir en
+non moindre recommendation celle qui vient en la mayson de France, ou
+je la pouvois asseurer qu'elle estoit aultant aymee, honnoree et
+respectee que en nulle aultre part de la Chrestiente; et pourtant je
+m'asseurois qu'elle n'oblyeroit de envoyer quelque honnorable
+ambassade en France, pour fere, tout ensemble, deux grandes
+conjouyssances: l'une, pour les nopces de Vostre Majeste, et l'aultre
+pour la venue de la Royne Tres Chrestienne, sa bonne soeur, et bonne
+voysine. Et luy ay bien vollu dire cella, Sire, parce que je scavois
+qu'on luy avoit faict rompre sa delliberation d'y envoyer; puys j'ay
+adjouxte qu'elle debvoit prendre pour ung grand signe d'amytie, que
+vous luy feziez communication de chose si privee, comme vostre
+mariage, et que mesmes, il sembloit que vous augmentiez votre ayse du
+contantement que vous pensiez luy donner de celluy que Vostre Majeste
+recepvoit; que, outre cella, vous me commandiez de luy fere encores
+fort bonne part d'ung aultre bien grand contantement que vous aviez de
+voir vostre royaulme tres paysible; et que vostre eedict s'y alloit
+establissant, ainsi que vous le pouviez souhayter, de quoy vous vous
+en conjoyssiez avec elle, comme avec celle qui proprement desiroit que
+ceste prosperite vous fut entiere, et accomplye en vostre royaulme; et
+que vous luy en desiriez une toute semblable au sien, et luy offriez
+tout ce qui estoit en vostre puyssance pour l'y meintenir;
+
+Que, pour la fin de vostre lettre, vous me commandiez luy fere
+entendre le singulier playsir, que ce vous avoit este, de voir que voz
+honnestes prieres et gracieuses remonstrances eussent eu tant de lieu
+que, pour l'amour de vous, elle heut envoye ses depputez devers la
+Royne d'Escoce, pour donner commancement a ung bon traicte, et eust
+mande retirer son armee de sur la frontiere d'Escoce; de quoy ne
+vouliez faillyr de la remercyer; et la remercies encores bien fort de
+vous avoir declaire qu'elle seroit bien ayse de pouvoir honnorablement
+restituer la Royne d'Escoce par la voye du traicte; et que, quant
+cella n'adviendroit ainsy, qu'encores la renvoyeroit elle aulx
+seigneurs escoucoys qui tiennent son party; en quoy vous la supliez
+tres affectueusement d'y vouloir perseverer, et de vous en fere
+bientost paroistre ceste sienne bonne intention par effect, affin de
+vous descharger de l'inportunite de ceulx qui vous abstraignoient, par
+vertu des traictez, de luy bailler secours; lesquelz se monstroient de
+tant plus ardantz a le pourchasser, que le comte de Lenoz poursuyvoit
+toutjour d'user de viollance contre eulx, au prejudice de la surceance
+d'armes; et que vous desiriez, Sire, que les conditions du traicte
+reuscissent toutes bien fort seures et honnorables pour elle, et
+pareillement bien honnestes et esloignees de toute offance pour la
+Royne d'Escoce, et pour vous: ou bien, si c'estoit par l'aultre moyen
+qu'elle la vollust restituer, que vous y requeriez sa sincerite et sa
+grandeur de cueur a le fere; en sorte que la liberte qu'elle luy
+donroit ne luy fut ung nouveau tourment et peyne.
+
+La dicte Dame, depposant ung peu de la severite, qu'elle avoit use a
+me recepvoir, m'a respondu que ces propos luy sembloient meilleurs
+qu'elle n'avoit espere de les ouyr de Vostre Majeste, apres une telle
+menace et rigoureuse demonstration, que vous aviez usee vers son
+ambassadeur, et preparee en Bretaigne; et qu'elle ne pouvoit fere que,
+pour ceulx de vostre mariage, elle ne vous en remercyat aultant, de
+vraye et bonne affection, comme il luy estoit possible de le fere, et
+que vous ne vous tromperiez jamais, si vous vouliez droictement croyre
+qu'elle estoit et seroit toutjours tres ayse de voz prosperitez et
+contantemens, aultant et plus que nul de toutz les princes de vostre
+alliance; et, quoy qu'il y ayt, que vous luy feriez grand tort si ne
+demeuriez tres fermement persuade que vostre mariage luy est
+singulierement agreable, et qu'elle prioyt Dieu d'y envoyer ses
+benedictions, affin qu'il fust tres heureux aulx espousez, et que la
+posterite en fust de mesmes tres heureuse. Et s'est le propos
+poursuyvy a dire que Vostre Majeste se pouvoit promettre une bonne
+part de la vigne, qui est pour ceulx qui peuvent passer le premier an
+de leurs nopces sans se repentyr, et que ceste vigne estoit proprement
+pour les mariages si bien et si convenablement faictz comme le vostre.
+
+A quoy j'ay adjouxte que Vostre Majeste n'avoit garde de tumber en
+nulle sorte de repentailles, et que celle de la vigne s'entendoit que
+nul n'estoit marye de si bonne heure, qu'il ne se repentit de ne
+l'avoir este plustost, et que j'esperois voir ung matin qu'elle seroit
+touchee de ce repentir; ce que, en soubzriant, elle a advouhe, et que
+mesmes elle en estoit desja bien fort attaincte; et a continue que,
+quant a la recommendation que l'Empereur luy avoit faicte de la Royne
+d'Espaigne, cella estoit advenu, parce qu'elle avoit envoye devers
+elle en Flandres, et puys devers luy a Spyre, sur l'occasion du
+differant, qu'elle avoit avec le Roy d'Espagne, qui n'estoit procede
+de luy, mais de ses ministres; et que, voyant que sa fille auroit a
+passer en ceste mer, il luy avoit escript de luy vouloir randre son
+passaige bien asseure, qui aultrement, possible, ne l'eust guieres
+este; et qu'encores que la Royne Tres Chrestienne ne vint poinct en
+ceste mer, si ne lairroit elle de l'honnorer; et puysque je luy
+faisoys ceste notiffication de la remise des triomphes a Paris,
+qu'elle adviseroit d'envoyer quelcun de sa part pour fere la
+conjouyssance, mais quant a tournoyer, qu'il y avoit quelques ans
+qu'elle avoit entretenu sa court, comme en veufve, sans y fere
+tournoys; dont craignoit que les braz de ses gentishommes fussent
+devenuz si engourdiz qu'en lieu d'aller aquerir de l'honneur; ils y
+gaignassent de la honte pour eulx et pour leur nation; au regard de la
+paix de vostre royaulme, que Vostre Majeste ne s'en resjouyssoit pas
+plus droictement qu'elle, qui ne cedoit a nul, qui, plus qu'elle, la
+vous desirat stable et de duree; ce qui la faisoit de tant plus
+esbahyr pourquoy Vostre Majeste entreprenoit de la rudoyer, et mal
+traicter pour la Royne d'Escosse, et qu'elle n'eust jamais pense que
+vous l'eussiez vollue accomparer de respect a elle, et ne tenir en
+trop meilleur compte son amytie que celle de la dicte Royne d'Escosse.
+
+Et s'est eslargie en tant de parolles aigres contre la dicte Royne
+d'Escosse, et sur vos dictes menaces, et sur les secours qu'elle
+entendoit s'aprester de rechef en Bretaigne, que je suys demeure asses
+esbahy comme la dicte Dame estoit si changee despuys l'aultre foys,
+dont ne me suis peu tenir (luy gardant neantmoins toutjours tout le
+respect qu'il m'a este possible), que ne luy aye fermement replique
+qu'elle se faisoit grand tort de prendre ainsy en mauvaise part les
+tres honnestes et gracieuses remonstrances, que Vostre Majeste luy
+faisoit pour la Royne d'Escosse, et la franchise dont vous luy
+declairiez comme vous estiez contrainct de la secourir; qui pourtant
+monstriez, par la patience dont vous y procediez, que vous auriez
+grand regrect qu'il vous en fallust venir a tant. Et n'ay obmiz de luy
+respondre a toutz ses aultres argumentz, ung a ung, luy demandant
+enfin quelle aultre voye donques estimoit elle que Vostre Majeste
+pourroit tenir pour, tout ensemble, conserver son amytie, et
+s'acquicter de son debvoir envers la Royne d'Escosse.
+
+A quoy, apres y avoir ung peu pense, elle m'a respondu qu'elle vous
+prioyt, de toute son affection, de ne monstrer, par voz parolles et
+aprestz, que vous mesprisez son amytie, et de ne vouloir traitter que
+honnorablement avec elle et avec son ambassadeur, comme elle estoit
+preste d'user de mesmes envers vous; car aymoit mieulx venir a toutes
+aultres extremites que de souffrir rien qui fut indigne de sa
+reputation, ny de celle de sa couronne. Et quant au reste, elle me
+vouloit bien dire qu'elle ne pretandoit que nul aultre prince
+s'entremit du traicte d'entre elle et la Royne d'Escosse, que elles
+deux, et que je ne debvois craindre qu'il s'y fit ligue contre Vostre
+Majeste, mais bien pour se deffandre entre elles, si quelcun les
+vouloit assaillyr; et qu'elle avoit mande, pour le jour d'apres,
+l'evesque de Roz, et puys, pour le lendemain, l'abbe de Donfermelin
+qui estoit desja arrive, affin de les ouyr, l'ung apres l'aultre, et
+donner, puys apres, le plus d'advancement qu'elle pourroit au dict
+traicte.
+
+Et n'ay raporte, pour ceste foys, aultre chose de la dicte Dame sinon
+que noz propos se sont terminez gracieusement, et j'ay sceu despuys
+qu'ilz ont eu beaucoup d'effect a la moderer sur tout ce qui peult
+concerner vostre commune amytie et les afferes de la dicte Royne
+d'Escosse. Sur ce, etc. Ce XXXe jour de novembre 1570.
+
+ POUR FERE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ, oultre le contenu des
+ lettres:
+
+ Que d'aulcunes choses, dont la Royne d'Angleterre est en peyne,
+ il y en a principallement trois, qui, a ceste heure, la
+ travaillent: l'ellevation a quoy se sont monstrez promptz ceulx
+ de Lenclastre, ou elle n'ose toucher, de peur que le mal n'en
+ deviegne plus grand et plus universel en son royaulme; la seconde
+ est les afferes de la Royne d'Escosse, lesquelz sont suportez du
+ Roy, et soubstenuz avec tant d'affection par une partie de ses
+ subjectz, et contradictz si opiniastrement par l'aultre,
+ mesmement par les evesques et principaulx de la nouvelle
+ religion, qu'elle ne scayt quel expediant y prendre; la
+ troisiesme est les differans des Pays Bas, desquelz tant plus
+ l'accord s'en prolonge, plus les prinses se deperissent, et elle
+ s'en tient comme responsable, et les commerces cessent, desquelz
+ avoit accoustume de tirer les meilleurs et plus clairs revenuz;
+
+ Et, qui pis est, qu'il semble que ces trois causes se vont
+ confortant l'une a l'aultre, et qu'elles sont pour devenir toutes
+ a ung: a fere quelque grand effect dans ce royaulme, dont la
+ dicte Dame assemble souvant ceulx de son conseil pour y remedier;
+ et je ne scay encores quelles resolutions ilz y mettent, parce
+ qu'ilz les tiennent fort secrectes, mais voycy ce que j'ay aprins
+ de particulier sur chacune des dictes occasions, d'ou se pourra
+ aucunement colliger a quoy elles auront a devenir.
+
+ Un seigneur bien entendu ez afferes de ce royaulme, qui naguieres
+ estoit en conversation avec d'aultres personnaiges de bonne
+ qualite, en ceste ville, leur dict que la Royne, leur Mestresse,
+ estoit a present fort particullierement informee de ce qui se
+ passoit au quartier de Lenclastre; et que ung des principaulx
+ autheurs de l'entreprinse en estoit venu descouvrir si
+ veritablement tout ce qui en estoit, qu'il n'avoit espargne
+ d'acuser son propre pere, et avoit este enferme quatre heures
+ avec le secretaire Cecille, pour luy notiffier les personnes, et
+ luy expecifier les delliberations, et luy ouvrir encores les
+ moyens d'y remedier;
+
+ Et que, sellon son rapport, sembloit que le comte Dherby, deux de
+ ses enfans, et la pluspart de la noblesse du pays se fussent
+ ouvertement soubstraictz de l'obeyssance de la dicte Dame, et
+ eussent declaire de ne vouloir plus respondre a sa justice, ny
+ obeyr a chose qui se fit par son autorite, allegans que Dieu et
+ leur conscience les pressoient de ne recognoistre pour leur Royne
+ et Souveraine celle qui estoit declairee illegitime et interdicte
+ par l'esglize, jusques a ce qu'elle se fut mize hors de
+ l'interdict; et que c'estoit sir Thomas Stanlay, second filz du
+ dict Dherby, qui conduysoit principallement cest affere, lequel
+ se promettoit d'avoir toutz les principaulx de ce royaulme de son
+ parti, hormiz le comte de Betfort, le comte de Huntington et le
+ duc de Norfolc, parce que ceulx la estaient l'un epicurien,
+ l'aultre sacrementaire, et le tiers neutre; et que la dicte Dame
+ estoit pour demeurer en grand peyne de cecy, si de Lenclastre
+ mesmes l'on ne luy eust mande qu'elle ne s'en donnat poinct de
+ peur, car il restoit encores des gens de bien en si grand nombre
+ dans le pays qu'ilz romproyent ayseement les entreprinses de ces
+ papistes.
+
+ J'ay entendu d'ailleurs que ung gentilhomme, que les dicts de
+ Lenclastre avoient envoye devers aulcuns seigneurs des quartiers
+ de deca, leur a dict qu'ilz se mettroient trente ou quarante mil
+ hommes asses promptement ensemble, si eulx se vouloient declairer
+ ouvertement de leur party; et que iceulx seigneurs luy ont
+ respondu qu'ilz ne pouvoient rien fere de eulx mesmes, si le duc
+ de Norfolc n'estoit de la partie, lequel estoit encores dettenu,
+ et ne monstroit qu'il eust vollonte de rien remuer.
+
+ Laquelle responce semble que, sans en rien communiquer au dict
+ duc, ilz l'ayent ainsy expressement faicte a icelluy gentilhomme
+ pour ne se descouvrir a nul anglois, car ilz ne se fyent les ungs
+ des aultres; et que neantmoins semble qu'ilz sont assez deliberez
+ et resolus a l'entreprinse, pourveu qu'elle soit conduicte
+ secrectement, et que le dict duc en veuille estre, et donner
+ parolle qu'il advancera le droict de la Royne d'Escosse au tiltre
+ de ce royaulme, et qu'il promettra que l'exercice de la religion
+ catholique aura cours pour ceulx qui la vouldront avoir; car
+ aultrement ilz aymeroient mieulx que la Royne d'Escosse print le
+ party du plus estrangier du monde que le sien; mais, cella
+ accorde, qu'ilz tiendront l'entreprinse pour bien, fort advancee,
+ en ce que le Pape, et le Roy, et le Roy d'Espaigne les veuillent
+ secourir de six mil harquebouziers seulement, en six divers
+ lieux, qui soient conduicts par gens, qui ne sachent en facon du
+ monde ou ilz vont.
+
+ Aulcuns estiment que le duc de Norfolc n'accepteroit que tres
+ vollontiers les dictes deux conditions, mais il ne peult fere
+ aulcun bon fondement sur ceulx qui se meslent de l'entreprinse,
+ s'estant trouve une foys trop deceu en celle de son mariage; et
+ aussi, qu'estant encores resserre, il estime, possible, qu'il ne
+ se pourroit asses bien prevaloir de ses propres moyens.
+
+ Et d'ailleurs il se sent asses offance d'aulcunes choses, que les
+ principaulx de son intelligence ont execute contre luy, despuys
+ sa detention, mesmement le viscomte de Montagu, lequel a faict
+ tout ce qu'il a peu en faveur de millord Dacres, de qui il a
+ espouse la soeur, pour debouter la niepce, qui est maryee au filz
+ ayne du duc, de toute la succession Dacres; et millord de
+ Lomelay, qui a espouse la fille du comte d'Arondel, de laquelle
+ il n'a poinct d'enfans, voyant que toute la succession de son
+ beau pere va au filz ayne du dict duc, qui est filz d'une aultre
+ sienne fille, il l'induict de vendre, piece a piece, tout son
+ estat et ses terres; dont n'y a bonne intelligence entre les
+ principaulx, qui sont pour fere quelque effect. Par ainsy semble
+ qu'il seroit mal a propos de rien remuer, et le dict duc, de sa
+ part, fonde toute son esperance des afferes de la Royne
+ d'Escosse, au secours et demonstrations du Roy; duquel il dict
+ qu'il veult dependre, et qu'il espere qu'avec une bien mediocre
+ assistance de luy, les choses d'Escosse viendront a estre bien
+ remediees, et ne trouve bon que la dicte Royne d'Escosse ny luy
+ s'embroillent avec les dicts de Lenclastre, lesquelz neantmoins
+ se promettent du dict duc et des aultres principaulx seigneurs du
+ royaulme, et encores des estrangiers, tout secours, quant il en
+ sera besoing; et, attandans cella, ilz ne remuent rien, ny ne
+ sont pareillement recerchez.
+
+ Au regard des afferes de la Royne d'Escosse, les depputez, qui
+ ont este devers elle, ayant faict un tres bon rapport des propos
+ et demonstrations, dont elle leur a use, tendans a une bonne paix
+ et sincere amytie, sans fraulde, entre les deux Roynes et leurs
+ royaulmes, ilz ont ayseement induict la dicte Royne d'Angleterre
+ de vouloir venir en accord; laquelle a miz en consideration ce
+ que aulcuns aultres de son conseil luy ont remonstre, qu'elle
+ avoit desja beaucoup despendu pour les choses d'Escosse, sans
+ avoir rien estably de ce qu'elle pretandoit, et que, quant ceulx
+ du party de la dicte Royne d'Escosse ne viendroient estre qu'a
+ moictie prez secouruz du Roy, de ce que le comte de Mora et
+ celluy de Lenoz l'ont este d'elle, que non seulement ilz
+ deboutteroient leurs adversayres, mais pourroient procurer une
+ dangereuse revenche contre l'Angleterre.
+
+ Ce qui a faict que la dicte Dame s'est fort opposee a ceulx qui
+ vouloient interrompre le trette, lesquelz n'ont heu enfin aulcun
+ plus fort argument que de luy remonstrer que, puysque le Roy
+ s'affectionnoit si fort a le pourchasser, elle debvoit croyre
+ qu'il y pretandoit quelque grand interest, qui ne se descouvroit
+ encores, lequel pourroit bien revenir au dommaige d'elle; et que,
+ quant bien il n'y auroit, a present, sinon ce, qu'il l'a menacee,
+ et qu'il a rudoye son ambassadeur, encores importoit il
+ grandement a sa grandeur et reputation qu'elle ne fist rien pour
+ ceste foys.
+
+ Et a cella faict tant d'impression en l'opinion de la dicte Dame
+ qu'elle s'est cuydee estranger de l'amitye du Roy, et se
+ despartyr de tout bon propos d'avec la Royne d'Escosse.
+ Neantmoins, en ma derniere audience, apres avoir paysiblement
+ escoutte tout ce que je luy ay vollu dire la dessus, conforme a
+ l'intention du Roy, en la plus gracieuse facon et esloignee
+ d'offance qu'il m'a este possible, elle m'a enfin respondu ce qui
+ est desduict en la lettre du Roy.
+
+ Dont ceulx qui sont contraires au trette, voyantz qu'elle
+ inclinoit toutjour de passer oultre, ont advise de l'abstraindre,
+ par la conscience, de ne le vouloir aulcunement fere, que,
+ premier, la Royne d'Escosse n'ayt expressement promiz et fort
+ solennellement jure qu'elle n'innovera rien en la religion, quant
+ elle sera de retour en Escosse, ny pareillement en ce royaulme,
+ si, d'avanture, elle y vient a succeder; et nous a este raporte
+ qu'ilz avoient encores passe oultre a delliberer sur la vie de
+ ceste pouvre princesse; dont en estant venu un tel advertissement
+ a l'evesque de Roz, et s'estant la dessus la dicte Dame trouvee
+ bien mal, nous avons este en grand peur d'elle, et avons miz
+ peyne que d'icy luy a este envoye aulcuns bien bons remedes en
+ fort grande dilligence.
+
+ Or, de ce qui se peult esperer de l'yssue de son faict, je l'ay
+ asses desduict par toutes mes depesches precedentes, et par celle
+ de ceste datte, et que, nonobstant mes traverses, et empeschemens
+ qu'on y faict, qu'il y a grande apparance que le trette succedera
+ avec le temps; et que l'abbe de Domfermelin, lequel, a ce qu'on
+ dict, est venu devant, de la part du comte de Lenoz, pour
+ l'interrompre, ne pourra sinon le retarder quelque peu de jours.
+
+ Quant aulx differans des Pays Bas, ceulx qui ont senty que la
+ dicte Dame se tenoit offancee du coste de France, luy sont venuz
+ mettre en avant qu'en toutes sortes elle debvoit retourner a
+ l'intelligence du Roy d'Espaigne, et ne se soucyer de toutz les
+ aultres accidans du monde. A quoy l'ayans trouvee en general fort
+ bien disposee, ilz ont espere de la pouvoir fere condescendre a
+ ce particullier, de recepvoir une lettre de l'ambassadeur
+ d'Espaigne, et de fere qu'elle luy randroit responce, ou luy
+ accorderoit audience, ou bien envoyeroit quelques ungs du conseil
+ pour tretter avecques luy; et, a la verite, ilz ont trouve moyen
+ de luy fere bien recepvoir la dicte lettre, en laquelle le dict
+ ambassadeur s'est seulement conjouy avec elle de ce que la Royne
+ d'Espaigne, apres avoir este honnorablement convoyee par ses
+ navyres, est arrivee a bon port le IIIIe du mois passe; et n'a
+ touche aulcun autre poinct. Mais, quant il a este question
+ d'avoir la responce, et de passer plus avant avec le dict
+ ambassadeur, elle a respondu qu'il suffizoit, pour ceste heure,
+ qu'on dict a son secretaire qu'elle avoit receu sa lettre, et
+ avoit este bien ayse, comme elle le sera toutjour, d'entendre
+ toutes bonnes nouvelles de la Royne d'Espaigne, sa bonne soeur.
+
+ Sur quoy aulcuns se sont entremiz d'accommoder, et les aultres de
+ traverser l'affere, qui enfin est demeuree en ce, que, si
+ l'ambassadeur avoit quelque lettre de son Maistre pour la dicte
+ Dame qu'il la luy envoyat, et elle adviseroit d'entrer en si bon
+ trette avecques son dict Maistre, qu'elle donroit a cognoistre de
+ n'avoir heu jamais aultre desir que bien conserver son amytie; et
+ que desja elle luy avoit escript trois lettres, despuys ces
+ differans, a nulle desquelles elle n'avoit este respondue, et
+ qu'il importoit beaucoup a sa reputation qu'elle ne parlat ny
+ escripvit plus en ceste affere, jusques a ce qu'elle eust de ses
+ nouvelles.
+
+ Et n'a rien servi de remonstrer a la dicte Dame que le dict
+ ambassadeur pouvoit avoir des lettres de son dict Maistre,
+ lesquelles ne luy estait loysible de presenter que par luy
+ mesmes; car a respondu que si son Maistre ne la pryoit, par une
+ sienne bien expresse lettre, de luy redonner sa presence, qu'elle
+ ne l'y admettra jamais; et qu'il feroit bien d'en envoyer ung
+ aultre, car la souvenance des choses qu'il avoit escriptes
+ d'elle, et de ce qu'il s'estoit mesle de l'eslevation du North et
+ de la bulle, ne permettoient qu'elle le peult avoir jamais
+ agreable.
+
+ Et, sur ceste resolution, elle n'a plus vollu differer d'escripre
+ a son deppute en Flandres, que, si le duc d'Alve ne vouloit
+ admettre la compensation des merchandises, et prendre celles
+ d'Angleterre pour le priz qu'elles ont este vandues par della,
+ qu'il s'en vint; et que, aussitost qu'il seroit icy, il seroit
+ procede a la finalle vante de celles d'Espaigne, dont s'entend
+ que le Sr Thomas Fiesque sera de rechef depesche pour venir
+ accorder ce poinct; et que le duc d'Alve ne s'y opiniastrera; et,
+ quant au principal faict de l'entrecours, que le Sr Ridolfy
+ passera bientost devers icelluy duc, pour mettre en avant quelque
+ bon expediant.
+
+
+
+
+CXLVIIIe DEPESCHE
+
+--du VIIe jour de decembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Guillaume Bernard._)
+
+ Sollicitations pour ramener Elisabeth a de meilleurs sentimens
+ envers la France.--Priere de l'ambassadeur au roi afin de
+ l'engager a faire un plus favorable accueil a l'ambassadeur
+ d'Angleterre.--Maladie subite de Marie Stuart.--Arrivee de
+ quelques-uns des deputes d'Ecosse.--Affaires des Pays-Bas et
+ d'Allemagne.--Prochain depart du cardinal de Chatillon.--Espoir
+ de l'ambassadeur que Leicester, ou quelqu'un des grands
+ d'Angleterre, sera envoye en France a l'occasion du mariage du
+ roi.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, apres vous avoir depesche mon secretaire, le dernier de l'aultre
+mois, j'ay cerche de scavoir en quelle disposition continuoit d'estre
+la Royne d'Angleterre vers Vostre Majeste et vers la Royne d'Escosse;
+et j'ay aprins, Sire, que luy ayant este naguieres parle de l'ung et
+de l'autre, a heure bien propre, et en termes convenables pour luy
+oster l'impression de ces menaces et rigoureuses demonstrations, dont
+son ambassadeur s'est plainct qu'on luy avoit use en France, elle a
+monstre d'avoir beaucoup de regrect que cella fut advenu pour
+interrompre les tesmoignages de la bonne affection, qu'elle se
+preparoit de manifester bientost au monde qu'elle avoit vers Vostre
+Majeste; et encores de celle que, pour l'amour de vous, elle vouloit
+fere sentyr a la Royne d'Escosse; et qu'on scavoit bien qu'elle avoit
+desja propose d'envoyer une ambassade en France, non moins honnorable
+que si elle y eust depesche ung sien propre frere, pour fere la
+conjoyssance de voz nopces et de la venue de la Royne, et pour
+honnorer l'ung et l'aultre, ensemble la Royne, vostre mere, de
+quelques presens, et de vous gratiffier et vous accorder tout ce
+qu'elle eust peu pour la Royne d'Escosse.
+
+Sur quoy luy ayant, l'ung de ceulx qui estoient la presens, asses
+soubdain remonstre qu'elle ne debvoit laysser de le fere pour chose,
+que son ambassadeur luy eust escript, parce que moy, vostre
+ambassadeur par deca, asseurois bien fort que Vostre Majeste n'avoit
+aulcune vollonte de l'offancer, et que mesmes elle pouvoit cognoistre
+qu'encores que vous travaillissiez de satisfere a ce que vous debviez
+a la Royne d'Escosse et aulx Escossoys, vous cerchiez neantmoins de
+n'avoir poinct de guerre a elle; car, d'ung coste, vous pourchassiez
+le trette, et lui declairiez, de l'aultre, qu'au cas qu'il ne succedat
+vous seriez contrainct d'envoyer vostre secours en Escosse; et s'est
+esforce, par ce moyen, de ramener la dicte Dame a sa premiere bonne
+delliberation d'envoyer en France; de quoy elle ne s'est monstree trop
+esloignee. Neantmoins, de tant que sa principalle entente est de fere
+veoir aulx siens que les princes estrangiers l'honnorent et la
+respectent, et que, la ou ilz ne le vouldroient fere, qu'elle a le
+cueur bon pour ne leur rien ceder, affin que cella luy serve pour se
+maintenir en plus d'authorite dans son royaulme, elle a enfin respondu
+que nul ne la debvoit conseiller de porter honneur a celluy qui luy
+vouloit oster le sien, ny de recercher d'amytie celluy qui mesprisoit
+la sienne, et qu'elle abaysseroit par trop la dignite de la couronne
+d'Angleterre, si elle monstroit de fere quelque chose par menaces;
+dont attandroit de veoir comme ses demonstrations de bonne vollonte
+auroient a etre bien receues en France, premier qu'elle advanturast de
+les envoyer offrir.
+
+Sur quoy j'ay este advise, Sire, par ung, qui est bien affectionne a
+vostre service, de vous debvoir escripre que, de tant qu'il ne vous
+peult estre impute que a grande courtoysie de defferer quelque chose
+aulx dames, et que ceste cy n'a, au fondz de son cueur, que tres bonne
+affection de perseverer en toute amytie et intelligence avec Vostre
+Majeste et avec la France; et qu'il est dangier qu'elle s'en retire,
+pour s'adjoindre ung aultre party qui la recerche infinyement, et ou
+vous pourriez estre quelquefoys bien marry qu'elle y eust passe,
+lorsque, possible, vous vouldriez, avec tres grand desir, l'avoir
+reservee du vostre; et que les afferes d'Escosse ne succederont que
+mieulx a vostre desir, et mesmes il vous viendra plusieurs aultres
+commoditez de ceste princesse et de son royaulme, si vous la
+regaignez; que Vostre Majeste fera bien de porter quelque faveur a son
+ambassadeur, et de luy tenir des propos honnestes, et plains d'amytie
+et de bienveuillance vers elle, luy faysant quelque part des nouvelles
+de vostre mariage; et que, estant les choses d'Escosse accommodees,
+ainsy que vous esperiez qu'elles le seroient, par le trette, et dont
+vous la priez que ce soit bientost, que vous pourrez, puys apres,
+vivre en une tres parfaicte intelligence et entiere amytie avec elle;
+et que desja le dict ambassadeur est adverty que s'il vous plait,
+Sire, parler a luy en ceste sorte, que, pour deux motz que Vostre
+Majeste luy en dira, il y ayt a luy en escripre plusieurs de si bons a
+sa Mestresse, qu'il luy face perdre la memoire de ceulx qui luy ont
+faict mal au cueur; et que, si Vostre Majeste avoit agreable de m'en
+fere aussi toucher quelques unes en vostre premiere depesche, qui
+fussent asses expres pour les pouvoir monstrer a la dicte Dame,
+qu'elle en demeureroit tres grandement satisfaicte, et toutes choses
+en yroient mieulx. Dont de tant, Sire, que ce conseil ne peult estre
+que decent a Vostre Majeste, et que ceulx, qui portent icy les afferes
+de la Royne d'Escosse, m'ont prie de le vous fere trouver bon, je n'ay
+vollu faillyr de le vous escripre tout incontinent, et adjouxter,
+Sire, qu'il me semble qu'il ne pourra estre que honneste et utille a
+vostre service d'en user ainsy.
+
+Cependant il est advenu que la Royne d'Escosse est tumbee fort
+mallade, et qu'ayant change d'air et de logis, a Chiffil, pour cuyder
+s'y trouver mieulx, son mal est augmente, de sorte qu'elle a mande a
+l'evesque de Roz de l'aller trouver en dilligence, et de luy admener
+ung homme d'esglize pour l'administrer; lequel est party ce matin pour
+luy aller luy mesme fere ce sainct office, par faulte d'aultre, et a
+mene deux bons medecins, que la Royne d'Angleterre luy a baillez,
+laquelle a escript une bonne lettre a la dicte Dame, qui la consolera
+grandement; car aussi nous a elle mande que son plus grand mal est
+d'ennuy de ses afferes, et que nous ne demeurions en souspecon de
+l'adviz que nous luy avions mande, parce qu'elle a fort bien prins
+toutjour garde a son vivre. Nous estimons que c'est son accoustume mal
+de coste, et que bientost nous aurons meilleures nouvelles d'elle;
+lesquelles, Sire, je vous feray incontinent tenir.
+
+L'abbe de Domfermelin a faict plusieurs vifves remonstrances a la
+Royne d'Angleterre pour rompre le traicte, desquelles elle a este
+asses esmeue; mais enfin elle l'a renvoye pour aller querir les
+aultres depputez du party du regent, avec delliberation de passer
+oultre, monstrant toutesfoys n'estre contante que les depputez, qui
+viennent pour le party de la Royne d'Escosse, ne sont personnaiges
+plus principaulx qu'ilz ne sont: car a entendu que c'est seulement
+l'evesque de Galoa et milord Leviston; mais l'on luy a donne esperance
+que le comte d'Arguil pourra venir, ce qui fera encores quelque
+longueur en cest affere; mais j'y donray toutjour le plus de presse
+qu'il me sera possible.
+
+L'on s'esbahyt qu'il y a plus d'ung mois que nul courrier n'est venu
+de Flandres, mais l'on ne le prend que pour bon signe, de tant
+qu'ayant este escript au deppute, qui est en Envers, d'aller
+incontinent trouver le duc d'Alve a Bruxelles, pour luy proposer la
+derniere offre; et que, s'il y faict nulle difficulte, qu'il s'en
+retourne tout incontinent, l'on estime que le dict duc l'a acceptee,
+et que l'on est meintennant apres a conclurre les chappitres de
+l'accord. J'entendz que le jeune Coban a este licencie de l'Empereur,
+dez le VIIIe du passe, pour s'en retourner devers sa Mestresse; il est
+encores en chemin, mais ung personnaige d'asses bonne qualite,
+allemant, est arrive despuys deux jours, qui se dict ambassadeur du
+duc Auguste de Saxe, duquel je n'ay encores rien aprins de sa
+legation; je travailleray d'en entendre quelque chose. Monsieur le
+cardinal de Chastillon partit hyer de ceste ville pour aller a
+Canturbery, pour estre plus pres du passaige, delliberant d'attandre
+la des nouvelles de son homme, qu'il a envoye en France. Il m'est, de
+rechef, venu visiter, avec plusieurs bonnes parolles de sa devotion
+et fidellite vers vostre service, et qu'il n'a nul plus grand desir au
+monde que de vous en fere, et qu'il espere bientost vous aller bayser
+les mains pour plus expressement le vous tesmoigner. Sur ce, etc. Ce
+VIIe jour de decembre 1570.
+
+ Je pense avoir desja tant rabattu de courroux de la Royne
+ d'Angleterre que, si elle n'envoye le comte de Lestre en France,
+ que au moins y depeschera elle ung aultre milord de bonne
+ qualite.
+
+
+
+
+CXLIXe DEPESCHE
+
+--du XIIIe jour de decembre 1570.--
+
+(_Envoyee jusques a la court par Antoine Jaquet, chevaulcheur._)
+
+ Maladie de Marie Stuart.--Etat de la negociation qui la
+ concerne.--Incertitude sur la negociation des
+ Pays-Bas.--Nouvelles d'Allemagne.--Reclamations relatives aux
+ plaintes des negocians de Rouen et de la Bretagne.--Resolution
+ de la reine d'Angleterre d'envoyer un ambassadeur en France, a
+ l'occasion du mariage du roi.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, il n'est venu aulcunes nouvelles de la Royne d'Escosse despuys
+mes aultres lettres, de devant celles icy, lesquelles sont du septieme
+de ce mois, qui est signe, Sire, qu'elle se trouve mieulx, ou au moins
+qu'elle ne va en empyrant; car son mal est asses tost publie en ce
+royaulme. J'espere que, par mes premieres, je vous pourray mander
+quelque chose de particullier de sa convalescence, sellon que les bons
+medecins, qu'on lui a admene d'icy, et les bons remedes qu'on luy a
+envoyez, luy auront, avec l'ayde de Dieu, peu servir. Cependant l'abbe
+de Domfermelin a fort negocie en ceste court, pour interrompre le
+trette, mais il ne l'a peu fere; dont, voyant que la Royne
+d'Angleterre incistoit toutjour que les depputez de son party
+vinssent, il s'est resolu de les attandre icy, et a depesche ser
+Guilhaume Stuart en poste pour les aller queryr, et pour apporter une
+depesche et responce de la dicte Dame au comte de Lenos. Il estime que
+les comtes de Morthon et de Glames viendront. L'on a opinion que les
+depputez de l'aultre party sont desja a Cheffil avec la Royne
+d'Escosse, leur Mestresse, et que l'evesque de Roz, qui l'est allee
+trouver, les admenera bientost par deca. Je vays, en son absence,
+entretenant, la plus vifve que je puys, la pratique du dict trette et,
+par toutes les sondes que je y fays, je trouve que la resolution
+demeure ferme de passer oultre; non que pour cella, Sire, il ne s'y
+voye beaucoup de difficultez, semblables a celles du passe, et mesmes
+que le comte de Sussex, a son arrivee, y en a seme plusieurs de celles
+qui tesmoignent le regrect, qu'il a, d'estre deppose de sa charge, et
+de ce que son armee luy a este cassee, magniffiant ces derniers
+exploictz d'Escosse, et monstrant combien il seroit facille, et hors
+de dangier, d'y en executer de plus grandz, veu les ordinaires
+empeschemens, que Vostre Majeste et les princes de della la mer ont en
+leurs afferes. Neantmoins l'on pourra juger plus a clair du succez de
+cest affere, quant toutz les depputez seront achevez d'arriver, ce que
+je n'espere devant le huictiesme de janvier.
+
+Il est, coup sur coup, arrive trois courriers de Flandres, qui sont
+allez descendre au logis du secretaire Cecille en ceste ville, ou il
+est encores mallade; qui les a examinez a part, et les a asses tost
+expediez vers la Royne sa Mestresse, sans permettre qu'ilz ayent rien
+publie de leur depesche. Tant y a que j'ay ung adviz d'assez bon
+lieu, que le duc d'Alve, en baillant sa responce au depputte de la
+dicte Dame, ne luy a accepte son offre, ny aussy ne la luy a reffuzee;
+mais il luy a miz en avant d'aultres gracieulx expedientz, par
+lesquelz il faict esperer a ceste princesse, et aulx siens, que non
+seulement le faict de ces prinses, mais aussi celluy du commerce et de
+l'entrecours, et pareillement toutz aultres differans, d'entre le Roy
+Catholique et elle, et d'entre leurs pays et subjectz, se pourront
+facillement accommoder, avant la fin de febvrier, ou au moins, dans
+tout le mois de mars. Je ne scay si elle s'y endormyra, mais ceulx de
+son conseil monstrent qu'il y a une extreme necessite de trafiquer en
+ce royaulme, et pressent bien fort l'ambassadeur d'Espaigne de leur
+ottroyer des passeportz, pour envoyer des navyres et merchandises en
+Biscaye et Andelouzie.
+
+Le jeune Coban est arrive, despuys trois jours, en ceste court, lequel
+n'a passe en ceste ville; dont n'ay encores rien aprins de certain de
+ce qu'il a raporte de sa legation. Il est vray que quelques lettres
+sont venues d'Allemaigne, par lesquelles l'on escript que l'Empereur
+luy a notiffie le mariage de l'archiduc Charles, son frere, avec la
+fille de Baviere, et que cella, avec quelques bonnes parolles
+d'amytie, ont este toute la substance de la responce qu'il luy a
+faicte.
+
+Il a este procede si gracieusement ez choses de Lenclastre, que les
+sires Thomas et Edouart Stanlays et le sire Thomas Gerard, soubz
+parolles de seurete, se sont enfin venuz represanter en ceste court,
+ou le comte de Lestre et le secretaire Cecille leur ont, d'entree,
+monstre grand faveur. Je ne scay quelle sera l'yssue de leur faict. Le
+dict secretaire Cecille m'a envoye, par le Sr de Quillegray, son beau
+frere, la responce, que les maire et eschevins de Londres font aulx
+remonstrances de voz subjectz de Roan, et m'a mande que, si les dicts
+de Roan ne s'en contentent, qu'ilz les apostillent, ou bien qu'ilz
+depputent deux d'entre eulx pour en conferer avec deux aultres de
+Londres, affin de s'en accommoder ensemble. Car sa Mestresse; desire
+que, pour l'honneur de Vostre Majeste, ilz soyent contantes, et le
+commerce continue. Et m'a dict aussi le dict Cecille que, pour
+remedier aulx desordres d'entre la Bretaigne et l'Angleterre, il vous
+playse, Sire, ordonner a Mr de Montpensier de fere une recerche des
+prinses et depredations faictes aux Anglois par della, et y depputer
+des commissaires pour en juger sommairement; et sa dicte Mestresse
+pourvoyra de fere le semblable par deca, pour la restitution des biens
+des Bretons, et qu'aultrement le commerce d'entre les deux pays va
+estre de tout interrompu.
+
+Monsieur le comte de Lecestre m'a envoye dire, ce matin, par ung de
+ses gentishommes, qu'il a continue vers la Royne, sa Mestresse, la
+negociation que j'avois commancee avec luy, suyvant laquelle ayant
+priz en bonne part noz remonstrances, elle s'est resolue de perseverer
+en tous debvoirs de bonne amytie vers Vostre Majeste, et qu'elle
+envoyera une bien honnorable ambassade en France, pour fere la
+conjouyssance de voz nopces et de la venue de la Royne. J'entendz que
+ce sera milord Boucart, parant en mesme degre de la dicte dame qu'est
+milord d'Ousdon. Sur ce, etc. Ce XIIIe jour de decembre 1570.
+
+
+
+
+CLe DEPESCHE
+
+--du XVIIIe jour de decembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._)
+
+ Nouvelles de la sante de Marie Stuart.--Preparatifs de depart de
+ lord Buchard et des seigneurs de sa suite pour assister aux
+ fetes du mariage du roi.--Negociation des Pays-Bas.--Nouvelles
+ d'Allemagne.--Affaires d'Irlande.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, suyvant ce que, en mes precedantes du XIIIe de ce moys, j'avois
+espere de vous pouvoir, par celles de ceste heure, mander de bonnes
+nouvelles de la Royne d'Escoce, il est advenu que Mr l'evesque de Roz
+m'a escript, du XIe de ce moys, tout l'estat auquel il l'a trouvee,
+quant il est arrive vers elle; qui est chose pitoyable a ouyr, mesmes
+que, oultre la complication de beaucoup de malladies, qui la pressent,
+elle est affligee d'ung extreme ennuy de ses afferes, et d'un
+crevecueur trop grand, qu'elle a d'aulcunes mauvaises parolles qu'on a
+aprins au Prince d'Escoce, son filz, de proferer d'elle. Neantmoins,
+par la bonne dilligence et les bons remedes, qu'on luy a use, les
+medecins jugent qu'elle est a present hors de dangier; ce que je vous
+confirmeray, Sire, par mes subsequentes, sellon la certitude qui m'en
+viendra chacun jour. Les depputez de son party ne sont encores
+arrivez, et estime l'on qu'on a change l'ellection, et que le comte
+d'Athil, ou celluy d'Arguil, avec milord Herys, seront envoyes. Leur
+longueur aporte beaucoup de retardement a leurs propres afferes, et a
+ceulx de leur Mestresse.
+
+Cependand milord Boucard se met au plus honneste equipage qu'il peult,
+pour aller trouver Vostre Majeste, et a commande la Royne, sa
+Mestresse, au comte de Rotheland, et encores a vingt chevaliers ou
+gentishommes de sa court, de l'acompaigner, monstrant qu'elle veult
+honnorer, a son pouvoir, ce tant illustre mariage des deux personnes,
+qui sont les plus royalles et de la plus haute extraction de la
+Chrestiente, et d'honnorer encores particullierement la venue de la
+Royne, comme d'une princesse, que, oultre les communes occasions de
+leur mutuelle bienveuillance, elle veult, pour l'honneur de
+l'Empereur, son pere, contracter une fort estroicte et bien fort
+especialle amytie avec elle. Et s'attand bien aussi la dicte Dame que
+Voz trois Majestez Tres Chrestiennes et Messeigneurs voz freres, et
+Mesdames voz soeurs, et pareillement toute la France, luy gratiffierez
+ceste sienne bienveuillance et grande demonstration; laquelle je vous
+puys asseurer, Sire, qu'on me la tesmoigne icy pour une fort grande
+expression du desir, qu'elle a, de perseverer en toute bonne amytie
+avec Vostre Majeste, et d'accommoder encores, pour l'honneur de vous,
+les afferes de la Royne d'Escoce; ce que je remets bien a le voir par
+les effectz. Tant y a que je vous suplie tres humblement, Sire, de
+commander que les choses, qui conviennent a bien et favorablement
+recepvoir une si notable ambassade, soient ordonnees de bonne heure.
+
+Au regard des differans de Flandres, j'entendz que le duc d'Alve a
+faict remonstrer, soubz main, au deppute de la Royne d'Angleterre
+qu'il ne pouvoit, en facon du monde, accepter son offre de prandre les
+merchandises d'Angleterre au pris qu'elles avoient este vandues; car
+il y feroit, par trop, le dommaige de son Maistre, mais qu'il
+s'esforceroit bien de luy fere trouver bon que ce fut sellon qu'elles
+avoient vallu en Envers, ung mois auparavant les saysies, parce que
+l'empeschement, survenu despuys, sur le commun commerce des deux pays,
+les avoit faictes venir beaucoup plus cheres; et que c'estoit ung
+expediant, qui luy sembloit fort raysonnable, et par lequel il
+esperoit qu'on viendroit facillement au moyen d'accommoder les aultres
+afferes du commerce, et de l'entrecours, et de toutz les differans
+qu'ilz pouvoient avoir ensemble; auquel expediant, Sire, semble que
+ceulx cy condescendront, mais, de tant que le dict duc n'en a encores
+rien escript a l'ambassadeur, qui est icy, l'on estime que ce n'est
+matiere bien preste.
+
+Il ne se publie encores rien de la responce, que le jeune Coban a
+raportee de l'Empereur; pourra estre qu'avant mes premieres j'en auray
+aprins quelque chose pour le vous mander, mais, quant a l'allemant,
+qui estoit arrive ung peu devant luy, c'est ung capitaine qui
+s'appelle sire Mans Olsamer, d'Auxbourg, qui desire estre receu au
+service et a la pencion de la Royne d'Angleterre; et, pour tesmoignage
+de sa valleur, il a aporte des lettres de recommendation du duc
+Auguste, et quelque present de coffres d'Allemaigne a la dicte Dame,
+et six belles peres de pistolles au comte de Lestre. L'on estime que
+luy et ung aultre ambassadeur, que le comte Pallatin et le comte de
+Mansfelt en mesmes temps envoye icy, par pretexte de quelque reste de
+payement de reistres, poursuyvent ce que leurs aultres ambassadeurs,
+l'este passe, avoient miz en avant d'une ligue avec ceste princesse,
+dont je mettray peyne d'en entendre ce qui en est.
+
+L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict qu'on avoit icy adviz d'Irlande
+comme les sauvaiges ont surprins ung chasteau sur ung port de mer,
+appartenant au comte d'Esmont, prisonnier en la Tour de Londres,
+lequel la Royne d'Angleterre avoit commis en garde a quelque aultre
+gentilhomme du pays, et que les dicts sauvaiges y ont miz une garnyzon
+de Bretons, de quoy l'on ne m'a encores parle, et je n'en ay poinct
+d'adviz d'ailleurs; ayant au reste, Sire, bien dilligement considere
+ce que Vostre Majeste m'a escript, du premier de ce moys, touchant le
+dict pays, qui est une chose qui se raporte asses bien a ce que je
+vous en manday, dez le XIe de juing dernier; et me semble, Sire, que
+ceulx cy ont meintennant fort oublye la plus grand souspecon qu'ilz
+eussent en cest endroict, car ilz n'ont nul appareil sur mer; et si,
+estiment que l'Espaigne n'est encores bien delivree des Mores, et que
+le Roy Catholique a receu honte et perte en l'entreprinse du Levant,
+n'ayant son armee de rien servy au secours de Nicocye[21], ny rien
+exploicte de bien, en tout le voyage, que la perte de quatre ou cinq
+mil soldatz, et s'est retiree, sans bonne intelligence, d'avec celles
+des aultres allyez. Possible qu'ilz s'endorment ez belles parolles du
+duc d'Alve. J'essayeray de voir, ung peu de pres, ou en sont, a
+present, les choses, affin de vous en escripre plus a certain par mes
+premieres; mais il est requis, Sire, qu'on y ayt principallement
+l'oeil ouvert du coste d'Espaigne et de Flandres; car c'est la, ou
+desja sont passez ceulx qui ont a conduyre l'entreprinse, si aulcune
+s'en faict. Sur ce etc. Ce XVIIIe jour de decembre 1570.
+
+ [21] La ville de Nicosie, malgre les efforts de la flotte
+ combinee des chretiens, fut prise par les Turcs, le 9 septembre
+ 1570.
+
+
+
+
+CLIe DEPESCHE
+
+--du XXIIIe jour de decembre 1570.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais, par Jehan Monyer._)
+
+ Retour de sir Henri Coban de sa mission en Allemagne.--Rapport
+ qu'il fait a la reine de ce qui s'est passe aux fiancailles du
+ roi a Spire.--Conference de l'ambassadeur et de lord
+ Buchard.--Instructions qui ont ete donnees a lord Buchard par
+ la reine d'Angleterre.--Espoir de l'ambassadeur de ramener
+ Elisabeth a une entiere confiance dans le roi.--Convalescence
+ de Marie Stuart.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay fort dilligemment cerche de scavoir si ceulx cy avoient nul
+sentyment de l'aprest, que Vostre Majeste m'a mande par sa lettre du
+premier de ce mois, mais je trouve qu'ilz ne se deffient a ceste
+heure, peu ny prou, de cest endroict, estans en termes de bien
+accorder leurs differans avec le duc d'Alve; et ayant la Royne
+d'Angleterre receu, par le retour du jeune Coban, qui a repasse par
+Flandres, une lettre du Roy Catholique et une aultre du dict duc,
+desquelles, a la verite, je ne scay encores la teneur; tant y a que le
+dict duc luy faict esperer beaucoup de l'amytie de son Maistre, et luy
+promect plusieurs bons offices de sa part; sur quoy elle et les siens
+sont a present endormys. Il est vray qu'ayant la responce, que icelluy
+duc a faicte au deppute d'icy, (laquelle, du commancement, avoit
+semble fort raysonnable), este baillee a examiner aulx gens de lettre
+de ceste ville, ilz l'ont en quelque part trouve captieuse, de sorte
+qu'on estime qu'il y aura encores bien a debattre. Le dict jeune Coban
+a faict ung honnorable rapport des fianceailles de Vostre Majeste,
+lesquelles il a veues cellebrer a Spire, et de la bonne grace, vertu
+et debonairete de la Royne, des vertueulx deportemens de Mr le comte
+de Retz aus dites fianceailles, avec honneur et dignite, et
+pareillement de monsieur le comte de Fiesque, et de toutz les
+Francoys, qui estoient en leur compaignie; et s'est loue des
+honnorables propos, que le dict Sr comte de Retz luy a tenuz de la
+Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et de la faveur qu'il luy a faicte
+particulierement a luy; mais quant aulx aultres contantemens, qu'il a
+raporte de la cour de l'Empereur, j'entendz que sa dicte Mestresse ne
+les a aulcunement goustez, ains qu'elle demeure offancee des
+responces, que l'Empereur luy a faictes; lesquelles j'espere que, par
+mes premieres, je les vous pourray mander.
+
+Lundy dernier, Mr de Valsingan me fit ung somptueulx festin, auquel il
+appella milord de Boucart, le comte de Rotheland, et une trouppe des
+plus habilles hommes de bonne qualite de ceste ville, qui me vinrent
+querir fort honnorablement en mon logis; il me dict qu'il estoit du
+tout depesche pour aller succeder a Mr Norrys, et qu'il me donnoit
+parolle, en homme de bien, de se comporter en telle sorte, en sa
+legation, que Vostre Majeste en auroit tout contentement; et me fit
+toute ceste compaignie une fort honneste demonstration de
+bienveuillance envers la France. Le dict Sr de Boucard me dict, a
+part, que sa Mestresse luy avoit commance de bailler son instruction,
+et que, sans les choses que son ambassadeur luy avoit escriptes, elle
+eust faict fere le voyage par le comte de Lestre, lequel, a present,
+ne pouvoit plus estre ainsy bien prest comme elle le desireroit; bien
+que je luy eusse, a ce qu'elle disoit, desja interprete en si bonne
+sorte ce que Vostre Majeste avoit faict et dict, en l'endroict de son
+ambassadeur, qu'elle en demeuroit fort satisfaicte, mais qu'elle
+vouloit que le dict de Boucart accomplyst si honnorablement ceste
+legation au lieu du dict de Lestre, que Voz Majestez Tres
+Chrestiennes, et toute la France, en puissiez recepvoir le
+contantement, qu'elle desireroit; et luy avoit parle en une facon
+qu'elle monstroit ne vous porter moins bonne affection, que si elle
+vous estoit propre soeur germayne, et qu'elle fut vrayement fille de
+la Royne, vostre mere; et qu'il y en avoit, qui luy conseilloient de
+composer aultrement son langaige, quant il seroit en France, mais
+qu'il n'avoit garde, et qu'il vous representeroit droictement les
+propos de sa Mestresse. Il est, a la verite, ung bien modeste
+gentilhomme, et aussi bien intentionne que j'en cognoisse poinct en
+ceste court, il eust desire que le terme de vostre entree a Paris
+n'eust pas este si court, affin d'avoir plus de loysir de se preparer;
+et luy ay donne quelque esperance qu'elle pourra estre prolongee
+jusques au VIIIe ou Xe de janvier.
+
+Je vays demain trouver la Royne, sa Mestresse, et espere, puysqu'elle
+a commance de bien prandre mes raysons, que je la rameneray aulx
+premiers termes de la bonne amytie, que Vostre Majeste desire
+continuer avec elle, sellon le bon argument que je luy en feray voir
+par vos lettres du XXIIe du passe; et ne larray de luy toucher des
+afferes de la Royne d'Escoce, encores qu'ilz luy soyent toutjours fort
+espineux; et la remercyerai de la consolation, qu'elle luy a donnee
+par ses lettres, en ceste grande malladye ou elle a este, de laquelle
+l'on pense icy qu'elle ne soit encores bien hors de dangier; mais,
+tout presentement, ung sien serviteur, qui est son fruytier, et faict
+l'office d'apoticquaire, et qui la servyt vendredy dernier a son
+disner, m'a apporte certaines nouvelles qu'elle se trouve mieulx. La
+Royne d'Angleterre est apres a l'envoyer visiter par ung gentilhomme
+des siens, et luy envoyer une bague, qu'elle a faicte fere expres,
+pour renouveler quelques merques d'amytie entre elles; et semble qu'il
+ne tient plus qu'aulx depputez d'Escoce qu'on ne procede au traicte.
+Sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de decembre 1570.
+
+
+
+
+CLIIe DEPESCHE
+
+--du XXIXe jour de decembre 1570.--
+
+(_Envoyee jusques a la court par le Sr de Sabran._)
+
+ Audience.--Explication sur le mauvais accueil dont s'est plaint
+ l'ambassadeur d'Angleterre.--Satisfaction de la
+ reine.--Discussion des affaires de la reine d'Ecosse.--Plainte
+ d'Elisabeth au sujet des menaces faites par le roi.--_Lettre
+ secrete a la reine-mere._ Conference du cardinal de Chatillon
+ avec l'ambassadeur; projet de mariage du duc d'Anjou avec
+ Elisabeth.--Commencement de cette negociation.--Declaration de
+ Leicester qu'il favorisera ce projet.--Propos tenu a ce sujet
+ par l'ambassadeur a la reine d'Angleterre.--_Memoire._
+ Proposition du comte de Sussex sur les affaires de Marie
+ Stuart.--Efforts des Anglais pour enlever a la France
+ l'alliance de l'Ecosse.--Poursuites dirigees au sujet des
+ troubles du pays de Lancastre.--Affaires d'Espagne et des
+ Pays-Bas.--Confiance des Anglais dans les promesses du duc
+ d'Albe.--Negociation de sir Henri Coban en
+ Allemagne.--Mecontentement d'Elisabeth contre
+ l'Empereur.--Nouvelle d'un grand armement fait en Espagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay dict a la Royne d'Angleterre que sur la depesche que je
+vous avois faicte par le Sr de L'Aubespine, touchant le
+malcontantement qu'elle avoit des choses, qui avoient este faictes en
+l'endroict de son ambassadeur, Vostre Majeste ne m'avoit guieres vollu
+differer sa responce, en laquelle j'avois trouve tout ce qui s'etoit
+passe avecques luy, le jour dont il se pleignoit; dont me commandiez
+de le represanter a elle par le menu, et que, s'il luy restoit nul bon
+desir, ni aulcune bonne affection envers Vostre Majeste, et si elle ne
+vouloit condempner la franchise et sincerite, dont vous desiriez uzer
+en son endroict, vous esperiez qu'elle n'interpreteroit que a bien
+tout ce qui vous estoit advenu de fere et dire, lors, a son dict
+ambassadeur: et neantmoins, parce que je vous avois mande qu'elle
+desiroit d'en estre satisfaicte, vous n'aviez vollu differer d'en
+mettre la satisfaction dans vostre lettre, et y aviez adjouxte
+l'intention, dont vous aviez parle, des afferes de la Royne d'Escoce,
+et ce que vous en aviez encores sur le cueur; a quoy vous la supliez
+toutjour de pourvoir, et puys veniez, en vostre lettre, a d'aultres
+particullaritez, qui estoient toutes a son contantement; dont, de tant
+que vous y expliquiez si bien vostre intention, que je craignois
+d'offusquer beaucoup la clarte d'icelle, si je la redigoys en mes
+propos, j'avois aporte le propre extraict de vostre chiffre, pour le
+luy monstrer, apres toutesfoys avoir impetre d'elle qu'elle ne
+prendroit, sinon en fort bonne part, tout ce qui y estoit contenu.
+
+La dicte Dame, me remercyant de la communication que je luy vouloys
+fere de vostre depesche, affin d'y comprendre mieulx vostre intention,
+la leust fort curieusement du commancement jusques a la fin, et
+considera de prez toutes les particullaritez qui y estoient contenues;
+et puys me dict qu'elle vouloit bien demeurer contante et satisfaicte
+de ce qu'il vous playsoit, et prendre de bonne part les bons argumens,
+qu'elle voyoit dans vostre lettre, de vostre bonne amytie vers elle;
+mais cella luy faisoit mal que vous l'y colloquiez segonde, apres la
+Royne d'Escoce, bien qu'elle meritast d'estre premiere, et que, si
+vous y aviez touche aulcunes honnestes et bien gracieuses
+particullaritez pour elle, vous y aviez encores plus amplement
+poursuyvy les afferes de la dicte Royne d'Escoce; dont eust desire
+que, au moins ceste foys, vous eussiez oublye d'y mettre le mesmes
+langaige, que vous aviez escript a son dict ambassadeur, mais il y
+estoit tout semblable; et qu'elle voyoit bien que vous ne l'aviez peu
+dire, ny escripre, a luy, ny a moy, sans que vous ne l'eussiez heu
+ainsy dans le cueur; neantmoins qu'elle estimoit que vous luy
+reserviez toutjour une tres bonne affection, ainsy que vous
+l'escripvez; et que, pour le regard de la Royne d'Escoce, elle avoit
+este tres desplaysante de sa malladye, et de ce qu'il sembloit qu'elle
+ne fust encores hors de dangier, neantmoins elle l'envoyeroit visiter
+par ung gentilhomme, affin de luy donner toute la consolation qu'il
+luy seroit possible; qu'elle esperoit que ses depputez seroient
+bientost icy, luy ayant neantmoins mande d'en fere venir de plus
+capables que ceulx qui avoient este nommez, car c'estoit derrision
+d'envoyer ceulx la; et, qu'aussitost qu'ilz seroient venuz, des deux
+partys, qu'on procederoit au trette, auquel, quant a ce que Vostre
+Majeste me commandoit de prendre garde qu'il n'y fut rien faict a
+vostre prejudice, qu'elle ne le pretandoit aulcunement, mais seulement
+de fere que la Royne d'Escoce ne luy nuysit poinct a elle; au regard
+de voz nopces, qu'elle avoit receu ung singulier playsir d'en entendre
+l'honnorable recit, que je luy en avois faict, et qu'elle se delectoit
+de les ouyr cellebrer et magniffier, comme les plus honnorables de
+nostre temps; (es quelles n'avoit este besoing de dispence, ainsy que
+aulx aultres, ou sembloit qu'enfin le Pape permettroit de se mesler
+avec les propres soeurs); et qu'elle les envoyeroit honnorer et
+aprouver encores de sa part, par ung de ses barons, qui estoit son
+parant fort prochain du coste de sa mere, lequel elle avoit
+expressement choisy a cest effect pour vous contanter; et vous pryoit,
+Sire, de le vouloir bien recepvoir, et l'accepter avecques faveur; et
+vous remercyoit, au reste, de tout son cueur, de ce que, pour vous
+avoir desire toute felicite en vostre mariage, et avoir invoque la
+benediction de Dieu sur icelluy, vous luy en avez souhayte ung pour
+elle, qui fust a son contantement, chose qu'elle s'asseure que vous
+luy vouldriez procurer de bonne affection, et elle aussi y vouldroit
+suyvre tres vollontiers vostre jugement, sellon qu'elle s'asseuroit
+que vous luy vouliez beaucoup de bien, si elle en venoit a cella; et
+qu'au reste elle n'avoit poinct doubte de l'establissement de la paix
+de vostre royaulme, neantmoins qu'elle estoit infinyement bien ayse de
+vous voir bien resolu de la maintenir, et que toutz vos subjectz se
+rangeassent, comme ilz faisoient, a bien exactement l'observer.
+
+Toutz lesquelz bons propos, Sire, elle a estenduz en plusieurs
+honnestes termes d'amytie et de bonne affection envers Voz Majestez
+Tres Chrestiennes et au plaisir, qu'elle disoit participer avec celluy
+qu'elle jugeoit fort grand, et quasi incroyable, de la Royne, vostre
+mere, sur les prosperitez qu'elle voyoit aujourduy en ses enfans et en
+la France; ce que j'ay suyvy avec les meileures parolles, que j'ay
+estime convenir a vostre grandeur et a l'honneur et dignite du present
+estat de voz afferes; et me suys ainsi licencie d'elle.
+
+Or, Sire, le comte de Lestre m'a faict une ouverte demonstration de
+la bonne intelligence, en quoy la dicte Dame veult demeurer avec
+Vostre Majeste, mais que voz ennemys luy objectent que ce n'est de la
+dignite de sa couronne, ny de l'honneur de son royaume, qu'elle se
+laysse aller a voz menaces sur les afferes de la Royne d'Escoce, et
+qu'il me vouloit dire que la dicte Dame avoit heu mille et mille foys
+plus de respect a vous pour la Royne d'Escoce, que non pas a elle, et
+que je pouvois dire qu'en vostre nom j'avoys tire son affere hors des
+abismes, neantmoins qu'elle en vouloit bien avoir le gre et l'honneur,
+et que tout seroit gaste, si l'on y procedoit par rigueur; dont ayant
+Vostre Majeste a proceder en cella avecques une femme, desiroit qu'il
+vous pleust luy uzer de toutes agreables parolles, et encores de
+gracieuses prieres, et qu'avec ceste courtoysie le dict sieur comte
+esperoit de vaincre les adversayres de ceste cause, lesquelz il estoit
+incroyable combien ilz lui avoient donne de peyne jusques icy. Et sur
+ce, etc. Ce XXIXe jour de decembre 1570.
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre a part._)
+
+Madame, j'ay a dire a Vostre Majeste touchant le particullier de la
+petite lettre du XXIe de novembre que, quant Mr le cardinal de
+Chastillon a repasse en ceste ville, en s'en retournant d'Amptome, il
+m'est venu visiter pour satisfere, a ce qu'il dict, a son debvoir
+envers Voz Majestez, et a curieusement examine de quelle intention
+Elles et Monseigneur estoient en l'entretennement de la paix, et si
+elles se vouloient poinct tirer hors de la subjection du Roy
+d'Espaigne et des aultres princes, qui tirannisent vostre couronne,
+et si Mon dict Seigneur estoit si avant au party de la princesse de
+Portugal qu'il ne peult entendre a celluy de la Royne d'Angleterre,
+lequel, s'il le vouloit, se pourroit meintennant conduyre, estendant
+son propos en plusieurs aultres choses, lesquelles revenoient toutes a
+ces trois poinctz.
+
+Je luy ay respondu, quant a la paix, qu'il ne doubtat que Voz Majestez
+et Monseigneur ne la rendissiez stable et de duree, jouxte l'edict,
+qui en avoit este faict, pourveu que eulx, de leur coste,
+l'observassent; que vostre delliberation estoit de fere voz afferes,
+sans dependre de nul aultre prince, mais qu'il seroit bien dangereux,
+a la fin de ceste guerre des Protestans, d'en laysser renoveller une
+des Catholiques, veu l'intelligence que luy mesmes disoit que les
+aultres princes avoient dans le royaume; par ainsy qu'il vous failloit
+laysser bien establyr, et qu'il considerat combien il avoit este
+besoing que Voz Majestez et Mon dict Seigneur eussiez use d'une ferme
+et constante vertu, et d'une grande magnanimite, a fere ceste paix,
+estant assez contradicte de toutz les aultres princes catholiques;
+que, touchant la Royne d'Angleterre, elle avoit toujour monstre ne
+vouloir poinct de mary, ou de ne vouloir entendre a nul autre que a
+l'archiduc; mais si, a ceste heure que Mon dict Seigneur estoit en
+fleur d'eage, et florissant en toutes vertuz, aultant et, possible,
+plus que nul prince de la Chrestiente, elle trouvoit bon de
+l'espouser, je ne faisois doubte que luy et Voz Majestez, et toute la
+France, embrassissiez ce party avec toute affection, comme le plus
+grand et le plus honnorable de toutz les aultres, et duquel j'estimois
+qu'adviendroit plus de reconcilliation au monde, plus de paix a la
+France, et plus de terreur aulx ennemys d'icelle, que de nulle chose,
+qu'il se peult aujourduy mettre en avant.
+
+Ce qu'il monstra de recepvoir avec affection et d'en demeurer bien
+fort consolle; et s'en retourna, puys apres, au logis du comte de
+Lestre, ou il fut tout le soir en privee conference avecques luy:
+puys, le matin, il me manda qu'il esperoit que noz propos produyroient
+quelque bon effect.
+
+Peu de jours apres, ainsi que j'etois bien mallade, le Sr Guydo
+Cavalcanty me vint, par forme de visite, en mon lict entretenir d'ung
+grand circuyt de bonnes parolles; lesquelles il fit tumber sur Mon
+dict Seigneur, et que le mariage de l'archiduc avec la fille de
+Baviere, l'indignation, que la Royne d'Angleterre en avoit prins, et
+ce qu'elle vouloit bien monstrer qu'elle estoit pour trouver aussi bon
+party que le sien; et puys les differans des Pays Bas, ceulx de la
+Royne d'Escoce, la paix de la France, l'accommodement qui se pourroit
+fere de Callais, s'il y avoit enfans, la disposition venue de
+Monsieur, qui estoit desja homme, celle qui commanceroit doresenavant
+de passer de la dicte Royne d'Angleterre, estoient toutes influances
+pour fere effectuer, ceste annee, ung bien heureux mariage entre eulx;
+et que, si je le trouvois bon, il en mettroit quelque chose, comme de
+luy mesmes, en avant au secretaire Cecille, avec de si bonnes
+considerations, qu'il esperoit qu'elles auroient effect, me priant de
+fere entendre ceste sienne bonne intention a Vostre Majeste.
+
+Auquel Cavalcanty, parce que je le cognoissois fort de ceste court, et
+que c'estoit luy qui avoit toutjour entretenu le party de l'archiduc,
+je respondiz que le propos me sembloit si honnorable et si
+advantaigeux pour Monseigneur, que j'avois ung grand playsir qu'il me
+l'eust miz en avant, et que je ne fauldrois d'en donner adviz a
+Vostre Majeste, ne voyant qu'il y peult avoir que tout bien d'en
+entamer telz propos, comme il les scauroit bien penser et bien
+sagement conduyre, car je le reputois pour ung expecial serviteur de
+Vostre Majeste et bien affectionne a la France; que, pour ma part, ne
+saichant, a present, en quelle disposition vous en pouviez estre, je
+ne luy pouvois dire sinon que, de toutz les partys, dont je vous avois
+ouy fere grand cas; mesmes pour le Roy vostre filz, vous aviez
+toutjour estime le plus grand et le plus digne celluy de la Royne
+d'Angleterre; et que sur ung tel fondement se pourroit bien establyr
+une bonne alliance, si l'on s'y disposoit du coste de deca.
+
+A trois jours de la, le dict Cavalcanty me revint trouver, qui me dict
+avoir desja ouvert ce bon propos au dict secretaire, et qu'il l'avoit
+receu avec affection, mais que, ayant este longtemps mallade, sans
+avoir veu sa Mestresse, il ne l'avoit peu suyvre; mais il l'avoit prye
+de l'aller trouver a Amthoncourt, aussitost qu'il y seroit, et qu'ilz
+en tretteroient plus amplement.
+
+Despuys cella, Madame, j'ay este au dict Amthoncourt, ou me trouvant a
+part avec le comte de Lestre, apres d'aultres discours, je luy ay dict
+tout ouvertement qu'ung personnaige de bonne qualite, lequel
+toutesfoys je ne luy ay point nomme, m'avoit tenu le susdict propos,
+lequel j'avois receu avec honneur et respect, mais que je n'en voulois
+user sinon ainsy qu'il me conseilleroit; car je scavois que Voz
+Majestez le reputoient comme conseiller et protecteur de tout ce que
+vous auriez a fere en ce royaulme, et que, si quelque chose debvoit
+advenir de cella, vous ne vous en vouldriez jamais adresser qu'a luy.
+Lequel me respondit qu'il y avoit plusieurs jours qu'il avoit desire
+de conferer avecques moy de cest affere, sur ce qui en avoit este
+desja miz en termes par le vydame de Chartres et par d'aultres, mais,
+plus expressement que par nul, par Mr le cardinal de Chastillon, qui
+avoit parle si haultement des grandes qualitez de Monsieur, comme le
+cognoissant bien, qu'il l'avoit faict le plus desirable prince de la
+terre; que, de sa part, il s'estoit toutjour oppose au party
+d'Austriche bien que, en aparence, utille a sa Mestresse, mais
+puysqu'elle estoit resolue de n'entendre a celluy de nul de ses
+subjectz, qu'il se vouloit sacriffier pour conduyre celluy de
+Monsieur; et qu'il y vouloit proceder en telle facon que ung esgal et
+mutuel advantaige fut garde aulx deux, affin de ne fere naistre d'ung
+tel pourchaz d'amytie aulcune matiere d'offance, comme il voyoit bien
+qu'il en restoit quelcune asses grande du propos de l'archiduc, et
+qu'on estoit pis que jamais avec le Roy d'Espaigne, nonobstant les
+bonnes lettres, que luy et le duc d'Alve avoient naguieres escriptes;
+et que, en brief, il viendroit expres a Londres pour me festoyer en sa
+mayson, et pour tretter amplement de cest affere avecques moy; duquel
+il estoit d'adviz que je touchasse cependant quelque mot a la Royne,
+sa Mestresse; et qu'il esperoit que, sur ceste occasion, se dresseroit
+ung voyage pour luy en France, puysqu'il avoit failly ceste foys d'y
+aller; et qu'il avoit ung infiny desir d'aller bayser les mains a Voz
+Majestez, comme recognoissant le Roy pour son superieur, a cause de
+l'honneur, qu'il luy avoit faict, de son ordre.
+
+Et de ce pas il me mena en la chambre privee de sa Mestresse, ou je la
+trouvay mieulx paree que de coustume, et qui monstra qu'elle
+s'attandoit bien qu'en luy parlant des nopces du Roy, je luy en
+desirerois une pour elle; a quoy elle m'achemina, par aulcuns siens
+propos, sur lesquelz enfin je luy diz qu'il me souvenoit bien de ce
+qu'elle m'avoit asseure de n'avoir poinct faict de veu de ne se maryer
+pas, et que le plus grand regrect qu'elle eust estoit de n'avoir pense
+de bonne heure a sa posterite, et qu'elle ne prendroit jamais party,
+qui ne fut de mayson royalle, convenable a sa qualite; sur quoy je
+serois marry qu'elle m'estimat si mal abille que je n'entendisse bien
+que cella quadroit merveilleusement bien en Monseigneur, frere du Roy,
+comme en celluy, lequel j'osois (sans passion ny flatterye) reputer le
+plus acomply prince, qui aujourduy vesquit au monde pour meriter ses
+bonnes graces; et que je me reputerois le mieulx fortune gentilhomme
+de la terre, si je pouvois intervenir a quelque commancement d'une si
+heureuse alliance, qui peult revenir a bon effect; car j'en
+demeurerois cellebre a toute la posterite.
+
+La dicte Dame receust merveilleusement bien ce peu de motz, et me
+respondit que Monsieur estoit de telle estime et de si exellante
+qualite qu'il estoit digne de quelque grandeur qui fut au monde, et
+qu'elle croyoit que ses pensees estoient bien logees en plus beau lieu
+qu'en elle, qui estoit desja vieille, et qui, sans la consideration de
+la posterite, auroit honte de parler de mary, et qu'elle estoit desja
+de celles dont on vouldroit bien espouser le royaume, mais non pas la
+royne, ainsy qu'il advenoit souvent entre les grandz, qui se maryoient
+la pluspart sans se voir; et que ceulx de la mayson de France avoient
+bien reputation d'estre bons marys, a bien fort honnorer leurs femmes,
+mais a ne guieres les aymer. Et suyvyt asses longtemps ces propos avec
+toutes les plus honnestes et favorables parolles, qui se pouvoient
+respondre a ung, qui monstroit ne parler aulcunement que de luy
+mesmes, et sans aulcune charge. Dont ne fault doubter, Madame, que ce
+qui en seroit meintennant miz en avant ne fut receu d'elle, et
+embrasse de tout son royaulme, avec affection; mais je ne puys juger
+encores si elle l'acomplyroit par apres, car souvent elle a promiz a
+ses Estats de se maryer, et puys elle a trouve moyen d'en prolonger et
+interrompre les propos. Neantmoins, de tant qu'on imputera a une tres
+grande faulte a la France d'avoir laysse eschapper ung si grand party,
+comme est cestuy cy, qui semble se presenter a Monseigneur, je
+desirerois que vous l'eussiez desja dispose de le vouloir; et que, sur
+ce qui en est desja entame entre Mr le comte de Lestre et moy, Vostre
+Majeste me commendast de passer oultre, et me prescript la forme comme
+j'aurois a le fere: car il me semble bien que ce sera a nous (si l'on
+en vient la) de parler les premiers, mais qu'il fauldroit qu'ilz y
+respondissent si clairement que l'affere fut plus tost conclud que
+divulgue, a cause des jalouzies, traverses et inconvenians, qui y
+pourroient survenir; et puys apres, l'on y pourroit bien adjouxter les
+ceremonyes et respectz qui y seroient necessaires pour honnorer
+l'acte; surtout je prendray garde, aultant qu'il me sera possible, que
+n'y soyez trompez ny remiz a nulle longueur. Sur ce, etc.
+
+ Ce XXIXe jour de decembre 1570.
+
+ Encores tout presentement, je viens de recepvoir adviz, de bon
+ lieu, que le susdict propos commence de prendre icy grand
+ fondement; dont je continueray d'en escripre toutjour quelque
+ mot, a part, a Vostre Majeste; mais il n'y a rien plus requis que
+ de tenir la matiere secrecte.
+
+ ADVERTYRA LE DICT DE SABRAN LEURS MAJESTEZ, oultre le contenu des
+ lettres:
+
+ Que milord de Sussex a propose, a son arrivee, de fort mauvais
+ conseilz contre les afferes de la Royne d'Escoce, remonstrant
+ qu'avec quatre centz mil escuz, qui ont este employez ceste
+ annee, par ses mains, contre les Escoucoys, il a bien chastie
+ ceulx d'entre eulx, qui avoient ose offancer la Royne, sa
+ Mestresse, en retirant et supportant ses rebelles; et qu'il avoit
+ estably aulx aultres un regent a sa devotion; et releve si bien
+ la part du jeune Roy, que ceulx de l'aultre party ne faisoient
+ plus que ce qu'il leur ordonnoit, et les avoit presque rengez a
+ se soubsmettre a luy; et que, pendant que le Roy Tres Chrestien
+ estoit encores bien laz des guerres civiles de son royaulme, et
+ les aultres princes de della la mer asses empeschez, chacun en
+ son estat, il s'esbahyssoit comme la Royne, sa Mestresse, se
+ retranchoit ainsy court a elle mesmes son entreprinse, de ne se
+ saysir de l'Escoce, comme il luy avoit facillite la voye de ce
+ fere, et de pouvoir establyr par la ung repos en ceste isle;
+ lequel aultrement il n'esperoit l'y veoir jamais bien asseure,
+ mesmement si la Royne d'Escoce estoit restituee; et qu'on ne
+ pouvoit donner ung plus loyal conseil a la Royne, sa Mestresse,
+ que d'interrompre ce propos encommance, et de luy fere poursuyvre
+ chauldement, a ce prochain printemptz, son entreprinse de
+ renvoyer l'armee en Escoce; car s'asseuroit dans peu de jours, la
+ randre maistresse de Lislebourg, Esterlin et Dombertrand, et de
+ forclorre aulx Francoys leur descente et retrette au dict pays;
+ lesquelz aussi, sellon son opinion, n'avoient, a present, guieres
+ a cueur les choses de deca la mer, se trouvant seigneurs de
+ Callais.
+
+ Auquel conseil s'estantz joinctz ceulx, qui avoient toutjours heu
+ le mesmes adviz, ilz ont euyde traverser grandement toutz noz
+ afferes; mais la Royne mesmes n'a monstre qu'elle y inclinast; et
+ aulcuns seigneurs plus moderez ont remonstre au dict de Sussex
+ qu'il y avoit plus de dangier et d'inconveniant, en ceste
+ entreprinse qu'il n'y en voyoit, de sorte qu'il n'est demeure
+ bien ferme en son opinion. Il est vray que l'abbe de Domfermelin
+ est fort ordinaire en sa compaignye, ce qui le nous rend toutjour
+ asses suspect, mais l'evesque de Roz, avant partyr, luy est alle
+ remonstrer plusieurs choses, par lesquelles il l'a ramene a ceste
+ rayson que, s'il se pouvoit establyr quelque bonne seurete entre
+ les deux Roynes, il confessoit, veu la proximite d'elles, et le
+ droict de la future succession a celle d'Escoce, que le plus
+ expediant seroit de la restituer; mais n'a parle que
+ condicionnellement, et par difficultez, avec un desir tres
+ ambitieux de demeurer en charge; et qu'en tout evenement, il
+ failloit que la dicte Dame quictast l'alliance de France pour en
+ fere une nouvelle et perpetuelle avec la Royne d'Angleterre.
+
+ A quoy le dict evesque luy a remonstre qu'il estoit impossible de
+ ce fere, et qu'il ne seroit honneste ny proffittable a la Royne
+ d'Angleterre de le requerir, joinct que, si elle pressoit de
+ cella sa Mestresse, elle la presseroit a elle de renoncer a
+ l'alliance de Bourgoigne. A quoy il a soubdain respondu que Dieu
+ vollust garder sa Mestresse d'un si dangereux conseil, comme de
+ quicter les anciennes alliances de sa couronne, mais qu'il
+ n'estoit de mesmes a ceste heure, en l'endroict de la Royne
+ d'Escoce, parce qu'il falloit qu'elle print la loy de la Royne
+ d'Angleterre. Tant y a que, despuys, il semble que, a cause du
+ duc de Norfolc, le dict de Sussex se soit ung peu modere; et
+ toutjour le comte de Lestre et le secretaire monstrent perseverer
+ droictement a vouloir que l'accord succede par le traicte; dont
+ nous vivons en meilleure esperance.
+
+ Et ceste honnorable ambassade, que la Royne d'Angleterre envoye
+ meintennant en France, monstre qu'elle n'a le cueur esloigne de
+ cella; mesmes Mr le cardinal de Chastillon m'a asseure, ceste
+ derniere foys qu'il m'est venu visiter, qu'il scavoit
+ certainement que la resolution estoit prinse, entre la dicte Dame
+ et ceulx de son conseil, de restituer la Royne d'Escoce, mais que
+ je ne m'esbahysse de la longueur; car elle estoit naturelle a
+ ceulx cy, sellon que luy mesmes l'avoit esprouve; et que, despuys
+ l'aultre foys qu'il avoit este avecques moy, ayant considere, par
+ les choses que Mr de Roz et moy luy avions desduictes, que le Roy
+ avoit grand interest a la restitution de la dicte Royne d'Escoce,
+ il en avoit parle si a propos a la Royne d'Angleterre qu'il
+ l'avoit fort disposee d'y prendre quelque bon expediant. Ceulx
+ aussi, a qui cest affere est aultant a cueur en ceste court comme
+ leur propre vie, m'asseurent qu'il ne tient plus qu'a la venue
+ des depputez d'Escoce qu'on ne passe oultre a conclurre le
+ traicte, et m'ont faict advertyr de suplier Leurs Majestez Tres
+ Chrestiennes de fere, en cest endroict, l'office que j'ay donne
+ charge au Sr de Sabran de leur dire.
+
+ Le sire Thomas Stanlay a este ouy et examine eu ce conseil sur
+ les mouvemens de Lenclastre; et puys son frere Edouart apres luy,
+ et le sir Thomas Gerard, apres, en presence de toutz deux, leur
+ estant remonstre qu'ilz proposoient ung tres mauvais exemple
+ d'eulx au dict pays de ne se ranger a la forme de religion, qui
+ estoit ordonnee, sellon les parlemens, a la tranquillite publique
+ du royaulme; et que, s'ilz ne s'y deportoient plus sagement, la
+ Royne, leur Mestresse, ne pourroit de moins que proceder contre
+ eulx par la voye de justice; et, pour ceste foys, ne leur ont
+ touche que ce point de la religion. A quoy ils ont respondu
+ qu'ilz estoient personnaiges qualiffiez, et bien cautionnez en ce
+ royaulme, et que, s'ilz se fussent sentys coulpables d'aulcune
+ chose envers la Royne et son estat, qu'ilz ne fussent point
+ venuz, et qu'ilz avoient, en toutz leurs actes, toutjours procede
+ en fort gens de bien, dont les requeroient qu'ilz ne vollussent
+ prendre aulcune mauvaise opinion d'eulx, ny rien ordonner a leur
+ prejudice, que leurs accusateurs ne fussent presens, car ils
+ s'asseuroient de leur bien respondre, et de se bien justiffier
+ devant eulx. Ilz sont encores a la suyte de la court, et
+ cependant est venu nouvelles que celluy, qui les avoit defferez,
+ est mort de quelque accidant fort soubdain et fort estrange.
+
+ J'ay faict dire, de loing, a aulcuns, qui ont parfaicte
+ cognoissance des choses de ce royaulme, que j'avois entendu que
+ la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil avoient toutjours
+ heu pour suspect le retour de l'armee d'Espaigne, et qu'il
+ sembloit qu'a ceste heure ilz en fussent en plus grand doubte que
+ jamais; dont je les pryois de me mander en quoy ilz estimoient
+ que les choses en fussent. Lesquelz m'ont respondu quasi
+ conformement, de plusieurs endroictz, qu'a la verite l'on estoit
+ en asses de deffiance du coste d'Espaigne et de Portugal, tant a
+ cause des prinses de l'an 1569, que de ce que les fuytifz de ce
+ royaulme s'etoient retirez vers le duc d'Alve; et que Estuqueley
+ estoit passe devers le Roy Catholique pour l'inviter a quelque
+ entreprinse en l'Yrlande, ainsy qu'il estoit homme pour le luy
+ scavoir imprimer et pour se offrir a la conduyre; et que ung
+ itallien, nomme Lotini, lequel ceste Royne entretennoit en
+ Yrlande, avoit este naguieres chasse pour souspecon, qu'on avoit
+ heu, qu'il s'entendit avec le dict Estuqueley; neantmoins que la
+ dicte Dame et toutz ceulx de son conseil demeuroient fermement
+ persuadez que le Roy d'Espaigne ne romproit jamais avec eulx,
+ tant qu'ilz seroient saysys des merchandises et deniers qu'ilz
+ ont prins sur luy, car il auroit aultant perdu; joinct qu'ilz
+ estoient si avant en traicte avec le duc d'Alve, qu'ilz
+ attendoient plustost accord que guerre de son coste; et que l'on
+ estoit apres a y regarder de si pres, qu'on estimoit bien qu'il
+ ne seroit rien laysse en differand, d'ou l'on en peult venir cy
+ apres aulx armes. Par lesquelles responces se peult asses
+ cognoistre que ceulx cy ne sont bien aperceuz des appareilz
+ d'Espaigne ni de Portugal; ce qu'ilz monstrent encores mieulx par
+ le peu de prevoyance qu'ilz donnent aulx choses de la guerre; car
+ je n'ay entendu qu'ilz ayent, pour encores, ordonne aultre chose
+ que aulx pourvoyeurs de la marine de scavoir ou prendre
+ l'avitaillement pour vingt cinq navyres, dans quinze jours, quant
+ il leur sera commande.
+
+ Tant y a que le duc d'Alve, par les difficultez qu'il faict
+ naistre, l'une apres l'aultre, en ces differans des prinses, et
+ qu'il ne se haste de parler guieres expressement de l'accord du
+ commerce, et de l'entrecours, monstre qu'il vouldroit, en quelque
+ facon, s'asseurer des dictes prinses, lesquelles montent a grand
+ somme; et puys essayer de se revencher; dont il va temporisant et
+ entretennant ceulx cy de parolles et de bonnes esperances, affin
+ qu'ilz n'y preignent garde. Et je scay, a la verite, qu'il a
+ naguieres envoye, par le jeune Coban, une lettre du Roy, son
+ Maistre, a la Royne d'Angleterre, en laquelle son dict Maistre
+ rend seulement ung fort grand et fort expres grand mercys a la
+ dicte Dame pour l'honnorable convoy qu'elle a faict fere par ses
+ grandz navyres a la Royne, sa femme, passant en ceste mer; et ne
+ touche nul aultre poinct, ni mesmes luy faict aulcune mencion des
+ trois lettres, que la dicte Dame luy a escriptes, despuys les
+ dictes prinses; et, par mesme moyen, le duc d'Alve luy en a
+ escript une, de sa part, pour accompaigner celle de son Maistre,
+ et pour prendre conge d'elle, et l'exorter a l'entretennement de
+ la paix et de l'alliance avec son dict Maistre, avecques grandz
+ offres de s'employer droictement a le randre de mesmes bien
+ dispose envers elle.
+
+ Quant au voyage du dict jeune Coban a Espire, l'on m'advertyt,
+ avant son partement, qu'il y alloit pour renouveller le propos de
+ l'archiduc Charles, mais ce n'estoit que une demonstration, que
+ la Royne d'Angleterre vouloit faire pour s'en prevaloir en ses
+ presens afferes de dehors et de dedans son royaulme, et qu'en
+ effect l'envye ne luy estoit crue de se maryer; mesmes que n'y
+ ayant le comte de Sussex rien advance, quant il y alla, encores
+ estoit il a croyre que ung jeune gentilhomme de nulle authorite,
+ qui a peyne avoit poil en barbe, y feroit a ceste heure encores
+ moins.
+
+ Tant y a qu'avec plusieurs aultres propos d'amytie le dict Coban
+ a propose a l'Empereur que sa Mestresse l'avoit envoye vers luy
+ pour continuer la mesmes negociation, que, trois ans a, le comte
+ de Sussex luy avoit commance; a laquelle elle n'avoit, plus tost
+ qu'a ceste heure, peu randre responce, pour avoir este souvent
+ despuys asses mallade, et pour les guerres de France, Flandres et
+ aultres empeschemens, qui estoient jusques en son propre pays
+ survenuz; mais qu'elle n'avoit toutesfoys, en differant la
+ responce, pense de rien interrompre au propos de l'archiduc son
+ frere, et que, s'il luy playsoit de passer meintennant en
+ Angleterre, il y seroit le tres bien venu, et qu'estant reste
+ tout le differant sur sa religion, elle esperoit que ses subjectz
+ y consentyroient qu'il eust, pour luy et les siens, si ample
+ exercice d'icelle qu'il en demeureroit contant.
+
+ Lequel propos le dict Empereur monstra recepvoir de bonne part,
+ et print temps de luy respondre, affin d'advertyr l'archiduc son
+ frere; et enfin la responce a este que luy et son dict frere
+ estoient bien marrys que la bonne intention de la dicte Dame leur
+ eust este si tard notiffiee; de laquelle ilz luy demeureroient
+ neantmoins bien fort obligez; et que son dict frere n'avoit peu
+ penser de moins, luy differant, elle, trois ans sa responce,
+ sinon qu'il n'estoit accepte; dont il avoit regarde a ung aultre
+ party, et desja s'y estoit oblige avec une princesse, sa parente,
+ catholique, avec laquelle il n'auroit point de different pour sa
+ religion; qu'il luy vouloit dire, encores une aultre foys, qu'il
+ avoit grand regrect que l'ocasion n'eust este acceptee de toutz
+ deux, quant elle s'estoit presentee, et qu'il ne lairroit
+ pourtant de demeurer tres bon amy et comme frere a la dicte Dame;
+ laquelle il vouloit au reste exorter, pour son bien, de vivre en
+ bonne paix avec les princes, ses voysins; dont estant meintennant
+ les deux plus grandz ses gendres, il auroit grand playsir qu'elle
+ se deportat comme bonne soeur avec eulx, et qu'il la vouloit
+ advertyr que de la dependoit sa seurete et celle de son estat. Et
+ avec ces honnestes parolles, et quelque present de vaysselle
+ d'argent, il a licencie le dict Coban.
+
+ Laquelle responce n'a peu, en facon du monde, estre bien goustee
+ ny bien prinse de la dicte Dame, laquelle en demeure offancee
+ jusques au cueur; et ne s'est peu tenir de dire que l'Empereur
+ luy faisoit injure, et que, si elle estoit aussi bien homme comme
+ elle est femme, qu'elle le luy redemanderoit par les armes. Sur
+ quoy il m'est tombe entre mains une lettre d'ung seigneur de
+ ceste court qui mande aussi a ung aultre:--"La cause du dueil et
+ facherie de nostre Royne est asseureement le mariage de
+ l'archiduc Charles avec la fille de sa soeur, la duchesse de
+ Baviere, soit ou que veritablement elle eust assis son amour et
+ fantasie en luy; ou bien qu'elle est marrye que sa beaulte et sa
+ grandeur n'ayent este plus instantment requises de luy; ou bien
+ qu'elle a perdu, a ceste heure, l'entretien qu'elle donnoit par
+ la a son peuple, craignant qu'elle soit pressee par ses Estatz et
+ par son parlement de ne differer plus a prendre party, qui est le
+ principal poinct que tout son royaulme luy requiert."
+
+ Despuys ce que dessus escript, j'ay este adverty qu'il vient
+ d'arriver ung navyre de Cadix, qui porte des lettres du IIe de ce
+ mois, par lesquelles l'on mande le grand aprest de guerre, qui se
+ faict en Espaigne; et que aulcuns l'interpretent estre contre le
+ Turc; aultres disent que c'est pour parachever la guerre des
+ Mores, qui encores se renouvelle; et aultres que c'est pour
+ descendre en Yrlande. Je prendray garde comme ceulx cy le
+ prendront et comme ilz y pourvoyrront.
+
+
+
+
+CLIIIe DEPESCHE
+
+--du VIe jour de janvier 1571.--
+
+ Nouvelles d'Espagne.--Pompe deployee pour le mariage du
+ roi.--Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire[22]
+
+...............................................................
+Il se continue icy que le duc d'Alve partira en mars pour s'en
+retourner en Espaigne, et qu'il prendra le chemyn d'Itallye, ou il
+layssera quelques compaignies italliennes, qui l'accompaigneront
+jusques la; lesquelles pourront servyr a la guerre contre le Turcq, au
+commancement du printemps; et que le duc de Medina Coeli s'embarquera,
+a ce prochain febvrier, pour passer en Flandres, et qu'il admenera les
+deux filz aysnez de l'Empereur; ne se faisant icy aulcune
+demonstration qu'on se doubte de luy, ny de l'armee de mer, qui le
+vient conduyre, parce que plusieurs vaysseaux de la dicte armee ont
+passe, et qu'il est desja arrive en Flandres plus de deux centz voyles
+d'Andelouzie ou de Portugal; qui faict encore discourir a aulcuns que
+le dict duc et iceulx petitz princes pourront s'acheminer par la
+France, puysqu'ilz ont laysse venir tant de vaysseaulx par deca.
+
+ [22] Le premier feuillet du registre, qui contient les depeches
+ de l'annee 1571, se trouvant dechire, le commencement de cette
+ lettre manque: c'est au reste la seule lacune que presente le
+ manuscrit.
+
+L'on a heu en admiration en ceste court l'ordre, l'apareil, les riches
+habitz, les presens et la despance, dont a este use aulx nopces de
+Vostre Majeste, ainsy soubdain apres la guerre passee, et de ce qui se
+prepare encores pour une entree a Paris; qui leur faict bien juger que
+la grandeur de vostre estat a ung bien solide fondement, et que si
+Vostre Majeste joue ung peu son jeu couvert, et commance de s'aquiter
+et de fere les afferes, il n'est pas a croyre combien il demeurera
+d'impression au monde des grandes forces et oppulance de vostre
+royaulme, et de la merveilleuse ressource qui est en icelluy. Sur ce,
+etc.
+
+ Ce VIe jour de janvier 1571.
+
+ L'on me vient d'advertyr qu'au soir arriverent deux nouvelles en
+ ceste court: que ceulx de la nouvelle religion des Pays Bas ont
+ surprins un chasteau pres de Groninguem, ou le duc d'Alve y a
+ envoye huict centz Espaignolz pour le reprendre; et que, en
+ Irlande, sont descenduz quelques soldats francoys, en moindre
+ nombre de deux centz, appellez par les saulvaiges du pays, et que
+ desja le comte d'Ormont s'est esforce de les combattre; mais ilz
+ se sont faictz lascher. Si ainsy est, cella troublera asses les
+ affaires de ce royaume.
+
+
+
+
+CLIVe DEPESCHE
+
+--du XIIIe jour de janvier 1571.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par la voie du Sr Acerbo._)
+
+ Affaires d'Ecosse.--Etat de la negociation de lord Seyton en
+ Flandre.--Nouvelles d'Espagne et d'Allemagne.--Projet de
+ Walsingham de traiter avec les protestans d'Allemagne.--Bruit
+ repandu en Angleterre que les armes ne tarderont pas a etre
+ reprises en France.--_Lettre secrete a la reine-mere_ sur la
+ proposition du mariage du duc d'Anjou.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, bien peu d'heures apres que je vous ay heu faict ma depesche du
+VIe du present, mon secretaire est arrive avec celle de Vostre Majeste
+du XXVIe du passe, en laquelle j'ay trouve deux de voz lettres;
+desquelles l'une repond fort bien aux particullaritez que je vous
+avois auparavant mandees, et l'aultre est pour la faire voir a la
+Royne d'Angleterre, qui en recepvra une tres acomplye satisfaction,
+laquelle luy sera davantaige confirmee par les bons propos et
+demonstrations, pleynes de faveur, qu'avez use a son ambassadeur. De
+quoy je mettray peyne, Sire, d'en faire icy le proffict de vostre
+service, et n'obmettray de toucher a la dicte Dame les principaulx
+poinctz de vos dictes lettres; et ceulx mesmement qui concernent
+l'honneur et grandeur de Vostre Majeste, dont, de ce qu'elle m'y aura
+respondu je ne fauldray de le vous mander par mes premieres; vous
+voulant au reste bien dire, Sire, touchant la mainlevee qu'avez donnee
+aux merchans escossoys, qu'encor que la Royne d'Escosse se soit tenue
+ung peu opiniastre a ne vouloir que cella se fit, si, etions apres, Mr
+de Roz et moy, a luy en oster l'opinion, parce que le comte de Lenoz
+acrochoit le trette a ce seul poinct, disant qu'il ne passeroit jamais
+oultre sans que les merchans jouyssent de l'abstinence d'hostillite,
+aussi bien que les aultres subjectz, et qu'elle leur estoit viollee
+quand on leur faisoit saysir leurs biens et navyres. Les deputez de la
+dicte Dame commencent [d'arriver] aujourduy, et nous avons nouvelles
+que ceulx [de l'autre parti sont] desja en chemin; par ainsy, j'espere
+que bientost [il sera procede] au dict trette, sellon que j'ay aussi
+entendu que la Royne d'Angleterre [a] ordonne six depputez pour y
+vaquer de sa part, assavoir [lord Quiper] garde des sceaulx, le
+marquis de Norampthon, le comte de Lestre, le comte de Sussex, le
+secretaire Cecille, et le sixiesme reste a nommer, qu'on pense sera
+maistre Mildmay.
+
+Cependant est advenu a Lislebourg qu'ayans deux soldatz du chateau
+este saysiz par l'autorite du comte de Lenoz, ainsy qu'ilz s'en
+retournoient du Petit Lict, et menez ez prisons de la ville, le
+capitaine Granges, qui en a este offance, a, le soir mesmes, sur le
+tard, faict lascher toute l'artillerie du chasteau par dessus la
+ville; et, a l'instant mesmes, a faict sortir cinquante soldatz qui
+sont allez forcer les dictes prysons, et ont ramene leurs compagnons
+avec eulx. De quoy le dict de Lenoz se plaint grandement, comme d'une
+infraction d'abstinence d'armes, mais non sans avoir tant de peur
+qu'il a cuyde habandonner Lislebourg pour se retirer a Esterling.
+
+J'estime, Sire, que le Sr de Sethon est maintenant devers Vostre
+Majeste, ayant prins conge du duc d'Alve dez le XVIIIe du passe, apres
+avoir obtenu de luy les dix mil escuz, que je vous ay ci devant mande;
+desquelz j'entendz qu'il a envoye les sept mil en Escosse, par le
+frere du secretaire Ledingthon, qui est party, le mesme jour, pour
+s'aller embarquer a Fleysinghes; il en a miz deux mil en Envers pour
+faire tenir a sa Mestresse, et mil pour luy; et semble qu'il n'a este
+respondu sur ce qu'il demandoit, de faire serrer le trafic aux
+Escoucoys en Flandres, parce que l'ordre n'en etoit encores arrive
+d'Espaigne. Je croy, Sire, qu'il sera bon de luy temporiser aussi,
+avec bonnes parolles, la responce des propositions qu'il fera a Vostre
+Majeste, attandant ce qu'il succedera de ce traicte, et attandant
+aussi que je vous aye mande deux particullaritez fort considerables
+qui se presentent maintenant en cest affaire. J'ay adviz que le duc
+d'Alve est fort marry de ce qu'on vous a rapporte qu'il avoit envoye
+deux gentishommes en Escosse, et neantmoins l'on m'a asseure qu'il y
+en a encores despuys renvoye ung troisiesme, mais j'eusse bien desire
+que dom Frances d'Allava n'eust pas sceu que je vous en eusse adverty.
+
+Le voyage que les gallaires ont faict, l'este passe, en Levant, a
+sonne fort mal icy pour la reputation du Roy d'Espaigne, mais son
+ambassadeur s'esforce de luy donner beaucoup de raysons et de
+couleurs, qui seroient longues a mettre en ceste lettre, dont je les
+reserve a une aultre foys; tant y a qu'elles tendent toutes a rejetter
+les faultes sur la malle pourvoyance et peu de conduicte des Veniciens
+au faict de la guerre, ainsy que eulx mesmes, a ce qu'il dict,
+l'advouhent meintenant; et sur ce qu'on s'estoit esbahy que la ligue
+tardoit tant a se resouldre, il asseure qu'elle se conclurra bientost
+sellon les propres chappitres, que le Roy, son Maistre, a desire y
+estre apposez; et publie encores la generalle victoire des Mores[23]
+et plusieurs aultres prosperitez de son Maistre.
+
+ [23] Cette victoire se rapporte aux divers avantages remportes a
+ cette epoque, qui amenerent la reduction de tous les Mores. Voyez
+ _note_ p. 183.
+
+Au reste, Sire, il s'entend, par lettres freschement venues d'Espire,
+que la diette s'en alloit finyr, et que le jour estoit desja indict,
+auquel l'on la conclurroit, qui seroit sans que l'Empereur y eust
+faict passer en decrect guieres des choses qu'il y avoit proposees;
+desquelles encor les determinations ne seroient divulguees jusques a
+ce qu'il arriveroit en Prague, qu'on les auroit cependant reduictes
+par ordre et faictes imprimer; et que la liberte du duc Jehan
+Guilhaume de Saxe[24], encor qu'elle fut tres agreable aux princes
+d'Allemaigne, elle monstroit neantmoins d'avoir quelque chose de
+suspect contre le duc Auguste; et par ce, Sire, que je vous en ay
+desja mande quelles responces le jeune Coban avoit rapportees du dict
+Empereur, je ne vous en toucheray icy rien davantaige; seulement vous
+diray que, suyvant la negociation, qu'il avoit commancee par della
+avec aulcuns princes protestans, le Sr de Vualsingan a este depesche,
+de quelques jours plus tost, pour rencontrer encores en France leurs
+ambassadeurs, avec lesquelz ne faut doubter qu'il ne traicte, s'il
+peult, avec affection et vehemence les choses qui concernent sa
+religion, car il est des plus passionnez; dont sera bon, Sire, de le
+faire ung peu observer: et a l'on aussi haste davantaige son partement
+parce que le frere du comte de Sussex, qui est ung des fugitifz du
+North, s'estant retire a Mr Norrys, pour retourner par son moyen a
+l'obeyssance et grace de sa Mestresse, et ne l'ayant le dict Sr Norrys
+vollu ouyr, sans l'expres conge d'elle, le dict de Vualsingan a heu
+commandement de l'accepter, et luy offrir sa remission, et mesmes de
+l'employer, s'il est possible, a regaigner le comte de Vuesmerlan et
+les aultres, qui sont della la mer: ce qui sera bon, Sire, de trouver
+moyen d'empescher pour quelque temps, attandant que les affaires
+d'Escosse soyent accommodez.
+
+ [24] Il s'agit ici de Jean-Frederic II, mis au ban de l'empire
+ pour avoir donne retraite a Guillaume de Grumbach et a ses
+ complices, meurtriers de l'eveque de Wurzbourg. Le duc Auguste,
+ charge de l'execution du decret, l'avait assiege et pris par
+ famine, le 13 avril 1567. On negociait alors sa liberte, mais
+ elle ne lui fut pas rendue: il est mort en prison, a Neustad, le
+ 9 mai 1595, apres vingt-huit ans de captivite. Le duc
+ Jean-Guillaume, son frere, loin de partager sa disgrace, avait,
+ au contraire, ete appele a profiter de la confiscation de tous
+ ses biens.
+
+Et pour la fin, il y a ici ung advis, venu de Gennes, comme par
+lettres de Thurin, du IIIIe du passe, l'on mande que les armes se vont
+reprandre pour deux occasions: l'une, parce que la Royne de Navarre
+use en Bearn d'une extreme rigueur contre les Catholiques; et
+l'aultre, par la difficulte que Mr de Savoye faict a la comtesse
+d'Autremont de luy randre quelques chasteaulx; et qu'encor que Vostre
+Majeste ne puisse mais de l'une ni de l'aultre, que le feu neantmoins
+s'en ralumera plus fort que jamais en vostre royaulme. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour de janvier 1571.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre a part._)
+
+Madame, je puys asseurer Vostre Majeste que le faict de la petite
+lettre commance d'aller bien chauldement en ceste court, duquel ayantz
+les dames de la privee chambre heu quelque sentyment, elles l'ont
+desja descouvert a quelques seigneurs de ce royaulme, qui y font
+diverses interpretations; et aulcuns d'eulx m'ont mande que, de tant
+qu'il semble que le cardinal de Chastillon le conduict sans moy, qu'on
+n'y cerchoit guieres de faire le proffict du Roy ni de son royaume.
+J'ai monstre que le propos m'estoit nouveau, et que je ne pensois
+qu'il y en eust rien en termes aupres de Voz Majestez; et de faict,
+Madame, je travailleray, aultant qu'il me sera possible, qu'il soit
+mene par le plus secret et destorne cheming que faire se pourra; car
+je sentz qu'il en est besoing. Je suys adverty que celluy qui va en
+France aura charge de suyvre bien curieusement ce qui luy en sera
+touche, et que mesmes quelcun neutre sera possible prye de passer en
+mesme temps affin d'en entamer le propos. Je croy que Mr le comte de
+Lestre m'a envoye prier de disner demain avecques luy pour m'en
+parler, et que Mr le cardinal de Chastillon revient expressement en
+court pour ce faict, et que mesmes il y est, a ceste occasion, bien
+desire, possible qu'il se plaindra, par mesmes moyen, de la detention
+de ses biens en France; dont de tout ce qui succedera, et que j'en
+pourray entendre, je ne fauldray d'en advertyr incontinent Vostre
+Majeste. Sur ce, etc.
+
+ Ce XIIIe jour de janvier 1571.
+
+
+
+
+CLVe DEPESCHE
+
+--du XVIIIe jour de janvier 1571.--
+
+(_Envoyee jusques a Calais par homme expres._)
+
+ Audience.--Vives demonstrations d'amitie de la part d'Elisabeth
+ au sujet du mariage du roi.--Son intention de proceder au
+ traite avec la reine d'Ecosse.--Nouvelle que les Gueux ont
+ repris les armes en Flandre.--_Lettre secrete a la reine-mere_
+ sur l'etat de la negociation relative au mariage du duc
+ d'Anjou.--Confidence de Leicester a l'ambassadeur.--Proposition
+ faite au nom du roi par le cardinal de Chatillon a la reine
+ d'Angleterre.--Discussion dans le conseil.--Divisions causees
+ en Angleterre par ce projet.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, j'ay este trouver la Royne d'Angleterre a Hamptoncourt le
+XIIIIe de ce mois, laquelle n'a failly de me demander incontinent
+quelles nouvelles j'avois de Vostre Majeste, et comme vous vous
+trouviez en mariage. A quoy je luy ay respondu que vous me commandiez
+de luy continuer encores le mesmes propos, que je luy avois desja
+commance, de vostre conjoyssance touchant la Royne; et que, si vous
+aviez receu ung singulier playsir de sa venue, il s'estoit despuys
+redouble et devenu si grand, par les vertueuses et excellentes
+qualitez qui se trouvoient en elle, que vous en demeuriez le plus
+content prince de la terre; mesmes qu'elle se faisoit merveilleusement
+aymer et bien vouloir de la Royne, vostre mere, de Messieurs voz
+freres, de Mesdames voz soeurs, de Monsieur de Lorrayne et de toutz
+les princes et seigneurs de vostre court, et generallement de toute la
+France; ce que vous mettiez en compte d'une grand felicite; oultre
+que, a l'ocasion d'elle, les princes d'Allemaigne, (lesquelz je lui ay
+nommez, sellon le contenu de vostre lettre), s'estoient despuys, par
+leurs ambassadeurs, conjouys avec Vostre Majeste de ce que Dieu avoit
+en ce temps reuny et renouvelle le sang de l'ancienne alliance de la
+Germanye avec la France; et que, pour ceste occasion, ilz vous avoient
+envoye offrir, et a Messeigneurs voz freres, toutz leurs moyens et
+forces pour vous en servyr, ainsy qu'il vous plairoit les employer, et
+que leurs dicts ambassadeurs n'avoient obmiz de se conjouyr
+pareillement de la paix de vostre royaulme, et de ce qu'ilz l'y
+avoient trouvee tres bien establye, et vous avoient suplye de l'y
+vouloir entretenir. Qui estoient choses qui vous avoient apporte
+beaucoup de satisfaction; desquelles vous vouliez bien faire part a la
+dicte Dame, pour le playsir que vous estimiez qu'elle en recepvroit.
+
+A quoy, par parolles fort expresses, elle m'a respondu qu'elle se
+sentoit grandement obligee a Vostre Majeste de la communication qu'il
+vous playsoit luy faire de ce propos, lequel elle reputoit tres
+honnorable et vrayement digne d'estre tenu entre princes, qui avoient
+bonne et vraye amytie ensemble, comme elle vous suplyoit de croyre
+que, de son coste, elle la vous portoit entiere et parfaicte, et de
+bien bonne soeur; et qu'a ceste occasion elle se resjouyssoit, non
+guieres moins, du beau serain que Dieu monstroit meintennant en voz
+afferes, apres tant de divers orages que vous y aviez souffertz, que
+si c'estoit pour elles mesmes, car aussi pensoit elle y participer. Et
+a suyvy a parler de ceste ambassade d'Allemaigne comme d'une chose
+qu'elle reputoit authoriser bien fort vostre grandeur: et puys est
+retournee a ce qu'elle avoit entendu de la louable et vrayment royalle
+norriture de la Royne; chose que je luy ay asseuree qui demeuroit tres
+confirmee par les exemples qu'elle en monstroit, et que, non moins par
+effect que en tiltre, elle estoit Royne Tres Chrestienne et Tres
+Devotte, et au reste tant de bonne grace, doubce et debonnaire, et
+sans ceremonye, que Vostre Majeste n'avoit nul plus grand playsir que
+d'estre, jour et nuict, en sa compaignye.
+
+A quoy elle m'a respondu que la recordation des amours du pere et
+grand pere luy faisoient ung peu craindre que vous les vouldriez
+imiter, et m'a revelle ung secrect de Vostre Majeste, lequel je
+confesse, Sire, que je n'avois pas sceu; et que neantmoins si vous
+continuez de rendre ainsi vostre parolle certayne et veritable, et
+estre bon mary, comme vous en avez desja la reputation, qu'elle ne
+faict doubte que vostre regne n'en soit tres heureux et eloigne de
+ces inconvenians et disgraces, qui ont accoutume de venir aux princes
+qui ne tiennent leur parolle, et a ceulx qui ne gardent leur loyaulte.
+Et a continue ce propos et plusieurs aultres, en termes bien fort
+honnorables de Voz trois Majestez tres Chrestiennes et de Monseigneur
+vostre frere; lesquelz j'ay suyviz sans rien obmettre de ce que j'ay
+estime convenir a vostre honneur et grandeur.
+
+Et pour la fin, je luy ay faict voir vostre lettre, qui portoit sa
+satisfaction, laquelle elle a entierement leue, et n'y a heu nulle
+partie qu'elle n'ayt bien considere, et ou elle ne se soit arrestee
+pour m'y faire de fort bonnes responces; lesquelles, en somme, sont:
+qu'elle remercye Dieu que Vostre Majeste commance de cognoistre son
+intention, laquelle elle peult jurer n'avoir jamais este de vous
+vouloir offancer ny nuyre; ains d'avoir toutjours desire la
+conservation de vostre authorite et l'establyssement de vostre
+grandeur comme d'elle mesmes; et que son malcontantement est seulement
+procede de ce qu'elle ne s'est trouvee si aymee et bien vollue de
+Vostre Majeste comme elle pensoit le meriter, et qu'elle n'advouera
+jamais, quant bien on la mettroit sur la roue, qu'elle n'ayt heu
+occasoin de se douloir; mais la satisfaction en est meintenant si
+ample qu'elle vous en doibt de retour beaucoup de grandz mercys, et ne
+vouldroit n'avoir este offancee; qu'elle vous remercye bien grandement
+du compte que vous voulez tenir de son parant, lequel elle a desja
+depesche pour se trouver a vostre entree; (et le comte de Lecestre
+aussi a faict harnacher les haquenees, qui s'aschemineront devant;) et
+que ce luy est ung singulier playsir, que vous veuillez bien recepvoir
+son nouveau ambassadeur; que quant a celluy qui s'en retourne elle
+vous prie de croyre qu'il a faict toutjours toutz les meilleurs
+offices, pour l'entretennement de l'amytie, qu'il est possible, et
+qu'il en sera pour ceste occasion mieulx receu d'elle a son retour;
+qu'au surplus elle vous veult asseurer de la convalescence et bonne
+sante de la Royne d'Escosse, et que desja elle a donne audience a ses
+depputez, avec lesquelz elle procedera a faire le traicte aussitost
+que ceux de l'aultre party seront arrivez, qui sera dans huict ou dix
+jours au plus loing; et qu'il luy tarde, plus qu'a nulle personne qui
+vive, que cest affaire soit bientost accommode.
+
+Lesquelles siennes responces, Sire, j'ay miz peyne de luy gratiffier
+le plus que j'ay peu au nom de Vostre Majeste, et me suys ainsy
+licentie d'elle bien fort gracieusement. Et parce que j'ay trouve une
+conformite de tout ce dessus en ceulx de son conseil, je ne puys sinon
+bien juger de la presente intention d'elle et d'eulx envers Vostre
+Majeste; et neantmoins cella sera cause que j'observeray de plus prez
+toutes choses pour voir si, soubz ceste apparance, il y auroit quelque
+chose de cache, qui soit contre vostre service; car, a ce que
+j'entendz, le mesmes comte de Lenoz, celluy de Morthon, et le lair de
+Glannes, viennent pour se trouver au traicte.
+
+Au regard des differandz des Pays Bas, il n'en est rien venu par le
+dernier courrier, dont ceulx cy ne sont contantz, sinon qu'on a
+escript que le duc d'Alve n'a encores rien respondu au deppute
+d'Angleterre sur sa derniere proposition, parce qu'on pense qu'il est
+attendant sur icelle quelque ordre d'Espaigne. Sur ce, etc.,
+
+ Ce XVIIIe jour de janvier 1571.
+
+ Presentement l'on me vient de donner adviz que les Gueux ont
+ recommance la guerre en Flandres; ce qui feroit prendre asses de
+ nouveaulx desseings a ceulx cy. Le Sr Guilhaume Lesley, bon
+ subject de la Royne d'Escosse, parant de l'evesque de Roz, est
+ venu avec les depputez de la dicte Dame; il estime avoir de
+ bonnes intelligences icy, et se dict tres devot au service de
+ Vostre Majeste.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre a part._)
+
+Madame, avant que monsieur le comte de Lestre me menat, dimanche
+dernier, en la presence de la Royne d'Angleterre, il m'entretint
+quelque temps sur le faict de la petite lettre, et je me plaigniz a
+luy qu'il estoit desja trop divulgue, ce qu'il m'asseura n'estre
+procede de la court, ains de ce qu'on voyoit n'y avoir rien de plus
+convenable; et, par ainsy, ung chacun en parloit; dont il vouloit
+sonder, a la verite, l'intention de la dicte Dame et de ceulx de son
+conseil, affin de dresser, puys apres, l'affaire en si bonne sorte
+que, s'il venoit a succeder, ou bien qu'il demeurast sans effect, il
+n'eust a raporter sinon contantement a chacun des costez; et qu'il me
+voulloit dire tout librement, que la dicte Dame ne s'estoit jamais
+monstree disposee a prendre party, comme elle faisoit meintenant, par
+ce, possible, qu'elle s'y voyoit contraincte, pour les necessitez de
+son royaulme; et que sur les privez propos, qu'il luy en avoit tenuz,
+elle n'avoit rien objecte que l'eage; a quoy il avoit respondu qu'il
+ne layssoit pourtant d'estre desja homme: "Mais aussi, respondit elle,
+ne laisseroit il d'estre toutjour plus jeune que moy."--"Tant mieulx
+sera ce pour vous," avoit il respondu, en ryant. Et me pria le dict
+comte d'en toucher quelque mot a la dicte Dame, laquelle, a la verite,
+a prins de fort bonne part toutz les motz que je luy ay proposez
+aprochans de cella; car je ne luy en ay poinct touche de plus expres
+que de luy avoyr dict, sur le contantement que le Roy avoit de vivre
+en grand amytie et privaulte avecques la Royne, que je conseillerois a
+une princesse, qui vouldroit rencontrer un tres parfaict et accomply
+bonheur de mariage, d'en prendre de la mayson de France.--A quoy elle
+m'a respondu que madame d'Estampes et madame de Vallantinois luy
+faisoient encores peur, et qu'elle ne vouldroit un mary qui ne
+l'honnorast seulement que pour Royne, s'il ne l'aymoit aussi pour
+femme.--A quoy j'ay replicque que celluy, dont j'entendois parler,
+entre les exellantes qualitez, dont il abondoit aultant que nul prince
+de la terre, il avoit celle peculiere qu'il scavoit extremement bien
+aymer, et se randre de mesmes parfaitement aymable.--"A la verite, m'a
+elle respondu, il a tant de perfections en luy qu'on n'en ouyt jamais
+parler qu'avec grand louange." Et, peu apres que je fuz party d'avec
+la dicte Dame, Mr le cardinal de Chastillon vint parler longtemps a
+elle, dont je n'ay sceu ce qu'il luy dict; car, ny auparavant, ny
+despuys, nous n'avons confere ensemble: mais voycy madame ce que j'ay
+aprins d'ailleurs et de fort bon lieu:
+
+Qu'apres qu'il fut retire, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil
+pour leur dire que le dict sieur cardinal luy avoit demande trois
+choses: l'une, si elle estoit point libre de toute promesse pour se
+pouvoir maryer ou elle vouldroit; l'aultre, si elle en vouloit prandre
+de ceulx de son royaulme ou bien ung estrangier; et la troisiesme que,
+au cas que ce fut ung estrangier, si elle vouldroit point accepter
+Monsieur, frere du Roy; et qu'elle luy avoit respondu qu'elle estoit
+libre, qu'elle ne vouloit point espouser de ses subjectz, et qu'elle
+vouloit de bon cueur entendre au party de Monsieur avec les condicions
+qui se pourront adviser. Sur quoy le dict sieur cardinal luy avoit
+dict qu'il avoit donques charge de luy en parler, et luy avoit
+presente a cest effect une lettre de creance du Roy, et l'avoit priee
+que, de tant que l'affaire estoit de grande consequence au monde,
+qu'elle le vollust communiquer a son conseil, premier que passer
+oultre; de quoy elle leur vouloit bien dire qu'elle n'avoit trouve
+cella bon, et luy avoit respondu qu'elle estoit Royne Souverayne, qui
+ne deppendoit de ceulx de son conseil, ains eulx toutz d'elle, comme
+ayant leurs vies et leurs testes en sa main, et qu'ilz n'auseroient
+faire que ce qu'elle vouldroit; mais, de tant qu'il luy avoit
+represante les inconveniantz, qui avoient cuyde survenir a la feu
+Royne, sa soeur, d'avoir vollu tretter son mariage avec le Roy
+d'Espaigne sans ceulx de son conseil, elle luy avoit promiz de le leur
+proposer; dont vouloit que eulx toutz luy en donnassent promptement
+leur adviz.
+
+Sur quoy, iceulx du dict conseil bayssans la teste, n'en y eust pas
+ung qui respondit ung seul mot, parce que le propos estoit nouveau a
+la pluspart d'eulx, sinon, au bout de piece, ung des principaulx
+s'advancea de dire que Monsieur sembloit estre bien jeune pour la
+dicte Dame:--"Commant, respondit elle, prenant le mot en aultre sens,
+suys je pas encores pour luy satisfaire." Et puys, suyvit a dire que
+le dict sieur cardinal, oultre la lettre de creance, avoit des
+articles a proposer, sur lesquelz elle estimoit estre bon de l'ouyr
+pour voir si les condicions pourroient estre acceptees; ce que ung
+chacun aprouva. Et pour lors, n'y eust rien davantaige sinon que, le
+lendemain, Dupin et le ministre du dict sieur cardinal furent la
+dessus en privee conferance plus de trois heures avec le secretaire
+Cecille.
+
+Duquel propos l'on me vouloit bien advertyr qu'il commancoit a courir
+une merveilleuse contention dans ce royaulme sellon les parciallitez
+de Bourgoigne, et sellon celles de la religion, et que aulcuns
+estimoient que la dicte Dame ne se servoit d'icelluy sinon pour la
+commodite de ses affaires, sans qu'elle eust aucune affection de se
+maryer; et, par ainsy, que je prinse garde que le Roy ne fut trompe et
+moque. Et d'aultres, qui sont bien affectionnez au Roy, et portent le
+faict de la Royne d'Escosse, et mesmes les seigneurs catholiques,
+m'ont mande qu'ilz demeuroient fort escandalizez que cest affaire se
+menast par le dict sieur cardinal, et qu'ilz voyoient bien que
+c'estoit plus pour accommoder le faict de ceulx de la Rochelle, que
+non celluy d'entre ces deulx royaulmes, a l'interest des catholiques;
+dont ilz vouloient penser a leurs affaires, me priantz seulement de
+leur vouloir estre toutjours tel comme je scavois qu'ils s'estoient,
+en temps et lieu, monstrez bons amys et serviteurs du Roy; et se sont
+esforcez de m'imprimer une grand jalouzie de ce que je n'estois
+participant de ce propos.
+
+Sur quoy, pour leur faire prendre bonne esperance et les retenir
+toutjour en la devotion, qu'ilz ont este jusques icy vers Voz
+Majestez, et pour descouvrir plus avant toutes choses par leur moyen,
+je leur ay mande que j'avois este toutjours repute si fidelle a vostre
+service, et si loyal a voz intentions, que si cest affaire estoit en
+telz termes qu'ilz dizoient, il ne passeroit guieres que Voz Majestez
+ne m'en fissent entendre leur intention, et que la conclusion ne se
+feroit sans que je y fusse employe; dont je les asseurois que Voz
+dictes Majestez ne consentyroient jamais le passaige de Monsieur en ce
+royaulme, sans qu'il eust bonne intelligence avec eulx, et sans que
+les affaires de la Royne d'Escosse, et les leurs, n'en demeurassent
+bien accommodez, et que de cella vous leur en donriez la main et
+vostre promesse; chose, Madame, que, comme elle semble necessaire et
+fort importante pour bien asseurer le negoce, ainsy est il requis
+qu'elle soit tenue fort secrecte et menee bien dextrement.
+
+Il est venu quelque sentyment de ce party a la notice de l'ambassadeur
+d'Espaigne, et de celluy, qui est agent icy pour le Pape, dont en ont
+escript chauldement della la mer. Je scay aussi que l'evesque de Roz
+en a escript a Mr le cardinal de Lorrayne, dont ne luy fauldra denyer
+le faict, s'il vous en parle, mais luy donner meilleure esperance par
+la des affaires de la Royne d'Escosse que jamais. Le Sr Cavalcanty a
+grand desir de passer en France pour servyr d'un tiers neutre a
+mouvoir ce propos entre Vostre Majeste et milord de Boucard, parce
+qu'il estime ne se pouvoir avec dignite entamer par l'ung ny l'aultre
+party, sans ung tel moyen; et sur ce, etc.
+
+ Ce XVIIIe jour de janvier 1571.
+
+ Il semble fort requis que Vostre Majeste ne se haste de depescher
+ message ny ambassade par deca sans voir que l'affaire soit
+ comme tout asseure.
+
+
+
+
+CLVIe DEPESCHE
+
+--du XXIIIe jour de janvier 1571.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._)
+
+ Retour d'Elisabeth a Londres apres la cessation de la
+ peste.--Affaires d'Ecosse.--Audience.--Plainte de la reine au
+ sujet de la descente d'un parti de Francais en Irlande.--Avis
+ donne par elle d'une levee qui se prepare en Allemagne.--Son
+ desir de voir la reunion des eglises proposee par le
+ roi.--Negociation des Pays-Bas.--_Lettre secrete a la
+ reine-mere._ Conference de l'ambassadeur avec le cardinal de
+ Chatillon sur le projet de mariage du duc d'Anjou.--Avis sur
+ l'entreprise faite en Irlande par des Bretons.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, ceulx de ceste ville de Londres ont monstre beaucoup de
+resjouyssance a la venue de leur Royne, laquelle, pour cause de la
+peste, n'y avoit este, il y a deux ans. Elle va aujourduy veoir ung
+bastyment nouveau qu'on y a ediffie, fort commode, et de grand
+ornement, affin de luy donner le nom; qui, jusques a ceste heure, a
+este appelle par provision la _Bource_. Le festin luy est prepare en
+la maison de maistre Grassein. L'on dict qu'apres demain elle
+descendra a Grenwich pour y passer le reste de l'yver, ou se dresse
+desja le lieu pour faire ung tournoy a ce caresme prenant; duquel le
+comte d'Oxfort et sire Charles Havard doivent estre les tenans.
+
+Les affaires de la Royne d'Escosse demeurent toutjour en bonne
+disposition, attendant l'arrivee des depputez de l'aultre party,
+lesquelz, parce que j'avois inciste qu'on ne les debvoit attandre, le
+secretaire Cecille m'a opiniastrement debattu que l'honneur de sa
+Mestresse n'estoit de proceder sans eulx, mais, que je ne fisse nul
+doubte que les choses n'allassent bien; et encores que, despuys quatre
+jours aulcuns de ce conseil se soient plainctz a l'evesque de Roz
+d'une entreprinse, qu'on a vollu faire en Escosse, pour tuer le comte
+de Lenoz; et de ce qu'ilz ont entendu qu'on fornyst de l'argent della
+la mer aulx rebelles d'Angleterre, ilz n'ont guieres replique a ce
+qu'il leur a respondu, qu'il estoit esbahy comme le dict de Lenoz
+duroit tant au dict pays, veu les viollances et desordres qu'il y
+faisoit; et, quant aux fugitifs d'Angleterre, qu'il croyoit que rien
+ne leur manqueroit, mais que ce n'estoit de sa Mestresse qu'ilz
+estoient secouruz, parce qu'elle n'avoit de quoy le faire.
+
+Et hyer, la Royne d'Angleterre, m'ayant envoye queryr, me dict que, si
+l'on faisoit nul oultrage au dict de Lenoz, qu'elle ne procederoit
+aulcunement au dict trette; dont j'ay conforme ma responce a celle du
+dict sieur evesque de Roz, adjouxtant que rien n'en debvoit estre
+impute a la Royne d'Escosse, parce qu'elle n'en pouvoit mais, et que
+mesmes l'on avoit de sa part desja depesche ung gentilhomme en Escosse
+pour obvier a cest inconvenient.
+
+Et suyvyt la dicte Royne d'Angleterre a me dire que la principalle
+occasion, pour laquelle elle m'avoit prie de venir, estoit pour me
+communiquer ung adviz par escript, qu'on luy avoit envoye d'Irlande,
+lequel elle me prioit de faire tenir a Vostre Majeste; et que, pour ne
+faire voir au monde que les armes fussent prinses entre les Francoys
+et les Anglois, et ne rompre aulcunement la paix avec la France, elle
+avoit faict gracieusement remonstrer au capitaine La Roche et a ceulx,
+qui sont avec luy en Irlande, de se retirer; ce que, trois moys a, ilz
+avoient promis de faire; mais monstrans a ceste heure qu'ilz ont une
+aultre delliberation, elle vous en vouloit bien advertyr, affin qu'il
+vous pleust, Sire, y pourvoir sellon que les bons trettez de paix,
+qui sont entre Voz Majestez, le pouvoient requerir.
+
+J'ai respondu que ce propos m'estoit nouveau, comme celluy, duquel je
+n'avois cy devant ouy parler, et que je le vous represanterois le
+mieulx que je pourrois, avec l'expretion des mesmes parolles, et de
+l'intention, que j'avois cognue en elle, de vouloir evitter toute
+occasion de differand avec Vostre Majeste; et luy en ferois tenir
+vostre responce, aussitost que je l'aurois receue.
+
+Et s'exaspera bien fort la dicte Dame contre celluy Fitz Maurice, qui
+est en Bretaigne, disant que luy et son pere avoient usurpe, comme
+traystres, le tiltre du comte d'Esmont, bien que le vray comte soit
+encore vivant en ce royaulme.
+
+Apres ce propos, il en succeda ung aultre, par lequel nous vinsmes a
+parler des aprestz d'Allemaigne, qui seroient longs a mettre icy, mais
+je prins par la occasion de demander tout librement a la dicte Dame si
+elle entendoit qu'il y eust rien de dresse contre Vostre Majeste, ny
+contre vostre royaume, ainsi que, d'aultre fois, elle vous avoit bien
+faict ce bon tour, de vous en reveller quelque chose par moy.
+
+Elle me respondit qu'encores que ses intelligences n'estoient plus
+telles vers l'Allemaigne, ni avec l'Empereur, comme elles souloient,
+neantmoins elle y en avoit encores d'asses bonnes pour pouvoir
+asseurer Vostre Majeste qu'il s'y preparoit une levee; laquelle elle
+ne scavoit encores si viendroit a effect, mais croyoit que ce n'estoit
+pour vous nuyre, car elle le vous diroit, et y opposeroit le credit
+qu'elle y pourroit avoir, mais c'estoit en faveur du prince d'Orange;
+et qu'elle estoit fort marrye qu'on poursuyvit ainsy les affaires de
+la religion par les armes, de quoy ne pouvoit revenir, a la fin, que
+une grande ruyne a la Chrestiente; et qu'elle me prioit de vous
+exorter, Sire, qu'avec la bonne intelligence, qu'avez meintenant avec
+l'Empereur, vostre beau pere, avec lequel elle continuoit aussi
+toutjour une bien fort estroicte amytie, et avoit naguieres receu de
+ses lettres, il vous pleust, a ceste heure, mettre en avant quelque
+favorable moyen d'accord et de reunyon en l'esglize; et que, de sa
+part, elle vous y assisteroit, et ne s'y monstreroit aulcunement
+opiniastre.
+
+Je luy louay grandement cestuy sien tres vertueux desir, et, sans
+toutesfois accepter ny reffuzer aussi d'en faire rien entendre a
+Vostre Majeste, affin que vostre intention en cella soit reservee au
+temps et moment qu'il vous semblera bon de la manifester; je la priay
+seulement, en ryant, qu'elle ne vollust observer l'extremite de ne
+conceder aulx Catholiques l'exercice de leur religion en Angleterre,
+comme il n'en estoit permis pas ung aulx Protestans en Espaigne, ny en
+Flandres, et qu'elle suyvist l'exemple de Vostre Majeste, qui estiez
+au milieu, qui avez permiz le cours des deux en vostre royaulme.
+
+Elle respondit que les Catholiques ne se pouvoient pas beaucoup
+plaindre d'elle, et qu'elle cognoissoit le Roy d'Espaigne d'ung si bon
+naturel qu'il ne vouldroit aussi retenir la Chrestiente en ce
+dangereux suspend, ou elle est, s'il y ozoit procurer les remedes,
+mais que les passionnez l'en empeschoient, lesquelz elle vouldroit qui
+en sentissent seulz le mal.
+
+Et se continua asses longtemps ce propos entre la dicte Dame et moy,
+au millieu duquel, me venant a toucher des differans, qu'elle accusoit
+le duc d'Alve luy avoir succite avec le Roy son Maistre, me dict que
+je serois tout esbahy si je scavois quelles choses le dict duc,
+despuys ung mois, avait vollu tretter avec elle, au prejudice de ses
+voysins, ce qu'elle reservoit a une aultre foys, et que neantmoins
+c'estoit une parenthese digne de noter.
+
+Or, Sire, touchant les dicts differans, le deppute d'Angleterre, qui
+est aulx Pays Bas, a escript, ceste foys, a la dicte Dame qu'il avoit
+presente a icelluy duc les derniers articles, qu'elle luy avoit
+envoyez; qui les avoit cognuz si raysonnables que, ne luy restant plus
+que contredire pourquoy il ne les deubt accepter, il avoit respondu
+qu'il y vouloit penser: et ainsy le faict en demeure la, qui se
+conforme asses a ce que Vostre Majeste m'en a mande, en chiffre, par
+ses dernieres du IIIe du present, que j'ay bien notte. Et sur ce, etc.
+Ce XXIIIe jour de janvier 1571.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre a part._)
+
+Madame, s'estant Mr le cardinal de Chatillon, jeudy dernier, convye a
+disner en mon logis, il m'a compte la favorable expedition, qu'il a
+obtenue de Voz Majestez, sur le recouvrement de ses biens, et comme il
+s'en est venu conjouyr avec la Royne d'Angleterre; et puys m'a parle
+du faict de la petite lettre en bien fort bonne sorte, et que ce dont
+je m'estois plainct au comte de Lestre, que le propos en estoit trop
+divulgue, n'estoit procede d'ailleurs que du peu de discretion, que le
+vydame y avoit tenu, qui en avoit parle et escript icy et en France a
+trop de gens, et que, de sa part, il n'en avoit jamais faict rien
+scavoir qu'a Voz Majestez; desquelles, apres qu'il avoit heu responce,
+il y avoit procede le plus secrectement qu'il avoit peu; et que les
+choses en estoient en asses bons termes, et ceux du conseil en
+beaucoup de diverses opinions la dessus entre eulx, mais qu'il n'y
+avoit encores rien de conclud. Sur quoy luy ayant aprouve grandement
+son intention et les sages moyens, qu'il tenoit, pour la bien
+conduyre, je l'ay sonde de plusieurs endroictz pour voir s'il y avoit
+nulle aultre fin et pretention en luy que celle qu'il monstroit en
+aparance; mais toutz ses propos sont revenuz a la consideration de la
+grandeur que ce seroit pour Monsieur, et combien elle accroistroit
+celle du Roy et de sa couronne, et ravalleroit d'aultant celle
+d'Espaigne; ne me touchant toutesfois tant de particullaritez de
+l'affaire comme j'en scavois, et comme je vous en ay desja escript;
+dont j'ai fait semblant d'en scavoir encores moins, attendant si
+Vostre Majeste (pour y proceder avec plus de lumyere, par les adviz
+que pourrons avoir de divers lieux) trouvera bon que nous nous
+communiquons secrectement l'ung a l'aultre, car je croy bien que les
+Protestans recoipvent mieulx ce propos, venant du dict sieur cardinal
+que ne feroient de moy. Et il y va, a mon opinion, d'une droicte et
+bien bonne vollonte.
+
+Les Catholiques, qui sont la partie la plus grande, plus noble et plus
+forte, et ou y a plus d'asseurance, le tiennent fort suspect, et
+vouldroient avoir quelque asseurance de Voz Majestez par mon moyen. La
+dicte Dame nous oyt fort bien, et avec grande affection, l'ung et
+l'aultre, dont Vostre Majeste me commandera comme j'en auray a uzer;
+et seulement vous suplie tres humblement, Madame, de reserver, entre
+le Roy et Vous, et Monsieur, ce que je vous ay escript par ma petite
+lettre de devant ceste cy, et ce que, cy apres, je vous pourray
+escripre ou mander des propos, que la dicte Dame tiendra en prive, ou
+avec ceulx de son conseil, sans qu'il se puysse jamais cognoistre
+qu'ilz vous viennent de moy. J'ay dict a Mr le cardinal que si le
+propos alloit en avant, qu'il estoit bien besoing de le conduyre a ce
+poinct qu'on ne s'advancat de le publier, ny de faire aulcune ouverte
+demonstration, du coste de Voz Majestez, d'y vouloir entendre, jusques
+a ce qu'on le vit tout conclud et bien arreste; car, puys apres, l'on
+y adjouxteroit bien toutz les honnorables actes et respectz, qu'on
+vouldroit; et que surtout il n'y fut use de longueur ny de remises. A
+quoy il m'a respondu que, le lendemain, il estoit convye en court et
+qu'il verroit ce qu'il y pourroit advancer.
+
+J'ay sceu, Madame, que, pendant que nous estions ensemble, la Royne
+d'Angleterre estoit enfermee avec ceulx de son conseil pour prandre
+resolution de ce qu'elle debvoit respondre au dict sieur cardinal, et
+qu'elle a la matiere si a cueur qu'elle ne prend playsir de parler, ny
+ouyr parler, d'aultre chose; et, de ma part, Madame, tant plus je
+considere le party, plus il me semble estre grand, honnorable et
+advantageux pour le Roy, et pour Monsieur; dont je ne desire sinon
+qu'il soit exempt de tromperie, comme je prendray bien garde, du plus
+prez qu'il me sera possible, qu'il n'y en ayt point, et que Dieu le
+veuille bien achever. Et sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de janvier 1571.
+
+ Millord de Boucard est bien fort affectionne a ce propos, et
+ desire y estre employe. Sa Mestresse luy a dict qu'elle reserve
+ de lui bailler son instruction a l'heure qu'il partyra. J'entendz
+ que le comte de Lestre, si cella va en avant, est desja designe a
+ passer en France pour l'aller conclurre. Je suys convye aujourduy
+ avecques la Royne; sur ceste bonne occasion, je notteray ce
+ qu'elle me dira.
+
+ ADVIZ SUR LES CHOSES D'IRLANDE:
+
+ Que on auroit suborne certaines gens pour pratiquer et suciter
+ une rebellion en Yrlande, dont ung d'eulx se nomme de La Roche,
+ gouverneur de Morlays en la Basse Bretaigne, qui s'en est alle
+ la, avecques quatre navyres, pour se randre en l'endroict ou le
+ comte de Desmond se tenoit, et qu'il s'en est retourne de la et a
+ admene avecques luy ung gentilhomme, nomme Fitz Maurice, qui,
+ pour le present, se tient secrectement en la Basse Bretaigne, et
+ sollicite d'avoir des forces pour les mener ce printemps en
+ Yrlande.
+
+ Que le capitaine de Brest auroit prins ung fort, nomme d'Ingin,
+ et une petite isle, non guieres loing de la, en Yrlande.
+
+
+
+
+CLVIIe DEPESCHE
+
+--du dernier jour de janvier 1571.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Monyer._)
+
+ Rejouissances faites a Londres pour celebrer la rentree
+ d'Elisabeth.--Conversation de la reine et de l'ambassadeur au
+ sujet de cette fete.--Affaires d'Ecosse.--Etat de la
+ negociation des Pays-Bas.--Nouvelles d'Allemagne et
+ d'Espagne.--_Lettre secrete a la reine-mere._ Negociation du
+ mariage du duc d'Anjou.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, le jour que j'ay este convye, pour accompaigner la Royne
+d'Angleterre au festin de la Bource, n'a este guieres moins solemnel
+en Londres, que celluy du couronnement de la dicte Dame, car on l'y a
+receue avec concours de peuple, les rues tandues, et chacun en ordre
+et en son rang, comme si ce eust este sa premiere entree; et elle a
+heu grand playsir que j'y aye assiste, parce qu'il s'y est monstre
+plus de grandeur, ainsy soubdain, que si la chose eust este premeditee
+de longtemps; et n'a obmiz la dicte Dame de me faire remarquer
+l'affection et devotion qui s'est veue en ce grand peuple; lequel,
+despuys le matin jusques a l'heure qu'ayant donne le nouveau nom de
+_Change Real_ a la Bource, elle s'est vollue retirer, envyron les
+huict heures de nuict, il ne s'est lasse d'estre par les rues, les
+ungs en leur rang, les aultres a la foule, avec force torches, pour
+l'honnorer, et luy faire mille acclamations de joye, chose qu'elle m'a
+demandee si, au petit pied, ne me faisoit pas souvenir des
+resjouyssances, qu'on faisoit a Paris, quant Vostre Majeste y
+arrivoit; et qu'elle me confessoit tout librement qu'il luy faisoit
+grand bien au cueur de se veoir ainsy aymee et desiree de ses
+subjectz, lesquelz elle scavoit n'avoir nul plus grand regrect que, la
+cognoissant mortelle, ilz ne voyoient nul certain successeur, yssu
+d'elle, pour regner sur eulx, apres sa mort; et que la France estoit
+tres heureuse de cognoistre ses Roys, et ceulx qui, par ordre,
+debvoient, les ungs apres les aultres, succeder a la couronne.
+
+J'ay respondu, le plus au contentement et satisfaction de la dicte
+Dame, a toutz ses propos, qu'il m'a este possible, louant beaucoup ce
+que je voyois de sa grandeur, qui estoit a priser, sans rabattre
+neantmoins rien de ce qu'on scait asses estre de plus en la vostre; et
+qu'au reste, il me sembloit qu'elle auroit bien a faire a s'excuser
+envers Dieu et le monde, si elle frustroit ses subjectz de la belle
+posterite, qu'elle leur pouvoit bailler, et qu'ilz attandoient d'elle
+pour les gouverner; qui a este ung article, sur lequel elle s'est
+prinse a discourir plusieurs aultres choses, avec playsir et avec
+modestie, lesquelles je vous puys asseurer, Sire, que ne se sont
+passees sans qu'elle ayt monstre, en plusieurs endroictz, de vouloir
+perseverer en grande amytie avec Vostre Majeste; et, le soir mesmes,
+la resolution du voyage de milord Boucard a este du tout prinse, luy
+commandant la dicte Dame ne faillyr d'estre prest a partir demain, qui
+est le premier jour de febvrier, ainsy qu'il faict.
+
+Or, Sire, nonobstant l'acclamation du peuple, la dicte Dame et ceulx
+de son conseil ne layssent de craindre la division et sublevation du
+pays: car ayans les filz du comte Dherby essaye d'obtenir leur conge
+pour retourner vers leur pere, il leur a este dict qu'ilz n'en
+parlassent poinct, s'ilz n'en vouloient estre du tout reffuzez,
+jusques a ce que les affaires de la Royne d'Escosse fussent
+accommodez, qui monstre que, par iceulx, ilz entendent acquieter les
+leurs. Et le semblable a este dict au duc de Norfolc, de ne presser sa
+plus ample liberte, jusques a ce qu'il ayt este ordonne de celle de la
+Royne d'Escosse et de sa restitution, de laquelle l'on nous faict
+toutjour esperer de bien en mieulx; et qu'il n'y a retardement que de
+ces depputez de l'aultre party, desquelz le comte de Lenoz a, de
+rechef, escript qu'ilz estoient partys, et qu'il avoit surciz la tenue
+du parlement, ainsy que la Royne d'Angleterre le luy avoit mande, pour
+remettre toutes choses a ce qui seroit ordonne par le trette.
+
+Hyer, on tenoit en ceste court la pratique des differans de Flandres
+pour toute desacordee, non sans beaucoup d'indignation contre le duc
+d'Alve et contre l'ambassadeur d'Espaigne; mais, ce matin, par
+aulcunes lettres d'Envers, s'est entendu que le dict duc avoit
+condescendu a la pluspart des choses, que le deppute de Londres avoit
+desirees; et que le Sr Thomas Fiesque seroit en brief par deca pour
+entierement les conclurre. Je ne scay s'il est ainsy, ou si c'est
+artiffice: tant y a que cella ne pourra estre que pour le regard des
+merchandises; car, quant a l'entrecours et commerce, j'entendz qu'il
+n'en est, pour encores, faict aulcune mencion.
+
+Il est nouvelle icy que le duc de Sualsambourg a quatre mille chevaulx
+et six mil hommes de pied ez environs d'Hembourg, et que c'est en
+faveur du roy de Dannemarc, pour se rescentir d'aulcuns mauvais
+deportemens, que icelle ville a uze contre luy, durant la guerre
+contre le roy de Suede, et m'a dict l'ambassadeur d'Espaigne que le
+duc d'Alve est tres bien adverty que ce n'est a aultres fins que pour
+branqueter la dicte ville; et que ce que le comte de Vuandeberg a
+aussi entreprins, de retourner en quelcune de ses terres en Frize, n'a
+este qu'une legiere course, laquelle ne luy a bien reuscy; et que le
+dict duc craint si peu, pour ceste annee, les mouvemens d'Allemaigne,
+qu'il renvoye une partie de sa cavallerie au secours des Venitiens
+contre le Turq, estimant qu'il n'eust peu rien succeder plus a propos
+pour le repos de la Chrestiente que la mort soubdainement advenue du
+duc Auguste[25]. Neantmoins il m'a confesse que, pour quelque
+souspecon de guerre aulx Pays Bas, le dict duc ne parloit plus de s'en
+retourner en Espaigne, et que le propos du duc de Medina Coeli estoit
+refroydy, s'estans desja expediez les princes de Bohesme de Leurs
+Majestez Catholiques pour s'en retourner par Gennes en Allemaigne,
+sans qu'il fut nouvelles que le dict duc les accompaignat; qu'au reste
+toutz les articles de la ligue contre le Turc estoient accordez; ne
+restoit plus que celluy de la creation du lieuctenant de general: que
+le Pape vouloit que ce fut Marc Anthonio Collonna, et le Roy
+d'Espaigne, puisque dom Joan d'Austria estoit le general, desiroit
+que le commandador major de Castille ou bien Joan Andre Doria eussent
+a commander soubz luy. Sur ce, etc. Ce XXXIe jour de janvier 1571.
+
+ [25] Cette nouvelle etait fausse. Auguste, duc et electeur de
+ Saxe, est mort seize ans apres, le 14 mars 1586.
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre a part._)
+
+Madame, estant en ce festin, ou j'ay este convye pour accompaigner la
+Royne d'Angleterre, le XXIIIe de ce mois, elle a prins playsir de
+deviser l'apres dinee, fort longtemps avecques moy; et, entre aultres
+choses, elle m'a dict qu'elle estoit resolue de se maryer, non tant
+pour ne s'en scavoir passer, (car elle en avoit asses faict de
+preuve), comme pour satisfaire a ses subjectz; et aussi pour obvier,
+par l'authorite d'ung mary, ou par la nayssance de quelque lignee,
+s'il playsoit a Dieu luy en donner, aux entreprinses qu'elle sentoit
+bien qu'on feroit contre elle, et sur son estat, si elle devenoit si
+vieille qu'il n'y eust plus lieu de prendre party, ny esperance
+qu'elle deubt avoir d'enfans. Il est vray qu'elle craignoit grandement
+de n'estre bien aymee de celluy qui la vouldroit espouser, qui luy
+seroit ung second inconvenient plus dur que le premier, car elle en
+mourroit plustost; et que, pourtant, elle y vouloit bien regarder.
+
+Je luy ay respondu que a si prudentes considerations et si vrayes,
+comme celles qu'elle disoit, je n'avois que adjouxter, sinon qu'elle
+pouvoit, dans ung an, avoir bien pourveu a tout cella, si, avant les
+prochaines Pasques, elle se maryoit a quelque prince royal, dont
+l'ellection s'en pourroit aiseement faire; et j'en cognoissoys ung qui
+estoit nay a tant de sortes de vertu, qu'il ne failloit doubter
+qu'elle n'en fut fort honnoree et singulierement bien aymee, et dont
+j'espererois qu'au bout de neuf mois apres, elle se trouveroit mere
+d'ung beau filz; par ainsy, en se rendant tres heureuse de mary et de
+lignee, elle amortyroit, par mesmes moyen, toutes les malles
+entreprinses qui se pourroient jamais dresser contre elle.
+
+Ce qu'elle a aprouve bien fort, et a suivy le propos asses longtemps,
+avec plusieurs parolles joyeuses et modestes; et estoit Mr le cardinal
+de Chatillon au mesmes festin, auquel elle n'a point parle a part;
+mais, le lendemain, il a demande audience, et a este quelque temps
+avec elle; puys, au retour, il m'est venu dire adieu, parce qu'il
+partoit le lendemain pour Canturbery, et m'a compte l'estat ou il
+layssoit l'affaire, qui luy sembloit estre en termes d'y pouvoir
+commancer quelque fondement, mais non qu'il y en vit encores nul pour
+s'y debvoir arrester; dont depescheroit Dupin pour le vous aller
+represanter tel qu'il estoit, affin que Vostre Majeste, sellon sa
+prudence, nous vollut commander, a luy et a moy, ce que nous aurions a
+faire.
+
+Je luy descouvriz quelques choses que j'avois aprinses de sa
+negociation, pour luy donner plus grand lumyere comme elle estoit
+receue, et avons advise d'user de bonne intelligence ensemble, mais
+secrectement, affin d'obvier aulx soupecons de ceste court, qui
+bientost seroient si grandz en ce faict, que plus ne se peult dire; et
+n'ay point faict semblant au dict sieur cardinal que Vostre Majeste
+m'en ayt encores faict mencion; mais ceulx qui m'ont donne les
+premiers adviz de ce qu'il en a propose, m'ont adverty qu'a la verite
+il n'a point monstre lettre de Voz Majestez, qui luy en donnast
+expresse commission; dont la dicte Dame s'estoit retiree, et avoit
+dict que, quant vous y vouldriez entendre, vous m'en commanderiez
+quelque chose, comme vous fiant beaucoup de moy. Et ceulx la mesmes
+m'ont mande qu'elle a parle de ce faict a plusieurs des siens, a part
+l'ung de l'aultre, et mesmes a vollu avoir le conseil du duc de
+Norfolc, qui a respondu qu'il avoit este le principal autheur
+d'induyre les Estatz de ce royaulme a la suplyer de se maryer, et de
+laysser a sa liberte de prendre le party que bon luy sembleroit: dont
+ne vouloit changer d'opinion; que quant a Monsieur, toutes choses
+estoient grandes en luy, mais qu'il falloit regarder aux condicions,
+sur quoi le mariage se pourroit conclurre, qui fussent honnorables
+pour sa Mestresse et heurees pour son estat.
+
+D'aultres m'ont mande que les quatre principaulx, qui guydent les
+intentions de la dicte Dame, se sont assemblez pour resouldre qu'est
+ce qu'ilz luy en conseilleroient. Je vous manderay bientost leur
+conseil, et vous adjouxteray cependant, Madame, cestuy cy du mien,
+qu'encor que ceste princesse soit bonne et vertueuse, je ne la tiens
+toutesfois esloignee du naturel de celles qui veulent monstrer de
+fouyr, lorsque plus elles sont recerchees; et ceste nation a aussi
+cella de peculier que, plus on desire quelque chose d'eulx, encor qu'a
+leur proffict, plus ilz la souspeconnent; dont sera bon de ne
+descouvrir trop d'affection de vostre coste, Madame, jusques a ce
+qu'ilz se soyent layssez clairement entendre du leur. Je vous
+escripray bientost d'aultres choses plus importantes de ce propos par
+le Sr de Vassal, qui vous pourront asses esclayrer: et sur ce, etc. Ce
+XXXIe jour de janvier 1571.
+
+
+
+
+CLVIIIe DEPESCHE
+
+--du VIe jour de febvrier 1571.--
+
+(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Vassal._)
+
+ Negociation concernant Marie Stuart.--Conge accorde par la reine
+ aux fils du comte de Dherby.--Concession faite par le pape au
+ roi d'Espagne du royaume d'Irlande, sous la condition d'y
+ retablir la religion catholique.--Entreprise preparee par les
+ Espagnols pour s'emparer de ce pays.--_Lettre secrete a la
+ reine-mere._ Negociation du mariage du duc d'Anjou.--_Memoire._
+ Nouvelles d'Allemagne.--Projet des protestans de faire une
+ entreprise contre les Pays-Bas.--Affaires d'Ecosse.--_Memoire
+ secret._ Details circonstancies et confidentiels sur la
+ proposition de mariage du duc d'Anjou.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, s'estant la Royne d'Angleterre bien trouvee de sa sante en ceste
+ville de Londres, d'ou le grand yver a chasse toute souspecon de
+peste, elle s'est resolue d'y passer le reste du caresme prenant, et,
+a ceste cause, s'est allee loger en sa mayson de Ouesmestre, ou l'on
+radresse les lisses pour le tournoy, dont je vous ay cy devant
+escript; ayant remiz la dicte Dame de ne descendre a Grenvich jusques
+a environ la my mars, que noz amys de ceste court nous donnent grand
+esperance que les affaires de la Royne d'Escosse seront, entre cy et
+la, accommodez, nonobstant les grandz empeschemens que les comte et
+comtesse de Lenoz s'esforcent d'y mettre; qui, despuys huict jours,
+ont donne entendre qu'il y avoit une entreprinse dressee en Escosse
+pour venir enlever la dicte Dame du lieu ou elle est, et l'aller
+remettre par force en son estat. De quoy est advenu que le comte de
+Cherosbery l'a faicte despuis fort observer, et luy a use ceste
+rigueur qui l'a faicte recheoir en fiebvre, mais l'on y a remedie le
+mieulx et par le plus sage moyen qu'on a peu. Les depputez de
+l'aultre party s'esperent en ce lieu, dans cinq ou six jours, et n'est
+possible que plus tost qu'ilz arrivent nous puissions aulcunement
+advancer le trette. Ceulx qui portent icy ce faict m'ont prie, Sire,
+de vous advertyr en dilligence que milord Boucard a commission
+expresse de vous en parler et de remander incontinent par deca vostre
+responce, et tout ce qu'il aura pu noter de vostre intention en cella,
+affin que, sellon qu'il vous y aura cogneu ou remiz, ou affectionne,
+l'on procede icy ou froydement, ou bien avecques effect, au dict
+trette; dont Vostre Majeste luy pourra user des mesmes parolles
+vertueuses et modestes qu'il a faict jusques icy, affin de consommer
+l'honnorable oeuvre, qu'avez commance, de la restitution de ceste
+princesse, qui touche asses a Vostre Majeste et a la reputation de
+vostre couronne; et aussi pour obvier aulx inconveniens qu'a faulte de
+ce pourroient cy apres survenir.
+
+Les deux filz du comte Derby, nonobstant qu'on les ayt advertys de ne
+demander leur conge, n'ont laysse d'instantment le pourchasser; et
+leur est advenu ce qu'ilz avoient panse, qu'on ne le leur auzeroit
+reffuzer, dont, apres que la Royne leur a faict quelque reprimande, et
+les a heu admonestez de se mieulx deporter pour l'advenir, avec
+quelque difficulte de ne leur bailler sa main a bayser, elle les a
+licenciez.
+
+Au surplus, Sire, aulcuns seigneurs catholiques de ce royaulme me
+viennent d'advertyr qu'ilz ont tout freschement receu nouvelles de
+Rome, comme le Roy d'Espaigne a envoye proposer au Pape l'offre que
+Estuqueley luy a faicte du royaulme d'Yrlande, de la part de ceulx du
+pays, qui sont prestz de le recepvoir, et comme il n'y a vollu
+entendre, sans la concession de Sa Sainctete, comme de celluy, de qui
+releve, de droict, icelle couronne; et que Sa dicte Sainctete luy en a
+desja envoye son consens avec permission d'entreprendre, au nom de
+Dieu, ceste conqueste, en ce qu'il restablyra la religion catholique
+au dict pays; et que le dict Roy est dellibere d'y faire descendre
+bientost, ou du coste d'Espaigne ou de Flandres, dix mil hommes. Je ne
+scay encores si les dicts seigneurs catholiques ont encores descouvert
+rien de cecy a leur Royne; tant y a que je ne vois pas qu'il se face
+nul preparatif pour y resister: et l'ambassadeur d'Espaigne m'a
+curieusement enquiz comme il alloit de ces Brethons, qui estoient
+descenduz au dict pays, et en quoy en estoit la plaincte, que la Royne
+d'Angleterre m'en avoit faicte. A quoy je luy ay respondu, sellon
+l'intention que j'ay estime qu'il me le demandoit. Et a l'on opinion,
+Sire, qu'affin que ceulx cy ne souspeconnent rien de l'entreprinse, et
+qu'ilz ne preignent nulle deffiance du Roy d'Espaigne, le duc d'Alve
+les va entretenant d'ung grand artiffice sur l'accord des
+merchandises, lequel pourtant se monstre enveloupe chacun jour de
+nouvelles difficultez. Sur ce, etc.
+
+ Ce VIe jour de febvrier 1571.
+
+
+ A LA ROYNE.
+
+ (_Lettre a part._)
+
+Madame, j'ay sceu que des quatre seigneurs que je vous escripviz, par
+ma precedante petite lettre, qui s'estoit assemblez pour delliberer de
+ce qu'ilz avoient a conseiller a leur Mestresse touchant le party de
+Monseigneur vostre filz, le premier l'a plainement aprouve comme tres
+bon et tres honnorable; le second l'a entierement contradict, comme
+suspect a la religion protestante, plein de jalouzie aulx aultres
+princes, et tres dangereux pour ce royaume; le tiers a assez suyvy
+ceste seconde opinion; et le quatriesme s'est joinct au premier, mais
+avec ung conseil asses dangereux: c'est qu'il a dict qu'il falloit, en
+toutes sortes, suyvre le propos, car si leur Mestresse estoit resolue
+de se marier et de ne vouloir point des siens, il n'y avoit nul prince
+si commode au monde pour elle que Monsieur, et qu'il ne falloit
+doubter que le mariage ne s'en ensuyvyst, avec l'honneur et advantaige
+d'elle et de son royaume: si, d'advanture, elle n'en avoit nul desir,
+encores scavoit il le moyen comme, avecques le mesmes honneur et
+advantaige, apres qu'on se seroit servy du propos, l'on le pourroit
+rompre sans offancer Monsieur, qui n'en demeureroit que bien
+affectionne a la dicte Dame, mais que tout le mal gre en tumberoit sur
+le Roy, par ce qu'il n'auroit vollu accomplyr les condicions; et s'en
+engendreroit une division entre les deux freres, qui ne seroit que
+utille a l'Angleterre. Ce n'est pourtant, Madame, que celluy, qui a
+donne ce conseil, n'ayt bonne affection au party, mais il est anglois,
+et possible il a propose cella, affin qu'il se trouve tant moins de
+contradisans au present desir de la dicte Dame, laquelle monstre
+cercher bien fort qui le luy veuille aprouver; et c'est cependant un
+adviz a Vostre Majeste pour divertyr que tel inconveniant n'adviegne.
+
+J'ay cerche de scavoir qu'est ce qui avoit reussy du dict conseil, et
+aulcuns de ceulx, qui ne sont encores bien resoluz s'ilz debvoient
+trouver le dict party bon ou mauvais, m'ont mande que toutes les
+parolles et demonstrations de la dicte Dame et des siens ne sont que
+simulation, affin de pouvoir bientost tenir ung parlement la dessus,
+et tirer de l'argent des subjectz, et se meintenir en quelque
+reputation vers eulx et vers les princes estrangiers; et que pourtant
+l'on ne se doibt haster d'en parler plus avant, jusques a ce que l'on
+y voye quelque meilleur fondement; et que mesmes le comte de Lestre
+s'estoit de nouveau faict proposer a sa Mestresse par aulcuns des
+principaulx du conseil, qui avoit fort refroydy le propos. D'aultres
+m'ont mande que la dicte Dame perseveroit, et a bon esciant, et pour
+causes necessaires, a se vouloir marier; et que, sur le partement de
+milord Boucard, entendant les diverses opinions que ceulx de son
+conseil avoient la dessus, elle les avoit assemblez pour leur dire, la
+larme a l'oeil, que, si nul mal venoit a elle, a sa couronne et a ses
+subjectz, pour n'avoir espouse l'archiduc Charles, il debvoit estre
+impute a eulx et non a elle; qui aussi estoient cause que le Roy
+d'Espaigne avoit este offance, et que le royaulme d'Escosse estoit en
+armes contre le sien, et qu'il n'avoit tenu aussi a eulx que le Roy
+n'eust este beaucoup provoque davantaige par leurs deportemens en
+faveur de ceulx de la Rochelle, si elle ne les eust empeschez; dont
+les prioit tres toutz de luy ayder meintenant a rabiller toutz les
+maulx par ung seul moyen, qui estoit de bien conduyre ce party de
+Monsieur; et qu'elle tiendroit pour mauvais subject, et ennemy de ce
+royaulme et tres deloyal a son service, qui aulcunement le luy
+traverseroit. Dont me vouloient bien asseurer que nulz, a present, n'y
+ozoient plus contradire.
+
+Je n'ay laysse, pour cella, de tenir fort suspect le comte de Lestre,
+a cause de l'adviz precedant, jusques a ce que luy mesmes, lundy
+dernier, s'est convye a dyner en mon logis avec le marquis de
+Norampthon, le comte de Sussex, le comte de Betfort, milord
+Chamberlan, et aultres seigneurs de ceste court, tout expres pour me
+venir compter comme les partisans d'Espaigne, qui craignent
+infinyement le mariage de Monsieur, et aussi le secretaire-Cecille qui
+ne veult en facon du monde que sa Mestresse ayt ny luy, ny nul aultre
+mary que soy mesmes, qui est roy plus qu'elle, l'avoient fort
+instantment sollicitee de vouloir accepter le dict comte de Lestre
+comme celluy qui seroit de tres grande satisfaction a tout le
+royaulme, et qu'elle mesmes l'avoit prye de les en remercyer; mais il
+luy avoit respondu que, quant le temps luy estoit bon, ils luy avoient
+este contraires, et meintenant que le temps ne luy servoit plus ilz
+monstroient de luy ayder, et qu'ilz ne faisoient cella, ny comme bons
+serviteurs d'elle, ny comme vrays amys a luy, ains pour interrompre le
+propos de Monsieur; par ainsy, qu'elle l'excusat s'il ne leur en
+scavoit nul gre, ny leur en randoit nul mercys. Et a adjouxte qu'il
+esperoit que les amys pourroient plus en cecy que les adversayres.
+J'ay donne instruction, Madame, d'aulcunes aultres particullaritez la
+dessus au Sr de Vassal, comme a ung gentilhomme, que je tiens fort
+secrect et fidelle, qui vous en rendra bon compte; et sur ce, etc.
+
+ Ce VIe jour de febvrier 1571.
+
+ DIRA LE SR DE VASSAL A LEURS MAJESTEZ, oultre les choses
+ susdictes:
+
+ Que, despuys quelque temps en ca, la Royne d'Angleterre a declare
+ qu'elle se vouloit maryer, et a monstre que ce sien desir estoit
+ fonde sur une tant raysonnable et quasi necessaire occasion que
+ plusieurs, qui souloient opinyastrer le contraire, commencent
+ d'en parler, a ceste heure, aultrement; neantmoins, sur ce qui
+ ne se peult bien dicerner encores, si elle le veult a bon
+ esciant, ou bien si elle le veult ainsy donner a croyre, et sur
+ la diversite des partys ausquelz elle pourroit entendre, et des
+ condicions qui auroient a se requerir, non seulement ceulx de son
+ conseil, mais ceulx de sa noblesse, et presque toutz ses
+ principaulx subjectz en sont en grand contention entre eulx, et
+ se bandent desja en plusieurs conseils et assemblees secrectes
+ pour en tretter, sellon que le desir, ou de pourvoir a la
+ religion protestante; ou d'ayder a la catholique; ou de
+ prejudicier aulx tiltres pretendus de la succession de ce
+ royaulme; ou de favoriser les affaires de la Royne d'Escosse; ou
+ de nourryr amytie avec la France; ou bien de confirmer plus que
+ jamais celle de Bourgoigne; ou de n'innover rien au present estat
+ de ce royaulme, qui est doulx a plusieurs, pousse les ungs et les
+ autres a interrompre ou bien advancer le propos.
+
+ Neantmoins, pour estre encores ceste matiere trop peu meure, la
+ dicte Dame reserve la tenue de son parlement jusques en may ou
+ juing, pour en mieulx delliberer, lequel aultrement debvoit estre
+ convoque en ce moys de janvier, sur la necessite d'avoir argent;
+ car l'Allemaigne et l'Escosse, despuys deux ans, luy ont asses
+ espuyse ses finances; et l'interruption du commerce n'a permiz
+ qu'elle les ayt peu remplyr, bien que, en certain propos, elle
+ m'a naguieres donne entendre qu'elle avoit heu si peu de
+ necessite, que encores n'avoit elle aulcunement touche aulx
+ deniers du Roy d'Espaigne.
+
+ Par lettres, naguieres venues de della la mer, de divers lieux,
+ l'on est en diverses opinions, en ceste court, des choses
+ d'Allemaigne; car les ungs mandent que le duc d'Alve a
+ intelligence avec le duc de Sualsambourg, pensionnaire du Roy
+ d'Espaigne, contre la ville de Hembourg, parce qu'elle a receu le
+ commerce des Anglois, et est encores pleyne de leurs
+ merchandises, et si, a favorise les pratiques du prince d'Orange,
+ et forny argent pour icelles contre les Pays Bas.
+
+ Les aultres escripvent que les princes et capitaines, qui levent
+ gens en Allemaigne, s'entendent avec le dict de Sualsambourg et
+ avec le comte de Vuandeberc, et que, soubz colleur, l'ung
+ d'assieger Hembourg pour le roy de Danemarc, et l'aultre de
+ recouvrer ses terres, ilz se preparent toutz deux, et le roy de
+ Dannemarc aussi, a l'entreprinse des Pays Bas, avec le secours
+ que le Prince d'Orange, beau frere des trois, doibt admener
+ d'Allemaigne; et que icelluy roy de Dannemarc dellibere
+ d'interrompre toutz les trafficz d'Ostrelan, et des regions
+ froydes, aulx Flamans; et mesmes leur serrer une riviere, par ou
+ ilz ont accoustume de recouvrer leurs bledz et aultres
+ provisions, affin de commancer, de bonne heure, a leur retrancher
+ vivres.
+
+ Et adjouxtent que Monsieur, frere du Roy, n'est que bien dispose
+ a ceste entreprinse pour recouvrer ceste portion des dicts Pays
+ Bas, qui apartient a la couronne de France; et qu'il a suplie le
+ Roy de luy permettre de faire ung essay pour en agrandir son
+ appanaige, et d'y employer la gendarmerye, et ce grand nombre de
+ gens de guerre, qui sont meintennant en France, mesmes que les
+ Francoys ne desirent rien tant que cella; s'apercevans enfin des
+ tromperies et simulations du Roy d'Espaigne et de ses ministres,
+ et murmurans que les jours ont este advancez a sa derniere femme,
+ Fille de France, par mauvais trettement qu'elle a receu avecques
+ luy, dont j'ay merveilleusement rejette tout le contenu de cest
+ article, quant on m'en a parle;
+
+ Et que le duc d'Alve, craignant ung si grand orage, commance de
+ mettre ung grand ordre a ses affaires, a recueillyr deniers et
+ armes de toutz costez, et faire secrecte description de gens de
+ guerre. Neantmoins l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, monstre
+ de ne croyre, en facon du monde, qu'il y ayt nulz aprestz contre
+ les Pays Bas, ains tout le contraire, ainsi que je l'ay mande par
+ ma precedante depesche, qu'encor qu'il pense bien qu'il ne
+ tiendroit aulx Anglois que telles choses ne fussent mises en
+ avant et executees, que neantmoins la Royne d'Angleterre n'y
+ veult advancer ses deniers contans, ni aultre chose que parolles
+ et promesses, qui ne sont suffizantes pour mouvoir les Allemans,
+ ni pour faire marcher une armee.
+
+ Comme, a la verite, j'entendz que le capitaine, qui est icy pour
+ le duc Auguste, et qui asseure n'y avoir aulcune certitude de la
+ mort de son maistre, mais bien qu'il estoit fort mallade, n'a
+ este encores guieres bien respondu sur la pratique qu'il mene
+ d'avoir deniers pour les dicts aprestz d'Allemaigne; et si,
+ semble qu'il n'inciste pas fort que la dicte Dame veuille entrer
+ en nulle ligue avec les princes protestans, s'estant laysse
+ entendre que le dict duc Auguste aussi n'y entrera pas et qu'il
+ ne cerche que fere amys de toutz costez, pour s'en ayder au
+ besoing; neantmoins qu'il favorisera et assistera la dicte
+ entreprinse d'iceulx princes.
+
+ Le susdict ambassadeur d'Espaigne a heu adviz que Mr le cardinal
+ de Chatillon a propose a ceste Royne, et a ceulx de son conseil,
+ s'ilz trouveroient bon que le comte Ludovic de Naussau vint avec
+ aulcuns bons navyres de guerre de la Rochelle pour se joindre a
+ ceulx du Sr de Lumbres, affin de tenir ceste mer subjecte contre
+ le duc d'Alve a la devotion toutesfoys de ce royaulme, et que
+ cella a este bien receu du dict conseil et favorise du comte de
+ Lestre, et qu'il entend qu'on arme a cest effect a la Rochelle
+ plusieurs navyres, chose qu'il estime ne pouvoir estre trouvee
+ bonne du Roy.
+
+ Les depputez de la Royne d'Escosse sont venuz plusieurs fois
+ prandre familierement leur disner en mon logis, et m'ont, entre
+ aultres choses, remonstre qu'ilz sont envoyez, de la part des
+ principaux seigneurs de leur pays, pour assister au trette et y
+ procurer la restitution de leur Mestresse, avec charge de
+ proceder en tout sellon qu'elle leur ordonnera, et avec article
+ especial de ne faire rien au prejudice de l'alliance de France;
+ et qu'ilz supplient tres humblement le Roy, qu'au cas que le dict
+ trette ne succede, qu'il veuille avoir souvenance d'eulx; car ilz
+ disent avoir este toutz essayez, l'ung apres l'autre, par grandes
+ offres et presens, de la part de la Royne d'Angleterre, pour
+ suyvre son party, et qu'ilz ont tout rejette, et ont choysy de
+ souffrir plustost toutes extremitez que de quicter ung seul point
+ de l'alliance et devotion qu'ilz ont a la couronne de France;
+
+ Et que les dicts seigneurs requierent une chose de l'evesque de
+ Roz et de moy, c'est que nous les veuillons advertyr, de bonne
+ heure, s'il y aura apparance que le trette ne succede, affin de
+ se pourvoir; et que, sans mettre le Roy en nulle guerre ouverte,
+ s'il luy playt les ayder, quelque temps, de quatre mil escuz par
+ mois, pour entretenir trois cens hommes dans le chasteau de
+ Lislebourg, et sept cens hommes en la campaigne, ilz promettent
+ de faire ce qui s'ensuyt:
+
+ Scavoir, le lair de Granges, capitaine du dict chasteau de
+ Lislebourg, de surprendre les comtes de Lenoz et de Morthon, et
+ les mettre dans son dict chasteau, pour en faire ce que leur
+ Mestresse commandera, et de randre paysible et obeyssante la
+ ville de Lislebourg a la dicte Dame; les aultres seigneurs
+ qu'avec les sept centz hommes, ilz chasseront les Anglois de tout
+ le pays, estandront leur ligue, remettront partout l'authorite de
+ la Royne d'Escosse, de sorte qu'il ne se parlera plus que de luy
+ obeyr, et de demeurer fermes en l'alliance de France, et qu'ilz
+ reduyront, tout entierement, le royaulme en l'estat qu'il estoit
+ auparavant, estantz toutz les principaulx de la noblesse de ce
+ desir, sinon le dict Lenoz, qui n'a, a present, cinq cens escuz
+ de rante au dict pays, et Morthon, qui est homme nouveau et
+ sordide.
+
+ Le Roy d'Espaigne a escript a son ambassadeur, qui est icy, qu'il
+ le resolve clairement, et en brief, de ce qui se doibt esperer de
+ la restitution de la Royne d'Escosse, et en quoy l'on est du
+ trette, monstrant qu'il a bien fort a cueur la matiere; et
+ icelluy ambassadeur a dict a l'evesque de Roz que son Maistre ne
+ regarde sinon comme le Roy commancera d'y proceder, car, de sa
+ part, il y est tout prest et tout resolu. Et par lettre de Rome
+ s'entend que le Pape a desja miz une provision de deniers ez
+ mains du duc d'Alve, pour ayder l'entreprinse sellon que l'ordre
+ en sera mande par Ridolfy; lequel Ridolfy et les seigneurs
+ catholiques de ce pays, me recerchent fort de mettre en avant que
+ les deux Roys se veuillent entendre et se unyr a la dicte
+ entreprinse; ce que j'ayme mieulx qui me soit propose par le dict
+ ambassadeur, qui ne m'en a parle, longtemps y a, que non pas par
+ eulx.
+
+ Je ne puis encores juger au vray si la delliberation de la dicte
+ entreprinse est bien certaine, et moins encores quel evenement
+ elle pourra avoir. Tant y a que, pour la conformite de celle
+ d'Yrlande, elle me semble trop esloignee du vraysemblable, et je
+ sens bien que les Escoucoys, doubtans du secours de France,
+ commancent fort d'esperer en cestuy cy; et le duc d'Alve leur a
+ desja advance quelques deniers, ainsy que je l'ay desja escript.
+
+ AULTRE MEMOIRE ET INSTRUCTION A PART:
+
+ Que le propos de maryer Monsieur avec la Royne, a prins son
+ commancement de ce que, ayant, en une mienne audience, parle a la
+ dicte Dame des fianceailles du Roy, qui se debvoient faire a
+ Espire, apres qu'elle se fut retiree avec ses dames, elle se
+ plaignit que, se faisans plusieurs honnorables mariages en la
+ Chrestiente, nul de son conseil ne luy parloit a elle de prandre
+ party, et que, si le comte de Sussex fut present, au moins luy
+ ramentevroit il l'archiduc Charles.
+
+ Ce que ayant l'une des dames raporte au comte de Lestre, il
+ s'esforcea, le lendemain, affin de luy complayre, de luy remettre
+ si bien le dict archiduc en termes, que le voyage de Coban en fut
+ incontinent dresse; et, de la en avant, elle monstra, de plus en
+ plus, estre resolue de se maryer, et de parler d'affection de
+ l'archiduc, de sorte que le dict comte se repentyt asses d'en
+ avoir meu le propos.
+
+ Sur quoy arrivant le vydame de Chartres pour prandre conge
+ d'elle, il luy parla de Monsieur, frere du Roy, et en parla aussi
+ a plusieurs de son conseil, qui en furent les ungs bien ayses
+ pour traverser l'aultre propos, et les aultres marrys, qui ne
+ vouloient qu'on mit, en facon du monde, cestuy cy en avant.
+
+ Dont, apres que le dict Coban fut de retour avec la responce de
+ reffuz, elle commanca lors d'ouyr, avec plus d'affection, ceulx
+ qui luy proposoient Monsieur; et arrivant la dessus quelque
+ responce du vydame, et survenant, peu apres, Mr le cardinal de
+ Chatillon, la matiere s'est si bien eschauffee que la dicte Dame
+ ne parle plus que de luy, et a dict, tout hault, "que les siens
+ l'avoient souvant pressee de se maryer, mais puys apres ilz y
+ avoient adjouxte tant de dures condicions qu'ilz l'en avoient
+ engardee, et qu'elle cognoistroit meintenant qui seroient ses
+ bons et fidelles subjectz, et les sauroit bien remarquer, et
+ qu'elle tiendroit pour desloyaux ceulx qui luy traverseroient ce
+ tant honnorable party".
+
+ Et comme l'une de ses dames regrettoit que Mon dict Seigneur
+ n'eust quelques ans davantaige, elle respondit:--"Il a vingt ans
+ qui en vallent vingt cinq, car il n'y a rien en son esprit, ny en
+ sa personne, qui ne soit d'homme de valleur."
+
+ Et a milord Chamberland qui luy faisoit ung compte, comme Mon
+ dict Seigneur avoit faict une course jusques a Roan pour voir une
+ jeune flamande fort belle, que le pere, craignant qu'elle ne se
+ derrobat pour le suyvre, l'avoit jettee en haste hors de la ville
+ et conduicte a Diepe, ou n'attendoit que le vent pour la passer
+ en Angleterre, l'une des dames respondit:--"Et bien c'est qu'il
+ n'est point paresseux pour aller voir les dames, il ne craindra
+ guieres de passer la mer."--"Ce ne seroit, respondit la Royne, a
+ mon proffict qu'il fut si dilligent, mais il n'en est pourtant
+ moins a priser."
+
+ Et au baron de Vualfrind, lequel je luy presentay de la part du
+ Roy, apres qu'elle luy eust asses amplement parle du mariage de
+ l'archiduc, en une facon pleyne de jalouzie et de desdein,
+ reprouvant bien fort les nopces d'entre si prochains, comme
+ l'oncle et la niepce:--"Bien que le Roy d'Espaigne, disoit elle,
+ comme grand prince, eust possible estime que son exemple
+ servyroit de loy au monde, mais c'estoit une loy contre le ciel;"
+ luy dit:--"Que l'archiduc luy estoit grandement oblige de ce que,
+ l'ayant reffuse, elle luy avoit faict trouver mieulx qu'elle, et
+ ou l'amytie ne deffauldroit, car, s'ilz ne s'aymoient comme
+ espouzes, ilz s'aymeroient comme parans; et qu'elle esperoit
+ aussi trouver mieulx que luy, dont le regrect cesseroit des deux
+ costez." Puys se corrigea que;--"A la verite elle ne l'avoit pas
+ reffuze, mais elle avoit bien differe la responce, et il ne
+ l'avoit vollue attandre; neantmoins elle ne lairroit d'aymer et
+ honnorer toutjour l'Empereur, et toute sa mayson, sans aulcun
+ excepter."
+
+ Et, au retour de la, le dict sieur baron me demanda si je pensois
+ qu'elle eust parle d'affection et avec jalouzie du dict archiduc,
+ ou bien par maniere de deviz, et qu'il se repentoit de ne luy
+ avoir propose le prince Rodolfe, qui a desja dix sept ans. Je luy
+ respondiz que "le voyage, que le jeune Coban avoit dernierement
+ faict devers l'Empereur, monstroit que, si l'archiduc eust vollu,
+ a ceste heure, entendre a ce party, qu'il eust este accepte."--Il
+ repliqua "qu'il en auroit doncques beaucoup de regrect, et qu'il
+ s'estoit trop haste de s'obliger a celle de Baviere, bien qu'il
+ me vouloit dire que les conditions, sur lesquelles on le vouloit
+ maryer avec ceste Royne, estoient, a ce qu'il avoit ouy dire, si
+ dures et iniques qu'il eust este trop plus subject que Roy."
+
+ L'on me vient d'advertyr que, sabmedy dernier, se plaignant la
+ dicte Dame a l'admyralle Clinton et a milady Coban des
+ difficultez, qu'aulcuns des siens trouvoient au party de
+ Monsieur, comme trop jeune, elle les avoit conjure de luy en dire
+ librement leur opinion, et que, comme les deux plus loyales, et
+ ou elle se fyoit plus qu'en dames de ce monde, elles ne luy en
+ vollussent rien dissimuler; et que la dicte Clinton, luy ayant
+ fort loue ses perfections et confirme grandement son opinion de
+ se maryer, avoit aprouve entierement qu'elle deut espouser
+ Monsieur; et que sa jeunesse ne luy debvoit faire peur, car il
+ estoit vertueux, et elle, pour luy en donner, en toutes sortes,
+ plus de satisfaction que nulle aultre princesse du monde ne
+ scauroit faire. Ce que la dicte Dame avoit accepte avec tant de
+ demonstration de playsir, que milady Coban, n'y ozant rien
+ contradire, avoit seulement dict que les mariages estoient
+ toutjour mieulx faictz et plus plains de contantement, quant l'on
+ espousoit personne de age pareil, ou aprochant au sien, que quant
+ il y avoit grande inegalite. A quoy elle avoit respondu:--"Qu'il
+ n'y avoit que dix ans de differant entre deux, et qu'il eust este
+ fort a propos que ce eust este luy qui les heut davantaige; mais,
+ puysqu'il playsoit a Dieu qu'elle fut la plus vielle, elle
+ esperoit qu'il se contenteroit des aultres advantaiges."
+
+ Il semble que milord Boucard va par della fort pourveu de bonne
+ intention en cest endroict, et qu'il desire infinyement d'y estre
+ employe; et le secretaire, qu'il mene, qui luy a este ordonne par
+ la dicte Dame, s'est venu offryr a moy de servyr, en tout ce
+ qu'il pourra, jusques a la mort; et le Sr Cavalcanty y est plus
+ ardant que nul, mais je ne scay s'il a encores descouvert en
+ quelle intention en est Cecille; tant y a que deppendant
+ entierement de luy, il sera bon d'aller ung peu reserve en son
+ endroict, et neantmoins s'en servyr en ce que Leurs Majestez
+ cognoistront qu'il leur y pourra estre ministre commode et
+ opportun; car, oultre qu'il se dict tres devot a la France, et
+ peculier serviteur de la Royne, il est fort bien entendu ez
+ humeurs de deca. Il n'a vollu partyr avec le dict Boucard pour
+ n'estre veu aller aulcunement pour ce fait, et m'a dict qu'il
+ n'est pas expressement commande de faire le voyage, mais qu'on
+ est bien fort ayse qu'il le face, et il part demain matin.
+
+
+
+
+CLIXe DEPESCHE
+
+--du XIIe jour de febvrier 1571.--
+
+(_Envoyee expres par Jehan Volet jusques a Calais._)
+
+ Negociation de Walsingham, ambassadeur en France.--Affaires
+ d'Irlande; crainte des Anglais qu'une entreprise ne soit tentee
+ sur ce pays.--Affaires d'Ecosse; retards apportes a la
+ conclusion du traite.--Ligue contre les Turcs.--Nouvelles
+ d'Allemagne.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, par la premiere depesche, que le Sr de Vualsinguan a faict par
+deca[26], il s'est si grandement loue a la Royne, sa Mestresse, de
+l'honorable reception et des vertueuses responces qu'il a eues de
+Vostre Majeste, et des bons propos et demonstrations que la Royne,
+vostre Mere, et Monseigneur, luy ont use, que le comte de Lestre m'a
+mande qu'elle m'en rendra ung bien fort grand mercys, la premiere fois
+que je l'yray trouver, affin que je le vous face puys apres entendre
+de sa part; et que je vous represante le grand contantement qu'elle en
+a receu, qui ne la pourriez, a ce qu'il dict, en nulle chose du monde
+plus grandement gratiffier que de favoriser ses ambassadeurs. Et n'ay
+point sceu, a la verite, Sire, que, pour ce commancement, il ayt donne
+que une bien fort bonne satisfaction de Voz Majestez a sa dicte
+Mestresse. Il est vray qu'il a asseure la dicte Dame, ainsy qu'on m'a
+dict, que la pratique, que le capitaine La Roche mene en Yrlande,
+n'est incogneue en vostre court; de quoy aulcuns de son conseil luy
+ont vollu persuader qu'elle devoit donc revoquer milord de Boucard
+qui, pour ceste occasion, a este arreste ung jour a Canturbery; mais
+elle a vollu qu'il ayt passe oultre, esperant que, sur ce qu'elle m'a
+naguieres propose d'icelluy faict, Vostre Majeste l'en satisfera
+bientost.
+
+ [26] Voir les _Memoires et Instructions pour les ambassadeurs ou
+ Lettres et Negociations de Walsingham, ministre et secretaire
+ d'etat sous Elisabeth, reine d'Angleterre_, 1 vol. in-4º,
+ Amsterdam, 1700.
+
+La dicte Dame commance de tourner ses pensees aulx choses du dict pays
+d'Yrlande, car, oultre le faict du dict capitaine La Roche, elle a
+toutjours crainct que le Roy d'Espaigne se vouldroit revancher des
+prinses de mer par quelque entreprinse sur icelluy pays; et, encores,
+par le dernier courrier de Flandres, entendant que le duc d'Alve se
+monstroit si refroydy en la composition des dictes prinses, que
+l'agent de la dicte Dame estoit sur le poinct de s'en revenir, sans
+avoir rien faict, elle en entroit en plus grande deffiance, mais ung
+aultre courrier extraordinaire en vient d'arriver, qui dict que
+icelluy agent a heu, despuys huict jours, une meilleure responce du
+dict duc. Neantmoins, estantz desja aulcuns indices venuz a la dicte
+Dame de la delliberation du dict Roy d'Espaigne en cella, et luy en
+ayant Mr le cardinal de Chatillon, a ce qu'on m'a dict, mande, despuys
+six jours, d'aultres certains adviz, elle monstre, a present, de le
+croyre; dont a mande a millord Sydney debitis d'Yrlande, qui estoit
+prest a s'en venir par deca, de ne bouger de sa charge, et de pourvoir
+soigneusement a la garde du pays, et qu'elle donna promptement ordre
+qu'il luy soit envoye tout ce qui luy sera besoing.
+
+Les choses d'Escosse se brouillent de nouveau, car ceulx du party de
+la Royne commancent de se revancher par della sur ceulx qui suyvent le
+party du comte de Lenoz, et le comte de Morthon, faisant le long a
+venir, prolonge icy beaucoup le trette, ce qui donne cependant loysir
+a la comtesse de Lenoz et aulx siens de remettre en l'opinion de la
+Royne d'Angleterre plusieurs malles impressions contre la Royne
+d'Escosse, luy persuadant qu'elle aspire a sa vie et a la deboutter de
+son estat, si bien qu'elle en est entree en de grandes souspecons,
+mesmes contre ses plus intimes conseillers; qui faict que toute ceste
+court s'en trouve divisee et en grand perplexite. Dont les depputez de
+la dicte Royne d'Escosse, craignans qu'enfin cella n'admene une
+ropture du dict traicte, suplient, de rechef, tres humblement Vostre
+Majeste, de les vouloir, de bonne heure, et par secrectz moyens,
+secourir de ceste provision de quatre mil escuz par moys, qu'ilz vous
+demandent, durant quelque temps, affin d'executer promptement ce
+qu'ilz ont projecte pour le restablissement de l'auctorite de leur
+Mestresse, et pour la conservation de leur pays, et pour l'honneur et
+la gloire de Vostre Majeste et de l'alliance qu'ilz ont avec vostre
+couronne; s'asseurans que la guerre ne durera jamais ung ou deux tiers
+d'an. Et m'ont propose, au cas que voz presens affaires ne permissent,
+Sire, que les puyssiez si tost ayder de ceste somme, qu'il soit vostre
+bon playsir de la leur faire recouvrer sur l'afferme du douaire de
+leur Mestresse, en la faisant delivrer a quelques merchans pour deux
+ou trois ans a venir, moyennant qu'ilz advanceront les deniers,
+desquelz, s'il en debvoit survenir cy apres nul interest a Vostre
+Majeste, ou quelque diminution a leur dicte Mestresse, ilz se offrent
+de le faire rembourser par les Estatz de leur pays; et ne vous auront,
+a ce qu'ilz disent, moindre obligation que si le secours estoit tout
+entierement sorty de voz propres finances. A quoy vous playrra, Sire,
+me faire respondre par voz premieres, car, sellon que j'en entendray
+vostre vollonte, je les laysseray, ou bien les divertiray d'en envoyer
+poursuyvre le moyen par della, comme ilz ont dellibere de faire.
+
+Il est nouvelles icy que l'Empereur a offert d'entrer en la ligue
+contre le Turq, et que, en propre personne, il luy commancera la
+guerre, pourveu que les confederez luy veuillent souldoyer vingt mil
+hommes de pied, et luy donner douze mil escuz par moys, pour les
+aultres provisions de l'armee; et qu'il a este de nouveau provoque a
+cella, a l'ocasion de ce que le Turq luy a mande qu'il ayt a luy
+remettre entierement le tiltre du royaulme de Transilvanye, sans
+jamais plus le s'aproprier.
+
+L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a adviz que le comte de
+Sualsemberg, apres avoir compose avec ceulx d'Embourg, pour quarante
+mil tallardz contants, et avec ceulx de Breme pour vingt cinq mil, a
+separe ses gens; par ainsy, toute la peur de ceste guerre est
+estaincte. Sur ce, etc. Ce XIIe jour de febvrier 1571.
+
+
+
+
+CLXe DEPESCHE
+
+--du XVIIe jour de febvrier 1571.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par Bon Jehan._)
+
+ Affaires d'Ecosse.--Efforts de l'ambassadeur pour empecher que le
+ prince d'Ecosse ne soit livre a la reine
+ d'Angleterre.--Sollicitation faite par le duc d'Albe, au nom du
+ roi d'Espagne, en faveur de Marie Stuart.--Negociation des
+ Pays-Bas.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, par la depesche de Vostre Majeste, du premier de ce mois, que le
+Sr de Sabran m'a apportee, il m'a este si sagement et avec tant de
+bonnes considerations satisfaict sur tout ce que, par mes precedantes,
+jusques au vingt quatriesme du passe, je vous avois escript de l'estat
+des choses de deca, qu'il ne me reste rien a present que de bien
+ensuyvre ce que clairement et fort expres il vous playt m'en
+commander, qui mettray peine, Sire, que vous y soyez le plus
+exactement bien servy qu'il me sera possible; seulement je me trouve
+empesche du faict du petit Prince d'Escosse, lequel je vous suplie
+tres humblement, Sire, de croyre que j'ay travaille aultant que j'ay
+peu, et sans trop me descouvrir, a disposer icy les depputez de la
+Royne, sa mere, et ay pareillement envoye disposer ceulx de l'aultre
+party jusques en Escosse, pour s'opposer a ce qu'il ne soit admene par
+deca, et n'ay obmiz nul des inconveniens qui en pourroient advenir,
+que je ne les leur aye toutz representez; et ay sonde si avant iceulx
+depputez de la dicte Dame qu'ilz m'ont confesse que les seigneurs qui
+les ont envoyez, declairent, en ung article de leur instruction,
+qu'ilz ne le peuvent consentyr; neantmoins qu'ilz leur ont baille
+pouvoir, a part, d'en user comme la Royne, leur Mestresse, leur
+ordonnera; et m'ont remonstre que, demeurant les choses en l'estat
+qu'elles sont, la Royne d'Angleterre tient en ses mains la mere, le
+filz et le royaulme, et a desja estably un sien subject pour regent au
+pays, et qu'ilz ne peuvent, sans ung notable secours de Vostre
+Majeste, plus differer de se soubmettre eulx mesmes a ce que la dicte
+Royne d'Angleterre vouldra: scavoir est, d'obeyr au dict regent, et
+recognoistre le jeune Prince pour leur Roy, si, d'avanture, leur
+Mestresse n'est bientost restituee; et que, si le trette n'eust este
+miz en avant, par lequel l'armee d'Angleterre a este retiree, il est
+sans doubte qu'ilz se fussent desja toutz rangez a ce party, de sorte,
+Sire, qu'il ne se fault guieres attandre que, du coste de la Royne
+d'Escosse, laquelle a desja baille son consentz, ny de ceulx qui
+tiennent pour elle, il se face grande resistance a cest article; qui
+est neantmoins le principal, auquel la Royne d'Angleterre et les siens
+incistent, et sans lequel elle monstre de vouloir poursuyvre ses
+entreprinses, ainsy qu'elle les a commancees au dict pays.
+
+Je verray ce que je pourray faire secrectement avec les depputez de
+l'aultre party, qui ne sont encores arrivez, mais l'on les attand dans
+quatre jours; car il est nouvelles qu'ilz ont desja passe Barwich, et
+ne voys point, Sire, qu'il reste plus de ce coste nul moyen en cecy,
+que je ne l'aye desja tante; dont adviserez s'il s'en pourra trouver
+quelcun aultre d'ailleurs qui y puysse mieulx remedier.
+
+Au regard de l'article de la ligue, j'en useray tout ainsy, sans plus
+ny moins, qu'il vous playst me le prescrire, et semble bien que desja,
+sur les fermes et resoluz propos, que j'en ay tenuz a la Royne
+d'Angleterre et aulx siens, ilz soyent en quelques termes de n'en
+parler point.
+
+L'evesque de Roz est alle presser les seigneurs de ce conseil de
+vouloir commancer le dict trette, plus pour cognoistre si leur
+Mestresse avoit change de vollonte que pour esperance de rien faire,
+jusques a ce que les aultres soyent icy; et a trouve qu'a leur arrivee
+elle dellibere de passer oultre, meue beaucoup plus des difficultez,
+qui surviennent chacun jour plus grandes, et en Escosse, et en son
+pays, que de bonne affection qu'elle y ayt; et luy ont iceulx du dict
+conseil dict deux choses: l'une, qu'il ne fault que la Royne, sa
+Mestresse, escoutte les conseilz qu'on luy mandra de della la mer, de
+ne consentyr que son filz viegne en Angleterre, car, sans ce poinct,
+qui estoit desja accorde par elle, il ne fault plus parler de trette;
+la segonde, qu'elle veuille delaysser du tout la pratique de se maryer
+avec dom Joan d'Austria, et n'ouyr plus sur cella Mr le cardinal de
+Lorrayne, qui en renouvelle, a ce qu'ilz disent, encores a present le
+propos. A quoy il a respondu en general, que, si la Royne d'Angleterre
+veult bien user envers sa Mestresse, elle se peult asseurer qu'elle la
+trouvera toute disposee a son amytie, et a faire toutes choses a son
+contantement.
+
+Or, a le duc d'Alve escript, par le dernier ordinaire, une lettre a la
+Royne d'Angleterre, en laquelle, entre aultres choses, il luy faict
+entendre la charge, qu'il a du Roy d'Espaigne son Maistre, de la prier
+bien fort affectueusement qu'elle veuille condescendre a quelque bon
+accord avec la Royne d'Escosse, et luy moyener sa restitution; et
+qu'une des choses qu'il desire aultant a ceste heure est de les voir
+elles deux et leur deux royaulmes en bonne paix et unyon, en quoy,
+s'il se peult rien ayder et servyr, il offre de bon cueur s'y
+employer. Je n'ay encores aprins les aultres particullaritez de la
+dicte lettre, sinon qu'on m'a asseure que la dicte Dame l'a heue fort
+agreable, et que le secretaire Cecille a dict que le duc d'Alve se
+monstre a ceste heure fort rabille vers elle, et la recherche beaucoup
+d'amytie; et que sur ce que Me Prestal l'avoit, puys peu de jours,
+vollu estreindre a quelques pratiques avec les rebelles d'Angleterre
+et d'Yrlande, et avec les Escoucoys du party de la Royne, il n'y avoit
+vollu entendre. Ce qui faict meintenant, Sire, que ceulx cy se
+rasseurent des choses d'Yrlande; et a la verite, la comtesse de
+Northomberland, et aulcuns fuytifz, qui sont en Flandres, ont
+naguieres escript que le Roy d'Espaigne a bien bonne affection de les
+secourir et d'entreprendre en Yrlande, mais que le duc d'Alve en
+estoit tout refroydy, et qu'il leur est besoing d'envoyer ung
+personnaige de bonne qualite en Espaigne pour negocier, par eulx
+mesmes, leur affaire avec le Roy d'Espaigne. Je ne scay s'ilz auront
+esleu a cella millord de Sethon; tant y a que je vous puys asseurer,
+Sire, qu'il estoit, le XXIIIe du passe, au logis de l'ambassadeur
+d'Escosse a Paris, possible qu'il aura passe oultre.
+
+L'accord des prinses estoit venu a une manifeste ropture avec le
+deppute de ceste Royne, qui s'estoit desja achemine pour s'en
+retourner, sans avoir rien faict, quant le duc d'Alve l'a contremande
+pour luy dire qu'il avoit receu nouvelles lettres d'Espaigne, par
+lesquelles il luy vouloit bien signiffier la bonne intention du Roy,
+son Maistre, envers la Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, et comme il
+avoit desir d'accorder a toutes les choses raysonnables qu'elle
+vouloit; par ainsy que les difficultez seroient bientost vuydees, et
+qu'il envoyeroit un notable conseiller par deca pour l'accommodement
+de toutes choses; dont s'attand, a ceste heure icy, l'arrivee du Sr
+Suenegheme de Bruges, qui vient avec le dict deppute d'Angleterre. Sur
+ce, etc. Ce XVIIe jour de febvrier 1571.
+
+
+
+
+CLXIe DEPESCHE
+
+--du XXIIIe jour de febvrier 1571.--
+
+(_Envoyee expres jusques a Calais par ung gentilhomme escoucoys._)
+
+ Audience.--Assurances d'amitie.--Maladie de la reine de
+ France.--Desaveu du roi au sujet de la descente des Bretons en
+ Irlande.--Satisfaction d'Elisabeth a raison du refus qu'aurait
+ fait le duc d'Anjou de se mettre a la tete d'une entreprise sur
+ l'Irlande.
+
+
+ AU ROY.
+
+Sire, a la delliberation, que j'avois, d'aller trouver la Royne
+d'Angleterre sur ce que le Sr de Sabran m'avoit apporte, il m'y est
+encores venue nouvelle occasion, par la depesche suyvante, que j'ay
+cependant receue de Vostre Majeste, du VIIIe de ce moys, de laquelle
+j'ay faict de tout ung avec la premiere; et n'ay separe les poinctz de
+l'une ny de l'aultre, sinon par l'ordre que je les ay trouvez en
+icelles, qui y sont si bien et si distinctement comprins, qu'il n'a
+este besoing d'y adjouxter du mien que seulement ce que j'ay estime a
+propos pour les faire bien prandre a la dicte Dame.
+
+Laquelle m'a respondu, quant au premier, qu'elle avoit ung singulier
+playsir que ses ambassadeurs vous eussent bien signiffie la droicte
+intention, qu'elle a, a la commune paix d'entre Voz Majestez, et a
+celle particuliere de vostre royaulme; et qu'elle vous prie, Sire, de
+croyre que, quant au debvoir de perseverer en vostre amytie, et a
+desirer le bien et establissement de voz affaires, qu'elle y est si
+parfaictement disposee que nul du monde ne le scauroit estre
+davantaige; et que vous cognoistrez qu'elle l'a desja ainsy monstre
+par effectz, quant plusieurs choses, de celles qui ont passe despuys
+trois ans, vous seront mieulx cogneues qu'elles ne le sont a present;
+et qu'elle vous promect, pour l'advenir, qu'il ne sortyra, de son
+coste, occasion aulcune, par ou vostre dicte amytie puysse estre
+offancee, pourveu que vous ne veuillez poinct offancer la sienne;
+qu'elle avoit grande occasion de vous remercyer de ce qu'il vous avoit
+pleu fort favorablement licencier l'ung de ses ambassadeurs, et
+recepvoir avec mesme faveur l'aultre, et de ce, encores, qu'avez
+commance de faire honorer grandement milord Boucart a Callais, a
+Bolloigne et a Montrueil; dont il luy avoit escript le bon trettement
+qu'on luy avoit faict en ces trois villes, et que Vostre Majeste aussi
+ne trouveroit en eulx, s'ilz ne veulent estre traystres a elle et
+desobeyssans a ses commandemens, que toute disposition de vous honorer
+et servyr, et vous complayre en tout ce qu'il leur sera possible; que
+la nouvelle que je luy apportois de la malladye de la Royne, a ceste
+heure qu'elle guerissoit et alloit en amandant, n'estoit si facheuse a
+ouyr, comme si je la luy eusse dicte, quant elle estoit en dangier,
+dont elle prioyt Dieu pour sa convalescence, comme pour la sienne
+propre; et que Dieu vous avoit vollu temperer a toutz deux, par ce
+petit ennuy, le grand ayse de vostre mariage, affin de le vous randre
+meilleur et de plus de duree cy apres; qu'encor que le sacre et
+couronnement d'elle, et son entree fussent remiz a une aultre foys,
+et que ceulx, qu'elle a envoyez par della, ne puyssent voir toutz les
+triomphes qu'ilz s'attandoient, elle toutesfois ne vouldroit avoir
+differe davantaige la conjoyssance de voz nopces, ny de la venue de la
+Royne, pour ne deffaillir a ce que, non moins de son affection que de
+son debvoir, elle estimoit estre tenue en cella; au demeurant, qu'elle
+demeuroit tres contante et bien satisfaicte de la responce, que vous
+luy faisiez sur les choses d'Yrlande, et encores plus de ce qu'elle
+s'asseuroit que Vostre Majeste l'accomplyroit ainsy par oeuvre, comme
+elle avoit desja entendu que, sur ce que Mr le cardinal de Lorrayne et
+Mr le Nunce et l'arsevesque de Glasco avoient naguieres propose a
+Monsieur, frere de Vostre Majeste, de faire une entreprinse au dict
+pays, il avoit este si vertueulx et si sage, qu'il n'y avoit vollu
+entendre, ny Voz Majestez Tres Chrestiennes y prester l'oreille, dont
+ne vouloit obmettre de vous en remercyer toutz trois de tout son
+cueur; mais pourtant elle n'avoit vollu ottroyer de saufconduict au
+dict arsevesque de Glasco, bien que la Royne d'Escosse le luy eust
+fort instantment faict demander par l'evesque de Ross; car avoit
+opinion que c'estoit plus pour venir interrompre le trette que pour
+l'advancer; et que, estant le comte de Morthon prest a arriver dans
+peu d'heures, l'on procederoit incontinent au dict trette avec le plus
+d'expedition que faire se pourroit.
+
+Je luy ay seulement replique, Sire, quant a l'entreprinse, qu'elle
+disoit avoir este proposee a Monsieur, si elle scavoit a la verite que
+cella fut vray, et m'ayant soubdainement respondu que _ouy_, tant
+certainement que mesmes elle avoit par escript le mesmes propos, qui
+luy en avoit este tenu, j'ay suyvy a luy dire qu'elle print bien
+garde que cella ne procedast de quelque mauvaise boutique pour cuyder
+luy en mettre la jalouzie dans le cueur, car Mr le cardinal estoit ung
+si prudent et si advise seigneur en ses conseilz, qu'a peyne en avoit
+il miz ung tel en avant a Monsieur, en temps de si bonne paix;
+neantmoins, commant que la chose allat, elle voyoit que Vostre Majeste
+faisoit ung grand fondement de la parolle, que luy aviez donnee, de
+desister de toute entreprinse d'armes, jusques a ce que le traicte fut
+acheve, et que vous faisiez aussi pareil estat de celle que vous aviez
+d'elle, pour la liberte et restitution de la Royne d'Escosse; dont je
+la suplyois qu'elle y vollust meintenant mettre le desire effect, que
+Vostre Majeste attandoit de sa bonte et de sa promesse.
+
+Elle m'a respondu qu'elle voyoit bien que Vostre Majeste ne pourroit
+jamais oublyer cest affaire, parce qu'il y en avoit asses qui le vous
+recordoient, et qu'elle esperoit qu'il s'acommoderoit bientost, non
+sans qu'on se mouquast asses par tout le monde d'elle, d'estre si
+indulgente et facille envers celle qui l'a infinyement offancee; qu'au
+reste elle recepvoit ung singulier playsir d'entendre que Vostre
+Majeste eust une si vertueuse et si droicte intention a la reunyon de
+l'esglize, comme je le luy asseuroys, qui ne pourroit estre que cella
+n'admenast ung grand bien a la Chrestiente, et qu'elle vous y
+correspondroit de sa part, avec telle affection et promptitude, comme
+vous le pourriez desirer; qui pourtant vous prioyt de perseverer en ce
+sainct propos, et ne vous laysser persuader a ceulx qui vous y
+vouldroient proposer les armes.
+
+Et ainsy me suys gracieusement licencie de la dicte Dame, mais j'ay
+comprins despuys, par aulcuns propos du secretaire Cecille, qu'elle
+avoit heu ung singulier playsir que Vostre Majeste n'a advoue les
+choses d'Yrlande, parce qu'elle a envoye pour surprendre ce qui s'y
+trouvera de Bretons et estrangiers pour les chastier. La dicte Dame a
+faict depescher lettres a toutes ses provinces pour convoquer ung
+parlement, au deuxiesme jour d'avril prochain, en ceste ville de
+Londres, avec secret mandement de n'eslire aulcun deppute, qui ne soit
+declaire protestant. Elle estime que la tenue d'icelluy ne sera que de
+dix jours, dedans lesquelz elle espere avoir obtenu ce qu'elle
+pretend, de quelque subvention de deniers; d'un decrect sur les biens
+et personnes des fugitifz; et sur quelque reiglement plus estroict en
+leur religion; qui sont les trois poinctz pour lesquelz l'assemblee se
+faict. Les commissaires de Flandres ne sont encores venuz, mais l'on
+me vient d'advertyr que le comte de Morthon est tout meintenant
+arrive. Sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de febvrier 1571.
+
+
+FIN DU TROISIEME VOLUME.
+
+
+
+
+TABLE DES MATIERES DU TROISIEME VOLUME.
+
+
+ANNEE 1570.
+
+ Pages
+ 81e _Depeche._--4 janvier.--
+
+ AU ROI. 1
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 6
+ Nouvelles de la Rochelle. _Ib._
+ Deroute des revoltes du nord. 7
+
+ 82e _Depeche._--10 janvier.--
+
+ AU ROI. 10
+ Nouvelles du nord. 10
+
+ A LA REINE. 12
+ Craintes des Anglais. 13
+
+ 83e _Depeche._--15 janvier.--
+
+ AU ROI. 14
+ Le comte de Northumberland prisonnier. 15
+ Affaires d'Allemagne et des Pays-Bas. 16
+
+ A LA REINE. 18
+ Affaires de la Rochelle. _Ib._
+
+
+ 84e _Depeche._--21 janvier.--
+
+ AU ROI. 20
+ Executions dans le nord. 21
+
+ A LA REINE. 24
+ Propositions faites a Marie Stuart. _Ib._
+ _Lettre en chiffre._ 26
+ _Memoire secret._ 27
+ Projets du duc d'Albe. 29
+ Proposition d'une ligue avec l'Espagne contre l'Angleterre. _Ib._
+
+ 85e _Depeche._--28 janvier.--
+
+ AU ROI. 33
+ Mission de Mr de Montlouet. _Ib._
+ Nouvelles d'Allemagne. 35
+
+ 86e _Depeche._--2 fevrier.--
+
+ AU ROI. 37
+ Audience. _Ib._
+ Mort du comte de Murray. 39
+
+ A LA REINE. 40
+ Affaires d'Ecosse. _Ib._
+
+ 87e Depeche.--10 fevrier.--
+
+ AU ROI. 41
+ Audience. _Ib._
+ Arrestation de l'eveque de Ross. 43
+
+ A LA REINE. _Ib._
+ Preparatifs contre l'Ecosse. 44
+ _Note._ Etat general des affaires. 45
+
+ 88e _Depeche._--13 fevrier.--
+
+ AU ROI. 47
+ Negociation avec les Pays-Bas. _Ib._
+ Affaires d'Ecosse. 49
+
+ 89e _Depeche._--17 fevrier.--
+
+ AU ROI. 50
+ Sollicitations des protestans. 51
+ Preparatifs de guerre. 52
+
+ A LA REINE. 55
+ Divisions en Angleterre. _Ib._
+ _Memoire general_ sur l'etat des affaires. 54
+
+ 90e _Depeche._--22 fevrier.--
+
+ AU ROI. 58
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 61
+ Affaires de Marie Stuart. 62
+
+ 91e _Depeche._--26 fevrier.--
+
+ AU ROI. 63
+ Affaires de la Rochelle. _Ib._
+ Instances de Marie Stuart. 66
+
+ 92e _Depeche._--28 fevrier.--
+
+ AU ROI. 67
+ Defaite de lord Dacre. _Ib._
+
+ 93e _Depeche._--4 mars.--
+
+ AU ROI. 69
+ Affaires d'Ecosse. _Ib._
+
+ A LA REINE. 71
+ Changement dans les dispositions d'Elisabeth. _Ib._
+ _Memoire._ Preparatifs de guerre en Angleterre. 72
+ _Memoire secret._ Projet pour le retablissement de
+ Marie Stuart en Ecosse, et de la religion catholique
+ en Angleterre. 76
+
+ 94e _Depeche._--9 mars.--
+
+ AU ROI. 79
+ Continuation des preparatifs de guerre. _Ib._
+
+ 95e _Depeche._--14 mars.--
+
+ AU ROI. 82
+ Satisfaction donnee a Elisabeth. _Ib._
+ Affaires d'Ecosse. 83
+
+ 96e _Depeche._--19 mars.--
+
+ AU ROI. 85
+ Nouvelles d'Allemagne. 86
+ Succes des revoltes en Irlande. 87
+
+ 97e _Depeche._--27 mars.--
+
+ AU ROI. 88
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE (_lettre secrete_) 94
+ Avis d'une levee d'armes en Allemagne. _Ib._
+ _Memoire_ sur les troubles du nord. 95
+ _Memoire secret._ Avis du duc d'Albe; propositions de
+ Cecil et de Leicester; projets des seigneurs catholiques. 98
+
+ 98e _Depeche._--31 mars.--
+
+ AU ROI. 103
+ Moderation d'Elisabeth. _Ib._
+ Le comte d'Arundel mis en liberte. 104
+
+ 99e _Depeche._--4 avril.--
+
+ AU ROI. 106
+ Faveur du comte d'Arundel. _Ib._
+ Projet contre l'Ecosse. 107
+
+ 100e _Depeche._--9 avril.--
+
+ AU ROI. 110
+ Preparatifs de guerre. _Ib._
+ 101e _Depeche._--13 avril.--
+
+ AU ROI. 113
+ Continuation des preparatifs. _Ib._
+ Nouvelles des protestans de France. 114
+
+ 102e _Depeche._--18 avril.--
+
+ AU ROI. 116
+ Nouvelles d'Ecosse. _Ib._
+
+ A LA REINE. 120
+ Necessite de la paix en France. 121
+ _Lettre secrete._ 122
+ _Memoire._ Resolution du conseil d'Angleterre. _Ib._
+ _Memoire secret_ sur divers projets de mariage. 125
+
+ 103e _Depeche._--25 avril.--
+
+ AU ROI. 128
+ Prise d'armes contre l'Ecosse. _Ib._
+
+ 104e _Depeche._--27 avril.--
+
+ AU ROI. 130
+ Etat des partis en Ecosse. _Ib._
+
+ 105e _Depeche._--5 mai.--
+
+ AU ROI. 133
+ Audience. _Ib._
+ Nouvelles d'Ecosse. 137
+
+ 106e _Depeche._--8 mai.--
+
+ AU ROI. 138
+ Debats dans le conseil. _Ib._
+ Premiere invasion en Ecosse. 139
+
+ A LA REINE. 142
+ Declaration du roi touchant l'Ecosse. _Ib._
+ _Memoire general._ 144
+ _Memoire secret_ sur la declaration du roi. 148
+
+ 107e _Depeche._--13 mai.--
+
+ AU ROI. 150
+ Nouvelles de l'invasion. _Ib._
+
+ 108e _Depeche_.--17 mai.--
+
+ AU ROI. 154
+ Hesitation d'Elisabeth a poursuivre son entreprise
+ sur l'Ecosse. _Ib._
+
+ 109e _Depeche_.--22 mai.--
+
+ AU ROI. 157
+ Proposition d'un accord touchant Marie Stuart et l'Ecosse. _Ib._
+
+ 110e _Depeche_.--27 mai.--
+
+ AU ROI. 161
+ L'eveque de Ross mis en liberte. 163
+ Audience. _Ib._
+ Resolution du conseil d'eviter la guerre. 168
+ _Traite_ concernant l'Ecosse. 169
+
+ 111e _Depeche_.--1er juin.--
+
+ AU ROI. 171
+ Affaires d'Ecosse. _Ib._
+ Execution des Northon. 173
+ Bulle qui declare Elisabeth heretique. _Ib._
+
+ 112e _Depeche_.--5 juin.
+
+ AU ROI. 174
+ Maintien du traite conclu. 175
+ Audience accordee a l'eveque de Ross. 176
+
+ 113e _Depeche_.--11 juin.--
+
+ AU ROI. 178
+ Liberte de l'eveque de Ross. 179
+ Conditions de la restitution de Marie Stuart. _Ib._
+ Interrogatoire du duc de Norfolk. 180
+ _Memoire general._ 181
+ _Memoire secret._ Discussion sur le traite. 185
+
+ 114e _Depeche_.--16 juin.--
+
+ AU ROI. 192
+ Changement dans les resolutions d'Elisabeth. _Ib._
+
+ A LA REINE. 196
+ Mesures de rigueur contre les catholiques. _Ib._
+
+ 115e _Depeche_.--19 juin.--
+
+ AU ROI. 198
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 203
+ Nouvelles de la Rochelle. 204
+
+ 116e _Depeche_.--21 juin.--
+
+ AU ROI. 206
+ Expedition de Bretagne. _Ib._
+ Nouvelles d'Allemagne. 208
+
+ A LA REINE (_Lettre secrete_) 209
+ Projets des protestans de France. _Ib._
+
+ 117e _Depeche_.--25 juin.--
+
+ AU ROI. 212
+ Conditions du traite pour Marie Stuart. 214
+ Nouvelles d'Allemagne. 215
+
+ 118e _Depeche_.--29 juin.--
+
+ AU ROI. 216
+ Audience. _Ib._
+
+ 119e _Depeche_.--5 juillet.--
+
+ AU ROI. 222
+ Negociation touchant l'Ecosse. _Ib._
+ _Memoire general._ 223
+ _Memoire secret._ Articles concernant Marie Stuart. 228
+
+ 120e _Depeche_.--9 juillet.--
+
+ AU ROI. 230
+ Mission de Mr de Poigny. _Ib._
+ Combat de Sainte-Gemme, pres Lucon. 232
+ Declaration du duc d'Albe. 233
+
+ 121e _Depeche_.--14 juillet.--
+
+ AU ROI. 234
+ Audience. _Ib._
+
+ 122e _Depeche_.--19 juillet.--
+
+ AU ROI. 240
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 244
+ Espoir de la restitution de Marie Stuart. _Ib._
+
+ 123e _Depeche_.--25 juillet.--
+
+ AU ROI. 246
+ Deliberation concernant le duc de Norfolk. _Ib._
+ Preparatifs de guerre. 247
+ Nouvelles d'Allemagne. 248
+ _Memoire general._ 250
+ _Memoire secret._ Intrigues de l'Espagne. 254
+ Dispositions du cardinal de Chatillon. 256
+
+ 124e _Depeche_.--30 juillet.--
+
+ AU ROI. 258
+ Crainte en Angleterre d'une ligue generale; armemens. _Ib._
+
+ 125e _Depeche_.--6 aout.--
+
+ AU ROI. 263
+ Visite de Mr de Poigny a Marie Stuart. _Ib._
+ Audience. 264
+
+ 126e _Depeche_.--11 aout.--
+
+ AU ROI. 269
+ Force de la flotte armee en guerre. _Ib._
+ Paix de France. 272
+ Execution de Felton. 273
+
+ 127e _Depeche_.--14 aout.--
+
+ AU ROI. 274
+ Mission de Walsingham en France. _Ib._
+
+ 128e _Depeche_.--18 aout.--
+
+ AU ROI. 275
+ Audience. 276
+
+ A LA REINE. 278
+ Doutes sur la paix de France. 279
+
+ 129e _Depeche_.--21 aout.--
+
+ AU ROI. 280
+ Instructions de Walsingham. 281
+ Affaires d'Ecosse. 283
+
+ A LA REINE. 284
+ Effet de la pacification. _Ib._
+
+ 130e _Depeche_.--26 aout.--
+
+ AU ROI. 285
+ D'une entreprise sur Calais. _Ib._
+ Instances de Marie Stuart. 287
+
+ 131e _Depeche_.--5 septembre.--
+
+ AU ROI. 289
+ Audience. 290
+ Deuxieme invasion en Ecosse. 294
+ _Memoire general._ _Ib._
+ _Memoire secret._ Devouement du duc de Norfolk a
+ Marie Stuart; projet de l'Espagne contre l'Angleterre. 299
+
+ 132e _Depeche_.--10 septemb.--
+
+ AU ROI. 302
+ Mission de sir Henri Coban aux Pays-Bas. _Ib._
+ Troisieme invasion en Ecosse. 304
+
+ 133e _Depeche_.--15 septemb.--
+
+ AU ROI. 304
+ Sortie de la flotte. _Ib._
+ Explications sur la derniere invasion en Ecosse. 307
+ Message du cardinal de Chatillon. 308
+
+ 134e _Depeche_.--19 septemb.--
+
+ AU ROI. 309
+ Negociation avec l'Espagne. 310
+ Affaires d'Ecosse. 311
+
+ 135e _Depeche_.--24 septemb.--
+
+ AU ROI. 313
+ Mouvement au pays de Lancastre. _Ib._
+ Conference avec le cardinal de Chatillon. 314
+
+ 136e _Depeche_.--29 septemb.--
+
+ AU ROI. 317
+ Negociation des Pays-Bas. 318
+ Mission de Mr de Verac en Ecosse. 319
+
+ 137e _Depeche_.--5 octobre.--
+
+ AU ROI. 320
+ Retour de Walsingham. _Ib._
+ Cecil envoye vers Marie Stuart. 321
+ Nouvelles d'Allemagne. 322
+
+ 138e _Depeche_.--10 octobre.--
+
+ AU ROI. 323
+ Passage de la reine d'Espagne. 324
+ Prises faites par le capitaine Sores. 326
+
+ 139e _Depeche_.--16 octobre.--
+
+ AU ROI. 327
+ Conditions proposees a Marie Stuart. 328
+ Soulevement au pays de Lancastre. 330
+ _Memoire general._ Intrigues de l'Espagne, affaires
+ d'Ecosse. 331
+
+ 140e _Depeche_.--17 octobre.--
+
+ AU ROI. 336
+ De l'alliance d'Ecosse. 337
+
+ 141e _Depeche_.--25 octobre.--
+
+ AU ROI. 339
+ Audience. _Ib._
+
+ 142e _Depeche_.--30 octobre.--
+
+ AU ROI. 346
+ Negociation de Marie Stuart. _Ib._
+ Nouvelles d'Allemagne. 348
+
+ 143e _Depeche_.--9 novembre.--
+
+ AU ROI. 350
+ Audience. _Ib._
+
+ A LA REINE. 355
+ Nouveaux details d'audience. _Ib._
+ _Lettre secrete._ Proposition du mariage du duc d'Anjou
+ avec Elisabeth. 357
+ _Memoire general._ 360
+
+ 144e _Depeche_.--14 novemb.--
+
+ AU ROI. 365
+ Articles proposes a Marie Stuart. _Ib._
+ Nouvelles des Pays-Bas. 369
+
+ 145e _Depeche_.--19 novemb.--
+
+ AU ROI. 371
+ Mission de lord Seyton. 373
+
+ 146e _Depeche_.--25 novemb.--
+
+ AU ROI. 376
+ Declaration du roi concernant l'Ecosse. _Ib._
+
+ A LA REINE. 380
+ Details d'audience. _Ib._
+
+ 147e _Depeche_.--30 novembre.--
+
+ AU ROI. 382
+ Audience. 383
+ _Memoire general._ Projet des catholiques dans
+ le pays de Lancastre;--Opinions emises dans le conseil
+ contre Marie Stuart;--Negociations de l'Angleterre avec
+ l'Espagne. 389
+
+ 148e _Depeche_.--7 decembre.--
+
+ AU ROI. 394
+ Maladie de Marie Stuart. 397
+ Affaires des Pays-Bas et d'Allemagne. 398
+
+ 149e _Depeche_.--13 decemb.--
+
+ AU ROI. 399
+ Negociation de Marie Stuart. _Ib._
+ Retour de sir Henri Coban. 400
+
+ 150e _Depeche_.--18 decemb.--
+
+ AU ROI. 403
+ Preparatifs de depart de lord Buchard. _Ib._
+ Nouvelles d'Irlande. 405
+
+ 151e _Depeche_.--23 decemb.--
+
+ AU ROI. 407
+ Rapport de Coban a son retour d'Allemagne. _Ib._
+ Instructions de lord Buchard. 408
+
+ 152e _Depeche_.--29 decemb.--
+
+ AU ROI. 410
+ Audience. 411
+
+ A LA REINE (_lettre secrete_). 414
+ Negociation du mariage du duc d'Anjou. _Ib._
+ _Memoire general._ 421
+
+ANNEE 1571.--PREMIERE PARTIE.
+
+ 153e _Depeche_.--6 janvier.--
+
+ AU ROI. 426
+ Nouvelles d'Espagne. _Ib._
+ Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande. 427
+
+ 154e _Depeche_.--13 janvier.--
+
+ AU ROI. 428
+ Affaires d'Ecosse. _Ib._
+ Mission de lord Seyton. 429
+ Nouvelles d'Allemagne. 431
+
+ A LA REINE (_lettre secrete_). 432
+ Negociation du mariage. _Ib._
+
+ 155e _Depeche_.--18 janvier.--
+
+ AU ROI. 433
+ Audience. _Ib._
+ Prise d'armes des Gueux. 437
+
+ A LA REINE (_lettre secrete_). 438
+ Negociation du mariage. _Ib._
+
+ 156e _Depeche_.--23 janvier.--
+
+ AU ROI. 443
+ Audience. 444
+
+ A LA REINE (_lettre secrete_). 447
+ Negociation du mariage. _Ib._
+ _Avis_ sur les affaires d'Irlande. 450
+
+ 157e _Depeche_.--31 janvier.--
+
+ AU ROI. _Ib._
+ Fetes pour le retour d'Elisabeth a Londres. _Ib._
+ Affaires d'Ecosse. 452
+ Nouvelles d'Allemagne. 453
+
+ A LA REINE (_lettre secrete_). 454
+ Negociation du mariage. _Ib._
+
+ 158e _Depeche_.--6 fevrier.--
+ AU ROI. 457
+ Nouvelles de Marie Stuart. _Ib._
+ Concession de l'Irlande faite par le pape au roi
+ d'Espagne. 458
+
+ A LA REINE (_lettre secrete_). 459
+ Negociation du mariage. _Ib._
+ _Memoire general._ 462
+ _Memoire secret_ sur la negociation du mariage. 466
+
+ 159e _Depeche_.--12 fevrier.--
+
+ AU ROI. 469
+ Negociation de Walsingham. _Ib._
+ Affaires d'Irlande. 470
+ Nouvelles d'Ecosse. 471
+
+ 160e _Depeche_.--17 fevrier.--
+
+ AU ROI. 473
+ Affaires d'Ecosse. _Ib._
+ Nouvelles des Pays-Bas. 476
+
+ 161e _Depeche_.--23 fevrier.--
+
+ AU ROI. 477
+ Audience. _Ib._
+ Convocation du parlement. 481
+
+
+ FIN DE LA TABLE DU TROISIEME VOLUME.
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Correspondance Diplomatique de
+Bertrand de Salignac de La Mothe Fenelon, Tome Troisieme, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fenelon
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE ***
+
+***** This file should be named 39201.txt or 39201.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ http://www.gutenberg.org/3/9/2/0/39201/
+
+Produced by Robert Connal, Helene de Mink, and the Online
+Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
+file was produced from images generously made available
+by the Bibliotheque nationale de France (BnF/Gallica) at
+http://gallica.bnf.fr)
+
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
+
+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
+
+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+http://gutenberg.org/license).
+
+
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
+electronic works
+
+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
+and accept all the terms of this license and intellectual property
+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
+
+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
+
+1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
+
+1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.
+
+1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
diff --git a/39201.zip b/39201.zip
new file mode 100644
index 0000000..64733a6
--- /dev/null
+++ b/39201.zip
Binary files differ
diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt
new file mode 100644
index 0000000..6312041
--- /dev/null
+++ b/LICENSE.txt
@@ -0,0 +1,11 @@
+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
+
+Procedures for determining public domain status are described in
+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
+
+No investigation has been made concerning possible copyrights in
+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
diff --git a/README.md b/README.md
new file mode 100644
index 0000000..3a60f28
--- /dev/null
+++ b/README.md
@@ -0,0 +1,2 @@
+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
+eBook #39201 (https://www.gutenberg.org/ebooks/39201)