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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-14 20:12:09 -0700 |
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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org/license + + +Title: Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième + +Author: Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon + +Release Date: March 19, 2012 [EBook #39201] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE *** + + + + +Produced by Robert Connal, Hélène de Mink, and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available +by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + + + + + + +Notes de transcription: Les erreurs clairement introduites par le +typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée +et n'a pas été harmonisée. + +Quelques caractères, en exposant dans l'original, et dont l'abrévation +n'est pas évidente ou non courante, ont été mis en accolade dans cette +version électronique. Ainsi, l'abréviation {lt} signifie livre +tournois. + +Texte imprimé en lettres gothiques dans le livre d'origine est +marqué =ainsi=. + + + + + CORRESPONDANCE + + DIPLOMATIQUE + + DE + + BERTRAND DE SALIGNAC + + DE LA MOTHE FÉNÉLON, + + AMBASSADEUR DE FRANCE EN ANGLETERRE + + DE 1568 A 1575, + + + PUBLIÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS + + Sur les manuscrits conservés aux Archives du Royaume. + + + TOME TROISIÈME. + + ANNÉES 1570 ET 1571. + + + PARIS ET LONDRES. + + 1840. + + + + + DÉPÊCHES, RAPPORTS, + + INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES + + DES AMBASSADEURS DE FRANCE + + EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE + + PENDANT LE XVIe SIÈCLE. + + + + + RECUEIL + + DES + + DÉPÊCHES, RAPPORTS, + + INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES + + Des Ambassadeurs de France + + EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE + + PENDANT LE XVIe SIÈCLE, + + Conservés aux Archives du Royaume, + + A la Bibliothèque du Roi, + etc., etc. + + ET PUBLIÉS POUR LA PREMIÈRE FOIS + + _Sous la Direction_ + + DE M. CHARLES PURTON COOPER. + + PARIS ET LONDRES. + + 1840. + + LA MOTHE FÉNÉLON. + + + + + Imprimé par BÉTHONE et PLON, à Paris. + + + + + AU-TRÈS-NOBLE + + GEORGE HAMILTON GORDON + + COMTE D'ABERDEEN. + + CE VOLUME LUI EST DÉDIÉ + + PAR + + SON TRÈS-DÉVOUÉ ET TRÈS-RECONNAISSAINT SERVITEUR + + CHARLES PURTON COOPER. + + + + +DÉPÊCHES + +DE + +LA MOTHE FÉNÉLON. + + + + +LXXXIe DÉPESCHE + +--du IVe jour de janvier 1570.--(_Envoyée jusques à Callais par Jehan +Vollet._) + + Audience accordée par la reine d'Angleterre à l'ambassadeur de + France.--Désir du roi de rétablir la paix en son + royaume.--Satisfaction qu'il éprouve de ce que les troubles du + Nord paraissent apaisés en Angleterre.--Protestation + d'Élisabeth qu'elle ne désire rien tant que la réunion des + églises.--Instances de l'ambassadeur en faveur de Marie + Stuart.--Explications sur la conduite qu'il a dû tenir dans + cette négociation.--Nouvelles arrivées à Londres sur l'état des + affaires des protestans en France.--Nouvelles des troubles du + Nord; déroute des comtes de Northumberland et de Westmorland. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay faict entendre à la Royne d'Angleterre que, pour la bonne +estime que Voz Majestez Très Chrestiennes ont de sa bonne et droicte +intention en l'endroit de voz affères et de la tranquillité de vostre +royaulme, vous n'avez sitost veu donner ung peu de commancement et +ouverture à la paciffication des troubles et guerres d'iceluy, que +vous ne m'ayez incontinent commandé de le luy notiffier, affin que, +devant toutz les aultres princes vos alliez, elle ayt le plaisir +d'entendre que les choses s'acheminent par la voye qu'elle a désiré; +et ainsy, luy particullarisant ce qui est advenu à la reddition de +Sainct Jehan d'Angely, et les propos que le sieur de La Personne vous +a tenuz, avec la vertueuse responce de Vostre Majesté, laquelle elle a +vollu curieusement lyre par deux foys, j'ay suivy à luy dire: qu'encor +que vous ayez grand occasion de vous rescentir des choses mal passées, +du costé de ceulx de la Rochelle, de ce qu'ilz ont mené une très +viollante et dangereuse guerre dans vostre royaulme, et y ont +introduict les armes et armées estrangières, à la grand ruyne de vos +bons subjectz; et qu'il soit maintenant en vostre pouvoir de prendre +par force toutes les places qu'ilz tiennent, et de poursuyvre et venir +bien à boult du reste qui est encore en campaigne; néantmoins vous +aymez mieulx uzer envers eulx de la clémence toutjour accoustumée à +vostre couronne, et plus usée de vostre règne, que de nul de toutz voz +prédécesseurs, et les regaigner par doulceur, que de les mener à +l'extrémité d'ung chastiment, espérant qu'ilz auront tant plus de +regrect de leurs deffiances passées, et persévèreront dorsenavant plus +constantment en la confiance, fidellité, et amour qu'ils doibvent à +Vostre Majesté, leur prince naturel, que moins ils espéroient d'estre +jamais receuz en vostre bonne grâce, laquelle néantmoins vous ne leur +avez différée d'ung seul moment, aussitost qu'ilz ont offert de +s'humilier et de se remettre en vostre obéyssance. + +La dicte Dame, d'ung visaige joyeulx, m'a respondu qu'à ceste heure me +voyoit elle, et oyoit mes propos, de trop meilleure affection qu'elle +n'avoit faict despuys ung an, et qu'elle rendoit grâces à Dieu d'avoir +miz au cueur de Voz Majestez Très Chrestiennes, et pareillement en +ceulx de vos subjectz, de retourner à ce mutuel bon ordre de vostre +bénignité envers eulx et de leur subjection envers vous; qu'elle vous +remercye mille et mille foys de luy avoir, ainsy soubdainement et +particullièrement, faict entendre en quoy les choses en sont, ès +quelles elle vous desire tant de bien et de bonheur que vous les +puissiez effectuer à vostre grand advantaige et au repoz de toute la +Chrestienté; et que, si son moyen y peult servyr de quelque chose, +elle le vous offre de tout son coeur, bien qu'elle ne peult fère que +ne porte quelque envye au bonheur de celluy qui a sceu si +oportunéement mettre en avant ce sainct et desiré propos, qu'il ayt +heu meilleur rencontre que quant, d'aultre foys, elle a entreprins +d'en parler; et qu'elle n'a regrect sinon à ce que voz subjectz +peuvent monstrer au monde que, pour leur avoir esté viollé vostre +propre éedict de la paciffication, tant par attemptatz contre leurs +vies, que par contraires lettres contre l'exercisse de leur religion, +ilz ayent heu quelque aparante coulleur de prendre les armes; non que +pourtant elle aprouve qu'ilz ayent bien faict, car plustost s'en +debvoient ils estre allez, et qu'il est tout certain que de quelles +persuasions qu'on luy ayt usé, qui n'ont esté petites, sur la +justiffication de leur cause, elle ne les a jamais volluz secourir. + +Je luy ay répliqué que tout le tort de ceste guerre se manifeste en ce +que ceulx de l'aultre party, en leur plus grande résistance, se +trouvent vaincuz par vos forces, et sont par vostre clémence surmontez +en leur humillité, et que cella vous faict prendre meilleure espérance +de voir bientost remiz vostre royaulme en son premier estat et +grandeur; adjouxtant, afin de parler de la réunion du sien, que ce que +je luy ayt dict de ceste réconcilliation de vos subjectz, Voz Majestez +desirent qu'elle le preigne pour ung tesmoignage que, comme vous +estes correspondant à son desir sur le bien de vostre royaulme, +qu'aussi bien le serez vous sur le bien et paciffication du sien, et +sur ce que vous entendrez bientost que ceste eslévation, qui a apparu +en son pays du North, est esteinte ainsi que je le vous ay desjà +mandé. + +La dicte Dame, usant là dessus de beaucoup de mercyementz, m'a fort +prié de vous assurer que toute ceste guerre du North est véritablement +achevée, et que le comte de Northomberland, se retirant en Ecosse, est +tumbé ez mains du comte de Mora; que le comte de Vuesmerland s'en est +fouy seul, et abandonné des siens, aux montaignes des frontières; et +que plus de cinq cents gentishommes des leurs sont prins, le reste +discipé, et plusieurs exécutez; et qu'elle ne prendroit que pour une +risée toute ceste entreprinse, tant elle a esté folle et légière, +n'estoit qu'il luy faict mal au cueur qu'il s'y soit trouvé meslé ung +seul homme de qualité.--«Car jamais subjectz, dict elle, n'eurent +moins d'occasion que les siens de mouvoir choses semblables contre +leur prince.» + +Et luy ayant seulement répliqué ce mot: «c'est qu'il est fort à +craindre que, tant que la division de la religion durera, que l'on +sera toutz les ans à recommancer,» elle m'a soubdain respondu qu'à la +vérité, puisque les Protestans commancent de proposer entre eulx, +assavoir s'il y a aucune cause pour laquelle l'on puisse, sellon Dieu +et conscience, se soubstraire de l'obéyssance d'ung prince, et le +démettre de son estat; ainsy que le Pape, de son costé, déclaire aussi +les estats de ceulx, qu'il tient pour scismatiques ou hérétiques, +toutz comis et vacquans; elle estime que toutes les couronnes de la +Chrestienté sont assez mal asseurées, et que, de sa part, elle ne se +montrera jamais opiniastre de ne se conformer aulx aultres princes +chrestiens, quant Dieu leur aura mis au cueur de procurer, toutz +ensemble, la réunyon de l'esglyze de Dieu. + +Après cella, Sire, j'ay mené le propos à parler de la Royne d'Escoce, +faisant toutjour instance de sa liberté, bon traictement et +restitution. Sur quoy elle m'a dict que Voz Majestez Très Chrestiennes +en avez parlé amplement à son ambassadeur, et qu'elle vous prie de +considérer que le différand est entre deux princesses qui vous sont +parantes, allyées et confédérées; desquelles vous debviez égallement +peser leur droict, et n'avoir en tant d'affection celluy de la Royne +d'Escoce que ne regardiez à conserver le sien; et qu'elle vous fera +remonstrer encores d'aultres choses par son dict ambassadeur, ès +quelles elle espère que vous luy ferez favorable responce; et ay +cogneu, Sire, que les propos que Voz Majestez ont tenu là dessus au +dict ambassadeur ont grandement esmeu la dicte Dame, à laquelle j'ay +dict que, puysque vostre intention se trouve conforme aulx +continuelles instances que je luy ay faictes icy de vostre part pour +la Royne d'Escoce, que je la suplye de déposer à ceste heure le cueur +et le courroux qu'elle a contre elle, puysqu'elle s'est justiffiée de +toutz ces troubles du North, pour se la randre désormais tant attenue +et obligée, qu'elle n'ayt à estre jamais rien tant que toute sienne; +et que, pour l'amour de Voz Majestez Très Chrestiennes, qui tant l'en +priez, elle veuille aussi faire quelque chose pour son bien, n'estant +possible que vous puyssiez laysser de le pourchasser tant que vous la +voyez restituée, ce que vous desirez toutesfoys estre sellon son gré +et contantement. + +Elle m'a promiz là dessus, qu'aussitost qu'une responce, qu'elle +attant d'Escoce, sera arrivée, elle ne diffèrera d'ung seul jour +d'entendre en l'affaire de la dicte Dame, et y prendre ung si bon +expédiant qu'elle espère que vous en serez contant; dont de tout ce +qui s'en résouldra elle mettra peyne que vous en soyez adverty: et +remettant, Sire, plusieurs aultres choses, que j'ay notées de ses +propos, au premier des miens que je vous dépescheray, je bayseray en +cest endroict très humblement les mains de Vostre Majesté, et +supplieray le Créateur qu'il vous doinct, Sire, en parfaicte santé, +très heureuse et très longue vie, et toute la grandeur et prospérité +que vous desire. + + Ce IVe jour de janvier 1570. + + Je crains assés qu'on veuille mettre en avant l'eschange de la + Royne d'Escoce et du comte de Northomberland; vray est qu'il ne + s'en entend encores rien. + + + A LA ROYNE. + +Madame, je mectz en la lettre, que j'escriptz au Roy, aulcuns propos +de la Royne d'Angleterre, touchant ceulx que, par les deux dernières +dépesches de Voz Majestez, vous m'avez commandé de luy tenir, sur +lesquelz me reste à vous dire, Madame, qu'il semble que ceste +princesse et les siens soyent bien ayses, mais diversement, qu'il se +face une paciffication en vostre royaulme; elle, affin d'estre exempte +de bailler secours à ceulx de la Rochelle, et ne venir à vous faire +quelque manifeste offance pour eulx, et mesmes aura plaisir que les +choses se facent à votre grand advantaige; et eulx, pour n'ozer +meintenant guières presser leur Mestresse de les secourir, ny +d'attempter rien qui vous puysse desplayre; mais ilz vouldroient que +l'advantaige demeurât à ceulx de l'aultre party, sur la soubmission +desquelz, laquelle leur ambassadeur a escripte par deçà, encores que +le jeune comte de Mensfelt fût desjà despêché, ilz le font temporiser, +affin d'attandre quelle yssue prendra ce que le Sr de La Personne en a +commencé de traicter. Et doublant assés que la paciffication ne s'en +puysse bien ensuyvre, luy et le Sr de Lombres incistent grandement de +fayre résouldre icy quelque secours de pouldres et d'armes, et de +quelque nombre de gens de cheval, pour l'envoyer à Mr l'Admyral, +s'esforceans de persuader qu'il est encores si fort qu'avec bien peu +d'ayde, il se monstrera plus relevé que jamais, et qu'on luy veuille +aussi (soubz caution) assister de quelques deniers, pour envoyer au +duc de Cazimir, affin de souldoyer des gens de pied, sans lesquelz il +n'oze mettre en campaigne les gens de cheval qu'il a toutz prestz; et +que d'ailleurs le prince d'Orange, voyant qu'une sienne entreprinse +qu'il avoit en Flandres est descouverte, se dellibère de tourner tout +son aprest aulx choses de France; lesquelles propositions demeurent +encores en suspens; et je metz peyne, en tout évènement, de les +retarder ou empescher, aultant qu'il m'est possible. + +Quant à ceulx du North, j'ai vollu vérifier si ce que m'en a dict la +dicte Dame estoit vray, parce qu'on luy déguyse assés souvent les +nouvelles; mais l'on m'a confirmé la route des deux comtes et de toute +leur armée, laquelle a esté de quinze mil hommes; dont y en avoit sept +mille de pied bien armez, et deux mil de cheval en aussi bon équipaige +qu'il s'en peult trouver en Angleterre; et que n'ayantz, pour leur +irrésolution et mauvais accord, ozé venir au combat, ilz se sont +retirez en la frontière d'entre l'Angleterre et l'Escoce, où celluy +de Northomberland et sa femme sont tumbez ez mains d'un armestrang[1], +qu'on a estimé le devoir incontinent livrer au comte de Mora; et que +celluy de Vuesmerland, en habit déguysé, s'en est fouy au plus haut +des montaignes, ayant pour ceste occasion ceste Royne envoyé casser +incontinent son armée, et révoquer le comte de Vuarvic. Mais aulcuns +estiment que le dict armestrang n'est pour consigner le comte de +Northomberland à celluy de Mora, ains plustost pour le relever et pour +luy ayder à remettre sus nouvelles forces. + + [1] Partisan, chef de bande. + +Au reste nul propos n'esmeust tant ceste Royne que quant on luy parle +de la Royne d'Escoce, et ce que Voz Majestez en ont dernièrement dict +à son ambassadeur a faict beaucoup d'effect envers elle. J'ay bien +vollu, pour mon regard, tirer de la propre parole de la dicte Dame ma +justiffication de ne luy avoir, sur les affaires de la dicte Royne +d'Escoce, ny en nulle autre matière, jamais dict ung seul mot qui +l'ayt peu offancer; de quoy elle m'a randu le tesmoignage tout clair +et prompt, que non seulement elle n'a trouvé jamais mauvaise, ains +très agréable, ma façon de parler, et la substance de toutz mes +propos, ainsy que je les luy ay dictz, et qu'elle vous fera expliquer +que ce qu'elle a prins à cueur de mon dire est pour luy avoir asseuré +que Voz Majestez réputeroient toucher à leurs propres personnes les +torts et indignitez qu'on feroit à celle de la Royne d'Escoce; et +qu'elle s'estime vous apartenir en si bonne part, qu'elle doibt bien +estre tenue en quelque compte et respect envers Voz Majestez aussi +bien que la dicte Royne d'Escoce. A quoy je luy ay satisfaict si bien +que, prenant rayson en payement, elle a promis d'entrer bientost en +quelque expédiant touchant les affaires de la dicte Dame; et m'a prié +au reste de vous escripre fort affectueusement que, à ce changement de +gouverneur de Bretaigne, il vous playse de commander à celluy qui +l'est meintenant, et à son lieutenant, de donner libre et sûr accez +aulx Angloix, de leur pouvoir aller demander justice; et que +dorsenavant ilz la leur vueillent administrer eulx mesmes, puysqu'il +n'est possible qu'ilz la puissent aulcunement avoir des officiers et +magistratz du pays, car ses dicts subjectz ne peuvent plus supporter +les oltraiges qu'ilz y reçoipvent ordinairement. + +Depuis le partement du Sr Chapin, l'on a fait exorter les estrangiers +de s'abstenir de tout commerce avec les subjectz du Roy d'Espaigne et +de ne couvrir aulcunement leurs trafficqs par lettres, ny soubz noms +empruntez d'aultres merchantz; et néantmoins la dicte Dame a +vollontairement offert au dict Sr Chapin d'admettre l'ambassadeur +d'Espaigne à parler et traicter avecques elle comme auparavant, sur le +moindre mot que le Roy d'Espaigne luy en vouldra escripre. + +Je bayse très humblement les mains de Vostre Majesté et prie Dieu, +qu'il vous doinct, etc. + + Ce IVe jour de janvier 1570. + + La Royne d'Angleterre, outre les susdicts propos, m'a très + honorablement parlé, et avec aparance de bonne affection, de Voz + Majestez et de Monseigneur vostre filz, et qu'elle avoit avec + grand playsir ouy, du filz de Mr Norreys, plusieurs actes + généreux et de grand vertu du Roy et de mon dict Seigneur, + lesquelz elle luy avoit faict réciter plus de deux foys, sellon + qu'il disoit les avoir veuz et les avoir aprins de ceulx qui les + sçavoient bien.--Ceulx de ce conseil, et mesmement le comte de + Lestre, m'ont faict pryer d'octroyer mon passeport au Sr + Barnabé, qu'ilz dépeschent, avec commission de ceste Royne, pour + aller recouvrer une grande nef vénicienne, chargée de plus de + cent cinquante mil escus de merchandize, qu'on envoyoit en ceste + ville, laquelle le capitaine Sores a prinse despuys ung mois; + affin que, si le dict Barnabé est rencontré par les gallères ou + navyres françoys, ilz ne luy facent poinct de mal. Je ne sçay + s'il yra poursuyvre le dict Sores jusques à la Rochelle. + + + + +LXXXIIe DÉPESCHE + +--du Xe jour de janvier 1570.-- + +(_Envoyée jusques à Callais par homme exprès._) + + Ferme persuasion où l'on est en Angleterre que la paix sera + conclue en France.--Nouvelles du Nord et de la + Flandre.--Meilleur traitement fait à la reine + d'Ecosse.--Crainte des Anglais que le roi, délivré de la guerre + civile, ne donne assistance aux Espagnols dans les Pays-Bas + pour attaquer l'Angleterre. + + + AU ROY. + +Sire, il est venu adviz à la Royne d'Angleterre, par la voye de la +mer, que ceulx de la Rochelle tiennent déjà comme pour conclud le +propos qu'ilz vous ont faict requérir de la paix; et, par ainsy, que +vostre royaulme s'en va hors de troubles, et vous, Sire, en bon trein +de remettre sus fort bien et bientost vos affères, sans qu'il +aparoisse que, pour toutes ces horribles guerres passées, il vous y +soit advenu aulcune diminution, ny en l'estendue de vostre estat, ny +en l'affection de vos subjectz, ains plustôt, une augmentation partout +de vostre grandeur; de laquelle le fondement, en cette mesmes +division, s'est monstré si ferme qu'on a opinion, s'il est une foys +bien réuny, que nulles forces humaines le pourront jamais esbranler. +Dont ceste Royne et les siens continuent, à ceste heure, de me fère +meilleure démonstration que jamais de vouloir persévérer en bonne paix +et amytié avec Vostre Majesté; et n'ont encore dépesché le jeune comte +de Mensfelt, ny rien respondu au Sr de Lombres, attendans si la fin du +dict propos viendra à bonne conclusion, ou bien s'il sera rompu. Et, +cependant, est arrivé ung homme d'Allemaigne, lequel, à ce que +j'entans, raporte que le Cazimir ne lève pas encores ses reytres, mais +qu'il a distribué, ces jours passés, une somme de deniers aulx +capitaines, affin d'estre pretz, quant il les mandera; et il parle +aussi des praticques et menées du prince d'Orange. + +Les choses d'icy ne monstrent, à ceste heure, guières grand mouvement, +estantz ceulz du North séparez et rompuz d'eulz mesmes, ainsy que je +le vous ay confirmé par mes précédantes du IIIIe de ce moys. Il est +vray que, de tant que les deux comtes ne sont au pouvoir de la Royne +d'Angleterre ny ne sont pour y estre aiséement livrez, parce qu'on +dict que celluy de Northomberland est avec milor de Humes et avec le +ser de Farmihirst, comme avecques ses amys; et celluy de Vuesmerland, +avec le comte d'Arguil, qui le trette bien; la chaleur de leur +entreprinse n'est encores réfroydie aulx cueurs des Catholiques, ny en +ceulz des malcontantz; lesquelz demeurent d'ailleurs en quelque +espérance du duc d'Alve, par la mesme peur et grande souspeçon qu'ilz +voyent que la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil se donnent +des aprestz qu'il faict, qui leur sont confirmez par plusieurs +secrectes lettres qu'arrivent ordinairement à la dicte Dame des Pays +Bas; et mesmes l'asseurent que, despuys le retour du marquis de +Chetona, le dict duc s'est résolu de vouloir recouvrer, commant que ce +soit, ses deniers, et les marchandises d'Espaigne arrestées par deçà, +et que, pour y commancer par quelque bout, il a commandé de consigner +toutz les biens des Anglois, qui estoient en Anvers, à certains +Gènevois qui ont faict ung party de six centz mil escuz avec le Roy +d'Espaigne; dont ceulx cy se préparent, avec grand dilligence, au long +de la coste qui regarde vers Flandres, pour résister à ses +entreprinses. Je prendray garde à quoy, jour par jour, cella +s'acheminera, affin de vous en donner toutjour adviz. + +Despuys la dernière instance que j'ay faicte à ceste Royne pour la +Royne d'Escoce, elle l'a faicte ramener à Tutbery, en la compaignie du +comte de Cherosbery seul; s'en estant celluy de Untington allé, qui a +esté du tout deschargé de sa garde, et elle remise en ung peu plus de +liberté, avec démonstration à monseigneur l'évesque de Roz de quelque +faveur davantaige en ceste court, et d'y mieulx recepvoir ses +remonstrances, qu'on n'avoit faict toutz ces jours passez. Ce qui nous +remect en quelque espérance que nous pourrons bientost (si nouvel +accident ne survient) obtenir une ou aultre provision ez affères de la +dicte Dame. Sur ce, etc. + + Ce Xe jour de janvier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, ce qui s'espère de la paciffication des troubles de vostre +royaulme ne monstre aporter, à ceste heure, tant de soupeçon à la +Royne d'Angleterre ny aulx siens, comme il sembloit que, du +commancement, ilz eussent très ferme opinion que la fin de nostre +guerre seroit ung commancement à eulx d'y entrer. Il est vray qu'ilz +ne sont du tout dellivrez de cette peur, craignantz, à ce qu'ilz +disent, que l'estroicte intelligence, que le duc d'Alve a avecques Voz +Majestez, vous attire de son party contre l'Angleterre; car, +aultrement, il leur semble qu'ilz n'ont guières à le craindre, veu le +crédict et faveur de ceste Royne en Allemaigne. Et ainsy, ilz vont +temporisant avecques luy, sans admettre ny rejecter aussi les termes +de l'accord, espérantz qu'ilz se pourront, dans peu de jours, +esclarcyr de vostre cousté, pour sçavoir commant mieulx se conduyre du +sien; et n'estantz encores bien asseurez si le propos de la paix +prendra bonne résolution en France, ilz tiennent leurs dellibérations +en suspens, dillayantz la dépesche du jeune comte de Mansfelt, et leur +responce au Sr de Lombres; et pareillement de ne toucher aux affères +de la Royne d'Escoce, jusques à ce que leur ambassadeur, Mr Norrys, +leur ayt mandé la certitude du tout; et n'ont faict plus grand +empeschement à ung courrier du duc d'Alve, qui est arrivé depuys cinq +jours, que de l'avoir conduict à la court et visité seulement le +dessus de ses pacquetz, lesquels, se doutans bien qu'ilz estoient en +chiffre, l'ont renvoyé avec les dicts pacquetz bien cloz à Mr +l'ambassadeur d'Espaigne, et luy ont ottroyé passeport pour s'en +pouvoir retourner de dellà, bien qu'ilz ne layssent pourtant de vivre +toutjour en grande deffiance du dict duc. A l'occasion de quoy ilz +dressent de grandes forces et ordonnent beaulcoup de gens de cheval, +pistoliers, et renforcent les garnysons tout le long de la coste qui +regarde les Pays Bas; sur ce, etc. + + Ce Xe jour de janvier 1570. + + + + +LXXXIIIe DÉPESCHE + +--du XVe jour de janvier 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Callais par Olivier Cambernon._) + +Efforts que l'on fait en Angleterre pour impliquer le duc de Norfolk +et la reine d'Écosse dans la révolte du Nord.--Le comte de +Northumberland livré dans sa fuite au pouvoir du comte de +Murray.--Mission d'Elphinstone en Angleterre.--Proposition émise dans +le conseil de demander l'échange du comte de Northumberland contre la +reine d'Écosse.--Préparatifs de guerre faits en Allemagne pour +soutenir les protestans de France.--Forces redoutables réunies sur mer +par les protestans de France et d'Allemagne.--Négociations de +l'Angleterre avec les Pays-Bas.--Motifs politiques qui engagent +Élisabeth à soutenir les protestans de France; espoir que cependant la +paix ne sera pas troublée. + + + AU ROY. + +Sire, il ne se faict, à ceste heure, aulcune plus grande dilligence +par deçà, après avoir esteint l'eslévation du North, que de cercher +d'où elle est procédée, et qui sont les principaulx, qui ont heu +intelligence avec les deux comtes; en quoy s'engendrent plusieurs +malcontantemens et malveuillances qui se descouvrent toutz les jours +en plusieurs endroictz et villes de ce royaulme, et se continuent +jusques à la court; mesmes semble que, des champs où la guerre estoit, +elle se soit transférée ez cueurs et affections des hommes, et dict on +que de là procède le retardement de la liberté du duc de Norfolc, +lequel aultrement estoit en trein de sortir bientost de la Tour pour +estre remis en son logis de ceste ville; mais les divisions et +compétances de ceulx du conseil l'empeschent, lesquels veulent +monstrer qu'ilz concourent toutz contre la cause de l'eslévation, et, +encor que nulz manifestement ne le chargent de rien d'icelle, +néantmoins les ungs s'efforcent de l'y trouver embrouillé, et les +aultres de l'en déclairer exempt; ny n'est moindre leur contention sur +le faict de la Royne d'Escoce, soit pour le regard de la dicte +entreprinse du North, ou soit pour ses aultres affères, ès quelz ses +amys et serviteurs, qu'elle a en ce royaulme, ne se monstrent, pour +chose qui soit advenue, moins fermes en sa faveur, ny aussi ses +adversaires moins véhémentz contre elle que auparavant. Et cependant +le gouverneur de Barvich a envoyé à la Royne d'Angleterre une lettre +du comte de Mora, par laquelle, de tant que la dicte Dame ne l'a +vollue communiquer à personne et qu'elle a fait semblant d'y avoir +trouvé plusieurs vériffications de l'entreprinse du North, quelques +ungs des grandz en demeurent en peyne; et bientost après, est arrivé +devers elle le ser Nicollas Elphingston, très familier et inthime du +dict de Mora, lequel elle a curieusement et avec grand affection ouy, +mais ne se publie encores rien de l'occasion de sa venue, si n'est +qu'on dict qu'il a aporté la depposition du comte de Northomberland, +lequel estant enfin tumbé ez mains du comte de Mora, il l'a faict +mettre dans Lochlevin, où la Royne d'Escoce estoit prisonnière; mais +je crains que le dict Elphingston ayt charge de renouveller le propos +de consigner la Royne d'Escoce au dict de Mora, moyennant les ostages +qu'on luy a demandé, ou bien de fère l'eschange d'elle et du dict +comte de Northomberland, ce que je sçay avoir esté déjà proposé en ce +conseil, ainsy que je l'avois auparavant bien préveu; mais il semble +qu'il ne peult aucunement venir au cueur de la Royne d'Angleterre de +le debvoir fère, et y a aulcuns des siens qui ne sont pour le +consentyr, tant y a que la pouvre princesse et ceulx, qui portons icy +son faict, en sommes en grand peyne; mesmement à ceste heure que le +comte de Lestre, lequel a accoustumé de procéder d'une plus honneste +et généreuse façon envers elle que les aultres du dict conseil, s'en +est, pour quelque occasion (et croy que pour les différans de court), +allé en sa mayson de Quilingourt, où, toutesfoys, l'on croyt que la +Royne d'Angleterre ne le larra longtemps sans le fère revenir. + +J'entendz que ung secrétaire du comte Palatin vient d'arriver, lequel +fault que soit passé par Flandres (car la navigation de Hembourg et de +Hendein est serrée des glaces jusques en mars) ou bien échappé par la +France. Il est allé droict à Vuyndesor, et n'ay encores rien peu +aprandre de sa commission, si n'est par ung qui l'a observé en +passant, qui a comprins de luy qu'il vient pour avoir de l'argent, ou +bien lettre de crédit et de responce à certains juifz qui ont promiz +de fornir une somme en Allemaigne, et qu'il est tout certain que le +Cazimir et le prince d'Orange ont une armée preste pour entrer en +France, à ce prochain primtempz; dont le jeune comte de Mensfelt s'est +eslargy de dire, qu'aussitost qu'il arrivera en Allemaigne avec la +dépesche de ceste princesse, le dict de Cazimir commancera de marcher; +ce que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, lequel j'avois hier à +disner en mon logis, m'a confirmé, bien qu'il crainct, si le propos de +la paix se conclud en France, que tout cella aille tumber sur les bras +du duc d'Alve; et, ce pendant, le capitaine Sores a prins une seconde +nef vénicienne, plus riche que la première, et faict on compte que la +charge des deux vault plus de trois cenz mil escuz, oultre quatre +vingtz pièces de bonne artillerye qu'il y a dedans, et oultre les +deulx vaysseaulx, qui sont les deux meilleurs de la mer; de quoy toutz +les merchans, tant naturelz que estrangiers, de ce royaulme, demeurent +fort scandalizez contre Mr le cardinal de Chatillon, et requièrent +ceste Royne d'y pourvoir; mais, ou soit qu'elle et les siens n'ayent +moyen de le fère, ou bien que, pour s'exempter de prester de l'argent +à ceulx de la Rochelle, ilz leur veuillent permettre de se prévaloir +de ceste riche et grande prinse, ilz dissimulent et prolongent les +remèdes; et est à craindre que le dict Sores, avec tant de bons et +grandz vaysseaulx, et bien artillez, qu'il a à ceste heure, et le Sr +de Olain, et le bastard de Briderode, qui en ont ung aultre bon +nombre, ne tiennent dorsenavant bien fort subjecte ceste estroicte +mer, et mesmes qu'ilz ne dressent quelque entreprinse sur vos +gallères; bien qu'on m'a dict, Sire, que le dict de Olain est allé +jusques en Allemaigne porter soixante mil escuz au prince d'Orange du +butin de ses prinses de mer. + +Le Sr Thomas de Fiesque poursuyt d'accomoder icy le faict des deniers +et merchandises, prinses et arrestées par deçà sur les subjectz du Roy +d'Espaigne, au nom des merchans à qui elles appartiennent, proposant +que les deniers, qui sont en espèces, et pareillement ceulx qui +proviendront des merchandises, demeurent ez mains de ceste Royne +jusques à ung entier accord, en ce qu'elle leur permette de les +vandre, et qu'elle leur veuille bailler pour respondant la chambre de +Londres, de payer le tout à bons termes, après qu'elle s'en sera +servye. Sur ce, etc. + +Ce XVe jour de janvier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, le surplus que j'ay à dire à Vostre Majesté, oultre le contenu +en la lettre que j'escriptz présentement au Roy, je le réserve à vous +mander par le Sr de La Croix, aussitost que l'ung des miens, qui sont +par dellà, sera arrivé, et n'adjousteray icy, Madame, si n'est qu'on +parle diversement en ce royaulme de la paix qui se trette en France, +estantz ceulx des deux religions en contraires espérances là dessus; +sçavoir: les Catholiques, que des grandes et notables victoires, que +Monseigneur vostre filz a gaignées, ayt à réuscyr ung accord fort +advantaigeux pour nostre religion et très honnorable pour le Roy; et +les Protestantz, que monsieur l'Admyral s'estant aulcunement reffect, +et près d'estre, dans six sepmaines ou deux moys, secouru du prince +Cazimir, n'ayt à quicter rien de ce qui apartient à la leur, ny en +l'exercisse, ny en l'establissement d'icelle dans le royaulme; et +estiment, les ungs et les aultres, que leur propre faict deppend du +succez des choses de dellà; dont, encor que la Royne d'Angleterre et +les plus modérez d'auprès d'elle dettestent assés les guerres des +subjectz, néantmoins, ceulx qui ont plus d'auctorité et de manyement +près d'elle, desirans que la part des Catholiques demeure fort oprimée +par deçà, condamnent en toutes sortes l'entreprinse de ceulx du North +comme inique, et luy coulorent de quelque équité celle de France et +luy persuadent, que du maintien d'icelle deppend la seureté de son +estat et du tiltre de son royaulme, et de la légitime qualité de sa +personne; laquelle aultrement seroit par les Catholiques tenue +illégitime. Ce qui faict, Madame, qu'encor que ceste princesse ayt +grand regrect à la prinse de ces deux grandes nefz véniciennes, et +qu'elle sente que, pour aulcun respect, il tourne au préjudice de sa +réputation que, l'une, en partant d'icy, et l'aultre, en y arrivant, +ayent esté prinses en la plaige et quasi dans les portz de son +royaulme; néantmoins, pour n'incommoder ceulx de la dicte religion, +iceulx de son dict conseil la contraignent de différer et dissimuler +le remède, que très volontiers elle donroit aulx merchans; et le +secrétaire Cecille a assés soubdain respondu à ceulx qui l'en ont +sollicité, que ceulx de la Rochelle avoient guerre contre les +Véniciens, parce qu'ilz ont preste de l'argent au Roy; et mesmes, +aulcuns à ce propos m'ont interrogé si la Royne de Navarre n'estoit +pas en actuelle possession de quelque partie de son royaulme, ayant +esté proposé en ce conseil, si, comme Princesse Souveraine, elle ne +pouvoit pas déclarer une guerre, après l'avoir jugée juste et +légitime. Sur quoy, me doubtant bien pourquoy l'on me faisoit ceste +demande, j'ay respondu que la dicte Dame n'a rien qui ne soit, ou +mouvant de la couronne de France, ou tenu soubz la protection +d'icelle, et ainsy n'ont rien gaigné sur moy de cest endroict. + +J'ay receu l'acte de mainlevée, qui a esté faicte à Roan, des biens +des Anglois, de laquelle ceste Royne et les siens se sont fort +contentez, et ont, de leur part, desjà procédé de mesmes à la +restitution des biens que les Françoys ont peu monstrer leur apartenir +par deçà, et continuent encores toutz les jours de leur faire justice. +Ilz se plaignent seulement de Bretaigne, et suplient Vostre Majesté +d'y donner ordre. Il me semble qu'en toutes sortes, ceste Royne et le +général de son royaulme veulent persévérer en bonne paix, et ouverte +amytié, avecques Voz Majestez Très Chrestiennes; mais que, en +particullier, aulcuns passionnez feront toutjour, soubz main, tout ce +qu'ilz pourront, et icy, et en Allemaigne, pour ceulx de la Rochelle, +et feroient davantaige si, avec vostre authorité, je ne mettois peyne +de les empescher. Sur ce, etc. + + Ce XVe jour de janvier 1570. + + + + +LXXXIVe DÉPESCHE + +--du XXIe jour de janvier 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusgues à Callais par Letorne, estant le sieur de La +Croix tumbé malade, dont il est allé à Dieu._) + + Intrigues à la cour de Londres; rivalités entre Leicester et + Cécil.--Nombreuses exécutions faites par le comte de Sussex à + la suite de la révolte du Nord.--Modération du comte de Warwick + à l'égard des insurgés qui sont tombés en son pouvoir.--On + croit que les Ecossais aideront le comte de Westmorland à + rentrer en Angleterre.--Négociation d'Elphinstone.--Crainte que + l'on doit avoir en France du côté d'Allemagne.--Sollicitation + faite auprès de la reine d'Écosse par le comte de Huntingdon + pour qu'elle consente à se marier avec Leicester.--Clauses d'un + traité qui lui est proposé pour son + rétablissement.--Préparatifs faits par le prince d'Orange + contre les Pays-Bas.--_Avis_ donné au roi de divers bruits que + l'on fait courir à Londres sur les mésintelligences qui se + seraient élevées à la cour de France.--_Mémoire secret_. + Soupçons élevés contre le duc de Norfolk, le duc d'Albe, la + reine d'Écosse, et l'ambassadeur de France au sujet de la + révolte du Nord.--Menées du duc d'Albe en + Angleterre.--Déclaration d'Élisabeth que la reine d'Écosse a + formé le projet de s'emparer de la couronne d'Angleterre pour + réduire le royaume à la religion catholique.--Proposition faite + par l'ambassadeur d'Espagne au roi de France de former une + ligue pour rétablir Marie Stuart sur le trône d'Écosse, et la + religion catholique en Angleterre.--Conduite qu'a dû tenir + l'ambassadeur de France à cet égard.--Projets que l'on doit + supposer à l'Espagne. + + + AU ROY. + +Sire, pour l'occasion des troubles du North, la Royne d'Angleterre, +au commancement de ceste année, a advisé d'augmenter son conseil d'ung +nombre de personnaiges miz à sa dévotion, lesquelz elle a pourveuz +d'aulcuns offices qui vacquoient de longtemps, qui ont lieu en son +dict conseil, comme est le contrerolleur, trézorier, vychambrelan, et +aultres de sa mayson; en quoy la contention n'a esté petite en sa +court, entre ceulx qui aspiroient à cella, ou pour eulx mesmes ou pour +y en mettre de leur faction, ou bien pour empescher qu'il n'y en +entrât plus grand nombre; et est advenu, par le moyen du comte de +Lestre, que le sire Jacques Croft a esté faict contrerolleur, bien +qu'on ayt cryé qu'il estoit papiste; mais, possible, l'y a t on admiz +plus vollontiers pour estre auculnement estimé ennemy du duc de +Norfolc, et le Sr de Frocmarthon, qui y prétandoit grandement, a esté +du tout descheu pour ceste foys, demeurant comme banny de court; et +semble que, pour ces contentions, le comte de Lestre se soyt despuys +absenté, et qu'entre luy et le secrétaire Cecille, lequel est en plus +grand crédict que jamais, y ayt beaulcoup de simulté, et que +néantmoins il ne sera longtemps sans revenir. + +Le comte de Sussex poursuyt de fère de grandes exécutions à Durhem et +Artelpoul, et aultres lieux de son gouvernement, sur ceulx qui avoient +prins les armes, ayant desjà faict pendre, outre ceulx du commun, bien +cent personnaiges de qualité, baillifz, connestables ou officiers, et +pareillement les prestres qui estoient avec eulx, nomméement le Sr +Thomas Plumbeth, estimé homme fort sçavant et de bonne vie, et pense +l'on qu'il se monstre aussi véhément, pour effacer le souspeçon qu'on +a heu de luy; et, au contraire, le comte de Vuarvich s'y porte fort +modestement, lequel a envoyé supplier la Royne d'octroyer rémission à +ces pouvres gens, ce que, en partie, elle a concédé; et l'admyral +Clinton est demouré encores à Vuodderby, avec mil hommes, pour +contenir le pays, et pour empescher que le comte de Vuesmerland, avec +l'assistance des Escossoys, ne puisse rentrer en armes en Angleterre, +ce que l'on crainct assés qu'il face, parce qu'il est avec le ler de +Farnihyrst, affectionné serviteur de la Royne d'Escoce, et que les +aultres principaulx de l'entreprinse sont avecques d'aultres seigneurs +escossoys, leurs amiz, de ce mesme party; et que aulcuns se sont +acheminez à Dumbertran. Le seul comte de Northomberland a esté prins +et livré au comte de Mora, qui l'a incontinent faict mettre dans +Lochlevyn; et a soubdain dépesché devers ceste Royne le Sr Elphiston, +son familier, lequel, à ce que j'entendz, raporte plusieurs choses de +la depposition du dict de Northomberland, et plusieurs aultres, pour +fère acroyre que la Royne d'Escoce et l'évesque de Roz ont induict le +dict de Northomberland de prendre les armes; à quoy semble qu'on +n'adjoute grand foy: et, d'abondant, monstre excuser le dict de Mora +de ne pouvoir, en bonne conscience, ny sellon son honneur, ny encores +sellon les loix du royaulme d'Escoce, rendre icelluy comte, mais par +mesme moyen, il faict instance à la Royne d'Angleterre de luy prester, +pour chose fort importante au bien des deux royaulmes, une somme +d'argent; et tout ainsi qu'on luy donne l'espérance qu'il en pourra +avoir, il la donne, encores plus grande, que le dict de Northomberland +pourra estre randu, et espère davantaige qu'en le rendant, il se +pourra aussi tretter de randre au dict de Mora la Royne d'Escoce: dont +il prépare de s'en retourner en grand dilligence devers luy. + +Cependant, Sire, nous ne serons paresseulx de luy préparer toutz les +obstacles qu'il nous sera possible, et pareillement au secrétaire du +comte Pallatin, lequel demande en général assistance de deniers, affin +de lever gens pour les secours et deffance de la nouvelle relligion en +France, et pour fère une descente contre le duc d'Alve en Flandres; +dont aulcuns estiment qu'il ne s'en retournera sans quelque provision, +tant y a qu'il ne luy a esté encores respondu sellon son desir. +Néantmoins, je vous supplie très humblement, Sire, de fère +soigneusement prendre garde aulx mouvemens d'Allemaigne; car l'on +tient icy pour chose fort certayne qu'il y a armée preste, et qu'elle +n'est pour aller en Flandres, ny pour s'adresser ailleurs qu'en +France, tant que la guerre y durera, et que le Sr d'Olain a porté au +prince d'Orange plus de six vingtz mil escuz, oultre que les bagues de +la Royne de Navarre sont en Allemaigne, et les nefz véniciennes, +riches de trois centz mil escus, sont desjà arrivées à la Rochelle; et +quant bien ceste Royne ne vouldra rien débourcer, les esglizes +protestantes de son royaulme ne lairront pourtant d'y envoyer quelque +notable subvention, comme celle de l'année passée, qui fut de cent mil +escuz, ny la dicte Dame, quant bien ne le vouldroit, ne le pourra +contredire, tant le feu de cette matière est, à ceste heure, ardemment +espriz en ce royaulme comme je croy qu'il est de mesmes ailleurs. + +La Royne d'Escosse est meintennant à Tutbery, accompagnée seulement du +comte de Cherosbery et des siens, qui luy octroyent plus de liberté +qu'ilz ne souloyent; elle se porte bien, et encores que plusieurs +choses se soyent opposées aulx espérances que nous avions de ses +affères, il nous en reste quelques aultres qui, possible, viendront à +bon effect; et j'ay desjà quelque adviz que ceux de son party en +Escosse prétendent de se mettre bientost en campaigne, remectant, +Sire, au Sr de La Croix de vous faire entendre aulcunes aultres +particullaritez, sur lesquelles je vous supplie très humblement luy +donner foy. Sur ce, etc. + + Ce XXIe jour de janvier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, par le contenu de la lettre que j'escriptz au Roy, et par +l'instruction que j'ay baillée au Sr de La Croix, je fays entendre à +Vostre Majesté les principalles choses, qui me semblent regarder +meintenant icy l'intérest des vostres; et ne vous diray davantaige, +Madame, si n'est que le comte de Huntington, pendant qu'il a esté à la +garde de la Royne d'Escosse, l'a si souvant sollicitée de se départir +du propos du duc de Norfolc, pour entendre à celluy du comte de Lestre +son beau frère, que, pour ne se pouvoir la dicte Dame excuser de +quelque responce, elle luy a dict que, pour ceste heure, elle n'avoit +rien moins à penser qu'à se marier, et qu'aussi le comte de Lestre +avoit bien toute aultre prétencion, avec ce que, si elle contradisoit +meintennant au desir de ces seigneurs, qui luy avoient si expressément +escript en faveur du duc, elle craignoit fort de les irriter et +offancer, et que le comte de Lestre mesmes, qui en estoit l'ung, +prendroit une fort mauvaise opinion d'elle. De quoy l'aultre ne se +contantant, et la pressant de luy fère une plus particullière +responce, elle, enfin, luy a dict tout rondement, que, si la Royne +d'Angleterre et les siens, lesquelz luy avoient proposé le duc, ne +trouvoient bon que le propos passât en avant, qu'elle estoit toute +résolue de n'espouser jamais Anglois. Sur ce il s'est advancé de dire +qu'elle faisoit fort bien, car aussi tout ce royaulme inclinoyt à ce +desir, et qu'il voyoit que, nonobstant toutz empeschemens, avant ne +fût deux ans, elle et le duc seroient maryés ensemble. Puys luy a +parlé fort expressément de quatre choses; la première, de tretter +conjoinctement, entre l'Angleterre et l'Escosse, de l'establissement +de la nouvelle religion; la segonde, de fère une bien seure et +perpétuelle ligue entre les deux royaulmes; la troisiesme, de +consentyr que, par décrect de parlement, ce royaulme soit, après elle, +toutjour transféré aulx mâles plus prochains de la couronne, parce que +le dict de Huntington vient de l'estoc d'iceulx; et la quatriesme, que +Voz Majestez Très Chrestiennes veuillez depputter aulcuns pour +assister, de vostre part, icy, aulx choses qui seront proposées, entre +la dicte Dame et ses subjectz, sur la restitution d'elle, et sur le +faict du feu Roy d'Escoce son mary. Et a adjouxté que monsieur le +cardinal de Lorrayne feroit bien, comme prochain parant, d'intervenir +au jugement d'une si grande cause. + +Nous sommes après pour sçavoir d'où sont parvenus ces propos, et +semble que le dict comte de Lestre ne les advouhe, et que mesmes il +pense que la Royne d'Angleterre sera fort courroucée contre le dict +Huntington, quant elle les saura, et que tout cella est party de +l'invention du secrétaire Cecille. La dicte Royne d'Escoce a tiré ung +adviz du dict de Huntington, que le prince d'Orange praticque de fère +descendre dix mil Anglois en Flandres, et qu'avec cella, et ce qu'il +prépare en Allemaigne, joinct l'intelligence du pays, il espère d'en +chasser le duc d'Alve et les Espaignols, ce qui a esté notiffié à +l'ambassadeur d'Espaigne. Sur ce, etc. + + Ce XXIe jour de janvier 1570. + + +AULTRE LETTRE A LA ROYNE + + (_du dict jour, écrite en chiffres_). + +Madame, parce qu'on publie, icy, à mon grand regrect, qu'il n'y a bon +accord entre le Roy et Monsieur, son frère, voz enfantz, et que douze +des principalles citez de France s'opposent à ce que Voz Majestez ne +puissent aulcunement accommoder, par voye de paciffication, les +guerres de vostre royaulme; qui sont deux choses dont Vostre Majesté +auroit, de la première, le plus extrême desplaisir, et nous, le plus +notable dommaige qui nous pourroit onques advenir; et la segonde +seroit pour torner à une fort pernicieuse conséquence contre +l'auctorité du Roy, et droictement contre la vostre; mesmes qu'on m'a +dict qu'en quelques endroictz du monde l'on faict desjà des desseings +là dessus, et que ceste Royne m'en pourra possible toucher quelque +mot, je vous suplie très humblement, Madame, me commander ce que +j'auray à luy en respondre, ensemble à plusieurs seigneurs de ce +royaulme, et mesmement aulx Catholiques, qui envoyent souvant m'en +interroger, lesquelz demeurent toutz esbahys et desconfortez de ce +que, sept sepmaines a, je n'ay nulles nouvelles de Voz Majestez; +ausquelz toutesfoys j'ay bien desjà desnyé l'une et l'aultre de ces +nouvelles, comme les tenant toutes deux fort faulces, et sur ce, etc. + + MÉMOIRE ET INSTRUCTION de ce que le Sr de La Croix a à dire à + Leurs Majestez, oultre le contenu de la dépesche. + + De ces troubles du North, qu'encor qu'ilz ayent esté bientost + apaysez, néantmoins, parce que, en mesme temps, s'est descouvert + qu'en Norfolc l'on avoit entreprins de se saysir des armes, qui + estoient ez maysons du duc de Norfolc, et de contraindre le sire + Henry Hemart, son frère, d'estre chef d'une troupe de douze mil + hommes qui se tenoient prestz pour marcher droict à la Tour de + Londres, affin de tirer icelluy duc de pryson; et que, en Galles, + les choses ne se monstroient guières plus paysibles, ceste Royne + est demeurée en plusieurs doubtes et deffiances de ses subjectz. + + Ce qui luy est augmenté par l'opinion, qu'elle a, que + l'intelligence du duc d'Alve y soit bien avant meslée, sellon + que, par l'examen d'aulcuns du North, qui ont esté exécutez, et + de la depposition du comte de Northomberland, laquelle celluy de + Mora a envoyée, il semble que cella luy ayt esté confirmé. + + En laquelle depposition, oultre que le dict de Northomberland + charge les plus grandz de ce royaulme, l'on dict qu'il affirme, + qu'ainsy que luy et le comte de Vuesmerland furent en campaigne, + l'ambassadeur d'Espaigne et l'évesque de Roz envoyèrent devers + eulx ung homme exprès, avec lettres, pour les conforter à leur + entreprinse, et leur promettre un prochain secours du duc d'Alve, + et pareillement de France, s'ilz se saysyssoient de quelque port. + + Duquel acte de l'évesque de Roz la dicte Dame a prins argument + que la Royne d'Escoce, sa Mestresse, a bien peu estre mellée en + cella, et par conséquent moy à cause d'elle; car, aultrement, + elle n'a aulcune conjecture que je m'en soys entremiz, ny que + deçà ny dellà la mer il y ayt esté mené aulcune pratique au nom + du Roy; et le dict acte n'est suffizant pour luy en fère prendre + guières grande opinion, parce qu'il ne se trouve que j'aye rien + escript, ny mesmes que j'aye dict une parolle, ny heu aulcune + conférance, avec personne qu'elle ayt occasion de souspeçonner. + + Elle reçoit assés souvant lettres d'aulcuns siens secrectz + serviteurs, qui sont en Flandres, qui l'advertissent que le duc + d'Alve prépare des entreprinses contre ce royaulme; et que la + plus part de la noblesse d'Angleterre sont de son party; et que + plusieurs d'icelle ont desjà receu force escuz au soleil de luy; + dont j'entends que milord de Coban, depuys naguières, a envoyé + quatre des dictes lettres tout à la foys en ceste court, les deux + signées de noms supposez et les aultres non signées lesquelles + estant leues; au conseil auquel s'est trouvé le comte de Pembrot, + toutz les Protestantz ont incontinent jetté les yeux sur luy, et + il a fort hardyment répondu que ceulx qui escripvoient telles + lettres estoient toutz meschantz d'accuser ainsy en général la + noblesse d'un royaulme, et, s'ilz avoient cueur ny valleur, ilz + debvoient nommer ceulx qui ont prinz ces escuz et se nommer eulx + mesmes pour le leur maintenir, mais que ce n'estoient que + menteries, et que, quant la Royne, sa Mestresse, aura ses + subjectz bien uniz, les effortz du duc d'Alve luy seront bien + aysés à repousser. + + Pour l'occasion de ces advertissements, l'on dict que la dicte + Dame et ceulx de son conseil ont advisé de dresser une grand + milice, d'envyron quatre vingtz dix mil hommes de pied et trente + mil chevaulx en trois endroictz de ce royaulme; sçavoir: trente + mil hommes de pied et dix mil chevaulx du costé de France vers le + Ouest; aultant en Suffoc, Norfolc et Germue, qui regarde le pays + de Flandres; et le tiers restant vers le costé du North contre + l'Escoce; de quoy l'on asseure que les rolles et descriptions + sont desjà bien avancez, et que surtout l'on s'esforce de dresser + grand nombre de pistolliers, et mettre à cheval beaulcoup plus + d'hommes qu'on n'a oncques faict de nul aultre règne. + + Tout cest ordre est conduict par ceulx de la nouvelle religion, + lesquelz, pour l'occasion des victoires du Roy et des batailles + que Monsieur, son frère, a gaignées, et des préparatifs du duc + d'Alve, et de ce qu'il leur semble qu'il se va trop establissant + en Flandres, aussi pour la réduction du nouveau roy et du + royaulme de Suède à la religion catholique, et pour le mouvement + des Catholiques de ce pays, ilz sont entrez en grandes + délibérations, et ont tenu plusieurs conseils comme ilz pourront + conserver et maintenir leur nouvelle religion. + + Et, bien que ceste Royne n'est d'elle mesme mal affectionnée à la + partie des Catholiques, ains seroit pour requérir fort + vollontiers la réunyon de l'esglize et ne s'opposer guières à ce + qu'elle se fît par ung bon concille; néantmoins les Protestans la + retiennent par une véhémente persuasion qu'ilz lui ont donné de + la perte de son estat, si elle n'est toujours opposante à + l'authorité de l'esglize romaine. + + Ce que je conjecture par le propos qui s'ensuyt, lequel elle m'a + naguières tenu, c'est qu'elle dict avoir deux grandes occasions + de regarder de bien prez au faict de la Royne d'Escoce; l'une, + parce que la dicte Dame ne s'est pas attribuée le tiltre de ce + royaulme sans une bien profonde dellibération, et sans une fort + grande opinion de son droict; l'autre, qu'elle voyt bien que la + dicte Dame se veult prévaloir de la division de la religion, et + cerche de s'insinuer par là ez cueurs de la noblesse + d'Angleterre, et que desjà plusieurs briefz du Pape ont été + interceuz, par lesquelz il déclare absoulz ceulx qui cy devant + ont obéi à elle, bien que illégitime et scismatique, pourveu + qu'ilz veuillent dorsenavant recevoir la Royne d'Escoce pour leur + Dame et Princesse. Et a adjouxté qu'on se trompoit bien en cella; + car, encor que le feu Roy, son père, eust espousé la Royne, sa + mère, à la religion protestante, il a toutesfoys obtenu le + rescript du Pape là dessus; par laquelle persuasion des dictz + briefz, que je croy estre chose supposée, les Protestants + retiennent bien fort le cueur de ceste princesse contre les + Catholiques et contre la Royne d'Escosse, bien que j'ay miz peyne + de luy en diminuer l'opinion tant que j'ay peu. + + =>Chiffre.= [Le premier jour de ceste année 1570, et le Xe + ensuyvant, monsieur l'ambassadeur d'Espaigne et moy avons esté en + conférance en mon logis sur l'estat des choses de ce royaulme, et + avons considéré que, puysque les Catholiques n'ont heu le cueur + de s'ozer prévaloir de la première prinse d'armes qu'ilz avoient + faicte avec une assemblée de quinze mil hommes, où y en avoit bon + nombre de pied et de cheval bien armez et en bon équipage, et + avec ung assés heureux commancement, sans que les Protestans + fussent préparez ny pourveus pour leur résister, qu'il sera bien + mal aysé, qu'à ceste heure qu'ilz les ont comme advertys, ilz + puissent rien plus entreprendre; et qu'estant, au reste, le duc + de Norfolc prisonnier, le comte d'Arondel fort réfroydy, celluy + de Pembrot retourné à la court pour servir à ses amys, et + conserver ses estatz et les estatz de ses enfans, milor de Lomelé + encores en arrest et toutz les Catholiques en général fort + inthimidez, qu'il est dangier que les Protestans, qui sont seulz + en authorité, viegnent à tumultuer plus que jamais, et mener + leurs pratiques, icy et en Allemaigne, et pareillement leurs + entreprinses par mer et par terre, plus ouvertement qu'ilz n'ont + encores fayct. Dont le dict ambassadeur, après que nous avons heu + accordé l'ung à l'aultre ce que chacun de nous avons peu sentir + que les dictz Protestans menoient contre l'intérest de nos + Mestres, il m'a dit que le sien et pareillement le duc d'Alve + avoient une très grande affection que ce royaulme fust réduict à + la religion catholique, parce qu'on ne peult espérer que + oltraiges et indignitez d'icelluy, tant qu'il demeurera entaché + de ceste nouvelle religion; et, de tant qu'il s'asseuroit que le + Roy, Mon Seigneur, avoit le semblable desir, il me prioyt fort + affectueusement de lui persuader qu'il voulût escripre + promptement une lettre au Roy Catholique, son beau frère, par + laquelle il luy mît en avant la commune entreprinse d'entre eulx + deulx contre l'Angleterre pour la restitution de la Royne + d'Escosse, seulement, comme pour cause juste et apartenant + proprement à Sa Majesté Très Chrestienne, et en laquelle il le + pryât d'y vouloir employer ses forces; ce que le dict ambassadeur + asseuroit que le dict Roy, son Mestre, accorderoit de fère plus + vollontiers qu'il n'en seroit requis, et qu'après cella, les deux + ensemble tinsent leur armement prest pour l'heure que nous, qui + sommes sur les lieux, leur manderons; car, si les choses + d'Angleterre n'étoient prinses sur le poinct qu'elles se + présentent, elles estoient si soubdaines qu'on les perdoit + incontinent; + + Et que j'advertisse aussi Leurs Majestez Très Chrestiennes + d'envoyer promptement devers le comte de Mora, pour le garder de + ne randre les comtes de Northomberland et Vuesmerland à la Royne + d'Angleterre; et que, pour la confédération que la France a non + tant avec la Royne d'Escosse que avec sa couronne et avec toutz + les Escossoys, ilz le voloient bien admonester de son debvoir en + ce qui se offre, affin qu'il ne face ce tort à l'honneur de ce + royaulme, où les dictz comtes ont heu leur reffuge, que de les + randre au mandement des Anglois; et que mesmes, pour estre les + biens et estats de toutz deux en la terre débattable, ou en celle + de la conqueste faicte sur l'Escosse, qu'il se présente occasion, + par leur moyen, de la recouvrer. + + Ces mesmes choses m'a il faict despuys remonstrer par l'évesque + de Roz, lequel toutesfoys ne les a prinses, pour luy mesmes, en + suffisant payement de ce que, au nom de sa Mestresse, il a pryé + le dict Sr ambassadeur de fère meintenant descendre en Escosse le + secours de quatre mil hommes, et cent mil escuz, que le duc + d'Alve a mandé avoir toutz prestz pour envoyer aulx deux comtes, + s'ilz eussent peu meintenir encores quinze jours les armes; et + qu'à cest effect, elle fera passer quelques seigneurs d'Escosse + devers le dict duc pour adviser avecques luy de leur descente et + réception dans le pays, et, si besoing est, elle envoyera un + gentilhomme jusques au Roy d'Espaigne pour avoir son + commandement; en quoy le dict ambassadeur a seulement promiz d'en + escripre, mais qu'il failloit que, de mon costé, je fisse en + dilligence ce qu'il m'avoit dict, et que surtout l'on fût bien + advisé de ne toucher entre Leurs Très Chrestienne et Catholique + Majestez ung seul mot du faict de la nouvelle religion de peur de + mouvoir les Allemans.] + + Je n'ay monstré aux dictz sieurs ambassadeur et de Roz que toute + bonne affection en ce qu'ilz m'ont proposé, sinon que je leur ay + allégué aulcunes difficultez pour les présentes guerres de + France, et que, pour le dangier des pacquetz, j'estimois qu'il + seroit meilleur que le duc d'Alve envoyât sur le lieu tretter par + quelq'un des siens ou bien par Dom Francès [le faict de + l'entreprinse contre l'Angleterre] que non que le Roy en + escripvît au Roy, son Maistre; et que, d'empescher la reddition + des deux comtes, de tant que celluy de Mora s'est monstré trop + adversaire de la Royne d'Escosse, mal vollontiers le Roy le + vouldra requérir, ny de cella ny d'aultre chose, sans toutesfoys + que je leur aye reffuzé, ny accordé aussi d'en rien escripre à + Leurs Majestez; vray est qu'auparavant il avoit esté desjà donné + tout l'ordre qu'on avoit peu [pour envoyer empescher en Escosse + que les deux comtes ne soyent rendus]. + + L'ambassadeur d'Espaigne a très bonne affection à la religion + catholique, et procède fort droictement en tout ce qui est pour + l'advancement d'icelle; il fault considérer aussi qu'il peult + bien en ces choses estre aultant esmeu du desir qu'il sçayt que + le Roy, son Maistre, a de recouvrer l'argent et merchandises de + ses subjectz, prinses et arrestées par deçà, et de se vanger des + offances receues en cella, et pareillement de celles que le duc + d'Alve se sent en particullier fort picqué, pour les indignitez + usées à luy mesmes et à ceulx qui sont venuz de sa part, que non + de l'intérest de la couronne d'Escosse, ny pour vouloir diminuer + la grandeur de celle d'Angleterre, qui est alliée de la maison de + Bourgogne; ou bien qu'il cognoist que, si ceste Royne sent que le + Roy conviegne avec le Roy d'Espaigne contre elle, qu'elle sera + plus facille de se réconcillier avec le duc d'Alve, dont Leurs + Majestez Très Chrestiennes adviseront ce qui sera le plus + expédiant pour leur service. + + Il est bien certain que, despuys le commancement des différans + des Pays Bas, et lors mesmement que le Sr d'Assoleville et puys + le Sr Chapin Vitelly sont passez de deçà, que ceste princesse m'a + toutjour faict sonder de quelle intention le Roy et la Royne + seroient en son endroict, affin de s'accommoder avec celle des + parties qu'elle cognoistra luy estre de meilleure disposition; de + quoy ayant heu cognoissance, et encores quelque adviz, je me suys + conduict de telle façon envers elle, que luy donnant bonne + espérance du costé de France, sans luy parler toutesfoys qu'en + très bonne et advantaigeuse façon des choses d'Espaigne, je l'ay + retenue en quelque dévotion envers Leurs Très Chrestiennes + Majestez, et je croy qu'elle s'est de tant monstrée plus + difficille et contraire au duc d'Alve. + + Davantaige conférans le dict sieur ambassadeur et moy noz adviz + sur la négociation que faict le secrétaire du comte Pallatin en + ceste court, il nous a esté raporté à toutz deux qu'il poursuyt + argent affin de lever gens en Allemaigne, tant pour envoyer au + secours de ceulx de la nouvelle religion en France, que pour fère + une descente contre le duc d'Alve aulx Pays Bas; et de tant que + le Sr de Lombres, flamant, qui a esté envoyé icy par ceulx de la + Rochelle, sollicite vifvement ce fait au nom du prince d'Orange, + le dict ambassadeur l'a pour plus suspect, et me presse pour cela + fort vifvement que nous veuillons [induyre conjoinctement noz + deux Maistres d'entreprendre promptement quelque chose contre ce + royaulme], bien que, à propos du dict prince d'Orange, il m'a + dict qu'il sçavoit que ce qu'il préparoit en Allemaigne estoit + pour retourner en France. Sur quoy luy ayant respondu qu'il + n'avoit receu aucune offance du Roy pour le debvoir fère, il m'a + seulement demandé si le Roy ne lui avoit pas confisqué son estat + qu'il a en France; à quoy je lui ay respondu que ce n'estoit + chose qu'il dût tenir en tant, pour en commancer une guerre, + quant bien le Roy le luy auroit confisqué: et, là dessus, il m'a + faict ung discours comme si l'Allemaigne n'estoit pour plus luy + consentyr de retourner à main armée aulx Pays Bas, mais bien de + procurer son retour en ses biens par le pardon et bonne grâce du + Roy son Seigneur. + + + + +LXXXVe DÉPESCHE + +--du XXVIIIe jour de janvier 1570.-- + +(_Envoyée jusques à Callais exprès par Pierre Bordillon._) + + Arrivée de Mr de Montlouet à Londres.--Mission dont il est chargé + pour l'Écosse; état des affaires dans ce pays.--Projets du + comte de Westmorland, qui prépare une nouvelle prise + d'armes.--Avantage remporté en Irlande par mylord + Sidney.--Espoir d'Élisabeth que les différends avec les + Pays-Bas pourront s'arranger à l'avantage de + l'Angleterre.--Préparatifs du duc Casimir qui se dispose à + entrer en campagne.--Efforts de l'ambassadeur pour empêcher que + des secours d'argent soient donnés aux protestans de la + Rochelle.--Réclamation de la république de Venise afin + d'obtenir la restitution des prises faites par le capitaine + Sores. + + + AU ROY. + +Sire, je n'avois rien entendu de la venue de Mr de Montlouet, quant, +le XXe de ce moys, il m'a esté mandé de ceste court qu'il avoit desjà +passé la mer, et qu'il estoit à Douvres; au quel lieu l'on l'a arresté +deux jours et demy, sans luy permettre de passer plus avant; et croy +que c'est le filz de Mr Norrys qui, ayant passé avecques luy, et +laissé madame de Norrys sa mère à Boulloigne, a advisé les officiers +de fère ceste difficulté, afin qu'il eust loysir d'en advertir la +Royne sa Mestresse, laquelle a mandé tout aussitost qu'on le laissât +venir, monstrant d'estre marrye qu'on l'eust aulcunement retardé. Par +ainsy, Sire, il est arrivé en ceste ville le XXIIIe, et, le lendemain +XXIVe, nous avons envoyé à Hamptoncourt, où la dicte Dame est à +présent, pour demander son audience; laquelle elle nous a incontinent +accourdée au XXVIe; mais ceulx de son conseil, qui avoient à se +trouver toute ceste sepmaine en ceste ville pour l'ouverture du terme +de la justice, la luy ont faicte prolonger jusques à dimanche +prochain, qui sera le XXIXe; et semble, Sire, que monsieur Norrys ayt +donné adviz à la dicte Dame que le voyage du dict Sr de Montlouet est +pour les affères de la Royne d'Escoce, dont elle s'est desjà préparée, +ainsy que j'entendz, de la responce qu'elle luy doibt fère; et je +doubte assés qu'elle luy veuille accorder de passeport pour aller en +Escoce; car, oultre que l'ordinaire souspeçon et jalouzie qu'elle a de +l'auctorité de Vostre Majesté en ce pays là luy administre assez +inventions pour y trouver toujour quelque excuse, il luy semblera, à +ceste heure, qu'elle en ayt une fort aparante pour les troubles +naguières suscitez en son pays du North, et pour la retrette qu'ont +faict les chefz et autheurs d'iceulx avec leur cavallerye vers ces +quartiers de terres débattables d'entre les deux royaulmes; où, à la +vérité, l'on dict que le comte de Vuesmerland se va refaysant, et +assemblant une trouppe, qui ne sera moindre de quatre mille chevaulx +anglois ou escouçoys, lesquels il pourra joindre toutes les foys qu'il +vouldra, en moins de quatre jours; et le comte de Northomberland n'est +mal tretté du lord de Lochlevyn, qui, encor qu'il soit beau frère du +comte de Mora, ne monstre le vouloir randre à la Royne d'Angleterre. +Néantmoins, ayant le dict Sr de Montlouet et moy desjà heu +communication avec monsieur l'évesque de Roz, nous n'obmettrons rien +de tout ce qui se pourra dire et fère, au nom de Vostre Majesté, +envers ceste Royne, pour la liberté, restitution et advancement de la +Royne d'Escoce, et pour avoir permission de l'aller veoir, et puys de +parfère son voyage. + +Il est certain que la retrette des comtes de Northomberland et de +Vuesmerland n'a tant apaysé les troubles du North, que la dicte Royne +d'Angleterre et les siens ne craignent bien fort qu'il se fasse +encores une reprinse d'armes, non seulement au mesmes pays du North, +où l'exécution de tant de pouvres hommes, qu'on y faict mourir, ne +faict qu'endurcyr et aigrir davantage les aultres, mais aussi en +plusieurs endroictz de ce royaulme; et que, si ceulx qui se sont +retirez en Escoce retournent, la seconde entreprinse sera trop plus +dangereuse que la première. Il est vray que ce pendant la dicte Dame +se trouve dellivrée de deux aultres grands soucys, l'ung du costé de +l'Irlande, et l'aultre des Pays Bas; car milord Sideney luy a mandé +qu'en une course, qu'il a faicte sur les saulvaiges au plus fort de +l'hyver, lorsqu'ilz s'en doubtoient le moins, il a reprins vingt huict +lieux fortz sur eulx, et a ramené de prisonniers cent soixante des +plus principaulx des leurs, de sorte qu'il se promect une briefve et +fort heureuse yssue de toutz les affères de dellà. Et de Flandres la +dicte Dame estime avoir ung bien asseuré adviz que les aprestz du duc +d'Alve contre ce royaulme se vont réfroydissant, et vont estre remiz +en ung aultre temps; ce qui lui semble estre davantaige confirmé par +la dilligence que les Srs Espinola et Fiesque font icy d'accommoder le +faict des deniers et merchandises d'Espaigne, bien fort à l'advantaige +de la dicte Dame. + +Les adviz des aprestz et mouvemens d'Allemaigne continuent en ce que, +sans aulcun doubte, le duc de Cazimir sera en campaigne avec cinq mil +chevaulx et huict mil hommes de pied, à la fin de febvrier ou au +commencement de mars; et que desjà le payement de ses gens pour deux +moys est consigné, et que le troisiesme moys se payera le jour qu'il +commencera de marcher. L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a ung +non guières dissemblable adviz, disant ouvertement que c'est pour +entrer en France. Néantmoins, son parler monstre qu'il crainct assés +que ce soit pour descendre en Flandres, de tant que le prince d'Orange +s'entremect beaulcoup de l'entreprinse, et qu'il a esté devers le +comte Pallatin à Heldelberc, et puys en poste jusques en Saxe devers +le duc Auguste; dont le duc d'Alve a mandé haster la levée que luy +faict le duc de Bronsouyc, affin de garnyr tout à temps le Luxembourg +de bonnes forces. Tant y a qu'ayant monsieur de Lizy naguières escript +que, nonobstant les grandes difficultez qu'il avoit trouvées aux +princes protestans, ilz l'avoient enfin asseuré du secours qu'il leur +avoit requis, il est à croyre que leur premier effort se fera en +France pour ceulx de la Rochelle. Le secrétaire du comte Pallatin, et +ceulx qui sont icy pour le prince d'Orange et pour les dicts de la +Rochelle, n'ont encore heu résolue responce de ce conseil sur le prest +des deniers qu'ilz demandent, et ceste Royne s'en excuse bien fort; +mais ceulx qui ont auctorité près d'elle trouvent moyen que son crédit +et celluy de son royaulme y peuvent estre de telle façon employez, +sans qu'il luy coste rien, que desjà les aultres s'asseurent de tirer +de cest endroict cinquante mil escuz; mais ilz incistent à plus grand +somme jusques à cent cinquante mille, non sans espérance de l'obtenir, +pourveu qu'il n'y aille rien de la bource de la dicte Dame; et ceulx +qui mesurent les finances, dont l'on peult avoir quelque notice qu'ilz +pourront fère estat ceste année, disent que c'est de cinq à six centz +mil escuz. Je mettray peyne de les empescher de ce costé le plus qu'il +me sera possible. + +Les Seigneurs Magniffiques de la Seigneurie de Venize, qui sont icy, +ont obtenu lettres de ceste Royne fort expresses à la Royne de Navarre +pour le recouvrement de leurs vaysseaulx et merchandises, et m'ont +prié de bailler mon passeport à l'ung d'entre eulx, qui les est allé +présenter, affin que si, pour le temps, il estoit contrainct de +relascher en France, ou qu'il fût rencontré par aulcuns navyres de +guerres de Vostre Majesté en la mer, il puisse tesmoigner de la juste +occasion de son voyage au dict lieu de la Rochelle. Sur ce, etc. + + Ce XXVIIIe jour de janvier 1570. + + + + +LXXXVIe DÉPESCHE + +--du IIe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyée par Guillaume de La Porte exprès jusques à Calais._) + +Audience accordée par la reine d'Angleterre à Mr de Montlouet et à +l'ambassadeur.--Reproche fait par Élisabeth à la reine d'Écosse +d'avoir favorisé la révolte du Nord.--Crainte qu'il ne soit permis à +Mr de Montlouet ni d'accomplir sa mission vers Marie Stuart, ni de se +rendre en Écosse.--Nouvelle de la mort du comte de Murray; mesures +prises par Élisabeth pour conserver son influence en Écosse, malgré +cet évènement.--Vives instances faites par les protestans de France +pour obtenir en Angleterre des secours d'hommes et d'argent. + + + AU ROY. + +Sire, deux jours après ma précédante dépesche, laquelle est du XXVIIe +du passé, nous avons esté à Hamptoncourt devers la Royne d'Angleterre, +à laquelle Mr de Montlouet a présenté voz lettres et reccomendations, +et luy a d'une fort bonne et agréable façon récitté le contenu de sa +charge, sans rien obmettre de ce qui a esté requis pour dignement luy +porter la parolle, et la créance de Voz Majestez, et pour luy faire +bien expressément entendre vostre intention sur le faict de la Royne +d'Escoce: en quoy la dicte Dame a monstré que la matière luy estoit de +bien grande conséquence, mais qu'elle n'estoit encores en guières de +disposition d'y entendre pour des occasions, qu'elle a faict semblant +d'avoir descouvertes de nouveau contre la Royne d'Escoce et contre +l'évesque de Roz, d'aulcunes leurs menées avec le comte de +Northomberland sur les derniers troubles du North; et n'a toutesfoys +layssé de donner des responses pleynes à la vérité d'indignation +envers la dicte Royne d'Escoce, mais de quelque respect envers Voz +Majestez Très Chrestiennes, et s'est réservée d'en bailler, dans trois +ou quatre jours, de plus amples après qu'elle aura heu le loysir d'y +penser. + +Le dict sieur de Montlouet luy a faict des remonstrances et +réplicques, fort convenables à ce propos, avec instance de luy +permettre de visiter la dicte Dame de vostre part, et de passer, puys +après, jusques à ses subjectz, pour aulcunes bonnes occasions que Voz +Majestez le dépeschent devers elle et devers eulx. A quoy j'ay adjouté +ce que j'ay estimé convenir à ceste négociation, sellon celle que j'ay +assés continuée jusques icy de ce faict, et sellon les advertissemens +du dict Sr évesque de Roz; mais la dicte Dame a remis de respondre au +tout, après qu'elle y aura pensé. + +Cependant elle a couppé assés court le dict propos, comme si elle s'en +trouvoit pressée, pour demander curieusement des nouvelles de Voz +Majestez et de celles de la paix. A quoy le dict Sr de Montlouet luy a +amplement satisfaict; dont, des propos qu'elle luy a tenuz et de ses +responses, et pareillement de ce qu'elle luy a dict sur le faict de +la fille de Mad{e} de Mouy et sur ce que Mr de La Meilleraye vous +avoit escript des désordres qui continuent encores en la mer, je +laisse au dict Sr de Montlouet de le vous fère bientost entendre par +luy mesmes, s'il ne va plus avant; ainsy qu'il semble qu'à grand +difficulté le luy vouldra l'on permettre, ou bien de le vous escripre, +si, d'advanture, il accomplit son voyage. + +Et seulement adjouxteray icy, Sire, ce que la dicte Dame nous a dict +de la mort du comte de Mora, comme en passant par une rue, en la ville +de Lithquo, il a esté tué d'ung coup de pistollé, avec quatre balles +au travers du corps, par le fils du chérif du dict lieu, lequel est +des Amelthons, qui s'est despuys saulvé[2]. Duquel coup la dicte Dame +n'a peu dissimuler le regrect qu'elle y avoit, ce qui la nous a +(sellon mon adviz) randue moins bien disposée en ceste première +audience, sentant possible debvoir advenir beaulcoup de mutation de +ceste mort ez choses d'Escoce, et, possible, beaucoup en celles de +toute l'isle; dont a dépesché en dilligence le Sr Randol par dellà +pour deux occasions principallement; l'une, affin de solliciter +l'eslection d'ung aultre régent, qui soit de mesmes disposition envers +elle qu'estoit le dict de Mora; et l'aultre, pour empescher que le +comte de Northomberland ne soit mis en liberté sur ce changement, et +fère beaulcoup d'offres et promesses là dessus. + + [2] Cet évènement arriva en plein jour, le 23 janvier 1570, au + moment où le régent traversait la petite ville de Linlithgow, à + dix-sept milles d'Édimbourg. Jacques Hamilton de Bothwell-Haugh, + qui se vengea par ce meurtre des relations que Murray avait + entretenues avec sa femme, trouva moyen de s'échapper et de se + réfugier en France. + +Ung certain capitaine alleman, nommé Oulfan d'Arnac, est despuys +naguières arrivé de la Rochelle; par la venue duquel le jeune comte de +Mensfelt haste son partement; et toutz deux sont pretz de s'embarquer +pour passer en Allemaigne, affin de se trouver bientost avec le +Cazimir; lequel ilz cuydent se debvoir, dans peu de jours, mettre en +campaigne; et cependant la subvention des esglizes protestantes de ce +royaulme commence à se lever ainsy que je l'avois desjà préveu, et +possible que par mes premières, je vous pourray mander combien elle se +montera. Sur ce, etc. + + Ce IIe jour de febvrier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, ayant la Royne d'Angleterre remiz à fère, d'icy à quatre +jours, responce à Mr de Montlouet et à moy sur les choses qu'il luy a +proposées de la part de Voz Majestez, il n'y auroit guières lieu de +vous dépescher ce pacquet jusques alors, n'estoit la nouvelle qui +cependant est survenue de la mort du comte de Mora; laquelle je ne +vous veulx aulcunement retarder, pour l'aparance qu'il y a que +d'icelle ayt à naistre bientost beaulcoup de nouvelletez en Escoce, et +possible assés de mutation ez choses de ce royaulme, où ce coup se +faict desjà tant sentyr, qu'il semble qu'en la court, et par tout le +pays, ung chacun en soit bien fort esmeu; et n'a la dicte Royne +d'Angleterre, après l'avoir sceu, différé que bien peu d'heures de +dépescher Randolf en Escoce, pour fère en toutes sortes qu'on y +substitue ung aultre régent, qui soit pour persévérer aulx mesmes +trettez qu'elle avoit avecques le deffunct, avec offres d'argent et de +forces pour meintenir l'authorité de celluy qui le sera, et pour +empescher que aulcuns estrangiers puissent estre appellez contre luy +dans le pays; dont aulcuns estiment que le frère du dict de Mora +tiendra meintenant ce lieu. En quoy Vostre Majesté considèrera, au cas +que Mr de Montlouet n'ayt permission de passer jusques en Escosse par +terre, s'il sera expédiant d'y dépescher ung aultre par mer, qui y +puisse arriver avant que les choses y soient establyes à la dévotion +des adversaires de la dicte Royne d'Escoce. L'on a adviz icy que +Dombertrand a esté avitaillé par deux navyres françoys, dont ne fault +doubter que le party de la dicte Dame ne s'en trouve grandement +confirmé dans le pays, et je sçay qu'il en faict grand mal au cueur à +plusieurs en ceste court. Sur ce, etc. + + Ce IIe jour de febvrier 1570. + + + + +LXXXVIIe DÉPESCHE + +--du Xe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyée par Mr de Montlouet s'en retornant devers le Roy._) + +Nouvelle audience accordée à Mr de Montlouet.--Refus fait par +Élisabeth de lui donner passage.--Motifs qui ont dû l'engager à +prendre ce parti.--Arrestation de l'évêque de Ross.--Protestation +de la reine d'Angleterre qu'elle veut se maintenir en paix avec +le roi, et qu'elle ne donnera aucun secours à ceux de la +Rochelle.--Préparatifs faits en Angleterre contre l'Écosse.--Nécessité +d'envoyer sans retard, par mer, un député en Écosse, et de ne rien +négliger pour arrêter l'exécution des projets des Anglais.--_Note_ +remise à Mr de Montlouet sur l'état général des affaires d'Angleterre +et d'Écosse. + + + AU ROY. + +Sire, ayant la Royne d'Angleterre, au boult de huict jours, faict +entendre à Mr de Montlouet et à moy, avec quelque aparat, en présence +de unze seigneurs de son conseil, touchant les affères de la Royne +d'Escoce, que de laysser passer le dict Sr de Montlouet jusques au +lieu où est la dicte Dame, et puys de là en Escoce, elle ne le pouvoit +meintennant en façon du monde consentyr, pour des occasions, +lesquelles, si eussent esté bien sceues, lorsqu'il fut dépesché, elle +s'assure que Vostre Majesté ne luy eust donné charge d'y aller; et que +de la seurté de la dicte Dame Vostre Majesté pouvoit croyre que, quand +la dicte Royne d'Escoce auroit bien machiné de la fère tuer à elle +d'ung coup de haquebutte, elle pourtant ne consentyroit jamais qu'on +touchât ny à sa vie, ny à sa personne; et que de son bon trettement +elle le luy fesoit fère tel et à telz frays qu'elle sçayt que l'Escoce +ne seroit pour y fornyr de mesmes. Au regard de sa plus grande liberté +et restitution à sa couronne, qu'encor qu'elle n'eust à rendre compte +qu'à Dieu seul de ses actions en cella, elle néantmoins les vous +feroit entendre par son ambassadeur, ou par ung gentilhomme exprès, +avec espérance, que vous les trouverez si équitables, que dorsenavant +vous ne seriez tant pour la dicte Royne d'Escoce, que vous ne fussiez +aussi pour elle; et de tout ce que, avec ung bien long et préparé +discours et avec plusieurs démonstrations, elle a desduict là dessus, +le dict Sr de Montlouet le saura trop mieulx représanter à Voz +Majestez que je ne le vous sçaurois escripre, vous pouvant asseurer, +Sire, qu'il a si vifvement répliqué et tant fermement incisté à la +dicte Dame sur toutz les poinctz de l'instruction, que Vostre Majesté +luy avoit baillée, qu'il ne s'y peult rien desirer davantaige. Et j'ay +adjouxté ce que j'ay peu de plus exprès pour la presser de luy fère +meilleure responce; mais le mariage du duc de Norfolc et l'ellévation +du North lui sont deux offances si rescentes, lesquelles elle impute à +la dicte Dame, et la mort du comte de Mora les luy a tant rafreschies, +que nulle sorte d'apareil y peult encores estre bonne; mesmes, sur ce +dernier courroux de la mort du comte de Mora, elle a faict resserrer +l'évesque de Roz ez mains de l'évesque de Londres, qui sont deux fort +différantz personnages, en meurs et en religion, l'ung de l'autre; +dont semble qu'il fault qu'avec le temps vienne le remède de ce mal. + +Je laisse au dict Sr de Montlouet de vous dire le contantement que la +dicte Royne d'Angleterre à monstré avoir de ce que Voz Majestez Très +Chrestiennes se sont vollues conjouyr avecques elle sur la +paciffication des troubles de son royaulme, et les bonnes parolles +qu'elle a dictes en cella, qui toutjour en use de fort bonnes ez +choses qui luy sont proposées de Voz Majestez, sinon en ce qu'on luy +touche de la Royne d'Escoce; et vous dira pareillement les promesses, +qu'elle nous a faictes, de n'assister en aulcune sorte à ceulx de la +Rochelle contre Vostre Majesté et sur ce, etc. + + Ce Xe jour de febvrier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, il n'a tenu ny à soing, ny à dilligence, ny à fère bien +dignement et expressément entendre, par Mr de Montlouet, à la Royne +d'Angleterre les choses de sa charge, ny encores à les avoir bien +préparées et sollicitées par Mr de Roz et par moy, aultant qu'il nous +a esté possible, que le dict Sr de Montlouet ne raporte une meilleure +responce qu'il ne faict sur les affères de la Royne d'Escoce; mais le +mariage du duc de Norfolc et l'ellévation du North y font ung très +grand obstacle et, possible, y en faict davantaige la mort, naguières +survenue, du comte de Mora; laquelle la dicte dame et ceulx de son +conseil, qui sont protestantz, monstroient de la prendre plus à cueur +que nul aultre accident qui leur eust peu advenir, et sont après à +fère plusieurs grandz et nouveaulx desseings là dessus; dont desjà ont +mandé renforcer bien fort la garnyson de Barvich, et crains assés +qu'ilz veuillent dresser, du premier jour, armée pour l'envoyer par +dellà, comme j'en ay quelque sentyment; laquelle survenant en la +division, où est à croyre que ce royaulme se trouve meintennant, elle +sera pour y fère des effectz, qui seront, par avanture, dommaigables à +l'advenir; dont je perciste en ce que, par mes précédantes, j'ay +escript que, ne voulant ceste Royne permettre que le Roy et Vous y +puissiez envoyer quelqu'un des vostres par terre, qu'il sera bon que y +dépeschiez promptement ung personnaige de bonne qualité par mer, qui +soit pour moyenner et establyr, avec vostre auctorité, une bonne +concorde entre les seigneurs du pays; et les bien disposer de résister +aux estrangiers, et y relever le nom de leur Royne; en quoy semble +aussi, si Voz Majestez n'y peuvent pour ceste heure envoyer forces, +qu'il sera fort à propos que envoyez au moins quelques capitaines, et +gens d'entendement et de valleur, qui les saichent bien conduyre. Sur +ce, etc. + + Ce Xe jour de febvrier 1570. + +CE QUI S'ENSUIT a esté baillé à Mr de Montlouet pour luy servyr de +mémoyre. + +De la communicquation que Mr de Montlouet et moy avons heu ensemble, +touchant ses deux instructions, il se pourra servyr de l'ordre +d'icelles comme d'ung mémoire, pour tout ce que je luy ay dict sur ung +chacun article, affin d'en satisfère Leurs Majestez. + +Et l'extraict de la lettre, que j'escriptz au Roy, s'il luy playt de +l'emporter, sera pour nous conformer l'ung à l'aultre ez choses que la +Royne d'Angleterre nous a respondues sur le faict de la Royne +d'Escoce. + +De la continuation de la paix;--Il pourra dire que la Royne +d'Angleterre monstre d'y vouloir persévérer, et semble que ceulx de la +Rochelle ne tireront d'elle aulcun manifeste secours; mais ne fault +doubter que, par moyens secrects et soubz aultres prétextes, les siens +ne les accomodent, par mer et en Allemaigne, aultant que, sans mettre +leur Mestresse à la guerre, ilz le pourront fère. + +Le jeune comte de Mensfelt est desjà embarqué, lequel anticipe de deux +moys son partement, parce que, par ung navyre venu du North, l'on a +sceu que ceste année la mer n'a point gelé; et va descendre en +Hendein, dont s'estime qu'à son arrivée en Allemaigne, avec les +responces et lettres de crédict d'icy, le Cazimir et le prince +d'Orange se mettront incontinent en campaigne. Les dictes lettres, à +ce qu'on dict, sont pour trente mil livres esterlin en tout, c'est +cent mil escuz, ce que je n'ay encores bien vériffié. + +De l'estat des affères de la Royne d'Escoce et du duc de +Norfolc;--J'ay monstré à Mr de Montlouet aulcunes petites lettres, qui +tesmoignent ce qui en est, et ce qu'ung chacun d'eulx espère +particullièrement pour soy, et ce que l'ung espère pour l'aultre. + +Et pareillement ce qu'elle, pour son regard, espère du secours de +Flandres, et l'instance qu'elle en faict, et ce que luy espère de +celluy de France, et comme il presse de le haster. + +L'estat des choses d'Escoce.--Ledinthon et milor Herys, hors de +pryson, ont relevé avec les principaulx de la noblesse le nom et +tiltre de leur Royne.--Le duc de Chastellerault encores +prisonnier.--Le comte de Morthon et Lendzey ont juré la vengeance de +la mort du comte de Mora.--S'entend que le comte de Northomberland est +en liberté. Celluy de Vuesmerland a couru jusques sur quelque garnyson +d'Angleterre et l'a surprinse. + +La Royne d'Angleterre semble vouloir préparer une armée. Je n'ay +poinct argument que ce soit contre la France, sinon par aulcuns adviz +de l'année passée que une descente d'Anglois en Picardie doibt +concourir, quant le Cazimir conduyra son armée vers ce quartier là, +ayant promiz de s'employer à la reconqueste de Callays pour la dicte +Dame; à quoy, à toutes advantures, Leurs Majestez feront prendre +garde. + +La plus grand opinion est que ce sera pour aller en Escoce, affin d'y +establyr le comte de Morthon régent, ou bien fère intervenir le comte +de Lenoz au gouvernement de l'estat, et de la personne du prince son +petit filz; et le maintenir comme son subject en ce sien droict, par +toutz les moyens qu'elle pourra, ou bien pour se saysir, si elle +peult, du dict petit prince et le transporter en Angleterre; et, +possible, pour y fère quelque conqueste; et, en monstrant de vouloir +appeller à la succession de son royaulme le dict petit prince, se +saysir cependant des deux, le tout par prétexte d'aller contre ses +rebelles du North, qui se sont retirez au dict pays. + +La détention de l'évesque de Roz et des aultres seigneurs catholiques +porte grand empeschement à ma négociation de la liberté et +eslargissement; desquelz ne se parle ung seul mot. + +Des différandz des Pays Bas, et ce que Espinola et Fiesque en trettent +d'ung costé, et ce que l'ambassadeur et Anthoneda en trettent de +l'aultre, pareillement ce que Cecille cerche d'en fère mettre en avant +par le Sr Ridolfy, et la remonstrance que j'ay faict au dict +ambassadeur pour empescher l'accord des deniers. + +Du Sr Chapin Vitel. + +De ce que Leguens a mandé. + +De fère administrer justice en Bretaigne aulx Angloys. + +Au cas que la Royne d'Escoce se veuille retirer en France, me mander +si Leurs Majestez l'auront agréable, et qu'est ce que j'auray à fère, +si elle entreprend de passer en Flandres. + +Parler à Monsieur le duc de la pleincte que ceulx ci font qu'on +retarde par trop à Paris les passeportz à leur ambassadeur. + + + + +LXXXVIIIe DÉPESCHE + +--du XIIIe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais, par Olyvier Cambernon._) + +Efforts faits en Angleterre pour obtenir le consentement de l'Espagne, +afin de disposer des deniers saisis et déposés à la Tour.--Intérêt du +roi à l'empêcher pour que cet argent ne serve pas à faire des levées +d'hommes contre la France.--Affaires d'Écosse. + + + AU ROY. + +Sire, les choses que Mr de Montlouet a vues, et entendues icy, et +celles dont nous avons heu communication ensemble, il les sçaura si +bien représenter à Voz Majestez, que je n'entreprendray de vous en +toucher icy ung seul mot; seulement je vous diray, Sire, touchant +celles qui sont venues à ma cognoissance, despuys qu'il est party, que +le voyage qu'il sçayt que Mr le cardinal de Chatillon a faict à +Hamptoncourt, le jour de caresme prenant, a esté pour deux occasions; +l'une, pour prier la Royne d'Angleterre de permettre à Rouvrey, lequel +par fortune de temps est arrivé mallade et blessé à Grènezé, qu'il y +puisse demeurer quelque moys pour se guéryr, nonobstant l'estroicte +deffance qu'il y a de n'y souffrir aulcun estrangier, ce qu'il a +facillement obtenu; et l'aultre occasion est pour très instemment +prier la dicte Dame, avec les ambassadeurs des princes protestans, et +avec ceulx, qui naguières sont venuz de la Rochelle, qu'elle veuille +acquiter, à ce prochain mars, certaine portion d'ung sien debte +qu'elle a promiz de payer en Allemaigne, affin qu'ilz s'en puyssent +ayder à fère leurs levées, prenant sur eulx la dicte portion du +principal avec les intérestz _pro rata_. Mais à cecy la dicte Dame a +respondu qu'elle avoit meintenant tant d'affères en son royaume, +qu'elle estoit pour entrer plus tost en nouveaulx empruntz que de +payer les vieulx debtes, et qu'il n'estoit possible qu'elle entendît à +faire aulcun payement, si elle ne s'aydoit des deniers d'Espaigne, +ausquelz elle n'avoit encores touché, attendant qu'il s'y fît quelque +bon accord. Sur quoy, se trouvant que Espinola et Fiesque avoient miz +en avant une composition au nom des merchans, de laysser les dicts +deniers à la dicte Dame, jusques à l'entier accord des différans des +Pays Bas, à intérest de dix pour cent pour l'advenir, sans payer rien +du passé, et baillant seulement la chambre de Londres et mestre +Grassein pour respondans, tant du principal que des dictz intérestz, +il se faict une extrême sollicitation que cella s'effectue; et je +inciste, de tout ce qu'il m'est possible envers l'ambassadeur +d'Espaigne, qu'il le veuille empescher, luy remonstrant que ce sera +accommoder d'aultant ceulx qui vous mènent la guerre en vostre +royaulme, lesquelz se prévauldront de ces deniers; et il sçayt combien +il y court un grand préjudice pour son Mestre: à quoy il m'a promis de +fère tout ce qu'il pourra pour l'interrompre, mais il creinct que +Albornoz, secrétaire du duc d'Alve, tienne la main à cella pour +l'amytié qu'il a avec les dicts Espinola et Fiesque, ou pour avoir +receu d'eulx un présent de douze ou quinze mil escuz, ainsy qu'on dict +qu'ilz en offrent icy ung aultre de cinquante mil escuz au comte de +Lestre et de vingt mil à Cecille. Mais je ne puys croyre que les dicts +Espinola, Fiesque et Albornoz mènent ung tel faict, qui touche +grandement l'intérest du Roy d'Espaigne, duquel ilz sont subjectz, et +bien fort sa réputation et celle du duc d'Alve, pareillement +l'offance de son ambassadeur, icy résidant, et des aultres deux +ambassadeurs qui, à diverses foys, y ont esté envoyez, ensemble celle +qui a esté faicte à leurs navyres, à leurs subjectz et merchandises, +sans que le dict Roy Catholique et le duc d'Alve y soient consentans. +Et j'ay freschement heu adviz, assés conforme à ce que j'ay dict au +dict Sr de Montlouet, que l'on est après de tirer le Roy d'Espaigne +hors de l'obligation des merchans, et du risque des dicts deniers; et +qu'avec cella, il dissimulera pour ceste foys tout le reste, dont +semble estre fort requis, Sire, que Vostre Majesté face instamment +requérir le dict duc d'Alve de ne souffrir que les dicts deniers +soyent ainsy délayssez à la dicte Dame par la composition des +merchans; car, s'il s'y oppose, la dicte Dame n'y ozera toucher, et, +aultrement, il est tout certain qu'il en sera envoyé une partie en +Allemaigne pour fère les levées; vous suppliant très humblement, Sire, +me pardonner, si je vous oze dire que, au poinct où vous et vos +affères se retrouvent meintenant, une telle chose n'est aulcunement +tollérable au dict duc d'Alve. + +Au surplus, il semble que ceste Royne et les siens se veuillent +bientost résouldre à l'entreprinse des choses d'Escoce; car ils sont +toutz les jours à consulter là dessus, dont je mettray peyne de +descouvrir, aultant qu'il me sera possible, leurs dellibérations, et +de fère que les partisans de la Royne d'Escoce par dellà en soyent +advertys; et suys toutjours d'adviz, Sire, que debvez envoyer +promptement ung ou deux personnaiges de bonne qualité par dellà pour +confirmer le pays à vostre dévotion, ainsy que ceulx cy y dépeschent +de leur part aulcuns de leur conseil, pour le disposer, s'ilz peuvent, +à la leur; et cependant j'ay advyz qu'ilz ont mandé armer promptement +deux grandz navyres à Bristo, et mettre cent cinquante bons hommes +dessus, pour surprendre les deux navyres françoys qui sont allez +avitailler Dombertran, ainsy qu'ilz s'en retourneront. A quoy Vostre +Majesté advisera du remède qui s'y pourra donner. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour de febvrier 1570. + + + + +LXXXIXe DÉPESCHE + +--du XVIIe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyée par Joz, mon secrétaire, exprès jusques à la court._) + +Nécessité de se prémunir en France contre l'expédition qui se prépare +en Allemagne.--Secours d'argent et de munitions que l'on se dispose à +envoyer d'Angleterre à la Rochelle.--État des affaires en Écosse après +le meurtre du comte de Murray.--Armement fait à Londres que l'on +pourrait craindre de voir diriger contre Calais.--Divisions qui se +continuent entre les seigneurs d'Angleterre.--Offre faite au roi de la +part d'un seigneur anglais.--_Mémoire_ sur les affaires générales +d'Angleterre et d'Écosse.--Regret éprouvé par Élisabeth de la mort de +Murray.--Dispositions prises en Angleterre pour mettre le royaume en +état de défense, et fournir de l'argent aux protestants de France. + + + AU ROY. + +Sire, ayant miz peyne de vériffier l'adviz que, par mes précédantes, +du XIIIe du présent, je vous ay mandé touchant certains deniers, qu'on +presse la Royne d'Angleterre de fornyr en Allemaigne sur l'acquit de +ses debtes, afin que les princes protestans s'en puyssent accommoder +au payement de leurs levées, je tiens pour asseuré, (nonobstant que la +dicte Dame et les siens facent démonstration toute au contraire, et +que Mr l'ambassadeur d'Espaigne, qui n'a moins suspect en cest +endroict ce qui s'en pourchasse au nom du prince d'Orange, que moy la +sollicitation de ceulx de la Rochelle, n'en ayt encores rien +descouvert,) que néantmoins la chose est desjà toute conclue, ainsy +que j'ay baillé, par instruction, à ce mien secrétaire, de le fère +particullièrement entendre à Voz Majestez; et semble, Sire, que ne +debvez plus demeurer sur le doubte si les Allemans descendront ou non, +mais vous préparer comme pour leur résister et pour leur empescher +l'entrée de vostre royaulme; à laquelle dellibération, de fornyr +deniers, j'entans que la dicte Dame a beaulcoup résisté, comme celle +qui ne s'en vouloit auculnement despourvoir; mais elle n'a sceu +comment enfin s'excuser de n'acquicter son debte et fère tout ensemble +playsir à ses amys, sans qu'il luy coste que la seule advance de +l'argent qu'elle doibt, dont elle demeure quiete; et néantmoins luy +sera dans quelques moys rembourcé. J'ay d'ailleurs envoyé +soigneusement enquérir, par les portz de ce royaulme, s'il y auroit +aulcun congé, ou permission, d'enlever pouldres et monitions pour la +Rochelle; et m'a l'on raporté qu'à la vérité il n'y a nulle expresse +permission de cella, mais qu'aulcuns merchans ont bien achapté +secrectement des bledz et des chairs en ce pays, et ont faict venir de +Nuremberg, de Hembourg et d'Anvers, des pouldres, des armes, des +beuffles et choses semblables pour les envoyer à la Rochelle, afin de +faire leur profict; à quoy j'essaye bien de les empêcher, mais ils +nyent que ce soit pour la Rochelle; néantmoins j'ay adverty ceulx de +ce conseil que Vostre Majesté déclairera de bonne prinse tous les +vaysseaulx qu'on trouvera retournans du dict lieu. Les choses +d'Escoce se racontent en diverses façons, mais l'on tient pour la plus +vraye que le comte de Morthon s'est vollu ingérer au gouvernement du +pays en qualité de régent; et que plusieurs des grandz s'y sont +opposés, et ont si bien relevé le nom de leur Royne que son auctorité +y est pour ceste heure la plus recogneue; et que le duc de +Chatellerault est encores prisonnier et resserré davantaige pour la +souspeçon du murtre du comte de Mora; que Ledinthon est hors de +pryson; que les principaulx des deux factions ont convenu de laysser +courir, pour ceste heure, le seul exercisse de la religion nouvelle +dans le pays, et que pour l'establissement des affères l'on assemblera +les Estatz, où s'espère que le retour et restablissement de leur Royne +sera requiz. + +J'entans que ceulx cy arment plus de vaysseaulx que les deux que j'ay +mandé par mes précédantes, tout au long de la coste d'ouest, pour +garder que nulz navyres estrangiers puissent aller ny venir en Escoce, +espéciallement à Dombertran. Sur ce, etc. + + Ce XVIIe jour de febvrier 1570. + + Je viens, tout à ceste heure, d'estre adverty que ceulx cy sont + après à ordonner ung grand armement des navyres de guerre de + ceste Royne et aultres de ce royaume, pour une grande + entreprinse, qu'ilz veulent exécuter avec intelligence du prince + d'Orange, qui les doibt ayder de ses vaysseaulx qu'il a en mer, + sous la charge du Sr de Olain et du bastard de Briderode; et + espèrent aussi se prévaloir de ceulx de la Rochelle. Aulcuns + soupeçonnent que ce soit sur Callais, dont j'ay réouvert le + pacquet pour y adjouxter cest article, encor que je ne l'aye plus + avant vériffié. J'ay aussi présentement receu les deux dépesches + de Vostre Majesté, du XXVIIe du passé et du sixiesme d'estuy cy, + par un mesme courrier, sur lesquelles je verray bientost ceste + Royne, et ne changeray rien pour la venue d'icelles en ceste + dépesche. + + + A LA ROYNE. + +=Chiffre.=--[Madame, la division continue toutjour en ce royaume, et le +malcontantement croyt de plus en plus ez cueurs des principaulx et des +Catholiques, parce que les gouverneurs, qui sont des moindres et toutz +protestans, procèdent insolentement contre eulx; dont ne peult estre +que bientost l'altération ne s'en monstre bien grande, et que la cause +de la religion, celle de la Royne d'Escoce, celle des seigneurs +prisonniers, et encores celle de l'incertaine succession de ce +royaulme, qui ont chacune leurs partisans, ne produyse de divers +effectz; en quoy je mettray peyne de tenir le nom du Roy le plus +relevé que je pourray, et qu'il n'y en ayt point de plus respecté que +le sien. + +X.... m'est venu trouver, sur les dix heures de nuict, pour me dire +que, s'il playt au Roy de le recepvoir, il passera très vollontiers à +son service, avec une si bonne entreprinse en main que, quant Sa +Majesté la vouldra exécuter, il la trouvera très utille pour sa +grandeur, adjouxtant plusieurs occasions de son malcontantement et de +celluy des principaulx seigneurs de ce royaulme. Sur quoy, ne saichant +s'il venoit pour m'essayer, j'ay respondu que je ne sçavois que le Roy +eust aultre intention que fort bonne à l'entretennement de la paix +avec la Royne d'Angleterre et avec son royaulme; mais, parce que +toutes ses prétencions et desirs ne me pouvoient estre cognuz, je ne +fauldrois de l'advertir de ce qu'il me disoit, et qu'il pouvoit bien +considérer que Sa Majesté avoit à se douloir, aussi bien que luy, de +ceulx qui gouvernoient en ce royaume; et qu'à ceste occasion il le +pourroit bien accepter et l'employer à s'en revencher ensemble; dont +il m'a dict qu'il viendra, dans quelque temps, sçavoir la responce que +Vostre Majesté m'aura faicte]. Sur ce, etc. + + Ce XVIIe jour de febvrier 1570. + + INSTRUCTION AU SR DE JOS de ce qu'il aura à dire à Leurs + Majestez, oultre le contenu de la dépesche. + + Ainsy que la Royne d'Angleterre estoit après à esteindre les + troubles du North, et à pourvoir qu'ilz ne se peussent plus + rallumer; et qu'elle faisoit estat, que d'Escoce, d'où elle heut + heu le plus à se doubter, ne luy viendroit que toute faveur et + assistance, tant que le comte de Mora y commanderoit, mesmes + qu'il tenoit le comte de Northumberland en ses mains; et ne + cerchoit sinon comme elle et luy pourroient concourre en ung + mesme intérest contre la restitution de la Royne d'Escoce; il + n'est pas à croire combien la dicte Dame a vifvement senty la + mort du dict de Mora. + + Pour laquelle, s'estant enfermée dans sa chambre, elle a escryé, + avecques larmes, qu'elle avoit perdu le meilleur et le plus + utille amy, qu'elle eut au monde, pour l'ayder à se meintenir et + conserver en repos, et en a prins ung si grand ennuy que le comte + de Lestre a esté contrainct de luy dire, qu'elle faisoit tort à + sa grandeur de monstrer que sa seurté et celle de son estat + eussent à dépendre d'ung homme seul. + + Et parce que l'avitaillement de Dombertran, la venue de Mr de + Montlouet, quelque course du comte de Vuesmerland sur la + frontière, et la retrette d'aulcuns Anglois en Escoce, sont + advenues en mesme temps, la dicte Dame et ceulx de son conseil + sont entrez en grand opinion que les Catholiques de ce pays, avec + l'intelligence des estrangiers, ayent mené ceste practique, et + qu'il y ayt bien d'aultres entreprinses en campaigne. + + Et mesme l'on s'esforce de randre suspect à la dicte Dame le + propos de la paix de France, comme si, la faisant, l'on debvoit + incontinent luy déclairer la guerre; ce que toutesfoys elle ne se + veult ayséement persuader, et pourtant ne peult laysser de la + desirer, pourveu qu'il ne s'y conclue rien contre elle, ny trop + au désadvantaige de sa religion; affin qu'elle demeure deschargée + de tant de demandes et importunités qu'on luy faict pour + l'entretennement de ceste guerre. + + Mais parce qu'aulcuns luy remonstrent que des exploicts de ceste + année a de résulter l'establissement ou la ruine de sa dicte + religion, et pareillement le repos ou l'altération de son estat, + car ilz conjoignent l'ung avecques l'aultre, j'entendz que la + dicte Dame et ceulx de son conseil ont desjà résolu la plus part + des choses qu'ilz estiment estre besoing d'y pourvoir, desquelles + j'ay sceu en premier lieu: + + Qu'ilz ordonnent de continuer la description des forces, que j'ay + cy devant mandées, de quatre vingtz dix mil hommes de pied et + trente mil chevaux, en trois endroictz de ce royaulme; et que la + charge en sera principallement commise aulx Protestans, et qu'on + regardera de si près aux Catholiques, qu'on ne leur permettra de + se trouver plus de six ensemble, sur peyne de pryson: que les + seigneurs, qui sont dettenuz, seront resserrez davantaige, et + sera continué d'enquérir contre eulx, mesme a esté parlé de + _convoquer ung parlement_ pour trois occasions seulement; l'une, + pour avoir deniers; et l'aultre, pour déclairer criminels de lèze + majesté ceulx qui se sont ellevez, et leurs adhérans, affin de + procéder à leur confiscation; et la troisième, pour confirmer les + décrectz de leur religion. Mais de peur que le dict parlement ne + veuille toucher à d'aultres choses, il n'est encores résolu de le + convoquer; et est, en toutes sortes, si rigoureusement procédé + contre les dicts Catholiques, qu'ilz vivent en grand frayeur, + dont les Protestans, qui ont toute l'auctorité, pensent que par + ce moyen ilz les pourront contenir. + + Pour le regard des choses d'Escoce, ayantz faict passer le + mareschal de Barvich, et ung capitaine de la mesme garnyson, au + dict pays, incontinent qu'on a entendu l'inconvéniant du dict de + Mora, affin de relever le party qu'il tenoit, ilz y ont despuys + envoyé Randof, et sont après à y dépescher encores Raf Sadeller + qui est du conseil, avec lettres à huict principaulx du pays et + créance de leur offrir hommes et argent au nom de ceste Royne; et + ont donné charge au comte de Sussex de doubler la garnyson de + Barvich, dont il emporte commission d'y mettre promptement cinq + centz hommes, et trois centz chevaulx de renfort; et, à cest + effect, luy a esté baillé douze capitaines de la suyte de ceste + court, estimans que la dicte garnyson de Barvich, ainsy + renforcée, laquelle sera de mil harquebouziers et six centz + chevaulx, avec l'ayde du gardien de la frontière, suffira contre + les courses de Vuesmerland, jusques à ce que cest esté, ou plus + tost, ils auront dressé armée pour aller courre l'Escoce, affin + d'y establyr les choses à leur dévotion, estant l'opinion + d'aulcuns qu'ilz se saysiront, s'ilz peuvent, du petit prince du + pays; et qu'ayantz la mère et le filz en leurs mains, il leur + sera aysé de annuller le tiltre que la mayson d'Escoce prétend à + la succession de ce royaulme. + + Et ne deffault qui persuade à ceste princesse qu'affin qu'elle ne + soit, ny par le costé de France, ny de Flandres, empeschée en ses + affères de deçà, qu'elle doibt accommoder les princes protestans + en leurs entreprinses de dellà, et leur donner moyen qu'ilz se + puissent prévaloir d'aulcuns deniers de ce royaulme, pourveu + qu'elle n'en desbource rien; dont j'entens qu'après s'en être + quelque temps fort excusée, enfin elle a condescendu de dire à + ceulx de son conseil qu'ilz advisent comment cella se pourra + fère; dont desjà ont résolu que la dicte Dame payera, dans le + moys d'apvril, une partie de ses debtes en Allemaigne, laquelle + iceulx princes prendront des mains de ses créditeurs; et encor + que les deniers reviegnent toutz à son acquit, ilz luy seront + néantmoins remboursez, la moictié des prinses, et l'aultre + moictié par les esglizes protestantes de ce royaulme; lesquelles, + à ce qu'on dict, ont accordé de bailler quatre vingtz mil escuz + dans huict moys, ainsy que de mesmes les aultres esglizes + protestantes de France, de Flandres, d'Allemaigne, des Suisses, + d'Itallie, et mesmes disent d'Espaigne, contribuent à ceste + guerre: dont l'on faict compte que la contribution de toutes + ensemble, comprins les dix mil escuz de ceste cy, monte envyron + trente mil escuz toutz les moys. + + Mais la difficulté est en ce que, sans mettre la main aux deniers + d'Espaigne, la dicte Dame ne peut, ny veult payer aulcune portion + de ses debtes, ceste année, en Allemaigne, affin de ne se + desfornyr d'argent; et ce qui a esté cause de quoy Espinola et + Fiesque ont esté mieux ouys sur les offres qu'ilz ont faictes, au + nom des merchans Espaignolz et Gènevoys, de laysser les dicts + deniers à la dicte Dame, ainsy que je l'ay mandé par mes + précédantes. Et j'ay advis qu'on tient cella pour si accommodé, + que desjà est ordonné à Me Grassein d'en distribuer quarante cinq + mil livres d'esterlin aulx merchans de ceste ville, c'est cent + cinquante mil escuz, pour les fornyr, à ce prochain apvril, en + Allemaigne, aux dits créditeurs de ceste Royne et vingt mil {lt} + aussi d'esterlin, c'est soixante douze mil escuz, ordonnez pour + les affères d'Escoce. + + Reste seulement que la dicte Dame demande aus dicts Espinola et + Fiesque ung mot de lettre du Roy d'Espaigne, par lequel il + advouhe que les dicts deniers sont des merchans, et non siens; + ce que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est ici, me promect que son + Mestre ne le fera jamais. Aultres estiment que, pour sortyr hors + de l'obligation et du risque des dicts deniers envers les + merchantz, qu'il ne reffusera de le fère; aultres disent que, + ores qu'il ne le face, qu'on ne lairra pourtant d'accorder des + dicts deniers avecques les merchans, et s'en ayder en Allemaigne; + néantmoins, il sera toutjour bon d'incister au duc d'Alve qu'il + empesche le dict accord: + + Car il est desjà nouvelles que Quillegrey sera dépesché pour + aller porter les lettres de police du dict payement, et pour + aller faire semblables offices, ceste année, qu'il fit la + précédente envers les princes protestans; dont s'estime, qu'à son + arrivée par dellà, plus qu'à celle du jeune comte de Mensfelt, + les dicts princes s'esmouveront et commenceront de marcher; et + que le dict de Mensfelt n'a emporté que quelques lettres + d'acquit, pour vingt mil livres d'esterlin, qui avoient esté + desjà prinses sur les bagues de la Royne de Navarre. Par ainsy, + il fault fère estat que l'armée de Cazimir yra au secours de + ceulx de la Rochelle. + + Il semble qu'on ayt vollu imprimer quelque peur à ceste princesse + du duc de Olstein, luy donnant entendre qu'il a esté devers le + duc d'Alve à Bruxelles pour tretter quelque entreprinse contre + elle, et qu'il faict une levée de gens de pied et de cheval vers + Hembourg et Osterelan, de quoy elle a certain adviz, et que le + duc Ery de Bronzouye a aussi la sienne toute preste; dont, encor + que le dict duc d'Alve monstre que son principal prétexte soit + pour résister aulx entreprinses du prince d'Orange, néantmoins la + jalousie qu'elle s'est donnée de cella, et possible le desir de + favoriser les affères du dict prince d'Orange, et les choses + advenues par la mort du comte de Mora sont cause dont elle se + laysse ainsy aller à la forniture de deniers en Allemaigne; + aulcuns estiment tout le contraire du duc d'Olstein, qu'il est + pour le dict prince d'Orange, bien m'a l'on dict qu'il y a desjà + trois ans que ceste Royne a osté de son estat le dict de Olstein + lequel souloit être son pencionnaire. + + + + +XCe DÉPESCHE + +--du XXIIe jour de febvrier 1570.-- + +_(Envoyée par Hamberlin, chevaulcheur d'escuerye, jusques à la +court.)_ + + Audience accordée à l'ambassadeur; communication faite à + Élisabeth de l'état des négociations en France pour arriver à + la pacification.--Conditions proposées par le roi.--Offre faite + par la reine d'Angleterre de sa médiation.--Nouvelle assurance + qu'elle n'a donné aucun secours aux protestans de + France.--Affaires de la reine d'Écosse.--Élisabeth propose + d'accepter la médiation du roi pour ses différends avec Marie + Stuart. + + AU ROY. + +Sire, pour faire entendre à la Royne d'Angleterre ce qui a passé avec +les depputez de la Royne de Navarre, des princes de Navarre, de Condé, +et des aultres de leur party, qui vous ont très humblement requiz la +paix, je luy ay récité les mesmes bons et bien convenables propos de +vostre lettre du VIe du présent, avec ung peu d'expression de +l'incroyable débonnaireté et infinye clémence qu'il vous playt user +envers eulx, sur toutes les offances, ruynes et dommaiges, que vous et +vostre royaulme avez receu de leur ellévation et de leur prinse +d'armes; et que si la dicte Dame veult considérer les grâces et +concessions que vous leur offrez, je m'asseure qu'elle les estimera, +sinon excessives, à tout le moins telles que de plus grandes vous ne +leur en pouvez bonnement concéder, sinon que pour les contanter à eulx +seulz, Vostre Majesté se vollût par trop se malcontanter soy mesmes, +et offancer vos aultres bons subjectz catholiques, qui sont de vostre +party, qui ont toutjour suyvy vos intentions, n'ont onques contradict +à icelles, ont combattu avecques vous et pour vous, et n'ont rien +espargné du leur pour vous secourir; et pareillement offancer bonne +partie du reste des Chrestiens, espéciallement les princes, vos alliez +et confédérez, qui monstrent avoir intérest en ceste cause pour la +religion catholique et pour la souveraine auctorité, qu'ilz desirent +estre, l'une et l'aultre, bien conservées en vostre royaulme, comme en +ung siège principal de la Chrestienté, en quoy, en lieu qu'ilz vous +penseroient avoir regaigné pour bien veuillant et favorable prince, il +est à croyre qu'ilz vous trouveroient à jamais offancé, irrité et bien +fort ulcéré contre eulx. + +La dicte Dame, d'ung visaige bien fort joyeulx et contant, après +plusieurs bien bonnes parolles du mercyement, qu'elle m'a prié de vous +fère, pour une tant favorable communication du pourparlé de paix avec +vos subjectz, a curieusement vollu lire les articles d'icelluy, et +j'ay miz peyne de les lui fère trouver plus que raysonnables de vostre +costé; et que, si ceulx de l'aultre part se monstrent tant sans rayson +qu'ilz ne les acceptent, que Vostre Majesté la prie de les tenir +dorsenavant pour ceulx qui ne sont meuz d'aulcun desir de religion, +ains d'une pure ambicion d'occuper l'authorité souveraine s'ilz +pouvoient; et que, pour le debvoir de l'alliance et bonne amytié, qui +est entre Vostre Majesté et la dicte Dame et voz deux couronnes, elle +les veuille à jamais exclurre de sa protection, faveur et secours, et +nomméement de l'assistance de deniers qu'ilz se vantent debvoir avoir +ceste année d'elle ou de son royaulme; et, comme ennemye conjurée +contre eulx, se veuille unyr avec Vostre Majesté pour les réprimer, et +pour vous ayder de reconquérir sur eulx les droictz souverains, +qu'ilz s'esforcent [d'usurper], et donner exemple aux aultres subjectz +d'ozer, par prétexte de religion, entreprendre d'usurper sur leurs +vrays et naturelz princes et seigneurs. + +A quoy elle m'a respondu qu'elle ne doubte aulcunement que, en Vostre +Majesté et en celle de la Royne, ne soit le mesmes bon desir que les +dicts articles monstrent pour la réunyon et réconcilliation de voz +subjectz, et comme elle le loue infinyement, ainsy vous prie elle de +croyre qu'elle a grand affection de la veoir bien effectuée; et que, +si ceulx de la Rochelle ont de quoy pouvoir, sans contraincte de leur +conscience, vivre soubz vostre auctorité, en paix et bonne seurté de +leurs vyes et de leurs personnes, elle ne voyt commant ilz le +puyssent, ny doibvent reffuzer; dont, si pour la conclusion d'ung si +bon oeuvre, au cas qu'il y intervienne aulcune difficulté, il vous +playt qu'elle s'y employe, elle le fera droictement à l'advantaige deu +à Voz Majestez, comme si c'estoit pour le sien propre; et quant à +secours, elle peult jurer devant Dieu qu'il n'en est procédé d'elle, +ny en argent, ny en aultre chose, dont ilz se puyssent raysonnablement +vanter qu'elle leur en ayt baillé contre vous, et qu'elle n'ozeroit +jamais lever les yeulx pour me regarder, si, après tant de parolles et +de promesses qu'elle m'a faictes vous escripre là dessus, elle venoit +meintenant à leur en donner. + +J'ay esté en doubte, Sire, comment uzer de ce, qu'en lieu que je l'ay +requise de leur estre ennemye, s'ilz n'acceptent les condicions de +paix, elle s'est offerte d'en composer les difficultez; dont, sans en +rien acepter, je l'ay seulement remercyée, au nom de Voz Majestez, et +que je ne fauldrois de le vous escripre, et ay poursuyvy que +j'espérois que la mesme responce conviendroit à ce que j'avoys à luy +requérir très instantment de vostre part, qu'elle vous vollût tout +ouvertement signiffier si une levée de huict mil reystres, qu'on vous +a mandé que le duc d'Olstein et le comte d'Endein font pour elle en +Allemaigne, est en faveur de ceulx de la Rochelle, ainsy qu'on le vous +veult persuader, et qu'il vous semble bien que la dicte Dame doibt +ceste franche et claire déclaration à la bonne amytié, que Voz +Majestez Très Chrestiennes luy portent, et que le cueur ne vous peult +dire que vous ayez en ce temps à espérer actes si ennemys et si +contraires du costé de la dicte Dame. + +Elle m'a respondu, de fort bonne façon, que Mr Norrys luy a touché ce +particullier par ses lettres, et que par lui mesmes elle vous y fera +satisfère: cependant me vouloit bien asseurer qu'elle ne faict point +fère la dicte levée, et qu'elle ne veult jamais estre estimée Royne, +s'il se trouve aultrement; et a passé oultre à me dire qu'il se parle +bien de quelque levée à venir, mais qu'elle ne sçayt encores ce qui en +est; et, quand elle l'entendra, s'il y a rien contre Vostre Majesté, +elle me le fera notiffier. + +Je croy que la dicte Dame m'a respondu assés sellon la vérité et +sellon son intention en ces deux choses; mais je mettray peyne de +mieulx les vériffier, et sur ce, etc. + + Ce XXIIe jour de febvrier 1570. + + A LA ROYNE. + +Madame, ayant envoyé me condouloir à Mr le comte de Lestre du peu de +satisfaction que la Royne, sa Mestresse, a vollu donner à Voz Majestez +Très Chrestiennes, par Mr de Montlouet sur les affères de la Royne +d'Escoce, il m'a mandé que je debvois excuser la dicte Dame sur les +espouvantables conseilz qu'on luy donnoit, de la subversion de sa +couronne et de son estat, si elle ne procédoit encores plus +rigoureusement contre elle, ce qui n'estoit aulcunement sellon son +cueur; et que, n'ozant de luy mesmes se ingérer de luy en parler, si +je luy en voulois escripre une lettre à part, il la feroit si +oportunément veoir à la dicte Dame qu'il espéroit que les affères de +la dicte Royne d'Escoce s'en porteroient mieulx. Je luy ay escript +aulcun peu de motz, lesquelz il luy a monstrez, et elle m'a faict +cognoistre, en ma dernière audience, qu'elle les avoit bénignement +receuz; lesquelz ont heu tant d'effect qu'elle m'a offert d'elle +mesmes que, s'il playt à Voz Majestez mettre en avant ung moyen ou +expédiant entre elles deux, qui soit honneste et non préjudiciable à +elle ny à sa couronne, ny contraire à son honneur et conscience, +qu'elle y entendra très vollontiers; et ainsy m'a elle, une et deux +foys, prié de vous le mander. Dont je mettray peyne, Madame, +d'entendre là dessus le désir de la dicte Royne d'Escoce, et le +conseil, s'il m'est possible, de Mr l'évesque de Roz, lequel est +encores bien resserré, pour en user le plus oportunément que je +pourray. Cependant il plairra à Voz Majestez m'en commander ung mot +par une lettre que je puysse monstrer, et sur ce, etc. + + Ce XXIIe jour de febvrier 1570. + + + + +XCIe DÉPESCHE + +--du XXVIe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Callais par Lepecoc_.) + +Opinion générale répandue en Angleterre que la paix sera prochainement +conclue en France.--État des affaires en Flandre.--Incertitude sur les +nouvelles d'Écosse; nécessité d'envoyer un prompt secours dans ce +pays.--Réclamation des Anglais contre la conduite qui est tenue à leur +égard en Bretagne.--Vives instances de Marie Stuart pour obtenir un +secours de France. + + + AU ROY. + +Sire, après avoir, le XXe de ce moys, amplement discouru à la Royne +d'Angleterre en quel estat estoient demourées les choses avec les +depputez de la Rochelle, lorsque Vostre Majesté m'a commandé de luy en +parler, et que la dicte Dame m'eust prié de luy laysser le mémoire des +condicions que vous leur offriez, lesquelles elle ne fit semblant de +les trouver que bien fort raysonnables, et qu'elle ne voyoit plus +aulcune difficulté en cella, sinon possible ung peu de l'asseurance, à +cause de l'infraction des précédantz traittez, elle manda, le jour +d'après, Mr le cardinal de Chatillon pour les luy communiquer; et ne +sçay encores, Sire, ce qui en fut débattu entre eulx, sinon qu'on m'a +adverty que le dict Sr cardinal dict que la Royne de Navarre, plus de +douze jours auparavant, luy en avoit en substance mandé le contenu, à +la mesure que les depputez, durant le pourparlé, le luy escripvoient, +et qu'il faisoit grand difficulté que la paix se peult conclure là +dessus, qu'il ne leur fût en quelque chose mieulx satisfaict, et en +quelque aultre plus seurement pourveu. Je mettray peyne de sçavoir si +la dicte Dame a trouvé fondement en sa dicte difficulté, veu qu'elle +m'a dict que ses plus sçavantz prescheurs maintenoient, par +tesmoignages de l'escripture saincte, que nulle eslévation contre son +prince, ny mesmes pour la conscience, peult estre juste ny +raysonnable. + +Il semble qu'on ayt icy assés d'opinion que la paix se conclurra, et +néantmoins je n'entendz qu'on révoque l'ordonnance des deniers pour +Allemaigne, bien qu'aulcuns estiment que les levées de gens de guerre +sont retardées pour attandre quelle fin le dict traitté prendra; et se +parle beaulcoup plus, à ceste heure, des aprestz du prince d'Orange +que de ceulx de Cazimir, et qu'encores que en Flandres ne s'en face +aulcun semblant, que néantmoins le duc d'Alve ne laysse de pourvoir +secrectement à ses affères; dont ceulx cy ont quelque adviz de ses +aprestz, et mesmes tiennent pour assés suspectz ceulx qu'ilz entendent +qu'il faict pour la mer, qui ne peuvent, ce leur semble, estre dressez +contre le dict prince; et par ainsy, doubtent que ce soit contre eulx, +mais ilz monstrent de ne les craindre guières. La composition des +deniers et merchandises, arrestées par deçà sur les subjectz du Roy +d'Espaigne, se poursuyt toutjours. Il est vray qu'il semble qu'on +attand la responce d'une dépesche, que le duc d'Alve, après le retour +du Sr Chapin en Flandres, a faicte au Roy son Mestre sur ceste affère, +qui n'est encores venue. + +Je ne puys avoir certitude des présentes choses d'Escoce, et semble +que le Sr Randolf mesmes, qui est sur le lieu de la part de ceste +Royne, ne peult comprendre quelles elles sont, et qu'il en escript +confuzément. Le comte de Lenoz se prépare toutjours pour y aller; +mais il creinct quelque malle adventure par dellà, et n'ayant la dicte +Royne d'Escoce faulte d'adviz en ses propres affères, elle nous a +faict tenir celluy que je vous envoye duquel nous mettrons peyne d'en +avoir plus grande vériffication; et d'aultant qu'avec icelluy vous +verrez, Sire, l'instance qu'elle me prie de vous fère pour son +secours, il ne sera besoing de le vous exprimer davantaige, si n'est +pour vous dire, Sire, que peu d'ayde à ce commancement vous pourra +espargner les frays d'ung grand secours, que possible cy après vous y +vouldriez avoir envoyé; lequel, ou n'y pourra lors passer, ou n'y +viendra jamais assés à temps. Je ne sçay si, suyvant mes précédantes +lettres, ceste Royne vouldra entendre à quelque bon expédiant avec la +dicte Royne d'Escoce, elle m'a faict démonstration d'y estre assez +bien disposée; mais la dicte Royne d'Escoce a trop d'ennemys en ceste +court. + +La dicte Royne d'Angleterre m'a faict dellivrer trois Françoys qui +estoient prisonniers à Colchester, et m'accorde ordinairement, et fort +libérallement, les provisions de justice que je luy demande pour voz +subjectz. Il est vray que ceulx de son conseil m'ont faict escripre +par le juge de l'admyraulté que, s'il n'est faict rayson à trois +Anglois, qui vont pourchasser la restitution de leurs biens à +Granville en Bretaigne, qui leur a esté deux et trois foys desnyée, +que les Bretons ne s'esbahyssent plus s'ilz n'ont dellivrance des +biens qui leur seront prins ou arrestez par deçà; vous supliant, Sire, +mander au Sr de La Roche, cappitaine du dict Granville, qu'il les leur +face dellivrer, et que dorsenavant Vostre Majesté commande estre +mieulx pourveu à l'administration de la justice aux dicts Anglois en +Bretaigne, qu'ilz disent qu'ilz n'y en ont heu jusques icy; et sur ce, +etc. + + Ce XXVIe jour de febvrier 1570. + + Sur la fin de la présente m'est venu advis qu'il y a heu + rencontre, sur la frontière du North, entre millord Dacres, qui + se retirait en Escoce avec quelque troupe, et milord de Housdon + gouverneur de Barvich, qui l'a vollu empescher. + + EXTRAICT de la lettre de la Royne d'Escoce à Mr l'évesque de Roz, + son ambassadeur. + + J'ay receu, par ce pourteur, la lettre que m'avez escripte du VIe + du présent, et suys fort marrye de vostre emprysonnement, à ceste + heure que mes affères ont grand besoing de vous, sur le poinct + qu'on m'a dict que le Roy a accordé d'envoyer deux mil hommes en + Escoce; je vous prie, sollicitez Mr l'ambassadeur de fère + instance à son Mestre qu'il les veuille haster, et advertissez + l'arsevesque de Glasco et Rollet, de faire le mesme par dellà. Je + vouldrois bien entendre quel secours nous aurons de Flandres. Je + crains qu'il sera assés petit, et qu'il viendra bien tard; car + j'entends que desjà la Royne d'Angleterre faict lever une armée + de douze mil hommes en ce pays, et en veult envoyer, du premier + jour, trois mil en Escoce, et puys après, y fère acheminer le + reste par mer et par terre, avec intention, comme on dict, + d'avoir, ou par moyen, ou par force, mon filz en ses mains, et + puys après disposer de ma vie. Mais, si Dieu m'est favorable, + comme je n'en doubte poinct, je ne crains poinct cella; + néantmoins, je vous prie très affectueusement de le nottifier + aulx ambassadeurs, affin que, s'ilz m'ayment et ayment mes + affères, qu'ilz procurent de fère envoyer en dilligence le + secours en Escoce. Il est bruict que le Roy d'Espaigne est fort + mallade, et que le Roy a aultant à fère dedans son royaulme comme + auparavant, et qu'il n'a peu fère la paix avecques ses subjectz, + dont vous prie m'en faire entendre la vérité. + + EXTRAICT d'aultre lettre escripte par la dicte Royne d'Escoce à + Jehan Cobert, secrétaire de Mr de Roz, du XIIIe febvrier 1570. + + Jehan Cobert, si vostre mestre est si estroictement gardé qu'il + ne puisse vaquer à mes affères, ne faillez de trouver quelque + moyen de me donner toutjours adviz des occurrences, le plus + souvent que vous pourrez. Faictes mon excuse à Mr l'ambassadeur + de France, si je ne luy escriptz par ce pourteur, car je ne m'ose + fyer en luy; supliez le de parler à la Royne pour vostre mestre; + et luy dictes que c'est Huntington qui, par malice, a procuré son + emprisonnement; car luy mesmes m'a dict qu'il se vengeroit de + luy. Priez le aussi, en mon nom, de solliciter le Roy, son + Mestre, comme je le mande en l'aultre lettre, de haster le + secours; car il peult veoir le grand dangier en quoy mon royaulme + et mon filz et moy sommes. + + + + +XCIIe DÉPESCHE. + +--du dernier jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Callais, par le sire Crespin de Chaumont_.) + + Détails circonstanciés de la rencontre qui a eu lieu entre milord + Dacre et milord Houston; défaite de milord Dacre qui a été + forcé de se réfugier en Écosse. + + + AU ROY. + +Sire, au fondz de la lettre que j'ay escripte, le XXVIe du présent à +Vostre Majesté, j'ay faict mention d'ung rencontre naguières advenu +vers la frontière du North, du costé d'Escoce, entre millord Dacres et +millord de Housdon, subjectz de ce royaulme, de quoy la confirmation +est despuys arrivée, qui se racompte ainsy: c'est que ayant la Royne +d'Angleterre, pour aulcuns soupeçons du dict millord Dacres, et parce +qu'il différoit de venir devers elle, mandé à millord Housdon de +l'aller surprendre, le plus secrectement qu'il le pourroit fère, en +une sienne mayson, où il s'estoit retiré douze mil près l'Escoce; +icelluy Dacres, ayant descouvert l'entreprinse, le jour auparavant +qu'elle deust estre exécutée, par l'interception d'aulcunes lettres, +où il vit que desjà le dict de Housdon avoit mandé à millord Scrup se +trouver en certain lieu avec deux mil hommes, et qu'il s'y rendroit à +heure déterminée avec mil chevaulx et cinq centz harquebouziers de la +garnyson de Barvich, pour l'aller assiéger, il fit dilligence d'en +advertyr incontinent ceux qui estoient en la frontière d'Escoce; et, +de sa part, il déliberra d'assembler ce qu'il pourroit des siens pour +aller combattre l'une des deux troupes, avant qu'elles se peussent +joindre. Et ainsy, en une nuict, il mict ensemble trois mil hommes, +et, le matin, alla rencontrer ceulx qui estoient sortys de Barvich, et +présenta la bataille au susdict de Housdon; lequel, se trouvant avoir +de meilleures gens et mieulx équipés que luy, bien que en moindre +nombre, se résolut de le combattre, et néantmoins fit semblant de se +retirer, affin d'attirer l'autre en ung lieu estroict, où avec +l'harquebouzerye il le deffyt, et luy tua quatre centz des siens, et +en print cent ou six vingtz de prisonniers. Et à peine se fût saulvé +le dict Dacres mesmes, sans ce qu'il se descouvrit quelques gens de +cheval, en compaignie, qui lui venoient au secours, à la faveur +desquelz il se retira, avec tout le reste, en Escoce. Quoy qu'il y +ayt, Sire, et que ce récit, qui vient de la court, soit à l'advantaige +de ceste Royne, elle et ceulx de son conseil sont bien fort marrys de +la retrette du dict Dacres, qui est, après le duc de Norfolc, ung des +plus principaulz hommes de ce royaulme. Et sur ce, etc. + + Du dernier jour de febvrier 1570. + + + + +XCIIIe DÉPESCHE + +--du IIIIe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyée jusques à la court, par le Sr de Sabran_.) + + Irritation causée à Londres par la nouvelle de l'expédition + préparée en France pour porter des secours en Écosse.--Effet + produit par cette nouvelle sur la reine d'Angleterre, dont elle + change tout-à-coup les dispositions à l'égard de la + France.--Résolution d'Élisabeth de porter ses armes en Écosse, + et de secourir ouvertement les protestants de la + Rochelle.--_Mémoire_: détails des préparatifs faits sur mer en + Angleterre pour empêcher le secours de France d'arriver en + Écosse.--Affaires de l'Écosse et des Pays-Bas.--Demande faite + par l'Espagne que le commerce avec l'Angleterre soit interdit + en France.--_Mémoire secret_: dispositions des seigneurs + anglais, qui sont poursuivis en justice, à soutenir les efforts + de la France.--Vives instances du duc de Norfolk pour que la + reine d'Écosse soit promptement secourue.--Proposition faite + par l'ambassadeur à Leicester d'appuyer de tout le crédit de la + France son mariage avec Élisabeth; sous la condition de la + restitution de Marie Stuart. + + AU ROY. + +Sire, je n'avois poinct esté encore plus favorablement ouy de la Royne +d'Angleterre, et n'avois point receu d'elle meilleures responces sur +les choses, que je luy ay ordinairement proposées de vostre part, +despuys que suys par deçà, que en ceste dernière audience du XXe du +passé, ny les seigneurs de son conseil ne m'avoient plus privéement +traicté, ny ne s'estoient monstrez plus favorables à me parler des +affères de ce royaulme que ceste dernière foys; de sorte que je m'en +retournay assés satisfaict, et au moins avec quelque opinion que les +choses seroient pour aller de bien en mieulx entre Voz Majestez et voz +deux royaulmes; mesmes qu'ung du dict conseil passa si avant de me +dire que, pour quelques occasions ès quelles la France n'estoit +poinct meslée, j'entendrois bientost parler d'ung armement que, +longtemps y a, l'Angleterre n'en avoit gecté ny de plus grand, ny de +plus brave sur mer; et qu'il ne failloit que j'en prinsse aulcun +souspeçon, car tant s'en failloit que ce fût contre Vostre Majesté, +qu'il n'y auroit rien qui ne fût à vostre bon commandement: et oultre +cella, la dicte Dame me tint lors toutz propos fort bons sur les +affères de la Royne d'Escoce, et sur la bonne disposition, en quoy +elle estoit, d'entendre à quelque bon expédiant avec elle, s'il +playsoit à Vostre Majesté de le mettre en avant. + +Par lesquelles choses j'estimay, Sire, que les plus modérez d'auprès +de ceste princesse eussent gaigné ung grand poinct envers elle, mesmes +que je sceuz, avant que partir de là, que le comte d'Arondel avoit +esté mandé en court pour le desir que la dicte Dame monstroit avoir de +regarder, avec son conseil et avec sa noblesse, les moyens qu'il luy +falloit tenir, tant envers les princes ses voysins que envers ses +subjectz, pour maintenir la paix dehors et dedans son royaulme. De +quoy les passionnez, qui ont le crédit, monstroient n'estre +aulcunement contantz: et voycy, Sire, ce que, deux jours après, leur +est venu en main pour divertir le bon cours de ces affères, et pour +altérer les choses plus que jamais, c'est que, par les lettres de Mr +Norrys et par celles du Sr Randolf, qui en mesme jour sont arrivées de +France et d'Escoce, du XXIIe du passé, ilz ont eu adviz que Vostre +Majesté préparoit d'envoyer ung nombre de gens de guerre en Escoce, +qui se doibvent embarquer en Bretaigne le IIIe jour de may prochain; +ce qui leur a donné de quoy si bien irriter la dicte Dame et ceulx de +son dict conseil que, toutes aultres choses délayssées, ilz se sont +miz après à consulter et dellibérer comme ilz pourront empescher ou +prévenir ceste vostre entreprinse; dont j'ay baillé une instruction au +Sr de Sabran de tout ce que, pour ceste heure, j'ay peu descouvrir de +leurs préparatifz et aprestz en cella, ensemble du présent estat des +aultres choses de deçà, auquel me remectant, je prieray, etc. + + Ce IVe jour de mars 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, ce n'est de mon gré que je donne à Vostre Majesté des adviz, +qui quelques foys sont bien contraires et divers à ceulx que +auparavant je vous ay mandez; mais le changement et la contrariété, +qui sont assés ordinaires en ceulx de ceste court, me contraignent +d'en user ainsy; dont Vostre Majesté, s'il luy playt, m'en excusera +sur le soing que j'ay de luy mander leurs actions et dellibérations, +ainsi clairement et par le menu, comme, jour par jour, je les puys +aprendre et descouvrir. Il n'y a que huict jours que ceste princesse +se monstroit bien disposée envers Voz Très Chrestiennes Majestez, et +de ne cercher rien tant que de vous contenter et complaire en ce qui +luy estoit proposé de vostre part, et de vouloir vivre en grand paix +et repos en son royaulme, chose fort sellon sa naturelle inclination; +mais, aussitost qu'on luy a raporté qu'il se préparoit en France des +gens de guerre pour passer en Escoce, il n'est pas à croyre combien la +grande jalousie de sa cousine, laquelle s'est représentée en cella, +luy a soubdain faict changer son premier bon propos; et comme, en lieu +d'aller par moyens paysibles, ainsy qu'elle disoit, ez choses +d'Escoce, elle a proposé meintennant d'y procéder par les armes. La +dicte Dame estoit lors après à espargner l'argent, meintennant elle +ne parle que d'en despendre; elle cerchoit de payer et à ceste heure +d'emprumpter; elle disoit vouloir regaigner par douceur ses subjectz, +meintennant elle faict resserrer plus que auparavant ceulx qui sont en +prison; et crainctz assés, Madame, que l'affection, qu'elle disoit +avoir à la pacification de vostre royaulme, se soit desjà changée à +ung contraire désir de vous y nourryr les troubles, si elle peult, +comme desjà l'on m'a dict qu'elle est pour se monstrer plus libéralle +à promettre secours et assistance à ceulx de la Rochelle, qu'elle n'a +faict jusques icy. Je la verray sur la première occasion de quelque +dépesche de Voz Majestez, et mettray peyne de notter les +particullaritez de ses propos, affin de fère quelque jugement de ses +dellibérations. Sur ce, etc. + + Ce IVe jour de mars 1570. + + INSTRUCTION pour satisfère Leurs Majestez sur le contenu de la + dépesche, comme s'ensuyt: + + Que, le XXe du passé, la Royne d'Angleterre se monstroit bien + disposée envers Leurs Très Chrestiennes Majestez et envers leurs + présens affères, avec bonne affection à la paix de leur royaume, + et d'estre preste, pour l'amour d'eulx, de condescendre à des + expédiens gracieulx avec la Royne d'Escoce, et me dict l'ung des + seigneurs de son conseil qu'elle avoit ung grand contantement de + veoir que Leurs dictes Majestez, ny nul de leurs ministres, + n'estoient meslez en ces choses du North. + + Ung autre des seigneurs du dict conseil, me parlant en affection + d'aulcuns aprestz, qu'on faisoit contre la dicte Dame, en un + endroict qui, sellon qu'il me le désigna, ne pouvoit estre sinon + Flandres, me dict qu'ilz estoient après, de leur costé, à + préparer en dilligence ung des plus grandz et des plus braves + armemens qu'ilz eussent, longtemps y a, miz en mer, et qu'on + cognoistroit que, si l'Angleterre n'estoit pour assaillir ung + aultre estat, qu'elle estoit suffisante pour deffandre le sien, + et que, continuant ainsy la bonne paix, comme elle faisoit, + avecques le Roy et la France, ilz n'avoient que bien peu à + craindre le reste de leurs voysins. + + Le troisiesme jour après, estantz deux pacquetz, l'un de Mr + Norrys et l'aultre du Sr Randolf, arrivez de France et d'Escoce, + quasi en mesmes heure, et avec conformité d'ung mesmes advis de + certain nombre de gens de guerre, qu'ilz ont mandé que le Roy + préparoit d'envoyer en Escoce, qui se debvoient embarquer en + Bretaigne, le IIIe de may, et estre conduicts par le Sr Estrocy, + la dicte Dame fit incontinent assembler là dessus son conseil, + où, du bon estat que les choses monstroient estre deux jours + auparavant, elles furent, par la contention des mal affectionnez, + soubdain converties en une présente aygreur; et voicy ce que + j'entendz qui fut là arresté: + + Que Mr Bach, pourvoyeur de la marine, seroit promptement mandé + pour lui enjoindre de mettre en ordre et en bon équipage toutz + les grandz navyres de guerre de la dicte Dame, affin d'estre + prestz dans la fin de mars ou au commencement d'avril, avec trois + mil bons hommes dessus, avytaillez pour un moys, affin de servir + aulx deux effects; l'ung, de résister aux entreprinses de + Flandres, et l'aultre, pour empescher le passaige et la descente + des Françoys en Escoce; + + Que le comte de Sussex et Raf Sadeller s'en yroient au Nort, et + lèveroient six mil hommes, qu'ilz envoyeroient le plus tost + qu'ilz pourroient en Escoce, et en prépareraient aultres douze + mil pour doubler et tripler les premiers, s'il estoit besoing; + + Que ceste mesmes levée pourroit servir à réprimer les esmotions + qu'on craignoit au dict pays, et servyroit aussi pour tenir la + main forte à l'exécution de justice qu'on y prétendoit fère + contre ung nombre de gentishommes, qu'on a trouvez coulpables de + la première ellévation; + + Que, pour subvenir à telles choses, l'on dresseroit trois estapes + de vivres et de monitions pour les pouvoir transporter par mer où + le besoing le requerroit, l'une à Londres, l'aultre à Rochestre, + et la troisiesme, laquelle j'ay la plus suspecte, à Porsemue, car + c'est vis à vis du Havre de Grâce; + + Que courriers seraient promptement dépeschez par toutes les + provinces avec lettres aulx officiers, pour fère advertissement à + ung chacun de se tenir pourveuz d'armes et de chevaulx sellon les + ordonnances, et d'estre prestz pour marcher, quand ilz seront + mandez; + + Que Me Grassein feroit dilligence de trouver promptement + cinquante mil livres d'esterlin parmy les merchans pour subvénir + au présent besoing de la dicte Dame, oultre et par dessus la + somme de quarante cinq mil livres d'esterlin desjà ordonnées pour + Allemaigne; + + Que les affères de la Royne d'Escoce et les propositions qui se + mettoient en avant pour sa restitution, et pour la dellivrance de + l'évesque de Roz, son ambassadeur, seroient mises en surcéance et + elle ung peu plus resserrée; + + Et seroit pareillement surcise la dellibération, en quoi l'on + estoit, de pourvoir à la liberté du duc de Norfolc, sur la + caution qu'il offroit de deux centz mil livres d'esterlin; et à + l'eslargissement de millord de Lomelé; et à rappeler en court et + au conseil le comte d'Arondel, et que les dicts seigneurs + seroient plus observez et resserrez que auparavant. + + Et m'a l'on dict, dont je suys après à le vériffier, qu'il fut + aussi là arresté que la dicte Dame se monstreroit plus libéralle + et prompte, qu'elle n'avoit faict jusques ici, à accorder secours + à ceulx de la Rochelle pour meintenir la guerre en France, affin + de divertyr celle toute aparante, qui s'alloit susciter dans + ceste isle pour les choses d'Escoce. + + Despuys, est survenu ce rencontre en la frontière du North, + lequel aulcuns disent n'avoir tant succédé au désadvantaige de + millord Dacres, comme le filz de millord de Housdon, qui en a + porté les premières nouvelles, l'a publié; et qu'il y est mort + plus de deux centz soldatz de la garnyson de Barvich, et qu'il a + apareu ung si notable secours, qui venoit d'Escoce au dict + Dacres, qu'on a heu assés de doubte d'une surprinse sur Varvich, + dont ceulx cy font plus grand dilligence que jamais de haster les + ordonnances et provisions dessus dicts. + + Quant à l'estat des choses d'Escoce, j'entendz que les comtes + Morthon, Mar, Mareschal et millord de Lendzey ayantz, avec leurs + complices, relevé en ce qu'ilz ont peu la part du feu comte de + Mora, ont transféré toute l'authorité au dict de Morthon, lequel + se trouve meintenant dans l'Islebourg, assisté de la faveur de la + Royne d'Angleterre; et semble qu'il veut establyr le comte de + Lenoz régent au dict pays à la dévotion de la dicte dame; + + Que les comtes d'Arguil, d'Onteley, d'Atil et aultres bons + subjectz de la Royne d'Escoce, ayantz tenu une assemblée près de + Dombertran, où le Sr de Flemy s'est trouvé, ont dellibéré de + s'achemyner vers l'Islebourg, pour ordonner, en quelque bonne + façon, de l'estat des choses, et qu'ilz veullent que le duc de + Chatellerault preigne le gouvernement; et que, pour le + commencement, il l'ayt au nom du jeune prince, affin qu'il y + interviegne tant moins de contradiction: mais le dict duc, qui + est encores prisonnier au chasteau de l'Islebourg, demeure + fermement résolu de n'accepter aulcune charge, sinon au nom et + sous l'auctorité de la Royne. Il s'espère quelque convocation + d'Estatz au dict pays, le IIIIe du présent; ce qui s'en entendra, + je ne fauldray de le mander à Leurs Majestez. Il semble qu'on n'a + trouvé Ledinthon si bon Anglois qu'on cuydoit, et qu'il est tout + du dict duc de Chatellerault. + + Ceulx qui jugent des dicts affères d'Escoce, et qui désirent la + restitution de la Royne au dict pays, et y vouldroient veoir + succéder les choses sellon l'intention du Roy, disent que, sans + venir à guerre ouverte avecques ceste Royne, il se pourra (avec + vingt ou trente mil escuz et deux personnaiges de bonne qualité + qui saichent, au nom du Roy, réunyr et accorder les seigneurs du + pays, et avec demy douzaine de capitaines pour conduyre leurs + gens de guerre, et quelques monitions et armes), fère ung si bon + fondement dans ce royaume que les effortz des Anglois n'y + pourront en rien prévaloir; mais il fauldroit que cella y passât + tout promptement, avant que ceulx cy soyent sur mer. + + L'accord des deniers et merchandises d'Espaigne se poursuyt + toutjour fort instantment, et pourra bien estre que, quant aulx + deniers, il preigne encores quelque tret, pour attandre celle + lettre du Roy d'Espaigne, par laquelle il veuille advouher que la + somme est à des merchans; mais, quant aulx merchandises, j'estime + que cella sera bientost conclud, parce qu'il se dépesche quatre + principaulx merchans de ceste ville avec généralle procuration + pour en aller, en compaignie du Sr Thomas Fiesque, tretter avec + le duc d'Alve à Bruxelles; et doibvent partyr dans ceste + sepmayne. Dont le Roy pourra fère incister sur l'ung et sur + l'autre de ces deux poincts envers le duc d'Alve, qu'il n'en + veuille accommoder les Protestans, ains entretenir et prolonger + la matière, au moins jusques après l'esté prochain; dont, de ma + part, je travailleray, aultant qu'il me sera possible, d'y fère + toutjour naistre quelque difficulté, et il s'y en trouveroit + assés du costé mesmes de ceulx cy, n'estoit la craincte qu'ilz + ont du Roy sur les choses d'Escoce. + + Je suys bien fort pressé par l'ambassadeur d'Espaigne de suplier + Leurs Majestez Très Chrestiennes qu'ilz veuillent exclurre aux + Anglois le commerce de la France, parce que, nonobstant la + suspencion d'entre l'Angleterre et les Pays Bas du Roy son + Mestre, ilz ne layssent d'estre accommodez, par le moyen des + Françoys, des choses qu'ilz ont besoing d'Espaigne; lesquelles, + pour le gain, ilz leur aportent toutjour en abondance, bien que + ceulx cy se monstrent aussi difficilles de n'admettre les + merchandises d'Espaigne ny de Flandres par deçà, comme l'on le + pourroit estre en Espaigne ou en Flandres d'y recepvoir celles + d'Angleterre; tant y a qu'avec des moyens cella se conduict, et y + a quelcun qui, au nom des Catholiques de ce royaulme, m'est venu + prier pour la dicte exclusion de traffic, comme de chose laquelle + admèneroit bientost une telle nécessité en ce pays, qu'on s'y + eslèveroit contre ceux qui gouvernent; en quoy Sa Majesté + considérera ce qui est le plus expédient et le plus utille pour + son service, car je crains que par là l'on s'incommoderoit assés + pour accommoder aultruy. + + Sur la closture de ceste dépesche, le Sr de Garteley est arrivé, + qui m'a dict que le secours pour Escoce est desjà tout prest en + Bretaigne, dont semble estre fort requis de le haster de partir, + affin de prévenir ceux cy, lesquelz sont tous résoluz de getter + dehors, avant la fin de ce moys, quinze grandz navyres des + premiers prestz pour nous empescher la mer. + + AULTRE INSTRUCTION A PART. + + Ce qui est advenu de nouveau en la frontière entre millord Dacres + et millord de Housdon, joinct les façons dont l'on continue de + procéder de plus en plus fort rudement contre ces seigneurs qui + sont arrestez, et d'observer de près le reste de la noblesse, + descouvre assés qu'il y a une grande contrariété dans ce royaume + tant sur la religion, et sur le faict de la Royne d'Escoce, et + sur les divers tiltres de la succession de la couronne, et sur + l'emprisonnement des grandz, que pour ung général malcontantement + contre ceulx qui gouvernent. + + Et semble que le duc de Norfolc est plus que jamais désiré d'ung + chacun, mais il demeure fermement résolu en soy mesmes de ne + pourchasser sa liberté par nulle aultre voye que par celle de + l'équité de sa cause; en quoy il se persuade d'avoir ung très bon + et très asseuré fondement, lequel il ne veult aucunement altérer; + mais les aultres seigneurs, qui ne sont si resserrez que luy, + sont dellibérez que, si, dans quinze jours, ilz ne se peuvent + prévaloir, ou pour le dict duc ou pour eulx; de leurs amys et + moyens de court, qu'ilz se résouldront à cercher d'aultres + expédians, et m'ont faict remercyer du reffuge et retrette que je + leur ay dict que le Roy leur donroyt en son royaume. + + +Or, se trouvans les comtes de Northomberland et de Vuesmerland et +millord Dacres, qui sont trois bien principaulx personnaiges de ce +royaume, et quelque nombre de gentilshommes de ce pays avec eulx, +meintennant fuytifz en Escoce, toutz bien affectionnez à la Royne +d'Escoce et bien fort catholiques; et desirant le duc de Norfolc, de +sa part, que les affères de la dicte Dame y soient secouruz, +nomméement du costé de France, il est à espérer que, s'il playt au Roy +de les favoriser en quelque bonne sorte, non suspecte à ces seigneurs +angloys partisans de la dicte Dame, qu'elle et son royaulme pourront +estre préservez contre les entreprinses de l'Angleterre à honneur et +utillité de la France, et la Royne d'Angleterre et les siens divertys +de ne pouvoir tant nuyre, comme ilz font en aultres endroicts, aulx +affères du Roy, non sans que Sa Majesté se forme, par ce moyen, ung +bon nom, et possible quelque bonne part en l'affection de ceulx de +ceste isle. + +Le duc d'Alve, à la vérité, a des ambassadeurs escoçoys, et anglois +devers luy pour avoir secours, et il a escript par deçà qu'il est tout +prest de le bailler, mais que nul de ceulx qui sont venuz ne luy sçayt +donner compte du temps, du lieu, de la forme et des condicions qu'ilz +veulent avoir le dict secours, et qu'il ne veult advanturer l'honneur +et les affères de son Mestre, de mettre en évidence un telle +entreprinse, sans y voyr bon fondement. Par ainsy, il sollicite que +quelcun des principaulx le vienne trouver pour conclurre avecques luy +de toutes les particullaritez du dict secours; et, de tant que le duc +de Norfolc a suspect ce qui vient de ce cousté là, il me faict +solliciter de haster l'assistance du Roy en faveur de la Royne +d'Escoce. + +Le comte de Lestre, en une privée conférance qu'avons heu ensemble, +m'a dict que la Royne, sa Mestresse, avoit esté naguières pressée par +ceulx de son conseil de prendre party, affin de remédier tout à ung +coup à plusieurs difficultez qui se présentent en son royaulme, et +qu'elle, de son costé, s'estoit monstrée, encores ce coup, aussi +dégoustée de mariage, comme toutes les aultres foys qu'on luy en avoit +cy devant parlé; mais enfin elle leur avoit respondu que, si pour +annuller les divers tiltres qu'on prétend à sa succession, lesquelz +mettent en division son royaulme, elle estoit contraincte de se +maryer, qu'elle est toute résolue de n'espouser point de ses subjectz. + +Je luy ay respondu qu'il sçavoit bien que Leurs Majestez Très +Chrestiennes avoient toutjours heu désir que ce fût luy qui tint ce +lieu, et que ceste leur bonne vollonté continue encores, dont ne +failloit sinon qu'il regardât comment les y employer; que de ma part +je luy serviray de bon cueur; que le temps sembloit fère pour luy, +parce que tout le royaulme plyoit meintennant au désir de la dicte +Dame, et les principaulx qui estaient travaillez concouroient toutz à +luy complayre, pourveu qu'il fit quelque chose pour eulx; et la Royne +d'Escoce, qui pouvoit assés dans ceste isle, favorisoit ses nopces, +s'il favorisoit sa restitution; et quoy qu'il y eust, puysqu'il estoit +ainsy advancé en la bonne grâce de la dicte Dame, qu'il advisât de +prendre ce premier lieu, et à tout le moins de ne le laysser aller à +nul, qui ne luy sache le bon gré de l'y avoir miz. + +Il m'a rendu plusieurs bonnes parolles de mercyement, pour les mander +de sa part à Leurs Majestez, et, après m'avoir touché ung mot de +l'extrême déplaysir, que la Royne, sa Mestresse, avoit du mariage de +la Royne d'Escoce avec le duc de Norfolc, il m'a prié qu'en une de mes +audiences, je face venir à propos à la dicte Dame que, pour obvier +aulx inconvénians où elle et son royaulme pourront tumber par les +diverses prétencions de sa succession, qu'ung chacun estime qu'elle +feroit bien de se maryer, et que le Roy avoit toutjour desiré que, +s'il ne pouvoit pour luy ou les siens avoir ce bien, que au moins, +pour évitter la jalouzie de quelque aultre party estrangier, ce fût +quelque bien heureulx de ce royaulme qui y parvînt, ce que je ne luy +ay reffusé de fère; mais j'attendray là dessus le commandement de +Leurs Majestez. + + + + +XCIVe DÉPESCHE + +--du IXe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Callais, par Olyvier Cambernon_.) + + Affaires d'Écosse.--Crainte de l'ambassadeur que tous ses efforts + ne puissent empêcher la guerre d'éclater.--Son désir de voir + donner satisfaction sur les diverses plaintes d'Élisabeth + contre la conduite tenue à l'égard des Anglais en + France.--Mission du Sr de Garteley.--Arrêt prononcé contre + milord de Lomeley.--Nouvelles des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, quant j'ay dépesché le Sr de Sabran devers Vostre Majesté, le +IIIIe de ce moys, je l'ay instruict, le plus particullièrement que +j'ay peu, de l'estat des choses qui se passent icy, lesquelles +continuent en l'apareil de guerre, qu'il vous aura dict, de lever +toutjours soldatz en ceste ville de Londres et ez envyrons, pour les +envoyer au North; et dilligenter l'aprest des navyres; et fère les +provisions pour iceulx; et cercher deniers de toutes partz, bien que +la malladie, intervenue là dessus, de Mr le comte de Lestre, a donné +quelque peu de retardement aulx dellibérations de ce conseil, lequel +ne s'est assemblé durant son grand mal, mais à présent il se porte +bien; et aussi que toutz en ces choses ne se sont trouvez d'accord en +ceste court, néantmoins j'entends qu'on y a résoluement conclud +l'entreprinse d'establyr, par toutz les moyens qu'on pourra, le +gouvernement d'Escoce ez mains de ceulx qui ont relevé la part du +comte de Mora, parce qu'ilz se monstrent fort contraires aulx fuytifz +d'Angleterre; et se soubmettent à la protection de ceste Royne; et luy +demandent le comte de Lenoz pour régent; qui sont choses qu'elle +trouve bonnes, et qui sont conformes à ce qu'elle desire pour tenir +le dict royaulme divisé, et avoir toutjour l'une des partz à sa +dévotion. Je ne sçay si l'assemblée des Estatz, qu'on attandoit au +dict pays le IIIIe du présent, aura esté tenue, et si elle aura heu +nul effect; il ne s'en dict encores rien, et croy qu'il sera bien +tard, quant j'en auray des nouvelles, car l'on tient les passaiges +bien fort serrez. + +Cependant la Royne d'Angleterre est entrée en grand deffiance sur ce +que Mr Norrys son ambassadeur luy a escript que Voz Majestez Très +Chrestiennes luy ont tenu quelque propos fort exprès sur les affères +de la Royne d'Escoce et de son royaulme; duquel je n'ay encores +entendu le particullier, sinon qu'on m'a dict que la dicte Dame en est +fort fâchée, joinct que, par le mesmes pacquet, le dict ambassadeur +luy a envoyé ung discours, imprimé à Paris, sur les troubles de son +royaulme, qui ne parle à l'advantaige d'elle ny de ceulx qui +gouvernent ses affères; et d'abondant elle a sceu qu'un homme de son +dict ambassadeur a esté naguyères arresté à Amiens, et que son +pacquet, qu'elle luy avoit baillé à porter, luy a esté osté; +desquelles choses il n'est pas à croyre combien elle s'en trouve +offancée, et combien les siens en sont mutinez, jusques à dire qu'il +vauldroit mieulx venir à une guerre déclairée, et que leur ambassadeur +s'en retornât, et que je me retirasse, que d'user de tels déportemens; +dont, de tant que je les ay fort asseurez que la publication du dict +discours, ny la détention du pacquet ny du messagier, ne sont +aulcunement procédées du vouloir ny commandement de Voz Majestez, je +vous suplie très humblement, Sire, qu'il vous playse luy en fère +donner quelque satisfaction, comme d'accidens que vous n'aviez ny +préveuz, ny pensez, et luy fère aussi satisfère sur une pleinte, +qu'elle m'a faicte renouveller, de certains pescheurs de Dièpe et +aultres de dellà, qui abusent en la coste de deçà de leur forme de +pescher et de leurs filetz contre l'ordonnance du pays, affin de ne +mesler si petites choses avec les plus grandes, qu'avez à démesler +ensemble. + +Le Sr de Garteley s'en est revenu très contant en toutes sortes de Voz +Majestez; il a heu congé de passer en Escoce, mais non d'aller veoir +la Royne sa Mestresse, à laquelle toutesfoys nous avons trouvé moyen +de fère entendre tout l'effect de son voyage, de quoy je m'asseure +qu'elle aura receu grande consolation. + +Millord de Lomellé a heu ampliation de son arrest, luy ayant esté +permiz d'aller demeurer avec le comte d'Arondel son beau père à +Noncich, et de pouvoir jouyr de l'air et de l'esbat des champs deux +mil à l'entour, ce qui donne espérance de veoir bientost quelque +modération ez affères de ces seigneurs. + +Les depputez de Flandres, estantz prestz à partir, ont trouvé quelque +deffectuosité en leurs charges et pouvoirs qui les a retardez huict +jours, mais j'entendz qu'ilz s'acheminent demain, et le Sr Thomas +Fiesque avec eulx, avec opinion de pouvoir accorder facilement le +faict des merchandises, mais difficilement celluy des deniers. Sur ce, +etc. + + Ce IXe jour de mars 1570. + + + + +XCVe DÉPESCHE + +--du XIIIIe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet_.) + + Contentement de la reine d'Angleterre au sujet de la satisfaction + qui lui a été donnée sur l'une de ses plaintes.--Impossibilité + de connaître quelles sont ses véritables intentions à l'égard + de la France.--Continuation des apprêts maritimes et des + préparatifs contre l'Écosse.--Nécessité de prendre des mesures + pour empêcher le capitaine Sores de continuer ses courses sur + mer.--Départ des députés envoyés dans le Pays-Bas pour traiter + des différends de l'Angleterre avec l'Espagne. + + + AU ROY. + +Sire, le jour d'après ma précédante dépesche, laquelle est du IXe du +présent, j'ay receu celle de Vostre Majesté du XXIe du passé, en +laquelle j'ay trouvé l'honneste satisfaction qu'il vous a pleu donner +à la Royne d'Angleterre sur celle de ces trois pleinctes que je vous +ay mandé qu'elle avoit le plus à cueur, qui est du discours des +troubles de son royaulme imprimé à Paris; de laquelle satisfaction, +despuys que Mr Norrys luy en a donné adviz, elle et les siens ont +monstré qu'ilz n'estoient plus si offancez comme auparavant: ce qui me +sera ung argument, la première foys que j'yray trouver la dicte Dame, +de la prier qu'elle veuille user de pareille sincérité et +correspondance d'ung bon cueur envers Voz Majestez Très Chrestiennes, +comme par cest acte vous luy avez monstré que vous l'avez clair et +droict, et entièrement bien disposé envers elle; et luy continueray la +mesmes instance, que je luy ay ordinairement faicte, de ne porter ny +souffrir estre apporté par les siens aulcun secours ny assistance à +ceulx qui troublent vostre royaulme, et qu'il n'est possible qu'ilz en +puissent tirer d'Angleterre, sans qu'elle tumbe en l'infraction des +trettez et en une manifeste ropture de la paix. + +Plusieurs parlent diversement de l'intention de la dicte Dame sur le +présent estat de voz affères; les ungs, qu'elle l'a bonne et qu'elle +incite à la paix ceulx de la Rochelle; les aultres, au contraire, +qu'elle l'a très mauvaise et qu'elle les sollicite à la guerre. Vostre +Majesté pourra assés juger ce qui en est par la condicion de ceulx qui +m'en ont donné les adviz, desquelz je réserve vous mander les noms, et +la façon des propos qu'ilz en ont tenu, par l'ung des miens que je +dépescheray bientost devers Vostre Majesté. + +Je n'ay encores rien entendu de l'effect de l'assemblée que les +seigneurs d'Escoce debvoient tenir à l'Islebourg, le IIIIe de ce moys, +ny s'ilz ont prins nul bon expédiant entre eulx sur l'ordre et +gouvernement du pays. Bien m'a l'on dict que le comte de Morthon et le +sir Randolf ont escript à ceste Royne, que, si elle ne faict bientost +aparoistre son assistance par dellà, que toutz les Escouçoys cryeront +_France_ et que le nom de Vostre Majesté y est bien ouy et bien receu, +et qu'ilz demandent d'avoir leur Royne; par ainsy, que le jeune prince +s'en va déboutté de l'authorité, et du nom de Roy qu'on luy a +attribué, si elle n'y remédye. Dont quelcun m'a adverty que la dicte +Dame y a envoyé en dilligence six mil {lt} d'esterlin, c'est vingt mil +escuz, et que le comte de Sussex, lequel a esté mallade trois +sepmaines en ceste court, mais à présent se porte bien, partyra du +premier jour pour s'aller présenter sur la frontière d'Escoce, avec +quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx, lesquelz sont +desjà bien avant; et ce, principallement parce que de la dicte +frontière, despuys que millord Dacres s'y est retiré, l'on a faict +cinq ou six courses en celle d'Angleterre, et brullé des villaiges, et +admené plusieurs prisonniers: dont le dict Dacres a esté déclairé +traistre et rebelle. + +J'entendz que les seigneurs de ce conseil ont fait dépescher cinq ou +six centz lettres missives à des particuliers, gentishommes du North, +pour les prier de se pourvoir en toute dilligence de quelques hommes, +et d'armes, et de chevaulx, chacun le mieulx et le plus +advantaigeusement qu'il pourra, oultre l'obligation de l'ordonnance, +affin de fère promptement ung bien relevé service à la Royne leur +Mestresse, sellon l'expécialle fiance qu'elle a en eulx. Et en ceste +ville de Londres l'on lève de nouveau cinq centz harquebouziers pour +les mettre sur les cinq navyres premier pretz, qu'on dellibère getter +dehors dans huict jours; et en prépare l'on aultres dix pour les +getter, à la my apvril, dont l'argent pour les avitailler est desjà +dellivré au pourvoyeur de la marine, et ne cesse l'on d'aprester aussi +toutz les aultres pour estre prestz à l'entrée de l'esté. + +Je viens d'estre adverty que quatre vaysseaulx du cappitaine Sores ont +de rechef investy ung aultre navyre vénicien, qui partoit de ce +royaulme chargé de draps, et qu'ilz l'ont prins; et, encor qu'il ne +soit si riche que les premiers, il y a néantmoins pour cinquante mil +escuz de merchandise, oultre l'artillerye et le vaysseau, qui est des +meilleurs qui se puissent trouver; et semble, Sire, qu'il est +expédiant que Vostre Majesté se dellibère de pourvoir à ces grandz +désordres de la mer, en quoy pourra estre que ceste princesse +concourra d'y ayder de son cousté, s'il vous playt que je luy en face +instance. + +Les depputez, qui vont devers le duc d'Alve, sont partys despuys +devant hier, et croy qu'ilz passent aujourduy la mer. J'entendz que, +oultre la commission qu'ilz portent ouvertement par escript, il leur +en a esté baillé une à part, pour entrer, s'ilz peuvent, en ung +général accord de toutes choses; et le Sr Thomas Fiesque, qui m'est +venu dire adieu, m'en a touché quelque mot, et qu'il espère avoir +charge de retourner bientost pour cest effect par deçà. Aulcuns +pensent qu'il s'y trouvera beaulcoup de difficultez; ce que je +croyrois, n'estoit qu'il semble que le Roy d'Espaigne sent si fort la +prinse qu'on dict que le roy d'Argel a faicte de la ville de Tunis[3], +et crainct tant que ce soit ung commancement d'attirer les +entreprinses du Turc en ces quartiers là, qu'il sera bien ayse +d'accommoder gracieusement ceste querelle qu'il a avecques ceulx-cy. +Sur ce, etc. Ce XIVe jour de mars 1570. + + [3] Au commencement de 1570, Aluch-Aly, dey d'Alger, s'empara de + Tunis, et chassa de ses Etats Muley Homaidah, dernier roi de + Tunis de la dynastie des Hafsides, qui s'était reconnu feudataire + de l'Espagne. Les Espagnols, sous la conduite de don Juan, + reprirent Tunis, en 1573. + + + + +XCVIe DÉPESCHE + +--du XIXe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer_.) + + Nouvelles de la Rochelle et d'Allemagne.--État des affaires du + Nord.--Succès remporté par les révoltés d'Irlande.--Nouvelles + de la reine d'Écosse. + + AU ROY. + +Sire, il n'y a que quatre jours qu'ung navyre de la Rochelle est +arrivé, dedans lequel sont venuz aulcuns françoys qui ont esté +incontinent devers Mr le cardinal de Chatillon à Chin; et luy, à ce +que j'entendz, despuys avoir parlé à eulx, a faict démonstration en +ceste court, de désirer plus la paix que de l'espérer; et sont arrivez +aussi, dans le mesmes vaysseau, sèze allemans qui s'en retournent en +leur pays assés mal contantz. Cependant le dict sieur cardinal a +envoyé solliciter la subvention des esglizes protestantes de ce +royaulme, avec grand instance d'avoir promptement celle que les +estrangiers ont offerte, de laquelle il a desjà retiré quelque somme; +mais celle des Flamens, qui est la plus grande, ne luy est venue +entière comme il pensoit, parce qu'ilz l'avoient accordée +principallement pour le prince d'Orange, en intention qu'il descendît +en Flandres; dont, voyantz à ceste heure que c'est pour la guerre de +France, aulcuns reffuzent de payer, et m'a esté raporté que aus dicts +Flamens est venu ung adviz d'Allemaigne que le dict prince a bien des +forces, mais qu'il ne les peult bonnement employer durant la guerre de +France, sinon en la Franche Comté, sur le chemyn du secours qui va +trouver monsieur l'Admyral, affin de ne s'esloigner les ungs des +aultres; et m'a l'on asseuré que, le neufvième de ce moys, ung facteur +du sir Grassein a esté dépesché en Hembourg, pour aller donner ordre +aulx deniers, qui doibvent estre payez en Allemaigne sur le crédit des +merchans de ceste ville. Ung homme du comte Pallatin est freschement +arrivé, et encores, despuys luy, ung capitaine itallien nommé Roc, +lequel, quatre moys a, avoit esté dépesché en Allemaigne, mais je n'ay +sceu encores au vray ce qu'ilz raportent. + +Le comte de Sussex est sur son partement pour aller au North, et les +quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx, qu'il doibt mener, +sont desjà devant. L'on a tenu plusieurs assemblées de conseil sur sa +dépesche, dont bientost se pourra entendre quelque chose de ce qu'y +aura esté résolu. Il semble que des cinq cens harquebouziers qu'on +levoit de nouveau en ceste ville, l'on n'en fornyra encores les +navyres, et qu'ilz seront envoyez en Irlande, où j'entendz que les +saulvaiges ont donné une estrette aulx gens de Millord de Sydenay; +mais ceulx cy le tiennent fort caché. + +J'ay obtenu enfin de la Royne d'Angleterre de pouvoir envoyer les +lettres de Voz Majestez, que Mr de Montlouet m'avoit laissées, à la +Royne d'Escoce, par un secrétaire de Mr l'évesque de Roz qui les luy à +dellivrées bien clozes en ses mains, en présence du comte de +Cherosbery; et la dicte Dame a envoyé la response, laquelle est +encores devers le secrétaire Cecille, qui ne la dellivrera jusques à +ce que le dict sieur évesque de Roz ayt esté ouy et examiné, lequel +pour cest effect a esté mené despuys devant hyer à la court, soubz la +garde de six serviteurs de l'évesque de Londres; et la dicte Royne +d'Escoce a trouvé moyen de me fère tenir en chiffre le petit mémoire +cy encloz[4], où Vostre Majesté verra ce qu'elle continue de vous +requérir. Elle se porte bien de sa santé, mais craint bien fort +d'estre remise ez mains du comte de Huntinthon ou du visconte de +Harifort, desquelz deux elle se craint comme de ses grandz ennemiz. +Nous espérons avoir en brief quelque certitude des choses d'Escoce. +Sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de mars 1570. + + [4] A partir de cette époque, les pièces jointes aux dépêches ont + cessé d'être transcrites sur les registres de l'ambassadeur. + + _Par postille à la lettre précédente_. + + Le comte de Pembrot morut hyer en ceste court; l'on ne dict + encores qui sera son successeur en l'estat de Grand Mestre, mais + cy devant à esté parlé du comte de Betfort. + + + + +XCVIIe DÉPESCHE + +--du XXVIIe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassa._) + + Détails circonstanciés d'audience.--Bonnes dispositions + d'Élisabeth envers le roi.--Explication donnée par + l'ambassadeur sur les articles proposés pour la + pacification.--Nouvelle insistance de la part de la reine pour + que sa médiation soit acceptée.--Sollicitations faites par + l'ambassadeur en faveur de Marie Stuart.--Déclaration + d'Élisabeth qu'elle est résolue à porter ses armes en Écosse + pour y chercher les révoltés du Nord qui s'y sont + réfugiés.--Avertissement lui est donné par l'ambassadeur que si + les Anglais entraient en Écosse, le roi considérerait cet acte + comme une rupture des traités.--Offre qu'il fait de la + médiation de la France pour apaiser tous les différends + d'Écosse.--Avis secrètement donné par Élisabeth d'une levée + d'armes en Allemagne contre la France.--_Mémoire._ Résolutions + prises dans le conseil tant à l'égard des troubles du Nord que + des affaires d'Écosse.--Nouvelles de ce pays.--_Mémoire + secret._ Avis donné par le duc d'Albe au sujet du traité de + paix qui se prépare en France.--Opinion de l'ambassadeur que la + reine d'Angleterre desire sincèrement la + pacification.--Propositions faites séparément et secrètement à + l'ambassadeur par Cécil et par Leicester.--Avis secret sur le + dessein arrêté par le comte d'Arundel et milord de Lomeley de + reprendre, même en recourant aux armes, l'exécution de leur + projet pour rétablir la religion catholique en Angleterre, et + Marie Stuart en Écosse. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay esté, ceste saincte sepmaine, devers la Royne d'Angleterre +pour luy fère veoir que le bon ordre, que Vostre Majesté avoit miz de +deffandre, pour l'amour d'elle, la publication du discours des +troubles de son royaulme imprimé à Paris, luy debvoit estre ung bien +asseuré tesmoignage de vostre droicte intention envers elle, et que, +prenant par là toute asseurance de vous trouver toutjour franc, clair +et bien disposé à ne favoriser les entreprises de ceulx qui +vouldroient troubler son estat, qui mesmes ne vouliez souffrir leurs +escriptz, que de mesmes elle cessât, et fît cesser ses subjectz de ne +porter aulcune faveur à ceulx qui troubloient le vostre; et qu'au +surplus, j'estois bien ayse que ce qu'on luy avoit raporté du +serviteur de Mr Norrys, qu'on l'eust arresté à Amyens, et qu'on luy +eust osté les pacquetz de la dicte Dame, ne fût vray, affin de n'estre +si offancée de ces deux choses, comme, par le propos de son principal +secrétaire, il sembloit qu'elle les print à cueur; luy récitant les +dicts propos en la façon que par mes précédantes je les ay mandez; et +que je luy voulois respondre de ma vye pour Voz Très Chrestiennes +Majestez que, despuys la paix, il n'estoit en cella, ny en nulle +aultre chose, rien procédé de vostre vouloir et commandement, par où +vous eussiez jamais prétandu qu'elle deubt estre offancée; et que, +pour mon regard, je serois à trop grand regrect une seulle heure en ce +royaulme, après que j'aurois tant soit peu commancé de cognoistre que +je ne luy seroys plus agréable; et que je suplieroys très humblement +Vostre Majesté d'y envoyer ung aultre; mais ne lairroys pourtant de me +plaindre meintennant à elle du tort qu'on avoit naguières faict à ung +mien secrétaire, qui portoit vostre pacquet, de luy avoir osté son +argent à Douvres, la priant de m'en fère rayson. + +Sur lesquelles choses la dicte Dame m'a respondu qu'elle n'avoit rien +sceu du petit discours imprimé à Paris, parce, à son adviz, que +Cecille ne luy avoit vollu donner l'ennuy de luy en parler, mais ne +layssoit pourtant de vous avoir grande obligation de l'avoir deffandu, +dont vous en remercyoit de bon cueur; et puysque luy aviez monstré ce +bon tesmoignage de vostre droicte intention en ses affères, qu'elle +correspondroit de mesmes aulx vostres de ne pourter aulcune faveur à +ceulx de la Rochelle, ny souffrir que les siens leur en portassent; et +encor que aulcuns luy incrèpent le désir qu'elle a à la paix de vostre +royaulme, comme ung désir qui admènera la guerre au sien, qu'elle n'en +veult rien croyre, ny ne veult cesser de la desirer; qu'elle estoit +bien ayse que l'homme de son ambassadeur et ses pacquetz n'eussent +esté arrestez, bien qu'il avoit esté unze jours sans qu'on sceût de +ses nouvelles; que pour le regard de ma négociation, je ne vollusse +aulcunement doubter qu'elle ne luy fût bien fort agréable; et usa de +toute l'expression qu'il est possible pour me le donner ainsy à +cognoistre; et que j'avois bien veu en quelle peyne elle avoit esté +pour mes pacquetz perduz; dont me feroit fère si bonne rayson +meintennant de l'argent de mon secrétaire, que j'en demeureroys +contant. + +Et, en toutes sortes, sa responce a esté si honneste que, l'en ayant +remercyée, j'ay suyvy à luy dire que j'avois d'aultres choses à luy +faire entendre, lesquelles je la supplioys prendre la peyne elle +mesmes de les lyre aulx propres termes que Vostre Majesté me les +mandoit, qui estoient si bons que je n'y voullois rien adjouxter, ny +rien diminuer; et ainsy, luy ay monstré celle partie de vostre lettre +du IIIe du présent, dont vous renvoye l'extraict, laquelle elle a leue +bien fort curieusement; et puys ay adjouxté que vous expliquiez là +dedans si à clair vostre intention, que je n'avois à y fère aultre +office envers elle que de bien recuillyr ce que, pour satisfère à +trois choses principallement, il luy plairroit de m'y respondre: la +première, quelle opinion elle avoit des honnestes condicions que vous +offriez à vos subjectz; la segonde, quelle elle l'auroit de voz +subjectz, s'ilz estoient si durs et si obstinés de ne les accepter; et +la troysiesme, si, en ce cas de leur obstiné reffuz, elle non +seulement les exclurra de sa faveur et de celle de son royaulme, mais +si elle ne se unyra pas avec Vostre Majesté pour réprimer leur +témérité et le pernicieulx exemple qu'ilz s'esforcent de relever au +monde contre l'authorité des princes souverains: car, quant à la levée +qu'on disoit se fère en Allemaigne pour elle, et aulx deniers qu'on +dict encores qui s'y espèrent et d'aultres qui s'espèrent aussi à la +Rochelle d'elle et de son royaulme contre vous, je ne la vouloys +suplier, sinon de vous en esclarcyr si bien une foys qu'il ne vous en +peult plus rester aulcun doubte. + +La dicte Dame, après m'avoir par beaulcoup de bonnes parolles et en +plusieurs façons donné à cognoistre qu'elle avoit ung très grand +contantement de ceste confiance, que vous monstriez avoir d'elle sur +la paciffication de vostre royaulme, m'a respondu qu'elle vouloit très +fermement croyre que le contenu ez articles, que je luy avois +dernièrement monstrez, estoit proprement ce que vostre Majesté avoit +intention d'accorder et meintenir de bonne foy à ses subjectz pour +parvenir à une bonne paciffication, et qu'elle me diroit de rechef le +mesmes qu'allors, que, si eulx de leur costé ne monstroient rayson +suffizante pourquoy ilz ne puyssent avec cella vivre soubz vostre +authorité, leur conscience saulve, et leurs vyes asseurées, que non +seulement elle ne les vouldra favoriser, ains les réputera pour +traistres et rebelles, dignes d'estre chassez de tout le monde; et que +si, pour entendre à quoy ilz se pourroient arrester, il vous playsoit +luy donner congé qu'elle s'en meslât, qu'elle y procèderoit avec +aultant de considération de l'authorité qui vous est deuhe sur voz +subjectz, comme s'il estoit question de saulver la sienne sur les +siens; et que si, par voz lettres, je cognoissoys que vous l'eussiez +agréable, qu'elle s'y employeroit tout incontinent. + +Je luy ay respondu que je ne pouvois ny voulois m'advancer à rien de +plus que ce qu'elle venoit de lyre; car n'en avois aultre +commandement, dont tornasmes relyre le dict extret de la lettre mot à +mot; puys, me pria que je vous vollusse asseurer de la continuation de +sa bonne vollonté et grande affection à la paix de vostre royaulme, et +que s'il vous playsoit qu'elle s'en meslât, qu'elle envoyeroit devers +Vostre Majesté, ou bien là où il seroit besoing, ung personnaige de +qualité correspondante à ung si grand négoce, comme elle estime cestuy +cy, pour y besoigner, ainsy que vous adviseriez, ou bien tretteroit +icy avec Mr le cardinal de Chatillon; lequel elle cognoissoit très +desireux de la paix, et l'avoit toutjours cogneu très respectueulx à +Voz Très Chrestiennes Majestez; et qu'elle estimoit qu'il ne vous +pourroit revenir qu'à honneur, comme elle mettroit bien peyne qu'il +vous revînt à proffict, qu'elle s'employât envers ceulx de sa religion +à les exorter qu'ilz se veuillent contanter des offres de leur prince +et seigneur, ou bien de suplier Vostre Majesté d'eslargir ung peu sa +grâce envers eulx; et qu'elle sçayt bien que le différer en cecy sera +pour vous rendre en brief la dicte paciffication beaucoup plus +malaysée, encor qu'elle peult bien asseurer que, en Allemaigne, ny à +la Rochelle, il n'est allé, ny yra rien, de sa part, qui soit contre +Vostre Majesté. + +Je luy ay grandement loué ceste sienne bonne intention, avec promesse +de la vous fère bien entendre, et qu'elle se pouvoit asseurer que la +paix de France seroit la paix d'Angleterre; et que, si l'occasion de +ceste guerre, laquelle faisoit toutjour mal passer quelque chose entre +voz deux royaulmes et voz communs subjectz, estoit ostée; et que +d'ailleurs elle vollût donner quelque accommodement aulx affères de la +Royne d'Escoce, elle se pouvoit asseurer que nul prince ny princesse +de la terre n'auroit son règne plus estably ny reposé que seroit le +sien; et que Vostre Majesté avoit acepté l'offre qu'elle faisoit de +vouloir entendre à quelque bon expédiant entre elles deux, si vous le +leur métiez en avant; que vous aviez estimé, si les propres offres de +la Royne d'Escoce ne luy sembloient suffizantes, que c'estoit à elle +d'en adviser de plus grandes, et que, si elles n'estoient par trop +disraysonnables, vous croyés fermement, que la dicte Dame les +accorderoit, et que vous, comme son principal allié, non seulement les +confirmeriez, mais métriez peyne de les luy fère accomplyr. + +Elle a répliqué que la Royne d'Escoce n'avoit jamais parlé que en +général, et qu'il failloit venir aulx choses particullières, dont, +s'il luy en estoit miz en avant quelques unes, que pour l'honneur de +Vostre Majesté elle les suyvroit; ayant néantmoins à se pleindre +encores de nouveau de la dicte Royne d'Escoce, qu'estant, ainsy +qu'elle est, entre ses mains, elle n'avoit toutesfoys layssé, par +ceulx qui tiennent son party en Escoce, de fère retirer ses fuytifz; +et que, en toutes sortes, elle estoit résolue de chastier et +poursuyvre ses dicts fuytifz, et ceulx qui les soubstiennent, me +signiffiant aulcunement qu'elle entreprendroit de fère entrer des +forces dans le pays. + +Je luy ay respondu qu'elle advisât de ne contrevenir aulx trettez, et +que, s'il luy plaisoit de mettre en liberté l'évesque de Roz, luy et +moy adviserions de luy ouvrir des moyens pour esteindre toutz ces +différantz d'entre elles deux et leurs deux royaulmes. + +«Il n'est pas, dict elle, tant prisonnier qu'il ne puysse tretter par +lettres avecques sa Mestresse, et n'est retenu que _pro formâ_ pour +quelque démonstration contre la pratique qu'il a meue avec ceulx du +North; mais bientost il sera en liberté.» Et ainsy gracieusement s'est +achevée ceste audience, laquelle je vous ay bien vollu ainsy au long +réciter, Sire, affin que l'intention de la dicte Dame vous soit mieulx +cogneue, et remectz les aultres choses au Sr de Vassal, présent +porteur, auquel je vous supplie très humblement donner foy: et sur ce, +etc. + + Ce XXVIIe jour de mars 1570. + + + A LA ROYNE. + + +=Chiffre.=--[Madame, je n'ay peu contanter l'homme, duquel je vous ay +naguière escript par mon secrétaire, de la responce que mon dict +secrétaire m'a raportée, bien que je la lui aye baillée en la façon +que ce mien gentilhomme vous dira; par lequel il vous plairra, Madame, +me mander comment je l'en debvray résouldre, car il me presse bien +fort de le fère, et si, a des considérations telles qu'il ne peult +penser que ne le debviez accepter. Au reste, Madame, la Royne +d'Angleterre, pour me tenir la promesse qu'elle m'avoit faicte de +m'advertyr des choses qu'elle entendroit se fère en Allemaigne contre +Voz Majestez, m'a dict que, dans trois sepmaines, ceulx de la religion +doibvent envoyer gens exprès devers les princes protestans pour +résouldre l'entreprinse de France, si la paix ne sort à effect; et que +pourtant elle seroit bien ayse de pouvoir ayder à la conclurre +bientost; de quoy je vous ay bien vollu fère ce mot et le vous +escripre ainsy à part, parce que la dicte Dame m'a dict qu'elle m'en +advertissoit soubz sacrement de confession, en ce temps de caresme, +affin que je ne la nommasse pas; car, si les aultres se plaignoient +qu'elle m'eust donné cest adviz, elle serait contraincte de dire +qu'elle ne m'en avoit point parlé; et bien que ce ne soit ung faict de +grand importance, je ne vouldrois toutesfoys l'avoir mise en peyne de +me désadvouher.] Sur ce, etc. + + Ce XXVIIe jour de mars 1570. + + OULTRE LES SUSDICTES LETTRES, le dict Sr de Vassal pourra dire à + Leurs Majestez: + + Qu'il a esté naguières remonstré à la Royne d'Angleterre qu'elle + et son royaulme estoient pour tumber en ung prochain + inconvéniant, pour la multitude des difficultez, ès quelles elle + se trouvoit embroillée avecques le Roy, avecques le Roy + d'Espaigne, avecques la Royne d'Escoce, avec les Irlandoys, et + avec les naturelz de ce royaulme, qui sont prisonniers, fuytifz, + ou mal contantz, si elle s'opinyastroit de les vouloir toutes en + ung temps surmonter par la force ou par la despence; dont, + induicte par le conseil des plus modérez d'auprès d'elle, avoit + advisé d'y procéder par les gracieux expédians qui s'ensuyvent: + + En premier lieu, pour le regard du Roy, que, pour effacer la + mémoire des choses qui pourroient avoir mal passé contre luy du + costé de ce royaulme, despuys ses derniers troubles, elle + s'employeroit tout ouvertement de luy procurer une paix tant + advantaigeuse et honnorable avecques ses subjectz, qu'elle le se + randroit bienveuillant, et luy offriroit au reste quelque + honneste accommodement ez affères de la Royne d'Escoce; dont, par + ces deux poinctz, elle se conserveroit la paix avecques luy; + + Que, du costé du Roy d'Espaigne, elle envoyeroit des depputez en + Flandres, ainsi qu'on luy en faisoit encores lors grande + instance, affin d'accorder les différans des prinses, et que ces + mesmes depputez essayeroient d'entrer plus avant en matière pour + voir s'ilz pourroient parvenir à ung général accord de toutes + aultres choses. + + Au regard de la Royne d'Escoce, qu'elle luy escriproit une bonne + lettre, et que, jouxte ce qu'elle m'avoit naguières promis, elle + l'exorteroit de mettre en avant quelques bons et honnestes + expédians entre elles deux, et luy promettroit d'y entendre et + les recepvoir de bon cueur. + + Quant aulx choses d'Irlande et de ce royaulme, qu'elle + rapelleroit gracieusement aulcuns des seigneurs qui sont les + moins offancez, et par le moyen de ceulx là, elle essayeroit de + radoulcyr les aultres et les remettre en leurs degrez et estatz; + et puys, avec l'unyon et conformité de leurs bons conseilz, et de + leur ayde, elle pourroit ayséement remettre les choses en ung + paysible et bien asseuré estat; dont luy fut sur ce proposé une + forme de rémission pour les fuytifz, et la comtesse de + Vuesmerland s'aprocha en ceste ville pour poursuyvre le rapel de + son mary. + + Suyvant laquelle délibération, parce que ceulx qui vouldroient le + trouble n'eurent de quoy suffizamment la débattre, aulcunes des + dictes choses ont esté despuys commencées, aultres ont esté en + aparance accomplyes, mais nulles n'ont sorty à bon effect; ains + les ont ces gens là tornées en aultre et quasi contraire sens de + ce qu'on espéroit. + + Car, touchant la paix de France, estant la dicte Dame sur le + poinct d'envoyer ung personnaige de grande qualité devers le Roy + pour ayder à la conclurre, ilz ne luy ont pas ozé oster ce sien + honneste desir, parce qu'ilz ont pensé que la dicte paix se + pourroit conclurre de deçà comme dellà, et possible à leur + dommaige; mais ilz luy ont bien persuadé, qu'ayant la dicte Dame + esté mal ouye, la première foys qu'elle s'est offerte d'en + parler, qu'elle debvoit meintennant attendre que le Roy l'en + pryât, ce qui se raporte au propos qu'elle m'en a tenu en ceste + audience. + + Et des choses de Flandres, ilz luy ont persuadé de deffandre aulx + depputez, qui alloient par dellà, de ne s'ingérer à rien + davantaige qu'au simple faict, duquel la dicte Dame estoit + maintennant recerchée, qui estoit des merchandises; aultrement ce + seroit faire amande honnorable au duc d'Alve; et que pourtant + leur commission debvoit estre leue publicquement en présence du + Sr Thomas de Fiesque; et à icelle adjouxté la restriction de ne + parler ny tretter d'aultre chose que des merchandises + d'Angleterre, et de pouvoir simplement accorder que personnaiges + de semblable qualité puissent venir par deçà pour tretter de + celles d'Espaigne, ce qui a esté ainsy faict. + + Et pour l'importance des affères d'Escoce, affin que la dicte + Dame ne s'obligeât trop par ses lettres à la Royne d'Escoce sa + cousine, le secrétaire Cecille les a escriptes et a contrefaict + la main de sa Mestresse, avec plusieurs parolles de consolation + et de commémoration des bénéfices passez, mais tellement couchées + qu'on ne peut comprendre où va son intention; toutesfoys la Royne + d'Escoce ne laysse d'y respondre. + + Quant à radoulcyr et rappeller les seigneurs mal contantz, l'on + a, à la vérité, miz en plus grande mais non en entière liberté + millord de Lomellé; et le comte d'Arondel, qui estoit, plus de + six sepmaines a, sur le poinct d'estre rappelé, demeure encores + confiné en sa mayson de Noncich, et n'y a nulle apparance de la + liberté du duc. Par ainsy la noblesse reste aussi mal satisfaicte + que auparavant, et le comte de Pembroc, qui estoit ung médiateur + en cella, est naguières trespassé. + + Or, sur la grande instance que le sir Randolf, despuys qu'il est + en Escoce, a toutjours faicte à la dicte Dame, de vouloir, par + les meilleurs et plus promptz moyens qu'elle pourroit, assister + ces seigneurs de dellà, qui veulent dépendre d'elle, lesquelz, + pour establyr l'authorité du petit prince, et oster celle de la + Royne d'Escoce, demandent avoir le comte de Lenoz pour régent, ou + aultrement, que la part de la Royne d'Escoce va prévaloir dans le + pays; la matière en a esté avec grande contention débattue entre + ceulx de ce conseil, qui enfin ont miz en considération que le + dict comte de Lenoz estoit suspect de la religion catholique, et + qu'il n'estoit de suffisance ny d'expériance pour conduyre, à + l'intention de la dicte Dame, les grandz affères qui se + présentent meintenant en Escoce; ains seroit pour y aporter plus + de retardement que d'advancement: par ainsy, ont résolu qu'on se + déporteroit de plus luy pourchasser la charge ny la régence du + dict pays, et que, estant le comte de Sussex desjà dépesché, avec + tout ample pouvoir, au pays du North, il luy seroit encores + commis cest affère d'Escoce, car c'estoit tout vers ung mesmes + quartier. + + Dont, à sa commission des choses du dict pays du North, laquelle + portoit de marcher seulement jusques à la frontière d'Escoce, + avec quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx; et de + faire procéder au jugement des coulpables de la première + ellévation et exécuter les condampnez, et poursuyvre par deffault + les absentz, confisquer leurs biens et prendre possession + d'iceulx au nom de la dicte Dame, et en vendre ce qu'il pourroit; + a esté adjouxté qu'il pourra lever jusques à dix mil hommes, et + qu'il procèdera aulx affères d'Escoce tant contre les rebelles + qui s'y sont retirez que au faict de l'estat; qu'il marchera en + pays, s'il est besoing, et ainsy que l'occasion s'en présentera; + et qu'il pourvoirra surtout que nulz Françoys ny Espaignolz, ny + aultres estrangiers preignent pied par dellà; et, pour cest + effect, ordonné luy estre forny contant XX mil {lt} d'esterlin, + c'est LXVII mil trois centz escuz, et que, dans six sepmaines, il + luy en sera envoyé aultant. Despuys, la dicte Dame m'a + résoluement déclaré qu'elle envoyera poursuyvre et chastier ses + fuytifz et ceulx qui les soubstiennent, jusques dans l'Escoce. + + L'on faict aller fort secrètes et fort déguysées les nouvelles + qui viennent du dict pays d'Escoce; néantmoins l'on m'a dict que + le duc de Chastellerault, et les comtes d'Arguil, d'Honteley, + d'Atil et toutz les principaulx du pays estoient à l'Islebourg au + commencement de mars, et les comtes de Northomberland, de + Vuesmerland et aultres fuytifz d'Angleterre avec eulx; qu'ilz + estoient après à tenir une assemblée d'Estatz, remise du IIIIe au + Xe du dict moys, pour regarder à ce qu'ilz auroient à fère pour + la restitution de leur Royne; que cependant ilz avoient faict + proclamer par tout le pays l'authorité de la dicte Dame; que, + parce que le comte de Mar faisoit difficulté de se joindre à + eulx, ilz avoient proposé de marcher en armes vers Esterlin pour + le dessaysir du gouvernement du petit prince; que despuys il + s'estoit rallyé avecques eulx; qu'on ne sçavoit qu'estoit devenu + le comte de Morthon, et sembloit qu'il se fût retiré en + Angleterre; que quelques navyres, avec gens de guerre, avoient + apparu au North d'Escoce, dont aulcuns disoient que c'estoit le + secours de Flandres, que le frère du comte d'Honteley admenoit, + les aultres disoient que c'estoit le comte de Bodouel qui venoit + de Danemarc, avec quelques gens qu'il avoit ramassez. + + SECONDE INSTRUCTION A PART AU DICT SIEUR DE VASSAL. + + L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict, despuys huict jours, que le + duc d'Alve luy avoit escript deux notables considérations qu'il + avoit mandées au Roy par le mesmes gentilhomme, que Sa Majesté + luy avoit expressément dépesché pour avoir son conseil sur la + paix de son royaulme; la première, que d'octroyer liberté de + conscience ou exercisse de religion à ses subjectz, de tant que + c'estoit pure matière éclésiastique, il ne s'en debvoit + entremettre aulcunement, ains le remettre du tout au Pape; la + seconde, que de pardonner aulx ellevez, il le trouvoit bon, pour + le désir qu'il avoit à la paix de France, si cella en estoit le + moyen, mais en lieu d'establyr ses affères, ce seroient eulx qui + les establyroient et se fortiffieroient par la dicte paix, et + guetteroient le temps de reprendre les armes à leur advantaige, + lorsqu'ilz cuyderont mieux emporter la couronne; par ainsy qu'il + estoit nécessaire qu'il y mit meintennant une entière fin: + + Que le dict ambassadeur trouvoit ce conseil fort prudent, et que + le Roy, suyvant icelluy, se debvoit résouldre à la guerre, non de + donner souvant des batailles, car c'estoit trop hazarder l'estat, + mais de myner les ennemys à la longue, et qu'aussi bien la paix + n'estoit près d'estre faicte, parce qu'ung de ses amys de ce + conseil l'avoit adverty que la Royne d'Angleterre avoit promiz au + cardinal de Chatillon de secourir l'Admyral, son frère, de deux + centz mil escuz; et que le dict cardinal luy avoit obligé sa foy, + et celle de son dict frère, qu'ilz ne permettroient qu'en nulles + conditions la dicte paix se conclûd. + + Je luy ay respondu, quant au premier, que le duc d'Alve estoit + ung si prudent et si entier et modéré seigneur qu'il ne faudroit + de conformer toutjours ses adviz sur les affères de France à + celluy de Leurs Majestez Très Chrestiennes, et des saiges + seigneurs de leur sang, et de leur conseil, qui les entendoient + très bien et sçavoient comme il les failloit manyer, et qui + auroient toutjours le soing qu'il ne s'y fît, pour paix ny pour + guerre, rien qui ne fût sellon Dieu, à l'honneur du Roy et repos + de la Chrestienté: + + Et quant à l'aultre, de l'obligation du cardinal à la Royne + d'Angleterre, que je le prioys de vériffier davantaige ce qu'on + luy en avoit dict, et où, et commant se feroit le payement des + deux centz mil escuz. + + Mais voulant, de ma part, descouvrir si cella estoit vray, car, + quant à la promesse des deniers, j'en avois desjà quelque adviz, + mais non de ceste obligation du cardinal, ny d'une si malle + volonté de ceste Royne, j'ay, par une interposée personne, faict + toucher la matière au comte de Lestre et au secrétaire Cecille, + desquelz deux se comprend toute l'intention de la dicte Dame, et + l'ung et l'aultre ont monstré que eulx et leur Mestresse + desiroient la paix; dont, oultre la conjecture des propos, que je + sçay qu'ilz en ont tenu à celluy par qui je les ay faictz sonder + et à d'aultres, voycy ceulx que Cecille a dictz à ung mien + gentilhomme tout exprès pour me les raporter: + + Que, par les adviz de Mr Norrys et par aultres conjectures, il + cognoissoit que la paix demeurait d'estre faicte en France, parce + que le Roy n'y vouloit permettre l'exercisse de la religion, et + que ceulx de la Rochelle ne combattoient ny pour terres, ny pour + empyres, ny pour aultre chose quelconque que pour cella; dont il + s'advanceroit de dire un mot, que possible l'on ne l'estimeroit + sage de me l'avoir mandé, que, s'il plaisoit au Roy leur ottroyer + le dict exercisse en leurs maysons, il pensoit fermement qu'il + conclurroit quant au reste la paix, tout ainsy qu'il la + vouldroit; et que, s'il avoit agréable que la Royne, sa + Mestresse, s'y employât, laquelle y pouvoit possible aultant que + prince ny princesse de la terre, qu'elle le feroit aultant à + l'honneur et advantaige de Leurs Majestez Très Chrestiennes, et à + la tranquillité de leur royaulme, comme si c'estoit pour elle + mesmes. + + Le comte de Lestre, par ung gentilhomme italien catholique, qui + est commun amy entre luy et moy, m'a mandé que la dicte Dame + estoit bien disposée à la dicte paix, et qu'il estoit d'adviz + que, comme de moy mesmes, je l'en misse en propos, la première + foys que je parleroys à elle, pour l'exorter de tenir la main à + ce qu'on la pût conclurre à l'advantaige du Roy, et que les + subjectz eussent à se contenter de ce que leur prince leur + pourrait, avec son honneur, ottroyer, sans en vouloir tirer + davantaige par la force; et que je luy remonstrasse que la paix + de France serait la paix d'Angleterre, voyre de toute la + Chrestienté, et luy toucher à ce propos le restablissement de la + Royne d'Escoce; et comme, par l'accomplissement de ces deux + choses, si elle s'y vouloit bien employer, elle pourrait régner + très paysiblement en son royaulme: + + Que, de sa part, il y tiendrait la main, comme très obligé de + desirer le bien du Roy et de son royaulme, et que, touchant la + dicte paix, il sçavoit que le cardinal de Chatillon y avoit une + extrême affection, et que la noblesse de ce royaulme la desiroit, + et desiroit tout ensemble l'accommodement des affères de la Royne + d'Escoce, comme deux choses d'où dépendoit le repos et la seurté + de leur Royne et de son royaulme; et que Cecille, pour estre + ennemy conjuré de la Royne d'Escoce, et pour la frustrer de la + légitime succession qu'elle prétend à ce royaulme, affin d'y + establyr ung roy de sa main, et ellever ceulx de Erfort à la + couronne, lesquelz il nourryt en ceste espérance, comme ses + pupilles, en sa mayson, empeschoit que la dicte Dame ne peult + bien user de sa bonne intention en nulle de ces deux choses, la + tenant comme enchantée sur l'éguillon de la jalouzie, qu'il luy + propose toutjours de la dicte Royne d'Escoce. + + Mais, qu'après que j'en auroys encores une foys parlé à la Royne, + sa Mestresse, si elle venoit à luy en toucher ung seul mot, il + s'ingèreroit de luy représenter franchement le debvoir à quoy, + l'honneur, la foy et la conscience la tiènent obligée envers le + Roy et envers la Royne d'Escoce pour l'entretennement des + trettez; et comme, en leur satisfaisant en ce qui seroit de + rayson, et s'asseurant par ce moyen de la paix de France et + d'Escoce, elle demeureroit très asseurée et establye contre les + dangiers et entreprinses de toutes les aultres partz du monde; + et, au contraire, si, pour ne se porter bien envers le Roy sur + ceste paix, ny envers la Royne d'Escoce sur sa restitution, elle + venoit à tumber en guerre de ces deux costez, à ceste heure + qu'elle ne sçavoit comme elle estoit avec le Roy d'Espaigne, et + que ses subjectz estoient divisez, dont possible une partie + seroit contre elle, il est sans doute qu'elle seroit en ung très + grand dangier. + + Et ne craindroit de luy remonstrer que, nonobstant le mal qu'elle + pouvoit vouloir au cardinal de Lorrayne, elle avoit à considérer + qu'il estoit d'une mayson grande, et de nouveau plus allyée que + jamais à celle de France, et qu'en estant yssue la Royne d'Escoce + de par sa mère, monsieur et madame de Lorrayne ne permettroient + qu'elle fût habandonnée du Roy, oultre les aultres notoires + obligations d'entre les couronnes de France et d'Escoce: + + Qu'il n'eust tant tardé de remonstrer cecy à sa Mestresse, sans + ce que Cecille le guettoit pour le désarçonner, ainsy qu'il avoit + désarçonné les aultres principaulx du conseil, par prétexte de la + Royne d'Escoce; et qu'il tenoit ceulx qui y estoient de reste + encores toutz bandez contre luy, ne se souscyant de hasarder sa + Mestresse, son estat et toutes aultres choses, pour establyr la + fortune des dicts de Erfort, et qu'ayant luy à suyvre celle de sa + Mestresse, il luy vouloit remonstrer le dangier où elle estoit, + encore qu'il en deubt estre ruyné. + + Despuys, trouvant que l'intention du Roy estoit conforme à celle + du dict comte, j'ay parlé à la Royne d'Angleterre en la forme que + je le mande à Sa Majesté, et le dict comte monstre à présent + d'estre si affectionné à la matière qu'il désire fère luy mesmes + le voyage devers le Roy avec grand opinion, voyre asseurance, + qu'il ne s'en retournera sans que la paix soit conclue; sans que + les affères de la Royne d'Escoce soyent accommodez; et sans que + l'amytié d'entre le Roy et sa Mestresse soit bien estroictement + confirmée. + + Ainsy, par les propos de ces deux, se peult conjecturer la + division qui est entre ceulx de ce conseil, et comme, en ce qui + concerne la France, encor que toutz monstrent d'y désirer la + paix et de vouloir que leur Mestresse s'y employe de si bonne + façon que le Roy luy en sache gré, c'est néantmoins diversement; + car Cecille et les siens ne veulent qu'il se parle des affères de + la Royne d'Escoce, et le dict comte et ceulx de son party + desirent qu'ilz soient par mesmes moyen accommodez, dont, pour + avoir quelcun qui luy fasse espaule au dict conseil pour + fortiffier son opinion, il est fort après à solliciter le retour + du comte d'Arondel, qui n'est amy du dict Cecille, et tout + contraire à ceulx de Erfort. + + =Chiffre=. [Et à propos du dict comte d'Arondel, luy et millord de + Lomellé m'ont envoyé remercyer de mes bons offices et + démonstrations envers eulx, et que, si les choses ne prennent icy + meilleur trein pour eulx, ilz sont pour accepter la faveur du Roy + à se retirer soubs sa protection en France, et le dict de Lomellé + y mener sa femme; + + Que, pour le présent, il faut qu'ilz attendent veoir que + deviendront les promesses de leurs amys, et leurs moyens et + espérances de court; car l'on leur a mandé qu'ilz sont sur le + poinct d'estre rappelez en leur auctorité accoustumé, laquelle + s'ilz ont une foys reprinse, ilz jurent de ne s'en laysser plus + dépossèder et de la retenir, ou par leur droict, ou par la force, + contre quiconque leur y vouldra fère tort; + + Et, si ce paysible moyen d'y retourner ne leur succède dans peu + de jours, qu'ilz en essayeront quelque aultre plus viollent, car + desirent, comment que soit, pourvoir aulx désordres de ce + royaulme, et au faict de la Royne d'Escoce, et aulx affères du + duc de Norfolc, et encores plus expressément s'ilz peuvent, quant + ilz en auront le moyen, au restablissement de la religion + catholique; pour lesquelles quatre choses ilz veulent tout + hazarder. + + Et disent que l'importance de cecy gyt principalement en deux + poinctz; l'ung est que le dict duc veuille bien employer les + moyens, qu'il a dans ce royaulme, pour se mettre en liberté, pour + fère prendre les armes à ceulx de son party, et pour empescher au + conseil les dellibérations de ses adversayres: + + L'aultre poinct, que ceulx du North, qui se sont retirés en + Escoce, soyent secouruz; car est sans doubte, s'ilz se peuvent + remettre en campaigne, et marcher en çà, que ceulx de leur + intelligence se déclaireront et les repcevront avecques faveur + aux meilleurs endroictz d'Angleterre, et se joindront à eulx en + grand nombre; + + Et que le bon succez de toutes choses deppend de ce dernier, + sans lequel il semble que le premier ne sera essayé, non que miz + à exécution; car le dict duc de Norfolc ne veult rien mouvoir de + luy mesmes de peur d'empyrer sa cause.] + + + + +XCVIIIe DÉPESCHE + +--du dernier jour de mars 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par le nepveu du Sr Acerbo._) + + Modération des mesures adoptées par la reine d'Angleterre.--Mise + en liberté du comte d'Arundel, qui est reçu en grâce par + Élisabeth.--Promesse faite à l'évêque de Ross que sa détention + va cesser.--Préparatifs d'une expédition qui doit être dirigée + vers le Nord.--Nouvelles d'Écosse. + + + AU ROY. + +Sire, les dernières lettres que je vous ay escriptes et l'instruction +que j'ay baillée au Sr de Vassal, qui les vous a aportées, vous auront +donné assés ample notice de ce qui estoit advenu de plus principal en +ce royaulme, jusques à la datte d'icelles, laquelle est du lendemain +de Pasques. Meintennant j'ay à dire à Vostre Majesté que les festes se +sont passées bien paysiblement en ceste court, sans qu'il y soit +survenu aulcune chose de nouveau, par où ceste Royne et les siens +ayent monstré d'en estre esmeuz davantaige; et toute expédition +d'affères a cessé, s'estans la pluspart des seigneurs de ce conseil +absentez en leurs maysons pour y fère la solempnité; et a l'on espéré +que les choses, desquelles l'on craignoit debvoir le plus advenir de +mouvement en ce royaulme, comme sont celles de ces seigneurs mal +contantz, celles de la Royne d'Escoce et celles de la religion, +seroient bientost réduictes à quelque modération, ayant la dicte Dame +faict une soubdaine faveur au comte d'Arondel de l'admettre à luy +venir bayser les mains, le jour du Jeudy sainct, avec une gracieuse +satisfaction de ce qu'elle luy avoit faict sentyr son courroux sur le +faict du mariage du duc de Norfolc avecques la Royne d'Escoce, parce +qu'on l'avoit asseurée que c'estoit luy qui en estoit l'autheur: de +quoy il s'est excusé, et qu'il n'avoit esté que en la compaignie de +ceulx qui en avoient parlé comme de chose qu'ilz estimoient convenable +au service d'elle, et au bien et repoz de son royaulme, et en laquelle +ilz n'avoient jamais entendu qu'on y deubt procéder, sinon avec son +bon congé et consentement; et que, de sa part, il ne seroit jamais +trouvé aultre que son très fidelle subject et très loyal à sa +couronne. Et ainsy luy ayant dès lors randue sa pleyne liberté, il +s'en retourna pour quelques jours en sa mayson de Noncich, avec +promesse de revenir en brief trouver la dicte Dame pour résider près +d'elle, autant qu'il luy plairoit le commander; et à l'évesque de Roz +fut donnée parolle qu'il seroit eslargy dans trois jours, mais despuys +luy fut mandé que par ung mesmes moyen, après les festes, la dicte +Dame le feroit mettre en liberté, et luy permettroit de venir tretter +avec elle des affères de sa Mestresse; et aulx Catholiques n'a esté +usé d'aulcune rigueur ny recerche à ces Pasques; mais aulcuns pensent +que toute ceste gracieuse démonstration se faict pour gaigner le +temps, et pour amortyr les entreprinses qu'on crainct devoir estre +cest esté. + +Aultres ont opinion que, à bon escient, l'on veult accommoder les +affères, et plustost plyer ung peu que venir au dangier de rompre, +dont le temps nous fera veoir ce qui en sera; tant y a que le comte de +Sussex marche toutjours vers le North, avec quatre mil hommes de pied +et douze centz chevaulx, et que l'admyral Clinton est après à lever +encores (à ce qu'on dict) des gens de pied et de cheval vers son pays +de Linconscher pour s'aller joindre à luy; et a l'on tiré, ces jours +passez, de la Tour trente chariotz d'armes et de monitions, et créé +des cappitaines de pionnyers pour leur envoyer; ce qui donne à penser, +avec d'aultres adviz précédans, qu'on a intention de dresser camp, et +d'entrer en Escoce; vray est que la sayson ne semble propre pour +commencer encores ceste guerre, jusques à la fin d'aoust, car jusques +alors ne se trouvera vivres au dict pays du North ny en toute la +frontière d'Escoce. + +L'on continue de dire que les seigneurs Escouçoys font aller toutes +choses dans leur pays à l'advantaige de la Royne, leur Mestresse, et +qu'ilz ont faict proclamer son auctorité, et qu'il ne reste des grands +du royaulme que quatre que toutz ne soyent pour elle. L'on dict qu'ilz +ont encores remiz jusques au premier jour de may la tenue de leurs +Estatz. Sur ce, etc. + + Ce XXXIe jour de mars 1570. + + + + +XCIXe DÉPESCHE + +--du IIIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Cambernon_.) + + Retour du comte d'Arundel à la cour.--Prolongation de la + captivité de l'évêque de Ross.--Affaires d'Écosse.--Bon accueil + fait par le duc d'Albe aux députés d'Angleterre.--Nouvelles + d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, retournans après ces festes les seigneurs de ce conseil en ceste +court, le comte d'Arondel y est arrivé des premiers, auquel la Royne +sa Mestresse a faict beaulcoup de faveur, monstrant prendre toute +confiance de luy; dont semble qu'il ne reffuzera de se laysser +introduyre de rechef aulx affères, mais ce sera possible plus pour +servyr à la liberté du duc de Norfolc, son beau filz, et aulx affères +de la Royne d'Escoce, ausquelz il a toutjour porté bonne affection, +que pour ambicion qu'il ayt; car le présent manyement de l'estat ne +semble aller aucunement sellon qu'il le vouldroit. + +Je suys bien marry qu'en leurs premières dellibérations, iceulx +seigneurs du conseil, après leur dict retour, ayent changé ce qu'ilz +avoient auparavant ordonné pour l'évesque de Roz, de luy donner sa +liberté incontinent après Pasques, et qu'il seroit admiz à parler à la +Royne leur Mestresse; là où meintennant on luy faict dire qu'il ayt +encores pacience, et qu'elle n'est bien résolue quant, ny commant, +elle la luy pourra donner. Il semble que le sir Randolf ayt donné +adviz à la dicte Dame que ceulx, qui ont relevé le party du comte de +Mora en Escoce, ont desjà dépesché l'abbé de Domfermelin et Nicollas +Elphiston pour venir tretter, avecques elle et avec les seigneurs de +son conseil, de toutes choses de dellà; et que possible elle y veult +avoir pourveu, premier que d'eslargyr le dict sieur évesque, de peur +qu'il ne luy traverse ses desseings. Et de ce, Sire, que je vous avois +cy devant mandé, que le voyage du comte de Lenoz estoit interrompu, +les dicts du conseil ont changé d'opinion à cause d'une lettre que les +comtes de Mar et de Glencarve, et les lordz Lendzay, Semple, Ruthunen +et Drunquhassil ont escripte au dict de Lenoz, qu'il veuille venir en +dilligence prendre la régence du pays, affin de conserver l'authorité +au jeune prince son petit filz, et haster le secours que la Royne +d'Angleterre leur a promiz; de tant mesmement que les fuytifz de son +royaulme non seulement se sont joinctz aulx Amelthons en faveur de la +Royne d'Escoce, mais publient aussi qu'ilz n'attendent, d'heure en +heure, que l'arrivée du renfort qui leur doibt venir de France et de +Flandres. Sur quoi, de tant que iceulx du conseil ont senty que le +comte de Morthon, duquel ilz espéroient beaucoup, n'estoit bien vollu +ny de la noblesse ny du peuple d'Escoce, et que mesmes il n'estoit +soubsigné en la dicte lettre avec les aultres, ce qui monstroit de +n'estre bien d'accord avec eulx, par ainsy qu'ilz ne pouvoient fère +aulcun bon fondement sur luy, ilz ont advisé de laysser aller, plus +par nécessité que par ellection, le dict de Lenoz par dellà; réservant +néantmoins la charge principalle du tout au comte de Sussex, et ne +fornyssant à icelluy de Lenoz que, comme pour fère le voyage, envyron +trois mil cinq centz escuz. Vray est que la comtesse, sa femme, a +engaigé ses bagues et sa vaysselle d'argent pour luy fère plus grand +somme; et cependant l'on a dépesché, coup sur coup, force courriers +devers le comte de Sussex, ne sçay encores à quelles fins; car le +bruyt est que les frontières ne sont plus tant pressées comme elles +estoient par les fuytifz; mais je pense que c'est pour le haster vers +l'Escoce, me confirmant toutjour en l'opinion qu'ilz le feront entrer +dans le pays avecques forces, et mesmes que, pour pourvoir à la faulte +des vivres qu'on pourroit avoir par dellà, j'entendz qu'on faict grand +provision de farines, partout icy autour, pour les y envoyer par mer: +ce que je mettray peyne de vériffier, et de vous donner de cella, et +d'aultres choses, ung plus exprès et un plus certain adviz par mes +premières. Je ne cesse cependant de fère, au nom de Voz Majestez Très +Chrestiennes, toutz les meilleurs et plus exprès offices que je puys +pour les affères de la dicte Royne d'Escoce, mais je ne sçay que +espérer d'iceulx en un si grand changement et variation, comme l'on +m'y use ordinairement, sinon que je croy qu'ilz se rangeront enfin +d'eulx mesmes, ou qu'ilz ruyneront ceulx qui les vouldront ruyner. + +Icy court ung bruyt que le duc d'Alve a vingt six grands navyres +prestz à mettre sur mer, avec nombre d'hommes de guerre, et de +monitions, mais ne se dict à quel effect; néantmoins, cella met ceulx +cy en assés de souspeçon, lesquelz ne layssent pourtant de solliciter +par leurs depputez l'accord des différans des Pays Bas; et leur a fort +pleu que le duc d'Alve les ayt ainsi bien receuz comme il a faict avec +grand faveur; et que, à Bruges et en Envers où ilz ont passé, l'on les +ayt caressez et trettez en amys; et que les officiers les ayent +visitez et leur ayent envoyé présens; et que desjà le dict duc ayt +depputé personnaige de sa part pour tretter avec eulx; dont s'espère +qu'ilz s'accommoderont, comme, à la vérité, pour avoir les ungs et les +aultres où entendre assés en d'aultres choses, il semble que tant plus +vollontiers ilz vouldront sortyr de celles cy. + +Il se parle d'ung grand emprunct que ceste princesse propose de fère +tout de nouveau; dont suys après à descouvrir si c'est pour recepvoir +les deniers icy ou en Hembourg, et semble bien que les propos et +pratiques de la dicte Dame et des siens en Allemaigne demeurent en +mesmes suspens que faict la paix de France; et n'ay point sceu qu'il +soit venu, de tout le moys passé, aultres nouvelles de dellà, si n'est +de la diette du XXIIe de may à Espyre, et de l'aprest des deux Roynes, +filles de l'Empereur, pour aller en France et en Espaigne; et du faict +du prince d'Orange, duquel l'on parle diversement, car les ungs disent +qu'il sçayt où prendre gens et argent pour fère une grande entreprinse +et que la faveur des princes protestans ne luy manquera: aultres +asseurent, et mesmement l'ambassadeur d'Espaigne, qu'il n'a ny gens, +ny argent, ny moyen de rien entreprendre, et qu'il a perdu toute sa +réputation envers les dicts princes protestans. Sur ce, etc. + + Ce IVe jour d'apvril 1570. + + + + +Ce DÉPESCHE + +--du IXe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Rossel et Christofle_.) + + État des forces levées pour le Nord, et sans doute destinées à + entrer en Écosse.--Nouvelles de Marie Stuart.--Sommes + importantes réunies par Élisabeth. + + + AU ROY. + +Sire, l'occasion pour laquelle la Royne d'Angleterre a dépesché, +despuys huict jours, plusieurs courriers vers son pays du North, ainsy +que je le vous ay mandé par mes précédantes du IIIIe du présent, est, +sellon que j'entendz, pour mander aux trouppes et compagnies de gens +de guerre, qu'on a levées en ces quartiers là, de se randre toutes +ensemble à Yorc le XIIe de ce moys; et au comte de Sussex qu'il leur +face fère incontinent la monstre, et qu'il les face acheminer à si +bonnes journées qu'il puysse avoir son armée toute preste à Barvyc, le +premier jour de may; laquelle les ungs disent debvoir estre de dix mil +hommes de pied et cinq mil chevaulx, les aultres de la moytié moins +des ungs et des aultres, ce que, pour encores, je croy estre le plus +certain, mais qu'il a bien commission de lever l'aultre plus grand +nombre, s'il est besoing. Il ne se dict encores ouvertement qu'il +doibve entrer en Escoce, mais il se tient pour résolu qu'il le fera, +si les seigneurs du pays, entre cy et là, ne se trouvent d'accord, ce +que la dicte dame crainct assés; auquel cas, elle regardera ung peu de +plus près comme elle devra poursuyvre l'entreprinse, et possible +adviendra cependant que de l'avoir seulement entamée, elle leur aura +donné plus prompte occasion de se réunyr. Il est bien certain que ses +fuytifz ayant ainsy couru, de jour et de nuict, comme ilz ont faict, +la frontière de deçà, et pillé et brullé les villaiges, et enmené +force prisonniers, luy donnent occasion d'y envoyer des forces pour +leur résister; mais elle dict que non seulement elle les veult +chastier, mais qu'elle veult chastier ceulx qui les ont retirez; ce +qui s'adresse principallement aulx Escouçoys: car l'on m'a asseuré, +quant aux dictes frontières, que, despuys quelques jours, elles se +trouvent assés paysibles, par l'ordre que les Escouçoys mesmes y ont +miz; et que les principaulx chefz des fuytifz sont après à trouver +moyen de passer en France ou en Flandres, ce qui debvroit fère +abstenir la dicte Dame de son entreprinse; mais je crains que ce sera +cella qui l'y convyera davantaige pour luy sembler moins difficile, et +pour vouloir en toutes sortes establir les choses d'Escoce, si elle +peult, à sa dévotion. + +Et fault estimer, Sire, que son desseing au dict pays ne peult estre +petit, veu le nombre de canons de batterye, de couleuvrines, de +monitions, d'armes et de vivres qu'elle y envoye. La Royne d'Escoce +luy a naguières escript là dessus, mais l'évesque de Roz, qui est +encores en arrest, ny moi, n'avons peu entendre du contenu en sa +lettre que ce qui concerne seulement sa santé: qu'elle se porte bien, +qu'elle se loue du bon trettement du comte de Cherosbery, et qu'elle +trouve bon qu'il la conduyse en une aultre sienne mayson pour changer +d'air et pour avoir plus grande commodité des vivres. L'on attend +l'arrivée de l'abbé de Domfermelin, et le comte de Lenoz est desjà +party, duquel l'on ne se peult si bien asseurer qu'on ne voye encores +plusieurs difficultez en son voyage, et se parle de quelque marché sur +le comte de Northomberland, que ceste Royne donnera quatre mil {lt} +d'esterlin pour lui estre livré entre ses mains, par où semble qu'il +soit encores dans le chasteau de Lochlevyn; et, à la vérité, Sire, je +n'ay peu encores avoir assés de certitude des choses de dellà, car les +passaiges sont trop serrez, et ce qui en vient en ceste court est tenu +bien fort secrect, ou bien l'on le baille tant au contraire de ce qui +est que je n'y donne poinct de foy. J'espère que par d'aultres moyens, +que nous avons essayez, il nous en viendra bientost quelque notice. + +Quant à l'emprunct, dont en mes précédantes je vous ay faict mention, +j'entendz que la dicte Dame a fait expédier mil Ve lettres de son +privé scel, la moindre de cinquante {lt} d'esterlin, et la pluspart de +cent, aulx particulliers bien aysez de son royaulme pour luy estre +forny par chacun sa cothe part en ceste ville de Londres, dans le +prochain moys de may; dont faict estat qu'il montera à la somme de +cent cinquante mil {lt} d'esterlin, qui est cinq centz mil escuz. L'on +commance de préparer une flotte de draps pour Hembourg et deux navyres +de guerre pour la conduyre aulx despens des merchans; mais plusieurs +estiment que ce sera pour aller en Envers, et que les depputez +conclurront quelque chose sur ces différans, affin de pouvoir +continuer leur mutuel traffic comme auparavant. Ceulx cy demeurent en +grand suspens sur la longueur du tretté de paix de Vostre Majesté, et +semble, Sire, qu'ilz en désirent et qu'ilz en craignent tout ensemble +la conclusion pour des considérations et respectz, qui sont assés +divers, dont je suys après d'en vériffier ce que desjà l'on m'en a +dict, affin de vous rendre plus claire leur intention. Sur ce, etc. + + Ce IXe jour d'apvril 1570. + + + + +CIe DÉPESCHE + +--du XIIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Le Tourne_.) + + Continuation des préparatifs militaires contre + l'Écosse.--Inquiétude des Anglais sur la négociation des + affaires de Flandre.--Détail des nouvelles arrivées en + Angleterre sur l'état de la guerre civile en France, et les + entreprises faites par les protestans. + + + AU ROY. + +Sire, ce que j'ay aprins de l'expédition de l'armée que la Royne +d'Angleterre envoye vers le North, despuys les dernières nouvelles que +j'en ay escriptes à Vostre Majesté du IXe du présent, est que le comte +de Sussex, en marchant en là, a assemblé six mil hommes, tant de pied +que de cheval, à Duram, dont il en eust heu davantaige, s'il n'eut +renvoyé ceux des gens de cheval qui n'estoient protestans; mais n'a +regardé de si près aulx gens de pied, et, avec ceste troupe, il +dellibère s'acheminer vers Barvyc, non qu'il ayt encores toutes choses +si bien prestes qu'il s'y puisse randre le dernier de ce moys, comme +il luy a esté mandé, ny qu'il puisse, devant le XVe du prochain, +entrer en Escoce. Et de tant qu'on publyoit par dellà que la dicte +armée seroit de dix mil hommes de pied et cinq mil chevaulx, quelcun +m'a dict que ceulx du party contraire de la Royne d'Escoce ont mandé +qu'il suffiroit, pour ceste heure, de fère entrer la moictié des +dictes forces dans le pays, à cause qu'on ne trouverait assés de +vivres pour tant de gens et de chevaulx; et qu'avec cella le petit +prince pourroit estre facilement enlevé sans aulcun empeschement, +pourveu que le reste se tînt sur la frontière pour venir au secours, +si besoing estoit. L'on m'a confirmé qu'il est venu adviz bien certain +à ceste Royne de l'arrivée d'ung ambassadeur de Vostre Majesté par +dellà, et adjouxte l'on qu'il a conduict dans Dombertran six mil +harquebouzes et trois mil corseletz, et qu'il faict une grande +dilligence de réunyr et mettre les seigneurs du pays en bon accord, +leur promettant l'assistance et secours de Vostre Majesté; et que les +fuytifz d'Angleterre qui estoient près de s'en aller par mer, se sont +arrestez; bien que quelcun m'a dict que le comte de Northomberland a +trouvé moyen d'eschapper de Lochlevyn, et qu'il s'est retiré en +Flandres. Il est vray, Sire, que jamais nouvelles ne furent baillées +plus diverses que celles qui viennent de ce quartier là, parce que la +matière est affectée de plusieurs, qui les publient sellon qu'ilz y +ont différante affection. L'abbé de Domfermelin n'est encores arrivé. +Le comte de Lenoz poursuyt son voyage, et la liberté est promise dans +trois jours à l'évesque de Roz. + +Ceulx cy ont si grand désir que les depputez, qu'ilz ont envoyé en +Flandres, facent quelque bon accord, que, pour garder que +l'ambassadeur d'Espaigne ou aultres de deçà n'escripvent chose qui y +puisse donner empeschement, ilz ont ung grand aguet sur toutes les +dépesches qu'on y faict, et n'en layssent passer une seulle qui ne +soit visitée. J'entendz qu'il est arrivé quelcun, assés freschement, +de la Rochelle qui publie que les princes de Navarre et de Condé sont +en Languedoc ez envyrons de Thoulouze, qui pillent, brullent et +ruynent tout ce qui deppend des habitans de la dicte ville et non +d'ailleurs; qu'ilz ont leur armée plus forte et en meilleur équipaige +que jamais; qu'ilz font toutz les jours amaz d'argent et de gens, et +mesmes de bandolliers, desquelz ilz ont desjà ung bon nombre, des plus +mauvais garçons de la montaigne; que Mr de Biron est encores avec eulx +pour tretter de la paix, mais parce qu'il ne propose nulles condicions +raysonnables, l'on commence à souspeçonner qu'il n'a esté envoyé pour +dire rien de particullier, mais pour espyer leurs forces et +recognoistre l'estat de leur armée; qu'ilz ont d'aultres forces bien +gaillardes à la Charité, qui courent ordinairement jusques à Bourges +et à Orléans, et deux mil hommes de pied et cinq centz chevaulx à la +Rochelle, avec lesquelles le Sr de La Noue tient tout le pays subject; +qu'ilz ont reprins Maran et aultres lieux, nomméement Oulonne qui leur +tenoit les vivres serrez, et qu'à présent ilz en recouvrent +abondantment de toutes partz; et que Vostre Majesté estoit toujours à +Angiers, sans argent et sans grand moyen d'en recouvrer. Lesquelles +nouvelles aulcuns de ce conseil les magniffient, et les font encores +courir plus amples affin d'intimider davantaige les Catholiques de ce +pays. Néantmoins l'on m'a dict que la Royne, leur Mestresse, continue +toutjour au mesmes désir que je vous ay cy devant mandé de la paix de +vostre royaulme. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour d'apvril 1570. + + + + +CIIe DÉPESCHE + +--du XVIIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par Jos, mon secrétaire._) + + Détail de ce qui s'est passé en Écosse après le meurtre du comte + de Murray.--Assemblée des états à Lislebourg.--Espoir du + rétablissement des affaires de Marie Stuart, si son parti est + promptement secouru par la France.--Nouvelles de la Rochelle et + de Flandre.--Nécessité de faire la paix en France, et de + s'opposer avec vigueur aux projets de l'Angleterre sur + l'Écosse.--Conséquences désastreuses qu'aurait pour la France + la réunion de l'Écosse à l'Angleterre.--Avis secret donné à + Catherine de Médicis.--_Mémoire._ Résolutions arrêtées dans le + conseil d'Angleterre.--Dessein que l'on suppose au roi + d'attaquer l'Angleterre aussitôt après la pacification.--Projet + imputé au cardinal de Lorraine de vouloir faire périr Élisabeth + et Cécil par le poison.--Dissensions causées dans le conseil + par la rivalité des enfans de Hereford et de Marie Stuart, + comme héritiers présomptifs de la couronne + d'Angleterre.--_Mémoire secret._ Communications confidentielles + venues des Pays-Bas sur les projets de mariage des filles de + l'empereur avec le roi de France et le roi d'Espagne, et de + Madame, soeur du roi, avec le roi de Portugal.--Desseins + secrets du duc d'Albe. + + + AU ROY. + +Sire, jusques à ceste heure, je n'ay peu mander rien de bien certain à +Vostre Majesté du costé d'Escoce, à cause que la Royne d'Angleterre, +sentant les diverses affections que les siens portent aulx choses de +dellà, a miz bon ordre qu'il n'en puisse venir nouvelles sinon à elle, +et de tenir icelles bien secrettes; mais ung des moyens que nous avons +essayé pour en sçavoir a réuscy; par lequel une lettre est arrivée à +la Royne d'Escoce, du XIXe de mars, d'ung de ses bons subjectz qui luy +escript, que bientost après que le comte de Mora a esté tué, ceulx de +son party se sont efforcez de tenir une assemblée à Lislebourg, le +VIIe de febvrier, pour establyr de rechef la forme du gouvernement à +leur poste, au nom du petit prince. A quoy aulcuns d'entre eulx, +mesmes qui estoient desjà retournez en leur première bonne affection +vers leur Royne, aydez du desir du peuple qui demandoit la convocation +généralle des Estatz, y ont donné empeschement, estant par le layr de +Granges, et sir Jammes Baffour formée une opposition, laquelle n'a +esté de peu de moment: car par là l'on a cogneu que le chasteau de +Lislebourg, duquel le dict de Granges est capitaine tenoit pour la +dicte Dame et que les choses avoient esté conduites en façon que dès +lors une assemblée généralle fut publiée, au IIIIe de mars ensuyvant, +au mesmes lieu de Lislebourg, en laquelle la pluspart de la noblesse +s'estoit trouvée, réservé aulcuns des Amilthons pour la souspeçon du +murtre du dict de Mora, et réservé le comte d'Arguil, qui n'avoit +passé plus avant que Glasco, et que les deux partz ne s'estoient +pourtant guières meslée l'une avecques l'aultre; ains avoient tenu +leurs assemblées séparées, sinon quelquefoys que les amys et partisans +de la Royne avoient condescendu de convenir avec aucuns des aultres en +la maison du secrétaire Ledinthon, qui estoit mallade, pour tretter de +certaines particullaritez; et qu'enfin n'y avoit esté faicte plus +grande détermination, que de assigner une aultre nouvelle assemblée au +mesmes lieu, au premier jour de may prochain, de laquelle assemblée à +venir les bons serviteurs de la dicte Dame ne pouvoient prendre +aulcune bonne espérance, s'il n'aparoissoit premier pour elle quelque +bonne faveur et assistance par dellà, ou de France, ou de Flandres, +ainsy que ceulx qui estoient demeurez fermes en la foy et obéyssance +de la dicte Dame, l'avoient toutjour espéré: car ceulx du contraire +party s'asseuroient d'estre favorisez et secouruz, dans le temps, par +la Royne d'Angleterre et d'hommes, et d'argent, pour maintenir +l'authorité du jeune Roy et la religion nouvelle dans le pays, ainsy +que Randolf, son ambassadeur, les en asseuroit; et qu'il estoit bien +vray que le comte d'Atil, milord de Humes, le ler de Granges, le +secrétaire Ledinthon, et plusieurs aultres qui avoient esté du +contraire party, se déclaroient meintennant estre de celluy de la +dicte Royne d'Escoce; et le dict Ledinthon pratiquoit encores d'y +admener le comte de Morthon, avec lequel il en estoit bien avant en +termes; et que les fuytifz d'Angleterre estoient aussi toutz déclairez +pour elle et pour la religion catholique, mesmes le comte de +Northomberland, qui avoit commancé de tretter de son rappel avec le +dict Randolf pour sortyr de pryson, avoit, par la persuasion du dict +Ledinthon, demeuré ferme en son premier propos, de sorte que les +aultres restoient bien foybles dans le pays; mais qu'il estoit certain +que les deniers et les forces d'Angleterre les relèveroient et leur +mettroient toutes choses en leur main, si quelque aultre main bien +forte ne s'y trouvoit opposante pour la dicte Royne d'Escoce; et +contenoit aussi la dicte lettre que l'abbé de Domfermelin estoit +dépesché par ceulx du contraire party devers ceste Royne, et que les +aultres avoit advisé d'envoyer conjoinctement Robert Melin devers +elle, pour la prier de moyenner par son authorité une bonne +réconciliation dans le pays et en oster la division, affin que les +estrangiers n'y fussent par les ungs ou par les aultres appellez, au +grand détriment de la paix et du commun repos des deux royaumes. + +Lesquelles susdictes nouvelles, Sire, nous tenons pour plus vrayes, +que nulles aultres qu'on nous ayt encores raportées; et sur icelles la +Royne d'Escoce m'a prié de fère aulcuns offices envers la Royne +d'Angleterre, pour l'exorter à l'entretennement des trettez, et de ne +rien attempter par son armée au préjudice d'iceulx, ce que j'ay desjà +faict, et y incisteray encores bien fermement; et que je veuille aussi +fère entendre de sa part à Vostre Majesté qu'elle et son royaulme, qui +sont l'ung et l'aultre de vostre alliance, pourront estre facillement +remédiez à ceste heure par le secours qu'il vous a pleu luy accorder, +pourveu qu'il vienne promptement, sellon que les choses sont encores +en fort bonne disposition; de quoy elle vous supplie très humblement, +mais que si vostre dict secours luy deffault, qu'il adviendra deux +grandz inconvénians, qui vous seront non guières moins dommageables +qu'à elle; l'ung, que les affères siens et de ses subjectz, qui sont +proprement vostres et ceulx de la religion catholique, recepvront ung +préjudice et détriment perpétuel dans son pays; l'aultre, que, pour se +rachapter de la pryson où elle est et recouvrer son estat et sa +liberté, elle sera contraincte de mettre le prince d'Escoce, son filz, +ez mains des Anglois. + +Voylà, Sire, quand aulx affères de ceste pouvre princesse, qui sont si +pressez par la dilligence que ceste Royne faict de haster toutjour son +armée vers l'Escoce, qu'on pense que dans deux moys elle aura achevé +son entreprinse, et n'est sans soupeçon qu'elle veuille fortiffier +Dombarre, ou Aymontz, ou quelque aultre lieu dans le pays, veu les +pyonniers qu'elle y envoye. + +Au surplus, Sire, certainz petitz discours qu'on a envoyés imprimez +de la Rochelle font aulcunement mal espérer ceulx cy de la conclusion +de la paix de vostre royaulme. Néantmoins la Royne d'Angleterre +monstre toutjour de la desirer, bien que quelcun m'a dict que si elle +estoit déjà faicte, que la dicte Dame yroit plus retenue ez choses +d'Escoce, et n'y procèderoit sinon ainsi que vous le vouldriez, mais +qu'elle pense, durant le pourparlé d'icelle, avoir exécuté ce qu'elle +prétend. Il semble par aulcuns propos qu'on m'a raporté du Sr de +Lombres que les pratiques du prince d'Orange en Allemaigne ne sont +mortes et que bientost il s'en manifestera quelque chose; dont les +Flamans, qui sont icy, desireroient la paix de France, affin que la +guerre fût transférée en leur pays. Sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour d'apvril 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, estant les choses d'Escoce en l'estat que je les mande en la +lettre du Roy, et ceulx cy sur le poinct de les aller par armes +réduyre à leur dévotion, plusieurs gens de bien sont, avec grand +desir, attandans quel ordre Voz Majestez Très Chrestiennes y mettront +pour les remédier, et me viennent souvent alléguer qu'il pourra venir +beaucoup de diminution à vostre grandeur, si vous layssez aller en +proye aulx Anglois la Royne d'Escoce, et son royaume, et la religion +catholique de son pays; car, oultre qu'il yra assés en cella de la +réputation de vostre couronne, ilz disent qu'en la présente guerre de +vostre royaulme, la réduction de toute ceste isle au pouvoir de ceulx +cy et l'entière réunyon d'icelle à leur religion nouvelle sera ung +très grand apuy de deniers, de munitions et aultres moyens à ceulx de +la Rochelle et aulx Allemans, qui les favorisent, en dangier que ceste +Royne, par après, entrepreigne elle mesmes ouvertement la guerre avec +eulx, et davantaige qu'à l'advenir, se trouvans les Anglois hors de +toute souspeçon de l'Escoce, laquelle s'est toutjour trouvée preste +pour nous contre leurs entreprinses, mesmes l'ayant mise de leur +costé, qu'ilz ne vous meuvent une perpétuelle guerre, pour leurs +prétencions; ou bien que, par quelque mariage ou par aultre accession, +ilz aillent joindre toute ceste isle à la grandeur de quelque aultre, +parce qu'ilz craignent naturellement la vostre, qui vous sera de grand +préjudice. + +Sur quoy je leur répondz, Madame, que les choses d'Escoce ne sont si +foibles d'elles mesmes, ny si mal apuyées de Voz Majestez Très +Chrestiennes que les Anglois les puissent ayséement plyer; et, quant +bien ilz se seroient prévaluz de l'oportunité de ce temps, auquel ilz +vous voyent fort empeschez aulx guerres de vostre royaume, que +néantmoins vennant la paix, comme Voz Majestez ne sont loing de +l'avoir, que vous radresserez bien ayséement le tout; et que l'Escoce +ne sera jamais à eulx, que quand ilz la cuyderont bien tenir. Je +considère assés, Madame, que la Royne d'Angleterre entreprend d'une +grande affection ce faict d'Escoce, et que les ennemys et malveillans, +que la Royne sa cousine a dans son propre royaulme et dans cestuy cy, +l'y persuadent si fort, qu'il est très difficile de l'arrester; +néantmoins, je vous suplie très humblement, Madame, me commander par +ce mien secrétaire ce que j'auray à dire ou fère là dessus envers la +dicte Royne d'Angleterre, oultre l'office que je luy ay desjà faict; +car je ne fauldray d'ung seul poinct de très humblement vous y obéyr. +Sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour d'apvril 1570. + +AULTRE LETTRE A PART A LA ROYNE. + +Madame, j'ay donné charge à ce mien secrétaire de vous bailler ce mot, +à part, pour avoir meilleur moyen de compter à Vostre Majesté la +façon, dont l'on a usé, pour fère venir en mes mains le propre +original de cest escript, qu'il vous baillera en forme d'une lettre +qu'on m'adressoit; où trouverez, Madame, ung conseil[5], lequel je +vous suplie très humblement ne communiquer, du commancement, sinon au +Roy et à Monseigneur, voz enfans, et puis à quelcun de voz plus +expéciaulx et saiges serviteurs, qui, possible, vous ouvrira +l'expédiant comme vous vous en pourrez servyr. Il vous pourra, par +advanture, estre venu ung semblable adviz d'ailleurs, mais je vous +puys bien jurer, Madame, avecques vérité, que je ne sçay ny ne puys +penser d'où cestuy cy est procédé. Cella considérè je bien que, par +icelluy, il y pourroit cy après avoir moins d'ellévation dans vostre +royaulme et aussi moins de moyen d'oster ce qu'y auriez une foys +introduict. Sur ce, etc. + + [5] La pièce n'ayant pas été transcrite sur les registres de + l'ambassadeur, on ne connaît pas la teneur de cet avis. + + Que les choses de ce royaulme s'entretiennent encores en quelque + apparence de repos, non d'elles mesmes, car tout est plein de + malcontantement, mais par la dilligence de ceux qui sont en + authorité; lesquelz font ce qu'ilz peuvent pour gaigner le temps, + mais non pour remédier du tout au mal; car semble plustost + qu'ilz le vont norrissant pour le fère cy après devenir plus + grand. + + Ilz s'esforcent de passer cest esté sans troubles par le moyen de + l'armée, qu'ilz ont faicte dresser à leur Mestresse vers le North + par prétexte des choses d'Escoce, et d'aller contre les fuytifz; + en quoy ilz exécuteront, sans faulte, ce qu'ilz pourront; mais il + n'y a assés de deniers en repos pour entreprendre choses si + utilles, sans ce qu'on estime que la mesme armée se trouvera + preste et en estat contre l'ellévation, qu'on crainct bien fort + debvoir advenir avant la racolte. + + Et à ceste force ilz ont adjouxté l'artiffice, car, pour donner + quelque satisfaction aulx principaulx de la noblesse, affin + qu'ilz ne se meuvent, et pour leur fère prendre espérance d'ung + meilleur estat des choses, ilz ont rappellé en court et au + conseil le comte d'Arondel, et ont miz en pleyne liberté millord + de Lomelley, et ont donné espérance au duc de Norfolc d'estre en + brief eslargy hors de la Tour, soubz quelque garde en sa mayson + qu'il a à Londres, et que mesmes se pourra ottroyer une forme de + pardon au comte de Northomberland et aultres chefz des fuytifz, + pour remettre toutes choses en bonne unyon. + + Mais il adviendra, possible, que l'artiffice produyra ung aultre + effect que le simulé, parce que ceste princesse n'a le cueur ny + l'intention esloignée de celle de sa noblesse, n'y n'est mal + affectionnée à ses subjectz catholiques, pour lesquelz elle + résiste assés souvant aulx conseilz, que leurs adversaires luy + donnent contre eulx, affin qu'avec les ungs et les aultres elle + puisse passer son règne en paix. + + Et semble bien que les seigneurs catholiques seront pour tenir + dorsenavant leur partie bien ferme et rellevée, de tant que le + comte de Lestre se monstre entièrement pour eulx, ayant esté luy + le moyen de les fère eslargir et rappeller; et il descouvre qu'il + a assés d'aisne au secrétaire Cecille, pour cause de ceulx de + Herfort, lesquelz le dict Cecille cherche, par toutz moyens, de + les ellever à ceste couronne au préjudice du dict comte et des + aultres seigneurs, qui estiment qu'il ne leur va de moins que + leurs testes et de la ruyne de leurs maysons, s'ilz y + parviennent. + + Mais le dict Cecille, oultre ce qu'il tient meintennant sa + Mestresse assés bien disposée envers les dicts de Herfort, pour + la grand jalouzie qu'il luy imprime toutjour de la royne + d'Escoce; de laquelle le tiltre seul précède celluy de Herfort en + la succession de ce royaulme, il y bande aussi toute la part des + Protestans et mesmes les évesques et officiers, et toutz ceulx + qui sont en quelque authorité, et pensoit bien y avoir aussi + conduict le dict comte de Lestre par le moyen de la dicte + religion, et par beaulcoup d'asseurances et promesses qu'il luy + avoit faictes; mais j'entendz que, lundy dernier, estantz huict + les plus protestans de ce conseil assemblez, en la mayson du + comte de Belfort aulx champs, pour dellibérer de ce qu'ilz + avoient à fère pour la légitimation des dicts de Herfort, et pour + advancer leur tiltre, ilz se plaignirent grandement du dict comte + de Lestre, de ce qu'ayant faict rapeller le comte d'Arondel au + conseil, il avoit préparé ung grand obstacle à leur entreprinse. + + Et le dangier est que la Royne d'Angleterre (de laquelle la + vollonté et disposition peult beaulcoup en cella) se mette toute + de ce party pour les grandes impressions, qu'on luy donne, + qu'elle est en dangier de son estat et de sa propre vie, si elle + n'oste et l'estat et la vie à sa cousine. + + Car, oultre les propos qu'on luy a dict que Monseigneur, frère du + Roy, avoit tenuz, lesquelz j'ay naguières escriptz à mon dict + seigneur, j'entendz qu'on luy faict acroyre que Mr le cardinal de + Lorraine sollicite, à ceste heure, ardentment la paix en France, + pour avoir plus de moyen de dresser une entreprinse contre + l'Angleterre en faveur de la Royne d'Escoce, sa niepce; et que, + pour y pouvoir à moindres fraiz conduyre son intention, et y + trouver moins de difficulté, qu'il a convenu avec ung Itallien, + dont le nom et le visaige, disent ilz, sont cognuz, de fère + empoysonner la dicte Royne d'Angleterre et le secrétaire Cecille, + et que les plus grands de France inclinent à fère la guerre par + deçà. + + Et la met on en souspeçon que le Roy d'Espaigne sera pour + concourre facillement à l'entreprinse, pour revenche de l'injure + de ses deniers, et des prinses de mer que ceulx cy ont faictes + sur ses subjectz; et mesmes l'on s'esforce de luy en monstrer + desjà quelque indice par l'interprétation d'une dépesche, que + j'entendz qu'on a intercepté, de Mr de Forquevaulx, et envoyée + par deçà; en laquelle, après ung propos de trois mariages, il + faict mencion du grand amaz de gens, et d'argent, et des + préparatifs, par mer et par terre, que le Roy d'Espaigne faict, + avec aulcunes particullaritez de plus estroicte intelligence avec + Leurs Majestez Très Chrestiennes. Ce que n'estimans ceulx cy que + cella puysse estre pour résister seulement aulx Mores, ilz + veulent inférer que c'est contre eulx. + + A quoy l'on m'a dict qu'ilz sont davantaige confirmez par une + lettre, qu'on a escripte de la Rochelle à la dicte Dame, en + laquelle l'on l'a prié que, si le Roy vient à offrir des + condicions de paix à la Royne de Navarre, et aulx princes ses + filz et ses nepveux, et aultres de leur party, qui soyent + raisonnables, comme Sa Majesté monstre s'en aprocher, qu'elle + trouve bon qu'elles soyent aceptées; car ne les pourront + bonnement reffuzer, sans se monstrer mauvais subjectz, et que la + noblesse désire grandement satisfère au Roy; aussi qu'on voyt + bien qu'elle et les princes d'Allemaigne sont longs et tardifz à + les secourir, et néantmoins adjouxtent beaucoup de grandz + mercyemens et offres à la dicte Dame, et la prient qu'elle + veuille bien pourvoir à la seurté de ses affères, parce qu'il + semble qu'on projecte desjà de grandes entreprinses contre elle + et son estat, en faveur de la Royne d'Escoce. + + Desquelz adviz aulcuns icy ont heu de quoy manifester si + ouvertement leur malice, qu'ilz ont ozé dire deux choses à la + dicte Dame; l'une, que si elle n'empeschoit la paix de France, + qu'elle aurait certainement la guerre en Angleterre; et l'aultre, + que jusques à ce qu'elle aura faict arracher du tout une si malle + plante, comme est la Royne d'Escoce, qu'elle ne verra jamais + bien, ny repos, en ceste isle. + + Ce que m'ayant esté raporté, j'ay miz peyne, par d'aultres plus + modérez personnaiges, de luy fère si bien diminuer ceste opinion + qu'elle monstre, quant à la paix de France, qu'elle y a toutjour + fort bonne affection, mais qu'elle desire infinyement luy estre + donné moyen de s'y employer, affin de pouvoir gaigner la + bienveuillance du Roy, et se confirmer en paix et amitié avecques + luy; et, quant à la Royne d'Escoce, qu'elle est bien disposée + envers sa personne et sa vie, comme je croy qu'elle n'y a heu + jamais mauvaise intention, et que mesme elle goutte aulcunement + sa restitution, et ne la rejecte plus tant qu'elle souloit; mais + elle prétend à quelque entreprinse en Escoce, qui est cogneue de + peu de gens, laquelle elle pense avoir exécutée plustost qu'on + luy en puysse, ny de France, ny de Flandres, donner empeschement; + et que le tout sera faict dans deux moys, pendant lesquelz je ne + fays doubte qu'elle ne vollût que Leurs Très Chrestienne et + Catholique Majestez fussent ailleurs bien fort empeschées. + + AULTRE MÉMOIRE A PART. + + En la dépesche d'Espaigne, dont, en l'aultre mémoire, est faicte + mention, qui a esté intercepté, j'entendz que Mr de Forquevaulx + escripvoit à la Royne que l'ambassadeur de l'Empereur l'avoit + prié de fère entendre au Roy comme son Maistre, pour l'affection + qu'il avoit de veoir effectuer les mariages de ses filles avec + les deux Roys, desiroit que, du premier jour, il y fût procédé + sans plus le dilayer; + + Qu'il avoit dellibéré d'envoyer les deux Roynes ensemble, par la + mer, de Gênes à Marseille, avec la moindre compaignie et le moins + d'officiers qu'il pourroit, s'asseurant qu'elles en amasseroient + assés en chemyn; + + Que l'ambassadeur de Portugal l'avoit asseuré que le party de + Madame, soeur du Roy, playsoit grandement au jeune Roy, son + Maistre, et aulx deux douarières ses mère et ayeulle, et n'y + avoit que ce seul différant, qu'elles vouloient que le tout se + fît par le bon adviz et conseil du Roy d'Espaigne; et les Estatz + de Portugal, au contraire, s'estimoient assés suffizans pour + cella, sans y embesoigner aulcunement le dict Roy: + + Mandoit avoir entendu que le dict Roy de Portugal estoit subject + à ses opinions, et ne vouloit guières croyre conseil et qu'il + n'avoit près de luy que jeunes gens; + + Que les médecins et phisiciens ne l'estimoient de longue vie, + pour quelque defflussion de cerveau qu'il avoit, et que les ungs + conseilloient qu'on le maryât bientost affin de la divertyr et + pour avoir lignée; les aultres que le mariage luy abrègeroit ses + jours; + + Que, quoy que ce fût, venant le dict jeune Roy à mourir, celluy + qui luy debvoit succéder, par le commun consentement des Estatz, + espouseroit la veufve; par ainsy que, en toutes sortes, Madame + seroit longuement Royne: + + Que le Roy d'Espaigne s'estoit acheminé à Courdova pour aller + tenir ses cours de Castille, et pour s'aprocher de l'entreprinse + contre les Mores, priant icelluy ambassadeur Leurs Majestez Très + Chrestiennes de luy donner moyen de le pouvoir suyvre, et leur + touchoit ung mot de sa révocation; + + Que le Roy d'Espaigne faisoit tel amaz de gens et d'argent, et + ung si grand aprest par mer et par terre, qu'il estoit aysé à + veoir qu'il tendoit à de plus grandes entreprinses que de se + deffandre des Mores; + + Que s'il playsoit à la Royne d'avoir une entrevue avecques luy à + Marseille; que le dict ambassadeur espéroit de l'y pouvoir + facillement induyre, parce qu'il l'y trouvoit fort bien disposé, + pourveu que cella fût tenu fort secrect, et quasi communiqué à + nul, de peur des traverses qu'on y mettroit pour la jalouzie que + plusieurs en auroient. + + De laquelle lettre ceste Royne et les siens ont prins beaucoup de + souspeçon, et sont, à ceste heure, tant plus desireux de + raccommoder leur différans avec le Roy d'Espaigne, comme ilz en + poursuyvent dilligentment l'accord, par leur depputez, qu'ilz ont + à cest effect envoyé en Flandres; lesquelz, à ce que j'entendz, + ont mandé qu'ilz en espèrent une bonne yssue. + + Et semble que le duc d'Alve, en une façon ou aultre, y + condescendra, sellon qu'on m'a dict qu'il désire bien fort + esteindre ceste querelle, ainsy qu'il estime avoir si bien + vaincue celle du prince d'Orange, et ensepvelye celle des Gueux, + qu'elles ne se pourront, l'une ny l'aultre, jamais plus + ressuciter; + + Et qu'à ceste heure, il a bien fort grande affection d'aller en + Espaigne, comme pour triumfer des choses qu'il a bien faictes, et + bien saigement et vaillamment conduictes en Flandres, d'y avoir + conservé la religion catholique, et estinct l'hérésie; d'avoir + saulvé l'estat, et quasi l'avoir conquiz et estably de nouveau au + Roy son Maistre, qui auparavant n'en estoit guières bien le + maistre; et le luy avoir soubmiz à y pouvoir imposer tribut, + comme il vouldra, là où auparavant l'on y souloit ordinairement + contradire; et avoir augmenté le revenu jusques à deux millions + d'or toutz les ans, qui à peyne en valloit la moytié: + + Et, avec l'honneur de ces choses, retourner près de son Maistre, + où la jalouzie du prince d'Enoly le tire, et près de sa femme et + des siens, qui l'appellent par dellà, à la venue de la nouvelle + Royne, pour se trouver à l'establissement et à la mutation de + diverses choses, qui lors se pourront ordonner, mais + principallement pour mettre le gouvernement de Flandres ez mains + de Dom Fadrique, son filz aisné: + + A quoy il a grand affection, luy ayant pour cest effect baillé + tiltre et merque nouveaulx de cappitaine général des Espaignolz + et gardes, ce qu'il n'estime toutesfoys pouvoir bien obtenir, + s'il n'est présent avec son Maistre; + + Et que, pour n'estre son dict retour empesché par la querelle + d'Angleterre, qu'il la vuydera, et qu'au reste procurera, avant + son partement, que la consulte et distribution des biens + confisqués en Flandres se face, affin qu'il puisse entrer en + possession de Brada ou d'Ostrante, ou de quelque aultre bien bon + estat, que son Maistre luy donnera; et desireroit bien fort que + son dict Maistre remit une partie de la dicte consulte à fère à + luy, affin de pouvoir gratiffier et récompenser ceulx qui l'ont + suyvy. + + Toutes lesquelles choses m'ont esté dictes du dict duc par + aulcuns, qui les peuvent aulcunement sçavoir, et qui les font + paroistre estre vraysemblables. + + + + +CIIIe DÉPESCHE + +--du XXIIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo._) + +Publication faite en Angleterre de la prise d'armes contre +l'Écosse.--Préparatifs de défense faits par les Écossais.--Nouvelles +difficultés survenues dans la négociation avec les Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, persévérant la Royne d'Angleterre en sa dellibération d'envoyer +des forces en Escoce, elle a faict, despuys trois jours, publier +l'occasion de son entreprinse avec le prétexte et colleur, que Vostre +Majesté verra par la teneur de sa proclamation; et a mandé au comte de +Sussex qu'avec les troupes, qu'il a assemblées à Yorc et à Durem, il +ayt toutjour à s'acheminer à Neufcastel, et qu'il temporise là jusques +à tant qu'il ayt receu les monitions qu'elle a ordonné luy estre +envoyées, lesquelles y pourront arriver envyron la fin de ce moys. +Cependant, Sire, luy ayant le dict comte de Sussex naguière escript +que, pour la nouvelle de sa venue, les Escouçoys prenoient de toutes +partz les armes, avec intention de courre sus à ceulx qui parloient +d'introduyre les Anglois dans le pays; et que desjà milor Herys estoit +aproché avec quelques forces pour luy deffandre les frontières, ceulx +qui ont icy la matière bien affectée ont conseillé à la dicte Dame de +luy respondre que, sellon sa plus ample commission, il ayt à doubler +promptement ses forces pour poursuyvre son voyage; à quoy elle a faict +assés de difficulté, voyant que l'entreprinse se monstroit à ceste +heure plus grande et plus difficille, et de trop plus grand coust +qu'on ne la luy faisoit du commancement, tant y a qu'à leur persuasion +elle le luy a mandé; et néantmoins l'on pense qu'il trouvera assés de +résistance par dellà. + +L'on commence à sentyr qu'il y aura assés de difficulté en l'accord +des différans des Pays Bas, parce qu'on offre par dellà de restablyr +toutes choses jusques à la valleur d'une maille; et demande l'on qu'il +soit faict le semblable de ce costé, et mesmes que de ce qui aura esté +substraict, emporté, ou qui se trouvera aultrement dépéry, des +merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne, parce que cella est +advenu par la coulpe des Anglois, que le tout soit réparé par eux, en +quoy très difficilement ilz veulent entendre. Néantmoins il y a très +grande affection de chacun costé d'en sortyr. Sur ce, etc. + + Ce XXIIIe jour d'apvril 1570. + + + + +CIVe DÉPESCHE + +--du XXVIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Gerin Marchant_.) + + État des partis en Écosse.--Arrivée d'un ambassadeur de France + dans ce pays avec un secours d'hommes.--Débats entre les + seigneurs écossais pour la régence.--Vives sollicitations des + ennemis de Marie Stuart pour presser l'entrée de l'armée + anglaise.--Départ de la flotte pour Hambourg, et envoi des + sommes levées en Angleterre pour l'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, après que j'auray, dimanche prochain, faict entendre à la Royne +d'Angleterre les louables et vertueux propos qui sont contenuz en +vostre dépesche du XIIe de ce moys, laquelle le Sr de Vassal m'a +randue le XXIIIIe, je vous informeray bien particullièrement de +l'intention, en quoy je l'auray trouvée sur les choses que je luy +proposeray de vostre part; et cependant je diray à Vostre Majesté, +touchant celles d'Escoce, que l'arrivée de vostre ambassadeur par +dellà, et ce qu'on dict qu'avec luy sont arrivez à Dombertran cinq +cens harquebouziers françoys et assés d'armes pour armer encores deux +mil hommes, faict aultrement penser à ceulx cy de l'entreprinse qu'ilz +ont au dict pays, que quant ilz l'ont premièrement délibérée; mesmes +qu'ayantz les principaulx seigneurs d'Escoce desjà heu conférance avec +luy au lieu de Donquel, l'on asseure qu'ilz ont prins, par les lettres +et bonnes offres de Vostre Majesté, une bonne résolution; sçavoir, +ceulx qui estoient demeurez en la foy de leur Royne d'y persévérer +constantment, et ceulx qui se portoient neutres de se déclairer pour +elle; tellement que tous ensemble se sont despuys acheminez à +Lislebourg: d'où les adversayres, avec l'ambassadeur de ceste Royne, +se sont aussitost despartys; et que, illec, ilz ont faict proclamer, +le XIIe de ce moys, l'authorité de leur Royne, là où millord de +Granges a déclairé qu'il tenoit le chasteau de Lislebourg pour elle; +et le duc de Chastellerault, lequel n'est encores eslargy du dict +chasteau, pour quelque occasion bien considérable, s'est aussi +déclairé du costé de la dicte Dame; et, bien que le comte de Mar n'ayt +du tout faict le semblable, il a promiz néantmoins de ne délivrer, en +façon du monde, le jeune prince aulx Anglois, et dict davantaige qu'il +ne le délivrera pas aussi aulx Françoys, ny aulx Espaignolz, ny mesmes +aulx Escoussoys. Et, par ainsy, les choses ont commancé de prandre +quelque train, pour le bien des affères de la dicte Royne d'Escoce, à +l'advantaige et réputation de Vostre Majesté. Mais, Sire, voycy +l'ordre qu'on me dict que ceulx de l'aultre party ont tenu pour y +donner empeschement; c'est qu'ilz se sont incontinent assemblez au +lieu de Domfermelin, où ilz ont résolu deux choses; l'une, de fère +tout sur l'heure aprocher le comte de Lenoz, qui est à Barwich, pour +se porter pour régent de la personne et estat de son petit filz à la +faveur de l'armée de la Royne d'Angleterre qui est en campaigne; +l'aultre, d'accorder et signer les articles de l'instruction qu'ilz +ont baillée à l'abbé de Domfermelin de tout ce qu'il vient dire, +requérir et offrir de leur part à ceste Royne. + +Sur quoy l'on m'a donné adviz fort secrect, mais de bon lieu, que +celle partie des dictes forces qui s'est trouvée plus advancée, et la +garnyson de Barwich, en nombre de quatre mil hommes de pied et quinze +centz chevaulx en tout et huict pièces de campaigne, ont desjà marché +oultre les frontières pour favoriser le dict de Lenoz, et qu'il a esté +mandé au comte de Sussex de parfère promptement sa levée de dix mil +hommes de pied et quatre mil chevaulx, et que le susdict Domfermelin +arrivera icy dans deux ou trois jours. L'on estime que les aultres +seigneurs Escouçoys envoyeront millord de Sethon ou millord Boyt +devers la dicte Dame pour l'effect que je vous ay cy devant mandé; +mais je ne laysse pour tout cella d'espérer encores bien des affères +de la royne d'Escoce. + +La flotte pour Hembourg est déjà chargée, et commance d'avaller +contrebas la Tamise. Elle est d'envyron cinquante voylles et n'y a que +deux grandz navires de ceste Royne ordonnez pour les conduyre, mais il +y en a aultres trois équipez en guerre soubz la charge de Haquens, qui +y vont, le tout aulx despens des merchans; et, soubz ceste mesmes +conserve, partent aussi les munitions qu'on envoye au North parce que +c'est tout une mesme routte. J'entendz que desjà les lettres +d'eschange, pour le parfornissement de cent cinquante mil escuz cy +devant ordonnez pour Allemaigne, sont expédiées, et qu'elles vont +avecques ceste flotte, oultre soixante mil escuz en espèces, cuillys +sur les esglizes des Flamans qui sont en ce royaulme, que le Sr de +Lombres envoye au prince d'Orange; et luy eust envoyé plus grand somme +sans ce que, à mon instance, la Royne d'Angleterre a deffandu de ne +fère aulcune cuillette de deniers, pour ce prétandu prétexte de la +deffance de la religion, sur ses subjectz, lesquelz s'y monstrent +assés vollontaires. + +Ceulx cy font tout ce qu'ilz peuvent, de leur costé, pour parvenir à +quelque accord sur les différans des Pays Bas, et en sont toutjour en +bonne espérance. Sur ce, etc. + + Ce XXVIIe jour d'apvril 1570. + + + + +CVe DÉPESCHE + +--du IIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Antoine Grimault_.) + + Audience.--Déclarations faites par l'ambassadeur, au nom du roi, + tant au sujet de la pacification de France que des affaires + d'Écosse.--Irritation causée à la reine d'Angleterre par la + déclaration touchant l'Écosse, qui renferme une menace de + guerre.--Nouvelles de l'entreprise des Anglais sur l'Écosse, où + ils sont entrés en armes. + + + AU ROY. + +Sire, prévoyant que la Royne d'Angleterre n'auroit guières agréable +les deux poinctz, que j'avois à luy proposer de la dépesche de Vostre +Majesté du XIIe du passé, en ce que vous n'acceptiez son offre +d'intervenir à la paciffication de vostre royaulme, et que vous luy +touchiez vifvement le faict de la Royne d'Escoce, j'ay miz peyne, +Sire, de luy dire l'ung et l'aultre en la plus gracieuse façon que +j'ay peu; et m'a bien semblé, quant au premier, qu'elle en est +demeurée assés satisfaicte, par ce mesmement que j'ay monstré que +Vostre Majesté acceptoit plustost qu'il ne reffuzoit son offre, mais +de tant que l'affère, par la venue des depputez des princes, estoit +sur sa conclusion sans qu'il fût besoing d'entrer en nouveaulx +trettez, ainsy qu'ilz avoient toutjour dict qu'ilz ne vouloient +aulcunement capituller avec leur Souverain Seigneur, vous estimiez +que cella seroit bientost faict ou failly, par ainsy, que vous en +donriez incontinent adviz à la dicte Dame; de laquelle vous requériez +cependant de vouloir demeurer en son bon et honneste desir, qu'elle +monstroit avoir vers vous et vers voz présens affères, avec asseurance +que, en pareille ou meilleure occasion, du bien des siens vous luy +feriez paroistre par effect que vous luy correspondiez en ung +semblable debvoir de vostre bonne et mutuelle amytié envers elle. + +A quoy la dicte Dame m'a respondu que ce luy estoit ung singulier +playsir de veoir que Vostre Majesté eust prins son intention en la +bonne part, que vous l'avoit offerte, de s'employer aultant +droictement à la conservation de vostre grandeur et authorité sur voz +subjectz comme si c'estoit pour sa propre cause; et que la +satisfaction que vous luy donniez là dessus estoit si grande, que +c'estoit à elle meintennant de vous en remercyer et à prier Dieu pour +le bon succez et ferme establissement de vos dicts affères et de la +paix que vous desirez en vostre royaulme, avec plusieurs aultres +parolles, dont aulcunes, à la vérité, touchoient les difficultez qui +pouvoient encores rester en cella, et d'aultres exprimoient son +affection d'y estre employée: toutes néantmoins bien fort honnestes et +pleynes de grande démonstration d'amytié. + +Mais, quant c'est venu à l'aultre poinct, du faict de la Royne +d'Escoce, bien que je ne le luy aye baillé, sinon avec les mesmes +termes par lesquelz Votre Majesté monstre de vouloir, jusques à +l'extrémité du debvoir, constamment persévérer en son amytié et en la +paix, elle néantmoins en a heu le cueur si atteinct qu'elle n'a peu, +ny en son visaige, ny en sa parolle, dissimuler l'ennuy qu'elle en +recepvoit: dont, après aulcuns peu de motz assés incertains, tantost +de l'esbahyssement d'ung tel propos, tantost de ce que Vostre Majesté +estoit mal informée du faict: ayant là dessus appellé ceulx de son +conseil, qui estoient dans la chambre, elle leur a dict que je venois +de luy fère une bien estrange proposition, de la part de Vostre +Majesté, et qu'elle me vouloit bien prier de la leur exposer tout de +mesmes, affin qu'ilz en demeurassent mieulx instruictz. Ce que ne luy +voulant reffuzer, je l'ay de tant plus vollontiers faict et avec plus +d'expression de toutes les particullaritez de Vostre lettre, que je +sçavois que l'armée de la dicte Dame estoit desjà entrée en Escoce, et +qu'il y'en avoit là présens de ceulx qui l'avoient conseillé; lesquelz +je desiroys bien qu'ilz en demeurassent confuz: et y en avoit aussi, +qui n'attandoient qu'une semblable occasion, pour avoir de quoy luy +parler librement du faict de la Royne d'Escoce. Dont leur ay récité, +tout à plain, vostre intention, et ay miz peyne de leur monstrer +qu'elle n'estoit moins fondée en toute justice, que remplye de grande +magnanimité. + +A quoy nul d'entre eulx n'a rien respondu, sinon le marquis de +Norampthon aulcun peu de motz sur l'aprobation de l'entreprinse +d'Escoce. Mais la dicte Dame, (après m'avoir dict, ung peu en collère, +que Vostre Majesté avoit faict comme le bon médecin, qui, ayant à +bailler des pillules bien amaires à son mallade, en faisait tout le +dessus de sucre, et qu'ainsy, vostre premier propos du mercyement +avoit esté bien fort gracieulx et doulx, mais celluy d'après estoit +bien fort amer et piquant,) a commancé de me desduyre amplement +l'occasion et justiffication de son entreprinse en Escoce; et croy +qu'avec les mesmes démonstrations, que luy avoient faict ceulx qui la +luy ont conseillée, en termes assés véhémentz, mais toutesfoys bien +fort honnorables en l'endroict de Vostre Majesté; qui, en somme, +tendent à trois poinctz: l'ung, à vous fère veoir qu'il n'y avoit que +droict et rayson, en ce qu'elle faisoit et qu'elle vouloit fère, vers +la Royne d'Escoce et vers son royaulme; le second, que nul ne debvoit +trouver mauvais que justement elle poursuyvît de vanger les injures, +que injustement l'on avoit faictes à elle et à ses subjectz; et le +troisiesme, que, nonobstant tout cella, et sans s'arrester à tant de +véhémentes ou bien vériffiées, occasions de malcontantement, à quoy la +dicte Royne d'Escoce et son ambassadeur, et ceulx de ses subjectz qui +tiennent pour elle, l'avoient extrêmement provoquée, elle ne lairroit +de recepvoir les condicions qu'elle luy offriroit sur l'accommodement +de ses affères, ou bien que Vostre Majesté luy feroit offrir pour +elle; ains se disposerait tout présentement d'y entendre: mesmes que +luy en ayant desjà la dicte Dame escript une lettre et son ambassadeur +une aultre, lequel luy avoit d'abondant mandé qu'il s'estoit encores +réservé d'aultres choses, pour les luy dire en présence, elle me +promettoit, qu'il seroit bientost ouy, me priant au reste de luy +vouloir bailler par escript ce que je luy avois proposé de vostre +part, affin d'en pouvoir mieulx dellibérer, et vous y fère plus claire +et plus ample responce; comme je pense, Sire, qu'elle fera par son +ambassadeur. + +Et parce qu'il seroit long de réciter icy toutz les propos de la dicte +Dame et ceulx que je luy ay responduz, je remetz de les vous mander en +ma prochaine dépesche, par ung des miens, que je dépescheray exprès +devers Vostre Majesté, avec d'aultres choses, lesquelles avecques +ceulx cy vous feront prendre quelque jugement des intentions de la +dicte Dame. Cependant j'ay à dire à Vostre Majesté que le comte de +Sussex, sire Jehan Fauster, et milor Scrup, estans entrez par trois +divers endroictz en Escoce, y ont allumé des semblables feuz, que +aulcuns Escouçoys, avec les fuytifz d'Angleterre, avoient auparavant +allumez en la frontière de deçà, non sans que ceulx cy y ayent +toutjour crainct quelque rencontre: comme il est nouvelles que le dict +Scrup et sa trouppe y ont esté fort bien battuz. L'artillerye et les +munitions qu'on leur envoye sont desjà hors de ceste rivière, et m'a +l'on dict qu'on a adjouxté à icelles mille litz avec leurs matalas et +paillasses, comme pour accommoder deux mil soldatz dans quelque place; +et de tant que la dicte Royne d'Angleterre, parmy son discours, m'a +dict qu'elle n'estoit si sotte qu'elle ne cognût bien que toute +l'affection, que Vostre Majesté et la France ont aulx Escouçoys, +n'estoit pour proffict ny pour commodité qu'on peult tirer d'eulx, +mais seulement pour nuyre à l'Angleterre; et que Dombertran avoit +toutjour esté le port et l'entrée des Françoys et des estrangiers dans +ceste isle pour troubler le pays; (et que d'ailleurs la dicte Dame a +donné la grâce à ung Escouçoys, qui avoit esté prins au North, lequel +luy a baillé le pourtraict du chasteau de Lislebourg), il y a quelque +souspeçon qu'elle veuille assiéger l'une des dictes places, ou bien y +en fortiffier quelque aultre dans le pays pour y entretenir garnyson. +Et viens d'estre adverty, Sire, qu'elle faict mettre promptement en +mer quatre de ses grandz navyres et une gallère, avec commandement de +tenir les aultres bien fort prestz; dont, de tout ce qui succèdera de +nouveau, je mettray peyne de vous en advertir le plus promptement que +me sera possible. Sur ce, etc. + + Ce IIIe jour de may 1570. + + + + +CVIe DÉPESCHE + +--du VIIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyée jusques à la court par le Sr de Sabran_.) + + Vifs débats dans le conseil d'Angleterre sur le parti à prendre à + l'égard de Marie Stuart, et sur la réponse à faire au roi au + sujet de vasion en Écosse.--Ravages opérés par les Anglais dans + ce pays.--Emprunt fait pour la Rochelle.--Négociation des + Pays-Bas.--Espoir de l'ambassadeur que la paix ne sera pas + rompue.--_Mémoire._ Détail des opinions émises dans le conseil + d'Angleterre.--Réponse faite par Élisabeth à la déclaration du + roi touchant l'Écosse.--Insistance de l'ambassadeur sur les + motifs qui imposent au roi l'obligation d'exiger que les + Anglais se retirent d'Écosse, et que Marie Stuart soit rétablie + sur le trône.-_Mémoire secret._ Motifs particuliers qui ont + forcé l'ambassadeur à faire connaître à la reine d'Angleterre + la déclaration du roi sur les affaires d'Écosse. + + + AU ROY. + +Sire, ayant la Royne d'Angleterre prins ce que je luy ay dict, de +vostre intention touchant la Royne d'Escoce, en la façon que, par mes +précédantes du IIIe de ce moys, je le vous ay mandé, elle a monstré +despuys qu'elle tenoit en tant ceste vostre déclaration qu'elle +vouloit bien considéréement adviser comme elle auroit à s'y gouverner; +dont ayant là dessus assemblé les principaulx de son conseil, ilz ont +fort vifvement débattu la matière devant elle, et aulcuns d'eulx luy +ont remonstré qu'il n'y avoit nul prince de bon sens au monde, s'il +tenoit ung aultre prince entre ses mains, qui se dict compétiteur de +sa couronne, comme faisoyt la Royne d'Escoce de celle d'Angleterre, +qui le vollust jamais lascher; et qu'il n'y en avoit poinct aussi qui +vollust espargner la vie de la dicte Royne d'Escoce, si elle avoit +excité en leur estat le trouble et la rébellion des subjectz, qu'elle +avoit esmeu en cestuy cy. Les aultres luy ont représanté le contraire, +et que la plus grande seureté qu'elle pouvoit prendre pour elle, et +pour sa couronne, et pour la paix universelle de ceste isle, estoit de +s'employer droictement à la restitution de la dicte Royne d'Escoce, et +d'establyr une bien ferme amytié et bonne intelligence entre elles +deux et leurs deux royaumes; et en est leur contention venue si avant +que, les voyant la dicte Dame desjà aulx grosses parolles, les a priez +d'en remettre la dispute à elle, et qu'elle cognoissoit bien que la +matière n'estoit sans difficulté: néantmoins leur deffandoit fort +expressément de ne parler jamais de chose qui touchât ny à la vie, ny +à la personne de la Royne d'Escoce. + +Je suis attandant, sire, qu'est ce qui résultera de cette +détermination de conseil, et quelle responce la dicte Dame sera +conseillée de fère à Vostre Majesté. Cependant j'ay esté adverty que +l'exploict du comte de Sussex en Escoce a esté d'entrer en pays par +trois endroictz; sçavoir: luy avec le principal de l'armée par +Barvich, et sire Jehan Fauster avec la seconde troupe par Carleil, et +milord Escrup avec le reste par ung aultre endroict; et que, le XVIIe +d'apvril, le comte de Sussex a commancé de fère le gast, et mettre le +feu à Ware, continuant ainsy jusques à Gadenart, où il a faict miner +et pourter par terre la mayson du ler de Farneyrst; et là, le sir +Jehan Fauster, ayant aussi miz le feu partout là où il a passé, s'est +venu rejoindre à luy; et du dict Gadenart, après l'avoir bruslé, ilz +sont allez brusler la ville de Fanic, et ont pareillement miné et rasé +la maison du ler de Balchenech; puys, ont passé oultre jusques à +Quelso, auquel lieu le ler de Suffort leur est venu offrir pleiges +pour satisfaction de ce que l'on luy pouvoit demander; et peu après, +milord de Humes y est aussi venu, lequel a parlé au dict comte de +Sussex et luy a offert le semblable; mais ny l'ung ny l'aultre n'ont +raporté aulcune bonne responce: et ce faict, icelluy Sussex a ramené +ses gens, le XXIIIIe du dict moys, à Barvich. Mais, quant à milor +Escrup, qui est entré par les marches d'Ouest, les choses ne luy ont +succédé de mesmes, car il a esté rencontré par les Escouçoys qui luy +ont deffaict la pluspart de ses gens, et dict on que luy mesmes est +blessé; et que le comte de Vuesmerland s'est trouvé au combat, qui a +cuydé estre prins. Despuys, l'on m'a dict qu'ayant le dict comte de +Sussex receu le reste des forces, qui estoient demeurées derrière, +délibère de rentrer du premier jour au dict pays et aller assiéger le +chasteau de Humes, sinon que, sur ma remonstrance, ceste Royne luy +mande de ne passer oultre; tant y a que s'il le faict, je ne pense pas +que les Escouçoys ne luy donnent la bataille; mais je ne vous puys +mander, Sire, aulcune chose certaine de leur apareil, parce que les +passaiges sont tenuz extrêmement serrez. + +Il est nouvelles que le duc de Chastellerault est hors de prison, et +que ceulx qui tiennent le party de la Royne d'Escoce sont en beaucoup +plus grand nombre, et sont les principaulx et les plus fortz du pays. +Ceulx qui les favorisent icy, m'ont faict dire que, si la paix se +conclud en France, leur affère se pourtera en toutes sortes fort +bien, et que ce que j'ay déclairé à ceste Royne ne sera venu que le +plus à propos du monde; mais, si la paix ne se faict poinct, qu'ilz +craignent beaucoup que les choses n'en aillent que plus mal; et +semble, Sire, que aulcuns de ceulx de la Rochelle, qui sont icy, +n'espèrent guières qu'elle se puysse fère: mesmes j'ay adviz qu'il a +esté mandé en Hembourg de fournir promptement les cinquante mil escuz +de la lettre de crédit qui, en janvier dernier, a esté baillée à Mr le +cardinal de Chatillon, ainsy que dès lors je le vous ay escript, et +que le Sr de Lombres y envoyé présentement une aultre lettre de LX mil +{lt} sterlings pour le prince d'Orange, qui est une somme qu'il a +levée sur les esglizes des Flamans protestans résidans par deçà, et +que le cardinal de Chatillon et luy sont après à dresser des contractz +et des obligations pour fère fornyr encores par dellà cent cinquante +mil escuz sur la prochaine flotte qui va au dict Hembourg. En quoy me +semble qu'il y aura assés de difficulté, tant y a qu'ilz n'en sont +hors d'espérance; et la Royne d'Angleterre, pour recouvrer deniers +pour elle, a doublé l'emprunct, dont je vous ay naguières faict +mention, jusques au nombre de trois mille privé scelz, desquelz elle +espère tirer jusques à six ou sept cens mil escuz. + +Elle et les siens monstrent avoir une très grande affection à l'accord +des différandz des Pays Bas, et parce qu'il semble que la plus grande +difficulté est meintennant à contanter les merchans anglois, l'on m'a +dict que le secrétaire Cecille les ayantz assemblez là dessus, et les +trouvans ung peu opiniastres, leur a résoluement déclairé que les +princes veulent demeurer d'accord, par ainsy qu'ilz advisent entre +eulx d'accommoder leurs affères. Sur ce, etc. + + Ce VIIIe jour de may 1570. + + + Tout meintennant l'évesque de Roz me vient de mander qu'il a esté + appellé, ceste après dinée, pardevant quatre seigneurs de ce + conseil; lesquelz, après plusieurs propos, luy ont dict, que si + la Royne d'Escoce veult rendre les rebelles d'Angleterre, qui se + sont retirez en son royaulme, que cella mouvera grandement la + Royne, leur Mestresse, d'avoir son cueur bien disposé envers + elle; et n'ont passé plus avant: ce qu'il voyt bien estre une + invention des ennemys de sa Mestresse pour retarder toutjour ses + affères, es quelz ne luy reste plus aultre espérance, tant que + ceux qui sont ici en authorité gouverneront, que celle que la + dicte Dame a miz en Vostre Majesté. Et viens d'estre adverty que + le comte de Sussex est rentré en Escoce, qu'il a prins le + chasteau de Humes, et qu'il a miz garnyson dedans. + + + A LA ROYNE. + +Madame, saichant que la Royne d'Angleterre estoit, tous ces jours, +après à dellibérer en son conseil qu'est ce qu'elle auroit à fère ou +dire sur ce que je luy avois proposé, de la part de Voz Majestez, en +ma dernière audience, et voyant que je ne pouvois plus intervenir à +luy fère là dessus nul aultre office, que celluy que j'avois desjà +faict; qui, à la vérité, m'avoit bien semblé tel que je l'avois +plustost disposée à la modération que à continuer son entreprinse en +Escoce, j'ay envoyé ramentevoir par lettre à Mr le comte de Lestre, et +par parolle au secrétaire Cecille, les occasions qui ont meu Voz +Majestez de luy déclairer ainsy vostre intention; et comme ilz +cognoissent assés que c'est ung debvoir, notoirement apartenant à +vostre réputation: et à l'honneur de vostre couronne; lequel, quant +vous n'en eussiez rien dict, ou que vous eussiez dissimulé de ne vous +en soucyer, leur dicte Mestresse et eulx n'eussent layssé pourtant de +penser que vous ne le pouviez obmettre; et que partant ilz veuillent, +à ceste heure, bien pourvoir, de la part d'elle, qu'il ne soit faict +chose qui puisse donner commancement d'altération à ceste tant bonne +et mutuelle intelligence, qui rend Voz Majestez et la dicte Dame très +utilles amys les ungs aulx aultres, et de laquelle bonne intelligence +vous protestiez bien de ne vouloir en façon du monde (sinon contrainct +par grande nécessité du debvoir et à trop grand regrect) jamais vous +despartyr. + +Sur quoy l'ung et l'aultre m'ont mandé de fort bonnes parolles, et +telles qu'ilz me font encores reprendre quelque espérance: tant y a, +Madame, que des premières responces que la dicte Dame m'a faictes, +lesquelles je vous envoye par le Sr de Sabran, il se peult aulcunement +bien cognoistre où va son intention. Je ne cognois pas que, pour +cella, elle ayt encores changé de désir sur la paciffication de vostre +royaume; mais il me semble bien que ceulx de la nouvelle religion, qui +sont icy, n'espèrent guières qu'elle se face, lesquelz font toute la +dilligence qu'ilz peuvent de recouvrer deniers comme pour continuer la +guerre; et j'entendz qu'il vint hyer lettres d'Allemaigne à ceste +Royne, par lesquelles l'on luy mande que le duc Hery de Bronsouyc a +licencyé, par faulte de payement, la levée qu'il avoit arrestée pour +Vostre Majesté; et que le maréchal de Hes, tout aussitost, a commencé +d'en dresser une pour luy; et que l'Empereur, estant contrainct de +s'en retourner à Vienne pour mettre ordre à une grande ellévation qui +s'est sussitée en Austriche pour le faict de la religion, à laquelle +semble que le Vayvaude veuille tenir la main, qui a desjà chassé les +prestres et pillé les esglizes de ses pays, s'est excusée d'intervenir +à la prochaine diette du XXIIe de ce moys, laquelle estoit assignée à +Spire; et que, si ceulx de la religion avoient deniers, il ne fit +jamais si bon en Allemaigne que meintennant. Sur ce, etc. + +Ce VIIIe jour de may 1570. + + INSTRUCTION AU DICT SR DE SABRAN de ce qu'il aura à fère entendre + à Leurs Majestez, oultre la dépesche: + + Que naguières furent miz en dellibération au conseil de la Royne + d'Angleterre, elle présente, les trois poinctz qui s'ensuyvent: + Le premier, qu'est ce qu'il estoit besoin de fère pour se + pourvoir contre le Roy et le Roy d'Espaigne, desquelz l'amytié + estoit desjà si suspecte qu'ilz estoient pour se monstrer tous + déclairés ennemys, aussytost que l'ung pourrait avoir la paix + avecques ses subjectz, et que l'aultre seroit venu à boult des + Mores révoltez; le segond est quel ordre de bien maintenir la + religion protestante, et effacer la mémoire et le désir de la + catholique en tout ce royaume; et le troisiesme, comment procéder + si seurement au faict de la Royne d'Escoce et de son royaulme, + que tout l'advantaige en demeurast à la dicte Royne d'Angleterre + et au sien. + + Les adviz furent divers, car, quant au premier poinct, il y en + eust qui dirent que n'ayans les deux Roys aulcune juste + entreprinse en ce royaulme, comme ilz n'y avoient aussi aulcune + juste prétention, il estoit à croyre qu'ilz ne cercheroient que + d'estre satisfaictz de quelque offance, es quelles il les falloit + honnestement contanter, et par ce moyen les retenir pour amys; + les aultres opinèrent qu'il ne se failloit attandre à cella, ains + se pourvoir de bonnes et bien fermes ligues avec les princes + protestans, qui seroit le vray rempart et maintien de ceste + couronne contre leur effort. Au regard du segond, les ungs dirent + qu'il estoit bon qu'avec l'exemple de la bonne vie et de la + droicture des évesques protestans, il fût uzé de si bons + déportemens envers les Catholiques, et les fère jouyr d'ung si + paysible repos, qu'ilz n'eussent qu'à se bien contanter du + présent estat de la religion, qui avoit cours en ce royaulme, + sans essayer, avec le dangier de leurs vies et de leurs biens, + d'attempter rien pour remettre la leur; et les aultres, au + contraire, que c'estoit par toutes sortes de deffaveur et de + craincte qu'il les failloit abattre et tenir réprimez: et sur le + troisiesme, du faict de la Royne d'Escoce, parce que la matière + estoit fort affectée, il fut seulement dit qu'il failloit, devant + toutes choses, regarder à ce qui estoit plus expédiant, ou de + retenir ou de délivrer la personne de la dicte Dame; et pour lors + n'y eust que des remonstrances bien fort considérément desduictes + pour admener, de chacun costé, la dicte Dame à leur opinion, sans + qu'on en vînt rien à conclurre. + + Peu de jours après, les principaulx de la noblesse avoient si + bien disposé la dicte Dame qu'ilz pensoient n'y avoir rien plus + près d'estre exécuté que la satisfaction envers les deux Roys et + le soulaigement des Catholiques, et la liberté et restitution de + la Royne d'Escoce; et de ce dernier, l'évesque de Roz en avoit + conceu une si certaine espérance qu'il avoit desjà commancé de + proposer des conditions et offres à la Royne d'Angleterre; et + l'avoit on asseuré qu'il seroit, le lendemain, introduict vers + elle pour en traicter en présence: mais s'estant huict du conseil + bandez au contraire, ilz firent le matin venir milord Quiper + devers la dicte Dame, garny d'une préméditée remonstrance, par + laquelle il luy mit tant de dangiers et d'inconvénians devant les + yeulx, et l'irrita si fort sur des livres, que le dict évesque + avoit faict imprimer sur la deffense de l'honneur de sa Mestresse + et sur les droicts qu'elle a à la succession de ceste couronne, + que la dicte Dame, après l'avoir ouy, estima ne pouvoir, en façon + du monde, estre plus Royne, si la Royne d'Escoce luy eschapoit; + et qu'il falloit qu'avec le temps elle veist les choses + d'Angleterre et d'Escoce en meilleure disposition pour elle + qu'elles n'estoient, premier que de la délivrer. Et sur ce, les + affères de ceste pouvre princesse furent remiz en surcéance, et + le dict évesque de Roz resserré, et courriers incontinent + dépeschez vers le North pour haster le comte de Sussex à son + entreprinse. + + A quelques jours de là, j'allay déclairer l'intention du Roy là + dessus à la dicte Royne d'Angleterre, aulx propres termes qu'il + me l'avoit mandé par sa dépesche du XIIe du passé; sur lesquelles + elle fit les démonstrations de rescentymens et de courroux, que + j'ay mandé par mes lettres du IIIe du présent, mais non en sorte + qu'elle ne monstrât bien qu'elle tenoit en grand compte la + déclaration du Roy; et comme princesse nourrye à la modération et + à beaulcoup de sortes de vertu, me fit les responces qui + s'ensuyvent, par lesquelles se pourra juger ce qu'elle avoit lors + en son désir; dont cy après s'entendra si elle l'aura en rien + changé: + + Que le Roy, son bon frère, s'il l'estimoit Princesse Souveraine + et légitime, et non accusée d'aulcun mauvais cryme, et estre + aussi bien son alliée comme la Royne d'Escoce, laquelle n'estoit + mentionnée en nulz trettez, qu'elle n'y fût premier nommée et + comprinse, qu'elle s'esbahyssoit comment il voulloit meintennant + procéder d'une tant diverse vollonté entre elles deux, et comme + il voulloit avoir tant d'esgard à l'une, et si peu à l'aultre, + qu'il trouvât bon que toutes les offances de la Royne d'Escoce + luy fussent réparées, et nulles des siennes à elle; à qui + toutesfoys elles avoient plustost esté commises et en si grand + nombre, et tant dommaigeables que tout ce qu'elle cerchoit + meintennant de la dicte Royne d'Escoce et des siens n'estoit + sinon comme elle pourrait estre satisfaicte du passé et demeurer + bien asseurée de l'advenir: + + Car, oultre les vielles querelles, il estoit trop vériffié que + c'estoit la dicte Royne d'Escoce et l'évesque de Roz qui avoient + esmeu les troubles du North, et qui avoient envoyé lettres, + messaiges, bagues, argent, et fère offres de grandz sommes et + secours aulx comtes de Northomberland et Vuesmerland, pour leur + fère prendre les armes; et, après qu'ilz avoient esté deffaictz, + elle avoit donné ordre de les fère recepvoir par ceulx qui + tiennent son party en Escoce, non comme fugitifz pour garentyr + leurs vies, mais comme ennemys, poursuyvans une guerre contre + elle, et contre ses bons subjectz, à feu et à sang, et avec tant + de cruaulté sur ses frontières qu'elle seroit trop indigne + d'avoir royaulme, ny couronne, ny tiltre de Royne, si elle le + comportoit; + + Qu'en l'entreprinse, qu'elle avoit faicte pour y remédier, elle + avoit suivy l'ordre des trettez, sellon lesquelz elle avoit + escript et envoyé messagiers exprès, devers les principaulx + seigneurs et officiers d'Escoce, pour fère cesser les désordres + et avoir réparation de ceulx qui estoient desjà commiz, lesquelz + avoient respondu qu'ilz n'y pouvoient donner ordre jusqu'à ce + qu'ilz auroient accommodé leurs différandz; et en avoit aussi + adverty la Royne d'Escoce, bien qu'elle fût entre ses mains, qui + avoit seulement respondu qu'elle n'en pouvoit mais: + + Par ainsy, qu'après avoir satisfaict aux trettez, desquelz elle + sçavoit bien les termes, et ne les vouloit transgresser; ains, + suyvant sa proclamation sur ce faicte, vouloit droictement + conserver la paix avec la couronne d'Escoce, et non moins bien + tretter les bons Escouçoys, et ceulx qui ne reçoipvent ny + accompaignent ses rebelles à luy fère la guerre, que les propres + Anglois: elle avoit bien vollu aussi satisfère au debvoir qui + l'obligeait à la deffance, tuition et conservation de ses + subjectz, et qu'il n'y avoit lieu de penser qu'elle eust une plus + grande entreprinse que celle là en Escoce, et, si elle l'y + avoit, ce ne seroit à si petites forces qu'elle y entreroit. + + Et de la dicte entreprinse, quant le Roy l'entendroit bien à la + vérité, elle ne pensoit qu'il vollût condampner rien de ce qui, + en semblable occasion de la deffance de ses subjectz, il est très + certain qu'il en feroit davantaige; et bien qu'elle n'eust à s'en + justiffier qu'à Dieu seul, si avoit elle bien vollu qu'il y + intervînt tant de justice qu'elle ne peult estre raysonnablement + blâmée de nul; et que le Roy, son bon frère, ny le Roy + d'Espaigne, duquel je luy avois faict mencion, ny nul aultre + prince du monde ne la garderoient qu'elle n'essayât toutjours + tout ce qu'elle verroit et trouveroit, par conseil, estre + expédiant de fère pour la deffance de son estat, et qu'elle + vouloit bien dire que le debvoir obligeroit plus justement le Roy + de luy ayder à repoulser ses injures, que de maintenir celles que + injustement la Royne d'Escoce luy faisoit; + + Que, quant à la liberté et restablissement de la dicte Dame, + encores que le dangier des choses présentes, et l'espreuve des + passées, et le peu de seureté qu'on pouvoit prendre de ses + promesses, veu ce que son ambassadeur, en parlant d'icelles à + Ledinthon avoit dit: _Quæ in vinculis aguntur, rata non habebo, + et frangenti fidem fides frangatur eidem_; et nonobstant aussi + que la dicte Dame se fût bien fort efforcée de se déclairer + seconde personne de ce royaulme, ce que ne luy estoit loysible de + fère; et que son dict ambassadeur, oultre ses aultres mauvais + offices, eust freschement publié trois livres en ceste matière, + qui touchoient à l'estat et honneur d'elle, et de sa couronne, et + de ses conseillers; et qu'en toutes sortes la Royne d'Escoce + l'eust si mal traictée, et remué tant de choses pernitieuses en + son royaulme, qu'elle eust grand occasion d'estre infinyment + irritée contre elle, et de ne recepvoir aulcun expédiant de sa + part: + + Si, ne reffuzeroit elle toutesfoys d'ouyr et recepvoir les offres + et condicions qu'elle ou le Roy luy vouldroient fère, ainsy que + desjà la dicte Dame et l'évesque de Roz luy en avoient escript, + et luy avoient envoyé des articles assés semblables à d'aultres, + que cy devant l'on luy avoit présentez; et le dict évesque luy + avoit mandé qu'il avoit à luy proposer encores quelque chose + davantaige, de parolle; dont seroit bientost ouy: mais cependant + le Roy ne debvoit trouver mauvais qu'elle poursuyvît la vengeance + des tortz qu'on luy avoit faictz, et néantmoins me prioit de luy + bailler par escript ce que je luy avois proposé de sa part, affin + de pouvoir mieulx dellibérer, et luy en fère, puys après, plus + clayre responce. + + Je luy respondiz seulement qu'elle debvoit prendre de bonne part + ceste grande franchise, dont le Roy usoit envers elle, de luy + ouvrir ainsy clairement son intention; et que, quant bien il ne + luy en eust ainsy parlé, elle n'eust layssé pourtant de penser + qu'il estoit de son honneur et de son debvoir, non seulement de + le dire, mais de le fère ainsy qu'il le diroit; et que ce + n'estoit d'aulcune malle vollonté envers elle, ains d'une notoire + obligation envers la Royne d'Escoce, qu'il estoit contrainct d'en + user ainsy; et qu'il n'en feroit pas moins pour elle, en vertu de + leur commune confédération, si elle et son royaulme estoient en + pareille nécessité, car la loy des aliences portoit de subvenir à + ceulx des alliez qui sont oprimez, voire contre les aultres + propres alliez qui les opriment; + + Que le Roy, pour n'en venir là, desiroit qu'elle mesmes, par le + conseil de sa propre conscience, ou par celluy de son cueur qu'il + estimoit royal et droict, et encores par le conseil de ceulx, qui + plus parfaictement ayment son bien et sa grandeur, vollût adviser + qu'est ce que de ceste pouvre princesse, sa niepce, elle pouvoit + desirer davantaige, de ce qu'elle luy avoit offert; que s'il n'y + couroit ung manifeste dangier de sa conscience, ou de son + honneur, ou de sa vie, ou de la perte de son estat, il + s'asseuroit qu'elle l'accorderoit, et que luy, comme son + principal allyé, non seulement le confirmeroit, mais mettroit + peyne de le luy faire droictement accomplyr; + + Et que je luy voulois bien dire qu'après cecy, si la détention de + la dicte Royne d'Escoce continuoit, et l'invasion de son pays ne + cessoit, que le Roy demeureroit très justiffié envers Dieu et la + dicte Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, et envers toutz les + siens, comme aussi il s'en justiffieroit envers les aultres roys, + et mesmes envers les princes d'Allemaigne, qu'il n'auroit tenu à + luy d'obvier au mal qui pourra advenir, si ses tant raysonnables + offres, sur la liberté et restitution de sa belle soeur, ne sont + acceptées, et qu'il ne luy en debvra estre rien imputé. + + AULTRE INSTRUCTION A PART AU DICT SR DE SABRAN. + + La peur que j'ai heu que la déclaration du Roy à la Royne + d'Angleterre, pour les affères de la Royne d'Escoce, mit les + siens en dangier, m'a tenu en suspens si je la debvois différer, + ou non, jusques après estre bien asseuré de la paix; mais, voyant + que de demeurer sans fère quelque prompte démonstration, sur ce + que l'armée d'Angleterre estoit entrée en Escoce, diminuoit par + trop la réputation du Roy, et luy faisoit perdre les bons + serviteurs qu'il a icy et au dict pays d'Escoce, je ne l'ay + vollue différer; bien ay miz peyne d'user de tout l'artiffice + qu'il m'a esté possible pour garder, qu'en aydant les affères de + la dicte Royne d'Escoce, je n'aye poinct faict de dommaige à + ceulx du Roy; car il est sans doubte qu'ilz se portent mutuelle + faveur, et qu'on respecte les ungs pour l'amour des aultres en + ceste court. + + Et n'a esté sans que aulcuns principaulx seigneurs de ce + royaulme, et l'évesque de Roz avec eulx, n'ayent cuydé monstrer + un grand signe de malcontantement de ce que le secours de France + ne paroissoit desjà en Escoce, et que je ne protestais tout + promptement la guerre, puysque les Anglois avoient commancé + d'entrer en pays, et y fère toutz actes d'hostillité. + + Et disoient, tout hault, qu'il falloit que le Roy cessât d'estre + amy ou des Angloys, ou des Escouçoys, car il ne pouvoit meintenir + l'amytié avecques les deux, et qu'il debvoit bien considérer que + si les seigneurs catholiques de ce royaulme, qui s'estoient + asseurez qu'il favoriseroit et secourroit les affères de la Royne + d'Escoce et les leurs, quand il seroit besoing, n'eussent tenu la + main ferme à la paix d'entre la France et l'Angleterre, qu'il est + très certain que ceulx de l'aultre party eussent fait déclairer + ouvertement la Royne, leur Mestresse, pour ceulx de la Rochelle, + sur la grand instance que les princes protestans d'Allemaigne luy + en faisoient. + + Disoit davantaige le dict évesque de Roz que, si la Royne, sa + Mestresse, vouloit quicter l'alliance de France, il est sans + doubte qu'elle et luy seroient en liberté, et toutz les affères + d'Escoce se porteroient bien; et qu'il est certain que les choses + estoient venues au poinct où l'on les voyoit, d'avoir les comtes + du North prins les armes pour la liberté et restitution d'elle, + et pour l'advancement de la religion catholique, par l'exortation + de nous deux ambassadeurs de France et d'Espaigne; et que + meintennant il n'aparoissoit nul secours du costé de noz + Maistres; ains ceulx qui, soubz leur confiance, s'estoient + déclairés, demeuroient en proye de la Royne d'Angleterre, et + ceulx, qui avoient bonne intention de se déclairer, restoient, à + ceste heure, bien fort descouraigés et intimidez. + + Or, l'office, qu'ilz ont veu que j'ay despuys faict envers la + Royne d'Angleterre a beaucoup rabillé cella, et si, a miz tant de + doubte au cueur de la dicte Dame et tant de contrariété entre + ceulx de son conseil, que, confessans les ungs et les aultres la + déclaration du Roy estre très raysonnable, et fondée au debvoir + qu'il a aulx deux Roynes de vouloir retenir l'amytié de l'une et + subvenir à l'extrême nécessité de l'aultre, il semble que les + choses en viendront à quelque modération. + + Et ayant le dict évesque de Roz, par aulcuns des siens, faict + exorter l'ambassadeur d'Espaigne de concourre avecques moi en ung + semblable office, de la part de son Maistre, envers ceste Royne, + pour la Royne d'Escoce, il s'est excusé de le fère, disant y + avoir assés longtemps qu'il a devers luy une lettre à cest effect + de son dict Maistre pour la Royne d'Angleterre, mais qu'il n'a + jamais peu avoir audience d'elle, comme, à la vérité, il y a dix + sept moys qu'il ne l'a veue, et que de luy fère venir meintennant + ung nouveau ambassadeur sur cest affère, puysqu'elle en a renvoyé + deux de grande qualité, sans quasi les ouyr, qui estoient envoyez + pour les propres affères de son dict Maistre, ny aussi + d'entreprendre de parler pour aultruy, jusques à ce qu'on se sera + accommodé soy mesmes, le duc d'Alve estime qu'il seroit fort + impertinent de le fère. Néantmoins, il donne espérance du + contraire, ainsy que ce pourteur le dira à Leurs Majestez. + + + + +CVIIe DÉPESCHE + +--du XIIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Oratio d'Almarana_.) + + Nouvelles de l'invasion des Anglais en Écosse.--Prise du château + de Humes, dans lequel ils se sont établis.--Nouvelles + d'Allemagne et des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, ce qui est survenu de nouveau au quartier du North et d'Escoce, +despuys le VIIIe de ce moys, que je vous ay mandé, par le Sr de +Sabran, tout ce que, jusques alors, j'en avois aprins, est que la +Royne d'Angleterre, le jour précédant que je luy fisse instance, de +vostre part, de ne fère entrer ses forces en Escoce, ou de les +retirer, si elles y estoient entrées, avoit desjà mandé au comte de +Sussex d'y retourner par la seconde foys, pour y fère le gast; et le +dict comte n'avoit failly de se remettre incontinent en campaigne: +dont, le XXVIe et XXVIIe du passé, il a marché avecques l'armée +jusques au chasteau de Humes, lequel délibérant prendre par force, et +l'ayant faict recognoistre et aprocher le canon, ceulx qui estoient +dedans envyron quatre vingtz hommes, après qu'on a heu seulement tiré +trois coups, se sont randuz, bagues saulves, le XXIXe dudict moys: et +milord de Scrup qui, en mesmes temps, avoit marché plus avant, a esté +encores ceste foys rencontré par les fugitifz anglois, et par aulcuns +Escouçoys qui l'ont chargé, et y a heu ung assés aspre combat; mais il +s'est retiré avec la perte seulement de huict vingtz des siens, et +sans que le dict de Sussex ny luy ayent passé à plus grand exploict. +Après avoir layssé deux centz Anglois dans le dict chasteau de Humes, +ilz s'en sont retournez, le IIe de may, à Barvich, d'où j'entendz, +Sire, que icelluy de Sussex a incontinent dépesché un gentilhomme +devers la Royne, sa Mestresse, sur divers occasions: sçavoir, sur les +difficultez qui se présentoient plus grandes en ceste nouvelle guerre, +qu'on ne les pensoit du commancement; sur le peu de confiance qu'elle +doibt mettre en ces Escouçoys, qui disent estre de son party; sur +avoir suplément de deniers, affin de complyr le nombre d'hommes que +porte sa commission, car ceulx qui, jusques à ceste heure, sont entrez +en Escoce, n'ont esté guières plus de cinq mil hommes et douze centz +chevaulx en tout; et aussi, si la dicte Dame entend de fère razer le +dict chasteau ou bien le tenir; et, au reste, à quoy elle veult que +son armée s'employe le reste de cest esté. + +Sur toutes lesquelles choses l'on m'a dict que, sabmedy dernier, luy a +esté seulement respondu, que la dicte Dame luy gratiffie grandement le +bon debvoir qu'il a faict en ce voyage pour son service, et qu'elle +est après à donner ordre qu'il luy soit bientost envoyé argent et +toutes aultres provisions qui luy font besoing; qu'elle n'est encores +bien résolue du chasteau de Humes qu'est ce qu'elle en fera, mais +qu'il advise cependant de bien entretenir la garnyson qu'il y a mise; +et qu'il ne se haste de lever plus grand nombre de gens de guerre, +mais qu'il dispose si bien ceulx qu'il a avecques luy le long de la +frontière pour la garde d'icelle, qu'on n'y puisse plus retourner fère +les courses, pilleryes et brullement, que par cydevant l'on a faict; +et ne luy ordonne rien davantaige. Je ne sçay si, cy après, elle luy +commandera de rentrer encores pour la troisième foys en Escoce. + +Il est quelques nouvelles que milord de Herys a mandé au dict de +Sussex que ses mauvais déportemens contraindroient enfin les +Escouçoys, à leur grand regrect, d'avoir la guerre à la Royne, sa +Mestresse; et que s'il ne cessoit d'entreprendre en leur pays, que non +seulement ilz se mettraient en debvoir, avec le secours des Françoys +qu'ilz attandoient d'heure en heure, de l'aller combattre, mais aussi +d'entrer et venir bruller plus en avant en Angleterre qu'il n'a faict +en Escoce; et dict on que le dict de Herys et le duc de +Chastellerault, entendans que les comtes de Mar et de Glanquerne +s'estoient assemblez avec le comte de Morthon à Lislebourg, pour +s'aller joindre aulx Angloys, se sont venuz loger avec bonnes forces +sur une rivière, et leur ont empesché le passaige. J'espère que par +ces difficultez, et par la déclaration que Vostre Majesté a faicte +fère à la Royne d'Angleterre, elle se layssera ramener à quelque +meilleure rayson. Le comte de Lenoz, à ce que j'entendz, est demeuré +mallade à Barvich, et le sir Randolf l'y est venu trouver. Je ne sçay +encores s'ilz auront mandement de retourner à Lislebourg. + +La flotte des draps a heu si bon vent qu'elle peult estre meintennant +arrivée à Hembourg, et, au retour des navyres, qui la sont allés +conduyre, nous pourrons entendre quelque nouvelle d'Allemaigne. Cella +m'a l'on confirmé que les lettres de crédit, que ceulx de la nouvelle +religion ont obtenues icy, y ont esté apportées pour être forny de +dellà, jusques à cent cinquante mil escuz, s'il est besoing, ou si les +draps peuvent avoir bonne vante; et que cependant les premiers +cinquante mil escuz, ottroyez despuys le mois de janvier dernier, +seront en toutes sortes payez contant. L'on espère du premier jour la +conclusion de l'accord sur les deniers et merchandises, qui ont esté +mutuellement arrestées icy en Flandres, et ne pensent les Anglois +qu'il y puisse plus intervenir aulcune difficulté pour l'empescher. Il +est vray que l'ambassadeur d'Espaigne m'a dict que les choses n'en +sont encores si près. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour de may 1570. + + + + +CVIIIe DÉPESCHE + +--du XVIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par le Magnifique Donato._) + + Changement survenu dans les résolutions de la reine d'Angleterre, + qui hésite à poursuivre avec vigueur la guerre + d'Écosse.--Espoir de l'ambassadeur qu'elle va consentir enfin + au rétablissement de Marie Stuart.--Nouvelles d'Écosse, de la + Rochelle et des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, ce n'est sans une très grande difficulté, mais non aussi sans +beaucoup d'estime de vostre réputation, qu'il se commance à manifester +quelque effect du bon office, que m'avez commandé de fère icy pour la +Royne d'Escoce; et ne sera encores, comme j'espère, sans quelque +accommodement de voz affères, s'il peult estre conduict à sa +perfection. Il est vray, Sire, qu'il est venu en temps que le feu +estoit le plus allumé, et que la Royne d'Angleterre se sentoit +extrêmement offancée, et que son armée estoit desjà entrée en Escoce; +à l'occasion de quoy le dict office a trouvé de l'obstacle et de +l'empeschement davantaige à estre bien receu. Néantmoins il a esté +proposé tel, et en tel façon, et sur tel rencontre que voycy, Sire, ce +que despuys s'en est ensuyvy: + +Que la Royne d'Angleterre n'a poursuyvy la guerre d'Escoce de la mesme +ardeur qu'elle l'avoit commancée, ainsy que mes précédantes vous l'ont +tesmoigné; qu'elle est entrée en ung grand doubte de son entreprinse, +puysqu'elle vous y voyt opposant, et semble bien, que desjà elle +commance de quicter l'obstinée résolution, qu'on luy avoit faict +prendre, d'en venir à boult par la force, pour dorsenavant s'y +conduyre par ung plus modéré expédiant; que les seigneurs de son +conseil en sont entrez en une grande contention et en manifeste +contradiction entre eulx; que ceulx du bon party ont reprins cueur, +qui est d'aultant diminué aulx autres; finalement, que la dicte Dame +monstre de vouloir meintennant beaulcoup plus entendre à la +restitution qu'à la ruyne de la Royne d'Escoce; et en sont les choses +si avant qu'elles doibvent estre débattues à plain fondz, et +déterminées, à Amthoncourt, mercredy prochain, que le conseil y sera +pour cest effect assemblé, et monstrent les malveuillans de reffouyr +assés la lice, dont les amys se disposent, de tant plus gaillardement, +à bien deffandre la cause qu'ilz voyent, Sire, que avez desjà commance +de la prendre à cueur, et qu'ilz ont grand confiance que vous la +favoriserez de mesmes en tout ce qu'elle aura besoing, cy après, +d'estre aydée de parolle, ou des démonstrations, ou des bons effectz +de Vostre Majesté: car sans cella ilz despèreroient non seulement de +vaincre, mais de pouvoir soubstenir les effortz et l'impétuosité des +aultres. + +Je ne sçay encores, Sire, que me promettre, ny que vous debvoir fère +espérer de l'yssue de ce conseil, veu l'instabilité que j'ay veue et +souvant esprouvée de ceulx qui en sont, et veu les artiffices de ceulx +qui plus possèdent ceste princesse; lesquelz luy ont desjà formé mil +préjudices dans son esprit contre la Royne d'Escoce. Néantmoins, de +tant qu'on m'a adverty assés en général, et sans grande +expéciffication, qu'elle veult, en toutes sortes, prandre expédiant +avecques sa cousine, et veoir comme elle pourra tretter seurement +avec elle des poinctz qui s'ensuyvent: sçavoir; du tiltre de ceste +couronne, d'une ligue et de la religion; je vous suplie très +humblement, Sire, me commander comme j'auray à me conduyre sur toutz +les trois; s'il convient que j'y intervienne au nom de Vostre Majesté; +et aussi comme, et en quelz termes il vous plairra que, au cas que on +veuille interrompre ou prolonger la matière, je poursuyve l'instance, +que j'ay desjà commancée, pour luy donner l'accomplyment que convient +à l'honneur de la parolle et déclaration de Vostre Majesté. + +J'entendz que le lair de Granges, cappitaine du chasteau de +Lislebourg, a esté essayé, par argent et par grandz promesses, de +vouloir prendre le party de la Royne d'Angleterre, mais il a fermement +respondu qu'il sera fidelle jusques à la mort à sa Mestresse; et dict +on que, despuys que l'armée d'Angleterre a heu faict les deux courses +dans l'Escoce, le comte de Morthon et ses adhérans ont esté proclamés +traystres, et rebelles, et autheurs d'avoir introduict les ennemys +dans leur pays. + +Barnabé est revenu despuys trois jours de la Rochelle, lequel monstre, +par ses propos, qu'il a esté jusques au camp des princes. Il confirme +bien fort que la paix se fera, et que Mr l'Admyral la désire; de quoy +aulcuns icy mal affectionnez monstrent n'en estre guières contantz. +Ung des gens du prince d'Orange, après avoir toutz ces jours faict de +grandes sollicitations en ceste court, se prépare de partir pour +Allemaigne. Je ne sçay encores avec quelles expéditions il y va. L'on +dict, touchant les différans des Pays Bas, qu'il y a desjà des +articles accordez sur le faict des deniers et merchandises, et que +bientost doibvent venir des commissaires flamans par deçà, pour +conclurre le tout. Sur ce, etc. + + Ce XVIIe jour de may 1570. + + En fermant la présente l'on m'est venu advertyr que l'abbé de + Domfermelin est arrivé, je ne sçay si cella traversera ce qui est + bien commancé pour la Royne d'Escoce. + + + + +CIXe DÉPESCHE + +--du XXIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Le Tourne._) + + Propositions faites à l'évêque de Ross par le conseil + d'Angleterre pour la restitution de Marie Stuart.--Déclaration + de l'évéque sur les conditions qui lui sont offertes.--Mission + de l'abbé de Dunfermline en Angleterre.--Nouvelles + d'Écosse.--Doutes sur la conclusion de la paix en France; + continuation des emprunts pour la Rochelle.--État de la + négociation dans les Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, le jour que le conseil de la Royne d'Angleterre a esté assemblé +pour dellibérer, devant elle, s'il estoit expédiant ou non qu'elle +entendît à la liberté et restitution de la Royne d'Escoce, de tant que +desjà la dicte Dame estoit aulcunement bien disposée d'y entendre, les +malveuillans n'ont peu empescher que la conclusion ne soit venue à ce +que l'évesque de Roz seroit incontinent mandé pour adviser, avec luy, +comment et à quelles conditions il s'y pourroit moyenner ung bon +accommodement, qui peult estre à l'honneur et à la seurté de la Royne +d'Angleterre, et au commun repoz des deux royaulmes. Sur quoy, estant +le dict sieur évesque appellé, l'on luy a proposé les trois poinctz; +desquelz, en mes précédantes du XVIIe de ce moys, je vous ay faict +mencion: du tiltre de ce royaulme, d'une ligue et de l'establissement +de la nouvelle religion; et y a esté adjouxté celluy que je vous avois +auparavant mandé, de rendre les rebelles; et encores ung cinquiesme, +d'abstenir de tout exploict de guerre entre les deux pays pendant que +aulcuns depputez d'Escoce pourront venir par deçà pour tretter de ces +choses. Mais ce en quoy l'on a le plus incisté au dict sieur évesque a +esté des pleiges et seurtez que sa Mestresse pourra bailler pour +l'accomplissement de ce qu'elle promettra; et si elle sera poinct +contante de mettre son filz et aucuns principaux personnaiges +d'Escoce, comme le duc de Chastellerault, ou ses enfans, ou bien +d'aultres seigneurs, et quelques forteresses ez mains de la Royne +d'Angleterre; et aussi si vous, Sire, vouldrez poinct donner parolle +et bailler ostaiges pour l'entretennement du tretté qui s'en fera, +parce que principallement la dicte Dame desire que vous y soyez +comprins, affin de s'asseurer de la paix avec Vostre Majesté. + +Le dict sieur évesque leur a respondu, en général et bien fort +saigement sellon sa coustume, qu'ilz debvoient demeurer très fermement +et bien persuadez de l'affection et intention de la Royne, sa +Mestresse, qu'elle n'en a nulle plus grande, ny plus certaine dans son +cueur, que de donner à la Royne d'Angleterre, et à toute la noblesse +de son royaulme, le plus grand contantement d'elle et la plus grande +satisfaction sur ses affères qu'il luy sera possible, et qu'ilz ne +veuillent aulcunement doubter qu'elle ne condescende très +libérallement à tout ce que la dicte Royne, sa bonne soeur, et eulx +estimeront estre honneste et raysonnable de luy demander; et, quant +aulx particullaritez, qu'ilz venoient de luy desduyre, de tant que les +unes estoient en la puyssance de sa dicte Mestresse et les aultres +non, et que aulcunes sembloient estre assés aysées, les aultres très +difficiles, il les requéroit, en premier lieu, de luy ottroyer sa +liberté, et, après la liberté, d'en aller conférer avec sa dicte +Mestresse, et puys, permission à elle d'envoyer devers les Estatz de +son royaulme, affin de leur communiquer et leur fère bien recepvoir le +tout, sans lesquelz rien ne pouvoit estre bien légitimement arresté là +dessus. + +Voilà, Sire, l'ouverture qui a esté desjà faicte en cest affère, sur +lequel en celle partie qui deppend de Vostre Majesté, et toutes en +doibvent assés dépendre, il vous plairra me commander comment j'auray +à m'y conduyre, ayant cependant proposé d'ayder, en tout ce qu'il me +sera possible, l'advancement de la matière, et vous advertyr souvent +de ce qui, jour par jour, s'y fera, et puys sur la conclusion d'icelle +suyvre, le plus près que je pourray, ce que Vostre Majesté m'aura +mandé estre de son intention, et convenable à l'honneur de sa couronne +et utilité de son service. Le dict sieur évesque, ouy l'abbé de +Domfermelin, a esté appellé, mais je ne sçay encores ce qu'il a +proposé, ny ce qu'il pourra avoir obtenu, seulement l'on m'a dict +qu'il a fort incisté d'avoir de l'argent. Or, Sire, j'ay sceu +d'ailleurs que sur ce que les comtes de Morthon, de Mar et de +Glancarve, ont mandé au comte de Sussex, qu'il leur vollût promptement +envoyer ung nombre de gens de guerre, affin de conserver l'authorité +du jeune Roy, premier que tout le pays se fût remiz à l'obéyssance de +la Royne d'Escoce, sa mère, parce que le duc de Chastellerault, pour +y trouver moins de difficulté, s'efforceoyt de fère publier que toutes +choses eussent à s'administrer dorsenavant au nom et par l'authorité +d'elle, durant la minorité de son filz, il a esté mandé au dict de +Sussex qu'il ayt à leur envoyer, tout incontinent, deux mille des +meilleurs et mieulx choysiz soldatz de l'armée, soubz la conduicte du +capitaine Drury, mareschal de Barvich; non que sur ceste dellibération +n'y ayt heu beaucoup de débat dans ce conseil, mais enfin il a esté +résolu que ce ne seroit violler ny enfraindre la paix aulx Escouçoys +que d'envoyer du secours à leur Roy, et qu'il falloit ainsy tenir les +choses divisées de dellà jusques à ce qu'elles seroient composées, +icy, avec la Royne d'Escoce. + +J'estime, Sire, que cest affère marchera de mesmes que la paix de +vostre royaulme, car si l'on vous voyt démeslé de la guerre de voz +subjectz, ne fault doubter qu'on ne condescende plus ayséement icy +aulx choses justes et raysonnables que vous vouldrez demander; mais il +semble qu'ilz tiennent pour assés doubteuse la conclusion de la dicte +paix, à cause d'ung discours qui a esté envoyé de la Rochelle sur la +négociation de Mr de Biron avec Messieurs les Princes; et n'ont ceulx +de la nouvelle religion, pour le propos de la dicte paix, layssé de se +pourvoir du plus de crédit de deniers en Allemaigne qu'ilz ont peu; et +desjà y ont envoyé les lettres, ny ne cessent d'y entretenir leurs +pratiques aussi vifves comme si la guerre se debvoit encores +longuement continuer. + +Ceste princesse trouve assés de difficulté à lever l'emprunct de trois +mil privés scelz qu'elle a naguières imposez, et n'entreprend d'user +de grand contraincte en l'exaction d'iceulx, de peur de quelque +nouvelle eslévation. L'on attand l'arrivée de deux commissaires, des +quatre qui estoient allez en Flandres, lesquelz viennent pour tretter +d'aulcuns particulliers faicts qu'on leur a miz en avant, pour en +sçavoir l'intention de leur Mestresse. Ung chacun espère qu'ilz +s'accommoderont quant aulx deniers et merchandises arrestées, mais que +néantmoins le libre commerce d'entre les deux pays demeurera encores +en suspend à cause de certaines difficultez de la religion et de la +jurisdiction, dont ne se peuvent bien accorder. Sur ce, etc. + + Ce XXIIe jour de may 1570. + + + + +CXe DÉPESCHE + +--du XXVIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Bordillon._) + + Discussions dans le conseil d'Angleterre.--Résolution qui a été + prise d'éviter la guerre avec la France.--Mise en liberté de + l'évêque de Ross.--Audience.--Communication donnée à Élisabeth + de l'état des négociations sur la paix en France.--Vive + insistance de l'ambassadeur pour obtenir que les Anglais se + retirent d'Écosse, et que Marie Stuart soit rendue à la + liberté.--Nécessité où se trouve le roi de prendre les armes + pour défendre les Écossais.--Explication donnée par Élisabeth + des motifs qui ont dû la forcer à envahir l'Écosse.--Résolution + du conseil.--_Accord touchant l'Écosse._ Traité conclu, sauf la + ratification du roi, entre l'ambassadeur et la reine + d'Angleterre, contenant les conditions sous lesquelles la reine + consent à retirer son armée d'Écosse, et à négocier la + restitution de Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, despuys la déclaration que Vostre Majesté m'a commandé de fère à +la Royne d'Angleterre touchant la Royne d'Escoce et son royaulme, je +n'ay cessé de la presser bien fort qu'elle y vollût prendre ung +présent expédiant, et voyant que desjà je l'y trouvois ung peu +disposée, j'ay instantment sollicité les amys de ne laysser réfroydir +la matière; lesquels ont tant faict que, nonobstant l'audacieuse +opposition des adversayres, dont les ungs ne se sont peu tenir d'user +de parolles insolentes, et les aultres se sont expressément absentez +pour y cuyder mettre du retardement, le conseil a esté tenu là dessus; +auquel, entre aultres choses, j'entendz qu'il a esté résolu, par +l'opinion de la dicte Dame, plus que par celle de nul des siens, qu'il +falloit en toutes sortes éviter d'avoir la guerre avec Vostre Majesté; +et qu'ayant bien cogneu par mes propos qu'indubitablement l'on y +viendroit, et que mesmes les Françoys seroient bientost en Escoce, si +son armée passoit plus avant en pays, et s'il n'estoit bientost prins +quelque expédiant sur les affères de la Royne d'Escoce, qu'elle +vouloit que, tout présentement, l'on y advisât. + +Sur quoy, ceulx qui nous sont contraires n'ont failly de luy +remonstrer que, pour estre le propos de la paix de vostre royaulme +plus près d'estre rompu que conclud, vous n'aviez garde d'envoyer +meintennant en Escoce les gens qui feroient bien besoing à vostre +propre défance; et que, si vous entrepreniez d'y en envoyer, ainsi que +je le donnois entendre, qu'il failloit qu'elle fît sortir ses navyres, +qui sont toutz pretz, en mer, pour vous empescher, et qu'ilz ne voyent +qu'il y eust encores nulle occasion qui la deubt divertyr de la +première dellibération. + +Les amys, au contraire, prenans fondement sur ce qu'il falloit évitter +d'avoir la guerre avec Vostre Majesté, ont asseuré, par la +cognoissance qu'ilz ont des choses de France, que les Françoys ne +fauldroient d'entrer en Escoce, si vous entendiez, Sire, que les +Anglois y prinsent pied; et que, de jetter leurs navyres dehors, il +fauldroit, s'ilz rencontroient la flotte françoyse, qu'ilz la +combatissent, et que la guerre se commenceroit trop plus ouvertement +en ceste sorte contre la France, que quant les Françoys seroient +descendu en Escoce, lesquelz ne seroient lors prins que pour +auxiliaires: mais que le meilleur estoit qu'elle commençât de tretter +avec l'évesque de Roz et avec moy de quelque bon accommodement là +dessus. + +Laquelle opinion ayant prévalu, l'évesque de Roz a esté, le deuxiesme +jour après, appellé, avec lequel ceulx de ce conseil ont entamé les +choses que je vous ay escriptes le XXIIe de ce moys; et despuys, sa +liberté luy a esté ottroyée: bien que la dicte Dame ne luy a encores +permiz de parler à elle. Et par mesme moyen elle avoit advisé que je +serois mandé, mais les adversaires l'en divertirent, sur quelque +poinct de réputation, qu'ilz lui représentoient, qu'il valloit mieux +attandre l'ocasion que je y vinse de moy mesmes; et luy célébrèrent +cependant bien fort la ropture de la paix, et mesmes firent que, sur +la confirmation de ce que Mr Norrys en avoit escript, Mr le cardinal +de Chatillon fut convyé en court, qui disna avec la dicte Dame; mais +le lendemain je vins devers elle, et ne volluz, pour aulcuns respectz, +lui monstrer les articles que Vostre Majesté m'avoit envoyez des +dernières offres faictes aulx depputez, mais pour luy oster l'opinion +que le propos de la dicte paix fût rompu, et pour remédier les choses +qui pressoient en Escoce, je luy diz que, vous ayant la Royne de +Navarre et les Princes, ses filz et nepveu, faict fère des +supplications et requestes plus amples que ne portoient les premiers +articles que leur aviez accordez, et ayant Vostre Majesté miz en +considération les infinys maulx que vostre royaulme, despuys dix ans, +a quasi continuellement souffertz par les horribles guerres, que ces +troubles ont produicts; que, pour obvier à plus grandz inconvénians, +vous aviez bien vollu condescendre à la pluspart de leurs dictes +requestes, et me commandiez de luy dire que vous vous estiez de tant +plus eslargy envers eulx, que vous vouliez qu'il aparust au monde, et +nomméement à la dicte Dame, comme aussi Dieu vous estoit tesmoing, que +vous n'aviez nulle chose plus à cueur que de réunyr toutz voz subjectz +en bonne amytié, et esgallement trestoutz les conserver; et qu'en ce +que leur aviez ottroyé de nouveau y avoit tant de quoy se contanter +pour l'exercisse de leur religion, pour l'accommodement de leurs +affères, et pour la seureté de leurs personnes, sans aparance aulcune +de deffiance à jamais, que vous ne pensiez qu'ilz se peussent tant +oublyer qu'aussitost que messieurs de Biron et de Malassize le leur +auront faict entendre, qu'ilz ne l'acceptent; qui sont deux de vostre +conseil que Vostre Majesté a renvoyé devers eulx pour en sçavoir la +résolution; et que faisant, de rechef, ung bien exprès office de +mercyement envers elle pour la bonne affection qu'elle a monstré avoir +à la paciffication de vostre royaulme, je la requisse, de vostre part, +de deux choses, lesquelles elle estoit tenue de vous accorder: la +première, que, si par ces grandes et plus que raysonnables offres, il +advenoyt qu'il ne fût besoing que Vostre Majesté lui donnast la peyne +de se travailler à les leur fère recepvoir, ains que d'eulx mesmes ilz +se disposent d'humblement les accepter, qu'il luy playse néantmoins +vous garder bien entière ceste sienne bonne vollonté, laquelle, ou +soit que vous ayez la paix, ou qu'il vous faille continuer la guerre, +vous l'estimerez très utille, ainsy que l'avez toutjour estimée très +honnorable pour vous; la seconde, que, s'ilz estoient si obstinez +qu'ilz ne s'en vollussent aulcunement contanter, ains vollussent +persévérer en leur viollente entreprinse, qu'elle veuille ainsy juger +d'eulx comme de gens qui aspirent, et néantmoins sont bien loing +d'abattre l'authorité de leur Roy et prince naturel; et qu'elle les +veuille tout aussitost déclairer non seulement indignes de sa faveur +et protection, mais très dignes qu'ilz soyent poursuyviz et réprimez +par les justes armes et d'elle et de toutz les honnorables princes qui +vivent aujourd'huy au monde. + +La dicte Dame, d'ung visaige fort joyeulx et contant, après plusieurs +mercyemens de la privée communication, que luy faisiez de voz affères, +m'a dict que les choses, à ce qu'elle voyoit, estoient en meilleurs +termes qu'on ne le luy avoit dict, et qu'elle desiroit toutjour que la +fin s'en ensuyvyst sellon le bien et repos de vostre royaulme; et +qu'elle pensoit bien qu'il pouvoit y avoir des considérations que, +possible, Vostre Majesté estimoit toucher et à sa réputation, et au +debvoir de ses subjectz, qu'ilz acceptassent d'eulx mesmes vos offres, +sans y estre induictz par la persuasion de nul autre prince, ce +qu'elle sera très ayse qu'il puisse ainsy advenir; mais si, +d'advanture, il y intervient aulcune difficulté, qu'elle vous +réservera toutjour ceste vollonté et affection qu'elle vous a offerte +pour s'y employer à toutes les heures, que vous cognoistrez qu'il en +sera besoing, avec aultant de désir de vous y conserver les +avantaiges, qui vous sont deuz, comme si elle avoit l'honneur que vous +fussiez son propre filz. + +Sur lequel propos je l'ay layssée assés discourir, et estant peu à peu +venue d'elle mesmes à parler de la bonne affection que vous monstrez +luy porter, j'ay suyvy à luy dire que c'est ce qui vous faisoit plus +de mal au cueur, qu'estant vostre dellibération de persévérer +constantment en son amytié, vous ne pouviez toutesfoys estre jamais +bien ouy d'elle sur les affères de la Royne d'Escoce, et que vous +vouliez bien dire que c'estoit, par grand force et à vostre très grand +regrect, que vous estiez contrainct d'avoir là dessus différant avec +elle, et que vous estiez hors de toute coulpe de l'altération qui en +pourroit venir entre vous, et des maulx qui s'en pourroient ensuyvre +au monde; qu'ayant Vostre Majesté, despuys l'aultre foys que j'avois +parlé à la dicte Dame, entendu ce qui avoit succédé en Escoce, vous me +commandiez de luy dire que, désormais, vous aviez, de vostre part, +satisfaict à toutz les debvoirs et paysibles offices, en quoy vous +pouviez estre obligé envers son amytié; d'avoir premièrement exorté la +Royne d'Escoce de luy donner tout le contantement d'elle et toute la +satisfaction sur ses affères, et luy réparer, à son pouvoir, toutes +les affères qu'elle luy pourroit redemander; et puys à elle, de +vouloir condescendre à telles raysonnables condicions envers la dicte +Dame, pour sa liberté et restitution, comme elle mesmes pourroit juger +estre honorables, advantaigeuses et bien seures pour elle et pour sa +couronne, non toutesfoys esloignées de l'honnesteté et modération qui +doibt estre gardée entre telles princesses, avec offre que vous les +feriez accomplyr; dont estimiez que, non seulement il vous estoit +meintennant faict tort d'estre rejetté et reffuzé là dessus, mais +encores grand injure, de ce que, sans respect de voz offres et +remonstrances, elle avoit commencé de procéder par la force, de fère +le gast, de brusler, de raser les maysons des gentishommes et usé de +toutes voyes d'hostillité dans l'Escoce; que pourtant, oultre ce que +je luy avois dict, par voz lettres du XIIe d'avril, je n'obliasse +rien de ce que je verroys par voz présentes, du IIIIe de may, estre +de vostre intention de prier et exorter la dicte Dame qu'au nom de +vostre commune amytié, et de la paix, alliance et confédération +d'entre Voz Majestez et vos couronnes, elle vollust retirer ses forces +hors du dict pays et n'en y plus envoyer; et que je vous résolusse +promptement de ce qu'en aurez à espérer, et en quelle vollonté je +pouvois cognoistre qu'elle estoit meintennant envers la liberté et +restitution de la Royne d'Escoce, parce que, allantz ses affères de +mal en piz, vous commandez de cognoistre qu'il vous falloit désormais +prendre les dilays, dont l'on luy usoit, pour manifestes reffuz; et +que vous me tanciez bien fort de quoy je vous avois longuement +entretenu sur les bonnes parolles de la dicte Dame; et qu'en lieu de +la modération que je vous avois promiz d'elle envers la Royne +d'Escoce, vous voyez qu'il n'avoit succédé qu'ung grand commancement +de guerre; que meintennant elle me mettoit encores en une plus grand +peyne commant vous pouvoir satisfaire sur ce que, de nouveau, j'avois +entendu qu'elle avoit envoyé deux mille harquebouziers au comte de +Morthon jusques à Lislebourg; en quoy je la prioys de considérer que, +puysqu'elle avoit ainsy baillé son secours aulx ennemys de la Royne +d'Escoce, avec lesquelz elle n'a nulle confédération, que vous +estimeriez vous estre beaucoup plus loysible de bailler le vostre aulx +amys de la dicte Dame, laquelle vous estoit très estroictement alyée; +et que je ne sçavois si desjà il y avoit des compaignies embarquées, +et que pourtant je luy voulois bien fère, de rechef, la mesmes +instance que dessus de vouloir retirer ses dictes forces affin de ne +vous contraindre d'user de plus grandz, extraordinaires et violantz +remèdes, que vous ne vouliez essayer en choses qu'ussiez jamais à +démeller avec elle. + +La dicte Dame, se trouvant en grand perplexité de ce propos, m'a +respondu que, despuys ma précédante audience, elle avoit toutjour +estimé que son armée seroit retirée à Barvyc, et me pouvoit jurer que +de ceste segonde entreprinse il n'y avoit que vingt quatre heures +qu'elle en avoit receu l'advis par le comte de Sussex; qui luy mandoit +qu'il avoit esté contrainct d'en user ainsy, parce que le duc de +Chastellerault avoit retiré les rebelles d'Angleterre, et les avoit +introduictz au propre conseil d'Escoce, et ne luy avoit jamais vollu +fère aulcune bonne responce, ou de les randre, ou de les habandonner; +et que pourtant vous, Sire, ne debviez trouver mauvais qu'elle +poursuyvît par dellà une entreprinse qui touchoit tant à son honneur. + +Je luy ay toutjour grandement incisté de retirer ses dictes forces, et +qu'au reste elle poursuyvyst la reddition de ses dicts rebelles par +une aultre meilleure sorte de quelque honneste traicté avec la dicte +Royne d'Escoce; sur quoy elle m'a bien dict beaucoup de bonnes +parolles, mais non qu'elle ne l'ayt ainsy lors vollu accorder: de quoy +estant sur l'heure entré en conférence avec les seigneurs de son +conseil, avec remonstrance des inconvénians qui s'en pourroit +eusuyvre, j'ay esté, le jour après, contremandé de la dicte Dame pour +me trouver de rechef avec eulx; avec lesquelz j'ay enfin arresté les +choses que Vostre Majesté verra par ung mémoire à part, lesquelles +m'ont esté après confirmées par la dicte Dame; et Vostre Majesté +aussi, s'il luy playt, les confirmera: et je mettray peyne qu'il en +sorte quelque bon effect, bien que j'entendz, Sire, que, nonobstant +cella, la dicte Dame a ordonné sortir promptement six de ses grandz +navyres, avec douze centz hommes dessus, pour garder la mer; par ce, à +mon adviz, que son ambassadeur l'a certainement advertye qu'il y a des +gens toutz prestz en Bretaigne pour passer en Escoce; et elle +vouldroit bien que ceste démonstration les retînt. Sur ce, etc. Ce +XXVIIe jour de may 1570. + + CERTEIN ACCORD FAICT AVEC LA ROYNE D'ANGLETERRE et avec les + seigneurs de son conseille touchant les choses d'Escoce, du dict + jour. + + L'ambassadeur de France a dict à la Royne d'Angleterre que le + Roy, son Maistre, la prie et l'exorte, au nom de leur commune + amytié et de la bonne paix, alliance et confédération, qui est + entre eulx et leurs couronnes, qu'elle veuille retirer ses forces + hors d'Escoce, et n'en y envoyer plus d'aultres; et que le Roy, + son dict Maistre, luy commande de le résouldre promptement en + quoy il en doibt demourer, et en quoy il doibt demeurer de + l'intention qu'il peult cognoistre qu'a meintennant la dicte + Royne d'Angleterre vers la liberté et restitution de la Royne + d'Escoce, parce que, voyant aller les affères de la dicte Dame + toujours de mal en piz, il commance désormais de prendre les + dilays, qu'on use vers elle, pour manifestes reffuz; + + Et que nul ne doibt trouver estrange, s'il prend ainsy à cueur + ceste matière; car il y va, d'ung costé, de la conservation de + l'amytié de la dicte Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, qui est + une chose qu'il estime estre de grande conséquence pour luy et + d'une grande importance pour son royaulme; et, de l'aultre, de la + protection et deffance de la Royne d'Escoce, sa belle soeur, de + laquelle il n'y a celluy qui ne voye combien il touche à sa + réputation et à l'honneur de sa couronne, et combien il est + abstraint par grandes obligations de nullement l'abandonner. + + Sur quoy la dicte Royne d'Angleterre, ayant faict aucunes + responces sur l'heure au dict ambassadeur, elle luy a, le jour + d'après, faict dire par les seigneurs de son conseil, et encores + despuys elle mesmes le luy a confirmé de sa parolle, que, pour + satisfère au désir du Roy, son bon frère, elle trouve bon qu'il + soit envoyé ung gentilhomme de qualité devers le duc de + Chastellerault et devers ces aultres seigneurs Escouçoys, qui + tiennent le party de la Royne d'Escoce, pour leur dire que, s'ilz + veulent rendre les fugitifz d'Angleterre ou bien les habandonner, + ou bien les retenir pour en rendre tel compte, comme sera porté + par le tretté qui se fera entre elle et la Royne d'Escoce, + qu'elle est contante de retirer toutes ses forces hors du dict + pays d'Escoce; + + Et, en ce que le dict duc de Chastellerault et les siens, et + pareillement le comte de Morthon et ceulx de son party, se + désarmeront d'ung costé et d'aultre, et que toute hostillité + cessera dans le dict pays et entre les deux royaulmes + d'Angleterre et d'Escoce; + + A la charge aussi que, si le Roy, avant que ces choses soient + acomplyes, avoit de sa part desjà envoyé ou faict passer de ses + forces en Escoce, la dicte Dame ne veult estre tenue d'observer + ce dessus, sinon que le dict Roy Très Chrestien les vollût + révoquer, auquel cas elle révoquera pareillement les siens; + + Et que Mr l'évesque de Roz nommera à Me Cecille le gentilhomme + que la Royne, sa Mestresse, vouldra, pour cest effect, envoyer en + Escoce, affin de luy bailler saufconduict, et en donner adviz à + Mr le comte de Sussex, devers lequel il passera, et auquel sieur + comte la dicte Royne d'Angleterre mandera d'acomplyr ceste sienne + intention, aussitost qu'il aura sceu celle du susdict duc de + Chastellerault; + + Et que, par le dict ambassadeur de France et par l'évesque de + Roz, seront baillées au gentilhomme qui yra en Escoce leurs + lettres, servans à l'accomplissement de cest affère. + + Et, quant à la liberté et restitution de la dicte Royne d'Escoce, + la dicte Royne d'Angleterre promect que, aussitost qu'elle aura + receu la responce, que la dicte Royne d'Escoce luy vouldra fère + sur les choses, qui naguières ont été trettées par son + ambassadeur, l'évesque de Roz, avec les seigneurs de ce conseil, + qu'elle y procédera avec tant de dilligence qu'elle veult bien + que le Roy Très Chrestien, son bon frère, demeure juge que plus + dilligentment il n'y pourroit estre procédé; et ainsy l'a elle + confirmé et asseuré au dict sieur ambassadeur, en parolle de + Royne et de princesse chrestienne pleyne de foy et de toute + vérité; + + Que, suyvant les choses susdictes le dict ambassadeur escripra au + Roy, son Seigneur, de ne vouloir envoyer de ses forces en Escoce, + ou, s'il y en avoit desjà envoyé quelques unes, qu'il les veuille + tout incontinent révoquer. + + + + +CXIe DÉPESCHE + +--du Ier jour de juing 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._) + + Efforts de l'abbé de Dunfermline pour arrêter l'exécution du + traité conclu.--Nouvelles d'Écosse.--Armemens faits en + Angleterre.--Exécution des Northon à Londres.--Espoir que le + duc de Norfolk sera bientôt rendu à la liberté.--Nouvelles de + la Rochelle et des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, ceulx qui sont promptz de nuyre toutjour à la Royne d'Escoce, +voyantz que la négociation que je faisois pour elle commançoyt de +succéder, se sont esforcez d'introduyre l'abbé de Domfermelin pour m'y +donner empeschement; lequel, n'ayant aporté qu'une simple lettre à la +Royne d'Angleterre pour créance, ni pour toute aultre sienne +instruction qu'ung seul blanc de ceulx qui l'ont envoyé, affin d'estre +remply icy par l'adviz de deux de ce conseil, il a vifvement incisté à +la dicte Dame, que, suyvant sa vertueuse dellibération et ses +promesses, elle vollût recepvoir le jeune Roy d'Escoce en sa +protection et le deffandre de la main meurtrière, qui naguières a +faict mourir le père, et bientost après l'oncle; et que meintennant +elle veuille, par son authorité ou par ses forces, fère aprouver les +décrectz qui, durant le gouvernement du dict oncle, ont esté faictz, +tant en faveur du dict jeune Roy que pour l'establissement de la +nouvelle religion en son royaulme; et qu'à cest effect elle envoye +réprimer les Amilthons, lesquels s'esforcent d'infirmer deux si bonnes +causes, et sont proprement ceulx qui ont receu ses rebelles; et qu'au +contraire elle haste son secours à ceulx qui soubstiennent l'une et +l'aultre, qui n'ont onques consenty de les recepvoir; et que beaucoup +d'honneur et de réputation à elle, grande seureté à son estat et +couronne, perpétuel establissement en la religion par toute ceste +isle, et ung très grand proffict et accommodement en toutz ses affères +s'en ensuyvra, sans que, en l'exécution d'une si glorieuse et utille +entreprinse, il s'y voye aulcun dangier, et bien fort peu de +difficulté. Nonobstant lesquelz artiffices, la dicte Dame n'a layssé +de fère confirmer, par le marquis de Norampton et par le comte de +Lestre, à l'évesque de Roz, les mesmes choses qu'elle m'avoit +accordées et qui estoient arrestées entre nous; dont sommes après à +les effectuer. Et cependant est arrivée la responce de la Royne +d'Escoce, sur les ouvertures que ceulx de ce conseil avoient naguières +faictes au dict évesque, lequel a demandé là dessus audience de la +dicte Royne d'Angleterre, qui ne la luy a reffuzée; et aussitost que +j'auray entendu ce qu'y sera tretté, je ne fauldray d'en donner adviz +à Vostre Majesté. + +J'entendz que les Anglois, qu'on a envoyez au comte de Morthon, sont +arrivez à Lislebourg sans aulcun rencontre et qu'ilz se tiennent là +sans fère grandz actes d'hostillité, et que le chasteau de Lislebourg +ne respond rien à la ville, seulement les lairs de Granges et +Ledinthon se tiennent dedans avec quelques aultres Escouçoys, qu'ilz y +ont miz de renfort; que le duc de Chastellerault est à Glasco, avec +bonne troupe des siens, lequel soubstient fermement l'authorité de la +Royne, sa Mestresse; et que les comtes d'Arguil et d'Honteley s'en +sont retournez pour s'establyr de mesmes en leurs quartiers. Quant à +l'aprest des six navyres de ceste Royne, il se continue, et de deux +davantaige, qui sont huict en tout des plus grandz, pour les fère +sortir en mer du premier jour avec deux mil hommes, si ne trouvons +moyen de les arrester; mais j'y feray tout ce qu'il me sera possible. + +Vendredy dernier estantz trois gentishommes de bonne qualité du North, +qui s'apelloient les Northons, condampnez à mort comme coulpables de +la dernière ellévation, ainsy qu'on les tiroit de la Tour pour les +mener au suplice, le secrétaire Cecille survint en dilligence, qui fyt +surceoyr l'exécution, et parla à eux, et estime l'on qu'il espéroit +trouver en leur dernière déposition quelque vériffication contre la +Royne d'Escoce, et contre le duc de Norfolc, mais ilz n'ont rien dict: +et le lendemain les deux ont esté exécutez. Il semble qu'il se +commance d'ouvrir des expédians pour la liberté du dict duc, auquel +trois de ce conseil sont desjà ordonnez pour aller après demain parler +à luy; et son filz aysné, le comte de Sureth, est arrivé despuys huict +jours, qui est venu trouver le comte d'Arondel son grand père +maternel. Quelcun a bien osé entreprendre d'aposer sur la porte de +l'évesque de Londres une bulle du Pape[6] contre la Royne +d'Angleterre, mais on l'a incontinent ostée, et faict on grand +dilligence de descouvrir d'où elle est venue; mais pour donner +entendre au peuple que c'est quelque aultre chose, l'on a imprimé un +aultre placart. + + [6] Cette bulle, en date du 25 février 1570, déclarait Elisabeth + hérétique et schismatique, et relevait ses sujets du serment + d'obéissance. La publication qui en fut faite à Londres causa le + supplice de Felton, mis à mort le 8 août suivant. Elle est + rapportée en entier par CAMDEN, _année_ 1570. + +L'on commance, despuys ma dernière audience, d'avoir quelque meilleure +espérance de la conclusion de la paix de vostre royaulme qu'on ne +faisoit; et aussi ung certain messagier, qui est naguière venu de la +Rochelle, semble le confirmer, bien qu'on dict qu'il a esté long temps +en mer. Je mettray peyne d'entendre ce qu'on publiera de la dépesche +qu'il aporte, et d'une aultre qui est freschement arrivée du comte +Pallatin, pour vous donner adviz de toutes deux par mes premières. Les +depputez de ceste ville, qui sont revenuz de Flandres, ont esté desjà +ouys de leur Royne, et puys en son conseil; ilz ont remonstré les +difficultez qui s'offrent encores sur le faict de ces deniers et +merchandises arrestées, et a esté remiz de leur fère responce d'icy à +huict jours, à cause des affères d'Escoce; ce qui me faict juger que, +sellon qu'ilz pourront accommoder les ungs, ilz vouldront reigler les +aultres. Tant y a qu'ilz pensent que, pour le bon succez que le Roy +d'Espaigne commance d'avoir contre les Mores, le duc d'Alve se rend +meintennant plus difficile à cest accord. Sur ce, etc. Ce Ier jour de +juing 1570. + + + + +CXIIe DÉPESCHE + +--du Ve jour de juing 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Nycolas de Le Poille._) + + Hésitation du conseil d'Angleterre à assurer l'exécution du + traité conclu.--Résolution prise par la reine de le + maintenir.--Audience accordée par Élisabeth à l'évêque de Ross. + + + AU ROI. + +Sire, premier que le comte de Sussex ayt sceu, ou au moins premier +qu'il ayt peu fère sçavoir au capitaine Drury à Lislebourg, l'accord +d'entre la Royne d'Angleterre et moy, touchant retirer les Anglois +hors d'Escoce, icelluy Drury avoit desjà envoyé sommer le duc de +Chastellerault et ceulx de son party, qui estoient au siège de Glasco, +de luy randre les fugitifz d'Angleterre, ou bien de les habandonner, +et surtout de luy donner parolle de ne recepvoir aulcuns estrangiers +dans le pays. A quoy luy estant baillé pour responce par le secrétaire +Ledinthon, qui eut charge de la luy fère, qu'ilz n'estoient prestz ny +de randre les fugitifz, ny de reffuzer aulcun secours estrangier, +ains, si les Françoys ne venoient bientost que luy mesmes les yroit +quéryr, le dict Drury avec ses Anglois, et le comte de Morthon avec un +nombre d'Escouçoys du contraire party, ont marché jusques au dict +Glasco, là, où ne les ayant le dict duc attanduz, ilz ont estimé +qu'ilz pourroient exécuter d'aultres plus grandes entreprinses, s'ilz +passoient plus avant vers Dombertran. Mais estant, sur ce poinct, +arrivé au dict de Sussex l'advertissement de l'accord, il l'a +incontinent envoyé notiffier au dict Drury, affin d'arrester son +progrès; et néantmoins parce que, par une dépesche du mesme jour, il a +escrit à sa Mestresse que les siens avoient commancé de bien fère à +Glasco, et que despuys ilz s'estoient acheminez à Dombertrand, et +qu'en mesmes temps ce que je vous ay mandé, Sire, de la bulle du Pape +estoit advenu, et aussi que de France l'on mandoit y avoir plus grande +aparance de guerre que de paix, la dicte Dame a cuydé délaysser toutz +nos bons propos d'accord pour retourner à celluy, qu'elle avoit +auparavant, de continuer la guerre en Escoce; mais j'avois desjà sa +promesse si expresse du contraire, et le fondement avoit esté miz si +bon aulx bonnes dellibérations; que les mauvais n'ont peu, pour ce +coup, remettre sur les mauvaises, dont avons tant faict qu'il a esté +résolument escript au dict de Sussex d'acomplyr icelluy accord, quant +de l'aultre costé l'on l'accomplyra. Bien luy a esté mandé qu'il ayt à +entretenir toutjours ses troupes en estat de la frontière, de peur de +la descente des Françoys, comme de mesmes a esté ordonné icy que, +pour encores, les grandz navyres ne partent point, mais que, pour la +mesmes peur du passaige des Françoys, l'on les tiegne toutz prestz à +la voyle; et les seigneurs de ce conseil ont mandé à l'évesque de Roz +et à moy qu'on avoit desjà bien advancé de satisfère de leur part aulx +choses promises, et qu'à nous touchoit meintennant de dilligenter +l'exécution du surplus. + +Cependant le dict évesque a esté admiz à la présance de la dicte Dame, +laquelle toutesfoys ne l'a receu sinon cérémonieusement et assés +sévèrement, en présence de ceulx de son conseil, à cause des +souspeçons auparavant conceues contre luy; mais après qu'en se +purgeant fort honnorablement, il a heu tout librement confessé qu'il +avoit une seule foys, et non plus, ouy ung messaige du comte de +Northomberland, qui luy offroit de mettre la Royne sa Mestresse en +liberté, et de la ramener en son royaulme, pourveu qu'on luy fornyst +de l'argent, auquel il avoit respondu que sa Mestresse ne vouloit +partir d'Angleterre sans le gré et bonne grâce de la Royne sa bonne +soeur, ny elle n'avoit point d'argent pour luy envoyer; et qu'il a eu +offert qu'au cas qu'il se peult jamais vériffier nulle aultre pratique +contre luy avec ceulx du North, qu'il renonçoyt à toutz ses privilèges +d'ambassadeur, d'évesque, et d'estrangier, et de son saufconduict, +pour se soubzmettre aulx extrêmes punitions des plus rigoureuses loix +de ce royaulme, la dicte Dame a monstré qu'elle en demeuroit +satisfaicte; et l'ayant tiré à part, a receu fort humainement de ses +mains les lettres que la Royne d'Escoce luy escripvoit, et a commancé +de tretter privéement et fort familièrement sur icelles avec luy, de +sorte que, se raportant ceste négociation aulx miennes trois +précédantes, ung chacun juge que la chose s'en va si bien acheminée, +qu'il s'en peult espérer ung assés prochain et assés bon succez. + +Je mettray peyne, Sire, de vous expéciffier par mes premières les +poinctz et particullaritez où l'on en est meintennant, et adjouxteray +seulement icy que les seigneurs du dict conseil sont en ceste ville +pour adviser de quelque expédiant avecques les marchantz, touchant +l'accommodement des différandz des Pays Bas; et aussi pour veoir comme +il faudra procéder sur le faict de la bulle du Pape, ayant esté +l'adviz d'aulcuns qu'on debvoit purger et examiner par sèrement là +dessus les principaulx Catholiques de ce royaulme, et procéder tout +incontinent contre ceulx qui se trouveront ou coulpables, ou attainctz +du faict, par la rigueur des loix mareschalles[7], qui portent +condempnation de mort sans figure de procès; mais j'entendz que la +prudence de la dicte Dame ne leur a acquiescé, laquelle ne s'est +vollue esloigner des conseilz des modérez, qui la persuadent de +n'offancer les Catholiques qui luy sont obéyssantz. Sur ce, etc. + + Ce Ve jour de juing 1570. + + [7] C'est-à-dire, les _lois martiales_. Voyez DU CANGE au mot + _Marescalcialis_, tom. IV, col. 543. + + + + +CXIIIe DÉPESCHE + +--du XIe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal._) + + L'Évêque de Ross mis en entière liberté.--Négociation pour le + rétablissement de Marie Stuart; conditions proposées par + Élisabeth.--Espoir de l'ambassadeur que le traité pourra se + conclure prochainement, et demande d'instruction à ce + sujet.--Même espoir que la liberté sera bientôt rendue au duc + de Norfolk; chefs d'accusation sur lesquels il a été tenu de + s'expliquer.--Affaires des Pays-Bas; grand armement fait en + Angleterre, où l'on craint une entreprise de la part du duc + d'Albe.--_Mémoire._ Conditions que l'on dit être offertes par + la reine de Navarre pour la pacification de France.--Affaires + d'Écosse.--État de la négociation dans les + Pays-Bas.--Sollicitations faites auprès d'Élisabeth pour + obtenir la liberté du duc de Norfolk.--_Mémoire secret._ + Détails circonstanciés de toutes les discussions qui ont + déterminé le conseil d'Angleterre à se déclarer pour le + maintien de la paix avec la France.--Intrigue de ceux du parti + contraire, afin d'empêcher cette décision. + + + AU ROY. + +Sire, pour s'aquitter la Royne d'Angleterre de la parolle, qu'elle +m'avoit donnée, qu'aussitost qu'elle auroit receu une responce, +qu'elle attandoit de la Royne d'Escoce, elle procèderoit au faict de +sa restitution avec tant de dilligence, que Vostre Majesté jugeroit +qu'avec plus grande ne se pourroit fère, elle a desjà fort amplement +traitté, avec Mr l'évesque de Roz, des moyens et expédians qu'elle +veult estre suyviz en cella, et des seuretez et condicions qu'elle +désire luy estre gardées. A quoy le sieur évesque ne luy a contradict +en rien, ny ne luy a rien reffuzé; mais luy ayant monstre les choses +qui en cella se pourroient trouver facilles ou difficiles, elle a +monstré de ne se restraindre tant aulx plus difficiles, qu'elle ne se +veuille bien accommoder à celles qui seront en la puyssance de la +Royne d'Escoce d'acomplyr; et ainsy elle a ottroyé au dict sieur +évesque sa pleyne liberté, avec licence d'aller conférer librement +avec sa Mestresse; lequel desjà l'est allée trouver, et a emporté ung +bien ample saufconduict pour envoyer les sires de Leviston ou de +Bethon en Escoce, affin d'exécuter ce qui a esté arresté, entre la +dicte Dame et moy, de retirer les siens hors du pays. + +J'estime, Sire, que le dict évesque de Roz aura escript toute sa +dernière négociation à Mr l'archevesque de Glasco pour la fère +entendre à Vostre Majesté, qui sera cause que je ne vous toucheray icy +les particularitez d'icelle sinon en ce qu'il a semblé que la dicte +Dame vouloit fort incister d'avoir le Prince d'Escoce en ses mains; et +qu'il fût envoyé par Vostre Majesté aulcuns des parans de la Royne +d'Escoce à estre icy quelque temps ostaiges, pour l'observance des +choses qui seront promises; et que la ligue se conclût offancive et +deffancive entre l'Angleterre et l'Escoce. Mais j'espère, Sire, +qu'elle se contantera à moins; et affin que aulcune longueur n'y +puysse venir de nostre costé, le dict sieur évesque m'a très +expressément requis de suplier très humblement Vostre Majesté qu'il +vous playse m'envoyer, par ce mesme gentilhomme présent porteur, ung +pouvoir ample pour assister en vostre nom au traitté qui se fera; +lequel, pendant que les choses se monstrent en assés bonne +disposition, il estime estre très nécessaire de conclurre sans délay, +ou aultrement il y courra ung manifeste dangier d'en perdre pour +jamais l'occasion. Mais, par mesme moyen, il sera vostre bon playsir, +Sire, de m'envoyer une particulière instruction des poinctz où vous +desirez que cest affère se réduise pour vostre service, affin que +vostre intention soit (s'il m'est possible) toute la règle de ce qui +s'y fera. + +Les affères du duc de Norfolc semblent prendre ung mesme acheminement +que ceulx de la Royne d'Escoce, car la Royne, sa Mestresse, a enfin +envoyé deux de son conseil parler à luy, qui ne luy ont touché que +cinq poinctz; sçavoir: celluy de son mariage avec la Royne d'Escoce, +comme est ce qu'il l'avoit ozé pratiquer sans le sceu de sa Mestresse; +celluy d'une lettre qu'il avoit escripte au comte de Mora, où il +disoit avoir passé si avant au mariage qu'il ne pouvoit avec son +honneur et conscience s'en retirer; le troizième, s'il ne s'en vouloit +point despartyr maintennant, sans jamais y entendre, sinon avec le +congé de la dicte Royne sa Mestresse; le quatriesme estoit de la +religion, comme souffroit il que toutz ses principaulx officiers et +serviteurs fussent ou déclairez ou suspectz Catholiques; et le +cinquiesme, quelle seurté vouloit il donner à la Royne sa Mestresse de +luy demeurer à jamais fidelle et obéyssant subject et serviteur. A +toutes lesquelles choses j'entendz qu'il a si bien et sagement +respondu que la dicte Dame en est assés satisfaicte; et s'espère qu'il +sera remiz, du premier jour, en sa mayson de ceste ville, mais encores +soubz quelque garde, pour quelques jours. + +L'espérance de la paix de vostre royaulme ayde grandement à +l'advancement des affères de l'ung et de l'aultre, et estime l'on que, +succédant icelle, tout yra bien pour eulx; mais aussi, si elle ne se +conclud, aulcuns ont opinion que cecy n'aura esté qu'une aparance pour +pouvoir passer l'esté sans trouble, et qu'ilz tremperont encores cest +yver en leurs accoustumées prysons. + +J'entendz que le duc d'Alve mène ceulx cy d'ung grand artiffice sur +l'accord de leurs différantz; car, d'ung costé, il les brave bien +fort, et les adoulcit encores plus de l'aultre, et leur donne de +grandes espérances de la bonne affection que son Maistre a +d'accommoder, mieulx que jamais, leur trafficqz en toutz ses pays; +bien que, entendant la Royne d'Angleterre qu'aulcuns de ses fugitifz +sont passez devers le dict duc, et d'aultres sont allez en Espaigne, +et qu'on lève maintennant des gens de guerre en Flandres, elle +souspeçonne que c'est plustost contre elle que pour la réception de la +Royne d'Espaigne, comme l'on en faict le semblant; et, à ceste cause, +elle a commandé de mettre encores en ordre quatorze de ses grandz +navyres, oultre ceulx qui sont desjà pretz. Sur ce, etc. + + Ce XIe jour de juing 1570. + + INSTRUCTION AU SR DE VASSAL de ce qu'il fault fère entendre à + Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres: + + Qu'après que la Royne de Navarre, en apvril dernier, eust expédié + devers le Roy les Srs de Telligny et de Beauvoys, lorsqu'ilz + venoient du camp des Princes, et avec eux le Sr de La Chassetière + pour adjoinct, elle fit une dépesche par deçà, laquelle a esté si + longtemps sur mer, qu'elle n'est arrivée que despuys huict ou dix + jours: et par icelle semble qu'on ayt cogneu que la dicte Dame + inclinoit à la paix; + + Et que par le dict La Chassetière elle ayt faict dire à part au + Roy et à la Royne qu'il ne tiendroit à elle que la dicte paix ne + se fît, et qu'elle suplioit Leurs Majestez de vouloir ottroyer à + ceulx de la nouvelle religion l'éedict de l'an LXVII, qu'ilz + apellent l'éedict de Chartres, et encores ung presche davantaige + en la prévosté de Paris, et qu'avec cella elle s'esforceroit de + les fère contanter et de conclurre la dicte paix; + + Qu'aulcuns icy ont esté bien ayses de ceste disposition de la + dicte Dame, comme advenue contre leur espérance, car pensoient + que les ministres la tiendroient la plus destornée de ce désir + qu'ilz pourroient. Aultres ont estimé qu'elle s'est trop hastée + de parler d'icelluy éedict de Chartres, lequel ilz disent estre + fort dangereux et de nulle seureté; et qu'il eust toutjours esté + assés à temps de le requérir, car les menées de court ne + permettent qu'on accorde jamais les choses ainsy qu'on les + demande; ou bien attendre que le Roy l'eust offert de luy mesmes, + et que eulx l'eussent lors tout librement et avec humilité receu + de la pure concession et ottroy de Sa Majesté; + + Que despuys, ne venant de France sinon toutjours nouvelles de + continuation de guerre, et comme le Roy reffuzoit de rendre les + offices et bénéfices à ceulx de la dicte religion, et de ne payer + leurs reytres, Mr le cardinal de Chastillon, désespérant assez, + pour ceste cause, de la paix, a sollicité plus vifvement que + jamais les choses qui pouvoient servyr à se maintenir et à + maintenir ceulx de son party en réputation par deçà, et à se + procurer toutjours nouveaulx crédictz en Allemaigne. + + A quoy semble que l'ayt davantaige confirmé de fère la venue + d'ung aultre messagier, qui a esté dépesché de la Rochelle après + le retour des depputez; lequel a aporté une forme d'articles, + lesquelz à la vérité je n'ay pas veuz, mais l'on m'a dict qu'ilz + contiennent que le Roy ottroye pour seureté à ceulx de la + nouvelle religion la Rochelle, Sanxerre et Montauban, plus vingt + quatre villes pour leur exercisse, lesquelles il nommera après la + confection de la paix; que les haultz justiciers pourront fère + prescher pour eulx, leurs subjectz, et ceulx qui y pourront + assister; les gentishommes, qui ont moyenne justice, auront aussi + presche pour eulx et leur famille seulement; que la vendition des + biens eclésiastiques faicte par les Princes sera cassée; les + offices de ceulx de la dicte religion demeureront vanduz; et que + les Princes payeront et renvoyeront leurs reytres; et m'a l'on + dict que desjà l'on a envoyé les dicts articles en Allemaigne + avec des additions au marge, qui contiennent les raysons pourqnoy + on ne les peult ainsy accepter. + + Ung Allemand, qui naguières est arrivé de la part du comte + Pallatin pour donner compte à la Royne d'Angleterre de l'estat + des choses de delà, nomméement de ce qui se présume de la diette + et des nopces du prince Cazimir son filz, dict que, parce que les + levées du Roy en Allemaigne ne passent en avant, celles des + aultres demeurent aussi en suspens, mais qu'au reste elles se + tiennent prestes pour le besoing, et que le prince d'Orange s'est + retiré pour quelques jours en l'estat d'une sienne parente, + attandant les nopces du dict Cazimir, auxquelles il espère de + pouvoir radresser ses affères; et que Mr de Lizy ayant passé par + Helderberc, où il a séjourné ung jour ou deux, après avoir heu + quelque petite conférance avec le dict Sr Pallatin, a prins le + chemin de Genève avec une troupe de gentishommes Françoys qui + vont trouver le camp des Princes. + + Desquelles apparances de guerre, parce que ceulx cy voyent + qu'elles ne font poinct cesser les propos qui se mènent de la + paix, et qu'il se trouve encores des difficultez sur l'accord des + différandz des Pays Bas, ilz deviennent assez irrésoluz comme + debvoir procéder ez choses d'Escoce, et craignent bien fort que, + de les poursuyvre davantaige, la paix de France et la victoire du + Roy d'Espaigne sur les Mores[8] ne se convertissent en une guerre + sur eulx; ce qui les faict plus vollontiers incliner aulx + remonstrances que je leur fays là dessus. Et encores que le temps + et l'ocasion pressent bien fort de pourvoir aulx affères + d'Escoce, ou aultrement ilz vont incliner à la part des Anglois, + sans que les Anglois y facent plus grand effort, le mesme temps + et la mesme ocasion néantmoins semblent se monstrer bien à propos + au Roy pour pouvoir meintennant conserver, sans grand coust et + quasi par moyens paysibles, ce que sa couronne a heu toutjour + d'alliance et d'authorité au dict pays; et croy que mal ayséement + une aultre foys y pourra il, sans viollance et possible sans une + grande guerre et à grandz fraiz et difficulté, y remédier. + + [8] Cette victoire se rapporte aux avantages obtenus par don Juan + sur les Maures d'Espagne, qui s'étaient soulevés en 1569. Il + s'agit plus particulièrement ici, soit du combat devant Finix, + qui entraîna le pillage de la ville (fin avril 1570), soit du + combat livré dans les montagnes de Baza et de Filabres dans les + premiers jours de mai 1570. Ces victoires furent immédiatement + suivies d'un traité conclu ayec Abaqui, l'un des principaux chefs + des révoltés, qui se rendit auprès de Don Juan, le 19 mai, et fit + le lendemain sa soumission solennelle. Cependant la guerre + continua quelque temps encore, par suite de la résistance + d'Aben-Aboo, qui s'était fait proclamer roi d'Andalousie, sous le + nom de Muley-Abdala; elle ne finit qu'au mois de novembre + suivant, après qu'Aben-Aboo eut été tué par Seniz, autre chef des + Mores. + + Les souspeçons ne sont légiers à ceulx cy, du costé du Roy + d'Espaigne, parce que deux des principaulx hommes d'Irlande sont + allez à recours à luy, et luy sont allez offrir accez, entrée et + obéyssance pour la protection de la religion catholique en leur + pays; et pareillement aulcuns des principaulx fugitifz Anglois, + qui s'estoient retirez en Escoce, sont passez devers le duc + d'Alve. A l'ocasion de quoy, le comte de Lestre a, despuys dix + jours, faict fère une plaincte à Mr l'ambassadeur d'Espaigne de ce + qu'on recepvoit les rebelles de ce royaulme en Flandres; et il a + respondu qu'il n'en sçavoit rien, mais qu'il ne fesoit double + qu'ilz ne fussent bien receuz ez terres du Roy Catholique, + puysqu'ilz estaient chassez pour estre Catholiques, mais que ce ne + seroit pour y mener rien par armes contre la Royne d'Angleterre. + + Or, en ce qui concerne les différandz des Pays Bas, il a esté bien + près d'y mettre ung bon accord, car le duc d'Alve en a faict + toutes les démonstrations du monde; et en mesme temps est advenu + par des intelligences, que la Royne d'Angleterre a en Flandres, + qu'on luy a faict veoir la coppie d'une lettre que le Roy + d'Espaigne escripvoit au dict duc, par laquelle il luy mandoit de + regaigner, par toutz les moyens qu'il pourroit, l'amytié de la + Royne d'Angleterre et des Anglois; dont ilz estiment que la + difficulté, qu'il sentoit lors en la guerre des Mores, le faisoit + parler ainsy, et qu'à ceste heure ayant quelque bon succez en + icelle, il se veult tenir plus ferme sur la restitution des + prinses. + + Sur laquelle restitution icelluy duc, à l'arrivée des dicts + commissaires, leur a dict que la demande, qu'ilz estoient venuz + fère des biens des Anglois, estoit très raysonnable; mais que + celle des subjectz du Roy, son Maistre, qui demandoient + pareillement d'avoir les leurs, n'avoit moins de rayson, et qu'il + failloit venir à une mutuelle satisfaction des deux costez. Et + néantmoins, s'estant puys après laissé aller à des expédiantz qui + revenoient assés à son proffict, et qui donnoient grand espérance + d'ung accord, il s'en est despuys desparty par ung adviz, qu'on + luy a envoyé de deçà, d'ung aultre proffict plus grand d'envyron + cent cinquante mil escuz, s'il retient les biens des Anglois; + lesquelz biens il a desjà, pour ceste ocasion, faictz remettre de + nouveau soubz sa main, ou bien les deniers qui sont provenuz de la + vante d'iceulx; et meintennant l'on est après à fère quelque + évaluation des ungs et des aultres, pour veoir si l'on pourra + venir à quelque compensation. + + Ceulx qui ont esté les plus contraires à la Royne d'Escoce et à + ses affères commancent, à ceste heure, de se fère de feste et de + luy promettre toute faveur et secours; et le mesmes est du duc de + Norfolc, car ceulx qui ont esté ses plus mortelz ennemys se + gettent à genoulx devant la Royne, leur Mestresse, pour la suplier + pour luy; et bien qu'en cella y puisse avoir de la simulation, + pour plustost prolonger que pour désir d'ayder ses affères, ilz + semblent néantmoins estre resduictz à ung poinct que, si quelque + nouveau accidant ou quelque grand malheur ne survient, ilz seront + pour estre bientost accommodez. + + AULTRE INSTRUCTION A PART: + + Que ce qui plus me fait incister icy aulx choses d'Escoce, et en + solliciter pareillement Leurs Très Chrestiennes Majestez, est + qu'il ne peult revenir que à une merveilleuse diminution de leur + estime et grandeur, de se laysser ainsy arracher comme par force + la Royne d'Escoce et les Escouçoys de leur protection; et de + souffrir que la Royne d'Angleterre leur emporte de leur temps + ceste alliance, qui a esté conservée huict centz ans à la + couronne de France, et laquelle assés souvant luy a esté très + utille, et quelquefoys bien fort nécessaire. + + Et je considère que, de s'y opposer meintennant par Leurs + Majestez, ce n'est les mettre en nouvelle guerre, ains plustost + divertir celle qui leur pourroit venir d'icy; ny mettre le Roy en + grandz frays de ses deniers, ains empescher que les Anglois + n'envoyent les leurs en Allemaigne contre luy; ny l'attacher à de + grandes difficultez, car la seule démonstration de vouloir + envoyer mille harquebouziers en Escoce, ou le passaige d'iceulx + seulement, rendra ceste entreprinse achevée sans aulcunement + venir aulx mains, de tant qu'ung chacun juge que la Royne + d'Angleterre ne les sentyra sitost joinctz aulx Escouçoys + partisans pour leur Royne, lesquels à présent sont les plus + fortz, qu'elle ne viegne à telle composition qu'on vouldra; et + si, ne demeurera que plus ferme en la paix, joinct que je n'ay + faict ceste instance, sinon après que, par la conférance de ceulx + qui entendent bien l'estat de ce royaulme, j'ay comprins que + c'estoit jouer à boule veue. + + Et puys, je voy que ceulx qui ont persévéré jusques icy en + l'affection du Roy, s'ilz ne sont entretenuz de quelque bon + espoir, voyre de quelque démonstration de son présent secours, + comme de celluy seul entre les princes chrestiens, qui justement + et légitimement peult mouvoir ses armes en ceste cause, ilz se + vont sans aulcun doubte jetter ez braz du Roy d'Espaigne, et bien + que ce ne soit aultant de droict, comme ez braz du Roy, ilz ont + néantmoins desjà leurs messagiers devers luy, et à ceulx là est + desjà faicte promesse de secours; mesme le duc d'Alve leur donne + entendre qu'il est si prest qu'il ne reste sinon que la Royne + d'Escoce envoye son pouvoir et consantement pour l'acepter. + + Et de ce, la dicte Dame a naguières receu ses lettres ou bien + celles de son Maistre, car je ne sçay encores duquel des deux; + tant y a qu'on l'asseure fort que, en toutes sortes, elle sera + assistée et aydée à sa restitution par le Roy Catholique, lequel + cependant l'exorte de se réserver libre de son mariage, et de ne + s'obliger à nul, sinon avec l'adviz et bon conseil qu'il luy en + donnera. + + Néantmoins commanceans les affères d'Escoce de s'acheminer par la + gracieuse voye de la négociation, que Leurs Majestez m'ont + commandé de fère, j'espère qu'elles succéderont assez sellon leur + désir, sans y fère aultre effort ny despence; mais à toutes + advantures, parce que la malice des ennemys, et la faulte de + cueur des amys, et la jalouzie de ceste Royne contre sa cousine + sont choses que j'ay toutjour fort suspectes, je désire que Leurs + Majestez voyent à clair quel a esté et quel est le cours de ceste + affère, affin qu'ilz puyssent juger quant, et commant, et en + quelle sorte il y pourra fère bon. + + Après que j'ay heu, par deux foys, résoluement déclairée à la + Royne d'Angleterre qu'elle ne pouvoit, sans contravention des + trettez, envoyer ses forces en Escoce, et que pourtant elle + debvoit accepter les honnestes condicions et offres que la Royne + d'Escoce luy faisoit, par le moyen desquelles elle obtiendroit, + mieulx que par la force et sans aulcune despence, ce qu'elle + prétandoit, et si, auroit conservé l'amytié du Roy, la dicte Dame + a demeuré quelques jours fort incertaine comme elle en uzeroit; + dont aulcuns des siens, craignantz le changement de sa + dellibération, ont trouvé moyen, il y a envyron quinze jours, de + luy fère signer une lettre au comte de Sussex pour le fère passer + si avant en l'entreprise qu'on ne s'en peult plus retirer. + + De quoy m'ayant esté donné adviz, et estant bien informé que la + dicte lettre avoit esté substraicte, j'envoyay incontinent + solliciter ceulx, qui avoient bonne affection en ceste cause, de + le fère entendre à la dicte Dame, et de convaincre vers elle + ceulx qui avoient ozé entreprendre ung tel faict, et qui la + vouloient, contre toute rayson, mettre en guerre avecques le Roy. + + Ce que ayant bien oportunéement sceu fère, ilz ont si bien irrité + la dicte Dame qu'elle a monstré d'en estre fort courroucée, et + qu'en toutes sortes elle vouloit sortir par quelque aultre + meilleur moyen hors de cest affère; dont, assignant jour à ceulx + de son conseil d'en venir délibérer devant elle, les ungs, pour + rompre le coup, ont trouvé bon de s'absenter en ceste ville par + prétexte du terme de la justice, et les aultres, ne pouvant + contradire à cella, y sont venuz aussi pour le mesme prétexte, + mais en effect ce a esté pour fère des assemblées séparéement + avec les partisans et amys, pour voir comme ilz pourroient, de + chascun costé, advancer leur intention et retarder d'aultant + celle des aultres. + + Et enfin milord Quiper, qui est chef de la partie contraire, + après avoir bien consulté avecques les siens, avoit, au partir de + ceste ville, délibéré de s'en aller en la contrée pour allonger + et interrompre la matière; mais le comte d'Arondel le prévint en + son propre logis, et le somma de se trouver, le IIIe jour après, + devers la Royne leur Mestresse pour résouldre cestuy et aultres + très urgentz affères, «qui ne pouvoient, disoit il, sans mettre + la dicte Dame et son royaume en grand dangier, estre plus + prolongez.» + + Icelluy Quiper, en grand collère, luy respondit qu'il ne + délibéroit de retourner en court, qu'il ne fût plus de trois foys + fort expressément appellé, veu que la Royne tenoit si peu de + compte d'observer les choses une foys arrestées, et qu'elle + mesprisoit à ceste heure ses conseilz, et ne recepvoit plus sinon + ceulx qui luy estoient très dommaigeables, ès quelz il ne vouloit + en façon du monde intervenir. + + Le comte répliqua que à la charge qu'il avoit ne convenoit bien + de gouverner ainsy ce royaulme par collère, car c'estoit par + rayson et justice qu'il le debvoit modérer, et qu'il se sçauroit + aussi bien courroucer que luy s'il vouloit; mais qu'il prévoyoit + ung si grand inconvéniant d'une généralle sublévation en ce + royaulme et de tant de guerres avecques les estrangiers, qu'il ne + pouvoit pour son debvoir différer plus longtemps d'en avertyr sa + Mestresse, et qu'il falloit que luy, comme son premier + conseiller, s'y trouvast présent pour en dellibérer, ce que, s'il + reffuzoit de fère, qu'il fût asseuré qu'il luy seroit reproché; + et que, absent ou présant, il ne lairroit de bien chanter les + vespres au secrétaire Cecille, car ce n'estoit que d'eulx deux + que procédoit le retardement de toutz les affères de ce royaume. + Cella fut lors cause que le dict Quiper s'estant ung peu remiz, + et estant le propos venu à plus gracieulx termes entre eulx, ilz + se promirent l'ung à l'aultre de se trouver, le cinquiesme jour + après, à Amptoncourt. + + Pendant laquelle assignation, le secrétaire Cecille fit tout ce + qu'il peult pour destourner la dicte Dame de son bon propos, et + luy oza bien dire assés licentieusement, présent le comte de + Lestre, qu'elle s'en alloit habandonnée de ses meilleurs + serviteurs, puysqu'elle se vouloit ainsy précipiter d'elle mesmes + en ung manifeste et trop certain péril de sa propre personne et + estat par la restitution et dellivrance de la Royne d'Escose. + + A quoy, en collère, elle luy demanda comme il cognoissoit cella, + car jusques à ceste heure, elle n'avoit ouy nulle rayson de luy + là dessus qui ne fût playne de passion et de hayne, et comme il + ne respondoit rien, le comte de Lestre dict: «Voyez, Madame, quel + homme est le secrétaire, car se trouvant hier avec nous tous à + Londres, il asseura qu'il vous donroit conseil de restituer la + Royne d'Escoce, et meintennant il parle en toute aultre + façon.»--«Ainsy, respondit elle, me raporte il plusieurs choses + assés souvant de vostre part, qui puys après est tout le + contraire. Quoyqu'il y ayt, maistre Secretary, dict elle, je + veulx sortyr hors de cest affère et entendre à ce que le Roy me + mande, et ne m'en arrester plus à vous aultres frères en Christ.» + + Sur cella, m'estant arrivée la dépesche du Roy du IIIIe de may, + il a esté le plus à propos du monde que j'aye faict ceste + troisième recharge, du XXIIe du dict moys, à la dicte Dame, comme + je luy ay desjà mandé, par laquelle voyantz les adversayres + qu'elle se layssoit conduyre à la rayson, et que desjà elle + m'accordoit de retirer ses forces hors d'Escoce et de procéder à + la restitution de la Royne sa cousine; après que j'en ay heu + aussi parlé au conseil, ilz ont préparé l'ung d'entre eulx pour + venir, en présence des aultres, tenir le merveilleux et bien + insolant propos qui s'ensuyt; + + C'est de dire à la dicte Dame «qu'elle estoit estrangement pipée + et trompée en ceste affère, car il estoit désormais trop clair + que ceulx, de qui elle commançoyt de suyvre le conseil, estoient + toutz gens partiaulx et bandez contre elle en faveur de la Royne + d'Escoce, et qu'il n'y avoit rien plus aparant et vraysemblable; + que les propos de moy ambassadeur estoient emprumptez, ou de Mr + le cardinal de Lorrayne qui m'avoit mandé d'ainsy parler, ou de + la Royne d'Escoce qui m'en avoit prié; et que, veu les affères + que le Roy avoit chez luy, il n'estoit pour mander et encores + moins pour fère ce que je disoys; et que desjà l'on avoit passé + si avant aulx choses d'Escoce qu'il n'estoit plus temps de s'en + retirer, ny la dicte Dame ne pourroit désormais, sans dangier et + sans perdre trop de réputation, rappeller ses forces de + Lislebourg; mais que, si elle poursuyvoit son entreprinse, il + estoit trop évidant que l'Escoce s'en alloit conquise, et les + Escouçoys toutz renduz ses subjectz et tributaires, et son + authorité establye au dict pays, et sa religion à jamais + confirmée par toute l'isle; + + »Que ce qu'il disoit estoit ung bon et droict conseil, et ce + qu'on alléguoit au contraire estoit tout faulx et suspect, et + qu'il vouloit mourir pour une si digne querelle, laquelle + convenoit à la grandeur et dignité de la couronne d'Angleterre, + non de se mouvoir ainsy ny de changer de délibération pour les + parolles d'un ambassadeur, comme il sembloit que la dicte Dame + vouloit fère, et que le Roy, Henry VIIIe, n'eust pas lasché + prinse, ainsy que honteusement et misérablement l'on le + conseilloit à elle de le fère; et qu'il offrait, au cas que, pour + l'amour de la Royne d'Escoce, les Françoys passassent de deçà, + que luy mesmes luy yroit trancher la teste, s'il playsoit à la + Royne luy en bailler la commission, s'atachant particullièrement + au comte de Lestre comme pour le taxer qu'il ne se monstroit + fidelle en cest endroict à sa Mestresse.» + + Le comte luy a respondu «que ces propos estoient d'ung homme + indigne d'estre au conseil de la Royne, et que, de sa part, il + l'avoit conseillée droictement sellon conscience et honneur, et + sellon qu'il estoit dellibéré de vivre et mourir en l'opinion + qu'il luy avoit donnée, et mesmes à maintenir, contre quiconques + vouldroit dire le contraire, qu'il ne luy avoit rien dict qui ne + fût digne d'ung très bon et très fidelle conseiller, serviteur et + subject; et puysqu'ilz en venoient là, qu'ilz fissent tout le piz + qu'ilz pourroient de leur costé, et que la dicte Dame regardât + quel party elle vouldroit prandre, car luy et plusieurs aultres + estoient résoluz de persévérer à jamais en leur délibération.» + + La dicte Dame, se trouvant en perplexité, a respondu en collère + au premier qui avoit parlé, «que ses conseilz estoient toutjour + semblables à luy mesmes, qui ne luy en avoit jamais donné que de + témérayres et dangereux, et que, tant s'en falloit qu'elle vollût + avoir ung aultre royaulme au pris qu'il disoit de la vie de sa + cousine, qu'elle aymeroit mieulx avoir perdu le sien que de + l'avoir consenty; et qu'il n'entreprint sur sa teste de tenir + jamais plus un tel langaige, et qu'au reste eulx toutz mettoient + ses affères, et elle, et son estat, en grand dangier, de se + porter ainsy tant contraires et opposans en leurs opinions.» + + Sur cella, après quelque peu de silence, le comte d'Arondel a + commancé de dire «que la collère, ny la passion, ny la hayne ou + amytié, qu'on pouvoit avoir à la Royne d'Escoce, ne les debvoit + mouvoir de donner conseilz précipitez ni dangereux à leur + Mestresse, ny de venir à nulle contention entre eulx, ains + procéder en tout par prudence et modération; et que luy vouloit, + en présence d'elle et de son conseil, librement dire qu'il estoit + trop clair qu'en l'entreprinse d'ayder une partie des Escouçoys + qui estoient désobéyssantz, ou qui avoient quel autre prétexte + que ce fût contre leur Royne Souverayne, ne pouvoit avoir rien + de seurté, ny d'équité, ny de proffict, ny rien aultre chose que + force difficultez, force despences, une très mauvaise estime des + gens de bien, une grande offance des aultres princes, et une très + certaine ouverture de plusieurs guerres, que la dicte Dame et son + royaulme n'estoient pour pouvoir soubstenir; + + «Que c'estoit mal juger des parolles miennes, qu'elles fussent + empruntées, car jusques icy l'on les avoit trouvées conformes à + celles du Roy Mon Seigneur, et leur mesmes ambassadeur par ses + lettres les avoit souvant confirmées; et qu'on n'avoit encores + veu, quant ung ambassadeur d'ung si grand prince avoit + résoluement dict _ouy ou non_, qu'il se trouvât puys après + aultrement; car seroit exemple fort nouveau, qu'ung ambassadeur + se mît en dangier d'estre désadvouhé, et n'en fauldroit plus + envoyer si l'on en venoit là; par ainsy, qu'ayant esté mon dire + clair et exprès, il n'y avoit point de doubte qu'il ne fût + procédé du commandement et de l'intention du Roy Mon Seigneur; + + »Qu'il n'y auroit ny honte, ny dangier, de se retirer de ceste + entreprinse d'Escoce; de honte, parce que cella se feroit sur + l'instance et prière d'ung grand Roy pour conserver la paix et + les trettez, lequel promettoit non seulement de n'attempter rien + de son costé, mais d'accomplir toutes choses à l'advantaige de la + Royne; et encores moins de dangier, car ne seroit mal aysé de + ramener les gens qui estoient à Lislebourg jusques à Barvich, + sans qu'on en perdit pas ung; + + »Que possible le Roy Henry VIIIe n'eust pas vollu lascher prinse, + mais de son temps l'Angleterre estoit en meilleure disposition et + mieulx unye que meintennant, et si l'avoit il merveilleusement + espuysée et ruynée pour les guerres de France; ès quelles + toutesfoys il n'avoit jamais ozé rien entreprendre qu'il n'eust + ung Empereur pour compaignon, là où tant s'en failloit qu'on + peult fère meintennant estat du Roy Catholique, son filz, que au + contraire l'on l'avoit bien fort offancé, et si enfin les + entreprinses du Roy Henry en France estoient tornées à rien; que + pourtant la dicte Dame advisât de prendre l'expédiant qui plus + luy pouvoit admener de paix et de seurté en son royaulme, qui + plus luy pouvoit confirmer l'amytié des aultres princes, et qui + plus pouvoit justiffier la droicture de ses intentions envers + Dieu et les hommes.» + + A ceste opinion ayant celluy du conseil, qui est le plus homme de + guerre, adjouxté qu'il se offroit d'aller luy mesmes retirer les + Anglois, qui estoient à Lislebourg, en si bonne sorte que, sans + aulcun dangier et à l'honneur de la Royne, il les reconduyroit + toutz à Barvich, il fut conclud qu'on advertiroit incontinent le + comte de Sussex de l'accord d'entre la dicte Dame et moy, pour + donner ordre qu'on n'eust à fère nulle entreprinse davantaige + dans l'Escoce. + + Mais, le lendemain, survint ung inconvéniant qui cuyda tout + gaster, car ayant l'évesque de Roz escript une fort courtoyse + lettre au comte de Lestre pour obtenir de la Royne qu'elle luy + vollût donner audience, affin d'avoir confirmation de sa bouche + des choses que je luy avois dict qu'elle accordoit, pour les + pouvoir, plus seurement escripre; elle ne se peult tenir qu'elle + ne dict au dict comte que la lettre l'arguoit de souspeçon, qu'on + luy imposoit, d'avoir trop prins à cueur le party de la Royne + d'Escoce: laquelle parolle le piqua si fort qu'après s'estre + plainct de ce qu'elle vouloit ainsy tourner l'honnesteté de la + lettre à son trop grand préjudice, il luy dict: «qu'il ne luy + avoit jamais donné occasion de penser aultrement de luy que comme + d'ung sien bon conseiller, qui a toutes les obligations du monde + de ne luy estre jamais aultre que son très obéissant et très + fidelle serviteur; + + «Que, en ce qu'il luy conseilloit de la Royne d'Escoce, il + croyoit, comme en Dieu, que consistoit tout son repos et sa + principalle seurté, et que de fère le contraire estoit sa ruyne + et destruction, et qu'il ne changerait jamais d'adviz, estant en + elle de suyvre lequel qu'elle vouldroit; mais que, pour ne luy + donner aulcun souspeçon de luy, il se privoit désormais fort + vollontiers de n'entrer plus en son conseil.» Et ainsy s'en + partit pour lors, et s'en vint à Londres, bien que, incontinent + après, la dicte Dame luy envoya, et au marquis de Norampton, une + commission pour parler au dict évesque de Roz, affin de luy + confirmer les choses qu'il desiroit, car pour encores elle ne le + vouloit admettre en sa présence; toutesfois cella a esté rabillé + despuys, et le dict comte mesmes a faict parler le dict évesque à + la dicte Dame. + + Ceste tant grande division de court, laquelle est encores plus + grande dans le royaulme, est cause dont, pour ne laysser + intéresser le Roy ny sa couronne d'une si ancienne alliance, j'ay + ainsy entreprins de m'oposer à ceulx de ce conseil qui + s'esforcent de la luy oster, qui ne sont personnaiges guières + principaulx, ny bien fort authorizez, pour me joindre aulx + aultres qui font tout ce qu'ilz peuvent pour la luy conserver, + qui sont les premiers et plus nobles de ce royaulme, et d'en + escripre ainsy que j'ay faict à Leurs Majestez. + + + + +CXIVe DÉPESCHE + +--du XVIe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Vollet._) + + Nouvelle irritation d'Élisabeth contre l'évêque de Ross, Marie + Stuart et le duc de Norfolk.--Changement opéré dans les + résolutions de la reine d'Angleterre.--Nouvelles d'Écosse, où + le traité conclu par l'ambassadeur a commencé à recevoir son + exécution.--Mesures prises contre ceux qui répandraient les + bulles du pape en Angleterre.--Affaires + d'Allemagne.--Propositions que doit faire le pape à la diète de + Spire.--Messager envoyé à Londres par l'amiral Coligni.--Motifs + qui ont changé les résolutions d'Élisabeth. + + + AU ROY. + +Sire, il n'y avoit guières plus de deux heures que le Sr de Vassal +estoit party, pour vous aporter ma dépesche du XIe du présent, quand +le Sr de Sabran est arrivé avec celle de Vostre Majesté du dernier du +passé, sur laquelle m'ayant la Royne d'Angleterre assigné audience à +demain, je mettray peyne, Sire, de fère, s'il m'est possible, qu'elle +veuille bien conformer son intention à ce que me mandez estre de la +vostre; et de luy oster, si je puys, une nouvelle offance, que, +despuys huict jours, elle a conservé contre l'évesque de Ross avec +tant d'indignation qu'elle jure de ne le vouloir jamais veoir, ainsy +que le Sr de Vassal vous l'aura peu dire, chose que je crains assés +que me sera bien difficile de remédier, et qui pourra possible +retarder beaucoup les affères de la Royne d'Escoce; mesmement que +ceulx, qui nous sont contraires, ont heu desjà de quoy fère de là ung +mauvais office contre elle, c'est de changer la pluspart des bonnes +dellibérations qui avoient esté faictes sur les choses du Nord et +d'Escoce; et ont aussi miz tant de traverse à la liberté du duc de +Norfolc, qu'il semble qu'elle soit meintennant bien fort retardée, ny +ceulx qui veulent bien à la Royne d'Escoce et au dict duc n'ont peu +mieulx, pour ce coup, que de céder ung peu au courroux de leur +Mestresse; dont le comte de Lestre s'est absenté pour douze ou quinze +jours en sa maison de Quilingourt, et le comte d'Arondel s'en est venu +en ceste ville. Et cependant noz affères dorment, sinon en tant que +noz ennemys les vont réveillant pour les fère eschapper; mais j'espère +qu'après le retour du dict évesque et de ces seigneurs, nous y donrons +telle presse qu'il nous y serra baillé une bonne ou bien une mauvaise +résolution. + +J'entendz que la dicte Royne d'Angleterre a heu si grand désir de +contanter Vostre Majesté, sur ce qu'elle m'avoit promiz de révoquer +ses gens de Lislebourg, que, l'ayant, incontinent après ma précédante +audience, mandé au comte de Sussex, il les a heu retirez premier qu'on +luy ayt peu fère nul contraire mandement; de sorte que Drury, avec ses +quatorze centz hommes, car plus grand nombre n'en avoit il mené par +dellà, a esté de retour à Barvyc le IIIIe de ce moys: j'en sçauray +demain par la dicte Dame encores mieulx la certitude, et pareillement +si elle aura poinct retiré sa garnyson de Humes et de Fascastel. L'on +dict que le comte de Lenoz est arrivé à Lislebourg, et que ceulx du +party du jeune Prince, son petit filz, l'ont associé au gouvernement; +néantmoins que le duc de Chastellerault et les trois comtes +d'Honteley, d'Arguil et d'Athel, lesquelz ont, dez le Xe de may, +soubzsigné à l'authorité de la Royne d'Escoce, et qui se portent toutz +quatre conjointement lieutenants d'elle, avec l'aprobation du reste +de la noblesse et du pays, commancent de réduyre toutes choses bien +fort à leur dévotion. + +Cependant l'on se trouve icy en grand perplexité et en plusieurs +difficultez, pour la bulle dont vous ay cy devant escript, et en ont +ceulx de ce conseil miz la matière en délibération; mais ne s'en +pouvans bien accorder, ilz ont faict une grande assemblée des plus +sçavans de ce royaulme pour veoir comme il y fauldroit procéder; et +m'a l'on dict qu'il est résolu que ceulx, qui auront ozé, ou qui +auzeront cy après, entreprendre d'aficher bulles, proclamations, +placartz ou aultres telles choses si expresses contre la Royne, en +lieux publicz, seront attainctz et convaincuz de lèze majesté, et les +aultres qui s'en trouveront seulement saisis, n'encourront pas du tout +si grand crime, mais ilz n'évitteront pourtant l'indignation du +prince; et semble bien que, à l'ocasion de la dicte bulle, les +Catholiques sont plus durement traittez, et qu'on a plus grand aguet à +les observer de près qu'on n'avoit auparavant; mesmes le dict évesque +de Roz a senty que cella est venu ung peu hors de temps pour sa +Mestresse. + +L'escuyer du prince d'Orange arriva icy la sepmaine passée, sur les +navyres qui revenoient de conduyre la flotte de Hembourg; qui a aporté +lettres de son maistre à ceste Royne, et au comte de Lestre, et au +secrétaire Cecille, et encores d'aultres lettres à la dicte Dame de +son agent qui est en Allemaigne, en datte ces dernières du XXVIe de +may; qui contiennent divers adviz, premièrement, que la diette a esté +prolongée du XXIIe de may au XXIIe de juing, et que le Pape a fort +conjuré l'Empereur de s'y trouver, qui aultrement s'en vouloit fort +excuser, et ce, pour deux considérations, que Sa Saincteté a heues, +dont l'une se publie assés, qui est pour mettre en avant ung décrect +qu'il ne soit désormais plus loysible aulx Allemans d'aller travailler +les estatz des aultres princes chrestiens, par prétexte de secourir +leurs subjectz pour la cause de la religion; et l'aultre, laquelle on +tient secrecte, est pour fère passer ung aultre décrect contre les +comte Pallatin et duc de Vitemberg, et contre quelconques princes, ou +aultres, qui se seroient despartys et séparez des deux religions +receues en l'Empire: sçavoir, la Catholique et celle de la confession +d'Auguste, affin de les priver non seulement de l'eslection, dignitez, +charges, estatz et aultres leurs prééminances, mais y en subroger tout +incontinent d'aultres, et les exclurre eulx, pour jamais, de la paix +publicque d'Allemaigne. Ce qu'ayant le duc Auguste descouvert, et +craignant que la présente désauthorisation et ruyne de ces princes ne +fût puys après celle de luy mesmes, a vollu interrompre la dicte +diette; mais ne le pouvant fère, les dictes lettres portent que, par +prétexte de conduyre sa fille en son mesnaige, il s'est accompaigné du +Lansgrave et de huict ou neuf mil chevaulx, pour s'opposer aulx +décrectz, et qu'ung chacun juge, puysqu'il s'en vient ainsy à +Heldelberg, qu'il se trouvera sans faulte à la dicte diette et que mal +ayséement s'achèvera elle sans quelque tumulte, puysque luy et les +aultres princes se vont ainsy acompaignant; qu'il s'estimoit que le +Cazimir, incontinent après la dicte diette, ou bien plustost, +s'achemineroit avec ses reytres au secours des Princes et de l'Admyral +de France; que le duc Jehan Guillaume de Saxe avoit donné pour Vostre +Majesté le alliguet[9] à ses gens pour les fère marcher par tout le +moys de may; et qu'il avoit dict aulx aultres princes protestantz que +ce qu'il en faisoit n'estoit que pour se maintenir en crédit vers +Vostre Majesté, et en la pancion que vous luy donnez; laquelle luy +faisoit bien besoing pour s'entretenir, mais qu'il ne nuyroit en façon +du monde à ceulx de la nouvelle religion; et qu'au reste, l'on se +resjouyssoit bien fort en Allemaigne de ce que le Roy d'Espaigne +s'estoit modéré vers les Flamans de leur avoir ottroyé ung pardon +général par où l'on espéroit que les Pays Bas se maintiendroient en +paix; et est l'on icy après à dépescher le dict escuyer pour s'en +retourner devers son maistre. + + [9] La solde du mois. + +Mr l'Amyral a trouvé moyen de fère passer jusques icy en grand +dilligence devers Mr le cardinal de Chatillon ung messagier, qui n'a +point aporté de lettres, mais seulement créance de bouche; de laquelle +je n'ay encores entendu le contenu, sinon que on m'a dict que c'est +pour les choses d'Allemaigne, et si n'ay rien sceu du dict homme +jusques à ce qu'il a esté renvoyé, car n'a esté arresté que deux jours +icy, et s'en retourne, à ce qu'on dict, par Paris soubz quelque +passeport emprumpté. + + Ce XVIe jour de juing 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, de ce que Mr l'évesque de Roz, deux jours après que la Royne +d'Angleterre luy eust ottroyé sa liberté, a esté trouvé partant de +nuit avec le comte de Southanton, jeune seigneur catholique; et de ce +qu'on se persuade que la bulle du Pape n'a esté expédiée sans le +consentement de Voz Majestez Très Chrestiennes et du Roy d'Espaigne; +et qu'en mesmes temps milord de Morlay, principal seigneur +d'Angleterre, beau filz du comte Derby, estant appellé en ceste court +n'y est vollu venir, ains est passé delà la mer à Doncquerque; +plusieurs choses en ce royaume monstrent tendre à quelque altération, +mesmes que, pour les dicts accidentz, icelluy comte de Soutanthon a +esté mandé et aussitôt miz en arrest ez mains du capitaine de la +garde; et maistre Cormuaille, ancien conseiller, et plusieurs aultres +Catholiques ont esté examinez et aulcuns d'eux miz en la Tour; et le +duc de Norfolc, qui attandoit quelque eslargissement, a esté resserré. +Dont je crains aussi que les affères de la Royne d'Escoce, qui +commançoient de s'acheminer, en soient de mesmes bien fort esloignez +et retardez, mais je feray, pour le regard de ce dernier, le mieulx +que je pourray envers la dicte Dame pour la fère passer, oultre en ce +qu'elle m'a commancé d'accorder: et j'espère, Madame, que j'en +descouvriray demain assés son intention, bien que, pour l'absence du +comte de Lestre, ny elle ne vouldra m'en donner sa résolution, ny moy +cercher de l'avoir, si je sentz qu'il n'y face bon. Sur ce, etc. + + Ce XVIe jour de juing 1570. + + + + +CXVe DÉPESCHE + +--du XIXe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par Jacques Tauriel._) + + Détails d'audience.--Changement de conduite de la reine + d'Angleterre.--Ses plaintes contre le pape.--Sa colère contre + Marie Stuart et l'évêque de Ross.--Insistance de l'ambassadeur + pour que le traité touchant l'Écosse reçoive son + exécution.--Déclaration d'Élisabeth qu'elle va donner les + ordres nécessaires à l'effet de faire retirer ses troupes, et + qu'elle consent à traiter de la restitution de Marie + Stuart.--Motifs secrets qui font agir la reine + d'Angleterre.--Nouvelles des protestans de France; leur désir + d'en venir prochainement à une bataille décisive. + + + AU ROY. + +Sire, il n'est advenu sinon, ainsy que je l'avois pencé, que je +trouverois à ceste heure la Royne d'Angleterre aultrement disposée que +lorsque je parlay à elle, le XXe du passé, non toutesfoys ez choses +qui sont particullières de Vostre Majesté, car en celles là m'a elle +respondu comme les aultres foys; c'est de desirer toutjour la paix de +vostre royaulme et que son ambassadeur luy puisse bientost mander la +conclusion d'icelle, estant bien marrye qu'on la va ainsy prolongeant; +et qu'elle vouldroit bien sçavoir si tout ce que les aultres, de leur +costé, disent que Vostre Majesté leur a offert est vray; et, quoy que +soit, que, comme Chrestienne, elle desire que vous les accommodiez en +leur religion, et, comme Royne, qu'ilz vous randent entièrement ce +qu'ilz doibvent à vostre authorité. + +A quoy je luy ay satisfaict, sellon que la lettre de Vostre Majesté, +du dernier du passé, m'a baillé ample argument de respondre au tout, +avec ung sommaire récit de l'estat de votre armée, soubz la conduicte +de Mr le mareschal de Cossé, et des exploictz que Mr le mareschal de +Danville a faictz du costé du Languedoc; ce qui n'a esté sans parler +des aprestz d'Allemaigne et des nopces du Cazimir, par manière +toutesfoys de me demander ce que j'en sçavois: et je n'ai obmiz de +mencionner aussi les levées du duc Jehan Guillaume de Saxe et de +Bronsouyc, comme elles commançoient de bransler pour Vostre Majesté. + +Et a la dicte Dame faict venir, par deux foys, à propos de me dire que +l'Empereur luy a naguières escript avec aultant d'abondance, +d'affection et de bienveuillance, comme au contraire le Pape s'est +esforcé de luy donner ung bien mauvais salut par une sienne bulle, en +laquelle il l'appelle _flagiciorum serva_; mais que c'est chose de +quoy elle ne se soucye guières, sinon qu'elle pense que tant +d'estranges et insolantz désordres, qu'on voyt advenir, présagent +bientost la fin du monde; et, avec un rire extraordinaire, m'a compté +la façon dont mylord de Morlay, estant désembarqué à Donquerque, a +demandé de parler au bourgemestre de la ville, se faisant ung des plus +avancez et des plus illustres seigneurs d'Angleterre. + +Et se sont jusques là toutz noz propos passez bien fort gracieusement; +mais, quant c'est venu à toucher du faict de la Royne d'Escoce, il est +bien mal aysé, Sire, que je vous puisse dire en combien de façons la +dicte Dame a monstré qu'on l'avoit de nouveau exaspérée et aigrie +contre elle et contre l'évesque de Roz; car luy ayant seulement suyvy +la teneur de voz lettres avec les honnestes satisfactions qui y sont, +elle, en commémorant ses bienfaictz vers sa cousine, m'a récité les +offances vieilles et nouvelles qu'elle a receu d'elle et de ses +ministres, et qu'elles luy estoient si griefves que, si elle les eust +tenues aussi vériffiées, il y a ung moys, comme elle faict +meintennant, elle n'eust heu garde d'entrer en nul tretté des affères +de la dicte Dame avec moy; et qu'elle entendoit que, nonobstant le +dict tretté, Vostre Majesté faisoit embarquer quelques gens en +Bretaigne pour envoyer à Dombertrand, ce qu'elle remettoit bien à +vostre discrétion, et vouldroit qu'il fût vray, car ne fauldroit plus +parler d'accord; toutesfoys qu'elle pence que c'est parce que je vous +ay mandé l'acheminement de ces harquebuziers, que le comte de Sussex +avoit envoyez au comte de Morthon, en quoy je eusse bien faict de ne +me haster de le vous escripre sans en parler à elle ou à son +secrétaire, qui m'eussent faict entendre que ce n'estoit aulcunement +pour se mesler des droictz du royaulme entre la Royne d'Escoce et son +filz, mais pour s'opposer à ceulx qui favorisoient et recepvoient ses +rebelles, et pour donner ayde à ceulx qui les vouloient chasser; que, +en ce que je lui avois dict que les Escouçoys estoient après à vous +sommer de leur envoyer secours par vertu de voz alliances, qu'elle +croyoit bien que Ledinthon, qui avoit esté le plus traystre de toutz à +sa Mestresse, conseilloit meintennant de ce fère, mais qu'elle pense +que Vostre Majesté n'escoutera de si meschantz subjectz que ceulx là, +et ne vouldra pour eulx oublyer une si rescente preuve d'amytié, comme +est celle qu'elle vous a monstrée ez présentes guerres de vostre +royaulme, d'avoir rejecté toutes les persuasions qu'on luy a faictes, +et toutes les occasions qu'on luy a offertes, d'y pouvoir fort +incommoder voz affères, et porter ung grand proffict aulx siens; que, +de ce que son ambassadeur vous avoit requiz de n'envoyer voz forces en +Escoce avec l'asseurance qu'elle n'y envoyeroit point les siennes, +que je croye fermement que tout ce qu'elle vous aura mandé ou qu'elle +vous mandera par luy, elle l'acomplyra, mais qu'il fault considérer la +distance des lieux, et qu'il n'est possible de si tost exécuter une +parolle comme elle est dicte; qu'elle remercye Vostre Majesté du +commandement que m'avez faict de ne m'espargner d'aller jusques vers +la Royne d'Escoce, s'il est besoing, pour l'exorter qu'elle luy +veuille fère d'honnestes offres, et icelles acomplyr et inviolablement +observer; qu'elle ne fait doubte qu'elle ne promette assés, mais +qu'elle ne tiendra jamais; et que l'évesque de Roz est desjà allé +devers elle pour luy parler, qui me relèvera de ceste peyne, duquel +toutesfoys elle ne peult plus espérer aulcun bon office, et que +hardyment la Royne d'Escoce envoye ung aultre ministre, car celluy là +ne parlera jamais plus à elle. + +De toutz lesquelz propoz de la dicte Dame, plains de courroux, voyant +que je ne pouvois recuillyr rien de certain, je luy ai demandé s'il +luy playsoit point accomplyr les deux choses, qu'elle m'avoit +naguières promises; de procéder dilligentment à la restitution de la +Royne d'Escoce et de retirer ses forces hors de son pays. + +La dicte Dame, intermélant plusieurs aultres propos, m'a enfin +respondu que, pour l'honneur de Vostre Majesté, elle continuera et +paraschèvera le tretté avec la dicte Dame aussitost qu'elle luy aura +faict entendre son intention sur ce que l'évesque de Roz luy aura +dict; me touchant, en passant, que d'aultres foys elle luy avoit +escript que, s'il n'estoit trouvé bon de la remettre avec +magnifficence et aparat en son pays, qu'elle estoit contante qu'on +l'envoyât privéement comme une qui retournoit aulx siens; en quoy +elle a toutjours vollu pourvoir que ce fût avec seureté de sa vie: et +quant à retirer ses forces, que je donne toute asseurance à Vostre +Majesté que, suyvant sa promesse, le comte de Sussex les a desjà +révoquées à Barvych, hormiz quelque peu de gens, qu'il a miz à la +garde de deux chasteaux; lesquelz elle ne dellibère randre, qu'elle ne +soit satisfaicte des outraiges que luy ont faict ceulx à qui ilz +apartiennent. + +A cella je luy ay répliqué que ce ne seroit retirer ses forces que de +laysser garnyson dans deux chasteaulx, et que je la pouvois asseurer +que Vostre Majesté ne s'armeroit jamais pour maintenir les rebelles +d'Angleterre, ainsy qu'elle, de son costé, disoit ne s'armer aussi +contre les droictz de la Royne d'Escoce: néantmoins de tant que ceste +alliance d'Escoce, qui a duré neuf centz ans à vostre couronne, vous +abstreinct d'assister meintennant l'auctorité de la Royne d'Escoce, +vostre belle soeur, contre ses propres rebelles; et y voulant elle, en +mesmes temps, poursuyvre les siens, qu'enfin vous viendriez aulx armes +et à la guerre entre vous contre votre propre vouloir et intention; et +que vous aviez trop plus de rayson de mettre garnyson dans Dombertrand +que elle d'en tenir dans Humes et Fascastel. + +Elle allors m'a respondu qu'elle ne sçavoit, à la vérité, comment le +comte de Sussex en a usé, ny quelles gens il a layssé dans ces +chasteaulx; mais que tout cella se pourra accommoder par le tretté, et +qu'elle desire bien sçavoir quelle responce Vostre Majesté me fera, et +ce que vous aurez respondu à son ambassadeur sur ce qu'elle, a +dernièrement tretté avec moy. + +Et layssant ainsy ces propos, nous sommes passez à d'aultres plus +gracieulx, avec lesquels s'est finye ceste audiance, despuys laquelle +m'estant pleinct au secrétaire Cecille de la dicte garnyson des deux +chasteaulx, il m'a respondu que ce n'estoit chose de conséquence; car +n'y avoit que quarante hommes en l'ung, et vingt en l'aultre; et que +le tretté mettroit fin à tout cella; me priant de continuer à fère +tousjours bons offices entre Voz Majestez, et qu'il contendra avec moy +de les fère encores meilleurs, s'il peult. Sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de juing 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, les propos, que Vostre Majesté verra, en la lettre du Roy, que +la Royne d'Angleterre m'a tenuz, procèdent, à mon adviz, de l'une de +trois occasions et, possible, de toutes trois ensemble: la première, +des véhémentes inpressions qu'on luy a données, et qu'on luy donne +encores, de ne se debvoir jamais tenir bien asseurée de la Royne +d'Escoce, dont aulcuns me disent que, quoy aussi que la dicte Dame me +promette, son intention, ny celle des siens, n'est de se despartyr +aucunement des premières dellibérations qu'ilz ont faictes sur ceste +paouvre princesse et sur son pays, sinon qu'ilz y soyent contrainctz +par la force; la seconde, qu'on l'asseure que le capitaine La Roche et +le capitaine Puygaillard sont desjà embarquez à Suscivye, avec cinq +centz harquebouziers brethons, pour passer en Escoce: ce que la dicte +Dame m'a dict le sçavoir bien au vray, mais qu'elle est bien advertye +aussi que, le IXe de ce moys, ils n'estoient encores bougez, et, +possible, a elle vollu ainsy braver lorsqu'elle s'est trouvée en plus +grand peur; et la troisiesme est qu'on luy a fort magniffié les +forces, qui sont en l'armée des Princes de Navarre et de Condé, +l'asseurant qu'elles sont suffisantes de travailler assez toutes +celles de Voz Majestez, sans qu'en puyssiez envoyer dehors. + +Car, voycy, Madame, ce que j'entendz qu'on a miz par escript et +monstré à la dicte Royne d'Angleterre et puys publié, de main en main, +de la créance qu'a aportée le messagier de Mr l'Amyral. C'est que le +dict sieur Amyral fortiffie Roane, pour estre ung lieu très oportun et +commode à maintenir la guerre, et y fère son magazin, et pour y +retirer ses mallades; et avoir ce passaige de Loyre à son +commendement, pour y pouvoir sans difficulté recuillyr les secours +d'Allemaigne et incommoder grandement toutz les aultres pays +d'alentour; que, oultre qu'il a avec luy les viscomtes, et les troupes +de gens de cheval et de pied qui estoient en Gascoigne, qui ne sont +petites, il a recuilly en Languedoc ung grand nombre de bien bons +soldatz, et que le comte de La Rochefoucault l'est venu trouver avec +huict centz chevaulx et deux mil harquebuziers, toutz gens d'eslite; +que de la Charité est arrivé dans son camp une troupe de quatorze +centz bons hommes, toutz à cheval; que Mr de Lizy y est aussi arrivé +d'une aultre part, avec douze centz harquebuziers et cinq centz +chevaulx, lesquelz il a recuilliz en revenant d'Allemaigne; et que +tout cella ensemble faict la plus brave armée de Françoys qui de +longtemps ayt esté veue en France, oultre les reytres qu'il a, qui ne +sont guyères diminuez; et qu'il ne désire rien tant que de venir à une +journée, laquelle il cerchera de donner bientost par toutz les moyens +qu'il luy sera possible; et que l'armée du Roy, que Mr le mareschal de +Cossé conduict, est composée de huict mil Suisses nouvellement levez, +car des vieulx n'en y a guières plus, et de quatre mil Françoys, d'ung +nombre de reytres, qu'on paye à trois mil, qui ne sont que dix huict +centz, soubz la charge du jeune comte de Mensfelt, duquel il ne se +deffye pas trop, et d'envyron quatre mil chevaulx françoys; et qu'il a +esté mandé à Mr le mareschal de Damville de se joindre au sieur +mareschal de Cossé, affin de donner la bataille, laquelle néantmoins +semble qu'il la vouldra évitter; car s'est logé vers Dun le Roy, et se +couvre de la rivière d'Allyé. Lesquelles nouvelles, comme elles +mettent en grand suspens les opinions des hommes, aussi suspendent +elles les dellibérations des affères; et croy qu'elles retarderont +ceulx que nous traictons icy meintennant, attendant ce qui pourra +succéder; mesmes que j'entendz que, parmy leurs esglizes, il est desjà +ordonné de fère prières et jeunes pour ceste prochaine bataille, tant +ilz pensent que les choses en sont prez; et encores que je m'asseure, +Madame, que si cecy est vray, Voz Majestez l'auront bien entendu +d'ailleurs, toutesfoys, pour l'inportance de l'affère, et pour le +dangier qu'aulcuns personnaiges d'honneur et de bien, qui conférons +quelquefoys ensemble, avons peur que puysse avenir, je n'ay vollu +différer de le vous mander incontinent par ce courrier exprès, avec +les responses de la dicte Royne d'Angleterre. Et sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de juing 1570. + + + + +CXVIe DÉPESCHE + +--du XXIe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyée jusques à la court par Groignet, l'un de mes secrétaires._) + + Message de la reine d'Angleterre, afin que le roi soit + sur-le-champ averti qu'elle se considérera comme dégagée de sa + parole si l'expédition française, destinée à porter des secours + en Écosse, sort des ports de Bretagne.--Désir de l'ambassadeur + que l'on ajourne cette expédition.--Nouvelles d'Allemagne, où + tout se prépare pour donner d'importans secours aux protestans + de France.--_Lettre secrète à la reine-mère._ Dispositions + prises par les protestans de France, en Angleterre et en + Allemagne, dans le but de continuer la guerre avec vigueur. + + + AU ROY. + +Sire, les responces et adviz, que je vous ay escript despuys trois +jours, m'ont semblé estre assez pressez pour les vous debvoir fère +sçavoir par ung courrier exprès, comme j'ay faict; et meintennant, +Sire, je suys instantment requiz par la Royne d'Angleterre de vous en +dépescher encores ung, tout présentement, pour vous notifier ce que, +par ung sien secrétaire, nommé maistre Sommer, elle m'a envoyé dire +jusques en mon logis: c'est qu'elle avoit bonne souvenance des choses +naguières accordées entre elle et moy, touchant la Royne d'Escoce, et +qu'elle estoit preste de les acomplyr tant à continuer et paraschever +le tretté avecques elle, que à révoquer ses forces hors de son pays, +comme desjà elle les avoit faictes retirer à Barvyc; mais que, ayant +très certain advertissement comme il s'embarquoyt des compaignies en +Bretaigne pour les envoyer de dellà, qu'elle vouloit bien déclairer à +Vostre Majesté que, si elles y passoient, elle se tenoit, d'ors et +desjà, quicte et deschargée de la promesse qu'elle m'avoit faicte, et +qu'elle exploicteroit dans le dict pays par son armée, qui est +encores entière et en estat, tout ce qu'elle verroit estre expédiant +et à propos pour son service; et qu'elle continueroit de retenir la +Royne d'Escoce là où elle est, sans plus entendre à nul tretté +avecques elle; et, de tant que cella importoit beaulcoup à vostre +commune amytié, à laquelle elle avoit regrect d'y veoir intervenir +ceste altération, me prioit que je vous en voulusse promptement +advertir par homme exprès, qui peult retourner en dilligence, affin +que je l'en peusse résouldre. + +Et bien, Sire, que j'aye respondu au dict Somer que j'avois +freschement reçeu une responce de Vostre Majesté, laquelle j'yrois +aporter à la dicte Dame, et j'espérois qu'elle la contenteroit, il n'a +layssé pourtant de percister que je debvois dépescher promptement +devers Vostre Majesté; qui est l'occasion du voyage de ce mien +secrétaire, par lequel je vous suplieray très humblement, Sire, que, +en voz propos à l'ambassadeur d'Angleterre et en voz apretz de +Bretaigne, il vous playse monstrer toutjour que vous estes prestz +d'entretenir ce qui a esté accordé en vostre nom à la dicte Dame, et +de différer l'embarquement et passaige de vostre secours en Escoce, +jusques à ce qu'aurez veu ce qui succèdera du tretté qu'elle a +commancé avec la Royne vostre belle soeur; et qu'elle veuille achever +de retirer la garnyson qui est demeurée dans Humes et Fascastel, comme +elle a desjà retiré le principal de ses aultres forces du pays, +nonobstant que vous rescentiez beaucoup ce dernier exploict de ses +gens, qui ont abattu quatre maysons du duc de Chastellerault et brullé +toutz ses villaiges. + +Et après, Sire, que j'auray parlé à la dicte Dame sur la bonne +responce, que m'avez commandé luy fère par vostre dépesche du Xe du +présent, je feray entendre ce que j'auray peu comprendre de ses +propos, tant sur ce faict de la Royne d'Escoce que sur ce que la dicte +Dame peult avoir sceu des choses d'Allemaigne: d'où j'entendz qu'elle +a freschement receu lettres, qui lui parlent de l'acheminement de +l'Empereur à Espire pour la diette; et comme la Royne d'Espaigne passe +oultre vers les Pays Bas, laquelle deux mil chevaulx allemans viennent +accompaigner jusques à Nimeguen, où le duc d'Alve la doibt aller +recepvoir, et qu'elle meyne deux de ses petitz frères pour les passer +en Espaigne, (au lieu des deux aisnez) qui s'en retourneront sur les +mesmes vaysseaulx, qui la seront allez conduyre; et que les nopces du +Cazimir ont été accomplyes, où se sont trouvez trèze mil chevaulx, +lesquelz on tient pour chose asseurée que s'acheminent incontinent en +France, au secours de Messieurs les Princes et Amyral; que les trois +électeurs laycs se sont liguez ensemble pour s'oposer aulx décrectz +qui pourroient estre faictz ou contre leur religion, ou contre les +libertez d'Allemaigne; et qu'il semble encores que c'est +principallement pour empescher que l'Empereur ne puysse fère créer son +filz roy des Romains, non sans quelque esbahyssement commant celluy de +Brandebourg s'est joinct à cella, veu qu'il est pensionnaire à six mil +escuz par an du Roy d'Espagne, et qu'il s'est toutjours monstré amy et +serviteur de la mayson d'Austriche; et que aus dictes nopces du dict +Cazimir a appareu quelque désordre de l'ung des deux ducz Jehan de +Saxe, Frédéric ou Guillaume, qui sur quelque débat a vollu tuer le +comte Pallatin; et que quelque homme Gantoys a esté prins et exécuté +pour avoir confessé qu'il estoit venu à la dicte assemblée, pour +donner un coup de pistollé au prince d'Orange. De toutes lesquelles +nouvelles, Sire, celle de la descente de ces Allemans en votre +royaulme me semble considérable, parce qu'il y a grand aparance qu'on +l'exécutera, si la paix ne se conclud bientost; et j'en ay icy de +grandz indices, et pareillement d'une armée de mer, qui se prépare par +ceulx de la nouvelle religion, de bon nombre de vaysseaulx pour fère +une descente de deux ou trois mil hommes en quelque lieu de Normandie, +Bretaigne ou Guyenne; et ne monstrent qu'ilz espèrent encores, en +façon du monde, la dicte paix, bien que, tout à ceste heure, l'on me +vient de dire qu'il a esté semé quelque bruict à la bource de ceste +ville qu'elle est desjà conclue. Sur ce, etc. + + Ce XXIe jour de juing 1570. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre à part du dict jour._) + +Madame, ce n'est tant pour satisfère à la Royne d'Angleterre, que je +vous envoyé présentement ce mien secrétaire, comme pour vous aporter +ceste mienne lettre à part, par laquelle je veulx bien asseurer Vostre +Majesté que, sur la créance du messagier de Mr l'Admyral, duquel je +vous ay naguières faict mencion, il a esté tenu, dez dimanche dernier, +entre les principaulx, qui sont icy, de la nouvelle religion, Françoys +et Flamans, ung conseil bien fort secrect; duquel, à la vérité, je +n'ay pas bien descouvert toutes les dellibérations, mais ceulx cy sçay +je bien de certain, c'est que, incontinent après la tenue du dict +conseil, il a esté dépesché de par eulx, coup sur coup, deux +messagiers en Hembourg, pour y aporter les lettres de responce et de +crédict, que de longtemps ilz se sont pourveuz icy pour fère leurs +payemens en Allemaigne; et que c'est pour fère incontinent marcher +leurs nouvelles levées; et qu'ilz sont après à ordonner deux d'entre +eulx pour les aller trouver, affin de les conduyre et leur servyr de +mareschaulx de camp, jusques à ce qu'ilz seront arrivez en l'armée des +Princes; et estiment le nombre des dicts Allemans non moindre que de +douze à quinze mil chevaulx; et pour ordonner aussi ung général de +mer, d'entre les gentilhommes qui sont icy, pour l'envoyer bientost +fère une descente de deux mil cinq centz hommes, en quelque lieu de +Normandie ou Bretaigne, où ilz ont intelligence; et que desjà les +vaysseaulx, les vivres et tout l'apareilh de l'entreprinse est prest à +la Rochelle, où s'yront joindre les vaysseaulx du prince d'Orange, qui +sont en ceste coste, et encores deux toutz nouveaulx qu'ung sien +serviteur a heu, despuys deux jours, permission d'aller armer et +équiper à Amthonne. Et semble qu'il y ayt icy aulcuns gentishommes +françoys qui, à regrect, feront ce voyage, et que, si Vostre Majesté +les vouloit gratiffier et les retirer au service du Roy, ilz +habandonneroient très vollontiers l'aultre party, lequel aultrement +ilz sont contrainctz de suyvre; vous suppliant très humblement, +Madame, de ottroyer au gentilhomme, pour qui le sieur de Vassal vous +aura parlé, la seureté qu'il vous demande, laquelle j'estime que +reviendra au proffict de vostre service. Et faictes semblant, Madame, +s'il vous playt, que vous n'avez heu ces adviz de moy, aultrement il +sera dangier que je ne vous en puysse plus mander, s'ilz cognoissent +que j'aye tant de notice de ces affères; car les dicts de la nouvelle +religion sont bientost advertys de tout ce que le Roy, et Vous, et +Monseigneur, dictes et faictes; et mesmes l'on m'a asseuré que, en +France, oultre ceulx de l'aultre party, il y en a aulcuns, lesquelz on +ne m'a poinct nommez, qui ne sont point déclairez de leur costé, qui +toutesfoys sont respondans de la paye de ces reytres, qui doibvent +venir. + +Par ainsy, Madame, considérant l'estat des choses, et le peu de +confiance que Voz Majestez doibvent mettre en rien qui soit que en +Dieu seul, et en vous mesmes; et que la descente du Cazimir vous doibt +estre très suspecte, pour l'alliance du duc Auguste, qui ne l'a prins +pour son gendre pour sa présente grandeur, ains possible pour celle où +il aspire par les troubles des aultres estatz; et que la Royne +d'Angleterre ne fauldra d'incliner à leur entreprinse; je ne puys que +prier Dieu bien fort dévottement qu'il vous doinct, Madame, à bientost +conclurre la paix, et la conclurre telle que la descente des Allemans +en soit bien certainement divertye, et Voz Majestez exemptes de toute +surprinse, déception et dangier. Et sur ce, etc. + + Ce XXIe jour de juing 1570. + + Je vous puys asseurer, Madame, que ceulx de la nouvelle religion, + qui sont icy, ne s'attendent aucunement à la paix, ains à + continuer la guerre; et semble que l'ambiguité et la longueur, + dont l'on procède à vous rendre response sur les articles de la + dicte paix, n'est que pour gaigner le temps et attandre leur + secours. + + + + +CXVIIe DÉPESCHE + +--du XXVe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyée exprès par Jehan Monyer, postillon, jusques à Calais._) + + Retard apporté à la désignation d'une audience demandée par + l'ambassadeur.--Interrogatoire subi par l'évêque de Ross devant + le conseil d'Angleterre.--Conditions arrêtées dans ce conseil + au sujet du traité qui peut être conclu avec la reine + d'Écosse.--Nouvelles d'Allemagne.--Avis donné au roi d'une + entreprise qui se prépare pour opérer une descente en France. + + + AU ROY. + +Sire, affin de mettre la Royne d'Angleterre hors de la peyne, où elle +est, de l'aprest qu'on luy a dict que Vostre Majesté faict en +Bretaigne pour envoyer des gens en Escoce, je luy ay, dez mardy +dernier, envoyé demander audience, pour luy fère veoir vostre bonne +responce là dessus en la façon que par voz lettres, du Xe de ce moys, +il vous playt me le commander; et le secrétaire Cecille, ayant conféré +avecques elle, m'a respondu qu'elle ne me la pouvoit si tost ottroyer, +à cause qu'elle se trouvoit mal, comme à la vérité elle faict, de sa +jambe, mais que je luy pourrois escripre cella mesmes que j'auroys à +luy dire. Dont de tant, Sire, qu'on m'a adverty qu'il y a de +l'artiffice en cella, pour fère tremper l'évesque de Roz, et pour fère +en sorte que la dicte Dame renvoye cependant ses forces en Escoce, et +qu'elle face jetter de ses grandz navyres en mer, pour la persuasion +qu'on luy donne que, nonobstant voz bons propoz, qu'avez tenuz à son +ambassadeur, vous ne lairrez d'envoyer gens par dellà; j'ay escript ce +matin à la dicte Dame que, de tant qu'une lettre ne pourroit suffire +pour tout ce que j'avois à luy dire, ny me raporter sa responce, et +que les propos, que j'avois à luy tenir de vostre part, n'estoient +toutz que pour son contantement, que je me garderoys de les employer +ny par escript, ny par présence, en actes si contraires, comme seroit +d'en travailler sa santé, et que partant j'attendrois fort paciemment +et de bon cueur la commodité de sa convalescence; laquelle je prioys +Dieu de luy donner bientost et bien parfaicte. + +Je ne suis trop marry, Sire, de ce retardement parce que le comte de +Lestre et ceulx, qui portent faveur à ceste cause, seront cependant de +retour; en l'absence desquelz ayantz les aultres ouy l'évesque de Roz +sur le faict, dont on le chargeoit, d'avoir tretté en secret avec le +comte de Surampthon, et ayantz vollu aussi tirer de luy ce qu'il +aportoit de l'intention de sa Mestresse, sans l'admettre à la présence +de la Royne d'Angleterre, après qu'il s'est bien deschargé de l'ung, +et qu'il leur a heu remonstré qu'il ne pouvoit fère l'aultre pour +aulcunes choses secrectes qu'il ne pouvoit commettre qu'à elle mesmes, +ilz se sont desbordez jusques là de luy dire qu'ilz ne se soucyoient +pas tant de l'advancement de ceste matière qu'ilz le vollussent +presser de la leur proposer; mais, de tant que la Royne d'Escoce et +luy, qui est son ministre, et toutz les princes qui parlent pour elle, +estoient papistes, et par ainsy ennemys de leur Mestresse et de son +estat, qu'ilz tenoient pour très suspect tout ce qui se trettoit de sa +restitution; à l'ocasion de quoy il falloit, avant toutes choses, +qu'elle et luy fissent profession de la religion réformée, et bien +qu'ilz y ayent meslé quelque soubzrire, ce n'a esté toutesfoys sans +parolles véhémentes pour essayer s'ilz pourroient gaigner ce point. + +En quoy le dict sieur évesque a usé de saiges responces, qui seroient +longues à mettre icy; mais cependant j'ay descouvert, Sire, comme ne +pouvant ceulx cy vaincre le désir, que leur Mestresse a de sortyr de +cest affère, qu'ilz se sont dellibérez de se tenir fermes et résoluz +aux condicions qui s'ensuyvent: Que la religion protestante soit +establye et confirmée en Escoce; que la Royne d'Escoce se doibve +obliger, par sèrement solemnel, et fère obliger les siens, qu'elle +n'entendra jamais à nul party de mariage, sans l'exprès consantement +de la Royne d'Angleterre; qu'elle chassera les rebelles anglois, qui +se sont retirez en son pays, sans jamais plus en recepvoir, et que +désormais ilz seront randuz mutuellement par l'ung prince à l'aultre +sans contradict; qu'elle cèdera à la Royne d'Angleterre, et aulx +descendans qui procéderont d'elle, tout le droict et tiltre qu'elle +prétend à ceste couronne; qu'elle déclairera, d'ors et desjà, pour son +successeur à celle d'Escoce et à ses droictz prétanduz de ceste cy son +filz le Prince d'Escoce; que le dict Prince sera mené pour être nourry +en Angleterre soubz quelque promesse, que la dicte Royne d'Angleterre +fera, de le déclairer pareillement son successeur immédiat après elle, +au cas qu'elle n'eust point d'enfans; que ligue sera faicte, offencive +et deffencive, entre les deux roynes et leurs royaulmes à jamais, à +laquelle sera donné lieu à Vostre Majesté d'y pouvoir entrer si bon +vous semble, mais soubz des condicions que je n'ay encores peu bien +sçavoir quelles elles sont; qu'il ne sera loysible d'introduyre nul +estrangier en armes, d'où qu'ilz soient, dans le pays, ny par quelque +couleur ou prétexte que ce puisse estre; et, finalement, que Vostre +Majesté baillera ostaiges, à estre icy quelque temps, pour la seureté +des choses susdictes. + +Je n'ay encores, Sire, donné cest adviz à l'évesque de Roz, lequel +aussi n'a pas heu loysir de me conférer les offres qu'il aporte de sa +Mestresse; mais Vostre Majesté, s'il luy playt, me commandera de bonne +heure sa bonne vollonté là dessus, affin que je me trouve bien préparé +d'icelle, quant il en sera temps; car j'espère que nos amys vaincront +l'opiniastreté de noz ennemys de ne demeurer trop fermes sur si dures +condicions comme seroient toutes celles icy ensemble. + +Au surplus, Sire, il se continue fort que ceste nuée d'Allemans des +nopces du Cazimir yra estre ung orage en vostre royaulme au secours +des Princes et de l'Amyral, ayant le comte Pallatin escript par deçà +que en la dicte assemblée ne seroit rien obmiz de ce qui apartiendroit +au secours de leur religion en France; duquel secours, pour +l'incertitude de l'intention du duc Auguste, les déterminations +n'avoient peu prendre aulcune bonne résolution jusques à ceste heure; +qu'il avoit déclairé que le sien seroit le premier prest, et qu'il +l'envoyeroit à ses despens. Et estime l'on que la dicte assemblée des +nopces a esté principallement projettée pour estre une contrediette de +celle que l'Empereur a assignée à Espire, affin de résouldre, de eulx +mesmes et sans le dict Empereur, les affères d'Allemaigne à la +dévotion des trois ellecteurs laycs, qui semblent avoir tiré celluy de +Colloigne eclésiastique à leur party; et pour ordonner aussi de +l'establissement de leur religion en France et en Flandres, mais +surtout pour empescher que l'ellection du roy des Romains ne se puisse +fère en la personne du filz, ny du frère de l'Empereur, non sans +quelque opinion qu'ilz veuillent, entre eulx et de leur propre +authorité, nommer le dict Auguste roy des Romains. Et de tant, Sire, +que, de jour en jour, me viennent plusieurs indices que ceulx de la +nouvelle religion ont une descente en main en quelcun de voz portz ou +places de mer de dellà, où ilz prétendent mettre deux mil cinq centz +hommes en terre, et qu'à cest effect ilz aprestent ung grand armement +à la Rochelle; et que je sçay que les vaysseaulx du prince d'Orange, +qui sont en ceste mer estroicte, s'y préparent; aussi que j'entendz +qu'ilz sont sur la dellibération s'ilz convyeront les Anglois d'estre +de la partie, lesquelz tiennent quatorze grandz navyres et plusieurs +aultres vaysseaulx en estat, et grand nombre d'hommes enrollés pour +quelque effect; je vous suplye très humblement, Sire, qu'il vous +playse advertyr incontinent les gouverneurs de Normandie, Picardie, +Bretaigne et Guyenne, car je ne sçay proprement où s'adresse leur +entreprinse, qu'ilz ayent à y prendre garde et se préparer si bien +qu'ilz ne puissent estre surprins. Sur ce, etc. + + Ce XXVe jour de juing 1570. + + + + +CXVIIIe DÉPESCHE + +--du XXIXe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Dièpe par Brogle, messagier._) + + Audience.--Discussion des affaires d'Écosse.--Promesse de la + reine d'arrêter toute hostilité, et d'entendre les propositions + de l'évêque de Ross.--Désir manifesté par Élisabeth de voir la + paix rétablie en France.--Communication faite par la reine à + l'ambassadeur des nouvelles qu'elle a reçues d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, s'estant la Royne d'Angleterre assés tost repentye de ne +m'avoir, le XXIIIe du présent, ottroyé audience, elle m'a mandé, le +deuxième jour après, que je la vinse trouver quant il me plairroit; et +se sont, la lettre qu'elle me faisoit escripre là dessus par le +secrétaire Cecille et la mienne, que pour cest aultre effect je luy +escripvois, laquelle elle a heu bien agréable, rencontrées en chemin, +dont je suys allé trouver la dicte Dame le XXVIe de ce moys à Otlant; +où m'ayant faict appeller en sa chambre privée, en laquelle elle +estoit en habit de mallade, ayant sa jambe eu repoz, après m'avoir +compté de son mal, et faictes ses excuses de ne m'avoir peu si tost +ouyr comme je l'avois desiré, je luy ay ramentu les choses cy devant +accordées entre nous, et comme je n'avoys failly, suyvant son désir, +de dépescher ung homme exprès pour aporter à Vostre Majesté la +déclaration que sur icelle elle m'avoit envoyé notiffier par son +secrétaire Sommer; laquelle déclaration je luy voulois bien dire que +je ne l'avoys peu trouver guières mauvayse, encore qu'il y eust +quelque peu de menace, parce qu'il y avoit aussi de la franchise et +une vraye démonstration qu'elle faisoit de vouloir évitter toute +altération entre Voz Majestez, dont j'espérois que ce qu'elle +entendroit meintennant de vostre intention en cella la contanteroit. + +Et ainsy, Sire, je luy ay récitté mot à mot le contenu de vostre +lettre du Xe de ce moys, non sans qu'elle ayt donné une claire +cognoissance, sans en rien dissimuler, qu'elle recepvoit ung singulier +playsir de ce que je luy disoys; m'ayant tout aussitost prié bien fort +expressément de luy en vouloir bailler aultant par escript, affin de +le monstrer à quelques ungs de ses conseillers, qui luy disoient +qu'elle ne debvoit laysser de procéder et pourvoir aulx affères +d'Escoce, tout ainsy que si Vostre Majesté ne luy avoit rien faict +promettre par moy, ny luy mesmes rien dict à son ambassadeur: car +croyoient que vous n'aviez aulcune vollonté d'en rien observer, ainsy +que voz aprestz de Bretaigne, qui ne cessoient pour cella, leur en +donnoient assés bon tesmoignage; ce néantmoins qu'elle s'en vouloit +reposer en vostre parolle, comme d'ung magnanime Roy et Prince +vertueux et saige, qui regardiez à conserver l'amytié des princes voz +voysins, entre lesquelz ce seroit elle qui vous randroit la sienne +plus parfaicte et accomplye; et qui, oultre le remercyement très grand +qu'elle vous fesoit de l'esgard qu'avez heu maintennant à icelle, vous +cognoistriez qu'elle ne l'auroit moins ferme en l'observance de ses +promesses qu'elle s'asseuroit de la persévérance de la vostre, en +celles que vous luy faysiez. + +J'ay suyvy, Sire, à luy dire qu'elle trouveroit toutjour toute seurté +et vérité en voz parolles et en celles de la Royne vostre mère, et que +toutz les jours il luy viendroit nouvelles preuves, que Voz Majestez +n'avoient aultre intention que de vivre en grande unyon de paix, et de +toute bonne intelligence avecques elle; bien que je luy vollois +confesser tout librement que, le lendemain de l'aultre audience +qu'elle m'avoit donnée à Amthoncourt, je n'avoys failly de vous fère +une dépesche, non pour aigryr ainsy les matières, comme il m'avoit +semblé que je l'avois trouvée elle aigrye et changée en peu de jours, +(ce que je n'atribuoys aulcunement à elle, ains à d'aultres, qui +avoient fort à regrect la bonne unyon de Voz Majestez), mais que je ne +vous avois pas vollu celler ce qu'elle m'avoit résoluement dict de +vouloir en toutes sortes retenir les deulx chasteaulx de Humes et +Fascastel, jusques à ce que ceulx à qui ilz apartiennent eussent +satisfaict à l'obligation des frontières; et que meintennant j'avois +à la requérir très instantment de deux choses: l'une, que, de tant que +Vostre Majesté avoit tant vollu defférer à nostre accord qu'ayant ung +armement tout prest pour le secours d'Escoce, et les Escouçoys sur le +lieu qui vous requéroient de l'envoyer, et qui vous remonstroient le +gast, le bruslement et la démolition de leurs maysons nobles du pays, +et la détention de leur Royne en Angleterre; et que, nonobstant tout +cella, vous aviez différé et quasi interrompu le dict secours pour luy +complayre, qu'elle, de sa part, vollût entièrement retirer ses forces +hors du dict pays, comme elle me l'avoit promis, et nomméement celles +qu'elle avoit encores dans les deux chasteaulx; la segonde chose +estoit qu'ayant Mr l'évesque de Roz aporté toute l'intention et ung +ample pouvoir de tretter et conclurre toutes choses avec elle pour sa +Mestresse, qu'elle y vollût meintennant procéder, ainsy dilligemment +qu'elle vous avoit promiz de le fère, sans plus remettre la matière en +longueur. + +Sur lesquelles deux choses, Sire, nous avons heu beaucoup de +contention, et n'ay, pour le regard de la première, peu obtenir rien +de mieulx que ce que la dicte Dame vous prie, Sire, de vouloir laysser +les loix de leurs frontières aller leur cours accoustumé, suyvant +lequel, le différant des dicts deux chasteaulx et des aultres +attemptatz doibvent estre vuydez par les gardiens d'icelles, qui ne +fauldront de randre lors les dicts deux chasteaulx, sans que cependant +ceulx qui sont dedans facent nul acte d'hostillité, qui estoit une +rayson que, quand elle seroit vostre vassalle, vous ne la luy pouviez +bonnement reffuzer; et, quant au segond, encor qu'elle eust proposé de +ne veoyr jamais l'évesque de Roz pour des occasions, lesquelles il +n'avoit peu ny nyer ny excuser, que néantmoins elle me promettoit de +l'ouyr dans deux ou trois jours; et qu'aussitost que le sir de +Leviston, lequel nous avions dépesché en Escoce, seroit de retour avec +les aultres commissaires escouçoys, elle vacqueroit sans aulcune +intermission aulx affères de la dicte Dame. + +Après lequel propos estimant, Sire, que je ne le debvois pour ceste +fois poursuyvre plus avant, la dicte Dame m'a dict d'elle mesmes +qu'elle desiroit fort que, la première foys que je retournerois vers +elle, je lui peusse aporter la conclusion de la paix de vostre +royaulme, estant bien marrye qu'elle alloit ainsy traynant. + +Je luy ay respondu que je n'avoys nul plus grand desir que de la +pouvoir satisfaire en cella, et que ceste sienne bonne intention +obligeoit Vostre Majesté et tout vostre royaulme beaucoup à elle, ne +faysant doubte, quant elle y pourroit ayder de quelque chose, qu'elle +ne le fyst. + +«Il n'y a, respondit elle, nulle oeuvre en ce monde où je m'employasse +plus vollontiers, ny où je courusse de meilleur cueur, encores que je +soys boyteuse, que je ferois à celle là, et que de ce j'en asseurasse +Vostre Majesté.» + +J'ay là dessus passé oultre à luy dire que je craignois bien que ceste +longueur peult admener quelque chose entre deux, et attirer encores +possible en vostre royaulme une partie de ces Allemans, qui s'estoient +trouvez aux nopces du duc Cazimir; et qu'elle sçavoit bien ce qui en +estoit, qui seroit ung bon tour de bonne soeur si elle vous en vouloit +advertyr, comme je luy vouloys bien dire que la condicion de la cause +et celle de sa qualité, qui estoit Royne, l'obligeoient de le fère, et +mesmes d'empescher qu'il ne se préparât rien pour soubstenir +l'opiniastretté et obstination de voz subjectz contre vous, qui +n'estoit exemple que pernicieulx pour elle mesmes. + +Elle m'a respondu qu'elle ne sçavoit pas entièrement tout ce qui en +estoit, mais que l'Empereur luy avoit bien escript que, par prétexte +du secours de la nouvelle religion en France, il s'estoit faicte une +plus grande assemblée à ces nopces du Cazimir, que ne requéroit +l'ordre des maryez, et qu'il monstroit par sa lettre qu'il la tenoit +fort suspecte pour luy mesmes; adjouxtoit d'aultres gracieulx propos +de ce qu'il avoit veu maryer son frère l'archiduc, encor qu'il l'eust +d'aultres foys tout dédyé à elle, mais qu'il la prioyt que les dictes +nopces ne luy fussent d'aulcune jalouzie, car elles n'empescheroient +qu'il ne fût encores tout sien; et que par le propos de la dicte +lettre et par plusieurs aultres indices elle croyoit asseuréement +qu'il y auroit ung nouveau secours d'Allemans pour ceulx de la +Rochelle, si la paix ne succédoit. Et par ce, Sire, qu'il seroit trop +long de mettre icy toutz les aultres propoz qu'avons heu en ceste +audience, je les remettray à une aultre foys; et adjouxteray seulement +ung mot de la réception de vostre dépesche du XIXe de ce moys, par le +Sr de Vassal, et du voyage que faictes fère par deçà au Sr de Poigny, +lequel nous mettrons peyne de l'aprofitter le mieulx qu'il nous sera +possible. Sur ce, etc. + + Ce XXIXe jour de juing 1570. + + + + +CXIXe DÉPESCHE + +--du Ve jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Sabran._) + +Résolutions d'Élisabeth de maintenir l'accord fait au sujet de +l'Écosse, et d'entrer en négociation sur la restitution de Marie +Stuart.--Espoir de la prochaine liberté du duc de Norfolk.--État de la +négociation des Pays-Bas.--_Mémoire général_, sur les affaires +d'Angleterre.--Bienveillance montrée par Élisabeth aux seigneurs +catholiques.--Condition mise à la liberté du duc de Norfolk.--_Mémoire +secret._ Communication faite par l'ambassadeur à la reine d'Angleterre +de la réponse du roi sur les articles proposés pour la restitution de +Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, pour avoir Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, ainsy +vertueusement parlé, comme vous avez, à l'ambassadeur de la Royne +d'Angleterre; et pour m'avoir commandé de déclairer icy à elle vostre +résolue intention de ne vouloir habandonner aulcunement la Royne +d'Escoce, ny les affères de son royaulme; il est advenu que la dicte +Dame a cessé d'en poursuyvre plus avant l'entreprinse par la force, et +qu'elle s'est condescendue d'en venir au tretté, duquel je vous ay +desjà envoyé le commancement. Il est vray, Sire, que, despuys dix +jours, l'on luy a si bien faict acroyre que, nonobstant vostre +promesse, vous ne larriez d'envoyer des gens en Escoce, que la dicte +Dame, changeant de dellibération, avoit desjà mandé au comte de Sussex +de rentrer de rechef avec son armée en pays, et d'y saysir toutes les +places qu'il pourroit; et à l'amyral Clynton de getter promptement six +grandz navyres en mer, non pour aller attaquer la flotte des François +au combat de main, laquelle ilz entendoient estre pourveue de deux +mil bons harquebouziers, mais pour la mettre à fondz à coups de canon, +s'il estoit possible; et mandé davantaige que le sir de Leviston, +lequel nous avions dépesché vers le duc de Chastellerault et vers les +aultres seigneurs escouçoys, pour leur apporter nostre accord, fût +arresté aulx frontières; et qu'au reste elle ne tretteroit ny +admettroit jamais plus l'évesque de Roz en sa présence; s'esforceans +encores ceulx, qui menoient ceste mauvaise pratique, de me fère +retarder mon audience, affin que je ne peusse assés à temps y +remédier; dont a esté assés mal aysé, Sire, de retirer la dicte Dame +de ceste opinion. Néantmoins, j'ay miz peyne de luy dire et encores de +luy bailler par escript, si à propos, la responce de Vostre Majesté du +Xe du passé, et de l'asseurer tant de la seurté et vérité qu'elle +trouveroit toutjour en voz promesses, que, oultre les choses que je +vous ay desjà mandé qu'elle m'avoit en présence lors accordées, voicy, +Sire, ce que de ceste vostre bonne responce s'en est despuys ensuyvy: + +Que la dicte Dame a escript au comte de Sussex de casser son armée et +se retirer luy à Yorc, laissant quelques compaignies aulx gardiens des +frontières, et une petite garnyson dans Humes et Fascastel; qu'elle a +ordonné à son admyral de ne getter nulz navires dehors, ains de fère +cesser pour ceste heure tout l'armement et apareil d'iceulx; qu'elle a +mandé au comte de Lenoz, qui estoit à Lislebourg, avec trois centz +Escouçoys entretenuz aux despens de la dicte Dame, de se retirer à +Barvyc; qu'on n'eust à donner aulcun empeschement au sir de Leviston +en la frontière, ains de luy laysser librement poursuyvre son voyage; +et finalement, suyvant sa promesse, qu'elle a si paciemment ouy +l'évesque de Roz, et si favorablement receu des ouvrages, qu'il luy a +présentez de la part de sa Mestresse, lesquelz elle mesmes avoit +faictz de sa main, qu'il m'a dict n'avoir jamais heu une plus bénigne +audience de la dicte Dame ny plus pleyne de satisfaction, qu'il a +faict ceste foys, avec promesse que, aussitost que le sir de Leviston +et aultres commissaires escouçoys seront arrivez, qu'elle procèdera en +toute dilligence aulx affères de la Royne d'Escosse. Et si, semble, +Sire, que le duc de Norfolc ayt aussi assés advancé le faict de sa +liberté, et qu'il est en termes d'estre bientost remiz en son logis de +ceste ville, soubz quelque soubzmission qu'il pourra fère à la dicte +Dame. + +Au surplus, Sire, de tant qu'il se trouve meintennant beaucoup de +diminution et de deschet en la merchandise d'Espaigne, qui a esté +arresté par deçà, et que ceulx cy ne la veulent fère bonne, ny veulent +pareillement estre tenuz de celle des trèze ourques, que ceulx de la +Rochelle en ont emmené pour leur part, il semble que leur accord avec +le duc d'Alve n'est près d'estre faict; mesmes que une ordonnance, de +nouveau publiée en Flandres contre les Anglois, monstre que le duc en +est assés esloigné, bien que par aultres moyens il en faict de plus en +plus attaicher la pratique, affin de la faire tumber à son poinct, +ainsy qu'on attand là dessus des commissaires de Flandres qui doibvent +bientost arriver; et ceulx cy desirent tant d'en sortyr qu'il semble +qu'à la fin ils se layrront plyer à ce que le dict duc vouldra, comme +desjà la dicte Dame lui a offert cinquante mil escuz du sien; mais la +demande passe ung million. Les sollicitations et dilligences de ceulx +de la nouvelle religion ne s'intermettent d'une seulle heure, ce qui +faict acroyre au monde qu'ilz sçavent très bien que le propos de la +paix sera acroché à quelque difficulté, et que la guerre sera encores +continuée. Sur ce, etc. + + Ce Ve jour de juillet 1570. + + INSTRUCTION AU DICT SR DE SABRAN des choses qu'il fault fère + entendre à Leurs Majestés, oultre les lettres: + + Que la Royne d'Angleterre est bien fort sollicitée d'interrompre + la paix de France par aulcuns, qui luy font acroyre, qu'aussitost + que le Roy l'aura conclue, il se ressouviendra des mauvais + déportemens, dont les Anglois, durant ceste guerre, ont usé, par + mer et par terre, à la Rochelle, icy, et en Allemaigne, contre + luy; ce qui n'est toutesfoys leur principalle craincte, ains + qu'avec la dicte paix s'en ensuyve l'accomodement des affères de + la Royne d'Escoce, laquelle ilz cerchent de ruyner, pour préférer + à son tiltre, de la succession de ceste couronne, ses aultres + compétiteurs qui y prétendent. + + Mais comme la dicte Royne parle toutjour en fort bonne façon de + la dicte paix, aulcuns m'ont asseuré que, à bon escient, elle la + desire, et qu'elle vouldroit en toutes sortes que la querelle des + subjectz fût bien esteincte au proffict et advantaige du Roy, ny + les affères d'Escoce ne la peuvent mouvoir au contraire, parce + qu'elle veult, commant que soit, sortir d'iceulx; et seulement + elle crainct que le Roy et le Roy d'Espaigne s'accordent à sa + ruyne, car aultrement elle estime bien que, se concluant la paix + en France, le Roy recepvra en grâce ceulx de ses subjectz, qui + ont senty quelque faveur et support d'elle, et que ceulx là + seront toutjour moyen que la dicte paix soit aussi entretenue + entre la France et l'Angleterre. + + Et la cause de luy fère ainsy souspeçonner, que l'intelligence + des deux Roys soit à son dommaige, procède de la bulle; car ne + peult croyre que, sans leur consentement, le Pape l'ayt ozé + expédier ainsy rigoureuse contre elle comme elle est; joinct que + le duc d'Alve se tient à ceste heure trop plus ferme sur l'accord + des prinses qu'il ne faisoit, et a monstré une très grande + anymosité contre les Anglois par une ordonnance, qu'il a faicte + tout de nouveau publier contre eulx; et si, voyent les dicts + Anglois qu'il se pourvoyt de beaulcoup plus de forces par mer et + par terre, qu'il ne leur semble estre besoing pour la réception + ou conduicte de la Royne d'Espaigne; ce qui leur donne occasion + de croyre qu'il ayt quelque entreprinse sur ce royaulme; + entendans mesmement que le Roy d'Espaigne est fort à bout de ses + Mores, et que toutz les Catholiques, qui s'absentent d'icy, vont + à recours à luy. + + A l'occasion de quoy j'ay prins, entre deux, l'oportunité de fère + recepvoir, le mieulx que j'ay peu, à la dicte Dame les honnestes + expédians et moyens, que le Roy luy a offertz, sur ce qu'ilz + peuvent avoir à démesler l'ung avecques l'aultre; dont semble que + enfin elle se lairra conduyre à quelque rayson, et m'a l'on + asseuré que, en l'endroit des Françoys, Allemans et Flamans, de + la nouvelle religion, qui sont icy, elle a faict, despuys cinq ou + six jours, des démonstrations assés expresses qu'elle desiroit la + paix de France; et pareillement a monstré, touchant les choses + d'Escoce, qu'elle vouloit contanter le Roy; et a commandé à ceulx + de son conseil de me donner satisfaction sur les choses + raysonnables que je leur pourray demander pour les subjectz de Sa + Majesté. + + Non que, pour tout cella, je cognoisse que ceulx du dict conseil, + qui portent le faict de la religion nouvelle, aillent en rien + plus froidz ny plus remiz que de coustume, ny que les principaulx + agentz, qui sont icy pour ceste cause, intermettent une seule + sollicitation ny dilligence vers eulx, ny à tenir souvant conseil + avecques les ministres, pour envoyer lettres et messaigiers de + toutz costez et pour recouvrer pollices de crédit pour + Allemaigne, ensemble pour pourvoir, par mer et par terre, à tout + ce qu'ilz pensent estre besoing pour continuer la guerre, me + venans confirmez de plus en plus les adviz, que j'ay desjà + mandez, qu'il s'apreste ung nouveau secours d'Allemans pour eulx, + et qu'ilz préparent une descente par mer en quelque lieu de + Normandie, Picardie ou Bretaigne; dont je crains bien que ung des + serviteurs de Mr de Norrys, nommé Harcourt, qui est Françoys, + lequel a esté naguières dépesché d'icy vers son maistre, ayt heu + commission de passer pour cest effect plus avant jusques en + Allemaigne, ou jusques au camp des Princes. + + Néantmoins la démonstration de la dicte Dame est, pour ceste + heure, de vouloir trop plus entretenir l'espérance des + Catholiques en son royaume que d'essayer de la leur rompre, ny de + les mettre en aulcune souspeçon des Protestans, ayant par son + garde des sceaux, en l'audience du dernier jour du terme passé, + faict dire à l'assemblée qu'elle avoit ung très grand regret de + veoir que ses subjectz catholiques se monstrassent intimidez pour + leur religion, ny qu'il y en eust qui, pour cause d'icelle, + s'absentassent, comme ilz faisoient, de son royaulme; et qu'elle + les vouloit toutz admonester de bon cueur de déposer ceste peur, + et de prendre telle asseurance d'elle, qu'elle n'innoveroit ny + permettroit estre innové rien des ordonnances sur ce establyes + par ses Parlementz et Estatz, soubz lesquelles son royaulme avoit + desjà vescu plusieurs ans en grand repos, et qu'elle n'entendoit + en façon du monde que les Catholiques fussent forcez en leurs + consciences. + + Dont despuys, la dicte Dame, entendant qu'on avoit rigoureusement + examiné et tenu assés estroict le sir Jehan Cornouaille, jadis + conseiller de la Royne Marie, et trois aultres personnaiges + d'assés bonne qualité, qu'on avoit envoyé à la Tour pour estre + cognuz affectionnez catholiques, elle s'en est asprement prinse à + ceulx qui l'avoient osé fère; et, pour leur fère plus de honte, + elle a ottroyé que le dict Cornouaille puysse venir luy baiser la + main, pour le renvoyer libre en sa mayson, et a commandé que les + aultres soyent tirez de la Tour. + + Et, encor qu'on luy ayt vollu imprimer beaucoup de nouvelles + souspeçons du comte d'Arondel, de milord Lomeley, du viscomte de + Montégu et d'aulcuns aultres seigneurs réputez catholiques, qui, + pour ceste cause, s'estoient tenuz retirez, elle n'a layssé de + les envoyer quérir avecques faveur; et n'a rejetté les propos que + eulx mesmes et d'aultres luy ont meu sur la liberté du duc de + Norfolc, nonobstant que, ez quartiers de son duché, ayent esté + naguières surprins deux gentishommes, assés familiers et + serviteurs de sa mayson, qui pratiquoient de soublever le peuple + et se saysir du chasteau de Farlin, qui est la principalle + forteresse du pays. + + Et semble que le dict duc seroit desjà délivré, sans la + compétance où en sont le comte de Lestre et le secrétaire + Cecille, lesquelz veulent chacun en avoir tout le gré, et estime + l'on que le comte soit marry de ce que n'ayant peu conduyre ce + faict avant son partement, il ayt trouvé, à son retour, que le + dict Cecille l'avoit bien fort advancé, lequel, à ce que + j'entendz, a tenu un tel moyen vers sa Mestresse: c'est de luy + avoir persuadé qu'elle debvoit concéder l'eslargissement du dict + duc, s'il luy déclaroit par une lettre, escripte et signée de sa + main, qu'il confessoit l'avoir offancée en ce que, sans son sceu, + il avoit presté l'oreille au mariage de la Royne d'Escoce, bien + qu'il eust toutjours estimé que c'estoit pour la seurté d'elle et + pour le repoz de son royaulme, mais puysqu'elle n'estimoit qu'il + fût ainsy, et qu'il s'apercevoit à ceste heure qu'il estoit assés + aultrement, il s'en despartoit entièrement et pour jamais, et + promettoit de n'entendre à cestuy, ny à nul aultre mariage, en sa + vie, que ce ne fût avec le congé et bonne grâce de la dicte Dame: + lequel expédiant je croy qui sera suyvy. + + Estant ce dessus escript, j'ay heu adviz comme un pacquet du + docteur Mont, agent pour ceste Royne en Allemaigne, estoit + arrivé, dez hyer au soyr, par lequel il mande que le Pape faict + bien fort presser l'Empereur de commancer la diette et de + procéder à la privation et désauthorisation des trois ellecteurs + laycs, pour substituer trois princes catholiques à leur lieu; + sçavoir: l'archiduc Ferdinand, le duc de Bavière et le duc de + Bronsouyc; mais que, se trouvans les aultres accompaignés de dix + ou douze mil chevaulx, et le dict Empereur seulement de douze ou + quinze centz, il faict grand difficulté de se trouver à la dicte + diette. + + Et que, par lettres du comte Pallatin venues en mesmes pacquet, + le dict sieur comte escript que le Pape s'esforce de troubler + l'Allemaigne, ainsy qu'il a troublé le royaulme de France; et que + Dieu lui est tesmoing que, de sa part, il desire la tranquillité + et le repoz de la Chrestienté et singulièrement du dict royaume, + en ce toutesfoys que la paix s'y puisse fère estable et à la + seurté de sa religion, aultrement il promect qu'il ne sera rien + obmiz de ce qui sera besoing pour réprimer ceulx qui la veulent + empescher. Il semble que, sur ceste altération d'Allemaigne, le + dict Pallatin s'employeroit assés vollontiers à procurer la dicte + paix, dont le Roy pourra essayer de se prévaloir de leurs mesmes + divisions, et je mettray peyne de fère sonder icy, parmi les + Protestans, s'ilz sentent que d'icelles leur vienne nul + retardement ou changement en leurs affères; car j'estime bien + qu'on attandra de veoir que pourra produyre ceste diette, qui est + si suspecte aux princes protestans, premier qu'ilz se + divertissent à nulles aultres entreprinses, et cella donra + quelque loysir à Sa Majesté. + + DIRA DAVANTAIGE, DE MA PART, A LEURS MAJESTEZ: + + Que ne sachant comme la Royne d'Angleterre eust peu prandre ce + que Leurs Majestez me commandoient de luy dire, touchant la ligue + d'entre la Royne d'Escoce et elle, comme le Roy estoit contant + d'y entrer, j'ay estimé que, pour réserver tout l'advantaige à + Leurs Majestez, et obvier qu'on n'y puisse rien calompnier, que + j'en debvois parler en la façon que j'ay faict: + + C'est que j'ay dict à la dicte Dame qu'ayant le Roy entendu les + trois poinctz, ausquelz s'estoit restreinct tout le premier + pourparlé d'entre les seigneurs du conseil d'Angleterre et + l'évesque de Roz; sçavoir: de la religion, du tiltre de ceste + couronne et de la ligue; que, quant au premier, de la religion, + estant desjà certain ordre receu là dessus en Escoce, lequel la + Royne n'a jamais enfrainct, il vouloit tant seulement prier à + ceste heure la dicte Dame de ne fère force ny viollance à la + conscience de la dicte Royne d'Escoce, ny innover rien en ceste + matière qui peult admener plus d'altération au monde qu'il n'en y + a: + + Et du segond, qui est le tiltre de la couronne d'Angleterre, + qu'il desiroit que la dicte Royne d'Escoce luy en fît toute la + cession et transport, qu'elle et son conseil estimeroient luy + estre besoing pour sa perpetuelle seurté et pour ceulx qui + pourroient provenir d'elle: + + Au regard du troisiesme, qui concerne la ligue, qu'il ne seroit + marry qu'elle se fît entre elles, pourveu que ce ne fût contre + luy, ny au préjudice des aultres ligues qu'il a avec la dicte + Royne d'Angleterre et son royaume, et pareillement avec la Royne + d'Escoce et le sien; et layssay là dessus amplement discourir la + dicte Dame et estendre ses responces, sans l'interrompre de rien, + ainsy que je l'ay desjà mandé. + + Mais reprenant, puys après, le propos, je luy diz que, ayant + considéré de moy mesmes combien il sourdoit à toute heure de + grandes espines et de nouvelles difficultez en ce faict de la + restitution de la Royne d'Escoce, à cause qu'on la luy proposoit + toutjours fort suspecte du costé de France, j'avois suplié le Roy + de vouloir luy mesmes intervenir en la ligue deffencive, qui se + feroit entre elles deux, affin qu'en lieu de se deffyer de luy, + elle en print dorsenavant toute asseurance et seurté; et que le + Roy m'avoit respondu qu'il le vouldroit bien, mais qu'il ne + voyoit pas le moyen commant cella se pourroit fère; toutesfoys, + si je le voyois icy sur le lieu, qu'il s'en remettait bien à moy + de passer oultre; + + Et que je pensoys qu'il avoit regardé à la jalouzie, que les + aultres princes en pourroient prendre, et possible encores à la + diversité de la religion; dont, de tant qu'il ne m'avoit commandé + d'en déclairer si avant à la dicte Dame, et que néantmoins + c'estoit chose que je ne pouvois effectuer sans elle, je prenois + sa parolle pour garant que le propos seroit réservé et ne + passeroit plus avant qu'entre nous deux, ou bien, si elle en + vouloit communiquer à son conseil, qu'elle me promettait de ne + dire jamais que cella fût procédé de moy. + + La dicte Dame, ayant très agréable le dict propos, lequel a esté + cause que tout l'affère est retourné en bons termes, et + néantmoins, estant marrye que je y allois si réservé, me demanda, + trois ou quatre foys, si j'avois poinct pensé nul bon moyen en + cella. Je ne luy volluz soubdain respondre, affin de luy en + laysser à elle mesmes mettre quelcun en avant; mais enfin je luy + diz que celluy que je voyois le plus honeste estoit que la Royne + d'Escoce le requist, et que le Roy, pour le bien et considération + d'elle, auroit plus grande ocasion d'y entendre: et n'en est + encores la chose plus avant. + + + + +CXXe DÉPESCHE + +--du IXe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Dièpe par Me Allexandre._) + + Arrivée de Mr de Poigny en Angleterre.--Affaires d'Écosse et + d'Allemagne.--Nouvelles apportées de la Rochelle; combat de + Sainte-Gemme près Luçon.--Déclaration du duc d'Albe que les + préparatifs maritimes faits dans les Pays-Bas n'ont d'autre but + que d'assurer la conduite en Espagne de la nouvelle reine. + + AU ROY. + +Sire, estant Mr de Poigny arrivé le IIIIe de ce moys en ceste ville de +Londres, j'ay envoyé, le jour d'après, fère entendre sa venue à la +Royne d'Angleterre, et la prier de nous donner audience, laquelle la +nous a prolongée jusques aujourduy, dimenche, que nous l'allons +trouver à Otland, assés incertains que pourra réuscyr de son voyage; +car il semble que la dicte Dame ayt escript à son ambassadeur par +dellà qu'il s'estoit trop advancé de vous requérir de l'envoyer, et +que desjà il s'est excusé de n'avoir onques pensé de vous parler de +telle chose. Et encores est advenu que les Escouçoys ont freschement +couru et pillé le bestial en la frontière d'Angleterre, à l'ocasion de +quoy le comte de Sussex, non seulement n'a séparé son armée, mais a +faict grande instance qu'il luy fût permiz de rentrer encores une foys +en Escoce, et a retenu pour ceste occasion quelques jours davantaige à +Auvyc le sir de Leviston, que nous envoyons en Escoce. Toutesfoys +l'on nous asseure qu'il est meintennant passé; dont n'estant encores +les choses qu'en assés bons termes, nous incisterons, aultant qu'il +nous sera possible, qu'elles soyent effectuées ainsy qu'on a commancé +de les tretter. + +Et cependant, Sire, je diray à Vostre Majesté qu'il y a quelque +aparance, parmy ceulx de la nouvelle religion qui sont icy, que la +nouvelle, qu'ilz ont despuys trois jours d'Allemaigne, leur jette +l'espérance de leur secours ung peu plus loing qu'ilz ne pensoyent, +entendans comme l'assemblée de Heldelberc s'est séparée; et que le duc +Auguste, estant allé devers l'Empereur, luy a parlé en si bonne sorte +de l'ocasion qui le pressoit de s'en retourner chez luy, que non +seulement l'Empereur le luy a permiz, mais ne luy a reffuzé son +excuse, de ne se pouvoir sitost trouver à la diette; et que despuys, +le comte Pallatin l'est semblablement allé saluer, qui luy a offert +d'intervenir luy mesmes à icelle diette, si les aultres princes y +viennent; et que, contre l'opinion qu'on avoit que, pour craincte de +ceste assemblée de Heldelberc, le dict Empereur ne passeroit oultre, +l'on mande qu'il est arrivé le XVIIIe de juing à Espire, accompaigné +seulement, oultre ceulx de sa court, du duc Jehan Georges Pallatin, +qui monstre de vouloir asprement quereller une quarte part du +Pallatinat; et que le dict Empereur est allé descendre à l'esglize +principalle, au grand contantement des Catholiques, se descouvrant de +plus en plus que icelle diette est principallement indicte pour +procéder contre les trois ellecteurs protestans, desquelz n'ayant leur +dignité prins aultre origine ny fondement que de l'authorité du Pape, +par la bulle jadis sur ce expédiée, il semble n'estre sans rayson que, +par la mesmes authorité, puysqu'ilz s'en sont substraictz, joinct +celle de l'Empereur, ilz en puissent meintennant estre fort +légitimement privez; non que les dicts de la religion se tiennent pour +cella moins asseurez que devant d'avoir leur secours, ains plus, à +ceste heure qu'ilz disent que, parce que les dits princes ont +descouvert ceste entreprinse, ilz se veulent plus évertuer, qu'ilz +n'ont encores jamais faict, pour la deffense de la religion; bien +pensent qu'affin qu'ilz se puissent mieulx opposer à tout ce qui se +pourroit décretter contre eulx, ils vouldront retenir les forces dans +le pays jusques à la fin d'icelle diette; et aussi que n'ayantz les +draps de ceste dernière flotte d'Angleterre heu encores assés bonne +vante en Hembourg, leurs lettres de crédit, qui sont assignées là +dessus, n'ont peu estre si tost employées; et le payement est retardé +d'ung moys: mais ilz n'intermettent cependant aulcune poursuyte ny +dilligence en cella, mesmes qu'on leur a escript que les deniers, pour +la levée de Vostre Majesté, sont desjà arrivez par dellà. + +Et j'entendz, Sire, que jeudy dernier, arriva ung soldat de la +Rochelle, qui magniffie bien fort quelque routte que les Huguenotz ont +donnée aulx capitaines La Rivière et Puygaillart près de Lusson[10], +où est demeuré, à ce qu'il dict, plus de cinq centz des nostres sur la +place, et dix sept capitaines avec plus de deux centz aultres +prisonniers; et, sellon les lettres que le dict soldat a apportées, +lesquelles ont esté veues en ceste court, le comte de La Roche +Foucault, qui estoit party pour s'aller joindre au camp des Princes, +s'en est retourné d'Angoulesme, à cause de la blessure du Sr de La +Noue, de qui l'on n'espère guyères la guéryson, affin de ne laysser la +Rochelle et le pays sans gouverneur; et que le dict sieur comte est +après à mettre aulx champs envyron cinq mil hommes de pied et cinq +centz chevaulx, avec trois pièces d'artillerye, pour aller reprendre +Xainctes, et de là marcher en Brouaige; et que le capitaine Sores +estant adverty que deux très riches flottes revenoient des Indes, +l'une pour Espaigne, et l'aultre pour Portugal, qui doibvent arriver à +ce moys d'aoust, est allé essayer s'il en pourra piller quelque une, +ayant, comme il semble, pour ceste occasion remiz l'entreprinse de +leur descente, dont vous ay ci devant escript, jusques à son retour; +et cependant les vaysseaulx du prince d'Orange et ceulx de quelques +pirates françoys, qu'ilz nomment le capitaine Joly, du Mur, Bouville +et aultres, ont combattu, vendredy dernier, dans ceste mer estroicte, +une flotte de douze grandes ourques, lesquelles, soubz la conserve de +deux aultres grandz navyres de guerre, passoient de Flandres en +Espaigne, et ont prins l'admyralle et une aultre des plus riches. + + [10] Combat livré à Sainte-Gemme-la-Plaine, en Poitou, dans + lequel la Noue, qui commandait les Protestans dans la Saintonge, + remporta une victoire signalée sur les troupes royales. La + blessure qu'il reçut quelques jours après, à l'assaut de + Fontenay, nécessita l'amputation du bras gauche, mais il ne tarda + pas à reprendre son commandement. + +Le duc d'Alve a fait déclairer icy par l'ambassadeur d'Espaigne que +l'armement, qu'il prépare en Flandres, n'est pour aultre effect que +pour conduyre la Royne, sa Mestresse, devers le Roy son mary, avec +l'apareil qui convient à une si grande princesse comme elle est, pour +le dangier des pirates; ce que j'estime, qu'il a fait expressément +pour garder que les Anglois n'arment de leur costé; car ilz ne +pourroient, puys après, se tenir qu'ilz n'allassent se présenter en +mer au passaige de la dicte Dame, en dangier qu'il y peult survenir +quelque accident, ce qu'il veult bien évytter; et a mandé que ceulx +qu'il a faict depputer sur le différant des merchandises, sont desjà +partys pour venir par deçà. Sur ce, etc. + + Ce IXe jour de juillet 1570. + + + + +CXXIe DÉPESCHE + +--du XIIIe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Dièpe par Jehan Girault._) + + Audience accordée par la reine d'Angleterre à Mr de Poigny, + envoyé vers elle pour négocier la mise en liberté de Marie + Stuart, et son rétablissement.--Nouvelles d'Écosse.--Insistance + de l'ambassadeur pour qu'Élisabeth refuse toute protection aux + protestans de France, s'ils ne consentent pas à accepter les + conditions offertes par le roi. + + + AU ROY. + +Sire, nous avons esté, despuys quatre jours en çà, trouver la Royne +d'Angleterre à Otland, laquelle a monstré de recepvoir, avec playsir, +les lettres et recommendations, que Voz Majestez lui ont faictes +présenter par Mr de Poigny, et l'a receu à luy mesmes bien fort +favorablement; dont, après aulcuns bien honnestes propos, de l'ayse +qu'elle avoit d'entendre de voz bonnes nouvelles et vostre retour en +bonne santé vers les quartiers qui sont plus près d'icy, elle a +commancé de lyre assés hault voz lettres; sur lesquelles monstrant de +s'esbahyr de l'occasion que luy mandiez du voyage du dict Sr de +Poigny, que ce fût à l'instance de son ambassadeur, elle nous a dict, +tout clairement, qu'elle n'avoit point donné ceste charge à son +ambassadeur, ainsy qu'il se pourroit bien vériffier par la minute des +lettres que, despuys deux moys, elle lui avoit escriptes: et le +Secrétaire Cecille, lequel elle a appellé là dessus, n'a failly de le +confirmer de mesmes. + +Puys, elle a suyvy à dire qu'il estoit advenu l'ung de deux; ou qu'on +avoit équivoqué sur ce qu'elle avoit accordé que la Royne d'Escoce et +moy peussions envoyer ung gentilhomme jusques en Escoce pour voir +comme les armes s'y poseraient, et comme elle feroit retirer ses +forces hors du pays, ainsy que, pour cest effect, le sir de Leviston +estoit desjà par dellà, mais non de fère venir exprès ung gentilhomme +de France; ou bien qu'il y avoit de l'artiffice; mais, d'où que peult +venir la faulte, elle n'estoit que heureuse, puysqu'elle luy estoit +moyen de pouvoir mieulx entendre l'estat et bonne disposition de Voz +Majestez. + +A quoy ayantz vifvement incisté qu'il n'y avoit, ny pouvoit avoir, nul +mescompte ny artiffice de vostre costé, le dict Sr de Poigny a allégué +qu'il avoit veu son dict ambassadeur estre longtemps en l'audience +avec Voz Majestez à vous discourir et monstrer plusieurs papiers; et +que, au sortir de là, vous luy aviez commandé de s'en venir, qui ne +pouvoit estre, sans que le dict ambassadeur l'eust ainsi requis. Et a +poursuyvy de réciter à la dicte Dame bien particulièrement tout le +contenu de sa charge, en si bonne et gracieuse façon, qu'elle a +monstré d'en avoir tout contantement. + +Il est vray, Sire, qu'elle a commancé de respondre par une plaincte, +qu'elle nous a faicte, de l'affection que Vostre Majesté monstre de se +souvenir trop plus de la Royne d'Escoce et de ses affères que des bons +tours de bonne soeur et vraye amie, qu'elle vous a monstrez en ces +troubles de vostre royaulme; mais que pourtant elle ne veult laysser, +sur la considération qu'avez heue de n'envoyer voz forces en Escoce, +de vous en randre ung bien fort grand mercy, et non moindre pour +l'amour de vous que pour l'amour d'elle mesmes, car l'honneur est égal +à toutz deux; et qu'au reste, encores qu'on dye que les femmes ont +toutjours des responces et deffaictes toutes prestes, qu'elle n'en +usera en cest endroict, ains prendra temps pour bien consulter +l'affère, affin de nous donner, par après, plus grande satisfaction. + +Et ainsy, Sire, nous sommes attandans qu'est ce qu'elle trouvera par +son conseil qu'elle nous debvra dire; et, de tant qu'elle nous a +touché de l'armement, qu'elle dict estre encores tout prest en +Bretaigne, contre l'asseurance que je luy avois donnée que vous +l'aviez contremandé, et aussi de quelque personnaige qu'avez +freschement dépesché par mer en Escoce; et que, parmy cella, elle nous +a ramentu plusieurs offances que la Royne d'Escoce, à ce qu'elle dict, +luy a faictes, avec grande deffiance d'elle et de Mr le cardinal de +Lorrayne, je ne vois pas que nous soyons encores bien prez de +conclurre quelque bon marché entre elles. Tant y a que comme il n'a +esté, à mon adviz, rien oublyé de ce qui se pouvoit desduyre en ceste +première remonstrance, nous ne dellibérons d'estre moins pressantz en +la segonde. Ce poinct, au moins, nous demeure gaigné despuys dix +jours, que l'armée de la dicte Dame, suyvant ce que je vous ay cy +devant mandé, est entièrement cassée, et ne reste nulles aultres +forces en la frontière du North que la garnison acoustumée de Barvich +et celle qu'on a layssé dans les deux chasteaux de Humes et Fascastel. +Il est vray que, dedans Barvych, demeure ung bien fort grand appareil +de guerre, qu'on y avoit desjà préparé pour la généralle entreprinse +d'Escoce, et l'armée peult, en bien peu de jours, estre rassemblée. Je +ne sçay si le comte de Lenoz aura de mesmes obéy à ce que je vous ay +mandé, Sire, qu'on luy avoit escript de se retirer au dict Barvych et +de licentier les trois centz Escouçoys qu'on entretenoit près de luy; +car, sellon les dernières nouvelles qui sont venues de dellà, il +s'entend que le dict de Lenoz estoit encores à Esterlin, le XXVIe du +passé, avec les comtes de Morthon et de Mar, créez lieuctenans du +jeune Roy son petit filz, jusques au dixième de ce moys; auquel jour +toutz ceulx de ceste faction se debvoient trouver à Lislebourg pour +mettre quelque résolution en leurs affères. Ilz ont esté en termes de +porter le dict jeune Roy au dict Lislebourg affin qu'avec sa présence +ilz peussent recouvrer le chasteau, mais le lair de Granges a respondu +que le dict Prince y seroit le bien venu; néantmoins qu'il vouloit +demeurer le plus fort dedans, attandant que la Royne sa mère et luy +fussent d'accord comme ilz entendroient qu'il en usast. Cependant la +dicte Dame a envoyé confirmer à sa dévotion le dict de Granges, et ses +aultres bons serviteurs de dellà, par le dict sir de Leviston, qui +leur a apporté, de par elle, trois mil escuz, de la somme que je luy +ay naguières fornye, affin qu'ilz ayent de quoy se pourvoir des choses +qui sont nécessaires pour la garde du dict chasteau de Lislebourg et +de celluy de Dombertrand. + +Sur la fin de nostre audience, Sire, j'ay faict mencion à la dicte +Dame de l'estat auquel sont encores les affères de vostre royaulme, et +comme Vostre Majesté, ayant donné ung clair tesmoignage au monde de sa +bonne intention à réunyr toutz ses subjectz, et esgallement les +conserver, et d'avoir concédé à ceulx, qui se sont ellevez, une si +grande satisfaction, pour leur religion et pour leurs affères, et +encores pour la seurté de leur personnes, qu'il ne leur reste plus +aulcune excuse de ne debvoir poser les armes, ny de quoy pouvoir +alléguer à la dicte Dame, ny aulx aultres princes protestans, que vous +pourchassiez d'exterminer leur religion, puysque permettez qu'elle ayt +cours et exercisse en vostre royaulme; qu'elle veuille donques croyre +que vous ne cerchez en ceste guerre que le seul recouvrement de +l'obéyssance qu'ilz vous doibvent; et que leur entreprinse, s'ilz +passent oultre, ne peult estre dressé que contre vostre estat et +authorité; et que n'estantz naiz au pareilh degré d'honneur de Voz +Majestez, il est sans doubte que, s'ilz pouvoient avoir quelque +advantaige sur vous, que eulx et leurs semblables entreprendroient de +fère le mesmes, par toutz les aultres estatz de la Chrestienté, pour y +abattre l'authorité et esteindre le sang royal des princes souverains; +dont la priez que, s'ilz diffèrent ou reffuzent d'accepter vos +honnestes offres, qu'elle les veuille tout aussitost priver de toute +faveur et retraicte en ses portz et pays, et employer ses bons moyens, +icy et en Allemaigne, et vers les princes protestantz, desquelz ilz +attandent leur secours, et partout où elle pourra, par mer et par +terre, qu'ilz ne puissent exécuter leurs mauvaises et violantes +intentions. + +A quoy la dicte Dame m'a respondu que je luy estois tesmoing, que, +entre ses meilleurs desirs, elle avoit toutjours heu bien expécial +celluy de la paix de vostre royaulme, et qu'elle espéroit que voz +subjectz ne se diffameroient tant que de la rejetter, si les +condicions estoient telles que je disoys; et que d'autresfoys elle +m'avoit dict qu'elle vouloit réserver une oreille aulx raysons que les +aultres pourroient alléguer, lesquelz, si n'en avoient de si bonnes +qu'ilz se peussent bien excuser de l'obéyssance et déposition d'armes +que Vostre Majesté leur demande, qu'elle les tiendroit puys après pour +rebelles; et qu'elle croyt que leur longueur vient de ce que les +exemples du passé leur font peur; comme encore elle pense que, quant +Dieu vous aura donné la paix, l'on ne cessera, avant deux ans, de vous +pousser à la guerre, pour oster ceste religion, et mesmes à vous +anymer contre ce royaulme comme contre ung coin de terre qui sert de +retrette aulx Protestans; ains qu'elle sçayt bien qu'on a vollu +imprimer au cueur de Monsieur d'aspirer par ce moyen à quelque +couronne, mais qu'elle espère que vostre prudence et la sienne, et +vostre modération, résisteront à si mauvais et pernicieulx conseilz; +et, quant aulx choses d'Allemaigne, qu'elle m'a naguières adverty de +ce que l'Empereur luy en avoit escript, et bientost elle attand +lettres de dellà, desquelles elle me fera part, c'est en substance, +Sire, ce qui s'est passé en la dicte audience. Sur ce, etc. + + Ce XIVe jour de juillet 1570. + + Tout présentement viennent d'arriver les commissaires de + Flandres, que le duc d'Alve a envoyez pour venir visiter les + prinses et en fère l'évaluation. Et semble que l'espérance de + liberté est prolongée au duc de Norfolc encores pour trois moys. + + + + +CXXIIe DÉPESCHE + +--du XIXe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet_.) + + Audience accordée à Mr de Poigny et à l'ambassadeur.--Refus de la + reine d'Angleterre de laisser passer Mr de Poigny en + Écosse.--Consentement qu'elle lui accorde de se rendre auprès + de Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, la Royne d'Angleterre nous a prolongé six jours entiers sa +responce, et, le septiesme, elle nous a mandé venir à Otland pour la +nous fère, qui y sommes arrivez sur le poinct qu'elle estoit preste +d'en desloger, à cause que, la nuict précédante, quelques ungs y +estoient mortz si soubdainement qu'on eust souspeçonné que ce fût de +peste. Néantmoins s'estans ceulx de son conseil incontinent assemblez, +Mr de Poigny et moy avons esté premièrement introduictz vers eulx, et +ilz nous ont faict entendre par milor Chamberlan ce qui s'en suyt: + +Que la Royne, leur Mestresse, ne voulant aulcunement contradire la +parolle de Vostre Majesté, en ce que mandiez avoir dépesché Mr de +Poigny vers elle, sur l'instance que son ambassadeur vous en avoit +faicte, elle a estimé avoir occasion de vous en remercyer, comme elle +faict de bon cueur; mais qu'elle vous prie, Sire, de croyre que son +ambassadeur n'a poinct heu ceste charge; et, quant à celle, qu'avez +donnée au dict Sr de Poigny, d'assister par deçà au tretté qui se fera +entre elle et la Royne d'Escoce, encor que ce soit chose apartenant à +elles deux, où nul aultre qu'elles et leurs subjectz n'ont que voir, +et où l'arbitrage ny l'authorité de nul aultre prince n'est requise, +néantmoins elle est contante que, luy ou moy, ou toutz deux ensemble, +interveignons pour Vostre Majesté en ce qui s'y fera, comme en ung +acte qu'elle veult vous estre tout clair et cogneu; et au regard +d'aller visiter la Royne d'Escoce, qu'ilz layssoient à la Royne, leur +Mestresse, d'en tretter avecques nous; mais, quant à passer plus avant +jusques en Escoce, de tant que cella leur sembloit debvoir plus +aporter d'empeschement que de proffict au tretté, et possible +engendrer de grandes difficultez en tout l'affère, comme desjà ung +pareil exemple les en avoit faictz saiges, qu'ilz avoient tout +librement dict à la dicte Dame, qu'il n'estoit besoing qu'elle l'y +layssât passer; à cause de quoy ilz prioient Vostre Majesté de trouver +bon que, pour n'interrompre ung si bon oeuvre, il se déportast +entièrement d'y aller. + +A quoy ayant le dict Sr de Poigny fort particullièrement et bien +respondu, et s'estant principallement arresté à ne debvoir estre +aulcunement empesché de passer en Escoce, par des raysons très +aparantes, qu'il leur a sagement et fort vifvement remonstrées; et y +ayant aussi fort fermement incisté de ma part, avec prière qu'ilz le +vollussent acompagnier d'ung aultre gentilhomme des leurs pour pouvoir +esclayrer ses actions, affin de n'en prendre point de deffiance, nous +les avons fort pressez de n'uzer en chose de si petite importance, +laquelle n'estoit que pour leur proffict, d'aulcun reffuz qui vous +peult ou mal contanter, ou préjudicier à la liberté des trettez. + +Sur quoy iceulx seigneurs, ayantz de rechef miz l'affère en +dellibération, nous ont, par le secrétaire Cecille, présens toutz les +aultres, faict dire que, considéré que en ceste cause les personnes +qui y interviennent sont Vostre Majesté, la Royne leur Mestresse et +la Royne d'Escoce, sçavoir: les deux comme principalles en intérest, +et Vous, Sire, comme allyé fort estroit à l'une, et en bonne amytié +avecques l'aultre; et que la matière touche principallement à leur +Mestresse comme invahye en son tiltre, et au nom, armes et enseignes +de son estat, par la Royne d'Escoce; laquelle n'a jamais vollu, +quelque dilligence qu'on en ayt sceu fère, aprouver le tretté sur ce +faict avec ses depputez, bien que légitimement authorisez du feu Roy +son mary, vostre frère, non sans indignité de ceste couronne: +considéré aussi que ceulx, qui tiennent son party en Escoce, non +seulement ont retiré les rebelles d'Angleterre, ains se sont joinctz +avec eulx pour venir assaillyr ce royaulme, et que, nonobstant tout +cella, ainsy que les choses estoient en termes de quelque modération +entre le comte de Sussex et les Escossoys, au moys d'apvril dernier, +survenant là dessus ung gentilhomme françoys, tout fut interrompu, et +commancèrent incontinent ceulx du dict party de la Royne d'Escoce de +tumultuer et de devenir si insolantz, que le dict de Sussex fut +contrainct de exploicter ses forces contre eulx; et encores tout +freschement le sir de Leviston n'a esté sitost par dellà que ceulx de +la frontière d'Escoce n'ayent incontinent entreprins de courre et +piller celle d'Angleterre: considéré aussi que le dict sir de Leviston +sera en brief de retour avec les aultres depputez du royaulme, +lesquelz, si ne sont desjà partys, sont si près de le fère, que le +mieulx qu'adviendroit au dict Sr de Poigny seroit ou de les faillyr en +chemyn, ou de les rencontrer en lieu, d'où possible ilz ne vouldroient +passer plus avant, jusques à ce que sa légation fût entendue de ceulx +qui les envoyent, qui seroit d'aultant retarder la besoigne; joinct +que; tant plus nous incisterions au dict voyage, plus nous le leur +rendrions suspect, et leur donrions à penser que Vostre Majesté ne +l'auroit commandé, ny pour satisfère à leur ambassadeur, ny pour +l'utillité de leur Mestresse, ainsy que nous nous esforcions de le +leur persuader; ilz percistoient, en ce qu'ilz avoient desjà conseillé +à la dicte dame, qu'il n'estoit aulcunement expédiant que le dict Sr +de Poigny passât oultre. Bien nous vouloient, quant au reste, donner +seurté pour elle qu'aussitost que les dicts seigneurs escouçoys +seroient arrivez, elle sera preste de procéder sur les affères d'entre +la Royne d'Escoce et elle, sellon le tretté qui en a desjà esté +commancé avecques moy, et dont j'en ay mis quelque forme en escript, +et d'entendre à la restitution de la dicte Dame, aultant, qu'avec son +honneur et sa seureté, elle le pourra fère. + +Et sont demeurez si fermes en cella que, ne pouvant gaigner rien +davantaige avec eulx, nous sommes allez trouver leur Mestresse; et +elle nous a tenu le mesmes langaige, adjouxtant seulement, pour le +regard de l'indignité et moquerie, que nous alléguions estre en cest +empeschement du voyage du dict Sr de Poigny en Escoce, puysqu'il +estoit si avant, qu'elle prenoit en sa charge d'en contanter Vostre +Majesté; mais, quant à aller devers la Royne d'Escoce, s'il me +sembloit que d'une telle visite, après les occasions que je sçavois +bien qu'elle luy avoit données de beaucoup d'offances, et sur +l'opinion qu'on pourroit prendre que ce fût par craincte ou par +menaces qu'elle l'ottroyoit, il n'en peult advenir de préjudice à sa +réputation, ny aulcun intérest à votre commune amytié, qu'elle estoit +contente de le permettre. + +Sur quoy je l'ay priée de prendre de bonne part l'honneste office que +Vous, Sire, faisiez envers vostre belle soeur, et qu'elle layssât aux +mal affectionnez, d'y donner telle interprétation qu'ilz vouldroient, +car ce ne pourroit jamais estre qu'à la louange de sa bonté, et vertu, +et encores à son honneur et proffict. Et ainsy, Sire, elle a donné +saufconduict au dict Sr de Poigny d'aller trouver la dicte Dame; chose +que nous n'espérions guyères et laquelle monstre desjà debvoir estre +de beaucoup de moment pour vostre service, en ce royaulme et en celluy +d'Escoce. Et avant s'acheminer, le dict Sr de Poigny a advisé de +donner entier compte de toute sa négociation à Voz Majestez, ainsy +qu'il vous plairra le voyr par ses lettres, ne voulant, Sire, pour +quelques aultres empeschemens, qui commancent de paroistre tout de +nouveau en cest affère, venantz de lieu d'où moins vous l'attandiez, +laysser d'espérer que la paix de vostre royaulme ne soit pour bientost +vuyder ceste, et encor d'aultres plus grandes difficultez; ainsy que +ceste Royne n'a vollu finir l'audience sans monstrer une conjouyssance +du bon espoir qu'elle dict avoir d'icelle, et que ce luy sera aultant +de joye, de santé et de bon portement, si elle en peult bientost +entendre la conclusion. Sur ce, etc. Ce XIXe jour de juillet 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, nous n'avons peu, pour ce coup, obtenir rien de mieulx en la +négociation de Mr de Poigny que de luy permettre qu'il puysse aller +visiter la Royne d'Escoce de la part de Voz Majestez; qui n'est si +peu, Madame, qu'on ne le tienne icy en beaucoup, et que la réputation +de vostre couronne n'en semble estre en quelque chose relevée, et +qu'on ne commance de bien espérer de tout le reste. Nous avions, avant +aller à ceste segonde audience, heu advertissement de certaynes +traverses, que la communication du Sr dom Francès avec Mr de Norrys +vous y faict, qui a esté cause que j'ai, avec le plus de véhémence et +d'affection que j'ay peu, touché à la Royne d'Angleterre les poinctz +qui la doibvent asseurer de vostre amytié, et ceulx qui la luy peuvent +rendre utille et pleyne de confiance, et le mesmes aulx seigneurs de +son conseil; dont le comte de Lestre et le secrétaire Cecille m'ont +despuys recerché de plus estroicte conférance avec eulx; et Mr de Roz +a raporté d'elle, et d'eulx, plus amples promesses sur l'advancement +de toutz les affères de sa Mestresse; ainsy que plus en particullier +je le vous manderay, dans quatre ou cinq jours, que je dépescheray ung +des miens devers Vostre Majesté. Et vous diray cependant, Madame, que +le dict Sr Norrys a mandé qu'il y avoit grand apparance que la paix +succèderoit bientost, ce qui faict monstrer ceulx cy en meilleure +disposition vers toutes les choses de vostre service. Ilz sont après à +jetter cinq grandz nayyres avec mil hommes dehors, avitaillez pour +deux moys, par prétexte d'aller réprimer les pirates, mais c'est pour +le souspeçon qu'ilz se donnent de l'armement du duc d'Alve; auquel +toutesfoys ceste Royne a naguières, par persuasion du dict Sr Norrys, +escript une lettre pleyne d'affection, affin de prendre asseurance de +luy, et luy en donner tout aultant d'elle, touchant le passaige de la +Royne d'Espaigne. J'entendz qu'il est arrivé plusieurs lettres +d'Allemaigne, et entre autres du comte Pallatin, qui semble inviter +ceste princesse à desirer la paix de France. Sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de juillet 1570. + + + + +CXXIIIe DÉPESCHE + +--du XXVe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par Joz, mon secrétaire._) + + Délibération du conseil sur la mise en liberté du duc de + Norfolk.--Dispositions prises par Élisabeth pour apaiser les + troubles de son royaume.--Préparatifs maritimes et militaires + dont on doit se défier en France, malgré les assurances de paix + et d'amitié données par la reine, et la bonne volonté qu'elle + montre à l'égard de Marie Stuart.--Nouvelles d'Écosse et + d'Allemagne.--_Mémoire général_ sur les affaires + d'Angleterre.--Détail des mesures prises en Angleterre pour se + défendre contre toute agression.--Bonnes dispositions montrées + en faveur de Marie Stuart et du duc de Norfolk.--_Mémoire + secret_. Intrigues de l'Espagne en Angleterre pour traverser + tous les projets de la France.--Mission secrète de don Francès + d'Alava.--Désir du cardinal de Chatillon de voir la + pacification s'établir en France; conditions auxquelles les + protestans offrent de se soumettre. + + + AU ROY. + +Sire, aujourduy, et tout demain, la Royne d'Angleterre sera en la +mayson du comte de Betford, à XX mil d'icy, où elle a mandé venir son +garde des sceaulx et ses aultres principaulx conseillers pour +dellibérer de la liberté du duc de Norfolc; de laquelle l'on luy donne +grande espérance qu'il la pourra obtenir bientost, à tout le moins +d'estre remiz en sa mayson. Et de là, la dicte Dame veult continuer +son progrez, sans toutesfoys esloigner guières plus que de trente mil +la ville de Londres vers Suffoc, Norfolc et Sussex, affin d'appayser +ces trois pays, qui sont voysins d'ici, lesquels ont monstré d'estre +disposez à quelque nouveaulté; et elle espère de modérer par sa +présence l'affection des hommes, et fère exploicter la justice contre +ceulx qui sont prins, et abattre toute l'intelligence qu'on luy faict +acroyre que les estrangiers ont en ces quartiers là; et, par mesme +moyen, pourvoir à la seureté de ses portz tout le long d'icelle +frontière, ainsy que, à grande dilligence, elle les faict fortiffier, +à cause qu'ilz sont exposez vers Holande et Zélande; d'où elle crainct +les entreprinses du duc d'Alve, nonobstant que dom Francès d'Alava +ayt, à ce qu'on dict, remiz elle et luy à traicter amyablement et par +lettres bien gracieuses l'ung avec l'aultre, et que le dict duc luy +ayt freschement envoyé des depputez sur le faict des prinses; mais ces +démonstrations ne la peuvent tant asseurer, comme les aultres +apparances de la sublévation, qu'elle a senty en son pays, et le +raport qu'on luy faict, qu'en l'armement de Flandres se prépare +d'embarquer trois mil chevaulx, grand nombre de gens de pied, force +artillerye, pouldres, pionniers, monitions et tout aultre appareil de +guerre, la mettent en deffiance. De quoy est advenu que la dicte Dame, +despuys six jours, a faict arrester toutz les navyres tant estrangiers +que aultres, qui sont par deçà, et serrer les passaiges, et envoyé son +admiral à Gelingan et le long de la Tamise pour ordonner une armée de +mer, du plus grand nombre de vaysseaulx et de maryniers qu'il luy sera +possible, affin de l'avoir preste à tout momant, quant il sera +besoing; et commande aussi qu'on tienne deux mil chevaulx et huict mil +hommes de pied toutz pretz. Dont je suys après, Sire, de regarder si +cest appareil se feroict poinct à quelque aultre fin contre vostre +service; mais, encore que je n'en descouvre rien, je vous suplie +néantmoins, Sire, très humblement que cecy vous serve d'ung adviz pour +ne laysser à l'arbitre des Anglois rien du vostre, qui ne soit pourveu +contre les entreprinses qu'ilz y pourroient fère; car vostre royaulme +est ouvert et exposé à toutes injures, tant que cette guerre durera. + +Je veulx toutesfoys bien asseurer Vostre Majesté que ceste Royne et +les siens m'ont, despuys dix jours, tenu des propos plus exprès de la +confirmation d'amytié entre Voz Majestez, et de la persévérance de +paix entre voz deux royaulmes, qu'ilz n'avoient faict despuys que je +suys en ceste charge; ny Mr de Roz, ny moy, ny toutz ceulx qui portons +icy le faict de la Royne d'Ecosse, n'avons jamais mieulx espéré de la +restitution d'elle que meintennant; mais il ne se fault arrester aux +parolles ny aparances de ceulx cy, ains se donner garde d'eulx, +puysqu'ilz se mettent en armes. La dicte Royne d'Escoce aura un +singulier playsir, et une fort grande consolation, d'estre visitée par +Mr de Poigny de la part de Voz Majestez, et ne vous sçaurois exprimer, +Sire, combien ung chacun estime que cella luy sera ung commancement de +bonheur et ung advancement au reste de toutz ses affères, ès quelz +l'on nous promect toutjours une prompte expédition, aussitost que les +depputez d'Escoce seront arrivez; mais je crains qu'ilz soyent +retardez pour l'occasion d'une assemblée, que ceulx du party du jeune +Prince se vouloient esforcer de tenir à Lislebourg, le Xe de ce moys, +pour y créer ung régent; à quoy le duc de Chastellerault et le comte +de Honteley délibéroient de s'oposer, et à cest effect s'estoient +acheminez avecques bonnes forces vers le dict Lislebourg. L'opinion, +que ceulx cy ont, que la paix se doibve conclurre en vostre royaulme +les faict monstrer mieulx disposez aulx choses d'Escoce, et si +d'avanture elle succède, je pense qu'ilz passeront oultre à les +accommoder. + +J'entendz que les nouvelles d'Allemaigne sont que l'Empereur n'advance +guières rien en la diette, et que les seulz ecclésiastiques le sont +venuz trouver; qu'il semble que les princes protestans, pour +empescher qu'il ne puisse fère créer son filz roi des Romains, se +veulent servyr d'une ancienne observance de l'Empire, que jamais la +dignité d'Empereur n'a passé successivement que jusques à cinq d'une +mesme famille, et qu'il est à présent le cinquiesme Empereur de la +maison d'Autriche, à quoy les princes éclésiastiques ne monstrent +guières contradire pour ne laysser aller cest estat héréditayre; que +le comte Pallatin est aproché une lieue près d'Espire accompaigné +seulement de quatre centz chevaulx, offrant de se trouver à +l'assemblée, si les aultres ellecteurs y viennent; que le reste de la +trouppe de Heldelberc est entièrement séparée, parce que l'Empereur a +faict entendre au dict Pallatin et au duc Auguste que, s'ilz se +tenoient ainsy accompaignez, qu'il manderoit aulx aultres princes de +l'Empire de s'accompaigner de mesmes, en le venant trouver; qu'il +semble que le secours, pour ceulx de la nouvelle religion en France, +est de quelques jours retardé pour attandre que produira ceste diette, +et aussi pour l'espérance, qu'on a, que la paix se doibve conclurre; +que le susdict comte Pallatin a exorté ceste Royne et les siens, et +pareillement le cardinal de Chastillon, de procurer la dicte paix; +qu'il a esté reffuzé au duc de Bronsouyc de fère une levée aulx terres +de l'évesque de Munster, et que vers le dict Munster se sussitent les +mesmes sectes qu'on y a d'aultres foys veues; que les deniers pour +ceulx de la nouvelle religion en Hembourg seront prestz à fornyr dans +la fin de ce moys; qu'il y a quelque apparance que le voyage de la +Royne d'Espaigne sera retardé, et qu'elle ne passera point par +Flandres, ains yra prendre ung aultre chemin, et que, à cause de +cella, l'on estime que le duc d'Alve commancera de réduyre bientost +son armement à ung moindre équipage, qui ne soit que pour combattre +seulement les vaysseaulx du prince d'Orange, lesquelz, en la prinse +qu'ilz ont faicte de deux grandz navyres de conserve, qui alloient +conduire une flotte vers Espaigne, et d'ung vaysseau de la dicte +flotte, ilz ont jetté en mer toutz les Espaignolz, qui estoient +dessus; et despuys le Sr de Galeace Fregose qui est icy, et ung aultre +gentilhomme, qui se dict escuyer du prince d'Orange, ont esté faictz +cappitaines des dicts deux grandz navyres de conserve, lesquelz ilz +rabillent en dilligence pour s'aller incontinent joindre aulx aultres. +Sur ce, etc. Ce XXVe jour de juillet 1570. + + INSTRUCTION DES CHOSES qu'il fault fère entendre à Leurs + Majestez, oultre le contenu des lettres: + + Qu'il semble que, par l'examen des gentishommes qui ont esté + prins en Norfolc, l'on a descouvert que l'assemblée, qu'ilz + prétandoient de fère le jour de St Jehan au dict pays, n'estoit + pour chasser les estrangiers, ainsy qu'ilz le donnoient à + entendre, ains pour commancer une généralle ellévation en ce + royaulme, tendans à trois fins: l'une, de changer l'estat du + gouvernement; l'aultre, de recouvrer l'exercice de la religion + catholique; et la tierce, de tirer le duc de Norfolc hors de + prison: sur lesquelz trois poinctz se trouve qu'ilz avoient desjà + minuté une proclamation pour l'envoyer publier partout. + + Et cella, avec la bulle qui est formelle contre ceste Royne, et + avec ung escript qui a despuys couru, encores plus formel, contre + aulcuns de ses conseillers, (et nomméement contre Quiper, + Cecille, le chancellier du domayne et le chancellier des comptes, + et dont la conclusion d'icelluy est que la communauté du + royaulme, quoyque coste, veult avoir la religion catholique), met + ceulx cy en une indubitable opinion qu'il y a une grande + conjuration desjà dressée dans le pays; + + Et qu'elle est fomentée par le Roy et le Roy d'Espaigne, sans le + consentement desquelz le Pape, comme ilz disent, n'eust jamais + osé expédier une bulle si rigoureuse comme il a faict; joinct que + l'armement qu'ilz entendoient se préparer en Bretaigne pour + colleur de secourir les Escouçoys, et l'apareil du duc d'Alve, + trop plus grand qu'il ne sembloit estre requis pour le passaige + de la Royne d'Espaigne, leur a faict croyre, jusques icy, que + tout cella se dressoit contre eulx en faveur des Catholiques de + ce royaulme. + + Dont, pour y remédier, ilz ont, en premier lieu, expédié une + ordonnance fort furieuse, du dernier du moys passé, contre les + porteurs de bulles et semeurs de ces libelles; laquelle porte + commission d'apréhender les autheurs d'iceulx, si fère se peult, + affin de les punir et de descouvrir par eulx qu'est ce qu'il y a + de plus caché en leurs déllibérations. + + Après, ilz ont dépesché trente cinq lettres aulx trente cinq + comtes de ce royaulme, pour mander aulx officiers qu'ilz ayent à + fère enroller promptement en chacune d'icelles, sellon sa portée, + ung nombre d'hommes, jusques à cinquante mil en tout, tant de + pied que de cheval, et à iceulx bailler cappitaines, lieutenantz, + enseignes, tabourins et trompettes, et leur ordonner une paye par + an d'envyron trois escuz à chacun, et ung peu plus aulx + capitaines; dont les deniers se prendront sur le plat pays, avec + commandement de fère monstres par tout ce moys, et le continuer + puys après de quartier en quartier, et qu'on ayt à les exercer + principallement à la haquebutte; + + Et ont ordonné à l'admyral Clynton de dresser ung estat, par + lequel il puysse mettre en mer, toutes les foys que la Royne, sa + Mestresse, le commandera, cinquante bons navyres de guerre avec + douze mil hommes dessus, maryniers et soldatz, et que + l'avitaillement en tout aultre appareil en soit prest et tout + dressé ez lieux qu'il cognoistra en estre besoing; + + Faisans leur compte de combattre les ennemys en mer, premier que + de leur permettre nulle descente par deçà, avec opinion que, + quant tout le monde aura bien conjuré contre eulx, qu'ilz + pourront avec ceste provision ayséement se deffandre: + + Car jugent que, s'ilz gaignent une bataille navalle, ilz pourront + bien garder qu'on n'aproche, puys après, leur coste, et, s'ilz + demeurent égaulx, qu'encores empescheront ilz qu'on n'y puysse + descendre; + + Et si, d'avanture, ilz perdent, que ce ne pourra estre sans avoir + tant rompu les ennemys qu'ilz seront contrainctz de s'en + retourner pour se reffère; que si, à toute extrémité, il advient + que les ennemys facent quelque descente, qu'allors les cinquante + mil hommes se trouveront prestz pour les combattre au + désembarquement. + + Lequel apareil inthimide grandement les Catholiques, lesquelz si + l'esté se passe sans qu'il aparoise quelque confort pour eulx, ne + s'attandent de moins que d'estre fort rigoureusement trettez + l'yver prochain; car ilz voyent que leurs adversayres, lesquelz + ont la Royne, l'authorité et la force en leurs mains, commancent + desjà de les menacer, et monstrent de n'attandre sinon que le + temps les asseure contre les entreprinses des estrangiers pour y + mettre la main. + + Et avoient les dicts Catholiques prins pour mauvais signe la + longueur que ceulx de ce conseil usoient ez affères de la Royne + d'Escoce, et en ceulx du duc de Norfolc; vers lesquelz, à cause + de ces rescentes deffiances, ilz voyoient qu'ilz alloient + changeant toutes leurs premières bonnes dellibérations, car ilz + remettoient de commancer le tretté avec l'ambassadeur de la dicte + Dame jusques à la venue des depputez d'Escoce; et sur ceulx du + duc, ilz luy avoient faict dire, le XIIe de ce moys, que, pour + aulcunes occasions, qui estoient fort considérables, la Royne, sa + Mestresse, estoit conseillée de ne luy ottroyer sa liberté + jusques après la St Michel, qui monstre bien qu'ilz ne vouloient + que gaigner temps; et cependant ilz travailloient de se liguer + davantaige avec les princes protestans. + + Et n'avoit esté sans apparance que les dicts Catholiques eussent + fondé grande espérance en l'apareil du duc d'Alve, et possible + encores quelque peu en cellui qu'ilz entendoient estre prest en + Bretaigne, mais la venue des depputez de Flandres la leur oste de + ce costé là; et l'opinion, qu'ilz ont, que la guerre doibve + continuer en France la leur fait perdre de l'aultre. + + Cella surtout les descoraige qu'ayantz, jusques à ceste heure, + pensé que le Roy d'Espaigne et ses ministres procèderaient de + bonne intelligence avecques le Roy sur les affères de la Royne + d'Escoce, qui sont conjoinctz avec ceulx de la religion + catholique en ce royaulme, ainsy que je m'en estois quelquefoys + prévalu; et comme aussi nulle aultre chose n'avoit, tant que + ceste cy, retenu ceulx de ce conseil en quelque crainte, il s'est + meintennant descouvert qu'il va tout aultrement, et que dom + Francès d'Alava a tenu de telz propos à Mr Norrys, (ainsy que le + dict Norrys l'a escript par ses dernières lettres, arrivées à sa + Mestresse, pendant que Mr de Poigny et moy attendions sa + responce,) que aulcuns, qui en ont heu assés tost la + communication, m'ont tout incontinent adverty que, à l'ocasion + d'iceulx, nous serions fort mal responduz; et que toutz les + affères, où le Roy Très Chrestien pouvoit avoir intérestz par + deçà, en demeureroient fort traversez. + + Qui a esté cause que, en l'audience ensuyvant, je me suys + eslargy, premièrement vers les seigneurs de ce conseil, parce + que, d'arrivée, nous avons esté introduictz vers eulx, et puys + envers la dicte Dame, en toutz les plus francz et ouvertz propos, + que j'ay estimé les pouvoir confirmer en l'amytié du Roy, et à + bien espérer d'icelle, sans toutesfoys toucher ung seul mot ni du + Roy d'Espaigne, ny de ses ministres; et est advenu, sur noz + remonstrances, que l'on nous a accordé une partie de ce que nous + demandions, et qu'on nous a faict, sur le reste, assés meilleure + responce que l'on n'espéroit, ainsy que je l'ay mandé par mes + précédantes. + + Et bien qu'à la grande instance de Madame de Lenoz, l'on eust + auparavant envoyé par mer vers le North un nombre d'armes, de + pouldres et d'argent, pour les fère tenir au comte de Lenoz en + Escoce, j'ay sceu néantmoins que, despuys cella, la Royne + d'Angleterre a dict à la dicte dame de Lenoz qu'elle estoit + résolue de remettre la Royne d'Escoce en son royaulme, sur les + offres qu'elle et le Roy luy faysoient, qui estoient telles + qu'avec son honneur elle ne les pouvoit reffuzer. A quoy la dicte + dame de Lenoz ayant respondu que la dicte Royne d'Escoce n'en + observeroit rien, la Royne luy a répliqué que si feroit, parce + qu'elle l'y obligeroit à peyne d'estre privée de la succession de + ce royaulme, si elle y contrevenoit, car aultrement elle ne luy + en vouloit fère tort; et n'a la dicte dame de Lenoz peu gaigner + rien davantaige, encore qu'elle ayt très instantment priée la + dicte Dame que, si elle persévérait en ceste vollonté, il luy + pleût de mander à son mary qu'il s'en retornât. + + Et le secrétaire Cecille m'a mandé que je croye fermement qu'il + ne sera miz aulcun retardement ez affères de la Royne d'Escoce, + et qu'il ne cerche, de sa part, que la seurté de sa Mestresse, + laquelle estant mortelle, et n'y ayant, après elle, nul plus + prochain au droict de ceste couronne que la Royne d'Escoce, qu'il + ne luy sera, ny meintennant, ny à l'advenir, jamais contraire; et + le mesmes a il confirmé à l'évesque de Roz, avec lequel il est + desjà entré si avant en matière qu'ilz sont quasi d'accord de + toutz les poinctz, qui sembloient estre les plus différantz. + + Encores, monstrent les affaires du duc de Norfolc qu'ilz pourront + aussi mieulx réuscyr que la responce du XIIe du présent ne le luy + faisoit espérer, et que la Royne permettra qu'ilz soient, dans + trois ou quatre jours, miz en dellibération pour après estre + procédé à sa liberté, sellon qu'ung chacun dict qu'il demeure + fort deschargé et justiffié de toutes les choses qu'on luy + pourrait imputer. + + Je veulx bien advouher que je ne cognois rien de plus exprès en + ceulx cy que leur simulation, ny rien de plus certain que leur + inconstance; par ainsy, je ne puys fère grand fondement sur + chose qu'ilz disent, ny qu'ilz promettent. Néantmoins ilz peuvent + incliner de nostre costé, aussi bien que d'ung aultre, et + j'estime qu'il n'est que bon de les y tenir bien disposez, si + l'on peult, affin de se prévaloir de la paix qu'on a avec eulx, + et évitter les inconvénians et incommoditez qui pourroient + advenir, s'ilz se despartoient du tout de nostre intelligence. + + AULTRE INSTRUCTION A PART POUR DIRE A LEURS MAJESTEZ: + + Que, jusques à ceste heure, la Royne d'Angleterre et ses + conseillers protestans avoient esté retenuz d'une grande + craincte, et les seigneurs, et gens de bien catholiques, + conduictz de grande espérance sur le faict de la Royne d'Escoce, + et sur toutz les affères de ceste isle, par l'opinion qu'ilz + avoient que le Roy d'Espaigne et le duc d'Alve seraient toutjour + en bonne intelligence avec le Roy. + + Et n'estoit peu de consolation aus dicts Catholiques de veoir en + quelle peyne les dicts Protestans vivoient pour ne sçavoir si la + bulle estoit expédiée, ou du propre mouvement du Pape, ou bien + par la réquisition du Roy, ou bien à l'instance du Roy + d'Espaigne: car ilz disoient que si c'estoit seulement du Pape, + ce n'estoit chose de moment; si c'estoit du Roy seul, encor + croyoient ilz que Mr le cardinal de Lorrayne l'auroit procuré, + sans que pour cella le Roy se vollût trop haster de rien + entreprendre; mais, si c'estoit par le commun consentement du Roy + et du Roy d'Espaigne, ilz tenoient pour indubitable que + l'entreprinse de ceste isle estoit desjà jurée entre eulx. + + En quoy, pour en avoir quelque lumyère, ilz cerchoient de toutz + costez s'il se trouveroit que moy, ou Mr l'ambassadeur + d'Espaigne, eussions tenu la main à la fère notiffier et publier + par deçà, mais il semble qu'ilz n'ont rien trouvé contre moy, + sinon qu'il leur est venu un adviz d'Itallie, par la voye de + Flandre, comme la dicte bulle a esté expédiée à l'instance de + l'ambassadeur de France, qui est à Rome, et que l'ambassadeur du + Roy Catholique par dellà n'a faict que y prester son + consentement, comme à chose apartenant de si près à la religion + catholique qu'il ne luy a esté loysible de la contradire; dont + leur semble que j'en debvois estre participant, mais je croy qu'à + ceste heure ilz en demeurent toutz esclarcy. + + Et, quant à l'ambassadeur d'Espaigne, parce que Me Felton, lequel + est accusé d'avoir affiché la dicte bulle, a confessé, estant sur + la question, que le prestre espaignol du dict sieur ambassadeur + la luy avoit baillée; qui, pour ceste occasion, s'est despuys + absenté, car il estoit commandé de le prandre, quelque part qu'il + pourroit estre trouvé, jusques en sa chambre; non seulement l'on + en a chargé le dict sieur ambassadeur, ains aussi luy impute l'on + les aultres libelles, qui ont couru en ce royaume, contre le + garde des sceaux et Cecille, et contre quelques aultres du + conseil; mais ne pouvant son prestre estre trouvé, l'on ne sçayt + commant procéder contre luy. + + Et n'ont layssé pour cella les Catholiques de s'entretenir + toutjour en l'espérance de la faveur du Roy son Maistre et du duc + d'Alve, pour les affères de la Royne d'Escoce et de la religion + catholique; de sorte que le dict Felton a bien ozé dire tout + hardyment qu'il y avoit trente mil hommes de valleur en + Angleterre, dont les six mil estoient gentishommes, et vingt cinq + milordz parmy, qui estoient toutz prestz d'exposer leurs vies + pour la mesmes querelle, qu'ilz le vouloient fère mourir à luy. + + Mais, despuys quelques jours, iceulx Catholiques non seulement se + sont retirez de ceste espérance, ains sont entrez en grand + frayeur d'estre descouvertz qu'ilz l'ayent heue, parce qu'ilz + estiment que le dict sieur ambassadeur ayt communiqué toutes + choses au Sr dom Francès d'Alava, lequel ilz tiennent aujourduy + pour trop plus grand serviteur de la Royne d'Angleterre que de + son Maistre; car Mr Norrys a escript qu'il luy a promiz de + disposer si bien les affères de la dicte Dame vers le Roy, son + dict Maistre, et vers le duc d'Alve, qu'elle n'a garde de + recepvoir aulcun mal ny dommaige d'eulx, et que hardyment elle ne + preigne peur des démonstrations et préparatifz du dict duc, car + il la veult bien asseurer qu'il n'a aulcun commandement de luy + nuyre, ny d'attampter, pour quelque occasion que ce soit, rien + par armes contre elle; et qu'au reste le dict dom Francès luy a + descouvert que c'est Mr le Nonce, qui est en France, qui a envoyé + icy la bulle à l'ambassadeur d'Espaigne pour la publier. + + Duquel acte du dict dom Francès plusieurs seigneurs et gens de + bien de ce royaulme se sont fort escandalizez, et les aulcuns se + sont confirmés en une opinion, laquelle ilz avoient desjà + conceue, que les ministres du Roy d'Espaigne vont procurant vers + ceulx cy, et partout où ilz peuvent, la continuation de la guerre + de France; et que, voyantz le faict de la Royne d'Escoce, de + laquelle ilz s'estoient desjà promiz et l'aliance, et le filz, et + le royaulme, et le tiltre d'Angleterre, se conduire meintennant + au nom et soubz la faveur du Roy, qu'ilz le veulent traverser; et + qu'ilz sont jalouz de ce que aulcuns seigneurs de ce royaulme se + monstrent bien affectionnez à Leurs Très Chrestiennes Majestez, + qui est ung propos qu'on m'a tenu, présent Mr de Poigny, auquel + je réserve d'en fère entendre le surplus à Leurs Majestez, à son + retour; et adjouxteray seulement icy une preuve, que le duc + d'Alve nous a donné de son intention en ce [qu'ayant le Pape + envoyé, par la banque d'Anvers, douze mil escuz, pour les + gentishommes fuytifz d'Angleterre, il a conseillé qu'on ne leur + envoye ny tout, ny partie de la somme, tant qu'ilz seront en + Escoce, et par ce moyen il a interrompu le dict secours.] + + Il est bien certain que, jouxte ceste communication grande + d'entre dom Francès et le dict Sr Norrys, ceste Royne a naguières + escript une bonne lettre au Roy d'Espaigne, laquelle le dict dom + Francès a prins en sa charge de la luy fère tenir, et une aultre + au duc d'Alve, par laquelle elle l'exorte de vouloir entretenir + l'alliance d'entre ceste couronne et la mayson de Bourgoigne, + comme, de sa part, elle la veult entièrement conserver: et, quant + aulx prinses, qu'elle est preste d'y satisfère de sa part, en ce + qu'il s'y veuille disposer de la sienne, et qu'il veuille + depputer des personnaiges propres pour en accorder, qui ne soyent + de ceulx qui veulent troubler ce royaume, ainsy que + l'ambassadeur, icy résidant, et ceulx, qui cy devant y ont esté + envoyé, se sont esforcez de le fère; et que de l'apareil qu'elle + entend qu'il faict bien grand par mer, il ne veuille rien + attampter en ses portz, car elle offre toute faveur et seur accez + en iceulx à la Royne d'Espaigne et à ceulx de sa troupe: tant y a + que l'ambassadeur d'Espaigne, nonobstant tout cella, ne laysse + d'estre bien fort offancé contre dom Francès, de ce qu'il a parlé + de la bulle, et desjà il en a escript au duc d'Alve. + + J'ay faict sonder, par interposée personne, Mr le cardinal de + Chatillon et le Sr de Lumbres quel desir ilz avoient à la paix et + à transférer la guerre hors de France; et voycy ce qui m'a esté + raporté des propos du dict sieur Cardinal: qu'il desire + infinyement la dicte paix, espérant par icelle jouyr de la bonne + grâce de Leurs Majestez et de six vingtz mil {lt} de rante en + France, en lieu de mille pouvrettez et indignitez, qu'il + s'esforce de supporter, le plus dignement qu'il peult, en + Angleterre; + + Que se souvenant que le Roy, et la Royne, et Monsieur, pour + fermeté de l'aultre dernière paix, luy firent l'honneur de luy en + donner leur promesse de leurs propres mains dans la sienne, et + que ceulx, qui la leur ont faicte rompre, sont ceulx mesmes avec + qui ilz ont à conclurre meintennant ceste cy, les cheveulx luy en + dressent de frayeur; + + Que le Roy a la paix très ferme et bien asseurée, toutes les foys + qu'il luy playrra, à bon esciant, que ceulx de la religion + puyssent vivre, en conscience et honneur, soubz la faveur de sa + protection, en son royaulme; + + Que, de transférer la guerre ailleurs, c'est ce que son frère, + Monsieur l'Admyral, a toutjour desiré, mais de le fère + meintennant, et laysser ceulx, qui sont de leur mesmes religion, + estre cependant massacrez, murdriz et ruinez en leurs maysons, en + France, par ceulx qui ont la justice et l'authorité et les forces + à la main, ilz sont entièrement tout résoluz du contraire; + + Que, si le Roy les veult recepvoir en sa bonne grâce, et leur + ottroyer la dicte paix et seurté qu'ilz luy demandent, comme à + ses bons subjectz, et qu'il se veuille servyr de son frère et de + luy, ilz ont en main de quoy luy fère le plus grand et le plus + notable service, que sa couronne ny nul de ses prédécesseurs + ayent receu de deux centz ans en cà; + + Qu'il cognoist bien que les Anglois ne cerchent de fère rien pour + la religion en ceste guerre, ains de travailler la France, et + qu'il crainct bien que, se faisant la paix, l'on ne le layrra + sortir, de trois moys après, de ce royaulme. + + Quant au susdict de Lumbres, lequel s'intitulle ambassadeur de + toutz les princes protestans vers ceste Royne, l'on m'a dict + qu'il desire aussi bien fort la paix de France, et vouldroit que + la guerre fût desjà transférée aulx Pays Bas, et n'eust tenu à + luy que la descente, que ceulx de la Rochelle dellibéroient de + fère en quelque port de Normandie ou Picardie, si Sores ne fût + allé sur la route des Indes, ne se fût faicte en Olande: et desjà + luy et beaucoup de ceulx de son pays font estat, par ceste paix, + de se retirer en France, car semble qu'il y ayt mutuelle + obligation entre les Françoys et Flamans, qui sont de ceste + religion, de se subvenir les ungs aulx aultres, et de ne cesser, + qu'ilz ne soyent toutz remiz en leur maysons pour y pouvoir vivre + en seurté avec l'exercice de leur religion. + + Aulcuns Françoys de la dicte religion, qui sont icy, ne prennent + nul party, attandans la dicte paix; ou bien, si elle ne succède, + ilz dellibèrent de recourir à la grâce et clémence de Sa Majesté. + + + + +CXXIVe DÉPESCHE + +--du XXXe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._) + + Crainte des Anglais qu'une ligue générale n'ait été formée contre + eux.--Résolution du conseil de rendre la liberté au duc de + Norfolk, et de lever une forte armée navale.--Armement de la + flotte.--Mission de Me Figuillem dans les + Pays-Bas.--Déclaration faite à l'ambassadeur que l'armement de + la flotte n'a d'autre objet que de rendre les honneurs à la + reine d'Espagne sur son passage, et de se tenir en défense + contre les entreprises que pourrait tenter le duc d'Albe. + + + AU ROY. + +Sire, s'estant la Royne d'Angleterre aperceue que le mal de son pied +empyroit par le travail de son progrez, encore qu'elle n'allât qu'en +coche, elle s'est arrestée à Cheyneys, qui est celle mayson du comte +de Betfort, où je vous ay mandé, par mes dernières, qu'elle debvoit +demeurer tout le XXVe et XXVIe de ce moys; mais elle y a séjourné +davantaige, et n'en bougera encores de quelques jours. Ceulx de son +conseil se sont assemblez au dict lieu pour prendre quelque bon ordre +sur aulcunes choses qu'ilz ont veu estre aultres, ou bien avoir aultre +événement, qu'ilz ne pensoient; premièrement, sur la détention du duc +de Norfolc, par laquelle, au lieu d'en avoir assoupy et retardé les +troubles de ce royaulme, ilz cognoissent meintennant que c'est par là +qu'ilz les ont advancez et faict naistre, car auparavant il n'y en +avoit point; et sur la guerre d'Irlande, laquelle ilz cuydoient desjà +achevée, ilz ont nouvelles que, despuys naguyères, l'on s'y est bien +battu, et que ceulx du party de la Royne, leur Mestresse, ont heu du +pyre, et que mesmes les saulvaiges monstrent de vouloir passer +oultre, et qu'ilz attandent du secours d'ailleurs; aussi sur le faict +de la Royne d'Escoce, duquel, parce que Vostre Majesté le porte et le +favorise, ilz voyent que toutz leurs affères d'Escoce en succèdent si +mal qu'ilz sont bien en peyne commant le remédier; pareillement sur +leurs différans des Pays Bas, lesquelz viennent meintennant à leur +estre de tant plus suspectz, que, par le pardon général publié en +Envers par le duc d'Alve, à vestemens blancz[11], le XVIe de ce moys, +où l'on leur faict acroyre que le prince d'Orange est comprins, et +qu'on a randu ses biens à ses enfans; et aussi par l'accord des Mores +en Espaigne[12], ilz estiment que les affères du Roy d'Espaigne +demeurent si establys en ses pays qu'il n'a rien plus à fère +meintennant que se rescentyr de l'injure, qu'ilz luy ont faicte et à +ses subjectz, ainsy que le duc d'Alve semble d'en avoir l'apareil tout +prest; et encores sur la paix de vostre royaulme, laquelle, de tant +qu'ilz la tiennent desjà comme conclue, sans qu'ilz s'en soyent +meslez, ilz craignent que Vostre Majesté se veuille de mesmes conduyre +meintennant en icelle vers eulx, comme ilz se sont assés mal déportez +vers vous durant la guerre; mais principallement sur la division et +mal contantement de leurs propres subjectz, d'où ilz prévoyent que, +s'il n'y est, devant toutes aultres choses, pourveu, ce sera de là que +leur viendront les plus dangereuses guerres et les plus grandes +difficultez dont, de tant que la Royne leur Mestresse s'oppose +toutjour bien fort aulx moyens, qu'on luy met en avant, qui tendent +ou à la guerre ou à la despence; après avoir bien longuement débattu +toutes ces matières, ilz luy ont enfin conseillé que, d'ung costé, +elle veuille mettre le duc de Norfolc hors de pryson, et que, par sa +liberté et par l'ayde qu'il luy pourra fère, elle se tirera ayséement +hors des plus apparans dangiers; et dresser, de l'aultre, tout +promptement une bonne armée de mer, qui serviroit de remédier à tout +le reste, sans regarder de si près à la despence, qu'elle y pourra +fère, qu'elle ne regarde encores plus à la conservation de son estat +et à l'honneur et grandeur de sa couronne. + + [11] Le duc d'Albe déploya, pour la publication de cette + amnistie, une pompe extraordinaire. Ces mots _vêtements blancs_ + se rapportent probablement à quelque particularité des costumes + employés dans cette cérémonie. + + [12] Voir la note ci-dessus, p. 183. + +Sur laquelle leur résolution s'estant la dicte Dame assés collérée +contre ceulx, qui l'avoient faicte estre jusques icy trop rigoureuse +contre le dict duc, leur a respondu qu'elle estoit contante de prendre +bientost ung bon expédiant avecques luy, qui ne viendroit toutesfoys +ny d'aulcun d'eulx, ny de toutz ensemble, et dont il n'en auroit à +remercyer que elle seule; et quant à dresser une armée, qu'elle ne se +vouloit opposer à leur conseil, mais seulement les prier qu'ilz +advisassent de n'entreprendre rien qui ne fût bien nécessaire, et qui +ne la mist en plus de peyne qu'elle n'est. Dont, tout sur l'heure, les +commissions ont esté dépeschées, telles que j'ay cy devant mandées à +Vostre Majesté: de dresser une armée royalle de toutz les grandz +navyres de la dicte Dame et de bon nombre d'aultres vaisseaulx +particulliers, et de lever quatre mil maryniers, et tenir prestz huict +mil hommes de pied et deux mil chevaulx; dont, quant aulx navyres et +hommes pour mettre dessus, qui sont maryniers et soldatz tout +ensemble, cella s'exécute en toute dilligence; et, dans le Xe du +prochain, j'entendz qu'il sortyra en mer sept grandz navyres des +premiers prestz, les meilleurs à la voyle, avec douze centz hommes +dessus, et les aultres suyvront après, à la mesure qu'on les aura +fornys d'hommes et de vivres; car, ilz ont desjà tout leur aultre +apareil et fornyment. Mais, quant aulx huict mil hommes de pied et +deux mil chevaulx, l'on ne se haste encores de les fère marcher. + +Or, en ce mesmes conseil, a esté advisé de renvoyer devers le duc +d'Alve maistre Fyguillem, bourgeois de ceste ville, l'ung des +commissaires des prinses, par prétexte de luy aporter une honneste +responce sur l'accord de leur différandz, comme ceste Royne le prye +d'y vouloir entendre en quelque bonne sorte, et qu'elle est contante +de reffère le nombre des merchandises et tout ce qui en est dépéry et +descheu, despuys le premier inventoire qui en fut faict; ce que +n'estant encores aprochant de la satisfaction, parce que le dict +inventoire ne contient guières bien le tiers des dictes merchandises, +ny que celle moindre partie des deniers qui estoit ez quaysses +merquées pour le Roy d'Espaigne, j'ay bien pensé qu'il n'y alloit que +pour descouvrir l'intention du dict duc, et à quoy tandoit son +armement, et quelles pratiques menoient les Anglois catholiques, qui +ont naguières passé d'Escoce et d'icy devers luy. Tant y a, Sire, que, +nonobstant cest argument, lequel m'a bien faict juger qu'en leur faict +y avoit plus de peur que d'entreprinse, voyant néantmoins que leur +appareil estoit tel qu'il le falloit avoir suspect, mesmes que nul ne +me sçavoit asseurer au vray de l'occasion d'icelluy, et qu'ilz ne +cessoient de tretter toutjour d'accord avec le duc d'Alve, j'ay pensé +qu'il estoit expédiant de les fère parler; dont ay suplié la dicte +Dame et iceulx seigneurs de son conseil que, de tant que j'avois à +vous donner adviz de leur armement, il leur pleust m'advertyr comme +ilz desiroient que je le vous escripvisse, affin d'évitter que, pour +la jalouzie que vous en pourriez avoir, vous ne leur en fissiez +prendre une aultre en vous armant de vostre costé. + +A quoy ilz m'ont respondu que je sçavois bien que le duc d'Alve +faisoit une bien fort grande armée de mer, et encor qu'il leur eust +notiffié par l'ambassadeur de son Maistre, qui est icy, et encores +faict dire à Mr Norrys par celluy qui est en France, que c'estoit +seulement pour conduyre la Royne d'Espaigne et non pour occasion +quelconque, d'où ilz deussent prendre tant soit peu de deffiance de +luy, que néantmoins la dicte Dame luy avoit bien vollu dépescher ung +messaigier pour l'advertyr qu'elle estoit dellibérée de mettre aussi +ses navyres en mer, avec sept ou huict mil hommes dessus, pour +accompaigner la dicte Royne d'Espaigne, sa bonne soeur, tout le long +de la mer de son royaulme, avec commandement à son admyral, lequel +yroit luy mesmes en l'armée, de la recepvoir, honnorer et bien tretter +en toutz ses portz et hâvres, où luy viendrait à playsir de descendre +et prendre terre: dont me prioient d'asseurer Vostre Majesté que, sur +leur vie et honneur, il n'y avoit aultre chose; et que le dict sieur +Admyral ne bougeroit que la responce du dict duc ne fût arrivée. Bien +me vouloient dire que aulcuns de leurs rebelles trettoient en secrect +et ouvertement avecques le dict duc, et que les Escossoys se vantoient +aussi qu'ilz auroient bientost ung secours de Flandres; dont se +vouloient trouver prestz à tout besoing. + +Voylà, Sire, ce qu'ilz m'ont dict, et en quelle façon ils se sont +descouvertz de la légation du susdict Figuillem, qu'ilz avoient +toutjour tenue fort secrecte; et comme, soubz démonstrations +honnestes, ilz se pourvoyent contre les malles intentions les ungs des +aultres. Je observeray le progrez de leurs actions, du plus près que +je pourray, pour vous en donner toutjour les plus seurs adviz qu'il me +sera possible; et sur ce, etc. Ce XXXe jour de juillet 1570. + + + + +CXXVe DÉPESCHE + +--du VIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par Mr de Poigny._) + + Visite de Mr de Poigny à la reine d'Écosse.--Audience de congé + lui est donnée par la reine d'Angleterre.--Heureux effet de son + voyage.--Meilleur traitement fait à Marie Stuart et au duc de + Norfolk, à qui il est permis de sortir de la Tour pour être + gardé chez lui.--Remontrances de l'ambassadeur à Élisabeth sur + les nouvelles entreprises faites contre l'Écosse.--Excuses + données par la reine.--Résolution prise de signifier le traité + aux deux partis en Écosse.--Continuation des armemens maritimes + en Angleterre.--Déclaration du duc d'Albe à Me Fuyguillem + envoyé vers lui par Élisabeth.--Arrivée à Londres d'un député + de la Rochelle. + + + AU ROY. + +Sire, après que Mr de Poigny a heu satisfaict à la visite, que Vostre +Majesté luy avoit commandé vers la Royne d'Escoce, par l'espace de +quatre jours, qu'il luy a esté permiz d'estre auprès d'elle, avec ung +infiny contantement et très grande satisfaction de la dicte Dame, il +s'en est retourné par deçà; et estant icy, nous avons ensemble +considéré que, puisqu'il estoit contrainct de se déporter du surplus +de son voyage en Escoce, parce que la Royne d'Angleterre ne le +trouvoit bon, et que les commissaires escossoys n'estoient point +arrivez, qu'il estoit expédiant qu'il ne temporisât plus en ce lieu; +dont sommes allez, le IIIIe du présent, trouver la dicte Dame à +Cheyneys, où elle est encores. A laquelle le dict Sr de Poigny a faict +entendre, bien à propos, les choses qu'il avoit veues et aprinses de +l'estat de la Royne d'Escoce, et de sa santé, et aussi de son +estroicte garde, et d'aulcunes aultres particullaritez de ses affères, +luy incistant bien fort de luy vouloir ottroyer ung peu plus de +liberté qu'elle n'a; et luy ayant au reste ramentu de rechef les +principaulx poinctz de sa charge, avec offre de passer encor en +Escoce, s'il estoit besoing, pour disposer ces seigneurs de dellà à la +continuation du tretté, la dicte Dame luy a faict plusieurs diverses +responces ès quelles, sans luy reffuzer ny accorder aussi tout ce +qu'il demandoit, sinon touchant aller en Escoce, qu'elle luy a bien +ouvertement dényé, elle a monstré, au reste, qu'elle vouloit beaucoup +defférer à Vostre Majesté; et, après qu'avec de bien honnestes +répliques, il a heu tiré d'aultres secondes et meilleures responces de +la dicte Dame, il a prins congé d'elle. Dont, de tant, Sire, que +Vostre Majesté entendra mieulx au long et par ordre de luy, que ne +feroit par ma lettre, tout ce qui s'est passé en son audience, et ce +qu'il y a proposé, ensemble ce qu'il y a obtenu, et ce que la dicte +Dame l'a prié de vous dire, je me déporteray de vous en toucher icy +plus avant, si n'est pour vous dire, Sire, qu'encor qu'il ne vous +raporte résolution de toutes choses, son voyage ne laisse pourtant +d'estre et bien utille, et heureux, puisque par icelluy est advenu que +ceste Royne a commancé de se modérer tant envers la Royne d'Escoce +qu'elle l'a layssée visiter de vostre part et luy a eslargy ung peu sa +liberté; et qu'en mesmes temps le duc de Norfolc, qui estoit en +pryson, a esté remiz en sa mayson, bien que ce soit encores soubz +quelque garde; qui sont tout présaiges de quelques bon succez ez +aultres affères de la dicte Dame. + +Or de ma part, Sire, ayant heu à remercyer la dicte Dame de la +déclaration qu'elle m'avoit mandé fère, que son armement n'estoit +aulcunement dressé ny contre Vostre Majesté, ny contre vostre +royaulme, et de ce qu'elle avoit monstré se resjouyr infinyement de la +nouvelle, que je luy avois faict entendre, qu'on tenoit en France la +paix pour faicte; et que sur le dict armement elle m'a heu confirmé le +mesmes, adjouxtant que c'estoit le duc d'Alve et non Vostre Majesté +qui avoit à se doubter d'icelluy, et qu'avec plusieurs parolles, et +par tout aultre semblant, elle a exprimé ung très grand désir à la +dicte paix, et luy tarder beaucoup que je la luy puysse bien asseurer +de vostre part, j'ay tiré le propos à luy parler des choses que nous +avions entendu d'Escoce: comme pour empescher l'effect de l'accord, +qui estoit tant bien commancé, l'on avoit trouvé moyen de retarder Mr +de Leviston (qui l'alloit notiffier aulx seigneurs d'Escoce) vingt +deux jours en la frontière de deçà, et despuys, estant passé en celle +de dellà, les adversaires de la Royne d'Escoce ne permettoient qu'il +passât oultre pour acomplyr sa légation; que cependant le comte de +Sussex avoit envoyé solliciter ceulx du party de la Royne d'Escoce de +poser les armes, d'abandonner les rebelles angloys, de ne recepvoir +les estrangiers, et de casser les proclamations, qu'ilz avoient faicte +de l'authorité de leur Royne, pour remettre le faict du gouvernement +du pays en tel estat que le comte de Mora l'avoit layssé; et que, +pendant que la dicte Dame se prenoit bien asprement à la Royne +d'Escoce de ce que ses fuytifz trouvoient faveur et retrette en son +pays, c'estoient les mauvais subjectz de la Royne d'Escoce qui +avoient relevé une forme d'authorité, en tiltre de régent, contre et +au préjudice d'icelle en son royaulme, soubz l'adveu et protection des +lettres de la dicte Royne d'Angleterre, qui avoient esté leues +publiquement en l'assemblée, y assistant maistre Randolf et son agent +par dellà; et que le comte de Lenoz, à présent créé régent, se vantoit +qu'il auroit tout secours d'elle pour estre meintenu en ceste sienne +nouvelle authorité, et que mesmes le comte de Sussex, en sa faveur, +rentreroit de rechef avecques forces en Escoce, et que l'armée de mer +de la dicte Dame seroit bientost devant Dombertran pour l'assiéger; +dont, de tant que, sur ce que je vous avois escript et asseuré du +contraire, vous aviez contremandé voz forces, qui estoient toutes +prestes en Bretaigne, et vous estiez venu de toutz ces différantz à +ung tretté d'accord, duquel ne voyez à présent sortyr nul effect, je +ne pouvois, pour ma justification envers Vostre Majesté, que recourir +à la promesse, qu'elle m'avoit faict fère là dessus par les seigneurs +de son conseil, laquelle elle m'avoit despuys confirmée en parolle de +Royne et de Princesse chrestienne, pleyne de foy et de vérité; et, +suyvant icelle, la suplyer de vouloir demeurer aulx bons termes du +dict tretté et icelluy paraschever, ou bien me dire quelle +satisfaction elle pensoit que j'en debvois donner à Vostre Majesté. + +La dicte Dame, se voyant fort pressée de ce propos, et voyant que +j'estois adverty de toutes les pratiques qui se menoient en Escoce, +s'est efforcée de leur donner le meilleur lustre qu'elle a peu, +alléguant que ceulx du party de la Royne d'Escoce, pour avoir de +rechef rentré en la frontière d'Angleterre, et avoir dressé avec milor +Dacres une bien dangereuse entreprinse sur icelle, si le comte de +Sussex ne l'eust descouverte, et pour avoir, en proclamant l'authorité +de la Royne d'Escoce, déclairé ceulx de l'aultre party rebelles, +avoient commancé les premiers de donner occasion à elle de se départyr +du dict traicté, dont estoit délibérée de ne souffrir plus leurs +attemptatz et de remédier à leurs mauvaises entreprinses. + +Je luy ay répliqué que Vostre Majesté ny la Royne d'Escoce n'aviez +rien innové de vostre part, et qu'on ne pouvoit prétendre que ceulx du +party de la Royne d'Escoce eussent aussi peu violler le tretté jusques +à ce qu'il leur auroit esté légitimement notiffié; par ainsy, que je +incistois toutjour à l'entretennement et continuation d'icelluy. + +Enfin la dicte Dame, laquelle faict grand fondement de sa parolle +jusques à me dire que si je la trouve jamais manquer d'icelle, je la +veuille estimer indigne que je face jamais plus nul office de vostre +ambassadeur vers elle, et les seigneurs de son conseil, ausquelz j'ay +aussi faict la mesme remonstrance, m'ont accordé qu'il sera donné +moyen à Mr de Leviston, ou bien à quelque aultre, qui sera +présentement dépesché d'icy, de pouvoir aller seurement jusques vers +le duc de Chastellerault, et vers les aultres seigneurs du party de la +Royne d'Escoce, pour leur signiffier l'accord encommancé, et les +sommer d'envoyer des depputez pour le continuer et parfaire. + +Cependant, Sire, la dicte Dame continue toutjour son armement en fort +grand dilligence, et n'en remect rien pour chose que le duc d'Alve luy +ayt respondu, lequel aussi, à ce que j'entendz, a parlé ung peu bien +ferme à maistre Fuyguillem, depputé de la dicte Dame, lequel est +revenu despuys trois jours: c'est qu'il luy a dict qu'il préparoit +son armée de mer pour conduyre seurement la Royne, sa Mestresse, en +Espagne, et que rien n'en estoit dressé contre les amys et confédérez +de son Maistre, mais bien pour se deffandre et se venger des injures +de ses ennemys; et quant à la pleincte qu'il faysoit que l'ambassadeur +d'Espaigne, icy résidant, avoit donné des saufconduictz aulz rebelles +d'Angleterre pour passer en Flandres; que le Roy, son Maistre, le +chastieroit s'il avait mal faict, mais que, pour un rebelle anglois +qu'il y avoit en Flandres, il y en avoit cinq centz flamans en +Angleterre: au regard de se contanter de l'accord des merchandises +sellon l'inventoire qui en avoit esté faict, qu'il vouloit de sa part +rendre aulx Anglois tout entièrement ce qu'il leur avoit faict saysir +et arrester, et qu'ainsy entendoit il qu'il fût de mesmes satisfaict +aulx subjectz de son Maistre. Bien m'a l'on dict qu'il a usé à part +d'aultres parolles gracieuses au dict Fuyguillem, qui les mect en plus +grande espérance d'accord que jamais. + +Il est arrivé, despuys lundy dernier, ung des superintendans des +finances de la Rochelle, nommé le présidant des comptes de Bretaigne, +lequel on dict estre principallement venu pour trois choses; l'une, +pour adviser le moyen de desdommaiger la Royne d'Angleterre et les +siens des trèze ourques de merchandises d'Espaigne, qui furent, dès le +commencement, menées des portz de ce royaulme à la Rochelle, et fère +pour cella, ou pour recouvrer nouveaulx deniers, pour du sel et du +vin, quelque nouveau contract entre eulx; la seconde, pour consulter +avec Mr le cardinal de Chatillon des articles de la paix, et les +notiffier, de la part de la Royne de Navarre, à ceste Royne; la +tierce, pour aporter à la dicte Dame quelques adviz et pacquetz qui +la concernent, lesquelz ilz ont surprins quelque part. Sur ce, etc. Ce +VIe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXVIe DÉPESCHE + +--du XIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._) + + Forces de l'armée navale que l'Angleterre vient de mettre en + mer.--Crainte qu'Élisabeth, rassurée contre toute attaque de la + part du duc d'Albe, n'emploie cet armement à une entreprise sur + l'Écosse.--État des négociations au sujet de l'Écosse et de + Marie Stuart.--Conclusion de la paix en France.--Nouvelles de + la Rochelle et d'Allemagne.--Exécution de Felton à Londres; + continuation des exécutions dans le Norfolk. + + + AU ROY. + +Sire, sellon la bonne communication que j'ay faicte à Mr de Poigny, +pendant qu'avons esté ensemble, de toutes choses de deçà, dont j'ay +peu avoir quelque notice, j'espère qu'il aura donné bon compte à +Vostre Majesté non seulement de celles là qui s'y mènent ouvertement, +mais aussi d'aulcunes qui se présument, lesquelles ne sont encores +qu'en discours; et pareillement de l'estat où sont demeurées celles de +la Royne d'Escoce, de façon que je n'auray à toucher icy, sinon de ce +qui a succédé despuys son partement; qui est, Sire, que la Royne +d'Angleterre a faict donner une si grand presse à son armée de mer +qu'on l'a rendue toute preste à sortyr, dans le XXe du présent, en +nombre de XXIX de ses grandz navires, bien artillez et bien garnys de +toutes monitions de guerre, et avitaillez pour trois mois, avec cinq +mil cinq centz hommes dessus et son admyral en personne pour y +commander, oultre ung nombre d'aultres vaysseaulx, que le comte de +Betfort faict équiper en guerre au pays d'Ouest, qui doibvent sortir, +soubz la conduicte de Haquens, et trèze navyres des Françoys et des +Flamans, de la nouvelle religion, qui sont attendans en l'isle d'Ouyc. +Quelcung est revenu de la mer sur un batteau légier, qui raporte avoir +veu, sur la coste de Flandres, envyron cinquante quatre voyles desjà +hors des portz, ce qui faict davantaige haster ceulx cy en leur +entreprinse; et les seigneurs de ce conseil ont envoyé signiffier, par +deux aldremans de Londres, à Mr l'ambassadeur d'Espaigne qu'il les +veuille venir trouver, à St Auban, à XX mil d'icy, affin de conférer +ensemble; mais ne saichant comme ilz vouldroient user vers luy, il est +en doubte s'il yra. + +Je ne descouvre point encores, Sire, que la dicte Dame ayt à nul +aultre effect entreprins cest armement que pour le souspeçon du duc +d'Alve, et croy, à la vérité, que cella seul en est la première +ocasion; mais, à ceste heure, qu'elle a faicte la despense, et que le +duc luy a en plusieurs sortes déclairé qu'il ne veult rien +entreprendre contre elle, et aussi n'y a il nul aparance quelconque +qu'il soit pour le fère, ny qu'il divertisse ailleurs son armée qu'à +la conduicte de la Royne, sa Mestresse, tant qu'elle soit du tout +descendue en Espaigne, je crains que la dicte Royne d'Angleterre +employe cependant la sienne contre l'Escoce; car de la dresser contre +la France je n'en ay ny indice ny sentyment, mais quelcun m'a bien +dict qu'on la conseille de se saysir de Dombarre, et m'a l'on donné +adviz qu'elle a mandé de nouveau au comte de Sussex de tenir mil cinq +centz harquebouziers, six centz corseletz et quatre centz chevaulx, +toutz prestz en la frontière, qui est argument qu'elle espèreroit, par +ce secours de terre, facilliter l'entreprinse à son armée de mer; et +que, par mesmes moyen, elle satisferoit au comte de Lenoz, lequel luy +ayant demandé une grande provision de deniers pour souldoyer des +Escossoys près de luy, elle luy a respondu qu'elle ayme mieulx +employer son argent à souldoyer des siens que non d'en acquérryr des +estrangiers; néantmoins j'entendz qu'on l'a tant pressée qu'enfin elle +luy a envoyé trois mil {lt} d'esterlin, qui est dix mil escuz. De +cecy, Sire, et d'aulcunes conditions assés dures, que la dicte Dame a +naguières proposées, bien qu'en ryant, à Mr l'évesque de Roz, de +vouloir pour sa seurté, en restituant sa cousine, avoir des ostaiges +d'elle, et le Prince son filz, et le chasteau de Dombertran; et luy +ayant le dict sieur évesque respondu que mal ayséement se pourroit +tout cella fère, je crains que la dicte Dame se veuille pourvoir, de +bonne heure, d'aulcuns aultres moyens bien contraires à celluy du +tretté, que nous avons commancé; mais, nonobstant ceste démonstration, +nous ne layssons de luy incister toutjour qu'elle doibt demeurer aulx +bons termes du tretté, et icelluy paraschever, sellon qu'elle mesmes a +prié Mr de Poigny de vous asseurer, Sire, que, si la Royne d'Escoce +luy faict de bien honnestes et honnorables offres, qu'elle procèdera +très honnorablement envers elle; et, suyvant cella, elle nous a +despuys baillé ses lettres pour fère passer sans difficulté milord de +Leviston jusques là où le duc de Chastellerault et les aultres +seigneurs du party de la Royne d'Escoce sont assemblez, affin de leur +notiffier l'accord encommancé, et les sommer d'envoyer des depputez +pour ayder à le conclurre; et, par mesmes dépesche, nous avons adverty +les dicts seigneurs de se donner garde des entreprinses de deçà. Ceulx +qui portent icy bonne affection à la Royne d'Escoce estiment, Sire, +qu'il importe beaucoup que, en parlant à l'ambassadeur d'Angleterre, +et par aultres démonstrations en Bretaigne, Vostre Majesté face +toutjour cognoistre qu'elle desire secourir et remédier les affères de +la dicte Dame. + +J'entendz que Mr Norrys a escript, du IIIe du présent, que la paix +estoit desjà conclue dez le premier[13], et qu'il restoit rien plus à +accorder que quelque formalité sur le désarmer et sur reconduyre les +reytres hors de vostre royaulme, ce qui faict regarder à plusieurs +icy, si Vostre Majesté vouldra incister plus fort, à ceste heure, au +restablissement des choses d'Escoce, et s'il en pourra bien sortyr du +différant entre la France et l'Angleterre; mais je leur en oste +l'opinion le plus que je puys. + + [13] Cette paix, connue sous le nom de _paix boiteuse et mal + assise_, parce qu'elle fut négociée par Mr de Biron, qui était + boiteux, et par le sieur de Mesmes, seigneur de Malassise, fut + conclue à Saint-Germain-en-Laye, le 11 août 1570. Les articles au + nombre de quarante-six sont rapportés dans l'édit de + pacification, donné à Saint-Germain, le 15 du même mois. + +Le présidant venu de la Rochelle est allé desjà une foys jusques à +ceste court, et m'a l'on dict que, à cause des adviz et des lettres +interceptés, qu'il disoit aporter concernant ceste princesse, elle l'a +vollu ouyr, mais bien fort en secrect. Les depputez aussi des princes +d'Allemaigne ont esté ouys une foys, et puys se sont retirez à +Londres. Il semble que leur négociation demeure en quelque suspens par +le retour d'ung Oynfild, qui vient freschement d'Allemaigne, l'y +ayant, dez le moy de may, ceste princesse envoyé pour tretter +d'aulcunes choses fort secrectement avec les dicts princes, et mesmes +a heu grande communication avec l'évesque de Colloigne. La dicte Dame +commance de n'avoir plus si suspecte la diette d'Espire comme l'on la +luy faisoit, puisque le comte Pallatin y intervient. L'on dict que ung +agent du jeune duc des Deux Ponts est venu poursuyvre icy, contre +ceulx de la Rochelle, le payement d'environ quarante mil escuz, qui +furent trouvez ez coffres du feu duc, son père; lesquelz monsieur +l'Admyral print, avec obligation de la Royne de Navarre et des +principaulx de l'armée, qu'ilz seroient acquittez contantz en +Angeterre. Maistre Felton a esté, despuys trois jours, exécuté devant +icelle mesme porte de l'évesque de Londres, où il avoit affiché la +bulle, ayant soubstenu toutjour fort opinyastrément que l'interdict du +Pape sur ceste Royne est juste et juridique. L'on continue aussi les +exécutions en Norfolc. La dicte Dame poursuyt son progrez vers Oxfort, +et a vollu que je soys sorty de Londres, à cause de la peste, pour +pouvoir plus librement négocier avec elle. De quoi, Sire, et du +desloignement de sa court, je crains demeurer moins bien adverty de +beaucoup de choses au villaige que je n'étois à la ville, mais j'y +mettray toutjour la meilleure dilligence que je pourray. Sur ce, etc. +Ce XIe jour d'aoust 1570. + + J'ay faict courir après ce pacquet, qui estoit desjà dépesché dez + le matin, pour y adjouxter la réception de voz lettres du IIIIe + du présent, qui m'ont esté rendues par mon secrétaire, avec la + bonne et desirée nouvelle de la paix; sur laquelle, après avoir + remercyé Dieu, et, de rechef, de tout mon cueur très humblement + baysé les mains de Vostre Majesté, j'en yray demain fère la + conjoyssance à ceste Royne, laquelle, à ce que j'entendz, + dépesche ung gentilhomme en France, mais ne sçay encores sur + quelle occasion. + + + + +CXXVIIe DÉPESCHE + +--du XIIIIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais, par Bordillon._) + + Résolution prise par la reine d'Angleterre d'envoyer Walsingham + en France. + + + AU ROY. + +Sire, il y a trois jours que la Royne d'Angleterre avoit dépesché le +Sr de Valsingan pour aller fère aulcuns offices vers Vostre Majesté, +et pour les fère en une façon, si la paix estoit faicte, et en une +aultre, s'il trouvoit qu'elle fût encores à fère; dont, à ceste heure, +que j'ay envoyé demander audience à la dicte Dame pour la luy aller +annoncer, toute bien faicte et bien conclue, elle m'a mandé que je +seray le très bien venu avec ceste très bonne nouvelle, et qu'elle a +desjà expédié ung sien gentilhomme en France pour vous en aller fère +la conjouyssance de sa part; en quoy je vous suplie très humblement, +Sire, lui agréer, et gratiffier en toutes sortes ceste sienne bonne et +prompte démonstration, ainsy qu'elle s'atend bien que, pour avoir +toutjour ouvertement déclairé qu'elle la desiroit, et pour s'estre +offerte de s'employer à la fère, et mesmes pour avoir, durant la +guerre, rejetté toutes les persuasions qu'on luy a données de se +déclairer de l'aultre party, et avoir encores, sur le pourparlé de +paix, procédé en sorte qu'elle veult bien estre veue d'avoir aydé en +quelque chose à la conclurre, elle se répute avoir grandement mérité +de vostre amytié. Et j'entendz, Sire, que, par mesmes moyen, elle vous +fera tenir quelque propos du faict d'Escoce, estant le dict de +Valsingan principallement envoyé pour notter et comprendre, aultant +qu'il luy sera possible, à quoy, après ceste paix, va l'intention de +Vostre Majesté, tant sur les choses qui ont passé du costé de ce +royaume durant la guerre, que pour voir en quoy vous persévérez +touchant celles du dict pays d'Escoce et touchant la Royne d'Escoce, +vostre belle soeur; dont j'estime, Sire, que le plus de faveur et de +grattiffication que pourrez monstrer sur celles premières, et plus de +fermeté et persévérance ez aultres, sera ce qui plus donra +d'accommodement à vostre service et plus de réputation à voz affères +de deçà. Icelluy Valsingan est tenu icy pour bien habille homme, fort +affectionné à la nouvelle religion, et très confidant du secrétaire +Cecille; qui va desjà fère ung commencement d'essay en la charge que, +à mon adviz, l'on luy a désignée d'ambassadeur ordinaire vers Vostre +Majesté après Mr Norrys. Sur ce, etc. + + Ce XIVe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXVIIIe DÉPESCHE + +--du XVIIIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par l'homme du Sr de Valsingan._) + + Audience.--Communication officielle donnée par l'ambassadeur à + Élisabeth de la conclusion de la paix en France.--Contentement + manifesté par la reine de cette nouvelle.--Vives démonstrations + en faveur du roi.--Promesse de la reine de hâter la conclusion + du traité avec Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, le jour de la my aoust, j'ay esté porter la certitude de la paix +de vostre royaulme à la Royne d'Angleterre, à Penleparc, qui est +trente deux mil loing de Londres; laquelle a monstré non seulement de +la bien recepvoir, mais d'en vouloir caresser et honorer la nouvelle, +ayant faict parer sa court, et estant elle mesmes parée et +merveilleusement bien en poinct; et m'a, à l'arrivée et au retour, +faict mieulx recueillyr et accompaigner que de coustume, et encores me +reconvoyer par des gentilshommes exprès une grand partie du chemyn, de +sorte qu'elle et les seigneurs de son conseil, vers lesquelz j'ay +faict aussi la conjoyssance de vostre part, n'ont rien obmiz de ce qui +se peult monstrer d'extérieur pour donner entendre qu'ilz ont ung très +grand plésir de cet accord. Mais, pour descouvrir quelque chose de +l'intérieur, j'ay dict à la dicte Dame, en luy présentant les lettres +et recommandations de Voz Majestez, que Dieu vous avoit faict la grâce +de vous donner la paix avecques voz subjectz; et qu'aussitost que vous +l'aviez peu conclurre vous luy en aviez faict la première part, affin +de luy advancer, devant les aultres princes, voz alliez et confédérez, +l'ayse et le playsir que vous estimiez qu'elle en recepvroit, parce +que, plus que nul de tous eulx, elle avoit toutjour monstré de la +desirer, et mesmes de se vouloir employer à la fère; dont cecy luy +estoit ung très asseuré tesmoignage que vous n'en avez miz rien en +oubly, et que vous luy rendrez la tranquillité de vostre royaulme +aultant utille, comme elle avoit toutjour faict paroistre qu'elle +l'auroit très agréable. + +La dicte Dame, usant de toutes les démonstrations d'ayse et de +contantement qu'il est possible, m'a respondu qu'elle ne pouvoit assés +à son gré vous remercyer de la faveur, que luy aviez faicte, de luy +advancer ceste bonne nouvelle de vostre paix, ny assés s'en conjouyr +avecques Voz Majestez; et que n'ayant heu moindre desir que vous +mesmes de la voir bien succéder, ainsy que sa conscience l'en +faisoit, à ceste heure, estre bien fort contente, et que la certitude +s'en pouvoit encores vériffier par lettres et tesmoings, elle ozoit +bien esgaller l'ayse qu'elle recepvoit d'en entendre la conclusion, à +celluy que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, et Messieurs vos +frères, voyre quel que soit de voz propres subjectz, en pouviez avoir; +ce que estant bien conféré avec le peu de desir que vous sçavez que +les aultres princes en avoient, elle vous layssoit à juger si une +première conjouyssance ne lui en estoit pas deuhe, et pourtant que +vous ne doubtissiez qu'elle ne la receust avec trop plus d'abondance +de playsir et d'affection, qu'elle ne le pouvoit, par parolle ny par +nulle aultre démonstration, bien exprimer; seulement elle prioyt Dieu +de la vous fère, et à voz subjectz, très longuement et heureusement +jouyr; et qu'encor qu'on luy eust vollu imprimer que vostre paix luy +seroit ung commancement de guerre, et que vous vous layrriez aisément +aller à l'instigation, que ses ennemys vous feroient, de la luy +commancer sinon directement, au moins par moyens indirectz de la Royne +d'Escoce, qu'elle ne le se vouloit toutesfoys persuader; et vous +pryoit, de tant que vous estiez sur le poinct de vous former une +inpression d'amytié ou d'ayne pour l'advenir, que vous vollussiez +retenir elle et son royaulme, qui ne sont pas des plus grandz mais non +aussi des moindres, au mesmes degré d'amytié qu'elle veult droictement +persévérer vers vous et le vostre; et que, ayant auparavant proposé de +vous dépescher le Sr de Valsingan, affin qu'il servyst à quelque bon +effect entour la conclusion de la dicte paix, elle l'y feroit encores +plus vollontiers passer, à ceste heure qu'elle estoit conclue, pour +non seulement vous en aller fère la conjoyssance, mais vous remercyer +infinyement de celle que vous luy en aviez desjà faicte. + +Je n'ay failly là dessus, Sire, d'user des meilleurs et plus +convenables propos, que j'ay peu, pour mettre la dicte Dame en grande +confiance de Vostre Majesté et de vostre royaulme; et, après avoir +touché quelque mot du commandement, que me feziez, d'avancer toutjour +les affères de la Royne d'Escoce; à quoy elle m'a respondu en très +bonne façon et avec nouvelle promesse d'y procéder du premier jour, +sellon qu'elle avoit bonnes nouvelles que les seigneurs escossoys des +deux costez s'y vouloient disposer, elle m'a licencié avec tant de +bonnes paroles et démonstrations de son contantement, et de vouloir +donner toute satisfaction à Vostre Majesté, que je craindrois d'en +diminuer la meilleure part, si je m'esforcoys de le vous vouloir +davantaige exprimer: dont la layrray à tant jusques à la prochaine +dépesche d'ung des miens, que j'envoyeray bientost devers Vostre +Majesté, par lequel je vous feray amplement entendre toutes aultres +choses. Et seulement, Sire, j'adjouxteray à ce pacquect la lettre, que +la dicte Dame vous escript, oultre celles qu'elle a baillé au dict +Valsingan pour Voz Majestez, lequel est desjà dépesché, et avecques +luy le sir Henry Coban pour aller saluer, de la part de ceste Royne, +la Royne d'Espaigne au Pays Bas; et croy qu'il passera jusques à +Espire devers l'Empereur. Sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour d'aoust 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, j'obmetz, tout à esciant, d'escripre à Voz Majestez par ceste +dépesche beaucoup de propos, qui ont esté tenuz entre la Royne +d'Angleterre et moy en ceste dernière audience, pour les vous mander +cy après plus expressément par ung des miens; et suffira, s'il vous +playt, Madame, que, en ceste cy, je vous dye, sur la nouvelle que j'ay +annoncée à la Royne d'Angleterre de la paix de vostre royaulme, qu'il +ne se peult exprimer ung plus grand ayse que celluy que, en parolle et +en semblant, elle a monstré d'en recepvoir; et croy que, sans la +crainte des choses d'Escoce, que son cueur aussi s'y conformeroit. +J'entendz qu'elle a prins quelque souspeçon de ce que les depputez des +Princes n'ont faict rien entendre de ceste dernière conclusion à son +ambassadeur, comme ilz avoient faict les aultresfoys; au moins n'en +avoit il encores rien escript à la dicte Dame, quant j'ay esté devers +elle, laquelle en estoit mal contante; et discouroient quelques ungs +là dessus qu'il y pourroit bien rester encores quelque difficulté: +tant y a que les choses d'icy ne layssent pourtant de prendre aultre +forme, sur ce que je leur en ay desjà dict, mesmes en l'endroict de +l'ambassadeur d'Espaigne, auquel aultrement l'on estoit prest de fère +piz que jamais. J'espère qu'il en réuscyra aussi de l'utillité à +vostre service. Sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXIXe DÉPESCHE + +--du XXIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par Guilliaume Beroudier._) + + Rapport de ce que l'ambassadeur a pu savoir des instructions + données à Walsingham.--Conclusion définitive de la paix de + France.--Instance de l'ambassadeur pour que le roi se prononce + avec fermeté sur les affaires d'Écosse.--Effet produit en + Angleterre par l'assurance que la paix est définitivement + signée en France. + + + AU ROY. + +Sire, ceste bien asseurée confirmation de la paix, qui m'est venue par +les lettres de Vostre Majesté du XIe du présent, avec les articles +d'icelle, qu'il vous a pleu par mesme moyen m'envoyer, ont miz la +Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil hors de tout doubte qu'elle +ne soit à présent bien conclue et arrestée; car, parce que Mr Norrys +leur avoit escript que, de vostre costé, Sire, elle estoit bien +signée, mais qu'elle restoit à signer par Messieurs les Princes et +Admyral, et que Mr le cardinal de Chatillon n'en avoit encores nulles +nouvelles, aussi que de dellà l'on mandoit que aulcuns s'y opposoient, +et que le parlement de Paris ne la vouloit en façon du monde +recepvoir, plusieurs ont estimé que la matière estoit encores bien +acrochée; et le Sr de Valsingan mesmes, quant il m'est venu dire +adieu, n'a sceu tenir son langaige si mesuré qu'il n'ayt assés monstré +qu'il estoit dépesché sur telle opinion. Et j'ay despuys entendu que, +l'ayant la dicte Dame faict arrester, lorsque je la suys allé trouver, +jusques après qu'elle m'auroit ouy, aussitost qu'elle a comprins par +mon récyt que les depputez estoient de rechef renvoyez avec les dicts +articles vers les Princes, elle l'a soudain faict partyr, sur la +mesme dépesche qu'elle luy avoit desjà baillée, luy mandant qu'il +n'estoit besoing d'y rien changer. + +Or, Sire, ce que j'ay peu descouvrir de sa charge est qu'ayant ceste +princesse l'esprit fort agité de tant de deffiances, que je vous ay cy +devant mandées, et se trouvant mal satisfaicte de ce que ceste +dernière conclusion de paix s'est menée si estroictement que son +ambassadeur a souspeçonné y debvoir avoir des conventions qui la +touchoient, puysqu'on les luy tenoit secrectes, elle a advisé +d'envoyer cestuy cy tout exprès par dellà affin que, trettant avec +ceulx de l'ung et l'aultre party, il puysse juger de quelle +disposition, après la dicte paix, se trouvera Vostre Majesté et vostre +royaume vers elle et le sien, avec commandement d'accommoder son +parler à l'estat où il verra que les choses seront, et de se conduyre +néantmoins en ce qu'il aura à négocier avec ceulx de la nouvelle +religion, sellon certain règlement qui a esté arresté avec les +depputez, qui sont icy, des princes d'Allemaigne, et dont l'ung d'eulx +est allé avecques luy; et de mesler, à ce que j'entendz, parmy +l'aparance d'exorter ceulx de la dicte religion à vostre obéyssance, +qu'ilz veuillent bien regarder à l'establissement de ce qui leur sera +promiz pour l'exercice d'icelle et pour l'establissement de la paix, +et que, en ces deux choses, elle et les dicts princes ne sont pour les +habandonner jamais, comme ilz ont encores tout présentement et auront +toutjour toutes choses bien prestes pour les secourir; leur +remonstrant aussi qu'ilz n'ont assés bien faict leur debvoir d'avoir +obmiz, en l'instruction qu'ilz ont donnée à leurs depputez pour fère +ce tretté, laquelle a esté envoyée icy de la Rochelle, et traduicte +incontinent en anglois et imprimée à Londres, de n'y avoir faict +quelque honnorable mencion d'elle et du bon reffuge qu'ilz ont trouvé +en son royaulme, avec d'aultres particularitez que je suys bien ayse +qu'elles n'arrivent qu'après la paix faicte; car possible n'eussent +elles de guières servy à la conclurre. + +Et au regard de Vostre Majesté, j'entans, Sire, que sa commission +porte que, au cas qu'il trouve les choses non encores bien accordées, +qu'il vous offre toutz les moyens et offices, qui seront cognuz +pouvoir procéder d'elle, pour vous ayder à les accorder avec vostre +grandeur, réputation et advantaige; mais s'il trouve la paix desjà +conclue, ainsy que, grâces à Dieu, elle l'est, qu'il vous en face la +meilleure et plus expresse conjoyssance qu'il pourra, et qu'il vous +exorte, Sire, à l'entretennement et observance d'icelle, avec offre de +tout ce qui est en la puyssance de la dicte Dame pour vous assister +contre ceulx qui la vous vouldroient traverser ou empescher; et vous +prier, au reste, de ne vous laysser jamais persuader du contraire, car +vous ayant elle jusques icy gardé ce respect d'avoir rejetté toutes +les très véhémentes persuasions qu'on luy a données de se déclairer +contre vous, elle proteste que, par cy après, elle ne le pourra plus +fère; et que, si vous entreprenez la guerre contre la religion d'où +elle est, qu'elle employera toutes ses forces, son estat et sa +couronne à la deffance, faveur et protection d'icelle; et qu'elle +entrera en la ligue des princes protestans contre Vostre Majesté, +ainsy qu'ilz ont encores icy à ceste heure leurs ambassadeurs pour +l'en solliciter; et avec charge aussi au dict Valsingan de vous fère +entendre, de la part de la dicte Dame, touchant la Royne d'Escoce, +qu'elle ne luy veult aulcun mal, ny veult en façon du monde procurer +sa ruyne, que seulement elle cerche de s'asseurer des guerres et +dangiers, qui luy ont esté toutjour imminentz du costé d'elle et de +son royaulme, chose qu'elle estime que ne debvez trouver mauvaise; et +qu'encores, pour l'amour de Vostre Majesté, sera elle contante d'user +si honorablement vers la dicte Dame, que ung chacun jugera qu'elle luy +aura la plus grande de toutes les obligations, qu'elle ayt jamais heue +à personne de ce monde. + +Qui est tout ce, Sire, que j'ay aprins de la dépesche du dict +Valsingan, et ne sçay encores s'il y a heu rien de plus ou de moins, +ou de changé despuys; dont je suplie très humblement Vostre Majesté de +gratiffier si bien à la dicte Dame ses bonnes parolles que ses +intentions en puyssent toutjour devenir meilleures, car aussi estime +elle vous avoir beaucoup obligé de ne vous avoir faict sentyr tant de +mal et d'empeschement, de son costé, comme l'on l'a bien incitée et +conseillée de vous en fère. + +Au regard, Sire, des choses d'Escoce, encores que la dicte Dame ayt, +de rechef, très expressément donné parolle à Mr de Roz de procéder au +tretté, aussitost que les depputez d'Escoce seront arrivez, car +plustost n'y veult elle nullement entendre; néantmoins, de tant que je +suys seurement adverty que le comte de Sussex, lequel a encores des +forces en la frontière, et le secrétaire Cecille mènent des pratiques, +et croy que [c'est] sans le sceu de la dicte Dame, pour tirer la +matière en longueur et pour fère rentrer de rechef les Anglois en +Escoce au secours du party du régent, qui se trouve le plus foible; il +sera le bon playsir de Vostre Majesté d'en parler en telle sorte aulx +ambassadeurs de la dicte Dame qu'ilz cognoissent que vous incistez, +Sire, très fermement à la continuation et accomplissement du tretté et +à l'entretennement de ce qui en est desjà arresté; ou autrement que +vous n'estes pour manquer de secours à ceulx de voz allyés qui ont +recours à vostre protection, et faveur. Et sur ce, etc. + + Ce XXIe jour d'aoust 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, ce peu de temps qui a passé, despuys la première nouvelle de +la conclusion de la paix, laquelle Voz Majestez m'escripvoient du +IIIIe du présent, jusques à la confirmation que j'en ay présentement +reçeue, qui n'est que six jours entre deux, nous a donné à dicerner +ceulx qui desirent icy véritablement la paix de vostre royaulme, et +l'establissement de vos affères, d'avec ceulx qui n'en cerchent que le +perpétuel trouble et la diminution de vostre grandeur; et n'en est +l'affection de la religion aulcunement la reigle, car plusieurs +catholiques et plusieurs protestans meslez ensemble, bien que par +divers respectz, monstrent d'en estre très marrys, et de mesmes +plusieurs des deux partys s'en réjouyssent conjoinctement; mais ceulx +sur toutz, ès quelz gist toute l'espérance de la religion catholique +en ce royaulme, en font une très solemnelle resjouyssance, et desirent +la conservation de vostre couronne, et croyent et espèrent que +d'icelle a de procéder la réunyon de l'esglize et le restablissement +de la religion catholique en ceste mesmes isle, aussi bien qu'en tout +le reste de la Chrestienté, par les moyens que Dieu vous inspirera, +plus qu'aulx aultres princes chrestiens, puysque à vous, plus qu'à +eulx toutz, il vous a faict sentyr combien en est dangereuse et pleyne +de toutz maulx la division. + +Les Huguenotz, qui estoient par deçà, commancent de n'y estre plus si +bien veuz qu'ilz souloient, et n'y peuvent désormais vivre sans +soupeçon. J'entendz que ceulx, qui estoient pirates, se vont peu à peu +retirant, et Clément Joly, ayant réduict tout son équipage à deux bons +navyres, s'en va avec Haquens, qui dresse une flotte pour retourner +aulx Indes. Ceulx cy ont desjà miz dehors six de leurs grandz navyres, +soubz la conduicte de maistre Charles Havart, filz de milord +Chamberlan, lequel commandera en l'armée parce que l'admyral est +mallade, et y en mettront encores quatre dans ceste sepmayne, mais ilz +ne donnent grand presse aulx aultres vingt navyres, parce qu'ilz ont +adviz que l'apareil du duc d'Alve ne peult estre prest, jusques +envyron la St Michel, bien qu'ilz sçavent qu'il est allé desjà +recuillyr la Royne, sa Mestresse, à Nimegen. Maistre Henry Coban +s'apreste toutjour pour l'aller saluer, de la part de ceste Royne, et +avecques luy s'en retourne par dellà le mesmes merchant depputé sur le +faict des merchandises, nommé Fuiguillem, qui en est naguières revenu; +et sur ce, etc. Ce XXIe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXXe DÉPESCHE + +--du XXVIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyée jusques à la court par La Bresle, chevaulcheur._) + + Assurance de l'ambassadeur que l'armement des Anglais n'est pas + dirigé contre Calais.--Recommandation qu'il fait de se prémunir + néanmoins en France contre toute surprise.--Instance de la + reine d'Écosse pour obtenir du roi un secours efficace; sa + conviction qu'Élisabeth ne veut pas lui rendre la + liberté.--Nouvelles des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, je n'ay trouvé nouveau l'adviz, qu'on vous a donné, de +l'entreprinse de ceulx cy sur Callais, car je pense en avoir mandé +quasi aultant à Vostre Majesté par le Sr de Sabran, sur le +commancement de juillet, et vous avoir dez lors particullarisé quant, +commant, et en quel lieu, ilz avoient proposé de fère leur descente, +mais que bientost après ilz avoient changé de dellibération, parce +qu'ilz avoient jugé que ce seroit attacher une grosse guerre, de +laquelle ilz n'avoient ny rien de bien prest pour la commancer, ny nul +moyen de la meintenir, sinon par noz troubles, lesquelz ilz voyoient +desjà incliner à la paix; et aussi qu'il m'advint lors de toucher ung +mot à quelcun des leurs de ce que j'en avois senty, et en mesmes temps +Mr de Gordan saysyt des armes qu'on pourtoit à Callais, dont +estimèrent que le tout estoit descouvert, de sorte que leur présent +armement ne monstre qu'il soit à nul aultre effect que pour tenir la +mer, sans pouvoir mettre gens en terre, ainsi que, pour en esclarcyr +davantaige Vostre Majesté, je renvoye ce mesmes courryer pour vous en +aporter l'estat, tel que je l'ay peu recouvrer, duquel encores il s'en +fault beaucoup qu'il soit ainsy bien prest, comme le dict estat le +porte; et ne le pourront avoir si soubdain faict plus grand, ny levé +les gens de guerre que n'en soyons, de quelques jours devant, +advertys. Néantmoins, Sire, ayant premièrement descouvert qu'ilz ont +heu intention de tenter quelque chose sur le brullant desir de +recouvrer Callais, et les voyant à ceste heure (bien que pour aultres +fins) estre en armes, j'ay adverty Mr de Gordan, et les aultres +gouverneurs de vostre frontière, de se tenir sur leurs gardes; et ay +suplié Vostre Majesté, comme je la suplie encore très humblement, de +leur mander de rechef qu'ilz ayent à se monstrer si préparez et +pourveuz qu'ilz facent perdre à ceulx cy toute l'ocasion et la +vollonté, qu'ilz pourroient avoir, d'y rien entreprendre. + +La Royne d'Escoce renvoye ung serviteur du Sr Douglas en France, +auquel elle a commiz une dépesche pour Vostre Majesté; et croy, Sire, +qu'elle vous persuade de tout son pouvoir, que, touchant sa liberté et +restitution, vous ne vous en veuillez plus attandre à ce que la Royne +d'Angleterre vous en fera dire ou promettre, car elle pense avoir +assés d'aparans argumens pour juger que l'intention de ceulx, qui +guydent les conseilz de la dicte Dame, n'est aulcunement d'y entendre, +ains de s'opiniastrer, de plus en plus, à sa détention et à luy fère +perdre son estat; ainsy que, despuys le commancement du tretté, ilz +ont, soubz main, faict créer le comte de Lenoz régent en Escoce, et se +préparent à ceste heure d'y envoyer gens, argent et tout aultre +secours pour le maintenir; en quoy la dicte Dame me prie que, quoyque +ceulx cy me puissent dorsenavant alléguer, je ne vous veuille plus +entretenir en aulcune espérance du dict tretté; ains que je vous +suplye très humblement, Sire, d'aller au devant de la malle +entreprinse qu'ilz ont sur elle, premier qu'ilz l'ayent du tout +ruynée, et premier qu'ilz ayent achevé de vous oster une telle allyée, +et l'alliance, et les allyez que vous avez en elle, son royaulme et +ses subjectz. Dont semble bien, Sire, que, ayant Vostre Majesté porté +jusques icy, par voz vertueuses parolles et bonnes démonstrations, +beaucoup de faveur aulx affères de la dicte Dame, lors mesmes que les +vostres sentoyent plus d'empeschement, que, grâces à Dieu, ilz ne font +à ceste heure, s'il vous playt d'en user meintennant de semblables, ou +ung peu de plus expresses, et les fère sonner au Sr de Valsingan, +avant qu'il s'en retourne, qu'elles seront de bien fort grand moment +pour meintenir la cause de la dicte Dame, jusques à ce que y puyssiez, +à bon esciant, adjouxter les effectz. Mais affin, Sire, que voyez +plus clayrement quel il y fera, je vous manderay, du premier jour, par +le Sr de Vassal, le plus particulièrement que je pourray, l'estat de +toutes choses d'icy, et ce que la Royne d'Angleterre m'aura respondu +sur le faict de son armement; laquelle je vays présentement trouver. + +Et ne vous diray davantage, Sire, sinon que le jeune Coban s'apreste +toutjour pour passer en Flandres, et ne me suys trompé du jugement, +que j'ay faict, qu'il yra jusques à Espire, dont je mettray peine +d'entendre quelque chose de sa commission. La nouvelle de la paix de +vostre royaulme a esté utille à l'ambassadeur d'Espaigne; car, oultre +qu'elle est cause qu'on ne l'a resserré, l'on luy a despuys faict +beaucoup de favorables démonstrations. Il est vray qu'on a envoyé +surprendre, jusques dans le port de Bergues en Flandres, le docteur +Estory et ung maistre Parquer, toutz deux Anglois catholiques, qui +estoient là depputez par le duc d'Alve sur la visite des merchandises +d'Angleterre pour les confisquer, et les a l'on transportez par deçà, +et tout incontinent miz dans la Tour de Londres; en quoy l'on a +manifestement viollé la franchise des Pays Bas, chose qu'on ne peult +croyre que le duc d'Alve puisse aulcunement dissimuler. Sur ce, etc. + + Ce XXVIe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXXIe DÉPESCHE + +--du Ve jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal._) + + Audience.--Plainte de l'ambassadeur au nom du roi, qui est averti + que l'armement de la flotte d'Angleterre est destiné à une + entreprise sur Calais.--Vive protestation de la reine qu'elle + n'a jamais eu un pareil projet, et qu'elle n'a d'autre + intention que de repousser les attaques, qui pourraient être + dirigées contre elle.--Demande d'explications sur les armemens + faits en Bretagne.--Débat sur les délais apportés à la + conclusion du traité concernant Marie Stuart.--Nouvelle + invasion des Anglais en Écosse. _Mémoire._ Discussions des + Anglais sur la paix de France.--Leur crainte qu'une ligue + générale ait été formée contre eux.--Changement de conduite + d'Élisabeth à l'égard de l'ambassadeur d'Espagne.--Dispositions + prises pour éviter une attaque de la part du duc + d'Albe.--Résolution de faire sortir la flotte pour rendre + honneur à la reine d'Espagne, et se tenir prête au besoin à + livrer bataille.--Négociations d'Élisabeth en + Allemagne.--Nouvelles de la diète.--_Mémoire secret._ Assurance + donnée parle duc de Norfolk, depuis sa mise en liberté, qu'il + reste dévoué à la reine d'Écosse.--Nécessité d'imposer à la + reine d'Angleterre un délai, dans lequel le traité avec Marie + Stuart devra être conclu.--Utilité de faire quelque changement + dans la garnison de Calais.--Projet d'une entreprise du roi + d'Espagne sur l'Angleterre: insistance faite auprès de Marie + Stuart pour qu'elle s'abandonne entièrement au duc d'Albe du + soin de sa restitution.--Disposition d'Élisabeth à renouer la + négociation de son mariage avec l'archiduc Charles.--Avis d'une + correspondance entretenue avec l'Angleterre par quelqu'un qui + approche le duc d'Anjou.--Nouvelles répandues à Londres sur les + projets du roi. + + + AU ROY. + +Sire, estant la Royne d'Angleterre en une mayson esquartée dans les +boys, à quarante cinq mil de Londres, qui s'apelle Vuynck, elle m'a +mandé dire que, si l'affère dont j'avois à luy parler estoit hasté, je +vinsse prendre ma part de l'incommodité du lieu où elle estoit; mais, +si ce n'estoit chose pressée, qu'elle me prioyt d'attandre jusques au +VIIIe jour ensuyvant, qu'elle se randroit près d'Oxfort, en la mayson +de Mr de Norrys, qui seroit plus commode. Et comme elle a entendu que +je ne vouloys temporiser, et que j'estois desjà prez du dict Vuynck, +elle a envoyé trois gentishommes pour me conduyre, non en la mayson où +elle estoit, mais en une fueillée, qui lui estoit préparée pour tirer +de l'arbaleste aulx dains dedans les toilles; auquel lieu elle est +venue bientost après, grandement accompaignée, où m'ayant, avant +descendre du coche, et après en estre descendue, fort favorablement +receu, premier qu'elle se soit divertye à la chasse, m'a demandé des +nouvelles de Voz Majestez. + +Et parce qu'on m'avoit dict que le Sr de Vualsingan, touchant son +voyage en France, luy avoit escript qu'il trouvoit le monde par dellà +mal contant de la paix, je luy ay bien vollu dire, Sire, que Vostre +Majesté estoit venue à Paris en sa court de parlement pour y fère bien +recepvoir les articles de la dicte paix, lesquelz y avoient esté +acceptez avec ung grand consentz de tout ce sénat, et que de là vous +en estiez allé randre grâce à Dieu en la grand esglize de Nostre Dame, +et solemniser la feste de la my aoust; et que, le soir, estiez allé +prendre le souper en l'hostel de ville, pour mieulx establyr le repoz +entre ce grand peuple, lequel a accoustumé de servyr d'exemple aulx +autres villes voysines; et que vous estiez après à regarder +principallement à deux choses: l'une, de bailler argent aulx reytres +et estrangiers, au premier jour de septembre, affin de les chasser +eulx, et le trouble et malheur, hors de vostre royaulme; et l'aultre +estoit de jouyr heureusement de ceste paix, premièrement avec voz +subjectz, et puys avec les princes voz voysins, allyez et confédérez, +chose qui estoit bien conforme à ce qu'elle m'avoit prié dernièrement +de vous escripre: (que vous vollussiez conserver l'amytié des princes +voz voysins, comme je la pouvois bien asseurer que vous la vouliez +conserver droicte et entière envers elle, aultant qu'avec nul prince +de vostre alliance); mais qu'il y avoit ung aultre ambassadeur, lequel +je ne cognoissois point, qui vous avoit advisé, Sire, de penser tout +aultrement d'elle en vostre endroict, et qu'elle avoit fermement +résolu de vous fère bientost la guerre; dont je remercyois Dieu que la +vigillance de celluy là m'eust relevé de la plus notable infamye, où +gentilhomme eust peu tomber, d'avoir miz mon Roy, Mon Seigneur, et ses +affères en ung manifeste dangier, s'il ne vous eust advisé d'y prendre +garde, et de vous bien deffandre du costé, duquel je m'esforçoys de +vous persuader que vous seriez le moins assailly; bien que je ne +demeurois sans coulpe de m'estre layssé endormyr par ses bonnes +parolles, sur ce que m'aviez commandé d'avoir les yeulx plus ouvertz, +qui estoit l'observance et l'entretennement des trettez. + +Sur quoy la dicte Dame, pleyne d'esbahyssement, m'a demandé qui ce +pouvoit estre, et que l'infamye tumberoit plus sur elle que sur moy, +et qu'elle espéroit de nous en descharger si bien toutz deux que la +honte en demeureroit à celluy qui la nous vouloit fère. + +J'ay suyvy à luy dire que je luy en communiquerois, au long et au +plain, tout ce que Vostre Majesté m'en escripvoit, affin de procéder +ainsy clairement vers elle, comme j'avoys faict jusques icy, et comme +je la suplyois de ne me contraindre d'en user aultrement; car, pour ne +le sçavoir fère, et pour ne mettre, par ma sotise, voz affères en +dangier, j'aymois trop mieulx d'estre révoqué, et qu'elle me renvoyât +d'où j'estois venu. + +Dont, luy ayant baillé là dessus la lettre de Vostre Majesté, avec +l'adviz du VIIIe du passé, elle a leu très curieusement l'ung et +l'aultre; et puys, sans avoir guières pensé, m'a dict qu'elle me +feroit en cella une responce franche et pleyne de vérité: c'est +qu'elle prioyt Vostre Majesté de croyre que l'adviz estoit tout +entièrement faulx, et que, en son armement, elle n'avoit aultre +entreprise que celle, qu'elle m'avoit faict escripre par ceulx de son +conseil, et despuys confirmée de sa propre parolle, qui est celle, +Sire, que je vous ay desjà escripte; et que, quant il se trouveroit +aultrement, elle vouloit que vous la tinssiez pour descheue du rang de +Vostre Majesté, où Dieu l'a constituée Royne légitime et Princesse +chrestienne. Il est vray que chose semblable, ou peu différante, luy +pouvoit avoir esté offerte, mais non de six mois en ça. A quoy elle +vouhe à Dieu qu'elle n'a jamais vollu entendre, et ne le fera, soubz +tant de bonnes parolles de paix et d'amytié, comme elle m'a prié vous +asseurer de sa part; et qu'elle vouloit bien dire aussi qu'ayant +Vostre Majesté procédé en bonne façon vers elle sur les affères de la +Royne d'Escoce, qu'elle ne vouldroit que bien user vers vous, et +achever droictement le tretté qui est là dessus commancé; mais que si, +pour l'ocasion de la dicte Dame, laquelle vous sçavez qu'elle luy +tient beaucoup de tort, vous la vouliez ennuyer, (ainsy que le comte +de Betfort luy avoit escript despuys deux heures, du pays d'Ouest, que +Vostre Majesté avoit douze navyres toutz prestz et garnys de toutes +monitions de guerre à St Malo, pour les passer en Escoce, et +n'attandoit on plus que les gens de guerre pour les mettre dessus; et +que, d'abondant, vous aviez faict arrester en Bretaigne toutz les +navyres anglois comme en temps de guerre,) qu'elle s'esforceroit de +vous fère tout le pis qu'elle pourroit. + +Je répliquay, Sire, que je mettrois peyne de vous fère bien entendre +sa responce touchant le faict de Callays; et je la prioys de vous en +fère dire aultant par son ambassadeur, affin que peussiez cognoistre +que ce que je vous en escriprois procédoit de son intention, ce +qu'elle m'accorda; et, quant au reste, je la pouvois asseurer que je +ne sçavois rien de l'apareil de St Malo, mais que je mettrois +toutjours ma vie pour la seurté de la parolle, que vous luy aviez +promise: tant y a que je la suplioys ne trouver mauvais, si, pour +n'estre faulx ny desloyal à Vostre Majesté, je vous escripvois, +touchant le faict d'Escoce, qu'elle nous remettoit à un tretté, duquel +je n'espérois ny fin ny commancement: car elle n'y vouloit procéder +jusques à ce que les depputez des seigneurs d'Escoce seroient arrivez, +et le comte de Sussex empeschoit qu'ilz ne se peussent assembler pour +en eslire quelques ungs; et que la création de ce régent, lequel avoit +tout incontinent faict pendre trente trois bons serviteurs de la Royne +d'Escoce, et les aultres rolles qui se jouoyent entre le dict comte de +Sussex et les ennemys de la dicte Dame par dellà, me faisoient veoir +qu'on ne tendoit à rien moins que à la paciffication. + +A cella la dicte Dame m'a respondu qu'il n'y avoit nul tort de sa part +ny des siens, et qu'elle est toute résolue de procéder au dict tretté, +et n'attand sinon une responce de la Royne d'Escoce, laquelle +l'évesque de Roz luy doibt porter dans deux jours, pour, incontinent +après, envoyer deux de son conseil devers elle affin de tretter +ouvertement de tout ce qu'elles ont à démesler ensemble; et que +j'asseure Vostre Majesté que, s'il y a nul des siens qui veuille +traverser le dict tretté, qu'elle l'en fera amèrement repentyr. Et +m'ayant la dicte Dame tenu plusieurs aultres fort gracieulx propos, +tant du présent des haquenées qu'elle vous veult fère, que de ce +qu'elle a envoyé saluer la Royne d'Espaigne et l'Empereur, estant +venue l'heure de la chasse, elle print l'arbaleste, et tua six daims, +dont me fit faveur de m'en donner bonne part; et au prendre congé, me +pria très instantment de vous donner toute satisfaction d'elle sur le +faict du dict Callais, et luy procurer pareille satisfaction de Vostre +Majesté sur ce qu'on luy a dict de St Malo. Sur ce, etc. Ce Ve jour de +septembre 1570. + + Sur la closture de la présente, est venu adviz comme le comte de + Sussex est rentré en Escoce, ainsy que luy mesmes l'a escript. + Nous sommes après, icy, d'en demander réparation, et Vostre + Majesté y pourvoirra, s'il luy playt, par dellà. + + OULTRE LE CONTENU DES LETTRES, le dict Sr de Vassal dira, de ma + part, à Leurs Majestez: + + Qu'on juge icy diversement de la paix de France, car les ungs + disent que le Roy l'a faicte ainsy que monsieur l'Admyral l'a + vollue, luy laissant, après l'avoir veincu, plus d'exercice de sa + religion qu'il n'avoit auparavant, et toulz les estatz et villes + qu'il a demandé: les aultres, au contraire, disent que le dict + sieur Admyral s'est layssé aller aulx promesses du Roy, et qu'il + s'est condescendu aulx plus honteuses et dommaigeables condicions + de paix qu'il se pouvoit fère, ayant layssé perdre les + principalles esglizes, que ceulx de sa religion eussent ez bonnes + villes du royaulme, pour se contanter de quelques meschantz + faulxbourgs; et d'avoir soubmiz, de rechef, eulx et leurs biens + aulx parlemens, lesquelz leur sont capitalz ennemys; et d'avoir + accordé au Roy le quint de leur revenu pour payer les reytres, + dont beaucoup de Catholiques et de Protestans estrangiers, et + mesmement ceulx, qui n'ayment ny la grandeur ny l'establissement + du Roy, arguent par là qu'il y doibt avoir quelque secrecte + convention contre les estatz voysins; et descouvrent qu'en leur + cueur ilz sont marrys de la paix de France, et qu'ilz la + craignent. + + Mais d'aultres plus modérez, qui en désirent la conservation, + jugent tout librement que nul moyen plus heureux, ny plus + prudent, ny plus conjoinct d'honneur avec proffict, se pouvoit + trouver au monde, que cestuy cy de la paciffication; par laquelle + le Roy a regaigné l'obéyssance de ses subjectz, et eulx la bonne + grâce sienne, et toutz ensemble chassé le trouble et le malheur + hors du royaume. + + Et, à ce propos, la Royne d'Angleterre m'a dict que quelquefoys + ung prince pouvoit bien avoir fort bon droict sur un estat, qui + pourtant ne le jouyssoit pas, et que, hormiz le titre, il estoit + toutjour en peyne ou d'en conquerre ou d'en deffandre tout le + reste; et par ainsy que le Roy a conquiz, par ceste paix, le plus + beau royaulme de tout le monde; lequel auparavant il ne possédoit + pas, et dont nul aultre que le sien n'eust peu si longtemps + suporter les maulx de la division, sinon avec la mutation ou avec + la ruyne entière de l'estat, dont elle le conseille de ne le + mettre plus en hazard. + + Néantmoins monstrans aulcuns des principaulx du conseil de la + dicte Dame qu'ilz craignent meintennant la dicte paix, ilz + donnent à cognoistre qu'ilz ne la desiroient pas; et mesmes ung, + qui sçayt assés de leurs secretz, a raporté qu'ilz ont dict que, + si leur entreprinse de Picardie n'eust point esté descouverte, et + que je n'en eusse rien senty, ou bien que monsieur l'Admyral eust + peu conduyre son armée vers la frontière du dict pays de Picardye + ou Normandie, ilz luy eussent bien donné moyen d'évitter + l'honteuse paix qu'il a faicte. + + Et despuys la conclusion d'icelle, ceulx de ce pays n'usent de si + familière conversation avec les Françoys de leur mesmes religion, + comme ilz faisoient auparavant, et ne leur layssent nulz + marinyers anglois dans leurs vaysseaulx, bien qu'ilz n'en ayent + quasi point d'aultres; et seulement vers Mr le cardinal de + Chastillon ilz monstrent luy porter encores quelque honneur et + respect, pour l'obliger davantaige à estre ministre de conserver + la paix entre ces deux royaulmes. + + Et, encor que de certains propos qu'on leur a faict acroyre, qui + ont esté naguières tenuz près du Roy, au préjudice de ce + royaulme; et de la rescente mémoire de la bulle, avec la division + qu'ilz voyent croistre toutjour parmy leurs subjectz; et de + certaine coppie de lettre qu'ilz pensent avoir recouvert, que le + duc d'Alve a escripte à Monsieur, frère du Roy, pour l'inciter, à + ce qu'ilz disent, contre eulx; et de l'advertissement, qu'ilz + ont, que le dict duc pourchasse, envers l'Empereur, de fère + mettre en arrest toutes les merchandises d'Angleterre, qui sont + en Hembourg, pour la réparation des prinses, que les Anglois ont + faictes en mer sur les subjectz de son Maistre, la dicte Dame et + les seigneurs de son conseil soyent entrez en de bien grandz et + divers pensements, néantmoins ilz n'en ont esté guières esmeuz + jusques à la nouvelle de la paix; mais lorsqu'ilz ont veu qu'elle + estoit conclue à l'honneur et advantaige du Roy, ilz n'ont heu + rien plus hasté que de consulter et dellibérer, tout incontinent, + comme ilz se pourroyent munyr contre l'orage, qu'ilz craignent + leur advenir; en quoy ilz ont pensé qu'ilz le pourroient divertyr + par gracieuses négociations et bonnes parolles, bien que possible + esloignées de ce qu'ilz ont en intention. + + Et ont commancé de dépescher premier devers le Roy le Sr de + Vualsingan pour la conjouyssance de la paix, et pour luy donner + bonne espérance des affères de la Royne d'Escoce, avec le surplus + de sa commission, sellon que je l'ay mandé, en la sorte que je + l'ay peu descouvrir; bien que la dicte paix leur semble + formidable parce qu'ilz n'ont esté appellez à la fère, et que les + principaulx, qui guident les conseilz de la dicte Dame, + s'opinyastrent, de plus en plus, à la détention de la Royne + d'Escoce, et à interrompre le tretté encommancé, pour fère de + rechef rentrer les Anglois en Escoce, ainsy que l'empeschement + qu'on a donné à Mr de Leviston en la frontière, pour créer + cependant le comte de Lenoz régent, et la forme de procéder du + comte de Sussex contre ceulx du party de la Royne d'Escoce, le + tesmoignent; dont le Roy me commandera s'il sera expédiant que je + tire de la dicte Royne d'Angleterre une résolue responce sur le + dict affère. + + Et pour le regard du Roy d'Espaigne, ayans eulx pensé de tretter + plus mal que jamais son ambassadeur, et luy ayant mandé par ung + sien secrétaire que la Royne d'Angleterre ne le tenoit plus pour + ambassadeur, et faict dire par deulx aldremans qu'il s'en vînt + trouver ceulx du conseil à St Aulban, à XL mil de Londres, où + j'ay sceu despuys qu'ilz avoient faict préparer ung logis pour le + resserrer; l'asseurance de la paix n'est si tost arrivée qu'on + n'ayt changé de toute aultre façon en son endroict, l'envoyant + visiter avec bonnes parolles et offres d'accord sur les + différans; et luy ont envoyé Haquens pour se justiffier de ce + qu'on luy avoit rapporté qu'il dressoit une flotte pour aller aux + Indes, qui l'a asseuré qu'il n'en estoit rien, et qu'il n'avoit + intention de naviguer en lieu d'où le Roy, son Mestre, peult + estre offancé. Ilz ont envoyé Fuyguillem devers le duc d'Alve, + et ont dépesché le jeune Coban devers la Royne d'Espaigne, avec + les plus expresses parolles et les meilleures démonstrations + d'amytié, dont ilz se sont peu adviser. + + Et néantmoins, ne se trouvans bien satisfaictz de la responce, + que le duc d'Alve leur a faicte touchant son armement, parce + qu'il a faict mencion qu'il estoit dressé contre les ennemys, ilz + ont résolu de se présenter en mer, quant la dicte Dame passera, + et de disposer leurs grands navyres, en sorte qu'ilz luy gaignent + le vent, (ainsi qu'ilz disent qu'ilz ont cinq ventz qui leur + servent et qui leur donnent l'advantaige,) et en ceste sorte la + saluer et luy monstrer toutz signes d'amytié; mais s'il n'est + prins en ceste sorte de l'aultre part, et qu'ilz ne ressaluent, + et ne rendent les mesmes signes d'amytié et d'amayner, avec la + soumission requise, que, à la moindre mauvaise démonstration + qu'ilz feront, ceulx cy se tiendront pour provoquez, et + attacheront le combat. Et y a grande apparance que, si la dicte + Dame est contraincte, par quelque occasion de temps, de relascher + par deçà, qu'elle ne s'en pourra partyr quant elle vouldra, bien + qu'on luy fera tout l'honneur et bon trettement qu'il sera + possible; et monstrent ceulx cy estre toutz advertys de l'apareil + du duc d'Alve et de celluy d'Espaigne, mais ne craindre l'ung + ni l'aultre; et ont donné charge par tout le pays d'user de + signalz pour courir aulx portz, au cas que l'on y aborde, affin + d'en demeurer les maistres. + + Et ont donné charge au susdict jeune Coban, après qu'il aura + visité la Royne d'Espaigne, de passer oultre devers l'Empereur, + avec lettres, parolles et offres de grande amytié et de grande + intelligence en son endroict; et pour l'exorter de demeurer en + bonne unyon avec les princes de l'Empyre; et luy donner compte + des différans des Pays Bas; et aussi, à ce que j'entendz, quelque + peu des choses d'Escoce; mais surtout de le prier qu'il n'ordonne + rien en Hembourg contre les Anglois, ny contre leurs + merchandises; et, affin de le disposer mieulx vers elle, que + icelluy Coban luy remettra en termes, avec affection, le propos + du mariage avec l'archiduc son frère, bien que nul se peult + persuader qu'elle ayt intention de l'effectuer. + + Et cependant, en l'endroict du dict Empereur et des aultres + princes catholiques, elle faict valoir et se sert de ceste + légation des princes protestans, qui ont encores icy leurs + ambassadeurs; et je les ay faict fort observer, et ay trouvé que + entre eulx y a ung docteur, qui a seul la charge de toute la + négociation, et porte seul la parolle, sans en rien conférer aulx + aultres, personnaige si secret et réservé, qu'on ne peult tirer + ung seul mot de luy: seulement l'on m'a adverty qu'il a porté une + lettre à la dicte Dame, soubsignée de plusieurs princes, sçavoir; + des trois ellecteurs Pallatin, de Saxe, Brandebourg, les premiers + des lansgraves, après et succecifvement d'aultres, jusques à + douze des principaulx d'Allemaigne; réservé cellui de Vitemberg, + qui a accepté, à ce qu'on dict, pencion du Roy d'Espaigne, et + qu'en la dicte lettre est faicte mencion de ce que le Roy leur a + escript de la paix, et la responce qu'ilz luy ont faicte, et + qu'ilz exortent la dicte Dame d'espérer toutjour bien d'eulx, et + de s'asseurer que toutz ensemble luy demeureront bien unys en + affection et intelligence, ainsy qu'ilz le luy ont promiz; et + qu'ilz n'obmettront rien de ce qui sera requiz pour + l'establissement de leur religion, et pour la seurté des princes, + peuples et estatz, qui l'ont receue; et que, sur la dicte lettre, + il a heu quatre foys conférance, à part, avec la dicte Dame, + laquelle, à mon adviz, l'entretiendra jusques après avoir heu + responce des aultres princes, car elle ne se veult vollontiers + obliger à nulle ligue, et ne le fera sinon bien contraincte, de + tant que les plus grandz frays en auroient à tumber sur sa + bourse. + + Ce qui s'entend icy de la diette est que les trois ellecteurs ont + fort suspecte la proposition, que l'Empereur y a faicte, parce + qu'il leur semble qu'elle tend à leur oster l'authorité des + armes, et de ne pouvoir fère levées de gens de guerre en + Allemaigne, et de diminuer la grandeur de celluy de Saxe, par + prétexte de relever celle de ses cousins; et que le dict Empereur + finira la dicte diette par tout le moys d'octobre, pour s'en + retourner avant l'yver à Vienne, non sans en avoir premièrement + indicté une aultre; et qu'encores qu'il n'ayt, pour ceste foys, + procédé à la création du roy des Romains, il a néantmoins si bien + dressé la pratique, que, pourveu qu'il puysse gaigner les trois + eclésiastiques, dont ne se deffye plus que de celluy de + Colloigne, il espère qu'il le pourra effectuer, en baillant le + tiltre de roy de Bohème à ung tiers pour avoir ceste voix + davantaige aulx suffrages; et n'y obstera plus que le reiglement + de la bulle dorée de n'admettre tant d'Empereurs d'une mesmes + famille, mais le Pape y dispensera; et semble bien que, cella + advenant, l'on procédera aussi à la privation du Pallatin, car + l'on a opinion que, celluy là séparé des trois, les aultres deux + demeureront bien foybles, et que le plus grand soing, qu'ayt à + présent le Roy d'Espaigne, est de fère créer son nepveu roy des + Romains pour la conservation de ses Pays Bas et de ses estatz + d'Itallye, et qu'il n'espargne peyne, ny argent, ny nul de toulz + les moyens dont il se peult adviser, pour l'effectuer. + + DIRA D'ABONDANT, A PART, A LEURS MAJESTEZ: + + Que le duc de Norfolc, despuys estre hors de la Tour, m'a envoyé + remercyer des bons offices, qu'il a sentys de ma bonne vollonté + durant sa pryson, lesquelz luy ont esté d'un singulier espoir et + très grande consolation; et s'asseurant que cella est procédé du + commandement de Leurs Majestez Très Chrestiennes, il m'a prié de + leur en bayser très humblement les mains de sa part, et de les + asseurer qu'après sa Mestresse, il leur demeure très dévot et + fidelle serviteur plus qu'à nul prince de la terre, et qu'il leur + recommande toutjour la cause de la Royne d'Escoce, pour la + restitution de laquelle il veult mettre sa personne, sa vie et + son bien. + + Il suplie néantmoins Leurs Majestez que l'expécial propos de sa + dévotion et affection, vers leur service et vers la Royne + d'Escoce, ne passe plus avant que entre Leurs dictes Majestez et + Monseigneur, pour le dangier qu'il y a que, s'il estoit sceu de + deux endroictz, lesquelz j'ay expéciffiez au Sr de Vassal, il ne + luy en advint beaucoup de mal; bien desire qu'en ce que Leurs + Majestez vouldront parler en leur conseil des gens de bien et + principaulx de ce royaulme, qui desirent la continuation de la + paix, et l'entretennement des trettez d'entre la France et + l'Angleterre, et la restitution de la Royne d'Escoce, qu'ilz luy + facent l'honneur de le nommer toutjour des premiers. + + Leurs Majestez ont veu de quelle façon j'ay procédé ez affères de + la Royne d'Escoce, et parce qu'il semble adviz à la dicte Dame + que je me repose trop sur les parolles de la Royne d'Angleterre, + et que par icelles je pourrois interrompre le bon secours qu'elle + attend du Roy, elle m'a escript: dont Leurs Majestez, s'il leur + playt, orront là dessus le dict Sr de Vassal, et me manderont par + luy comme j'en auray à user, et si le Roy trouvera bon que, de sa + part, je face instance à la Royne d'Angleterre de restablyr, dans + ung moys, la Royne d'Escoce en son estat par la voye du tretté, + en s'acommodant entre elles mesmes de leurs différans, ou bien + luy bailler son secours pour estre remise; et, à faulte de ce + fère, que la dicte Royne d'Angleterre trouve bon que le Roy luy + baille le sien, soubz bonne seurté qu'il ne portera aulcun + dommaige ny à la Royne d'Angleterre, ny à son royaulme, ny + n'usera par mer, ny par terre, vers elle, ny vers les Anglois, + sinon comme avec bons amys, allyez et confédérez, pourveu qu'ilz + facent de mesmes. + + Au regard de l'adviz, qu'on a donné au Roy, de l'entreprinse de + Callais, je pense avoir toutjour mandé à Sa Majesté ce qui en a + esté ordinairement proposé à ceste Royne et à son conseil, + despuys que je suys par deçà, et les choses n'en sont pas passées + plus avant. Il est vray que milord Coban, despuys le XVe d'aoust, + a faict entendre à la dicte Dame que, si elle veult entretenir + quelques compaignies, l'espace de deux ou trois moys, toutes + prestes, en la coste de deçà, qu'il a promesse d'aulcuns, qui + habitent dans la ville et territoire de Callais, lesquelz ont + desjà prins argent de luy, de les mettre d'emblée dedans la dicte + ville, et de surprendre Mr de Gordan, et de le luy randre + prysonnier entre ses mains. A quoy la dicte Dame a respondu que + son advertissement venoit tard, de tant que la paix estoit desjà + conclue en France; et qu'il fauldroit rompre toutz les trettez et + commancer, à ceste heure, qui est bien hors de sayson, une grosse + guerre; en quoy je suplie très humblement Sa Majesté de regarder + s'il sera bon que la garnyson du dict Callais soit changée, + puisque les choses en sont en cest estat. + + Touchant l'intention, que le Roy d'Espaigne a sur les choses de + ceste isle, il se descouvre, de plus en plus, qu'il dellibère d'y + fère quelquefoys ung essay, quant il en aura le moyen; car il a + mandé à son ambassadeur qu'il entretienne les plus vifves qu'il + pourra, les bonnes intelligences qu'il a dans le pays, et que, + quant bien on le vouldroit renvoyer, qu'il ne bouge en façon du + monde de sa charge, jusques à ce que tous les différans de ces + prinses soyent vuydez; et, quant au faict de la Royne d'Escoce, + que le duc d'Alve a commandement résolu de la secourir, mais ne + dict en quelle façon; seulement le dict ambassadeur inciste + qu'elle se veuille mettre ez mains du dict duc, et que, sans + doubte, il pourvoirra à ses affères et à sa restitution. + + La Royne d'Angleterre, vivant en très grand deffiance du Roy + d'Espaigne, et en peu de confiance du Roy, a mandé à l'Empereur + que, si l'archiduc Charles veult passer en Angleterre, qu'il y + sera le très bien venu, et que n'estant demeuré la conclusion de + leur mariage que sur le différand de la religion, elle espère que + ses peuples luy accorderont l'exercice de la catholique à luy et + à sa mayson très vollontiers, en contemplation de ce mariage. Et + à quoy que aille ce jeu, car quelques ungs l'extiment plein de + tromperie, la dicte Dame commance de publier qu'elle assemblera + bientost ung parlement pour cest effect; et, en la dernière + audience, elle m'a dict qu'elle n'avoit nul aultre regrect, sinon + de n'avoir pensé à sa postérité, et comme je luy respondiz qu'il + y avoit encores assés temps: «Je crains, dict elle, que mon temps + ayt emporté la vollonté à ceulx qui y eussent vollu prétendre.» + + Il y a ung certain personnaige prez de Leurs Majestez et de + Monseigneur, qui escript assés souvent au secrétaire Cecille par + aultre voye que celle de Mr Norrys, et naguières luy a envoyé + deux lettres, lesquelles le Sr Espinolla et Fortivy luy ont + baillées, par où il s'esforce merveilleusement de broiller les + matières par deçà, et aigrir ceste princesse, et la mettre en + grand deffiance du Roy; mais le plus souvant il luy représente + des motz et des propos, qu'il dict que Monsieur a tenuz contre + elle, tant en sa chambre que en ses repas: et, en toutes sortes, + celluy là se monstre si malicieulx que ung Anglois, qui a + communication des dictes lettres, lequel n'ayme pas beaucoup la + France, mais ne vouldroit pourtant que la guerre se print entre + les deux royaumes, m'en a faict toucher assés expressément ung + mot, affin que j'advertisse Leurs Majestez, mesmement Monsieur, + de fère observer qui peult estre celluy qui faict ung si mauvais + office près d'eulx. Il ne se soubscript guières aux lettres, + seulement il s'est une foys soubsigné _Emanuel_. Il y a en son + cachet ung lyon rampant, et compose assés souvent ses lettres, + partie en itallien, partie en françoys, et partie en latin. Il + avoit mandé cy devant plusieurs choses, lesquelles, ayant esté + trouvées manteuses, on n'y adjouxte grand foy; mais, despuys + trois moys, ayant faict entendre à Mr Norrys que Leurs Majestez + le feroient appeller pour luy tenir ung tel et ung tel propos, et + estant ainsy advenu, il a fort regaigné son crédit. + + Il a esté escript une lestre de ceste court en la contrée, dont + les chefz m'ont esté raportez: c'est que la paix de France a esté + conclue au préjudice et pour aller faire la guerre aulx Pays Bas; + que le Roy ne prétend plus espouser la fille de l'Empereur, ains + la soeur du Prince de Navarre, et donner Madame, sa soeur, en + mariage au dict Prince de Navarre, ayant pour cest effect + interrompu le propos du Roy de Portugal, et que Mr de Guyse avoit + prétandu d'espouser Ma dicte Dame, soeur du Roy: à quoy Mr le + cardinal de Lorrayne luy tenoit la main, dont toutz deux en sont + mal veuz à la court. + + + + +CXXXIIe DÉPESCHE + +--du Xe jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._) + + Maladie de l'ambassadeur.--Mission de sir Henri Coban auprès de + la reine d'Espagne et du duc d'Albe.--Continuation des armemens + en Angleterre.--Troisième invasion du comte de Sussex en + Écosse; changement apporté dans ses résolutions par la nouvelle + de la paix de France.--Demande d'une réparation pour cette + dernière atteinte portée aux traités. + + + AU ROY. + +Sire, despuys mes précédantes, lesquelles sont du cinquiesme du +présent, je n'ay point sorty de mon logis à cause d'une grosse +fiebvre, qui m'avoit desjà surprins, quant j'allay trouver la Royne +d'Angleterre à Vuynck, et ce voyage là me l'augmenta bien fort, parce +que je le fiz par ung bien mauvais temps, de sorte qu'il ne m'a esté +possible de me ravoyr jusques à ceste heure, que, grâces à Dieu, je +commence à me trouver mieulx, et pourray continuer le service de +Vostre Majesté comme auparavant; et si, ne l'ay tant intermiz, durant +mon mal, que je n'aye toutjour heu soing de m'enquérir comme alloient +les affères en ceste cour; d'où l'on m'a raporté, Sire, qu'on y est +fort attendant de sçavoir quelle aura esté la négociation du Sr +Vualsingan devers Vostre Majesté, ainsy que le sir Henry Coban a desjà +mandé, touchant la sienne de Flandres, qu'il a esté bien veu du duc +d'Alve, et bien fort gracieusement receu de la Royne d'Espaigne, et +qu'elle a monstré tenir grand compte du messaige qu'il luy a faict de +la part de la Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et luy a grandement +gratiffié non seulement les bonnes parolles et offres, que la dicte +Royne d'Angleterre luy a mandées, mais encores le voyage qu'elle luy +a commandé fère devers l'Empereur, son père; dont, pour ceste +occasion, elle l'a tant plustost licencié avec faveur et avec ung +présent d'une chayne de quatre centz escuz. Il a mandé aussi la belle +distribution et consulte, qui a esté faicte, de beaucoup de bienfaictz +aulx seigneurs de Flandres, à l'arrivée de la dicte Dame; ce que l'on +estime qui confirmera grandement le pays à la dévotion du Roy, son +mary, et d'elle. + +Ceulx cy cependant se hastent de getter dix grands navyres dehors, et +maistre Charles Havart, qui a charge d'y commander, est passé, despuys +trois jours, en ceste ville avec les capitaines et gentishommes qui le +vont accompaigner. L'on dit que, parce que le duc d'Alve a miz douze +navyres en mer pour la conserve de la pescherie, que ceulx cy se +veulent trouver en esgalles forces dans ce canal. + +Le comte de Betfort est encores au pays d'Ouest, où a semblé, du +commancement, qu'il n'eust esté envoyé que pour dresser certayne +flotte, de laquelle je vous ay desjà mandé que Haquens se préparoit +pour la conduyre aulx Indes; mais s'en estant despuys le dict Haquens +venu excuser envers l'ambassadeur d'Espaigne, et l'asseurer qu'il n'a +point pensé en la dicte entreprinse, et ne cessant pourtant le dict +Betfort de fère toutjour armer et équiper vaysseaulx au dict quartier +d'Ouest, je ne puys fère que je ne suplie très humblement Vostre +Majesté d'en fère donner adviz aulx gouverneurs de voz portz et places +de dessus ceste mer; et je mettray peyne d'en fère aussi advertir en +Escoce, car, pour ceste heure, je ne puys descouvrir rien de plus +particullier de la dicte entreprinse; seulement, Sire, par un nouvel +adviz qu'on m'a donné, je me confirme en l'opinion, que je vous ay +desjà mandée, qu'il est expédiant de changer quelque partie de la +garnyson de Callays sellon que Mr de Gordan estimera qu'il se debvra +fère, en la vertu et vigilance duquel ceulx cy cognoissent bien que +conciste grandement la conservation de ceste place. + +Le comte de Sussex a escript freschement une lettre au comte de +Lestre, en laquelle il s'esforce de fère trouver bon son dernier +exploict en Escoce, encores qu'il l'ayt exécuté sans le commandement +de ceste Royne ni de ceulx de son conseil, alléguant qu'il a estimé +importer beaucoup à l'honneur de la couronne d'Angleterre, et bien +fort à sa propre réputation, de ne laysser inpuny ung seul de ceulx +qui ont retiré et soubstenu les rebelles de ce royaulme; et qu'à la +vérité, il se soucye bien fort peu que la Royne d'Escoce et les siens +se trouvent offancez, pourveu qu'il ayt bien servy à la Royne, sa +Mestresse; mais qu'il a entendu que la paix est conclue en France, +sans que la dicte Royne, sa Mestresse, y soit comprinse, ny sans +qu'elle s'y soit entremise si avant qu'on ayt grand occasion de luy en +sçavoir grâce; par ainsy qu'il crainct que Vostre Majesté tourne +meintennant ses entreprinses aulx choses d'Escoce, et qu'il luy semble +que la Royne, sa Mestresse, les doibt accommoder, le plustost qu'il +luy sera possible, avec la Royne d'Escoce, et la restituer par ses +propres moyens, sans attandre que les estrangiers y mettent la main. +Qui est desjà, Sire, bon commancement de veoir réprimé, par +l'establissement de la paix et de vos affères, le cueur de cestuy cy, +qui monstroit de l'avoir merveilleusement obstiné; et le réprimera +aussi, comme j'espère, à plusieurs aultres, qui se débordoient, à +cause des troubles de vostre royaulme, en plusieurs audacieuses +entreprinses contre vostre grandeur. + +Or n'ayant, Sire, pour mon indisposition, peu aller trouver la Royne +d'Angleterre, affin de me plaindre du dict comte de Sussex; et estant +aussi Mr de Roz conseillé de n'y aller point, toutz deux avons escript +à la dicte Dame et aulx seigneurs de son conseil, et, pour mon regard, +je leur ay demandé, au nom de Vostre Majesté, que rayson et réparation +soit faicte des choses attamptées au préjudice du tretté, et que la +dicte Dame me veuille mander quelle satisfaction j'auray à donner à +Vostre Majesté de ceste dernière expédition du dict de Sussex, et en +quelle intention elle demeure du susdict tretté; dont l'on m'a desjà +adverty qu'il me sera faict une bien fort bonne responce, aussitost +que le secrétaire Cecille se trouvera ung peu mieulx; lequel, pour +quelque indisposition, n'a ozé, il y a plus de six jours, venir en la +présence de la Royne, sa Mestresse; et maistre Mildmay a esté envoyé +quéryr en dilligence, affin que le dict Cecille et luy, et Mr +l'évesque de Roz s'acheminent incontinent devers la Royne d'Escoce. +Sur ce, etc. Ce Xe jour de septembre 1570. + + Je viens d'estre adverty que le sire Guilhemme Stuart est + présantement arrivé d'Escoce, de la part du comte de Lenoz; je + croy que c'est pour mettre quelques mauvais partys en avant: nous + prendrons garde à sa négociation. + + + + +CXXXIIIe DÉPESCHE + +--du XVe jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par Me Lavaur Féron._) + + Sortie en mer d'une partie de la flotte anglaise.--Explications + données par Élisabeth sur la récente expédition du comte de + Sussex en Écosse.--Nécessité de se montrer prêt en France à + porter secours aux Écossais.--Message du cardinal de Chatillon + à l'ambassadeur. + + + AU ROY. + +Sire, lundy dernier, XIe de ce moys, le sire Charles Havart est sorty +en mer avec dix grandz navyres seulement de ceste Royne et envyron +trois mil cinq centz hommes dessus, envitaillez pour deux moys, dont +les huict centz sont harquebouziers; le surplus de l'armement se va +entretennant en petitz appareilz, sans y donner trop grand haste: dont +semble qu'on se contantera d'honnorer le passaige de la Royne +d'Espaigne de ce nombre de dix vaysseaulx, sans en mettre davantaige +dehors; et qu'on tiendra le reste de l'armée preste pour ung besoing, +si d'avanture quelque ocasion survenoit, comme, à la vérité, ceulx cy +ne se peuvent fyer ny aulx parolles ny aulx démonstrations du duc +d'Alve. Néantmoins ilz ont, despuys la paix de vostre royaulme, changé +de dellibération touchant les choses d'Espaigne, car ayant proposé, +commant que ce fût, de renvoyer ou bien de resserrer estroictement +l'ambassadeur d'Espaigne, j'entendz qu'ilz ont meintennant résolu en +ce conseil de ne parler plus de cella, et que la Royne d'Angleterre se +layssera conduyre à luy permettre de continuer son office vers elle, +si son Maistre le requiert; bien qu'elle ne le peult avoir guières +agréable parce qu'elle estime qu'il a dict et faict aulcunes choses +directement contre elle et contre l'estat de son pays. + +Au regard de ce que j'avois escript à la dicte Dame, et aulx seigneurs +de son conseil, de me fère rayson et réparation du dernier exploict, +que les Anglois ont faict en Escoce, la dicte Dame m'a mandé que je ne +vouldray estre si inique juge que de condampner l'une des parties sans +l'ouyr; et que je n'imputeray la coulpe de ce faict au comte de Sussex +son lieuctenant, quant j'entendray que milord Herys et aultres, de la +frontière d'Escoce, sont venuz accompaigner en armes les rebelles de +ce royaume pour courre et piller de rechef la frontière d'Angleterre, +et fère de telles insolances qu'ilz ont donné de très grandes +occasions au dict de Sussex de leur courre sus; choses toutesfoys +qu'elle m'asseure estre advenu sans son commandement et sans +l'ordonnance de son conseil, et en laquelle le dict de Sussex a +procédé de luy mesmes, mais avec telle modération qu'il n'a touché +qu'à ceulx qui l'avoient provoqué, dont le dommaige n'est pas grand, +et il s'est desjà retiré; et elle luy a mandé qu'il ne passe plus +oultre, parce qu'elle est résolue de pourvoir par le tretté à toutz +ces différans, qu'elle a avec la Royne d'Escoce et son royaulme, ainsy +que desjà elle a ordonnée à maistre Mildmay et au secrétaire Cecille +d'aller, pour cest effect, devers la dicte Dame; et, en ce qu'il +semble que je me voulois atacher à sa parolle et promesse, qu'elle me +veult bien dire que je n'ay heu nulle occasion et ne l'auray jamais de +me plaindre qu'elle ne me l'ayt toutjour randue véritable, me priant +de vous donner là dessus, Sire, ceste mesmes satisfaction de +l'expédition de son lieuctenant, affin que Vostre Majesté ne la +preigne en pire part qu'elle n'est. Qui est tout ce que la dicte Dame +et ceulx de son conseil ont respondu à ce que je leur avois escript. + +Or, Sire, il semble bien par aulcunes coppies de lettres, que j'ay +veues du dict de Sussex, et par ce que Mr le comte de Lestre m'en a +faict entendre, que ceste entreprinse est advenue sans le sceu de la +dicte Dame, et qu'elle n'en est guières contante; tant y a qu'on ne +désadvouhe pour cella le dict de Sussex, lequel a son garant en court, +et il a cependant porté beaucoup de dommaige d'avoir abattu sept ou +huict maysons nobles et faict le gast partout où il a passé dans le +pays. L'aparance est que ceste princesse veult en toutes sortes passer +oultre au dict tretté, meue de l'apréhention du dangier, où il luy +semble qu'aultrement elle va tumber, lequel les ennemys de la Royne +d'Escoce n'ont de quoy le luy pouvoir meintennant effacer; mais ilz la +font opiniastrer à des condicions trop dures, comme d'avoir le Prince +d'Escoce entre ses mains, quelque place et des ostaiges; dont ceulx, +qui entendent bien les affères, estiment que, pour les bien effectuer, +il est requis que la dicte Dame sente vostre secours en Escoce, ou au +moins si prest d'y passer qu'elle ne le craigne moins que s'il estoit +desjà par dellà. + +Je n'ay encores peu savoir quelle est la commission du sire Guilhaume +Stuard, lequel le comte de Lenoz a envoyé; bien m'a l'on dict qu'il +asseure que les seigneurs d'Escoce ont desjà ordonné quelques depputez +pour venir icy, mais nous incisterons qu'on passe oultre sans les +attandre. Sur ce, etc. Ce XVe jour de septembre 1570. + + Ainsy que je fermoys la présente, Mr le cardinal de Chatillon m'a + envoyé visiter et dire qu'il avoit esté se conjouyr de la paix + avecques la Royne d'Angleterre, et que bientost il retournera + prendre congé d'elle pour aller trouver Voz Majestez; mais + qu'avant partyr il ne fauldra de me venir saluer, comme + ambassadeur de son Roy et Maistre, et prendre le diner en mon + logis; et qu'il desiroit bien entendre, comme procédoient les + choses de la dicte paix en France, parce que plusieurs + attandoient de le sçavoir pour s'y retirer. J'ay respondu qu'il y + avoit assés longtemps que je n'avois point heu de dépesche, mais + que je sçavois bien que Voz Majestez donnoient bon ordre que la + paix prînt establissement et durée, dont vous plairra me + commander comme j'auray à me gouverner et conduyre envers le dict + Sr cardinal et aultres Françoys qui sont par deçà. + + + + +CXXXIVe DÉPESCHE + +--du XIXe jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Champernon._) + + Nouvelles de la flotte.--Négociation avec l'Espagne.--Affaires + d'Écosse.--Incertitude où sont les protestans français de + savoir s'ils peuvent rentrer en France.--Nouvelles d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, estans sortys les dix navyres de la Royne d'Angleterre soubz la +conduicte de sire Charles Havart, ainsy que je le vous ay mandé par +mes précédantes, ilz se tiennent meintennant parez en la coste de +deçà, attandans que la flotte de Flandres se mette à la voyle, et +demeurent ceulx cy assés persuadez que le passaige de la Royne +d'Espaigne sera paysible, sans rien attempter en nul de leurs portz; +mais ilz craignent grandement qu'estant arrivée par dellà, le retour +de l'armée ne soit à leur dommaige, et qu'on n'y embarque des +Hespaignolz pour fère quelque descente en Irlande, ou bien ez +quartiers du North d'Escoce, ou en quelque aultre endroict de ceste +isle, attandu mesmement que milord de Sethon et ung frère du Sr de +Ledinthon sont passez en Flandres, et qu'on dict que le comte de +Vuesmerland et la comtesse de Northomberland sont arrivez devers le +duc d'Alve, et que plusieurs fuytifz de ce royaulme sont en l'armée, +qui va conduyre la Royne d'Espaigne; dont a esté miz icy ung nouvel +ordre de tenir si pretz les aultres grandz navyres de ceste Royne +qu'il n'y puysse avoir une seule heure de retardement, quant ilz +seront commandez de sortyr, et ordonné d'augmenter les vivres, qui y +sont nécessaires pour quelque moys davantaige; bien que la dicte Dame +et les seigneurs de son conseil se contantent bien fort des bonnes +responces, que le dict duc d'Alve a faictes au jeune Coban, en ce +mesmement que, luy ayant faict pleincte de l'ambassadeur d'Espaigne, +de ce qu'il avoit dédeigné de venir devers iceulx seigneurs du +conseil, et qu'à ce moyen l'accord de leurs différans avoit esté +retardé, il luy a respondu que l'ambassadeur avoit quelque rayson de +n'avoir vollu complayre du tout à ce que les dicts du conseil luy +avoient mandé, parce qu'ilz avoient usé de trop dures formalitez +envers luy, et ne l'avoient, il y a tantost deux ans, tretté ny +recogneu pour ambassadeur, et mesmes ceste foys avoient envoyé des +aldremans devers luy comme s'il eust esté crimineulx; néantmoins qu'il +luy escriproit de ne fère plus de difficulté de convenir avec eulx, +toutes les foys qu'ilz le feroient appeller pour tretter des affères +d'entre le Roy, son Maistre, et la Royne d'Angleterre; et ainsy l'a +escript le dict duc au dict ambassadeur, de sorte qu'ilz vont, de +chacun costé, cerchant les moyens de renouer leurs affères et +d'acommoder leurs différans. + +La malladie du secrétaire Cecille a donné quelque retardement aulx +affères de la Royne d'Escoce; néantmoins l'on avoit desjà ordonné à +sire Quainols de s'aprester pour aller avec Me Mildmay devers la dicte +Dame, mais se trouvant le dict secrétaire Cecille meintennant ung peu +mieulx, le voyage luy est réservé; et cependant milor de Sussex a +escript que les seigneurs escouçoys, du party de la Royne d'Escoce, +ont tenu une grande assemblée sur les choses que nous leur avions +mandées par milor de Leviston, et qu'ilz y ont prins une résolution, +laquelle ilz envoyent fère entendre à la Royne d'Angleterre par le +dict mesmes Leviston et par aultres leurs depputez, lesquelz il +attandoit du premier jour en la frontière pour leur bailler +saufconduict de passer plus avant. Et mande néantmoins le dict de +Sussex que, en Escoce, l'on ne s'attend guières d'avoir secours de +France; tant y a qu'on m'a dict que madame de Norrys s'est pleincte +grandement à la Royne sa Mestresse de ce que le dict de Sussex est +rentré en Escoce, parce qu'ayant son mary asseuré Vostre Majesté que +cella ne se feroit point, elle craint que ne vous en preigniez +meintennant à luy, et que ne le faciez arrester et resserrer. + +Les Françoys, qui sont icy, se préparent pour retourner toutz en leurs +maysons: il est vray qu'entendans qu'à Roan, à Dieppe, à Callais, et +en quelques aultres endroictz, l'on faict difficulté de les recepvoir, +il y en a quelques ungs qui demeurent en suspens, dont envoyent devers +moy pour sçavoir comme ilz en auront à user; et je leur répond que je +n'ay pas de plus expresse déclaration de vostre intention là dessus +que celle qui est contenue par vostre éedict, et que, de ma part, je +ne voy qu'ilz ayent nulle occasion de doubter. Je ne sçay si cella +sera occasion que Mr le cardinal de Chatillon prendra le chemin de la +Rochelle pour voir, de là en hors, comme il se pourra asseurer de +l'establissement de la dicte paix. Mr le vydame, à ce que j'entendz, +part dans deux jours et va passer ou à la Rye, ou à Callais; et, de +tant, Sire, qu'on donne entendre à aulcuns merchans voz subjectz, qui +poursuyvent encores icy la restitution de leurs biens, que tout le +faict des déprédations est remiz par vostre éedict, il vous plairra me +commander ce que je leur en auray à respondre, affin qu'ilz ne facent +dorsenavant la poursuyte en vain. + +Il semble que le Sr de Chantonay, escripvant icy à l'ambassadeur +d'Espaigne, luy ayt mandé que l'Empereur n'aprouve guières la paix de +France, comme ne l'estimant de durée; et que la diette se prolongera +beaucoup oultre le moys d'octobre; et que les fianceailles de Vostre +Majesté se feront avant la Toutz Sainctz, sans toutesfoys qu'on y +attande pour cella la venue de Monseigneur vostre frère, mais plustost +celle de monsieur de Lorrayne; et que, estant le comte Pallatin à +Espire, il a entendu que ses ministres avoient presché publiquement +l'arrianisme à Heldelberc, dont il dellibéroit d'aller réprimer une +telle inpiété, mais qu'il fauldroit qu'il corrigeât premier la sienne. +Sur ce, etc. Ce XIXe jour de septembre 1570. + + + + +CXXXVe DÉPESCHE + +--du XXIIIIe jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du Sr Acerbo._) + + Interruption des armemens.--Mouvement dans le pays de + Lancastre.--Négociation de l'évêque de Ross.--Conférence de + l'ambassadeur avec le cardinal de Chatillon.--Sollicitations + faites auprès de lui par le vidame de Chartres. + + + AU ROY. + +Sire, l'aprest des vingt navyres, que ceulx cy debvoient jetter +dehors, après les dix qui sont desjà sortys, se va peu à peu +discontinuant, et les a l'on ramenez de l'embouchure de la rivière de +Rochestre, où desjà ilz estoient, jusques à leur arcenal accoustumé de +Gelingan, ce qui monstre qu'à peyne s'en servyra l'on de ceste année; +les aultres dix se tiennent toutjour sur la coste près de Douvres, +attandant le passaige de la Royne d'Espaigne, à laquelle le temps ne +sert aucunement, et ceulx, qui s'y entendent, disent qu'à peyne luy +servira il encores de trois sepmaines; et est venu quelque adviz en +ceste court que le Roy d'Espaigne, son mary, luy a mandé que, si l'on +voyt que la navigation ne soit bien fort propre et fort seure, qu'elle +attande de se mettre sur mer jusques au prochain printemptz, et que +possible, entre cy et là, il aura faict dessein de la venir trouver +pour visiter ses Pays Bas: ce que possible a donné occasion à la Royne +d'Angleterre de fère cesser son armement. Laquelle aussi, comme +j'entendz, est tumbée en une grande souspeçon d'une nouvelle +ellévation qu'on luy a dict qui se prépare au pays de Lenclastre, où +semble qu'elle ayt desjà envoyé gens pour recognoistre que c'est, et +des secrettes commissions pour y remédier et apréhender quelques uns. + +Cependant il nous est venu des lettres de la Royne d'Escoce, par +lesquelles elle mande que les seigneurs d'Escoce, qui sont de son +party, luy ont envoyé la déclaration de leur vollonté: laquelle est de +fère toutjour ce qu'elle leur commandera, dont Mr l'évesque de Roz est +allé devers ceste Royne pour haster sur cella la conclusion du tretté; +et j'espère, puysque le secrétaire Cecille est à présent bien guéry, +que luy et maistre Mildmay et le dict sieur évesque s'achemineront +tout incontinent devers la dicte Royne d'Escoce pour y mettre une +bonne fin. + +Au surplus, Sire, Mr le cardinal de Chatillon est venu, despuys quatre +jours, prendre son diner en mon logis, et m'a dict que, comme vostre +très humble subject, il se sentoit tenu, et obligé à vostre service, +de ceste visite qu'il faisoit à vostre ambassadeur; et que ce qui +l'avoit engardé de la fère, durant les troubles, estoit que vous +monstriez lors, Sire, de ne prandre à gré, ains d'avoir quasi en +horreur tout ce qui procédoit de ceulx de sa religion; mais à ceste +heure qu'il playsoit à Dieu les fère jouyr du bien de vostre grâce, et +de celle de la Royne, et de Messeigneurs voz frères, et qu'il vous +playsoit les tenir au nombre de voz loyaulx et fidelles subjectz, tout +son plus grand soin estoit de vous obéyr et complayre, et prier Dieu +pour Voz Majestez et pour Mes dicts Seigneurs voz frères, et fère en +sorte que Dieu et le monde cognoissent que la contraincte demeure, +qu'il a faicte icy, ne l'a randu moins bon françoys ny moins dévot et +fidelle serviteur de vostre grandeur qu'il a esté par cy devant; et +qu'il n'a rien oublyé de l'obligation naturelle, ny encores de celle +expécialle, qu'il a à Voz Majestez et aulx feuz Roys voz +prédécesseurs; que, puys peu de jours, Messieurs les Princes de +Navarre et de Condé, et Mr l'Admyral, son frère, ont envoyé ung +gentilhomme devers ceste Royne, par lequel ilz luy ont escript à luy +de s'en aller à la Rochelle, et qu'ilz s'y rendront le plustost qu'ils +pourront, affin de pourvoir à l'accomplissement des choses qu'ilz vous +ont promises, lesquelles ne se peuvent bien effectuer sans luy et sans +aulcuns principaulx d'entre eulx; lesquelz fault que conviennent +ensemble pour admonester les aultres, ainsy qu'il a desjà fort +expressément admonesté toutz les ministres, qui estoient icy, premier +qu'ilz s'en soyent retournez, de n'excéder en rien qui soit, ny pour +quelconque occasion que puisse estre, voz permissions, ny transgresser +aulcunement voz deffances; et qu'il est besoing aussi que ce soyent +eulx qui, pour donner exemple aulx aultres de contribuer à ce qu'ilz +vous ont promiz de payer, se cothisent les premiers bien largement: +dont dellibéroit, dans six jours, aller prendre congé de ceste Royne +pour s'acheminer puys après à Ampthonne, affin d'y attandre la +commodité de son passaige, me priant bien fort de fère entendre ceste +sienne dellibération à Vostre Majesté avec plusieurs aultres bons +propos, qui seroient trop longs à mettre icy. + +Je luy ay respondu, Sire, le mieulx que j'ay peu, sellon que j'ay +estimé estre de vostre intention, conforme à la notice que j'en +pouvois avoir par vostre éedict, car de plus expécialle je n'en avois +poinct; mais je luy ay principallement incisté de vouloir dresser son +premier retour en France devers Vostre Majesté, affin de monstrer +qu'il a plus de confiance en vostre bonté et parolle que aulx rempartz +des places, qu'on a demandées pour seureté. + +A quoy il m'a répliqué que ce avoit bien esté son premier desir, mais, +puysqu'on luy mandoit de se randre ainsy bientost à la Rochelle, affin +de donner forme aulx choses qu'il falloit ordonner, à ce commancement, +pour satisfère à Vostre Majesté, et qu'avec très grande incommodité il +pourroit fère ce grand tour par terre, qu'il estoit contrainct d'y +aller par mer; mais qu'aussitost qu'on auroit pourveu à vostre +satisfaction, qu'il vous yroit très humblement bayser les mains, et à +la Royne, et à Messeigneurs voz frères, sellon qu'il espéroit que Voz +Majestez le luy permettroient, me priant cependant de le vous fère +ainsy trouver bon, et que ne veuillez jamais penser de luy que comme +d'ung vostre très humble et très obéyssant serviteur. + +Le deuxiesme jour après, à l'exemple de luy, Mr le vydame de Chartres, +estant prest à partyr, m'est aussi venu visiter avec plusieurs bonnes +parolles de l'affection et dévotion, qu'il dict avoir à vostre +service, et m'a requis de deux choses: c'est de vous vouloir +tesmoigner, par mes premières, que ses déportemenz par deçà n'ont esté +en rien contre vostre dict service; et l'aultre, de luy bailler ung +mien passeport pour se conduyre, luy, sa femme et son trein, jusques à +la Fretté, pour, incontinent après, vous aller très humblement bayser +les mains. Je luy ay agréé, en la meilleur façon que j'ay peu, sa +bonne intention vers Vostre Majesté, mais j'ay faict plusieurs +difficultez sur l'une et l'aultre de ses demandes; et qu'encor que je +ne voulois pas nyer que je ne l'eusse faict observer, je ne pouvois +toutesfoys vous justiffier en aultre sorte ses actions, parce que +toutes ne me pouvoient estre bien cogneues, que de vous dire, Sire, +que je ne sçavois pas qu'il en heust faict icy de plus mauvaises +contre vostre service que d'y estre venu; et, quant au passeport, que +ce seroit préjudicier à la liberté de la paix de luy en bailler. A +quoy il m'a répliqué que, pour le regard du premier, il se contentoit +bien de ce mien tesmoignage, mais du second, il m'en a tant pressé que +j'ai esté contrainct de lui bailler mon dict passeport. Et voylà, +Sire, tout ce qui a passé entre les dicts sieurs cardinal et vydame, +et moy, dont semble bien que les Anglois n'ont prins grand playsir à +ces deux visites; car par icelles ils sont contrainctz de fère quelque +meilleur jugement de la réunyon de vostre royaulme qu'ilz ne la +pensoient; mais je ne suis point allé randre la pareille à l'ung ny à +l'aultre en leur logis, parce que je n'en avois nul ordre de Vostre +Majesté. Sur ce, etc. + + Ce XXIVe jour de septembre 1570. + + + + +CXXXVIe DÉPESCHE + +--du pénultième jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Campernon._) + + Négociation avec les Pays-Bas.--Retard apporté au voyage de la + reine d'Espagne.--Résolution d'Élisabeth de procéder à la + conclusion du traité avec Marie Stuart.--Mission de Mr de Vérac + en Écosse. + + + AU ROY. + +Sire, par le retour du Sr de Sabran je demeure assés esclarcy +d'aulcunes choses de vostre intention, lesquelles j'espère que me les +ferés plus parfaictement et plus particulièrement entendre, quant le +Sr de Vassal me viendra retrouver; et vous diray cependant, Sire, que +la Royne d'Angleterre, achevant son progrez de ceste année, arrive +aujourduy à Vuyndesor, où elle dellibère fère du séjour, et y +attandre le retour des gentishommes, qu'elle a envoyé en France, en +Flandres et en Allemaigne, pour, puis après, y assembler son conseil +affin de prendre résolution sur les choses qu'ilz raporteront. Les +commissaires de Flandres, qui estoient allés visiter les merchandises +arrestées ez portz de deçà, dizent qu'ilz y ont trouvé perte et +diminution de plus de la moictié; mais, touchant celles qui sont dans +Londres, l'on leur a faict acroyre que, si le duc d'Alve veut procéder +à ung bon accord de leurs différans, sellon les honnestes offres que +la Royne d'Angleterre luy a faictes, qu'on leur en révellera pour plus +de cent mil escuz davantaige qu'on ne leur a encores monstrées. A quoy +ilz respondent qu'on leur baille premièrement le vray estat d'icelles, +affin d'en fère un certain raport au dict duc, et que, puys après, +l'on pourra facillement parvenir aulx condicions de l'accord; et +veulent, chacun de son costé, gaigner l'advantaige de ce point: dont +le différant s'en entretient plus longuement, mais non sans une grande +espérance que bientost il s'accommodera: car le duc d'Alve et les +principaulx ministres du Roy d'Espaigne, qui sont en Flandres, +monstrent n'avoir aulcun plus grand soin que de regaigner l'amytié de +la Royne d'Angleterre et de s'esforcer de luy complayre; ce que la +dicte Dame, à ce qu'on m'a dict, attribue plus à la paix de vostre +royaume que à leur bonne vollonté: et dellibère, de sa part, de suyvre +et entretenir cella par les meilleures démonstrations qu'elle pourra, +mais non sans qu'elle demeure toutjour en beaucoup de souspeçon et de +deffiance, à cause de la retrette de ses subjectz fuytifz, et de la +légation d'aulcuns Escossoys devers le dict duc en Flandres. Cependant +les dix grandz navires de la dicte Dame demeurent toutjour en la coste +de deçà pour honnorer le passaige de la Royne d'Espaigne, non sans +qu'elle se repente assés de les avoir si tost faictz jetter dehors, +parce que la despance y va grande, et ne se peult juger si le temps +pourra encores servyr, de deux moys, à la dicte Royne d'Espaigne. +Néantmoins il est venu nouveau mandement à Londres de tenir encores +ung nombre de marinyers prestz, comme pour quatre navyres davantaige: +je ne sçay encores à quel effect. + +Nous avons tant pressé l'advancement des affères de la Royne d'Escoce +que le secrétaire Cecille et maistre Mildmay ont esté du tout +dépeschez, dez mardy dernier, pour aller devers la dicte Dame, et Mr +de Roz avec eulx, où j'espère qu'il se prendra quelque bon ordre pour +le restablissement d'elle à sa couronne; mais, de tant que, sur les +condicions, qu'on luy propose, plusieurs nous donnent divers conseilz, +je ne m'advanceray d'y intervenir, au nom de Vostre Majesté, sans vous +avoir faict quelque aultre dépesche plus ample et plus expresse là +dessus. Bien me confirme l'on, de plus en plus, Sire, que ceste Royne, +veult résoluement entendre à conclurre le tretté, et que cependant +elle a mandé au comte de Sussex de casser toutes les compaignies +extraordinaires, qu'il avoit levées en la frontière du North. +L'arrivée du Sr de Veyrac en Escoce met ceulx cy en quelque jalouzie, +mais il ne seroit que bon qu'ilz l'eussent encores plus grande, car je +crains bien fort qu'ayant Mr Norrys escript icy que Vostre Majesté est +résolue de n'envoyer nulles forces par dellà jusques au printemps, que +cella leur face prolonger le tretté, soubz espérance qu'il puysse +cependant survenir quelque chose à leur commodité et advantaige. Sur +ce, etc. + + Ce XXIXe jour de septembre 1570. + + + + +CXXXVIIe DÉPESCHE + +--du Ve jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyée jusques à Calais par ung qui s'en est allé avec le Sr +Frégouse._) + + Retour de Walsingham en Angleterre, chargé de faire connaître à + la reine la déclaration du roi touchant l'Écosse.--Prochain + départ de la reine d'Espagne.--Suspension des affaires + politiques à Londres pendant l'absence de Cécil envoyé vers + Marie Stuart.--Nouvelles d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay receu, le XXIXe du passé, les lettres qu'il a pleu à Vostre +Majesté m'escripre, du XXIIe auparavant, par le Sr de Valsingan, qui +me les a envoyées passant par Londres, et m'a mandé qu'au retour de +randre compte à sa Mestresse de ce qu'il a faict en France, qu'il me +viendra voir. Il me semble, Sire, que rien n'a pu venir plus à propos, +pour les présens affères de la Royne d'Escoce, que d'avoir Vostre +Majesté ainsy fermement et vertueusement parlé, comme avez faict, à +l'ambassadeur Mr Norrys et à luy; et dont je ne fauldray de +représanter à leur dicte Mestresse voz mesmes propos, telz qu'ilz sont +contenuz en vostre lettre, la première foys que je l'yray trouver, +ayant estimé qu'il estoit bon, pour aulcuns respectz, de les luy +réserver jusques à la venue d'une aultre vostre dépesche, pour luy +laysser cependant digérer ce faict sur le récit, que le dict de +Valsingan luy fera, des propres paroles et démonstrations qu'il a +ouyes et veues de Vostre Majesté, et aussi pour n'interrompre rien en +la commission qu'elle a donnée au secrétaire Cecille et à Maistre +Mildmay vers la Royne d'Escoce; ausquelz j'ay opinion qu'elle envoyera +en dilligence notiffier la déclaration qu'avez faict à ses dicts +ambassadeurs, affin qu'ilz ne s'en retournent sans résouldre quelque +chose avec elle; ayant plusieurs adviz, de divers lieux, assés +certains qu'il tarde infinyement à la dicte Royne d'Angleterre qu'elle +puysse, en quelque seure façon qui ayt aparance d'honneur et +d'advantaige, se démesler du faict de la dicte Dame, non sans se +repentyr de s'en estre si avant entremise. Et est sans doubte que, si +l'affère pouvoit tumber en la main de quelque aultre, qui le manyât +avec plus de modération que ne faict le secrétaire Cecille, ou que luy +mesmes, après avoir veu la Royne d'Escoce, se volust modérer, et ne +fère plus, sur des petitz momentz, naistre de si grandes difficultez +et longueurs, qu'il a faict jusques icy, que toutz les différans +d'entre ces deux Princesses et leurs deux royaulmes se pourroient +facilement et bientost accommoder, dont de ma part, Sire, je ne +fauldray d'y incister à toute heure; mais la vifve parolle et la +démonstration que Vostre Majesté fera d'un prochain secours, attandant +qu'il s'ensuyve à bon esciant, s'il est nécessaire, y servyront +infinyement. + +La dicte Royne d'Angleterre a dépesché ung saufconduict pour les +depputez d'Escoce, et a mandé au comte de Sussex de les bien recepvoir +et honorer, et qu'il advertisse ceulx du party du régent d'envoyer +promptement les leurs. Le susdict de Valsingan a desjà parlé à +quelques ungs de ses amys de la continuation de la paix de France +comme en doubte, alléguant des occasions qui luy font juger qu'elle +aura quelque establyssement, et d'aultres qui lui font croyre qu'elle +ne pourra estre de durée; dont de ce qu'il en a dict, et du rapport +qu'il en aura faict en ceste cour, je mettray peyne qu'il m'en viegne +quelque adviz, affin de le vous mander par mes premières. Il aura +encores rencontré Mr le cardinal de Chastillon en ceste dicte court, +car son congé luy avoit esté différé jusques à hyer. + +L'on estime que la Royne d'Espaigne s'embarquera à ce commancement +d'octobre, car, ayant le retour de la lune esté sur un temps propre et +qui sert bien à sa navigation, l'on estime qu'il durera assés pour la +conduyre jusques en Espaigne; dont s'atand de sçavoir comment et en +quelle bonne façon se seront déportez les navyres de la Royne +d'Angleterre à la saluer, et la convoyer le long de la coste de ce +royaume. Les commissaires de Flandres pourchassent leur congé, mais il +semble qu'on le leur prolongera jusques au retour du secrétaire +Cecille, car en son absence rien ne se dépesche; et mesmes l'on a +remiz, à cause de luy, l'ouverture du terme de la justice jusques au +premier de novembre, par prétexte toutesfoys de la peste; laquelle va +néantmoins diminuant, et chacun s'en retourne à la ville. Il semble +que Henry Coban, qui est allé devers l'Empereur, ayt heu charge de ne +presser guières son retour: dont il a cependant renvoyé ung des siens +avec une dépesche, de laquelle je n'ay encores bien aprins le contenu, +si n'est qu'il semble mander que, ne pouvant l'Empereur fère guières +réuscyr aulcune bonne résolution ez choses qu'il a proposées en la +diette, qu'il dellibère bientost la rompre; et j'entandz que le comte +Pallatin a aussi escript qu'il a quelque opinion que le Pape se soit +advancé de créer de luy mesmes, sans attandre la vollonté des +ellecteurs, l'archiduc Charles roy des Romains, et que cella sera pour +admener beaucoup de trouble en Allemaigne; dont est bruict icy que +desjà quelques princes ont esté vers Hembourg, comme pour s'asseurer +d'aulcunes levées de gens de guerre. Sur ce, etc. + + Ce Ve jour d'octobre 1570. + + + + +CXXXVIIIe DÉPESCHE + +--du Xe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par le Sr Troies._) + + État de la négociation en faveur de Marie Stuart.--Conduite faite + à la reine d'Espagne par la flotte anglaise.--Crainte où l'on + est en Angleterre que les hostilités commencent au retour de la + flotte espagnole.--Négociation avec les Pays-Bas.--Départ du + cardinal de Chatillon pour la Rochelle; mauvais accueil reçu à + Dieppe par le vidame de Chartres.--Prise nouvellement faite en + mer, malgré la paix, par le capitaine Sores.--Affaires + d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, rendant le Sr de Valsingan compte à la Royne, sa Mestresse, de +la négociation qu'il a faicte en France, j'entendz qu'il luy a faict +ung très bon rapport des louables qualitez de Vostre Majesté, de ce +que ung chacun vous tient pour prince magnanime, constant, certain et +bien fort véritable, et uny par ung grand et naturel amour avec la +Royne vostre mère, et avec Monseigneur vostre frère, desquelz il a +aussi fort dignement parlé; et que, par la force de leur conseil et la +fermeté de voz éedictz, la paix de vostre royaulme a d'estre +perdurable, et voz aultres affères à recepvoir beaucoup +d'establissement: dont la dicte Dame a de beaucoup davantaige estimé, +et heu en plus grand prix, les bonnes parolles de paix et d'amytié, +que Vostre Majesté luy a mandées. Et luy ayant le dict de Valsingan, +par mesmes moyen, touché le propos, que luy avez tenu, de la +restitution de la Royne d'Escoce, vostre belle soeur, avec +l'expression de l'affection qu'il a cognu que vous y aviez; et ayant, +de ma part, faict fère là dessus, le plus à propos que j'ay peu, ung +office par le comte de Lestre, il est advenu que la dicte Dame a tout +incontinent dépesché vers le secrétaire Cecille pour l'advertyr qu'il +ayt à procéder en si bonne façon vers la Royne d'Escoce, qu'il ne s'en +retourne sans conclurre quelque chose avecques elle. Dont, à la +première occasion qui me viendra d'aller parler à la dicte Dame, je +luy confirmeray ceste sienne vollonté, et n'obmettray rien de ce qui +pourra servyr à bien advancer et effectuer le propos, et à establyr +pareillement l'amytié d'entre Voz Majestez. + +L'on tient que la Royne d'Espaigne est passée, et que les navyres de +la Royne l'ont saluée et accompaignée jusques en la coste de Biscaye, +et que sire Charles Havart luy a baysé les mains avec ung présent +d'ung beau dyamant, que la Royne sa Mestresse luy a envoyé, qui est +l'ung de ceulx que le Roy d'Espaigne avoit donnez à la feu Royne +Marie, sa soeur, ou à elle, qui sont estimez valoir, l'ung huict mil +ducatz, et l'aultre cinq mil; et que la dicte Royne d'Espaigne, de son +costé, a faict bailler quatre mil ducatz au dict Havart et aulx siens; +mais la vérité et certitude de cecy se sçaura mieulx quant le dict +Havart sera de retour, lequel est encores en mer. Tant y a que ces +démonstrations, lesquels sont devenues toutes aultres qu'on ne les +sembloit préparer du commancement, donnent à cognoistre qu'il n'y a en +effect nulle malle vollonté entre les Espaignols et les Anglois, ains +qu'ilz cerchent de s'accommoder ensemble en gaignant, aultant qu'il +leur sera possible, chacun de son côté, quelque advantaige; dont usent +d'artiffice à fère bien espérer ou à intimider l'ung l'aultre en ce +qu'ilz peuvent; et semblent néantmoins que les dicts Anglois ne +demeurent meintennant sans une grande souspeçon du retour de l'armée +d'Espaigne, par ce mesmement qu'on leur a raporté que une partie +d'icelle est demeurée toute appareillée, et bon nombre de gens pretz à +s'y embarquer en Olande; et qu'ilz sçavent que aulcuns fuytifz et +aulcuns Escossoys sont toutjour près du duc d'Alve pour l'inciter à +quelque entreprinse par deçà: et à ceste occasion, mècredy dernier, +ceste Royne a faict de rechef appeller toutz les officiers de la +maryne à Vuyndesor, mais je ne sçay encores ce qu'elle leur a ordonné; +et est la dicte Dame après a fère cercher deniers de toutz costez. + +Les commissaires de Flandres s'attendent d'avoir demain leur congé, et +semble qu'ilz ne s'en retournent guières plus contantz ny mieulx +satisfaictz que quant ilz sont venuz; car, oultre la perte et +diminution qu'ilz ont trouvé ez merchandises, qui estoient encores en +estre, l'on leur a baillé ung compte si désadvantaigeulx de celles qui +ont esté vendues par auctorité de justice, tant au priz que aulx +fraicz, qu'elles ne reviennent pas au cinquiesme de la juste valleur. +Par ainsy l'accord se monstre encores assés difficile à fère, et +cependant l'on ne sçayt si le temps, et la longue souspencion du +traffic, pourra produyre quelque chose de nouveau entre eulx. + +Monsieur le cardinal de Chastillon print congé de ceste court lundy +dernier, non sans recepvoir beaucoup de faveur de ceste Royne et +plusieurs présens (de haquenées et de chiens de sang) des seigneurs +d'auprès d'elle; et s'en est allé à Hamptonne attandre la commodité de +son passaige à la Rochelle. Aulcuns demeurent escandalisez des +difficultés qu'on a faictes à Mr le vydame de Chartres à Dièpe, mais +je rendz quelque rayson là dessus, qui monstrent de les satisfère. Ung +agent de Portugal, qui est en ceste ville, dict que le capitaine Sores +s'est esforcé de piller de rechef la Madère, et qu'au retour de ceste +entreprinse il a prins un des galions du Roy de Portugal venant des +Indes, qui estoit demeuré derrière, lequel estoit bien fort riche; de +quoy ung chacun monstre icy estre fort offancé d'entendre ung tel acte +après la paix, et crainct on que de la Rochelle ayt à sortyr beaucoup +de désordre en la mer, s'il n'y est remédié. + +J'entans qu'il est arrivé des lettres d'Allemaigne, qui semblent +confirmer ce qu'on avoit auparavant escript de la création du roy des +Romains par le Pape, jusques avoir envoyé une coppie du brevet, et que +ung chacun pense que les princes ellecteurs procèderont à une +contraire ellection de leur part; mesmes qu'il semble que l'Empereur +face toute démonstration d'avoir ignoré et de n'aprouver aulcunement +ceste procédure de Sa Saincteté; et qu'il a esté descouvert qu'on +avoit de rechef incidié à la vie du comte Pallatin. Sur ce, etc. + + Ce Xe jour d'octobre 1570. + + + + +CXXXIXe DÉPESCHE + +--du XVIe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par Groigniet, mon secrétaire._) + + Conditions proposées par Cécil à la reine d'Écosse.--Soulèvement + des catholiques dans le pays de Lancastre.--Ordre donné au + comte de Derby de se rendre à la cour.--Retour à Londres de sir + Charles Havart, amiral de la flotte anglaise.--_Mémoire._ + Opinions diverses sur la durée de la paix en + France.--Conférence de l'ambassadeur avec l'ambassadeur + d'Espagne.--Ligue du roi d'Espagne avec le pape et les + Vénitiens contre les Turcs.--Vives sollicitations pour que le + roi consente à en faire partie.--Offres faites par le duc + d'Albe à Élisabeth.--Négociations des Écossais avec le duc + d'Albe.--Conditions proposées à Marie Stuart, si elle veut + obtenir l'appui de l'Espagne.--Détails sur la négociation de + Cécil avec Marie Stuart.--Crainte que les Écossais n'acceptent + toutes les conditions imposées par l'Angleterre. + + + AU ROY. + +Sire, ayant le Sr de Vassal couru une si dangereuse fortune, en +voulant repasser la mer, que le naufrage de luy, et de ceulx qui +estoient en son mesme navyre, a esté tenu pour vériffié en ceste +ville, il n'est pas à croyre combien je me suys resjouy, quant, oultre +l'espérance des hommes, il a pleu à Dieu de le saulver et le fère +retourner sauf à Callais, avec les lettres et dépesches de Vostre +Majesté, où il est encores attandant le vent; mais j'espère qu'il sera +bientost icy, et qu'il me rendra instruict de l'intention de Vostre +Majesté, laquelle je mettray peyne, Sire, en ce qu'il sera besoing de +la notiffier à la Royne d'Angleterre, de la luy fère bien entendre, et +de fère, par toutz les moyens, persuasions et instances, qu'il me sera +possible, qu'elle y veuille conformer la sienne. + +Le secrétaire Cecille et son adjoinct sont arrivez avec l'évesque de +Roz, le premier de ce mois, devers la Royne d'Escoce, à laquelle ilz +ont présenté, avec grand respect et révérance, une lettre, que la +Royne d'Angleterre luy a escripte, laquelle avoit le commancement fort +rigoureux et plein d'une recordation de beaucoup d'offances qu'elle +reprochoit à la dicte Dame; mais que, pour en abolyr la mémoire, elle +luy dépeschoit ces deux siens confidans conseillers, pour préparer le +chemyn d'ung bon tretté d'amytié entre elles deux; et n'y a heu aultre +chose que cella pour le premier jour, sinon l'humayne et favorable +réception, que la dicte Dame leur a faicte. Mais, le lendemain, estans +entrez en conférance, elle leur a respondu, à chacun poinct de la +dicte lettre, avec tant de fondement de rayson et avec tant de +modestie qu'ilz ont monstré de demeurer très bien satisfaictz; et +ayant convenu la dicte Dame, pour son regard, et eulx, pour la Royne +d'Angleterre, d'ensepvelir pour jamais les choses mal passées, et de +procéder à ung renouvellement de vraye et parfaicte intelligence entre +elles, sellon que le debvoir de leur proximité et du commun proffict +de l'une et de l'aultre, et de leurs deux royaulmes, le requéroit; ilz +luy ont leu les articles de l'instruction, qu'ilz portoient, lesquelz +se sont trouvez, pour la pluspart, concerner l'expresse cession et +résignation du tiltre de ce royaulme par la dicte Royne d'Escoce au +proffict de la dicte Royne d'Angleterre, sans préjudice de la future +succession d'icelluy, au cas que la dicte Royne d'Angleterre n'ayt +point de lignée:--Que, pour seurté de cella, le Prince d'Escoce doibve +estre mené et norry en Angleterre, sans préfiger temps de le randre, +sinon au cas que la Royne, sa mère, arrive à morir, ou qu'elle luy +veuille résigner sa couronne d'Escoce;--Que gouverneurs luy seront +baillez, telz que la Royne d'Angleterre advisera, comme les comtes de +Lenoz, de Mar ou aultres;--Que trois comtes et trois lordz Escoçoys +viendront estre ostaiges, l'espace de trois ans, en ce royaulme, pour +la seurté des choses qui seront promises;--Que trois chasteaulx, +sçavoir: Humes, Fascastel et encores ung aultre, en Gallovaye ou +Quinter, demeureront, pour le dict temps, ez mains de la Royne +d'Angleterre;--Que, sans le consantement d'icelle ou de la pluspart de +la noblesse d'Escoce, la dicte Royne d'Escoce ne se maryera;--Que +ligue sera faicte entre elles et leurs deux royaumes;--Que, au cas que +nul prince estrangier, sans ocasion à luy raysonnablement donnée, +entrepreigne d'assaillyr ce royaulme, la dicte Royne d'Escoce sera +tenue de le secourir d'hommes et de navyres, aulx despens toutesfoys +de la Royne d'Angleterre;--Que le murtre du feu Roy d'Escoce et celluy +du comte de Mora seront punys;--Que le comte de Northomberland et +aultres fuytifz d'Angleterre seront randuz;--Et que, au cas que la +dicte Royne d'Escoce meuve à jamais pleinte ny querelle du tiltre de +ce royaulme, ny assiste à nul aultre, qui la veuille mouvoir en +quelque façon que ce soit contre la dicte Dame, qu'elle demeurera +privée de la future succession d'icelluy. Et avoient d'aultres +articles, concernans la seurté des subjectz d'Escoce, lesquelz ilz +n'ont encores monstrez, mais ilz ont fort incisté d'avoir promptement +la responce sur ceulx cy. + +Je ne sçay si la Royne d'Escoce l'a encores faicte, seulement j'ay +entendu qu'ung pacquet du dict secrétaire arriva, sabmedy au soir, à +la Royne d'Angleterre, et que, tout incontinent, elle assembla son +conseil; et le lendemain matin, le courrier fut renvoyé avecques +responce. + +Aulcuns amys de la dicte Royne d'Escoce m'ont faict advertyr qu'elle +est au plus grand dangier, où encores elle ayt poinct esté, à cause de +la sublévation qui se descouvre estre toute formée au pays de +Lenclastre, de laquelle on luy attribue l'ocasion, aussi bien que de +celle passée du North; et que pourtant, elle et nous, qui soubstenons +icy son faict, debvons condescendre à ce que la Royne d'Angleterre luy +vouldra demander, et luy complayre du tout, pourveu qu'elle puysse +avoir sa liberté; et ne fère difficulté de luy accorder le Prince +d'Escoce, pour quelque temps, avec honnestes condicions. Aultres de +ses amys conseillent le contraire: qu'elle peut bien accorder +hardyment toutes choses raysonnables à la Royne d'Angleterre, mais non +de luy bailler son filz, ny ostaiges, ny places; mais plustost qu'elle +mesmes offre de demeurer en Angleterre pour asseurance de ce qu'elle +promettra. Je sçay, à la vérité, qu'on tient de très dangereux +conseilz sur la personne de ceste princesse, pour l'opinion qu'on a +qu'elle ayt trop bonne part en ce royaulme, et que, quant elle sera du +tout ostée, que pareillement sa querelle sera du tout esteincte, se +persuadant que, ny les Escouçoys, ny les Anglois, ses partisans, ny +mesmes Vostre Majesté ne se soucyeront guières, puys après, de la +relever. Et est incroyable combien la Royne d'Angleterre et ceulx de +son conseil sont esmeuz pour les choses du dict pays de Lenclastre, +sans toutesfoys en fère grand démonstration; car les ayant vollues +remédier par la voye de la justice, envoyant par dellà ung procureur +fiscal, ilz ont veu que cella ne suffizoit, et que plusieurs +ouvertement se déclairoient substrectz de l'obéyssance et jurisdiction +de la Royne d'Angleterre, jusques à ce qu'elle se seroit jettée hors +de l'interdict de l'esglize catholique: dont elle a mandé au comte +Dherby, principal seigneur de tout le dict pays, de la venir trouver, +par prétexte de vouloir assembler toutz ceulx de son conseil, dont il +est l'ung des principaulx, affin de pourvoir à l'estat de ce royaume; +et qu'il veuille mener ses enfans avec luy, pour monstrer qu'ilz ne +sont coulpables d'aulcunes choses qu'on leur a vollu imposer. L'on ne +sçayt encores si le dict comte vouldra obéyr; tant y a, Sire, que je +vous ay bien vollu envoyer le susdict adviz de la Royne d'Escoce, par +homme exprès, affin qu'il vous playse m'y commander vostre vollonté; +et cependant je verray ceste princesse pour l'adoulcyr et modérer, le +plus qu'il me sera possible, sur icelluy, et pour la fère passer +oultre au tretté encommancé. + +J'entendz que sire Charles Havard a raporté à la dicte Dame ung grand +contantement du debvoir, qu'il a faict envers la Royne d'Espaigne, et +des honnestes propos, que la dicte Royne d'Espaigne l'a enchargé de +dire à la dicte Dame de sa part, ayant accepté, avec toute affection, +le présent qu'elle luy a envoyé, et ayant faict donner une chayne de +mil ducatz au dict Havart, et une aultre ung peu moindre à son vis +admyral, et encores dix aultres chaynes aulx capitaines des dix +navyres. Sur ce, etc. + + Ce XVIe jour d'octobre 1570. + + POUR FAIRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ oultre ce dessus: + + Que, par aulcunes lettres, que la Royne de Navarre et Messieurs + les Princes, ses filz et nepveu, et Mr l'Admiral ont escriptes + par deçà, et par des parolles et démonstrations, dont Mr le + cardinal de Chatillon a usé, en prenant congé de ceste court, la + Royne d'Angleterre et les siens demeurent assez persuadez que la + paix de France sera de durée. + + Et y sont confirmez davantaige par la réputation, qui court, que + le Roy a prinz une ferme résolution de vouloir que, en cest + endroict. et toutz aultres, où sa parolle interviendra, qu'elle + ayt à estre très certaine et véritable, et que la Royne et + Monseigneur, frère du Roy, interposent, par une bonne + intelligence, si fermement leur conseil et authorité à cella, + qu'il n'est en la main de nul aultre de le pouvoir rompre. + + Et a raporté le Sr de Valsingan, qu'encor que le mariage des deux + filles de l'Empereur avec le Roy et le Roy d'Espaigne, et + l'intelligence que ung chacun présumoit demeurer toutjour + secrecte entre la Royne et Mr le cardinal de Lorrayne, et + l'authorité de Monseigneur, frère du Roy, lequel après avoir mené + la guerre et heu plusieurs victoires contre ceux de la nouvelle + religion, ne comporteroit jamais qu'ilz demeurassent dans le + royaulme, fussent trois occasions qu'aulcuns remarquoient pour + réputer la paix fort douteuse; néanmoins ilz jugeroient, à ceste + heure, que c'estoit par la vraye et parfaite intelligence de la + Royne, et de Monseigneur, et de Mr le cardinal de Lorrayne, et de + toutz les Princes avecques le Roy, que la dicte paix se randroit + plus ferme et plus estable; et que mesmes le conseiller Cavaignes + luy avoit dict qu'il s'en promettoit une bien longue + continuation, et en plus d'advantaiges pour eulx que les articles + ne portoient. + + Ce qui a remiz en réputation les affères du Roy en ce royaulme, + et croy que de mesmes ilz en sont relevez ailleurs, car + l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, despuys la première foys + qu'il me raporta le jugement, que le duc d'Alve faisoit de la + dicte paix, comme s'il l'estimoit pleyne de dangier pour la + Chrestienté, il dict meintennant qu'il ne faict doubte que le Roy + et son prudent conseil ne l'ayent cogneue nécessaire, et qu'il + faut que Sa Majesté Très Chrestienne la rande utille, et luy face + produyre, non seulement pour luy et pour son royaulme, mais aussi + pour ses voysins et pour toute la Chrestienté, ung vray repos. + + Et s'est le dict ambassadeur curieusement enquiz à moy de deux + choses: l'une, si je sçavois que Mr le cardinal de Chatillon eust + parlé en ceste court de tranférer meintennant la guerre, qui est + achevée en France, au pays de Flandres; et de cella il a vollu + que j'en aye sondé le dict Sr cardinal, quant il est venu en mon + logis, lequel m'a tout franchement respondu, qu'il pourrait estre + qu'il en eust parlé comme d'ung commun souhait, que toutz ceulx + de sa religion y avoient; mais non qu'il en vit l'entreprinse + bien preste; et j'en ay satisfaict le dict ambassadeur. + + Et l'aultre chose, qu'il m'a demandée, est si j'avois entendu + pourquoy le Roy avoit faict renforcer la garnyson de Péronne, de + St Quintin et des aultres villes de Picardie, et changé celle de + Callais, monstrant que le duc d'Alve en avoit prins quelque + souspeçon; à quoy je luy ay respondu que le Roy n'avoit en cella + que renvoyé les garnysons en leurs lieux accoustumés, car l'on + les en avoit tirez, durant la guerre, pour s'en servir au camp, + et que meintennant il distribuoit en ses frontières ses gens de + guerre pour plus sollager son royaume et pour ne demeurer + pourtant désarmé. + + Et, en la mesmes conférance, icelluy sieur ambassadeur, me + magniffiant grandement la ligue[14] qui a esté faicte entre le + Pape, le Roy Catholique, son Maistre, et les Véniciens contre le + Turc, m'a dict que le Roy, son Maistre, s'estimoit estre miz hors + par icelle de tout le dangier de la guerre du dict Turc, et qu'il + n'avoit qu'à contribuer seulement au secours accordé, dont se + trouvoit fort adélivré pour mettre bientost fin à la guerre des + Mores, et pour entendre aulx choses de Flandres, d'Allemaigne et + du costé de deçà; + + Que le dict ambassadeur pensoit que l'Empereur enfin entreroit en + la dicte ligue, comme il en avoit une fort grande vollonté, mais + il desiroit le fère par aprobation de la diette, affin d'obliger + les estatz d'Allemaigne à la contribution et au secours de la + dicte guerre. + + [14] Cette ligue ne fut définitivement conclue que quelque temps + après, au mois de mai 1571. Don Juan fut nommé général de la + ligue, et remporta, le 7 octobre de la même année, la célèbre + victoire de Lépante. Le pape choisit pour commandant de sa flotte + Marc-Antoine Colonne, et la république de Venise nomma pour son + amiral Sébastien Venicri, qui fut élu doge en 1577. + + Et a adjouxté que, si le Roy Très Chrestien y vouloit entrer et + quicter la pratique du Turc, retirant son ambassadeur qu'il a + près de luy, qu'il s'aquerroit ung grand nom et une grande + louange envers le Siège Apostolique et envers toute la + Chrestienté; et, quant il ne bailleroit que quatre gallères de + secours, que son nom et la réputation de la couronne de France y + en vauldroient cent. + + Je luy ay respondu que ceste ligue estoit faicte pour la + conservation des estatz, qui estoient exposez aulx entreprinses + du Turc, et que l'Empereur avoit rayson d'y entrer pour l'ocasion + des siens, aussi bien que le Pape et le Roy, son Maistre, et les + Véniciens, car toutz ensemble y estoient bien fort intéressez, et + leurs dicts estatz y couroient de grandz dangiers; mais que Dieu + avoit constitué le Roy et son royaulme en lieu, qui estoit tout + gardé des incursions du Turc; par ainsy qu'il n'avoit à fère + ligue deffencive contre celluy qui ne l'assailloit, ny le pouvoit + assaillir; et seroit en vain consommer ses forces et ses deniers + pour aultruy, et entrer en une guerre non nécessaire; mais que je + croyois bien que, quant toutz les princes chrestiens + conviendroient en une entreprinse de ruyner l'Empire du Turc et + amplier la Chrestienté, et que le Roy y verroit quelque bon + fondement, que ce seroit luy le premier qui y employeroit sa + propre personne et ses forces, aussi bien qu'avoient faict ses + prédécesseurs. + + Laquelle rayson le dict ambassadeur a monstré d'aprouver, et a + adjouxté que possible n'estoit on pas trop loing d'une si grande + et vertueuse délibération; et puys a continué me dire que les + Anglois, pour ne pouvoir bien entendre toutz les secretz de la + dicte ligue, la tenoient pour fort suspecte, comme, à la vérité, + j'ay sceu qu'iceulx Anglois discourent entre eulx, qu'ayant le + Pape passé si avant que d'avoir ouvertement interdit cette Royne + et son royaulme, et estant le Roy d'Espaigne fort offancé des + dicts Anglois, et les Véniciens assés mal contantz des prinses et + déprédations de l'année passée, qu'il est à croire qu'on n'a + dressé ceste ligue dans Rome, sans y incérer quelque article bien + exprès contre l'Angleterre, et que le général de la mer qui a + esté créé par icelle, qui est don Juan d'Austria, aspire bien + fort à l'entreprinse. + + Néantmoins, le duc d'Alve entretient les dicts Anglois en une si + ferme opinion de l'amytié du Roy, son Maistre, qu'ilz s'en + tiennent trop plus que bien asseurez; et semble que, ny luy de + son costé, ny eulx du leur, ne s'ennuyent de laysser encores les + choses en suspens, sans aultrement les esclarcyr, parce que le + temporiser vient à propos pour chacun, bien que possible non + guières pour les Mestres ny pour leurs estatz, mais pour ceulx + qui les manyent; et m'a l'on asseuré que le dict duc a offert à + ceste Royne de luy envoyer dix mil hommes de guerre, pour la + servyr en ses affères, qu'elle pourroit avoir dans son royaulme, + ou bien contre l'Escoce, si elle en a besoing: mais qu'elle n'a + accepté ny l'ung ny l'aultré, ny ne demeure pour cella trop + dellivrée du souspeçon qu'elle s'est conceue du dict duc. + + J'entendz que milord de Sethon, estant arrivé en Envers, a + soubdain envoyé demander audience à icelluy duc jusques à + Bergues, lequel s'est excusé de la luy pouvoir si tost bailler, + pour estre fort empesché à l'embarquement de la Royne, sa + Mestresse; dont le dict de Sethon, ne voulant prolonger les + matières, luy a envoyé incontinent les lettres des seigneurs + d'Escoce et une coppie de son instruction, mais le duc ne s'est + hasté pour cella de luy rien respondre, ains l'a remiz à quant il + seroit en Envers, que le conseil du pays y seroit assemblé; et + cependant il l'a faict convyer à dyner par le marquis de Chetona, + où le secrétaire Courteville s'est trouvé, avec lesquelz il a heu + grand conférance; et despuys il a envoyé icy demander qu'est ce + qu'il aura à respondre, si le dict duc requéroit d'avoir la Royne + d'Escoce entre ses mains, ou qu'elle y veuille mettre le Prince + d'Escoce son filz; s'il inciste qu'elle ne se marye sans le + conseil du Roy Catholique, et qu'elle veuille entrer en ligue + avecques luy, sans exception d'aulcune aultre ligue; s'il demande + avoir quelques portz et places au pays, pour la retrette de ceux + qu'il y envoyera; et finallement, s'il requiert que la réduction + de la religion catholique soit faicte en tout le royaulme, et que + l'aultre en soit chassée, et toutz ceulx qui en sont. + + En quoy semble que le dict de Courteville ayt desjà touché toutz + ces poinctz au dict de Sethon, et, quoy que soit, on m'a bien + baillé pour chose asseurée que maistre Jehan Amelthon, qui a + résidé despuys quinze moys, ordinairement, près du dict duc + d'Alve, a esté naguières envoyé par icelluy duc avec deux aultres + gentishommes, ung italien et ung espaignol, jusques en Escoce, + pour recognoistre quelque commode descente; et que le dict + Amelthon leur a monstre les ports et villes de Montroz et + Abredin. + + Quant, après plusieurs miennes instances et de Mr l'évesque de + Roz, la Royne d'Angleterre eust, à la fin de septembre, commandé + au secrétaire Cecille, et à maistre Mildmay, d'aller devers |a + Royne d'Escoce, elle ne se peult tenir de jetter quelques motz de + jalouzie des perfections de sa cousine, demandant au dict + secrétaire, s'il se lairroit point gaigner à elle, comme les + aultres, qui l'avoient veue; dont il tomba en ung merveilleux + doubte que le voyage luy fût pernicieux, et escripvit dez lors à + ung sien amy qu'il s'en excuseroit, s'il luy estoit possible, ce + qui donna à penser, estant incontinent après devenu mallade, + qu'il le contrafaisoit, mesmes qu'il ne se sentoit estre bien + vollu de la dicte Royne d'Escoce, et n'estimoit pouvoir raporter + honneur de ceste négociation; tant y a que, ne voulant qu'ung + aultre l'eust, il dellibéra de veincre toutz ces doubtes et + difficultez, mais, premier que de partir, affin d'oster toute + souspeçon à sa Mestresse, il dressa les articles de son + instruction, ainsy durs qu'ils sont contenuz en la lettre du Roy, + et les communica à la dicte Dame, qui les aprouva, et puys au + conseil, où quelques ungs luy remonstrèrent qu'il seroit bon de + les modérer, affin qu'ilz ne malcontentassent par trop ceste + princesse, et qu'ilz fussent aprouvez des aultres princes; mais + il respondit qu'on luy layssât manyer cest affère, lequel il + entendoit très bien, et le conduyroit à bonne fin, à l'honneur de + sa Mestresse et de son royaulme; et qu'il feroit que la Royne + d'Escoce et les princes, ses allyez, ne seroient que bien ayses + d'en passer par là. Tant y a qu'estant sur le lieu, Mr de Roz m'a + mandé qu'il monstre d'avoir une grande vollonté de conclurre le + tretté, et qu'il espère que le retour du Sr de Valsingan, sur + lequel l'on luy avoit faict une dépesche, seroit cause de luy + fère modérer les dures condicions de sa première instruction. + + Et m'a le dict sieur évesque mandé davantaige que creinct que les + seigneurs escossois, partisans de sa Mestresse, commençant de + n'espérer guières nul secours de France, condescendront à telles + condicions de tretté qu'on leur vouldra imposer; et que quelques + ungs sont desjà après à s'acommoder à l'authorité du comte de + Lenoz; ny l'arrivée du Sr de Vayrac ne les a peu tant confirmer + qu'ilz veuillent demeurer davantaige en doubte, ny mettre plus en + hazard leurs vies et leurs biens. + + Tant y a que le lair de Granges, cappitaine de Lislebourg, a + mandé que, s'il playt au Roy fère descendre mille harquebuziers + seulement ez quartiers, du Nord d'Escoce, qu'il rechassera le + dict de Lenoz et les Anglois plus loing que Barvich, et réduyra + la ville de Lislebourg à l'obéissance de la Royne sa Mestresse, + et qu'il ne sera plus parlé que de l'alliance de France en tout + le royaulme d'Escoce. + + + + +CXLe DÉPESCHE + +--du XVIIe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyée exprès par ung des miens, jusques à Calais._) + + Communication officielle des articles proposés à Marie + Stuart.--Nécessité de remontrer à la reine d'Angleterre qu'elle + ne peut enlever à la France l'alliance de l'Écosse. + + + AU ROY. + +Sire, vous ayant escript, du jour de hier, assés amplement toutes +choses de deçà, ceste cy n'est que pour dire à Vostre Majesté comme, +ce matin, Mr l'évesque de Roz m'a envoyé, en grand dilligence, les +articles[15] que les depputez de la Royne d'Angleterre ont baillez à +la Royne d'Escoce, sa Mestresse, me priant de lui envoyer, tout +incontinent, le messagier avec ma responce et mon adviz là dessus; et +que je veuille considérer que le moindre dilay ou empeschement, qui +puysse intervenir en cest affère, est ung extrême détriment à sa dicte +Mestresse; mais qu'il mettra peyne d'entretenir la matière en suspens, +jusques à ce que ma response arrive, et qu'il est tout certain, si +l'on fault ceste foys de conclurre quelque chose, que la dicte Dame et +ses affères, et ceulx de son royaulme, demeurent déplorez et hors de +tout remède pour jamais. Sur quoy, Sire, j'ay esté en grand peyne, car +le faict me semble d'un costé si important, que je ne me doibz ingérer +de rien dellibérer ny respondre sur icelluy, sans exprès commandement +de Vostre Majesté, et, de l'autre, je voys ceste pouvre princesse en +si dangereux estast, que le moindre retardement peult admener une +extrême ruyne sur elle et sur son royaulme; dont, en telle extrémité, +j'ay prins expédiant de respondre premièrement au dict sieur évesque, +en la meilleur façon que j'ay peu, sellon le peu de loysir qu'il m'a +donné d'y penser, et d'envoyer tout aussitost à Vostre Majesté les +dicts articles et ma dicte responce, affin qu'il vous playse, en +mesmes dilligence, me remander vostre bon commandement; lequel je +mettray peyne, aultant qu'il me sera possible, d'exactement accomplyr; +et j'espère qu'on ne s'opiniastrera du tout à toutes les conditions +des dicts articles, ayant desjà faict office, là où j'ay cogneu en +estre besoing, pour les fère modérer; et je sçay que ce que Voz +Majestez en ont fermement et vertueusement mandé, par le Sr de +Valsingan, à ceste Royne, en fera bien rabattre quelque chose. Tant y +a que Vostre Majesté verra s'il seroit bon que, faisant appeller +l'ambassadeur d'Angleterre en sa présence, et luy monstrant d'estre +bien ayse de la continuation du tretté, vous lui faysiez tout +clairement entendre que vous ne pourriez tout ensemble meintenir +l'amytié avecques la Royne, sa Mestresse, et veoir qu'elle s'esforçât +de vous soubstraire l'alliance d'Escoce; et que, de tant que vous avez +entendu que ceulx, qui dressent le tretté, y aspirent, que vous l'avez +bien vollu exorter d'advertyr sa Mestresse qu'elle se veuille déporter +d'entreprendre une telle offance contre vous; laquelle vous ne +pourriez comporter, attandu mesmement que vous n'avez désiré ny +procuré que tout bon accord entre elle et la Royne d'Escoce, et bonne +paix entre leurs deux royaumes, pourvu que ce ne soit au préjudice de +vostre dicte alliance. Sur ce, etc. + + Ce XVIIe jour d'octobre 1570. + + [15] Ces articles, ainsi que les réponses de Marie Stuart, n'ont + pas été transcrits sur les registres de l'ambassadeur; mais ils + sont textuellement rapportés par les historiens, et notamment par + Camden at Rapin Thoiras. + + + + +CXLIe DÉPESCHE + +--du XXVe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._) + + Audience.--Assurances réciproques d'amitié.--Consolidation de la + paix en France.--Plainte du roi contre la dernière invasion du + comte de Sussex en Écosse.--Vive insistance de l'ambassadeur + pour qu'il soit procédé à la restitution de Marie Stuart, sous + des conditions honorables pour la France.--Plaintes + d'Élisabeth contre la reine d'Écosse.--Instance de + l'ambassadeur afin qu'une résolution définitive soit prise sans + retard.--Protestation d'Élisabeth qu'elle ne veut plus retenir + Marie Stuart en Angleterre. + + + AU ROY. + +Sire, je n'ay receu jusques au XVIIIe du présent, la dépesche de +Vostre Majesté, du XXVIe du passé, car le Sr de Vassal, qui me +l'aportoit, oultre la première tourmente, que je vous ay mandé qu'il +avoit soufferte, il a, par trois fois, despuys, s'esforceant de passer +de deçà, toutjour esté rejetté en la coste de dellà, et a esté si +travaillé de la mer, que d'une fiebvre quarte, qu'il avoit auparavant, +il est tumbé en une continue, qui l'a contrainct de demeurer du tout à +Callais, d'où il m'a envoyé le pacquet; sur lequel, Sire, ayant veu, +le XXe de ce moys, la Royne d'Angleterre, j'ay estimé luy debvoir fère +entendre le retardement d'icelluy, et comme beaucoup plustost qu'à +ceste heure, vous m'avez commandé que je l'allasse trouver, affin de +luy randre, de vostre part, le plus exprès et le plus grand mercys, +qu'il me seroit possible, pour la tant prompte et ouverte +conjouyssance, qu'elle avoit usé vers vous sur la paix de vostre +royaulme; et qu'ayant prévenu en cella toutz les aultres princes, +voz alliez, vous demeuriez très fermement persuadé que, plus +que toutz eulx, elle vous avoit véritablement desiré ce bien, et +l'establissement de voz affères; dont la priez de regarder en quoy +elle se vouldroit meintennant prévaloir de vous et de vostre présente +paix; car vous métriez peyne de la luy randre aultant utille, comme +elle avoit monstré de l'avoir toutjour très agréable; et que me +commandiez, au reste, de n'obmettre rien qui peult servir à luy fère +bien cognoistre vostre bonne affection et celle de la Royne, vostre +mère, en cest endroict; mais que je n'entreprendrois de luy en dire +davantaige, parce que Voz Majestez s'estoient mieulx sceu explicquer, +par leur propre parolle, au Sr de Valsingan, que je ne le sçaurois +fère sur vostre lettre: et comme il avoit dignement représanté +l'intention d'elle à Voz Majestez par dellà, qu'ainsy espérois je que, +à son retour, il se seroit très bien acquité de luy fère bien entendre +les vostres, et toutz les bons propos que luy avez tenuz de la +parfaicte amytié, en laquelle dellibériez persévérer avec elle et son +royaume. Et suyviz, Sire, à luy toucher quelques motz du bon et +asseuré establissement, que prènent les choses de la paix en vostre +royaulme, affin qu'elle ne donnast foy à certaine lettre, que je +sçavois qu'on luy avoit monstrée de quelcun de vostre court, qui a +escript à ung seigneur de ce royaulme, en langaige françois et lettre +françoyse fort proprement, sans toutesfoys se soubsigner, sinon par +parrafe, qu'il voyoit que les troubles alloient recommancer plus fort +que devant, en vostre royaulme, à cause de plusieurs désordres et +viollances qu'on fesoit à ceulx de la religion; et que Messieurs les +Princes avoient envoyé fère des remonstrances là dessus à Vostre +Majesté, qui leur aviez rendu de fort bonnes responces; et aviez +soubdain dépesché lettres pour y pourvoir, mais l'on n'y avoit vollu +obéyr; dont ilz avoient renvoyé vous en fère nouvelle pleinte; et +vous aviez de rechef escript que justice en fût dilligemment faicte, +mais que l'on avoit contempné et mesprisé vos lettres, ce qui leur +faisoit penser qu'il y avoit quelque très dangereuse entreprinse +couverte contre ceulx de la dicte religion; dont les dicts Princes +s'estoient retirez mal contans à la Rochelle, non sans avoir desjà +adverty leurs amys en Allemaigne. De laquelle nouvelle l'on me vouloit +bien asseurer que la dicte Dame et ceulx de son conseil seroient pour +changer beaucoup de leurs premières dellibérations, mesmement en +l'endroict de la Royne d'Escoce, si je ne mettois peyne de luy +persuader le contraire. + +Ce qui m'a faict estendre plus avant le propos, lequel seroit long à +mettre icy; mais elle a monstré de l'avoir bien fort agréable, et m'a +respondu que le dict sieur de Valsingan avoit trouvé les parolles, +dont Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, luy avoient usé sur la +conjoyssance de la paix, si pleynes d'honneur et si dignes, qu'il +n'avoit osé entreprendre de plus particullièrement les luy exprimer +que de l'asseurer que de plus dignes n'en pouvoient estre proférées de +nulz princes de la terre; et que, sur ce que je luy en disoys +meintennant, elle remercyoit infinyement Voz Majestez d'avoir vollu +ainsy pénétrer en son cueur, pour y bien cognoistre l'affection, +qu'elle a, trop plus certaine et vraye, que nul de toutz vos allyez, à +la dicte paix de vostre royaulme; et que, tout ainsy qu'elle a cy +devant prié Dieu de la vous donner, que ainsy, à ceste heure, que vous +l'avez, elle le prie de la vous conserver si entière que nulz plus +obéyssantz ny plus fidelles subjectz à leur prince que les vostres, ny +nul meilleur prince que Vostre Majesté à eulx, se puyssent trouver en +tout le monde. + +Et a poursuyvy aulcunes particullaritez qui sembloient bien extraictes +de la susdicte lettre; mais je y ay respondu en façon qu'elle m'a +semblé demeurer bien édiffiée des choses de vostre royaume; et puys +j'ay adjouxté que le Sr de Valsingan, à mon adviz, n'avoit failly de +luy dire ce que Vostre Majesté me commandoit de luy représanter +encores une foys, c'est que vous aviez esté bien fort escandalisé du +dernier exploict du comte de Sussex en Escoce, et que une seule chose +vous avoit contanté, que ses deux ambassadeurs, et moy pareillement +par mes lettres, vous avions asseuré que cella estoit advenu sans son +sceu et sans son commandement; en quoy vous la vouliez donc très +expressément prier de fère quelque réparation ou démonstration là +dessus, par où les Escouçoys peussent cognoistre que son intention, +aussi bien que la vostre, avoit esté d'abstenir de toute voye +d'hostillité, et de remettre toutz leurs différans à ung bon tretté +d'accord, ainsy que, sur la parolle d'elle, vous les en aviez +asseurez, et aviez différé de leur bailler vostre secours; et qu'au +reste vous aviez heu ung singulier playsir d'entendre qu'elle eust +envoyé ses depputez devers la Royne d'Escoce pour commancer de +procéder au tretté; et que Vous, Sire, et la Royne, chacun séparément, +en voz lettres, me commandiez de la prier et conjurer, au nom de +l'amytié, que luy portez, qu'elle vous fît meintennant cognoistre +combien elle vouloit satisfère aulx choses, qu'elle vous a faictes +espérer, et que assés souvant elle vous a promises, pour la liberté et +restitution de la Royne d'Escoce, et de tourner son cueur à ne vous +vouloir ny offancer ny mescontanter en cella, ains correspondre à ce +que, pour le seul respect de son amytié, et non d'aultre chose, vous +desiriez qu'on ne vînt aulx viollantz remèdes, dont l'on vous +recherchoit très instantment d'y user; et que plusieurs raysons, +lesquelles vous luy aviez desjà faictes entendre, pressoient vostre +honneur et vostre debvoir, et l'honneur de vostre couronne, de +n'abandonner, en façon du monde, ny la liberté, ny la restitution de +ceste pouvre princesse, vostre belle soeur, ny mesmes les affères de +ceulx qui soubstiennent son party en Escoce, quant bien elle n'y +seroit plus, et de n'y espargner nul moyen, ny pouvoir, que Dieu vous +ayt donné en ce monde; dont desiriez infinyement que le dict tretté +sortît à effect, et que, par icelluy, elle demeurast contante et bien +satisfaicte de tout ce qu'elle pouvoit honnestement et honnorablement +demander à la Royne d'Escoce, pourveu que ce ne fût contre sa +consience, ny contre sa dignité, ny contre son estat, ny au préjudice +des trettez, que vous avez avec l'Angleterre, ny derrogeant à vostre +alliance avec les Escouçoys; car, au reste, vous vouliez, de bon +cueur, estre garant de toutes les choses qui seroient promises et +accordées par le tretté. + +Auquel propos, qui a esté avec attention, mais non sans passion, fort +dilligemment escouté de la dicte Dame, elle m'a respondu qu'elle +s'esbahyssoit grandement, comme Voz Majestez Très Chrestiennes avez +tant à cueur la Royne d'Escoce, que ne vollussiez avoir aulcune +considération aulx grandes offances, qu'elle luy a faictes: +premièrement, de luy inpugner sa condicion pour la fère déclairer +illégitime; puys de s'estre attribuée le titre de son royaulme; et +finallement, d'avoir esmeu ses propres subjectz contre elle; et que ce +eust bien esté assés à Voz Majestez de l'avoir faict admonester une +foys d'y procéder, sellon que l'honneur et debvoir l'y pouvoit +convyer, sans luy en fère si souvant répéter les instances, comme, à +toutes les audiences, je ne faillois de les luy renouveller; et que, +puysque j'en avois esmeu le propos, elle me vouloit bien dire que ung +pacquet d'une dame d'Escosse luy estoit, despuys deux jours, tumbé +entre mains, dedans lequel elle avoit trouvé une enseigne d'or, en +laquelle estoit engravé ung lyon avec les armes d'Escoce, soubstenuz +de deux cornes, et ung liépart avec les armes d'Angleterre, lequel le +lyon dessiroit, et ung mot en Anglois qui dict: _ainsy abattra le Lyon +Escouçoys le Liépart Anglois_; et puys une lettre d'une dame, qui se +soubsigne _Flemy_, laquelle mande à milord de Leviston, de présenter +la dicte enseigne à la Royne d'Escoce, sa bonne Mestresse, laquelle en +entendra bien la signiffication, qui est celle propre qu'elles ont +souvant devisée et desirée entre elles; et que cella, avec plusieurs +aultres occasions, la randoient de plus en plus offancée contre la +dicte Dame. + +A quoy j'ay répliqué que, si elle considéroit en quelle bonne sorte et +modeste façon vous l'aviez toutjour faicte requérir sur les affaires +de la dicte Royne d'Escoce, elle se réputeroit vous en avoir de +l'obligation, et non qu'elle s'en tînt mal contante, comme j'espérois +que le temps le luy feroit quelquefoys cognoistre; et que, si elle y +eust vollu entendre la première foys, nous en fussions à ceste heure +aulx mercyemens, et non plus aulx tant répétées instances; et qu'au +reste je ne faysois doubte que plusieurs en Angleterre, et plusieurs +en Escoce, ne cerchassent, par le moyen d'elle, de ruyner la Royne +d'Escoce, et plusieurs aussi, par la Royne d'Escoce, de la ruyner à +elle, s'ilz pouvoient; mais qu'elles feroient bien de s'accorder +ensemble à la propre ruyne d'eulx, et à leur confusion; et que +c'estoit à elle de cercher meintennant ou sa vengeance, ou sa +seureté, en cest affère; et si c'estoit sa vengeance, qu'elle +considérât les dangereuses conséquences qui en pouvoient advenir, et +combien elle s'aquerroit par là l'indignation de toutz les aultres +princes, et la hayne généralle des habitans de ceste isle et de +presque toute la Chrestienté; si, sa seureté, que Vostre Majesté +concourroit à la luy fère trouver telle, comme elle la pourroit +désirer. + +A quoy la dicte Dame, avec affection, m'a prié de vous escripre que, +pour l'honneur de Vostre Majesté, et non pour aultre respect du monde, +elle a commancé d'envoyer ses depputez, et de procéder, envers la +Royne d'Escoce, en une façon que nul aultre prince, ny princesse +offancée comme elle, ne l'eust jamais faict, et qu'elle se contraindra +à toutes les conditions, qu'il luy sera possible, pour remettre la +dicte Dame, par la voye du tretté, le plus honnorablement qu'elle +pourra, en son royaulme; et, quant elle ne le pourra en ceste façon, +qu'encor vous donne elle parolle de la renvoyer, commant que soit, à +ceulx qui tiennent son party en son pays, car ne la veult plus retenir +en son royaulme; et que, par ainsy, elle espère vous satisfère si bien +que vous n'aurez plus occasion de vous quereller de ce faict, ny de +luy en fère plus parler. Qui sont, Sire, les principaulx poinctz qui +ont esté desduictz en ceste audience. Sur ce, etc. Ce XXVe jour +d'octobre 1570. + + + + +CXLIIe DÉPESCHE + +--du XXXe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Estienne, le postillon._) + + Négociation concernant Marie Stuart.--Nouvelles d'Écosse.--Avis + que le duc d'Albe demande à quitter le gouvernement des + Pays-Bas.--Affaires d'Allemagne.--Ligue contre les Turcs. + + + AU ROY. + +Sire, le retour des depputez de la Royne d'Angleterre ne nous faict +que bien espérer du tretté, qu'ilz ont encommancé avec la Royne +d'Escoce, de laquelle, et des responces qu'elle leur a faictes, semble +qu'ilz ayent miz peyne d'en fère prendre beaucoup de contantement à +leur Mestresse, et qu'enfin le tretté se conclurra; lequel se fût +desjà advancé de dresser, avant la venue des depputez d'Escoce, si la +malladie de milord Quiper ne fût survenue, laquelle est cause qu'on +s'est résolu d'attandre qu'ilz soient arrivez; et que cependant +icelluy Quiper pourra estre guéry. Je mettray peyne, Sire, d'entendre +par Mr de Roz, aussitost qu'il sera de retour en ce lieu, les +susdictes responces de la Royne d'Escose, affin de les vous mander; et +vous manderay, par mesmes moyen, ce que j'auray aprins d'une dépesche, +qui vient d'arriver du comte de Lenoz, laquelle aulcuns présument +estre pour certaine surcéance d'armes, qui doibt estre accordée pour +deux mois en Escoce. Et j'entens que le gentilhomme, qui l'a apportée, +dict que le duc de Chastellerault, et ceulx du party de la Royne +d'Escoce, s'opiniastrent de vouloir tenir une assemblée, sur le faict +de l'estat du pays, nonobstant la dépesche de leurs depputez par +decà; et que le Sr de Flemy est sorty en armes de Dombertran pour se +saysir des lieux plus prochains de sa place, affin d'y dresser des +logis et estables, comme pour y recepvoir la gent et cavallerie qu'il +attand bientost de France; laquelle persuasion, avec le raport que le +cappitaine Comberon faict de la ferme affection, en quoy il a trouvé +Voz Majestez vers les choses d'Escoce, pourront aulcunement servyr à +l'advancement du dict tretté. + +Et y eust pareillement servy assés le doubte, auquel la Royne +d'Angleterre demeuroit du retour de l'armée, qui est allé conduyre la +Royne d'Espaigne, si elle n'eust receu ung adviz, (qui est assés +semblable à ung aultre, que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, en +a, bien qu'il dict ne le tenir du duc d'Alve), que la dicte armée est +réservée pour ramener en Flandres la princesse de Portugal, affin d'y +estre régente, et le duc de Medina Celi, qu'elle admeyne pour y estre +cappitaine général et superintendant des affères soubz elle; et +qu'avec la mesmes armée le dict duc s'en retournera, puis après, en +Espaigne, et que, despuys l'embarquement de sa Mestresse, icelluy duc +a encores dépesché ung des siens, en dilligence, devers le Roy son +Maistre, pour fère, en toutes sortes, résouldre son congé,[16] +remonstrant son eage et son indisposition; et qu'il a remiz le pays en +ung si bon et si paysible estat, et si hors de toute souspeçon de +guerre, qu'on ne doibt plus rien craindre de ce costé, ayant faict +exécuter les principaulx chefz de la cédition, et ruyné si bien toutz +les moyens et la réputation du prince d'Orange, qu'il n'ose plus +sortyr de Nausau; qu'il a miz ung si bon nombre des principaulx +princes d'Allemaigne en la pencion de son Maistre, que les aultres ne +luy pourront nuyre; qu'il a accreu ses revenuz de Flandres de douze +centz mil escuz par an; qu'il a aschevé la forteresse d'Envers; +ordonné celle de Vallenciennes; estably les évesques; confirmé la +noblesse; réduict les loix, coustumes et ordonnances; et si bien +pourveu à toutes choses au dict pays, qu'il ne reste qu'à y entretenir +le bon ordre qu'il y layssera; et que mesmes il a acheminé en si bonne +façon ce qu'il avoit à démesler avecques les Anglois, qu'on vit en une +doulce surcéance avec eulx, avec grande espérance d'un fort prochain +et entier accord. Lequel adviz semble que la dicte Dame tienne pour +assés véritable, et quoy que ce soit, elle a fait ramener en leur +arcenal accoustumé de Gelingan les dix navyres qu'elle avoit envoyez +convoyer la Royne d'Espaigne, et a faict licencier les gens et +mariniers qui estoient dessus, et faict cesser toutz ses aultres +aprestz et apareilz de mer. + + [16] Le duc d'Albe avait été investi du gouvernement des Pays-Bas + en 1566. Le projet dont il est ici mention ne fut pas exécuté; il + fut maintenu dans sa charge jusqu'à la fin de 1573, époque à + laquelle il céda le gouvernement à don Louis de Requessens, + commandeur de Castille, après avoir publié une amnistie générale, + au mois de décembre de cette année. + +Le sire Henry Coban escript d'Espire qu'il sera respondu sur les +choses qu'il a proposées à l'Empereur, incontinent après que les +nopces de la princesse Élizabeth seront faictes, et j'entans que, à la +vérité, il a renouvellé le propos du mariage de l'archiduc Charles, +mais l'on ne l'a suyvy ainsy chauldement qu'il espéroit. D'aultres +lettres sont venues d'Allemaigne, qui font mencion de certein +différant, qui cuyda arriver à Heldelberc, devant l'Empereur, entre +Jehan Georges Pallatin et Jehan Guilhaume de Saxe, sur leur +précédance, à qui seroit premier assiz au festin, de sorte qu'ilz +furent prestz de mettre la main aulx armes; mais l'Empereur assembla +soubdein les principaulx, qui estoient près de luy, et prononcea pour +le dict Georges, remonstrant si bien la rayson à l'aultre, que la +chose se passa gracieusement; et que le comte Pallatin avoit +instamment prié l'impératrix et la princesse sa fille, qu'elles +vollussent accompaigner l'Empereur en sa mayson de Heldelberc; mais la +dicte Dame s'en estoit excusée en une façon si résolue de n'y vouloir +aulcunement aller, que le dict Pallatin en estoit demeuré assés mal +contant; que l'Empereur avoit une grande affection d'entrer en la +ligue contre le Turc, et qu'il estoit après à persuader le Vayvaulde +de renoncer à l'alliance et à la souverayneté d'icelluy, et de luy +deffandre l'entrée de la Transilvanie, luy promettant, s'il perdoit, +pour ceste occasion, rien de son estat qu'il le récompenseroit en +Bohesme; et qu'on avoit opinion, s'il pouvoit conduyre le dict +Vayvaulde à cella, que les Estats de l'Empyre luy consentiroient +vollontiers d'entrer en la dicte ligue, et s'obligeraient à luy +bailler deniers et secours pour icelle, bien qu'on souspeçonnoit assés +que, n'ayantz les Vénitiens esté secouruz à propos de ceulx de la +susdicte ligue, ils cercheront d'accommoder leurs affères et de +procurer en toutes sortes par deniers, ou bien en accordant quelque +tribut sur Chipre, de fère paix avec le dict Turc; au moyen de quoy +ceste ligue demeureroit, puys après, assés froide, et bien fort +foible. Sur ce, etc. Ce XXXe jour d'octobre 1570. + + + + +CXLIIIe DÉPESCHE + +--du IXe jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyée à la court par Mr le secrétaire de L'Aubespine._) + + Audience.--Vives plaintes de la reine contre la réception faite + par le roi à Mr de Norris, son ambassadeur, et contre la + déclaration du roi en faveur de la reine d'Écosse.--Nécessité + où se trouve le roi de réclamer la liberté de Marie + Stuart.--Protestation qu'il ne veut pas rompre la + paix.--Communication officielle du mariage du roi.--Compliment + de la reine sur cette union.--_Lettre secrète à la reine-mère_ + sur la proposition du mariage de la reine d'Angleterre avec le + duc d'Anjou.--_Mémoire._ Bruits répandus en Angleterre et en + Allemagne que la pacification de France n'est point sérieuse, + et qu'elle cache quelque secret dessein du roi.--Détails + particuliers concernant la négociation avec la reine + d'Écosse.--Rapprochement entre l'Angleterre et + l'Espagne.--Plainte de Walsingham au sujet de l'accueil que lui + a fait le roi dans son audience de congé. + + + AU ROY. + +Sire, estant, sabmedy dernier, avec la Royne d'Angleterre pour luy +fère part de la dépesche, que Mr de L'Aubespine m'a apportée, et des +aultres choses qu'il m'a sagement faictes entendre de l'intention de +Vostre Majesté, j'avois advisé de luy commancer quelque gracieulx +propos de vostre mariage, ainsy qu'on m'avoit adverty que je me +gardasse bien de luy user d'aulcune rigoureuse démonstration, si je ne +voulois donner aulx ennemys de la Royne d'Escoce l'entier gain de leur +cause, et advancer grandement les affères d'Espaigne, pour d'aultaut +deffavoriser toutz ceulx de France en son endroict; et que c'estoit à +l'occasion de certaine deffaveur, que son ambassadeur luy avoit mandé +qu'il avoit naguières receu de Vostre Majesté, meslée de quelque +menace contre elle mesmes, sur les affères de la Royne d'Escoce, de +quoy elle estoit fort offancée; et que noz ennemys s'esforceroient d'y +semer encores du verre, pour randre la playe incurable; par ainsy, +qu'il estoit besoing que je radoulcisse le faict. + +Mais la dicte Dame me prévint, car aussitost que j'entray en sa +chambre privée, elle s'advança de me dire qu'elle me recepvoit mieulx +que son ambassadeur ne l'avoit esté en sa dernière audience en France, +me remonstrant la façon dont Vostre Majesté avoit parlé à luy; de +laquelle disoit estre de tant plus marrye que deux aultres +gentishommes anglois, qui n'avoient jamais plus veu vostre court, luy +avoient raporté, premier que son ambassadeur luy en eust rien escript, +qu'elle ny ses messagiers n'estoient guières prisez ny respectez en +France. + +Sur quoy l'ayant escoutée paciemment, je luy respondiz que je n'avois +rien entendu de cest affère, et que je sçavois, et estois bon +tesmoing, que Vostre Majesté avoit toutjours bien receu, avecques +beaucoup d'honneur et faveur, ses ambassadeurs, et toutz les propos +qu'ilz vous avoient toutjours tenuz de sa part, aultant que de nul +aultre prince ny princesse de la terre; ce qui me faisoit croyre que +l'ocasion n'estoit meintennant procédée de Vostre Majesté; et j'en +comprenois quelque chose parce qu'elle-mesmes disoit que vous aviez la +botte, quant son ambassadeur arriva, et que vous luy aviez demandé +comme est ce qu'il venoit à telle heure; et qu'au reste, elle debvoit +interpréter à bien la franchise de vostre parler sur les affères de la +Royne d'Escoce; mesmes que s'estant la dicte négociation continuée +despuys par lettres, vous m'aviez envoyé la coppie de celle, que vous +aviez escripte à son ambassadeur; laquelle je trouvois fort +honnorable, et bien conforme à tout ce qui pouvoit convenir à +l'entretennement de vostre commune amytié. + +Elle me répliqua qu'elle ne sçavoit que penser de la dicte réponse par +escript, et s'esbahyssoit assés comme Vostre Majesté y avoit vollu +adjouxter de sa main, me priant de la luy monstrer, si je l'avois +présente, affin que la débatissions ensemble, dont la luy ayant +monstrée, elle me dict, par deux foys, qu'elle n'estoit semblable à +celle qu'elle avoit desjà veue; et que néantmoins elle trouvoit en +ceste cy cella bien dur, que vous disiez vouloir secourir la Royne +d'Escoce en ceste sienne nécessité, et procurer sa liberté par toutz +les moyens que Dieu avoit miz en vostre puyssance; et qu'estant la +dicte Royne d'Escoce entre ses mains, vous infériez par là que si elle +ne la restituoit par le tretté, que vous luy dénonciez desjà la +guerre. + +Sur quoy je luy desduysis les raysons, par lesquelles Vostre Majesté +ne pouvoit moins dire que cella, ny moins fère que ce que vous en +disiez; et quant elle vouldroit, d'un coeur non ulcéré, considérer +l'estat de cest affère, que non seulement elle ne se tiendroit pour +offancée, ains cognoistroit vous avoir beaucoup d'obligation de +l'honneste et modeste façon, dont vous y aviez procédé; et que, +nonobstant les lettres de son dict ambassadeur, suyvant les +honnorables propos et honnestes démonstrations de contantement, dont +elle vous avoit usé touchant vostre mariage, lorsque luy en aviez +premièrement escript l'accord, vous me commandiez de luy dire en quoy +en estoient meintennant les choses; qui espériez que son playsir +augmenteroit de sçavoir qu'elles fussent ainsy bien advancées qu'elles +estoient, et prestes de recepvoir ung bien prochain et bien heureulx +accomplissement; et luy particularisay le voyage de Mr le comte de +Retz à Espire, affin d'apporter les pouvoirs à l'archiduc Ferdinand, +pour espouser, au nom de Vostre Majesté, la princesse Élizabeth sa +niepce, et comme la cérémonye s'en debvoit célébrer, le XVe du passé, +par l'archevesque de Mayance, et puys s'acheminer la dicte Dame, le +XXIIIIe du dict moys, grandement accompaignée, en France; et que +Monseigneur, frère de Vostre Majesté, et Madame de Lorrayne, vostre +soeur, estoient desjà vers la frontière pour la recepvoir et pour la +mener fère sa première entrée à Mézières, où toute sa mayson luy +seroit présentée, et de là à Compiegne, auquel lieu Voz Majestez +préparoient desjà ce qui convenoit à un si solempnel et si royal +mariage, pour le XVe du présent; et puys l'on conduyroit la dicte Dame +à St Deniz pour la sacrer et couronner Royne de France; et se parloit +de l'entrée à Paris au premier jour de l'an, quant messieurs les +mareschaulx et aultres principaulx seigneurs, qu'aviez envoyez, pour +establir, sans dilay ny excuse, vostre éedict par toutes les provinces +de vostre royaume, pourroient estre de retour; et que, comme Vostre +Majesté et la dicte Royne d'Angleterre aviez accoustumé d'agréer, +l'ung à l'aultre, la communication de voz bonnes fortunes et +prospéritez, que vous luy aviez bien vollu fère part de ceste cy, pour +l'asseurer que ceste vostre nouvelle alliance n'estoit pour diminuer, +ains pour fortiffier et augmenter davantaige celle que vous avez, et +en laquelle vous voulez bien persévérer, avec elle; et que je croyois +que vous seriez bien ayse d'entendre qu'elle fust en ces mesmes +termes, où à présent vous trouviez, fort allègre et bien disposé, +affin que mutuellement vous vous peussiez conjoyr de son contantement, +comme vous vous asseuriez qu'elle se resjouyssoit bien fort du vostre. + +La dicte Dame, avec abondance de playsir, me respondit que cest +agréable propos effaçoit beaucoup la dolleur qu'elle avoit pris de +l'aultre, et qu'elle vous randoit le plus exprès grand mercys qu'elle +pouvoit de la communication, qu'il vous playsoit luy fère, de chose si +privée, et apartenant de si près à vostre personne, comme est vostre +mariage; et qu'elle n'avoit pas pensé que les choses fussent si près +de leur accomplissement, car eust préparé d'y envoyer de ses +gentishommes pour y assister; et qu'il semble qu'encor que les +espousailles du Roy d'Espaigne ayent précédé, que néantmoins voz +nopces seront plustost consommées, et qu'elle vouldroit de bon cueur +pouvoir estre à la feste; car monstreroit à tout le monde qu'elle se +resjouyt plus véritablement de vostre prospérité et contantement, +qu'il ne luy est possible de l'exprimer par parolle; que, touchant le +premier propos concernant son ambassadeur, elle me prioit de vous en +mander le mal qu'elle en avoit sur le cueur, et qu'elle espéroit que +vous luy en donriez quelque satisfaction, qui la guériroyt, et luy +osteroit tout l'empeschement, qu'elle avoit, de ne se pouvoir tant +resjouyr de ce segond propos du mariage comme elle desireroit de le +fère; que, touchant le dict segond propos, elle vouloit prier Dieu de +bényre l'espoux, et l'espousée, et les nopces, avec toute la postérité +qui en viendroit, laquelle se pourroit dire estre de la plus royalle +et noble extraction de la terre; et que, touchant la Royne d'Escoce, +qu'elle avoit trouvé les responces, qu'elle avoit faictes à ses +depputez, fort honorables, dont n'estoient guières loing d'accord +entre elles; et que les depputez d'Escoce seroient bientost icy, pour +y procéder du premier jour, comme il luy tardoit, plus qu'à nul aultre +de ce monde, que cella prînt bientost une bonne fin; et, au regard de +ce que je luy avois touché de la pleincte de ceulx de Roan, qu'elle y +feroit dilligemment regarder par ceulx de son conseil, affin de vous +donner, en l'endroict de ceulx là, occasion de fère bien tretter toutz +ses subjectz en France, comme elle désire qu'ilz y continuent leur +traffic. + +Et y a heu plusieurs aultres privez discours entre la dicte Dame et +moy; lesquelz je remetz, avec plusieurs aultres choses, à Mr de +L'Aubespine pour les vous fère entendre, de la mesmes suffizance, +qu'il m'a très dignement raporté celles que Vostre Majesté luy avoit +donné charge de me dire, et vous présentera les recommendations de la +Royne d'Angleterre, comme elle l'a enchargé de ce fère. Sur ce, etc. +Ce IXe jour de novembre 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, il est venu fort à propos, par l'arrivée de Mr de L'Aubespine, +que j'aye heu à parler à la Royne d'Angleterre du contenu de la +dépesche, qu'il m'a apportée, de Voz Majestez, du XIXe du passé; +suyvant laquelle j'ay adoulcy, par les gracieulx propos du mariage du +Roy, le mieulx que j'ay peu, le courroux, que la dicte Dame avoit, du +malcontantement, que son ambassadeur, Mr Norrys, luy avoit mandé qu'on +luy avoit naguières donné en France, ainsy que, plus au long, je +l'escriptz en la lettre du Roy, vous supliant très humblement, Madame, +que, la première foys que Voz Majestez verront le dict ambassadeur, +elles luy veuillent dire quelque bonne parolle de faveur, et me +commander, par vos premières, d'en dire quelque aultre de satisfaction +icy à la dicte Dame; car, avec bien peu, j'espère que tout cella se +rabillera. Elle a suyvy avecques playsir et a faict longuement durer +le propos, que je luy ay commancé, du dict mariage du Roy, et est +venue à parler du sien: qu'elle n'avoit faict bien de ne se maryer +poinct, mais qu'elle estoit desjà si vieille que nul, de ceulx qui y +pourroient prétandre, n'en avoit plus de volonté, et qu'elle n'avoit +jamais pensé d'en espouser, qui ne fût de mayson royalle; que +l'Empereur avoit bien employé son voyage d'avoir logé ses deux filles +aulx deux plus grandz Roys; et qu'elle avoit esté bien ayse de pouvoir +honorer celle qui estoit allée en Hespaigne, pour l'amour du père, qui +la luy avoit recommandée, et l'avoit priée de favoriser et asseurer +son passaige; et que, ayant sceu comme elle estoit arrivée, à +saulvement, en Espaigne, elle avoit soubdain dépesché ung homme exprès +à Espire pour l'en advertyr; qu'elle s'asseuroit que, là où l'Empereur +establyroit son alliance, qu'il procureroit d'y confirmer aussi celle +d'Angleterre. + +Ausquelles choses je luy ay respondu que Voz Majestez recepvroient +grand contantement des honnorables propos, qu'elle tenoit du mariage +du Roy, et loueroient fort sa prudente dellibération d'avoir réservé +franche sa vollonté pour se maryer, quant il luy plairoit, et que +mesmes ce soit avec un royal prince; que, à la vérité, elle avoit +favorisé et honnoré grandement le passaige de la Royne d'Espaigne, de +laquelle j'entendois qu'elle se contantoit bien fort, par les bonnes +parolles et honnestes lettres, que sire Charles Havart luy en avoit +raporté; et que j'espérois qu'elle recepvroit encore plus de +contantement de la Royne, sa soeur, et se termina pour lors le propos, +et toute l'audience, avec beaucoup de plésir et contantement de la +dicte Dame; laquelle, demeurant en quelque craincte de la déterminée +résolution en quoy elle voyt que Voz Majestez Très Chrestiennes, pour +leur honneur, persévèrent de vouloir secourir la Royne d'Escoce, et +néantmoins que vous avez désir de conserver son amytié, et ne +l'offancer, elle se monstre plus disposée de parachever le tretté; +lequel nous poursuyvrons, avec la plus continuelle instance, qu'il +nous sera possible, comme la Royne d'Escoce, de son costé, ne pert en +cella heure, ny moment. Sur ce, etc. + + Ce IXe jour de novembre 1570. + + + A LA ROYNE. + + (_Aultre lettre à part._) + +Madame, quant Vostre Majesté me dépescha, présent le Roy et +Monseigneur, voz enfans, pour venir en ceste charge, elle me +descouvrit ce mesmes désir, dont, à présent, il luy playt me fère +mencion par sa petite lettre du XXe du passé[17]; et je vous suplie +très humblement, Madame, de croyre que j'ay toutjour, despuys, fort +soigneusement regardé s'il y auroit nul moyen de l'effectuer, sans que +j'ay esté ny endormy, ny paresseux, de pénétrer, aultant qu'il m'a +esté possible, ez affères de deçà et en l'intention de ceux qui les +manyent, par des voyes toutesfoys bien esloignées du dict propos, pour +voir s'il y auroit rien qui s'y peult bien raporter et accomoder. En +quoy, si j'eusse trouvé quelque fondement, je n'eusse différé une +seule heure de le vous mander, ny en eusse perdu une aultre à le bien +et dilligemment poursuyvre. Mais, Madame, voycy en quoy, pour quel +regard que ce soit, en sont meintennant les choses: que la Royne +d'Angleterre, quoy qu'elle ayt donné charge au jeune Coban de +renouveller, par motz couverts et artificieulx, le propos du mariage +de l'archiduc; et que, assés souvant, elle et les siens en jettent +d'aultres, bien exprès, touchant Monseigneur vostre filz, ce n'est +toutesfoys, quant à l'archiduc, que pour monstrer de vouloir accepter +l'alliance de la maison, d'où les deux grandz Roys se sont +nouvellement allyez; et rabiller par ce moyen, si elle peult, ses +différans avec le Roy d'Espaigne, et fère prendre de là quelque +jalouzie à Voz Majestez Très Chrestiennes, comme aussi en fère prendre +encores une plus grande au Roy d'Espaigne du propos de Mon dict +Seigneur, vostre filz; et s'entretenir, par la réputation de ces deux +grandz partys, en plus grande estime envers les siens. Mais le +jugement d'ung chacun est conforme à celluy que faict Vostre Majesté, +qu'elle ne se soubsmettra jamais à nul mary, ainsy que, d'elle mesmes, +elle s'en monstre toutjour assés esloignée; et les siens l'en +détournent davantaige, affin de disposer toutjour, ainsy qu'ilz font, +d'elle et de son royaulme. + + [17] _Lettre, escrite de la main de la Roine mère, à Mr de La + Mothe Fénélon, pour lui estre rendue en mains propres_, du 20 + octobre 1570:--«Monsieur de La Mothe Fénélon, monsieur le + cardinal de Chastillon a faict tenir propos à mon fils, le duc + d'Anjou, d'une ouverture de mariage de la royne d'Angleterre et + de mon dict fils...» Voir le _Supplément à la Correspondance + Diplomatique de La Mothe Fénélon_, contenant les lettres qui lui + étaient écrites de la cour. + +Et ung des principaulx, qui soit auprès d'elle, a naguières dict que, +despuys trois moys, le vydame de Chartres a mené une secrecte pratique +avec le secrétaire Cecille, pour le mariage de Mon dict Seigneur, +vostre filz, avec elle; et qu'il a offert de fère, par ce moyen, +advancer le tiltre de ceux de Herfort à ceste couronne, au cas que la +dicte Dame ne puysse avoir d'enfans; et que le propos n'a peu estre +que bien ouy, pour le regard de Mon dict Seigneur, de presque toute la +noblesse; mais que la pluspart d'icelle l'a mal receu et heu fort +odieux touchant ceux de Herfort; et qu'il jugeoit que le dict vydame +n'y avoit pas grand moyen, mais qu'il avoit advancé cella pour +complayre au dict Cecille, sachant l'extrême affection, qu'il a, à +ceulx de Herfort; lesquelz sont deux petitz masles, issuz de celle +madame Catherine[18], prochaine de ceste couronne, qui est morte dans +la Tour. Et n'y a poinct de fille en ce royaulme, petite ny grande, +qui prétande à la dicte succession, sinon une soeur de la dicte dame +Catherine, qui est bossue, et a espousé un huissier de la salle de +présence, ny la Royne d'Angleterre n'a la vollonté d'en adopter pas +une; et croy que, quant elle le vouldroit fère, au préjudice de ceulx +qui y prétandent droict, qu'elle ne le pourroit effectuer par le +parlement, ny mesmes en fère déclairer ung des prétandans, tant les +partz sont contraires, et les maysons principalles de ce royaulme +opposantes l'une à l'aultre sur ce poinct. De quoy j'estime que le +droict de la Royne d'Escoce ne s'en rendra que plus fort, bien qu'il +semble qu'un tel faict ne se démeslera, sans beaucoup de débat. + + [18] Catherine, soeur puînée de Jeanne Gray. Elle avait épousé le + comte de Hereford, et deux enfans étaient issus de ce mariage, + Henri et Édouard. Marie, dernière soeur de Jeanne Gray, avait été + mariée à un simple gentilhomme nommé Keyt. + +Quelcun m'a dict qu'on a vollu aussi proposer le mariage du Prince de +Navarre avec ceste Royne, le faisant le plus riche subject de +l'Europe, et allégant quelques droictz, qu'il a nouvellement gaignez, +en la chambre impérialle, contre le Roy d'Espaigne, qu'on dict valloir +plusieurs millions d'or, mais le propos n'a esté suyvy. + +Or, Madame, je ne voys pas qu'il y ayt lieu de mettre, pour ceste +heure, rien en avant de nostre costé, et, par ainsy, je m'en tayray du +tout, ainsy qu'il vous playt me le commander, bien que je vous suplye +de ne laysser de suyvre et escouter bénignement ce qu'on vous en +pourra toucher, monstrant que les plus grandes difficultez vous +semblent estre du costé de la dicte Dame; sans toutesfoys advancer +parolle, de laquelle elle se puysse advantaiger. Et cependant je +veilleray, plus que jamais, sur ce qui se pourra descouvrir ou venir +en lumyère, propre à cest effect, vous voulant bien advertyr, au +reste, Madame, que de France, l'on a naguières escript à la Royne +d'Angleterre que Vostre Majesté ne desire aulcunement l'expédition des +affères de la Royne d'Escoce, ains que vous auriez playsir qu'elle ne +bougeât encores d'Angleterre; de quoy semble que l'évesque de Roz ayt +heu un semblable adviz de ceste court, mais je luy ay faict cognoistre +qu'il n'y a rien au monde plus faulx que cella. Sur ce, etc. + + Ce IXe jour de novembre 1570. + + POURRA LE DICT SIEUR DE L'AUBESPINE, oultre le contenu de la + dépesche, dire à Leurs Majestez: + + Que quelques ungs du conseil d'Angleterre incistent fermement à + la Royne, leur Mestresse, de ne debvoir, en façon du monde, + tretter avec la Royne d'Escoce; et que, pour nulles menaces, ny + effortz, qu'elle ayt à craindre du costé du Roy, elle né se doibt + haster de la délivrer, car jugent que la paix ne sera de durée en + France; et que, par aulcunes lettres et adviz, qu'ilz ont de + dellà la mer, ilz ont descouvert que le Pape, le Roy d'Espaigne, + et les Véniciens sont proprement ceulx qui ont conseillé de la + fère ainsy qu'elle est, pour peur, qu'ilz avoient, que ceux de la + nouvelle religion ne gaignassent tant d'advantaige, pendant que + eulx seroient occupez en la guerre du Turc et en celle des Mores, + qu'il ne fût, puys après, plus temps d'y remédier; et que + néantmoins, ilz ont promiz au Roy, qu'aussitost qu'ils se + verroient démeslez de ces deux guerres, qu'ilz luy fornyroient + ung si notable secours qu'il pourroit fort ayséement purger son + royaulme de toute ceste secte de Huguenotz; + + Que cella se trouvoit ainsy confirmé par une dépesche de Mr le + Nonce à l'aultre Nonce, qui est en Espaigne, laquelle avoit esté + interceptée, et qu'on avoit trouvé dedans la coppie d'une lettre + du Pape à Mr le cardinal de Lorrayne, qui en faisoit assés + expresse mencion; + + Que, nonobstant les bonnes démonstrations du Roy sur l'observance + de la paix, que les aultres Princes et les principaulx de la + court ozoient assés ouvertement déclairer qu'ilz l'avoient à + contre cueur; et que, à Thoulouse et à Lyon, ne la vouloient + encores bien recepvoir, ce qui estoit signe qu'elle s'en iroit + plustost rompue que establye; + + Et qu'ilz sçavoient que le Roy mesmes, accompaigné de Mrs les + cardinaulx, et d'aulcuns princes, et aultres plus privez de son + conseil, avoit, par acte fort secrect, dict et déclairé, en sa + court de parlement de Paris, que son intention n'estoit + d'entretenir aulcunement deux religions en son royaulme; et que + ce, qu'il avoit instantment pourchassé la paix, avoit esté pour + séparer l'armée des Huguenotz, et renvoyer les estrangiers; mais + qu'après cella il mettroit aultre ordre et une meilleure forme + aulx affères de la dicte religion; et que aulcuns des assistans + avoient fort loué et magniffié son opinion, et avoient tout hault + randu grâces à Dieu qu'il eust miz un si catholique desir dans le + cueur de nostre Roy; + + Que Messieurs les Princes et Admyral, estantz assez informez de + cecy, se tenoient sur leurs gardes, et avoient desjà envoyé + notiffier toutes ces particullaritez à leurs amys en Allemaigne; + et que mesmes les cappitaines et colonnelz, qui estoient venuz + vers Hembourg, pour s'asseurer de certaines levées de gens de + guerre pour les princes protestans, en avoient parlé assés clair; + par lesquelles remonstrances l'on a fort essayé de persuader la + dicte Dame qu'elle devoit attandre l'événement de ces choses de + France, premier que de rien remuer en celles d'Escoce. + + Mais j'ay, à ceste heure, tout à propos, par la venue du dict Sr + de L'Aubespine, notiffié à la dicte Dame, et assés publié en sa + court, le bon ordre, que le Roy a prins, d'envoyer messieurs les + mareschaulx et aultres seigneurs et cappitaines, avec des + maistres de requestes et des commissaires, par toutz les lieux et + provinces de son royaulme, pour y exécuter son éedict sans dilay, + ni excuse; ce qui faict prendre à la dicte Dame et aulx siens + meilleure opinion de nostre paix, et semble qu'elle se résould de + passer oultre au tretté de la Royne d'Escoce. + + Car voycy en quoy en sont meintennant les choses, que le + secrétaire Cecille et maistre Mildmay, estans de retour vers + elle, luy ont, d'entrée, protesté qu'encor qu'ilz eussent + l'honneur d'estre toutz entièrement siens, ses conseillers et + subjectz, qu'ilz avoient néantmoins juré à la Royne d'Escoce de + luy rapporter aultant fidellement et à la vérité tout ce qu'ilz + avoient veu, cogneu et ouy d'elle, comme s'ilz fussent ses + propres messagiers; et ainsy ont faict leur raport si bon que la + dicte Dame est demeurée fort satisfaicte de la dicte Royne, sa + cousine, et en grande vollonté de conclurre ung bon tretté avec + elle. + + Sur quoy, icelluy Cecille luy a demandé d'où estoit doncques + advenu que, pendant qu'ilz estoient sur le lieu, elle leur eust + mandé d'agraver les condicions à la dicte Royne d'Escoce, et les + luy proposer plus dures, qu'elle ne leur avoit commandé de le + fère, quant ilz partirent:--«Prenez vous en, respondit elle, à + millord Quiper, vostre beau frère; car c'est luy qui m'y a + contraincte.» + + Et j'ay sceu, à la vérité, que, quant le Sr de Valsingan revint + de France, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil pour + déterminer des affères de la dicte Royne d'Escoce, suyvant ce que + le Roy luy en mandoit, et leur ayant elle mesmes proposé les + choses en une façon, qui la monstroient incliner bien fort à la + restitution de la dicte Dame, le dict Quiper luy respondit + seulement:--«Qu'il la voyoit si disposée en cest affère, qu'il ne + failloit que l'exécuter, sans plus le mettre en + dellibération.»--«Ouy, dict elle, beaucoup d'ocasions, à la + vérité, me meuvent de le desirer ainsy: mais je veux modérer mon + desir par vostre adviz.» Il répliqua soubdain:--«Qu'il estoit là + pour la conseiller et non pour la contredire, et que, voyant son + conseil ne pouvoir avoir lieu, qu'il se déportoit de le bailler.» + Sur quoy la dicte Dame, assés en collère, luy adressa ces + parolles:--«Je vous ay creu, ces deux ans passez, de toutes + choses, en mon royaulme, et je n'y ay veu que troubles, despenses + et dangiers. Je veux, à ceste heure, user, aultant de temps, de + mon propre conseil, pour voir si je m'en trouveray mieux.» Et, + sur ce poinct, elle se retira dans son cabinet; mais le dict + Quiper et ceulx du conseil ne layssèrent pour cella, d'altérer + assez la besoigne, et s'esforcèrent, par plusieurs moyens, de + randre, touchant ceste négociation, bien fort suspect Cecille à + la dicte Dame. + + Néantmoins, despuys le retour du dict Cecille, ayant de rechef + esté le conseil rassemblé pour ouyr son raport et les responces + de la dicte Royne d'Escoce, encor que le dict Quiper se soit + opiniastré contre la restitution d'elle, et soubstenu qu'on + debvoit délaysser ce tretté, il semble qu'il n'ayt peu rien + gaigner; et qu'à ceste occasion, il soit party de court mal + contant; et que la dicte Royne d'Angleterre se soit confirmée, de + plus en plus, de vouloir tretter. + + Dont despuys, ayant Mr l'évesque de Roz esté devers elle, elle + luy a dict:--«Que ses deux depputez luy avoient raporté beaucoup + de satisfaction de la dicte Royne d'Escoce, et qu'elle trouvoit + ses responces fort honnorables; dont elles deux s'acorderoient + fort ayséement des aultres choses, qui sembloient demeurer + encores en différant; et qu'il ne restoit plus que l'arrivée des + depputez d'Escoce, lesquelz elle vouloit attandre, premier que de + passer plus oultre.» Et, comme le dict sieur évesque luy toucha + ung mot de la difficulté, qu'il y avoit, de conclurre la ligue, + de peur de préjudicier à celle de France, et qu'il la pryoit + qu'il en peult communiquer avecques moi:--«Je veulx bien, dict + elle, que vous en communiquiez à l'ambassadeur du Roy, mais il ne + fault que luy, ny aultre, m'estiment si sotte, puysque la Royne + d'Escoce est entre mes mains, que je ne veuille bien pourvoir, + premier qu'elle en sorte, qu'elle n'aille estre ung instrument à + ung aultre prince de me fère la guerre.» + + Et ainsy le dict sieur évesque de Roz, et moy, sommes après à + conférer ensemble les articles et condicions, qu'on propose à la + dicte Royne d'Escosse; en quoy je incisteray fermement que + l'intention du Roy soit suyvye, ou, au moins, qu'il ne soit faict + préjudice à rien, qui touche son service; et semble qu'il est + expédiant d'accommoder ces affères par le présent tretté, sans + les remettre à une aultre fois, car aultrement la dicte Dame et + son estat restent en ung très grand dangier; et de tant que les + dicts depputez d'Escosse sont desjà acheminez, sçavoir: du party + de la Royne, milord Herys, milord Bonet et le dict sieur évesque, + qui est desjà icy; et, de la part du régent, le comte de Morthon, + milord Clames et l'abbé de Domfermelin; et qu'on les attand toutz + dans six ou sept jours, et que desjà il se parle de l'entrevue + des deux Roynes, ung chacun espère que l'accord réuscyra. + + Pendant que les dicts depputez estoient avec la Royne d'Escosse, + elle a dépesché ung sien tapissier, nommé Serve, en Flandres, + devers milord de Sethon, luy apporter ung pouvoir et procuration + d'elle, en forme, pour tretter avec le duc d'Alve; et luy + communiquer les articles, que les dicts depputez luy ont + proposez; et l'asseurer, qu'encor qu'elle soit en beaucoup de + nécessitez, qu'elle toutesfoys ne conclurra rien sans l'adviz de + ses amys. Néantmoins, elle a, d'elle mesmes, accordé, par une + lettre de sa main, de bailler le Prince, son filz, à la Royne + d'Angleterre; et l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, + conseilloit néantmoins qu'elle luy accordât plustost les places + de Dombertran, Lislebourg, et d'Esterlin, et force ostaiges, que + non le dict Prince. + + Les gracieulx propos et honnestes lettres, que la Royne + d'Espaigne a mandez à la Royne d'Angleterre, sont cause que le + dict sieur ambassadeur commance d'estre plus respecté et favorisé + des Anglois qu'il ne souloit, et qu'il est recherché, soubz main, + de vouloir demander audience de la dicte Dame, à laquelle il n'a + parlé, XXII moys a, et qu'elle la luy ottroyera fort vollontiers. + Sur quoy il a respondu qu'en ayant esté plusieurs foys reffuzé, + il importe beaucoup à l'honneur de son Maistre que la dicte Dame + la luy veuille ottroyer d'elle mesmes; et, par ainsy, qu'il est + dellibéré d'attandre qu'elle le luy mande, ou le luy face dire + par quelcun des siens. + + Et cependant, l'on a pareillement recerché le Sr Ridolfy de + reprendre le propos de l'accord des différans des prinses, sellon + ce qu'il en avoit quelquefoys miz en avant, dont desjà il en a + escript une lettre à Mr le comte de Lestre, qui monstre d'y avoir + quelque affection, et il a esté assés bien respondu. Je croy que + cest affère se rendra de tant plus facille, que les Anglois + trouveront de difficultez en nous; et semble que Mr Norrys se + soit, puys peu de jours, pleinct de quelque deffaveur, qu'on luy + a faicte en France, et que sa Mestresse en soit bien mal + contante: + + Comme aussi le Sr de Valsingan, parmy les propos, qu'il m'a + tenuz, des honnestes faveurs, qu'il avoit receues de Leurs + Majestez Très Chrestiennes, il y a meslé je ne sçay quoy de + deffaveur, qu'il luy sembloit que le Roy luy ayt faict, en la + seconde audience, de ne luy avoir monstré si bon visage, ny usé + de si gracieuses parolles, que en la première; et d'avoir, luy + présent, dict à Mr Norrys qu'il estoit marry qu'il s'en volust + sitost retourner, l'ayant trouvé homme de bien en sa charge; et + qu'il vouloit prier la Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, de ne + luy bailler poinct de successeur, qui fût turbulant, ny homme qui + n'aymât la paix et le repos; comme si Sa Majesté entendoit de + dresser ce propos à luy, car il estoit en termes de luy succéder; + et qu'il croyoit que Mr de Glasco luy eust faict donner ceste + attache, bien qu'il ne se soit, à ce qu'il dict, jamais ingéré ez + affères de la Royne d'Escosse, sinon quant la Royne, sa + Mestresse, le luy a commandé; et que je sçay bien qu'il fault + obéyr à son naturel prince, quant il commande quelque chose. + + Ce qui l'avoit fort descouragé d'accepter la légation en France, + craignant de n'estre agréable à Sa Majesté; toutesfoys que la + Royne, sa Mestresse, luy avoit commandé de s'aprester, me priant + d'asseurer Leurs dictes Majestez Très Chrestiennes que nul jamais + ne tiendra ce lieu, qui ayt plus droicte intention à meintenir la + paix et la bonne amytié entre nos deux Maistres et leurs deux + royaumes que luy; et que, s'en allant l'affère de la Royne + d'Escoce composé, il luy sembloit qu'il ne restoit plus aulcune + occasion de différant entre la France et l'Angleterre. A toutes + lesquelles choses je luy ay respondu, sellon l'honneur et + grandeur du Roy, et comme il debvoit prendre la franchise du + parler de Sa Majesté en bonne part; et luy ay donné, au reste, + toute bonne espérance de sa légation, voyant qu'aussi bien elle + luy estoit desjà commise; et estime l'on qu'encor qu'il soit tenu + pour homme fort affectionné à la religion nouvelle, et assés + contraire de la Royne d'Escoce, que néantmoins il se rendra + modéré. + + + + +CXLIVe DÉPESCHE + +--du XIIIIe jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par le corier de Flandres._) + + Discussion des articles du traité proposé concernant la reine + d'Écosse.--Efforts de l'ambassadeur afin de faire accepter les + conditions envoyées par le roi.--Consentement de Marie Stuart à + ce que son fils soit donné en ôtage à la reine + d'Angleterre.--Motifs de cette détermination, qui est contraire + aux instructions reçues de France.--État de la négociation avec + les Pays-Bas; nouvelles de Flandre. + + + AU ROY. + +Sire, après le partement du Sr de L'Aubespine, j'ay communiqué le +contenu des lettres de Vostre Majesté, du XXVIIIe du passé, qui me +sont arrivées, ainsy qu'il partoit, à Mr l'évesque de Roz; et, suyvant +icelles, je l'ay pressé d'incister vifvement à la Royne d'Angleterre +de passer oultre au tretté encommancé, et que, de sa part, il la +veuille dorsenavant poursuyvre par la forme, et non aultrement, qu'il +a pleu à Vostre Majesté me le prescripre, luy desduysant les raysons, +pourquoy la Royne, sa Mestresse, ny luy, ne la doibvent excéder; +lesquelles raysons j'ay aussi mandées à la dicte Royne, sa Mestresse, +avec ung extraict de ce qui en est porté par vos dictes dernières. + +Sur quoy le dict sieur évesque m'a asseuré de la parfaicte +correspondance de sa dicte Mestresse, et de luy, à vouloir, en tout et +partout, suyvre l'intention et les conseils de Vostre Majesté; et que, +ayant despuys trois jours esté devers la Royne d'Angleterre, pour luy +présenter ung pourtraict, que la dicte Royne d'Escoce luy envoyoit, du +Prince son filz, il l'avoit instantment sollicitée de passer oultre à +parfère le dict tretté, et de luy déclairer si les responces, que sa +dicte Mestresse avoit faictes à ses depputez, luy sembloient +raysonnables, affin qu'il la peult advertyr de ce qu'elle en debvoit +espérer; et que la dicte Dame luy avoit respondu que les depputez, +qu'elle attandoit d'Escoce, d'ung chacun des costez, debvoient arriver +dans quatre ou cinq jours, avec le comte de Sussex et maistre Randolf, +qui venoient toutz de compaignye, et qu'estantz icy, elle feroit +incontinent procéder au dict tretté; que, quant aulx responces de sa +dicte Mestresse, elle les avoit prinses de fort bonne part, et +n'estoient trop esloignées de ce qui convenoit à fère ung bon accord; +qu'encor que la dicte Royne d'Escoce fit grande difficulté sur +l'article de la ligue, à cause de celle de France, qu'il ne falloit +qu'elle s'y arrestât; adjouxtant, avec ung soubzrire, que, puysque +Vous, Sire, vous estes meslé avec la mayson d'Autriche, qui est de sa +ligue, que vous ne debviez trouver mauvais qu'elle se meslât avec +celle d'Escoce, qui est de la vostre. A quoy luy, de Roz, luy avoit +soubdain respondu qu'il fauldroit donc qu'elle constituast ung +semblable douaire à sa Mestresse, et donnast ung semblable +entretennement des gardes, des gendarmes, des bénéfices, plusieurs +privilèges, et aultres grandz advantaiges aulx Escouçoys en +Angleterre, que Vostre Majesté leur faisoit jouyr en France; et que, +sellon son adviz, il n'aparoissoit aulcun honneste moyen de fère ligue +entre elles deux, sinon en y comprenant Vostre Majesté; et que la +dicte Dame luy avoit répliqué, là dessus, que les dicts entretennemens +estoient trop grandz pour en vouloir charger son estat, mais que, +touchant la ligue, elle m'en parleroit, et en feroit parler par son +ambassadeur à Vostre Majesté. + +Or, Sire, ce poinct de la dicte ligue, plus que nul de ceulx, qui sont +contenuz ès dicts articles, me semble importer grandement à l'honneur +et réputation de vostre couronne, et, à ceste cause, j'ay desjà dict +tout hault que j'interrompray en vostre nom l'accord, et protesteray +de l'infraction des précédans trettez, plustost que d'en laysser rien +passer. Au regard de l'aultre article, auquel Vostre Majesté estime +que je n'ay assés expressément respondu à l'évesque de Roz, touchant +ne bailler le Prince d'Escoce aulx Anglois: je vous supplie très +humblement, Sire, de croyre que je luy ay, par ung adviz escript de ma +main, premier qu'il soit allé vers sa Mestresse avec les depputez, +ainsi que je l'ay communiqué au Sr de L'Aubespine, expressément +conseillé de ne l'accorder en façon du monde; mais la dicte Dame, +suyvant d'aultres adviz, que le dict évesque mesmes luy a pareillement +apportez par escript, de plusieurs ses affectionnez et meilleurs amys +et serviteurs de ce royaulme, et aussi par l'adviz des seigneurs, qui +tiennent son party en Escoce, l'a offert à la Royne d'Angleterre par +sa lettre du séziesme du passé, comme chose, sans laquelle le dict +évesque de Roz dict que la dicte Royne d'Angleterre ne fût jamais +entrée en tretté, et sa Mestresse fût demeurée au plus dangereux estat +de sa personne et de toutz ses affères, qu'elle ayt encores esté, pour +l'ocasion de ceulx qui avoient monstré se rébeller au pays de +Lenclastre; avec ce, Sire, que ceulx de ce conseil ont toutjours +estimé qu'il ne se pourroit prendre aulcune aultre assez bonne seureté +de la dicte Royne d'Escoce, que d'avoir son filz par deçà, affin qu'il +leur fût ung instrument tout accommodé pour contenir sa mère ou pour +la déchasser; aussi qu'il semble bien que les Escouçoys, qui procurent +la restitution d'elle, ne sont que bien ayses que le Prince s'en +aille, affin que ceulx du contraire party ne puyssent plus redresser +aulcune compétance dans le pays; et encores y a il plusieurs +principaulx personnaiges en ceste court, qui incistent assés que le +dict Prince ne viegne en façon du monde en Angleterre, de peur qu'il +n'y advance et establisse par trop le droict, que sa mère a à la +succession de la couronne, au préjudice des aultres prétendans. Ce qui +faict que plus vollontiers, la dicte Royne, sa mère, consent qu'il y +soit mené, et mesmes qu'elle voyt bien que le contredire ne luy +serviroit de rien, tant la chose est hors de sa puyssance; mais l'on +n'a layssé pourtant d'envoyer solliciter les deux partys, en Escoce, +de s'y opposer; et aussi le grand père, et l'ayeulle, et plusieurs +aultres, en ce mesmes royaulme, de ne le trouver bon, et de le debvoir +empescher; pareillement à la mesme Royne d'Angleterre de luy jecter +ung escrupulle dans le cueur, touchant ce petit Prince, disant que, à +son advènement au monde, il à déchassé sa mère hors de son estat, et +qu'il pourroit bien, en venant en Angleterre, chasser sa tante hors du +sien. Tant y a, Sire, que ce poinct est desjà tenu comme pour accordé +entre elles deux; et sur cella se faict le fondement de tout le reste; +et estime l'on, Sire, pourveu que vous obteniez la restitution de la +dicte Dame et la réunyon des Escouçoys, et que l'authorité des Anglois +et leurs forces soyent mises hors du pays, que Vostre Majesté, quant +au reste, ne doibt empescher qu'elle ne se puysse prévaloir de son +filz à le bailler ostage quelque temps, pour recouvrer sa liberté, et +retirer sa personne, et son estat, horz du grand dangier où ilz sont. + +Néantmoins, Sire, en cella, et en toutz les aultres chapitres du +traicté, j'incisteray toutjour, le plus fermement qu'il me sera +possible, que l'intention de Vostre Majesté soit entièrement suyvye; +et, de tant que la Royne d'Angleterre s'est plaincte à moy des +dommageables condicions, qu'elle dict estre apposées contre +l'Angleterre, dans le dernier tretté d'entre le feu Roy, Françoys le +Grand, vostre ayeul, et Jaques quatriesme, Roy d'Escoce, lequel je +croy estre de l'an 1535[19], je supplie très humblement Vostre Majesté +de m'en fère envoyer une coppie affin d'y respondre; et me commander +au reste, Sire, touchant ce dessus, si je doibz incister tout oultre, +que la Royne d'Escoce se retire de la promesse, qu'elle a faicte, de +bailler son filz, et qu'il vous playse d'en déclairer franchement +vostre vollonté à Mr de Glasco, son ambassadeur. + + [19] Jacques IV était mort en 1513; deux ans avant l'avènement de + François Ier. L'ambassadeur veut sans doute parler du traité de + Rouen, conclu le 26 août 1517, entre Jacques V et François Ier, + et renouvelé en 1535, lorsque Jacques V épousa Madelaine de + France. + +Au surplus, Sire, les différans des Pays Bas demeuroient acrochez en +ce que, sur la diminution que le duc d'Alve a trouvé estre ez +merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne, pour en avoir une partie +esté gastée et les aultres mal vendues par deçà, il vouloit que celles +des Anglois fussent prinses en récompence, sellon qu'elles valloient +en Angleterre, et non sellon qu'elles ont esté vendues en Flandres; en +quoy il faisoit proffict d'envyron cent mil escuz; mais ceulx cy, +ayant, à ce qu'ilz disent, plus d'esgard au déshonneur que à la perte, +qui leur viendroit en cella, n'ont vollu passer ce poinct, ni accorder +aulcune inégalle et plus advantaigeuse condicion aux Espaignolz et +Flamans que à eulx; dont les lettres estoient desjà signées de ceste +Royne pour mander à maistre Figuillem, son agent à présent en +Flandres, qu'il s'en retournast tout incontinent, si le dict duc ne +vouloit tenir compte du prix, à quoy les merchandises d'Angleterre ont +esté vandues, ainsy quelle offroit de fère le semblable par deçà, de +celles d'Espaigne, et d'estre preste d'administrer justice pour +celles, qui ne se trouveraient en estre, contre ceulx qui en seroient +coulpables, ce qui alloit fère une grande interruption en tout +l'affère; mais, voulant le duc en toutes choses l'accommoder, il l'a +si bien faict négocier icy, soubz main, par l'ambassadeur d'Espaigne, +et par aultres personnes interposées, qu'il n'y a rien, à ceste heure, +plus eschauffé entre ceulx de ce conseil que d'en vouloir bientost +sortyr. Et, à cest effect, le Sr Ridolfy, qui s'en estoit auparavant +meslé, est appellé en court, et pareillement Cavalcanty et Espinola; +et s'entend que le Sr Thomas Fiesque arrivera demain, ou après demain, +de Flandres, qui aporte la résolue intention du dict duc; et est l'on +après à trouver moyen que le dict ambassadeur d'Espaigne escripve, sur +l'ocasion du passaige de la Royne d'Espaigne, et sur l'honneur et +convoy que luy ont faict les navyres d'Angleterre, et sur son arrivée +à saulvement par dellà, une bien honneste lettre à la Royne +d'Angleterre, affin qu'elle envoye aulcuns de son conseil pour en +conférer davantaige avec luy; lesquelz auront charge de lui octroyer +audience de la dicte Dame pour le jour, qu'il vouldra l'aller trouver. +Et de tant, que le Roy d'Espaigne a mandé au dict duc de regaigner, +par toutz les moyens qu'il pourra, l'amytié des Anglois; et qu'il ne +veult, sur son partement, laysser ceste besoigne en détail, il la +presse bien fort, estans venues nouvelles que le duc de Medina Celi +est prest de s'embarquer à Laredo pour passer en Flandres, où il +pourra arriver à la fin de ce moys, sur la mesmes armée qui a conduict +par dellà la Royne d'Espaigne, et que la princesse de Portugal n'y +vient poinct pour encores, mais ce sera le cardinal de Grandvelle, qui +viendra assister au dict duc de Medina Celi. Sur ce, etc. + + Ce XIVe jour de novembre 1570. + + + + +CXLVe DÉPESCHE + +--du XIXe jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Olivier._) + + Retard apporté à la négociation du traité concernant la reine + d'Écosse.--Mission de lord Seyton, dans les Pays-Bas, auprès du + duc d'Albe.--Demandes faites au duc de la part de Marie + Stuart.--Nouvelles des Pays-Bas et de la Moscovie. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay de nouveau faict entendre à la Royne d'Angleterre que les +longueurs, qu'elle avoit uzé, et qu'elle continuoit d'user, ez affères +de la Royne d'Escoce, vous avoient donné grande ocasion de parler +ainsy ferme, comme vous aviez faict, à son ambassadeur, et d'essayer, +à la fin, si pourrez accomplyr ce que franchement vous luy en avez +dict; laquelle s'est excusée que le retardement n'est cy devant +provenu, ny encores ne provient, de son costé, ains de celluy de la +Royne d'Escoce et de ses depputez, qui ne sont encores arrivez, et +qu'elle ne voyt pas comme l'on puysse bonnement procéder à fère le +tretté sans eulx, et sans ceulx du contraire party; et n'y a heu nulle +rayson, ny offre, qui l'ayt peu mouvoir de ceste opinion parce, à mon +adviz, qu'elle a promiz à ceulx du dict contraire party de ne fère +rien, qu'elle n'ayt premièrement pourveu à la seureté du jeune Prince +d'Escoce et à celle d'ung chacun d'eulx. Et ainsy nous sommes +attendans l'arrivée d'iceulx depputez, desquels je n'ay encores nulles +bien certaines nouvelles, sinon que le comte de Lenoz a escript qu'il +avoit ottroyé de bailler saufconduict à ceulx du bon party, et qu'il +nommeroit les siens aussitost qu'il sçauroit qui sont les aultres, +affin d'en envoyer de semblable qualité; et que cependant il +dépeschoit l'abbé de Domfermelin, lequel, pour ceste occasion, est +attandu, d'heure en heure, en ceste court. + +Je prends quelque argument, Sire, de l'intention de la dicte Dame, +qu'elle a vollonté d'en sortyr, sur ce que Mr Norrys l'ayant fort +instantment requise de luy donner son congé; et s'estant le secrétaire +Cecille desjà miz à dresser la dépesche du Sr de Valsingan pour luy +aller succéder, elle a considéré que, s'il partoit sur ce poinct, +Vostre Majesté pourroit concepvoir quelque mauvaise espérance des +affères de la Royne d'Escoce, tant pour le changement d'ambassadeur, +que pour le souspeçon que ce nouveau leur fût trop contraire; dont +elle a mandé au Sr Norrys d'avoir patience jusques à ce que les dicts +affères soient achevez. Bien m'a l'on dict qu'il a renvoyé en +dilligence ung des siens, pour remonstrer à la dicte Dame que le +dillay seroit par trop long; car dict qu'il n'espère veoir les affères +de la dicte Royne d'Escoce jamais accommodez, tant que certaine +occasion durera en France; laquelle, Sire, je n'ay pas encores bien +sçeu quelle elle est, et semble aussi qu'il l'ayt mandée assés en +général; car l'on m'a dict que plusieurs y font diverses +interprétations. Cependant Mr de Sethon, qui est en Flandres, m'a +escript que, si ung certain pacquet, que la Royne d'Escoce, sa +Mestresse, m'avoit adressé pour luy, luy eust esté randu pour se +pouvoir expédier du duc d'Alve, qu'il fût desjà devers Votre Majesté; +et, à la vérité, Sire, le dict pacquet a esté, par mesgarde, aporté, +dez le XXVIIe du passé, par mon secrétaire jusques à Paris; dont +j'estime qu'il l'aura meintenant receu. + +Et voycy, Sire, ce que j'ay entendu de la négociation du dict de +Sethon, qu'il a esté ouy à part, et puys en conseil, par le duc +d'Alve, sur les trois poinctz, pour lesquelz il estoit envoyé +principallement devers luy: le premier, pour avoir le secours, qu'il +leur avoit souvant promiz, le quel le dict de Sethon offroit de +conduyre en lieu seur, où il pourroit commodéement descendre, et où +l'assistance des Escouçoys et des Anglois catholiques, et tout bon +entretennement et bonne retrette ne luy deffauldroit dans le pays; le +second, pour recepvoir dix mil escuz, que le dict duc avoit accordé à +la Royne, sa Mestresse, pour la fourniture des chasteaulx de +Lislebourg et Dombertran; et le troisiesme, pour le prier d'interdire +de mesmes le commerce aulx Escouçoys en Flandres, que Vostre Majesté +le leur a prohibé en France à ceulx, qui ne sont du party de la +Royne, sa Mestresse. Sur quoy, le dernier jour du moys passé, Mr de +Noerguerme a esté envoyé devers luy pour luy fère la responce que, +touchant le secours, le duc y estoit très disposé, lequel avoit trouvé +son offre et ses autres expédiantz fort convenables à l'entreprinse; +mais l'importance d'envoyer une armée de mer en pays estrangé estoit +si grande que l'exprès commandement du Roy, son Maistre, y estoit +requis, auquel il en avoit desjà escript; et pourtant il falloit +attandre sa responce, laquelle ne tarderoit guières; que touchant les +dix mil escuz, de tant que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, +avoit escript au dict duc que la Royne d'Escoce luy dépeschoit ung +homme exprès, avecques un pacquet, pour l'advertyr en quelle sorte +elle entendoit qu'on ordonnast de la dicte somme, qui est, Sire, le +susdict pacquet qui a esté apporté à Paris, qu'il prioyt le dict de +Sethon d'avoir pacience jusques au quatriesme du présent, que le +messagier pourroit estre arrivé, dedans lequel jour, l'on la luy +feroit fornyr contante. Au regard du troisiesme, de tant que le +commerce d'Angleterre estoit fermé, et si l'on restreignoit encores +celluy d'Escoce, il en pourroit venir grand détriment aulx Pays Bas, +le dict duc, premier que d'y rien ordonner, en avoit vollu escripre au +Roy, son Maistre, duquel il feroit bientost entendre son intention, +tant sur cestuy que sur le premier article au dict de Sethon. Et +semble, Sire, que icelluy de Sethon ayt escript à sa Mestresse qu'on +l'avoit faicte plus espérer du secours du dict duc qu'il n'a trouvé +qu'elle en eust occasion, et que icelluy duc ne pense plus que à +quicter les choses pour se retirer en Hespaigne. + +Maistre Jehan Amilthon a continué une négociation séparée de celle du +dict Sr de Sethon avec le dict duc, dont monstrent n'y avoir bonne +intelligence entre eulx. C'est luy qui a conduict les deux +gentishommes espaignolz en Escoce pour visiter la descente, et les a +faict parler au comte d'Honteley, et les a promenez et festiez en +divers lieux dans le pays. + +Au surplus, Sire, l'on a appellé, despuys trois jours, les principaulx +merchans de ceste ville à Hamptoncourt pour le faict de Roan et pour +celluy des Pays Bas. J'entans, quant à celluy de Roan, qu'on me +baillera la responce par escript sur ce que j'en ay remonstré à la +Royne d'Angleterre; et, quant à l'aultre, que le comte de Lestre et le +secrétaire Cecille, si aultre empeschement ne survient, en yront +conférer avec l'ambassadeur d'Espaigne, lequel a desjà escripte la +lettre à la dicte Dame, dont, par mes précédantes, je vous ay faict +mencion; et presse l'on, de chacun costé, bien fort l'accommodement de +ces différans. A quoy sert beaucoup le mauvais trettement qu'ont +naguières receu les merchans anglois en Moscouvie, où ilz pensoient +dresser quelque grand commerce; mais l'ambassadeur moscovite, qui +naguières estoit par deçà, s'en estant retourné mal satisfaict de ce +pays, a faict emprisonner tous les Anglois, qui se sont trouvez au +sien, et a faict arrester leurs merchandises. Le susdict ambassadeur +d'Espaigne s'est conjouy en ceste court des bonnes nouvelles qu'il a +heu, que la guerre des Mores avoit du tout prins fin[20]. Quelcun, à +ce que j'entans, luy a escript que le duc de Medina Celi diffère sa +venue en Flandres jusques en janvier, et qu'il a la vollonté de passer +en France. Sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de novembre 1570. + + [20] Voyez ci dessus la note, p. 183. + + + + +CXLVIe DÉPESCHE + +--du XXVe jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyée par Jehan Monyer jusques à Calais exprès._) + + Déclaration du roi à l'ambassadeur d'Angleterre concernant + l'Écosse.--Irritation causée à la reine d'Angleterre par les + menaces du roi.--Opinion de l'ambassadeur qu'Élisabeth est bien + décidée à éviter la guerre.--Instance faite auprès d'elle pour + l'engager dans l'alliance d'Espagne.--Succès des efforts de + l'ambassadeur, qui parvient à empêcher l'exécution de ce + projet.--Assurance de dévouement au roi donnée par Walsingham, + désigné pour l'ambassade de France.--Remontrance faite par + l'ambassadeur à la reine d'Angleterre des motifs qui doivent + forcer le roi à secourir, même par les armes, la reine + d'Écosse. + + + AU ROY. + +Sire, entendant que Mr Norrys, par sa dernière dépesche, avoit +rafreschy à la Royne, sa Mestresse, les mesmes propos, qu'il luy avoit +auparavant escript, qu'il trouvoit en Vostre Majesté une ferme +résolution de secourir la Royne d'Escoce, et que vous continuez d'user +de parolles et démonstrations fort expresses en cella, j'ay miz peyne +de sçavoir comme la dicte Dame le prenoit; dont aulcuns, qui desirent +la modération des affères, m'ont mandé qu'elle se trouvoit toute +scandalizée qu'allors que, pour vous complayre, elle avoit envoyé deux +de ses principaulx conseillers devers la Royne d'Escoce, pour donner +commancement à ung bon tretté, et qu'à vostre instance elle avoit +envoyé retirer son armée de sur la frontière d'Escoce, c'estoit lors +proprement qu'il luy sembloit que vous aviez délayssé la voye, que +vous aviez toutjours tenue, de procéder en cest endroict par +gracieuses prières et honnestes remonstrances, pour y aller +meintennant par une aultre façon de la menacer, et de rudoyer son +ambassadeur; et qu'encores ne se sentoit elle si piquée de ce que +vous en aviez dict de vous mesmes, qui aviez parlé en Roy, ainsy qu'il +luy avenoit bien à elle de parler quelquefoys en Royne, comme de ce +que vostre conseil avoit trouvé bon qu'il en fût escript une lettre +bien expresse et bien considérée à son dict ambassadeur; et qu'elle se +résolvoit de ne fère rien par menaces, et de monstrer à tout le monde +que, si elle condescendoit à quelque accord en cest endroict, ce ne +seroit que par le seul bénéfice de sa bonne vollonté envers vous, et +de sa propre bonté envers la Royne d'Escoce, et que toutz aultres +effortz et instances ne servyroient que d'empyrer et retarder +davantaige la besoigne. + +D'aultres, qui cognoissent assés bien son intention, m'ont faict dire +qu'encor qu'elle ayt parlé ainsy devant ceulx de son conseil, affin +d'estre estimée princesse de cueur, comme, à la vérité, elle l'est, si +a elle monstré, en d'aultres siens propos, à part, qu'elle vouloit +évitter, en toutes sortes, d'avoir la guerre à Vostre Majesté; et que +c'estoit par voz vertueuses responces et par voz démonstrations et +appareilhz, qu'elle avoit passé si avant à tretter, et que, sans +cella, il y en a assés qui l'eussent bien engardée d'y toucher, et la +destourneroient encores d'y prendre jamais aulcune bonne résolution; +par ainsy, qu'ilz estimoient que toute la ressource et restablissement +de ceste pouvre princesse, et de son royaulme, concistoit en la seulle +faveur et assistance, que Vostre Majesté luy feroit; dont semble +qu'entre deux si contraires adviz le plus expédiant sera de suyvre une +voye de millieu. + +Et, à ce propos, Sire, ayant une foys la dicte Dame faict +dellibération d'envoyer ung des plus grandz d'auprès d'elle en France, +ainsy qu'elle mesmes m'en avoit touché quelque mot, pour honnorer, à +son pouvoir, les nopces de Vostre Majesté, et la venue de la Royne +Très Chrestienne; et mesmes ayant pensé que ce seroit le comte de +Lestre, comme plus agréable à Vostre Majesté, affin de fère en cella +quelque démonstration, qui correspondît à celle de l'honnorable +convoy, qu'elle a faict fère, avec grande magnifficence et grande +despence, par dix grandz navyres de guerre, à la Royne d'Espaigne, +j'ay sceu que quelques malicieulx luy sont venuz mettre en avant qu'il +y avoit grand apparance que le dict comte ne seroit bien receu; et que +Vous, Sire, aviez donné à cognoistre, en l'endroict de Mr Norrys, que +ses aultres ambassadeurs seroient peu respectez, dont debvoit +considérer combien elle demeureroit moquée et offancée, si, à ung tel +et si grand des siens, comme le dict de Lestre, n'estoit faicte la +faveur et bon recueilh et bon trettement qu'elle s'attandoit; +s'esforceans d'imprimer à la dicte Dame, bien qu'au plus loing de leur +affection, qu'elle debvoit, par toutz moyens, retourner à la bonne +intelligence du Roy d'Espaigne; et qu'allors elle n'auroit à se +craindre de la France, et pourroit, à son playsir, disposer de la +Royne d'Escoce. Sur quoy, voyantz qu'elle ne rejettoit le propos, ilz +ont essayé de l'induyre à donner audience a Mr l'ambassadeur +d'Espaigne sur l'occasion d'une lettre, qu'il luy a escripte; et +semble bien, Sire, que si, de mon costé, j'eusse aultrement usé envers +elle que sellon qu'il vous avoit pleu me le commander, sçavoir, de la +plus gracieuse et modeste façon qu'il me seroit possible, qu'elle s'y +fût condescendue, et heust du tout résolu de n'envoyer point en France +et d'interrompre possible les affères d'Escoce; mais elle s'est tenue +ferme à ne vouloir encores rien céder aulx choses d'Espaigne; et croy +que si, du costé du duc d'Alve, ne vient quelque honneste +satisfaction, que les différans auront plus empyré que amandé, d'y +avoir faict cest essay, ayant la dicte Dame mandé à son depputé, qui +est en Flandres, que, si le duc ne veult admettre la compensation des +merchandises et prendre celles d'Angleterre au priz qu'elles ont esté +vandues, qu'il s'en viegne, avec résolution qu'aussitost qu'il sera +icy, l'on procèdera à la vante de celles d'Espaigne. Dont chacun +estime que le dict duc plyera à ce poinct, et qu'il envoyera, pour +cest effect, nouveaulx depputez par deçà; bien que l'entrecours et le +commerce d'entre les deux pays n'est pour estre encores radressé. + +Cependant le propos de n'envoyer poinct en France, et d'interrompre le +tretté de la Royne d'Escoce, n'a poinct heu lieu; et a remiz la dicte +Dame d'y dellibérer, dont j'ay esté conseillé de fère là dessus une +petite négociation par lettre avec Mr le comte de Lestre, affin de luy +bailler argument d'en parler à sa Mestresse. Je ne sçay encores ce qui +en réuscyra; tant y a que, ayant moy mesmes à parler, dans ung jour ou +deux, à elle, sur l'occasion de la dépesche de Vostre Majesté, du VIe +du présent, qui m'est tout présentement arrivée, je mettray peyne de +rabiller les choses, le plus que je pourray. + +Le Sr de Valsingan est venu, ce dimenche passé, prendre son disner en +mon logis, et m'a dict que Mr Norrys avoit tant faict qu'il avoit +obtenu son congé, et que à luy estoit desjà résoluement commandé, par +la Royne, sa Mestresse, de s'aprester pour luy aller bientost +succéder; mais qu'elle n'avoit encores ordonné à l'ung le jour de son +retour, ny à l'aultre celluy de son partement; et que, pour le peu +d'establissement, qu'on disoit que la paix prenoit en France, qu'il +n'ozoit y admener encores sa femme; jusques à ce qu'il eust veu sur ce +lieu, comme il en alloit. A quoy je luy ay si bien respondu, jouxte le +contenu de ce qu'il vous avoit pleu m'en escripre, qu'il en est +demeuré aultrement persuadé; et au reste, Sire, il jure et promect +d'estre ambassadeur paysible près de Vostre Majesté; et de ne cercher +aultre chose, en sa charge, que les moyens d'accroistre et augmenter +davantaige l'amytié d'entre Vous et la Royne, sa Mestresse, et la +bonne paix d'entre voz royaulmes et subjectz. Sur ce, etc. + + Ce XXVe jour de novembre 1570. + + A LA ROYNE. + +Madame, par la lettre, que j'escriptz présentement au Roy, Voz +Majestez verront comme la Royne d'Angleterre se répute estre mal +trettée et ung peu rudoyée de certains propos, qui ont esté dictz et +escriptz à son ambassadeur, touchant les affères de la Royne d'Escoce; +et n'a pas long temps qu'elle me dict qu'il sembloit que Voz Majestez +Très Chrestiennes fussent constituées entre elles, comme alliez à +toutes deux, mais tenans l'oreille, qui devoit estre ouverte de son +costé, toutjour bouchée, et celle du costé de la Royne d'Escoce très +prompte et toutjour fort ententive à toutes ses pleinctes; et que vous +ne vous portiez en cella ainsy égallement, comme l'équité et la rayson +le requéroient. + +A quoy je luy respondiz que, à la vérité, l'une et l'aultre vous +debvoient compter pour leurs principaulx alliez et confédérez; et que, +pour le regard d'elle, veu le bon estat de ses affères, Voz Majestez +n'avoient à fère aultre office, en son endroict, que de vous conjouyr +de sa prospérité, et luy offrir ce qui pouvoit estre en vostre +puyssance, pour meintenir et acroistre sa grandeur, comme, à toute +occasion, vous seriez prest de le fère; mais, quant à la Royne +d'Escoce, je craignois bien fort que ceulx, qui la voyoient ainsy +captive et deschassée de son estat, comme elle est, ne vous +estimassent beaucoup plus abstreinctz par les trettez de pourchasser +chauldement sa liberté et restitution que vous ne le faisiez; et, +quant elle vouldroit considérer ung peu de plus près cest affère, et +la despence que vous aviez desjà commancée pour préparer, dez l'esté +passé, ung secours, et l'avoir, pour l'amour d'elle, despuys révoqué, +et d'en entretenir meintennant ung aultre, sans l'envoyer, pour +attandre le tretté; tant s'en fault qu'elle se deubt tenir offancée de +Voz Majestez, que, au contraire, elle réputeroit vous avoir de +l'obligation de l'honneste et modeste façon, dont vous y aviez +procédé; et dont vous luy déclariez encores tout franchement la +contraincte nécessité, que vous aviez, d'entreprendre quelque aultre +essay, comme vous le pourriez fère, au cas qu'elle vollût rejetter +celluy de voz honnestes prières et gracieuses remonstrances. + +Ainsy la dicte Dame se modéra pour lors, et proposa d'envoyer le comte +de Lestre devers Voz Majestez, pour fère la conjouyssance des nopces +du Roy et de la venue de la Royne, vostre belle fille, et accommoder, +par mesmes moyen, le faict de la Royne d'Escoce; mais quelcun, +despuys, en a traversé le propos; dont j'en suys aulx termes, que je +mande en la dicte lettre du Roy; et essayeray, Madame, à ceste +prochaine audience, de rabiller le faict, et de moyenner, en quelque +bonne sorte, si je puys, que le dict voyage du comte de Lestre, ou au +moins de quelque aultre milor, ne soit interrompu, si toutesfoys +Vostre Majesté me faict entendre qu'elle l'ayt agréable. Sur ce, etc. + + Ce XXVe jour de novembre 1570. + + + + +CXLVIIe DÉPESCHE + +--du dernier jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par Joz, mon secrétaire._) + + Audience.--Notification officielle des fiançailles du roi et des + fêtes ordonnées pour célébrer le mariage.--Invitation faite à + la reine d'Angleterre d'envoyer une ambassade extraordinaire au + roi, et aux seigneurs anglais d'assister au tournoi qui est + annoncé en France.--Vives sollicitations en faveur de la reine + d'Écosse.--Gracieuses réponses d'Élisabeth sur la communication + du mariage du roi.--Son emportement contre les déclarations qui + lui sont faites au sujet de l'Écosse.--Sa ferme volonté de + conclure le traité avec Marie Stuart sans l'intervention du + roi.--_Mémoire général_ sur les affaires d'Angleterre.--Détails + secrets sur les projets des catholiques dans le pays de + Lancastre; secours qu'ils demandent au roi; appui qu'ils + espèrent du duc de Norfolk.--Hésitations d'Élisabeth sur le + parti qu'elle doit prendre à l'égard de Marie Stuart; opinion + émise dans le conseil qu'il faut la faire mourir; crainte de + l'ambassadeur que l'on ait voulu l'empoisonner.--Négociations + avec l'Espagne; persistance d'Élisabeth dans son refus + d'accorder audience à l'ambassadeur d'Espagne. + + + AU ROY. + +Sire, je me suys bien aperceu, ceste foys, qu'on s'estoit efforcé de +randre la Royne d'Angleterre fort offancée contre Vostre Majesté, car +je l'ay trouvée preste de me recommancer les mesmes querelles et +plainctes, qu'elle m'avoit faicte, en la précédante audience; et, sans +ce que Mr le comte de Lestre estoit, peu d'heures auparavant, arrivé +de dehors, qui l'avoit entretenue sur une lettre, qu'il avoit +naguières receue de moy, elle ne m'eust encores randu de si gracieuses +responces, comme enfin, après avoir longuement débattu ensemble je +les ay raportées; et croy que ce a esté aussi parce que, d'entrée, je +luy ay dict que Vostre Majesté me commandoit de luy compter comme voz +fianceailles avoient esté fort honnorablement faictes à Spire, le +dernier dimenche du mois passé; et que, incontinent après, la +Princesse Elizabeth s'estoit acheminée, en bonne et grande compaignye, +pour venir en France; et que, sellon le compte de ses journées, elle +debvoit arriver à Mézières le XXe du présent, où Vostre Majesté +l'alloit rencontrer pour y célébrer, au playsir de Dieu, voz nopces, +le XXIIIe, et que bientost après, vous en retourneriez vers Paris, +pour y fère vostre entrée; auquel lieu vous aviez remiz les triumphes +des nopces, parce que Mézières estoit trop petite ville pour un tel +appareil; et y aviez, à ceste occasion, faict cryer un tournoy +général, qui seroit ouvert, à toutz venantz, le premier jour de l'an. +Ce que vous me commandiez de luy notiffier et aulx seigneurs de sa +court, affin que, s'il luy playsoit d'y en envoyer, ou permettre +qu'ilz y allassent, que Vostre Majesté et Monsieur promettiez qu'ilz y +seroient bien receuz, et leur donriez lieu, avec vous mesmes, de +s'esprouver aux honnestes exercices d'armes, qui s'y feroient; et que, +pour l'honneur d'elle, ilz y seroient respectez et favorisez; qu'il me +souvenoit bien de ce qu'elle m'avoit dict, que l'Empereur, envoyant la +Royne d'Espaigne à son mary, la luy avoit recommandée, dont elle +l'avoit grandement honnorée, et faict fort honnorablement convoyer, +avec magnifficence et despence, par dix de ses grandz navyres de +guerre, passant en ceste mer; et que, si le dict seigneur avoit, +d'avanture, oublyé de luy fère une pareille recommendation, par +lettre, de son aultre fille, qu'il envoyoit à ung grand Roy, son +mary, qui luy estoit allyé, qu'il ne layssoit pourtant de la luy +recommander de tout son cueur, et qu'il s'atandoit bien qu'elle +useroit de toutes démonstrations de bienveuillance envers elle; et, +quant bien il luy auroit plus expressément recommandé celle qu'il +envoyoit en la mayson d'Austriche, d'où il est, qu'il y avoit +plusieurs aultres bonnes occasions, qui la doibvent convyer d'avoir en +non moindre recommendation celle qui vient en la mayson de France, où +je la pouvois asseurer qu'elle estoit aultant aymée, honnorée et +respectée que en nulle aultre part de la Chrestienté; et pourtant je +m'asseurois qu'elle n'oblyeroit de envoyer quelque honnorable +ambassade en France, pour fère, tout ensemble, deux grandes +conjouyssances: l'une, pour les nopces de Vostre Majesté, et l'aultre +pour la venue de la Royne Très Chrestienne, sa bonne soeur, et bonne +voysine. Et luy ay bien vollu dire cella, Sire, parce que je sçavois +qu'on luy avoit faict rompre sa dellibération d'y envoyer; puys j'ay +adjouxté qu'elle debvoit prendre pour ung grand signe d'amytié, que +vous luy feziez communication de chose si privée, comme vostre +mariage, et que mesmes, il sembloit que vous augmentiez votre ayse du +contantement que vous pensiez luy donner de celluy que Vostre Majesté +recepvoit; que, outre cella, vous me commandiez de luy fère encores +fort bonne part d'ung aultre bien grand contantement que vous aviez de +voir vostre royaulme très paysible; et que vostre éedict s'y alloit +establissant, ainsi que vous le pouviez souhayter, de quoy vous vous +en conjoyssiez avec elle, comme avec celle qui proprement desiroit que +ceste prospérité vous fût entière, et accomplye en vostre royaulme; et +que vous luy en desiriez une toute semblable au sien, et luy offriez +tout ce qui estoit en vostre puyssance pour l'y meintenir; + +Que, pour la fin de vostre lettre, vous me commandiez luy fère +entendre le singulier playsir, que ce vous avoit esté, de voir que voz +honnestes prières et gracieuses remonstrances eussent eu tant de lieu +que, pour l'amour de vous, elle heût envoyé ses depputez devers la +Royne d'Escoce, pour donner commancement à ung bon traicté, et eust +mandé retirer son armée de sur la frontière d'Escoce; de quoy ne +vouliez faillyr de la remercyer; et la remerciés encores bien fort de +vous avoir déclairé qu'elle seroit bien ayse de pouvoir honnorablement +restituer la Royne d'Escoce par la voye du traicté; et que, quant +cella n'adviendroit ainsy, qu'encores la renvoyeroit elle aulx +seigneurs escouçoys qui tiennent son party; en quoy vous la supliez +très affectueusement d'y vouloir persévérer, et de vous en fère +bientost paroistre ceste sienne bonne intention par effect, affin de +vous descharger de l'inportunité de ceulx qui vous abstraignoient, par +vertu des traictez, de luy bailler secours; lesquelz se monstroient de +tant plus ardantz à le pourchasser, que le comte de Lenoz poursuyvoit +toutjour d'user de viollance contre eulx, au préjudice de la surcéance +d'armes; et que vous desiriez, Sire, que les conditions du traicté +réuscissent toutes bien fort seures et honnorables pour elle, et +pareillement bien honnestes et esloignées de toute offance pour la +Royne d'Escoce, et pour vous: ou bien, si c'estoit par l'aultre moyen +qu'elle la vollust restituer, que vous y requériez sa sincérité et sa +grandeur de cueur à le fère; en sorte que la liberté qu'elle luy +donroit ne luy fût ung nouveau tourment et peyne. + +La dicte Dame, depposant ung peu de la sévérité, qu'elle avoit usé à +me recepvoir, m'a respondu que ces propos luy sembloient meilleurs +qu'elle n'avoit espéré de les ouyr de Vostre Majesté, après une telle +menace et rigoureuse démonstration, que vous aviez usée vers son +ambassadeur, et préparée en Bretaigne; et qu'elle ne pouvoit fère que, +pour ceulx de vostre mariage, elle ne vous en remercyât aultant, de +vraye et bonne affection, comme il luy estoit possible de le fère, et +que vous ne vous tromperiez jamais, si vous vouliez droictement croyre +qu'elle estoit et seroit toutjours très ayse de voz prospéritez et +contantemens, aultant et plus que nul de toutz les princes de vostre +alliance; et, quoy qu'il y ayt, que vous luy feriez grand tort si ne +demeuriez très fermement persuadé que vostre mariage luy est +singulièrement agréable, et qu'elle prioyt Dieu d'y envoyer ses +bénédictions, affin qu'il fust très heureux aulx espousez, et que la +postérité en fust de mesmes très heureuse. Et s'est le propos +poursuyvy à dire que Vostre Majesté se pouvoit promettre une bonne +part de la vigne, qui est pour ceulx qui peuvent passer le premier an +de leurs nopces sans se repentyr, et que ceste vigne estoit proprement +pour les mariages si bien et si convenablement faictz comme le vostre. + +A quoy j'ay adjouxté que Vostre Majesté n'avoit garde de tumber en +nulle sorte de repentailles, et que celle de la vigne s'entendoit que +nul n'estoit maryé de si bonne heure, qu'il ne se repentît de ne +l'avoir esté plustost, et que j'espérois voir ung matin qu'elle seroit +touchée de ce repentir; ce que, en soubzriant, elle a advouhé, et que +mesmes elle en estoit desjà bien fort attaincte; et a continué que, +quant à la recommendation que l'Empereur luy avoit faicte de la Royne +d'Espaigne, cella estoit advenu, parce qu'elle avoit envoyé devers +elle en Flandres, et puys devers luy à Spyre, sur l'occasion du +différant, qu'elle avoit avec le Roy d'Espagne, qui n'estoit procédé +de luy, mais de ses ministres; et que, voyant que sa fille auroit à +passer en ceste mer, il luy avoit escript de luy vouloir randre son +passaige bien asseuré, qui aultrement, possible, ne l'eust guières +esté; et qu'encores que la Royne Très Chrestienne ne vînt poinct en +ceste mer, si ne lairroit elle de l'honnorer; et puysque je luy +faisoys ceste notiffication de la remise des triomphes à Paris, +qu'elle adviseroit d'envoyer quelcun de sa part pour fère la +conjouyssance, mais quant à tournoyer, qu'il y avoit quelques ans +qu'elle avoit entretenu sa court, comme en veufve, sans y fère +tournoys; dont craignoit que les braz de ses gentishommes fussent +devenuz si engourdiz qu'en lieu d'aller aquérir de l'honneur; ils y +gaignassent de la honte pour eulx et pour leur nation; au regard de la +paix de vostre royaulme, que Vostre Majesté ne s'en resjouyssoit pas +plus droictement qu'elle, qui ne cédoit à nul, qui, plus qu'elle, la +vous desirât stable et de durée; ce qui la faisoit de tant plus +esbahyr pourquoy Vostre Majesté entreprenoit de la rudoyer, et mal +traicter pour la Royne d'Escosse, et qu'elle n'eust jamais pensé que +vous l'eussiez vollue accomparer de respect à elle, et ne tenir en +trop meilleur compte son amytié que celle de la dicte Royne d'Escosse. + +Et s'est eslargie en tant de parolles aigres contre la dicte Royne +d'Escosse, et sur vos dictes menaces, et sur les secours qu'elle +entendoit s'aprester de rechef en Bretaigne, que je suys demeuré assés +esbahy comme la dicte Dame estoit si changée despuys l'aultre foys, +dont ne me suis peu tenir (luy gardant néantmoins toutjours tout le +respect qu'il m'a esté possible), que ne luy aye fermement répliqué +qu'elle se faisoit grand tort de prendre ainsy en mauvaise part les +très honnestes et gracieuses remonstrances, que Vostre Majesté luy +faisoit pour la Royne d'Escosse, et la franchise dont vous luy +déclairiez comme vous estiez contrainct de la secourir; qui pourtant +monstriez, par la patience dont vous y procédiez, que vous auriez +grand regrect qu'il vous en fallust venir à tant. Et n'ay obmiz de luy +respondre à toutz ses aultres argumentz, ung à ung, luy demandant +enfin quelle aultre voye donques estimoit elle que Vostre Majesté +pourroit tenir pour, tout ensemble, conserver son amytié, et +s'acquicter de son debvoir envers la Royne d'Escosse. + +A quoy, après y avoir ung peu pensé, elle m'a respondu qu'elle vous +prioyt, de toute son affection, de ne monstrer, par voz parolles et +aprestz, que vous mesprisez son amytié, et de ne vouloir traitter que +honnorablement avec elle et avec son ambassadeur, comme elle estoit +preste d'user de mesmes envers vous; car aymoit mieulx venir à toutes +aultres extrémités que de souffrir rien qui fût indigne de sa +réputation, ny de celle de sa couronne. Et quant au reste, elle me +vouloit bien dire qu'elle ne prétandoit que nul aultre prince +s'entremît du traicté d'entre elle et la Royne d'Escosse, que elles +deux, et que je ne debvois craindre qu'il s'y fît ligue contre Vostre +Majesté, mais bien pour se deffandre entre elles, si quelcun les +vouloit assaillyr; et qu'elle avoit mandé, pour le jour d'après, +l'évesque de Roz, et puys, pour le lendemain, l'abbé de Donfermelin +qui estoit desjà arrivé, affin de les ouyr, l'ung après l'aultre, et +donner, puys après, le plus d'advancement qu'elle pourroit au dict +traicté. + +Et n'ay raporté, pour ceste foys, aultre chose de la dicte Dame sinon +que noz propos se sont terminez gracieusement, et j'ay sceu despuys +qu'ilz ont eu beaucoup d'effect à la modérer sur tout ce qui peult +concerner vostre commune amytié et les affères de la dicte Royne +d'Escosse. Sur ce, etc. Ce XXXe jour de novembre 1570. + + POUR FÈRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ, oultre le contenu des + lettres: + + Que d'aulcunes choses, dont la Royne d'Angleterre est en peyne, + il y en a principallement trois, qui, à ceste heure, la + travaillent: l'ellévation à quoy se sont monstrez promptz ceulx + de Lenclastre, où elle n'ose toucher, de peur que le mal n'en + deviegne plus grand et plus universel en son royaulme; la seconde + est les affères de la Royne d'Escosse, lesquelz sont suportez du + Roy, et soubstenuz avec tant d'affection par une partie de ses + subjectz, et contradictz si opiniastrément par l'aultre, + mesmement par les évesques et principaulx de la nouvelle + religion, qu'elle ne sçayt quel expédiant y prendre; la + troisiesme est les différans des Pays Bas, desquelz tant plus + l'accord s'en prolonge, plus les prinses se dépérissent, et elle + s'en tient comme responsable, et les commerces cessent, desquelz + avoit accoustumé de tirer les meilleurs et plus clairs revenuz; + + Et, qui pis est, qu'il semble que ces trois causes se vont + confortant l'une à l'aultre, et qu'elles sont pour devenir toutes + à ung: à fère quelque grand effect dans ce royaulme, dont la + dicte Dame assemble souvant ceulx de son conseil pour y remédier; + et je ne sçay encores quelles résolutions ilz y mettent, parce + qu'ilz les tiennent fort secrectes, mais voycy ce que j'ay aprins + de particulier sur chacune des dictes occasions, d'où se pourra + aucunement colliger à quoy elles auront à devenir. + + Un seigneur bien entendu ez affères de ce royaulme, qui naguières + estoit en conversation avec d'aultres personnaiges de bonne + qualité, en ceste ville, leur dict que la Royne, leur Mestresse, + estoit à présent fort particullièrement informée de ce qui se + passoit au quartier de Lenclastre; et que ung des principaulx + autheurs de l'entreprinse en estoit venu descouvrir si + véritablement tout ce qui en estoit, qu'il n'avoit espargné + d'acuser son propre père, et avoit esté enfermé quatre heures + avec le secrétaire Cecille, pour luy notiffier les personnes, et + luy expécifier les dellibérations, et luy ouvrir encores les + moyens d'y remédier; + + Et que, sellon son rapport, sembloit que le comte Dherby, deux de + ses enfans, et la pluspart de la noblesse du pays se fussent + ouvertement soubstraictz de l'obéyssance de la dicte Dame, et + eussent déclairé de ne vouloir plus respondre à sa justice, ny + obéyr à chose qui se fit par son autorité, allégans que Dieu et + leur conscience les pressoient de ne recognoistre pour leur Royne + et Souveraine celle qui estoit déclairée illégitime et interdicte + par l'esglize, jusques à ce qu'elle se fût mize hors de + l'interdict; et que c'estoit sir Thomas Stanlay, second filz du + dict Dherby, qui conduysoit principallement cest affère, lequel + se promettoit d'avoir toutz les principaulx de ce royaulme de son + parti, hormiz le comte de Betfort, le comte de Huntington et le + duc de Norfolc, parce que ceulx là estaient l'un épicurien, + l'aultre sacrementaire, et le tiers neutre; et que la dicte Dame + estoit pour demeurer en grand peyne de cecy, si de Lenclastre + mesmes l'on ne luy eust mandé qu'elle ne s'en donnât poinct de + peur, car il restoit encores des gens de bien en si grand nombre + dans le pays qu'ilz romproyent ayséement les entreprinses de ces + papistes. + + J'ay entendu d'ailleurs que ung gentilhomme, que les dicts de + Lenclastre avoient envoyé devers aulcuns seigneurs des quartiers + de deçà, leur a dict qu'ilz se mettroient trente ou quarante mil + hommes assés promptement ensemble, si eulx se vouloient déclairer + ouvertement de leur party; et que iceulx seigneurs luy ont + respondu qu'ilz ne pouvoient rien fère de eulx mesmes, si le duc + de Norfolc n'estoit de la partie, lequel estoit encores dettenu, + et ne monstroit qu'il eust vollonté de rien remuer. + + Laquelle responce semble que, sans en rien communiquer au dict + duc, ilz l'ayent ainsy expressément faicte à icelluy gentilhomme + pour ne se descouvrir à nul anglois, car ilz ne se fyent les ungs + des aultres; et que néantmoins semble qu'ilz sont assez délibérez + et résolus à l'entreprinse, pourveu qu'elle soit conduicte + secrectement, et que le dict duc en veuille estre, et donner + parolle qu'il advancera le droict de la Royne d'Escosse au tiltre + de ce royaulme, et qu'il promettra que l'exercice de la religion + catholique aura cours pour ceulx qui la vouldront avoir; car + aultrement ilz aymeroient mieulx que la Royne d'Escosse print le + party du plus estrangier du monde que le sien; mais, cella + accordé, qu'ilz tiendront l'entreprinse pour bien, fort advancée, + en ce que le Pape, et le Roy, et le Roy d'Espaigne les veuillent + secourir de six mil harquebouziers seulement, en six divers + lieux, qui soient conduicts par gens, qui ne sachent en façon du + monde où ilz vont. + + Aulcuns estiment que le duc de Norfolc n'accepteroit que très + vollontiers les dictes deux conditions, mais il ne peult fère + aulcun bon fondement sur ceulx qui se meslent de l'entreprinse, + s'estant trouvé une foys trop déceu en celle de son mariage; et + aussi, qu'estant encores resserré, il estime, possible, qu'il ne + se pourroit assés bien prévaloir de ses propres moyens. + + Et d'ailleurs il se sent assés offancé d'aulcunes choses, que les + principaulx de son intelligence ont exécuté contre luy, despuys + sa détention, mesmement le viscomte de Montagu, lequel a faict + tout ce qu'il a peu en faveur de millord Dacres, de qui il a + espousé la soeur, pour débouter la niepce, qui est maryée au filz + ayné du duc, de toute la succession Dacres; et millord de + Lomelay, qui a espousé la fille du comte d'Arondel, de laquelle + il n'a poinct d'enfans, voyant que toute la succession de son + beau père va au filz ayné du dict duc, qui est filz d'une aultre + sienne fille, il l'induict de vendre, pièce à pièce, tout son + estat et ses terres; dont n'y a bonne intelligence entre les + principaulx, qui sont pour fère quelque effect. Par ainsy semble + qu'il seroit mal à propos de rien remuer, et le dict duc, de sa + part, fonde toute son espérance des affères de la Royne + d'Escosse, au secours et démonstrations du Roy; duquel il dict + qu'il veult dépendre, et qu'il espère qu'avec une bien médiocre + assistance de luy, les choses d'Escosse viendront à estre bien + remédiées, et ne trouve bon que la dicte Royne d'Escosse ny luy + s'embroillent avec les dicts de Lenclastre, lesquelz néantmoins + se promettent du dict duc et des aultres principaulx seigneurs du + royaulme, et encores des estrangiers, tout secours, quant il en + sera besoing; et, attandans cella, ilz ne remuent rien, ny ne + sont pareillement recerchez. + + Au regard des affères de la Royne d'Escosse, les depputez, qui + ont esté devers elle, ayant faict un très bon rapport des propos + et démonstrations, dont elle leur a usé, tendans à une bonne paix + et sincère amytié, sans fraulde, entre les deux Roynes et leurs + royaulmes, ilz ont ayséement induict la dicte Royne d'Angleterre + de vouloir venir en accord; laquelle a miz en considération ce + que aulcuns aultres de son conseil luy ont remonstré, qu'elle + avoit desjà beaucoup despendu pour les choses d'Escosse, sans + avoir rien estably de ce qu'elle prétandoit, et que, quant ceulx + du party de la dicte Royne d'Escosse ne viendroient estre qu'à + moictié prez secouruz du Roy, de ce que le comte de Mora et + celluy de Lenoz l'ont esté d'elle, que non seulement ilz + déboutteroient leurs adversayres, mais pourroient procurer une + dangereuse revenche contre l'Angleterre. + + Ce qui a faict que la dicte Dame s'est fort opposée à ceulx qui + vouloient interrompre le tretté, lesquelz n'ont heu enfin aulcun + plus fort argument que de luy remonstrer que, puysque le Roy + s'affectionnoit si fort à le pourchasser, elle debvoit croyre + qu'il y prétandoit quelque grand intérest, qui ne se descouvroit + encores, lequel pourroit bien revenir au dommaige d'elle; et que, + quant bien il n'y auroit, à présent, sinon ce, qu'il l'a menacée, + et qu'il a rudoyé son ambassadeur, encores importoit il + grandement à sa grandeur et réputation qu'elle ne fist rien pour + ceste foys. + + Et a cella faict tant d'impression en l'opinion de la dicte Dame + qu'elle s'est cuydée estranger de l'amityé du Roy, et se + despartyr de tout bon propos d'avec la Royne d'Escosse. + Néantmoins, en ma dernière audience, après avoir paysiblement + escoutté tout ce que je luy ay vollu dire là dessus, conforme à + l'intention du Roy, en la plus gracieuse façon et esloignée + d'offance qu'il m'a esté possible, elle m'a enfin respondu ce qui + est desduict en la lettre du Roy. + + Dont ceulx qui sont contraires au tretté, voyantz qu'elle + inclinoit toutjour de passer oultre, ont advisé de l'abstraindre, + par la conscience, de ne le vouloir aulcunement fère, que, + premier, la Royne d'Escosse n'ayt expressément promiz et fort + solennellement juré qu'elle n'innovera rien en la religion, quant + elle sera de retour en Escosse, ny pareillement en ce royaulme, + si, d'avanture, elle y vient à succéder; et nous a esté raporté + qu'ilz avoient encores passé oultre à dellibérer sur la vie de + ceste pouvre princesse; dont en estant venu un tel advertissement + à l'évesque de Roz, et s'estant là dessus la dicte Dame trouvée + bien mal, nous avons esté en grand peur d'elle, et avons miz + peyne que d'icy luy a esté envoyé aulcuns bien bons remèdes en + fort grande dilligence. + + Or, de ce qui se peult espérer de l'yssue de son faict, je l'ay + assés desduict par toutes mes dépesches précédentes, et par celle + de ceste datte, et que, nonobstant mes traverses, et empeschemens + qu'on y faict, qu'il y a grande apparance que le tretté succédera + avec le temps; et que l'abbé de Domfermelin, lequel, à ce qu'on + dict, est venu devant, de la part du comte de Lenoz, pour + l'interrompre, ne pourra sinon le retarder quelque peu de jours. + + Quant aulx différans des Pays Bas, ceulx qui ont senty que la + dicte Dame se tenoit offancée du costé de France, luy sont venuz + mettre en avant qu'en toutes sortes elle debvoit retourner à + l'intelligence du Roy d'Espaigne, et ne se soucyer de toutz les + aultres accidans du monde. A quoy l'ayans trouvée en général fort + bien disposée, ilz ont espéré de la pouvoir fère condescendre à + ce particullier, de recepvoir une lettre de l'ambassadeur + d'Espaigne, et de fère qu'elle luy randroit responce, ou luy + accorderoit audience, ou bien envoyeroit quelques ungs du conseil + pour tretter avecques luy; et, à la vérité, ilz ont trouvé moyen + de luy fère bien recepvoir la dicte lettre, en laquelle le dict + ambassadeur s'est seulement conjouy avec elle de ce que la Royne + d'Espaigne, après avoir esté honnorablement convoyée par ses + navyres, est arrivée à bon port le IIIIe du mois passé; et n'a + touché aulcun autre poinct. Mais, quant il a esté question + d'avoir la responce, et de passer plus avant avec le dict + ambassadeur, elle a respondu qu'il suffizoit, pour ceste heure, + qu'on dict à son secrétaire qu'elle avoit receu sa lettre, et + avoit esté bien ayse, comme elle le sera toutjour, d'entendre + toutes bonnes nouvelles de la Royne d'Espaigne, sa bonne soeur. + + Sur quoy aulcuns se sont entremiz d'accommoder, et les aultres de + traverser l'affère, qui enfin est demeurée en ce, que, si + l'ambassadeur avoit quelque lettre de son Maistre pour la dicte + Dame qu'il la luy envoyât, et elle adviseroit d'entrer en si bon + tretté avecques son dict Maistre, qu'elle donroit à cognoistre de + n'avoir heu jamais aultre desir que bien conserver son amytié; et + que desjà elle luy avoit escript trois lettres, despuys ces + différans, à nulle desquelles elle n'avoit esté respondue, et + qu'il importoit beaucoup à sa réputation qu'elle ne parlât ny + escripvît plus en ceste affère, jusques à ce qu'elle eust de ses + nouvelles. + + Et n'a rien servi de remonstrer à la dicte Dame que le dict + ambassadeur pouvoit avoir des lettres de son dict Maistre, + lesquelles ne luy estait loysible de présenter que par luy + mesmes; car a respondu que si son Maistre ne la pryoit, par une + sienne bien expresse lettre, de luy redonner sa présence, qu'elle + ne l'y admettra jamais; et qu'il feroit bien d'en envoyer ung + aultre, car la souvenance des choses qu'il avoit escriptes + d'elle, et de ce qu'il s'estoit meslé de l'eslévation du North et + de la bulle, ne permettoient qu'elle le peult avoir jamais + agréable. + + Et, sur ceste résolution, elle n'a plus vollu différer d'escripre + à son depputé en Flandres, que, si le duc d'Alve ne vouloit + admettre la compensation des merchandises, et prendre celles + d'Angleterre pour le priz qu'elles ont esté vandues par dellà, + qu'il s'en vint; et que, aussitost qu'il seroit icy, il seroit + procédé à la finalle vante de celles d'Espaigne, dont s'entend + que le Sr Thomas Fiesque sera de rechef dépesché pour venir + accorder ce poinct; et que le duc d'Alve ne s'y opiniastrera; et, + quant au principal faict de l'entrecours, que le Sr Ridolfy + passera bientost devers icelluy duc, pour mettre en avant quelque + bon expédiant. + + + + +CXLVIIIe DÉPESCHE + +--du VIIe jour de décembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Guillaume Bernard._) + + Sollicitations pour ramener Élisabeth à de meilleurs sentimens + envers la France.--Prière de l'ambassadeur au roi afin de + l'engager à faire un plus favorable accueil à l'ambassadeur + d'Angleterre.--Maladie subite de Marie Stuart.--Arrivée de + quelques-uns des députés d'Écosse.--Affaires des Pays-Bas et + d'Allemagne.--Prochain départ du cardinal de Chatillon.--Espoir + de l'ambassadeur que Leicester, ou quelqu'un des grands + d'Angleterre, sera envoyé en France à l'occasion du mariage du + roi. + + + AU ROY. + +Sire, après vous avoir dépesché mon secrétaire, le dernier de l'aultre +mois, j'ay cerché de sçavoir en quelle disposition continuoit d'estre +la Royne d'Angleterre vers Vostre Majesté et vers la Royne d'Escosse; +et j'ay aprins, Sire, que luy ayant esté naguières parlé de l'ung et +de l'autre, à heure bien propre, et en termes convenables pour luy +oster l'impression de ces menaces et rigoureuses démonstrations, dont +son ambassadeur s'est plainct qu'on luy avoit usé en France, elle a +monstré d'avoir beaucoup de regrect que cella fût advenu pour +interrompre les tesmoignages de la bonne affection, qu'elle se +préparoit de manifester bientost au monde qu'elle avoit vers Vostre +Majesté; et encores de celle que, pour l'amour de vous, elle vouloit +fère sentyr à la Royne d'Escosse; et qu'on sçavoit bien qu'elle avoit +desjà proposé d'envoyer une ambassade en France, non moins honnorable +que si elle y eust dépesché ung sien propre frère, pour fère la +conjoyssance de voz nopces et de la venue de la Royne, et pour +honnorer l'ung et l'aultre, ensemble la Royne, vostre mère, de +quelques présens, et de vous gratiffier et vous accorder tout ce +qu'elle eust peu pour la Royne d'Escosse. + +Sur quoy luy ayant, l'ung de ceulx qui estoient là présens, assés +soubdain remonstré qu'elle ne debvoit laysser de le fère pour chose, +que son ambassadeur luy eust escript, parce que moy, vostre +ambassadeur par deçà, asseurois bien fort que Vostre Majesté n'avoit +aulcune vollonté de l'offancer, et que mesmes elle pouvoit cognoistre +qu'encores que vous travaillissiez de satisfère à ce que vous debviez +à la Royne d'Escosse et aulx Escossoys, vous cerchiez néantmoins de +n'avoir poinct de guerre à elle; car, d'ung costé, vous pourchassiez +le tretté, et lui déclairiez, de l'aultre, qu'au cas qu'il ne succédât +vous seriez contrainct d'envoyer vostre secours en Escosse; et s'est +esforcé, par ce moyen, de ramener la dicte Dame à sa première bonne +dellibération d'envoyer en France; de quoy elle ne s'est monstrée trop +esloignée. Néantmoins, de tant que sa principalle entente est de fère +veoir aulx siens que les princes estrangiers l'honnorent et la +respectent, et que, là où ilz ne le vouldroient fère, qu'elle a le +cueur bon pour ne leur rien céder, affin que cella luy serve pour se +maintenir en plus d'authorité dans son royaulme, elle a enfin respondu +que nul ne la debvoit conseiller de porter honneur à celluy qui luy +vouloit oster le sien, ny de recercher d'amytié celluy qui mesprisoit +la sienne, et qu'elle abaysseroit par trop la dignité de la couronne +d'Angleterre, si elle monstroit de fère quelque chose par menaces; +dont attandroit de veoir comme ses démonstrations de bonne vollonté +auroient à être bien receues en France, premier qu'elle advanturast de +les envoyer offrir. + +Sur quoy j'ay esté advisé, Sire, par ung, qui est bien affectionné à +vostre service, de vous debvoir escripre que, de tant qu'il ne vous +peult estre imputé que à grande courtoysie de defférer quelque chose +aulx dames, et que ceste cy n'a, au fondz de son cueur, que très bonne +affection de persévérer en toute amytié et intelligence avec Vostre +Majesté et avec la France; et qu'il est dangier qu'elle s'en retire, +pour s'adjoindre ung aultre party qui la recerche infinyement, et où +vous pourriez estre quelquefoys bien marry qu'elle y eust passé, +lorsque, possible, vous vouldriez, avec très grand désir, l'avoir +réservée du vostre; et que les affères d'Escosse ne succéderont que +mieulx à vostre désir, et mesmes il vous viendra plusieurs aultres +commoditez de ceste princesse et de son royaulme, si vous la +regaignez; que Vostre Majesté fera bien de porter quelque faveur à son +ambassadeur, et de luy tenir des propos honnestes, et plains d'amytié +et de bienveuillance vers elle, luy faysant quelque part des nouvelles +de vostre mariage; et que, estant les choses d'Escosse accommodées, +ainsy que vous espériez qu'elles le seroient, par le tretté, et dont +vous la priez que ce soit bientost, que vous pourrez, puys après, +vivre en une très parfaicte intelligence et entière amytié avec elle; +et que desjà le dict ambassadeur est adverty que s'il vous plaît, +Sire, parler à luy en ceste sorte, que, pour deux motz que Vostre +Majesté luy en dira, il y ayt à luy en escripre plusieurs de si bons à +sa Mestresse, qu'il luy face perdre la mémoire de ceulx qui luy ont +faict mal au cueur; et que, si Vostre Majesté avoit agréable de m'en +fère aussi toucher quelques unes en vostre première dépesche, qui +fussent assés exprès pour les pouvoir monstrer à la dicte Dame, +qu'elle en demeureroit très grandement satisfaicte, et toutes choses +en yroient mieulx. Dont de tant, Sire, que ce conseil ne peult estre +que décent à Vostre Majesté, et que ceulx, qui portent icy les affères +de la Royne d'Escosse, m'ont prié de le vous fère trouver bon, je n'ay +vollu faillyr de le vous escripre tout incontinent, et adjouxter, +Sire, qu'il me semble qu'il ne pourra estre que honneste et utille à +vostre service d'en user ainsy. + +Cependant il est advenu que la Royne d'Escosse est tumbée fort +mallade, et qu'ayant changé d'air et de logis, à Chiffil, pour cuyder +s'y trouver mieulx, son mal est augmenté, de sorte qu'elle a mandé à +l'évesque de Roz de l'aller trouver en dilligence, et de luy admener +ung homme d'esglize pour l'administrer; lequel est party ce matin pour +luy aller luy mesme fère ce sainct office, par faulte d'aultre, et a +mené deux bons mèdecins, que la Royne d'Angleterre luy a baillez, +laquelle a escript une bonne lettre à la dicte Dame, qui la consolera +grandement; car aussi nous a elle mandé que son plus grand mal est +d'ennuy de ses affères, et que nous ne demeurions en souspeçon de +l'adviz que nous luy avions mandé, parce qu'elle a fort bien prins +toutjour garde à son vivre. Nous estimons que c'est son accoustumé mal +de costé, et que bientost nous aurons meilleures nouvelles d'elle; +lesquelles, Sire, je vous feray incontinent tenir. + +L'abbé de Domfermelin a faict plusieurs vifves remonstrances à la +Royne d'Angleterre pour rompre le traicté, desquelles elle a esté +assés esmeue; mais enfin elle l'a renvoyé pour aller quérir les +aultres depputez du party du régent, avec dellibération de passer +oultre, monstrant toutesfoys n'estre contante que les depputez, qui +viennent pour le party de la Royne d'Escosse, ne sont personnaiges +plus principaulx qu'ilz ne sont: car a entendu que c'est seulement +l'évesque de Galoa et milord Leviston; mais l'on luy a donné espérance +que le comte d'Arguil pourra venir, ce qui fera encores quelque +longueur en cest affère; mais j'y donray toutjour le plus de presse +qu'il me sera possible. + +L'on s'esbahyt qu'il y a plus d'ung mois que nul courrier n'est venu +de Flandres, mais l'on ne le prend que pour bon signe, de tant +qu'ayant esté escript au depputé, qui est en Envers, d'aller +incontinent trouver le duc d'Alve à Bruxelles, pour luy proposer la +dernière offre; et que, s'il y faict nulle difficulté, qu'il s'en +retourne tout incontinent, l'on estime que le dict duc l'a acceptée, +et que l'on est meintennant après à conclurre les chappitres de +l'accord. J'entendz que le jeune Coban a esté licencié de l'Empereur, +dez le VIIIe du passé, pour s'en retourner devers sa Mestresse; il est +encores en chemin, mais ung personnaige d'assés bonne qualité, +allemant, est arrivé despuys deux jours, qui se dict ambassadeur du +duc Auguste de Saxe, duquel je n'ay encores rien aprins de sa +légation; je travailleray d'en entendre quelque chose. Monsieur le +cardinal de Chastillon partit hyer de ceste ville pour aller à +Canturbery, pour estre plus près du passaige, dellibérant d'attandre +là des nouvelles de son homme, qu'il a envoyé en France. Il m'est, de +rechef, venu visiter, avec plusieurs bonnes parolles de sa dévotion +et fidellité vers vostre service, et qu'il n'a nul plus grand desir au +monde que de vous en fère, et qu'il espère bientost vous aller bayser +les mains pour plus expressément le vous tesmoigner. Sur ce, etc. Ce +VIIe jour de décembre 1570. + + Je pense avoir desjà tant rabattu de courroux de la Royne + d'Angleterre que, si elle n'envoye le comte de Lestre en France, + que au moins y dépeschera elle ung aultre milord de bonne + qualité. + + + + +CXLIXe DÉPESCHE + +--du XIIIe jour de décembre 1570.-- + +(_Envoyée jusques à la court par Antoine Jaquet, chevaulcheur._) + + Maladie de Marie Stuart.--État de la négociation qui la + concerne.--Incertitude sur la négociation des + Pays-Bas.--Nouvelles d'Allemagne.--Réclamations relatives aux + plaintes des négocians de Rouen et de la Bretagne.--Résolution + de la reine d'Angleterre d'envoyer un ambassadeur en France, à + l'occasion du mariage du roi. + + + AU ROY. + +Sire, il n'est venu aulcunes nouvelles de la Royne d'Escosse despuys +mes aultres lettres, de devant celles icy, lesquelles sont du septième +de ce mois, qui est signe, Sire, qu'elle se trouve mieulx, ou au moins +qu'elle ne va en empyrant; car son mal est assés tost publié en ce +royaulme. J'espère que, par mes premières, je vous pourray mander +quelque chose de particullier de sa convalescence, sellon que les bons +mèdecins, qu'on lui a admené d'icy, et les bons remèdes qu'on luy a +envoyez, luy auront, avec l'ayde de Dieu, peu servir. Cependant l'abbé +de Domfermelin a fort négocié en ceste court, pour interrompre le +tretté, mais il ne l'a peu fère; dont, voyant que la Royne +d'Angleterre incistoit toutjour que les depputez de son party +vinssent, il s'est résolu de les attandre icy, et a dépesché ser +Guilhaume Stuart en poste pour les aller quéryr, et pour apporter une +dépesche et responce de la dicte Dame au comte de Lenos. Il estime que +les comtes de Morthon et de Glames viendront. L'on a opinion que les +depputez de l'aultre party sont desjà à Cheffil avec la Royne +d'Escosse, leur Mestresse, et que l'évesque de Roz, qui l'est allée +trouver, les admènera bientost par deçà. Je vays, en son absence, +entretenant, la plus vifve que je puys, la pratique du dict tretté et, +par toutes les sondes que je y fays, je trouve que la résolution +demeure ferme de passer oultre; non que pour cella, Sire, il ne s'y +voye beaucoup de difficultez, semblables à celles du passé, et mesmes +que le comte de Sussex, à son arrivée, y en a semé plusieurs de celles +qui tesmoignent le regrect, qu'il a, d'estre depposé de sa charge, et +de ce que son armée luy a esté cassée, magniffiant ces derniers +exploictz d'Escosse, et monstrant combien il seroit facille, et hors +de dangier, d'y en exécuter de plus grandz, veu les ordinaires +empeschemens, que Vostre Majesté et les princes de dellà la mer ont en +leurs affères. Néantmoins l'on pourra juger plus à clair du succez de +cest affère, quant toutz les depputez seront achevez d'arriver, ce que +je n'espère devant le huictiesme de janvier. + +Il est, coup sur coup, arrivé trois courriers de Flandres, qui sont +allez descendre au logis du secrétaire Cecille en ceste ville, où il +est encores mallade; qui les a examinez à part, et les a assés tost +expédiez vers la Royne sa Mestresse, sans permettre qu'ilz ayent rien +publié de leur dépesche. Tant y a que j'ay ung adviz d'assez bon +lieu, que le duc d'Alve, en baillant sa responce au depputté de la +dicte Dame, ne luy a accepté son offre, ny aussy ne la luy a reffuzée; +mais il luy a miz en avant d'aultres gracieulx expédientz, par +lesquelz il faict espérer à ceste princesse, et aulx siens, que non +seulement le faict de ces prinses, mais aussi celluy du commerce et de +l'entrecours, et pareillement toutz aultres différans, d'entre le Roy +Catholique et elle, et d'entre leurs pays et subjectz, se pourront +facillement accommoder, avant la fin de febvrier, ou au moins, dans +tout le mois de mars. Je ne sçay si elle s'y endormyra, mais ceulx de +son conseil monstrent qu'il y a une extrême nécessité de trafiquer en +ce royaulme, et pressent bien fort l'ambassadeur d'Espaigne de leur +ottroyer des passeportz, pour envoyer des navyres et merchandises en +Biscaye et Andelouzie. + +Le jeune Coban est arrivé, despuys trois jours, en ceste court, lequel +n'a passé en ceste ville; dont n'ay encores rien aprins de certain de +ce qu'il a raporté de sa légation. Il est vray que quelques lettres +sont venues d'Allemaigne, par lesquelles l'on escript que l'Empereur +luy a notiffié le mariage de l'archiduc Charles, son frère, avec la +fille de Bavière, et que cella, avec quelques bonnes parolles +d'amytié, ont esté toute la substance de la responce qu'il luy a +faicte. + +Il a esté procédé si gracieusement ez choses de Lenclastre, que les +sires Thomas et Edouart Stanlays et le sire Thomas Gerard, soubz +parolles de seureté, se sont enfin venuz représanter en ceste court, +où le comte de Lestre et le secrétaire Cecille leur ont, d'entrée, +monstré grand faveur. Je ne sçay quelle sera l'yssue de leur faict. Le +dict secrétaire Cecille m'a envoyé, par le Sr de Quillegray, son beau +frère, la responce, que les maire et eschevins de Londres font aulx +remonstrances de voz subjectz de Roan, et m'a mandé que, si les dicts +de Roan ne s'en contentent, qu'ilz les apostillent, ou bien qu'ilz +depputent deux d'entre eulx pour en conférer avec deux aultres de +Londres, affin de s'en accommoder ensemble. Car sa Mestresse; desire +que, pour l'honneur de Vostre Majesté, ilz soyent contantés, et le +commerce continué. Et m'a dict aussi le dict Cecille que, pour +remédier aulx désordres d'entre la Bretaigne et l'Angleterre, il vous +playse, Sire, ordonner à Mr de Montpensier de fère une recerche des +prinses et déprédations faictes aux Anglois par dellà, et y depputer +des commissaires pour en juger sommairement; et sa dicte Mestresse +pourvoyra de fère le semblable par deçà, pour la restitution des biens +des Bretons, et qu'aultrement le commerce d'entre les deux pays va +estre de tout interrompu. + +Monsieur le comte de Lecestre m'a envoyé dire, ce matin, par ung de +ses gentishommes, qu'il a continué vers la Royne, sa Mestresse, la +négociation que j'avois commancée avec luy, suyvant laquelle ayant +priz en bonne part noz remonstrances, elle s'est résolue de persévérer +en tous debvoirs de bonne amytié vers Vostre Majesté, et qu'elle +envoyera une bien honnorable ambassade en France, pour fère la +conjouyssance de voz nopces et de la venue de la Royne. J'entendz que +ce sera milord Boucart, parant en mesme degré de la dicte dame qu'est +milord d'Ousdon. Sur ce, etc. Ce XIIIe jour de décembre 1570. + + + + +CLe DÉPESCHE + +--du XVIIIe jour de décembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._) + + Nouvelles de la santé de Marie Stuart.--Préparatifs de départ de + lord Buchard et des seigneurs de sa suite pour assister aux + fêtes du mariage du roi.--Négociation des Pays-Bas.--Nouvelles + d'Allemagne.--Affaires d'Irlande. + + + AU ROY. + +Sire, suyvant ce que, en mes précédantes du XIIIe de ce moys, j'avois +espéré de vous pouvoir, par celles de ceste heure, mander de bonnes +nouvelles de la Royne d'Escoce, il est advenu que Mr l'évesque de Roz +m'a escript, du XIe de ce moys, tout l'estat auquel il l'a trouvée, +quant il est arrivé vers elle; qui est chose pitoyable à ouyr, mesmes +que, oultre la complication de beaucoup de malladies, qui la pressent, +elle est affligée d'ung extrême ennuy de ses affères, et d'un +crèvecueur trop grand, qu'elle a d'aulcunes mauvaises parolles qu'on a +aprins au Prince d'Escoce, son filz, de proférer d'elle. Néantmoins, +par la bonne dilligence et les bons remèdes, qu'on luy a usé, les +médecins jugent qu'elle est à présent hors de dangier; ce que je vous +confirmeray, Sire, par mes subséquentes, sellon la certitude qui m'en +viendra chacun jour. Les depputez de son party ne sont encores +arrivez, et estime l'on qu'on a changé l'ellection, et que le comte +d'Athil, ou celluy d'Arguil, avec milord Herys, seront envoyés. Leur +longueur aporte beaucoup de retardement à leurs propres affères, et à +ceulx de leur Mestresse. + +Cependand milord Boucard se met au plus honneste équipage qu'il peult, +pour aller trouver Vostre Majesté, et a commandé la Royne, sa +Mestresse, au comte de Rotheland, et encores à vingt chevaliers ou +gentishommes de sa court, de l'acompaigner, monstrant qu'elle veult +honnorer, à son pouvoir, ce tant illustre mariage des deux personnes, +qui sont les plus royalles et de la plus haute extraction de la +Chrestienté, et d'honnorer encores particullièrement la venue de la +Royne, comme d'une princesse, que, oultre les communes occasions de +leur mutuelle bienveuillance, elle veult, pour l'honneur de +l'Empereur, son père, contracter une fort estroicte et bien fort +espécialle amytié avec elle. Et s'attand bien aussi la dicte Dame que +Voz trois Majestez Très Chrestiennes et Messeigneurs voz frères, et +Mesdames voz soeurs, et pareillement toute la France, luy gratiffierez +ceste sienne bienveuillance et grande démonstration; laquelle je vous +puys asseurer, Sire, qu'on me la tesmoigne icy pour une fort grande +expression du desir, qu'elle a, de persévérer en toute bonne amytié +avec Vostre Majesté, et d'accommoder encores, pour l'honneur de vous, +les affères de la Royne d'Escoce; ce que je remets bien à le voir par +les effectz. Tant y a que je vous suplie très humblement, Sire, de +commander que les choses, qui conviennent à bien et favorablement +recepvoir une si notable ambassade, soient ordonnées de bonne heure. + +Au regard des différans de Flandres, j'entendz que le duc d'Alve a +faict remonstrer, soubz main, au depputé de la Royne d'Angleterre +qu'il ne pouvoit, en façon du monde, accepter son offre de prandre les +merchandises d'Angleterre au pris qu'elles avoient esté vandues; car +il y feroit, par trop, le dommaige de son Maistre, mais qu'il +s'esforceroit bien de luy fère trouver bon que ce fût sellon qu'elles +avoient vallu en Envers, ung mois auparavant les saysies, parce que +l'empeschement, survenu despuys, sur le commun commerce des deux pays, +les avoit faictes venir beaucoup plus chères; et que c'estoit ung +expédiant, qui luy sembloit fort raysonnable, et par lequel il +espéroit qu'on viendroit facillement au moyen d'accommoder les aultres +affères du commerce, et de l'entrecours, et de toutz les différans +qu'ilz pouvoient avoir ensemble; auquel expédiant, Sire, semble que +ceulx cy condescendront, mais, de tant que le dict duc n'en a encores +rien escript à l'ambassadeur, qui est icy, l'on estime que ce n'est +matière bien preste. + +Il ne se publie encores rien de la responce, que le jeune Coban a +raportée de l'Empereur; pourra estre qu'avant mes premières j'en auray +aprins quelque chose pour le vous mander, mais, quant à l'allemant, +qui estoit arrivé ung peu devant luy, c'est ung capitaine qui +s'appelle sire Mans Olsamer, d'Auxbourg, qui desire estre receu au +service et à la pencion de la Royne d'Angleterre; et, pour tesmoignage +de sa valleur, il a aporté des lettres de recommendation du duc +Auguste, et quelque présent de coffres d'Allemaigne à la dicte Dame, +et six belles pères de pistollés au comte de Lestre. L'on estime que +luy et ung aultre ambassadeur, que le comte Pallatin et le comte de +Mansfelt en mesmes temps envoyé icy, par prétexte de quelque reste de +payement de reistres, poursuyvent ce que leurs aultres ambassadeurs, +l'esté passé, avoient miz en avant d'une ligue avec ceste princesse, +dont je mettray peyne d'en entendre ce qui en est. + +L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict qu'on avoit icy adviz d'Irlande +comme les sauvaiges ont surprins ung chasteau sur ung port de mer, +appartenant au comte d'Esmont, prisonnier en la Tour de Londres, +lequel la Royne d'Angleterre avoit commis en garde à quelque aultre +gentilhomme du pays, et que les dicts sauvaiges y ont miz une garnyzon +de Bretons, de quoy l'on ne m'a encores parlé, et je n'en ay poinct +d'adviz d'ailleurs; ayant au reste, Sire, bien dilligement considéré +ce que Vostre Majesté m'a escript, du premier de ce moys, touchant le +dict pays, qui est une chose qui se raporte assés bien à ce que je +vous en manday, dez le XIe de juing dernier; et me semble, Sire, que +ceulx cy ont meintennant fort oublyé la plus grand souspeçon qu'ilz +eussent en cest endroict, car ilz n'ont nul appareil sur mer; et si, +estiment que l'Espaigne n'est encores bien délivrée des Mores, et que +le Roy Catholique a receu honte et perte en l'entreprinse du Levant, +n'ayant son armée de rien servy au secours de Nicocye[21], ny rien +exploicté de bien, en tout le voyage, que la perte de quatre ou cinq +mil soldatz, et s'est retirée, sans bonne intelligence, d'avec celles +des aultres allyez. Possible qu'ilz s'endorment ez belles parolles du +duc d'Alve. J'essayeray de voir, ung peu de près, où en sont, à +présent, les choses, affin de vous en escripre plus à certain par mes +premières; mais il est requis, Sire, qu'on y ayt principallement +l'oeil ouvert du costé d'Espaigne et de Flandres; car c'est là, où +desjà sont passez ceulx qui ont à conduyre l'entreprinse, si aulcune +s'en faict. Sur ce etc. Ce XVIIIe jour de décembre 1570. + + [21] La ville de Nicosie, malgré les efforts de la flotte + combinée des chrétiens, fut prise par les Turcs, le 9 septembre + 1570. + + + + +CLIe DÉPESCHE + +--du XXIIIe jour de décembre 1570.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais, par Jehan Monyer._) + + Retour de sir Henri Coban de sa mission en Allemagne.--Rapport + qu'il fait à la reine de ce qui s'est passé aux fiançailles du + roi à Spire.--Conférence de l'ambassadeur et de lord + Buchard.--Instructions qui ont été données à lord Buchard par + la reine d'Angleterre.--Espoir de l'ambassadeur de ramener + Élisabeth à une entière confiance dans le roi.--Convalescence + de Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay fort dilligemment cerché de sçavoir si ceulx cy avoient nul +sentyment de l'aprest, que Vostre Majesté m'a mandé par sa lettre du +premier de ce mois, mais je trouve qu'ilz ne se deffient à ceste +heure, peu ny prou, de cest endroict, estans en termes de bien +accorder leurs différans avec le duc d'Alve; et ayant la Royne +d'Angleterre receu, par le retour du jeune Coban, qui a repassé par +Flandres, une lettre du Roy Catholique et une aultre du dict duc, +desquelles, à la vérité, je ne sçay encores la teneur; tant y a que le +dict duc luy faict espérer beaucoup de l'amytié de son Maistre, et luy +promect plusieurs bons offices de sa part; sur quoy elle et les siens +sont à présent endormys. Il est vray qu'ayant la responce, que icelluy +duc a faicte au depputé d'icy, (laquelle, du commancement, avoit +semblé fort raysonnable), esté baillée à examiner aulx gens de lettre +de ceste ville, ilz l'ont en quelque part trouvé captieuse, de sorte +qu'on estime qu'il y aura encores bien à débattre. Le dict jeune Coban +a faict ung honnorable rapport des fianceailles de Vostre Majesté, +lesquelles il a veues cellébrer à Spire, et de la bonne grâce, vertu +et débonaireté de la Royne, des vertueulx déportemens de Mr le comte +de Retz aus dites fianceailles, avec honneur et dignité, et +pareillement de monsieur le comte de Fiesque, et de toutz les +Françoys, qui estoient en leur compaignie; et s'est loué des +honnorables propos, que le dict Sr comte de Retz luy a tenuz de la +Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et de la faveur qu'il luy a faicte +particulièrement à luy; mais quant aulx aultres contantemens, qu'il a +raporté de la cour de l'Empereur, j'entendz que sa dicte Mestresse ne +les a aulcunement goustez, ains qu'elle demeure offancée des +responces, que l'Empereur luy a faictes; lesquelles j'espère que, par +mes premières, je les vous pourray mander. + +Lundy dernier, Mr de Valsingan me fit ung somptueulx festin, auquel il +appella milord de Boucart, le comte de Rotheland, et une trouppe des +plus habilles hommes de bonne qualité de ceste ville, qui me vinrent +quérir fort honnorablement en mon logis; il me dict qu'il estoit du +tout dépesché pour aller succéder à Mr Norrys, et qu'il me donnoit +parolle, en homme de bien, de se comporter en telle sorte, en sa +légation, que Vostre Majesté en auroit tout contentement; et me fit +toute ceste compaignie une fort honneste démonstration de +bienveuillance envers la France. Le dict Sr de Boucard me dict, à +part, que sa Mestresse luy avoit commancé de bailler son instruction, +et que, sans les choses que son ambassadeur luy avoit escriptes, elle +eust faict fère le voyage par le comte de Lestre, lequel, à présent, +ne pouvoit plus estre ainsy bien prest comme elle le desireroit; bien +que je luy eusse, à ce qu'elle disoit, desjà interprété en si bonne +sorte ce que Vostre Majesté avoit faict et dict, en l'endroict de son +ambassadeur, qu'elle en demeuroit fort satisfaicte, mais qu'elle +vouloit que le dict de Boucart accomplyst si honnorablement ceste +légation au lieu du dict de Lestre, que Voz Majestez Très +Chrestiennes, et toute la France, en puissiez recepvoir le +contantement, qu'elle desireroit; et luy avoit parlé en une façon +qu'elle monstroit ne vous porter moins bonne affection, que si elle +vous estoit propre soeur germayne, et qu'elle fût vrayement fille de +la Royne, vostre mère; et qu'il y en avoit, qui luy conseilloient de +composer aultrement son langaige, quant il seroit en France, mais +qu'il n'avoit garde, et qu'il vous représenteroit droictement les +propos de sa Mestresse. Il est, à la vérité, ung bien modeste +gentilhomme, et aussi bien intentionné que j'en cognoisse poinct en +ceste court, il eust desiré que le terme de vostre entrée à Paris +n'eust pas esté si court, affin d'avoir plus de loysir de se préparer; +et luy ay donné quelque espérance qu'elle pourra estre prolongée +jusques au VIIIe ou Xe de janvier. + +Je vays demain trouver la Royne, sa Mestresse, et espère, puysqu'elle +a commancé de bien prandre mes raysons, que je la ramèneray aulx +premiers termes de la bonne amytié, que Vostre Majesté desire +continuer avec elle, sellon le bon argument que je luy en feray voir +par vos lettres du XXIIe du passé; et ne larray de luy toucher des +affères de la Royne d'Escoce, encores qu'ilz luy soyent toutjours fort +espineux; et la remercyerai de la consolation, qu'elle luy a donnée +par ses lettres, en ceste grande malladye où elle a esté, de laquelle +l'on pense icy qu'elle ne soit encores bien hors de dangier; mais, +tout présentement, ung sien serviteur, qui est son fruytier, et faict +l'office d'apoticquaire, et qui la servyt vendredy dernier à son +disner, m'a apporté certaines nouvelles qu'elle se trouve mieulx. La +Royne d'Angleterre est après à l'envoyer visiter par ung gentilhomme +des siens, et luy envoyer une bague, qu'elle a faicte fère exprès, +pour renouveler quelques merques d'amytié entre elles; et semble qu'il +ne tient plus qu'aulx depputez d'Escoce qu'on ne procède au traicté. +Sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de décembre 1570. + + + + +CLIIe DÉPESCHE + +--du XXIXe jour de décembre 1570.-- + +(_Envoyée jusques à la court par le Sr de Sabran._) + + Audience.--Explication sur le mauvais accueil dont s'est plaint + l'ambassadeur d'Angleterre.--Satisfaction de la + reine.--Discussion des affaires de la reine d'Écosse.--Plainte + d'Élisabeth au sujet des menaces faites par le roi.--_Lettre + secrète à la reine-mère._ Conférence du cardinal de Chatillon + avec l'ambassadeur; projet de mariage du duc d'Anjou avec + Élisabeth.--Commencement de cette négociation.--Déclaration de + Leicester qu'il favorisera ce projet.--Propos tenu à ce sujet + par l'ambassadeur à la reine d'Angleterre.--_Mémoire._ + Proposition du comte de Sussex sur les affaires de Marie + Stuart.--Efforts des Anglais pour enlever à la France + l'alliance de l'Écosse.--Poursuites dirigées au sujet des + troubles du pays de Lancastre.--Affaires d'Espagne et des + Pays-Bas.--Confiance des Anglais dans les promesses du duc + d'Albe.--Négociation de sir Henri Coban en + Allemagne.--Mécontentement d'Élisabeth contre + l'Empereur.--Nouvelle d'un grand armement fait en Espagne. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay dict à la Royne d'Angleterre que sur la dépesche que je +vous avois faicte par le Sr de L'Aubespine, touchant le +malcontantement qu'elle avoit des choses, qui avoient esté faictes en +l'endroict de son ambassadeur, Vostre Majesté ne m'avoit guières vollu +différer sa responce, en laquelle j'avois trouvé tout ce qui s'étoit +passé avecques luy, le jour dont il se pleignoit; dont me commandiez +de le représanter à elle par le menu, et que, s'il luy restoit nul bon +desir, ni aulcune bonne affection envers Vostre Majesté, et si elle ne +vouloit condempner la franchise et sincérité, dont vous desiriez uzer +en son endroict, vous espériez qu'elle n'interprèteroit que à bien +tout ce qui vous estoit advenu de fère et dire, lors, à son dict +ambassadeur: et néantmoins, parce que je vous avois mandé qu'elle +desiroit d'en estre satisfaicte, vous n'aviez vollu différer d'en +mettre la satisfaction dans vostre lettre, et y aviez adjouxté +l'intention, dont vous aviez parlé, des affères de la Royne d'Escoce, +et ce que vous en aviez encores sur le cueur; à quoy vous la supliez +toutjour de pourvoir, et puys veniez, en vostre lettre, à d'aultres +particullaritez, qui estoient toutes à son contantement; dont, de tant +que vous y expliquiez si bien vostre intention, que je craignois +d'offusquer beaucoup la clarté d'icelle, si je la rédigoys en mes +propos, j'avois aporté le propre extraict de vostre chiffre, pour le +luy monstrer, après toutesfoys avoir impétré d'elle qu'elle ne +prendroit, sinon en fort bonne part, tout ce qui y estoit contenu. + +La dicte Dame, me remercyant de la communication que je luy vouloys +fère de vostre dépesche, affin d'y comprendre mieulx vostre intention, +la leust fort curieusement du commancement jusques à la fin, et +considéra de prez toutes les particullaritez qui y estoient contenues; +et puys me dict qu'elle vouloit bien demeurer contante et satisfaicte +de ce qu'il vous playsoit, et prendre de bonne part les bons argumens, +qu'elle voyoit dans vostre lettre, de vostre bonne amytié vers elle; +mais cella luy faisoit mal que vous l'y colloquiez segonde, après la +Royne d'Escoce, bien qu'elle méritast d'estre première, et que, si +vous y aviez touché aulcunes honnestes et bien gracieuses +particullaritez pour elle, vous y aviez encores plus amplement +poursuyvy les affères de la dicte Royne d'Escoce; dont eust desiré +que, au moins ceste foys, vous eussiez oublyé d'y mettre le mesmes +langaige, que vous aviez escript à son dict ambassadeur, mais il y +estoit tout semblable; et qu'elle voyoit bien que vous ne l'aviez peu +dire, ny escripre, à luy, ny à moy, sans que vous ne l'eussiez heu +ainsy dans le cueur; néantmoins qu'elle estimoit que vous luy +réserviez toutjour une très bonne affection, ainsy que vous +l'escripvez; et que, pour le regard de la Royne d'Escoce, elle avoit +esté très desplaysante de sa malladye, et de ce qu'il sembloit qu'elle +ne fust encores hors de dangier, néantmoins elle l'envoyeroit visiter +par ung gentilhomme, affin de luy donner toute la consolation qu'il +luy seroit possible; qu'elle espéroit que ses depputez seroient +bientost icy, luy ayant néantmoins mandé d'en fère venir de plus +capables que ceulx qui avoient esté nommez, car c'estoit derrision +d'envoyer ceulx là; et, qu'aussitost qu'ilz seroient venuz, des deux +partys, qu'on procèderoit au tretté, auquel, quant à ce que Vostre +Majesté me commandoit de prendre garde qu'il n'y fût rien faict à +vostre préjudice, qu'elle ne le prétandoit aulcunement, mais seulement +de fère que la Royne d'Escoce ne luy nuysît poinct à elle; au regard +de voz nopces, qu'elle avoit receu ung singulier playsir d'en entendre +l'honnorable récit, que je luy en avois faict, et qu'elle se délectoit +de les ouyr cellébrer et magniffier, comme les plus honnorables de +nostre temps; (ès quelles n'avoit esté besoing de dispence, ainsy que +aulx aultres, où sembloit qu'enfin le Pape permettroit de se mesler +avec les propres soeurs); et qu'elle les envoyeroit honnorer et +aprouver encores de sa part, par ung de ses barons, qui estoit son +parant fort prochain du costé de sa mère, lequel elle avoit +expressément choisy à cest effect pour vous contanter; et vous pryoit, +Sire, de le vouloir bien recepvoir, et l'accepter avecques faveur; et +vous remercyoit, au reste, de tout son cueur, de ce que, pour vous +avoir desiré toute félicité en vostre mariage, et avoir invoqué la +bénédiction de Dieu sur icelluy, vous luy en avez souhayté ung pour +elle, qui fust à son contantement, chose qu'elle s'asseure que vous +luy vouldriez procurer de bonne affection, et elle aussi y vouldroit +suyvre très vollontiers vostre jugement, sellon qu'elle s'asseuroit +que vous luy vouliez beaucoup de bien, si elle en venoit à cella; et +qu'au reste elle n'avoit poinct doubte de l'establissement de la paix +de vostre royaulme, néantmoins qu'elle estoit infinyement bien ayse de +vous voir bien résolu de la maintenir, et que toutz vos subjectz se +rangeassent, comme ilz faisoient, à bien exactement l'observer. + +Toutz lesquelz bons propos, Sire, elle a estenduz en plusieurs +honnestes termes d'amytié et de bonne affection envers Voz Majestez +Très Chrestiennes et au plaisir, qu'elle disoit participer avec celluy +qu'elle jugeoit fort grand, et quasi incroyable, de la Royne, vostre +mère, sur les prospéritez qu'elle voyoit aujourduy en ses enfans et en +la France; ce que j'ay suyvy avec les meileures parolles, que j'ay +estimé convenir à vostre grandeur et à l'honneur et dignité du présent +estat de voz affères; et me suys ainsi licencié d'elle. + +Or, Sire, le comte de Lestre m'a faict une ouverte démonstration de +la bonne intelligence, en quoy la dicte Dame veult demeurer avec +Vostre Majesté, mais que voz ennemys luy objectent que ce n'est de la +dignité de sa couronne, ny de l'honneur de son royaume, qu'elle se +laysse aller à voz menaces sur les affères de la Royne d'Escoce, et +qu'il me vouloit dire que la dicte Dame avoit heu mille et mille foys +plus de respect à vous pour la Royne d'Escoce, que non pas à elle, et +que je pouvois dire qu'en vostre nom j'avoys tiré son affère hors des +abismes, néantmoins qu'elle en vouloit bien avoir le gré et l'honneur, +et que tout seroit gasté, si l'on y procédoit par rigueur; dont ayant +Vostre Majesté à procéder en cella avecques une femme, desiroit qu'il +vous pleust luy uzer de toutes agréables parolles, et encores de +gracieuses prières, et qu'avec ceste courtoysie le dict sieur comte +espéroit de vaincre les adversayres de ceste cause, lesquelz il estoit +incroyable combien ilz lui avoient donné de peyne jusques icy. Et sur +ce, etc. Ce XXIXe jour de décembre 1570. + + A LA ROYNE. + + (_Lettre à part._) + +Madame, j'ay à dire à Vostre Majesté touchant le particullier de la +petite lettre du XXIe de novembre que, quant Mr le cardinal de +Chastillon a repassé en ceste ville, en s'en retournant d'Amptome, il +m'est venu visiter pour satisfère, à ce qu'il dict, à son debvoir +envers Voz Majestez, et a curieusement examiné de quelle intention +Elles et Monseigneur estoient en l'entretennement de la paix, et si +elles se vouloient poinct tirer hors de la subjection du Roy +d'Espaigne et des aultres princes, qui tirannisent vostre couronne, +et si Mon dict Seigneur estoit si avant au party de la princesse de +Portugal qu'il ne peult entendre à celluy de la Royne d'Angleterre, +lequel, s'il le vouloit, se pourroit meintennant conduyre, estendant +son propos en plusieurs aultres choses, lesquelles revenoient toutes à +ces trois poinctz. + +Je luy ay respondu, quant à la paix, qu'il ne doubtât que Voz Majestez +et Monseigneur ne la rendissiez stable et de durée, jouxte l'édict, +qui en avoit esté faict, pourveu que eulx, de leur costé, +l'observassent; que vostre dellibération estoit de fère voz affères, +sans dépendre de nul aultre prince, mais qu'il seroit bien dangereux, +à la fin de ceste guerre des Protestans, d'en laysser renoveller une +des Catholiques, veu l'intelligence que luy mesmes disoit que les +aultres princes avoient dans le royaume; par ainsy qu'il vous failloit +laysser bien establyr, et qu'il considérât combien il avoit esté +besoing que Voz Majestez et Mon dict Seigneur eussiez usé d'une ferme +et constante vertu, et d'une grande magnanimité, à fère ceste paix, +estant assez contradicte de toutz les aultres princes catholiques; +que, touchant la Royne d'Angleterre, elle avoit toujour monstré ne +vouloir poinct de mary, ou de ne vouloir entendre à nul autre que à +l'archiduc; mais si, à ceste heure que Mon dict Seigneur estoit en +fleur d'eage, et florissant en toutes vertuz, aultant et, possible, +plus que nul prince de la Chrestienté, elle trouvoit bon de +l'espouser, je ne faisois doubte que luy et Voz Majestez, et toute la +France, embrassissiez ce party avec toute affection, comme le plus +grand et le plus honnorable de toutz les aultres, et duquel j'estimois +qu'adviendroit plus de réconcilliation au monde, plus de paix à la +France, et plus de terreur aulx ennemys d'icelle, que de nulle chose, +qu'il se peult aujourduy mettre en avant. + +Ce qu'il monstra de recepvoir avec affection et d'en demeurer bien +fort consollé; et s'en retourna, puys après, au logis du comte de +Lestre, où il fut tout le soir en privée conférence avecques luy: +puys, le matin, il me manda qu'il espéroit que noz propos produyroient +quelque bon effect. + +Peu de jours après, ainsi que j'étois bien mallade, le Sr Guydo +Cavalcanty me vint, par forme de visite, en mon lict entretenir d'ung +grand circuyt de bonnes parolles; lesquelles il fit tumber sur Mon +dict Seigneur, et que le mariage de l'archiduc avec la fille de +Bavière, l'indignation, que la Royne d'Angleterre en avoit prins, et +ce qu'elle vouloit bien monstrer qu'elle estoit pour trouver aussi bon +party que le sien; et puys les différans des Pays Bas, ceulx de la +Royne d'Escoce, la paix de la France, l'accommodement qui se pourroit +fère de Callais, s'il y avoit enfans, la disposition venue de +Monsieur, qui estoit desjà homme, celle qui commanceroit doresenavant +de passer de la dicte Royne d'Angleterre, estoient toutes influances +pour fère effectuer, ceste année, ung bien heureux mariage entre eulx; +et que, si je le trouvois bon, il en mettroit quelque chose, comme de +luy mesmes, en avant au secrétaire Cecille, avec de si bonnes +considérations, qu'il espéroit qu'elles auroient effect, me priant de +fère entendre ceste sienne bonne intention à Vostre Majesté. + +Auquel Cavalcanty, parce que je le cognoissois fort de ceste court, et +que c'estoit luy qui avoit toutjour entretenu le party de l'archiduc, +je respondiz que le propos me sembloit si honnorable et si +advantaigeux pour Monseigneur, que j'avois ung grand playsir qu'il me +l'eust miz en avant, et que je ne fauldrois d'en donner adviz à +Vostre Majesté, ne voyant qu'il y peult avoir que tout bien d'en +entamer telz propos, comme il les sçauroit bien penser et bien +sagement conduyre, car je le réputois pour ung expécial serviteur de +Vostre Majesté et bien affectionné à la France; que, pour ma part, ne +saichant, à présent, en quelle disposition vous en pouviez estre, je +ne luy pouvois dire sinon que, de toutz les partys, dont je vous avois +ouy fère grand cas; mesmes pour le Roy vostre filz, vous aviez +toutjour estimé le plus grand et le plus digne celluy de la Royne +d'Angleterre; et que sur ung tel fondement se pourroit bien establyr +une bonne alliance, si l'on s'y disposoit du costé de deçà. + +A trois jours de là, le dict Cavalcanty me revint trouver, qui me dict +avoir desjà ouvert ce bon propos au dict secrétaire, et qu'il l'avoit +receu avec affection, mais que, ayant esté longtemps mallade, sans +avoir veu sa Mestresse, il ne l'avoit peu suyvre; mais il l'avoit pryé +de l'aller trouver à Amthoncourt, aussitost qu'il y seroit, et qu'ilz +en tretteroient plus amplement. + +Despuys cella, Madame, j'ay esté au dict Amthoncourt, où me trouvant à +part avec le comte de Lestre, après d'aultres discours, je luy ay dict +tout ouvertement qu'ung personnaige de bonne qualité, lequel +toutesfoys je ne luy ay point nommé, m'avoit tenu le susdict propos, +lequel j'avois receu avec honneur et respect, mais que je n'en voulois +user sinon ainsy qu'il me conseilleroit; car je sçavois que Voz +Majestez le réputoient comme conseiller et protecteur de tout ce que +vous auriez à fère en ce royaulme, et que, si quelque chose debvoit +advenir de cella, vous ne vous en vouldriez jamais adresser qu'à luy. +Lequel me respondit qu'il y avoit plusieurs jours qu'il avoit desiré +de conférer avecques moy de cest affère, sur ce qui en avoit esté +desjà miz en termes par le vydame de Chartres et par d'aultres, mais, +plus expressément que par nul, par Mr le cardinal de Chastillon, qui +avoit parlé si haultement des grandes qualitez de Monsieur, comme le +cognoissant bien, qu'il l'avoit faict le plus desirable prince de la +terre; que, de sa part, il s'estoit toutjour opposé au party +d'Austriche bien que, en aparence, utille à sa Mestresse, mais +puysqu'elle estoit résolue de n'entendre à celluy de nul de ses +subjectz, qu'il se vouloit sacriffier pour conduyre celluy de +Monsieur; et qu'il y vouloit procéder en telle façon que ung esgal et +mutuel advantaige fût gardé aulx deux, affin de ne fère naistre d'ung +tel pourchaz d'amytié aulcune matière d'offance, comme il voyoit bien +qu'il en restoit quelcune assés grande du propos de l'archiduc, et +qu'on estoit pis que jamais avec le Roy d'Espaigne, nonobstant les +bonnes lettres, que luy et le duc d'Alve avoient naguières escriptes; +et que, en brief, il viendroit exprès à Londres pour me festoyer en sa +mayson, et pour tretter amplement de cest affère avecques moy; duquel +il estoit d'adviz que je touchasse cependant quelque mot à la Royne, +sa Mestresse; et qu'il espéroit que, sur ceste occasion, se dresseroit +ung voyage pour luy en France, puysqu'il avoit failly ceste foys d'y +aller; et qu'il avoit ung infiny desir d'aller bayser les mains à Voz +Majestez, comme recognoissant le Roy pour son supérieur, à cause de +l'honneur, qu'il luy avoit faict, de son ordre. + +Et de ce pas il me mena en la chambre privée de sa Mestresse, où je la +trouvay mieulx parée que de coustume, et qui monstra qu'elle +s'attandoit bien qu'en luy parlant des nopces du Roy, je luy en +desirerois une pour elle; à quoy elle m'achemina, par aulcuns siens +propos, sur lesquelz enfin je luy diz qu'il me souvenoit bien de ce +qu'elle m'avoit asseuré de n'avoir poinct faict de veu de ne se maryer +pas, et que le plus grand regrect qu'elle eust estoit de n'avoir pensé +de bonne heure à sa postérité, et qu'elle ne prendroit jamais party, +qui ne fût de mayson royalle, convenable à sa qualité; sur quoy je +serois marry qu'elle m'estimât si mal abille que je n'entendisse bien +que cella quadroit merveilleusement bien en Monseigneur, frère du Roy, +comme en celluy, lequel j'osois (sans passion ny flatterye) réputer le +plus acomply prince, qui aujourduy vesquit au monde pour mériter ses +bonnes grâces; et que je me réputerois le mieulx fortuné gentilhomme +de la terre, si je pouvois intervenir à quelque commancement d'une si +heureuse alliance, qui peult revenir à bon effect; car j'en +demeurerois cellèbre à toute la postérité. + +La dicte Dame receust merveilleusement bien ce peu de motz, et me +respondit que Monsieur estoit de telle estime et de si exellante +qualité qu'il estoit digne de quelque grandeur qui fût au monde, et +qu'elle croyoit que ses pensées estoient bien logées en plus beau lieu +qu'en elle, qui estoit desjà vieille, et qui, sans la considération de +la postérité, auroit honte de parler de mary, et qu'elle estoit desjà +de celles dont on vouldroit bien espouser le royaume, mais non pas la +royne, ainsy qu'il advenoit souvent entre les grandz, qui se maryoient +la pluspart sans se voir; et que ceulx de la mayson de France avoient +bien réputation d'estre bons marys, à bien fort honnorer leurs femmes, +mais à ne guières les aymer. Et suyvyt assés longtemps ces propos avec +toutes les plus honnestes et favorables parolles, qui se pouvoient +respondre à ung, qui monstroit ne parler aulcunement que de luy +mesmes, et sans aulcune charge. Dont ne fault doubter, Madame, que ce +qui en seroit meintennant miz en avant ne fût receu d'elle, et +embrassé de tout son royaulme, avec affection; mais je ne puys juger +encores si elle l'acomplyroit par après, car souvent elle a promiz à +ses Estats de se maryer, et puys elle a trouvé moyen d'en prolonger et +interrompre les propos. Néantmoins, de tant qu'on imputera à une très +grande faulte à la France d'avoir layssé eschapper ung si grand party, +comme est cestuy cy, qui semble se présenter à Monseigneur, je +desirerois que vous l'eussiez desjà disposé de le vouloir; et que, sur +ce qui en est desjà entamé entre Mr le comte de Lestre et moy, Vostre +Majesté me commendast de passer oultre, et me prescript la forme comme +j'aurois à le fère: car il me semble bien que ce sera à nous (si l'on +en vient là) de parler les premiers, mais qu'il fauldroit qu'ilz y +respondissent si clairement que l'affère fût plus tost conclud que +divulgué, à cause des jalouzies, traverses et inconvénians, qui y +pourroient survenir; et puys après, l'on y pourroit bien adjouxter les +cérémonyes et respectz qui y seroient nécessaires pour honnorer +l'acte; surtout je prendray garde, aultant qu'il me sera possible, que +n'y soyez trompez ny remiz à nulle longueur. Sur ce, etc. + + Ce XXIXe jour de décembre 1570. + + Encores tout présentement, je viens de recepvoir adviz, de bon + lieu, que le susdict propos commence de prendre icy grand + fondement; dont je continueray d'en escripre toutjour quelque + mot, à part, à Vostre Majesté; mais il n'y a rien plus requis que + de tenir la matière secrecte. + + ADVERTYRA LE DICT DE SABRAN LEURS MAJESTEZ, oultre le contenu des + lettres: + + Que milord de Sussex a proposé, à son arrivée, de fort mauvais + conseilz contre les affères de la Royne d'Escoce, remonstrant + qu'avec quatre centz mil escuz, qui ont esté employez ceste + année, par ses mains, contre les Escouçoys, il a bien chastié + ceulx d'entre eulx, qui avoient osé offancer la Royne, sa + Mestresse, en retirant et supportant ses rebelles; et qu'il avoit + estably aulx aultres un régent à sa dévotion; et relevé si bien + la part du jeune Roy, que ceulx de l'aultre party ne faisoient + plus que ce qu'il leur ordonnoit, et les avoit presque rengez à + se soubsmettre à luy; et que, pendant que le Roy Très Chrestien + estoit encores bien laz des guerres civiles de son royaulme, et + les aultres princes de dellà la mer assés empeschez, chacun en + son estat, il s'esbahyssoit comme la Royne, sa Mestresse, se + retranchoit ainsy court à elle mesmes son entreprinse, de ne se + saysir de l'Escoce, comme il luy avoit facillité la voye de ce + fère, et de pouvoir establyr par là ung repos en ceste isle; + lequel aultrement il n'espéroit l'y veoir jamais bien asseuré, + mesmement si la Royne d'Escoce estoit restituée; et qu'on ne + pouvoit donner ung plus loyal conseil à la Royne, sa Mestresse, + que d'interrompre ce propos encommancé, et de luy fère poursuyvre + chauldement, à ce prochain printemptz, son entreprinse de + renvoyer l'armée en Escoce; car s'asseuroit dans peu de jours, la + randre maistresse de Lislebourg, Esterlin et Dombertrand, et de + forclorre aulx Françoys leur descente et retrette au dict pays; + lesquelz aussi, sellon son opinion, n'avoient, à présent, guières + à cueur les choses de deçà la mer, se trouvant seigneurs de + Callais. + + Auquel conseil s'estantz joinctz ceulx, qui avoient toutjours heu + le mesmes adviz, ilz ont euydé traverser grandement toutz noz + affères; mais la Royne mesmes n'a monstré qu'elle y inclinast; et + aulcuns seigneurs plus modérez ont remonstré au dict de Sussex + qu'il y avoit plus de dangier et d'inconvéniant, en ceste + entreprinse qu'il n'y en voyoit, de sorte qu'il n'est demeuré + bien ferme en son opinion. Il est vray que l'abbé de Domfermelin + est fort ordinaire en sa compaignye, ce qui le nous rend toutjour + assés suspect, mais l'évesque de Roz, avant partyr, luy est allé + remonstrer plusieurs choses, par lesquelles il l'a ramené à ceste + rayson que, s'il se pouvoit establyr quelque bonne seureté entre + les deux Roynes, il confessoit, veu la proximité d'elles, et le + droict de la future succession à celle d'Escoce, que le plus + expédiant seroit de la restituer; mais n'a parlé que + condicionnellement, et par difficultez, avec un désir très + ambitieux de demeurer en charge; et qu'en tout événement, il + failloit que la dicte Dame quictast l'alliance de France pour en + fère une nouvelle et perpétuelle avec la Royne d'Angleterre. + + A quoy le dict évesque luy a remonstré qu'il estoit impossible de + ce fère, et qu'il ne seroit honneste ny proffittable à la Royne + d'Angleterre de le requérir, joinct que, si elle pressoit de + cella sa Mestresse, elle la presseroit à elle de renoncer à + l'alliance de Bourgoigne. A quoy il a soubdain respondu que Dieu + vollust garder sa Mestresse d'un si dangereux conseil, comme de + quicter les anciennes alliances de sa couronne, mais qu'il + n'estoit de mesmes à ceste heure, en l'endroict de la Royne + d'Escoce, parce qu'il falloit qu'elle print la loy de la Royne + d'Angleterre. Tant y a que, despuys, il semble que, à cause du + duc de Norfolc, le dict de Sussex se soit ung peu modéré; et + toutjour le comte de Lestre et le secrétaire monstrent persévérer + droictement à vouloir que l'accord succède par le traicté; dont + nous vivons en meilleure espérance. + + Et ceste honnorable ambassade, que la Royne d'Angleterre envoye + meintennant en France, monstre qu'elle n'a le cueur esloigné de + cella; mesmes Mr le cardinal de Chastillon m'a asseuré, ceste + dernière foys qu'il m'est venu visiter, qu'il sçavoit + certainement que la résolution estoit prinse, entre la dicte Dame + et ceulx de son conseil, de restituer la Royne d'Escoce, mais que + je ne m'esbahysse de la longueur; car elle estoit naturelle à + ceulx cy, sellon que luy mesmes l'avoit esprouvé; et que, despuys + l'aultre foys qu'il avoit esté avecques moy, ayant considéré, par + les choses que Mr de Roz et moy luy avions desduictes, que le Roy + avoit grand intérest à la restitution de la dicte Royne d'Escoce, + il en avoit parlé si à propos à la Royne d'Angleterre qu'il + l'avoit fort disposée d'y prendre quelque bon expédiant. Ceulx + aussi, à qui cest affère est aultant à cueur en ceste court comme + leur propre vie, m'asseurent qu'il ne tient plus qu'à la venue + des depputez d'Escoce qu'on ne passe oultre à conclurre le + traicté, et m'ont faict advertyr de suplier Leurs Majestez Très + Chrestiennes de fère, en cest endroict, l'office que j'ay donné + charge au Sr de Sabran de leur dire. + + Le sire Thomas Stanlay a esté ouy et examiné eu ce conseil sur + les mouvemens de Lenclastre; et puys son frère Édouart après luy, + et le sir Thomas Gérard, après, en présence de toutz deux, leur + estant remonstré qu'ilz proposoient ung très mauvais exemple + d'eulx au dict pays de ne se ranger à la forme de religion, qui + estoit ordonnée, sellon les parlemens, à la tranquillité publique + du royaulme; et que, s'ilz ne s'y déportoient plus sagement, la + Royne, leur Mestresse, ne pourroit de moins que procéder contre + eulx par la voye de justice; et, pour ceste foys, ne leur ont + touché que ce point de la religion. A quoy ils ont respondu + qu'ilz estoient personnaiges qualiffiez, et bien cautionnez en ce + royaulme, et que, s'ilz se fussent sentys coulpables d'aulcune + chose envers la Royne et son estat, qu'ilz ne fussent point + venuz, et qu'ilz avoient, en toutz leurs actes, toutjours procédé + en fort gens de bien, dont les requéroient qu'ilz ne vollussent + prendre aulcune mauvaise opinion d'eulx, ny rien ordonner à leur + préjudice, que leurs accusateurs ne fussent présens, car ils + s'asseuroient de leur bien respondre, et de se bien justiffier + devant eulx. Ilz sont encores à la suyte de la court, et + cependant est venu nouvelles que celluy, qui les avoit defférèz, + est mort de quelque accidant fort soubdain et fort estrange. + + J'ay faict dire, de loing, à aulcuns, qui ont parfaicte + cognoissance des choses de ce royaulme, que j'avois entendu que + la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil avoient toutjours + heu pour suspect le retour de l'armée d'Espaigne, et qu'il + sembloit qu'à ceste heure ilz en fussent en plus grand doubte que + jamais; dont je les pryois de me mander en quoy ilz estimoient + que les choses en fussent. Lesquelz m'ont respondu quasi + conformément, de plusieurs endroictz, qu'à la vérité l'on estoit + en assés de deffiance du costé d'Espaigne et de Portugal, tant à + cause des prinses de l'an 1569, que de ce que les fuytifz de ce + royaulme s'étoient retirez vers le duc d'Alve; et que Estuqueley + estoit passé devers le Roy Catholique pour l'inviter à quelque + entreprinse en l'Yrlande, ainsy qu'il estoit homme pour le luy + sçavoir imprimer et pour se offrir à la conduyre; et que ung + itallien, nommé Lotini, lequel ceste Royne entretennoit en + Yrlande, avoit esté naguières chassé pour souspeçon, qu'on avoit + heu, qu'il s'entendit avec le dict Estuqueley; néantmoins que la + dicte Dame et toutz ceulx de son conseil demeuroient fermement + persuadez que le Roy d'Espaigne ne romproit jamais avec eulx, + tant qu'ilz seroient saysys des merchandises et deniers qu'ilz + ont prins sur luy, car il auroit aultant perdu; joinct qu'ilz + estoient si avant en traicté avec le duc d'Alve, qu'ilz + attendoient plustost accord que guerre de son costé; et que l'on + estoit après à y regarder de si près, qu'on estimoit bien qu'il + ne seroit rien layssé en différand, d'où l'on en peult venir cy + après aulx armes. Par lesquelles responces se peult assés + cognoistre que ceulx cy ne sont bien aperceuz des appareilz + d'Espaigne ni de Portugal; ce qu'ilz monstrent encores mieulx par + le peu de prévoyance qu'ilz donnent aulx choses de la guerre; car + je n'ay entendu qu'ilz ayent, pour encores, ordonné aultre chose + que aulx pourvoyeurs de la marine de sçavoir où prendre + l'avitaillement pour vingt cinq navyres, dans quinze jours, quant + il leur sera commandé. + + Tant y a que le duc d'Alve, par les difficultez qu'il faict + naistre, l'une après l'aultre, en ces différans des prinses, et + qu'il ne se haste de parler guières expressément de l'accord du + commerce, et de l'entrecours, monstre qu'il vouldroit, en quelque + façon, s'asseurer des dictes prinses, lesquelles montent à grand + somme; et puys essayer de se revencher; dont il va temporisant et + entretennant ceulx cy de parolles et de bonnes espérances, affin + qu'ilz n'y preignent garde. Et je sçay, à la vérité, qu'il a + naguières envoyé, par le jeune Coban, une lettre du Roy, son + Maistre, à la Royne d'Angleterre, en laquelle son dict Maistre + rend seulement ung fort grand et fort exprès grand mercys à la + dicte Dame pour l'honnorable convoy qu'elle a faict fère par ses + grandz navyres à la Royne, sa femme, passant en ceste mer; et ne + touche nul aultre poinct, ni mesmes luy faict aulcune mencion des + trois lettres, que la dicte Dame luy a escriptes, despuys les + dictes prinses; et, par mesme moyen, le duc d'Alve luy en a + escript une, de sa part, pour accompaigner celle de son Maistre, + et pour prendre congé d'elle, et l'exorter à l'entretennement de + la paix et de l'alliance avec son dict Maistre, avecques grandz + offres de s'employer droictement à le randre de mesmes bien + disposé envers elle. + + Quant au voyage du dict jeune Coban à Espire, l'on m'advertyt, + avant son partement, qu'il y alloit pour renouveller le propos de + l'archiduc Charles, mais ce n'estoit que une démonstration, que + la Royne d'Angleterre vouloit faire pour s'en prévaloir en ses + présens affères de dehors et de dedans son royaulme, et qu'en + effect l'envye ne luy estoit crue de se maryer; mesmes que n'y + ayant le comte de Sussex rien advancé, quant il y alla, encores + estoit il à croyre que ung jeune gentilhomme de nulle authorité, + qui à peyne avoit poil en barbe, y feroit à ceste heure encores + moins. + + Tant y a qu'avec plusieurs aultres propos d'amytié le dict Coban + a proposé à l'Empereur que sa Mestresse l'avoit envoyé vers luy + pour continuer la mesmes négociation, que, trois ans a, le comte + de Sussex luy avoit commancé; à laquelle elle n'avoit, plus tost + qu'à ceste heure, peu randre responce, pour avoir esté souvent + despuys assés mallade, et pour les guerres de France, Flandres et + aultres empeschemens, qui estoient jusques en son propre pays + survenuz; mais qu'elle n'avoit toutesfoys, en différant la + responce, pensé de rien interrompre au propos de l'archiduc son + frère, et que, s'il luy playsoit de passer meintennant en + Angleterre, il y seroit le très bien venu, et qu'estant resté + tout le différant sur sa religion, elle espéroit que ses subjectz + y consentyroient qu'il eust, pour luy et les siens, si ample + exercice d'icelle qu'il en demeureroit contant. + + Lequel propos le dict Empereur monstra recepvoir de bonne part, + et print temps de luy respondre, affin d'advertyr l'archiduc son + frère; et enfin la responce a esté que luy et son dict frère + estoient bien marrys que la bonne intention de la dicte Dame leur + eust esté si tard notiffiée; de laquelle ilz luy demeureroient + néantmoins bien fort obligez; et que son dict frère n'avoit peu + penser de moins, luy différant, elle, trois ans sa responce, + sinon qu'il n'estoit accepté; dont il avoit regardé à ung aultre + party, et desjà s'y estoit obligé avec une princesse, sa parente, + catholique, avec laquelle il n'auroit point de différent pour sa + religion; qu'il luy vouloit dire, encores une aultre foys, qu'il + avoit grand regrect que l'ocasion n'eust esté acceptée de toutz + deux, quant elle s'estoit présentée, et qu'il ne lairroit + pourtant de demeurer très bon amy et comme frère à la dicte Dame; + laquelle il vouloit au reste exorter, pour son bien, de vivre en + bonne paix avec les princes, ses voysins; dont estant meintennant + les deux plus grandz ses gendres, il auroit grand playsir qu'elle + se déportât comme bonne soeur avec eulx, et qu'il la vouloit + advertyr que de là dépendoit sa seureté et celle de son estat. Et + avec ces honnestes parolles, et quelque présent de vaysselle + d'argent, il a licencié le dict Coban. + + Laquelle responce n'a peu, en façon du monde, estre bien goustée + ny bien prinse de la dicte Dame, laquelle en demeure offancée + jusques au cueur; et ne s'est peu tenir de dire que l'Empereur + luy faisoit injure, et que, si elle estoit aussi bien homme comme + elle est femme, qu'elle le luy redemanderoit par les armes. Sur + quoy il m'est tombé entre mains une lettre d'ung seigneur de + ceste court qui mande aussi à ung aultre:--«La cause du dueil et + fâcherie de nostre Royne est asseuréement le mariage de + l'archiduc Charles avec la fille de sa soeur, la duchesse de + Bavière, soit ou que véritablement elle eust assis son amour et + fantasie en luy; ou bien qu'elle est marrye que sa beaulté et sa + grandeur n'ayent esté plus instantment requises de luy; ou bien + qu'elle a perdu, à ceste heure, l'entretien qu'elle donnoit par + là à son peuple, craignant qu'elle soit pressée par ses Estatz et + par son parlement de ne différer plus à prendre party, qui est le + principal poinct que tout son royaulme luy requiert.» + + Despuys ce que dessus escript, j'ay esté adverty qu'il vient + d'arriver ung navyre de Cadix, qui porte des lettres du IIe de ce + mois, par lesquelles l'on mande le grand aprest de guerre, qui se + faict en Espaigne; et que aulcuns l'interprètent estre contre le + Turc; aultres disent que c'est pour parachever la guerre des + Mores, qui encores se renouvelle; et aultres que c'est pour + descendre en Yrlande. Je prendray garde comme ceulx cy le + prendront et comme ilz y pourvoyrront. + + + + +CLIIIe DÉPESCHE + +--du VIe jour de janvier 1571.-- + + Nouvelles d'Espagne.--Pompe déployée pour le mariage du + roi.--Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande. + + + AU ROY. + +Sire[22] + +............................................................... +Il se continue icy que le duc d'Alve partira en mars pour s'en +retourner en Espaigne, et qu'il prendra le chemyn d'Itallye, où il +layssera quelques compaignies italliennes, qui l'accompaigneront +jusques là; lesquelles pourront servyr à la guerre contre le Turcq, au +commancement du printemps; et que le duc de Medina Coeli s'embarquera, +à ce prochain febvrier, pour passer en Flandres, et qu'il admènera les +deux filz aysnez de l'Empereur; ne se faisant icy aulcune +démonstration qu'on se doubte de luy, ny de l'armée de mer, qui le +vient conduyre, parce que plusieurs vaysseaux de la dicte armée ont +passé, et qu'il est desjà arrivé en Flandres plus de deux centz voyles +d'Andelouzie ou de Portugal; qui faict encore discourir à aulcuns que +le dict duc et iceulx petitz princes pourront s'acheminer par la +France, puysqu'ilz ont layssé venir tant de vaysseaulx par deçà. + + [22] Le premier feuillet du registre, qui contient les dépêches + de l'année 1571, se trouvant déchiré, le commencement de cette + lettre manque: c'est au reste la seule lacune que présente le + manuscrit. + +L'on a heu en admiration en ceste court l'ordre, l'apareil, les riches +habitz, les présens et la despance, dont a esté usé aulx nopces de +Vostre Majesté, ainsy soubdain après la guerre passée, et de ce qui se +prépare encores pour une entrée à Paris; qui leur faict bien juger que +la grandeur de vostre estat a ung bien solide fondement, et que si +Vostre Majesté joue ung peu son jeu couvert, et commance de s'aquiter +et de fère les affères, il n'est pas à croyre combien il demeurera +d'impression au monde des grandes forces et oppulance de vostre +royaulme, et de la merveilleuse ressource qui est en icelluy. Sur ce, +etc. + + Ce VIe jour de janvier 1571. + + L'on me vient d'advertyr qu'au soir arrivèrent deux nouvelles en + ceste court: que ceulx de la nouvelle religion des Pays Bas ont + surprins un chasteau près de Groninguem, où le duc d'Alve y a + envoyé huict centz Espaignolz pour le reprendre; et que, en + Irlande, sont descenduz quelques soldats françoys, en moindre + nombre de deux centz, appellez par les saulvaiges du pays, et que + desjà le comte d'Ormont s'est esforcé de les combattre; mais ilz + se sont faictz lascher. Si ainsy est, cella troublera assés les + affaires de ce royaume. + + + + +CLIVe DÉPESCHE + +--du XIIIe jour de janvier 1571.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du Sr Acerbo._) + + Affaires d'Écosse.--État de la négociation de lord Seyton en + Flandre.--Nouvelles d'Espagne et d'Allemagne.--Projet de + Walsingham de traiter avec les protestans d'Allemagne.--Bruit + répandu en Angleterre que les armes ne tarderont pas à être + reprises en France.--_Lettre secrète à la reine-mère_ sur la + proposition du mariage du duc d'Anjou. + + + AU ROY. + +Sire, bien peu d'heures après que je vous ay heu faict ma dépesche du +VIe du présent, mon secrétaire est arrivé avec celle de Vostre Majesté +du XXVIe du passé, en laquelle j'ay trouvé deux de voz lettres; +desquelles l'une répond fort bien aux particullaritez que je vous +avois auparavant mandées, et l'aultre est pour la faire voir à la +Royne d'Angleterre, qui en recepvra une très acomplye satisfaction, +laquelle luy sera davantaige confirmée par les bons propos et +démonstrations, pleynes de faveur, qu'avez usé à son ambassadeur. De +quoy je mettray peyne, Sire, d'en faire icy le proffict de vostre +service, et n'obmettray de toucher à la dicte Dame les principaulx +poinctz de vos dictes lettres; et ceulx mesmement qui concernent +l'honneur et grandeur de Vostre Majesté, dont, de ce qu'elle m'y aura +respondu je ne fauldray de le vous mander par mes premières; vous +voulant au reste bien dire, Sire, touchant la mainlevée qu'avez donnée +aux merchans escossoys, qu'encor que la Royne d'Escosse se soit tenue +ung peu opiniastre à ne vouloir que cella se fît, si, étions après, Mr +de Roz et moy, à luy en oster l'opinion, parce que le comte de Lenoz +acrochoit le tretté à ce seul poinct, disant qu'il ne passeroit jamais +oultre sans que les merchans jouyssent de l'abstinence d'hostillité, +aussi bien que les aultres subjectz, et qu'elle leur estoit viollée +quand on leur faisoit saysir leurs biens et navyres. Les députez de la +dicte Dame commencent [d'arriver] aujourduy, et nous avons nouvelles +que ceulx [de l'autre parti sont] desjà en chemin; par ainsy, j'espère +que bientost [il sera procédé] au dict tretté, sellon que j'ay aussi +entendu que la Royne d'Angleterre [a] ordonné six depputez pour y +vaquer de sa part, assavoir [lord Quiper] garde des sceaulx, le +marquis de Norampthon, le comte de Lestre, le comte de Sussex, le +secrétaire Cecille, et le sixiesme reste à nommer, qu'on pense sera +maistre Mildmay. + +Cependant est advenu à Lislebourg qu'ayans deux soldatz du chateau +esté saysiz par l'autorité du comte de Lenoz, ainsy qu'ilz s'en +retournoient du Petit Lict, et menez ez prisons de la ville, le +capitaine Granges, qui en a esté offancé, a, le soir mesmes, sur le +tard, faict lascher toute l'artillerie du chasteau par dessus la +ville; et, à l'instant mesmes, a faict sortir cinquante soldatz qui +sont allez forcer les dictes prysons, et ont ramené leurs compagnons +avec eulx. De quoy le dict de Lenoz se plaint grandement, comme d'une +infraction d'abstinence d'armes, mais non sans avoir tant de peur +qu'il a cuydé habandonner Lislebourg pour se retirer à Esterling. + +J'estime, Sire, que le Sr de Sethon est maintenant devers Vostre +Majesté, ayant prins congé du duc d'Alve dez le XVIIIe du passé, après +avoir obtenu de luy les dix mil escuz, que je vous ay ci devant mandé; +desquelz j'entendz qu'il a envoyé les sept mil en Escosse, par le +frère du secrétaire Ledingthon, qui est party, le mesme jour, pour +s'aller embarquer à Fleysinghes; il en a miz deux mil en Envers pour +faire tenir à sa Mestresse, et mil pour luy; et semble qu'il n'a esté +respondu sur ce qu'il demandoit, de faire serrer le trafic aux +Escouçoys en Flandres, parce que l'ordre n'en étoit encores arrivé +d'Espaigne. Je croy, Sire, qu'il sera bon de luy temporiser aussi, +avec bonnes parolles, la responce des propositions qu'il fera à Vostre +Majesté, attandant ce qu'il succédera de ce traicté, et attandant +aussi que je vous aye mandé deux particullaritez fort considérables +qui se presentent maintenant en cest affaire. J'ay adviz que le duc +d'Alve est fort marry de ce qu'on vous a rapporté qu'il avoit envoyé +deux gentishommes en Escosse, et néantmoins l'on m'a asseuré qu'il y +en a encores despuys renvoyé ung troisiesme, mais j'eusse bien desiré +que dom Francès d'Allava n'eust pas sceu que je vous en eusse adverty. + +Le voyage que les gallaires ont faict, l'esté passé, en Levant, a +sonné fort mal icy pour la réputation du Roy d'Espaigne, mais son +ambassadeur s'esforce de luy donner beaucoup de raysons et de +couleurs, qui seroient longues à mettre en ceste lettre, dont je les +réserve à une aultre foys; tant y a qu'elles tendent toutes à rejetter +les faultes sur la malle pourvoyance et peu de conduicte des Véniciens +au faict de la guerre, ainsy que eulx mesmes, à ce qu'il dict, +l'advouhent meintenant; et sur ce qu'on s'estoit esbahy que la ligue +tardoit tant à se résouldre, il asseure qu'elle se conclurra bientost +sellon les propres chappitres, que le Roy, son Maistre, a desiré y +estre apposez; et publie encores la généralle victoire des Mores[23] +et plusieurs aultres prospéritez de son Maistre. + + [23] Cette victoire se rapporte aux divers avantages remportés à + cette époque, qui amenèrent la réduction de tous les Mores. Voyez + _note_ p. 183. + +Au reste, Sire, il s'entend, par lettres freschement venues d'Espire, +que la diette s'en alloit finyr, et que le jour estoit desjà indict, +auquel l'on la conclurroit, qui seroit sans que l'Empereur y eust +faict passer en décrect guières des choses qu'il y avoit proposées; +desquelles encor les déterminations ne seroient divulguées jusques à +ce qu'il arriveroit en Prague, qu'on les auroit cependant réduictes +par ordre et faictes imprimer; et que la liberté du duc Jehan +Guilhaume de Saxe[24], encor qu'elle fût très agréable aux princes +d'Allemaigne, elle monstroit néantmoins d'avoir quelque chose de +suspect contre le duc Auguste; et par ce, Sire, que je vous en ay +desjà mandé quelles responces le jeune Coban avoit rapportées du dict +Empereur, je ne vous en toucheray icy rien davantaige; seulement vous +diray que, suyvant la négociation, qu'il avoit commancée par dellà +avec aulcuns princes protestans, le Sr de Vualsingan a esté dépesché, +de quelques jours plus tost, pour rencontrer encores en France leurs +ambassadeurs, avec lesquelz ne faut doubter qu'il ne traicte, s'il +peult, avec affection et véhémence les choses qui concernent sa +religion, car il est des plus passionnez; dont sera bon, Sire, de le +faire ung peu observer: et a l'on aussi hasté davantaige son partement +parce que le frère du comte de Sussex, qui est ung des fugitifz du +North, s'estant retiré à Mr Norrys, pour retourner par son moyen à +l'obéyssance et grâce de sa Mestresse, et ne l'ayant le dict Sr Norrys +vollu ouyr, sans l'exprès congé d'elle, le dict de Vualsingan a heu +commandement de l'accepter, et luy offrir sa rémission, et mesmes de +l'employer, s'il est possible, à regaigner le comte de Vuesmerlan et +les aultres, qui sont dellà la mer: ce qui sera bon, Sire, de trouver +moyen d'empescher pour quelque temps, attandant que les affaires +d'Escosse soyent accommodez. + + [24] Il s'agit ici de Jean-Frédéric II, mis au ban de l'empire + pour avoir donné retraite à Guillaume de Grumbach et à ses + complices, meurtriers de l'évêque de Wurzbourg. Le duc Auguste, + chargé de l'exécution du décret, l'avait assiégé et pris par + famine, le 13 avril 1567. On négociait alors sa liberté, mais + elle ne lui fut pas rendue: il est mort en prison, à Neustad, le + 9 mai 1595, après vingt-huit ans de captivité. Le duc + Jean-Guillaume, son frère, loin de partager sa disgrâce, avait, + au contraire, été appelé à profiter de la confiscation de tous + ses biens. + +Et pour la fin, il y a ici ung advis, venu de Gennes, comme par +lettres de Thurin, du IIIIe du passé, l'on mande que les armes se vont +reprandre pour deux occasions: l'une, parce que la Royne de Navarre +use en Béarn d'une extrême rigueur contre les Catholiques; et +l'aultre, par la difficulté que Mr de Savoye faict à la comtesse +d'Autremont de luy randre quelques chasteaulx; et qu'encor que Vostre +Majesté ne puisse mais de l'une ni de l'aultre, que le feu néantmoins +s'en ralumera plus fort que jamais en vostre royaulme. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour de janvier 1571. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre à part._) + +Madame, je puys asseurer Vostre Majesté que le faict de la petite +lettre commance d'aller bien chauldement en ceste court, duquel ayantz +les dames de la privée chambre heu quelque sentyment, elles l'ont +desjà descouvert à quelques seigneurs de ce royaulme, qui y font +diverses interprétations; et aulcuns d'eulx m'ont mandé que, de tant +qu'il semble que le cardinal de Chastillon le conduict sans moy, qu'on +n'y cerchoit guières de faire le proffict du Roy ni de son royaume. +J'ai monstré que le propos m'estoit nouveau, et que je ne pensois +qu'il y en eust rien en termes auprès de Voz Majestez; et de faict, +Madame, je travailleray, aultant qu'il me sera possible, qu'il soit +mené par le plus secret et destorné cheming que faire se pourra; car +je sentz qu'il en est besoing. Je suys adverty que celluy qui va en +France aura charge de suyvre bien curieusement ce qui luy en sera +touché, et que mesmes quelcun neutre sera possible pryé de passer en +mesme temps affin d'en entamer le propos. Je croy que Mr le comte de +Lestre m'a envoyé prier de disner demain avecques luy pour m'en +parler, et que Mr le cardinal de Chastillon revient expressément en +court pour ce faict, et que mesmes il y est, à ceste occasion, bien +desiré, possible qu'il se plaindra, par mesmes moyen, de la détention +de ses biens en France; dont de tout ce qui succèdera, et que j'en +pourray entendre, je ne fauldray d'en advertyr incontinent Vostre +Majesté. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour de janvier 1571. + + + + +CLVe DÉPESCHE + +--du XVIIIe jour de janvier 1571.-- + +(_Envoyée jusques à Calais par homme exprès._) + + Audience.--Vives démonstrations d'amitié de la part d'Élisabeth + au sujet du mariage du roi.--Son intention de procéder au + traité avec la reine d'Écosse.--Nouvelle que les Gueux ont + repris les armes en Flandre.--_Lettre secrète à la reine-mère_ + sur l'état de la négociation relative au mariage du duc + d'Anjou.--Confidence de Leicester à l'ambassadeur.--Proposition + faite au nom du roi par le cardinal de Chatillon à la reine + d'Angleterre.--Discussion dans le conseil.--Divisions causées + en Angleterre par ce projet. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay esté trouver la Royne d'Angleterre à Hamptoncourt le +XIIIIe de ce mois, laquelle n'a failly de me demander incontinent +quelles nouvelles j'avois de Vostre Majesté, et comme vous vous +trouviez en mariage. A quoy je luy ay respondu que vous me commandiez +de luy continuer encores le mesmes propos, que je luy avois desjà +commancé, de vostre conjoyssance touchant la Royne; et que, si vous +aviez receu ung singulier playsir de sa venue, il s'estoit despuys +redoublé et devenu si grand, par les vertueuses et excellentes +qualitez qui se trouvoient en elle, que vous en demeuriez le plus +content prince de la terre; mesmes qu'elle se faisoit merveilleusement +aymer et bien vouloir de la Royne, vostre mère, de Messieurs voz +frères, de Mesdames voz soeurs, de Monsieur de Lorrayne et de toutz +les princes et seigneurs de vostre court, et générallement de toute la +France; ce que vous mettiez en compte d'une grand félicité; oultre +que, à l'ocasion d'elle, les princes d'Allemaigne, (lesquelz je lui ay +nommez, sellon le contenu de vostre lettre), s'estoient despuys, par +leurs ambassadeurs, conjouys avec Vostre Majesté de ce que Dieu avoit +en ce temps réuny et renouvellé le sang de l'ancienne alliance de la +Germanye avec la France; et que, pour ceste occasion, ilz vous avoient +envoyé offrir, et à Messeigneurs voz frères, toutz leurs moyens et +forces pour vous en servyr, ainsy qu'il vous plairoit les employer, et +que leurs dicts ambassadeurs n'avoient obmiz de se conjouyr +pareillement de la paix de vostre royaulme, et de ce qu'ilz l'y +avoient trouvée très bien establye, et vous avoient suplyé de l'y +vouloir entretenir. Qui estoient choses qui vous avoient apporté +beaucoup de satisfaction; desquelles vous vouliez bien faire part à la +dicte Dame, pour le playsir que vous estimiez qu'elle en recepvroit. + +A quoy, par parolles fort expresses, elle m'a respondu qu'elle se +sentoit grandement obligée à Vostre Majesté de la communication qu'il +vous playsoit luy faire de ce propos, lequel elle réputoit très +honnorable et vrayement digne d'estre tenu entre princes, qui avoient +bonne et vraye amytié ensemble, comme elle vous suplyoit de croyre +que, de son costé, elle la vous portoit entière et parfaicte, et de +bien bonne soeur; et qu'à ceste occasion elle se resjouyssoit, non +guières moins, du beau serain que Dieu monstroit meintennant en voz +affères, après tant de divers orages que vous y aviez souffertz, que +si c'estoit pour elles mesmes, car aussi pensoit elle y participer. Et +a suyvy à parler de ceste ambassade d'Allemaigne comme d'une chose +qu'elle réputoit authoriser bien fort vostre grandeur: et puys est +retournée à ce qu'elle avoit entendu de la louable et vrayment royalle +norriture de la Royne; chose que je luy ay asseurée qui demeuroit très +confirmée par les exemples qu'elle en monstroit, et que, non moins par +effect que en tiltre, elle estoit Royne Très Chrestienne et Très +Dévotte, et au reste tant de bonne grâce, doubce et débonnaire, et +sans cérémonye, que Vostre Majesté n'avoit nul plus grand playsir que +d'estre, jour et nuict, en sa compaignye. + +A quoy elle m'a respondu que la recordation des amours du père et +grand père luy faisoient ung peu craindre que vous les vouldriez +imiter, et m'a révellé ung secrect de Vostre Majesté, lequel je +confesse, Sire, que je n'avois pas sceu; et que néantmoins si vous +continuez de rendre ainsi vostre parolle certayne et véritable, et +estre bon mary, comme vous en avez desjà la réputation, qu'elle ne +faict doubte que vostre règne n'en soit très heureux et éloigné de +ces inconvénians et disgrâces, qui ont accoutumé de venir aux princes +qui ne tiennent leur parolle, et à ceulx qui ne gardent leur loyaulté. +Et a continué ce propos et plusieurs aultres, en termes bien fort +honnorables de Voz trois Majestez très Chrestiennes et de Monseigneur +vostre frère; lesquelz j'ay suyviz sans rien obmettre de ce que j'ay +estimé convenir à vostre honneur et grandeur. + +Et pour la fin, je luy ay faict voir vostre lettre, qui portoit sa +satisfaction, laquelle elle a entièrement leue, et n'y a heu nulle +partie qu'elle n'ayt bien considéré, et où elle ne se soit arrestée +pour m'y faire de fort bonnes responces; lesquelles, en somme, sont: +qu'elle remercye Dieu que Vostre Majesté commance de cognoistre son +intention, laquelle elle peult jurer n'avoir jamais esté de vous +vouloir offancer ny nuyre; ains d'avoir toutjours désiré la +conservation de vostre authorité et l'establyssement de vostre +grandeur comme d'elle mesmes; et que son malcontantement est seulement +procédé de ce qu'elle ne s'est trouvée si aymée et bien vollue de +Vostre Majesté comme elle pensoit le mériter, et qu'elle n'advouera +jamais, quant bien on la mettroit sur la roue, qu'elle n'ayt heu +occasoin de se douloir; mais la satisfaction en est meintenant si +ample qu'elle vous en doibt de retour beaucoup de grandz mercys, et ne +vouldroit n'avoir esté offancée; qu'elle vous remercye bien grandement +du compte que vous voulez tenir de son parant, lequel elle a desjà +dépesché pour se trouver à vostre entrée; (et le comte de Lecestre +aussi a faict harnacher les haquenées, qui s'aschemineront devant;) et +que ce luy est ung singulier playsir, que vous veuillez bien recepvoir +son nouveau ambassadeur; que quant à celluy qui s'en retourne elle +vous prie de croyre qu'il a faict toutjours toutz les meilleurs +offices, pour l'entretennement de l'amytié, qu'il est possible, et +qu'il en sera pour ceste occasion mieulx receu d'elle à son retour; +qu'au surplus elle vous veult asseurer de la convalescence et bonne +santé de la Royne d'Escosse, et que desjà elle a donné audience à ses +depputez, avec lesquelz elle procèdera à faire le traicté aussitost +que ceux de l'aultre party seront arrivez, qui sera dans huict ou dix +jours au plus loing; et qu'il luy tarde, plus qu'à nulle personne qui +vive, que cest affaire soit bientost accommodé. + +Lesquelles siennes responces, Sire, j'ay miz peyne de luy gratiffier +le plus que j'ay peu au nom de Vostre Majesté, et me suys ainsy +licentié d'elle bien fort gracieusement. Et parce que j'ay trouvé une +conformité de tout ce dessus en ceulx de son conseil, je ne puys sinon +bien juger de la présente intention d'elle et d'eulx envers Vostre +Majesté; et néantmoins cella sera cause que j'observeray de plus prez +toutes choses pour voir si, soubz ceste apparance, il y auroit quelque +chose de caché, qui soit contre vostre service; car, à ce que +j'entendz, le mesmes comte de Lenoz, celluy de Morthon, et le lair de +Glannes, viennent pour se trouver au traicté. + +Au regard des différandz des Pays Bas, il n'en est rien venu par le +dernier courrier, dont ceulx cy ne sont contantz, sinon qu'on a +escript que le duc d'Alve n'a encores rien respondu au depputé +d'Angleterre sur sa dernière proposition, parce qu'on pense qu'il est +attendant sur icelle quelque ordre d'Espaigne. Sur ce, etc., + + Ce XVIIIe jour de janvier 1571. + + Présentement l'on me vient de donner adviz que les Gueux ont + recommancé la guerre en Flandres; ce qui feroit prendre assés de + nouveaulx desseings à ceulx cy. Le Sr Guilhaume Lesley, bon + subject de la Royne d'Escosse, parant de l'évesque de Roz, est + venu avec les depputez de la dicte Dame; il estime avoir de + bonnes intelligences icy, et se dict très dévot au service de + Vostre Majesté. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre à part._) + +Madame, avant que monsieur le comte de Lestre me menât, dimanche +dernier, en la présence de la Royne d'Angleterre, il m'entretint +quelque temps sur le faict de la petite lettre, et je me plaigniz à +luy qu'il estoit desjà trop divulgué, ce qu'il m'asseura n'estre +procédé de la court, ains de ce qu'on voyoit n'y avoir rien de plus +convenable; et, par ainsy, ung chacun en parloit; dont il vouloit +sonder, à la vérité, l'intention de la dicte Dame et de ceulx de son +conseil, affin de dresser, puys après, l'affaire en si bonne sorte +que, s'il venoit à succéder, ou bien qu'il demeurast sans effect, il +n'eust à raporter sinon contantement à chacun des costez; et qu'il me +voulloit dire tout librement, que la dicte Dame ne s'estoit jamais +monstrée disposée à prendre party, comme elle faisoit meintenant, par +ce, possible, qu'elle s'y voyoit contraincte, pour les nécessitez de +son royaulme; et que sur les privez propos, qu'il luy en avoit tenuz, +elle n'avoit rien objecté que l'eage; à quoy il avoit respondu qu'il +ne layssoit pourtant d'estre desjà homme: «Mais aussi, respondit elle, +ne laisseroit il d'estre toutjour plus jeune que moy.»--«Tant mieulx +sera ce pour vous,» avoit il respondu, en ryant. Et me pria le dict +comte d'en toucher quelque mot à la dicte Dame, laquelle, à la vérité, +a prins de fort bonne part toutz les motz que je luy ay proposez +aprochans de cella; car je ne luy en ay poinct touché de plus exprès +que de luy avoyr dict, sur le contantement que le Roy avoit de vivre +en grand amytié et privaulté avecques la Royne, que je conseillerois à +une princesse, qui vouldroit rencontrer un très parfaict et accomply +bonheur de mariage, d'en prendre de la mayson de France.--A quoy elle +m'a respondu que madame d'Estampes et madame de Vallantinois luy +faisoient encores peur, et qu'elle ne vouldroit un mary qui ne +l'honnorast seulement que pour Royne, s'il ne l'aymoit aussi pour +femme.--A quoy j'ay réplicqué que celluy, dont j'entendois parler, +entre les exellantes qualitez, dont il abondoit aultant que nul prince +de la terre, il avoit celle péculière qu'il sçavoit extrêmement bien +aymer, et se randre de mesmes parfaitement aymable.--«A la vérité, m'a +elle respondu, il a tant de perfections en luy qu'on n'en ouyt jamais +parler qu'avec grand louange.» Et, peu après que je fuz party d'avec +la dicte Dame, Mr le cardinal de Chastillon vint parler longtemps à +elle, dont je n'ay sceu ce qu'il luy dict; car, ny auparavant, ny +despuys, nous n'avons conféré ensemble: mais voycy madame ce que j'ay +aprins d'ailleurs et de fort bon lieu: + +Qu'après qu'il fût retiré, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil +pour leur dire que le dict sieur cardinal luy avoit demandé trois +choses: l'une, si elle estoit point libre de toute promesse pour se +pouvoir maryer où elle vouldroit; l'aultre, si elle en vouloit prandre +de ceulx de son royaulme ou bien ung estrangier; et la troisiesme que, +au cas que ce fût ung estrangier, si elle vouldroit point accepter +Monsieur, frère du Roy; et qu'elle luy avoit respondu qu'elle estoit +libre, qu'elle ne vouloit point espouser de ses subjectz, et qu'elle +vouloit de bon cueur entendre au party de Monsieur avec les condicions +qui se pourront adviser. Sur quoy le dict sieur cardinal luy avoit +dict qu'il avoit donques charge de luy en parler, et luy avoit +présenté à cest effect une lettre de créance du Roy, et l'avoit priée +que, de tant que l'affaire estoit de grande conséquence au monde, +qu'elle le vollust communiquer à son conseil, premier que passer +oultre; de quoy elle leur vouloit bien dire qu'elle n'avoit trouvé +cella bon, et luy avoit respondu qu'elle estoit Royne Souverayne, qui +ne deppendoit de ceulx de son conseil, ains eulx toutz d'elle, comme +ayant leurs vies et leurs testes en sa main, et qu'ilz n'auseroient +faire que ce qu'elle vouldroit; mais, de tant qu'il luy avoit +représanté les inconvéniantz, qui avoient cuydé survenir à la feu +Royne, sa soeur, d'avoir vollu tretter son mariage avec le Roy +d'Espaigne sans ceulx de son conseil, elle luy avoit promiz de le leur +proposer; dont vouloit que eulx toutz luy en donnassent promptement +leur adviz. + +Sur quoy, iceulx du dict conseil bayssans la teste, n'en y eust pas +ung qui respondit ung seul mot, parce que le propos estoit nouveau à +la pluspart d'eulx, sinon, au bout de pièce, ung des principaulx +s'advancea de dire que Monsieur sembloit estre bien jeune pour la +dicte Dame:--«Commant, respondit elle, prenant le mot en aultre sens, +suys je pas encores pour luy satisfaire.» Et puys, suyvit à dire que +le dict sieur cardinal, oultre la lettre de créance, avoit des +articles à proposer, sur lesquelz elle estimoit estre bon de l'ouyr +pour voir si les condicions pourroient estre acceptées; ce que ung +chacun aprouva. Et pour lors, n'y eust rien davantaige sinon que, le +lendemain, Dupin et le ministre du dict sieur cardinal furent là +dessus en privée conférance plus de trois heures avec le secrétaire +Cecille. + +Duquel propos l'on me vouloit bien advertyr qu'il commançoit à courir +une merveilleuse contention dans ce royaulme sellon les parciallitez +de Bourgoigne, et sellon celles de la religion, et que aulcuns +estimoient que la dicte Dame ne se servoit d'icelluy sinon pour la +commodité de ses affaires, sans qu'elle eust aucune affection de se +maryer; et, par ainsy, que je prinse garde que le Roy ne fût trompé et +moqué. Et d'aultres, qui sont bien affectionnez au Roy, et portent le +faict de la Royne d'Escosse, et mesmes les seigneurs catholiques, +m'ont mandé qu'ilz demeuroient fort escandalizez que cest affaire se +menast par le dict sieur cardinal, et qu'ilz voyoient bien que +c'estoit plus pour accommoder le faict de ceulx de la Rochelle, que +non celluy d'entre ces deulx royaulmes, à l'intérest des catholiques; +dont ilz vouloient penser à leurs affaires, me priantz seulement de +leur vouloir estre toutjours tel comme je sçavois qu'ils s'estoient, +en temps et lieu, monstrez bons amys et serviteurs du Roy; et se sont +esforcez de m'imprimer une grand jalouzie de ce que je n'estois +participant de ce propos. + +Sur quoy, pour leur faire prendre bonne espérance et les retenir +toutjour en la dévotion, qu'ilz ont esté jusques icy vers Voz +Majestez, et pour descouvrir plus avant toutes choses par leur moyen, +je leur ay mandé que j'avois esté toutjours réputé si fidelle à vostre +service, et si loyal à voz intentions, que si cest affaire estoit en +telz termes qu'ilz dizoient, il ne passeroit guières que Voz Majestez +ne m'en fissent entendre leur intention, et que la conclusion ne se +feroit sans que je y fusse employé; dont je les asseurois que Voz +dictes Majestez ne consentyroient jamais le passaige de Monsieur en ce +royaulme, sans qu'il eust bonne intelligence avec eulx, et sans que +les affaires de la Royne d'Escosse, et les leurs, n'en demeurassent +bien accommodez, et que de cella vous leur en donriez la main et +vostre promesse; chose, Madame, que, comme elle semble nécessaire et +fort importante pour bien asseurer le négoce, ainsy est il requis +qu'elle soit tenue fort secrecte et menée bien dextrement. + +Il est venu quelque sentyment de ce party à la notice de l'ambassadeur +d'Espaigne, et de celluy, qui est agent icy pour le Pape, dont en ont +escript chauldement dellà la mer. Je sçay aussi que l'évesque de Roz +en a escript à Mr le cardinal de Lorrayne, dont ne luy fauldra dényer +le faict, s'il vous en parle, mais luy donner meilleure espérance par +là des affaires de la Royne d'Escosse que jamais. Le Sr Cavalcanty a +grand désir de passer en France pour servyr d'un tiers neutre à +mouvoir ce propos entre Vostre Majesté et milord de Boucard, parce +qu'il estime ne se pouvoir avec dignité entamer par l'ung ny l'aultre +party, sans ung tel moyen; et sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour de janvier 1571. + + Il semble fort requis que Vostre Majesté ne se haste de dépescher + message ny ambassade par deçà sans voir que l'affaire soit + comme tout asseuré. + + + + +CLVIe DÉPESCHE + +--du XXIIIe jour de janvier 1571.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet._) + + Retour d'Élisabeth à Londres après la cessation de la + peste.--Affaires d'Écosse.--Audience.--Plainte de la reine au + sujet de la descente d'un parti de Français en Irlande.--Avis + donné par elle d'une levée qui se prépare en Allemagne.--Son + désir de voir la réunion des églises proposée par le + roi.--Négociation des Pays-Bas.--_Lettre secrète à la + reine-mère._ Conférence de l'ambassadeur avec le cardinal de + Chatillon sur le projet de mariage du duc d'Anjou.--Avis sur + l'entreprise faite en Irlande par des Bretons. + + + AU ROY. + +Sire, ceulx de ceste ville de Londres ont monstré beaucoup de +resjouyssance à la venue de leur Royne, laquelle, pour cause de la +peste, n'y avoit esté, il y a deux ans. Elle va aujourduy veoir ung +bastyment nouveau qu'on y a édiffié, fort commode, et de grand +ornement, affin de luy donner le nom; qui, jusques à ceste heure, a +esté appellé par provision la _Bource_. Le festin luy est préparé en +la maison de maistre Grassein. L'on dict qu'après demain elle +descendra à Grenwich pour y passer le reste de l'yver, où se dresse +desjà le lieu pour faire ung tournoy à ce caresme prenant; duquel le +comte d'Oxfort et sire Charles Havard doivent estre les tenans. + +Les affaires de la Royne d'Escosse demeurent toutjour en bonne +disposition, attendant l'arrivée des depputez de l'aultre party, +lesquelz, parce que j'avois incisté qu'on ne les debvoit attandre, le +secrétaire Cecille m'a opiniastrément débattu que l'honneur de sa +Mestresse n'estoit de procéder sans eulx, mais, que je ne fisse nul +doubte que les choses n'allassent bien; et encores que, despuys quatre +jours aulcuns de ce conseil se soient plainctz à l'évesque de Roz +d'une entreprinse, qu'on a vollu faire en Escosse, pour tuer le comte +de Lenoz; et de ce qu'ilz ont entendu qu'on fornyst de l'argent dellà +la mer aulx rebelles d'Angleterre, ilz n'ont guières répliqué à ce +qu'il leur a respondu, qu'il estoit esbahy comme le dict de Lenoz +duroit tant au dict pays, veu les viollances et désordres qu'il y +faisoit; et, quant aux fugitifs d'Angleterre, qu'il croyoit que rien +ne leur manqueroit, mais que ce n'estoit de sa Mestresse qu'ilz +estoient secouruz, parce qu'elle n'avoit de quoy le faire. + +Et hyer, la Royne d'Angleterre, m'ayant envoyé quéryr, me dict que, si +l'on faisoit nul oultrage au dict de Lenoz, qu'elle ne procèderoit +aulcunement au dict tretté; dont j'ay conformé ma responce à celle du +dict sieur évesque de Roz, adjouxtant que rien n'en debvoit estre +imputé à la Royne d'Escosse, parce qu'elle n'en pouvoit mais, et que +mesmes l'on avoit de sa part desjà dépesché ung gentilhomme en Escosse +pour obvier à cest inconvénient. + +Et suyvyt la dicte Royne d'Angleterre à me dire que la principalle +occasion, pour laquelle elle m'avoit prié de venir, estoit pour me +communiquer ung adviz par escript, qu'on luy avoit envoyé d'Irlande, +lequel elle me prioit de faire tenir à Vostre Majesté; et que, pour ne +faire voir au monde que les armes fussent prinses entre les Françoys +et les Anglois, et ne rompre aulcunement la paix avec la France, elle +avoit faict gracieusement remonstrer au capitaine La Roche et à ceulx, +qui sont avec luy en Irlande, de se retirer; ce que, trois moys a, ilz +avoient promis de faire; mais monstrans à ceste heure qu'ilz ont une +aultre dellibération, elle vous en vouloit bien advertyr, affin qu'il +vous pleust, Sire, y pourvoir sellon que les bons trettez de paix, +qui sont entre Voz Majestez, le pouvoient requérir. + +J'ai respondu que ce propos m'estoit nouveau, comme celluy, duquel je +n'avois cy devant ouy parler, et que je le vous représanterois le +mieulx que je pourrois, avec l'exprétion des mesmes parolles, et de +l'intention, que j'avois cognue en elle, de vouloir évitter toute +occasion de différand avec Vostre Majesté; et luy en ferois tenir +vostre responce, aussitost que je l'aurois receue. + +Et s'exaspéra bien fort la dicte Dame contre celluy Fitz Maurice, qui +est en Bretaigne, disant que luy et son père avoient usurpé, comme +traystres, le tiltre du comte d'Esmont, bien que le vray comte soit +encore vivant en ce royaulme. + +Après ce propos, il en succéda ung aultre, par lequel nous vinsmes à +parler des aprestz d'Allemaigne, qui seroient longs à mettre icy, mais +je prins par là occasion de demander tout librement à la dicte Dame si +elle entendoit qu'il y eust rien de dressé contre Vostre Majesté, ny +contre vostre royaume, ainsi que, d'aultre fois, elle vous avoit bien +faict ce bon tour, de vous en réveller quelque chose par moy. + +Elle me respondit qu'encores que ses intelligences n'estoient plus +telles vers l'Allemaigne, ni avec l'Empereur, comme elles souloient, +néantmoins elle y en avoit encores d'assés bonnes pour pouvoir +asseurer Vostre Majesté qu'il s'y préparoit une levée; laquelle elle +ne sçavoit encores si viendroit à effect, mais croyoit que ce n'estoit +pour vous nuyre, car elle le vous diroit, et y opposeroit le crédit +qu'elle y pourroit avoir, mais c'estoit en faveur du prince d'Orange; +et qu'elle estoit fort marrye qu'on poursuyvît ainsy les affaires de +la religion par les armes, de quoy ne pouvoit revenir, à la fin, que +une grande ruyne à la Chrestienté; et qu'elle me prioit de vous +exorter, Sire, qu'avec la bonne intelligence, qu'avez meintenant avec +l'Empereur, vostre beau père, avec lequel elle continuoit aussi +toutjour une bien fort estroicte amytié, et avoit naguières receu de +ses lettres, il vous pleust, à ceste heure, mettre en avant quelque +favorable moyen d'accord et de réunyon en l'esglize; et que, de sa +part, elle vous y assisteroit, et ne s'y monstreroit aulcunement +opiniastre. + +Je luy louay grandement cestuy sien très vertueux desir, et, sans +toutesfois accepter ny reffuzer aussi d'en faire rien entendre à +Vostre Majesté, affin que vostre intention en cella soit réservée au +temps et moment qu'il vous semblera bon de la manifester; je la priay +seulement, en ryant, qu'elle ne vollust observer l'extrémité de ne +concéder aulx Catholiques l'exercice de leur religion en Angleterre, +comme il n'en estoit permis pas ung aulx Protestans en Espaigne, ny en +Flandres, et qu'elle suyvist l'exemple de Vostre Majesté, qui estiez +au milieu, qui avez permiz le cours des deux en vostre royaulme. + +Elle respondit que les Catholiques ne se pouvoient pas beaucoup +plaindre d'elle, et qu'elle cognoissoit le Roy d'Espaigne d'ung si bon +naturel qu'il ne vouldroit aussi retenir la Chrestienté en ce +dangereux suspend, où elle est, s'il y ozoit procurer les remèdes, +mais que les passionnez l'en empeschoient, lesquelz elle vouldroit qui +en sentissent seulz le mal. + +Et se continua assés longtemps ce propos entre la dicte Dame et moy, +au millieu duquel, me venant à toucher des différans, qu'elle accusoit +le duc d'Alve luy avoir succité avec le Roy son Maistre, me dict que +je serois tout esbahy si je sçavois quelles choses le dict duc, +despuys ung mois, avait vollu tretter avec elle, au préjudice de ses +voysins, ce qu'elle réservoit à une aultre foys, et que néantmoins +c'estoit une parenthèse digne de noter. + +Or, Sire, touchant les dicts différans, le depputé d'Angleterre, qui +est aulx Pays Bas, a escript, ceste foys, à la dicte Dame qu'il avoit +présenté à icelluy duc les derniers articles, qu'elle luy avoit +envoyez; qui les avoit cognuz si raysonnables que, ne luy restant plus +que contredire pourquoy il ne les deubt accepter, il avoit respondu +qu'il y vouloit penser: et ainsy le faict en demeure là, qui se +conforme assés à ce que Vostre Majesté m'en a mandé, en chiffre, par +ses dernières du IIIe du présent, que j'ay bien notté. Et sur ce, etc. +Ce XXIIIe jour de janvier 1571. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre à part._) + +Madame, s'estant Mr le cardinal de Chatillon, jeudy dernier, convyé à +disner en mon logis, il m'a compté la favorable expédition, qu'il a +obtenue de Voz Majestez, sur le recouvrement de ses biens, et comme il +s'en est venu conjouyr avec la Royne d'Angleterre; et puys m'a parlé +du faict de la petite lettre en bien fort bonne sorte, et que ce dont +je m'estois plainct au comte de Lestre, que le propos en estoit trop +divulgué, n'estoit procédé d'ailleurs que du peu de discrétion, que le +vydame y avoit tenu, qui en avoit parlé et escript icy et en France à +trop de gens, et que, de sa part, il n'en avoit jamais faict rien +sçavoir qu'à Voz Majestez; desquelles, après qu'il avoit heu responce, +il y avoit procédé le plus secrectement qu'il avoit peu; et que les +choses en estoient en assés bons termes, et ceux du conseil en +beaucoup de diverses opinions là dessus entre eulx, mais qu'il n'y +avoit encores rien de conclud. Sur quoy luy ayant aprouvé grandement +son intention et les sages moyens, qu'il tenoit, pour la bien +conduyre, je l'ay sondé de plusieurs endroictz pour voir s'il y avoit +nulle aultre fin et prétention en luy que celle qu'il monstroit en +aparance; mais toutz ses propos sont revenuz à la considération de la +grandeur que ce seroit pour Monsieur, et combien elle accroistroit +celle du Roy et de sa couronne, et ravalleroit d'aultant celle +d'Espaigne; ne me touchant toutesfois tant de particullaritez de +l'affaire comme j'en sçavois, et comme je vous en ay desjà escript; +dont j'ai fait semblant d'en sçavoir encores moins, attendant si +Vostre Majesté (pour y procéder avec plus de lumyère, par les adviz +que pourrons avoir de divers lieux) trouvera bon que nous nous +communiquons secrectement l'ung à l'aultre, car je croy bien que les +Protestans reçoipvent mieulx ce propos, venant du dict sieur cardinal +que ne feroient de moy. Et il y va, à mon opinion, d'une droicte et +bien bonne vollonté. + +Les Catholiques, qui sont la partie la plus grande, plus noble et plus +forte, et où y a plus d'asseurance, le tiennent fort suspect, et +vouldroient avoir quelque asseurance de Voz Majestez par mon moyen. La +dicte Dame nous oyt fort bien, et avec grande affection, l'ung et +l'aultre, dont Vostre Majesté me commandera comme j'en auray à uzer; +et seulement vous suplie très humblement, Madame, de réserver, entre +le Roy et Vous, et Monsieur, ce que je vous ay escript par ma petite +lettre de devant ceste cy, et ce que, cy après, je vous pourray +escripre ou mander des propos, que la dicte Dame tiendra en privé, ou +avec ceulx de son conseil, sans qu'il se puysse jamais cognoistre +qu'ilz vous viennent de moy. J'ay dict à Mr le cardinal que si le +propos alloit en avant, qu'il estoit bien besoing de le conduyre à ce +poinct qu'on ne s'advançât de le publier, ny de faire aulcune ouverte +démonstration, du costé de Voz Majestez, d'y vouloir entendre, jusques +à ce qu'on le vît tout conclud et bien arresté; car, puys après, l'on +y adjouxteroit bien toutz les honnorables actes et respectz, qu'on +vouldroit; et que surtout il n'y fût usé de longueur ny de remises. A +quoy il m'a respondu que, le lendemain, il estoit convyé en court et +qu'il verroit ce qu'il y pourroit advancer. + +J'ay sceu, Madame, que, pendant que nous estions ensemble, la Royne +d'Angleterre estoit enfermée avec ceulx de son conseil pour prandre +résolution de ce qu'elle debvoit respondre au dict sieur cardinal, et +qu'elle a la matière si à cueur qu'elle ne prend playsir de parler, ny +ouyr parler, d'aultre chose; et, de ma part, Madame, tant plus je +considère le party, plus il me semble estre grand, honnorable et +advantageux pour le Roy, et pour Monsieur; dont je ne desire sinon +qu'il soit exempt de tromperie, comme je prendray bien garde, du plus +prez qu'il me sera possible, qu'il n'y en ayt point, et que Dieu le +veuille bien achever. Et sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de janvier 1571. + + Millord de Boucard est bien fort affectionné à ce propos, et + desire y estre employé. Sa Mestresse luy a dict qu'elle réserve + de lui bailler son instruction à l'heure qu'il partyra. J'entendz + que le comte de Lestre, si cella va en avant, est desjà désigné à + passer en France pour l'aller conclurre. Je suys convyé aujourduy + avecques la Royne; sur ceste bonne occasion, je notteray ce + qu'elle me dira. + + ADVIZ SUR LES CHOSES D'IRLANDE: + + Que on auroit suborné certaines gens pour pratiquer et suciter + une rébellion en Yrlande, dont ung d'eulx se nomme de La Roche, + gouverneur de Morlays en la Basse Bretaigne, qui s'en est allé + là, avecques quatre navyres, pour se randre en l'endroict où le + comte de Desmond se tenoit, et qu'il s'en est retourné de là et a + admené avecques luy ung gentilhomme, nommé Fitz Maurice, qui, + pour le présent, se tient secrectement en la Basse Bretaigne, et + sollicite d'avoir des forces pour les mener ce printemps en + Yrlande. + + Que le capitaine de Brest auroit prins ung fort, nommé d'Ingin, + et une petite isle, non guières loing de là, en Yrlande. + + + + +CLVIIe DÉPESCHE + +--du dernier jour de janvier 1571.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer._) + + Réjouissances faites à Londres pour célébrer la rentrée + d'Élisabeth.--Conversation de la reine et de l'ambassadeur au + sujet de cette fête.--Affaires d'Écosse.--État de la + négociation des Pays-Bas.--Nouvelles d'Allemagne et + d'Espagne.--_Lettre secrète à la reine-mère._ Négociation du + mariage du duc d'Anjou. + + + AU ROY. + +Sire, le jour que j'ay esté convyé, pour accompaigner la Royne +d'Angleterre au festin de la Bource, n'a esté guières moins solemnel +en Londres, que celluy du couronnement de la dicte Dame, car on l'y a +receue avec concours de peuple, les rues tandues, et chacun en ordre +et en son rang, comme si ce eust esté sa première entrée; et elle a +heu grand playsir que j'y aye assisté, parce qu'il s'y est monstré +plus de grandeur, ainsy soubdain, que si la chose eust esté préméditée +de longtemps; et n'a obmiz la dicte Dame de me faire remarquer +l'affection et dévotion qui s'est veue en ce grand peuple; lequel, +despuys le matin jusques à l'heure qu'ayant donné le nouveau nom de +_Change Real_ à la Bource, elle s'est vollue retirer, envyron les +huict heures de nuict, il ne s'est lassé d'estre par les rues, les +ungs en leur rang, les aultres à la foule, avec force torches, pour +l'honnorer, et luy faire mille acclamations de joye, chose qu'elle m'a +demandée si, au petit pied, ne me faisoit pas souvenir des +resjouyssances, qu'on faisoit à Paris, quant Vostre Majesté y +arrivoit; et qu'elle me confessoit tout librement qu'il luy faisoit +grand bien au cueur de se veoir ainsy aymée et desirée de ses +subjectz, lesquelz elle sçavoit n'avoir nul plus grand regrect que, la +cognoissant mortelle, ilz ne voyoient nul certain successeur, yssu +d'elle, pour régner sur eulx, après sa mort; et que la France estoit +très heureuse de cognoistre ses Roys, et ceulx qui, par ordre, +debvoient, les ungs après les aultres, succéder à la couronne. + +J'ay respondu, le plus au contentement et satisfaction de la dicte +Dame, à toutz ses propos, qu'il m'a esté possible, louant beaucoup ce +que je voyois de sa grandeur, qui estoit à priser, sans rabattre +néantmoins rien de ce qu'on sçait assés estre de plus en la vostre; et +qu'au reste, il me sembloit qu'elle auroit bien à faire à s'excuser +envers Dieu et le monde, si elle frustroit ses subjectz de la belle +postérité, qu'elle leur pouvoit bailler, et qu'ilz attandoient d'elle +pour les gouverner; qui a esté ung article, sur lequel elle s'est +prinse à discourir plusieurs aultres choses, avec playsir et avec +modestie, lesquelles je vous puys asseurer, Sire, que ne se sont +passées sans qu'elle ayt monstré, en plusieurs endroictz, de vouloir +persévérer en grande amytié avec Vostre Majesté; et, le soir mesmes, +la résolution du voyage de milord Boucard a esté du tout prinse, luy +commandant la dicte Dame ne faillyr d'estre prest à partir demain, qui +est le premier jour de febvrier, ainsy qu'il faict. + +Or, Sire, nonobstant l'acclamation du peuple, la dicte Dame et ceulx +de son conseil ne layssent de craindre la division et sublévation du +pays: car ayans les filz du comte Dherby essayé d'obtenir leur congé +pour retourner vers leur père, il leur a esté dict qu'ilz n'en +parlassent poinct, s'ilz n'en vouloient estre du tout reffuzez, +jusques à ce que les affaires de la Royne d'Escosse fussent +accommodez, qui monstre que, par iceulx, ilz entendent acquiéter les +leurs. Et le semblable a esté dict au duc de Norfolc, de ne presser sa +plus ample liberté, jusques à ce qu'il ayt esté ordonné de celle de la +Royne d'Escosse et de sa restitution, de laquelle l'on nous faict +toutjour espérer de bien en mieulx; et qu'il n'y a retardement que de +ces depputez de l'aultre party, desquelz le comte de Lenoz a, de +rechef, escript qu'ilz estoient partys, et qu'il avoit surciz la tenue +du parlement, ainsy que la Royne d'Angleterre le luy avoit mandé, pour +remettre toutes choses à ce qui seroit ordonné par le tretté. + +Hyer, on tenoit en ceste court la pratique des différans de Flandres +pour toute désacordée, non sans beaucoup d'indignation contre le duc +d'Alve et contre l'ambassadeur d'Espaigne; mais, ce matin, par +aulcunes lettres d'Envers, s'est entendu que le dict duc avoit +condescendu à la pluspart des choses, que le depputé de Londres avoit +desirées; et que le Sr Thomas Fiesque seroit en brief par deçà pour +entièrement les conclurre. Je ne sçay s'il est ainsy, ou si c'est +artiffice: tant y a que cella ne pourra estre que pour le regard des +merchandises; car, quant à l'entrecours et commerce, j'entendz qu'il +n'en est, pour encores, faict aulcune mencion. + +Il est nouvelle icy que le duc de Sualsambourg a quatre mille chevaulx +et six mil hommes de pied ez environs d'Hembourg, et que c'est en +faveur du roy de Dannemarc, pour se rescentir d'aulcuns mauvais +déportemens, que icelle ville a uzé contre luy, durant la guerre +contre le roy de Suède, et m'a dict l'ambassadeur d'Espaigne que le +duc d'Alve est très bien adverty que ce n'est à aultres fins que pour +branqueter la dicte ville; et que ce que le comte de Vuandeberg a +aussi entreprins, de retourner en quelcune de ses terres en Frize, n'a +esté qu'une légière course, laquelle ne luy a bien réuscy; et que le +dict duc craint si peu, pour ceste année, les mouvemens d'Allemaigne, +qu'il renvoye une partie de sa cavallerie au secours des Vénitiens +contre le Turq, estimant qu'il n'eust peu rien succéder plus à propos +pour le repos de la Chrestienté que la mort soubdainement advenue du +duc Auguste[25]. Néantmoins il m'a confessé que, pour quelque +souspeçon de guerre aulx Pays Bas, le dict duc ne parloit plus de s'en +retourner en Espaigne, et que le propos du duc de Medina Coeli estoit +réfroydy, s'estans desjà expédiez les princes de Bohesme de Leurs +Majestez Catholiques pour s'en retourner par Gennes en Allemaigne, +sans qu'il fût nouvelles que le dict duc les accompaignât; qu'au reste +toutz les articles de la ligue contre le Turc estoient accordez; ne +restoit plus que celluy de la création du lieuctenant de général: que +le Pape vouloit que ce fût Marc Anthonio Collonna, et le Roy +d'Espaigne, puisque dom Joan d'Austria estoit le général, desiroit +que le commandador major de Castille ou bien Joan André Doria eussent +à commander soubz luy. Sur ce, etc. Ce XXXIe jour de janvier 1571. + + [25] Cette nouvelle était fausse. Auguste, duc et électeur de + Saxe, est mort seize ans après, le 14 mars 1586. + + A LA ROYNE. + + (_Lettre à part._) + +Madame, estant en ce festin, où j'ay esté convyé pour accompaigner la +Royne d'Angleterre, le XXIIIe de ce mois, elle a prins playsir de +deviser l'après dinée, fort longtemps avecques moy; et, entre aultres +choses, elle m'a dict qu'elle estoit résolue de se maryer, non tant +pour ne s'en sçavoir passer, (car elle en avoit assés faict de +preuve), comme pour satisfaire à ses subjectz; et aussi pour obvier, +par l'authorité d'ung mary, ou par la nayssance de quelque lignée, +s'il playsoit à Dieu luy en donner, aux entreprinses qu'elle sentoit +bien qu'on feroit contre elle, et sur son estat, si elle devenoit si +vieille qu'il n'y eust plus lieu de prendre party, ny espérance +qu'elle deubt avoir d'enfans. Il est vray qu'elle craignoit grandement +de n'estre bien aymée de celluy qui la vouldroit espouser, qui luy +seroit ung second inconvénient plus dur que le premier, car elle en +mourroit plustost; et que, pourtant, elle y vouloit bien regarder. + +Je luy ay respondu que à si prudentes considérations et si vrayes, +comme celles qu'elle disoit, je n'avois que adjouxter, sinon qu'elle +pouvoit, dans ung an, avoir bien pourveu à tout cella, si, avant les +prochaines Pasques, elle se maryoit à quelque prince royal, dont +l'ellection s'en pourroit aiséement faire; et j'en cognoissoys ung qui +estoit nay à tant de sortes de vertu, qu'il ne failloit doubter +qu'elle n'en fût fort honnorée et singulièrement bien aymée, et dont +j'espèrerois qu'au bout de neuf mois après, elle se trouveroit mère +d'ung beau filz; par ainsy, en se rendant très heureuse de mary et de +lignée, elle amortyroit, par mesmes moyen, toutes les malles +entreprinses qui se pourroient jamais dresser contre elle. + +Ce qu'elle a aprouvé bien fort, et à suivy le propos assés longtemps, +avec plusieurs parolles joyeuses et modestes; et estoit Mr le cardinal +de Chatillon au mesmes festin, auquel elle n'a point parlé à part; +mais, le lendemain, il a demandé audience, et a esté quelque temps +avec elle; puys, au retour, il m'est venu dire adieu, parce qu'il +partoit le lendemain pour Canturbery, et m'a compté l'estat où il +layssoit l'affaire, qui luy sembloit estre en termes d'y pouvoir +commancer quelque fondement, mais non qu'il y en vît encores nul pour +s'y debvoir arrester; dont dépescheroit Dupin pour le vous aller +représanter tel qu'il estoit, affin que Vostre Majesté, sellon sa +prudence, nous vollût commander, à luy et à moy, ce que nous aurions à +faire. + +Je luy descouvriz quelques choses que j'avois aprinses de sa +négociation, pour luy donner plus grand lumyère comme elle estoit +receue, et avons advisé d'user de bonne intelligence ensemble, mais +secrectement, affin d'obvier aulx soupeçons de ceste court, qui +bientost seroient si grandz en ce faict, que plus ne se peult dire; et +n'ay point faict semblant au dict sieur cardinal que Vostre Majesté +m'en ayt encores faict mencion; mais ceulx qui m'ont donné les +premiers adviz de ce qu'il en a proposé, m'ont adverty qu'à la vérité +il n'a point monstré lettre de Voz Majestez, qui luy en donnast +expresse commission; dont la dicte Dame s'estoit retirée, et avoit +dict que, quant vous y vouldriez entendre, vous m'en commanderiez +quelque chose, comme vous fiant beaucoup de moy. Et ceulx là mesmes +m'ont mandé qu'elle a parlé de ce faict à plusieurs des siens, à part +l'ung de l'aultre, et mesmes a vollu avoir le conseil du duc de +Norfolc, qui a respondu qu'il avoit esté le principal autheur +d'induyre les Estatz de ce royaulme à la suplyer de se maryer, et de +laysser à sa liberté de prendre le party que bon luy sembleroit: dont +ne vouloit changer d'opinion; que quant à Monsieur, toutes choses +estoient grandes en luy, mais qu'il falloit regarder aux condicions, +sur quoi le mariage se pourroit conclurre, qui fussent honnorables +pour sa Mestresse et heurées pour son estat. + +D'aultres m'ont mandé que les quatre principaulx, qui guydent les +intentions de la dicte Dame, se sont assemblez pour résouldre qu'est +ce qu'ilz luy en conseilleroient. Je vous manderay bientost leur +conseil, et vous adjouxteray cependant, Madame, cestuy cy du mien, +qu'encor que ceste princesse soit bonne et vertueuse, je ne la tiens +toutesfois esloignée du naturel de celles qui veulent monstrer de +fouyr, lorsque plus elles sont recerchées; et ceste nation a aussi +cella de péculier que, plus on desire quelque chose d'eulx, encor qu'à +leur proffict, plus ilz la souspeçonnent; dont sera bon de ne +descouvrir trop d'affection de vostre costé, Madame, jusques à ce +qu'ilz se soyent layssez clairement entendre du leur. Je vous +escripray bientost d'aultres choses plus importantes de ce propos par +le Sr de Vassal, qui vous pourront assés esclayrer: et sur ce, etc. Ce +XXXIe jour de janvier 1571. + + + + +CLVIIIe DÉPESCHE + +--du VIe jour de febvrier 1571.-- + +(_Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal._) + + Négociation concernant Marie Stuart.--Congé accordé par la reine + aux fils du comte de Dherby.--Concession faite par le pape au + roi d'Espagne du royaume d'Irlande, sous la condition d'y + rétablir la religion catholique.--Entreprise préparée par les + Espagnols pour s'emparer de ce pays.--_Lettre secrète à la + reine-mère._ Négociation du mariage du duc d'Anjou.--_Mémoire._ + Nouvelles d'Allemagne.--Projet des protestans de faire une + entreprise contre les Pays-Bas.--Affaires d'Écosse.--_Mémoire + secret._ Détails circonstanciés et confidentiels sur la + proposition de mariage du duc d'Anjou. + + + AU ROY. + +Sire, s'estant la Royne d'Angleterre bien trouvée de sa santé en ceste +ville de Londres, d'où le grand yver a chassé toute souspeçon de +peste, elle s'est résolue d'y passer le reste du caresme prenant, et, +à ceste cause, s'est allée loger en sa mayson de Ouesmestre, où l'on +radresse les lisses pour le tournoy, dont je vous ay cy devant +escript; ayant remiz la dicte Dame de ne descendre à Grenvich jusques +à environ la my mars, que noz amys de ceste court nous donnent grand +espérance que les affaires de la Royne d'Escosse seront, entre cy et +là, accommodez, nonobstant les grandz empeschemens que les comte et +comtesse de Lenoz s'esforcent d'y mettre; qui, despuys huict jours, +ont donné entendre qu'il y avoit une entreprinse dressée en Escosse +pour venir enlever la dicte Dame du lieu où elle est, et l'aller +remettre par force en son estat. De quoy est advenu que le comte de +Cherosbery l'a faicte despuis fort observer, et luy a usé ceste +rigueur qui l'a faicte recheoir en fiebvre, mais l'on y a remédié le +mieulx et par le plus sage moyen qu'on a peu. Les depputez de +l'aultre party s'espèrent en ce lieu, dans cinq ou six jours, et n'est +possible que plus tost qu'ilz arrivent nous puissions aulcunement +advancer le tretté. Ceulx qui portent icy ce faict m'ont prié, Sire, +de vous advertyr en dilligence que milord Boucard a commission +expresse de vous en parler et de remander incontinent par deçà vostre +responce, et tout ce qu'il aura pu noter de vostre intention en cella, +affin que, sellon qu'il vous y aura cogneu ou remiz, ou affectionné, +l'on procède icy ou froydement, ou bien avecques effect, au dict +tretté; dont Vostre Majesté luy pourra user des mesmes parolles +vertueuses et modestes qu'il a faict jusques icy, affin de consommer +l'honnorable oeuvre, qu'avez commancé, de la restitution de ceste +princesse, qui touche assés à Vostre Majesté et à la réputation de +vostre couronne; et aussi pour obvier aulx inconvéniens qu'à faulte de +ce pourroient cy après survenir. + +Les deux filz du comte Derby, nonobstant qu'on les ayt advertys de ne +demander leur congé, n'ont layssé d'instantment le pourchasser; et +leur est advenu ce qu'ilz avoient pansé, qu'on ne le leur auzeroit +reffuzer, dont, après que la Royne leur a faict quelque réprimande, et +les a heu admonestez de se mieulx déporter pour l'advenir, avec +quelque difficulté de ne leur bailler sa main à bayser, elle les a +licenciez. + +Au surplus, Sire, aulcuns seigneurs catholiques de ce royaulme me +viennent d'advertyr qu'ilz ont tout freschement receu nouvelles de +Rome, comme le Roy d'Espaigne a envoyé proposer au Pape l'offre que +Estuqueley luy a faicte du royaulme d'Yrlande, de la part de ceulx du +pays, qui sont prestz de le recepvoir, et comme il n'y a vollu +entendre, sans la concession de Sa Saincteté, comme de celluy, de qui +relève, de droict, icelle couronne; et que Sa dicte Saincteté luy en a +desjà envoyé son consens avec permission d'entreprendre, au nom de +Dieu, ceste conqueste, en ce qu'il restablyra la religion catholique +au dict pays; et que le dict Roy est dellibéré d'y faire descendre +bientost, ou du costé d'Espaigne ou de Flandres, dix mil hommes. Je ne +sçay encores si les dicts seigneurs catholiques ont encores descouvert +rien de cecy à leur Royne; tant y a que je ne vois pas qu'il se face +nul préparatif pour y résister: et l'ambassadeur d'Espaigne m'a +curieusement enquiz comme il alloit de ces Brethons, qui estoient +descenduz au dict pays, et en quoy en estoit la plaincte, que la Royne +d'Angleterre m'en avoit faicte. A quoy je luy ay respondu, sellon +l'intention que j'ay estimé qu'il me le demandoit. Et a l'on opinion, +Sire, qu'affin que ceulx cy ne souspeçonnent rien de l'entreprinse, et +qu'ilz ne preignent nulle deffiance du Roy d'Espaigne, le duc d'Alve +les va entretenant d'ung grand artiffice sur l'accord des +merchandises, lequel pourtant se monstre enveloupé chacun jour de +nouvelles difficultez. Sur ce, etc. + + Ce VIe jour de febvrier 1571. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre à part._) + +Madame, j'ay sceu que des quatre seigneurs que je vous escripviz, par +ma précédante petite lettre, qui s'estoit assemblez pour dellibérer de +ce qu'ilz avoient à conseiller à leur Mestresse touchant le party de +Monseigneur vostre filz, le premier l'a plainement aprouvé comme très +bon et très honnorable; le second l'a entièrement contradict, comme +suspect à la religion protestante, plein de jalouzie aulx aultres +princes, et très dangereux pour ce royaume; le tiers a assez suyvy +ceste seconde opinion; et le quatriesme s'est joinct au premier, mais +avec ung conseil assés dangereux: c'est qu'il a dict qu'il falloit, en +toutes sortes, suyvre le propos, car si leur Mestresse estoit résolue +de se marier et de ne vouloir point des siens, il n'y avoit nul prince +si commode au monde pour elle que Monsieur, et qu'il ne falloit +doubter que le mariage ne s'en ensuyvyst, avec l'honneur et advantaige +d'elle et de son royaume: si, d'advanture, elle n'en avoit nul desir, +encores sçavoit il le moyen comme, avecques le mesmes honneur et +advantaige, après qu'on se seroit servy du propos, l'on le pourroit +rompre sans offancer Monsieur, qui n'en demeureroit que bien +affectionné à la dicte Dame, mais que tout le mal gré en tumberoit sur +le Roy, par ce qu'il n'auroit vollu accomplyr les condicions; et s'en +engendreroit une division entre les deux frères, qui ne seroit que +utille à l'Angleterre. Ce n'est pourtant, Madame, que celluy, qui a +donné ce conseil, n'ayt bonne affection au party, mais il est anglois, +et possible il a proposé cella, affin qu'il se trouve tant moins de +contradisans au présent desir de la dicte Dame, laquelle monstre +cercher bien fort qui le luy veuille aprouver; et c'est cependant un +adviz à Vostre Majesté pour divertyr que tel inconveniant n'adviegne. + +J'ay cerché de sçavoir qu'est ce qui avoit réussy du dict conseil, et +aulcuns de ceulx, qui ne sont encores bien résoluz s'ilz debvoient +trouver le dict party bon ou mauvais, m'ont mandé que toutes les +parolles et démonstrations de la dicte Dame et des siens ne sont que +simulation, affin de pouvoir bientost tenir ung parlement là dessus, +et tirer de l'argent des subjectz, et se meintenir en quelque +réputation vers eulx et vers les princes estrangiers; et que pourtant +l'on ne se doibt haster d'en parler plus avant, jusques à ce que l'on +y voye quelque meilleur fondement; et que mesmes le comte de Lestre +s'estoit de nouveau faict proposer à sa Mestresse par aulcuns des +principaulx du conseil, qui avoit fort réfroydy le propos. D'aultres +m'ont mandé que la dicte Dame persévéroit, et à bon esciant, et pour +causes nécessaires, à se vouloir marier; et que, sur le partement de +milord Boucard, entendant les diverses opinions que ceulx de son +conseil avoient là dessus, elle les avoit assemblez pour leur dire, la +larme à l'oeil, que, si nul mal venoit à elle, à sa couronne et à ses +subjectz, pour n'avoir espousé l'archiduc Charles, il debvoit estre +imputé à eulx et non à elle; qui aussi estoient cause que le Roy +d'Espaigne avoit esté offancé, et que le royaulme d'Escosse estoit en +armes contre le sien, et qu'il n'avoit tenu aussi à eulx que le Roy +n'eust esté beaucoup provoqué davantaige par leurs déportemens en +faveur de ceulx de la Rochelle, si elle ne les eust empeschez; dont +les prioit très toutz de luy ayder meintenant à rabiller toutz les +maulx par ung seul moyen, qui estoit de bien conduyre ce party de +Monsieur; et qu'elle tiendroit pour mauvais subject, et ennemy de ce +royaulme et très déloyal à son service, qui aulcunement le luy +traverseroit. Dont me vouloient bien asseurer que nulz, à présent, n'y +ozoient plus contradire. + +Je n'ay layssé, pour cella, de tenir fort suspect le comte de Lestre, +à cause de l'adviz précédant, jusques à ce que luy mesmes, lundy +dernier, s'est convyé à dyner en mon logis avec le marquis de +Norampthon, le comte de Sussex, le comte de Betfort, milord +Chamberlan, et aultres seigneurs de ceste court, tout exprès pour me +venir compter comme les partisans d'Espaigne, qui craignent +infinyement le mariage de Monsieur, et aussi le secrétaire-Cecille qui +ne veult en façon du monde que sa Mestresse ayt ny luy, ny nul aultre +mary que soy mesmes, qui est roy plus qu'elle, l'avoient fort +instantment sollicitée de vouloir accepter le dict comte de Lestre +comme celluy qui seroit de très grande satisfaction à tout le +royaulme, et qu'elle mesmes l'avoit pryé de les en remercyer; mais il +luy avoit respondu que, quant le temps luy estoit bon, ils luy avoient +esté contraires, et meintenant que le temps ne luy servoit plus ilz +monstroient de luy ayder, et qu'ilz ne faisoient cella, ny comme bons +serviteurs d'elle, ny comme vrays amys à luy, ains pour interrompre le +propos de Monsieur; par ainsy, qu'elle l'excusât s'il ne leur en +sçavoit nul gré, ny leur en randoit nul mercys. Et a adjouxté qu'il +espéroit que les amys pourroient plus en cecy que les adversayres. +J'ay donné instruction, Madame, d'aulcunes aultres particullaritez là +dessus au Sr de Vassal, comme à ung gentilhomme, que je tiens fort +secrect et fidelle, qui vous en rendra bon compte; et sur ce, etc. + + Ce VIe jour de febvrier 1571. + + DIRA LE SR DE VASSAL A LEURS MAJESTEZ, oultre les choses + susdictes: + + Que, despuys quelque temps en çà, la Royne d'Angleterre a déclaré + qu'elle se vouloit maryer, et a monstré que ce sien desir estoit + fondé sur une tant raysonnable et quasi nécessaire occasion que + plusieurs, qui souloient opinyastrer le contraire, commencent + d'en parler, à ceste heure, aultrement; néantmoins, sur ce qui + ne se peult bien dicerner encores, si elle le veult à bon + esciant, ou bien si elle le veult ainsy donner à croyre, et sur + la diversité des partys ausquelz elle pourroit entendre, et des + condicions qui auroient à se requérir, non seulement ceulx de son + conseil, mais ceulx de sa noblesse, et presque toutz ses + principaulx subjectz en sont en grand contention entre eulx, et + se bandent desjà en plusieurs conseils et assemblées secrectes + pour en tretter, sellon que le desir, ou de pourvoir à la + religion protestante; ou d'ayder à la catholique; ou de + préjudicier aulx tiltres prétendus de la succession de ce + royaulme; ou de favoriser les affaires de la Royne d'Escosse; ou + de nourryr amytié avec la France; ou bien de confirmer plus que + jamais celle de Bourgoigne; ou de n'innover rien au présent estat + de ce royaulme, qui est doulx à plusieurs, pousse les ungs et les + autres à interrompre ou bien advancer le propos. + + Néantmoins, pour estre encores ceste matière trop peu meure, la + dicte Dame réserve la tenue de son parlement jusques en may ou + juing, pour en mieulx dellibérer, lequel aultrement debvoit estre + convoqué en ce moys de janvier, sur la nécessité d'avoir argent; + car l'Allemaigne et l'Escosse, despuys deux ans, luy ont assés + espuysé ses finances; et l'interruption du commerce n'a permiz + qu'elle les ayt peu remplyr, bien que, en certain propos, elle + m'a naguières donné entendre qu'elle avoit heu si peu de + nécessité, que encores n'avoit elle aulcunement touché aulx + deniers du Roy d'Espaigne. + + Par lettres, naguières venues de dellà la mer, de divers lieux, + l'on est en diverses opinions, en ceste court, des choses + d'Allemaigne; car les ungs mandent que le duc d'Alve a + intelligence avec le duc de Sualsambourg, pensionnaire du Roy + d'Espaigne, contre la ville de Hembourg, parce qu'elle a receu le + commerce des Anglois, et est encores pleyne de leurs + merchandises, et si, a favorisé les pratiques du prince d'Orange, + et forny argent pour icelles contre les Pays Bas. + + Les aultres escripvent que les princes et capitaines, qui lèvent + gens en Allemaigne, s'entendent avec le dict de Sualsambourg et + avec le comte de Vuandeberc, et que, soubz colleur, l'ung + d'assiéger Hembourg pour le roy de Danemarc, et l'aultre de + recouvrer ses terres, ilz se préparent toutz deux, et le roy de + Dannemarc aussi, à l'entreprinse des Pays Bas, avec le secours + que le Prince d'Orange, beau frère des trois, doibt admener + d'Allemaigne; et que icelluy roy de Dannemarc dellibère + d'interrompre toutz les trafficz d'Ostrelan, et des régions + froydes, aulx Flamans; et mesmes leur serrer une rivière, par où + ilz ont accoustumé de recouvrer leurs bledz et aultres + provisions, affin de commancer, de bonne heure, à leur retrancher + vivres. + + Et adjouxtent que Monsieur, frère du Roy, n'est que bien disposé + à ceste entreprinse pour recouvrer ceste portion des dicts Pays + Bas, qui apartient à la couronne de France; et qu'il a suplié le + Roy de luy permettre de faire ung essay pour en agrandir son + appanaige, et d'y employer la gendarmerye, et ce grand nombre de + gens de guerre, qui sont meintennant en France, mesmes que les + Françoys ne desirent rien tant que cella; s'apercevans enfin des + tromperies et simulations du Roy d'Espaigne et de ses ministres, + et murmurans que les jours ont esté advancez à sa dernière femme, + Fille de France, par mauvais trettement qu'elle a reçeu avecques + luy, dont j'ay merveilleusement rejetté tout le contenu de cest + article, quant on m'en a parlé; + + Et que le duc d'Alve, craignant ung si grand orage, commance de + mettre ung grand ordre à ses affaires, à recueillyr deniers et + armes de toutz costez, et faire secrecte description de gens de + guerre. Néantmoins l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, monstre + de ne croyre, en façon du monde, qu'il y ayt nulz aprestz contre + les Pays Bas, ains tout le contraire, ainsi que je l'ay mandé par + ma précédante dépesche, qu'encor qu'il pense bien qu'il ne + tiendroit aulx Anglois que telles choses ne fussent mises en + avant et exécutées, que néantmoins la Royne d'Angleterre n'y + veult advancer ses deniers contans, ni aultre chose que parolles + et promesses, qui ne sont suffizantes pour mouvoir les Allemans, + ni pour faire marcher une armée. + + Comme, à la vérité, j'entendz que le capitaine, qui est icy pour + le duc Auguste, et qui asseure n'y avoir aulcune certitude de la + mort de son maistre, mais bien qu'il estoit fort mallade, n'a + esté encores guières bien respondu sur la pratique qu'il mène + d'avoir deniers pour les dicts aprestz d'Allemaigne; et si, + semble qu'il n'inciste pas fort que la dicte Dame veuille entrer + en nulle ligue avec les princes protestans, s'estant layssé + entendre que le dict duc Auguste aussi n'y entrera pas et qu'il + ne cerche que fère amys de toutz costez, pour s'en ayder au + besoing; néantmoins qu'il favorisera et assistera la dicte + entreprinse d'iceulx princes. + + Le susdict ambassadeur d'Espaigne a heu adviz que Mr le cardinal + de Chatillon a proposé à ceste Royne, et à ceulx de son conseil, + s'ilz trouveroient bon que le comte Ludovic de Naussau vînt avec + aulcuns bons navyres de guerre de la Rochelle pour se joindre à + ceulx du Sr de Lumbres, affin de tenir ceste mer subjecte contre + le duc d'Alve à la dévotion toutesfoys de ce royaulme, et que + cella a esté bien receu du dict conseil et favorisé du comte de + Lestre, et qu'il entend qu'on arme à cest effect à la Rochelle + plusieurs navyres, chose qu'il estime ne pouvoir estre trouvée + bonne du Roy. + + Les depputez de la Royne d'Escosse sont venuz plusieurs fois + prandre familièrement leur disner en mon logis, et m'ont, entre + aultres choses, remonstré qu'ilz sont envoyez, de la part des + principaux seigneurs de leur pays, pour assister au tretté et y + procurer la restitution de leur Mestresse, avec charge de + procéder en tout sellon qu'elle leur ordonnera, et avec article + espécial de ne faire rien au préjudice de l'alliance de France; + et qu'ilz supplient très humblement le Roy, qu'au cas que le dict + tretté ne succède, qu'il veuille avoir souvenance d'eulx; car ilz + disent avoir esté toutz essayez, l'ung après l'autre, par grandes + offres et présens, de la part de la Royne d'Angleterre, pour + suyvre son party, et qu'ilz ont tout rejetté, et ont choysy de + souffrir plustost toutes extrémitez que de quicter ung seul point + de l'alliance et dévotion qu'ilz ont à la couronne de France; + + Et que les dicts seigneurs requièrent une chose de l'évesque de + Roz et de moy, c'est que nous les veuillons advertyr, de bonne + heure, s'il y aura apparance que le tretté ne succède, affin de + se pourvoir; et que, sans mettre le Roy en nulle guerre ouverte, + s'il luy playt les ayder, quelque temps, de quatre mil escuz par + mois, pour entretenir trois cens hommes dans le chasteau de + Lislebourg, et sept cens hommes en la campaigne, ilz promettent + de faire ce qui s'ensuyt: + + Sçavoir, le lair de Granges, capitaine du dict chasteau de + Lislebourg, de surprendre les comtes de Lenoz et de Morthon, et + les mettre dans son dict chasteau, pour en faire ce que leur + Mestresse commandera, et de randre paysible et obéyssante la + ville de Lislebourg à la dicte Dame; les aultres seigneurs + qu'avec les sept centz hommes, ilz chasseront les Anglois de tout + le pays, estandront leur ligue, remettront partout l'authorité de + la Royne d'Escosse, de sorte qu'il ne se parlera plus que de luy + obéyr, et de demeurer fermes en l'alliance de France, et qu'ilz + réduyront, tout entièrement, le royaulme en l'estat qu'il estoit + auparavant, estantz toutz les principaulx de la noblesse de ce + desir, sinon le dict Lenoz, qui n'a, à présent, cinq cens escuz + de rante au dict pays, et Morthon, qui est homme nouveau et + sordide. + + Le Roy d'Espaigne a escript à son ambassadeur, qui est icy, qu'il + le résolve clairement, et en brief, de ce qui se doibt espérer de + la restitution de la Royne d'Escosse, et en quoy l'on est du + tretté, monstrant qu'il a bien fort à cueur la matière; et + icelluy ambassadeur a dict à l'évesque de Roz que son Maistre ne + regarde sinon comme le Roy commancera d'y procéder, car, de sa + part, il y est tout prest et tout résolu. Et par lettre de Rome + s'entend que le Pape a desjà miz une provision de deniers ez + mains du duc d'Alve, pour ayder l'entreprinse sellon que l'ordre + en sera mandé par Ridolfy; lequel Ridolfy et les seigneurs + catholiques de ce pays, me recerchent fort de mettre en avant que + les deux Roys se veuillent entendre et se unyr à la dicte + entreprinse; ce que j'ayme mieulx qui me soit proposé par le dict + ambassadeur, qui ne m'en a parlé, longtemps y a, que non pas par + eulx. + + Je ne puis encores juger au vray si la dellibération de la dicte + entreprinse est bien certaine, et moins encores quel événement + elle pourra avoir. Tant y a que, pour la conformité de celle + d'Yrlande, elle me semble trop esloignée du vraysemblable, et je + sens bien que les Escouçoys, doubtans du secours de France, + commancent fort d'espérer en cestuy cy; et le duc d'Alve leur a + desjà advancé quelques deniers, ainsy que je l'ay desjà escript. + + AULTRE MÉMOIRE ET INSTRUCTION A PART: + + Que le propos de maryer Monsieur avec la Royne, a prins son + commancement de ce que, ayant, en une mienne audience, parlé à la + dicte Dame des fianceailles du Roy, qui se debvoient faire à + Espire, après qu'elle se fût retirée avec ses dames, elle se + plaignit que, se faisans plusieurs honnorables mariages en la + Chrestienté, nul de son conseil ne luy parloit à elle de prandre + party, et que, si le comte de Sussex fût présent, au moins luy + ramentevroit il l'archiduc Charles. + + Ce que ayant l'une des dames raporté au comte de Lestre, il + s'esforcea, le lendemain, affin de luy complayre, de luy remettre + si bien le dict archiduc en termes, que le voyage de Coban en fut + incontinent dressé; et, de là en avant, elle monstra, de plus en + plus, estre résolue de se maryer, et de parler d'affection de + l'archiduc, de sorte que le dict comte se repentyt assés d'en + avoir meu le propos. + + Sur quoy arrivant le vydame de Chartres pour prandre congé + d'elle, il luy parla de Monsieur, frère du Roy, et en parla aussi + à plusieurs de son conseil, qui en furent les ungs bien ayses + pour traverser l'aultre propos, et les aultres marrys, qui ne + vouloient qu'on mit, en façon du monde, cestuy cy en avant. + + Dont, après que le dict Coban fût de retour avec la responce de + reffuz, elle commança lors d'ouyr, avec plus d'affection, ceulx + qui luy proposoient Monsieur; et arrivant là dessus quelque + responce du vydame, et survenant, peu après, Mr le cardinal de + Chatillon, la matière s'est si bien eschauffée que la dicte Dame + ne parle plus que de luy, et a dict, tout hault, «que les siens + l'avoient souvant pressée de se maryer, mais puys après ilz y + avoient adjouxté tant de dures condicions qu'ilz l'en avoient + engardée, et qu'elle cognoistroit meintenant qui seroient ses + bons et fidelles subjectz, et les sauroit bien remarquer, et + qu'elle tiendroit pour desloyaux ceulx qui luy traverseroient ce + tant honnorable party». + + Et comme l'une de ses dames regrettoit que Mon dict Seigneur + n'eust quelques ans davantaige, elle respondit:--«Il a vingt ans + qui en vallent vingt cinq, car il n'y a rien en son esprit, ny en + sa personne, qui ne soit d'homme de valleur.» + + Et à milord Chamberland qui luy faisoit ung compte, comme Mon + dict Seigneur avoit faict une course jusques à Roan pour voir une + jeune flamande fort belle, que le père, craignant qu'elle ne se + derrobât pour le suyvre, l'avoit jettée en haste hors de la ville + et conduicte à Dièpe, où n'attendoit que le vent pour la passer + en Angleterre, l'une des dames respondit:--«Et bien c'est qu'il + n'est point paresseux pour aller voir les dames, il ne craindra + guières de passer la mer.»--«Ce ne seroit, respondit la Royne, à + mon proffict qu'il fût si dilligent, mais il n'en est pourtant + moins à priser.» + + Et au baron de Vualfrind, lequel je luy présentay de la part du + Roy, après qu'elle luy eust assés amplement parlé du mariage de + l'archiduc, en une façon pleyne de jalouzie et de desdein, + réprouvant bien fort les nopces d'entre si prochains, comme + l'oncle et la niepce:--«Bien que le Roy d'Espaigne, disoit elle, + comme grand prince, eust possible estimé que son exemple + servyroit de loy au monde, mais c'estoit une loy contre le ciel;» + luy dit:--«Que l'archiduc luy estoit grandement obligé de ce que, + l'ayant reffusé, elle luy avoit faict trouver mieulx qu'elle, et + où l'amytié ne deffauldroit, car, s'ilz ne s'aymoient comme + espouzés, ilz s'aymeroient comme parans; et qu'elle espéroit + aussi trouver mieulx que luy, dont le regrect cesseroit des deux + costez.» Puys se corrigea que;--«A la vérité elle ne l'avoit pas + reffuzé, mais elle avoit bien différé la responce, et il ne + l'avoit vollue attandre; néantmoins elle ne lairroit d'aymer et + honnorer toutjour l'Empereur, et toute sa mayson, sans aulcun + excepter.» + + Et, au retour de là, le dict sieur baron me demanda si je pensois + qu'elle eust parlé d'affection et avec jalouzie du dict archiduc, + ou bien par manière de deviz, et qu'il se repentoit de ne luy + avoir proposé le prince Rodolfe, qui a desjà dix sept ans. Je luy + respondiz que «le voyage, que le jeune Coban avoit dernièrement + faict devers l'Empereur, monstroit que, si l'archiduc eust vollu, + à ceste heure, entendre à ce party, qu'il eust esté accepté.»--Il + répliqua «qu'il en auroit doncques beaucoup de regrect, et qu'il + s'estoit trop hasté de s'obliger à celle de Bavière, bien qu'il + me vouloit dire que les conditions, sur lesquelles on le vouloit + maryer avec ceste Royne, estoient, à ce qu'il avoit ouy dire, si + dures et iniques qu'il eust esté trop plus subject que Roy.» + + L'on me vient d'advertyr que, sabmedy dernier, se plaignant la + dicte Dame à l'admyralle Clinton et à milady Coban des + difficultez, qu'aulcuns des siens trouvoient au party de + Monsieur, comme trop jeune, elle les avoit conjuré de luy en dire + librement leur opinion, et que, comme les deux plus loyales, et + où elle se fyoit plus qu'en dames de ce monde, elles ne luy en + vollussent rien dissimuler; et que la dicte Clinton, luy ayant + fort loué ses perfections et confirmé grandement son opinion de + se maryer, avoit aprouvé entièrement qu'elle deût espouser + Monsieur; et que sa jeunesse ne luy debvoit faire peur, car il + estoit vertueux, et elle, pour luy en donner, en toutes sortes, + plus de satisfaction que nulle aultre princesse du monde ne + sçauroit faire. Ce que la dicte Dame avoit accepté avec tant de + démonstration de playsir, que milady Coban, n'y ozant rien + contradire, avoit seulement dict que les mariages estoient + toutjour mieulx faictz et plus plains de contantement, quant l'on + espousoit personne de âge pareil, ou aprochant au sien, que quant + il y avoit grande inégalité. A quoy elle avoit respondu:--«Qu'il + n'y avoit que dix ans de différant entre deux, et qu'il eust esté + fort à propos que ce eust esté luy qui les heût davantaige; mais, + puysqu'il playsoit à Dieu qu'elle fût la plus vielle, elle + espéroit qu'il se contenteroit des aultres advantaiges.» + + Il semble que milord Boucard va par dellà fort pourveu de bonne + intention en cest endroict, et qu'il desire infinyement d'y estre + employé; et le secrétaire, qu'il mène, qui luy a esté ordonné par + la dicte Dame, s'est venu offryr à moy de servyr, en tout ce + qu'il pourra, jusques à la mort; et le Sr Cavalcanty y est plus + ardant que nul, mais je ne sçay s'il a encores descouvert en + quelle intention en est Cecille; tant y a que deppendant + entièrement de luy, il sera bon d'aller ung peu réservé en son + endroict, et néantmoins s'en servyr en ce que Leurs Majestez + cognoistront qu'il leur y pourra estre ministre commode et + opportun; car, oultre qu'il se dict très dévot à la France, et + péculier serviteur de la Royne, il est fort bien entendu ez + humeurs de deçà. Il n'a vollu partyr avec le dict Boucard pour + n'estre veu aller aulcunement pour ce fait, et m'a dict qu'il + n'est pas expressément commandé de faire le voyage, mais qu'on + est bien fort ayse qu'il le face, et il part demain matin. + + + + +CLIXe DÉPESCHE + +--du XIIe jour de febvrier 1571.-- + +(_Envoyée exprès par Jehan Volet jusques à Calais._) + + Négociation de Walsingham, ambassadeur en France.--Affaires + d'Irlande; crainte des Anglais qu'une entreprise ne soit tentée + sur ce pays.--Affaires d'Écosse; retards apportés à la + conclusion du traité.--Ligue contre les Turcs.--Nouvelles + d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, par la première dépesche, que le Sr de Vualsinguan a faict par +deçà[26], il s'est si grandement loué à la Royne, sa Mestresse, de +l'honorable réception et des vertueuses responces qu'il a eues de +Vostre Majesté, et des bons propos et démonstrations que la Royne, +vostre Mère, et Monseigneur, luy ont usé, que le comte de Lestre m'a +mandé qu'elle m'en rendra ung bien fort grand mercys, la première fois +que je l'yray trouver, affin que je le vous face puys après entendre +de sa part; et que je vous représante le grand contantement qu'elle en +a reçeu, qui ne la pourriez, à ce qu'il dict, en nulle chose du monde +plus grandement gratiffier que de favoriser ses ambassadeurs. Et n'ay +point sçeu, à la vérité, Sire, que, pour ce commancement, il ayt donné +que une bien fort bonne satisfaction de Voz Majestez à sa dicte +Mestresse. Il est vray qu'il a asseuré la dicte Dame, ainsy qu'on m'a +dict, que la pratique, que le capitaine La Roche mène en Yrlande, +n'est incogneue en vostre court; de quoy aulcuns de son conseil luy +ont vollu persuader qu'elle devoit donc révoquer milord de Boucard +qui, pour ceste occasion, a esté arresté ung jour à Canturbery; mais +elle a vollu qu'il ayt passé oultre, espérant que, sur ce qu'elle m'a +naguières proposé d'icelluy faict, Vostre Majesté l'en satisfera +bientost. + + [26] Voir les _Mémoires et Instructions pour les ambassadeurs ou + Lettres et Négociations de Walsingham, ministre et secrétaire + d'état sous Élisabeth, reine d'Angleterre_, 1 vol. in-4º, + Amsterdam, 1700. + +La dicte Dame commance de tourner ses pensées aulx choses du dict pays +d'Yrlande, car, oultre le faict du dict capitaine La Roche, elle a +toutjours crainct que le Roy d'Espaigne se vouldroit revancher des +prinses de mer par quelque entreprinse sur icelluy pays; et, encores, +par le dernier courrier de Flandres, entendant que le duc d'Alve se +monstroit si réfroydy en la composition des dictes prinses, que +l'agent de la dicte Dame estoit sur le poinct de s'en revenir, sans +avoir rien faict, elle en entroit en plus grande deffiance, mais ung +aultre courrier extraordinaire en vient d'arriver, qui dict que +icelluy agent a heu, despuys huict jours, une meilleure responce du +dict duc. Néantmoins, estantz desjà aulcuns indices venuz à la dicte +Dame de la dellibération du dict Roy d'Espaigne en cella, et luy en +ayant Mr le cardinal de Chatillon, à ce qu'on m'a dict, mandé, despuys +six jours, d'aultres certains adviz, elle monstre, à présent, de le +croyre; dont a mandé à millord Sydney debitis d'Yrlande, qui estoit +prest à s'en venir par deçà, de ne bouger de sa charge, et de pourvoir +soigneusement à la garde du pays, et qu'elle donna promptement ordre +qu'il luy soit envoyé tout ce qui luy sera besoing. + +Les choses d'Escosse se brouillent de nouveau, car ceulx du party de +la Royne commancent de se revancher par dellà sur ceulx qui suyvent le +party du comte de Lenoz, et le comte de Morthon, faisant le long à +venir, prolonge icy beaucoup le tretté, ce qui donne cependant loysir +à la comtesse de Lenoz et aulx siens de remettre en l'opinion de la +Royne d'Angleterre plusieurs malles impressions contre la Royne +d'Escosse, luy persuadant qu'elle aspire à sa vie et à la déboutter de +son estat, si bien qu'elle en est entrée en de grandes souspeçons, +mesmes contre ses plus intimes conseillers; qui faict que toute ceste +court s'en trouve divisée et en grand perplexité. Dont les depputez de +la dicte Royne d'Escosse, craignans qu'enfin cella n'admène une +ropture du dict traicté, suplient, de rechef, très humblement Vostre +Majesté, de les vouloir, de bonne heure, et par secrectz moyens, +secourir de ceste provision de quatre mil escuz par moys, qu'ilz vous +demandent, durant quelque temps, affin d'exécuter promptement ce +qu'ilz ont projecté pour le restablissement de l'auctorité de leur +Mestresse, et pour la conservation de leur pays, et pour l'honneur et +la gloire de Vostre Majesté et de l'alliance qu'ilz ont avec vostre +couronne; s'asseurans que la guerre ne durera jamais ung ou deux tiers +d'an. Et m'ont proposé, au cas que voz présens affaires ne permissent, +Sire, que les puyssiez si tost ayder de ceste somme, qu'il soit vostre +bon playsir de la leur faire recouvrer sur l'afferme du douaire de +leur Mestresse, en la faisant délivrer à quelques merchans pour deux +ou trois ans à venir, moyennant qu'ilz advanceront les deniers, +desquelz, s'il en debvoit survenir cy après nul intérest à Vostre +Majesté, ou quelque diminution à leur dicte Mestresse, ilz se offrent +de le faire rembourser par les Estatz de leur pays; et ne vous auront, +à ce qu'ilz disent, moindre obligation que si le secours estoit tout +entièrement sorty de voz propres finances. A quoy vous playrra, Sire, +me faire respondre par voz premières, car, sellon que j'en entendray +vostre vollonté, je les laysseray, ou bien les divertiray d'en envoyer +poursuyvre le moyen par dellà, comme ilz ont dellibéré de faire. + +Il est nouvelles icy que l'Empereur a offert d'entrer en la ligue +contre le Turq, et que, en propre personne, il luy commancera la +guerre, pourveu que les confédérez luy veuillent souldoyer vingt mil +hommes de pied, et luy donner douze mil escuz par moys, pour les +aultres provisions de l'armée; et qu'il a esté de nouveau provoqué à +cella, à l'ocasion de ce que le Turq luy a mandé qu'il ayt à luy +remettre entièrement le tiltre du royaulme de Transilvanye, sans +jamais plus le s'aproprier. + +L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a adviz que le comte de +Sualsemberg, après avoir composé avec ceulx d'Embourg, pour quarante +mil tallardz contants, et avec ceulx de Brème pour vingt cinq mil, a +séparé ses gens; par ainsy, toute la peur de ceste guerre est +estaincte. Sur ce, etc. Ce XIIe jour de febvrier 1571. + + + + +CLXe DÉPESCHE + +--du XVIIe jour de febvrier 1571.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par Bon Jehan._) + + Affaires d'Écosse.--Efforts de l'ambassadeur pour empêcher que le + prince d'Écosse ne soit livré à la reine + d'Angleterre.--Sollicitation faite par le duc d'Albe, au nom du + roi d'Espagne, en faveur de Marie Stuart.--Négociation des + Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, par la dépesche de Vostre Majesté, du premier de ce mois, que le +Sr de Sabran m'a apportée, il m'a esté si sagement et avec tant de +bonnes considérations satisfaict sur tout ce que, par mes précédantes, +jusques au vingt quatriesme du passé, je vous avois escript de l'estat +des choses de deçà, qu'il ne me reste rien à présent que de bien +ensuyvre ce que clairement et fort exprès il vous playt m'en +commander, qui mettray peine, Sire, que vous y soyez le plus +exactement bien servy qu'il me sera possible; seulement je me trouve +empesché du faict du petit Prince d'Escosse, lequel je vous suplie +très humblement, Sire, de croyre que j'ay travaillé aultant que j'ay +peu, et sans trop me descouvrir, à disposer icy les depputez de la +Royne, sa mère, et ay pareillement envoyé disposer ceulx de l'aultre +party jusques en Escosse, pour s'opposer à ce qu'il ne soit admené par +deçà, et n'ay obmiz nul des inconvéniens qui en pourroient advenir, +que je ne les leur aye toutz représentez; et ay sondé si avant iceulx +depputez de la dicte Dame qu'ilz m'ont confessé que les seigneurs qui +les ont envoyez, déclairent, en ung article de leur instruction, +qu'ilz ne le peuvent consentyr; néantmoins qu'ilz leur ont baillé +pouvoir, à part, d'en user comme la Royne, leur Mestresse, leur +ordonnera; et m'ont remonstré que, demeurant les choses en l'estat +qu'elles sont, la Royne d'Angleterre tient en ses mains la mère, le +filz et le royaulme, et a desjà estably un sien subject pour régent au +pays, et qu'ilz ne peuvent, sans ung notable secours de Vostre +Majesté, plus différer de se soubmettre eulx mesmes à ce que la dicte +Royne d'Angleterre vouldra: sçavoir est, d'obéyr au dict régent, et +recognoistre le jeune Prince pour leur Roy, si, d'avanture, leur +Mestresse n'est bientost restituée; et que, si le tretté n'eust esté +miz en avant, par lequel l'armée d'Angleterre a esté retirée, il est +sans doubte qu'ilz se fussent desjà toutz rangez à ce party, de sorte, +Sire, qu'il ne se fault guières attandre que, du costé de la Royne +d'Escosse, laquelle a desjà baillé son consentz, ny de ceulx qui +tiennent pour elle, il se face grande résistance à cest article; qui +est néantmoins le principal, auquel la Royne d'Angleterre et les siens +incistent, et sans lequel elle monstre de vouloir poursuyvre ses +entreprinses, ainsy qu'elle les a commancées au dict pays. + +Je verray ce que je pourray faire secrectement avec les depputez de +l'aultre party, qui ne sont encores arrivez, mais l'on les attand dans +quatre jours; car il est nouvelles qu'ilz ont desjà passé Barwich, et +ne voys point, Sire, qu'il reste plus de ce costé nul moyen en cecy, +que je ne l'aye desjà tanté; dont adviserez s'il s'en pourra trouver +quelcun aultre d'ailleurs qui y puysse mieulx remédier. + +Au regard de l'article de la ligue, j'en useray tout ainsy, sans plus +ny moins, qu'il vous playst me le prescrire, et semble bien que desjà, +sur les fermes et résoluz propos, que j'en ay tenuz à la Royne +d'Angleterre et aulx siens, ilz soyent en quelques termes de n'en +parler point. + +L'évesque de Roz est allé presser les seigneurs de ce conseil de +vouloir commancer le dict tretté, plus pour cognoistre si leur +Mestresse avoit changé de vollonté que pour espérance de rien faire, +jusques à ce que les aultres soyent icy; et a trouvé qu'à leur arrivée +elle dellibère de passer oultre, meue beaucoup plus des difficultez, +qui surviennent chacun jour plus grandes, et en Escosse, et en son +pays, que de bonne affection qu'elle y ayt; et luy ont iceulx du dict +conseil dict deux choses: l'une, qu'il ne fault que la Royne, sa +Mestresse, escoutte les conseilz qu'on luy mandra de dellà la mer, de +ne consentyr que son filz viegne en Angleterre, car, sans ce poinct, +qui estoit desjà accordé par elle, il ne fault plus parler de tretté; +la segonde, qu'elle veuille délaysser du tout la pratique de se maryer +avec dom Joan d'Austria, et n'ouyr plus sur cella Mr le cardinal de +Lorrayne, qui en renouvelle, à ce qu'ilz disent, encores à présent le +propos. A quoy il a respondu en général, que, si la Royne d'Angleterre +veult bien user envers sa Mestresse, elle se peult asseurer qu'elle la +trouvera toute disposée à son amytié, et à faire toutes choses à son +contantement. + +Or, a le duc d'Alve escript, par le dernier ordinaire, une lettre à la +Royne d'Angleterre, en laquelle, entre aultres choses, il luy faict +entendre la charge, qu'il a du Roy d'Espaigne son Maistre, de la prier +bien fort affectueusement qu'elle veuille condescendre à quelque bon +accord avec la Royne d'Escosse, et luy moyéner sa restitution; et +qu'une des choses qu'il désire aultant à ceste heure est de les voir +elles deux et leur deux royaulmes en bonne paix et unyon, en quoy, +s'il se peult rien ayder et servyr, il offre de bon cueur s'y +employer. Je n'ay encores aprins les aultres particullaritez de la +dicte lettre, sinon qu'on m'a asseuré que la dicte Dame l'a heue fort +agréable, et que le secrétaire Cecille a dict que le duc d'Alve se +monstre à ceste heure fort rabillé vers elle, et la recherche beaucoup +d'amytié; et que sur ce que Me Prestal l'avoit, puys peu de jours, +vollu estreindre à quelques pratiques avec les rebelles d'Angleterre +et d'Yrlande, et avec les Escouçoys du party de la Royne, il n'y avoit +vollu entendre. Ce qui faict meintenant, Sire, que ceulx cy se +rasseurent des choses d'Yrlande; et à la vérité, la comtesse de +Northomberland, et aulcuns fuytifz, qui sont en Flandres, ont +naguières escript que le Roy d'Espaigne a bien bonne affection de les +secourir et d'entreprendre en Yrlande, mais que le duc d'Alve en +estoit tout réfroydy, et qu'il leur est besoing d'envoyer ung +personnaige de bonne qualité en Espaigne pour négocier, par eulx +mesmes, leur affaire avec le Roy d'Espaigne. Je ne sçay s'ilz auront +esleu à cella millord de Sethon; tant y a que je vous puys asseurer, +Sire, qu'il estoit, le XXIIIe du passé, au logis de l'ambassadeur +d'Escosse à Paris, possible qu'il aura passé oultre. + +L'accord des prinses estoit venu à une manifeste ropture avec le +depputé de ceste Royne, qui s'estoit desjà acheminé pour s'en +retourner, sans avoir rien faict, quant le duc d'Alve l'a contremandé +pour luy dire qu'il avoit receu nouvelles lettres d'Espaigne, par +lesquelles il luy vouloit bien signiffier la bonne intention du Roy, +son Maistre, envers la Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, et comme il +avoit desir d'accorder à toutes les choses raysonnables qu'elle +vouloit; par ainsy que les difficultez seroient bientost vuydées, et +qu'il envoyeroit un notable conseiller par deçà pour l'accommodement +de toutes choses; dont s'attand, à ceste heure icy, l'arrivée du Sr +Suenegheme de Bruges, qui vient avec le dict depputé d'Angleterre. Sur +ce, etc. Ce XVIIe jour de febvrier 1571. + + + + +CLXIe DÉPESCHE + +--du XXIIIe jour de febvrier 1571.-- + +(_Envoyée exprès jusques à Calais par ung gentilhomme escouçoys._) + + Audience.--Assurances d'amitié.--Maladie de la reine de + France.--Désaveu du roi au sujet de la descente des Bretons en + Irlande.--Satisfaction d'Élisabeth à raison du refus qu'aurait + fait le duc d'Anjou de se mettre à la tête d'une entreprise sur + l'Irlande. + + + AU ROY. + +Sire, à la dellibération, que j'avois, d'aller trouver la Royne +d'Angleterre sur ce que le Sr de Sabran m'avoit apporté, il m'y est +encores venue nouvelle occasion, par la dépesche suyvante, que j'ay +cependant receue de Vostre Majesté, du VIIIe de ce moys, de laquelle +j'ay faict de tout ung avec la première; et n'ay séparé les poinctz de +l'une ny de l'aultre, sinon par l'ordre que je les ay trouvez en +icelles, qui y sont si bien et si distinctement comprins, qu'il n'a +esté besoing d'y adjouxter du mien que seulement ce que j'ay estimé à +propos pour les faire bien prandre à la dicte Dame. + +Laquelle m'a respondu, quant au premier, qu'elle avoit ung singulier +playsir que ses ambassadeurs vous eussent bien signiffié la droicte +intention, qu'elle a, à la commune paix d'entre Voz Majestez, et à +celle particulière de vostre royaulme; et qu'elle vous prie, Sire, de +croyre que, quant au debvoir de persévérer en vostre amytié, et à +desirer le bien et establissement de voz affaires, qu'elle y est si +parfaictement disposée que nul du monde ne le sçauroit estre +davantaige; et que vous cognoistrez qu'elle l'a desjà ainsy monstré +par effectz, quant plusieurs choses, de celles qui ont passé despuys +trois ans, vous seront mieulx cogneues qu'elles ne le sont à présent; +et qu'elle vous promect, pour l'advenir, qu'il ne sortyra, de son +costé, occasion aulcune, par où vostre dicte amytié puysse estre +offancée, pourveu que vous ne veuillez poinct offancer la sienne; +qu'elle avoit grande occasion de vous remercyer de ce qu'il vous avoit +pleu fort favorablement licencier l'ung de ses ambassadeurs, et +recepvoir avec mesme faveur l'aultre, et de ce, encores, qu'avez +commancé de faire honorer grandement milord Boucart à Callais, à +Bolloigne et à Montrueil; dont il luy avoit escript le bon trettement +qu'on luy avoit faict en ces trois villes, et que Vostre Majesté aussi +ne trouveroit en eulx, s'ilz ne veulent estre traystres à elle et +désobéyssans à ses commandemens, que toute disposition de vous honorer +et servyr, et vous complayre en tout ce qu'il leur sera possible; que +la nouvelle que je luy apportois de la malladye de la Royne, à ceste +heure qu'elle guérissoit et alloit en amandant, n'estoit si facheuse à +ouyr, comme si je la luy eusse dicte, quant elle estoit en dangier, +dont elle prioyt Dieu pour sa convalescence, comme pour la sienne +propre; et que Dieu vous avoit vollu tempérer à toutz deux, par ce +petit ennuy, le grand ayse de vostre mariage, affin de le vous randre +meilleur et de plus de durée cy après; qu'encor que le sacre et +couronnement d'elle, et son entrée fussent remiz à une aultre foys, +et que ceulx, qu'elle a envoyez par dellà, ne puyssent voir toutz les +triomphes qu'ilz s'attandoient, elle toutesfois ne vouldroit avoir +différé davantaige la conjoyssance de voz nopces, ny de la venue de la +Royne, pour ne deffaillir à ce que, non moins de son affection que de +son debvoir, elle estimoit estre tenue en cella; au demeurant, qu'elle +demeuroit très contante et bien satisfaicte de la responce, que vous +luy faisiez sur les choses d'Yrlande, et encores plus de ce qu'elle +s'asseuroit que Vostre Majesté l'accomplyroit ainsy par oeuvre, comme +elle avoit desjà entendu que, sur ce que Mr le cardinal de Lorrayne et +Mr le Nunce et l'arsevesque de Glasco avoient naguières proposé à +Monsieur, frère de Vostre Majesté, de faire une entreprinse au dict +pays, il avoit esté si vertueulx et si sage, qu'il n'y avoit vollu +entendre, ny Voz Majestez Très Chrestiennes y prester l'oreille, dont +ne vouloit obmettre de vous en remercyer toutz trois de tout son +cueur; mais pourtant elle n'avoit vollu ottroyer de saufconduict au +dict arsevesque de Glasco, bien que la Royne d'Escosse le luy eust +fort instantment faict demander par l'évesque de Ross; car avoit +opinion que c'estoit plus pour venir interrompre le tretté que pour +l'advancer; et que, estant le comte de Morthon prest à arriver dans +peu d'heures, l'on procèderoit incontinent au dict tretté avec le plus +d'expédition que faire se pourroit. + +Je luy ay seulement répliqué, Sire, quant à l'entreprinse, qu'elle +disoit avoir esté proposée à Monsieur, si elle sçavoit à la vérité que +cella fût vray, et m'ayant soubdainement respondu que _ouy_, tant +certainement que mesmes elle avoit par escript le mesmes propos, qui +luy en avoit esté tenu, j'ay suyvy à luy dire qu'elle prînt bien +garde que cella ne procédast de quelque mauvaise boutique pour cuyder +luy en mettre la jalouzie dans le cueur, car Mr le cardinal estoit ung +si prudent et si advisé seigneur en ses conseilz, qu'à peyne en avoit +il miz ung tel en avant à Monsieur, en temps de si bonne paix; +néantmoins, commant que la chose allât, elle voyoit que Vostre Majesté +faisoit ung grand fondement de la parolle, que luy aviez donnée, de +désister de toute entreprinse d'armes, jusques à ce que le traicté fût +achevé, et que vous faisiez aussi pareil estat de celle que vous aviez +d'elle, pour la liberté et restitution de la Royne d'Escosse; dont je +la suplyois qu'elle y vollust meintenant mettre le desiré effect, que +Vostre Majesté attandoit de sa bonté et de sa promesse. + +Elle m'a respondu qu'elle voyoit bien que Vostre Majesté ne pourroit +jamais oublyer cest affaire, parce qu'il y en avoit assés qui le vous +recordoient, et qu'elle espéroit qu'il s'acommoderoit bientost, non +sans qu'on se mouquast assés par tout le monde d'elle, d'estre si +indulgente et facille envers celle qui l'a infinyement offancée; qu'au +reste elle recepvoit ung singulier playsir d'entendre que Vostre +Majesté eust une si vertueuse et si droicte intention à la réunyon de +l'esglize, comme je le luy asseuroys, qui ne pourroit estre que cella +n'admenast ung grand bien à la Chrestienté, et qu'elle vous y +correspondroit de sa part, avec telle affection et promptitude, comme +vous le pourriez desirer; qui pourtant vous prioyt de persévérer en ce +sainct propos, et ne vous laysser persuader à ceulx qui vous y +vouldroient proposer les armes. + +Et ainsy me suys gracieusement licencié de la dicte Dame, mais j'ay +comprins despuys, par aulcuns propos du secrétaire Cecille, qu'elle +avoit heu ung singulier playsir que Vostre Majesté n'a advoué les +choses d'Yrlande, parce qu'elle a envoyé pour surprendre ce qui s'y +trouvera de Bretons et estrangiers pour les chastier. La dicte Dame a +faict dépescher lettres à toutes ses provinces pour convoquer ung +parlement, au deuxiesme jour d'avril prochain, en ceste ville de +Londres, avec secret mandement de n'eslire aulcun depputé, qui ne soit +déclairé protestant. Elle estime que la tenue d'icelluy ne sera que de +dix jours, dedans lesquelz elle espère avoir obtenu ce qu'elle +prétend, de quelque subvention de deniers; d'un decrect sur les biens +et personnes des fugitifz; et sur quelque reiglement plus estroict en +leur religion; qui sont les trois poinctz pour lesquelz l'assemblée se +faict. Les commissaires de Flandres ne sont encores venuz, mais l'on +me vient d'advertyr que le comte de Morthon est tout meintenant +arrivé. Sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de febvrier 1571. + + +FIN DU TROISIÈME VOLUME. + + + + +TABLE DES MATIÈRES DU TROISIÈME VOLUME. + + +ANNÉE 1570. + + Pages + 81e _Dépêche._--4 janvier.-- + + AU ROI. 1 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 6 + Nouvelles de la Rochelle. _Ib._ + Déroute des révoltés du nord. 7 + + 82e _Dépêche._--10 janvier.-- + + AU ROI. 10 + Nouvelles du nord. 10 + + A LA REINE. 12 + Craintes des Anglais. 13 + + 83e _Dépêche._--15 janvier.-- + + AU ROI. 14 + Le comte de Northumberland prisonnier. 15 + Affaires d'Allemagne et des Pays-Bas. 16 + + A LA REINE. 18 + Affaires de la Rochelle. _Ib._ + + + 84e _Dépêche._--21 janvier.-- + + AU ROI. 20 + Exécutions dans le nord. 21 + + A LA REINE. 24 + Propositions faites à Marie Stuart. _Ib._ + _Lettre en chiffre._ 26 + _Mémoire secret._ 27 + Projets du duc d'Albe. 29 + Proposition d'une ligue avec l'Espagne contre l'Angleterre. _Ib._ + + 85e _Dépêche._--28 janvier.-- + + AU ROI. 33 + Mission de Mr de Montlouet. _Ib._ + Nouvelles d'Allemagne. 35 + + 86e _Dépêche._--2 février.-- + + AU ROI. 37 + Audience. _Ib._ + Mort du comte de Murray. 39 + + A LA REINE. 40 + Affaires d'Écosse. _Ib._ + + 87e Dépêche.--10 février.-- + + AU ROI. 41 + Audience. _Ib._ + Arrestation de l'évêque de Ross. 43 + + A LA REINE. _Ib._ + Préparatifs contre l'Écosse. 44 + _Note._ État général des affaires. 45 + + 88e _Dépêche._--13 février.-- + + AU ROI. 47 + Négociation avec les Pays-Bas. _Ib._ + Affaires d'Écosse. 49 + + 89e _Dépêche._--17 février.-- + + AU ROI. 50 + Sollicitations des protestans. 51 + Préparatifs de guerre. 52 + + A LA REINE. 55 + Divisions en Angleterre. _Ib._ + _Mémoire général_ sur l'état des affaires. 54 + + 90e _Dépêche._--22 février.-- + + AU ROI. 58 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 61 + Affaires de Marie Stuart. 62 + + 91e _Dépêche._--26 février.-- + + AU ROI. 63 + Affaires de la Rochelle. _Ib._ + Instances de Marie Stuart. 66 + + 92e _Dépêche._--28 février.-- + + AU ROI. 67 + Défaite de lord Dacre. _Ib._ + + 93e _Dépêche._--4 mars.-- + + AU ROI. 69 + Affaires d'Écosse. _Ib._ + + A LA REINE. 71 + Changement dans les dispositions d'Élisabeth. _Ib._ + _Mémoire._ Préparatifs de guerre en Angleterre. 72 + _Mémoire secret._ Projet pour le rétablissement de + Marie Stuart en Écosse, et de la religion catholique + en Angleterre. 76 + + 94e _Dépêche._--9 mars.-- + + AU ROI. 79 + Continuation des préparatifs de guerre. _Ib._ + + 95e _Dépêche._--14 mars.-- + + AU ROI. 82 + Satisfaction donnée à Élisabeth. _Ib._ + Affaires d'Écosse. 83 + + 96e _Dépêche._--19 mars.-- + + AU ROI. 85 + Nouvelles d'Allemagne. 86 + Succès des révoltés en Irlande. 87 + + 97e _Dépêche._--27 mars.-- + + AU ROI. 88 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE (_lettre secrète_) 94 + Avis d'une levée d'armes en Allemagne. _Ib._ + _Mémoire_ sur les troubles du nord. 95 + _Mémoire secret._ Avis du duc d'Albe; propositions de + Cécil et de Leicester; projets des seigneurs catholiques. 98 + + 98e _Dépêche._--31 mars.-- + + AU ROI. 103 + Modération d'Élisabeth. _Ib._ + Le comte d'Arundel mis en liberté. 104 + + 99e _Dépêche._--4 avril.-- + + AU ROI. 106 + Faveur du comte d'Arundel. _Ib._ + Projet contre l'Écosse. 107 + + 100e _Dépêche._--9 avril.-- + + AU ROI. 110 + Préparatifs de guerre. _Ib._ + 101e _Dépêche._--13 avril.-- + + AU ROI. 113 + Continuation des préparatifs. _Ib._ + Nouvelles des protestans de France. 114 + + 102e _Dépêche._--18 avril.-- + + AU ROI. 116 + Nouvelles d'Écosse. _Ib._ + + A LA REINE. 120 + Nécessité de la paix en France. 121 + _Lettre secrète._ 122 + _Mémoire._ Résolution du conseil d'Angleterre. _Ib._ + _Mémoire secret_ sur divers projets de mariage. 125 + + 103e _Dépêche._--25 avril.-- + + AU ROI. 128 + Prise d'armes contre l'Écosse. _Ib._ + + 104e _Dépêche._--27 avril.-- + + AU ROI. 130 + État des partis en Écosse. _Ib._ + + 105e _Dépêche._--5 mai.-- + + AU ROI. 133 + Audience. _Ib._ + Nouvelles d'Écosse. 137 + + 106e _Dépêche._--8 mai.-- + + AU ROI. 138 + Débats dans le conseil. _Ib._ + Première invasion en Écosse. 139 + + A LA REINE. 142 + Déclaration du roi touchant l'Écosse. _Ib._ + _Mémoire général._ 144 + _Mémoire secret_ sur la déclaration du roi. 148 + + 107e _Dépêche._--13 mai.-- + + AU ROI. 150 + Nouvelles de l'invasion. _Ib._ + + 108e _Dépêche_.--17 mai.-- + + AU ROI. 154 + Hésitation d'Élisabeth à poursuivre son entreprise + sur l'Écosse. _Ib._ + + 109e _Dépêche_.--22 mai.-- + + AU ROI. 157 + Proposition d'un accord touchant Marie Stuart et l'Écosse. _Ib._ + + 110e _Dépêche_.--27 mai.-- + + AU ROI. 161 + L'évêque de Ross mis en liberté. 163 + Audience. _Ib._ + Résolution du conseil d'éviter la guerre. 168 + _Traité_ concernant l'Écosse. 169 + + 111e _Dépêche_.--1er juin.-- + + AU ROI. 171 + Affaires d'Écosse. _Ib._ + Exécution des Northon. 173 + Bulle qui déclare Élisabeth hérétique. _Ib._ + + 112e _Dépêche_.--5 juin. + + AU ROI. 174 + Maintien du traité conclu. 175 + Audience accordée à l'évêque de Ross. 176 + + 113e _Dépêche_.--11 juin.-- + + AU ROI. 178 + Liberté de l'évêque de Ross. 179 + Conditions de la restitution de Marie Stuart. _Ib._ + Interrogatoire du duc de Norfolk. 180 + _Mémoire général._ 181 + _Mémoire secret._ Discussion sur le traité. 185 + + 114e _Dépêche_.--16 juin.-- + + AU ROI. 192 + Changement dans les résolutions d'Élisabeth. _Ib._ + + A LA REINE. 196 + Mesures de rigueur contre les catholiques. _Ib._ + + 115e _Dépêche_.--19 juin.-- + + AU ROI. 198 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 203 + Nouvelles de la Rochelle. 204 + + 116e _Dépêche_.--21 juin.-- + + AU ROI. 206 + Expédition de Bretagne. _Ib._ + Nouvelles d'Allemagne. 208 + + A LA REINE (_Lettre secrète_) 209 + Projets des protestans de France. _Ib._ + + 117e _Dépêche_.--25 juin.-- + + AU ROI. 212 + Conditions du traité pour Marie Stuart. 214 + Nouvelles d'Allemagne. 215 + + 118e _Dépêche_.--29 juin.-- + + AU ROI. 216 + Audience. _Ib._ + + 119e _Dépêche_.--5 juillet.-- + + AU ROI. 222 + Négociation touchant l'Écosse. _Ib._ + _Mémoire général._ 223 + _Mémoire secret._ Articles concernant Marie Stuart. 228 + + 120e _Dépêche_.--9 juillet.-- + + AU ROI. 230 + Mission de Mr de Poigny. _Ib._ + Combat de Sainte-Gemme, près Luçon. 232 + Déclaration du duc d'Albe. 233 + + 121e _Dépêche_.--14 juillet.-- + + AU ROI. 234 + Audience. _Ib._ + + 122e _Dépêche_.--19 juillet.-- + + AU ROI. 240 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 244 + Espoir de la restitution de Marie Stuart. _Ib._ + + 123e _Dépêche_.--25 juillet.-- + + AU ROI. 246 + Délibération concernant le duc de Norfolk. _Ib._ + Préparatifs de guerre. 247 + Nouvelles d'Allemagne. 248 + _Mémoire général._ 250 + _Mémoire secret._ Intrigues de l'Espagne. 254 + Dispositions du cardinal de Chatillon. 256 + + 124e _Dépêche_.--30 juillet.-- + + AU ROI. 258 + Crainte en Angleterre d'une ligue générale; armemens. _Ib._ + + 125e _Dépêche_.--6 août.-- + + AU ROI. 263 + Visite de Mr de Poigny à Marie Stuart. _Ib._ + Audience. 264 + + 126e _Dépêche_.--11 août.-- + + AU ROI. 269 + Force de la flotte armée en guerre. _Ib._ + Paix de France. 272 + Exécution de Felton. 273 + + 127e _Dépêche_.--14 août.-- + + AU ROI. 274 + Mission de Walsingham en France. _Ib._ + + 128e _Dépêche_.--18 août.-- + + AU ROI. 275 + Audience. 276 + + A LA REINE. 278 + Doutes sur la paix de France. 279 + + 129e _Dépêche_.--21 août.-- + + AU ROI. 280 + Instructions de Walsingham. 281 + Affaires d'Écosse. 283 + + A LA REINE. 284 + Effet de la pacification. _Ib._ + + 130e _Dépêche_.--26 août.-- + + AU ROI. 285 + D'une entreprise sur Calais. _Ib._ + Instances de Marie Stuart. 287 + + 131e _Dépêche_.--5 septembre.-- + + AU ROI. 289 + Audience. 290 + Deuxième invasion en Écosse. 294 + _Mémoire général._ _Ib._ + _Mémoire secret._ Dévouement du duc de Norfolk à + Marie Stuart; projet de l'Espagne contre l'Angleterre. 299 + + 132e _Dépêche_.--10 septemb.-- + + AU ROI. 302 + Mission de sir Henri Coban aux Pays-Bas. _Ib._ + Troisième invasion en Écosse. 304 + + 133e _Dépêche_.--15 septemb.-- + + AU ROI. 304 + Sortie de la flotte. _Ib._ + Explications sur la dernière invasion en Écosse. 307 + Message du cardinal de Chatillon. 308 + + 134e _Dépêche_.--19 septemb.-- + + AU ROI. 309 + Négociation avec l'Espagne. 310 + Affaires d'Écosse. 311 + + 135e _Dépêche_.--24 septemb.-- + + AU ROI. 313 + Mouvement au pays de Lancastre. _Ib._ + Conférence avec le cardinal de Chatillon. 314 + + 136e _Dépêche_.--29 septemb.-- + + AU ROI. 317 + Négociation des Pays-Bas. 318 + Mission de Mr de Vérac en Écosse. 319 + + 137e _Dépêche_.--5 octobre.-- + + AU ROI. 320 + Retour de Walsingham. _Ib._ + Cécil envoyé vers Marie Stuart. 321 + Nouvelles d'Allemagne. 322 + + 138e _Dépêche_.--10 octobre.-- + + AU ROI. 323 + Passage de la reine d'Espagne. 324 + Prises faites par le capitaine Sores. 326 + + 139e _Dépêche_.--16 octobre.-- + + AU ROI. 327 + Conditions proposées à Marie Stuart. 328 + Soulèvement au pays de Lancastre. 330 + _Mémoire général._ Intrigues de l'Espagne, affaires + d'Écosse. 331 + + 140e _Dépêche_.--17 octobre.-- + + AU ROI. 336 + De l'alliance d'Écosse. 337 + + 141e _Dépêche_.--25 octobre.-- + + AU ROI. 339 + Audience. _Ib._ + + 142e _Dépêche_.--30 octobre.-- + + AU ROI. 346 + Négociation de Marie Stuart. _Ib._ + Nouvelles d'Allemagne. 348 + + 143e _Dépêche_.--9 novembre.-- + + AU ROI. 350 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 355 + Nouveaux détails d'audience. _Ib._ + _Lettre secrète._ Proposition du mariage du duc d'Anjou + avec Élisabeth. 357 + _Mémoire général._ 360 + + 144e _Dépêche_.--14 novemb.-- + + AU ROI. 365 + Articles proposés à Marie Stuart. _Ib._ + Nouvelles des Pays-Bas. 369 + + 145e _Dépêche_.--19 novemb.-- + + AU ROI. 371 + Mission de lord Seyton. 373 + + 146e _Dépêche_.--25 novemb.-- + + AU ROI. 376 + Déclaration du roi concernant l'Écosse. _Ib._ + + A LA REINE. 380 + Détails d'audience. _Ib._ + + 147e _Dépêche_.--30 novembre.-- + + AU ROI. 382 + Audience. 383 + _Mémoire général._ Projet des catholiques dans + le pays de Lancastre;--Opinions émises dans le conseil + contre Marie Stuart;--Négociations de l'Angleterre avec + l'Espagne. 389 + + 148e _Dépêche_.--7 décembre.-- + + AU ROI. 394 + Maladie de Marie Stuart. 397 + Affaires des Pays-Bas et d'Allemagne. 398 + + 149e _Dépêche_.--13 décemb.-- + + AU ROI. 399 + Négociation de Marie Stuart. _Ib._ + Retour de sir Henri Coban. 400 + + 150e _Dépêche_.--18 décemb.-- + + AU ROI. 403 + Préparatifs de départ de lord Buchard. _Ib._ + Nouvelles d'Irlande. 405 + + 151e _Dépêche_.--23 décemb.-- + + AU ROI. 407 + Rapport de Coban à son retour d'Allemagne. _Ib._ + Instructions de lord Buchard. 408 + + 152e _Dépêche_.--29 décemb.-- + + AU ROI. 410 + Audience. 411 + + A LA REINE (_lettre secrète_). 414 + Négociation du mariage du duc d'Anjou. _Ib._ + _Mémoire général._ 421 + +ANNÉE 1571.--PREMIÈRE PARTIE. + + 153e _Dépêche_.--6 janvier.-- + + AU ROI. 426 + Nouvelles d'Espagne. _Ib._ + Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande. 427 + + 154e _Dépêche_.--13 janvier.-- + + AU ROI. 428 + Affaires d'Écosse. _Ib._ + Mission de lord Seyton. 429 + Nouvelles d'Allemagne. 431 + + A LA REINE (_lettre secrète_). 432 + Négociation du mariage. _Ib._ + + 155e _Dépêche_.--18 janvier.-- + + AU ROI. 433 + Audience. _Ib._ + Prise d'armes des Gueux. 437 + + A LA REINE (_lettre secrète_). 438 + Négociation du mariage. _Ib._ + + 156e _Dépêche_.--23 janvier.-- + + AU ROI. 443 + Audience. 444 + + A LA REINE (_lettre secrète_). 447 + Négociation du mariage. _Ib._ + _Avis_ sur les affaires d'Irlande. 450 + + 157e _Dépêche_.--31 janvier.-- + + AU ROI. _Ib._ + Fêtes pour le retour d'Élisabeth à Londres. _Ib._ + Affaires d'Écosse. 452 + Nouvelles d'Allemagne. 453 + + A LA REINE (_lettre secrète_). 454 + Négociation du mariage. _Ib._ + + 158e _Dépêche_.--6 février.-- + AU ROI. 457 + Nouvelles de Marie Stuart. _Ib._ + Concession de l'Irlande faite par le pape au roi + d'Espagne. 458 + + A LA REINE (_lettre secrète_). 459 + Négociation du mariage. _Ib._ + _Mémoire général._ 462 + _Mémoire secret_ sur la négociation du mariage. 466 + + 159e _Dépêche_.--12 février.-- + + AU ROI. 469 + Négociation de Walsingham. _Ib._ + Affaires d'Irlande. 470 + Nouvelles d'Écosse. 471 + + 160e _Dépêche_.--17 février.-- + + AU ROI. 473 + Affaires d'Écosse. _Ib._ + Nouvelles des Pays-Bas. 476 + + 161e _Dépêche_.--23 février.-- + + AU ROI. 477 + Audience. _Ib._ + Convocation du parlement. 481 + + + FIN DE LA TABLE DU TROISIÈME VOLUME. + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Correspondance Diplomatique de +Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE *** + +***** This file should be named 39201-8.txt or 39201-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/9/2/0/39201/ + +Produced by Robert Connal, Hélène de Mink, and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available 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Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. 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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org/license + + +Title: Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième + +Author: Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon + +Release Date: March 19, 2012 [EBook #39201] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE *** + + + + +Produced by Robert Connal, Hélène de Mink, and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available +by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + + + + + +</pre> + + +<div class="box"> +<p>Notes de transcription:<br /> +Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. +L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.</p> + +<p>L'abréviation <sup><i>lt</i></sup> signifie livres tournois.</p></div> + +<p><a id="Page_I"></a></p> + +<h1 class="p4"><span class="p4 large">CORRESPONDANCE</span><br /> +DIPLOMATIQUE</h1> + +<p class="center xs">DE</p> + +<p class="p2 center"><span class="small"><b>BERTRAND DE SALIGNAC</b></span><br /> +<b>DE LA MOTHE FÉNÉLON,</b><br /> +<span class="xxs">AMBASSADEUR DE FRANCE EN ANGLETERRE</span><br /> +<span class="xxs">DE 1568 A 1575,</span></p> + +<p class="p4 center xs">PUBLIÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS<br /> +Sur les manuscrits conservés aux Archives du Royaume.</p> + +<p class="p4 center"><b>TOME TROISIÈME.</b><br /> +<b>ANNÉES 1570 ET 1571.</b></p> + +<p class="p4 center"><b>PARIS ET LONDRES.</b></p> +<hr class="c5" /> +<p class="center"><b>1840.</b></p> + +<p><a id="Page_II"></a></p> + +<p class="p4 center"><span class="xlarge">DÉPÊCHES, RAPPORTS,</span><br /> +<span class="small">INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES</span><br /> +DES AMBASSADEURS DE FRANCE<br /> +<span class="xs">EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE</span><br /> +<span class="xxs">PENDANT LE XVIe SIÈCLE.</span></p> + +<p><a id="Page_III"></a></p> + +<p class="p4 center"><span class="xlarge"><b>RECUEIL</b></span><br /> +<span class="xxs">DES</span><br /> +<span class="large"><b>DÉPÊCHES, RAPPORTS,</b></span><br /> +<b>INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES</b></p> + +<p class="center p2"><span class="fancyfont">Des Ambassadeurs de France</span><br /> +<span class="small">EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE</span><br /> +<span class="xs">PENDANT LE XVIe SIÈCLE,</span></p> + +<p class="center"><span class="small">Conservés aux Archives du Royaume,</span><br /> +<span class="xxs">A la Bibliothèque du Roi,</span><br /> +<span class="xxs">etc., etc.</span></p> + +<p class="center"><span class="xs">ET PUBLIÉS POUR LA PREMIÈRE FOIS</span><br /> +<span class="xxs"><i>Sous la Direction</i></span><br /> +<span class="medium"><b>DE M. CHARLES PURTON COOPER.</b></span></p> + +<hr class="c5" /> + +<p class="p4 center"><b>PARIS ET LONDRES.</b></p> +<hr class="c5" /> +<p class="center"><b>1840.</b></p> + +<p><a id="Page_IV"></a></p> + +<p class="center p4 xlarge"><b>LA MOTHE FÉNÉLON.</b></p> +<p><a id="Page_V"></a></p> +<p class="center p4">Imprimé par BÉTHONE et PLON, à Paris.</p> +<p><a id="Page_VI"></a></p> + +<p class="center p4"><span class="small">AU-TRÈS-NOBLE</span><br /> +<span class="large">GEORGE HAMILTON GORDON</span><br /> +<span class="small">COMTE D'ABERDEEN.</span><br /> +<span class="xs">CE VOLUME LUI EST DÉDIÉ</span><br /> +<span class="xxs">PAR</span><br /> +<span class="xs">SON TRÈS-DÉVOUÉ ET TRÈS-RECONNAISSAINT SERVITEUR</span><br /> +<span class="small">CHARLES PURTON COOPER.</span></p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_1"> 1</a></span></p> +<h2 class="p4"><span class="medium">DÉPÊCHES</span><br /> +<span class="xs">DE</span><br /> +LA MOTHE FÉNÉLON.</h2> + +<h2 class="p4">LXXXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> +<p class="center">—du <span class="smcap">IV</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.—</p> +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Callais par Jehan Vollet.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience accordée par la reine d'Angleterre à l'ambassadeur de France.—Désir +du roi de rétablir la paix en son royaume.—Satisfaction qu'il +éprouve de ce que les troubles du Nord paraissent apaisés en Angleterre.—Protestation +d'Élisabeth qu'elle ne désire rien tant que la réunion des +églises.—Instances de l'ambassadeur en faveur de Marie Stuart.—Explications +sur la conduite qu'il a dû tenir dans cette négociation.—Nouvelles +arrivées à Londres sur l'état des affaires des protestans en France.—Nouvelles +des troubles du Nord; déroute des comtes de Northumberland et de +Westmorland.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, j'ay faict entendre à la Royne d'Angleterre que, +pour la bonne estime que Voz Majestez Très Chrestiennes +ont de sa bonne et droicte intention en l'endroit de voz +affères et de la tranquillité de vostre royaulme, vous +n'avez sitost veu donner ung peu de commancement et +ouverture à la paciffication des troubles et guerres d'iceluy, +que vous ne m'ayez incontinent commandé de le luy +notiffier, affin que, devant toutz les aultres princes vos alliez, +elle ayt le plaisir d'entendre que les choses s'acheminent par +la voye qu'elle a désiré; et ainsy, luy particullarisant ce +<span class="pagenum"><a id="Page_2"> 2</a></span> +qui est advenu à la reddition de Sainct Jehan d'Angely, et +les propos que le sieur de La Personne vous a tenuz, avec +la vertueuse responce de Vostre Majesté, laquelle elle a +vollu curieusement lyre par deux foys, j'ay suivy à luy +dire: qu'encor que vous ayez grand occasion de vous rescentir +des choses mal passées, du costé de ceulx de la +Rochelle, de ce qu'ilz ont mené une très viollante et dangereuse +guerre dans vostre royaulme, et y ont introduict +les armes et armées estrangières, à la grand ruyne de +vos bons subjectz; et qu'il soit maintenant en vostre pouvoir +de prendre par force toutes les places qu'ilz tiennent, +et de poursuyvre et venir bien à boult du reste qui est +encore en campaigne; néantmoins vous aymez mieulx uzer +envers eulx de la clémence toutjour accoustumée à vostre +couronne, et plus usée de vostre règne, que de nul de +toutz voz prédécesseurs, et les regaigner par doulceur, que +de les mener à l'extrémité d'ung chastiment, espérant +qu'ilz auront tant plus de regrect de leurs deffiances passées, +et persévèreront dorsenavant plus constantment en +la confiance, fidellité, et amour qu'ils doibvent à Vostre +Majesté, leur prince naturel, que moins ils espéroient +d'estre jamais receuz en vostre bonne grâce, laquelle +néantmoins vous ne leur avez différée d'ung seul moment, +aussitost qu'ilz ont offert de s'humilier et de se remettre +en vostre obéyssance.</p> + +<p>La dicte Dame, d'ung visaige joyeulx, m'a respondu qu'à +ceste heure me voyoit elle, et oyoit mes propos, de trop +meilleure affection qu'elle n'avoit faict despuys ung an, et +qu'elle rendoit grâces à Dieu d'avoir miz au cueur de Voz +Majestez Très Chrestiennes, et pareillement en ceulx de +vos subjectz, de retourner à ce mutuel bon ordre de vostre +<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span> +bénignité envers eulx et de leur subjection envers vous; +qu'elle vous remercye mille et mille foys de luy avoir, ainsy +soubdainement et particullièrement, faict entendre en quoy +les choses en sont, ès quelles elle vous desire tant de bien +et de bonheur que vous les puissiez effectuer à vostre +grand advantaige et au repoz de toute la Chrestienté; et +que, si son moyen y peult servyr de quelque chose, elle le +vous offre de tout son cœur, bien qu'elle ne peult fère que +ne porte quelque envye au bonheur de celluy qui a sceu si +oportunéement mettre en avant ce sainct et desiré propos, +qu'il ayt heu meilleur rencontre que quant, d'aultre foys, +elle a entreprins d'en parler; et qu'elle n'a regrect sinon +à ce que voz subjectz peuvent monstrer au monde que, +pour leur avoir esté viollé vostre propre éedict de la paciffication, +tant par attemptatz contre leurs vies, que par +contraires lettres contre l'exercisse de leur religion, ilz +ayent heu quelque aparante coulleur de prendre les armes; +non que pourtant elle aprouve qu'ilz ayent bien faict, car +plustost s'en debvoient ils estre allez, et qu'il est tout certain +que de quelles persuasions qu'on luy ayt usé, qui n'ont +esté petites, sur la justiffication de leur cause, elle ne les +a jamais volluz secourir.</p> + +<p>Je luy ay répliqué que tout le tort de ceste guerre se +manifeste en ce que ceulx de l'aultre party, en leur plus +grande résistance, se trouvent vaincuz par vos forces, et +sont par vostre clémence surmontez en leur humillité, et +que cella vous faict prendre meilleure espérance de voir +bientost remiz vostre royaulme en son premier estat et +grandeur; adjouxtant, afin de parler de la réunion du +sien, que ce que je luy ayt dict de ceste réconcilliation de +vos subjectz, Voz Majestez desirent qu'elle le preigne pour +<span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span> +ung tesmoignage que, comme vous estes correspondant à +son desir sur le bien de vostre royaulme, qu'aussi bien +le serez vous sur le bien et paciffication du sien, et sur ce +que vous entendrez bientost que ceste eslévation, qui a +apparu en son pays du North, est esteinte ainsi que je le +vous ay desjà mandé.</p> + +<p>La dicte Dame, usant là dessus de beaucoup de mercyementz, +m'a fort prié de vous assurer que toute ceste +guerre du North est véritablement achevée, et que le +comte de Northomberland, se retirant en Ecosse, est tumbé +ez mains du comte de Mora; que le comte de Vuesmerland +s'en est fouy seul, et abandonné des siens, aux montaignes +des frontières; et que plus de cinq cents gentishommes +des leurs sont prins, le reste discipé, et plusieurs +exécutez; et qu'elle ne prendroit que pour une risée toute +ceste entreprinse, tant elle a esté folle et légière, n'estoit +qu'il luy faict mal au cueur qu'il s'y soit trouvé meslé ung +seul homme de qualité.—«Car jamais subjectz, dict elle, +n'eurent moins d'occasion que les siens de mouvoir choses +semblables contre leur prince.»</p> + +<p>Et luy ayant seulement répliqué ce mot: «c'est qu'il +est fort à craindre que, tant que la division de la religion +durera, que l'on sera toutz les ans à recommancer,» +elle m'a soubdain respondu qu'à la vérité, puisque les Protestans +commancent de proposer entre eulx, assavoir s'il y +a aucune cause pour laquelle l'on puisse, sellon Dieu et +conscience, se soubstraire de l'obéyssance d'ung prince, et +le démettre de son estat; ainsy que le Pape, de son costé, +déclaire aussi les estats de ceulx, qu'il tient pour scismatiques +ou hérétiques, toutz comis et vacquans; elle estime +que toutes les couronnes de la Chrestienté sont assez mal +<span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span> +asseurées, et que, de sa part, elle ne se montrera jamais +opiniastre de ne se conformer aulx aultres princes chrestiens, +quant Dieu leur aura mis au cueur de procurer, +toutz ensemble, la réunyon de l'esglyze de Dieu.</p> + +<p>Après cella, Sire, j'ay mené le propos à parler de la +Royne d'Escoce, faisant toutjour instance de sa liberté, +bon traictement et restitution. Sur quoy elle m'a dict que +Voz Majestez Très Chrestiennes en avez parlé amplement +à son ambassadeur, et qu'elle vous prie de considérer que +le différand est entre deux princesses qui vous sont parantes, +allyées et confédérées; desquelles vous debviez +égallement peser leur droict, et n'avoir en tant d'affection +celluy de la Royne d'Escoce que ne regardiez à conserver +le sien; et qu'elle vous fera remonstrer encores +d'aultres choses par son dict ambassadeur, ès quelles elle +espère que vous luy ferez favorable responce; et ay cogneu, +Sire, que les propos que Voz Majestez ont tenu là dessus +au dict ambassadeur ont grandement esmeu la dicte Dame, +à laquelle j'ay dict que, puysque vostre intention se trouve +conforme aulx continuelles instances que je luy ay faictes +icy de vostre part pour la Royne d'Escoce, que je la suplye +de déposer à ceste heure le cueur et le courroux +qu'elle a contre elle, puysqu'elle s'est justiffiée de toutz +ces troubles du North, pour se la randre désormais tant +attenue et obligée, qu'elle n'ayt à estre jamais rien tant +que toute sienne; et que, pour l'amour de Voz Majestez +Très Chrestiennes, qui tant l'en priez, elle veuille aussi +faire quelque chose pour son bien, n'estant possible que +vous puyssiez laysser de le pourchasser tant que vous la +voyez restituée, ce que vous desirez toutesfoys estre sellon +son gré et contantement.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span> +Elle m'a promiz là dessus, qu'aussitost qu'une responce, +qu'elle attant d'Escoce, sera arrivée, elle ne diffèrera d'ung +seul jour d'entendre en l'affaire de la dicte Dame, et y prendre +ung si bon expédiant qu'elle espère que vous en serez +contant; dont de tout ce qui s'en résouldra elle mettra +peyne que vous en soyez adverty: et remettant, Sire, +plusieurs aultres choses, que j'ay notées de ses propos, au +premier des miens que je vous dépescheray, je bayseray +en cest endroict très humblement les mains de Vostre Majesté, +et supplieray le Créateur qu'il vous doinct, Sire, en +parfaicte santé, très heureuse et très longue vie, et toute la +grandeur et prospérité que vous desire.</p> + +<p class="right">Ce ıv<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p> + +<p class="blockquote">Je crains assés qu'on veuille mettre en avant l'eschange de la +Royne d'Escoce et du comte de Northomberland; vray est qu'il ne +s'en entend encores rien.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, je mectz en la lettre, que j'escriptz au Roy, +aulcuns propos de la Royne d'Angleterre, touchant ceulx +que, par les deux dernières dépesches de Voz Majestez, +vous m'avez commandé de luy tenir, sur lesquelz me reste +à vous dire, Madame, qu'il semble que ceste princesse et +les siens soyent bien ayses, mais diversement, qu'il se face +une paciffication en vostre royaulme; elle, affin d'estre +exempte de bailler secours à ceulx de la Rochelle, et ne +venir à vous faire quelque manifeste offance pour eulx, et +mesmes aura plaisir que les choses se facent à votre grand +advantaige; et eulx, pour n'ozer meintenant guières presser +leur Mestresse de les secourir, ny d'attempter rien qui +<span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span> +vous puysse desplayre; mais ilz vouldroient que l'advantaige +demeurât à ceulx de l'aultre party, sur la soubmission desquelz, +laquelle leur ambassadeur a escripte par deçà, encores +que le jeune comte de Mensfelt fût desjà despêché, +ilz le font temporiser, affin d'attandre quelle yssue prendra +ce que le S<sup>r</sup> de La Personne en a commencé de traicter. +Et doublant assés que la paciffication ne s'en puysse bien +ensuyvre, luy et le S<sup>r</sup> de Lombres incistent grandement de +fayre résouldre icy quelque secours de pouldres et d'armes, +et de quelque nombre de gens de cheval, pour l'envoyer +à Mr l'Admyral, s'esforceans de persuader qu'il est +encores si fort qu'avec bien peu d'ayde, il se monstrera +plus relevé que jamais, et qu'on luy veuille aussi (soubz +caution) assister de quelques deniers, pour envoyer au duc +de Cazimir, affin de souldoyer des gens de pied, sans lesquelz +il n'oze mettre en campaigne les gens de cheval +qu'il a toutz prestz; et que d'ailleurs le prince d'Orange, +voyant qu'une sienne entreprinse qu'il avoit en Flandres +est descouverte, se dellibère de tourner tout son aprest +aulx choses de France; lesquelles propositions demeurent +encores en suspens; et je metz peyne, en tout évènement, +de les retarder ou empescher, aultant qu'il m'est possible.</p> + +<p>Quant à ceulx du North, j'ai vollu vérifier si ce que m'en +a dict la dicte Dame estoit vray, parce qu'on luy déguyse +assés souvent les nouvelles; mais l'on m'a confirmé la +route des deux comtes et de toute leur armée, laquelle a +esté de quinze mil hommes; dont y en avoit sept mille de +pied bien armez, et deux mil de cheval en aussi bon équipaige +qu'il s'en peult trouver en Angleterre; et que n'ayantz, +pour leur irrésolution et mauvais accord, ozé venir au combat, +ilz se sont retirez en la frontière d'entre l'Angleterre +<span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span> +et l'Escoce, où celluy de Northomberland et sa femme +sont tumbez ez mains d'un armestrang<a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>, qu'on a estimé le +devoir incontinent livrer au comte de Mora; et que celluy +de Vuesmerland, en habit déguysé, s'en est fouy au plus +haut des montaignes, ayant pour ceste occasion ceste +Royne envoyé casser incontinent son armée, et révoquer le +comte de Vuarvic. Mais aulcuns estiment que le dict armestrang +n'est pour consigner le comte de Northomberland +à celluy de Mora, ains plustost pour le relever et pour +luy ayder à remettre sus nouvelles forces.</p> + +<p>Au reste nul propos n'esmeust tant ceste Royne que +quant on luy parle de la Royne d'Escoce, et ce que Voz +Majestez en ont dernièrement dict à son ambassadeur a faict +beaucoup d'effect envers elle. J'ay bien vollu, pour mon +regard, tirer de la propre parole de la dicte Dame ma justiffication +de ne luy avoir, sur les affaires de la dicte Royne +d'Escoce, ny en nulle autre matière, jamais dict ung seul +mot qui l'ayt peu offancer; de quoy elle m'a randu le tesmoignage +tout clair et prompt, que non seulement elle n'a +trouvé jamais mauvaise, ains très agréable, ma façon de +parler, et la substance de toutz mes propos, ainsy que je +les luy ay dictz, et qu'elle vous fera expliquer que ce qu'elle +a prins à cueur de mon dire est pour luy avoir asseuré que +Voz Majestez réputeroient toucher à leurs propres personnes +les torts et indignitez qu'on feroit à celle de la +Royne d'Escoce; et qu'elle s'estime vous apartenir en si +bonne part, qu'elle doibt bien estre tenue en quelque +compte et respect envers Voz Majestez aussi bien que la +dicte Royne d'Escoce. A quoy je luy ay satisfaict si bien +<span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span> +que, prenant rayson en payement, elle a promis d'entrer +bientost en quelque expédiant touchant les affaires de +la dicte Dame; et m'a prié au reste de vous escripre fort +affectueusement que, à ce changement de gouverneur de +Bretaigne, il vous playse de commander à celluy qui l'est +meintenant, et à son lieutenant, de donner libre et sûr +accez aulx Angloix, de leur pouvoir aller demander justice; +et que dorsenavant ilz la leur vueillent administrer eulx +mesmes, puysqu'il n'est possible qu'ilz la puissent aulcunement +avoir des officiers et magistratz du pays, car ses +dicts subjectz ne peuvent plus supporter les oltraiges qu'ilz +y reçoipvent ordinairement.</p> + +<p>Depuis le partement du S<sup>r</sup> Chapin, l'on a fait exorter +les estrangiers de s'abstenir de tout commerce avec les +subjectz du Roy d'Espaigne et de ne couvrir aulcunement +leurs trafficqs par lettres, ny soubz noms empruntez d'aultres +merchantz; et néantmoins la dicte Dame a vollontairement +offert au dict S<sup>r</sup> Chapin d'admettre l'ambassadeur +d'Espaigne à parler et traicter avecques elle comme auparavant, +sur le moindre mot que le Roy d'Espaigne luy +en vouldra escripre.</p> + +<p>Je bayse très humblement les mains de Vostre Majesté +et prie Dieu, qu'il vous doinct, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıv<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p>La Royne d'Angleterre, outre les susdicts propos, m'a très honorablement +parlé, et avec aparance de bonne affection, de Voz Majestez +et de Monseigneur vostre filz, et qu'elle avoit avec grand playsir +ouy, du filz de Mr Norreys, plusieurs actes généreux et de grand +vertu du Roy et de mon dict Seigneur, lesquelz elle luy avoit faict réciter +plus de deux foys, sellon qu'il disoit les avoir veuz et les avoir +aprins de ceulx qui les sçavoient bien.—Ceulx de ce conseil, et +mesmement le comte de Lestre, m'ont faict pryer d'octroyer mon +<span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span> +passeport au S<sup>r</sup> Barnabé, qu'ilz dépeschent, avec commission de +ceste Royne, pour aller recouvrer une grande nef vénicienne, chargée +de plus de cent cinquante mil escus de merchandize, qu'on envoyoit +en ceste ville, laquelle le capitaine Sores a prinse despuys ung +mois; affin que, si le dict Barnabé est rencontré par les gallères ou +navyres françoys, ilz ne luy facent poinct de mal. Je ne sçay s'il +yra poursuyvre le dict Sores jusques à la Rochelle.</p> +</div> + +<h2 class="p4">LXXXII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Callais par homme exprès.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Ferme persuasion où l'on est en Angleterre que la paix sera conclue en +France.—Nouvelles du Nord et de la Flandre.—Meilleur traitement +fait à la reine d'Ecosse.—Crainte des Anglais que le roi, délivré de la +guerre civile, ne donne assistance aux Espagnols dans les Pays-Bas pour +attaquer l'Angleterre.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, il est venu adviz à la Royne d'Angleterre, par +la voye de la mer, que ceulx de la Rochelle tiennent déjà +comme pour conclud le propos qu'ilz vous ont faict requérir +de la paix; et, par ainsy, que vostre royaulme s'en va +hors de troubles, et vous, Sire, en bon trein de remettre +sus fort bien et bientost vos affères, sans qu'il aparoisse +que, pour toutes ces horribles guerres passées, il vous y +soit advenu aulcune diminution, ny en l'estendue de vostre +estat, ny en l'affection de vos subjectz, ains plustôt, une +augmentation partout de vostre grandeur; de laquelle le +fondement, en cette mesmes division, s'est monstré si ferme +qu'on a opinion, s'il est une foys bien réuny, que nulles +<span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span> +forces humaines le pourront jamais esbranler. Dont ceste +Royne et les siens continuent, à ceste heure, de me fère +meilleure démonstration que jamais de vouloir persévérer +en bonne paix et amytié avec Vostre Majesté; et n'ont encore +dépesché le jeune comte de Mensfelt, ny rien respondu +au S<sup>r</sup> de Lombres, attendans si la fin du dict +propos viendra à bonne conclusion, ou bien s'il sera rompu. +Et, cependant, est arrivé ung homme d'Allemaigne, +lequel, à ce que j'entans, raporte que le Cazimir ne lève +pas encores ses reytres, mais qu'il a distribué, ces jours +passés, une somme de deniers aulx capitaines, affin d'estre +pretz, quant il les mandera; et il parle aussi des praticques +et menées du prince d'Orange.</p> + +<p>Les choses d'icy ne monstrent, à ceste heure, guières +grand mouvement, estantz ceulz du North séparez et rompuz +d'eulz mesmes, ainsy que je le vous ay confirmé par +mes précédantes du ıııı<sup>e</sup> de ce moys. Il est vray que, de +tant que les deux comtes ne sont au pouvoir de la Royne +d'Angleterre ny ne sont pour y estre aiséement livrez, +parce qu'on dict que celluy de Northomberland est avec +milor de Humes et avec le ser de Farmihirst, comme +avecques ses amys; et celluy de Vuesmerland, avec le +comte d'Arguil, qui le trette bien; la chaleur de leur entreprinse +n'est encores réfroydie aulx cueurs des Catholiques, +ny en ceulz des malcontantz; lesquelz demeurent +d'ailleurs en quelque espérance du duc d'Alve, par la +mesme peur et grande souspeçon qu'ilz voyent que la +Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil se donnent +des aprestz qu'il faict, qui leur sont confirmez par plusieurs +secrectes lettres qu'arrivent ordinairement à la dicte Dame +des Pays Bas; et mesmes l'asseurent que, despuys le retour +<span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span> +du marquis de Chetona, le dict duc s'est résolu de +vouloir recouvrer, commant que ce soit, ses deniers, et +les marchandises d'Espaigne arrestées par deçà, et que, +pour y commancer par quelque bout, il a commandé de +consigner toutz les biens des Anglois, qui estoient en Anvers, +à certains Gènevois qui ont faict ung party de six +centz mil escuz avec le Roy d'Espaigne; dont ceulx cy se +préparent, avec grand dilligence, au long de la coste qui +regarde vers Flandres, pour résister à ses entreprinses. Je +prendray garde à quoy, jour par jour, cella s'acheminera, +affin de vous en donner toutjour adviz.</p> + +<p>Despuys la dernière instance que j'ay faicte à ceste +Royne pour la Royne d'Escoce, elle l'a faicte ramener à +Tutbery, en la compaignie du comte de Cherosbery seul; +s'en estant celluy de Untington allé, qui a esté du tout deschargé +de sa garde, et elle remise en ung peu plus de liberté, +avec démonstration à monseigneur l'évesque de Roz +de quelque faveur davantaige en ceste court, et d'y mieulx +recepvoir ses remonstrances, qu'on n'avoit faict toutz ces +jours passez. Ce qui nous remect en quelque espérance que +nous pourrons bientost (si nouvel accident ne survient) +obtenir une ou aultre provision ez affères de la dicte Dame. +Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, ce qui s'espère de la paciffication des troubles +de vostre royaulme ne monstre aporter, à ceste heure, +tant de soupeçon à la Royne d'Angleterre ny aulx siens, +comme il sembloit que, du commancement, ilz eussent +<span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span> +très ferme opinion que la fin de nostre guerre seroit ung +commancement à eulx d'y entrer. Il est vray qu'ilz ne sont +du tout dellivrez de cette peur, craignantz, à ce qu'ilz disent, +que l'estroicte intelligence, que le duc d'Alve a avecques +Voz Majestez, vous attire de son party contre l'Angleterre; +car, aultrement, il leur semble qu'ilz n'ont guières +à le craindre, veu le crédict et faveur de ceste Royne en +Allemaigne. Et ainsy, ilz vont temporisant avecques luy, +sans admettre ny rejecter aussi les termes de l'accord, espérantz +qu'ilz se pourront, dans peu de jours, esclarcyr de +vostre cousté, pour sçavoir commant mieulx se conduyre +du sien; et n'estantz encores bien asseurez si le propos de +la paix prendra bonne résolution en France, ilz tiennent +leurs dellibérations en suspens, dillayantz la dépesche du +jeune comte de Mansfelt, et leur responce au S<sup>r</sup> de Lombres; +et pareillement de ne toucher aux affères de la +Royne d'Escoce, jusques à ce que leur ambassadeur, +Mr Norrys, leur ayt mandé la certitude du tout; et n'ont +faict plus grand empeschement à ung courrier du duc +d'Alve, qui est arrivé depuys cinq jours, que de l'avoir +conduict à la court et visité seulement le dessus de ses +pacquetz, lesquels, se doutans bien qu'ilz estoient en chiffre, +l'ont renvoyé avec les dicts pacquetz bien cloz à +Mr l'ambassadeur d'Espaigne, et luy ont ottroyé passeport +pour s'en pouvoir retourner de dellà, bien qu'ilz ne layssent +pourtant de vivre toutjour en grande deffiance du dict +duc. A l'occasion de quoy ilz dressent de grandes forces et +ordonnent beaulcoup de gens de cheval, pistoliers, et renforcent +les garnysons tout le long de la coste qui regarde les +Pays Bas; sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span></p> + +<h2 class="p4">LXXXIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Callais par Olivier Cambernon.</i>)</p> + +<p>Efforts que l'on fait en Angleterre pour impliquer le duc de Norfolk et la +reine d'Écosse dans la révolte du Nord.—Le comte de Northumberland +livré dans sa fuite au pouvoir du comte de Murray.—Mission d'Elphinstone +en Angleterre.—Proposition émise dans le conseil de demander l'échange +du comte de Northumberland contre la reine d'Écosse.—Préparatifs +de guerre faits en Allemagne pour soutenir les protestans de +France.—Forces +redoutables réunies sur mer par les protestans de France et +d'Allemagne.—Négociations de l'Angleterre avec les Pays-Bas.—Motifs +politiques qui engagent Élisabeth à soutenir les protestans de France; espoir +que cependant la paix ne sera pas troublée.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, il ne se faict, à ceste heure, aulcune plus grande +dilligence par deçà, après avoir esteint l'eslévation du +North, que de cercher d'où elle est procédée, et qui sont +les principaulx, qui ont heu intelligence avec les deux +comtes; en quoy s'engendrent plusieurs malcontantemens +et malveuillances qui se descouvrent toutz les jours en plusieurs +endroictz et villes de ce royaulme, et se continuent +jusques à la court; mesmes semble que, des champs où la +guerre estoit, elle se soit transférée ez cueurs et affections +des hommes, et dict on que de là procède le retardement +de la liberté du duc de Norfolc, lequel aultrement +estoit en trein de sortir bientost de la Tour pour estre +remis en son logis de ceste ville; mais les divisions et compétances +de ceulx du conseil l'empeschent, lesquels veulent +monstrer qu'ilz concourent toutz contre la cause de l'eslévation, +<span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span> +et, encor que nulz manifestement ne le chargent +de rien d'icelle, néantmoins les ungs s'efforcent de l'y +trouver embrouillé, et les aultres de l'en déclairer exempt; +ny n'est moindre leur contention sur le faict de la Royne +d'Escoce, soit pour le regard de la dicte entreprinse du +North, ou soit pour ses aultres affères, ès quelz ses amys et +serviteurs, qu'elle a en ce royaulme, ne se monstrent, +pour chose qui soit advenue, moins fermes en sa faveur, ny +aussi ses adversaires moins véhémentz contre elle que auparavant. +Et cependant le gouverneur de Barvich a envoyé +à la Royne d'Angleterre une lettre du comte de +Mora, par laquelle, de tant que la dicte Dame ne l'a vollue +communiquer à personne et qu'elle a fait semblant d'y avoir +trouvé plusieurs vériffications de l'entreprinse du North, +quelques ungs des grandz en demeurent en peyne; et bientost +après, est arrivé devers elle le ser Nicollas Elphingston, +très familier et inthime du dict de Mora, lequel elle a +curieusement et avec grand affection ouy, mais ne se publie +encores rien de l'occasion de sa venue, si n'est qu'on +dict qu'il a aporté la depposition du comte de Northomberland, +lequel estant enfin tumbé ez mains du comte de Mora, +il l'a faict mettre dans Lochlevin, où la Royne d'Escoce +estoit prisonnière; mais je crains que le dict Elphingston +ayt charge de renouveller le propos de consigner la Royne +d'Escoce au dict de Mora, moyennant les ostages qu'on luy +a demandé, ou bien de fère l'eschange d'elle et du dict +comte de Northomberland, ce que je sçay avoir esté déjà +proposé en ce conseil, ainsy que je l'avois auparavant bien +préveu; mais il semble qu'il ne peult aucunement venir +au cueur de la Royne d'Angleterre de le debvoir +fère, et y a aulcuns des siens qui ne sont pour le consentyr, +<span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span> +tant y a que la pouvre princesse et ceulx, qui +portons icy son faict, en sommes en grand peyne; mesmement +à ceste heure que le comte de Lestre, lequel a accoustumé +de procéder d'une plus honneste et généreuse façon +envers elle que les aultres du dict conseil, s'en est, +pour quelque occasion (et croy que pour les différans de +court), allé en sa mayson de Quilingourt, où, toutesfoys, +l'on croyt que la Royne d'Angleterre ne le larra longtemps +sans le fère revenir.</p> + +<p>J'entendz que ung secrétaire du comte Palatin vient +d'arriver, lequel fault que soit passé par Flandres (car la +navigation de Hembourg et de Hendein est serrée des glaces +jusques en mars) ou bien échappé par la France. Il est allé +droict à Vuyndesor, et n'ay encores rien peu aprandre de +sa commission, si n'est par ung qui l'a observé en passant, +qui a comprins de luy qu'il vient pour avoir de l'argent, +ou bien lettre de crédit et de responce à certains +juifz qui ont promiz de fornir une somme en Allemaigne, +et qu'il est tout certain que le Cazimir et le prince d'Orange +ont une armée preste pour entrer en France, à ce +prochain primtempz; dont le jeune comte de Mensfelt +s'est eslargy de dire, qu'aussitost qu'il arrivera en Allemaigne +avec la dépesche de ceste princesse, le dict de Cazimir +commancera de marcher; ce que l'ambassadeur +d'Espaigne, qui est icy, lequel j'avois hier à disner en +mon logis, m'a confirmé, bien qu'il crainct, si le propos +de la paix se conclud en France, que tout cella aille tumber +sur les bras du duc d'Alve; et, ce pendant, le capitaine +Sores a prins une seconde nef vénicienne, plus riche +que la première, et faict on compte que la charge des deux +vault plus de trois cenz mil escuz, oultre quatre vingtz +<span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span> +pièces de bonne artillerye qu'il y a dedans, et oultre les +deulx vaysseaulx, qui sont les deux meilleurs de la mer; +de quoy toutz les merchans, tant naturelz que estrangiers, +de ce royaulme, demeurent fort scandalizez contre Mr le +cardinal de Chatillon, et requièrent ceste Royne d'y pourvoir; +mais, ou soit qu'elle et les siens n'ayent moyen de +le fère, ou bien que, pour s'exempter de prester de l'argent +à ceulx de la Rochelle, ilz leur veuillent permettre +de se prévaloir de ceste riche et grande prinse, ilz dissimulent +et prolongent les remèdes; et est à craindre que +le dict Sores, avec tant de bons et grandz vaysseaulx, et +bien artillez, qu'il a à ceste heure, et le S<sup>r</sup> de Olain, et +le bastard de Briderode, qui en ont ung aultre bon nombre, +ne tiennent dorsenavant bien fort subjecte ceste estroicte +mer, et mesmes qu'ilz ne dressent quelque entreprinse +sur vos gallères; bien qu'on m'a dict, Sire, que +le dict de Olain est allé jusques en Allemaigne porter +soixante mil escuz au prince d'Orange du butin de ses +prinses de mer.</p> + +<p>Le S<sup>r</sup> Thomas de Fiesque poursuyt d'accomoder icy le +faict des deniers et merchandises, prinses et arrestées par +deçà sur les subjectz du Roy d'Espaigne, au nom des merchans +à qui elles appartiennent, proposant que les deniers, +qui sont en espèces, et pareillement ceulx qui proviendront +des merchandises, demeurent ez mains de ceste +Royne jusques à ung entier accord, en ce qu'elle leur +permette de les vandre, et qu'elle leur veuille bailler pour +respondant la chambre de Londres, de payer le tout à +bons termes, après qu'elle s'en sera servye. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xv<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span></p> + +<p class="p2 i2 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, le surplus que j'ay à dire à Vostre Majesté, +oultre le contenu en la lettre que j'escriptz présentement +au Roy, je le réserve à vous mander par le S<sup>r</sup> de La +Croix, aussitost que l'ung des miens, qui sont par dellà, +sera arrivé, et n'adjousteray icy, Madame, si n'est qu'on +parle diversement en ce royaulme de la paix qui se trette +en France, estantz ceulx des deux religions en contraires +espérances là dessus; sçavoir: les Catholiques, que des +grandes et notables victoires, que Monseigneur vostre filz +a gaignées, ayt à réuscyr ung accord fort advantaigeux +pour nostre religion et très honnorable pour le Roy; et +les Protestantz, que monsieur l'Admyral s'estant aulcunement +reffect, et près d'estre, dans six sepmaines ou deux +moys, secouru du prince Cazimir, n'ayt à quicter rien de +ce qui apartient à la leur, ny en l'exercisse, ny en l'establissement +d'icelle dans le royaulme; et estiment, les +ungs et les aultres, que leur propre faict deppend du succez +des choses de dellà; dont, encor que la Royne d'Angleterre +et les plus modérez d'auprès d'elle dettestent +assés les guerres des subjectz, néantmoins, ceulx qui ont +plus d'auctorité et de manyement près d'elle, desirans que +la part des Catholiques demeure fort oprimée par deçà, +condamnent en toutes sortes l'entreprinse de ceulx du +North comme inique, et luy coulorent de quelque équité +celle de France et luy persuadent, que du maintien d'icelle +deppend la seureté de son estat et du tiltre de son +royaulme, et de la légitime qualité de sa personne; laquelle +aultrement seroit par les Catholiques tenue illégitime. +<span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span> +Ce qui faict, Madame, qu'encor que ceste princesse +ayt grand regrect à la prinse de ces deux grandes +nefz véniciennes, et qu'elle sente que, pour aulcun respect, +il tourne au préjudice de sa réputation que, l'une, +en partant d'icy, et l'aultre, en y arrivant, ayent esté +prinses en la plaige et quasi dans les portz de son royaulme; +néantmoins, pour n'incommoder ceulx de la dicte religion, +iceulx de son dict conseil la contraignent de différer et +dissimuler le remède, que très volontiers elle donroit +aulx merchans; et le secrétaire Cecille a assés soubdain +respondu à ceulx qui l'en ont sollicité, que ceulx de la +Rochelle avoient guerre contre les Véniciens, parce qu'ilz +ont preste de l'argent au Roy; et mesmes, aulcuns à ce +propos m'ont interrogé si la Royne de Navarre n'estoit +pas en actuelle possession de quelque partie de son +royaulme, ayant esté proposé en ce conseil, si, comme +Princesse Souveraine, elle ne pouvoit pas déclarer une +guerre, après l'avoir jugée juste et légitime. Sur quoy, +me doubtant bien pourquoy l'on me faisoit ceste demande, +j'ay respondu que la dicte Dame n'a rien qui ne soit, ou +mouvant de la couronne de France, ou tenu soubz la protection +d'icelle, et ainsy n'ont rien gaigné sur moy de +cest endroict.</p> + +<p>J'ay receu l'acte de mainlevée, qui a esté faicte à +Roan, des biens des Anglois, de laquelle ceste Royne et +les siens se sont fort contentez, et ont, de leur part, +desjà procédé de mesmes à la restitution des biens que les +Françoys ont peu monstrer leur apartenir par deçà, et +continuent encores toutz les jours de leur faire justice. Ilz +se plaignent seulement de Bretaigne, et suplient Vostre +Majesté d'y donner ordre. Il me semble qu'en toutes sortes, +<span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span> +ceste Royne et le général de son royaulme veulent +persévérer en bonne paix, et ouverte amytié, avecques +Voz Majestez Très Chrestiennes; mais que, en particullier, +aulcuns passionnez feront toutjour, soubz main, tout ce +qu'ilz pourront, et icy, et en Allemaigne, pour ceulx de +la Rochelle, et feroient davantaige si, avec vostre authorité, +je ne mettois peyne de les empescher. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xv<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p> + +<h2 class="p4">LXXXIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXI</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusgues à Callais par Letorne, estant le sieur de La Croix +tumbé malade, dont il est allé à Dieu.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Intrigues à la cour de Londres; rivalités entre Leicester et +Cécil.—Nombreuses +exécutions faites par le comte de Sussex à la suite de la révolte du +Nord.—Modération du comte de Warwick à l'égard des insurgés qui sont +tombés en son pouvoir.—On croit que les Ecossais aideront le comte de +Westmorland à rentrer en Angleterre.—Négociation +d'Elphinstone.—Crainte +que l'on doit avoir en France du côté d'Allemagne.—Sollicitation +faite auprès de la reine d'Écosse par le comte de Huntingdon pour qu'elle +consente à se marier avec Leicester.—Clauses d'un traité qui lui est proposé +pour son rétablissement.—Préparatifs faits par le prince d'Orange contre +les Pays-Bas.—<em>Avis</em> donné au roi de divers bruits que l'on fait courir à +Londres sur les mésintelligences qui se seraient élevées à la cour de France.—<em>Mémoire +secret</em>. Soupçons élevés contre le duc de Norfolk, le duc +d'Albe, la reine d'Écosse, et l'ambassadeur de France au sujet de la révolte +du Nord.—Menées du duc d'Albe en Angleterre.—Déclaration +d'Élisabeth que la reine d'Écosse a formé le projet de s'emparer de la +couronne d'Angleterre pour réduire le royaume à la religion catholique.—Proposition +faite par l'ambassadeur d'Espagne au roi de France de +former une ligue pour rétablir Marie Stuart sur le trône d'Écosse, et la +religion catholique en Angleterre.—Conduite qu'a dû tenir l'ambassadeur +de France à cet égard.—Projets que l'on doit supposer à l'Espagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, pour l'occasion des troubles du North, la Royne +<span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span> +d'Angleterre, au commancement de ceste année, a advisé +d'augmenter son conseil d'ung nombre de personnaiges miz +à sa dévotion, lesquelz elle a pourveuz d'aulcuns offices qui +vacquoient de longtemps, qui ont lieu en son dict conseil, +comme est le contrerolleur, trézorier, vychambrelan, et +aultres de sa mayson; en quoy la contention n'a esté petite +en sa court, entre ceulx qui aspiroient à cella, ou pour +eulx mesmes ou pour y en mettre de leur faction, ou bien +pour empescher qu'il n'y en entrât plus grand nombre; et +est advenu, par le moyen du comte de Lestre, que le sire +Jacques Croft a esté faict contrerolleur, bien qu'on ayt +cryé qu'il estoit papiste; mais, possible, l'y a t on admiz +plus vollontiers pour estre auculnement estimé ennemy du +duc de Norfolc, et le S<sup>r</sup> de Frocmarthon, qui y prétandoit +grandement, a esté du tout descheu pour ceste foys, +demeurant comme banny de court; et semble que, pour ces +contentions, le comte de Lestre se soyt despuys absenté, +et qu'entre luy et le secrétaire Cecille, lequel est en plus +grand crédict que jamais, y ayt beaulcoup de simulté, et +que néantmoins il ne sera longtemps sans revenir.</p> + +<p>Le comte de Sussex poursuyt de fère de grandes exécutions +à Durhem et Artelpoul, et aultres lieux de son +gouvernement, sur ceulx qui avoient prins les armes, ayant +desjà faict pendre, outre ceulx du commun, bien cent +personnaiges de qualité, baillifz, connestables ou officiers, +et pareillement les prestres qui estoient avec eulx, nomméement +le S<sup>r</sup> Thomas Plumbeth, estimé homme fort +sçavant et de bonne vie, et pense l'on qu'il se monstre +aussi véhément, pour effacer le souspeçon qu'on a heu de luy; +et, au contraire, le comte de Vuarvich s'y porte fort +modestement, lequel a envoyé supplier la Royne d'octroyer +<span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span> +rémission à ces pouvres gens, ce que, en partie, elle a +concédé; et l'admyral Clinton est demouré encores à +Vuodderby, avec mil hommes, pour contenir le pays, et +pour empescher que le comte de Vuesmerland, avec l'assistance +des Escossoys, ne puisse rentrer en armes en Angleterre, +ce que l'on crainct assés qu'il face, parce qu'il +est avec le ler de Farnihyrst, affectionné serviteur de la +Royne d'Escoce, et que les aultres principaulx de l'entreprinse +sont avecques d'aultres seigneurs escossoys, leurs +amiz, de ce mesme party; et que aulcuns se sont acheminez +à Dumbertran. Le seul comte de Northomberland a +esté prins et livré au comte de Mora, qui l'a incontinent faict +mettre dans Lochlevyn; et a soubdain dépesché devers +ceste Royne le S<sup>r</sup> Elphiston, son familier, lequel, à ce que +j'entendz, raporte plusieurs choses de la depposition du +dict de Northomberland, et plusieurs aultres, pour fère +acroyre que la Royne d'Escoce et l'évesque de Roz ont +induict le dict de Northomberland de prendre les armes; à +quoy semble qu'on n'adjoute grand foy: et, d'abondant, +monstre excuser le dict de Mora de ne pouvoir, en bonne +conscience, ny sellon son honneur, ny encores sellon les +loix du royaulme d'Escoce, rendre icelluy comte, mais par +mesme moyen, il faict instance à la Royne d'Angleterre +de luy prester, pour chose fort importante au bien des +deux royaulmes, une somme d'argent; et tout ainsi qu'on +luy donne l'espérance qu'il en pourra avoir, il la donne, encores +plus grande, que le dict de Northomberland pourra +estre randu, et espère davantaige qu'en le rendant, il se +pourra aussi tretter de randre au dict de Mora la Royne +d'Escoce: dont il prépare de s'en retourner en grand dilligence +devers luy.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span> +Cependant, Sire, nous ne serons paresseulx de luy préparer +toutz les obstacles qu'il nous sera possible, et pareillement +au secrétaire du comte Pallatin, lequel demande +en général assistance de deniers, affin de lever gens pour +les secours et deffance de la nouvelle relligion en France, +et pour fère une descente contre le duc d'Alve en Flandres; +dont aulcuns estiment qu'il ne s'en retournera sans quelque +provision, tant y a qu'il ne luy a esté encores respondu +sellon son desir. Néantmoins, je vous supplie très +humblement, Sire, de fère soigneusement prendre garde +aulx mouvemens d'Allemaigne; car l'on tient icy pour +chose fort certayne qu'il y a armée preste, et qu'elle n'est +pour aller en Flandres, ny pour s'adresser ailleurs qu'en +France, tant que la guerre y durera, et que le S<sup>r</sup> d'Olain +a porté au prince d'Orange plus de six vingtz mil escuz, +oultre que les bagues de la Royne de Navarre sont en +Allemaigne, et les nefz véniciennes, riches de trois centz +mil escus, sont desjà arrivées à la Rochelle; et quant bien +ceste Royne ne vouldra rien débourcer, les esglizes protestantes +de son royaulme ne lairront pourtant d'y envoyer +quelque notable subvention, comme celle de l'année +passée, qui fut de cent mil escuz, ny la dicte Dame, quant +bien ne le vouldroit, ne le pourra contredire, tant le feu de +cette matière est, à ceste heure, ardemment espriz en ce +royaulme comme je croy qu'il est de mesmes ailleurs.</p> + +<p>La Royne d'Escosse est meintennant à Tutbery, accompagnée +seulement du comte de Cherosbery et des siens, +qui luy octroyent plus de liberté qu'ilz ne souloyent; elle +se porte bien, et encores que plusieurs choses se soyent +opposées aulx espérances que nous avions de ses affères, il +nous en reste quelques aultres qui, possible, viendront à +<span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span> +bon effect; et j'ay desjà quelque adviz que ceux de son +party en Escosse prétendent de se mettre bientost en +campaigne, remectant, Sire, au S<sup>r</sup> de La Croix de vous +faire entendre aulcunes aultres particullaritez, sur lesquelles +je vous supplie très humblement luy donner foy. Sur +ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxı<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, par le contenu de la lettre que j'escriptz au +Roy, et par l'instruction que j'ay baillée au S<sup>r</sup> de La +Croix, je fays entendre à Vostre Majesté les principalles +choses, qui me semblent regarder meintenant icy l'intérest +des vostres; et ne vous diray davantaige, Madame, si n'est +que le comte de Huntington, pendant qu'il a esté à la garde +de la Royne d'Escosse, l'a si souvant sollicitée de se départir +du propos du duc de Norfolc, pour entendre à celluy du +comte de Lestre son beau frère, que, pour ne se pouvoir +la dicte Dame excuser de quelque responce, elle luy a dict +que, pour ceste heure, elle n'avoit rien moins à penser +qu'à se marier, et qu'aussi le comte de Lestre avoit bien +toute aultre prétencion, avec ce que, si elle contradisoit +meintennant au desir de ces seigneurs, qui luy avoient si +expressément escript en faveur du duc, elle craignoit fort +de les irriter et offancer, et que le comte de Lestre mesmes, +qui en estoit l'ung, prendroit une fort mauvaise opinion +d'elle. De quoy l'aultre ne se contantant, et la pressant de +luy fère une plus particullière responce, elle, enfin, luy a +dict tout rondement, que, si la Royne d'Angleterre et les +siens, lesquelz luy avoient proposé le duc, ne trouvoient +<span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span> +bon que le propos passât en avant, qu'elle estoit toute résolue +de n'espouser jamais Anglois. Sur ce il s'est advancé +de dire qu'elle faisoit fort bien, car aussi tout ce royaulme +inclinoyt à ce desir, et qu'il voyoit que, nonobstant toutz +empeschemens, avant ne fût deux ans, elle et le duc seroient +maryés ensemble. Puys luy a parlé fort expressément +de quatre choses; la première, de tretter conjoinctement, +entre l'Angleterre et l'Escosse, de l'establissement +de la nouvelle religion; la segonde, de fère une bien seure +et perpétuelle ligue entre les deux royaulmes; la troisiesme, +de consentyr que, par décrect de parlement, ce royaulme +soit, après elle, toutjour transféré aulx mâles plus prochains +de la couronne, parce que le dict de Huntington vient +de l'estoc d'iceulx; et la quatriesme, que Voz Majestez +Très Chrestiennes veuillez depputter aulcuns pour assister, +de vostre part, icy, aulx choses qui seront proposées, entre +la dicte Dame et ses subjectz, sur la restitution d'elle, et +sur le faict du feu Roy d'Escoce son mary. Et a adjouxté +que monsieur le cardinal de Lorrayne feroit bien, comme +prochain parant, d'intervenir au jugement d'une si grande +cause.</p> + +<p>Nous sommes après pour sçavoir d'où sont parvenus +ces propos, et semble que le dict comte de Lestre ne les +advouhe, et que mesmes il pense que la Royne d'Angleterre +sera fort courroucée contre le dict Huntington, quant +elle les saura, et que tout cella est party de l'invention du +secrétaire Cecille. La dicte Royne d'Escoce a tiré ung adviz +du dict de Huntington, que le prince d'Orange praticque +de fère descendre dix mil Anglois en Flandres, et qu'avec +cella, et ce qu'il prépare en Allemaigne, joinct l'intelligence +du pays, il espère d'en chasser le duc d'Alve et les +<span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span> +Espaignols, ce qui a esté notiffié à l'ambassadeur d'Espaigne. +Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxı<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p> + +<p class="center smcap">Aultre lettre a la Royne</p> + +<p class="right">(<i>du dict jour, écrite en chiffres</i>).</p> + +<p>Madame, parce qu'on publie, icy, à mon grand regrect, +qu'il n'y a bon accord entre le Roy et Monsieur, son frère, +voz enfantz, et que douze des principalles citez de France +s'opposent à ce que Voz Majestez ne puissent aulcunement +accommoder, par voye de paciffication, les guerres de vostre +royaulme; qui sont deux choses dont Vostre Majesté +auroit, de la première, le plus extrême desplaisir, et nous, +le plus notable dommaige qui nous pourroit onques advenir; +et la segonde seroit pour torner à une fort pernicieuse +conséquence contre l'auctorité du Roy, et droictement +contre la vostre; mesmes qu'on m'a dict qu'en +quelques endroictz du monde l'on faict desjà des desseings +là dessus, et que ceste Royne m'en pourra possible toucher +quelque mot, je vous suplie très humblement, Madame, +me commander ce que j'auray à luy en respondre, ensemble +à plusieurs seigneurs de ce royaulme, et mesmement +aulx Catholiques, qui envoyent souvant m'en interroger, +lesquelz demeurent toutz esbahys et desconfortez de +ce que, sept sepmaines a, je n'ay nulles nouvelles de Voz +Majestez; ausquelz toutesfoys j'ay bien desjà desnyé l'une +et l'aultre de ces nouvelles, comme les tenant toutes deux +fort faulces, et sur ce, etc.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span></p> +<div class="blockquote"> + +<p class="center"><span class="smcap">MÉMOIRE ET INSTRUCTION</span> de ce que le S<sup>r</sup> de La Croix a à dire à +Leurs Majestez, oultre le contenu de la dépesche.</p> + +<p>De ces troubles du North, qu'encor qu'ilz ayent esté bientost apaysez, +néantmoins, parce que, en mesme temps, s'est descouvert +qu'en Norfolc l'on avoit entreprins de se saysir des armes, qui estoient +ez maysons du duc de Norfolc, et de contraindre le sire Henry +Hemart, son frère, d'estre chef d'une troupe de douze mil hommes +qui se tenoient prestz pour marcher droict à la Tour de Londres, +affin de tirer icelluy duc de pryson; et que, en Galles, les choses +ne se monstroient guières plus paysibles, ceste Royne est demeurée +en plusieurs doubtes et deffiances de ses subjectz.</p> + +<p>Ce qui luy est augmenté par l'opinion, qu'elle a, que l'intelligence +du duc d'Alve y soit bien avant meslée, sellon que, par l'examen +d'aulcuns du North, qui ont esté exécutez, et de la depposition du +comte de Northomberland, laquelle celluy de Mora a envoyée, il +semble que cella luy ayt esté confirmé.</p> + +<p>En laquelle depposition, oultre que le dict de Northomberland +charge les plus grandz de ce royaulme, l'on dict qu'il affirme, +qu'ainsy que luy et le comte de Vuesmerland furent en campaigne, +l'ambassadeur d'Espaigne et l'évesque de Roz envoyèrent devers +eulx ung homme exprès, avec lettres, pour les conforter à leur entreprinse, +et leur promettre un prochain secours du duc d'Alve, et +pareillement de France, s'ilz se saysyssoient de quelque port.</p> + +<p>Duquel acte de l'évesque de Roz la dicte Dame a prins argument +que la Royne d'Escoce, sa Mestresse, a bien peu estre mellée en +cella, et par conséquent moy à cause d'elle; car, aultrement, elle +n'a aulcune conjecture que je m'en soys entremiz, ny que deçà ny +dellà la mer il y ayt esté mené aulcune pratique au nom du Roy; et +le dict acte n'est suffizant pour luy en fère prendre guières grande +opinion, parce qu'il ne se trouve que j'aye rien escript, ny mesmes +que j'aye dict une parolle, ny heu aulcune conférance, avec personne +qu'elle ayt occasion de souspeçonner.</p> + +<p>Elle reçoit assés souvant lettres d'aulcuns siens secrectz serviteurs, +qui sont en Flandres, qui l'advertissent que le duc d'Alve prépare +des entreprinses contre ce royaulme; et que la plus part de la noblesse +d'Angleterre sont de son party; et que plusieurs d'icelle ont +desjà receu force escuz au soleil de luy; dont j'entends que milord +<span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span> +de Coban, depuys naguières, a envoyé quatre des dictes lettres tout à +la foys en ceste court, les deux signées de noms supposez et les aultres +non signées lesquelles estant leues; au conseil auquel s'est +trouvé le comte de Pembrot, toutz les Protestantz ont incontinent jetté +les yeux sur luy, et il a fort hardyment répondu que ceulx qui escripvoient +telles lettres estoient toutz meschantz d'accuser ainsy en +général la noblesse d'un royaulme, et, s'ilz avoient cueur ny valleur, +ilz debvoient nommer ceulx qui ont prinz ces escuz et se nommer +eulx mesmes pour le leur maintenir, mais que ce n'estoient que +menteries, et que, quant la Royne, sa Mestresse, aura ses subjectz +bien uniz, les effortz du duc d'Alve luy seront bien aysés à repousser.</p> + +<p>Pour l'occasion de ces advertissements, l'on dict que la dicte +Dame et ceulx de son conseil ont advisé de dresser une grand milice, +d'envyron quatre vingtz dix mil hommes de pied et trente mil chevaulx +en trois endroictz de ce royaulme; sçavoir: trente mil hommes +de pied et dix mil chevaulx du costé de France vers le Ouest; aultant +en Suffoc, Norfolc et Germue, qui regarde le pays de Flandres; et +le tiers restant vers le costé du North contre l'Escoce; de quoy l'on +asseure que les rolles et descriptions sont desjà bien avancez, et que +surtout l'on s'esforce de dresser grand nombre de pistolliers, et +mettre à cheval beaulcoup plus d'hommes qu'on n'a oncques faict de +nul aultre règne.</p> + +<p>Tout cest ordre est conduict par ceulx de la nouvelle religion, +lesquelz, pour l'occasion des victoires du Roy et des batailles que +Monsieur, son frère, a gaignées, et des préparatifs du duc d'Alve, et +de ce qu'il leur semble qu'il se va trop establissant en Flandres, aussi +pour la réduction du nouveau roy et du royaulme de Suède à la religion +catholique, et pour le mouvement des Catholiques de ce pays, +ilz sont entrez en grandes délibérations, et ont tenu plusieurs conseils +comme ilz pourront conserver et maintenir leur nouvelle religion.</p> + +<p>Et, bien que ceste Royne n'est d'elle mesme mal affectionnée à la +partie des Catholiques, ains seroit pour requérir fort vollontiers la +réunyon de l'esglize et ne s'opposer guières à ce qu'elle se fît par ung +bon concille; néantmoins les Protestans la retiennent par une véhémente +persuasion qu'ilz lui ont donné de la perte de son estat, +si elle n'est toujours opposante à l'authorité de l'esglize romaine.</p> + +<p>Ce que je conjecture par le propos qui s'ensuyt, lequel elle m'a +naguières tenu, c'est qu'elle dict avoir deux grandes occasions de +regarder de bien prez au faict de la Royne d'Escoce; l'une, parce que +la dicte Dame ne s'est pas attribuée le tiltre de ce royaulme sans +<span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span> +une bien profonde dellibération, et sans une fort grande opinion de +son droict; l'autre, qu'elle voyt bien que la dicte Dame se veult +prévaloir de la division de la religion, et cerche de s'insinuer par là +ez cueurs de la noblesse d'Angleterre, et que desjà plusieurs briefz +du Pape ont été interceuz, par lesquelz il déclare absoulz ceulx qui +cy devant ont obéi à elle, bien que illégitime et scismatique, pourveu +qu'ilz veuillent dorsenavant recevoir la Royne d'Escoce pour +leur Dame et Princesse. Et a adjouxté qu'on se trompoit bien en +cella; car, encor que le feu Roy, son père, eust espousé la Royne, sa +mère, à la religion protestante, il a toutesfoys obtenu le rescript du +Pape là dessus; par laquelle persuasion des dictz briefz, que je croy +estre chose supposée, les Protestants retiennent bien fort le cueur +de ceste princesse contre les Catholiques et contre la Royne d'Escosse, +bien que j'ay miz peyne de luy en diminuer l'opinion tant que +j'ay peu.</p> + +<p><span class="fancyfont">Chiffre.</span> [Le premier jour de ceste année 1570, et le x<sup>e</sup> ensuyvant, +monsieur l'ambassadeur d'Espaigne et moy avons esté en conférance +en mon logis sur l'estat des choses de ce royaulme, et avons +considéré que, puysque les Catholiques n'ont heu le cueur de s'ozer +prévaloir de la première prinse d'armes qu'ilz avoient faicte avec une +assemblée de quinze mil hommes, où y en avoit bon nombre de +pied et de cheval bien armez et en bon équipage, et avec ung assés +heureux commancement, sans que les Protestans fussent préparez +ny pourveus pour leur résister, qu'il sera bien mal aysé, qu'à ceste +heure qu'ilz les ont comme advertys, ilz puissent rien plus entreprendre; +et qu'estant, au reste, le duc de Norfolc prisonnier, le +comte d'Arondel fort réfroydy, celluy de Pembrot retourné à la +court pour servir à ses amys, et conserver ses estatz et les estatz de +ses enfans, milor de Lomelé encores en arrest et toutz les Catholiques +en général fort inthimidez, qu'il est dangier que les Protestans, +qui sont seulz en authorité, viegnent à tumultuer plus que jamais, +et mener leurs pratiques, icy et en Allemaigne, et pareillement leurs +entreprinses par mer et par terre, plus ouvertement qu'ilz n'ont encores +fayct. Dont le dict ambassadeur, après que nous avons heu +accordé l'ung à l'aultre ce que chacun de nous avons peu sentir que +les dictz Protestans menoient contre l'intérest de nos Mestres, il m'a +dit que le sien et pareillement le duc d'Alve avoient une très grande +affection que ce royaulme fust réduict à la religion catholique, parce +qu'on ne peult espérer que oltraiges et indignitez d'icelluy, tant +qu'il demeurera entaché de ceste nouvelle religion; et, de tant qu'il +<span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span> +s'asseuroit que le Roy, Mon Seigneur, avoit le semblable desir, il me +prioyt fort affectueusement de lui persuader qu'il voulût escripre +promptement une lettre au Roy Catholique, son beau frère, par laquelle +il luy mît en avant la commune entreprinse d'entre eulx +deulx contre l'Angleterre pour la restitution de la Royne d'Escosse, +seulement, comme pour cause juste et apartenant proprement à Sa +Majesté Très Chrestienne, et en laquelle il le pryât d'y vouloir employer +ses forces; ce que le dict ambassadeur asseuroit que le dict +Roy, son Mestre, accorderoit de fère plus vollontiers qu'il n'en +seroit requis, et qu'après cella, les deux ensemble tinsent leur armement +prest pour l'heure que nous, qui sommes sur les lieux, leur +manderons; car, si les choses d'Angleterre n'étoient prinses sur le +poinct qu'elles se présentent, elles estoient si soubdaines qu'on les +perdoit incontinent;</p> + +<p>Et que j'advertisse aussi Leurs Majestez Très Chrestiennes +d'envoyer promptement devers le comte de Mora, pour le garder +de ne randre les comtes de Northomberland et Vuesmerland à la +Royne d'Angleterre; et que, pour la confédération que la France a +non tant avec la Royne d'Escosse que avec sa couronne et avec toutz +les Escossoys, ilz le voloient bien admonester de son debvoir en ce +qui se offre, affin qu'il ne face ce tort à l'honneur de ce royaulme, où +les dictz comtes ont heu leur reffuge, que de les randre au mandement +des Anglois; et que mesmes, pour estre les biens et estats de toutz +deux en la terre débattable, ou en celle de la conqueste faicte sur +l'Escosse, qu'il se présente occasion, par leur moyen, de la recouvrer.</p> + +<p>Ces mesmes choses m'a il faict despuys remonstrer par l'évesque +de Roz, lequel toutesfoys ne les a prinses, pour luy mesmes, en +suffisant payement de ce que, au nom de sa Mestresse, il a pryé le +dict S<sup>r</sup> ambassadeur de fère meintenant descendre en Escosse le secours +de quatre mil hommes, et cent mil escuz, que le duc d'Alve +a mandé avoir toutz prestz pour envoyer aulx deux comtes, s'ilz +eussent peu meintenir encores quinze jours les armes; et qu'à cest +effect, elle fera passer quelques seigneurs d'Escosse devers le dict duc +pour adviser avecques luy de leur descente et réception dans le +pays, et, si besoing est, elle envoyera un gentilhomme jusques au +Roy d'Espaigne pour avoir son commandement; en quoy le dict +ambassadeur a seulement promiz d'en escripre, mais qu'il failloit +que, de mon costé, je fisse en dilligence ce qu'il m'avoit dict, et +que surtout l'on fût bien advisé de ne toucher entre Leurs Très +<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span> +Chrestienne et Catholique Majestez ung seul mot du faict de la nouvelle +religion de peur de mouvoir les Allemans.]</p> + +<p>Je n'ay monstré aux dictz sieurs ambassadeur et de Roz que toute +bonne affection en ce qu'ilz m'ont proposé, sinon que je leur ay +allégué aulcunes difficultez pour les présentes guerres de France, +et que, pour le dangier des pacquetz, j'estimois qu'il seroit meilleur +que le duc d'Alve envoyât sur le lieu tretter par quelq'un des +siens ou bien par Dom Francès [le faict de l'entreprinse contre l'Angleterre] +que non que le Roy en escripvît au Roy, son Maistre; et +que, d'empescher la reddition des deux comtes, de tant que celluy +de Mora s'est monstré trop adversaire de la Royne d'Escosse, mal +vollontiers le Roy le vouldra requérir, ny de cella ny d'aultre chose, +sans toutesfoys que je leur aye reffuzé, ny accordé aussi d'en rien +escripre à Leurs Majestez; vray est qu'auparavant il avoit esté desjà +donné tout l'ordre qu'on avoit peu [pour envoyer empescher en +Escosse que les deux comtes ne soyent rendus].</p> + +<p>L'ambassadeur d'Espaigne a très bonne affection à la religion +catholique, et procède fort droictement en tout ce qui est pour +l'advancement d'icelle; il fault considérer aussi qu'il peult bien en +ces choses estre aultant esmeu du desir qu'il sçayt que le Roy, son +Maistre, a de recouvrer l'argent et merchandises de ses subjectz, +prinses et arrestées par deçà, et de se vanger des offances receues en +cella, et pareillement de celles que le duc d'Alve se sent en particullier +fort picqué, pour les indignitez usées à luy mesmes et à ceulx +qui sont venuz de sa part, que non de l'intérest de la couronne d'Escosse, +ny pour vouloir diminuer la grandeur de celle d'Angleterre, +qui est alliée de la maison de Bourgogne; ou bien qu'il cognoist que, +si ceste Royne sent que le Roy conviegne avec le Roy d'Espaigne contre +elle, qu'elle sera plus facille de se réconcillier avec le duc d'Alve, +dont Leurs Majestez Très Chrestiennes adviseront ce qui sera le plus +expédiant pour leur service.</p> + +<p>Il est bien certain que, despuys le commancement des différans +des Pays Bas, et lors mesmement que le S<sup>r</sup> d'Assoleville et puys le +S<sup>r</sup> Chapin Vitelly sont passez de deçà, que ceste princesse m'a toutjour +faict sonder de quelle intention le Roy et la Royne seroient en +son endroict, affin de s'accommoder avec celle des parties qu'elle cognoistra +luy estre de meilleure disposition; de quoy ayant heu cognoissance, +et encores quelque adviz, je me suys conduict de telle +façon envers elle, que luy donnant bonne espérance du costé de +France, sans luy parler toutesfoys qu'en très bonne et advantaigeuse +<span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span> +façon des choses d'Espaigne, je l'ay retenue en quelque dévotion +envers Leurs Très Chrestiennes Majestez, et je croy qu'elle s'est de +tant monstrée plus difficille et contraire au duc d'Alve.</p> + +<p>Davantaige conférans le dict sieur ambassadeur et moy noz adviz +sur la négociation que faict le secrétaire du comte Pallatin en ceste +court, il nous a esté raporté à toutz deux qu'il poursuyt argent affin +de lever gens en Allemaigne, tant pour envoyer au secours de ceulx +de la nouvelle religion en France, que pour fère une descente contre +le duc d'Alve aulx Pays Bas; et de tant que le S<sup>r</sup> de Lombres, flamant, +qui a esté envoyé icy par ceulx de la Rochelle, sollicite vifvement +ce fait au nom du prince d'Orange, le dict ambassadeur +l'a pour plus suspect, et me presse pour cela fort vifvement que +nous veuillons [induyre conjoinctement noz deux Maistres d'entreprendre +promptement quelque chose contre ce royaulme], bien +que, à propos du dict prince d'Orange, il m'a dict qu'il sçavoit +que ce qu'il préparoit en Allemaigne estoit pour retourner en +France. Sur quoy luy ayant respondu qu'il n'avoit receu aucune offance +du Roy pour le debvoir fère, il m'a seulement demandé si le +Roy ne lui avoit pas confisqué son estat qu'il a en France; à quoy je +lui ay respondu que ce n'estoit chose qu'il dût tenir en tant, pour en +commancer une guerre, quant bien le Roy le luy auroit confisqué: +et, là dessus, il m'a faict ung discours comme si l'Allemaigne n'estoit +pour plus luy consentyr de retourner à main armée aulx Pays Bas, +mais bien de procurer son retour en ses biens par le pardon et bonne +grâce du Roy son Seigneur.</p> +</div> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span></p> + +<h2 class="p4">LXXXV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXVIII</span><sup>e</sup> jour de janvier 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Callais exprès par Pierre Bordillon.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Arrivée de Mr de Montlouet à Londres.—Mission dont il est chargé pour +l'Écosse; état des affaires dans ce pays.—Projets du comte de Westmorland, +qui prépare une nouvelle prise d'armes.—Avantage remporté en +Irlande par mylord Sidney.—Espoir d'Élisabeth que les différends avec +les Pays-Bas pourront s'arranger à l'avantage de l'Angleterre.—Préparatifs +du duc Casimir qui se dispose à entrer en campagne.—Efforts de l'ambassadeur +pour empêcher que des secours d'argent soient donnés aux protestans +de la Rochelle.—Réclamation de la république de Venise afin +d'obtenir la restitution des prises faites par le capitaine Sores.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, je n'avois rien entendu de la venue de Mr de +Montlouet, quant, le xx<sup>e</sup> de ce moys, il m'a esté mandé +de ceste court qu'il avoit desjà passé la mer, et qu'il estoit +à Douvres; au quel lieu l'on l'a arresté deux jours et +demy, sans luy permettre de passer plus avant; et croy que +c'est le filz de Mr Norrys qui, ayant passé avecques luy, +et laissé madame de Norrys sa mère à Boulloigne, a advisé +les officiers de fère ceste difficulté, afin qu'il eust loysir +d'en advertir la Royne sa Mestresse, laquelle a mandé tout +aussitost qu'on le laissât venir, monstrant d'estre marrye +qu'on l'eust aulcunement retardé. Par ainsy, Sire, il est +arrivé en ceste ville le xxııı<sup>e</sup>, et, le lendemain xııv<sup>e</sup>, nous +avons envoyé à Hamptoncourt, où la dicte Dame est à +présent, pour demander son audience; laquelle elle nous +a incontinent accourdée au xxvı<sup>e</sup>; mais ceulx de son conseil, +qui avoient à se trouver toute ceste sepmaine en +<span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span> +ceste ville pour l'ouverture du terme de la justice, la +luy ont faicte prolonger jusques à dimanche prochain, qui +sera le xxıx<sup>e</sup>; et semble, Sire, que monsieur Norrys ayt +donné adviz à la dicte Dame que le voyage du dict S<sup>r</sup> de +Montlouet est pour les affères de la Royne d'Escoce, dont +elle s'est desjà préparée, ainsy que j'entendz, de la responce +qu'elle luy doibt fère; et je doubte assés qu'elle luy +veuille accorder de passeport pour aller en Escoce; car, +oultre que l'ordinaire souspeçon et jalouzie qu'elle a de +l'auctorité de Vostre Majesté en ce pays là luy administre +assez inventions pour y trouver toujour quelque excuse, il +luy semblera, à ceste heure, qu'elle en ayt une fort aparante +pour les troubles naguières suscitez en son pays du +North, et pour la retrette qu'ont faict les chefz et autheurs +d'iceulx avec leur cavallerye vers ces quartiers de terres +débattables d'entre les deux royaulmes; où, à la vérité, +l'on dict que le comte de Vuesmerland se va refaysant, et +assemblant une trouppe, qui ne sera moindre de quatre +mille chevaulx anglois ou escouçoys, lesquels il pourra +joindre toutes les foys qu'il vouldra, en moins de quatre +jours; et le comte de Northomberland n'est mal tretté du +lord de Lochlevyn, qui, encor qu'il soit beau frère du +comte de Mora, ne monstre le vouloir randre à la Royne +d'Angleterre. Néantmoins, ayant le dict S<sup>r</sup> de Montlouet +et moy desjà heu communication avec monsieur l'évesque +de Roz, nous n'obmettrons rien de tout ce qui se pourra +dire et fère, au nom de Vostre Majesté, envers ceste +Royne, pour la liberté, restitution et advancement de la +Royne d'Escoce, et pour avoir permission de l'aller veoir, +et puys de parfère son voyage.</p> + +<p>Il est certain que la retrette des comtes de Northomberland +<span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span> +et de Vuesmerland n'a tant apaysé les troubles du +North, que la dicte Royne d'Angleterre et les siens ne +craignent bien fort qu'il se fasse encores une reprinse d'armes, +non seulement au mesmes pays du North, où l'exécution +de tant de pouvres hommes, qu'on y faict mourir, +ne faict qu'endurcyr et aigrir davantage les aultres, mais +aussi en plusieurs endroictz de ce royaulme; et que, si +ceulx qui se sont retirez en Escoce retournent, la seconde +entreprinse sera trop plus dangereuse que la première. Il +est vray que ce pendant la dicte Dame se trouve dellivrée de +deux aultres grands soucys, l'ung du costé de l'Irlande, +et l'aultre des Pays Bas; car milord Sideney luy a mandé +qu'en une course, qu'il a faicte sur les saulvaiges au plus +fort de l'hyver, lorsqu'ilz s'en doubtoient le moins, il a +reprins vingt huict lieux fortz sur eulx, et a ramené de +prisonniers cent soixante des plus principaulx des leurs, +de sorte qu'il se promect une briefve et fort heureuse yssue +de toutz les affères de dellà. Et de Flandres la dicte +Dame estime avoir ung bien asseuré adviz que les aprestz +du duc d'Alve contre ce royaulme se vont réfroydissant, +et vont estre remiz en ung aultre temps; ce qui lui semble +estre davantaige confirmé par la dilligence que les S<sup>rs</sup> Espinola +et Fiesque font icy d'accommoder le faict des deniers +et merchandises d'Espaigne, bien fort à l'advantaige +de la dicte Dame.</p> + +<p>Les adviz des aprestz et mouvemens d'Allemaigne continuent +en ce que, sans aulcun doubte, le duc de Cazimir +sera en campaigne avec cinq mil chevaulx et huict mil +hommes de pied, à la fin de febvrier ou au commencement +de mars; et que desjà le payement de ses gens pour deux +moys est consigné, et que le troisiesme moys se payera le +<span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span> +jour qu'il commencera de marcher. L'ambassadeur d'Espaigne, +qui est icy, a ung non guières dissemblable adviz, +disant ouvertement que c'est pour entrer en France. +Néantmoins, son parler monstre qu'il crainct assés que ce +soit pour descendre en Flandres, de tant que le prince +d'Orange s'entremect beaulcoup de l'entreprinse, et qu'il +a esté devers le comte Pallatin à Heldelberc, et puys en +poste jusques en Saxe devers le duc Auguste; dont le duc +d'Alve a mandé haster la levée que luy faict le duc de +Bronsouyc, affin de garnyr tout à temps le Luxembourg +de bonnes forces. Tant y a qu'ayant monsieur de Lizy naguières +escript que, nonobstant les grandes difficultez qu'il +avoit trouvées aux princes protestans, ilz l'avoient enfin +asseuré du secours qu'il leur avoit requis, il est à croyre +que leur premier effort se fera en France pour ceulx de la +Rochelle. Le secrétaire du comte Pallatin, et ceulx qui +sont icy pour le prince d'Orange et pour les dicts de la Rochelle, +n'ont encore heu résolue responce de ce conseil +sur le prest des deniers qu'ilz demandent, et ceste Royne +s'en excuse bien fort; mais ceulx qui ont auctorité près +d'elle trouvent moyen que son crédit et celluy de son +royaulme y peuvent estre de telle façon employez, sans +qu'il luy coste rien, que desjà les aultres s'asseurent de +tirer de cest endroict cinquante mil escuz; mais ilz incistent +à plus grand somme jusques à cent cinquante mille, +non sans espérance de l'obtenir, pourveu qu'il n'y aille rien +de la bource de la dicte Dame; et ceulx qui mesurent les +finances, dont l'on peult avoir quelque notice qu'ilz pourront +fère estat ceste année, disent que c'est de cinq à six +centz mil escuz. Je mettray peyne de les empescher de +ce costé le plus qu'il me sera possible.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span> +Les Seigneurs Magniffiques de la Seigneurie de Venize, +qui sont icy, ont obtenu lettres de ceste Royne fort expresses +à la Royne de Navarre pour le recouvrement de +leurs vaysseaulx et merchandises, et m'ont prié de bailler +mon passeport à l'ung d'entre eulx, qui les est allé présenter, +affin que si, pour le temps, il estoit contrainct de relascher +en France, ou qu'il fût rencontré par aulcuns navyres +de guerres de Vostre Majesté en la mer, il puisse +tesmoigner de la juste occasion de son voyage au dict lieu +de la Rochelle. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxvııı<sup>e</sup> jour de janvier 1570.</p> + +<h2 class="p4">LXXXVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">II</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée par Guillaume de La Porte exprès jusques à Calais.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience accordée par la reine d'Angleterre à Mr de Montlouet et à l'ambassadeur.—Reproche +fait par Élisabeth à la reine d'Écosse d'avoir favorisé la +révolte du Nord.—Crainte qu'il ne soit permis à Mr de Montlouet ni +d'accomplir sa mission vers Marie Stuart, ni de se rendre en +Écosse.—Nouvelle +de la mort du comte de Murray; mesures prises par Élisabeth pour +conserver son influence en Écosse, malgré cet évènement.—Vives instances +faites par les protestans de France pour obtenir en Angleterre des secours +d'hommes et d'argent.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, deux jours après ma précédante dépesche, laquelle +est du xxvıı<sup>e</sup> du passé, nous avons esté à Hamptoncourt +devers la Royne d'Angleterre, à laquelle Mr de +Montlouet a présenté voz lettres et reccomendations, et luy +a d'une fort bonne et agréable façon récitté le contenu de +<span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span> +sa charge, sans rien obmettre de ce qui a esté requis pour +dignement luy porter la parolle, et la créance de Voz +Majestez, et pour luy faire bien expressément entendre +vostre intention sur le faict de la Royne d'Escoce: en quoy +la dicte Dame a monstré que la matière luy estoit de bien +grande conséquence, mais qu'elle n'estoit encores en guières +de disposition d'y entendre pour des occasions, qu'elle a faict +semblant d'avoir descouvertes de nouveau contre la Royne +d'Escoce et contre l'évesque de Roz, d'aulcunes leurs +menées avec le comte de Northomberland sur les derniers +troubles du North; et n'a toutesfoys layssé de donner des +responses pleynes à la vérité d'indignation envers la dicte +Royne d'Escoce, mais de quelque respect envers Voz Majestez +Très Chrestiennes, et s'est réservée d'en bailler, +dans trois ou quatre jours, de plus amples après qu'elle +aura heu le loysir d'y penser.</p> + +<p>Le dict sieur de Montlouet luy a faict des remonstrances +et réplicques, fort convenables à ce propos, avec instance +de luy permettre de visiter la dicte Dame de vostre part, et +de passer, puys après, jusques à ses subjectz, pour aulcunes +bonnes occasions que Voz Majestez le dépeschent +devers elle et devers eulx. A quoy j'ay adjouté ce que j'ay +estimé convenir à ceste négociation, sellon celle que j'ay +assés continuée jusques icy de ce faict, et sellon les advertissemens +du dict S<sup>r</sup> évesque de Roz; mais la dicte Dame +a remis de respondre au tout, après qu'elle y aura pensé.</p> + +<p>Cependant elle a couppé assés court le dict propos, +comme si elle s'en trouvoit pressée, pour demander curieusement +des nouvelles de Voz Majestez et de celles de +la paix. A quoy le dict S<sup>r</sup> de Montlouet luy a amplement +satisfaict; dont, des propos qu'elle luy a tenuz et de ses +<span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span> +responses, et pareillement de ce qu'elle luy a dict sur le faict +de la fille de Mad<sup>e</sup> de Mouy et sur ce que Mr de La +Meilleraye vous avoit escript des désordres qui continuent +encores en la mer, je laisse au dict S<sup>r</sup> de Montlouet de le +vous fère bientost entendre par luy mesmes, s'il ne va plus +avant; ainsy qu'il semble qu'à grand difficulté le luy vouldra +l'on permettre, ou bien de le vous escripre, si, d'advanture, il +accomplit son voyage.</p> + +<p>Et seulement adjouxteray icy, Sire, ce que la dicte Dame +nous a dict de la mort du comte de Mora, comme en passant par une +rue, en la ville de Lithquo, il a esté tué d'ung +coup de pistollé, avec quatre balles au travers du corps, par +le fils du chérif du dict lieu, lequel est des Amelthons, qui +s'est despuys saulvé<a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>. Duquel coup la dicte Dame n'a peu +dissimuler le regrect qu'elle y avoit, ce qui la nous a (sellon +mon adviz) randue moins bien disposée en ceste première +audience, sentant possible debvoir advenir beaulcoup +de mutation de ceste mort ez choses d'Escoce, et, possible, +beaucoup en celles de toute l'isle; dont a dépesché en +dilligence le S<sup>r</sup> Randol par dellà pour deux occasions principallement; +l'une, affin de solliciter l'eslection d'ung +aultre régent, qui soit de mesmes disposition envers elle +qu'estoit le dict de Mora; et l'aultre, pour empescher que +le comte de Northomberland ne soit mis en liberté sur ce +changement, et fère beaulcoup d'offres et promesses là +dessus.</p> + +<p>Ung certain capitaine alleman, nommé Oulfan d'Arnac, +<span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span> +est despuys naguières arrivé de la Rochelle; par la +venue duquel le jeune comte de Mensfelt haste son partement; +et toutz deux sont pretz de s'embarquer pour +passer en Allemaigne, affin de se trouver bientost avec le +Cazimir; lequel ilz cuydent se debvoir, dans peu de jours, +mettre en campaigne; et cependant la subvention des esglizes +protestantes de ce royaulme commence à se lever +ainsy que je l'avois desjà préveu, et possible que par mes +premières, je vous pourray mander combien elle se montera. +Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıı<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, ayant la Royne d'Angleterre remiz à fère, +d'icy à quatre jours, responce à Mr de Montlouet et à moy +sur les choses qu'il luy a proposées de la part de Voz Majestez, +il n'y auroit guières lieu de vous dépescher ce pacquet +jusques alors, n'estoit la nouvelle qui cependant est +survenue de la mort du comte de Mora; laquelle je ne vous +veulx aulcunement retarder, pour l'aparance qu'il y a que +d'icelle ayt à naistre bientost beaulcoup de nouvelletez en +Escoce, et possible assés de mutation ez choses de ce +royaulme, où ce coup se faict desjà tant sentyr, qu'il +semble qu'en la court, et par tout le pays, ung chacun en +soit bien fort esmeu; et n'a la dicte Royne d'Angleterre, +après l'avoir sceu, différé que bien peu d'heures de dépescher +Randolf en Escoce, pour fère en toutes sortes qu'on +y substitue ung aultre régent, qui soit pour persévérer aulx +mesmes trettez qu'elle avoit avecques le deffunct, avec +offres d'argent et de forces pour meintenir l'authorité de +celluy qui le sera, et pour empescher que aulcuns estrangiers +<span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span> +puissent estre appellez contre luy dans le pays; dont +aulcuns estiment que le frère du dict de Mora tiendra +meintenant ce lieu. En quoy Vostre Majesté considèrera, +au cas que Mr de Montlouet n'ayt permission de passer jusques +en Escosse par terre, s'il sera expédiant d'y dépescher +ung aultre par mer, qui y puisse arriver avant que les +choses y soient establyes à la dévotion des adversaires de +la dicte Royne d'Escoce. L'on a adviz icy que Dombertrand +a esté avitaillé par deux navyres françoys, dont ne +fault doubter que le party de la dicte Dame ne s'en trouve +grandement confirmé dans le pays, et je sçay qu'il en faict +grand mal au cueur à plusieurs en ceste court. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıı<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<h2 class="p4">LXXXVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.—</p> + +<p >(<i>Envoyée par Mr de Montlouet s'en retornant devers le Roy.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Nouvelle audience accordée à Mr de Montlouet.—Refus fait par Élisabeth de +lui donner passage.—Motifs qui ont dû l'engager à prendre ce parti.—Arrestation +de l'évêque de Ross.—Protestation de la reine d'Angleterre +qu'elle veut se maintenir en paix avec le roi, et qu'elle ne donnera +aucun secours à ceux de la Rochelle.—Préparatifs faits en Angleterre +contre l'Écosse.—Nécessité d'envoyer sans retard, par mer, un député en +Écosse, et de ne rien négliger pour arrêter l'exécution des projets des +Anglais.—<em>Note</em> remise à Mr de Montlouet sur l'état général des affaires +d'Angleterre et d'Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ayant la Royne d'Angleterre, au boult de huict +jours, faict entendre à Mr de Montlouet et à moy, avec +<span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span> +quelque aparat, en présence de unze seigneurs de son conseil, +touchant les affères de la Royne d'Escoce, que de +laysser passer le dict S<sup>r</sup> de Montlouet jusques au lieu où est +la dicte Dame, et puys de là en Escoce, elle ne le pouvoit +meintennant en façon du monde consentyr, pour des occasions, +lesquelles, si eussent esté bien sceues, lorsqu'il fut +dépesché, elle s'assure que Vostre Majesté ne luy eust +donné charge d'y aller; et que de la seurté de la dicte Dame +Vostre Majesté pouvoit croyre que, quand la dicte Royne +d'Escoce auroit bien machiné de la fère tuer à elle d'ung +coup de haquebutte, elle pourtant ne consentyroit jamais +qu'on touchât ny à sa vie, ny à sa personne; et que de son +bon trettement elle le luy fesoit fère tel et à telz frays +qu'elle sçayt que l'Escoce ne seroit pour y fornyr de mesmes. +Au regard de sa plus grande liberté et restitution à +sa couronne, qu'encor qu'elle n'eust à rendre compte qu'à +Dieu seul de ses actions en cella, elle néantmoins les vous +feroit entendre par son ambassadeur, ou par ung gentilhomme +exprès, avec espérance, que vous les trouverez si +équitables, que dorsenavant vous ne seriez tant pour la dicte +Royne d'Escoce, que vous ne fussiez aussi pour elle; et de +tout ce que, avec ung bien long et préparé discours et +avec plusieurs démonstrations, elle a desduict là dessus, +le dict S<sup>r</sup> de Montlouet le saura trop mieulx représanter à +Voz Majestez que je ne le vous sçaurois escripre, vous +pouvant asseurer, Sire, qu'il a si vifvement répliqué et +tant fermement incisté à la dicte Dame sur toutz les poinctz +de l'instruction, que Vostre Majesté luy avoit baillée, qu'il +ne s'y peult rien desirer davantaige. Et j'ay adjouxté ce +que j'ay peu de plus exprès pour la presser de luy fère +meilleure responce; mais le mariage du duc de Norfolc et +<span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span> +l'ellévation du North lui sont deux offances si rescentes, +lesquelles elle impute à la dicte Dame, et la mort du comte +de Mora les luy a tant rafreschies, que nulle sorte d'apareil +y peult encores estre bonne; mesmes, sur ce dernier courroux +de la mort du comte de Mora, elle a faict resserrer +l'évesque de Roz ez mains de l'évesque de Londres, qui +sont deux fort différantz personnages, en meurs et en religion, +l'ung de l'autre; dont semble qu'il fault qu'avec le +temps vienne le remède de ce mal.</p> + +<p>Je laisse au dict S<sup>r</sup> de Montlouet de vous dire le contantement +que la dicte Royne d'Angleterre à monstré avoir de ce +que Voz Majestez Très Chrestiennes se sont vollues conjouyr +avecques elle sur la paciffication des troubles de son +royaulme, et les bonnes parolles qu'elle a dictes en cella, +qui toutjour en use de fort bonnes ez choses qui luy sont +proposées de Voz Majestez, sinon en ce qu'on luy touche +de la Royne d'Escoce; et vous dira pareillement les promesses, +qu'elle nous a faictes, de n'assister en aulcune +sorte à ceulx de la Rochelle contre Vostre Majesté et sur +ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<p class="p2 smcap left5">A la Royne.</p> + +<p>Madame, il n'a tenu ny à soing, ny à dilligence, ny à +fère bien dignement et expressément entendre, par Mr de +Montlouet, à la Royne d'Angleterre les choses de sa charge, +ny encores à les avoir bien préparées et sollicitées par +Mr de Roz et par moy, aultant qu'il nous a esté possible, +que le dict S<sup>r</sup> de Montlouet ne raporte une meilleure responce +qu'il ne faict sur les affères de la Royne d'Escoce; +<span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span> +mais le mariage du duc de Norfolc et l'ellévation du North +y font ung très grand obstacle et, possible, y en faict +davantaige la mort, naguières survenue, du comte de +Mora; laquelle la dicte dame et ceulx de son conseil, qui +sont protestantz, monstroient de la prendre plus à cueur +que nul aultre accident qui leur eust peu advenir, et sont +après à fère plusieurs grandz et nouveaulx desseings là +dessus; dont desjà ont mandé renforcer bien fort la garnyson +de Barvich, et crains assés qu'ilz veuillent dresser, +du premier jour, armée pour l'envoyer par dellà, comme +j'en ay quelque sentyment; laquelle survenant en la division, +où est à croyre que ce royaulme se trouve meintennant, +elle sera pour y fère des effectz, qui seront, par +avanture, dommaigables à l'advenir; dont je perciste en +ce que, par mes précédantes, j'ay escript que, ne voulant +ceste Royne permettre que le Roy et Vous y puissiez envoyer +quelqu'un des vostres par terre, qu'il sera bon que +y dépeschiez promptement ung personnaige de bonne qualité +par mer, qui soit pour moyenner et establyr, avec +vostre auctorité, une bonne concorde entre les seigneurs +du pays; et les bien disposer de résister aux estrangiers, +et y relever le nom de leur Royne; en quoy semble aussi, +si Voz Majestez n'y peuvent pour ceste heure envoyer forces, +qu'il sera fort à propos que envoyez au moins quelques +capitaines, et gens d'entendement et de valleur, qui les +saichent bien conduyre. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span></p> + +<p><span class="smcap center">Ce qui s'ensuit</span> a esté baillé à Mr de Montlouet pour luy servyr de +mémoyre.</p> + +<p>De la communicquation que Mr de Montlouet et moy avons heu +ensemble, touchant ses deux instructions, il se pourra servyr de +l'ordre d'icelles comme d'ung mémoire, pour tout ce que je luy ay +dict sur ung chacun article, affin d'en satisfère Leurs Majestez.</p> + +<p>Et l'extraict de la lettre, que j'escriptz au Roy, s'il luy playt de +l'emporter, sera pour nous conformer l'ung à l'aultre ez choses que +la Royne d'Angleterre nous a respondues sur le faict de la Royne +d'Escoce.</p> + +<p>De la continuation de la paix;—Il pourra dire que la Royne d'Angleterre +monstre d'y vouloir persévérer, et semble que ceulx de la +Rochelle ne tireront d'elle aulcun manifeste secours; mais ne fault +doubter que, par moyens secrects et soubz aultres prétextes, les siens +ne les accomodent, par mer et en Allemaigne, aultant que, sans +mettre leur Mestresse à la guerre, ilz le pourront fère.</p> + +<p>Le jeune comte de Mensfelt est desjà embarqué, lequel anticipe de +deux moys son partement, parce que, par ung navyre venu du North, +l'on a sceu que ceste année la mer n'a point gelé; et va descendre en +Hendein, dont s'estime qu'à son arrivée en Allemaigne, avec les +responces et lettres de crédict d'icy, le Cazimir et le prince d'Orange +se mettront incontinent en campaigne. Les dictes lettres, à ce +qu'on dict, sont pour trente mil livres esterlin en tout, c'est cent +mil escuz, ce que je n'ay encores bien vériffié.</p> + +<p>De l'estat des affères de la Royne d'Escoce et du duc de Norfolc;—J'ay +monstré à Mr de Montlouet aulcunes petites lettres, qui tesmoignent +ce qui en est, et ce qu'ung chacun d'eulx espère particullièrement +pour soy, et ce que l'ung espère pour l'aultre.</p> + +<p>Et pareillement ce qu'elle, pour son regard, espère du secours de +Flandres, et l'instance qu'elle en faict, et ce que luy espère de celluy +de France, et comme il presse de le haster.</p> + +<p>L'estat des choses d'Escoce.—Ledinthon et milor Herys, hors de +pryson, ont relevé avec les principaulx de la noblesse le nom et +tiltre de leur Royne.—Le duc de Chastellerault encores prisonnier.—Le +comte de Morthon et Lendzey ont juré la vengeance de la mort du +comte de Mora.—S'entend que le comte de Northomberland est en liberté. +Celluy de Vuesmerland a couru jusques sur quelque garnyson +d'Angleterre et l'a surprinse.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span> +La Royne d'Angleterre semble vouloir préparer une armée. Je n'ay +poinct argument que ce soit contre la France, sinon par aulcuns adviz +de l'année passée que une descente d'Anglois en Picardie doibt +concourir, quant le Cazimir conduyra son armée vers ce quartier là, +ayant promiz de s'employer à la reconqueste de Callays pour la dicte +Dame; à quoy, à toutes advantures, Leurs Majestez feront prendre +garde.</p> + +<p>La plus grand opinion est que ce sera pour aller en Escoce, affin +d'y establyr le comte de Morthon régent, ou bien fère intervenir le +comte de Lenoz au gouvernement de l'estat, et de la personne du +prince son petit filz; et le maintenir comme son subject en ce sien +droict, par toutz les moyens qu'elle pourra, ou bien pour se saysir, +si elle peult, du dict petit prince et le transporter en Angleterre; et, +possible, pour y fère quelque conqueste; et, en monstrant de vouloir +appeller à la succession de son royaulme le dict petit prince, se +saysir cependant des deux, le tout par prétexte d'aller contre ses rebelles +du North, qui se sont retirez au dict pays.</p> + +<p>La détention de l'évesque de Roz et des aultres seigneurs catholiques +porte grand empeschement à ma négociation de la liberté et eslargissement; +desquelz ne se parle ung seul mot.</p> + +<p>Des différandz des Pays Bas, et ce que Espinola et Fiesque en +trettent d'ung costé, et ce que l'ambassadeur et Anthoneda en +trettent de l'aultre, pareillement ce que Cecille cerche d'en fère +mettre en avant par le S<sup>r</sup> Ridolfy, et la remonstrance que j'ay faict +au dict ambassadeur pour empescher l'accord des deniers.</p> + +<p>Du S<sup>r</sup> Chapin Vitel.</p> + +<p>De ce que Leguens a mandé.</p> + +<p>De fère administrer justice en Bretaigne aulx Angloys.</p> + +<p>Au cas que la Royne d'Escoce se veuille retirer en France, me +mander si Leurs Majestez l'auront agréable, et qu'est ce que j'auray +à fère, si elle entreprend de passer en Flandres.</p> + +<p>Parler à Monsieur le duc de la pleincte que ceulx ci font qu'on +retarde par trop à Paris les passeportz à leur ambassadeur.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span></p> + +<h2 class="p4">LXXXVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais, par Olyvier Cambernon.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Efforts faits en Angleterre pour obtenir le consentement de l'Espagne, afin +de disposer des deniers saisis et déposés à la Tour.—Intérêt du roi à l'empêcher +pour que cet argent ne serve pas à faire des levées d'hommes contre +la France.—Affaires d'Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, les choses que Mr de Montlouet a vues, et entendues +icy, et celles dont nous avons heu communication ensemble, +il les sçaura si bien représenter à Voz Majestez, +que je n'entreprendray de vous en toucher icy ung seul +mot; seulement je vous diray, Sire, touchant celles qui +sont venues à ma cognoissance, despuys qu'il est party, +que le voyage qu'il sçayt que Mr le cardinal de Chatillon a +faict à Hamptoncourt, le jour de caresme prenant, a esté +pour deux occasions; l'une, pour prier la Royne d'Angleterre +de permettre à Rouvrey, lequel par fortune de temps +est arrivé mallade et blessé à Grènezé, qu'il y puisse demeurer +quelque moys pour se guéryr, nonobstant l'estroicte +deffance qu'il y a de n'y souffrir aulcun estrangier, ce qu'il +a facillement obtenu; et l'aultre occasion est pour très +instemment prier la dicte Dame, avec les ambassadeurs des +princes protestans, et avec ceulx, qui naguières sont venuz +de la Rochelle, qu'elle veuille acquiter, à ce prochain +mars, certaine portion d'ung sien debte qu'elle a promiz de +payer en Allemaigne, affin qu'ilz s'en puyssent ayder à +fère leurs levées, prenant sur eulx la dicte portion du principal +<span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span> +avec les intérestz <em>pro rata</em>. Mais à cecy la dicte Dame +a respondu qu'elle avoit meintenant tant d'affères en son +royaume, qu'elle estoit pour entrer plus tost en nouveaulx +empruntz que de payer les vieulx debtes, et qu'il +n'estoit possible qu'elle entendît à faire aulcun payement, +si elle ne s'aydoit des deniers d'Espaigne, ausquelz elle +n'avoit encores touché, attendant qu'il s'y fît quelque bon +accord. Sur quoy, se trouvant que Espinola et Fiesque +avoient miz en avant une composition au nom des merchans, +de laysser les dicts deniers à la dicte Dame, jusques +à l'entier accord des différans des Pays Bas, à intérest +de dix pour cent pour l'advenir, sans payer rien du passé, et +baillant seulement la chambre de Londres et mestre Grassein +pour respondans, tant du principal que des dictz intérestz, il +se faict une extrême sollicitation que cella s'effectue; et je +inciste, de tout ce qu'il m'est possible envers l'ambassadeur +d'Espaigne, qu'il le veuille empescher, luy remonstrant que +ce sera accommoder d'aultant ceulx qui vous mènent la +guerre en vostre royaulme, lesquelz se prévauldront de +ces deniers; et il sçayt combien il y court un grand préjudice +pour son Mestre: à quoy il m'a promis de fère tout ce +qu'il pourra pour l'interrompre, mais il creinct que Albornoz, +secrétaire du duc d'Alve, tienne la main à cella pour l'amytié +qu'il a avec les dicts Espinola et Fiesque, ou pour +avoir receu d'eulx un présent de douze ou quinze mil escuz, +ainsy qu'on dict qu'ilz en offrent icy ung aultre de +cinquante mil escuz au comte de Lestre et de vingt mil à +Cecille. Mais je ne puys croyre que les dicts Espinola, +Fiesque et Albornoz mènent ung tel faict, qui touche grandement +l'intérest du Roy d'Espaigne, duquel ilz sont subjectz, +et bien fort sa réputation et celle du duc d'Alve, +<span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span> +pareillement l'offance de son ambassadeur, icy résidant, et +des aultres deux ambassadeurs qui, à diverses foys, y ont +esté envoyez, ensemble celle qui a esté faicte à leurs navyres, +à leurs subjectz et merchandises, sans que le dict +Roy Catholique et le duc d'Alve y soient consentans. Et +j'ay freschement heu adviz, assés conforme à ce que j'ay +dict au dict S<sup>r</sup> de Montlouet, que l'on est après de tirer le +Roy d'Espaigne hors de l'obligation des merchans, et du +risque des dicts deniers; et qu'avec cella, il dissimulera +pour ceste foys tout le reste, dont semble estre fort requis, +Sire, que Vostre Majesté face instamment requérir le dict +duc d'Alve de ne souffrir que les dicts deniers soyent ainsy +délayssez à la dicte Dame par la composition des merchans; +car, s'il s'y oppose, la dicte Dame n'y ozera toucher, et, +aultrement, il est tout certain qu'il en sera envoyé une +partie en Allemaigne pour fère les levées; vous suppliant +très humblement, Sire, me pardonner, si je vous oze dire +que, au poinct où vous et vos affères se retrouvent meintenant, +une telle chose n'est aulcunement tollérable au dict +duc d'Alve.</p> + +<p>Au surplus, il semble que ceste Royne et les siens se +veuillent bientost résouldre à l'entreprinse des choses d'Escoce; +car ils sont toutz les jours à consulter là dessus, dont +je mettray peyne de descouvrir, aultant qu'il me sera possible, +leurs dellibérations, et de fère que les partisans de la +Royne d'Escoce par dellà en soyent advertys; et suys toutjours +d'adviz, Sire, que debvez envoyer promptement +ung ou deux personnaiges de bonne qualité par dellà pour +confirmer le pays à vostre dévotion, ainsy que ceulx cy y +dépeschent de leur part aulcuns de leur conseil, pour le +disposer, s'ilz peuvent, à la leur; et cependant j'ay advyz +<span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span> +qu'ilz ont mandé armer promptement deux grandz navyres +à Bristo, et mettre cent cinquante bons hommes dessus, +pour surprendre les deux navyres françoys qui sont allez +avitailler Dombertran, ainsy qu'ilz s'en retourneront. A +quoy Vostre Majesté advisera du remède qui s'y pourra +donner. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xııı<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<h2 class="p4">LXXXIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée par Joz, mon secrétaire, exprès jusques à la court.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Nécessité de se prémunir en France contre l'expédition qui se prépare en +Allemagne.—Secours d'argent et de munitions que l'on se dispose à envoyer +d'Angleterre à la Rochelle.—État des affaires en Écosse après le +meurtre du comte de Murray.—Armement fait à Londres que l'on pourrait +craindre de voir diriger contre Calais.—Divisions qui se continuent +entre les seigneurs d'Angleterre.—Offre faite au roi de la part d'un seigneur +anglais.—<em>Mémoire</em> sur les affaires générales d'Angleterre et d'Écosse.—Regret +éprouvé par Élisabeth de la mort de Murray.—Dispositions +prises en Angleterre pour mettre le royaume en état de défense, et fournir +de l'argent aux protestants de France.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ayant miz peyne de vériffier l'adviz que, par mes +précédantes, du xııı<sup>e</sup> du présent, je vous ay mandé touchant +certains deniers, qu'on presse la Royne d'Angleterre +de fornyr en Allemaigne sur l'acquit de ses debtes, afin +que les princes protestans s'en puyssent accommoder au +payement de leurs levées, je tiens pour asseuré, (nonobstant +que la dicte Dame et les siens facent démonstration +<span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span> +toute au contraire, et que Mr l'ambassadeur d'Espaigne, +qui n'a moins suspect en cest endroict ce qui s'en pourchasse +au nom du prince d'Orange, que moy la sollicitation +de ceulx de la Rochelle, n'en ayt encores rien descouvert,) +que néantmoins la chose est desjà toute conclue, +ainsy que j'ay baillé, par instruction, à ce mien secrétaire, +de le fère particullièrement entendre à Voz Majestez; et +semble, Sire, que ne debvez plus demeurer sur le doubte +si les Allemans descendront ou non, mais vous préparer +comme pour leur résister et pour leur empescher l'entrée +de vostre royaulme; à laquelle dellibération, de fornyr +deniers, j'entans que la dicte Dame a beaulcoup résisté, +comme celle qui ne s'en vouloit auculnement despourvoir; +mais elle n'a sceu comment enfin s'excuser de n'acquicter +son debte et fère tout ensemble playsir à ses amys, sans +qu'il luy coste que la seule advance de l'argent qu'elle +doibt, dont elle demeure quiete; et néantmoins luy sera +dans quelques moys rembourcé. J'ay d'ailleurs envoyé soigneusement +enquérir, par les portz de ce royaulme, s'il +y auroit aulcun congé, ou permission, d'enlever pouldres +et monitions pour la Rochelle; et m'a l'on raporté qu'à la +vérité il n'y a nulle expresse permission de cella, mais +qu'aulcuns merchans ont bien achapté secrectement des +bledz et des chairs en ce pays, et ont faict venir de Nuremberg, +de Hembourg et d'Anvers, des pouldres, des +armes, des beuffles et choses semblables pour les envoyer +à la Rochelle, afin de faire leur profict; à quoy j'essaye +bien de les empêcher, mais ils nyent que ce soit pour la +Rochelle; néantmoins j'ay adverty ceulx de ce conseil que +Vostre Majesté déclairera de bonne prinse tous les vaysseaulx +qu'on trouvera retournans du dict lieu. +<span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span> +Les choses d'Escoce se racontent en diverses façons, +mais l'on tient pour la plus vraye que le comte de Morthon +s'est vollu ingérer au gouvernement du pays en qualité de +régent; et que plusieurs des grandz s'y sont opposés, et +ont si bien relevé le nom de leur Royne que son auctorité +y est pour ceste heure la plus recogneue; et que le duc +de Chatellerault est encores prisonnier et resserré davantaige +pour la souspeçon du murtre du comte de Mora; que +Ledinthon est hors de pryson; que les principaulx des deux +factions ont convenu de laysser courir, pour ceste heure, +le seul exercisse de la religion nouvelle dans le pays, et +que pour l'establissement des affères l'on assemblera les +Estatz, où s'espère que le retour et restablissement de leur +Royne sera requiz.</p> + +<p>J'entans que ceulx cy arment plus de vaysseaulx que +les deux que j'ay mandé par mes précédantes, tout au +long de la coste d'ouest, pour garder que nulz navyres +estrangiers puissent aller ny venir en Escoce, espéciallement +à Dombertran. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvıı<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<p class="p2 blockquote">Je viens, tout à ceste heure, d'estre adverty que ceulx cy sont après +à ordonner ung grand armement des navyres de guerre de ceste +Royne et aultres de ce royaume, pour une grande entreprinse, +qu'ilz veulent exécuter avec intelligence du prince d'Orange, qui +les doibt ayder de ses vaysseaulx qu'il a en mer, sous la charge du +S<sup>r</sup> de Olain et du bastard de Briderode; et espèrent aussi se prévaloir +de ceulx de la Rochelle. Aulcuns soupeçonnent que ce soit sur +Callais, dont j'ay réouvert le pacquet pour y adjouxter cest article, +encor que je ne l'aye plus avant vériffié. J'ay aussi présentement receu +les deux dépesches de Vostre Majesté, du xxvıı<sup>e</sup> du passé et du +sixiesme d'estuy cy, par un mesme courrier, sur lesquelles je verray +bientost ceste Royne, et ne changeray rien pour la venue d'icelles +en ceste dépesche.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span></p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p><span class="fancyfont">Chiffre.</span>—[Madame, la division continue toutjour en ce +royaume, et le malcontantement croyt de plus en plus ez +cueurs des principaulx et des Catholiques, parce que les +gouverneurs, qui sont des moindres et toutz protestans, +procèdent insolentement contre eulx; dont ne peult estre +que bientost l'altération ne s'en monstre bien grande, et +que la cause de la religion, celle de la Royne d'Escoce, +celle des seigneurs prisonniers, et encores celle de l'incertaine +succession de ce royaulme, qui ont chacune leurs +partisans, ne produyse de divers effectz; en quoy je mettray +peyne de tenir le nom du Roy le plus relevé que je +pourray, et qu'il n'y en ayt point de plus respecté que le +sien.</p> + +<p>X.... m'est venu trouver, sur les dix heures de nuict, +pour me dire que, s'il playt au Roy de le recepvoir, il +passera très vollontiers à son service, avec une si bonne +entreprinse en main que, quant Sa Majesté la vouldra +exécuter, il la trouvera très utille pour sa grandeur, adjouxtant +plusieurs occasions de son malcontantement et de +celluy des principaulx seigneurs de ce royaulme. Sur quoy, +ne saichant s'il venoit pour m'essayer, j'ay respondu que +je ne sçavois que le Roy eust aultre intention que fort +bonne à l'entretennement de la paix avec la Royne d'Angleterre +et avec son royaulme; mais, parce que toutes +ses prétencions et desirs ne me pouvoient estre cognuz, je +ne fauldrois de l'advertir de ce qu'il me disoit, et qu'il pouvoit +bien considérer que Sa Majesté avoit à se douloir, +aussi bien que luy, de ceulx qui gouvernoient en ce +<span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span> +royaume; et qu'à ceste occasion il le pourroit bien accepter +et l'employer à s'en revencher ensemble; dont il m'a +dict qu'il viendra, dans quelque temps, sçavoir la responce +que Vostre Majesté m'aura faicte]. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvıı<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">Instruction au S<sup>r</sup> de Jos</span> de ce qu'il aura à dire à Leurs Majestez, +oultre le contenu de la dépesche.</p> + +<p>Ainsy que la Royne d'Angleterre estoit après à esteindre les +troubles du North, et à pourvoir qu'ilz ne se peussent plus rallumer; +et qu'elle faisoit estat, que d'Escoce, d'où elle heut heu le plus à se +doubter, ne luy viendroit que toute faveur et assistance, tant que le +comte de Mora y commanderoit, mesmes qu'il tenoit le comte de +Northumberland en ses mains; et ne cerchoit sinon comme elle et luy +pourroient concourre en ung mesme intérest contre la restitution de +la Royne d'Escoce; il n'est pas à croire combien la dicte Dame a +vifvement senty la mort du dict de Mora.</p> + +<p>Pour laquelle, s'estant enfermée dans sa chambre, elle a escryé, +avecques larmes, qu'elle avoit perdu le meilleur et le plus utille +amy, qu'elle eut au monde, pour l'ayder à se meintenir et conserver +en repos, et en a prins ung si grand ennuy que le comte de Lestre a +esté contrainct de luy dire, qu'elle faisoit tort à sa grandeur de +monstrer que sa seurté et celle de son estat eussent à dépendre d'ung +homme seul.</p> + +<p>Et parce que l'avitaillement de Dombertran, la venue de Mr de +Montlouet, quelque course du comte de Vuesmerland sur la frontière, +et la retrette d'aulcuns Anglois en Escoce, sont advenues en +mesme temps, la dicte Dame et ceulx de son conseil sont entrez en +grand opinion que les Catholiques de ce pays, avec l'intelligence des +estrangiers, ayent mené ceste practique, et qu'il y ayt bien d'aultres +entreprinses en campaigne.</p> + +<p>Et mesme l'on s'esforce de randre suspect à la dicte Dame le propos +de la paix de France, comme si, la faisant, l'on debvoit incontinent +luy déclairer la guerre; ce que toutesfoys elle ne se veult +ayséement persuader, et pourtant ne peult laysser de la desirer, +pourveu qu'il ne s'y conclue rien contre elle, ny trop au désadvantaige +de sa religion; affin qu'elle demeure deschargée de tant de demandes +<span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span> +et importunités qu'on luy faict pour l'entretennement de +ceste guerre.</p> + +<p>Mais parce qu'aulcuns luy remonstrent que des exploicts de ceste +année a de résulter l'establissement ou la ruine de sa dicte religion, +et pareillement le repos ou l'altération de son estat, car ilz +conjoignent l'ung avecques l'aultre, j'entendz que la dicte Dame et +ceulx de son conseil ont desjà résolu la plus part des choses qu'ilz +estiment estre besoing d'y pourvoir, desquelles j'ay sceu en premier +lieu:</p> + +<p>Qu'ilz ordonnent de continuer la description des forces, que j'ay +cy devant mandées, de quatre vingtz dix mil hommes de pied et trente +mil chevaux, en trois endroictz de ce royaulme; et que la charge en +sera principallement commise aulx Protestans, et qu'on regardera de +si près aux Catholiques, qu'on ne leur permettra de se trouver plus +de six ensemble, sur peyne de pryson: que les seigneurs, qui sont +dettenuz, seront resserrez davantaige, et sera continué d'enquérir +contre eulx, mesme a esté parlé de <em>convoquer ung parlement</em> pour +trois occasions seulement; l'une, pour avoir deniers; et l'aultre, pour +déclairer criminels de lèze majesté ceulx qui se sont ellevez, et leurs +adhérans, affin de procéder à leur confiscation; et la troisième, +pour confirmer les décrectz de leur religion. Mais de peur que le +dict parlement ne veuille toucher à d'aultres choses, il n'est encores +résolu de le convoquer; et est, en toutes sortes, si rigoureusement +procédé contre les dicts Catholiques, qu'ilz vivent en grand frayeur, +dont les Protestans, qui ont toute l'auctorité, pensent que par ce +moyen ilz les pourront contenir.</p> + +<p>Pour le regard des choses d'Escoce, ayantz faict passer le mareschal +de Barvich, et ung capitaine de la mesme garnyson, au dict pays, +incontinent qu'on a entendu l'inconvéniant du dict de Mora, affin +de relever le party qu'il tenoit, ilz y ont despuys envoyé Randof, et +sont après à y dépescher encores Raf Sadeller qui est du conseil, avec +lettres à huict principaulx du pays et créance de leur offrir hommes +et argent au nom de ceste Royne; et ont donné charge au comte de +Sussex de doubler la garnyson de Barvich, dont il emporte commission +d'y mettre promptement cinq centz hommes, et trois centz chevaulx +de renfort; et, à cest effect, luy a esté baillé douze capitaines +de la suyte de ceste court, estimans que la dicte garnyson de Barvich, +ainsy renforcée, laquelle sera de mil harquebouziers et six centz +chevaulx, avec l'ayde du gardien de la frontière, suffira contre les +courses de Vuesmerland, jusques à ce que cest esté, ou plus tost, +<span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span> +ils auront dressé armée pour aller courre l'Escoce, affin d'y establyr +les choses à leur dévotion, estant l'opinion d'aulcuns qu'ilz se saysiront, +s'ilz peuvent, du petit prince du pays; et qu'ayantz la +mère et le filz en leurs mains, il leur sera aysé de annuller le tiltre +que la mayson d'Escoce prétend à la succession de ce royaulme.</p> + +<p>Et ne deffault qui persuade à ceste princesse qu'affin qu'elle ne +soit, ny par le costé de France, ny de Flandres, empeschée en ses +affères de deçà, qu'elle doibt accommoder les princes protestans en +leurs entreprinses de dellà, et leur donner moyen qu'ilz se puissent +prévaloir d'aulcuns deniers de ce royaulme, pourveu qu'elle n'en +desbource rien; dont j'entens qu'après s'en être quelque temps +fort excusée, enfin elle a condescendu de dire à ceulx de son +conseil qu'ilz advisent comment cella se pourra fère; dont desjà ont +résolu que la dicte Dame payera, dans le moys d'apvril, une partie +de ses debtes en Allemaigne, laquelle iceulx princes prendront des +mains de ses créditeurs; et encor que les deniers reviegnent toutz à +son acquit, ilz luy seront néantmoins remboursez, la moictié des +prinses, et l'aultre moictié par les esglizes protestantes de ce +royaulme; lesquelles, à ce qu'on dict, ont accordé de bailler quatre +vingtz mil escuz dans huict moys, ainsy que de mesmes les aultres +esglizes protestantes de France, de Flandres, d'Allemaigne, des +Suisses, d'Itallie, et mesmes disent d'Espaigne, contribuent à ceste +guerre: dont l'on faict compte que la contribution de toutes ensemble, +comprins les dix mil escuz de ceste cy, monte envyron trente +mil escuz toutz les moys.</p> + +<p>Mais la difficulté est en ce que, sans mettre la main aux deniers +d'Espaigne, la dicte Dame ne peut, ny veult payer aulcune portion +de ses debtes, ceste année, en Allemaigne, affin de ne se desfornyr +d'argent; et ce qui a esté cause de quoy Espinola et Fiesque ont +esté mieux ouys sur les offres qu'ilz ont faictes, au nom des merchans +Espaignolz et Gènevoys, de laysser les dicts deniers à la dicte Dame, +ainsy que je l'ay mandé par mes précédantes. Et j'ay advis qu'on +tient cella pour si accommodé, que desjà est ordonné à M<sup>e</sup> Grassein +d'en distribuer quarante cinq mil livres d'esterlin aulx merchans de +ceste ville, c'est cent cinquante mil escuz, pour les fornyr, à ce prochain +apvril, en Allemaigne, aux dits créditeurs de ceste Royne et +vingt mil <sup><i>lt</i></sup> aussi d'esterlin, c'est soixante douze mil escuz, ordonnez +pour les affères d'Escoce.</p> + +<p>Reste seulement que la dicte Dame demande aus dicts Espinola et +Fiesque ung mot de lettre du Roy d'Espaigne, par lequel il advouhe +<span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span> +que les dicts deniers sont des merchans, et non siens; ce que l'ambassadeur +d'Espaigne, qui est ici, me promect que son Mestre ne le +fera jamais. Aultres estiment que, pour sortyr hors de l'obligation +et du risque des dicts deniers envers les merchantz, qu'il ne reffusera +de le fère; aultres disent que, ores qu'il ne le face, qu'on ne lairra +pourtant d'accorder des dicts deniers avecques les merchans, et s'en +ayder en Allemaigne; néantmoins, il sera toutjour bon d'incister +au duc d'Alve qu'il empesche le dict accord:</p> + +<p>Car il est desjà nouvelles que Quillegrey sera dépesché pour aller +porter les lettres de police du dict payement, et pour aller faire semblables +offices, ceste année, qu'il fit la précédente envers les princes +protestans; dont s'estime, qu'à son arrivée par dellà, plus qu'à celle du +jeune comte de Mensfelt, les dicts princes s'esmouveront et commenceront +de marcher; et que le dict de Mensfelt n'a emporté que quelques +lettres d'acquit, pour vingt mil livres d'esterlin, qui avoient esté +desjà prinses sur les bagues de la Royne de Navarre. Par ainsy, il +fault fère estat que l'armée de Cazimir yra au secours de ceulx de la +Rochelle.</p> + +<p>Il semble qu'on ayt vollu imprimer quelque peur à ceste princesse +du duc de Olstein, luy donnant entendre qu'il a esté devers le +duc d'Alve à Bruxelles pour tretter quelque entreprinse contre elle, +et qu'il faict une levée de gens de pied et de cheval vers Hembourg +et Osterelan, de quoy elle a certain adviz, et que le duc Ery de +Bronzouye a aussi la sienne toute preste; dont, encor que le dict duc +d'Alve monstre que son principal prétexte soit pour résister aulx entreprinses +du prince d'Orange, néantmoins la jalousie qu'elle s'est +donnée de cella, et possible le desir de favoriser les affères du dict +prince d'Orange, et les choses advenues par la mort du comte de +Mora sont cause dont elle se laysse ainsy aller à la forniture de +deniers en Allemaigne; aulcuns estiment tout le contraire du duc +d'Olstein, qu'il est pour le dict prince d'Orange, bien m'a l'on dict +qu'il y a desjà trois ans que ceste Royne a osté de son estat le dict +de Olstein lequel souloit être son pencionnaire.</p> +</div> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span></p> + +<h2 class="p4">XC<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.—</p> + +<p class="center"><i>(Envoyée par Hamberlin, chevaulcheur d'escuerye, jusques à la court.)</i></p> + +<p class="hanging indent">Audience accordée à l'ambassadeur; communication faite à Élisabeth de l'état +des négociations en France pour arriver à la pacification.—Conditions +proposées par le roi.—Offre faite par la reine d'Angleterre de sa médiation.—Nouvelle +assurance qu'elle n'a donné aucun secours aux protestans +de France.—Affaires de la reine d'Écosse.—Élisabeth propose d'accepter +la médiation du roi pour ses différends avec Marie Stuart.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, pour faire entendre à la Royne d'Angleterre ce +qui a passé avec les depputez de la Royne de Navarre, des +princes de Navarre, de Condé, et des aultres de leur party, +qui vous ont très humblement requiz la paix, je luy ay récité +les mesmes bons et bien convenables propos de vostre +lettre du vı<sup>e</sup> du présent, avec ung peu d'expression de l'incroyable +débonnaireté et infinye clémence qu'il vous playt +user envers eulx, sur toutes les offances, ruynes et dommaiges, +que vous et vostre royaulme avez receu de leur +ellévation et de leur prinse d'armes; et que si la dicte Dame +veult considérer les grâces et concessions que vous leur offrez, +je m'asseure qu'elle les estimera, sinon excessives, +à tout le moins telles que de plus grandes vous ne leur en +pouvez bonnement concéder, sinon que pour les contanter +à eulx seulz, Vostre Majesté se vollût par trop se malcontanter +soy mesmes, et offancer vos aultres bons subjectz +catholiques, qui sont de vostre party, qui ont toutjour +<span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span> +suyvy vos intentions, n'ont onques contradict à icelles, +ont combattu avecques vous et pour vous, et n'ont rien +espargné du leur pour vous secourir; et pareillement offancer +bonne partie du reste des Chrestiens, espéciallement les +princes, vos alliez et confédérez, qui monstrent avoir intérest +en ceste cause pour la religion catholique et pour la +souveraine auctorité, qu'ilz desirent estre, l'une et l'aultre, +bien conservées en vostre royaulme, comme en ung +siège principal de la Chrestienté, en quoy, en lieu qu'ilz +vous penseroient avoir regaigné pour bien veuillant et favorable +prince, il est à croyre qu'ilz vous trouveroient à +jamais offancé, irrité et bien fort ulcéré contre eulx.</p> + +<p>La dicte Dame, d'ung visaige bien fort joyeulx et contant, +après plusieurs bien bonnes parolles du mercyement, +qu'elle m'a prié de vous fère, pour une tant favorable +communication du pourparlé de paix avec vos subjectz, +a curieusement vollu lire les articles d'icelluy, et j'ay +miz peyne de les lui fère trouver plus que raysonnables +de vostre costé; et que, si ceulx de l'aultre part se monstrent +tant sans rayson qu'ilz ne les acceptent, que Vostre +Majesté la prie de les tenir dorsenavant pour ceulx qui ne +sont meuz d'aulcun desir de religion, ains d'une pure ambicion +d'occuper l'authorité souveraine s'ilz pouvoient; et +que, pour le debvoir de l'alliance et bonne amytié, qui est +entre Vostre Majesté et la dicte Dame et voz deux couronnes, +elle les veuille à jamais exclurre de sa protection, +faveur et secours, et nomméement de l'assistance de deniers +qu'ilz se vantent debvoir avoir ceste année d'elle ou +de son royaulme; et, comme ennemye conjurée contre eulx, +se veuille unyr avec Vostre Majesté pour les réprimer, +et pour vous ayder de reconquérir sur eulx les droictz +<span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span> +souverains, qu'ilz s'esforcent [d'usurper], et donner exemple +aux aultres subjectz d'ozer, par prétexte de religion, +entreprendre d'usurper sur leurs vrays et naturelz princes +et seigneurs.</p> + +<p>A quoy elle m'a respondu qu'elle ne doubte aulcunement +que, en Vostre Majesté et en celle de la Royne, ne soit +le mesmes bon desir que les dicts articles monstrent pour +la réunyon et réconcilliation de voz subjectz, et comme +elle le loue infinyement, ainsy vous prie elle de croyre +qu'elle a grand affection de la veoir bien effectuée; et que, +si ceulx de la Rochelle ont de quoy pouvoir, sans contraincte +de leur conscience, vivre soubz vostre auctorité, +en paix et bonne seurté de leurs vyes et de leurs personnes, +elle ne voyt commant ilz le puyssent, ny doibvent +reffuzer; dont, si pour la conclusion d'ung si bon œuvre, +au cas qu'il y intervienne aulcune difficulté, il vous playt +qu'elle s'y employe, elle le fera droictement à l'advantaige +deu à Voz Majestez, comme si c'estoit pour le sien propre; +et quant à secours, elle peult jurer devant Dieu qu'il +n'en est procédé d'elle, ny en argent, ny en aultre chose, +dont ilz se puyssent raysonnablement vanter qu'elle leur +en ayt baillé contre vous, et qu'elle n'ozeroit jamais lever +les yeulx pour me regarder, si, après tant de parolles et +de promesses qu'elle m'a faictes vous escripre là dessus, +elle venoit meintenant à leur en donner.</p> + +<p>J'ay esté en doubte, Sire, comment uzer de ce, qu'en +lieu que je l'ay requise de leur estre ennemye, s'ilz +n'acceptent les condicions de paix, elle s'est offerte d'en +composer les difficultez; dont, sans en rien acepter, je +l'ay seulement remercyée, au nom de Voz Majestez, et +que je ne fauldrois de le vous escripre, et ay poursuyvy que +<span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span> +j'espérois que la mesme responce conviendroit à ce que +j'avoys à luy requérir très instantment de vostre part, qu'elle +vous vollût tout ouvertement signiffier si une levée de huict +mil reystres, qu'on vous a mandé que le duc d'Olstein et +le comte d'Endein font pour elle en Allemaigne, est en +faveur de ceulx de la Rochelle, ainsy qu'on le vous veult +persuader, et qu'il vous semble bien que la dicte Dame +doibt ceste franche et claire déclaration à la bonne amytié, +que Voz Majestez Très Chrestiennes luy portent, et que +le cueur ne vous peult dire que vous ayez en ce temps à +espérer actes si ennemys et si contraires du costé de la +dicte Dame.</p> + +<p>Elle m'a respondu, de fort bonne façon, que Mr Norrys +luy a touché ce particullier par ses lettres, et que par +lui mesmes elle vous y fera satisfère: cependant me vouloit +bien asseurer qu'elle ne faict point fère la dicte levée, et +qu'elle ne veult jamais estre estimée Royne, s'il se trouve +aultrement; et a passé oultre à me dire qu'il se parle bien +de quelque levée à venir, mais qu'elle ne sçayt encores ce +qui en est; et, quand elle l'entendra, s'il y a rien contre +Vostre Majesté, elle me le fera notiffier.</p> + +<p>Je croy que la dicte Dame m'a respondu assés sellon la +vérité et sellon son intention en ces deux choses; mais je +mettray peyne de mieulx les vériffier, et sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxıı<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A LA ROYNE.</p> + +<p>Madame, ayant envoyé me condouloir à Mr le comte +de Lestre du peu de satisfaction que la Royne, sa Mestresse, +a vollu donner à Voz Majestez Très Chrestiennes, +<span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span> +par Mr de Montlouet sur les affères de la Royne d'Escoce, +il m'a mandé que je debvois excuser la dicte Dame sur +les espouvantables conseilz qu'on luy donnoit, de la subversion +de sa couronne et de son estat, si elle ne procédoit +encores plus rigoureusement contre elle, ce qui n'estoit +aulcunement sellon son cueur; et que, n'ozant de luy +mesmes se ingérer de luy en parler, si je luy en voulois +escripre une lettre à part, il la feroit si oportunément veoir +à la dicte Dame qu'il espéroit que les affères de la dicte +Royne d'Escoce s'en porteroient mieulx. Je luy ay escript +aulcun peu de motz, lesquelz il luy a monstrez, et elle +m'a faict cognoistre, en ma dernière audience, qu'elle +les avoit bénignement receuz; lesquelz ont heu tant d'effect +qu'elle m'a offert d'elle mesmes que, s'il playt à Voz +Majestez mettre en avant ung moyen ou expédiant entre +elles deux, qui soit honneste et non préjudiciable à elle +ny à sa couronne, ny contraire à son honneur et conscience, +qu'elle y entendra très vollontiers; et ainsy m'a +elle, une et deux foys, prié de vous le mander. Dont je +mettray peyne, Madame, d'entendre là dessus le désir +de la dicte Royne d'Escoce, et le conseil, s'il m'est possible, +de Mr l'évesque de Roz, lequel est encores bien resserré, +pour en user le plus oportunément que je pourray. +Cependant il plairra à Voz Majestez m'en commander +ung mot par une lettre que je puysse monstrer, et sur +ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxıı<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span></p> + +<h2 class="p4">XCI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXVI</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Callais par Lepecoc</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Opinion générale répandue en Angleterre que la paix sera prochainement +conclue en France.—État des affaires en Flandre.—Incertitude sur les +nouvelles d'Écosse; nécessité d'envoyer un prompt secours dans ce pays.—Réclamation +des Anglais contre la conduite qui est tenue à leur égard en +Bretagne.—Vives instances de Marie Stuart pour obtenir un secours de +France.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, après avoir, le xx<sup>e</sup> de ce moys, amplement discouru +à la Royne d'Angleterre en quel estat estoient demourées +les choses avec les depputez de la Rochelle, lorsque +Vostre Majesté m'a commandé de luy en parler, et que +la dicte Dame m'eust prié de luy laysser le mémoire des +condicions que vous leur offriez, lesquelles elle ne fit semblant +de les trouver que bien fort raysonnables, et qu'elle +ne voyoit plus aulcune difficulté en cella, sinon possible ung +peu de l'asseurance, à cause de l'infraction des précédantz +traittez, elle manda, le jour d'après, Mr le cardinal de +Chatillon pour les luy communiquer; et ne sçay encores, +Sire, ce qui en fut débattu entre eulx, sinon qu'on m'a +adverty que le dict S<sup>r</sup> cardinal dict que la Royne de Navarre, +plus de douze jours auparavant, luy en avoit en substance +mandé le contenu, à la mesure que les depputez, +durant le pourparlé, le luy escripvoient, et qu'il faisoit +grand difficulté que la paix se peult conclure là dessus, +<span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span> +qu'il ne leur fût en quelque chose mieulx satisfaict, et en +quelque aultre plus seurement pourveu. Je mettray peyne +de sçavoir si la dicte Dame a trouvé fondement en sa dicte +difficulté, veu qu'elle m'a dict que ses plus sçavantz prescheurs +maintenoient, par tesmoignages de l'escripture +saincte, que nulle eslévation contre son prince, ny mesmes +pour la conscience, peult estre juste ny raysonnable.</p> + +<p>Il semble qu'on ayt icy assés d'opinion que la paix se +conclurra, et néantmoins je n'entendz qu'on révoque l'ordonnance +des deniers pour Allemaigne, bien qu'aulcuns +estiment que les levées de gens de guerre sont retardées +pour attandre quelle fin le dict traitté prendra; et se parle +beaulcoup plus, à ceste heure, des aprestz du prince d'Orange +que de ceulx de Cazimir, et qu'encores que en +Flandres ne s'en face aulcun semblant, que néantmoins le +duc d'Alve ne laysse de pourvoir secrectement à ses affères; +dont ceulx cy ont quelque adviz de ses aprestz, et mesmes +tiennent pour assés suspectz ceulx qu'ilz entendent qu'il +faict pour la mer, qui ne peuvent, ce leur semble, estre +dressez contre le dict prince; et par ainsy, doubtent que +ce soit contre eulx, mais ilz monstrent de ne les craindre +guières. La composition des deniers et merchandises, arrestées +par deçà sur les subjectz du Roy d'Espaigne, se +poursuyt toutjours. Il est vray qu'il semble qu'on attand +la responce d'une dépesche, que le duc d'Alve, après le +retour du S<sup>r</sup> Chapin en Flandres, a faicte au Roy son +Mestre sur ceste affère, qui n'est encores venue.</p> + +<p>Je ne puys avoir certitude des présentes choses d'Escoce, +et semble que le S<sup>r</sup> Randolf mesmes, qui est sur le +lieu de la part de ceste Royne, ne peult comprendre quelles +elles sont, et qu'il en escript confuzément. Le comte de +<span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span> +Lenoz se prépare toutjours pour y aller; mais il creinct +quelque malle adventure par dellà, et n'ayant la dicte +Royne d'Escoce faulte d'adviz en ses propres affères, elle +nous a faict tenir celluy que je vous envoye duquel nous +mettrons peyne d'en avoir plus grande vériffication; et +d'aultant qu'avec icelluy vous verrez, Sire, l'instance +qu'elle me prie de vous fère pour son secours, il ne sera +besoing de le vous exprimer davantaige, si n'est pour vous +dire, Sire, que peu d'ayde à ce commancement vous +pourra espargner les frays d'ung grand secours, que possible +cy après vous y vouldriez avoir envoyé; lequel, ou n'y +pourra lors passer, ou n'y viendra jamais assés à temps. +Je ne sçay si, suyvant mes précédantes lettres, ceste +Royne vouldra entendre à quelque bon expédiant avec la +dicte Royne d'Escoce, elle m'a faict démonstration d'y +estre assez bien disposée; mais la dicte Royne d'Escoce a +trop d'ennemys en ceste court.</p> + +<p>La dicte Royne d'Angleterre m'a faict dellivrer trois +Françoys qui estoient prisonniers à Colchester, et m'accorde +ordinairement, et fort libérallement, les provisions +de justice que je luy demande pour voz subjectz. Il est +vray que ceulx de son conseil m'ont faict escripre par le +juge de l'admyraulté que, s'il n'est faict rayson à trois Anglois, +qui vont pourchasser la restitution de leurs biens à +Granville en Bretaigne, qui leur a esté deux et trois foys +desnyée, que les Bretons ne s'esbahyssent plus s'ilz n'ont +dellivrance des biens qui leur seront prins ou arrestez par +deçà; vous supliant, Sire, mander au S<sup>r</sup> de La Roche, +cappitaine du dict Granville, qu'il les leur face dellivrer, +et que dorsenavant Vostre Majesté commande estre mieulx +pourveu à l'administration de la justice aux dicts Anglois +<span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span> +en Bretaigne, qu'ilz disent qu'ilz n'y en ont heu jusques +icy; et sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxvı<sup>e</sup> jour de febvrier 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p>Sur la fin de la présente m'est venu advis qu'il y a heu rencontre, +sur la frontière du North, entre millord Dacres, qui se retirait en Escoce +avec quelque troupe, et milord de Housdon gouverneur de +Barvich, qui l'a vollu empescher.</p> + +<p class="center"><span class="smcap">Extraict</span> de la lettre de la Royne d'Escoce à Mr l'évesque de Roz, +son ambassadeur.</p> + +<p>J'ay receu, par ce pourteur, la lettre que m'avez escripte du vı<sup>e</sup> +du présent, et suys fort marrye de vostre emprysonnement, à ceste +heure que mes affères ont grand besoing de vous, sur le poinct qu'on +m'a dict que le Roy a accordé d'envoyer deux mil hommes en Escoce; +je vous prie, sollicitez Mr l'ambassadeur de fère instance +à son Mestre qu'il les veuille haster, et advertissez l'arsevesque de +Glasco et Rollet, de faire le mesme par dellà. Je vouldrois bien entendre +quel secours nous aurons de Flandres. Je crains qu'il sera +assés petit, et qu'il viendra bien tard; car j'entends que desjà la +Royne d'Angleterre faict lever une armée de douze mil hommes en +ce pays, et en veult envoyer, du premier jour, trois mil en Escoce, +et puys après, y fère acheminer le reste par mer et par terre, avec +intention, comme on dict, d'avoir, ou par moyen, ou par force, mon +filz en ses mains, et puys après disposer de ma vie. Mais, si Dieu +m'est favorable, comme je n'en doubte poinct, je ne crains poinct +cella; néantmoins, je vous prie très affectueusement de le nottifier +aulx ambassadeurs, affin que, s'ilz m'ayment et ayment mes affères, +qu'ilz procurent de fère envoyer en dilligence le secours en Escoce. +Il est bruict que le Roy d'Espaigne est fort mallade, et que le Roy a +aultant à fère dedans son royaulme comme auparavant, et qu'il n'a +peu fère la paix avecques ses subjectz, dont vous prie m'en faire +entendre la vérité.</p> + +<p class="center"><span class="smcap">Extraict</span> d'aultre lettre escripte par la dicte Royne d'Escoce à Jehan +Cobert, secrétaire de Mr de Roz, du xııı<sup>e</sup> febvrier 1570.</p> + +<p>Jehan Cobert, si vostre mestre est si estroictement gardé qu'il ne +puisse vaquer à mes affères, ne faillez de trouver quelque moyen de +<span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span> +me donner toutjours adviz des occurrences, le plus souvent que vous +pourrez. Faictes mon excuse à Mr l'ambassadeur de France, si je +ne luy escriptz par ce pourteur, car je ne m'ose fyer en luy; supliez +le de parler à la Royne pour vostre mestre; et luy dictes que c'est +Huntington qui, par malice, a procuré son emprisonnement; car luy +mesmes m'a dict qu'il se vengeroit de luy. Priez le aussi, en mon +nom, de solliciter le Roy, son Mestre, comme je le mande en l'aultre +lettre, de haster le secours; car il peult veoir le grand dangier +en quoy mon royaulme et mon filz et moy sommes.</p> +</div> + +<h2 class="p4">XCII<sup>e</sup> DÉPESCHE.</h2> + +<p class="center">—du dernier jour de febvrier 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Callais, par le sire Crespin de Chaumont</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Détails circonstanciés de la rencontre qui a eu lieu entre milord Dacre et milord +Houston; défaite de milord Dacre qui a été forcé de se réfugier en +Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, au fondz de la lettre que j'ay escripte, le xxvı<sup>e</sup> +du présent à Vostre Majesté, j'ay faict mention d'ung rencontre +naguières advenu vers la frontière du North, du +costé d'Escoce, entre millord Dacres et millord de Housdon, +subjectz de ce royaulme, de quoy la confirmation +est despuys arrivée, qui se racompte ainsy: c'est que ayant +la Royne d'Angleterre, pour aulcuns soupeçons du dict millord +Dacres, et parce qu'il différoit de venir devers elle, +mandé à millord Housdon de l'aller surprendre, le plus secrectement +qu'il le pourroit fère, en une sienne mayson, +où il s'estoit retiré douze mil près l'Escoce; icelluy Dacres, +ayant descouvert l'entreprinse, le jour auparavant qu'elle +deust estre exécutée, par l'interception d'aulcunes lettres, +<span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span> +où il vit que desjà le dict de Housdon avoit mandé à millord +Scrup se trouver en certain lieu avec deux mil hommes, +et qu'il s'y rendroit à heure déterminée avec mil chevaulx et +cinq centz harquebouziers de la garnyson de Barvich, pour +l'aller assiéger, il fit dilligence d'en advertyr incontinent +ceux qui estoient en la frontière d'Escoce; et, de sa part, +il déliberra d'assembler ce qu'il pourroit des siens pour aller +combattre l'une des deux troupes, avant qu'elles se peussent +joindre. Et ainsy, en une nuict, il mict ensemble trois +mil hommes, et, le matin, alla rencontrer ceulx qui estoient +sortys de Barvich, et présenta la bataille au susdict de +Housdon; lequel, se trouvant avoir de meilleures gens et +mieulx équipés que luy, bien que en moindre nombre, se +résolut de le combattre, et néantmoins fit semblant de se +retirer, affin d'attirer l'autre en ung lieu estroict, où avec +l'harquebouzerye il le deffyt, et luy tua quatre centz des +siens, et en print cent ou six vingtz de prisonniers. Et à +peine se fût saulvé le dict Dacres mesmes, sans ce qu'il se +descouvrit quelques gens de cheval, en compaignie, qui +lui venoient au secours, à la faveur desquelz il se retira, +avec tout le reste, en Escoce. Quoy qu'il y ayt, Sire, et que +ce récit, qui vient de la court, soit à l'advantaige de ceste +Royne, elle et ceulx de son conseil sont bien fort marrys +de la retrette du dict Dacres, qui est, après le duc de +Norfolc, ung des plus principaulz hommes de ce royaulme. +Et sur ce, etc.</p> + +<p>Du dernier jour de febvrier 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span></p> + +<h2 class="p4">XCIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">IIII</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court, par le S<sup>r</sup> de Sabran</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Irritation causée à Londres par la nouvelle de l'expédition préparée en +France pour porter des secours en Écosse.—Effet produit par cette nouvelle +sur la reine d'Angleterre, dont elle change tout-à-coup les dispositions +à l'égard de la France.—Résolution d'Élisabeth de porter ses armes +en Écosse, et de secourir ouvertement les protestants de la Rochelle.—<em>Mémoire</em>: +détails des préparatifs faits sur mer en Angleterre pour empêcher +le secours de France d'arriver en Écosse.—Affaires de l'Écosse et +des Pays-Bas.—Demande faite par l'Espagne que le commerce avec l'Angleterre +soit interdit en France.—<em>Mémoire secret</em>: dispositions des seigneurs +anglais, qui sont poursuivis en justice, à soutenir les efforts de la France.—Vives +instances du duc de Norfolk pour que la reine d'Écosse soit promptement +secourue.—Proposition faite par l'ambassadeur à Leicester d'appuyer +de tout le crédit de la France son mariage avec Élisabeth; sous la +condition de la restitution de Marie Stuart.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, je n'avois poinct esté encore plus favorablement +ouy de la Royne d'Angleterre, et n'avois point receu d'elle +meilleures responces sur les choses, que je luy ay ordinairement +proposées de vostre part, despuys que suys par deçà, +que en ceste dernière audience du xx<sup>e</sup> du passé, ny les +seigneurs de son conseil ne m'avoient plus privéement +traicté, ny ne s'estoient monstrez plus favorables à me +parler des affères de ce royaulme que ceste dernière foys; +de sorte que je m'en retournay assés satisfaict, et au moins +avec quelque opinion que les choses seroient pour aller de +bien en mieulx entre Voz Majestez et voz deux royaulmes; +mesmes qu'ung du dict conseil passa si avant de me dire +que, pour quelques occasions ès quelles la France n'estoit +<span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span> +poinct meslée, j'entendrois bientost parler d'ung armement +que, longtemps y a, l'Angleterre n'en avoit gecté +ny de plus grand, ny de plus brave sur mer; et qu'il ne +failloit que j'en prinsse aulcun souspeçon, car tant s'en failloit +que ce fût contre Vostre Majesté, qu'il n'y auroit rien +qui ne fût à vostre bon commandement: et oultre cella, +la dicte Dame me tint lors toutz propos fort bons sur les affères +de la Royne d'Escoce, et sur la bonne disposition, en +quoy elle estoit, d'entendre à quelque bon expédiant avec +elle, s'il playsoit à Vostre Majesté de le mettre en avant.</p> + +<p>Par lesquelles choses j'estimay, Sire, que les plus modérez +d'auprès de ceste princesse eussent gaigné ung grand +poinct envers elle, mesmes que je sceuz, avant que partir +de là, que le comte d'Arondel avoit esté mandé en court +pour le desir que la dicte Dame monstroit avoir de regarder, +avec son conseil et avec sa noblesse, les moyens qu'il luy +falloit tenir, tant envers les princes ses voysins que envers +ses subjectz, pour maintenir la paix dehors et dedans +son royaulme. De quoy les passionnez, qui ont le crédit, +monstroient n'estre aulcunement contantz: et voycy, Sire, +ce que, deux jours après, leur est venu en main pour divertir +le bon cours de ces affères, et pour altérer les choses +plus que jamais, c'est que, par les lettres de Mr Norrys et +par celles du S<sup>r</sup> Randolf, qui en mesme jour sont arrivées +de France et d'Escoce, du xxıı<sup>e</sup> du passé, ilz ont eu +adviz que Vostre Majesté préparoit d'envoyer ung nombre +de gens de guerre en Escoce, qui se doibvent embarquer +en Bretaigne le ııı<sup>e</sup> jour de may prochain; ce qui leur a +donné de quoy si bien irriter la dicte Dame et ceulx de son +dict conseil que, toutes aultres choses délayssées, ilz se sont +miz après à consulter et dellibérer comme ilz pourront empescher +<span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span> +ou prévenir ceste vostre entreprinse; dont j'ay +baillé une instruction au S<sup>r</sup> de Sabran de tout ce que, pour +ceste heure, j'ay peu descouvrir de leurs préparatifz et +aprestz en cella, ensemble du présent estat des aultres choses +de deçà, auquel me remectant, je prieray, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıv<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, ce n'est de mon gré que je donne à Vostre +Majesté des adviz, qui quelques foys sont bien contraires +et divers à ceulx que auparavant je vous ay mandez; mais +le changement et la contrariété, qui sont assés ordinaires +en ceulx de ceste court, me contraignent d'en user ainsy; +dont Vostre Majesté, s'il luy playt, m'en excusera sur le +soing que j'ay de luy mander leurs actions et dellibérations, +ainsi clairement et par le menu, comme, jour par jour, je +les puys aprendre et descouvrir. Il n'y a que huict jours +que ceste princesse se monstroit bien disposée envers Voz +Très Chrestiennes Majestez, et de ne cercher rien tant +que de vous contenter et complaire en ce qui luy estoit +proposé de vostre part, et de vouloir vivre en grand paix et +repos en son royaulme, chose fort sellon sa naturelle inclination; +mais, aussitost qu'on luy a raporté qu'il se préparoit +en France des gens de guerre pour passer en Escoce, il +n'est pas à croyre combien la grande jalousie de sa cousine, +laquelle s'est représentée en cella, luy a soubdain faict changer +son premier bon propos; et comme, en lieu d'aller +par moyens paysibles, ainsy qu'elle disoit, ez choses d'Escoce, +elle a proposé meintennant d'y procéder par les armes. +La dicte Dame estoit lors après à espargner l'argent, +<span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span> +meintennant elle ne parle que d'en despendre; elle cerchoit +de payer et à ceste heure d'emprumpter; elle disoit vouloir +regaigner par douceur ses subjectz, meintennant elle faict +resserrer plus que auparavant ceulx qui sont en prison; et +crainctz assés, Madame, que l'affection, qu'elle disoit avoir +à la pacification de vostre royaulme, se soit desjà changée +à ung contraire désir de vous y nourryr les troubles, si elle +peult, comme desjà l'on m'a dict qu'elle est pour se monstrer +plus libéralle à promettre secours et assistance à ceulx +de la Rochelle, qu'elle n'a faict jusques icy. Je la verray +sur la première occasion de quelque dépesche de Voz Majestez, +et mettray peyne de notter les particullaritez de ses +propos, affin de fère quelque jugement de ses dellibérations. +Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıv<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">Instruction</span> pour satisfère Leurs Majestez sur le contenu de la dépesche, +comme s'ensuyt:</p> + +<p>Que, le xx<sup>e</sup> du passé, la Royne d'Angleterre se monstroit bien +disposée envers Leurs Très Chrestiennes Majestez et envers leurs +présens affères, avec bonne affection à la paix de leur royaume, et +d'estre preste, pour l'amour d'eulx, de condescendre à des expédiens +gracieulx avec la Royne d'Escoce, et me dict l'ung des seigneurs de +son conseil qu'elle avoit ung grand contantement de veoir que Leurs +dictes Majestez, ny nul de leurs ministres, n'estoient meslez en ces +choses du North.</p> + +<p>Ung autre des seigneurs du dict conseil, me parlant en affection +d'aulcuns aprestz, qu'on faisoit contre la dicte Dame, en un endroict +qui, sellon qu'il me le désigna, ne pouvoit estre sinon Flandres, +me dict qu'ilz estoient après, de leur costé, à préparer en dilligence +ung des plus grandz et des plus braves armemens qu'ilz eussent, +longtemps y a, miz en mer, et qu'on cognoistroit que, si l'Angleterre +n'estoit pour assaillir ung aultre estat, qu'elle estoit suffisante +pour deffandre le sien, et que, continuant ainsy la bonne paix, +<span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span> +comme elle faisoit, avecques le Roy et la France, ilz n'avoient que +bien peu à craindre le reste de leurs voysins.</p> + +<p>Le troisiesme jour après, estantz deux pacquetz, l'un de Mr Norrys +et l'aultre du S<sup>r</sup> Randolf, arrivez de France et d'Escoce, quasi +en mesmes heure, et avec conformité d'ung mesmes advis de certain +nombre de gens de guerre, qu'ilz ont mandé que le Roy préparoit +d'envoyer en Escoce, qui se debvoient embarquer en Bretaigne, le +ııı<sup>e</sup> de may, et estre conduicts par le S<sup>r</sup> Estrocy, la dicte Dame fit +incontinent assembler là dessus son conseil, où, du bon estat que +les choses monstroient estre deux jours auparavant, elles furent, +par la contention des mal affectionnez, soubdain converties en +une présente aygreur; et voicy ce que j'entendz qui fut là arresté:</p> + +<p>Que Mr Bach, pourvoyeur de la marine, seroit promptement mandé +pour lui enjoindre de mettre en ordre et en bon équipage toutz les +grandz navyres de guerre de la dicte Dame, affin d'estre prestz dans la +fin de mars ou au commencement d'avril, avec trois mil bons hommes +dessus, avytaillez pour un moys, affin de servir aulx deux effects; +l'ung, de résister aux entreprinses de Flandres, et l'aultre, pour +empescher le passaige et la descente des Françoys en Escoce;</p> + +<p>Que le comte de Sussex et Raf Sadeller s'en yroient au Nort, et lèveroient +six mil hommes, qu'ilz envoyeroient le plus tost qu'ilz pourroient +en Escoce, et en prépareraient aultres douze mil pour doubler +et tripler les premiers, s'il estoit besoing;</p> + +<p>Que ceste mesmes levée pourroit servir à réprimer les esmotions +qu'on craignoit au dict pays, et servyroit aussi pour tenir la main +forte à l'exécution de justice qu'on y prétendoit fère contre ung +nombre de gentishommes, qu'on a trouvez coulpables de la première +ellévation;</p> + +<p>Que, pour subvenir à telles choses, l'on dresseroit trois estapes de +vivres et de monitions pour les pouvoir transporter par mer où le +besoing le requerroit, l'une à Londres, l'aultre à Rochestre, et la +troisiesme, laquelle j'ay la plus suspecte, à Porsemue, car c'est vis à +vis du Havre de Grâce;</p> + +<p>Que courriers seraient promptement dépeschez par toutes les +provinces avec lettres aulx officiers, pour fère advertissement à +ung chacun de se tenir pourveuz d'armes et de chevaulx sellon les +ordonnances, et d'estre prestz pour marcher, quand ilz seront mandez;</p> + +<p>Que M<sup>e</sup> Grassein feroit dilligence de trouver promptement cinquante +mil livres d'esterlin parmy les merchans pour subvénir au +<span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span> +présent besoing de la dicte Dame, oultre et par dessus la somme de +quarante cinq mil livres d'esterlin desjà ordonnées pour Allemaigne;</p> + +<p>Que les affères de la Royne d'Escoce et les propositions qui se +mettoient en avant pour sa restitution, et pour la dellivrance de l'évesque +de Roz, son ambassadeur, seroient mises en surcéance et elle +ung peu plus resserrée;</p> + +<p>Et seroit pareillement surcise la dellibération, en quoi l'on estoit, +de pourvoir à la liberté du duc de Norfolc, sur la caution qu'il +offroit de deux centz mil livres d'esterlin; et à l'eslargissement de +millord de Lomelé; et à rappeler en court et au conseil le comte +d'Arondel, et que les dicts seigneurs seroient plus observez et resserrez +que auparavant.</p> + +<p>Et m'a l'on dict, dont je suys après à le vériffier, qu'il fut aussi +là arresté que la dicte Dame se monstreroit plus libéralle et prompte, +qu'elle n'avoit faict jusques ici, à accorder secours à ceulx de la Rochelle +pour meintenir la guerre en France, affin de divertyr celle +toute aparante, qui s'alloit susciter dans ceste isle pour les choses +d'Escoce.</p> + +<p>Despuys, est survenu ce rencontre en la frontière du North, lequel +aulcuns disent n'avoir tant succédé au désadvantaige de millord +Dacres, comme le filz de millord de Housdon, qui en a porté les +premières nouvelles, l'a publié; et qu'il y est mort plus de deux +centz soldatz de la garnyson de Barvich, et qu'il a apareu ung si notable +secours, qui venoit d'Escoce au dict Dacres, qu'on a heu assés +de doubte d'une surprinse sur Varvich, dont ceulx cy font plus grand +dilligence que jamais de haster les ordonnances et provisions dessus +dicts.</p> + +<p>Quant à l'estat des choses d'Escoce, j'entendz que les comtes +Morthon, Mar, Mareschal et millord de Lendzey ayantz, avec leurs +complices, relevé en ce qu'ilz ont peu la part du feu comte de Mora, +ont transféré toute l'authorité au dict de Morthon, lequel se trouve +meintenant dans l'Islebourg, assisté de la faveur de la Royne d'Angleterre; +et semble qu'il veut establyr le comte de Lenoz régent au +dict pays à la dévotion de la dicte dame;</p> + +<p>Que les comtes d'Arguil, d'Onteley, d'Atil et aultres bons subjectz +de la Royne d'Escoce, ayantz tenu une assemblée près de Dombertran, +où le S<sup>r</sup> de Flemy s'est trouvé, ont dellibéré de s'achemyner +vers l'Islebourg, pour ordonner, en quelque bonne façon, de l'estat +des choses, et qu'ilz veullent que le duc de Chatellerault preigne le +<span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span> +gouvernement; et que, pour le commencement, il l'ayt au nom du +jeune prince, affin qu'il y interviegne tant moins de contradiction: +mais le dict duc, qui est encores prisonnier au chasteau de l'Islebourg, +demeure fermement résolu de n'accepter aulcune charge, sinon +au nom et sous l'auctorité de la Royne. Il s'espère quelque convocation +d'Estatz au dict pays, le ıııı<sup>e</sup> du présent; ce qui s'en entendra, +je ne fauldray de le mander à Leurs Majestez. Il semble qu'on n'a +trouvé Ledinthon si bon Anglois qu'on cuydoit, et qu'il est tout du +dict duc de Chatellerault.</p> + +<p>Ceulx qui jugent des dicts affères d'Escoce, et qui désirent la restitution +de la Royne au dict pays, et y vouldroient veoir succéder les +choses sellon l'intention du Roy, disent que, sans venir à guerre +ouverte avecques ceste Royne, il se pourra (avec vingt ou trente mil +escuz et deux personnaiges de bonne qualité qui saichent, au nom du +Roy, réunyr et accorder les seigneurs du pays, et avec demy douzaine +de capitaines pour conduyre leurs gens de guerre, et quelques monitions +et armes), fère ung si bon fondement dans ce royaume que les +effortz des Anglois n'y pourront en rien prévaloir; mais il fauldroit +que cella y passât tout promptement, avant que ceulx cy soyent sur +mer.</p> + +<p>L'accord des deniers et merchandises d'Espaigne se poursuyt +toutjour fort instantment, et pourra bien estre que, quant aulx deniers, +il preigne encores quelque tret, pour attandre celle lettre du +Roy d'Espaigne, par laquelle il veuille advouher que la somme est +à des merchans; mais, quant aulx merchandises, j'estime que cella +sera bientost conclud, parce qu'il se dépesche quatre principaulx +merchans de ceste ville avec généralle procuration pour en aller, +en compaignie du S<sup>r</sup> Thomas Fiesque, tretter avec le duc d'Alve à +Bruxelles; et doibvent partyr dans ceste sepmayne. Dont le Roy +pourra fère incister sur l'ung et sur l'autre de ces deux poincts envers +le duc d'Alve, qu'il n'en veuille accommoder les Protestans, +ains entretenir et prolonger la matière, au moins jusques après l'esté +prochain; dont, de ma part, je travailleray, aultant qu'il me sera +possible, d'y fère toutjour naistre quelque difficulté, et il s'y en +trouveroit assés du costé mesmes de ceulx cy, n'estoit la craincte +qu'ilz ont du Roy sur les choses d'Escoce.</p> + +<p>Je suys bien fort pressé par l'ambassadeur d'Espaigne de suplier +Leurs Majestez Très Chrestiennes qu'ilz veuillent exclurre aux Anglois +le commerce de la France, parce que, nonobstant la suspencion +d'entre l'Angleterre et les Pays Bas du Roy son Mestre, ilz ne layssent +<span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span> +d'estre accommodez, par le moyen des Françoys, des choses qu'ilz ont +besoing d'Espaigne; lesquelles, pour le gain, ilz leur aportent toutjour +en abondance, bien que ceulx cy se monstrent aussi difficilles de +n'admettre les merchandises d'Espaigne ny de Flandres par deçà, +comme l'on le pourroit estre en Espaigne ou en Flandres d'y recepvoir +celles d'Angleterre; tant y a qu'avec des moyens cella se conduict, +et y a quelcun qui, au nom des Catholiques de ce royaulme, +m'est venu prier pour la dicte exclusion de traffic, comme de chose +laquelle admèneroit bientost une telle nécessité en ce pays, qu'on +s'y eslèveroit contre ceux qui gouvernent; en quoy Sa Majesté considérera +ce qui est le plus expédient et le plus utille pour son service, +car je crains que par là l'on s'incommoderoit assés pour accommoder +aultruy.</p> + +<p>Sur la closture de ceste dépesche, le S<sup>r</sup> de Garteley est arrivé, qui +m'a dict que le secours pour Escoce est desjà tout prest en Bretaigne, +dont semble estre fort requis de le haster de partir, affin de prévenir +ceux cy, lesquelz sont tous résoluz de getter dehors, avant la fin de ce +moys, quinze grandz navyres des premiers prestz pour nous empescher +la mer.</p> + +<p class="center smcap">Aultre instruction a part.</p> + +<p>Ce qui est advenu de nouveau en la frontière entre millord Dacres +et millord de Housdon, joinct les façons dont l'on continue de procéder +de plus en plus fort rudement contre ces seigneurs qui sont arrestez, +et d'observer de près le reste de la noblesse, descouvre assés +qu'il y a une grande contrariété dans ce royaume tant sur la religion, +et sur le faict de la Royne d'Escoce, et sur les divers tiltres de la +succession de la couronne, et sur l'emprisonnement des grandz, +que pour ung général malcontantement contre ceulx qui gouvernent.</p> + +<p>Et semble que le duc de Norfolc est plus que jamais désiré d'ung +chacun, mais il demeure fermement résolu en soy mesmes de ne +pourchasser sa liberté par nulle aultre voye que par celle de l'équité +de sa cause; en quoy il se persuade d'avoir ung très bon et très asseuré +fondement, lequel il ne veult aucunement altérer; mais les +aultres seigneurs, qui ne sont si resserrez que luy, sont dellibérez +que, si, dans quinze jours, ilz ne se peuvent prévaloir, ou pour le +dict duc ou pour eulx; de leurs amys et moyens de court, qu'ilz se +résouldront à cercher d'aultres expédians, et m'ont faict remercyer +du reffuge et retrette que je leur ay dict que le Roy leur donroyt en +son royaume.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span> +Or, se trouvans les comtes de Northomberland et de Vuesmerland +et millord Dacres, qui sont trois bien principaulx personnaiges de ce +royaume, et quelque nombre de gentilshommes de ce pays avec eulx, +meintennant fuytifz en Escoce, toutz bien affectionnez à la Royne d'Escoce +et bien fort catholiques; et desirant le duc de Norfolc, de sa +part, que les affères de la dicte Dame y soient secouruz, nomméement +du costé de France, il est à espérer que, s'il playt au Roy de +les favoriser en quelque bonne sorte, non suspecte à ces seigneurs +angloys partisans de la dicte Dame, qu'elle et son royaulme pourront +estre préservez contre les entreprinses de l'Angleterre à honneur +et utillité de la France, et la Royne d'Angleterre et les siens divertys +de ne pouvoir tant nuyre, comme ilz font en aultres endroicts, aulx +affères du Roy, non sans que Sa Majesté se forme, par ce moyen, ung +bon nom, et possible quelque bonne part en l'affection de ceulx de +ceste isle.</p> + +<p>Le duc d'Alve, à la vérité, a des ambassadeurs escoçoys, et anglois +devers luy pour avoir secours, et il a escript par deçà qu'il est +tout prest de le bailler, mais que nul de ceulx qui sont venuz ne luy +sçayt donner compte du temps, du lieu, de la forme et des condicions +qu'ilz veulent avoir le dict secours, et qu'il ne veult advanturer +l'honneur et les affères de son Mestre, de mettre en évidence un telle +entreprinse, sans y voyr bon fondement. Par ainsy, il sollicite que +quelcun des principaulx le vienne trouver pour conclurre avecques +luy de toutes les particullaritez du dict secours; et, de tant que le +duc de Norfolc a suspect ce qui vient de ce cousté là, il me faict +solliciter de haster l'assistance du Roy en faveur de la Royne d'Escoce.</p> + +<p>Le comte de Lestre, en une privée conférance qu'avons heu ensemble, +m'a dict que la Royne, sa Mestresse, avoit esté naguières +pressée par ceulx de son conseil de prendre party, affin de remédier +tout à ung coup à plusieurs difficultez qui se présentent en son +royaulme, et qu'elle, de son costé, s'estoit monstrée, encores ce +coup, aussi dégoustée de mariage, comme toutes les aultres foys +qu'on luy en avoit cy devant parlé; mais enfin elle leur avoit respondu +que, si pour annuller les divers tiltres qu'on prétend à sa +succession, lesquelz mettent en division son royaulme, elle estoit +contraincte de se maryer, qu'elle est toute résolue de n'espouser point +de ses subjectz.</p> + +<p>Je luy ay respondu qu'il sçavoit bien que Leurs Majestez Très +Chrestiennes avoient toutjours heu désir que ce fût luy qui tint ce +<span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span> +lieu, et que ceste leur bonne vollonté continue encores, dont ne +failloit sinon qu'il regardât comment les y employer; que de ma +part je luy serviray de bon cueur; que le temps sembloit fère pour +luy, parce que tout le royaulme plyoit meintennant au désir de la +dicte Dame, et les principaulx qui estaient travaillez concouroient +toutz à luy complayre, pourveu qu'il fit quelque chose pour eulx; et +la Royne d'Escoce, qui pouvoit assés dans ceste isle, favorisoit ses +nopces, s'il favorisoit sa restitution; et quoy qu'il y eust, puysqu'il +estoit ainsy advancé en la bonne grâce de la dicte Dame, qu'il advisât +de prendre ce premier lieu, et à tout le moins de ne le laysser aller +à nul, qui ne luy sache le bon gré de l'y avoir miz.</p> + +<p>Il m'a rendu plusieurs bonnes parolles de mercyement, pour les +mander de sa part à Leurs Majestez, et, après m'avoir touché ung +mot de l'extrême déplaysir, que la Royne, sa Mestresse, avoit du +mariage de la Royne d'Escoce avec le duc de Norfolc, il m'a prié +qu'en une de mes audiences, je face venir à propos à la dicte Dame +que, pour obvier aulx inconvénians où elle et son royaulme pourront +tumber par les diverses prétencions de sa succession, qu'ung +chacun estime qu'elle feroit bien de se maryer, et que le Roy avoit +toutjour desiré que, s'il ne pouvoit pour luy ou les siens avoir ce +bien, que au moins, pour évitter la jalouzie de quelque aultre +party estrangier, ce fût quelque bien heureulx de ce royaulme qui +y parvînt, ce que je ne luy ay reffusé de fère; mais j'attendray là +dessus le commandement de Leurs Majestez.</p> +</div> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span></p> + +<h2 class="p4">XCIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Callais, par Olyvier Cambernon</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Affaires d'Écosse.—Crainte de l'ambassadeur que tous ses efforts ne puissent +empêcher la guerre d'éclater.—Son désir de voir donner satisfaction sur +les diverses plaintes d'Élisabeth contre la conduite tenue à l'égard des +Anglais en France.—Mission du S<sup>r</sup> de Garteley.—Arrêt prononcé contre +milord de Lomeley.—Nouvelles des Pays-Bas.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, quant j'ay dépesché le S<sup>r</sup> de Sabran devers Vostre +Majesté, le ıııı<sup>e</sup> de ce moys, je l'ay instruict, le plus +particullièrement que j'ay peu, de l'estat des choses qui se +passent icy, lesquelles continuent en l'apareil de guerre, +qu'il vous aura dict, de lever toutjours soldatz en ceste ville +de Londres et ez envyrons, pour les envoyer au North; et +dilligenter l'aprest des navyres; et fère les provisions pour +iceulx; et cercher deniers de toutes partz, bien que la +malladie, intervenue là dessus, de Mr le comte de Lestre, a +donné quelque peu de retardement aulx dellibérations de +ce conseil, lequel ne s'est assemblé durant son grand mal, +mais à présent il se porte bien; et aussi que toutz en ces +choses ne se sont trouvez d'accord en ceste court, néantmoins +j'entends qu'on y a résoluement conclud l'entreprinse +d'establyr, par toutz les moyens qu'on pourra, le gouvernement +d'Escoce ez mains de ceulx qui ont relevé la part +du comte de Mora, parce qu'ilz se monstrent fort contraires +aulx fuytifz d'Angleterre; et se soubmettent à la protection +de ceste Royne; et luy demandent le comte de Lenoz +pour régent; qui sont choses qu'elle trouve bonnes, et +<span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span> +qui sont conformes à ce qu'elle desire pour tenir le dict +royaulme divisé, et avoir toutjour l'une des partz à sa dévotion. +Je ne sçay si l'assemblée des Estatz, qu'on attandoit +au dict pays le ıııı<sup>e</sup> du présent, aura esté tenue, et si +elle aura heu nul effect; il ne s'en dict encores rien, et +croy qu'il sera bien tard, quant j'en auray des nouvelles, +car l'on tient les passaiges bien fort serrez.</p> + +<p>Cependant la Royne d'Angleterre est entrée en grand +deffiance sur ce que Mr Norrys son ambassadeur luy a escript +que Voz Majestez Très Chrestiennes luy ont tenu +quelque propos fort exprès sur les affères de la Royne +d'Escoce et de son royaulme; duquel je n'ay encores entendu +le particullier, sinon qu'on m'a dict que la dicte Dame +en est fort fâchée, joinct que, par le mesmes pacquet, le +dict ambassadeur luy a envoyé ung discours, imprimé à Paris, +sur les troubles de son royaulme, qui ne parle à l'advantaige +d'elle ny de ceulx qui gouvernent ses affères; et +d'abondant elle a sceu qu'un homme de son dict ambassadeur +a esté naguyères arresté à Amiens, et que son pacquet, +qu'elle luy avoit baillé à porter, luy a esté osté; +desquelles choses il n'est pas à croyre combien elle s'en +trouve offancée, et combien les siens en sont mutinez, jusques +à dire qu'il vauldroit mieulx venir à une guerre déclairée, +et que leur ambassadeur s'en retornât, et que je +me retirasse, que d'user de tels déportemens; dont, de +tant que je les ay fort asseurez que la publication du dict +discours, ny la détention du pacquet ny du messagier, ne sont +aulcunement procédées du vouloir ny commandement de +Voz Majestez, je vous suplie très humblement, Sire, qu'il +vous playse luy en fère donner quelque satisfaction, comme +d'accidens que vous n'aviez ny préveuz, ny pensez, et luy +<span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span> +fère aussi satisfère sur une pleinte, qu'elle m'a faicte renouveller, +de certains pescheurs de Dièpe et aultres de dellà, +qui abusent en la coste de deçà de leur forme de pescher +et de leurs filetz contre l'ordonnance du pays, affin de ne +mesler si petites choses avec les plus grandes, qu'avez à +démesler ensemble.</p> + +<p>Le S<sup>r</sup> de Garteley s'en est revenu très contant en toutes +sortes de Voz Majestez; il a heu congé de passer en Escoce, +mais non d'aller veoir la Royne sa Mestresse, à laquelle +toutesfoys nous avons trouvé moyen de fère entendre tout +l'effect de son voyage, de quoy je m'asseure qu'elle aura +receu grande consolation.</p> + +<p>Millord de Lomellé a heu ampliation de son arrest, luy +ayant esté permiz d'aller demeurer avec le comte d'Arondel +son beau père à Noncich, et de pouvoir jouyr de l'air +et de l'esbat des champs deux mil à l'entour, ce qui donne +espérance de veoir bientost quelque modération ez affères +de ces seigneurs.</p> + +<p>Les depputez de Flandres, estantz prestz à partir, ont +trouvé quelque deffectuosité en leurs charges et pouvoirs qui +les a retardez huict jours, mais j'entendz qu'ilz s'acheminent +demain, et le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque avec eulx, avec opinion +de pouvoir accorder facilement le faict des merchandises, +mais difficilement celluy des deniers. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıx<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span></p> + +<h2 class="p4">XCV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du<span class="smcap">XIIII</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Contentement de la reine d'Angleterre au sujet de la satisfaction qui lui +a été donnée sur l'une de ses plaintes.—Impossibilité de connaître +quelles sont ses véritables intentions à l'égard de la France.—Continuation +des apprêts maritimes et des préparatifs contre l'Écosse.—Nécessité +de prendre des mesures pour empêcher le capitaine Sores de continuer ses +courses sur mer.—Départ des députés envoyés dans le Pays-Bas pour +traiter des différends de l'Angleterre avec l'Espagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, le jour d'après ma précédante dépesche, laquelle +est du ıx<sup>e</sup> du présent, j'ay receu celle de Vostre Majesté +du xxı<sup>e</sup> du passé, en laquelle j'ay trouvé l'honneste satisfaction +qu'il vous a pleu donner à la Royne d'Angleterre sur +celle de ces trois pleinctes que je vous ay mandé qu'elle +avoit le plus à cueur, qui est du discours des troubles de +son royaulme imprimé à Paris; de laquelle satisfaction, +despuys que Mr Norrys luy en a donné adviz, elle et les +siens ont monstré qu'ilz n'estoient plus si offancez comme +auparavant: ce qui me sera ung argument, la première +foys que j'yray trouver la dicte Dame, de la prier qu'elle +veuille user de pareille sincérité et correspondance d'ung +bon cueur envers Voz Majestez Très Chrestiennes, comme +par cest acte vous luy avez monstré que vous l'avez clair +et droict, et entièrement bien disposé envers elle; et luy +continueray la mesmes instance, que je luy ay ordinairement +faicte, de ne porter ny souffrir estre apporté par les siens +<span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span> +aulcun secours ny assistance à ceulx qui troublent vostre +royaulme, et qu'il n'est possible qu'ilz en puissent tirer +d'Angleterre, sans qu'elle tumbe en l'infraction des trettez +et en une manifeste ropture de la paix.</p> + +<p>Plusieurs parlent diversement de l'intention de la dicte +Dame sur le présent estat de voz affères; les ungs, qu'elle +l'a bonne et qu'elle incite à la paix ceulx de la Rochelle; +les aultres, au contraire, qu'elle l'a très mauvaise et qu'elle +les sollicite à la guerre. Vostre Majesté pourra assés juger +ce qui en est par la condicion de ceulx qui m'en ont donné +les adviz, desquelz je réserve vous mander les noms, et la +façon des propos qu'ilz en ont tenu, par l'ung des miens +que je dépescheray bientost devers Vostre Majesté.</p> + +<p>Je n'ay encores rien entendu de l'effect de l'assemblée +que les seigneurs d'Escoce debvoient tenir à l'Islebourg, +le ıııı<sup>e</sup> de ce moys, ny s'ilz ont prins nul bon expédiant +entre eulx sur l'ordre et gouvernement du pays. Bien m'a +l'on dict que le comte de Morthon et le sir Randolf ont +escript à ceste Royne, que, si elle ne faict bientost aparoistre +son assistance par dellà, que toutz les Escouçoys +cryeront <em>France</em> et que le nom de Vostre Majesté y est +bien ouy et bien receu, et qu'ilz demandent d'avoir leur +Royne; par ainsy, que le jeune prince s'en va déboutté de +l'authorité, et du nom de Roy qu'on luy a attribué, si +elle n'y remédye. Dont quelcun m'a adverty que la dicte +Dame y a envoyé en dilligence six mil <sup><i>lt</i></sup> d'esterlin, +c'est vingt mil escuz, et que le comte de Sussex, lequel +a esté mallade trois sepmaines en ceste court, mais +à présent se porte bien, partyra du premier jour pour +s'aller présenter sur la frontière d'Escoce, avec quatre +mil hommes de pied et douze centz chevaulx, lesquelz sont +<span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span> +desjà bien avant; et ce, principallement parce que de la +dicte frontière, despuys que millord Dacres s'y est retiré, +l'on a faict cinq ou six courses en celle d'Angleterre, et +brullé des villaiges, et admené plusieurs prisonniers: dont +le dict Dacres a esté déclairé traistre et rebelle.</p> + +<p>J'entendz que les seigneurs de ce conseil ont fait dépescher +cinq ou six centz lettres missives à des particuliers, +gentishommes du North, pour les prier de se pourvoir +en toute dilligence de quelques hommes, et d'armes, +et de chevaulx, chacun le mieulx et le plus advantaigeusement +qu'il pourra, oultre l'obligation de l'ordonnance, affin +de fère promptement ung bien relevé service à la Royne +leur Mestresse, sellon l'expécialle fiance qu'elle a en eulx. +Et en ceste ville de Londres l'on lève de nouveau cinq +centz harquebouziers pour les mettre sur les cinq navyres +premier pretz, qu'on dellibère getter dehors dans huict +jours; et en prépare l'on aultres dix pour les getter, à la +my apvril, dont l'argent pour les avitailler est desjà dellivré +au pourvoyeur de la marine, et ne cesse l'on d'aprester +aussi toutz les aultres pour estre prestz à l'entrée de l'esté.</p> + +<p>Je viens d'estre adverty que quatre vaysseaulx du cappitaine +Sores ont de rechef investy ung aultre navyre vénicien, +qui partoit de ce royaulme chargé de draps, et qu'ilz +l'ont prins; et, encor qu'il ne soit si riche que les premiers, +il y a néantmoins pour cinquante mil escuz de merchandise, +oultre l'artillerye et le vaysseau, qui est des +meilleurs qui se puissent trouver; et semble, Sire, qu'il +est expédiant que Vostre Majesté se dellibère de pourvoir +à ces grandz désordres de la mer, en quoy pourra estre +que ceste princesse concourra d'y ayder de son cousté, s'il +vous playt que je luy en face instance.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span> +Les depputez, qui vont devers le duc d'Alve, sont partys +despuys devant hier, et croy qu'ilz passent aujourduy +la mer. J'entendz que, oultre la commission qu'ilz +portent ouvertement par escript, il leur en a esté baillé une +à part, pour entrer, s'ilz peuvent, en ung général accord +de toutes choses; et le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque, qui m'est +venu dire adieu, m'en a touché quelque mot, et qu'il espère +avoir charge de retourner bientost pour cest effect +par deçà. Aulcuns pensent qu'il s'y trouvera beaulcoup de +difficultez; ce que je croyrois, n'estoit qu'il semble que le +Roy d'Espaigne sent si fort la prinse qu'on dict que le roy +d'Argel a faicte de la ville de Tunis<a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>, et crainct tant que ce +soit ung commancement d'attirer les entreprinses du Turc +en ces quartiers là, qu'il sera bien ayse d'accommoder +gracieusement ceste querelle qu'il a avecques ceulx-cy. Sur +ce, etc. <span class="i2">Ce xıve jour de mars 1570.</span></p> + +<h2 class="p4">XCVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Nouvelles de la Rochelle et d'Allemagne.—État des affaires du +Nord.—Succès +remporté par les révoltés d'Irlande.—Nouvelles de la reine +d'Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, il n'y a que quatre jours qu'ung navyre de la Rochelle +<span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span> +est arrivé, dedans lequel sont venuz aulcuns françoys +qui ont esté incontinent devers Mr le cardinal de Chatillon +à Chin; et luy, à ce que j'entendz, despuys avoir +parlé à eulx, a faict démonstration en ceste court, de désirer +plus la paix que de l'espérer; et sont arrivez aussi, +dans le mesmes vaysseau, sèze allemans qui s'en retournent +en leur pays assés mal contantz. Cependant le dict +sieur cardinal a envoyé solliciter la subvention des esglizes +protestantes de ce royaulme, avec grand instance d'avoir +promptement celle que les estrangiers ont offerte, de laquelle +il a desjà retiré quelque somme; mais celle des Flamens, +qui est la plus grande, ne luy est venue entière +comme il pensoit, parce qu'ilz l'avoient accordée principallement +pour le prince d'Orange, en intention qu'il descendît +en Flandres; dont, voyantz à ceste heure que c'est pour +la guerre de France, aulcuns reffuzent de payer, et m'a esté +raporté que aus dicts Flamens est venu ung adviz d'Allemaigne +que le dict prince a bien des forces, mais qu'il ne les +peult bonnement employer durant la guerre de France, sinon +en la Franche Comté, sur le chemyn du secours qui va +trouver monsieur l'Admyral, affin de ne s'esloigner les ungs +des aultres; et m'a l'on asseuré que, le neufvième de ce +moys, ung facteur du sir Grassein a esté dépesché en Hembourg, +pour aller donner ordre aulx deniers, qui doibvent +estre payez en Allemaigne sur le crédit des merchans de +ceste ville. Ung homme du comte Pallatin est freschement +arrivé, et encores, despuys luy, ung capitaine itallien nommé +Roc, lequel, quatre moys a, avoit esté dépesché en Allemaigne, +mais je n'ay sceu encores au vray ce qu'ilz raportent.</p> + +<p>Le comte de Sussex est sur son partement pour aller au +<span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span> +North, et les quatre mil hommes de pied et douze centz +chevaulx, qu'il doibt mener, sont desjà devant. L'on a tenu +plusieurs assemblées de conseil sur sa dépesche, dont bientost +se pourra entendre quelque chose de ce qu'y aura esté +résolu. Il semble que des cinq cens harquebouziers qu'on +levoit de nouveau en ceste ville, l'on n'en fornyra encores +les navyres, et qu'ilz seront envoyez en Irlande, où j'entendz +que les saulvaiges ont donné une estrette aulx gens +de Millord de Sydenay; mais ceulx cy le tiennent fort +caché.</p> + +<p>J'ay obtenu enfin de la Royne d'Angleterre de pouvoir +envoyer les lettres de Voz Majestez, que Mr de Montlouet +m'avoit laissées, à la Royne d'Escoce, par un secrétaire de +Mr l'évesque de Roz qui les luy à dellivrées bien clozes en +ses mains, en présence du comte de Cherosbery; et la dicte +Dame a envoyé la response, laquelle est encores devers le +secrétaire Cecille, qui ne la dellivrera jusques à ce que le dict +sieur évesque de Roz ayt esté ouy et examiné, lequel pour +cest effect a esté mené despuys devant hyer à la court, +soubz la garde de six serviteurs de l'évesque de Londres; et +la dicte Royne d'Escoce a trouvé moyen de me fère tenir en +chiffre le petit mémoire cy encloz<a name="FNanchor_4" id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>, où Vostre Majesté verra +ce qu'elle continue de vous requérir. Elle se porte bien de +sa santé, mais craint bien fort d'estre remise ez mains du +comte de Huntinthon ou du visconte de Harifort, desquelz +deux elle se craint comme de ses grandz ennemiz. Nous +espérons avoir en brief quelque certitude des choses d'Escoce. +Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xıx<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span></p> +<div class="blockquote"> +<p class="center"><i>Par postille à la lettre précédente</i>.</p> + +<p>Le comte de Pembrot morut hyer en ceste court; l'on ne dict encores +qui sera son successeur en l'estat de Grand Mestre, mais cy +devant à esté parlé du comte de Betfort.</p> +</div> + +<h2 class="p4">XCVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXVII</span><sup>e</sup> jour de mars 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Vassa.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Détails circonstanciés d'audience.—Bonnes dispositions d'Élisabeth envers +le roi.—Explication donnée par l'ambassadeur sur les articles +proposés pour la pacification.—Nouvelle insistance de la part de la reine +pour que sa médiation soit acceptée.—Sollicitations faites par l'ambassadeur +en faveur de Marie Stuart.—Déclaration d'Élisabeth qu'elle est résolue +à porter ses armes en Écosse pour y chercher les révoltés du Nord qui +s'y sont réfugiés.—Avertissement lui est donné par l'ambassadeur que si +les Anglais entraient en Écosse, le roi considérerait cet acte comme +une rupture des traités.—Offre qu'il fait de la médiation de la France +pour apaiser tous les différends d'Écosse.—Avis secrètement donné +par Élisabeth d'une levée d'armes en Allemagne contre la France.—<em>Mémoire.</em> +Résolutions prises dans le conseil tant à l'égard des troubles du +Nord que des affaires d'Écosse.—Nouvelles de ce pays.—<em>Mémoire secret.</em> +Avis donné par le duc d'Albe au sujet du traité de paix qui se prépare +en France.—Opinion de l'ambassadeur que la reine d'Angleterre desire +sincèrement la pacification.—Propositions faites séparément et secrètement +à l'ambassadeur par Cécil et par Leicester.—Avis secret sur le +dessein arrêté par le comte d'Arundel et milord de Lomeley de reprendre, +même en recourant aux armes, l'exécution de leur projet pour rétablir la +religion catholique en Angleterre, et Marie Stuart en Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, j'ay esté, ceste saincte sepmaine, devers la Royne +d'Angleterre pour luy fère veoir que le bon ordre, que Vostre +Majesté avoit miz de deffandre, pour l'amour d'elle, la +publication du discours des troubles de son royaulme imprimé +<span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span> +à Paris, luy debvoit estre ung bien asseuré tesmoignage +de vostre droicte intention envers elle, et que, prenant +par là toute asseurance de vous trouver toutjour franc, +clair et bien disposé à ne favoriser les entreprises de ceulx +qui vouldroient troubler son estat, qui mesmes ne vouliez +souffrir leurs escriptz, que de mesmes elle cessât, et fît cesser +ses subjectz de ne porter aulcune faveur à ceulx qui troubloient +le vostre; et qu'au surplus, j'estois bien ayse que +ce qu'on luy avoit raporté du serviteur de Mr Norrys, +qu'on l'eust arresté à Amyens, et qu'on luy eust osté les +pacquetz de la dicte Dame, ne fût vray, affin de n'estre si +offancée de ces deux choses, comme, par le propos de son +principal secrétaire, il sembloit qu'elle les print à cueur; +luy récitant les dicts propos en la façon que par mes précédantes +je les ay mandez; et que je luy voulois respondre de +ma vye pour Voz Très Chrestiennes Majestez que, despuys +la paix, il n'estoit en cella, ny en nulle aultre chose, rien +procédé de vostre vouloir et commandement, par où vous +eussiez jamais prétandu qu'elle deubt estre offancée; et que, +pour mon regard, je serois à trop grand regrect une seulle +heure en ce royaulme, après que j'aurois tant soit peu commancé +de cognoistre que je ne luy seroys plus agréable; et +que je suplieroys très humblement Vostre Majesté d'y envoyer +ung aultre; mais ne lairroys pourtant de me plaindre +meintennant à elle du tort qu'on avoit naguières faict à +ung mien secrétaire, qui portoit vostre pacquet, de luy +avoir osté son argent à Douvres, la priant de m'en fère +rayson.</p> + +<p>Sur lesquelles choses la dicte Dame m'a respondu qu'elle +n'avoit rien sceu du petit discours imprimé à Paris, parce, +à son adviz, que Cecille ne luy avoit vollu donner l'ennuy +<span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span> +de luy en parler, mais ne layssoit pourtant de vous avoir +grande obligation de l'avoir deffandu, dont vous en remercyoit +de bon cueur; et puysque luy aviez monstré ce +bon tesmoignage de vostre droicte intention en ses affères, +qu'elle correspondroit de mesmes aulx vostres de ne pourter +aulcune faveur à ceulx de la Rochelle, ny souffrir que +les siens leur en portassent; et encor que aulcuns luy incrèpent +le désir qu'elle a à la paix de vostre royaulme, +comme ung désir qui admènera la guerre au sien, qu'elle +n'en veult rien croyre, ny ne veult cesser de la desirer; +qu'elle estoit bien ayse que l'homme de son ambassadeur +et ses pacquetz n'eussent esté arrestez, bien qu'il avoit esté +unze jours sans qu'on sceût de ses nouvelles; que pour le +regard de ma négociation, je ne vollusse aulcunement +doubter qu'elle ne luy fût bien fort agréable; et usa de +toute l'expression qu'il est possible pour me le donner ainsy +à cognoistre; et que j'avois bien veu en quelle peyne elle +avoit esté pour mes pacquetz perduz; dont me feroit fère si +bonne rayson meintennant de l'argent de mon secrétaire, +que j'en demeureroys contant.</p> + +<p>Et, en toutes sortes, sa responce a esté si honneste +que, l'en ayant remercyée, j'ay suyvy à luy dire que j'avois +d'aultres choses à luy faire entendre, lesquelles je la supplioys +prendre la peyne elle mesmes de les lyre aulx propres +termes que Vostre Majesté me les mandoit, qui estoient +si bons que je n'y voullois rien adjouxter, ny rien diminuer; +et ainsy, luy ay monstré celle partie de vostre lettre du +ııı<sup>e</sup> du présent, dont vous renvoye l'extraict, laquelle elle +a leue bien fort curieusement; et puys ay adjouxté que vous +expliquiez là dedans si à clair vostre intention, que je n'avois +à y fère aultre office envers elle que de bien recuillyr ce que, +<span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span> +pour satisfère à trois choses principallement, il luy plairroit +de m'y respondre: la première, quelle opinion elle avoit +des honnestes condicions que vous offriez à vos subjectz; la +segonde, quelle elle l'auroit de voz subjectz, s'ilz estoient si +durs et si obstinés de ne les accepter; et la troysiesme, si, +en ce cas de leur obstiné reffuz, elle non seulement les exclurra +de sa faveur et de celle de son royaulme, mais si elle +ne se unyra pas avec Vostre Majesté pour réprimer leur +témérité et le pernicieulx exemple qu'ilz s'esforcent de relever +au monde contre l'authorité des princes souverains: +car, quant à la levée qu'on disoit se fère en Allemaigne +pour elle, et aulx deniers qu'on dict encores qui s'y espèrent +et d'aultres qui s'espèrent aussi à la Rochelle d'elle +et de son royaulme contre vous, je ne la vouloys suplier, +sinon de vous en esclarcyr si bien une foys qu'il ne vous +en peult plus rester aulcun doubte.</p> + +<p>La dicte Dame, après m'avoir par beaulcoup de bonnes +parolles et en plusieurs façons donné à cognoistre qu'elle +avoit ung très grand contantement de ceste confiance, que +vous monstriez avoir d'elle sur la paciffication de vostre +royaulme, m'a respondu qu'elle vouloit très fermement +croyre que le contenu ez articles, que je luy avois dernièrement +monstrez, estoit proprement ce que vostre Majesté +avoit intention d'accorder et meintenir de bonne foy à ses +subjectz pour parvenir à une bonne paciffication, et qu'elle +me diroit de rechef le mesmes qu'allors, que, si eulx de leur +costé ne monstroient rayson suffizante pourquoy ilz ne puyssent +avec cella vivre soubz vostre authorité, leur conscience +saulve, et leurs vyes asseurées, que non seulement elle ne +les vouldra favoriser, ains les réputera pour traistres et rebelles, +dignes d'estre chassez de tout le monde; et que si, +<span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span> +pour entendre à quoy ilz se pourroient arrester, il vous +playsoit luy donner congé qu'elle s'en meslât, qu'elle y procèderoit +avec aultant de considération de l'authorité qui +vous est deuhe sur voz subjectz, comme s'il estoit question +de saulver la sienne sur les siens; et que si, par voz +lettres, je cognoissoys que vous l'eussiez agréable, qu'elle +s'y employeroit tout incontinent.</p> + +<p>Je luy ay respondu que je ne pouvois ny voulois m'advancer +à rien de plus que ce qu'elle venoit de lyre; car n'en +avois aultre commandement, dont tornasmes relyre le dict +extret de la lettre mot à mot; puys, me pria que je vous +vollusse asseurer de la continuation de sa bonne vollonté et +grande affection à la paix de vostre royaulme, et que s'il +vous playsoit qu'elle s'en meslât, qu'elle envoyeroit devers +Vostre Majesté, ou bien là où il seroit besoing, ung personnaige +de qualité correspondante à ung si grand négoce, +comme elle estime cestuy cy, pour y besoigner, ainsy que +vous adviseriez, ou bien tretteroit icy avec Mr le cardinal de +Chatillon; lequel elle cognoissoit très desireux de la paix, +et l'avoit toutjours cogneu très respectueulx à Voz Très +Chrestiennes Majestez; et qu'elle estimoit qu'il ne vous +pourroit revenir qu'à honneur, comme elle mettroit bien +peyne qu'il vous revînt à proffict, qu'elle s'employât envers +ceulx de sa religion à les exorter qu'ilz se veuillent contanter +des offres de leur prince et seigneur, ou bien de suplier +Vostre Majesté d'eslargir ung peu sa grâce envers eulx; et +qu'elle sçayt bien que le différer en cecy sera pour vous +rendre en brief la dicte paciffication beaucoup plus malaysée, +encor qu'elle peult bien asseurer que, en Allemaigne, ny à +la Rochelle, il n'est allé, ny yra rien, de sa part, qui soit +contre Vostre Majesté.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span> +Je luy ay grandement loué ceste sienne bonne intention, +avec promesse de la vous fère bien entendre, et qu'elle +se pouvoit asseurer que la paix de France seroit la paix +d'Angleterre; et que, si l'occasion de ceste guerre, laquelle +faisoit toutjour mal passer quelque chose entre voz +deux royaulmes et voz communs subjectz, estoit ostée; +et que d'ailleurs elle vollût donner quelque accommodement +aulx affères de la Royne d'Escoce, elle se pouvoit +asseurer que nul prince ny princesse de la terre n'auroit +son règne plus estably ny reposé que seroit le sien; et que +Vostre Majesté avoit acepté l'offre qu'elle faisoit de vouloir +entendre à quelque bon expédiant entre elles deux, si +vous le leur métiez en avant; que vous aviez estimé, si +les propres offres de la Royne d'Escoce ne luy sembloient +suffizantes, que c'estoit à elle d'en adviser de plus grandes, +et que, si elles n'estoient par trop disraysonnables, +vous croyés fermement, que la dicte Dame les accorderoit, +et que vous, comme son principal allié, non seulement les +confirmeriez, mais métriez peyne de les luy fère accomplyr.</p> + +<p>Elle a répliqué que la Royne d'Escoce n'avoit jamais +parlé que en général, et qu'il failloit venir aulx choses +particullières, dont, s'il luy en estoit miz en avant quelques +unes, que pour l'honneur de Vostre Majesté elle les +suyvroit; ayant néantmoins à se pleindre encores de nouveau +de la dicte Royne d'Escoce, qu'estant, ainsy qu'elle +est, entre ses mains, elle n'avoit toutesfoys layssé, par +ceulx qui tiennent son party en Escoce, de fère retirer ses +fuytifz; et que, en toutes sortes, elle estoit résolue de +chastier et poursuyvre ses dicts fuytifz, et ceulx qui les +soubstiennent, me signiffiant aulcunement qu'elle entreprendroit +de fère entrer des forces dans le pays.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span> +Je luy ay respondu qu'elle advisât de ne contrevenir aulx +trettez, et que, s'il luy plaisoit de mettre en liberté l'évesque +de Roz, luy et moy adviserions de luy ouvrir des +moyens pour esteindre toutz ces différantz d'entre elles +deux et leurs deux royaulmes.</p> + +<p>«Il n'est pas, dict elle, tant prisonnier qu'il ne puysse +tretter par lettres avecques sa Mestresse, et n'est retenu +que <em>pro formâ</em> pour quelque démonstration contre la pratique +qu'il a meue avec ceulx du North; mais bientost +il sera en liberté.» Et ainsy gracieusement s'est achevée +ceste audience, laquelle je vous ay bien vollu ainsy au +long réciter, Sire, affin que l'intention de la dicte Dame +vous soit mieulx cogneue, et remectz les aultres choses au +S<sup>r</sup> de Vassal, présent porteur, auquel je vous supplie très +humblement donner foy: et sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxvıı<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p><span class="fancyfont">Chiffre.</span>—[Madame, je n'ay peu contanter l'homme, +duquel je vous ay naguière escript par mon secrétaire, de la +responce que mon dict secrétaire m'a raportée, bien que je +la lui aye baillée en la façon que ce mien gentilhomme vous +dira; par lequel il vous plairra, Madame, me mander +comment je l'en debvray résouldre, car il me presse bien +fort de le fère, et si, a des considérations telles qu'il ne +peult penser que ne le debviez accepter. Au reste, Madame, +la Royne d'Angleterre, pour me tenir la promesse +qu'elle m'avoit faicte de m'advertyr des choses qu'elle entendroit +se fère en Allemaigne contre Voz Majestez, m'a +dict que, dans trois sepmaines, ceulx de la religion doibvent +<span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span> +envoyer gens exprès devers les princes protestans +pour résouldre l'entreprinse de France, si la paix ne sort à +effect; et que pourtant elle seroit bien ayse de pouvoir +ayder à la conclurre bientost; de quoy je vous ay bien +vollu fère ce mot et le vous escripre ainsy à part, parce +que la dicte Dame m'a dict qu'elle m'en advertissoit soubz +sacrement de confession, en ce temps de caresme, affin +que je ne la nommasse pas; car, si les aultres se plaignoient +qu'elle m'eust donné cest adviz, elle serait contraincte +de dire qu'elle ne m'en avoit point parlé; et bien +que ce ne soit ung faict de grand importance, je ne vouldrois +toutesfoys l'avoir mise en peyne de me désadvouher.] +Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxvıı<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">Oultre les susdictes lettres</span>, le dict S<sup>r</sup> de Vassal pourra dire à Leurs +Majestez:</p> + +<p>Qu'il a esté naguières remonstré à la Royne d'Angleterre qu'elle +et son royaulme estoient pour tumber en ung prochain inconvéniant, +pour la multitude des difficultez, ès quelles elle se trouvoit embroillée +avecques le Roy, avecques le Roy d'Espaigne, avecques la +Royne d'Escoce, avec les Irlandoys, et avec les naturelz de ce +royaulme, qui sont prisonniers, fuytifz, ou mal contantz, si elle +s'opinyastroit de les vouloir toutes en ung temps surmonter par la +force ou par la despence; dont, induicte par le conseil des plus +modérez d'auprès d'elle, avoit advisé d'y procéder par les gracieux +expédians qui s'ensuyvent:</p> + +<p>En premier lieu, pour le regard du Roy, que, pour effacer la mémoire +des choses qui pourroient avoir mal passé contre luy du costé +de ce royaulme, despuys ses derniers troubles, elle s'employeroit +tout ouvertement de luy procurer une paix tant advantaigeuse et +honnorable avecques ses subjectz, qu'elle le se randroit bienveuillant, +et luy offriroit au reste quelque honneste accommodement ez +affères de la Royne d'Escoce; dont, par ces deux poinctz, elle se conserveroit +la paix avecques luy;</p> + +<p>Que, du costé du Roy d'Espaigne, elle envoyeroit des depputez en +<span class="pagenum"><a id="Page_96"> 96</a></span> +Flandres, ainsi qu'on luy en faisoit encores lors grande instance, +affin d'accorder les différans des prinses, et que ces mesmes depputez +essayeroient d'entrer plus avant en matière pour voir s'ilz pourroient +parvenir à ung général accord de toutes aultres choses.</p> + +<p>Au regard de la Royne d'Escoce, qu'elle luy escriproit une bonne +lettre, et que, jouxte ce qu'elle m'avoit naguières promis, elle l'exorteroit +de mettre en avant quelques bons et honnestes expédians +entre elles deux, et luy promettroit d'y entendre et les recepvoir de +bon cueur.</p> + +<p>Quant aulx choses d'Irlande et de ce royaulme, qu'elle rapelleroit +gracieusement aulcuns des seigneurs qui sont les moins offancez, et +par le moyen de ceulx là, elle essayeroit de radoulcyr les aultres et +les remettre en leurs degrez et estatz; et puys, avec l'unyon et conformité +de leurs bons conseilz, et de leur ayde, elle pourroit ayséement +remettre les choses en ung paysible et bien asseuré estat; dont +luy fut sur ce proposé une forme de rémission pour les fuytifz, et la +comtesse de Vuesmerland s'aprocha en ceste ville pour poursuyvre +le rapel de son mary.</p> + +<p>Suyvant laquelle délibération, parce que ceulx qui vouldroient le +trouble n'eurent de quoy suffizamment la débattre, aulcunes des dictes +choses ont esté despuys commencées, aultres ont esté en aparance +accomplyes, mais nulles n'ont sorty à bon effect; ains les ont ces +gens là tornées en aultre et quasi contraire sens de ce qu'on espéroit.</p> + +<p>Car, touchant la paix de France, estant la dicte Dame sur le poinct +d'envoyer ung personnaige de grande qualité devers le Roy pour +ayder à la conclurre, ilz ne luy ont pas ozé oster ce sien honneste +desir, parce qu'ilz ont pensé que la dicte paix se pourroit conclurre +de deçà comme dellà, et possible à leur dommaige; mais ilz luy ont +bien persuadé, qu'ayant la dicte Dame esté mal ouye, la première +foys qu'elle s'est offerte d'en parler, qu'elle debvoit meintennant attendre +que le Roy l'en pryât, ce qui se raporte au propos qu'elle +m'en a tenu en ceste audience.</p> + +<p>Et des choses de Flandres, ilz luy ont persuadé de deffandre aulx +depputez, qui alloient par dellà, de ne s'ingérer à rien davantaige +qu'au simple faict, duquel la dicte Dame estoit maintennant recerchée, +qui estoit des merchandises; aultrement ce seroit faire amande +honnorable au duc d'Alve; et que pourtant leur commission debvoit +estre leue publicquement en présence du S<sup>r</sup> Thomas de Fiesque; et à +icelle adjouxté la restriction de ne parler ny tretter d'aultre chose +<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span> +que des merchandises d'Angleterre, et de pouvoir simplement +accorder que personnaiges de semblable qualité puissent venir par +deçà pour tretter de celles d'Espaigne, ce qui a esté ainsy faict.</p> + +<p>Et pour l'importance des affères d'Escoce, affin que la dicte Dame +ne s'obligeât trop par ses lettres à la Royne d'Escoce sa cousine, le +secrétaire Cecille les a escriptes et a contrefaict la main de sa Mestresse, +avec plusieurs parolles de consolation et de commémoration +des bénéfices passez, mais tellement couchées qu'on ne peut comprendre +où va son intention; toutesfoys la Royne d'Escoce ne laysse +d'y respondre.</p> + +<p>Quant à radoulcyr et rappeller les seigneurs mal contantz, l'on a, +à la vérité, miz en plus grande mais non en entière liberté millord +de Lomellé; et le comte d'Arondel, qui estoit, plus de six sepmaines +a, sur le poinct d'estre rappelé, demeure encores confiné en sa mayson +de Noncich, et n'y a nulle apparance de la liberté du duc. Par ainsy +la noblesse reste aussi mal satisfaicte que auparavant, et le comte de +Pembroc, qui estoit ung médiateur en cella, est naguières trespassé.</p> + +<p>Or, sur la grande instance que le sir Randolf, despuys qu'il est en +Escoce, a toutjours faicte à la dicte Dame, de vouloir, par les meilleurs +et plus promptz moyens qu'elle pourroit, assister ces seigneurs +de dellà, qui veulent dépendre d'elle, lesquelz, pour establyr l'authorité +du petit prince, et oster celle de la Royne d'Escoce, demandent +avoir le comte de Lenoz pour régent, ou aultrement, que la +part de la Royne d'Escoce va prévaloir dans le pays; la matière en a +esté avec grande contention débattue entre ceulx de ce conseil, qui +enfin ont miz en considération que le dict comte de Lenoz estoit +suspect de la religion catholique, et qu'il n'estoit de suffisance ny +d'expériance pour conduyre, à l'intention de la dicte Dame, les +grandz affères qui se présentent meintenant en Escoce; ains seroit +pour y aporter plus de retardement que d'advancement: par ainsy, +ont résolu qu'on se déporteroit de plus luy pourchasser la charge ny +la régence du dict pays, et que, estant le comte de Sussex desjà dépesché, +avec tout ample pouvoir, au pays du North, il luy seroit encores +commis cest affère d'Escoce, car c'estoit tout vers ung mesmes +quartier.</p> + +<p>Dont, à sa commission des choses du dict pays du North, laquelle +portoit de marcher seulement jusques à la frontière d'Escoce, avec +quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx; et de faire procéder +au jugement des coulpables de la première ellévation et exécuter +les condampnez, et poursuyvre par deffault les absentz, confisquer +<span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span> +leurs biens et prendre possession d'iceulx au nom de la dicte +Dame, et en vendre ce qu'il pourroit; a esté adjouxté qu'il pourra +lever jusques à dix mil hommes, et qu'il procèdera aulx affères +d'Escoce tant contre les rebelles qui s'y sont retirez que au faict de +l'estat; qu'il marchera en pays, s'il est besoing, et ainsy que l'occasion +s'en présentera; et qu'il pourvoirra surtout que nulz Françoys +ny Espaignolz, ny aultres estrangiers preignent pied par +dellà; et, pour cest effect, ordonné luy estre forny contant xx mil <sup><i>lt</i></sup> +d'esterlin, c'est lxvıı mil trois centz escuz, et que, dans six sepmaines, +il luy en sera envoyé aultant. Despuys, la dicte Dame +m'a résoluement déclaré qu'elle envoyera poursuyvre et chastier ses +fuytifz et ceulx qui les soubstiennent, jusques dans l'Escoce.</p> + +<p>L'on faict aller fort secrètes et fort déguysées les nouvelles qui +viennent du dict pays d'Escoce; néantmoins l'on m'a dict que le +duc de Chastellerault, et les comtes d'Arguil, d'Honteley, d'Atil et +toutz les principaulx du pays estoient à l'Islebourg au commencement +de mars, et les comtes de Northomberland, de Vuesmerland et aultres +fuytifz d'Angleterre avec eulx; qu'ilz estoient après à tenir une +assemblée d'Estatz, remise du ıııȷ<sup>e</sup> au x<sup>e</sup> du dict moys, pour regarder +à ce qu'ilz auroient à fère pour la restitution de leur Royne; +que cependant ilz avoient faict proclamer par tout le pays l'authorité +de la dicte Dame; que, parce que le comte de Mar faisoit difficulté +de se joindre à eulx, ilz avoient proposé de marcher en armes vers +Esterlin pour le dessaysir du gouvernement du petit prince; que +despuys il s'estoit rallyé avecques eulx; qu'on ne sçavoit qu'estoit +devenu le comte de Morthon, et sembloit qu'il se fût retiré en Angleterre; +que quelques navyres, avec gens de guerre, avoient apparu +au North d'Escoce, dont aulcuns disoient que c'estoit le secours +de Flandres, que le frère du comte d'Honteley admenoit, les +aultres disoient que c'estoit le comte de Bodouel qui venoit de Danemarc, +avec quelques gens qu'il avoit ramassez.</p> + +<p class="center smcap">Seconde Instruction a Part Au Dict Sieur de Vassal.</p> + +<p>L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict, despuys huict jours, que le +duc d'Alve luy avoit escript deux notables considérations qu'il avoit +mandées au Roy par le mesmes gentilhomme, que Sa Majesté luy +avoit expressément dépesché pour avoir son conseil sur la paix de +son royaulme; la première, que d'octroyer liberté de conscience ou +exercisse de religion à ses subjectz, de tant que c'estoit pure matière +<span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span> +éclésiastique, il ne s'en debvoit entremettre aulcunement, ains le +remettre du tout au Pape; la seconde, que de pardonner aulx ellevez, +il le trouvoit bon, pour le désir qu'il avoit à la paix de France, +si cella en estoit le moyen, mais en lieu d'establyr ses affères, +ce seroient eulx qui les establyroient et se fortiffieroient par la dicte +paix, et guetteroient le temps de reprendre les armes à leur advantaige, +lorsqu'ilz cuyderont mieux emporter la couronne; par +ainsy qu'il estoit nécessaire qu'il y mit meintennant une entière fin:</p> + +<p>Que le dict ambassadeur trouvoit ce conseil fort prudent, et que +le Roy, suyvant icelluy, se debvoit résouldre à la guerre, non de +donner souvant des batailles, car c'estoit trop hazarder l'estat, mais +de myner les ennemys à la longue, et qu'aussi bien la paix n'estoit +près d'estre faicte, parce qu'ung de ses amys de ce conseil l'avoit +adverty que la Royne d'Angleterre avoit promiz au cardinal de +Chatillon de secourir l'Admyral, son frère, de deux centz mil escuz; +et que le dict cardinal luy avoit obligé sa foy, et celle de son dict +frère, qu'ilz ne permettroient qu'en nulles conditions la dicte paix se +conclûd.</p> + +<p>Je luy ay respondu, quant au premier, que le duc d'Alve estoit +ung si prudent et si entier et modéré seigneur qu'il ne faudroit de +conformer toutjours ses adviz sur les affères de France à celluy de +Leurs Majestez Très Chrestiennes, et des saiges seigneurs de leur +sang, et de leur conseil, qui les entendoient très bien et sçavoient +comme il les failloit manyer, et qui auroient toutjours le soing qu'il +ne s'y fît, pour paix ny pour guerre, rien qui ne fût sellon Dieu, à +l'honneur du Roy et repos de la Chrestienté:</p> + +<p>Et quant à l'aultre, de l'obligation du cardinal à la Royne d'Angleterre, +que je le prioys de vériffier davantaige ce qu'on luy en avoit +dict, et où, et commant se feroit le payement des deux centz mil +escuz.</p> + +<p>Mais voulant, de ma part, descouvrir si cella estoit vray, car, quant +à la promesse des deniers, j'en avois desjà quelque adviz, mais non +de ceste obligation du cardinal, ny d'une si malle volonté de ceste +Royne, j'ay, par une interposée personne, faict toucher la matière +au comte de Lestre et au secrétaire Cecille, desquelz deux se comprend +toute l'intention de la dicte Dame, et l'ung et l'aultre ont +monstré que eulx et leur Mestresse desiroient la paix; dont, oultre +la conjecture des propos, que je sçay qu'ilz en ont tenu à celluy par +qui je les ay faictz sonder et à d'aultres, voycy ceulx que Cecille +a dictz à ung mien gentilhomme tout exprès pour me les raporter:</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span> +Que, par les adviz de Mr Norrys et par aultres conjectures, il +cognoissoit que la paix demeurait d'estre faicte en France, parce que +le Roy n'y vouloit permettre l'exercisse de la religion, et que ceulx de +la Rochelle ne combattoient ny pour terres, ny pour empyres, ny pour +aultre chose quelconque que pour cella; dont il s'advanceroit de dire +un mot, que possible l'on ne l'estimeroit sage de me l'avoir mandé, que, +s'il plaisoit au Roy leur ottroyer le dict exercisse en leurs maysons, +il pensoit fermement qu'il conclurroit quant au reste la paix, tout +ainsy qu'il la vouldroit; et que, s'il avoit agréable que la Royne, sa +Mestresse, s'y employât, laquelle y pouvoit possible aultant que prince +ny princesse de la terre, qu'elle le feroit aultant à l'honneur et advantaige +de Leurs Majestez Très Chrestiennes, et à la tranquillité de +leur royaulme, comme si c'estoit pour elle mesmes.</p> + +<p>Le comte de Lestre, par ung gentilhomme italien catholique, qui +est commun amy entre luy et moy, m'a mandé que la dicte Dame estoit +bien disposée à la dicte paix, et qu'il estoit d'adviz que, comme de +moy mesmes, je l'en misse en propos, la première foys que je parleroys +à elle, pour l'exorter de tenir la main à ce qu'on la pût conclurre +à l'advantaige du Roy, et que les subjectz eussent à se contenter de +ce que leur prince leur pourrait, avec son honneur, ottroyer, sans en +vouloir tirer davantaige par la force; et que je luy remonstrasse que +la paix de France serait la paix d'Angleterre, voyre de toute la +Chrestienté, et luy toucher à ce propos le restablissement de la Royne +d'Escoce; et comme, par l'accomplissement de ces deux choses, si +elle s'y vouloit bien employer, elle pourrait régner très paysiblement +en son royaulme:</p> + +<p>Que, de sa part, il y tiendrait la main, comme très obligé de desirer +le bien du Roy et de son royaulme, et que, touchant la dicte +paix, il sçavoit que le cardinal de Chatillon y avoit une extrême affection, +et que la noblesse de ce royaulme la desiroit, et desiroit tout +ensemble l'accommodement des affères de la Royne d'Escoce, comme +deux choses d'où dépendoit le repos et la seurté de leur Royne et de +son royaulme; et que Cecille, pour estre ennemy conjuré de la Royne +d'Escoce, et pour la frustrer de la légitime succession qu'elle prétend +à ce royaulme, affin d'y establyr ung roy de sa main, et ellever +ceulx de Erfort à la couronne, lesquelz il nourryt en ceste espérance, +comme ses pupilles, en sa mayson, empeschoit que la dicte Dame ne +peult bien user de sa bonne intention en nulle de ces deux choses, +la tenant comme enchantée sur l'éguillon de la jalouzie, qu'il luy +propose toutjours de la dicte Royne d'Escoce.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span> +Mais, qu'après que j'en auroys encores une foys parlé à la Royne, +sa Mestresse, si elle venoit à luy en toucher ung seul mot, il s'ingèreroit +de luy représenter franchement le debvoir à quoy, l'honneur, la +foy et la conscience la tiènent obligée envers le Roy et envers la +Royne d'Escoce pour l'entretennement des trettez; et comme, en +leur satisfaisant en ce qui seroit de rayson, et s'asseurant par ce +moyen de la paix de France et d'Escoce, elle demeureroit très asseurée +et establye contre les dangiers et entreprinses de toutes les aultres +partz du monde; et, au contraire, si, pour ne se porter bien envers +le Roy sur ceste paix, ny envers la Royne d'Escoce sur sa restitution, +elle venoit à tumber en guerre de ces deux costez, à ceste heure +qu'elle ne sçavoit comme elle estoit avec le Roy d'Espaigne, et que +ses subjectz estoient divisez, dont possible une partie seroit contre +elle, il est sans doute qu'elle seroit en ung très grand dangier.</p> + +<p>Et ne craindroit de luy remonstrer que, nonobstant le mal qu'elle +pouvoit vouloir au cardinal de Lorrayne, elle avoit à considérer +qu'il estoit d'une mayson grande, et de nouveau plus allyée que jamais +à celle de France, et qu'en estant yssue la Royne d'Escoce de +par sa mère, monsieur et madame de Lorrayne ne permettroient +qu'elle fût habandonnée du Roy, oultre les aultres notoires obligations +d'entre les couronnes de France et d'Escoce:</p> + +<p>Qu'il n'eust tant tardé de remonstrer cecy à sa Mestresse, sans +ce que Cecille le guettoit pour le désarçonner, ainsy qu'il avoit +désarçonné les aultres principaulx du conseil, par prétexte de la +Royne d'Escoce; et qu'il tenoit ceulx qui y estoient de reste encores +toutz bandez contre luy, ne se souscyant de hasarder sa Mestresse, +son estat et toutes aultres choses, pour establyr la fortune des +dicts de Erfort, et qu'ayant luy à suyvre celle de sa Mestresse, il luy +vouloit remonstrer le dangier où elle estoit, encore qu'il en deubt +estre ruyné.</p> + +<p>Despuys, trouvant que l'intention du Roy estoit conforme à celle +du dict comte, j'ay parlé à la Royne d'Angleterre en la forme que +je le mande à Sa Majesté, et le dict comte monstre à présent d'estre +si affectionné à la matière qu'il désire fère luy mesmes le voyage +devers le Roy avec grand opinion, voyre asseurance, qu'il ne s'en +retournera sans que la paix soit conclue; sans que les affères de la +Royne d'Escoce soyent accommodez; et sans que l'amytié d'entre +le Roy et sa Mestresse soit bien estroictement confirmée.</p> + +<p>Ainsy, par les propos de ces deux, se peult conjecturer la division +qui est entre ceulx de ce conseil, et comme, en ce qui concerne la +<span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span> +France, encor que toutz monstrent d'y désirer la paix et de vouloir +que leur Mestresse s'y employe de si bonne façon que le Roy luy en +sache gré, c'est néantmoins diversement; car Cecille et les siens ne +veulent qu'il se parle des affères de la Royne d'Escoce, et le dict +comte et ceulx de son party desirent qu'ilz soient par mesmes moyen +accommodez, dont, pour avoir quelcun qui luy fasse espaule au dict +conseil pour fortiffier son opinion, il est fort après à solliciter le retour +du comte d'Arondel, qui n'est amy du dict Cecille, et tout +contraire à ceulx de Erfort.</p> + +<p><span class="fancyfont">Chiffre</span>. [Et à propos du dict comte d'Arondel, luy et millord de +Lomellé m'ont envoyé remercyer de mes bons offices et démonstrations +envers eulx, et que, si les choses ne prennent icy meilleur +trein pour eulx, ilz sont pour accepter la faveur du Roy à se retirer +soubs sa protection en France, et le dict de Lomellé y mener sa +femme;</p> + +<p>Que, pour le présent, il faut qu'ilz attendent veoir que deviendront +les promesses de leurs amys, et leurs moyens et espérances de +court; car l'on leur a mandé qu'ilz sont sur le poinct d'estre rappelez +en leur auctorité accoustumé, laquelle s'ilz ont une foys reprinse, +ilz jurent de ne s'en laysser plus dépossèder et de la retenir, ou +par leur droict, ou par la force, contre quiconque leur y vouldra +fère tort;</p> + +<p>Et, si ce paysible moyen d'y retourner ne leur succède dans peu +de jours, qu'ilz en essayeront quelque aultre plus viollent, car desirent, +comment que soit, pourvoir aulx désordres de ce royaulme, et +au faict de la Royne d'Escoce, et aulx affères du duc de Norfolc, et +encores plus expressément s'ilz peuvent, quant ilz en auront le moyen, +au restablissement de la religion catholique; pour lesquelles quatre +choses ilz veulent tout hazarder.</p> + +<p>Et disent que l'importance de cecy gyt principalement en deux +poinctz; l'ung est que le dict duc veuille bien employer les moyens, +qu'il a dans ce royaulme, pour se mettre en liberté, pour fère prendre +les armes à ceulx de son party, et pour empescher au conseil les +dellibérations de ses adversayres:</p> + +<p>L'aultre poinct, que ceulx du North, qui se sont retirés en Escoce, +soyent secouruz; car est sans doubte, s'ilz se peuvent remettre en +campaigne, et marcher en çà, que ceulx de leur intelligence se déclaireront +et les repcevront avecques faveur aux meilleurs endroictz +d'Angleterre, et se joindront à eulx en grand nombre;</p> + +<p>Et que le bon succez de toutes choses deppend de ce dernier, +<span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span> +sans lequel il semble que le premier ne sera essayé, non que miz à +exécution; car le dict duc de Norfolc ne veult rien mouvoir de luy +mesmes de peur d'empyrer sa cause.]</p> +</div> + +<h2 class="p4">XCVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du dernier jour de mars 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par le nepveu du S<sup>r</sup> Acerbo.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Modération des mesures adoptées par la reine d'Angleterre.—Mise en liberté +du comte d'Arundel, qui est reçu en grâce par Élisabeth.—Promesse +faite à l'évêque de Ross que sa détention va cesser.—Préparatifs d'une +expédition qui doit être dirigée vers le Nord.—Nouvelles d'Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, les dernières lettres que je vous ay escriptes et +l'instruction que j'ay baillée au S<sup>r</sup> de Vassal, qui les vous a +aportées, vous auront donné assés ample notice de ce qui +estoit advenu de plus principal en ce royaulme, jusques à +la datte d'icelles, laquelle est du lendemain de Pasques. +Meintennant j'ay à dire à Vostre Majesté que les festes se +sont passées bien paysiblement en ceste court, sans qu'il y +soit survenu aulcune chose de nouveau, par où ceste Royne +et les siens ayent monstré d'en estre esmeuz davantaige; +et toute expédition d'affères a cessé, s'estans la pluspart +des seigneurs de ce conseil absentez en leurs maysons +pour y fère la solempnité; et a l'on espéré que les choses, +desquelles l'on craignoit debvoir le plus advenir de mouvement +en ce royaulme, comme sont celles de ces seigneurs +mal contantz, celles de la Royne d'Escoce et celles +de la religion, seroient bientost réduictes à quelque modération, +<span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span> +ayant la dicte Dame faict une soubdaine faveur +au comte d'Arondel de l'admettre à luy venir bayser les +mains, le jour du Jeudy sainct, avec une gracieuse satisfaction +de ce qu'elle luy avoit faict sentyr son courroux sur le +faict du mariage du duc de Norfolc avecques la Royne d'Escoce, +parce qu'on l'avoit asseurée que c'estoit luy qui en +estoit l'autheur: de quoy il s'est excusé, et qu'il n'avoit esté +que en la compaignie de ceulx qui en avoient parlé comme +de chose qu'ilz estimoient convenable au service d'elle, et +au bien et repoz de son royaulme, et en laquelle ilz n'avoient +jamais entendu qu'on y deubt procéder, sinon avec +son bon congé et consentement; et que, de sa part, il ne +seroit jamais trouvé aultre que son très fidelle subject et +très loyal à sa couronne. Et ainsy luy ayant dès lors randue +sa pleyne liberté, il s'en retourna pour quelques jours en sa +mayson de Noncich, avec promesse de revenir en brief +trouver la dicte Dame pour résider près d'elle, autant qu'il +luy plairoit le commander; et à l'évesque de Roz fut donnée +parolle qu'il seroit eslargy dans trois jours, mais despuys +luy fut mandé que par ung mesmes moyen, après les festes, +la dicte Dame le feroit mettre en liberté, et luy permettroit +de venir tretter avec elle des affères de sa Mestresse; et +aulx Catholiques n'a esté usé d'aulcune rigueur ny recerche +à ces Pasques; mais aulcuns pensent que toute ceste +gracieuse démonstration se faict pour gaigner le temps, et +pour amortyr les entreprinses qu'on crainct devoir estre +cest esté.</p> + +<p>Aultres ont opinion que, à bon escient, l'on veult accommoder +les affères, et plustost plyer ung peu que venir +au dangier de rompre, dont le temps nous fera veoir ce qui +en sera; tant y a que le comte de Sussex marche toutjours +<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span> +vers le North, avec quatre mil hommes de pied et douze +centz chevaulx, et que l'admyral Clinton est après à lever +encores (à ce qu'on dict) des gens de pied et de cheval +vers son pays de Linconscher pour s'aller joindre à luy; et +a l'on tiré, ces jours passez, de la Tour trente chariotz +d'armes et de monitions, et créé des cappitaines de pionnyers +pour leur envoyer; ce qui donne à penser, avec d'aultres +adviz précédans, qu'on a intention de dresser camp, +et d'entrer en Escoce; vray est que la sayson ne semble +propre pour commencer encores ceste guerre, jusques à la +fin d'aoust, car jusques alors ne se trouvera vivres au dict +pays du North ny en toute la frontière d'Escoce.</p> + +<p>L'on continue de dire que les seigneurs Escouçoys font +aller toutes choses dans leur pays à l'advantaige de la +Royne, leur Mestresse, et qu'ilz ont faict proclamer son +auctorité, et qu'il ne reste des grands du royaulme que quatre +que toutz ne soyent pour elle. L'on dict qu'ilz ont encores +remiz jusques au premier jour de may la tenue de +leurs Estatz. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxxı<sup>e</sup> jour de mars 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span></p> + +<h2 class="p4">XCIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">IIII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Cambernon</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Retour du comte d'Arundel à la cour.—Prolongation de la captivité de l'évêque +de Ross.—Affaires d'Écosse.—Bon accueil fait par le duc d'Albe +aux députés d'Angleterre.—Nouvelles d'Allemagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, retournans après ces festes les seigneurs de ce conseil +en ceste court, le comte d'Arondel y est arrivé des +premiers, auquel la Royne sa Mestresse a faict beaulcoup +de faveur, monstrant prendre toute confiance de luy; dont +semble qu'il ne reffuzera de se laysser introduyre de rechef +aulx affères, mais ce sera possible plus pour servyr à la liberté +du duc de Norfolc, son beau filz, et aulx affères de +la Royne d'Escoce, ausquelz il a toutjour porté bonne affection, +que pour ambicion qu'il ayt; car le présent manyement +de l'estat ne semble aller aucunement sellon qu'il +le vouldroit.</p> + +<p>Je suys bien marry qu'en leurs premières dellibérations, +iceulx seigneurs du conseil, après leur dict retour, ayent +changé ce qu'ilz avoient auparavant ordonné pour l'évesque +de Roz, de luy donner sa liberté incontinent après Pasques, +et qu'il seroit admiz à parler à la Royne leur Mestresse; +là où meintennant on luy faict dire qu'il ayt encores pacience, +et qu'elle n'est bien résolue quant, ny commant, +elle la luy pourra donner. Il semble que le sir Randolf ayt +donné adviz à la dicte Dame que ceulx, qui ont relevé le +<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span> +party du comte de Mora en Escoce, ont desjà dépesché +l'abbé de Domfermelin et Nicollas Elphiston pour venir +tretter, avecques elle et avec les seigneurs de son conseil, +de toutes choses de dellà; et que possible elle y veult avoir +pourveu, premier que d'eslargyr le dict sieur évesque, de +peur qu'il ne luy traverse ses desseings. Et de ce, Sire, +que je vous avois cy devant mandé, que le voyage du comte +de Lenoz estoit interrompu, les dicts du conseil ont changé +d'opinion à cause d'une lettre que les comtes de Mar et +de Glencarve, et les lordz Lendzay, Semple, Ruthunen et +Drunquhassil ont escripte au dict de Lenoz, qu'il veuille +venir en dilligence prendre la régence du pays, affin de +conserver l'authorité au jeune prince son petit filz, et haster +le secours que la Royne d'Angleterre leur a promiz; +de tant mesmement que les fuytifz de son royaulme non +seulement se sont joinctz aulx Amelthons en faveur de la +Royne d'Escoce, mais publient aussi qu'ilz n'attendent, +d'heure en heure, que l'arrivée du renfort qui leur doibt +venir de France et de Flandres. Sur quoi, de tant que +iceulx du conseil ont senty que le comte de Morthon, duquel +ilz espéroient beaucoup, n'estoit bien vollu ny de la +noblesse ny du peuple d'Escoce, et que mesmes il n'estoit +soubsigné en la dicte lettre avec les aultres, ce qui monstroit +de n'estre bien d'accord avec eulx, par ainsy qu'ilz ne +pouvoient fère aulcun bon fondement sur luy, ilz ont advisé +de laysser aller, plus par nécessité que par ellection, +le dict de Lenoz par dellà; réservant néantmoins la charge +principalle du tout au comte de Sussex, et ne fornyssant +à icelluy de Lenoz que, comme pour fère le voyage, envyron +trois mil cinq centz escuz. Vray est que la comtesse, +sa femme, a engaigé ses bagues et sa vaysselle d'argent +<span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span> +pour luy fère plus grand somme; et cependant l'on a dépesché, +coup sur coup, force courriers devers le comte de +Sussex, ne sçay encores à quelles fins; car le bruyt est que +les frontières ne sont plus tant pressées comme elles estoient +par les fuytifz; mais je pense que c'est pour le haster +vers l'Escoce, me confirmant toutjour en l'opinion qu'ilz +le feront entrer dans le pays avecques forces, et mesmes +que, pour pourvoir à la faulte des vivres qu'on pourroit +avoir par dellà, j'entendz qu'on faict grand provision de +farines, partout icy autour, pour les y envoyer par mer: ce +que je mettray peyne de vériffier, et de vous donner de +cella, et d'aultres choses, ung plus exprès et un plus certain +adviz par mes premières. Je ne cesse cependant de +fère, au nom de Voz Majestez Très Chrestiennes, toutz les +meilleurs et plus exprès offices que je puys pour les affères +de la dicte Royne d'Escoce, mais je ne sçay que espérer +d'iceulx en un si grand changement et variation, comme +l'on m'y use ordinairement, sinon que je croy qu'ilz se rangeront +enfin d'eulx mesmes, ou qu'ilz ruyneront ceulx qui +les vouldront ruyner.</p> + +<p>Icy court ung bruyt que le duc d'Alve a vingt six grands +navyres prestz à mettre sur mer, avec nombre d'hommes +de guerre, et de monitions, mais ne se dict à quel effect; +néantmoins, cella met ceulx cy en assés de souspeçon, lesquelz +ne layssent pourtant de solliciter par leurs depputez +l'accord des différans des Pays Bas; et leur a fort pleu que +le duc d'Alve les ayt ainsi bien receuz comme il a faict +avec grand faveur; et que, à Bruges et en Envers où ilz ont +passé, l'on les ayt caressez et trettez en amys; et que les +officiers les ayent visitez et leur ayent envoyé présens; et +que desjà le dict duc ayt depputé personnaige de sa part pour +<span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span> +tretter avec eulx; dont s'espère qu'ilz s'accommoderont, +comme, à la vérité, pour avoir les ungs et les aultres où +entendre assés en d'aultres choses, il semble que tant plus +vollontiers ilz vouldront sortyr de celles cy.</p> + +<p>Il se parle d'ung grand emprunct que ceste princesse propose +de fère tout de nouveau; dont suys après à descouvrir +si c'est pour recepvoir les deniers icy ou en Hembourg, et +semble bien que les propos et pratiques de la dicte Dame et +des siens en Allemaigne demeurent en mesmes suspens que +faict la paix de France; et n'ay point sceu qu'il soit venu, +de tout le moys passé, aultres nouvelles de dellà, si n'est +de la diette du xxıı<sup>e</sup> de may à Espyre, et de l'aprest des +deux Roynes, filles de l'Empereur, pour aller en France et en +Espaigne; et du faict du prince d'Orange, duquel l'on parle +diversement, car les ungs disent qu'il sçayt où prendre +gens et argent pour fère une grande entreprinse et que la +faveur des princes protestans ne luy manquera: aultres +asseurent, et mesmement l'ambassadeur d'Espaigne, qu'il +n'a ny gens, ny argent, ny moyen de rien entreprendre, +et qu'il a perdu toute sa réputation envers les dicts princes +protestans. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıv<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span></p> + +<h2 class="p4">C<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Rossel et Christofle</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">État des forces levées pour le Nord, et sans doute destinées à entrer en +Écosse.—Nouvelles de Marie Stuart.—Sommes importantes réunies par +Élisabeth.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, l'occasion pour laquelle la Royne d'Angleterre a +dépesché, despuys huict jours, plusieurs courriers vers son +pays du North, ainsy que je le vous ay mandé par mes +précédantes du ıııȷ<sup>e</sup> du présent, est, sellon que j'entendz, +pour mander aux trouppes et compagnies de gens de guerre, +qu'on a levées en ces quartiers là, de se randre toutes +ensemble à Yorc le xıı<sup>e</sup> de ce moys; et au comte de Sussex +qu'il leur face fère incontinent la monstre, et qu'il les +face acheminer à si bonnes journées qu'il puysse avoir son armée +toute preste à Barvyc, le premier jour de may; laquelle +les ungs disent debvoir estre de dix mil hommes de pied et +cinq mil chevaulx, les aultres de la moytié moins des ungs +et des aultres, ce que, pour encores, je croy estre le plus +certain, mais qu'il a bien commission de lever l'aultre plus +grand nombre, s'il est besoing. Il ne se dict encores ouvertement +qu'il doibve entrer en Escoce, mais il se tient pour +résolu qu'il le fera, si les seigneurs du pays, entre cy et +là, ne se trouvent d'accord, ce que la dicte dame crainct assés; +auquel cas, elle regardera ung peu de plus près comme +elle devra poursuyvre l'entreprinse, et possible adviendra +<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span> +cependant que de l'avoir seulement entamée, elle leur +aura donné plus prompte occasion de se réunyr. Il est +bien certain que ses fuytifz ayant ainsy couru, de jour et +de nuict, comme ilz ont faict, la frontière de deçà, et +pillé et brullé les villaiges, et enmené force prisonniers, +luy donnent occasion d'y envoyer des forces pour leur résister; +mais elle dict que non seulement elle les veult +chastier, mais qu'elle veult chastier ceulx qui les ont retirez; +ce qui s'adresse principallement aulx Escouçoys: car +l'on m'a asseuré, quant aux dictes frontières, que, despuys +quelques jours, elles se trouvent assés paysibles, par l'ordre +que les Escouçoys mesmes y ont miz; et que les principaulx +chefz des fuytifz sont après à trouver moyen de passer +en France ou en Flandres, ce qui debvroit fère abstenir +la dicte Dame de son entreprinse; mais je crains que +ce sera cella qui l'y convyera davantaige pour luy sembler +moins difficile, et pour vouloir en toutes sortes establir +les choses d'Escoce, si elle peult, à sa dévotion.</p> + +<p>Et fault estimer, Sire, que son desseing au dict pays ne +peult estre petit, veu le nombre de canons de batterye, +de couleuvrines, de monitions, d'armes et de vivres qu'elle +y envoye. La Royne d'Escoce luy a naguières escript là +dessus, mais l'évesque de Roz, qui est encores en arrest, +ny moi, n'avons peu entendre du contenu en sa lettre que ce +qui concerne seulement sa santé: qu'elle se porte bien, +qu'elle se loue du bon trettement du comte de Cherosbery, +et qu'elle trouve bon qu'il la conduyse en une aultre +sienne mayson pour changer d'air et pour avoir plus +grande commodité des vivres. L'on attend l'arrivée de +l'abbé de Domfermelin, et le comte de Lenoz est desjà +party, duquel l'on ne se peult si bien asseurer qu'on ne +<span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span> +voye encores plusieurs difficultez en son voyage, et se +parle de quelque marché sur le comte de Northomberland, +que ceste Royne donnera quatre mil <sup><i>lt</i></sup> d'esterlin pour +lui estre livré entre ses mains, par où semble qu'il soit +encores dans le chasteau de Lochlevyn; et, à la vérité, +Sire, je n'ay peu encores avoir assés de certitude +des choses de dellà, car les passaiges sont trop serrez, et +ce qui en vient en ceste court est tenu bien fort secrect, +ou bien l'on le baille tant au contraire de ce qui est que +je n'y donne poinct de foy. J'espère que par d'aultres +moyens, que nous avons essayez, il nous en viendra bientost +quelque notice.</p> + +<p>Quant à l'emprunct, dont en mes précédantes je vous +ay faict mention, j'entendz que la dicte Dame a fait expédier +mil v<sup>e</sup> lettres de son privé scel, la moindre de cinquante +<sup><i>lt</i></sup> d'esterlin, et la pluspart de cent, aulx particulliers +bien aysez de son royaulme pour luy estre forny par +chacun sa cothe part en ceste ville de Londres, dans le +prochain moys de may; dont faict estat qu'il montera à la +somme de cent cinquante mil <sup><i>lt</i></sup> d'esterlin, qui est cinq +centz mil escuz. L'on commance de préparer une flotte +de draps pour Hembourg et deux navyres de guerre pour +la conduyre aulx despens des merchans; mais plusieurs estiment +que ce sera pour aller en Envers, et que les depputez +conclurront quelque chose sur ces différans, affin de +pouvoir continuer leur mutuel traffic comme auparavant. +Ceulx cy demeurent en grand suspens sur la longueur du +tretté de paix de Vostre Majesté, et semble, Sire, qu'ilz +en désirent et qu'ilz en craignent tout ensemble la conclusion +pour des considérations et respectz, qui sont assés +divers, dont je suys après d'en vériffier ce que desjà l'on +<span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span> +m'en a dict, affin de vous rendre plus claire leur intention. +Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıx<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p> + +<h2 class="p4">CI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Le Tourne</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Continuation des préparatifs militaires contre l'Écosse.—Inquiétude des +Anglais sur la négociation des affaires de Flandre.—Détail des nouvelles +arrivées en Angleterre sur l'état de la guerre civile en France, et les entreprises +faites par les protestans.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ce que j'ay aprins de l'expédition de l'armée que +la Royne d'Angleterre envoye vers le North, despuys les +dernières nouvelles que j'en ay escriptes à Vostre Majesté +du ıx<sup>e</sup> du présent, est que le comte de Sussex, en marchant +en là, a assemblé six mil hommes, tant de pied que +de cheval, à Duram, dont il en eust heu davantaige, s'il +n'eut renvoyé ceux des gens de cheval qui n'estoient protestans; +mais n'a regardé de si près aulx gens de pied, et, +avec ceste troupe, il dellibère s'acheminer vers Barvyc, +non qu'il ayt encores toutes choses si bien prestes qu'il s'y +puisse randre le dernier de ce moys, comme il luy a esté +mandé, ny qu'il puisse, devant le xv<sup>e</sup> du prochain, entrer +en Escoce. Et de tant qu'on publyoit par dellà que la dicte +armée seroit de dix mil hommes de pied et cinq mil chevaulx, +quelcun m'a dict que ceulx du party contraire de la +<span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span> +Royne d'Escoce ont mandé qu'il suffiroit, pour ceste heure, +de fère entrer la moictié des dictes forces dans le pays, à +cause qu'on ne trouverait assés de vivres pour tant de +gens et de chevaulx; et qu'avec cella le petit prince pourroit +estre facilement enlevé sans aulcun empeschement, +pourveu que le reste se tînt sur la frontière pour venir au +secours, si besoing estoit. L'on m'a confirmé qu'il est venu +adviz bien certain à ceste Royne de l'arrivée d'ung ambassadeur +de Vostre Majesté par dellà, et adjouxte l'on qu'il +a conduict dans Dombertran six mil harquebouzes et trois +mil corseletz, et qu'il faict une grande dilligence de réunyr +et mettre les seigneurs du pays en bon accord, leur promettant +l'assistance et secours de Vostre Majesté; et que les +fuytifz d'Angleterre qui estoient près de s'en aller par +mer, se sont arrestez; bien que quelcun m'a dict que le +comte de Northomberland a trouvé moyen d'eschapper de +Lochlevyn, et qu'il s'est retiré en Flandres. Il est vray, +Sire, que jamais nouvelles ne furent baillées plus diverses +que celles qui viennent de ce quartier là, parce que la +matière est affectée de plusieurs, qui les publient sellon +qu'ilz y ont différante affection. L'abbé de Domfermelin +n'est encores arrivé. Le comte de Lenoz poursuyt son +voyage, et la liberté est promise dans trois jours à l'évesque +de Roz.</p> + +<p>Ceulx cy ont si grand désir que les depputez, qu'ilz ont +envoyé en Flandres, facent quelque bon accord, que, pour +garder que l'ambassadeur d'Espaigne ou aultres de deçà +n'escripvent chose qui y puisse donner empeschement, ilz +ont ung grand aguet sur toutes les dépesches qu'on y faict, +et n'en layssent passer une seulle qui ne soit visitée. J'entendz +qu'il est arrivé quelcun, assés freschement, de la Rochelle +<span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span> +qui publie que les princes de Navarre et de Condé +sont en Languedoc ez envyrons de Thoulouze, qui pillent, +brullent et ruynent tout ce qui deppend des habitans de la +dicte ville et non d'ailleurs; qu'ilz ont leur armée plus +forte et en meilleur équipaige que jamais; qu'ilz font toutz +les jours amaz d'argent et de gens, et mesmes de bandolliers, +desquelz ilz ont desjà ung bon nombre, des plus +mauvais garçons de la montaigne; que Mr de Biron est +encores avec eulx pour tretter de la paix, mais parce qu'il +ne propose nulles condicions raysonnables, l'on commence +à souspeçonner qu'il n'a esté envoyé pour dire rien de particullier, +mais pour espyer leurs forces et recognoistre +l'estat de leur armée; qu'ilz ont d'aultres forces bien gaillardes +à la Charité, qui courent ordinairement jusques à +Bourges et à Orléans, et deux mil hommes de pied et +cinq centz chevaulx à la Rochelle, avec lesquelles le S<sup>r</sup> +de La Noue tient tout le pays subject; qu'ilz ont reprins +Maran et aultres lieux, nomméement Oulonne qui leur +tenoit les vivres serrez, et qu'à présent ilz en recouvrent +abondantment de toutes partz; et que Vostre Majesté estoit +toujours à Angiers, sans argent et sans grand moyen +d'en recouvrer. Lesquelles nouvelles aulcuns de ce conseil +les magniffient, et les font encores courir plus amples affin +d'intimider davantaige les Catholiques de ce pays. Néantmoins +l'on m'a dict que la Royne, leur Mestresse, continue +toutjour au mesmes désir que je vous ay cy devant mandé +de la paix de vostre royaulme. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xııı<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span></p> + +<h2 class="p4">CII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Jos, mon secrétaire.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Détail de ce qui s'est passé en Écosse après le meurtre du comte de Murray.—Assemblée +des états à Lislebourg.—Espoir du rétablissement des affaires +de Marie Stuart, si son parti est promptement secouru par la France.—Nouvelles +de la Rochelle et de Flandre.—Nécessité de faire la paix en +France, et de s'opposer avec vigueur aux projets de l'Angleterre sur l'Écosse.—Conséquences +désastreuses qu'aurait pour la France la réunion +de l'Écosse à l'Angleterre.—Avis secret donné à Catherine de Médicis.—<em>Mémoire.</em> +Résolutions arrêtées dans le conseil d'Angleterre.—Dessein que +l'on suppose au roi d'attaquer l'Angleterre aussitôt après la pacification.—Projet +imputé au cardinal de Lorraine de vouloir faire périr Élisabeth +et Cécil par le poison.—Dissensions causées dans le conseil par la rivalité +des enfans de Hereford et de Marie Stuart, comme héritiers présomptifs de +la couronne d'Angleterre.—<em>Mémoire secret.</em> Communications confidentielles +venues des Pays-Bas sur les projets de mariage des filles de l'empereur +avec le roi de France et le roi d'Espagne, et de Madame, sœur du roi, +avec le roi de Portugal.—Desseins secrets du duc d'Albe.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, jusques à ceste heure, je n'ay peu mander rien +de bien certain à Vostre Majesté du costé d'Escoce, à +cause que la Royne d'Angleterre, sentant les diverses affections +que les siens portent aulx choses de dellà, a miz +bon ordre qu'il n'en puisse venir nouvelles sinon à elle, et +de tenir icelles bien secrettes; mais ung des moyens que +nous avons essayé pour en sçavoir a réuscy; par lequel +une lettre est arrivée à la Royne d'Escoce, du xıx<sup>e</sup> de +mars, d'ung de ses bons subjectz qui luy escript, que +bientost après que le comte de Mora a esté tué, ceulx de +<span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span> +son party se sont efforcez de tenir une assemblée à Lislebourg, +le vıı<sup>e</sup> de febvrier, pour establyr de rechef la +forme du gouvernement à leur poste, au nom du petit +prince. A quoy aulcuns d'entre eulx, mesmes qui estoient +desjà retournez en leur première bonne affection vers leur +Royne, aydez du desir du peuple qui demandoit la convocation +généralle des Estatz, y ont donné empeschement, +estant par le layr de Granges, et sir Jammes Baffour formée +une opposition, laquelle n'a esté de peu de moment: +car par là l'on a cogneu que le chasteau de Lislebourg, +duquel le dict de Granges est capitaine tenoit pour la dicte +Dame et que les choses avoient esté conduites en façon +que dès lors une assemblée généralle fut publiée, au ıııȷ<sup>e</sup> de +mars ensuyvant, au mesmes lieu de Lislebourg, en laquelle +la pluspart de la noblesse s'estoit trouvée, réservé aulcuns +des Amilthons pour la souspeçon du murtre du dict de Mora, +et réservé le comte d'Arguil, qui n'avoit passé plus avant +que Glasco, et que les deux partz ne s'estoient pourtant +guières meslée l'une avecques l'aultre; ains avoient tenu +leurs assemblées séparées, sinon quelquefoys que les amys et +partisans de la Royne avoient condescendu de convenir +avec aucuns des aultres en la maison du secrétaire Ledinthon, +qui estoit mallade, pour tretter de certaines particullaritez; +et qu'enfin n'y avoit esté faicte plus grande +détermination, que de assigner une aultre nouvelle assemblée +au mesmes lieu, au premier jour de may prochain, +de laquelle assemblée à venir les bons serviteurs de la dicte +Dame ne pouvoient prendre aulcune bonne espérance, s'il +n'aparoissoit premier pour elle quelque bonne faveur et +assistance par dellà, ou de France, ou de Flandres, ainsy +que ceulx qui estoient demeurez fermes en la foy et obéyssance +<span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span> +de la dicte Dame, l'avoient toutjour espéré: car +ceulx du contraire party s'asseuroient d'estre favorisez et +secouruz, dans le temps, par la Royne d'Angleterre et +d'hommes, et d'argent, pour maintenir l'authorité du jeune +Roy et la religion nouvelle dans le pays, ainsy que Randolf, +son ambassadeur, les en asseuroit; et qu'il estoit bien +vray que le comte d'Atil, milord de Humes, le ler de +Granges, le secrétaire Ledinthon, et plusieurs aultres qui +avoient esté du contraire party, se déclaroient meintennant +estre de celluy de la dicte Royne d'Escoce; et le dict Ledinthon +pratiquoit encores d'y admener le comte de Morthon, +avec lequel il en estoit bien avant en termes; et que +les fuytifz d'Angleterre estoient aussi toutz déclairez pour +elle et pour la religion catholique, mesmes le comte de +Northomberland, qui avoit commancé de tretter de son +rappel avec le dict Randolf pour sortyr de pryson, avoit, +par la persuasion du dict Ledinthon, demeuré ferme en son +premier propos, de sorte que les aultres restoient bien foybles +dans le pays; mais qu'il estoit certain que les deniers +et les forces d'Angleterre les relèveroient et leur mettroient +toutes choses en leur main, si quelque aultre main bien +forte ne s'y trouvoit opposante pour la dicte Royne d'Escoce; +et contenoit aussi la dicte lettre que l'abbé de Domfermelin +estoit dépesché par ceulx du contraire party devers +ceste Royne, et que les aultres avoit advisé d'envoyer +conjoinctement Robert Melin devers elle, pour la prier de +moyenner par son authorité une bonne réconciliation dans +le pays et en oster la division, affin que les estrangiers n'y +fussent par les ungs ou par les aultres appellez, au grand +détriment de la paix et du commun repos des deux +royaumes.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span> +Lesquelles susdictes nouvelles, Sire, nous tenons pour +plus vrayes, que nulles aultres qu'on nous ayt encores raportées; +et sur icelles la Royne d'Escoce m'a prié de fère +aulcuns offices envers la Royne d'Angleterre, pour l'exorter +à l'entretennement des trettez, et de ne rien attempter +par son armée au préjudice d'iceulx, ce que j'ay desjà +faict, et y incisteray encores bien fermement; et que je +veuille aussi fère entendre de sa part à Vostre Majesté +qu'elle et son royaulme, qui sont l'ung et l'aultre de +vostre alliance, pourront estre facillement remédiez à ceste +heure par le secours qu'il vous a pleu luy accorder, +pourveu qu'il vienne promptement, sellon que les choses +sont encores en fort bonne disposition; de quoy elle vous +supplie très humblement, mais que si vostre dict secours +luy deffault, qu'il adviendra deux grandz inconvénians, +qui vous seront non guières moins dommageables qu'à elle; +l'ung, que les affères siens et de ses subjectz, qui sont +proprement vostres et ceulx de la religion catholique, +recepvront ung préjudice et détriment perpétuel dans son +pays; l'aultre, que, pour se rachapter de la pryson où elle +est et recouvrer son estat et sa liberté, elle sera contraincte +de mettre le prince d'Escoce, son filz, ez mains +des Anglois.</p> + +<p>Voylà, Sire, quand aulx affères de ceste pouvre princesse, +qui sont si pressez par la dilligence que ceste +Royne faict de haster toutjour son armée vers l'Escoce, +qu'on pense que dans deux moys elle aura achevé son entreprinse, +et n'est sans soupeçon qu'elle veuille fortiffier +Dombarre, ou Aymontz, ou quelque aultre lieu dans le +pays, veu les pyonniers qu'elle y envoye.</p> + +<p>Au surplus, Sire, certainz petitz discours qu'on a envoyés +<span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span> +imprimez de la Rochelle font aulcunement mal espérer +ceulx cy de la conclusion de la paix de vostre royaulme. +Néantmoins la Royne d'Angleterre monstre toutjour de la +desirer, bien que quelcun m'a dict que si elle estoit déjà +faicte, que la dicte Dame yroit plus retenue ez choses +d'Escoce, et n'y procèderoit sinon ainsi que vous le vouldriez, +mais qu'elle pense, durant le pourparlé d'icelle, +avoir exécuté ce qu'elle prétend. Il semble par aulcuns propos +qu'on m'a raporté du S<sup>r</sup> de Lombres que les pratiques +du prince d'Orange en Allemaigne ne sont mortes et que +bientost il s'en manifestera quelque chose; dont les Flamans, +qui sont icy, desireroient la paix de France, affin +que la guerre fût transférée en leur pays. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvııı<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, estant les choses d'Escoce en l'estat que je +les mande en la lettre du Roy, et ceulx cy sur le poinct de +les aller par armes réduyre à leur dévotion, plusieurs gens +de bien sont, avec grand desir, attandans quel ordre Voz +Majestez Très Chrestiennes y mettront pour les remédier, +et me viennent souvent alléguer qu'il pourra venir beaucoup +de diminution à vostre grandeur, si vous layssez aller +en proye aulx Anglois la Royne d'Escoce, et son +royaume, et la religion catholique de son pays; car, oultre +qu'il yra assés en cella de la réputation de vostre couronne, +ilz disent qu'en la présente guerre de vostre +royaulme, la réduction de toute ceste isle au pouvoir de +ceulx cy et l'entière réunyon d'icelle à leur religion nouvelle +<span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span> +sera ung très grand apuy de deniers, de munitions +et aultres moyens à ceulx de la Rochelle et aulx Allemans, +qui les favorisent, en dangier que ceste Royne, par +après, entrepreigne elle mesmes ouvertement la guerre +avec eulx, et davantaige qu'à l'advenir, se trouvans les +Anglois hors de toute souspeçon de l'Escoce, laquelle s'est +toutjour trouvée preste pour nous contre leurs entreprinses, +mesmes l'ayant mise de leur costé, qu'ilz ne vous +meuvent une perpétuelle guerre, pour leurs prétencions; +ou bien que, par quelque mariage ou par aultre accession, +ilz aillent joindre toute ceste isle à la grandeur de +quelque aultre, parce qu'ilz craignent naturellement la +vostre, qui vous sera de grand préjudice.</p> + +<p>Sur quoy je leur répondz, Madame, que les choses +d'Escoce ne sont si foibles d'elles mesmes, ny si mal +apuyées de Voz Majestez Très Chrestiennes que les Anglois +les puissent ayséement plyer; et, quant bien ilz se seroient +prévaluz de l'oportunité de ce temps, auquel ilz +vous voyent fort empeschez aulx guerres de vostre +royaume, que néantmoins vennant la paix, comme Voz +Majestez ne sont loing de l'avoir, que vous radresserez +bien ayséement le tout; et que l'Escoce ne sera jamais à +eulx, que quand ilz la cuyderont bien tenir. Je considère +assés, Madame, que la Royne d'Angleterre entreprend +d'une grande affection ce faict d'Escoce, et que les ennemys +et malveillans, que la Royne sa cousine a dans son +propre royaulme et dans cestuy cy, l'y persuadent si fort, +qu'il est très difficile de l'arrester; néantmoins, je vous +suplie très humblement, Madame, me commander par ce +mien secrétaire ce que j'auray à dire ou fère là dessus envers +la dicte Royne d'Angleterre, oultre l'office que je luy ay +<span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span> +desjà faict; car je ne fauldray d'ung seul poinct de très +humblement vous y obéyr. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvııı<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p> + +<p class="center smcap">Aultre lettre a part a la Royne.</p> + +<p>Madame, j'ay donné charge à ce mien secrétaire de +vous bailler ce mot, à part, pour avoir meilleur moyen +de compter à Vostre Majesté la façon, dont l'on a usé, +pour fère venir en mes mains le propre original de cest escript, +qu'il vous baillera en forme d'une lettre qu'on m'adressoit; +où trouverez, Madame, ung conseil<a name="FNanchor_5" id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>, lequel je +vous suplie très humblement ne communiquer, du commancement, +sinon au Roy et à Monseigneur, voz enfans, +et puis à quelcun de voz plus expéciaulx et saiges serviteurs, +qui, possible, vous ouvrira l'expédiant comme +vous vous en pourrez servyr. Il vous pourra, par advanture, +estre venu ung semblable adviz d'ailleurs, mais je +vous puys bien jurer, Madame, avecques vérité, que je ne +sçay ny ne puys penser d'où cestuy cy est procédé. Cella +considérè je bien que, par icelluy, il y pourroit cy après +avoir moins d'ellévation dans vostre royaulme et aussi +moins de moyen d'oster ce qu'y auriez une foys introduict. +Sur ce, etc.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center smcap">Instruction de ce que mon dict secrétaire aura à dire à +Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres:</p> + +<p>Que les choses de ce royaulme s'entretiennent encores en quelque +apparence de repos, non d'elles mesmes, car tout est plein de malcontantement, +mais par la dilligence de ceux qui sont en authorité; +lesquelz font ce qu'ilz peuvent pour gaigner le temps, mais non +<span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span> +pour remédier du tout au mal; car semble plustost qu'ilz le vont +norrissant pour le fère cy après devenir plus grand.</p> + +<p>Ilz s'esforcent de passer cest esté sans troubles par le moyen de +l'armée, qu'ilz ont faicte dresser à leur Mestresse vers le North par +prétexte des choses d'Escoce, et d'aller contre les fuytifz; en quoy +ilz exécuteront, sans faulte, ce qu'ilz pourront; mais il n'y a assés +de deniers en repos pour entreprendre choses si utilles, sans ce +qu'on estime que la mesme armée se trouvera preste et en estat +contre l'ellévation, qu'on crainct bien fort debvoir advenir avant la +racolte.</p> + +<p>Et à ceste force ilz ont adjouxté l'artiffice, car, pour donner quelque +satisfaction aulx principaulx de la noblesse, affin qu'ilz ne se +meuvent, et pour leur fère prendre espérance d'ung meilleur estat +des choses, ilz ont rappellé en court et au conseil le comte d'Arondel, et +ont miz en pleyne liberté millord de Lomelley, et ont donné +espérance au duc de Norfolc d'estre en brief eslargy hors de la Tour, +soubz quelque garde en sa mayson qu'il a à Londres, et que mesmes +se pourra ottroyer une forme de pardon au comte de Northomberland +et aultres chefz des fuytifz, pour remettre toutes choses en +bonne unyon.</p> + +<p>Mais il adviendra, possible, que l'artiffice produyra ung aultre +effect que le simulé, parce que ceste princesse n'a le cueur ny l'intention +esloignée de celle de sa noblesse, n'y n'est mal affectionnée +à ses subjectz catholiques, pour lesquelz elle résiste assés souvant +aulx conseilz, que leurs adversaires luy donnent contre eulx, affin +qu'avec les ungs et les aultres elle puisse passer son règne en paix.</p> + +<p>Et semble bien que les seigneurs catholiques seront pour tenir +dorsenavant leur partie bien ferme et rellevée, de tant que le comte +de Lestre se monstre entièrement pour eulx, ayant esté luy le moyen +de les fère eslargir et rappeller; et il descouvre qu'il a assés d'aisne +au secrétaire Cecille, pour cause de ceulx de Herfort, lesquelz le dict +Cecille cherche, par toutz moyens, de les ellever à ceste couronne au +préjudice du dict comte et des aultres seigneurs, qui estiment qu'il ne +leur va de moins que leurs testes et de la ruyne de leurs maysons, +s'ilz y parviennent.</p> + +<p>Mais le dict Cecille, oultre ce qu'il tient meintennant sa Mestresse +assés bien disposée envers les dicts de Herfort, pour la grand jalouzie +qu'il luy imprime toutjour de la royne d'Escoce; de laquelle le +tiltre seul précède celluy de Herfort en la succession de ce royaulme, +il y bande aussi toute la part des Protestans et mesmes les évesques +<span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span> +et officiers, et toutz ceulx qui sont en quelque authorité, et pensoit +bien y avoir aussi conduict le dict comte de Lestre par le moyen de +la dicte religion, et par beaulcoup d'asseurances et promesses qu'il +luy avoit faictes; mais j'entendz que, lundy dernier, estantz huict +les plus protestans de ce conseil assemblez, en la mayson du comte +de Belfort aulx champs, pour dellibérer de ce qu'ilz avoient à fère +pour la légitimation des dicts de Herfort, et pour advancer leur tiltre, +ilz se plaignirent grandement du dict comte de Lestre, de ce qu'ayant +faict rapeller le comte d'Arondel au conseil, il avoit préparé ung +grand obstacle à leur entreprinse.</p> + +<p>Et le dangier est que la Royne d'Angleterre (de laquelle la vollonté +et disposition peult beaulcoup en cella) se mette toute de ce +party pour les grandes impressions, qu'on luy donne, qu'elle est en +dangier de son estat et de sa propre vie, si elle n'oste et l'estat et +la vie à sa cousine.</p> + +<p>Car, oultre les propos qu'on luy a dict que Monseigneur, frère du +Roy, avoit tenuz, lesquelz j'ay naguières escriptz à mon dict seigneur, +j'entendz qu'on luy faict acroyre que Mr le cardinal de Lorraine +sollicite, à ceste heure, ardentment la paix en France, pour +avoir plus de moyen de dresser une entreprinse contre l'Angleterre +en faveur de la Royne d'Escoce, sa niepce; et que, pour y pouvoir +à moindres fraiz conduyre son intention, et y trouver moins +de difficulté, qu'il a convenu avec ung Itallien, dont le nom et le +visaige, disent ilz, sont cognuz, de fère empoysonner la dicte Royne +d'Angleterre et le secrétaire Cecille, et que les plus grands de +France inclinent à fère la guerre par deçà.</p> + +<p>Et la met on en souspeçon que le Roy d'Espaigne sera pour concourre +facillement à l'entreprinse, pour revenche de l'injure de ses +deniers, et des prinses de mer que ceulx cy ont faictes sur ses subjectz; +et mesmes l'on s'esforce de luy en monstrer desjà quelque indice +par l'interprétation d'une dépesche, que j'entendz qu'on a intercepté, +de Mr de Forquevaulx, et envoyée par deçà; en laquelle, +après ung propos de trois mariages, il faict mencion du grand amaz +de gens, et d'argent, et des préparatifs, par mer et par terre, que le +Roy d'Espaigne faict, avec aulcunes particullaritez de plus estroicte +intelligence avec Leurs Majestez Très Chrestiennes. Ce que n'estimans +ceulx cy que cella puysse estre pour résister seulement aulx +Mores, ilz veulent inférer que c'est contre eulx.</p> + +<p>A quoy l'on m'a dict qu'ilz sont davantaige confirmez par une +lettre, qu'on a escripte de la Rochelle à la dicte Dame, en laquelle +<span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span> +l'on l'a prié que, si le Roy vient à offrir des condicions de paix à la +Royne de Navarre, et aulx princes ses filz et ses nepveux, et aultres +de leur party, qui soyent raisonnables, comme Sa Majesté monstre +s'en aprocher, qu'elle trouve bon qu'elles soyent aceptées; car +ne les pourront bonnement reffuzer, sans se monstrer mauvais subjectz, +et que la noblesse désire grandement satisfère au Roy; aussi +qu'on voyt bien qu'elle et les princes d'Allemaigne sont longs et +tardifz à les secourir, et néantmoins adjouxtent beaucoup de grandz +mercyemens et offres à la dicte Dame, et la prient qu'elle veuille +bien pourvoir à la seurté de ses affères, parce qu'il semble qu'on +projecte desjà de grandes entreprinses contre elle et son estat, en faveur +de la Royne d'Escoce.</p> + +<p>Desquelz adviz aulcuns icy ont heu de quoy manifester si ouvertement +leur malice, qu'ilz ont ozé dire deux choses à la dicte Dame; +l'une, que si elle n'empeschoit la paix de France, qu'elle aurait certainement +la guerre en Angleterre; et l'aultre, que jusques à ce +qu'elle aura faict arracher du tout une si malle plante, comme est la +Royne d'Escoce, qu'elle ne verra jamais bien, ny repos, en ceste +isle.</p> + +<p>Ce que m'ayant esté raporté, j'ay miz peyne, par d'aultres plus +modérez personnaiges, de luy fère si bien diminuer ceste opinion +qu'elle monstre, quant à la paix de France, qu'elle y a toutjour fort +bonne affection, mais qu'elle desire infinyement luy estre donné +moyen de s'y employer, affin de pouvoir gaigner la bienveuillance du +Roy, et se confirmer en paix et amitié avecques luy; et, quant à la +Royne d'Escoce, qu'elle est bien disposée envers sa personne et sa +vie, comme je croy qu'elle n'y a heu jamais mauvaise intention, et +que mesme elle goutte aulcunement sa restitution, et ne la rejecte +plus tant qu'elle souloit; mais elle prétend à quelque entreprinse en +Escoce, qui est cogneue de peu de gens, laquelle elle pense avoir +exécutée plustost qu'on luy en puysse, ny de France, ny de Flandres, +donner empeschement; et que le tout sera faict dans deux moys, +pendant lesquelz je ne fays doubte qu'elle ne vollût que Leurs +Très Chrestienne et Catholique Majestez fussent ailleurs bien fort +empeschées.</p> + +<p class="smcap center">Aultre mémoire a part.</p> + +<p>En la dépesche d'Espaigne, dont, en l'aultre mémoire, est faicte +mention, qui a esté intercepté, j'entendz que Mr de Forquevaulx +<span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span> +escripvoit à la Royne que l'ambassadeur de l'Empereur l'avoit prié +de fère entendre au Roy comme son Maistre, pour l'affection qu'il +avoit de veoir effectuer les mariages de ses filles avec les deux Roys, +desiroit que, du premier jour, il y fût procédé sans plus le dilayer;</p> + +<p>Qu'il avoit dellibéré d'envoyer les deux Roynes ensemble, par la +mer, de Gênes à Marseille, avec la moindre compaignie et le moins +d'officiers qu'il pourroit, s'asseurant qu'elles en amasseroient assés +en chemyn;</p> + +<p>Que l'ambassadeur de Portugal l'avoit asseuré que le party de Madame, +sœur du Roy, playsoit grandement au jeune Roy, son Maistre, +et aulx deux douarières ses mère et ayeulle, et n'y avoit que ce +seul différant, qu'elles vouloient que le tout se fît par le bon adviz +et conseil du Roy d'Espaigne; et les Estatz de Portugal, au contraire, +s'estimoient assés suffizans pour cella, sans y embesoigner aulcunement +le dict Roy:</p> + +<p>Mandoit avoir entendu que le dict Roy de Portugal estoit subject à +ses opinions, et ne vouloit guières croyre conseil et qu'il n'avoit près +de luy que jeunes gens;</p> + +<p>Que les médecins et phisiciens ne l'estimoient de longue vie, pour +quelque defflussion de cerveau qu'il avoit, et que les ungs conseilloient +qu'on le maryât bientost affin de la divertyr et pour avoir lignée; +les aultres que le mariage luy abrègeroit ses jours;</p> + +<p>Que, quoy que ce fût, venant le dict jeune Roy à mourir, celluy +qui luy debvoit succéder, par le commun consentement des Estatz, +espouseroit la veufve; par ainsy que, en toutes sortes, Madame seroit +longuement Royne:</p> + +<p>Que le Roy d'Espaigne s'estoit acheminé à Courdova pour aller +tenir ses cours de Castille, et pour s'aprocher de l'entreprinse contre +les Mores, priant icelluy ambassadeur Leurs Majestez Très Chrestiennes +de luy donner moyen de le pouvoir suyvre, et leur touchoit +ung mot de sa révocation;</p> + +<p>Que le Roy d'Espaigne faisoit tel amaz de gens et d'argent, et ung +si grand aprest par mer et par terre, qu'il estoit aysé à veoir qu'il +tendoit à de plus grandes entreprinses que de se deffandre des +Mores;</p> + +<p>Que s'il playsoit à la Royne d'avoir une entrevue avecques luy à +Marseille; que le dict ambassadeur espéroit de l'y pouvoir facillement +induyre, parce qu'il l'y trouvoit fort bien disposé, pourveu que cella +fût tenu fort secrect, et quasi communiqué à nul, de peur des traverses +qu'on y mettroit pour la jalouzie que plusieurs en auroient.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span> +De laquelle lettre ceste Royne et les siens ont prins beaucoup de +souspeçon, et sont, à ceste heure, tant plus desireux de raccommoder +leur différans avec le Roy d'Espaigne, comme ilz en poursuyvent +dilligentment l'accord, par leur depputez, qu'ilz ont à cest effect +envoyé en Flandres; lesquelz, à ce que j'entendz, ont mandé qu'ilz +en espèrent une bonne yssue.</p> + +<p>Et semble que le duc d'Alve, en une façon ou aultre, y condescendra, +sellon qu'on m'a dict qu'il désire bien fort esteindre ceste +querelle, ainsy qu'il estime avoir si bien vaincue celle du prince d'Orange, +et ensepvelye celle des Gueux, qu'elles ne se pourront, l'une +ny l'aultre, jamais plus ressuciter;</p> + +<p>Et qu'à ceste heure, il a bien fort grande affection d'aller en Espaigne, +comme pour triumfer des choses qu'il a bien faictes, et bien +saigement et vaillamment conduictes en Flandres, d'y avoir conservé +la religion catholique, et estinct l'hérésie; d'avoir saulvé l'estat, et +quasi l'avoir conquiz et estably de nouveau au Roy son Maistre, qui +auparavant n'en estoit guières bien le maistre; et le luy avoir soubmiz +à y pouvoir imposer tribut, comme il vouldra, là où auparavant +l'on y souloit ordinairement contradire; et avoir augmenté le revenu +jusques à deux millions d'or toutz les ans, qui à peyne en valloit la +moytié:</p> + +<p>Et, avec l'honneur de ces choses, retourner près de son Maistre, +où la jalouzie du prince d'Enoly le tire, et près de sa femme et des +siens, qui l'appellent par dellà, à la venue de la nouvelle Royne, +pour se trouver à l'establissement et à la mutation de diverses choses, +qui lors se pourront ordonner, mais principallement pour mettre +le gouvernement de Flandres ez mains de Dom Fadrique, son filz +aisné:</p> + +<p>A quoy il a grand affection, luy ayant pour cest effect baillé tiltre +et merque nouveaulx de cappitaine général des Espaignolz et gardes, +ce qu'il n'estime toutesfoys pouvoir bien obtenir, s'il n'est présent +avec son Maistre;</p> + +<p>Et que, pour n'estre son dict retour empesché par la querelle d'Angleterre, +qu'il la vuydera, et qu'au reste procurera, avant son partement, +que la consulte et distribution des biens confisqués en Flandres +se face, affin qu'il puisse entrer en possession de Brada ou d'Ostrante, +ou de quelque aultre bien bon estat, que son Maistre luy donnera; +et desireroit bien fort que son dict Maistre remit une partie de la dicte +consulte à fère à luy, affin de pouvoir gratiffier et récompenser ceulx +qui l'ont suyvy.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span> +Toutes lesquelles choses m'ont esté dictes du dict duc par aulcuns, +qui les peuvent aulcunement sçavoir, et qui les font paroistre estre +vraysemblables.</p> +</div> + +<h2 class="p4">CIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXIII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du S<sup>r</sup> Acerbo.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Publication faite en Angleterre de la prise d'armes contre l'Écosse.—Préparatifs +de défense faits par les Écossais.—Nouvelles difficultés survenues +dans la négociation avec les Pays-Bas.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, persévérant la Royne d'Angleterre en sa dellibération +d'envoyer des forces en Escoce, elle a faict, despuys +trois jours, publier l'occasion de son entreprinse avec le prétexte +et colleur, que Vostre Majesté verra par la teneur de +sa proclamation; et a mandé au comte de Sussex qu'avec les +troupes, qu'il a assemblées à Yorc et à Durem, il ayt toutjour +à s'acheminer à Neufcastel, et qu'il temporise là jusques +à tant qu'il ayt receu les monitions qu'elle a ordonné +luy estre envoyées, lesquelles y pourront arriver envyron +la fin de ce moys. Cependant, Sire, luy ayant le dict comte +de Sussex naguière escript que, pour la nouvelle de sa +venue, les Escouçoys prenoient de toutes partz les armes, +avec intention de courre sus à ceulx qui parloient d'introduyre +les Anglois dans le pays; et que desjà milor Herys +estoit aproché avec quelques forces pour luy deffandre les +frontières, ceulx qui ont icy la matière bien affectée ont +<span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span> +conseillé à la dicte Dame de luy respondre que, sellon sa +plus ample commission, il ayt à doubler promptement ses +forces pour poursuyvre son voyage; à quoy elle a faict assés +de difficulté, voyant que l'entreprinse se monstroit à ceste +heure plus grande et plus difficille, et de trop plus grand +coust qu'on ne la luy faisoit du commancement, tant y a qu'à +leur persuasion elle le luy a mandé; et néantmoins l'on +pense qu'il trouvera assés de résistance par dellà.</p> + +<p>L'on commence à sentyr qu'il y aura assés de difficulté +en l'accord des différans des Pays Bas, parce qu'on offre +par dellà de restablyr toutes choses jusques à la valleur +d'une maille; et demande l'on qu'il soit faict le semblable +de ce costé, et mesmes que de ce qui aura esté substraict, +emporté, ou qui se trouvera aultrement dépéry, des merchandises +des subjectz du Roy d'Espaigne, parce que cella +est advenu par la coulpe des Anglois, que le tout soit réparé +par eux, en quoy très difficilement ilz veulent entendre. +Néantmoins il y a très grande affection de chacun costé +d'en sortyr. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxııı<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span></p> + +<h2 class="p4">CIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXVII</span><sup>e</sup> jour d'apvril 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Gerin Marchant</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">État des partis en Écosse.—Arrivée d'un ambassadeur de France dans ce +pays avec un secours d'hommes.—Débats entre les seigneurs écossais pour +la régence.—Vives sollicitations des ennemis de Marie Stuart pour presser +l'entrée de l'armée anglaise.—Départ de la flotte pour Hambourg, et envoi +des sommes levées en Angleterre pour l'Allemagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, après que j'auray, dimanche prochain, faict entendre +à la Royne d'Angleterre les louables et vertueux +propos qui sont contenuz en vostre dépesche du xıȷ<sup>e</sup> de ce +moys, laquelle le S<sup>r</sup> de Vassal m'a randue le xxıııȷ<sup>e</sup>, je vous +informeray bien particullièrement de l'intention, en quoy +je l'auray trouvée sur les choses que je luy proposeray de +vostre part; et cependant je diray à Vostre Majesté, touchant +celles d'Escoce, que l'arrivée de vostre ambassadeur +par dellà, et ce qu'on dict qu'avec luy sont arrivez à Dombertran +cinq cens harquebouziers françoys et assés d'armes +pour armer encores deux mil hommes, faict aultrement penser +à ceulx cy de l'entreprinse qu'ilz ont au dict pays, que +quant ilz l'ont premièrement délibérée; mesmes qu'ayantz +les principaulx seigneurs d'Escoce desjà heu conférance avec +luy au lieu de Donquel, l'on asseure qu'ilz ont prins, par les +lettres et bonnes offres de Vostre Majesté, une bonne résolution; +sçavoir, ceulx qui estoient demeurez en la foy de +<span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span> +leur Royne d'y persévérer constantment, et ceulx qui se portoient +neutres de se déclairer pour elle; tellement que tous +ensemble se sont despuys acheminez à Lislebourg: d'où les +adversayres, avec l'ambassadeur de ceste Royne, se sont +aussitost despartys; et que, illec, ilz ont faict proclamer, +le xıı<sup>e</sup> de ce moys, l'authorité de leur Royne, là où millord +de Granges a déclairé qu'il tenoit le chasteau de Lislebourg +pour elle; et le duc de Chastellerault, lequel n'est encores +eslargy du dict chasteau, pour quelque occasion bien considérable, +s'est aussi déclairé du costé de la dicte Dame; et, +bien que le comte de Mar n'ayt du tout faict le semblable, +il a promiz néantmoins de ne délivrer, en façon du monde, +le jeune prince aulx Anglois, et dict davantaige qu'il ne le +délivrera pas aussi aulx Françoys, ny aulx Espaignolz, ny +mesmes aulx Escoussoys. Et, par ainsy, les choses ont +commancé de prandre quelque train, pour le bien des affères +de la dicte Royne d'Escoce, à l'advantaige et réputation de +Vostre Majesté. Mais, Sire, voycy l'ordre qu'on me dict +que ceulx de l'aultre party ont tenu pour y donner empeschement; +c'est qu'ilz se sont incontinent assemblez au lieu +de Domfermelin, où ilz ont résolu deux choses; l'une, de +fère tout sur l'heure aprocher le comte de Lenoz, qui est +à Barwich, pour se porter pour régent de la personne et +estat de son petit filz à la faveur de l'armée de la Royne d'Angleterre +qui est en campaigne; l'aultre, d'accorder et signer +les articles de l'instruction qu'ilz ont baillée à l'abbé +de Domfermelin de tout ce qu'il vient dire, requérir et offrir +de leur part à ceste Royne.</p> + +<p>Sur quoy l'on m'a donné adviz fort secrect, mais de +bon lieu, que celle partie des dictes forces qui s'est trouvée +plus advancée, et la garnyson de Barwich, en nombre de +<span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span> +quatre mil hommes de pied et quinze centz chevaulx en +tout et huict pièces de campaigne, ont desjà marché oultre +les frontières pour favoriser le dict de Lenoz, et qu'il a esté +mandé au comte de Sussex de parfère promptement sa levée +de dix mil hommes de pied et quatre mil chevaulx, et +que le susdict Domfermelin arrivera icy dans deux ou trois +jours. L'on estime que les aultres seigneurs Escouçoys +envoyeront millord de Sethon ou millord Boyt devers la +dicte Dame pour l'effect que je vous ay cy devant mandé; +mais je ne laysse pour tout cella d'espérer encores bien des +affères de la royne d'Escoce.</p> + +<p>La flotte pour Hembourg est déjà chargée, et commance +d'avaller contrebas la Tamise. Elle est d'envyron cinquante +voylles et n'y a que deux grandz navires de ceste Royne +ordonnez pour les conduyre, mais il y en a aultres trois +équipez en guerre soubz la charge de Haquens, qui y vont, +le tout aulx despens des merchans; et, soubz ceste mesmes +conserve, partent aussi les munitions qu'on envoye au +North parce que c'est tout une mesme routte. J'entendz +que desjà les lettres d'eschange, pour le parfornissement de +cent cinquante mil escuz cy devant ordonnez pour Allemaigne, +sont expédiées, et qu'elles vont avecques ceste +flotte, oultre soixante mil escuz en espèces, cuillys sur les +esglizes des Flamans qui sont en ce royaulme, que le S<sup>r</sup> +de Lombres envoye au prince d'Orange; et luy eust envoyé +plus grand somme sans ce que, à mon instance, la Royne +d'Angleterre a deffandu de ne fère aulcune cuillette de deniers, +pour ce prétandu prétexte de la deffance de la religion, +sur ses subjectz, lesquelz s'y monstrent assés vollontaires.</p> + +<p>Ceulx cy font tout ce qu'ilz peuvent, de leur costé, pour +<span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span> +parvenir à quelque accord sur les différans des Pays Bas, +et en sont toutjour en bonne espérance. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxvıı<sup>e</sup> jour d'apvril 1570.</p> + +<h2 class="p4">CV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">III</span><sup>e</sup> jour de may 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Antoine Grimault</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Déclarations faites par l'ambassadeur, au nom du roi, tant au +sujet de la pacification de France que des affaires d'Écosse.—Irritation +causée à la reine d'Angleterre par la déclaration touchant l'Écosse, qui +renferme une menace de guerre.—Nouvelles de l'entreprise des Anglais sur +l'Écosse, où ils sont entrés en armes.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, prévoyant que la Royne d'Angleterre n'auroit +guières agréable les deux poinctz, que j'avois à luy proposer +de la dépesche de Vostre Majesté du xıı<sup>e</sup> du passé, en +ce que vous n'acceptiez son offre d'intervenir à la paciffication +de vostre royaulme, et que vous luy touchiez vifvement +le faict de la Royne d'Escoce, j'ay miz peyne, Sire, de +luy dire l'ung et l'aultre en la plus gracieuse façon que j'ay +peu; et m'a bien semblé, quant au premier, qu'elle en est +demeurée assés satisfaicte, par ce mesmement que j'ay +monstré que Vostre Majesté acceptoit plustost qu'il ne reffuzoit +son offre, mais de tant que l'affère, par la venue des +depputez des princes, estoit sur sa conclusion sans qu'il fût +besoing d'entrer en nouveaulx trettez, ainsy qu'ilz avoient +toutjour dict qu'ilz ne vouloient aulcunement capituller avec +<span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span> +leur Souverain Seigneur, vous estimiez que cella seroit +bientost faict ou failly, par ainsy, que vous en donriez +incontinent adviz à la dicte Dame; de laquelle vous requériez +cependant de vouloir demeurer en son bon et honneste +desir, qu'elle monstroit avoir vers vous et vers voz +présens affères, avec asseurance que, en pareille ou meilleure +occasion, du bien des siens vous luy feriez paroistre +par effect que vous luy correspondiez en ung semblable debvoir +de vostre bonne et mutuelle amytié envers elle.</p> + +<p>A quoy la dicte Dame m'a respondu que ce luy estoit ung +singulier playsir de veoir que Vostre Majesté eust prins son +intention en la bonne part, que vous l'avoit offerte, de s'employer +aultant droictement à la conservation de vostre +grandeur et authorité sur voz subjectz comme si c'estoit +pour sa propre cause; et que la satisfaction que vous luy donniez +là dessus estoit si grande, que c'estoit à elle meintennant +de vous en remercyer et à prier Dieu pour le bon succez +et ferme establissement de vos dicts affères et de la paix +que vous desirez en vostre royaulme, avec plusieurs aultres +parolles, dont aulcunes, à la vérité, touchoient les difficultez +qui pouvoient encores rester en cella, et d'aultres exprimoient +son affection d'y estre employée: toutes néantmoins +bien fort honnestes et pleynes de grande démonstration +d'amytié.</p> + +<p>Mais, quant c'est venu à l'aultre poinct, du faict de la +Royne d'Escoce, bien que je ne le luy aye baillé, sinon +avec les mesmes termes par lesquelz Votre Majesté monstre +de vouloir, jusques à l'extrémité du debvoir, constamment +persévérer en son amytié et en la paix, elle néantmoins en +a heu le cueur si atteinct qu'elle n'a peu, ny en son visaige, +ny en sa parolle, dissimuler l'ennuy qu'elle en recepvoit: +<span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span> +dont, après aulcuns peu de motz assés incertains, tantost +de l'esbahyssement d'ung tel propos, tantost de ce que Vostre +Majesté estoit mal informée du faict: ayant là dessus appellé +ceulx de son conseil, qui estoient dans la chambre, +elle leur a dict que je venois de luy fère une bien estrange +proposition, de la part de Vostre Majesté, et qu'elle me +vouloit bien prier de la leur exposer tout de mesmes, affin +qu'ilz en demeurassent mieulx instruictz. Ce que ne luy +voulant reffuzer, je l'ay de tant plus vollontiers faict et +avec plus d'expression de toutes les particullaritez de Vostre +lettre, que je sçavois que l'armée de la dicte Dame estoit +desjà entrée en Escoce, et qu'il y'en avoit là présens de +ceulx qui l'avoient conseillé; lesquelz je desiroys bien qu'ilz +en demeurassent confuz: et y en avoit aussi, qui n'attandoient +qu'une semblable occasion, pour avoir de quoy luy +parler librement du faict de la Royne d'Escoce. Dont leur +ay récité, tout à plain, vostre intention, et ay miz peyne de +leur monstrer qu'elle n'estoit moins fondée en toute justice, +que remplye de grande magnanimité.</p> + +<p>A quoy nul d'entre eulx n'a rien respondu, sinon le +marquis de Norampthon aulcun peu de motz sur l'aprobation +de l'entreprinse d'Escoce. Mais la dicte Dame, +(après m'avoir dict, ung peu en collère, que Vostre Majesté +avoit faict comme le bon médecin, qui, ayant à +bailler des pillules bien amaires à son mallade, en faisait +tout le dessus de sucre, et qu'ainsy, vostre premier propos +du mercyement avoit esté bien fort gracieulx et +doulx, mais celluy d'après estoit bien fort amer et piquant,) +a commancé de me desduyre amplement l'occasion et justiffication +de son entreprinse en Escoce; et croy qu'avec +les mesmes démonstrations, que luy avoient faict ceulx qui +<span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span> +la luy ont conseillée, en termes assés véhémentz, mais +toutesfoys bien fort honnorables en l'endroict de Vostre +Majesté; qui, en somme, tendent à trois poinctz: l'ung, +à vous fère veoir qu'il n'y avoit que droict et rayson, en +ce qu'elle faisoit et qu'elle vouloit fère, vers la Royne +d'Escoce et vers son royaulme; le second, que nul ne +debvoit trouver mauvais que justement elle poursuyvît de +vanger les injures, que injustement l'on avoit faictes à +elle et à ses subjectz; et le troisiesme, que, nonobstant tout +cella, et sans s'arrester à tant de véhémentes ou bien vériffiées, +occasions de malcontantement, à quoy la dicte Royne d'Escoce +et son ambassadeur, et ceulx de ses subjectz qui tiennent +pour elle, l'avoient extrêmement provoquée, elle ne +lairroit de recepvoir les condicions qu'elle luy offriroit sur +l'accommodement de ses affères, ou bien que Vostre Majesté +luy feroit offrir pour elle; ains se disposerait tout +présentement d'y entendre: mesmes que luy en ayant desjà +la dicte Dame escript une lettre et son ambassadeur une +aultre, lequel luy avoit d'abondant mandé qu'il s'estoit encores +réservé d'aultres choses, pour les luy dire en présence, +elle me promettoit, qu'il seroit bientost ouy, me +priant au reste de luy vouloir bailler par escript ce que je +luy avois proposé de vostre part, affin d'en pouvoir mieulx +dellibérer, et vous y fère plus claire et plus ample responce; +comme je pense, Sire, qu'elle fera par son ambassadeur.</p> + +<p>Et parce qu'il seroit long de réciter icy toutz les propos +de la dicte Dame et ceulx que je luy ay responduz, je +remetz de les vous mander en ma prochaine dépesche, +par ung des miens, que je dépescheray exprès devers +Vostre Majesté, avec d'aultres choses, lesquelles avecques +<span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span> +ceulx cy vous feront prendre quelque jugement des +intentions de la dicte Dame. Cependant j'ay à dire à +Vostre Majesté que le comte de Sussex, sire Jehan Fauster, +et milor Scrup, estans entrez par trois divers endroictz +en Escoce, y ont allumé des semblables feuz, que +aulcuns Escouçoys, avec les fuytifz d'Angleterre, avoient +auparavant allumez en la frontière de deçà, non sans que +ceulx cy y ayent toutjour crainct quelque rencontre: comme +il est nouvelles que le dict Scrup et sa trouppe y ont esté +fort bien battuz. L'artillerye et les munitions qu'on leur envoye +sont desjà hors de ceste rivière, et m'a l'on dict qu'on +a adjouxté à icelles mille litz avec leurs matalas et paillasses, +comme pour accommoder deux mil soldatz dans +quelque place; et de tant que la dicte Royne d'Angleterre, +parmy son discours, m'a dict qu'elle n'estoit si +sotte qu'elle ne cognût bien que toute l'affection, que Vostre +Majesté et la France ont aulx Escouçoys, n'estoit pour +proffict ny pour commodité qu'on peult tirer d'eulx, mais +seulement pour nuyre à l'Angleterre; et que Dombertran +avoit toutjour esté le port et l'entrée des Françoys +et des estrangiers dans ceste isle pour troubler le pays; +(et que d'ailleurs la dicte Dame a donné la grâce à ung +Escouçoys, qui avoit esté prins au North, lequel luy a +baillé le pourtraict du chasteau de Lislebourg), il y a quelque +souspeçon qu'elle veuille assiéger l'une des dictes places, +ou bien y en fortiffier quelque aultre dans le pays +pour y entretenir garnyson. Et viens d'estre adverty, +Sire, qu'elle faict mettre promptement en mer quatre de +ses grandz navyres et une gallère, avec commandement +de tenir les aultres bien fort prestz; dont, de tout ce qui +succèdera de nouveau, je mettray peyne de vous en advertir +<span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span> +le plus promptement que me sera possible. Sur +ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce ııı<sup>e</sup> jour de may 1570.</p> + +<h2 class="p4">CVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">VIII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Sabran</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Vifs débats dans le conseil d'Angleterre sur le parti à prendre à l'égard de +Marie Stuart, et sur la réponse à faire au roi au sujet de l'invasion en +Écosse.—Ravages opérés par les Anglais dans ce pays.—Emprunt fait pour +la Rochelle.—Négociation des Pays-Bas.—Espoir de l'ambassadeur que la +paix ne sera pas rompue.—<em>Mémoire.</em> Détail des opinions émises dans le +conseil d'Angleterre.—Réponse faite par Élisabeth à la déclaration du roi +touchant l'Écosse.—Insistance de l'ambassadeur sur les motifs qui imposent +au roi l'obligation d'exiger que les Anglais se retirent d'Écosse, et que +Marie Stuart soit rétablie sur le trône.-<em>Mémoire secret.</em> Motifs particuliers +qui ont forcé l'ambassadeur à faire connaître à la reine d'Angleterre la +déclaration du roi sur les affaires d'Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ayant la Royne d'Angleterre prins ce que je luy +ay dict, de vostre intention touchant la Royne d'Escoce, +en la façon que, par mes précédantes du ııı<sup>e</sup> de ce moys, +je le vous ay mandé, elle a monstré despuys qu'elle tenoit +en tant ceste vostre déclaration qu'elle vouloit bien +considéréement adviser comme elle auroit à s'y gouverner; +dont ayant là dessus assemblé les principaulx de son conseil, +ilz ont fort vifvement débattu la matière devant elle, +et aulcuns d'eulx luy ont remonstré qu'il n'y avoit nul +<span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span> +prince de bon sens au monde, s'il tenoit ung aultre prince +entre ses mains, qui se dict compétiteur de sa couronne, +comme faisoyt la Royne d'Escoce de celle d'Angleterre, +qui le vollust jamais lascher; et qu'il n'y en avoit poinct +aussi qui vollust espargner la vie de la dicte Royne d'Escoce, +si elle avoit excité en leur estat le trouble et la rébellion +des subjectz, qu'elle avoit esmeu en cestuy cy. Les +aultres luy ont représanté le contraire, et que la plus +grande seureté qu'elle pouvoit prendre pour elle, et pour +sa couronne, et pour la paix universelle de ceste isle, +estoit de s'employer droictement à la restitution de la dicte +Royne d'Escoce, et d'establyr une bien ferme amytié et +bonne intelligence entre elles deux et leurs deux royaumes; +et en est leur contention venue si avant que, les +voyant la dicte Dame desjà aulx grosses parolles, les a +priez d'en remettre la dispute à elle, et qu'elle cognoissoit +bien que la matière n'estoit sans difficulté: néantmoins +leur deffandoit fort expressément de ne parler jamais +de chose qui touchât ny à la vie, ny à la personne +de la Royne d'Escoce.</p> + +<p>Je suis attandant, sire, qu'est ce qui résultera de cette +détermination de conseil, et quelle responce la dicte Dame +sera conseillée de fère à Vostre Majesté. Cependant j'ay +esté adverty que l'exploict du comte de Sussex en Escoce a +esté d'entrer en pays par trois endroictz; sçavoir: luy avec +le principal de l'armée par Barvich, et sire Jehan Fauster +avec la seconde troupe par Carleil, et milord Escrup avec +le reste par ung aultre endroict; et que, le xvıı<sup>e</sup> d'apvril, +le comte de Sussex a commancé de fère le gast, et mettre le +feu à Ware, continuant ainsy jusques à Gadenart, où il a +faict miner et pourter par terre la mayson du ler de Farneyrst; +<span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span> +et là, le sir Jehan Fauster, ayant aussi miz le feu +partout là où il a passé, s'est venu rejoindre à luy; et du dict +Gadenart, après l'avoir bruslé, ilz sont allez brusler la +ville de Fanic, et ont pareillement miné et rasé la maison +du ler de Balchenech; puys, ont passé oultre jusques à +Quelso, auquel lieu le ler de Suffort leur est venu offrir +pleiges pour satisfaction de ce que l'on luy pouvoit demander; +et peu après, milord de Humes y est aussi venu, lequel +a parlé au dict comte de Sussex et luy a offert le semblable; +mais ny l'ung ny l'aultre n'ont raporté aulcune +bonne responce: et ce faict, icelluy Sussex a ramené ses +gens, le xxıııȷ<sup>e</sup> du dict moys, à Barvich. Mais, quant à milor +Escrup, qui est entré par les marches d'Ouest, les choses +ne luy ont succédé de mesmes, car il a esté rencontré par +les Escouçoys qui luy ont deffaict la pluspart de ses gens, et +dict on que luy mesmes est blessé; et que le comte de +Vuesmerland s'est trouvé au combat, qui a cuydé estre +prins. Despuys, l'on m'a dict qu'ayant le dict comte de Sussex +receu le reste des forces, qui estoient demeurées derrière, +délibère de rentrer du premier jour au dict pays et +aller assiéger le chasteau de Humes, sinon que, sur ma +remonstrance, ceste Royne luy mande de ne passer oultre; +tant y a que s'il le faict, je ne pense pas que les Escouçoys +ne luy donnent la bataille; mais je ne vous puys +mander, Sire, aulcune chose certaine de leur apareil, parce +que les passaiges sont tenuz extrêmement serrez.</p> + +<p>Il est nouvelles que le duc de Chastellerault est hors +de prison, et que ceulx qui tiennent le party de la Royne +d'Escoce sont en beaucoup plus grand nombre, et sont +les principaulx et les plus fortz du pays. Ceulx qui les favorisent +icy, m'ont faict dire que, si la paix se conclud +<span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span> +en France, leur affère se pourtera en toutes sortes fort +bien, et que ce que j'ay déclairé à ceste Royne ne sera +venu que le plus à propos du monde; mais, si la paix ne +se faict poinct, qu'ilz craignent beaucoup que les choses +n'en aillent que plus mal; et semble, Sire, que aulcuns +de ceulx de la Rochelle, qui sont icy, n'espèrent guières +qu'elle se puysse fère: mesmes j'ay adviz qu'il a esté +mandé en Hembourg de fournir promptement les cinquante +mil escuz de la lettre de crédit qui, en janvier dernier, a +esté baillée à Mr le cardinal de Chatillon, ainsy que dès +lors je le vous ay escript, et que le S<sup>r</sup> de Lombres y +envoyé présentement une aultre lettre de <span class="smcap">lx</span> mil <sup><i>lt</i></sup> sterlings +pour le prince d'Orange, qui est une somme qu'il a levée +sur les esglizes des Flamans protestans résidans par deçà, et +que le cardinal de Chatillon et luy sont après à dresser +des contractz et des obligations pour fère fornyr encores +par dellà cent cinquante mil escuz sur la prochaine flotte +qui va au dict Hembourg. En quoy me semble qu'il y aura +assés de difficulté, tant y a qu'ilz n'en sont hors d'espérance; +et la Royne d'Angleterre, pour recouvrer deniers +pour elle, a doublé l'emprunct, dont je vous ay naguières +faict mention, jusques au nombre de trois mille privé +scelz, desquelz elle espère tirer jusques à six ou sept cens +mil escuz.</p> + +<p>Elle et les siens monstrent avoir une très grande affection +à l'accord des différandz des Pays Bas, et parce +qu'il semble que la plus grande difficulté est meintennant +à contanter les merchans anglois, l'on m'a dict que le +secrétaire Cecille les ayantz assemblez là dessus, et les +trouvans ung peu opiniastres, leur a résoluement déclairé +que les princes veulent demeurer d'accord, par ainsy qu'ilz +<span class="pagenum"><a id="Page_142"> 142</a></span> +advisent entre eulx d'accommoder leurs affères. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce vııı<sup>e</sup> jour de may 1570.</p> + +<p class="blockquote">Tout meintennant l'évesque de Roz me vient de mander qu'il a +esté appellé, ceste après dinée, pardevant quatre seigneurs de ce +conseil; lesquelz, après plusieurs propos, luy ont dict, que si la Royne +d'Escoce veult rendre les rebelles d'Angleterre, qui se sont retirez +en son royaulme, que cella mouvera grandement la Royne, leur +Mestresse, d'avoir son cueur bien disposé envers elle; et n'ont passé +plus avant: ce qu'il voyt bien estre une invention des ennemys de +sa Mestresse pour retarder toutjour ses affères, es quelz ne luy reste +plus aultre espérance, tant que ceux qui sont ici en authorité gouverneront, +que celle que la dicte Dame a miz en Vostre Majesté. Et +viens d'estre adverty que le comte de Sussex est rentré en Escoce, +qu'il a prins le chasteau de Humes, et qu'il a miz garnyson dedans.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, saichant que la Royne d'Angleterre estoit, +tous ces jours, après à dellibérer en son conseil qu'est ce +qu'elle auroit à fère ou dire sur ce que je luy avois proposé, +de la part de Voz Majestez, en ma dernière audience, +et voyant que je ne pouvois plus intervenir à luy fère là +dessus nul aultre office, que celluy que j'avois desjà faict; +qui, à la vérité, m'avoit bien semblé tel que je l'avois plustost +disposée à la modération que à continuer son entreprinse +en Escoce, j'ay envoyé ramentevoir par lettre à Mr le +comte de Lestre, et par parolle au secrétaire Cecille, les +occasions qui ont meu Voz Majestez de luy déclairer ainsy +vostre intention; et comme ilz cognoissent assés que c'est +ung debvoir, notoirement apartenant à vostre réputation: +et à l'honneur de vostre couronne; lequel, quant vous n'en +eussiez rien dict, ou que vous eussiez dissimulé de ne +vous en soucyer, leur dicte Mestresse et eulx n'eussent +<span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span> +layssé pourtant de penser que vous ne le pouviez obmettre; +et que partant ilz veuillent, à ceste heure, bien pourvoir, +de la part d'elle, qu'il ne soit faict chose qui puisse +donner commancement d'altération à ceste tant bonne et +mutuelle intelligence, qui rend Voz Majestez et la dicte +Dame très utilles amys les ungs aulx aultres, et de laquelle +bonne intelligence vous protestiez bien de ne vouloir en +façon du monde (sinon contrainct par grande nécessité du +debvoir et à trop grand regrect) jamais vous despartyr.</p> + +<p>Sur quoy l'ung et l'aultre m'ont mandé de fort bonnes +parolles, et telles qu'ilz me font encores reprendre quelque +espérance: tant y a, Madame, que des premières responces +que la dicte Dame m'a faictes, lesquelles je vous envoye +par le S<sup>r</sup> de Sabran, il se peult aulcunement bien +cognoistre où va son intention. Je ne cognois pas que, +pour cella, elle ayt encores changé de désir sur la paciffication +de vostre royaume; mais il me semble bien que +ceulx de la nouvelle religion, qui sont icy, n'espèrent +guières qu'elle se face, lesquelz font toute la dilligence +qu'ilz peuvent de recouvrer deniers comme pour continuer +la guerre; et j'entendz qu'il vint hyer lettres d'Allemaigne +à ceste Royne, par lesquelles l'on luy mande que le duc +Hery de Bronsouyc a licencyé, par faulte de payement, la +levée qu'il avoit arrestée pour Vostre Majesté; et que le +maréchal de Hes, tout aussitost, a commencé d'en dresser +une pour luy; et que l'Empereur, estant contrainct de +s'en retourner à Vienne pour mettre ordre à une grande +ellévation qui s'est sussitée en Austriche pour le faict de +la religion, à laquelle semble que le Vayvaude veuille tenir +la main, qui a desjà chassé les prestres et pillé les esglizes +de ses pays, s'est excusée d'intervenir à la prochaine +<span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span> +diette du xxıı<sup>e</sup> de ce moys, laquelle estoit assignée à Spire; +et que, si ceulx de la religion avoient deniers, il ne fit jamais +si bon en Allemaigne que meintennant. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce vııı<sup>e</sup> jour de may 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">Instruction au dict S<sup>r</sup> de Sabran</span> de ce qu'il aura à fère entendre +à Leurs Majestez, oultre la dépesche:</p> + +<p>Que naguières furent miz en dellibération au conseil de la Royne +d'Angleterre, elle présente, les trois poinctz qui s'ensuyvent: Le +premier, qu'est ce qu'il estoit besoin de fère pour se pourvoir contre +le Roy et le Roy d'Espaigne, desquelz l'amytié estoit desjà si suspecte +qu'ilz estoient pour se monstrer tous déclairés ennemys, aussytost +que l'ung pourrait avoir la paix avecques ses subjectz, et que l'aultre +seroit venu à boult des Mores révoltez; le segond est quel ordre de +bien maintenir la religion protestante, et effacer la mémoire et le +désir de la catholique en tout ce royaume; et le troisiesme, comment +procéder si seurement au faict de la Royne d'Escoce et de son +royaulme, que tout l'advantaige en demeurast à la dicte Royne d'Angleterre +et au sien.</p> + +<p>Les adviz furent divers, car, quant au premier poinct, il y en eust +qui dirent que n'ayans les deux Roys aulcune juste entreprinse en ce +royaulme, comme ilz n'y avoient aussi aulcune juste prétention, il +estoit à croyre qu'ilz ne cercheroient que d'estre satisfaictz de quelque +offance, es quelles il les falloit honnestement contanter, et par +ce moyen les retenir pour amys; les aultres opinèrent qu'il ne se +failloit attandre à cella, ains se pourvoir de bonnes et bien fermes +ligues avec les princes protestans, qui seroit le vray rempart et +maintien de ceste couronne contre leur effort. Au regard du segond, +les ungs dirent qu'il estoit bon qu'avec l'exemple de la bonne vie et +de la droicture des évesques protestans, il fût uzé de si bons déportemens +envers les Catholiques, et les fère jouyr d'ung si paysible repos, +qu'ilz n'eussent qu'à se bien contanter du présent estat de la religion, +qui avoit cours en ce royaulme, sans essayer, avec le dangier de leurs +vies et de leurs biens, d'attempter rien pour remettre la leur; et les +aultres, au contraire, que c'estoit par toutes sortes de deffaveur et de +craincte qu'il les failloit abattre et tenir réprimez: et sur le troisiesme, +du faict de la Royne d'Escoce, parce que la matière estoit +fort affectée, il fut seulement dit qu'il failloit, devant toutes choses, +<span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span> +regarder à ce qui estoit plus expédiant, ou de retenir ou de délivrer +la personne de la dicte Dame; et pour lors n'y eust que des remonstrances +bien fort considérément desduictes pour admener, de +chacun costé, la dicte Dame à leur opinion, sans qu'on en vînt rien +à conclurre.</p> + +<p>Peu de jours après, les principaulx de la noblesse avoient si bien +disposé la dicte Dame qu'ilz pensoient n'y avoir rien plus près d'estre +exécuté que la satisfaction envers les deux Roys et le soulaigement +des Catholiques, et la liberté et restitution de la Royne d'Escoce; et +de ce dernier, l'évesque de Roz en avoit conceu une si certaine espérance +qu'il avoit desjà commancé de proposer des conditions et offres +à la Royne d'Angleterre; et l'avoit on asseuré qu'il seroit, le lendemain, +introduict vers elle pour en traicter en présence: mais +s'estant huict du conseil bandez au contraire, ilz firent le matin venir +milord Quiper devers la dicte Dame, garny d'une préméditée remonstrance, +par laquelle il luy mit tant de dangiers et d'inconvénians +devant les yeulx, et l'irrita si fort sur des livres, que le dict +évesque avoit faict imprimer sur la deffense de l'honneur de sa Mestresse +et sur les droicts qu'elle a à la succession de ceste couronne, +que la dicte Dame, après l'avoir ouy, estima ne pouvoir, en façon +du monde, estre plus Royne, si la Royne d'Escoce luy eschapoit; +et qu'il falloit qu'avec le temps elle veist les choses d'Angleterre et +d'Escoce en meilleure disposition pour elle qu'elles n'estoient, premier +que de la délivrer. Et sur ce, les affères de ceste pouvre princesse +furent remiz en surcéance, et le dict évesque de Roz resserré, +et courriers incontinent dépeschez vers le North pour haster le comte +de Sussex à son entreprinse.</p> + +<p>A quelques jours de là, j'allay déclairer l'intention du Roy là +dessus à la dicte Royne d'Angleterre, aulx propres termes qu'il me +l'avoit mandé par sa dépesche du xıı<sup>e</sup> du passé; sur lesquelles elle +fit les démonstrations de rescentymens et de courroux, que j'ay +mandé par mes lettres du ııı<sup>e</sup> du présent, mais non en sorte qu'elle +ne monstrât bien qu'elle tenoit en grand compte la déclaration du +Roy; et comme princesse nourrye à la modération et à beaulcoup +de sortes de vertu, me fit les responces qui s'ensuyvent, par lesquelles +se pourra juger ce qu'elle avoit lors en son désir; dont cy après s'entendra +si elle l'aura en rien changé:</p> + +<p>Que le Roy, son bon frère, s'il l'estimoit Princesse Souveraine et +légitime, et non accusée d'aulcun mauvais cryme, et estre aussi bien +son alliée comme la Royne d'Escoce, laquelle n'estoit mentionnée en +<span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span> +nulz trettez, qu'elle n'y fût premier nommée et comprinse, qu'elle +s'esbahyssoit comment il voulloit meintennant procéder d'une tant +diverse vollonté entre elles deux, et comme il voulloit avoir tant d'esgard +à l'une, et si peu à l'aultre, qu'il trouvât bon que toutes les +offances de la Royne d'Escoce luy fussent réparées, et nulles des +siennes à elle; à qui toutesfoys elles avoient plustost esté commises +et en si grand nombre, et tant dommaigeables que tout ce qu'elle +cerchoit meintennant de la dicte Royne d'Escoce et des siens n'estoit +sinon comme elle pourrait estre satisfaicte du passé et demeurer bien +asseurée de l'advenir:</p> + +<p>Car, oultre les vielles querelles, il estoit trop vériffié que c'estoit +la dicte Royne d'Escoce et l'évesque de Roz qui avoient esmeu les +troubles du North, et qui avoient envoyé lettres, messaiges, bagues, +argent, et fère offres de grandz sommes et secours aulx comtes de +Northomberland et Vuesmerland, pour leur fère prendre les armes; +et, après qu'ilz avoient esté deffaictz, elle avoit donné ordre de les +fère recepvoir par ceulx qui tiennent son party en Escoce, non +comme fugitifz pour garentyr leurs vies, mais comme ennemys, poursuyvans +une guerre contre elle, et contre ses bons subjectz, à feu et +à sang, et avec tant de cruaulté sur ses frontières qu'elle seroit trop +indigne d'avoir royaulme, ny couronne, ny tiltre de Royne, si elle +le comportoit;</p> + +<p>Qu'en l'entreprinse, qu'elle avoit faicte pour y remédier, elle avoit +suivy l'ordre des trettez, sellon lesquelz elle avoit escript et envoyé +messagiers exprès, devers les principaulx seigneurs et officiers d'Escoce, +pour fère cesser les désordres et avoir réparation de ceulx qui +estoient desjà commiz, lesquelz avoient respondu qu'ilz n'y pouvoient +donner ordre jusqu'à ce qu'ilz auroient accommodé leurs différandz; +et en avoit aussi adverty la Royne d'Escoce, bien qu'elle +fût entre ses mains, qui avoit seulement respondu qu'elle n'en pouvoit +mais:</p> + +<p>Par ainsy, qu'après avoir satisfaict aux trettez, desquelz elle sçavoit +bien les termes, et ne les vouloit transgresser; ains, suyvant sa +proclamation sur ce faicte, vouloit droictement conserver la paix +avec la couronne d'Escoce, et non moins bien tretter les bons Escouçoys, +et ceulx qui ne reçoipvent ny accompaignent ses rebelles +à luy fère la guerre, que les propres Anglois: elle avoit bien vollu +aussi satisfère au debvoir qui l'obligeait à la deffance, tuition et +conservation de ses subjectz, et qu'il n'y avoit lieu de penser +qu'elle eust une plus grande entreprinse que celle là en Escoce, et, +<span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span> +si elle l'y avoit, ce ne seroit à si petites forces qu'elle y entreroit.</p> + +<p>Et de la dicte entreprinse, quant le Roy l'entendroit bien à la +vérité, elle ne pensoit qu'il vollût condampner rien de ce qui, en +semblable occasion de la deffance de ses subjectz, il est très certain +qu'il en feroit davantaige; et bien qu'elle n'eust à s'en justiffier qu'à +Dieu seul, si avoit elle bien vollu qu'il y intervînt tant de justice +qu'elle ne peult estre raysonnablement blâmée de nul; et que le Roy, +son bon frère, ny le Roy d'Espaigne, duquel je luy avois faict mencion, +ny nul aultre prince du monde ne la garderoient qu'elle n'essayât +toutjours tout ce qu'elle verroit et trouveroit, par conseil, estre +expédiant de fère pour la deffance de son estat, et qu'elle vouloit +bien dire que le debvoir obligeroit plus justement le Roy de luy ayder +à repoulser ses injures, que de maintenir celles que injustement +la Royne d'Escoce luy faisoit;</p> + +<p>Que, quant à la liberté et restablissement de la dicte Dame, encores +que le dangier des choses présentes, et l'espreuve des passées, +et le peu de seureté qu'on pouvoit prendre de ses promesses, veu ce +que son ambassadeur, en parlant d'icelles à Ledinthon avoit dit: +<em>Quæ in vinculis aguntur, rata non habebo, et frangenti fidem +fides frangatur eidem</em>; et nonobstant aussi que la dicte Dame se +fût bien fort efforcée de se déclairer seconde personne de ce +royaulme, ce que ne luy estoit loysible de fère; et que son dict +ambassadeur, oultre ses aultres mauvais offices, eust freschement +publié trois livres en ceste matière, qui touchoient à l'estat et honneur +d'elle, et de sa couronne, et de ses conseillers; et qu'en toutes sortes +la Royne d'Escoce l'eust si mal traictée, et remué tant de choses +pernitieuses en son royaulme, qu'elle eust grand occasion d'estre +infinyment irritée contre elle, et de ne recepvoir aulcun expédiant +de sa part:</p> + +<p>Si, ne reffuzeroit elle toutesfoys d'ouyr et recepvoir les offres et condicions +qu'elle ou le Roy luy vouldroient fère, ainsy que desjà la dicte +Dame et l'évesque de Roz luy en avoient escript, et luy avoient envoyé +des articles assés semblables à d'aultres, que cy devant l'on luy +avoit présentez; et le dict évesque luy avoit mandé qu'il avoit à luy +proposer encores quelque chose davantaige, de parolle; dont seroit +bientost ouy: mais cependant le Roy ne debvoit trouver mauvais +qu'elle poursuyvît la vengeance des tortz qu'on luy avoit faictz, et +néantmoins me prioit de luy bailler par escript ce que je luy avois +proposé de sa part, affin de pouvoir mieulx dellibérer, et luy en +fère, puys après, plus clayre responce.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span> +Je luy respondiz seulement qu'elle debvoit prendre de bonne +part ceste grande franchise, dont le Roy usoit envers elle, de luy +ouvrir ainsy clairement son intention; et que, quant bien il ne luy +en eust ainsy parlé, elle n'eust layssé pourtant de penser qu'il estoit +de son honneur et de son debvoir, non seulement de le dire, mais +de le fère ainsy qu'il le diroit; et que ce n'estoit d'aulcune malle vollonté +envers elle, ains d'une notoire obligation envers la Royne +d'Escoce, qu'il estoit contrainct d'en user ainsy; et qu'il n'en feroit +pas moins pour elle, en vertu de leur commune confédération, si +elle et son royaulme estoient en pareille nécessité, car la loy des +aliences portoit de subvenir à ceulx des alliez qui sont oprimez, voire +contre les aultres propres alliez qui les opriment;</p> + +<p>Que le Roy, pour n'en venir là, desiroit qu'elle mesmes, par le +conseil de sa propre conscience, ou par celluy de son cueur qu'il +estimoit royal et droict, et encores par le conseil de ceulx, qui plus +parfaictement ayment son bien et sa grandeur, vollût adviser qu'est +ce que de ceste pouvre princesse, sa niepce, elle pouvoit desirer davantaige, +de ce qu'elle luy avoit offert; que s'il n'y couroit ung manifeste +dangier de sa conscience, ou de son honneur, ou de sa vie, +ou de la perte de son estat, il s'asseuroit qu'elle l'accorderoit, et +que luy, comme son principal allyé, non seulement le confirmeroit, +mais mettroit peyne de le luy faire droictement accomplyr;</p> + +<p>Et que je luy voulois bien dire qu'après cecy, si la détention de la +dicte Royne d'Escoce continuoit, et l'invasion de son pays ne cessoit, +que le Roy demeureroit très justiffié envers Dieu et la dicte +Royne d'Angleterre, sa bonne sœur, et envers toutz les siens, +comme aussi il s'en justiffieroit envers les aultres roys, et mesmes +envers les princes d'Allemaigne, qu'il n'auroit tenu à luy d'obvier au +mal qui pourra advenir, si ses tant raysonnables offres, sur la liberté +et restitution de sa belle sœur, ne sont acceptées, et qu'il ne luy en +debvra estre rien imputé.</p> + +<p class="center smcap">AULTRE INSTRUCTION A PART AU DICT S<sup>r</sup> DE SABRAN.</p> + +<p>La peur que j'ai heu que la déclaration du Roy à la Royne d'Angleterre, +pour les affères de la Royne d'Escoce, mit les siens en dangier, +m'a tenu en suspens si je la debvois différer, ou non, jusques +après estre bien asseuré de la paix; mais, voyant que de demeurer +sans fère quelque prompte démonstration, sur ce que l'armée d'Angleterre +estoit entrée en Escoce, diminuoit par trop la réputation du +<span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span> +Roy, et luy faisoit perdre les bons serviteurs qu'il a icy et au dict +pays d'Escoce, je ne l'ay vollue différer; bien ay miz peyne d'user +de tout l'artiffice qu'il m'a esté possible pour garder, qu'en aydant +les affères de la dicte Royne d'Escoce, je n'aye poinct faict de dommaige +à ceulx du Roy; car il est sans doubte qu'ilz se portent mutuelle +faveur, et qu'on respecte les ungs pour l'amour des aultres en +ceste court.</p> + +<p>Et n'a esté sans que aulcuns principaulx seigneurs de ce royaulme, +et l'évesque de Roz avec eulx, n'ayent cuydé monstrer un grand signe +de malcontantement de ce que le secours de France ne paroissoit +desjà en Escoce, et que je ne protestais tout promptement la guerre, +puysque les Anglois avoient commancé d'entrer en pays, et y fère +toutz actes d'hostillité.</p> + +<p>Et disoient, tout hault, qu'il falloit que le Roy cessât d'estre amy +ou des Angloys, ou des Escouçoys, car il ne pouvoit meintenir l'amytié +avecques les deux, et qu'il debvoit bien considérer que si les +seigneurs catholiques de ce royaulme, qui s'estoient asseurez qu'il favoriseroit +et secourroit les affères de la Royne d'Escoce et les leurs, +quand il seroit besoing, n'eussent tenu la main ferme à la paix d'entre +la France et l'Angleterre, qu'il est très certain que ceulx de l'aultre +party eussent fait déclairer ouvertement la Royne, leur Mestresse, +pour ceulx de la Rochelle, sur la grand instance que les princes +protestans d'Allemaigne luy en faisoient.</p> + +<p>Disoit davantaige le dict évesque de Roz que, si la Royne, sa +Mestresse, vouloit quicter l'alliance de France, il est sans doubte +qu'elle et luy seroient en liberté, et toutz les affères d'Escoce se porteroient +bien; et qu'il est certain que les choses estoient venues au +poinct où l'on les voyoit, d'avoir les comtes du North prins les armes +pour la liberté et restitution d'elle, et pour l'advancement de la religion +catholique, par l'exortation de nous deux ambassadeurs de +France et d'Espaigne; et que meintennant il n'aparoissoit nul secours +du costé de noz Maistres; ains ceulx qui, soubz leur confiance, +s'estoient déclairés, demeuroient en proye de la Royne d'Angleterre, +et ceulx, qui avoient bonne intention de se déclairer, restoient, +à ceste heure, bien fort descouraigés et intimidez.</p> + +<p>Or, l'office, qu'ilz ont veu que j'ay despuys faict envers la Royne +d'Angleterre a beaucoup rabillé cella, et si, a miz tant de doubte au +cueur de la dicte Dame et tant de contrariété entre ceulx de son +conseil, que, confessans les ungs et les aultres la déclaration du Roy +estre très raysonnable, et fondée au debvoir qu'il a aulx deux Roynes +<span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span> +de vouloir retenir l'amytié de l'une et subvenir à l'extrême nécessité +de l'aultre, il semble que les choses en viendront à quelque modération.</p> + +<p>Et ayant le dict évesque de Roz, par aulcuns des siens, faict exorter +l'ambassadeur d'Espaigne de concourre avecques moi en ung +semblable office, de la part de son Maistre, envers ceste Royne, pour +la Royne d'Escoce, il s'est excusé de le fère, disant y avoir assés +longtemps qu'il a devers luy une lettre à cest effect de son dict +Maistre pour la Royne d'Angleterre, mais qu'il n'a jamais peu avoir +audience d'elle, comme, à la vérité, il y a dix sept moys qu'il ne l'a +veue, et que de luy fère venir meintennant ung nouveau ambassadeur +sur cest affère, puysqu'elle en a renvoyé deux de grande qualité, +sans quasi les ouyr, qui estoient envoyez pour les propres affères de +son dict Maistre, ny aussi d'entreprendre de parler pour aultruy, +jusques à ce qu'on se sera accommodé soy mesmes, le duc d'Alve +estime qu'il seroit fort impertinent de le fère. Néantmoins, il donne +espérance du contraire, ainsy que ce pourteur le dira à Leurs Majestez.</p> +</div> + +<h2 class="p4">CVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Oratio d'Almarana</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Nouvelles de l'invasion des Anglais en Écosse.—Prise du château de Humes, +dans lequel ils se sont établis.—Nouvelles d'Allemagne et des Pays-Bas.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ce qui est survenu de nouveau au quartier du +North et d'Escoce, despuys le vııȷ<sup>e</sup> de ce moys, que je +vous ay mandé, par le S<sup>r</sup> de Sabran, tout ce que, jusques +alors, j'en avois aprins, est que la Royne d'Angleterre, +le jour précédant que je luy fisse instance, de vostre part, +de ne fère entrer ses forces en Escoce, ou de les retirer, +<span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span> +si elles y estoient entrées, avoit desjà mandé au comte de +Sussex d'y retourner par la seconde foys, pour y fère le +gast; et le dict comte n'avoit failly de se remettre incontinent +en campaigne: dont, le xxvȷ<sup>e</sup> et xxvıȷ<sup>e</sup> du passé, il a marché +avecques l'armée jusques au chasteau de Humes, lequel +délibérant prendre par force, et l'ayant faict recognoistre +et aprocher le canon, ceulx qui estoient dedans envyron +quatre vingtz hommes, après qu'on a heu seulement tiré +trois coups, se sont randuz, bagues saulves, le xxıx<sup>e</sup> dudict +moys: et milord de Scrup qui, en mesmes temps, +avoit marché plus avant, a esté encores ceste foys rencontré +par les fugitifz anglois, et par aulcuns Escouçoys qui +l'ont chargé, et y a heu ung assés aspre combat; mais il +s'est retiré avec la perte seulement de huict vingtz des siens, +et sans que le dict de Sussex ny luy ayent passé à plus +grand exploict. Après avoir layssé deux centz Anglois dans +le dict chasteau de Humes, ilz s'en sont retournez, le ıȷ<sup>e</sup> de +may, à Barvich, d'où j'entendz, Sire, que icelluy de Sussex +a incontinent dépesché un gentilhomme devers la +Royne, sa Mestresse, sur divers occasions: sçavoir, sur +les difficultez qui se présentoient plus grandes en ceste nouvelle +guerre, qu'on ne les pensoit du commancement; sur +le peu de confiance qu'elle doibt mettre en ces Escouçoys, +qui disent estre de son party; sur avoir suplément de deniers, +affin de complyr le nombre d'hommes que porte sa +commission, car ceulx qui, jusques à ceste heure, sont +entrez en Escoce, n'ont esté guières plus de cinq mil hommes +et douze centz chevaulx en tout; et aussi, si la dicte +Dame entend de fère razer le dict chasteau ou bien le tenir; +et, au reste, à quoy elle veult que son armée s'employe +le reste de cest esté.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span> +Sur toutes lesquelles choses l'on m'a dict que, sabmedy +dernier, luy a esté seulement respondu, que la dicte Dame +luy gratiffie grandement le bon debvoir qu'il a faict en ce +voyage pour son service, et qu'elle est après à donner ordre +qu'il luy soit bientost envoyé argent et toutes aultres +provisions qui luy font besoing; qu'elle n'est encores bien +résolue du chasteau de Humes qu'est ce qu'elle en fera, +mais qu'il advise cependant de bien entretenir la garnyson +qu'il y a mise; et qu'il ne se haste de lever plus grand nombre +de gens de guerre, mais qu'il dispose si bien ceulx qu'il +a avecques luy le long de la frontière pour la garde d'icelle, +qu'on n'y puisse plus retourner fère les courses, pilleryes +et brullement, que par cydevant l'on a faict; et ne luy ordonne +rien davantaige. Je ne sçay si, cy après, elle luy commandera +de rentrer encores pour la troisième foys en Escoce.</p> + +<p>Il est quelques nouvelles que milord de Herys a mandé +au dict de Sussex que ses mauvais déportemens contraindroient +enfin les Escouçoys, à leur grand regrect, d'avoir +la guerre à la Royne, sa Mestresse; et que s'il ne +cessoit d'entreprendre en leur pays, que non seulement +ilz se mettraient en debvoir, avec le secours des Françoys +qu'ilz attandoient d'heure en heure, de l'aller combattre, +mais aussi d'entrer et venir bruller plus en avant en Angleterre +qu'il n'a faict en Escoce; et dict on que le dict de +Herys et le duc de Chastellerault, entendans que les comtes +de Mar et de Glanquerne s'estoient assemblez avec le +comte de Morthon à Lislebourg, pour s'aller joindre aulx +Angloys, se sont venuz loger avec bonnes forces sur une +rivière, et leur ont empesché le passaige. J'espère que par +ces difficultez, et par la déclaration que Vostre Majesté a +<span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span> +faicte fère à la Royne d'Angleterre, elle se layssera ramener +à quelque meilleure rayson. Le comte de Lenoz, à +ce que j'entendz, est demeuré mallade à Barvich, et le +sir Randolf l'y est venu trouver. Je ne sçay encores s'ilz +auront mandement de retourner à Lislebourg.</p> + +<p>La flotte des draps a heu si bon vent qu'elle peult estre +meintennant arrivée à Hembourg, et, au retour des navyres, +qui la sont allés conduyre, nous pourrons entendre +quelque nouvelle d'Allemaigne. Cella m'a l'on confirmé que +les lettres de crédit, que ceulx de la nouvelle religion ont +obtenues icy, y ont esté apportées pour être forny de dellà, +jusques à cent cinquante mil escuz, s'il est besoing, ou si +les draps peuvent avoir bonne vante; et que cependant les +premiers cinquante mil escuz, ottroyez despuys le mois de +janvier dernier, seront en toutes sortes payez contant. L'on +espère du premier jour la conclusion de l'accord sur les +deniers et merchandises, qui ont esté mutuellement arrestées +icy en Flandres, et ne pensent les Anglois qu'il y +puisse plus intervenir aulcune difficulté pour l'empescher. +Il est vray que l'ambassadeur d'Espaigne m'a dict que les +choses n'en sont encores si près. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xııı<sup>e</sup> jour de may 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span></p> + +<h2 class="p4">CVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par le Magnifique Donato.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Changement survenu dans les résolutions de la reine d'Angleterre, qui hésite +à poursuivre avec vigueur la guerre d'Écosse.—Espoir de l'ambassadeur +qu'elle va consentir enfin au rétablissement de Marie Stuart.—Nouvelles +d'Écosse, de la Rochelle et des Pays-Bas.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ce n'est sans une très grande difficulté, mais +non aussi sans beaucoup d'estime de vostre réputation, +qu'il se commance à manifester quelque effect du bon office, +que m'avez commandé de fère icy pour la Royne +d'Escoce; et ne sera encores, comme j'espère, sans +quelque accommodement de voz affères, s'il peult estre +conduict à sa perfection. Il est vray, Sire, qu'il est venu +en temps que le feu estoit le plus allumé, et que la Royne +d'Angleterre se sentoit extrêmement offancée, et que son +armée estoit desjà entrée en Escoce; à l'occasion de quoy +le dict office a trouvé de l'obstacle et de l'empeschement +davantaige à estre bien receu. Néantmoins il a esté proposé +tel, et en tel façon, et sur tel rencontre que voycy, Sire, +ce que despuys s'en est ensuyvy:</p> + +<p>Que la Royne d'Angleterre n'a poursuyvy la guerre +d'Escoce de la mesme ardeur qu'elle l'avoit commancée, +ainsy que mes précédantes vous l'ont tesmoigné; qu'elle +est entrée en ung grand doubte de son entreprinse, puysqu'elle +vous y voyt opposant, et semble bien, que desjà elle +<span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span> +commance de quicter l'obstinée résolution, qu'on luy avoit +faict prendre, d'en venir à boult par la force, pour dorsenavant +s'y conduyre par ung plus modéré expédiant; +que les seigneurs de son conseil en sont entrez en une +grande contention et en manifeste contradiction entre +eulx; que ceulx du bon party ont reprins cueur, qui est +d'aultant diminué aulx autres; finalement, que la dicte +Dame monstre de vouloir meintennant beaulcoup plus entendre +à la restitution qu'à la ruyne de la Royne d'Escoce; +et en sont les choses si avant qu'elles doibvent estre débattues +à plain fondz, et déterminées, à Amthoncourt, mercredy +prochain, que le conseil y sera pour cest effect assemblé, +et monstrent les malveuillans de reffouyr assés la +lice, dont les amys se disposent, de tant plus gaillardement, +à bien deffandre la cause qu'ilz voyent, Sire, que +avez desjà commance de la prendre à cueur, et qu'ilz ont +grand confiance que vous la favoriserez de mesmes en tout +ce qu'elle aura besoing, cy après, d'estre aydée de parolle, +ou des démonstrations, ou des bons effectz de Vostre +Majesté: car sans cella ilz despèreroient non seulement +de vaincre, mais de pouvoir soubstenir les effortz et +l'impétuosité des aultres.</p> + +<p>Je ne sçay encores, Sire, que me promettre, ny que +vous debvoir fère espérer de l'yssue de ce conseil, veu +l'instabilité que j'ay veue et souvant esprouvée de ceulx +qui en sont, et veu les artiffices de ceulx qui plus possèdent +ceste princesse; lesquelz luy ont desjà formé mil préjudices +dans son esprit contre la Royne d'Escoce. Néantmoins, +de tant qu'on m'a adverty assés en général, et +sans grande expéciffication, qu'elle veult, en toutes sortes, +prandre expédiant avecques sa cousine, et veoir comme +<span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span> +elle pourra tretter seurement avec elle des poinctz qui +s'ensuyvent: sçavoir; du tiltre de ceste couronne, d'une +ligue et de la religion; je vous suplie très humblement, +Sire, me commander comme j'auray à me conduyre sur +toutz les trois; s'il convient que j'y intervienne au nom de +Vostre Majesté; et aussi comme, et en quelz termes il vous +plairra que, au cas que on veuille interrompre ou prolonger +la matière, je poursuyve l'instance, que j'ay desjà +commancée, pour luy donner l'accomplyment que convient +à l'honneur de la parolle et déclaration de Vostre Majesté.</p> + +<p>J'entendz que le lair de Granges, cappitaine du chasteau +de Lislebourg, a esté essayé, par argent et par grandz +promesses, de vouloir prendre le party de la Royne d'Angleterre, +mais il a fermement respondu qu'il sera fidelle +jusques à la mort à sa Mestresse; et dict on que, despuys +que l'armée d'Angleterre a heu faict les deux courses dans +l'Escoce, le comte de Morthon et ses adhérans ont esté +proclamés traystres, et rebelles, et autheurs d'avoir introduict +les ennemys dans leur pays.</p> + +<p>Barnabé est revenu despuys trois jours de la Rochelle, +lequel monstre, par ses propos, qu'il a esté jusques au +camp des princes. Il confirme bien fort que la paix se fera, +et que Mr l'Admyral la désire; de quoy aulcuns icy mal affectionnez +monstrent n'en estre guières contantz. Ung des +gens du prince d'Orange, après avoir toutz ces jours faict +de grandes sollicitations en ceste court, se prépare de +partir pour Allemaigne. Je ne sçay encores avec quelles +expéditions il y va. L'on dict, touchant les différans des +Pays Bas, qu'il y a desjà des articles accordez sur le faict +des deniers et merchandises, et que bientost doibvent venir +<span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span> +des commissaires flamans par deçà, pour conclurre le +tout. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvıı<sup>e</sup> jour de may 1570.</p> + +<p class="blockquote">En fermant la présente l'on m'est venu advertyr que l'abbé de +Domfermelin est arrivé, je ne sçay si cella traversera ce qui est bien +commancé pour la Royne d'Escoce.</p> + +<h2 class="p4">CIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Le Tourne.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Propositions faites à l'évêque de Ross par le conseil d'Angleterre pour la +restitution de Marie Stuart.—Déclaration de l'évéque sur les conditions +qui lui sont offertes.—Mission de l'abbé de Dunfermline en Angleterre.—Nouvelles +d'Écosse.—Doutes sur la conclusion de la paix en France; +continuation des emprunts pour la Rochelle.—État de la négociation dans +les Pays-Bas.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, le jour que le conseil de la Royne d'Angleterre a +esté assemblé pour dellibérer, devant elle, s'il estoit expédiant +ou non qu'elle entendît à la liberté et restitution de +la Royne d'Escoce, de tant que desjà la dicte Dame estoit +aulcunement bien disposée d'y entendre, les malveuillans +n'ont peu empescher que la conclusion ne soit venue à +ce que l'évesque de Roz seroit incontinent mandé pour +adviser, avec luy, comment et à quelles conditions il s'y +pourroit moyenner ung bon accommodement, qui peult +estre à l'honneur et à la seurté de la Royne d'Angleterre, +<span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span> +et au commun repoz des deux royaulmes. Sur quoy, estant +le dict sieur évesque appellé, l'on luy a proposé les +trois poinctz; desquelz, en mes précédantes du xvıȷ<sup>e</sup> de ce +moys, je vous ay faict mencion: du tiltre de ce royaulme, +d'une ligue et de l'establissement de la nouvelle religion; et +y a esté adjouxté celluy que je vous avois auparavant +mandé, de rendre les rebelles; et encores ung cinquiesme, +d'abstenir de tout exploict de guerre entre les deux pays +pendant que aulcuns depputez d'Escoce pourront venir +par deçà pour tretter de ces choses. Mais ce en quoy l'on +a le plus incisté au dict sieur évesque a esté des pleiges et +seurtez que sa Mestresse pourra bailler pour l'accomplissement +de ce qu'elle promettra; et si elle sera poinct contante +de mettre son filz et aucuns principaux personnaiges +d'Escoce, comme le duc de Chastellerault, ou ses enfans, +ou bien d'aultres seigneurs, et quelques forteresses ez +mains de la Royne d'Angleterre; et aussi si vous, Sire, +vouldrez poinct donner parolle et bailler ostaiges pour +l'entretennement du tretté qui s'en fera, parce que principallement +la dicte Dame desire que vous y soyez comprins, +affin de s'asseurer de la paix avec Vostre Majesté.</p> + +<p>Le dict sieur évesque leur a respondu, en général et +bien fort saigement sellon sa coustume, qu'ilz debvoient demeurer +très fermement et bien persuadez de l'affection et +intention de la Royne, sa Mestresse, qu'elle n'en a nulle +plus grande, ny plus certaine dans son cueur, que de donner +à la Royne d'Angleterre, et à toute la noblesse de son +royaulme, le plus grand contantement d'elle et la plus +grande satisfaction sur ses affères qu'il luy sera possible, +et qu'ilz ne veuillent aulcunement doubter qu'elle ne condescende +très libérallement à tout ce que la dicte Royne, +<span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span> +sa bonne sœur, et eulx estimeront estre honneste et raysonnable +de luy demander; et, quant aulx particullaritez, +qu'ilz venoient de luy desduyre, de tant que les unes +estoient en la puyssance de sa dicte Mestresse et les aultres +non, et que aulcunes sembloient estre assés aysées, les +aultres très difficiles, il les requéroit, en premier lieu, de +luy ottroyer sa liberté, et, après la liberté, d'en aller +conférer avec sa dicte Mestresse, et puys, permission à elle +d'envoyer devers les Estatz de son royaulme, affin de leur +communiquer et leur fère bien recepvoir le tout, sans lesquelz +rien ne pouvoit estre bien légitimement arresté là +dessus.</p> + +<p>Voilà, Sire, l'ouverture qui a esté desjà faicte en cest +affère, sur lequel en celle partie qui deppend de Vostre +Majesté, et toutes en doibvent assés dépendre, il vous +plairra me commander comment j'auray à m'y conduyre, +ayant cependant proposé d'ayder, en tout ce qu'il me sera +possible, l'advancement de la matière, et vous advertyr +souvent de ce qui, jour par jour, s'y fera, et puys sur la +conclusion d'icelle suyvre, le plus près que je pourray, ce +que Vostre Majesté m'aura mandé estre de son intention, +et convenable à l'honneur de sa couronne et utilité de son +service. Le dict sieur évesque, ouy l'abbé de Domfermelin, +a esté appellé, mais je ne sçay encores ce qu'il a proposé, ny +ce qu'il pourra avoir obtenu, seulement l'on m'a dict qu'il a +fort incisté d'avoir de l'argent. Or, Sire, j'ay sceu d'ailleurs +que sur ce que les comtes de Morthon, de Mar et de Glancarve, +ont mandé au comte de Sussex, qu'il leur vollût +promptement envoyer ung nombre de gens de guerre, affin +de conserver l'authorité du jeune Roy, premier que tout le +pays se fût remiz à l'obéyssance de la Royne d'Escoce, sa +<span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span> +mère, parce que le duc de Chastellerault, pour y trouver +moins de difficulté, s'efforceoyt de fère publier que toutes +choses eussent à s'administrer dorsenavant au nom et par +l'authorité d'elle, durant la minorité de son filz, il a esté +mandé au dict de Sussex qu'il ayt à leur envoyer, tout incontinent, +deux mille des meilleurs et mieulx choysiz soldatz +de l'armée, soubz la conduicte du capitaine Drury, mareschal +de Barvich; non que sur ceste dellibération n'y ayt +heu beaucoup de débat dans ce conseil, mais enfin il a esté +résolu que ce ne seroit violler ny enfraindre la paix aulx +Escouçoys que d'envoyer du secours à leur Roy, et qu'il +falloit ainsy tenir les choses divisées de dellà jusques à ce +qu'elles seroient composées, icy, avec la Royne d'Escoce.</p> + +<p>J'estime, Sire, que cest affère marchera de mesmes que +la paix de vostre royaulme, car si l'on vous voyt démeslé +de la guerre de voz subjectz, ne fault doubter qu'on ne +condescende plus ayséement icy aulx choses justes et raysonnables +que vous vouldrez demander; mais il semble qu'ilz +tiennent pour assés doubteuse la conclusion de la dicte +paix, à cause d'ung discours qui a esté envoyé de la Rochelle +sur la négociation de Mr de Biron avec Messieurs +les Princes; et n'ont ceulx de la nouvelle religion, pour le +propos de la dicte paix, layssé de se pourvoir du plus de crédit +de deniers en Allemaigne qu'ilz ont peu; et desjà y ont +envoyé les lettres, ny ne cessent d'y entretenir leurs pratiques +aussi vifves comme si la guerre se debvoit encores +longuement continuer.</p> + +<p>Ceste princesse trouve assés de difficulté à lever l'emprunct +de trois mil privés scelz qu'elle a naguières imposez, +et n'entreprend d'user de grand contraincte en l'exaction +d'iceulx, de peur de quelque nouvelle eslévation. L'on attand +<span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span> +l'arrivée de deux commissaires, des quatre qui estoient +allez en Flandres, lesquelz viennent pour tretter +d'aulcuns particulliers faicts qu'on leur a miz en avant, pour +en sçavoir l'intention de leur Mestresse. Ung chacun espère +qu'ilz s'accommoderont quant aulx deniers et merchandises +arrestées, mais que néantmoins le libre commerce +d'entre les deux pays demeurera encores en suspend à cause +de certaines difficultez de la religion et de la jurisdiction, +dont ne se peuvent bien accorder. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxıı<sup>e</sup> jour de may 1570.</p> + +<h2 class="p4">CX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXVII</span><sup>e</sup> jour de may 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Bordillon.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Discussions dans le conseil d'Angleterre.—Résolution qui a été prise d'éviter +la guerre avec la France.—Mise en liberté de l'évêque de Ross.—Audience.—Communication +donnée à Élisabeth de l'état des négociations +sur la paix en France.—Vive insistance de l'ambassadeur pour obtenir +que les Anglais se retirent d'Écosse, et que Marie Stuart soit rendue à la +liberté.—Nécessité où se trouve le roi de prendre les armes pour défendre +les Écossais.—Explication donnée par Élisabeth des motifs qui ont +dû la forcer à envahir l'Écosse.—Résolution du conseil.—<em>Accord touchant +l'Écosse.</em> Traité conclu, sauf la ratification du roi, entre l'ambassadeur +et la reine d'Angleterre, contenant les conditions sous lesquelles +la reine consent à retirer son armée d'Écosse, et à négocier la restitution +de Marie Stuart.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, despuys la déclaration que Vostre Majesté m'a +commandé de fère à la Royne d'Angleterre touchant la +Royne d'Escoce et son royaulme, je n'ay cessé de la presser +bien fort qu'elle y vollût prendre ung présent expédiant, +et voyant que desjà je l'y trouvois ung peu disposée, j'ay +instantment sollicité les amys de ne laysser réfroydir la +<span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span> +matière; lesquels ont tant faict que, nonobstant l'audacieuse +opposition des adversayres, dont les ungs ne se sont +peu tenir d'user de parolles insolentes, et les aultres se +sont expressément absentez pour y cuyder mettre du retardement, +le conseil a esté tenu là dessus; auquel, entre +aultres choses, j'entendz qu'il a esté résolu, par l'opinion +de la dicte Dame, plus que par celle de nul des siens, qu'il +falloit en toutes sortes éviter d'avoir la guerre avec Vostre +Majesté; et qu'ayant bien cogneu par mes propos qu'indubitablement +l'on y viendroit, et que mesmes les Françoys +seroient bientost en Escoce, si son armée passoit plus avant +en pays, et s'il n'estoit bientost prins quelque expédiant sur +les affères de la Royne d'Escoce, qu'elle vouloit que, tout +présentement, l'on y advisât.</p> + +<p>Sur quoy, ceulx qui nous sont contraires n'ont failly de +luy remonstrer que, pour estre le propos de la paix de +vostre royaulme plus près d'estre rompu que conclud, vous +n'aviez garde d'envoyer meintennant en Escoce les gens +qui feroient bien besoing à vostre propre défance; et que, +si vous entrepreniez d'y en envoyer, ainsi que je le donnois +entendre, qu'il failloit qu'elle fît sortir ses navyres, +qui sont toutz pretz, en mer, pour vous empescher, et +qu'ilz ne voyent qu'il y eust encores nulle occasion qui la +deubt divertyr de la première dellibération.</p> + +<p>Les amys, au contraire, prenans fondement sur ce qu'il +falloit évitter d'avoir la guerre avec Vostre Majesté, ont +asseuré, par la cognoissance qu'ilz ont des choses de France, +que les Françoys ne fauldroient d'entrer en Escoce, si +vous entendiez, Sire, que les Anglois y prinsent pied; et +que, de jetter leurs navyres dehors, il fauldroit, s'ilz rencontroient +la flotte françoyse, qu'ilz la combatissent, et que +<span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span> +la guerre se commenceroit trop plus ouvertement en ceste +sorte contre la France, que quant les Françoys seroient +descendu en Escoce, lesquelz ne seroient lors prins que +pour auxiliaires: mais que le meilleur estoit qu'elle commençât +de tretter avec l'évesque de Roz et avec moy de +quelque bon accommodement là dessus.</p> + +<p>Laquelle opinion ayant prévalu, l'évesque de Roz a esté, +le deuxiesme jour après, appellé, avec lequel ceulx de ce +conseil ont entamé les choses que je vous ay escriptes le +xxıȷ<sup>e</sup> de ce moys; et despuys, sa liberté luy a esté ottroyée: +bien que la dicte Dame ne luy a encores permiz de parler +à elle. Et par mesme moyen elle avoit advisé que je serois +mandé, mais les adversaires l'en divertirent, sur quelque +poinct de réputation, qu'ilz lui représentoient, qu'il valloit +mieux attandre l'ocasion que je y vinse de moy mesmes; +et luy célébrèrent cependant bien fort la ropture de la paix, +et mesmes firent que, sur la confirmation de ce que +Mr Norrys en avoit escript, Mr le cardinal de Chatillon fut +convyé en court, qui disna avec la dicte Dame; mais le lendemain +je vins devers elle, et ne volluz, pour aulcuns respectz, +lui monstrer les articles que Vostre Majesté m'avoit +envoyez des dernières offres faictes aulx depputez, mais +pour luy oster l'opinion que le propos de la dicte paix fût +rompu, et pour remédier les choses qui pressoient en Escoce, +je luy diz que, vous ayant la Royne de Navarre et +les Princes, ses filz et nepveu, faict fère des supplications +et requestes plus amples que ne portoient les premiers articles +que leur aviez accordez, et ayant Vostre Majesté miz +en considération les infinys maulx que vostre royaulme, despuys +dix ans, a quasi continuellement souffertz par les +horribles guerres, que ces troubles ont produicts; que, pour +<span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span> +obvier à plus grandz inconvénians, vous aviez bien vollu +condescendre à la pluspart de leurs dictes requestes, et +me commandiez de luy dire que vous vous estiez de tant +plus eslargy envers eulx, que vous vouliez qu'il aparust au +monde, et nomméement à la dicte Dame, comme aussi +Dieu vous estoit tesmoing, que vous n'aviez nulle chose +plus à cueur que de réunyr toutz voz subjectz en bonne +amytié, et esgallement trestoutz les conserver; et qu'en ce +que leur aviez ottroyé de nouveau y avoit tant de quoy se +contanter pour l'exercisse de leur religion, pour l'accommodement +de leurs affères, et pour la seureté de leurs +personnes, sans aparance aulcune de deffiance à jamais, +que vous ne pensiez qu'ilz se peussent tant oublyer qu'aussitost +que messieurs de Biron et de Malassize le leur auront +faict entendre, qu'ilz ne l'acceptent; qui sont deux de vostre +conseil que Vostre Majesté a renvoyé devers eulx pour en +sçavoir la résolution; et que faisant, de rechef, ung bien +exprès office de mercyement envers elle pour la bonne affection +qu'elle a monstré avoir à la paciffication de vostre +royaulme, je la requisse, de vostre part, de deux choses, +lesquelles elle estoit tenue de vous accorder: la première, +que, si par ces grandes et plus que raysonnables offres, il +advenoyt qu'il ne fût besoing que Vostre Majesté lui donnast +la peyne de se travailler à les leur fère recepvoir, ains +que d'eulx mesmes ilz se disposent d'humblement les accepter, +qu'il luy playse néantmoins vous garder bien entière +ceste sienne bonne vollonté, laquelle, ou soit que vous ayez +la paix, ou qu'il vous faille continuer la guerre, vous l'estimerez +très utille, ainsy que l'avez toutjour estimée très +honnorable pour vous; la seconde, que, s'ilz estoient si obstinez +qu'ilz ne s'en vollussent aulcunement contanter, ains +<span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span> +vollussent persévérer en leur viollente entreprinse, qu'elle +veuille ainsy juger d'eulx comme de gens qui aspirent, et +néantmoins sont bien loing d'abattre l'authorité de leur +Roy et prince naturel; et qu'elle les veuille tout aussitost +déclairer non seulement indignes de sa faveur et protection, +mais très dignes qu'ilz soyent poursuyviz et réprimez par +les justes armes et d'elle et de toutz les honnorables princes +qui vivent aujourd'huy au monde.</p> + +<p>La dicte Dame, d'ung visaige fort joyeulx et contant, +après plusieurs mercyemens de la privée communication, +que luy faisiez de voz affères, m'a dict que les choses, à +ce qu'elle voyoit, estoient en meilleurs termes qu'on ne +le luy avoit dict, et qu'elle desiroit toutjour que la fin s'en +ensuyvyst sellon le bien et repos de vostre royaulme; et +qu'elle pensoit bien qu'il pouvoit y avoir des considérations +que, possible, Vostre Majesté estimoit toucher et à +sa réputation, et au debvoir de ses subjectz, qu'ilz acceptassent +d'eulx mesmes vos offres, sans y estre induictz +par la persuasion de nul autre prince, ce qu'elle sera très +ayse qu'il puisse ainsy advenir; mais si, d'advanture, il +y intervient aulcune difficulté, qu'elle vous réservera toutjour +ceste vollonté et affection qu'elle vous a offerte pour +s'y employer à toutes les heures, que vous cognoistrez +qu'il en sera besoing, avec aultant de désir de vous y +conserver les avantaiges, qui vous sont deuz, comme si elle +avoit l'honneur que vous fussiez son propre filz.</p> + +<p>Sur lequel propos je l'ay layssée assés discourir, et +estant peu à peu venue d'elle mesmes à parler de la bonne +affection que vous monstrez luy porter, j'ay suyvy à luy +dire que c'est ce qui vous faisoit plus de mal au cueur, +qu'estant vostre dellibération de persévérer constantment +<span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span> +en son amytié, vous ne pouviez toutesfoys estre jamais +bien ouy d'elle sur les affères de la Royne d'Escoce, et +que vous vouliez bien dire que c'estoit, par grand force +et à vostre très grand regrect, que vous estiez contrainct +d'avoir là dessus différant avec elle, et que vous estiez +hors de toute coulpe de l'altération qui en pourroit venir +entre vous, et des maulx qui s'en pourroient ensuyvre au +monde; qu'ayant Vostre Majesté, despuys l'aultre foys +que j'avois parlé à la dicte Dame, entendu ce qui avoit +succédé en Escoce, vous me commandiez de luy dire que, +désormais, vous aviez, de vostre part, satisfaict à toutz +les debvoirs et paysibles offices, en quoy vous pouviez estre +obligé envers son amytié; d'avoir premièrement exorté +la Royne d'Escoce de luy donner tout le contantement +d'elle et toute la satisfaction sur ses affères, et luy réparer, +à son pouvoir, toutes les affères qu'elle luy pourroit +redemander; et puys à elle, de vouloir condescendre +à telles raysonnables condicions envers la dicte Dame, pour +sa liberté et restitution, comme elle mesmes pourroit juger +estre honorables, advantaigeuses et bien seures pour +elle et pour sa couronne, non toutesfoys esloignées de +l'honnesteté et modération qui doibt estre gardée entre +telles princesses, avec offre que vous les feriez accomplyr; +dont estimiez que, non seulement il vous estoit meintennant +faict tort d'estre rejetté et reffuzé là dessus, mais +encores grand injure, de ce que, sans respect de voz offres +et remonstrances, elle avoit commencé de procéder +par la force, de fère le gast, de brusler, de raser les +maysons des gentishommes et usé de toutes voyes d'hostillité +dans l'Escoce; que pourtant, oultre ce que je luy +avois dict, par voz lettres du xıȷ<sup>e</sup> d'avril, je n'obliasse +<span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span> +rien de ce que je verroys par voz présentes, du ıııȷ<sup>e</sup> de +may, estre de vostre intention de prier et exorter la dicte +Dame qu'au nom de vostre commune amytié, et de la paix, +alliance et confédération d'entre Voz Majestez et vos couronnes, +elle vollust retirer ses forces hors du dict pays et +n'en y plus envoyer; et que je vous résolusse promptement +de ce qu'en aurez à espérer, et en quelle vollonté je pouvois +cognoistre qu'elle estoit meintennant envers la liberté +et restitution de la Royne d'Escoce, parce que, allantz +ses affères de mal en piz, vous commandez de cognoistre +qu'il vous falloit désormais prendre les dilays, dont l'on +luy usoit, pour manifestes reffuz; et que vous me tanciez +bien fort de quoy je vous avois longuement entretenu sur +les bonnes parolles de la dicte Dame; et qu'en lieu de la +modération que je vous avois promiz d'elle envers la Royne +d'Escoce, vous voyez qu'il n'avoit succédé qu'ung grand +commancement de guerre; que meintennant elle me mettoit +encores en une plus grand peyne commant vous +pouvoir satisfaire sur ce que, de nouveau, j'avois entendu +qu'elle avoit envoyé deux mille harquebouziers au comte +de Morthon jusques à Lislebourg; en quoy je la prioys de +considérer que, puysqu'elle avoit ainsy baillé son secours +aulx ennemys de la Royne d'Escoce, avec lesquelz elle +n'a nulle confédération, que vous estimeriez vous estre +beaucoup plus loysible de bailler le vostre aulx amys de +la dicte Dame, laquelle vous estoit très estroictement +alyée; et que je ne sçavois si desjà il y avoit des compaignies +embarquées, et que pourtant je luy voulois bien fère, +de rechef, la mesmes instance que dessus de vouloir retirer +ses dictes forces affin de ne vous contraindre d'user +de plus grandz, extraordinaires et violantz remèdes, que +<span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span> +vous ne vouliez essayer en choses qu'ussiez jamais à démeller +avec elle.</p> + +<p>La dicte Dame, se trouvant en grand perplexité de ce +propos, m'a respondu que, despuys ma précédante audience, +elle avoit toutjour estimé que son armée seroit retirée +à Barvyc, et me pouvoit jurer que de ceste segonde +entreprinse il n'y avoit que vingt quatre heures qu'elle en +avoit receu l'advis par le comte de Sussex; qui luy mandoit +qu'il avoit esté contrainct d'en user ainsy, parce que +le duc de Chastellerault avoit retiré les rebelles d'Angleterre, +et les avoit introduictz au propre conseil d'Escoce, +et ne luy avoit jamais vollu fère aulcune bonne responce, +ou de les randre, ou de les habandonner; et que pourtant +vous, Sire, ne debviez trouver mauvais qu'elle poursuyvît +par dellà une entreprinse qui touchoit tant à son +honneur.</p> + +<p>Je luy ay toutjour grandement incisté de retirer ses dictes +forces, et qu'au reste elle poursuyvyst la reddition de +ses dicts rebelles par une aultre meilleure sorte de quelque +honneste traicté avec la dicte Royne d'Escoce; sur +quoy elle m'a bien dict beaucoup de bonnes parolles, mais +non qu'elle ne l'ayt ainsy lors vollu accorder: de quoy estant +sur l'heure entré en conférence avec les seigneurs +de son conseil, avec remonstrance des inconvénians qui +s'en pourroit eusuyvre, j'ay esté, le jour après, contremandé +de la dicte Dame pour me trouver de rechef avec +eulx; avec lesquelz j'ay enfin arresté les choses que Vostre +Majesté verra par ung mémoire à part, lesquelles m'ont +esté après confirmées par la dicte Dame; et Vostre Majesté +aussi, s'il luy playt, les confirmera: et je mettray +peyne qu'il en sorte quelque bon effect, bien que j'entendz, +<span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span> +Sire, que, nonobstant cella, la dicte Dame a ordonné sortir +promptement six de ses grandz navyres, avec douze +centz hommes dessus, pour garder la mer; par ce, à mon +adviz, que son ambassadeur l'a certainement advertye qu'il +y a des gens toutz prestz en Bretaigne pour passer en Escoce; +et elle vouldroit bien que ceste démonstration les retînt. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxvıı<sup>e</sup> jour de may 1570.</span></p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">CERTEIN ACCORD FAICT AVEC LA ROYNE D'ANGLETERRE</span> +et avec les seigneurs de son conseille touchant les choses d'Escoce, du dict jour.</p> + +<p>L'ambassadeur de France a dict à la Royne d'Angleterre que le +Roy, son Maistre, la prie et l'exorte, au nom de leur commune amytié +et de la bonne paix, alliance et confédération, qui est entre eulx et +leurs couronnes, qu'elle veuille retirer ses forces hors d'Escoce, et +n'en y envoyer plus d'aultres; et que le Roy, son dict Maistre, luy +commande de le résouldre promptement en quoy il en doibt demourer, +et en quoy il doibt demeurer de l'intention qu'il peult +cognoistre qu'a meintennant la dicte Royne d'Angleterre vers la +liberté et restitution de la Royne d'Escoce, parce que, voyant aller +les affères de la dicte Dame toujours de mal en piz, il commance +désormais de prendre les dilays, qu'on use vers elle, pour manifestes +reffuz;</p> + +<p>Et que nul ne doibt trouver estrange, s'il prend ainsy à cueur ceste +matière; car il y va, d'ung costé, de la conservation de l'amytié de la +dicte Royne d'Angleterre, sa bonne sœur, qui est une chose qu'il +estime estre de grande conséquence pour luy et d'une grande importance +pour son royaulme; et, de l'aultre, de la protection et +deffance de la Royne d'Escoce, sa belle sœur, de laquelle il n'y a +celluy qui ne voye combien il touche à sa réputation et à l'honneur de +sa couronne, et combien il est abstraint par grandes obligations de +nullement l'abandonner.</p> + +<p>Sur quoy la dicte Royne d'Angleterre, ayant faict aucunes responces +sur l'heure au dict ambassadeur, elle luy a, le jour d'après, faict +dire par les seigneurs de son conseil, et encores despuys elle mesmes +le luy a confirmé de sa parolle, que, pour satisfère au désir du +Roy, son bon frère, elle trouve bon qu'il soit envoyé ung gentilhomme +de qualité devers le duc de Chastellerault et devers ces aultres +<span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span> +seigneurs Escouçoys, qui tiennent le party de la Royne d'Escoce, +pour leur dire que, s'ilz veulent rendre les fugitifz d'Angleterre +ou bien les habandonner, ou bien les retenir pour en rendre +tel compte, comme sera porté par le tretté qui se fera entre elle et la +Royne d'Escoce, qu'elle est contante de retirer toutes ses forces hors +du dict pays d'Escoce;</p> + +<p>Et, en ce que le dict duc de Chastellerault et les siens, et pareillement +le comte de Morthon et ceulx de son party, se désarmeront +d'ung costé et d'aultre, et que toute hostillité cessera dans le dict +pays et entre les deux royaulmes d'Angleterre et d'Escoce;</p> + +<p>A la charge aussi que, si le Roy, avant que ces choses soient +acomplyes, avoit de sa part desjà envoyé ou faict passer de ses forces +en Escoce, la dicte Dame ne veult estre tenue d'observer ce dessus, +sinon que le dict Roy Très Chrestien les vollût révoquer, auquel +cas elle révoquera pareillement les siens;</p> + +<p>Et que Mr l'évesque de Roz nommera à M<sup>e</sup> Cecille le gentilhomme +que la Royne, sa Mestresse, vouldra, pour cest effect, envoyer en +Escoce, affin de luy bailler saufconduict, et en donner adviz à +Mr le comte de Sussex, devers lequel il passera, et auquel sieur +comte la dicte Royne d'Angleterre mandera d'acomplyr ceste sienne +intention, aussitost qu'il aura sceu celle du susdict duc de Chastellerault;</p> + +<p>Et que, par le dict ambassadeur de France et par l'évesque de +Roz, seront baillées au gentilhomme qui yra en Escoce leurs lettres, +servans à l'accomplissement de cest affère.</p> + +<p>Et, quant à la liberté et restitution de la dicte Royne d'Escoce, la +dicte Royne d'Angleterre promect que, aussitost qu'elle aura receu +la responce, que la dicte Royne d'Escoce luy vouldra fère sur les +choses, qui naguières ont été trettées par son ambassadeur, l'évesque +de Roz, avec les seigneurs de ce conseil, qu'elle y procédera +avec tant de dilligence qu'elle veult bien que le Roy Très Chrestien, +son bon frère, demeure juge que plus dilligentment il n'y pourroit +estre procédé; et ainsy l'a elle confirmé et asseuré au dict sieur ambassadeur, +en parolle de Royne et de princesse chrestienne pleyne +de foy et de toute vérité;</p> + +<p>Que, suyvant les choses susdictes le dict ambassadeur escripra au +Roy, son Seigneur, de ne vouloir envoyer de ses forces en Escoce, +ou, s'il y en avoit desjà envoyé quelques unes, qu'il les veuille tout +incontinent révoquer.</p> +</div> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">I</span><sup>er</sup> jour de juing 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Efforts de l'abbé de Dunfermline pour arrêter l'exécution du traité conclu.—Nouvelles +d'Écosse.—Armemens faits en Angleterre.—Exécution des +Northon à Londres.—Espoir que le duc de Norfolk sera bientôt rendu +à la liberté.—Nouvelles de la Rochelle et des Pays-Bas.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ceulx qui sont promptz de nuyre toutjour à la +Royne d'Escoce, voyantz que la négociation que je faisois +pour elle commançoyt de succéder, se sont esforcez d'introduyre +l'abbé de Domfermelin pour m'y donner empeschement; +lequel, n'ayant aporté qu'une simple lettre à la +Royne d'Angleterre pour créance, ni pour toute aultre +sienne instruction qu'ung seul blanc de ceulx qui l'ont envoyé, +affin d'estre remply icy par l'adviz de deux de ce +conseil, il a vifvement incisté à la dicte Dame, que, suyvant +sa vertueuse dellibération et ses promesses, elle vollût +recepvoir le jeune Roy d'Escoce en sa protection et le +deffandre de la main meurtrière, qui naguières a faict mourir +le père, et bientost après l'oncle; et que meintennant +elle veuille, par son authorité ou par ses forces, fère aprouver +les décrectz qui, durant le gouvernement du dict oncle, +ont esté faictz, tant en faveur du dict jeune Roy que pour +l'establissement de la nouvelle religion en son royaulme; +et qu'à cest effect elle envoye réprimer les Amilthons, lesquels +s'esforcent d'infirmer deux si bonnes causes, et sont +proprement ceulx qui ont receu ses rebelles; et qu'au contraire +elle haste son secours à ceulx qui soubstiennent l'une +<span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span> +et l'aultre, qui n'ont onques consenty de les recepvoir; et +que beaucoup d'honneur et de réputation à elle, grande seureté +à son estat et couronne, perpétuel establissement +en la religion par toute ceste isle, et ung très grand proffict +et accommodement en toutz ses affères s'en ensuyvra, +sans que, en l'exécution d'une si glorieuse et utille entreprinse, +il s'y voye aulcun dangier, et bien fort peu de difficulté. +Nonobstant lesquelz artiffices, la dicte Dame n'a layssé +de fère confirmer, par le marquis de Norampton et par le +comte de Lestre, à l'évesque de Roz, les mesmes choses +qu'elle m'avoit accordées et qui estoient arrestées entre +nous; dont sommes après à les effectuer. Et cependant est +arrivée la responce de la Royne d'Escoce, sur les ouvertures +que ceulx de ce conseil avoient naguières faictes au dict +évesque, lequel a demandé là dessus audience de la dicte +Royne d'Angleterre, qui ne la luy a reffuzée; et aussitost +que j'auray entendu ce qu'y sera tretté, je ne fauldray +d'en donner adviz à Vostre Majesté.</p> + +<p>J'entendz que les Anglois, qu'on a envoyez au comte de +Morthon, sont arrivez à Lislebourg sans aulcun rencontre +et qu'ilz se tiennent là sans fère grandz actes d'hostillité, et +que le chasteau de Lislebourg ne respond rien à la ville, +seulement les lairs de Granges et Ledinthon se tiennent +dedans avec quelques aultres Escouçoys, qu'ilz y ont miz +de renfort; que le duc de Chastellerault est à Glasco, avec +bonne troupe des siens, lequel soubstient fermement l'authorité +de la Royne, sa Mestresse; et que les comtes d'Arguil +et d'Honteley s'en sont retournez pour s'establyr de mesmes +en leurs quartiers. Quant à l'aprest des six navyres de +ceste Royne, il se continue, et de deux davantaige, qui sont +huict en tout des plus grandz, pour les fère sortir en mer du +<span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span> +premier jour avec deux mil hommes, si ne trouvons moyen +de les arrester; mais j'y feray tout ce qu'il me sera possible.</p> + +<p>Vendredy dernier estantz trois gentishommes de bonne +qualité du North, qui s'apelloient les Northons, condampnez +à mort comme coulpables de la dernière ellévation, ainsy +qu'on les tiroit de la Tour pour les mener au suplice, le secrétaire +Cecille survint en dilligence, qui fyt surceoyr l'exécution, +et parla à eux, et estime l'on qu'il espéroit trouver +en leur dernière déposition quelque vériffication contre la +Royne d'Escoce, et contre le duc de Norfolc, mais ilz +n'ont rien dict: et le lendemain les deux ont esté exécutez. +Il semble qu'il se commance d'ouvrir des expédians pour +la liberté du dict duc, auquel trois de ce conseil sont desjà +ordonnez pour aller après demain parler à luy; et son filz +aysné, le comte de Sureth, est arrivé despuys huict jours, +qui est venu trouver le comte d'Arondel son grand père +maternel. Quelcun a bien osé entreprendre d'aposer sur +la porte de l'évesque de Londres une bulle du Pape<a name="FNanchor_6" id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a> contre +la Royne d'Angleterre, mais on l'a incontinent ostée, +et faict on grand dilligence de descouvrir d'où elle est venue; +mais pour donner entendre au peuple que c'est quelque +aultre chose, l'on a imprimé un aultre placart.</p> + +<p>L'on commance, despuys ma dernière audience, d'avoir +quelque meilleure espérance de la conclusion de la paix de +vostre royaulme qu'on ne faisoit; et aussi ung certain messagier, +qui est naguière venu de la Rochelle, semble le +confirmer, bien qu'on dict qu'il a esté long temps en mer. +<span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span> +Je mettray peyne d'entendre ce qu'on publiera de la dépesche +qu'il aporte, et d'une aultre qui est freschement arrivée +du comte Pallatin, pour vous donner adviz de toutes deux par +mes premières. Les depputez de ceste ville, qui sont revenuz +de Flandres, ont esté desjà ouys de leur Royne, et puys en +son conseil; ilz ont remonstré les difficultez qui s'offrent encores +sur le faict de ces deniers et merchandises arrestées, +et a esté remiz de leur fère responce d'icy à huict jours, à +cause des affères d'Escoce; ce qui me faict juger que, sellon +qu'ilz pourront accommoder les ungs, ilz vouldront reigler +les aultres. Tant y a qu'ilz pensent que, pour le bon succez +que le Roy d'Espaigne commance d'avoir contre les Mores, +le duc d'Alve se rend meintennant plus difficile à cest accord. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce ı<sup>er</sup> jour de juing 1570.</span></p> + +<h2 class="p4">CXII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">V</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Nycolas de Le Poille.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Hésitation du conseil d'Angleterre à assurer l'exécution du traité conclu.—Résolution +prise par la reine de le maintenir.—Audience accordée par +Élisabeth à l'évêque de Ross.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roi.</p> + +<p>Sire, premier que le comte de Sussex ayt sceu, ou au +moins premier qu'il ayt peu fère sçavoir au capitaine +Drury à Lislebourg, l'accord d'entre la Royne d'Angleterre +et moy, touchant retirer les Anglois hors d'Escoce, +icelluy Drury avoit desjà envoyé sommer le duc de Chastellerault +et ceulx de son party, qui estoient au siège de +Glasco, de luy randre les fugitifz d'Angleterre, ou bien +de les habandonner, et surtout de luy donner parolle de +<span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span> +ne recepvoir aulcuns estrangiers dans le pays. A quoy luy +estant baillé pour responce par le secrétaire Ledinthon, +qui eut charge de la luy fère, qu'ilz n'estoient prestz ny +de randre les fugitifz, ny de reffuzer aulcun secours estrangier, +ains, si les Françoys ne venoient bientost que +luy mesmes les yroit quéryr, le dict Drury avec ses Anglois, +et le comte de Morthon avec un nombre d'Escouçoys +du contraire party, ont marché jusques au dict +Glasco, là, où ne les ayant le dict duc attanduz, ilz ont +estimé qu'ilz pourroient exécuter d'aultres plus grandes entreprinses, +s'ilz passoient plus avant vers Dombertran. +Mais estant, sur ce poinct, arrivé au dict de Sussex +l'advertissement de l'accord, il l'a incontinent envoyé notiffier +au dict Drury, affîn d'arrester son progrès; et néantmoins +parce que, par une dépesche du mesme jour, il a +escrit à sa Mestresse que les siens avoient commancé de +bien fère à Glasco, et que despuys ilz s'estoient acheminez +à Dombertrand, et qu'en mesmes temps ce que je +vous ay mandé, Sire, de la bulle du Pape estoit advenu, +et aussi que de France l'on mandoit y avoir plus grande +aparance de guerre que de paix, la dicte Dame a cuydé +délaysser toutz nos bons propos d'accord pour retourner +à celluy, qu'elle avoit auparavant, de continuer la guerre +en Escoce; mais j'avois desjà sa promesse si expresse du +contraire, et le fondement avoit esté miz si bon aulx bonnes +dellibérations; que les mauvais n'ont peu, pour ce +coup, remettre sur les mauvaises, dont avons tant faict +qu'il a esté résolument escript au dict de Sussex d'acomplyr +icelluy accord, quant de l'aultre costé l'on l'accomplyra. +Bien luy a esté mandé qu'il ayt à entretenir +toutjours ses troupes en estat de la frontière, de peur de +<span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span> +la descente des Françoys, comme de mesmes a esté ordonné +icy que, pour encores, les grandz navyres ne partent +point, mais que, pour la mesmes peur du passaige des +Françoys, l'on les tiegne toutz prestz à la voyle; et les +seigneurs de ce conseil ont mandé à l'évesque de Roz et à +moy qu'on avoit desjà bien advancé de satisfère de leur +part aulx choses promises, et qu'à nous touchoit meintennant +de dilligenter l'exécution du surplus.</p> + +<p>Cependant le dict évesque a esté admiz à la présance +de la dicte Dame, laquelle toutesfoys ne l'a receu sinon +cérémonieusement et assés sévèrement, en présence de +ceulx de son conseil, à cause des souspeçons auparavant +conceues contre luy; mais après qu'en se purgeant fort +honnorablement, il a heu tout librement confessé qu'il +avoit une seule foys, et non plus, ouy ung messaige du +comte de Northomberland, qui luy offroit de mettre la +Royne sa Mestresse en liberté, et de la ramener en son +royaulme, pourveu qu'on luy fornyst de l'argent, auquel +il avoit respondu que sa Mestresse ne vouloit partir d'Angleterre +sans le gré et bonne grâce de la Royne sa bonne +sœur, ny elle n'avoit point d'argent pour luy envoyer; et +qu'il a eu offert qu'au cas qu'il se peult jamais vériffier +nulle aultre pratique contre luy avec ceulx du North, qu'il +renonçoyt à toutz ses privilèges d'ambassadeur, d'évesque, +et d'estrangier, et de son saufconduict, pour se soubzmettre +aulx extrêmes punitions des plus rigoureuses loix de +ce royaulme, la dicte Dame a monstré qu'elle en demeuroit +satisfaicte; et l'ayant tiré à part, a receu fort humainement +de ses mains les lettres que la Royne d'Escoce +luy escripvoit, et a commancé de tretter privéement et +fort familièrement sur icelles avec luy, de sorte que, se +<span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span> +raportant ceste négociation aulx miennes trois précédantes, +ung chacun juge que la chose s'en va si bien acheminée, +qu'il s'en peult espérer ung assés prochain et assés +bon succez.</p> + +<p>Je mettray peyne, Sire, de vous expéciffier par mes +premières les poinctz et particullaritez où l'on en est meintennant, +et adjouxteray seulement icy que les seigneurs +du dict conseil sont en ceste ville pour adviser de quelque +expédiant avecques les marchantz, touchant l'accommodement +des différandz des Pays Bas; et aussi pour veoir +comme il faudra procéder sur le faict de la bulle du Pape, +ayant esté l'adviz d'aulcuns qu'on debvoit purger et examiner +par sèrement là dessus les principaulx Catholiques de +ce royaulme, et procéder tout incontinent contre ceulx +qui se trouveront ou coulpables, ou attainctz du faict, par la +rigueur des loix mareschalles<a name="FNanchor_7" id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>, qui portent condempnation +de mort sans figure de procès; mais j'entendz que la prudence +de la dicte Dame ne leur a acquiescé, laquelle ne +s'est vollue esloigner des conseilz des modérez, qui la persuadent +de n'offancer les Catholiques qui luy sont obéyssantz. +Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce v<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XI</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Vassal.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">L'Évêque de Ross mis en entière liberté.—Négociation pour le rétablissement +de Marie Stuart; conditions proposées par Élisabeth.—Espoir de +l'ambassadeur que le traité pourra se conclure prochainement, et demande +d'instruction à ce sujet.—Même espoir que la liberté sera bientôt +rendue au duc de Norfolk; chefs d'accusation sur lesquels il a été tenu de +s'expliquer.—Affaires des Pays-Bas; grand armement fait en Angleterre, +où l'on craint une entreprise de la part du duc d'Albe.—<em>Mémoire.</em> Conditions +que l'on dit être offertes par la reine de Navarre pour la pacification +de France.—Affaires d'Écosse.—État de la négociation dans les Pays-Bas.—Sollicitations +faites auprès d'Élisabeth pour obtenir la liberté du +duc de Norfolk.—<em>Mémoire secret.</em> Détails circonstanciés de toutes les discussions +qui ont déterminé le conseil d'Angleterre à se déclarer pour le +maintien de la paix avec la France.—Intrigue de ceux du parti contraire, +afin d'empêcher cette décision.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, pour s'aquitter la Royne d'Angleterre de la parolle, +qu'elle m'avoit donnée, qu'aussitost qu'elle auroit receu +une responce, qu'elle attandoit de la Royne d'Escoce, +elle procèderoit au faict de sa restitution avec tant de dilligence, +que Vostre Majesté jugeroit qu'avec plus grande +ne se pourroit fère, elle a desjà fort amplement traitté, avec +Mr l'évesque de Roz, des moyens et expédians qu'elle +veult estre suyviz en cella, et des seuretez et condicions +qu'elle désire luy estre gardées. A quoy le sieur évesque +ne luy a contradict en rien, ny ne luy a rien reffuzé; mais +luy ayant monstre les choses qui en cella se pourroient +trouver facilles ou difficiles, elle a monstré de ne se restraindre +tant aulx plus difficiles, qu'elle ne se veuille bien +accommoder à celles qui seront en la puyssance de la Royne +d'Escoce d'acomplyr; et ainsy elle a ottroyé au dict sieur +<span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span> +évesque sa pleyne liberté, avec licence d'aller conférer librement +avec sa Mestresse; lequel desjà l'est allée trouver, +et a emporté ung bien ample saufconduict pour envoyer +les sires de Leviston ou de Bethon en Escoce, affin +d'exécuter ce qui a esté arresté, entre la dicte Dame et +moy, de retirer les siens hors du pays.</p> + +<p>J'estime, Sire, que le dict évesque de Roz aura escript +toute sa dernière négociation à Mr l'archevesque de Glasco +pour la fère entendre à Vostre Majesté, qui sera cause +que je ne vous toucheray icy les particularitez d'icelle sinon +en ce qu'il a semblé que la dicte Dame vouloit fort +incister d'avoir le Prince d'Escoce en ses mains; et qu'il +fût envoyé par Vostre Majesté aulcuns des parans de la +Royne d'Escoce à estre icy quelque temps ostaiges, pour +l'observance des choses qui seront promises; et que la ligue +se conclût offancive et deffancive entre l'Angleterre +et l'Escoce. Mais j'espère, Sire, qu'elle se contantera à +moins; et affin que aulcune longueur n'y puysse venir de +nostre costé, le dict sieur évesque m'a très expressément +requis de suplier très humblement Vostre Majesté qu'il +vous playse m'envoyer, par ce mesme gentilhomme présent +porteur, ung pouvoir ample pour assister en vostre nom +au traitté qui se fera; lequel, pendant que les choses se +monstrent en assés bonne disposition, il estime estre très +nécessaire de conclurre sans délay, ou aultrement il y +courra ung manifeste dangier d'en perdre pour jamais l'occasion. +Mais, par mesme moyen, il sera vostre bon playsir, +Sire, de m'envoyer une particulière instruction des +poinctz où vous desirez que cest affère se réduise pour +vostre service, affin que vostre intention soit (s'il m'est +possible) toute la règle de ce qui s'y fera.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span> +Les affères du duc de Norfolc semblent prendre ung +mesme acheminement que ceulx de la Royne d'Escoce, +car la Royne, sa Mestresse, a enfin envoyé deux de son conseil +parler à luy, qui ne luy ont touché que cinq poinctz; +sçavoir: celluy de son mariage avec la Royne d'Escoce, +comme est ce qu'il l'avoit ozé pratiquer sans le sceu de sa +Mestresse; celluy d'une lettre qu'il avoit escripte au comte +de Mora, où il disoit avoir passé si avant au mariage +qu'il ne pouvoit avec son honneur et conscience s'en retirer; +le troizième, s'il ne s'en vouloit point despartyr maintennant, +sans jamais y entendre, sinon avec le congé de la +dicte Royne sa Mestresse; le quatriesme estoit de la religion, +comme souffroit il que toutz ses principaulx officiers +et serviteurs fussent ou déclairez ou suspectz Catholiques; et +le cinquiesme, quelle seurté vouloit il donner à la Royne sa +Mestresse de luy demeurer à jamais fidelle et obéyssant +subject et serviteur. A toutes lesquelles choses j'entendz +qu'il a si bien et sagement respondu que la dicte Dame +en est assés satisfaicte; et s'espère qu'il sera remiz, du +premier jour, en sa mayson de ceste ville, mais encores +soubz quelque garde, pour quelques jours.</p> + +<p>L'espérance de la paix de vostre royaulme ayde grandement +à l'advancement des affères de l'ung et de l'aultre, et +estime l'on que, succédant icelle, tout yra bien pour eulx; +mais aussi, si elle ne se conclud, aulcuns ont opinion que +cecy n'aura esté qu'une aparance pour pouvoir passer l'esté +sans trouble, et qu'ilz tremperont encores cest yver en leurs +accoustumées prysons.</p> + +<p>J'entendz que le duc d'Alve mène ceulx cy d'ung grand +artiffice sur l'accord de leurs différantz; car, d'ung costé, +il les brave bien fort, et les adoulcit encores plus de l'aultre, +<span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span> +et leur donne de grandes espérances de la bonne affection +que son Maistre a d'accommoder, mieulx que jamais, +leur trafficqz en toutz ses pays; bien que, entendant la +Royne d'Angleterre qu'aulcuns de ses fugitifz sont passez +devers le dict duc, et d'aultres sont allez en Espaigne, et +qu'on lève maintennant des gens de guerre en Flandres, +elle souspeçonne que c'est plustost contre elle que pour la +réception de la Royne d'Espaigne, comme l'on en faict le +semblant; et, à ceste cause, elle a commandé de mettre +encores en ordre quatorze de ses grandz navyres, oultre +ceulx qui sont desjà pretz. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xı<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">Instruction Au S<sup>r</sup> de Vassal</span> +de ce qu'il fault fère entendre à Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres:</p> + +<p>Qu'après que la Royne de Navarre, en apvril dernier, eust expédié +devers le Roy les S<sup>rs</sup> de Telligny et de Beauvoys, lorsqu'ilz venoient +du camp des Princes, et avec eux le S<sup>r</sup> de La Chassetière +pour adjoinct, elle fit une dépesche par deçà, laquelle a esté si longtemps +sur mer, qu'elle n'est arrivée que despuys huict ou dix jours: +et par icelle semble qu'on ayt cogneu que la dicte Dame inclinoit à +la paix;</p> + +<p>Et que par le dict La Chassetière elle ayt faict dire à part au Roy +et à la Royne qu'il ne tiendroit à elle que la dicte paix ne se fît, +et qu'elle suplioit Leurs Majestez de vouloir ottroyer à ceulx de la +nouvelle religion l'éedict de l'an <span class="smcap">LXVII</span>, qu'ilz apellent l'éedict de +Chartres, et encores ung presche davantaige en la prévosté de Paris, +et qu'avec cella elle s'esforceroit de les fère contanter et de conclurre +la dicte paix;</p> + +<p>Qu'aulcuns icy ont esté bien ayses de ceste disposition de la dicte +Dame, comme advenue contre leur espérance, car pensoient que les +ministres la tiendroient la plus destornée de ce désir qu'ilz pourroient. +Aultres ont estimé qu'elle s'est trop hastée de parler d'icelluy +éedict de Chartres, lequel ilz disent estre fort dangereux et de +nulle seureté; et qu'il eust toutjours esté assés à temps de le requérir, +<span class="pagenum"><a id="Page_182"> 182</a></span> +car les menées de court ne permettent qu'on accorde jamais +les choses ainsy qu'on les demande; ou bien attendre que le Roy +l'eust offert de luy mesmes, et que eulx l'eussent lors tout librement +et avec humilité receu de la pure concession et ottroy de Sa +Majesté;</p> + +<p>Que despuys, ne venant de France sinon toutjours nouvelles de +continuation de guerre, et comme le Roy reffuzoit de rendre les offices +et bénéfices à ceulx de la dicte religion, et de ne payer leurs reytres, +Mr le cardinal de Chastillon, désespérant assez, pour ceste cause, de +la paix, a sollicité plus vifvement que jamais les choses qui pouvoient +servyr à se maintenir et à maintenir ceulx de son party en +réputation par deçà, et à se procurer toutjours nouveaulx crédictz +en Allemaigne.</p> + +<p>A quoy semble que l'ayt davantaige confirmé de fère la venue +d'ung aultre messagier, qui a esté dépesché de la Rochelle après +le retour des depputez; lequel a aporté une forme d'articles, lesquelz +à la vérité je n'ay pas veuz, mais l'on m'a dict qu'ilz contiennent +que le Roy ottroye pour seureté à ceulx de la nouvelle religion +la Rochelle, Sanxerre et Montauban, plus vingt quatre villes pour +leur exercisse, lesquelles il nommera après la confection de la paix; +que les haultz justiciers pourront fère prescher pour eulx, leurs +subjectz, et ceulx qui y pourront assister; les gentishommes, qui +ont moyenne justice, auront aussi presche pour eulx et leur famille +seulement; que la vendition des biens eclésiastiques faicte par les +Princes sera cassée; les offices de ceulx de la dicte religion demeureront +vanduz; et que les Princes payeront et renvoyeront leurs +reytres; et m'a l'on dict que desjà l'on a envoyé les dicts articles +en Allemaigne avec des additions au marge, qui contiennent les +raysons pourqnoy on ne les peult ainsy accepter.</p> + +<p>Ung Allemand, qui naguières est arrivé de la part du comte Pallatin +pour donner compte à la Royne d'Angleterre de l'estat des +choses de delà, nomméement de ce qui se présume de la diette et +des nopces du prince Cazimir son filz, dict que, parce que les levées du +Roy en Allemaigne ne passent en avant, celles des aultres demeurent +aussi en suspens, mais qu'au reste elles se tiennent prestes pour +le besoing, et que le prince d'Orange s'est retiré pour quelques jours +en l'estat d'une sienne parente, attandant les nopces du dict Cazimir, +auxquelles il espère de pouvoir radresser ses affères; et que Mr de +Lizy ayant passé par Helderberc, où il a séjourné ung jour ou deux, +après avoir heu quelque petite conférance avec le dict S<sup>r</sup> Pallatin, a +<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span> +prins le chemin de Genève avec une troupe de gentishommes Françoys +qui vont trouver le camp des Princes.</p> + +<p>Desquelles apparances de guerre, parce que ceulx cy voyent +qu'elles ne font poinct cesser les propos qui se mènent de la paix, +et qu'il se trouve encores des difficultez sur l'accord des différandz +des Pays Bas, ilz deviennent assez irrésoluz comme debvoir procéder +ez choses d'Escoce, et craignent bien fort que, de les poursuyvre +davantaige, la paix de France et la victoire du Roy d'Espaigne +sur les Mores<a name="FNanchor_8" id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a> ne se convertissent en une guerre sur eulx; ce qui les +faict plus vollontiers incliner aulx remonstrances que je leur fays +là dessus. Et encores que le temps et l'ocasion pressent bien fort +de pourvoir aulx affères d'Escoce, ou aultrement ilz vont incliner à +la part des Anglois, sans que les Anglois y facent plus grand effort, +le mesme temps et la mesme ocasion néantmoins semblent se +monstrer bien à propos au Roy pour pouvoir meintennant conserver, +sans grand coust et quasi par moyens paysibles, ce que sa couronne +a heu toutjour d'alliance et d'authorité au dict pays; et croy +que mal ayséement une aultre foys y pourra il, sans viollance et +possible sans une grande guerre et à grandz fraiz et difficulté, y remédier.</p> + +<p>Les souspeçons ne sont légiers à ceulx cy, du costé du Roy d'Espaigne, +parce que deux des principaulx hommes d'Irlande sont allez +à recours à luy, et luy sont allez offrir accez, entrée et obéyssance +pour la protection de la religion catholique en leur pays; et +pareillement aulcuns des principaulx fugitifz Anglois, qui s'estoient +retirez en Escoce, sont passez devers le duc d'Alve. A l'ocasion de +quoy, le comte de Lestre a, despuys dix jours, faict fère une plaincte +à Mr l'ambassadeur d'Espaigne de ce qu'on recepvoit les rebelles de +ce royaulme en Flandres; et il a respondu qu'il n'en sçavoit rien, +<span class="pagenum"><a id="Page_184"> 184</a></span> +mais qu'il ne fesoit double qu'ilz ne fussent bien receuz ez terres du +Roy Catholique, puysqu'ilz estaient chassez pour estre Catholiques, +mais que ce ne seroit pour y mener rien par armes contre la Royne +d'Angleterre.</p> + +<p>Or, en ce qui concerne les différandz des Pays Bas, il a esté bien +près d'y mettre ung bon accord, car le duc d'Alve en a faict toutes +les démonstrations du monde; et en mesme temps est advenu par +des intelligences, que la Royne d'Angleterre a en Flandres, qu'on +luy a faict veoir la coppie d'une lettre que le Roy d'Espaigne escripvoit +au dict duc, par laquelle il luy mandoit de regaigner, par +toutz les moyens qu'il pourroit, l'amytié de la Royne d'Angleterre +et des Anglois; dont ilz estiment que la difficulté, qu'il sentoit lors +en la guerre des Mores, le faisoit parler ainsy, et qu'à ceste heure +ayant quelque bon succez en icelle, il se veult tenir plus ferme sur +la restitution des prinses.</p> + +<p>Sur laquelle restitution icelluy duc, à l'arrivée des dicts commissaires, +leur a dict que la demande, qu'ilz estoient venuz fère des +biens des Anglois, estoit très raysonnable; mais que celle des subjectz +du Roy, son Maistre, qui demandoient pareillement d'avoir les +leurs, n'avoit moins de rayson, et qu'il failloit venir à une mutuelle +satisfaction des deux costez. Et néantmoins, s'estant puys après +laissé aller à des expédiantz qui revenoient assés à son proffict, et +qui donnoient grand espérance d'ung accord, il s'en est despuys +desparty par ung adviz, qu'on luy a envoyé de deçà, d'ung aultre +proffict plus grand d'envyron cent cinquante mil escuz, s'il retient +les biens des Anglois; lesquelz biens il a desjà, pour ceste ocasion, +faictz remettre de nouveau soubz sa main, ou bien les deniers qui +sont provenuz de la vante d'iceulx; et meintennant l'on est après à +fère quelque évaluation des ungs et des aultres, pour veoir si l'on +pourra venir à quelque compensation.</p> + +<p>Ceulx qui ont esté les plus contraires à la Royne d'Escoce et à +ses affères commancent, à ceste heure, de se fère de feste et de luy +promettre toute faveur et secours; et le mesmes est du duc de Norfolc, +car ceulx qui ont esté ses plus mortelz ennemys se gettent à +genoulx devant la Royne, leur Mestresse, pour la suplier pour luy; et +bien qu'en cella y puisse avoir de la simulation, pour plustost prolonger +que pour désir d'ayder ses affères, ilz semblent néantmoins +estre resduictz à ung poinct que, si quelque nouveau accidant ou +quelque grand malheur ne survient, ilz seront pour estre bientost +accommodez.</p> +</div> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span></p> +<div class="blockquote"> +<p class="center smcap">AULTRE INSTRUCTION A PART:</p> + +<p>Que ce qui plus me fait incister icy aulx choses d'Escoce, et en +solliciter pareillement Leurs Très Chrestiennes Majestez, est qu'il ne +peult revenir que à une merveilleuse diminution de leur estime et +grandeur, de se laysser ainsy arracher comme par force la Royne +d'Escoce et les Escouçoys de leur protection; et de souffrir que la +Royne d'Angleterre leur emporte de leur temps ceste alliance, qui a +esté conservée huict centz ans à la couronne de France, et laquelle +assés souvant luy a esté très utille, et quelquefoys bien fort nécessaire.</p> + +<p>Et je considère que, de s'y opposer meintennant par Leurs Majestez, +ce n'est les mettre en nouvelle guerre, ains plustost divertir +celle qui leur pourroit venir d'icy; ny mettre le Roy en grandz frays +de ses deniers, ains empescher que les Anglois n'envoyent les leurs +en Allemaigne contre luy; ny l'attacher à de grandes difficultez, car +la seule démonstration de vouloir envoyer mille harquebouziers en +Escoce, ou le passaige d'iceulx seulement, rendra ceste entreprinse +achevée sans aulcunement venir aulx mains, de tant qu'ung chacun +juge que la Royne d'Angleterre ne les sentyra sitost joinctz aulx +Escouçoys partisans pour leur Royne, lesquels à présent sont les plus +fortz, qu'elle ne viegne à telle composition qu'on vouldra; et si, ne +demeurera que plus ferme en la paix, joinct que je n'ay faict ceste +instance, sinon après que, par la conférance de ceulx qui entendent +bien l'estat de ce royaulme, j'ay comprins que c'estoit jouer à boule +veue.</p> + +<p>Et puys, je voy que ceulx qui ont persévéré jusques icy en l'affection +du Roy, s'ilz ne sont entretenuz de quelque bon espoir, voyre +de quelque démonstration de son présent secours, comme de celluy +seul entre les princes chrestiens, qui justement et légitimement peult +mouvoir ses armes en ceste cause, ilz se vont sans aulcun doubte +jetter ez braz du Roy d'Espaigne, et bien que ce ne soit aultant de +droict, comme ez braz du Roy, ilz ont néantmoins desjà leurs messagiers +devers luy, et à ceulx là est desjà faicte promesse de secours; +mesme le duc d'Alve leur donne entendre qu'il est si prest qu'il ne +reste sinon que la Royne d'Escoce envoye son pouvoir et consantement +pour l'acepter.</p> + +<p>Et de ce, la dicte Dame a naguières receu ses lettres ou bien celles +de son Maistre, car je ne sçay encores duquel des deux; tant y a +<span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span> +qu'on l'asseure fort que, en toutes sortes, elle sera assistée et aydée à +sa restitution par le Roy Catholique, lequel cependant l'exorte de se +réserver libre de son mariage, et de ne s'obliger à nul, sinon avec +l'adviz et bon conseil qu'il luy en donnera.</p> + +<p>Néantmoins commanceans les affères d'Escoce de s'acheminer par +la gracieuse voye de la négociation, que Leurs Majestez m'ont commandé +de fère, j'espère qu'elles succéderont assez sellon leur désir, +sans y fère aultre effort ny despence; mais à toutes advantures, parce +que la malice des ennemys, et la faulte de cueur des amys, et la +jalouzie de ceste Royne contre sa cousine sont choses que j'ay toutjour +fort suspectes, je désire que Leurs Majestez voyent à clair quel +a esté et quel est le cours de ceste affère, affin qu'ilz puyssent juger +quant, et commant, et en quelle sorte il y pourra fère bon.</p> + +<p>Après que j'ay heu, par deux foys, résoluement déclairée à la +Royne d'Angleterre qu'elle ne pouvoit, sans contravention des trettez, +envoyer ses forces en Escoce, et que pourtant elle debvoit accepter +les honnestes condicions et offres que la Royne d'Escoce luy +faisoit, par le moyen desquelles elle obtiendroit, mieulx que par la +force et sans aulcune despence, ce qu'elle prétandoit, et si, auroit +conservé l'amytié du Roy, la dicte Dame a demeuré quelques jours +fort incertaine comme elle en uzeroit; dont aulcuns des siens, craignantz +le changement de sa dellibération, ont trouvé moyen, il y +a envyron quinze jours, de luy fère signer une lettre au comte de +Sussex pour le fère passer si avant en l'entreprise qu'on ne s'en peult +plus retirer.</p> + +<p>De quoy m'ayant esté donné adviz, et estant bien informé que la +dicte lettre avoit esté substraicte, j'envoyay incontinent solliciter +ceulx, qui avoient bonne affection en ceste cause, de le fère entendre +à la dicte Dame, et de convaincre vers elle ceulx qui avoient ozé entreprendre +ung tel faict, et qui la vouloient, contre toute rayson, +mettre en guerre avecques le Roy.</p> + +<p>Ce que ayant bien oportunéement sceu fère, ilz ont si bien irrité +la dicte Dame qu'elle a monstré d'en estre fort courroucée, et qu'en +toutes sortes elle vouloit sortir par quelque aultre meilleur moyen +hors de cest affère; dont, assignant jour à ceulx de son conseil d'en +venir délibérer devant elle, les ungs, pour rompre le coup, ont trouvé +bon de s'absenter en ceste ville par prétexte du terme de la justice, +et les aultres, ne pouvant contradire à cella, y sont venuz aussi +pour le mesme prétexte, mais en effect ce a esté pour fère des assemblées +séparéement avec les partisans et amys, pour voir comme +<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span> +ilz pourroient, de chascun costé, advancer leur intention et retarder +d'aultant celle des aultres.</p> + +<p>Et enfin milord Quiper, qui est chef de la partie contraire, après +avoir bien consulté avecques les siens, avoit, au partir de ceste ville, +délibéré de s'en aller en la contrée pour allonger et interrompre la +matière; mais le comte d'Arondel le prévint en son propre logis, et +le somma de se trouver, le ııȷ<sup>e</sup> jour après, devers la Royne leur Mestresse +pour résouldre cestuy et aultres très urgentz affères, «qui ne +pouvoient, disoit il, sans mettre la dicte Dame et son royaume en +grand dangier, estre plus prolongez.»</p> + +<p>Icelluy Quiper, en grand collère, luy respondit qu'il ne délibéroit +de retourner en court, qu'il ne fût plus de trois foys fort expressément +appellé, veu que la Royne tenoit si peu de compte d'observer +les choses une foys arrestées, et qu'elle mesprisoit à ceste heure ses +conseilz, et ne recepvoit plus sinon ceulx qui luy estoient très dommaigeables, +ès quelz il ne vouloit en façon du monde intervenir.</p> + +<p>Le comte répliqua que à la charge qu'il avoit ne convenoit bien de +gouverner ainsy ce royaulme par collère, car c'estoit par rayson et +justice qu'il le debvoit modérer, et qu'il se sçauroit aussi bien courroucer +que luy s'il vouloit; mais qu'il prévoyoit ung si grand inconvéniant +d'une généralle sublévation en ce royaulme et de tant de +guerres avecques les estrangiers, qu'il ne pouvoit pour son debvoir +différer plus longtemps d'en avertyr sa Mestresse, et qu'il falloit que +luy, comme son premier conseiller, s'y trouvast présent pour en dellibérer, +ce que, s'il reffuzoit de fère, qu'il fût asseuré qu'il luy seroit +reproché; et que, absent ou présant, il ne lairroit de bien chanter +les vespres au secrétaire Cecille, car ce n'estoit que d'eulx deux que +procédoit le retardement de toutz les affères de ce royaume. Cella +fut lors cause que le dict Quiper s'estant ung peu remiz, et estant +le propos venu à plus gracieulx termes entre eulx, ilz se promirent +l'ung à l'aultre de se trouver, le cinquiesme jour après, à +Amptoncourt.</p> + +<p>Pendant laquelle assignation, le secrétaire Cecille fit tout ce qu'il +peult pour destourner la dicte Dame de son bon propos, et luy oza +bien dire assés licentieusement, présent le comte de Lestre, qu'elle +s'en alloit habandonnée de ses meilleurs serviteurs, puysqu'elle se +vouloit ainsy précipiter d'elle mesmes en ung manifeste et trop certain +péril de sa propre personne et estat par la restitution et dellivrance +de la Royne d'Escose.</p> + +<p>A quoy, en collère, elle luy demanda comme il cognoissoit cella, +<span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span> +car jusques à ceste heure, elle n'avoit ouy nulle rayson de luy là +dessus qui ne fût playne de passion et de hayne, et comme il ne +respondoit rien, le comte de Lestre dict: «Voyez, Madame, quel +homme est le secrétaire, car se trouvant hier avec nous tous à Londres, +il asseura qu'il vous donroit conseil de restituer la Royne +d'Escoce, et meintennant il parle en toute aultre façon.»—«Ainsy, +respondit elle, me raporte il plusieurs choses assés souvant de vostre +part, qui puys après est tout le contraire. Quoyqu'il y ayt, maistre +Secretary, dict elle, je veulx sortyr hors de cest affère et entendre à +ce que le Roy me mande, et ne m'en arrester plus à vous aultres +frères en Christ.»</p> + +<p>Sur cella, m'estant arrivée la dépesche du Roy du ıııȷ<sup>e</sup> de may, il +a esté le plus à propos du monde que j'aye faict ceste troisième recharge, +du xxıȷ<sup>e</sup> du dict moys, à la dicte Dame, comme je luy ay +desjà mandé, par laquelle voyantz les adversayres qu'elle se layssoit +conduyre à la rayson, et que desjà elle m'accordoit de retirer ses +forces hors d'Escoce et de procéder à la restitution de la Royne sa +cousine; après que j'en ay heu aussi parlé au conseil, ilz ont préparé +l'ung d'entre eulx pour venir, en présence des aultres, tenir le +merveilleux et bien insolant propos qui s'ensuyt;</p> + +<p>C'est de dire à la dicte Dame «qu'elle estoit estrangement pipée +et trompée en ceste affère, car il estoit désormais trop clair que +ceulx, de qui elle commançoyt de suyvre le conseil, estoient toutz +gens partiaulx et bandez contre elle en faveur de la Royne d'Escoce, +et qu'il n'y avoit rien plus aparant et vraysemblable; que les propos +de moy ambassadeur estoient emprumptez, ou de Mr le cardinal +de Lorrayne qui m'avoit mandé d'ainsy parler, ou de la Royne d'Escoce +qui m'en avoit prié; et que, veu les affères que le Roy avoit +chez luy, il n'estoit pour mander et encores moins pour fère ce que +je disoys; et que desjà l'on avoit passé si avant aulx choses d'Escoce +qu'il n'estoit plus temps de s'en retirer, ny la dicte Dame ne pourroit +désormais, sans dangier et sans perdre trop de réputation, rappeller +ses forces de Lislebourg; mais que, si elle poursuyvoit son +entreprinse, il estoit trop évidant que l'Escoce s'en alloit conquise, +et les Escouçoys toutz renduz ses subjectz et tributaires, et son +authorité establye au dict pays, et sa religion à jamais confirmée par +toute l'isle;</p> + +<p>»Que ce qu'il disoit estoit ung bon et droict conseil, et ce qu'on +alléguoit au contraire estoit tout faulx et suspect, et qu'il vouloit +mourir pour une si digne querelle, laquelle convenoit à la grandeur +<span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span> +et dignité de la couronne d'Angleterre, non de se mouvoir ainsy ny +de changer de délibération pour les parolles d'un ambassadeur, +comme il sembloit que la dicte Dame vouloit fère, et que le Roy, +Henry VIII<sup>e</sup>, n'eust pas lasché prinse, ainsy que honteusement et +misérablement l'on le conseilloit à elle de le fère; et qu'il offrait, au +cas que, pour l'amour de la Royne d'Escoce, les Françoys passassent +de deçà, que luy mesmes luy yroit trancher la teste, s'il playsoit à la +Royne luy en bailler la commission, s'atachant particullièrement au +comte de Lestre comme pour le taxer qu'il ne se monstroit fidelle en +cest endroict à sa Mestresse.»</p> + +<p>Le comte luy a respondu «que ces propos estoient d'ung homme +indigne d'estre au conseil de la Royne, et que, de sa part, il l'avoit +conseillée droictement sellon conscience et honneur, et sellon qu'il +estoit dellibéré de vivre et mourir en l'opinion qu'il luy avoit donnée, +et mesmes à maintenir, contre quiconques vouldroit dire le contraire, +qu'il ne luy avoit rien dict qui ne fût digne d'ung très bon et +très fidelle conseiller, serviteur et subject; et puysqu'ilz en venoient +là, qu'ilz fissent tout le piz qu'ilz pourroient de leur costé, et +que la dicte Dame regardât quel party elle vouldroit prandre, car +luy et plusieurs aultres estoient résoluz de persévérer à jamais en leur +délibération.»</p> + +<p>La dicte Dame, se trouvant en perplexité, a respondu en collère +au premier qui avoit parlé, «que ses conseilz estoient toutjour semblables +à luy mesmes, qui ne luy en avoit jamais donné que de témérayres +et dangereux, et que, tant s'en falloit qu'elle vollût avoir +ung aultre royaulme au pris qu'il disoit de la vie de sa cousine, +qu'elle aymeroit mieulx avoir perdu le sien que de l'avoir consenty; +et qu'il n'entreprint sur sa teste de tenir jamais plus un tel langaige, +et qu'au reste eulx toutz mettoient ses affères, et elle, et son estat, +en grand dangier, de se porter ainsy tant contraires et opposans en +leurs opinions.»</p> + +<p>Sur cella, après quelque peu de silence, le comte d'Arondel a +commancé de dire «que la collère, ny la passion, ny la hayne ou +amytié, qu'on pouvoit avoir à la Royne d'Escoce, ne les debvoit mouvoir +de donner conseilz précipitez ni dangereux à leur Mestresse, +ny de venir à nulle contention entre eulx, ains procéder en tout par +prudence et modération; et que luy vouloit, en présence d'elle et +de son conseil, librement dire qu'il estoit trop clair qu'en l'entreprinse +d'ayder une partie des Escouçoys qui estoient désobéyssantz, +ou qui avoient quel autre prétexte que ce fût contre leur Royne +<span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span> +Souverayne, ne pouvoit avoir rien de seurté, ny d'équité, ny de +proffict, ny rien aultre chose que force difficultez, force despences, +une très mauvaise estime des gens de bien, une grande offance des +aultres princes, et une très certaine ouverture de plusieurs guerres, +que la dicte Dame et son royaulme n'estoient pour pouvoir soubstenir;</p> + +<p>«Que c'estoit mal juger des parolles miennes, qu'elles fussent empruntées, +car jusques icy l'on les avoit trouvées conformes à celles +du Roy Mon Seigneur, et leur mesmes ambassadeur par ses lettres +les avoit souvant confirmées; et qu'on n'avoit encores veu, quant ung +ambassadeur d'ung si grand prince avoit résoluement dict <em>ouy ou +non</em>, qu'il se trouvât puys après aultrement; car seroit exemple fort +nouveau, qu'ung ambassadeur se mît en dangier d'estre désadvouhé, +et n'en fauldroit plus envoyer si l'on en venoit là; par ainsy, qu'ayant +esté mon dire clair et exprès, il n'y avoit point de doubte qu'il ne +fût procédé du commandement et de l'intention du Roy Mon Seigneur;</p> + +<p>»Qu'il n'y auroit ny honte, ny dangier, de se retirer de ceste entreprinse +d'Escoce; de honte, parce que cella se feroit sur l'instance +et prière d'ung grand Roy pour conserver la paix et les trettez, lequel +promettoit non seulement de n'attempter rien de son costé, +mais d'accomplir toutes choses à l'advantaige de la Royne; et encores +moins de dangier, car ne seroit mal aysé de ramener les gens +qui estoient à Lislebourg jusques à Barvich, sans qu'on en perdit pas +ung;</p> + +<p>»Que possible le Roy Henry VIII<sup>e</sup> n'eust pas vollu lascher prinse, +mais de son temps l'Angleterre estoit en meilleure disposition et +mieulx unye que meintennant, et si l'avoit il merveilleusement espuysée +et ruynée pour les guerres de France; ès quelles toutesfoys il +n'avoit jamais ozé rien entreprendre qu'il n'eust ung Empereur pour +compaignon, là où tant s'en failloit qu'on peult fère meintennant estat +du Roy Catholique, son filz, que au contraire l'on l'avoit bien +fort offancé, et si enfin les entreprinses du Roy Henry en France +estoient tornées à rien; que pourtant la dicte Dame advisât de prendre +l'expédiant qui plus luy pouvoit admener de paix et de seurté en +son royaulme, qui plus luy pouvoit confirmer l'amytié des aultres +princes, et qui plus pouvoit justiffier la droicture de ses intentions +envers Dieu et les hommes.»</p> + +<p>A ceste opinion ayant celluy du conseil, qui est le plus homme +de guerre, adjouxté qu'il se offroit d'aller luy mesmes retirer les +<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span> +Anglois, qui estoient à Lislebourg, en si bonne sorte que, sans +aulcun dangier et à l'honneur de la Royne, il les reconduyroit toutz +à Barvich, il fut conclud qu'on advertiroit incontinent le comte de +Sussex de l'accord d'entre la dicte Dame et moy, pour donner ordre +qu'on n'eust à fère nulle entreprinse davantaige dans l'Escoce.</p> + +<p>Mais, le lendemain, survint ung inconvéniant qui cuyda tout gaster, +car ayant l'évesque de Roz escript une fort courtoyse lettre au comte +de Lestre pour obtenir de la Royne qu'elle luy vollût donner audience, +affin d'avoir confirmation de sa bouche des choses que je luy +avois dict qu'elle accordoit, pour les pouvoir, plus seurement escripre; +elle ne se peult tenir qu'elle ne dict au dict comte que la lettre +l'arguoit de souspeçon, qu'on luy imposoit, d'avoir trop prins à cueur +le party de la Royne d'Escoce: laquelle parolle le piqua si fort qu'après +s'estre plainct de ce qu'elle vouloit ainsy tourner l'honnesteté +de la lettre à son trop grand préjudice, il luy dict: «qu'il ne luy +avoit jamais donné occasion de penser aultrement de luy que comme +d'ung sien bon conseiller, qui a toutes les obligations du monde de +ne luy estre jamais aultre que son très obéissant et très fidelle serviteur;</p> + +<p>«Que, en ce qu'il luy conseilloit de la Royne d'Escoce, il croyoit, +comme en Dieu, que consistoit tout son repos et sa principalle +seurté, et que de fère le contraire estoit sa ruyne et destruction, et +qu'il ne changerait jamais d'adviz, estant en elle de suyvre lequel +qu'elle vouldroit; mais que, pour ne luy donner aulcun souspeçon +de luy, il se privoit désormais fort vollontiers de n'entrer plus en +son conseil.» Et ainsy s'en partit pour lors, et s'en vint à Londres, +bien que, incontinent après, la dicte Dame luy envoya, et au marquis +de Norampton, une commission pour parler au dict évesque de Roz, +affin dé luy confirmer les choses qu'il desiroit, car pour encores +elle ne le vouloit admettre en sa présence; toutesfois cella a esté rabillé +despuys, et le dict comte mesmes a faict parler le dict évesque +à la dicte Dame.</p> + +<p>Ceste tant grande division de court, laquelle est encores plus +grande dans le royaulme, est cause dont, pour ne laysser intéresser +le Roy ny sa couronne d'une si ancienne alliance, j'ay ainsy entreprins +de m'oposer à ceulx de ce conseil qui s'esforcent de la luy oster, +qui ne sont personnaiges guières principaulx, ny bien fort authorizez, +pour me joindre aulx aultres qui font tout ce qu'ilz peuvent +pour la luy conserver, qui sont les premiers et plus nobles de ce +royaulme, et d'en escripre ainsy que j'ay faict à Leurs Majestez.</p> +</div> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVI</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Vollet.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Nouvelle irritation d'Élisabeth contre l'évêque de Ross, Marie Stuart et le +duc de Norfolk.—Changement opéré dans les résolutions de la reine +d'Angleterre.—Nouvelles d'Écosse, où le traité conclu par l'ambassadeur +a commencé à recevoir son exécution.—Mesures prises contre ceux qui +répandraient les bulles du pape en Angleterre.—Affaires d'Allemagne.—Propositions +que doit faire le pape à la diète de Spire.—Messager envoyé +à Londres par l'amiral Coligni.—Motifs qui ont changé les résolutions +d'Élisabeth.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, il n'y avoit guières plus de deux heures que le S<sup>r</sup> +de Vassal estoit party, pour vous aporter ma dépesche du +xı<sup>e</sup> du présent, quand le S<sup>r</sup> de Sabran est arrivé avec celle +de Vostre Majesté du dernier du passé, sur laquelle +m'ayant la Royne d'Angleterre assigné audience à demain, +je mettray peyne, Sire, de fère, s'il m'est possible, +qu'elle veuille bien conformer son intention à ce que me +mandez estre de la vostre; et de luy oster, si je puys, une +nouvelle offance, que, despuys huict jours, elle a conservé +contre l'évesque de Ross avec tant d'indignation qu'elle +jure de ne le vouloir jamais veoir, ainsy que le S<sup>r</sup> de Vassal +vous l'aura peu dire, chose que je crains assés que me +sera bien difficile de remédier, et qui pourra possible retarder +beaucoup les affères de la Royne d'Escoce; mesmement +que ceulx, qui nous sont contraires, ont heu desjà +de quoy fère de là ung mauvais office contre elle, c'est de +changer la pluspart des bonnes dellibérations qui avoient +esté faictes sur les choses du Nord et d'Escoce; et ont aussi +<span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span> +miz tant de traverse à la liberté du duc de Norfolc, qu'il +semble qu'elle soit meintennant bien fort retardée, ny +ceulx qui veulent bien à la Royne d'Escoce et au dict duc +n'ont peu mieulx, pour ce coup, que de céder ung peu au +courroux de leur Mestresse; dont le comte de Lestre s'est +absenté pour douze ou quinze jours en sa maison de Quilingourt, +et le comte d'Arondel s'en est venu en ceste +ville. Et cependant noz affères dorment, sinon en tant que +noz ennemys les vont réveillant pour les fère eschapper; +mais j'espère qu'après le retour du dict évesque +et de ces seigneurs, nous y donrons telle presse qu'il +nous y serra baillé une bonne ou bien une mauvaise résolution.</p> + +<p>J'entendz que la dicte Royne d'Angleterre a heu si +grand désir de contanter Vostre Majesté, sur ce qu'elle +m'avoit promiz de révoquer ses gens de Lislebourg, que, +l'ayant, incontinent après ma précédante audience, mandé +au comte de Sussex, il les a heu retirez premier qu'on luy +ayt peu fère nul contraire mandement; de sorte que +Drury, avec ses quatorze centz hommes, car plus grand +nombre n'en avoit il mené par dellà, a esté de retour à +Barvyc le ıııȷ<sup>e</sup> de ce moys: j'en sçauray demain par la +dicte Dame encores mieulx la certitude, et pareillement si +elle aura poinct retiré sa garnyson de Humes et de Fascastel. +L'on dict que le comte de Lenoz est arrivé à Lislebourg, +et que ceulx du party du jeune Prince, son petit +filz, l'ont associé au gouvernement; néantmoins que le +duc de Chastellerault et les trois comtes d'Honteley, d'Arguil +et d'Athel, lesquelz ont, dez le x<sup>e</sup> de may, soubzsigné +à l'authorité de la Royne d'Escoce, et qui se portent toutz +quatre conjointement lieutenants d'elle, avec l'aprobation +<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span> +du reste de la noblesse et du pays, commancent de +réduyre toutes choses bien fort à leur dévotion.</p> + +<p>Cependant l'on se trouve icy en grand perplexité et en +plusieurs difficultez, pour la bulle dont vous ay cy devant +escript, et en ont ceulx de ce conseil miz la matière en délibération; +mais ne s'en pouvans bien accorder, ilz ont faict +une grande assemblée des plus sçavans de ce royaulme +pour veoir comme il y fauldroit procéder; et m'a l'on dict +qu'il est résolu que ceulx, qui auront ozé, ou qui auzeront +cy après, entreprendre d'aficher bulles, proclamations, placartz +ou aultres telles choses si expresses contre la Royne, +en lieux publicz, seront attainctz et convaincuz de lèze majesté, +et les aultres qui s'en trouveront seulement saisis, +n'encourront pas du tout si grand crime, mais ilz n'évitteront +pourtant l'indignation du prince; et semble bien que, +à l'ocasion de la dicte bulle, les Catholiques sont plus durement +traittez, et qu'on a plus grand aguet à les observer +de près qu'on n'avoit auparavant; mesmes le dict évesque +de Roz a senty que cella est venu ung peu hors de temps +pour sa Mestresse.</p> + +<p>L'escuyer du prince d'Orange arriva icy la sepmaine passée, +sur les navyres qui revenoient de conduyre la flotte +de Hembourg; qui a aporté lettres de son maistre à ceste +Royne, et au comte de Lestre, et au secrétaire Cecille, +et encores d'aultres lettres à la dicte Dame de son agent qui +est en Allemaigne, en datte ces dernières du xxvȷ<sup>e</sup> de may; +qui contiennent divers adviz, premièrement, que la diette +a esté prolongée du xxıȷ<sup>e</sup> de may au xxıȷ<sup>e</sup> de juing, et que +le Pape a fort conjuré l'Empereur de s'y trouver, qui aultrement +s'en vouloit fort excuser, et ce, pour deux considérations, +que Sa Saincteté a heues, dont l'une se publie +<span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span> +assés, qui est pour mettre en avant ung décrect qu'il ne +soit désormais plus loysible aulx Allemans d'aller travailler +les estatz des aultres princes chrestiens, par prétexte de secourir +leurs subjectz pour la cause de la religion; et l'aultre, +laquelle on tient secrecte, est pour fère passer ung aultre +décrect contre les comte Pallatin et duc de Vitemberg, et +contre quelconques princes, ou aultres, qui se seroient despartys +et séparez des deux religions receues en l'Empire: +sçavoir, la Catholique et celle de la confession d'Auguste, +affin de les priver non seulement de l'eslection, dignitez, +charges, estatz et aultres leurs prééminances, mais y en +subroger tout incontinent d'aultres, et les exclurre eulx, +pour jamais, de la paix publicque d'Allemaigne. Ce qu'ayant +le duc Auguste descouvert, et craignant que la présente +désauthorisation et ruyne de ces princes ne fût puys après +celle de luy mesmes, a vollu interrompre la dicte diette; +mais ne le pouvant fère, les dictes lettres portent que, par +prétexte de conduyre sa fille en son mesnaige, il s'est accompaigné +du Lansgrave et de huict ou neuf mil chevaulx, +pour s'opposer aulx décrectz, et qu'ung chacun juge, puysqu'il +s'en vient ainsy à Heldelberg, qu'il se trouvera sans +faulte à la dicte diette et que mal ayséement s'achèvera +elle sans quelque tumulte, puysque luy et les aultres +princes se vont ainsy acompaignant; qu'il s'estimoit que +le Cazimir, incontinent après la dicte diette, ou bien plustost, +s'achemineroit avec ses reytres au secours des Princes +et de l'Admyral de France; que le duc Jehan Guillaume +de Saxe avoit donné pour Vostre Majesté le alliguet<a name="FNanchor_9" id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a> à ses +gens pour les fère marcher par tout le moys de may; et +<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span> +qu'il avoit dict aulx aultres princes protestantz que ce qu'il +en faisoit n'estoit que pour se maintenir en crédit vers Vostre +Majesté, et en la pancion que vous luy donnez; laquelle +luy faisoit bien besoing pour s'entretenir, mais qu'il ne +nuyroit en façon du monde à ceulx de la nouvelle religion; +et qu'au reste, l'on se resjouyssoit bien fort en Allemaigne +de ce que le Roy d'Espaigne s'estoit modéré vers les Flamans +de leur avoir ottroyé ung pardon général par où l'on +espéroit que les Pays Bas se maintiendroient en paix; et +est l'on icy après à dépescher le dict escuyer pour s'en retourner +devers son maistre.</p> + +<p>Mr l'Amyral a trouvé moyen de fère passer jusques icy +en grand dilligence devers Mr le cardinal de Chatillon ung +messagier, qui n'a point aporté de lettres, mais seulement +créance de bouche; de laquelle je n'ay encores entendu le +contenu, sinon que on m'a dict que c'est pour les choses +d'Allemaigne, et si n'ay rien sceu du dict homme jusques à +ce qu'il a esté renvoyé, car n'a esté arresté que deux jours +icy, et s'en retourne, à ce qu'on dict, par Paris soubz quelque +passeport emprumpté.</p> + +<p class="right">Ce xvı<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, de ce que Mr l'évesque de Roz, deux jours +après que la Royne d'Angleterre luy eust ottroyé sa liberté, +a esté trouvé partant de nuit avec le comte de Southanton, +jeune seigneur catholique; et de ce qu'on se persuade que +la bulle du Pape n'a esté expédiée sans le consentement de +Voz Majestez Très Chrestiennes et du Roy d'Espaigne; +et qu'en mesmes temps milord de Morlay, principal seigneur +<span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span> +d'Angleterre, beau filz du comte Derby, estant appellé +en ceste court n'y est vollu venir, ains est passé delà +la mer à Doncquerque; plusieurs choses en ce royaume +monstrent tendre à quelque altération, mesmes que, pour +les dicts accidentz, icelluy comte de Soutanthon a esté +mandé et aussitôt miz en arrest ez mains du capitaine de +la garde; et maistre Cormuaille, ancien conseiller, et plusieurs +aultres Catholiques ont esté examinez et aulcuns +d'eux miz en la Tour; et le duc de Norfolc, qui attandoit +quelque eslargissement, a esté resserré. Dont je crains +aussi que les affères de la Royne d'Escoce, qui commançoient +de s'acheminer, en soient de mesmes bien fort esloignez +et retardez, mais je feray, pour le regard de ce dernier, +le mieulx que je pourray envers la dicte Dame pour +la fère passer, oultre en ce qu'elle m'a commancé d'accorder: +et j'espère, Madame, que j'en descouvriray demain +assés son intention, bien que, pour l'absence du comte de +Lestre, ny elle ne vouldra m'en donner sa résolution, ny +moy cercher de l'avoir, si je sentz qu'il n'y face bon. Sur +ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvı<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Jacques Tauriel.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Détails d'audience.—Changement de conduite de la reine d'Angleterre.—Ses +plaintes contre le pape.—Sa colère contre Marie Stuart et l'évêque de +Ross.—Insistance de l'ambassadeur pour que le traité touchant l'Écosse +reçoive son exécution.—Déclaration d'Élisabeth qu'elle va donner les ordres +nécessaires à l'effet de faire retirer ses troupes, et qu'elle consent à +traiter de la restitution de Marie Stuart.—Motifs secrets qui font agir la +reine d'Angleterre.—Nouvelles des protestans de France; leur désir d'en +venir prochainement à une bataille décisive.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, il n'est advenu sinon, ainsy que je l'avois pencé, +que je trouverois à ceste heure la Royne d'Angleterre aultrement +disposée que lorsque je parlay à elle, le xx<sup>e</sup> du +passé, non toutesfoys ez choses qui sont particullières de +Vostre Majesté, car en celles là m'a elle respondu comme +les aultres foys; c'est de desirer toutjour la paix de vostre +royaulme et que son ambassadeur luy puisse bientost mander +la conclusion d'icelle, estant bien marrye qu'on la va +ainsy prolongeant; et qu'elle vouldroit bien sçavoir si tout +ce que les aultres, de leur costé, disent que Vostre Majesté +leur a offert est vray; et, quoy que soit, que, comme +Chrestienne, elle desire que vous les accommodiez en leur +religion, et, comme Royne, qu'ilz vous randent entièrement +ce qu'ilz doibvent à vostre authorité.</p> + +<p>A quoy je luy ay satisfaict, sellon que la lettre de Vostre +Majesté, du dernier du passé, m'a baillé ample argument +de respondre au tout, avec ung sommaire récit de +l'estat de votre armée, soubz la conduicte de Mr le mareschal +<span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span> +de Cossé, et des exploictz que Mr le mareschal de +Danville a faictz du costé du Languedoc; ce qui n'a esté +sans parler des aprestz d'Allemaigne et des nopces du +Cazimir, par manière toutesfoys de me demander ce que +j'en sçavois: et je n'ai obmiz de mencionner aussi les +levées du duc Jehan Guillaume de Saxe et de Bronsouyc, +comme elles commançoient de bransler pour Vostre Majesté.</p> + +<p>Et a la dicte Dame faict venir, par deux foys, à propos +de me dire que l'Empereur luy a naguières escript avec +aultant d'abondance, d'affection et de bienveuillance, +comme au contraire le Pape s'est esforcé de luy donner +ung bien mauvais salut par une sienne bulle, en laquelle +il l'appelle <em>flagiciorum serva</em>; mais que c'est chose de +quoy elle ne se soucye guières, sinon qu'elle pense que +tant d'estranges et insolantz désordres, qu'on voyt advenir, +présagent bientost la fin du monde; et, avec un rire extraordinaire, +m'a compté la façon dont mylord de Morlay, +estant désembarqué à Donquerque, a demandé de parler au +bourgemestre de la ville, se faisant ung des plus avancez +et des plus illustres seigneurs d'Angleterre.</p> + +<p>Et se sont jusques là toutz noz propos passez bien fort +gracieusement; mais, quant c'est venu à toucher du faict +de la Royne d'Escoce, il est bien mal aysé, Sire, que je +vous puisse dire en combien de façons la dicte Dame a +monstré qu'on l'avoit de nouveau exaspérée et aigrie contre +elle et contre l'évesque de Roz; car luy ayant seulement +suyvy la teneur de voz lettres avec les honnestes +satisfactions qui y sont, elle, en commémorant ses bienfaictz +vers sa cousine, m'a récité les offances vieilles et +nouvelles qu'elle a receu d'elle et de ses ministres, et +<span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span> +qu'elles luy estoient si griefves que, si elle les eust tenues +aussi vériffiées, il y a ung moys, comme elle faict meintennant, +elle n'eust heu garde d'entrer en nul tretté des +affères de la dicte Dame avec moy; et qu'elle entendoit +que, nonobstant le dict tretté, Vostre Majesté faisoit embarquer +quelques gens en Bretaigne pour envoyer à Dombertrand, +ce qu'elle remettoit bien à vostre discrétion, et +vouldroit qu'il fût vray, car ne fauldroit plus parler d'accord; +toutesfoys qu'elle pence que c'est parce que je vous +ay mandé l'acheminement de ces harquebuziers, que le +comte de Sussex avoit envoyez au comte de Morthon, en +quoy je eusse bien faict de ne me haster de le vous escripre +sans en parler à elle ou à son secrétaire, qui m'eussent faict +entendre que ce n'estoit aulcunement pour se mesler des +droictz du royaulme entre la Royne d'Escoce et son filz, +mais pour s'opposer à ceulx qui favorisoient et recepvoient +ses rebelles, et pour donner ayde à ceulx qui les vouloient +chasser; que, en ce que je lui avois dict que les Escouçoys +estoient après à vous sommer de leur envoyer secours par +vertu de voz alliances, qu'elle croyoit bien que Ledinthon, +qui avoit esté le plus traystre de toutz à sa Mestresse, +conseilloit meintennant de ce fère, mais qu'elle pense que +Vostre Majesté n'escoutera de si meschantz subjectz que +ceulx là, et ne vouldra pour eulx oublyer une si rescente +preuve d'amytié, comme est celle qu'elle vous a monstrée +ez présentes guerres de vostre royaulme, d'avoir rejecté +toutes les persuasions qu'on luy a faictes, et toutes les occasions +qu'on luy a offertes, d'y pouvoir fort incommoder voz +affères, et porter ung grand proffict aulx siens; que, de +ce que son ambassadeur vous avoit requiz de n'envoyer voz +forces en Escoce avec l'asseurance qu'elle n'y envoyeroit +<span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span> +point les siennes, que je croye fermement que tout ce +qu'elle vous aura mandé ou qu'elle vous mandera par luy, +elle l'acomplyra, mais qu'il fault considérer la distance +des lieux, et qu'il n'est possible de si tost exécuter une +parolle comme elle est dicte; qu'elle remercye Vostre +Majesté du commandement que m'avez faict de ne m'espargner +d'aller jusques vers la Royne d'Escoce, s'il est +besoing, pour l'exorter qu'elle luy veuille fère d'honnestes +offres, et icelles acomplyr et inviolablement observer; +qu'elle ne fait doubte qu'elle ne promette assés, mais +qu'elle ne tiendra jamais; et que l'évesque de Roz est +desjà allé devers elle pour luy parler, qui me relèvera de +ceste peyne, duquel toutesfoys elle ne peult plus espérer +aulcun bon office, et que hardyment la Royne d'Escoce +envoye ung aultre ministre, car celluy là ne parlera jamais +plus à elle.</p> + +<p>De toutz lesquelz propoz de la dicte Dame, plains de +courroux, voyant que je ne pouvois recuillyr rien de +certain, je luy ai demandé s'il luy playsoit point accomplyr +les deux choses, qu'elle m'avoit naguières promises; +de procéder dilligentment à la restitution de la Royne +d'Escoce et de retirer ses forces hors de son pays.</p> + +<p>La dicte Dame, intermélant plusieurs aultres propos, +m'a enfin respondu que, pour l'honneur de Vostre Majesté, +elle continuera et paraschèvera le tretté avec la +dicte Dame aussitost qu'elle luy aura faict entendre son +intention sur ce que l'évesque de Roz luy aura dict; me +touchant, en passant, que d'aultres foys elle luy avoit +escript que, s'il n'estoit trouvé bon de la remettre avec +magnifficence et aparat en son pays, qu'elle estoit contante +qu'on l'envoyât privéement comme une qui retournoit +<span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span> +aulx siens; en quoy elle a toutjours vollu pourvoir que ce +fût avec seureté de sa vie: et quant à retirer ses forces, +que je donne toute asseurance à Vostre Majesté que, suyvant +sa promesse, le comte de Sussex les a desjà révoquées +à Barvych, hormiz quelque peu de gens, qu'il a miz +à la garde de deux chasteaux; lesquelz elle ne dellibère +randre, qu'elle ne soit satisfaicte des outraiges que luy ont +faict ceulx à qui ilz apartiennent.</p> + +<p>A cella je luy ay répliqué que ce ne seroit retirer ses +forces que de laysser garnyson dans deux chasteaulx, et +que je la pouvois asseurer que Vostre Majesté ne s'armeroit +jamais pour maintenir les rebelles d'Angleterre, ainsy +qu'elle, de son costé, disoit ne s'armer aussi contre les +droictz de la Royne d'Escoce: néantmoins de tant que +ceste alliance d'Escoce, qui a duré neuf centz ans à vostre +couronne, vous abstreinct d'assister meintennant l'auctorité +de la Royne d'Escoce, vostre belle sœur, contre ses +propres rebelles; et y voulant elle, en mesmes temps, poursuyvre +les siens, qu'enfin vous viendriez aulx armes et à la +guerre entre vous contre votre propre vouloir et intention; +et que vous aviez trop plus de rayson de mettre garnyson +dans Dombertrand que elle d'en tenir dans Humes et +Fascastel.</p> + +<p>Elle allors m'a respondu qu'elle ne sçavoit, à la vérité, +comment le comte de Sussex en a usé, ny quelles gens il +a layssé dans ces chasteaulx; mais que tout cella se pourra +accommoder par le tretté, et qu'elle desire bien sçavoir +quelle responce Vostre Majesté me fera, et ce que vous +aurez respondu à son ambassadeur sur ce qu'elle, a dernièrement +tretté avec moy.</p> + +<p>Et layssant ainsy ces propos, nous sommes passez à +<span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span> +d'aultres plus gracieulx, avec lesquels s'est finye ceste +audiance, despuys laquelle m'estant pleinct au secrétaire +Cecille de la dicte garnyson des deux chasteaulx, il m'a +respondu que ce n'estoit chose de conséquence; car n'y +avoit que quarante hommes en l'ung, et vingt en l'aultre; +et que le tretté mettroit fin à tout cella; me priant de continuer +à fère tousjours bons offices entre Voz Majestez, et +qu'il contendra avec moy de les fère encores meilleurs, +s'il peult. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xıx<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, les propos, que Vostre Majesté verra, en la lettre +du Roy, que la Royne d'Angleterre m'a tenuz, procèdent, +à mon adviz, de l'une de trois occasions et, possible, +de toutes trois ensemble: la première, des véhémentes +inpressions qu'on luy a données, et qu'on luy donne encores, +de ne se debvoir jamais tenir bien asseurée de la Royne +d'Escoce, dont aulcuns me disent que, quoy aussi que la +dicte Dame me promette, son intention, ny celle des siens, +n'est de se despartyr aucunement des premières dellibérations +qu'ilz ont faictes sur ceste paouvre princesse et sur son +pays, sinon qu'ilz y soyent contrainctz par la force; la seconde, +qu'on l'asseure que le capitaine La Roche et le capitaine +Puygaillard sont desjà embarquez à Suscivye, avec +cinq centz harquebouziers brethons, pour passer en Escoce: +ce que la dicte Dame m'a dict le sçavoir bien au +vray, mais qu'elle est bien advertye aussi que, le ıx<sup>e</sup> de ce +moys, ils n'estoient encores bougez, et, possible, a elle +vollu ainsy braver lorsqu'elle s'est trouvée en plus grand +<span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span> +peur; et la troisiesme est qu'on luy a fort magniffié les forces, +qui sont en l'armée des Princes de Navarre et de +Condé, l'asseurant qu'elles sont suffisantes de travailler assez +toutes celles de Voz Majestez, sans qu'en puyssiez envoyer +dehors.</p> + +<p>Car, voycy, Madame, ce que j'entendz qu'on a miz par +escript et monstré à la dicte Royne d'Angleterre et puys publié, +de main en main, de la créance qu'a aportée le messagier +de Mr l'Amyral. C'est que le dict sieur Amyral fortiffie +Roane, pour estre ung lieu très oportun et commode +à maintenir la guerre, et y fère son magazin, et +pour y retirer ses mallades; et avoir ce passaige de Loyre +à son commendement, pour y pouvoir sans difficulté recuillyr +les secours d'Allemaigne et incommoder grandement +toutz les aultres pays d'alentour; que, oultre qu'il a +avec luy les viscomtes, et les troupes de gens de cheval et +de pied qui estoient en Gascoigne, qui ne sont petites, il +a recuilly en Languedoc ung grand nombre de bien bons +soldatz, et que le comte de La Rochefoucault l'est venu +trouver avec huict centz chevaulx et deux mil harquebuziers, +toutz gens d'eslite; que de la Charité est arrivé +dans son camp une troupe de quatorze centz bons hommes, +toutz à cheval; que Mr de Lizy y est aussi arrivé d'une aultre +part, avec douze centz harquebuziers et cinq centz chevaulx, +lesquelz il a recuilliz en revenant d'Allemaigne; et que +tout cella ensemble faict la plus brave armée de Françoys +qui de longtemps ayt esté veue en France, oultre les reytres +qu'il a, qui ne sont guyères diminuez; et qu'il ne désire +rien tant que de venir à une journée, laquelle il cerchera de +donner bientost par toutz les moyens qu'il luy sera possible; +et que l'armée du Roy, que Mr le mareschal de Cossé +<span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span> +conduict, est composée de huict mil Suisses nouvellement +levez, car des vieulx n'en y a guières plus, et de quatre +mil Françoys, d'ung nombre de reytres, qu'on paye à +trois mil, qui ne sont que dix huict centz, soubz la charge +du jeune comte de Mensfelt, duquel il ne se deffye pas +trop, et d'envyron quatre mil chevaulx françoys; et qu'il +a esté mandé à Mr le mareschal de Damville de se joindre +au sieur mareschal de Cossé, affin de donner la bataille, laquelle +néantmoins semble qu'il la vouldra évitter; car s'est +logé vers Dun le Roy, et se couvre de la rivière d'Allyé. Lesquelles +nouvelles, comme elles mettent en grand suspens +les opinions des hommes, aussi suspendent elles les dellibérations +des affères; et croy qu'elles retarderont ceulx que +nous traictons icy meintennant, attendant ce qui pourra +succéder; mesmes que j'entendz que, parmy leurs esglizes, +il est desjà ordonné de fère prières et jeunes pour ceste +prochaine bataille, tant ilz pensent que les choses en sont +prez; et encores que je m'asseure, Madame, que si cecy est +vray, Voz Majestez l'auront bien entendu d'ailleurs, toutesfoys, +pour l'inportance de l'affère, et pour le dangier +qu'aulcuns personnaiges d'honneur et de bien, qui conférons +quelquefoys ensemble, avons peur que puysse avenir, +je n'ay vollu différer de le vous mander incontinent par ce +courrier exprès, avec les responses de la dicte Royne +d'Angleterre. Et sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xıx<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXI</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par Groignet, l'un de mes secrétaires.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Message de la reine d'Angleterre, afin que le roi soit sur-le-champ averti +qu'elle se considérera comme dégagée de sa parole si l'expédition française, +destinée à porter des secours en Écosse, sort des ports de Bretagne.—Désir +de l'ambassadeur que l'on ajourne cette expédition.—Nouvelles +d'Allemagne, où tout se prépare pour donner d'importans secours aux +protestans de France.—<em>Lettre secrète à la reine-mère.</em> Dispositions prises +par les protestans de France, en Angleterre et en Allemagne, dans le but +de continuer la guerre avec vigueur.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, les responces et adviz, que je vous ay escript despuys +trois jours, m'ont semblé estre assez pressez pour les +vous debvoir fère sçavoir par ung courrier exprès, comme +j'ay faict; et meintennant, Sire, je suys instantment requiz +par la Royne d'Angleterre de vous en dépescher encores +ung, tout présentement, pour vous notifier ce que, +par ung sien secrétaire, nommé maistre Sommer, elle m'a +envoyé dire jusques en mon logis: c'est qu'elle avoit bonne +souvenance des choses naguières accordées entre elle et +moy, touchant la Royne d'Escoce, et qu'elle estoit preste +de les acomplyr tant à continuer et paraschever le tretté +avecques elle, que à révoquer ses forces hors de son pays, +comme desjà elle les avoit faictes retirer à Barvyc; mais +que, ayant très certain advertissement comme il s'embarquoyt +des compaignies en Bretaigne pour les envoyer de +dellà, qu'elle vouloit bien déclairer à Vostre Majesté que, +si elles y passoient, elle se tenoit, d'ors et desjà, quicte et +deschargée de la promesse qu'elle m'avoit faicte, et qu'elle +<span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span> +exploicteroit dans le dict pays par son armée, qui est encores +entière et en estat, tout ce qu'elle verroit estre expédiant +et à propos pour son service; et qu'elle continueroit +de retenir la Royne d'Escoce là où elle est, sans plus entendre +à nul tretté avecques elle; et, de tant que cella importoit +beaulcoup à vostre commune amytié, à laquelle elle +avoit regrect d'y veoir intervenir ceste altération, me prioit +que je vous en voulusse promptement advertir par homme +exprès, qui peult retourner en dilligence, affin que je l'en +peusse résouldre.</p> + +<p>Et bien, Sire, que j'aye respondu au dict Somer que +j'avois freschement reçeu une responce de Vostre Majesté, +laquelle j'yrois aporter à la dicte Dame, et j'espérois qu'elle +la contenteroit, il n'a layssé pourtant de percister que je +debvois dépescher promptement devers Vostre Majesté; qui +est l'occasion du voyage de ce mien secrétaire, par lequel +je vous suplieray très humblement, Sire, que, en voz +propos à l'ambassadeur d'Angleterre et en voz apretz de +Bretaigne, il vous playse monstrer toutjour que vous estes +prestz d'entretenir ce qui a esté accordé en vostre nom à la +dicte Dame, et de différer l'embarquement et passaige de +vostre secours en Escoce, jusques à ce qu'aurez veu ce qui +succèdera du tretté qu'elle a commancé avec la Royne +vostre belle sœur; et qu'elle veuille achever de retirer la +garnyson qui est demeurée dans Humes et Fascastel, +comme elle a desjà retiré le principal de ses aultres forces +du pays, nonobstant que vous rescentiez beaucoup ce +dernier exploict de ses gens, qui ont abattu quatre maysons +du duc de Chastellerault et brullé toutz ses villaiges.</p> + +<p>Et après, Sire, que j'auray parlé à la dicte Dame sur la +bonne responce, que m'avez commandé luy fère par vostre +<span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span> +dépesche du x<sup>e</sup> du présent, je feray entendre ce que j'auray +peu comprendre de ses propos, tant sur ce faict de la +Royne d'Escoce que sur ce que la dicte Dame peult avoir +sceu des choses d'Allemaigne: d'où j'entendz qu'elle a freschement +receu lettres, qui lui parlent de l'acheminement +de l'Empereur à Espire pour la diette; et comme la Royne +d'Espaigne passe oultre vers les Pays Bas, laquelle deux +mil chevaulx allemans viennent accompaigner jusques à +Nimeguen, où le duc d'Alve la doibt aller recepvoir, et +qu'elle meyne deux de ses petitz frères pour les passer en +Espaigne, (au lieu des deux aisnez) qui s'en retourneront +sur les mesmes vaysseaulx, qui la seront allez conduyre; et +que les nopces du Cazimir ont été accomplyes, où se sont +trouvez trèze mil chevaulx, lesquelz on tient pour chose +asseurée que s'acheminent incontinent en France, au secours +de Messieurs les Princes et Amyral; que les trois +électeurs laycs se sont liguez ensemble pour s'oposer +aulx décrectz qui pourroient estre faictz ou contre leur +religion, ou contre les libertez d'Allemaigne; et qu'il semble +encores que c'est principallement pour empescher que +l'Empereur ne puysse fère créer son filz roy des Romains, +non sans quelque esbahyssement commant celluy de Brandebourg +s'est joinct à cella, veu qu'il est pensionnaire à six +mil escuz par an du Roy d'Espagne, et qu'il s'est toutjours +monstré amy et serviteur de la mayson d'Austriche; et +que aus dictes nopces du dict Cazimir a appareu quelque +désordre de l'ung des deux ducz Jehan de Saxe, Frédéric +ou Guillaume, qui sur quelque débat a vollu tuer le comte +Pallatin; et que quelque homme Gantoys a esté prins et +exécuté pour avoir confessé qu'il estoit venu à la dicte assemblée, +pour donner un coup de pistollé au prince d'Orange. +<span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span> +De toutes lesquelles nouvelles, Sire, celle de la descente +de ces Allemans en votre royaulme me semble considérable, +parce qu'il y a grand aparance qu'on l'exécutera, +si la paix ne se conclud bientost; et j'en ay icy de +grandz indices, et pareillement d'une armée de mer, qui +se prépare par ceulx de la nouvelle religion, de bon nombre +de vaysseaulx pour fère une descente de deux ou trois +mil hommes en quelque lieu de Normandie, Bretaigne ou +Guyenne; et ne monstrent qu'ilz espèrent encores, en façon +du monde, la dicte paix, bien que, tout à ceste heure, +l'on me vient de dire qu'il a esté semé quelque bruict à la +bource de ceste ville qu'elle est desjà conclue. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxı<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne</p> + +<p class="right">(<em>Lettre à part du dict jour.</em>)</p> + +<p>Madame, ce n'est tant pour satisfère à la Royne d'Angleterre, +que je vous envoyé présentement ce mien secrétaire, +comme pour vous aporter ceste mienne lettre +à part, par laquelle je veulx bien asseurer Vostre Majesté +que, sur la créance du messagier de Mr l'Admyral, duquel +je vous ay naguières faict mencion, il a esté tenu, dez dimanche +dernier, entre les principaulx, qui sont icy, de la +nouvelle religion, Françoys et Flamans, ung conseil bien +fort secrect; duquel, à la vérité, je n'ay pas bien descouvert +toutes les dellibérations, mais ceulx cy sçay je bien de +certain, c'est que, incontinent après la tenue du dict conseil, +il a esté dépesché de par eulx, coup sur coup, deux messagiers +en Hembourg, pour y aporter les lettres de responce +et de crédict, que de longtemps ilz se sont pourveuz +<span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span> +icy pour fère leurs payemens en Allemaigne; et que c'est +pour fère incontinent marcher leurs nouvelles levées; et +qu'ilz sont après à ordonner deux d'entre eulx pour les aller +trouver, affin de les conduyre et leur servyr de mareschaulx +de camp, jusques à ce qu'ilz seront arrivez en l'armée +des Princes; et estiment le nombre des dicts Allemans +non moindre que de douze à quinze mil chevaulx; et +pour ordonner aussi ung général de mer, d'entre les gentilhommes +qui sont icy, pour l'envoyer bientost fère une +descente de deux mil cinq centz hommes, en quelque lieu +de Normandie ou Bretaigne, où ilz ont intelligence; et +que desjà les vaysseaulx, les vivres et tout l'apareilh de +l'entreprinse est prest à la Rochelle, où s'yront joindre les +vaysseaulx du prince d'Orange, qui sont en ceste coste, et +encores deux toutz nouveaulx qu'ung sien serviteur a heu, +despuys deux jours, permission d'aller armer et équiper à +Amthonne. Et semble qu'il y ayt icy aulcuns gentishommes +françoys qui, à regrect, feront ce voyage, et que, si Vostre +Majesté les vouloit gratiffier et les retirer au service +du Roy, ilz habandonneroient très vollontiers l'aultre +party, lequel aultrement ilz sont contrainctz de suyvre; +vous suppliant très humblement, Madame, de ottroyer au +gentilhomme, pour qui le sieur de Vassal vous aura parlé, +la seureté qu'il vous demande, laquelle j'estime que reviendra +au proffict de vostre service. Et faictes semblant, +Madame, s'il vous playt, que vous n'avez heu ces adviz de +moy, aultrement il sera dangier que je ne vous en puysse +plus mander, s'ilz cognoissent que j'aye tant de notice de +ces affères; car les dicts de la nouvelle religion sont bientost +advertys de tout ce que le Roy, et Vous, et Monseigneur, +dictes et faictes; et mesmes l'on m'a asseuré que, +<span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span> +en France, oultre ceulx de l'aultre party, il y en a aulcuns, +lesquelz on ne m'a poinct nommez, qui ne sont point déclairez +de leur costé, qui toutesfoys sont respondans de la +paye de ces reytres, qui doibvent venir.</p> + +<p>Par ainsy, Madame, considérant l'estat des choses, et le +peu de confiance que Voz Majestez doibvent mettre en rien +qui soit que en Dieu seul, et en vous mesmes; et que la +descente du Cazimir vous doibt estre très suspecte, pour +l'alliance du duc Auguste, qui ne l'a prins pour son gendre +pour sa présente grandeur, ains possible pour celle où il +aspire par les troubles des aultres estatz; et que la Royne +d'Angleterre ne fauldra d'incliner à leur entreprinse; je ne +puys que prier Dieu bien fort dévottement qu'il vous doinct, +Madame, à bientost conclurre la paix, et la conclurre telle +que la descente des Allemans en soit bien certainement +divertye, et Voz Majestez exemptes de toute surprinse, +déception et dangier. Et sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxı<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<p class="blockquote">Je vous puys asseurer, Madame, que ceulx de la nouvelle religion, +qui sont icy, ne s'attendent aucunement à la paix, ains à continuer +la guerre; et semble que l'ambiguité et la longueur, dont l'on procède +à vous rendre response sur les articles de la dicte paix, n'est que +pour gaigner le temps et attandre leur secours.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXV</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès par Jehan Monyer, postillon, jusques à Calais.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Retard apporté à la désignation d'une audience demandée par l'ambassadeur.—Interrogatoire +subi par l'évêque de Ross devant le conseil d'Angleterre.—Conditions +arrêtées dans ce conseil au sujet du traité qui peut +être conclu avec la reine d'Écosse.—Nouvelles d'Allemagne.—Avis donné +au roi d'une entreprise qui se prépare pour opérer une descente en +France.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, affin de mettre la Royne d'Angleterre hors de la +peyne, où elle est, de l'aprest qu'on luy a dict que Vostre +Majesté faict en Bretaigne pour envoyer des gens en Escoce, +je luy ay, dez mardy dernier, envoyé demander +audience, pour luy fère veoir vostre bonne responce là +dessus en la façon que par voz lettres, du x<sup>e</sup> de ce moys, +il vous playt me le commander; et le secrétaire Cecille, +ayant conféré avecques elle, m'a respondu qu'elle ne me la +pouvoit si tost ottroyer, à cause qu'elle se trouvoit mal, +comme à la vérité elle faict, de sa jambe, mais que je luy +pourrois escripre cella mesmes que j'auroys à luy dire. +Dont de tant, Sire, qu'on m'a adverty qu'il y a de l'artiffice +en cella, pour fère tremper l'évesque de Roz, et +pour fère en sorte que la dicte Dame renvoye cependant +ses forces en Escoce, et qu'elle face jetter de ses grandz +navyres en mer, pour la persuasion qu'on luy donne que, +nonobstant voz bons propoz, qu'avez tenuz à son ambassadeur, +vous ne lairrez d'envoyer gens par dellà; j'ay escript +ce matin à la dicte Dame que, de tant qu'une lettre ne +pourroit suffire pour tout ce que j'avois à luy dire, ny me +<span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span> +raporter sa responce, et que les propos, que j'avois à luy +tenir de vostre part, n'estoient toutz que pour son contantement, +que je me garderoys de les employer ny par escript, +ny par présence, en actes si contraires, comme seroit d'en +travailler sa santé, et que partant j'attendrois fort paciemment +et de bon cueur la commodité de sa convalescence; +laquelle je prioys Dieu de luy donner bientost et bien parfaicte.</p> + +<p>Je ne suis trop marry, Sire, de ce retardement parce +que le comte de Lestre et ceulx, qui portent faveur à ceste +cause, seront cependant de retour; en l'absence desquelz +ayantz les aultres ouy l'évesque de Roz sur le faict, dont on +le chargeoit, d'avoir tretté en secret avec le comte de Surampthon, +et ayantz vollu aussi tirer de luy ce qu'il aportoit +de l'intention de sa Mestresse, sans l'admettre à la présence +de la Royne d'Angleterre, après qu'il s'est bien deschargé +de l'ung, et qu'il leur a heu remonstré qu'il ne pouvoit +fère l'aultre pour aulcunes choses secrectes qu'il ne pouvoit +commettre qu'à elle mesmes, ilz se sont desbordez +jusques là de luy dire qu'ilz ne se soucyoient pas tant de +l'advancement de ceste matière qu'ilz le vollussent presser +de la leur proposer; mais, de tant que la Royne d'Escoce +et luy, qui est son ministre, et toutz les princes qui parlent +pour elle, estoient papistes, et par ainsy ennemys de +leur Mestresse et de son estat, qu'ilz tenoient pour très +suspect tout ce qui se trettoit de sa restitution; à l'ocasion +de quoy il falloit, avant toutes choses, qu'elle et luy fissent +profession de la religion réformée, et bien qu'ilz y ayent +meslé quelque soubzrire, ce n'a esté toutesfoys sans parolles +véhémentes pour essayer s'ilz pourroient gaigner ce point.</p> + +<p>En quoy le dict sieur évesque a usé de saiges responces, +<span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span> +qui seroient longues à mettre icy; mais cependant j'ay descouvert, +Sire, comme ne pouvant ceulx cy vaincre le désir, +que leur Mestresse a de sortyr de cest affère, qu'ilz se sont +dellibérez de se tenir fermes et résoluz aux condicions qui +s'ensuyvent: Que la religion protestante soit establye et +confirmée en Escoce; que la Royne d'Escoce se doibve +obliger, par sèrement solemnel, et fère obliger les siens, +qu'elle n'entendra jamais à nul party de mariage, sans l'exprès +consantement de la Royne d'Angleterre; qu'elle +chassera les rebelles anglois, qui se sont retirez en son +pays, sans jamais plus en recepvoir, et que désormais ilz +seront randuz mutuellement par l'ung prince à l'aultre sans +contradict; qu'elle cèdera à la Royne d'Angleterre, et aulx +descendans qui procéderont d'elle, tout le droict et tiltre +qu'elle prétend à ceste couronne; qu'elle déclairera, d'ors +et desjà, pour son successeur à celle d'Escoce et à ses +droictz prétanduz de ceste cy son filz le Prince d'Escoce; +que le dict Prince sera mené pour être nourry en Angleterre +soubz quelque promesse, que la dicte Royne d'Angleterre +fera, de le déclairer pareillement son successeur +immédiat après elle, au cas qu'elle n'eust point d'enfans; +que ligue sera faicte, offencive et deffencive, entre les +deux roynes et leurs royaulmes à jamais, à laquelle sera +donné lieu à Vostre Majesté d'y pouvoir entrer si bon +vous semble, mais soubz des condicions que je n'ay encores +peu bien sçavoir quelles elles sont; qu'il ne sera loysible +d'introduyre nul estrangier en armes, d'où qu'ilz soient, +dans le pays, ny par quelque couleur ou prétexte que ce +puisse estre; et, finalement, que Vostre Majesté baillera +ostaiges, à estre icy quelque temps, pour la seureté des +choses susdictes.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span> +Je n'ay encores, Sire, donné cest adviz à l'évesque de +Roz, lequel aussi n'a pas heu loysir de me conférer les +offres qu'il aporte de sa Mestresse; mais Vostre Majesté, +s'il luy playt, me commandera de bonne heure sa bonne +vollonté là dessus, affin que je me trouve bien préparé +d'icelle, quant il en sera temps; car j'espère que nos amys +vaincront l'opiniastreté de noz ennemys de ne demeurer +trop fermes sur si dures condicions comme seroient toutes +celles icy ensemble.</p> + +<p>Au surplus, Sire, il se continue fort que ceste nuée +d'Allemans des nopces du Cazimir yra estre ung orage en +vostre royaulme au secours des Princes et de l'Amyral, +ayant le comte Pallatin escript par deçà que en la dicte +assemblée ne seroit rien obmiz de ce qui apartiendroit au +secours de leur religion en France; duquel secours, pour +l'incertitude de l'intention du duc Auguste, les déterminations +n'avoient peu prendre aulcune bonne résolution +jusques à ceste heure; qu'il avoit déclairé que le sien +seroit le premier prest, et qu'il l'envoyeroit à ses despens. +Et estime l'on que la dicte assemblée des nopces a esté +principallement projettée pour estre une contrediette de +celle que l'Empereur a assignée à Espire, affin de résouldre, +de eulx mesmes et sans le dict Empereur, les affères +d'Allemaigne à la dévotion des trois ellecteurs laycs, qui +semblent avoir tiré celluy de Colloigne eclésiastique à leur +party; et pour ordonner aussi de l'establissement de leur +religion en France et en Flandres, mais surtout pour empescher +que l'ellection du roy des Romains ne se puisse +fère en la personne du filz, ny du frère de l'Empereur, +non sans quelque opinion qu'ilz veuillent, entre eulx et de +leur propre authorité, nommer le dict Auguste roy des +<span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span> +Romains. Et de tant, Sire, que, de jour en jour, me +viennent plusieurs indices que ceulx de la nouvelle religion +ont une descente en main en quelcun de voz portz ou places +de mer de dellà, où ilz prétendent mettre deux mil cinq +centz hommes en terre, et qu'à cest effect ilz aprestent ung +grand armement à la Rochelle; et que je sçay que les +vaysseaulx du prince d'Orange, qui sont en ceste mer +estroicte, s'y préparent; aussi que j'entendz qu'ilz sont sur +la dellibération s'ilz convyeront les Anglois d'estre de la +partie, lesquelz tiennent quatorze grandz navyres et plusieurs +aultres vaysseaulx en estat, et grand nombre d'hommes +enrollés pour quelque effect; je vous suplye très +humblement, Sire, qu'il vous playse advertyr incontinent +les gouverneurs de Normandie, Picardie, Bretaigne et +Guyenne, car je ne sçay proprement où s'adresse leur entreprinse, +qu'ilz ayent à y prendre garde et se préparer si bien +qu'ilz ne puissent estre surprins. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxv<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<h2 class="p4">CXVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXIX</span><sup>e</sup> jour de juing 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Dièpe par Brogle, messagier.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Discussion des affaires d'Écosse.—Promesse de la reine d'arrêter +toute hostilité, et d'entendre les propositions de l'évêque de Ross.—Désir +manifesté par Élisabeth de voir la paix rétablie en France.—Communication +faite par la reine à l'ambassadeur des nouvelles qu'elle a reçues +d'Allemagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, s'estant la Royne d'Angleterre assés tost repentye +<span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span> +de ne m'avoir, le xxııȷ<sup>e</sup> du présent, ottroyé audience, +elle m'a mandé, le deuxième jour après, que je la vinse +trouver quant il me plairroit; et se sont, la lettre qu'elle +me faisoit escripre là dessus par le secrétaire Cecille et la +mienne, que pour cest aultre effect je luy escripvois, laquelle +elle a heu bien agréable, rencontrées en chemin, +dont je suys allé trouver la dicte Dame le xxvȷ<sup>e</sup> de ce moys +à Otlant; où m'ayant faict appeller en sa chambre privée, +en laquelle elle estoit en habit de mallade, ayant sa jambe +eu repoz, après m'avoir compté de son mal, et faictes ses +excuses de ne m'avoir peu si tost ouyr comme je l'avois +desiré, je luy ay ramentu les choses cy devant accordées +entre nous, et comme je n'avoys failly, suyvant son désir, +de dépescher ung homme exprès pour aporter à Vostre +Majesté la déclaration que sur icelle elle m'avoit envoyé +notiffier par son secrétaire Sommer; laquelle déclaration +je luy voulois bien dire que je ne l'avoys peu trouver guières +mauvayse, encore qu'il y eust quelque peu de menace, +parce qu'il y avoit aussi de la franchise et une vraye démonstration +qu'elle faisoit de vouloir évitter toute altération +entre Voz Majestez, dont j'espérois que ce qu'elle entendroit +meintennant de vostre intention en cella la contanteroit.</p> + +<p>Et ainsy, Sire, je luy ay récitté mot à mot le contenu +de vostre lettre du x<sup>e</sup> de ce moys, non sans qu'elle ayt +donné une claire cognoissance, sans en rien dissimuler, +qu'elle recepvoit ung singulier playsir de ce que je luy +disoys; m'ayant tout aussitost prié bien fort expressément +de luy en vouloir bailler aultant par escript, affin de le +monstrer à quelques ungs de ses conseillers, qui luy disoient +qu'elle ne debvoit laysser de procéder et pourvoir +aulx affères d'Escoce, tout ainsy que si Vostre Majesté ne +<span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span> +luy avoit rien faict promettre par moy, ny luy mesmes rien +dict à son ambassadeur: car croyoient que vous n'aviez aulcune +vollonté d'en rien observer, ainsy que voz aprestz de +Bretaigne, qui ne cessoient pour cella, leur en donnoient +assés bon tesmoignage; ce néantmoins qu'elle s'en vouloit +reposer en vostre parolle, comme d'ung magnanime Roy +et Prince vertueux et saige, qui regardiez à conserver l'amytié +des princes voz voysins, entre lesquelz ce seroit elle +qui vous randroit la sienne plus parfaicte et accomplye; et +qui, oultre le remercyement très grand qu'elle vous fesoit +de l'esgard qu'avez heu maintennant à icelle, vous cognoistriez +qu'elle ne l'auroit moins ferme en l'observance de ses +promesses qu'elle s'asseuroit de la persévérance de la +vostre, en celles que vous luy faysiez.</p> + +<p>J'ay suyvy, Sire, à luy dire qu'elle trouveroit toutjour +toute seurté et vérité en voz parolles et en celles de la +Royne vostre mère, et que toutz les jours il luy viendroit +nouvelles preuves, que Voz Majestez n'avoient aultre intention +que de vivre en grande unyon de paix, et de toute +bonne intelligence avecques elle; bien que je luy vollois +confesser tout librement que, le lendemain de l'aultre audience +qu'elle m'avoit donnée à Amthoncourt, je n'avoys +failly de vous fère une dépesche, non pour aigryr ainsy les +matières, comme il m'avoit semblé que je l'avois trouvée +elle aigrye et changée en peu de jours, (ce que je n'atribuoys +aulcunement à elle, ains à d'aultres, qui avoient fort +à regrect la bonne unyon de Voz Majestez), mais que je +ne vous avois pas vollu celler ce qu'elle m'avoit résoluement +dict de vouloir en toutes sortes retenir les deulx chasteaulx +de Humes et Fascastel, jusques à ce que ceulx à qui ilz +apartiennent eussent satisfaict à l'obligation des frontières; +<span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span> +et que meintennant j'avois à la requérir très instantment +de deux choses: l'une, que, de tant que Vostre Majesté +avoit tant vollu defférer à nostre accord qu'ayant ung armement +tout prest pour le secours d'Escoce, et les Escouçoys +sur le lieu qui vous requéroient de l'envoyer, et qui vous +remonstroient le gast, le bruslement et la démolition de +leurs maysons nobles du pays, et la détention de leur Royne +en Angleterre; et que, nonobstant tout cella, vous aviez +différé et quasi interrompu le dict secours pour luy complayre, +qu'elle, de sa part, vollût entièrement retirer ses +forces hors du dict pays, comme elle me l'avoit promis, et +nomméement celles qu'elle avoit encores dans les deux +chasteaulx; la segonde chose estoit qu'ayant Mr l'évesque +de Roz aporté toute l'intention et ung ample pouvoir de +tretter et conclurre toutes choses avec elle pour sa Mestresse, +qu'elle y vollût meintennant procéder, ainsy dilligemment +qu'elle vous avoit promiz de le fère, sans plus remettre +la matière en longueur.</p> + +<p>Sur lesquelles deux choses, Sire, nous avons heu beaucoup +de contention, et n'ay, pour le regard de la première, +peu obtenir rien de mieulx que ce que la dicte Dame vous +prie, Sire, de vouloir laysser les loix de leurs frontières +aller leur cours accoustumé, suyvant lequel, le différant +des dicts deux chasteaulx et des aultres attemptatz doibvent +estre vuydez par les gardiens d'icelles, qui ne fauldront +de randre lors les dicts deux chasteaulx, sans que +cependant ceulx qui sont dedans facent nul acte d'hostillité, +qui estoit une rayson que, quand elle seroit vostre vassalle, +vous ne la luy pouviez bonnement reffuzer; et, quant au +segond, encor qu'elle eust proposé de ne veoyr jamais +l'évesque de Roz pour des occasions, lesquelles il n'avoit +<span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span> +peu ny nyer ny excuser, que néantmoins elle me promettoit +de l'ouyr dans deux ou trois jours; et qu'aussitost que le +sir de Leviston, lequel nous avions dépesché en Escoce, seroit +de retour avec les aultres commissaires escouçoys, +elle vacqueroit sans aulcune intermission aulx affères de +la dicte Dame.</p> + +<p>Après lequel propos estimant, Sire, que je ne le debvois +pour ceste fois poursuyvre plus avant, la dicte Dame +m'a dict d'elle mesmes qu'elle desiroit fort que, la première +foys que je retournerois vers elle, je lui peusse aporter la +conclusion de la paix de vostre royaulme, estant bien marrye +qu'elle alloit ainsy traynant.</p> + +<p>Je luy ay respondu que je n'avoys nul plus grand desir +que de la pouvoir satisfaire en cella, et que ceste sienne +bonne intention obligeoit Vostre Majesté et tout vostre +royaulme beaucoup à elle, ne faysant doubte, quant elle y +pourroit ayder de quelque chose, qu'elle ne le fyst.</p> + +<p>«Il n'y a, respondit elle, nulle œuvre en ce monde où je +m'employasse plus vollontiers, ny où je courusse de meilleur +cueur, encores que je soys boyteuse, que je ferois à +celle là, et que de ce j'en asseurasse Vostre Majesté.»</p> + +<p>J'ay là dessus passé oultre à luy dire que je craignois bien +que ceste longueur peult admener quelque chose entre +deux, et attirer encores possible en vostre royaulme une +partie de ces Allemans, qui s'estoient trouvez aux nopces du +duc Cazimir; et qu'elle sçavoit bien ce qui en estoit, qui +seroit ung bon tour de bonne sœur si elle vous en vouloit +advertyr, comme je luy vouloys bien dire que la condicion +de la cause et celle de sa qualité, qui estoit Royne, l'obligeoient +de le fère, et mesmes d'empescher qu'il ne se préparât +rien pour soubstenir l'opiniastretté et obstination de +<span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span> +voz subjectz contre vous, qui n'estoit exemple que pernicieulx +pour elle mesmes.</p> + +<p>Elle m'a respondu qu'elle ne sçavoit pas entièrement +tout ce qui en estoit, mais que l'Empereur luy avoit bien +escript que, par prétexte du secours de la nouvelle religion +en France, il s'estoit faicte une plus grande assemblée à +ces nopces du Cazimir, que ne requéroit l'ordre des maryez, +et qu'il monstroit par sa lettre qu'il la tenoit fort +suspecte pour luy mesmes; adjouxtoit d'aultres gracieulx +propos de ce qu'il avoit veu maryer son frère l'archiduc, +encor qu'il l'eust d'aultres foys tout dédyé à elle, mais qu'il +la prioyt que les dictes nopces ne luy fussent d'aulcune +jalouzie, car elles n'empescheroient qu'il ne fût encores +tout sien; et que par le propos de la dicte lettre et par +plusieurs aultres indices elle croyoit asseuréement qu'il y +auroit ung nouveau secours d'Allemans pour ceulx de la +Rochelle, si la paix ne succédoit. Et par ce, Sire, qu'il +seroit trop long de mettre icy toutz les aultres propoz +qu'avons heu en ceste audience, je les remettray à une +aultre foys; et adjouxteray seulement ung mot de la réception +de vostre dépesche du xıx<sup>e</sup> de ce moys, par le S<sup>r</sup> de +Vassal, et du voyage que faictes fère par deçà au S<sup>r</sup> de +Poigny, lequel nous mettrons peyne de l'aprofitter le +mieulx qu'il nous sera possible. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxıx<sup>e</sup> jour de juing 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">V</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Sabran.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Résolutions d'Élisabeth de maintenir l'accord fait au sujet de l'Écosse, et +d'entrer en négociation sur la restitution de Marie Stuart.—Espoir de la +prochaine liberté du duc de Norfolk.—État de la négociation des Pays-Bas.—<em>Mémoire +général</em>, sur les affaires d'Angleterre.—Bienveillance +montrée par Élisabeth aux seigneurs catholiques.—Condition mise à la +liberté du duc de Norfolk.—<em>Mémoire secret.</em> Communication faite par +l'ambassadeur à la reine d'Angleterre de la réponse du roi sur les articles +proposés pour la restitution de Marie Stuart.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, pour avoir Vostre Majesté et la Royne, vostre +mère, ainsy vertueusement parlé, comme vous avez, à +l'ambassadeur de la Royne d'Angleterre; et pour m'avoir +commandé de déclairer icy à elle vostre résolue intention +de ne vouloir habandonner aulcunement la Royne d'Escoce, +ny les affères de son royaulme; il est advenu que la +dicte Dame a cessé d'en poursuyvre plus avant l'entreprinse +par la force, et qu'elle s'est condescendue d'en venir +au tretté, duquel je vous ay desjà envoyé le commancement. +Il est vray, Sire, que, despuys dix jours, l'on luy +a si bien faict acroyre que, nonobstant vostre promesse, +vous ne larriez d'envoyer des gens en Escoce, que la dicte +Dame, changeant de dellibération, avoit desjà mandé au +comte de Sussex de rentrer de rechef avec son armée en +pays, et d'y saysir toutes les places qu'il pourroit; et à +l'amyral Clynton de getter promptement six grandz navyres +en mer, non pour aller attaquer la flotte des François +au combat de main, laquelle ilz entendoient estre +<span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span> +pourveue de deux mil bons harquebouziers, mais pour la +mettre à fondz à coups de canon, s'il estoit possible; et +mandé davantaige que le sir de Leviston, lequel nous +avions dépesché vers le duc de Chastellerault et vers les +aultres seigneurs escouçoys, pour leur apporter nostre +accord, fût arresté aulx frontières; et qu'au reste elle ne +tretteroit ny admettroit jamais plus l'évesque de Roz en sa +présence; s'esforceans encores ceulx, qui menoient ceste +mauvaise pratique, de me fère retarder mon audience, +affin que je ne peusse assés à temps y remédier; dont a +esté assés mal aysé, Sire, de retirer la dicte Dame de +ceste opinion. Néantmoins, j'ay miz peyne de luy dire et +encores de luy bailler par escript, si à propos, la responce +de Vostre Majesté du x<sup>e</sup> du passé, et de l'asseurer +tant de la seurté et vérité qu'elle trouveroit toutjour en +voz promesses, que, oultre les choses que je vous ay desjà +mandé qu'elle m'avoit en présence lors accordées, voicy, +Sire, ce que de ceste vostre bonne responce s'en est despuys +ensuyvy:</p> + +<p>Que la dicte Dame a escript au comte de Sussex de casser +son armée et se retirer luy à Yorc, laissant quelques +compaignies aulx gardiens des frontières, et une petite +garnyson dans Humes et Fascastel; qu'elle a ordonné à son +admyral de ne getter nulz navires dehors, ains de fère +cesser pour ceste heure tout l'armement et apareil d'iceulx; +qu'elle a mandé au comte de Lenoz, qui estoit à Lislebourg, +avec trois centz Escouçoys entretenuz aux despens de la +dicte Dame, de se retirer à Barvyc; qu'on n'eust à donner +aulcun empeschement au sir de Leviston en la frontière, ains +de luy laysser librement poursuyvre son voyage; et finalement, +suyvant sa promesse, qu'elle a si paciemment ouy +<span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span> +l'évesque de Roz, et si favorablement receu des ouvrages, +qu'il luy a présentez de la part de sa Mestresse, lesquelz +elle mesmes avoit faictz de sa main, qu'il m'a dict n'avoir +jamais heu une plus bénigne audience de la dicte Dame ny +plus pleyne de satisfaction, qu'il a faict ceste foys, avec +promesse que, aussitost que le sir de Leviston et aultres +commissaires escouçoys seront arrivez, qu'elle procèdera +en toute dilligence aulx affères de la Royne d'Escosse. Et +si, semble, Sire, que le duc de Norfolc ayt aussi assés advancé +le faict de sa liberté, et qu'il est en termes d'estre +bientost remiz en son logis de ceste ville, soubz quelque +soubzmission qu'il pourra fère à la dicte Dame.</p> + +<p>Au surplus, Sire, de tant qu'il se trouve meintennant +beaucoup de diminution et de deschet en la merchandise +d'Espaigne, qui a esté arresté par deçà, et que ceulx cy +ne la veulent fère bonne, ny veulent pareillement estre +tenuz de celle des trèze ourques, que ceulx de la Rochelle +en ont emmené pour leur part, il semble que leur accord +avec le duc d'Alve n'est près d'estre faict; mesmes que +une ordonnance, de nouveau publiée en Flandres contre +les Anglois, monstre que le duc en est assés esloigné, bien +que par aultres moyens il en faict de plus en plus attaicher +la pratique, affin de la faire tumber à son poinct, ainsy +qu'on attand là dessus des commissaires de Flandres qui +doibvent bientost arriver; et ceulx cy desirent tant d'en +sortyr qu'il semble qu'à la fin ils se layrront plyer à ce +que le dict duc vouldra, comme desjà la dicte Dame lui a +offert cinquante mil escuz du sien; mais la demande passe +ung million. Les sollicitations et dilligences de ceulx de la +nouvelle religion ne s'intermettent d'une seulle heure, ce +qui faict acroyre au monde qu'ilz sçavent très bien que le +<span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span> +propos de la paix sera acroché à quelque difficulté, et que +la guerre sera encores continuée. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce v<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">INSTRUCTION AU DICT S<sup>r</sup> DE SABRAN</span> +des choses qu'il fault fère entendre à Leurs Majestés, oultre les lettres:</p> + +<p>Que la Royne d'Angleterre est bien fort sollicitée d'interrompre +la paix de France par aulcuns, qui luy font acroyre, qu'aussitost que +le Roy l'aura conclue, il se ressouviendra des mauvais déportemens, +dont les Anglois, durant ceste guerre, ont usé, par mer et par terre, +à la Rochelle, icy, et en Allemaigne, contre luy; ce qui n'est toutesfoys +leur principalle craincte, ains qu'avec la dicte paix s'en ensuyve +l'accomodement des affères de la Royne d'Escoce, laquelle ilz cerchent +de ruyner, pour préférer à son tiltre, de la succession de ceste +couronne, ses aultres compétiteurs qui y prétendent.</p> + +<p>Mais comme la dicte Royne parle toutjour en fort bonne façon de la +dicte paix, aulcuns m'ont asseuré que, à bon escient, elle la desire, +et qu'elle vouldroit en toutes sortes que la querelle des subjectz fût +bien esteincte au proffict et advantaige du Roy, ny les affères d'Escoce +ne la peuvent mouvoir au contraire, parce qu'elle veult, commant +que soit, sortir d'iceulx; et seulement elle crainct que le Roy +et le Roy d'Espaigne s'accordent à sa ruyne, car aultrement elle +estime bien que, se concluant la paix en France, le Roy recepvra en +grâce ceulx de ses subjectz, qui ont senty quelque faveur et support +d'elle, et que ceulx là seront toutjour moyen que la dicte paix soit +aussi entretenue entre la France et l'Angleterre.</p> + +<p>Et la cause de luy fère ainsy souspeçonner, que l'intelligence des +deux Roys soit à son dommaige, procède de la bulle; car ne peult +croyre que, sans leur consentement, le Pape l'ayt ozé expédier ainsy +rigoureuse contre elle comme elle est; joinct que le duc d'Alve se +tient à ceste heure trop plus ferme sur l'accord des prinses qu'il ne +faisoit, et a monstré une très grande anymosité contre les Anglois +par une ordonnance, qu'il a faicte tout de nouveau publier contre +eulx; et si, voyent les dicts Anglois qu'il se pourvoyt de beaulcoup +plus de forces par mer et par terre, qu'il ne leur semble estre besoing +pour la réception ou conduicte de la Royne d'Espaigne; ce qui +leur donne occasion de croyre qu'il ayt quelque entreprinse sur ce +royaulme; entendans mesmement que le Roy d'Espaigne est fort à +<span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span> +bout de ses Mores, et que toutz les Catholiques, qui s'absentent d'icy, +vont à recours à luy.</p> + +<p>A l'occasion de quoy j'ay prins, entre deux, l'oportunité de fère +recepvoir, le mieulx que j'ay peu, à la dicte Dame les honnestes expédians +et moyens, que le Roy luy a offertz, sur ce qu'ilz peuvent avoir +à démesler l'ung avecques l'aultre; dont semble que enfin elle se +lairra conduyre à quelque rayson, et m'a l'on asseuré que, en l'endroit +des Françoys, Allemans et Flamans, de la nouvelle religion, +qui sont icy, elle a faict, despuys cinq ou six jours, des démonstrations +assés expresses qu'elle desiroit la paix de France; et pareillement +a monstré, touchant les choses d'Escoce, qu'elle vouloit contanter +le Roy; et a commandé à ceulx de son conseil de me donner +satisfaction sur les choses raysonnables que je leur pourray demander +pour les subjectz de Sa Majesté.</p> + +<p>Non que, pour tout cella, je cognoisse que ceulx du dict conseil, +qui portent le faict de la religion nouvelle, aillent en rien plus froidz +ny plus remiz que de coustume, ny que les principaulx agentz, qui +sont icy pour ceste cause, intermettent une seule sollicitation ny dilligence +vers eulx, ny à tenir souvant conseil avecques les ministres, +pour envoyer lettres et messaigiers de toutz costez et pour recouvrer +pollices de crédit pour Allemaigne, ensemble pour pourvoir, par mer +et par terre, à tout ce qu'ilz pensent estre besoing pour continuer la +guerre, me venans confirmez de plus en plus les adviz, que j'ay +desjà mandez, qu'il s'apreste ung nouveau secours d'Allemans pour +eulx, et qu'ilz préparent une descente par mer en quelque lieu de +Normandie, Picardie ou Bretaigne; dont je crains bien que ung des +serviteurs de Mr de Norrys, nommé Harcourt, qui est Françoys, lequel +a esté naguières dépesché d'icy vers son maistre, ayt heu commission +de passer pour cest effect plus avant jusques en Allemaigne, +ou jusques au camp des Princes.</p> + +<p>Néantmoins la démonstration de la dicte Dame est, pour ceste +heure, de vouloir trop plus entretenir l'espérance des Catholiques en +son royaume que d'essayer de la leur rompre, ny de les mettre en +aulcune souspeçon des Protestans, ayant par son garde des sceaux, +en l'audience du dernier jour du terme passé, faict dire à l'assemblée +qu'elle avoit ung très grand regret de veoir que ses subjectz catholiques +se monstrassent intimidez pour leur religion, ny qu'il y en +eust qui, pour cause d'icelle, s'absentassent, comme ilz faisoient, de +son royaulme; et qu'elle les vouloit toutz admonester de bon cueur de +déposer ceste peur, et de prendre telle asseurance d'elle, qu'elle +<span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span> +n'innoveroit ny permettroit estre innové rien des ordonnances sur ce +establyes par ses Parlementz et Estatz, soubz lesquelles son royaulme +avoit desjà vescu plusieurs ans en grand repos, et qu'elle n'entendoit +en façon du monde que les Catholiques fussent forcez en leurs +consciences.</p> + +<p>Dont despuys, la dicte Dame, entendant qu'on avoit rigoureusement +examiné et tenu assés estroict le sir Jehan Cornouaille, jadis +conseiller de la Royne Marie, et trois aultres personnaiges d'assés +bonne qualité, qu'on avoit envoyé à la Tour pour estre cognuz affectionnez +catholiques, elle s'en est asprement prinse à ceulx qui l'avoient +osé fère; et, pour leur fère plus de honte, elle a ottroyé que le +dict Cornouaille puysse venir luy baiser la main, pour le renvoyer libre +en sa mayson, et a commandé que les aultres soyent tirez de la Tour.</p> + +<p>Et, encor qu'on luy ayt vollu imprimer beaucoup de nouvelles +souspeçons du comte d'Arondel, de milord Lomeley, du viscomte de +Montégu et d'aulcuns aultres seigneurs réputez catholiques, qui, +pour ceste cause, s'estoient tenuz retirez, elle n'a layssé de les envoyer +quérir avecques faveur; et n'a rejetté les propos que eulx mesmes +et d'aultres luy ont meu sur la liberté du duc de Norfolc, nonobstant +que, ez quartiers de son duché, ayent esté naguières surprins +deux gentishommes, assés familiers et serviteurs de sa mayson, qui +pratiquoient de soublever le peuple et se saysir du chasteau de Farlin, +qui est la principalle forteresse du pays.</p> + +<p>Et semble que le dict duc seroit desjà délivré, sans la compétance +où en sont le comte de Lestre et le secrétaire Cecille, lesquelz veulent +chacun en avoir tout le gré, et estime l'on que le comte soit +marry de ce que n'ayant peu conduyre ce faict avant son partement, +il ayt trouvé, à son retour, que le dict Cecille l'avoit bien fort advancé, +lequel, à ce que j'entendz, a tenu un tel moyen vers sa Mestresse: +c'est de luy avoir persuadé qu'elle debvoit concéder l'eslargissement +du dict duc, s'il luy déclaroit par une lettre, escripte et +signée de sa main, qu'il confessoit l'avoir offancée en ce que, sans +son sceu, il avoit presté l'oreille au mariage de la Royne d'Escoce, +bien qu'il eust toutjours estimé que c'estoit pour la seurté d'elle et +pour le repoz de son royaulme, mais puysqu'elle n'estimoit qu'il fût +ainsy, et qu'il s'apercevoit à ceste heure qu'il estoit assés aultrement, +il s'en despartoit entièrement et pour jamais, et promettoit de n'entendre +à cestuy, ny à nul aultre mariage, en sa vie, que ce ne fût +avec le congé et bonne grâce de la dicte Dame: lequel expédiant je +croy qui sera suyvy.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span> +Estant ce dessus escript, j'ay heu adviz comme un pacquet du +docteur Mont, agent pour ceste Royne en Allemaigne, estoit arrivé, +dez hyer au soyr, par lequel il mande que le Pape faict bien fort +presser l'Empereur de commancer la diette et de procéder à la privation +et désauthorisation des trois ellecteurs laycs, pour substituer +trois princes catholiques à leur lieu; sçavoir: l'archiduc Ferdinand, +le duc de Bavière et le duc de Bronsouyc; mais que, se trouvans +les aultres accompaignés de dix ou douze mil chevaulx, et le dict Empereur +seulement de douze ou quinze centz, il faict grand difficulté +de se trouver à la dicte diette.</p> + +<p>Et que, par lettres du comte Pallatin venues en mesmes pacquet, le +dict sieur comte escript que le Pape s'esforce de troubler l'Allemaigne, +ainsy qu'il a troublé le royaulme de France; et que Dieu lui est tesmoing +que, de sa part, il desire la tranquillité et le repoz de la +Chrestienté et singulièrement du dict royaume, en ce toutesfoys que +la paix s'y puisse fère estable et à la seurté de sa religion, aultrement +il promect qu'il ne sera rien obmiz de ce qui sera besoing pour réprimer +ceulx qui la veulent empescher. Il semble que, sur ceste altération +d'Allemaigne, le dict Pallatin s'employeroit assés vollontiers +à procurer la dicte paix, dont le Roy pourra essayer de se prévaloir +de leurs mesmes divisions, et je mettray peyne de fère sonder icy, +parmi les Protestans, s'ilz sentent que d'icelles leur vienne nul retardement +ou changement en leurs affères; car j'estime bien qu'on +attandra de veoir que pourra produyre ceste diette, qui est si suspecte +aux princes protestans, premier qu'ilz se divertissent à nulles +aultres entreprinses, et cella donra quelque loysir à Sa Majesté.</p> + +<p><span class="center smcap">DIRA DAVANTAIGE, DE MA PART, A LEURS MAJESTEZ</span>:</p> + +<p>Que ne sachant comme la Royne d'Angleterre eust peu prandre ce +que Leurs Majestez me commandoient de luy dire, touchant la ligue +d'entre la Royne d'Escoce et elle, comme le Roy estoit contant d'y entrer, +j'ay estimé que, pour réserver tout l'advantaige à Leurs Majestez, +et obvier qu'on n'y puisse rien calompnier, que j'en debvois parler +en la façon que j'ay faict:</p> + +<p>C'est que j'ay dict à la dicte Dame qu'ayant le Roy entendu les +trois poinctz, ausquelz s'estoit restreinct tout le premier pourparlé +d'entre les seigneurs du conseil d'Angleterre et l'évesque de Roz; +sçavoir: de la religion, du tiltre de ceste couronne et de la ligue; +que, quant au premier, de la religion, estant desjà certain ordre receu +<span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span> +là dessus en Escoce, lequel la Royne n'a jamais enfrainct, il +vouloit tant seulement prier à ceste heure la dicte Dame de ne fère +force ny viollance à la conscience de la dicte Royne d'Escoce, ny innover +rien en ceste matière qui peult admener plus d'altération au +monde qu'il n'en y a:</p> + +<p>Et du segond, qui est le tiltre de la couronne d'Angleterre, qu'il +desiroit que la dicte Royne d'Escoce luy en fît toute la cession et +transport, qu'elle et son conseil estimeroient luy estre besoing pour +sa perpetuelle seurté et pour ceulx qui pourroient provenir d'elle:</p> + +<p>Au regard du troisiesme, qui concerne la ligue, qu'il ne seroit +marry qu'elle se fît entre elles, pourveu que ce ne fût contre luy, ny +au préjudice des aultres ligues qu'il a avec la dicte Royne d'Angleterre +et son royaume, et pareillement avec la Royne d'Escoce et +le sien; et layssay là dessus amplement discourir la dicte Dame et +estendre ses responces, sans l'interrompre de rien, ainsy que je l'ay +desjà mandé.</p> + +<p>Mais reprenant, puys après, le propos, je luy diz que, ayant considéré +de moy mesmes combien il sourdoit à toute heure de grandes +espines et de nouvelles difficultez en ce faict de la restitution de la +Royne d'Escoce, à cause qu'on la luy proposoit toutjours fort suspecte +du costé de France, j'avois suplié le Roy de vouloir luy mesmes +intervenir en la ligue deffencive, qui se feroit entre elles deux, +affin qu'en lieu de se deffyer de luy, elle en print dorsenavant toute +asseurance et seurté; et que le Roy m'avoit respondu qu'il le vouldroit +bien, mais qu'il ne voyoit pas le moyen commant cella se pourroit +fère; toutesfoys, si je le voyois icy sur le lieu, qu'il s'en remettait +bien à moy de passer oultre;</p> + +<p>Et que je pensoys qu'il avoit regardé à la jalouzie, que les aultres +princes en pourroient prendre, et possible encores à la diversité de +la religion; dont, de tant qu'il ne m'avoit commandé d'en déclairer +si avant à la dicte Dame, et que néantmoins c'estoit chose que je ne +pouvois effectuer sans elle, je prenois sa parolle pour garant que le +propos seroit réservé et ne passeroit plus avant qu'entre nous deux, +ou bien, si elle en vouloit communiquer à son conseil, qu'elle me +promettait de ne dire jamais que cella fût procédé de moy.</p> + +<p>La dicte Dame, ayant très agréable le dict propos, lequel a esté +cause que tout l'affère est retourné en bons termes, et néantmoins, +estant marrye que je y allois si réservé, me demanda, trois ou quatre +foys, si j'avois poinct pensé nul bon moyen en cella. Je ne luy volluz +soubdain respondre, affin de luy en laysser à elle mesmes mettre +<span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span> +quelcun en avant; mais enfin je luy diz que celluy que je voyois le +plus honeste estoit que la Royne d'Escoce le requist, et que le Roy, +pour le bien et considération d'elle, auroit plus grande ocasion d'y +entendre: et n'en est encores la chose plus avant.</p> +</div> + +<h2 class="p4">CXX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Dièpe par M<sup>e</sup> Allexandre.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Arrivée de Mr de Poigny en Angleterre.—Affaires d'Écosse et d'Allemagne.—Nouvelles +apportées de la Rochelle; combat de Sainte-Gemme près +Luçon.—Déclaration du duc d'Albe que les préparatifs maritimes faits +dans les Pays-Bas n'ont d'autre but que d'assurer la conduite en Espagne +de la nouvelle reine.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, estant Mr de Poigny arrivé le ıııȷ<sup>e</sup> de ce moys en +ceste ville de Londres, j'ay envoyé, le jour d'après, fère +entendre sa venue à la Royne d'Angleterre, et la prier de +nous donner audience, laquelle la nous a prolongée jusques +aujourduy, dimenche, que nous l'allons trouver à Otland, +assés incertains que pourra réuscyr de son voyage; car il +semble que la dicte Dame ayt escript à son ambassadeur +par dellà qu'il s'estoit trop advancé de vous requérir de +l'envoyer, et que desjà il s'est excusé de n'avoir onques +pensé de vous parler de telle chose. Et encores est advenu +que les Escouçoys ont freschement couru et pillé le bestial +en la frontière d'Angleterre, à l'ocasion de quoy le comte +de Sussex, non seulement n'a séparé son armée, mais a +faict grande instance qu'il luy fût permiz de rentrer encores +une foys en Escoce, et a retenu pour ceste occasion quelques +jours davantaige à Auvyc le sir de Leviston, que nous +<span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span> +envoyons en Escoce. Toutesfoys l'on nous asseure qu'il +est meintennant passé; dont n'estant encores les choses +qu'en assés bons termes, nous incisterons, aultant qu'il +nous sera possible, qu'elles soyent effectuées ainsy qu'on +a commancé de les tretter.</p> + +<p>Et cependant, Sire, je diray à Vostre Majesté qu'il y a +quelque aparance, parmy ceulx de la nouvelle religion qui +sont icy, que la nouvelle, qu'ilz ont despuys trois jours +d'Allemaigne, leur jette l'espérance de leur secours ung +peu plus loing qu'ilz ne pensoyent, entendans comme l'assemblée +de Heldelberc s'est séparée; et que le duc Auguste, +estant allé devers l'Empereur, luy a parlé en si bonne +sorte de l'ocasion qui le pressoit de s'en retourner chez +luy, que non seulement l'Empereur le luy a permiz, mais +ne luy a reffuzé son excuse, de ne se pouvoir sitost trouver +à la diette; et que despuys, le comte Pallatin l'est semblablement +allé saluer, qui luy a offert d'intervenir luy mesmes +à icelle diette, si les aultres princes y viennent; et que, +contre l'opinion qu'on avoit que, pour craincte de ceste +assemblée de Heldelberc, le dict Empereur ne passeroit +oultre, l'on mande qu'il est arrivé le xvııı<sup>e</sup> de juing à +Espire, accompaigné seulement, oultre ceulx de sa court, +du duc Jehan Georges Pallatin, qui monstre de vouloir +asprement quereller une quarte part du Pallatinat; et que +le dict Empereur est allé descendre à l'esglize principalle, +au grand contantement des Catholiques, se descouvrant de +plus en plus que icelle diette est principallement indicte +pour procéder contre les trois ellecteurs protestans, desquelz +n'ayant leur dignité prins aultre origine ny fondement +que de l'authorité du Pape, par la bulle jadis sur ce expédiée, +il semble n'estre sans rayson que, par la mesmes +<span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span> +authorité, puysqu'ilz s'en sont substraictz, joinct celle de +l'Empereur, ilz en puissent meintennant estre fort légitimement +privez; non que les dicts de la religion se tiennent +pour cella moins asseurez que devant d'avoir leur secours, +ains plus, à ceste heure qu'ilz disent que, parce que +les dits princes ont descouvert ceste entreprinse, ilz se +veulent plus évertuer, qu'ilz n'ont encores jamais faict, pour +la deffense de la religion; bien pensent qu'affin qu'ilz se +puissent mieulx opposer à tout ce qui se pourroit décretter +contre eulx, ils vouldront retenir les forces dans le pays +jusques à la fin d'icelle diette; et aussi que n'ayantz les +draps de ceste dernière flotte d'Angleterre heu encores +assés bonne vante en Hembourg, leurs lettres de crédit, qui +sont assignées là dessus, n'ont peu estre si tost employées; +et le payement est retardé d'ung moys: mais ilz n'intermettent +cependant aulcune poursuyte ny dilligence en cella, +mesmes qu'on leur a escript que les deniers, pour la levée +de Vostre Majesté, sont desjà arrivez par dellà.</p> + +<p>Et j'entendz, Sire, que jeudy dernier, arriva ung soldat +de la Rochelle, qui magniffie bien fort quelque routte que +les Huguenotz ont donnée aulx capitaines La Rivière et +Puygaillart près de Lusson<a name="FNanchor_10" id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>, où est demeuré, à ce qu'il dict, +plus de cinq centz des nostres sur la place, et dix sept +capitaines avec plus de deux centz aultres prisonniers; et, +sellon les lettres que le dict soldat a apportées, lesquelles +ont esté veues en ceste court, le comte de La Roche +Foucault, qui estoit party pour s'aller joindre au camp des +<span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span> +Princes, s'en est retourné d'Angoulesme, à cause de la +blessure du S<sup>r</sup> de La Noue, de qui l'on n'espère guyères +la guéryson, affin de ne laysser la Rochelle et le pays +sans gouverneur; et que le dict sieur comte est après à +mettre aulx champs envyron cinq mil hommes de pied et +cinq centz chevaulx, avec trois pièces d'artillerye, pour +aller reprendre Xainctes, et de là marcher en Brouaige; +et que le capitaine Sores estant adverty que deux très +riches flottes revenoient des Indes, l'une pour Espaigne, et +l'aultre pour Portugal, qui doibvent arriver à ce moys +d'aoust, est allé essayer s'il en pourra piller quelque une, +ayant, comme il semble, pour ceste occasion remiz l'entreprinse +de leur descente, dont vous ay ci devant escript, +jusques à son retour; et cependant les vaysseaulx du prince +d'Orange et ceulx de quelques pirates françoys, qu'ilz +nomment le capitaine Joly, du Mur, Bouville et aultres, +ont combattu, vendredy dernier, dans ceste mer estroicte, +une flotte de douze grandes ourques, lesquelles, soubz la +conserve de deux aultres grandz navyres de guerre, passoient +de Flandres en Espaigne, et ont prins l'admyralle +et une aultre des plus riches.</p> + +<p>Le duc d'Alve a fait déclairer icy par l'ambassadeur +d'Espaigne que l'armement, qu'il prépare en Flandres, +n'est pour aultre effect que pour conduyre la Royne, sa +Mestresse, devers le Roy son mary, avec l'apareil qui convient +à une si grande princesse comme elle est, pour le +dangier des pirates; ce que j'estime, qu'il a fait expressément +pour garder que les Anglois n'arment de leur costé; +car ilz ne pourroient, puys après, se tenir qu'ilz n'allassent +se présenter en mer au passaige de la dicte Dame, en dangier +qu'il y peult survenir quelque accident, ce qu'il veult +<span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span> +bien évytter; et a mandé que ceulx qu'il a faict depputer +sur le différant des merchandises, sont desjà partys pour +venir par deçà. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xıx<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</p> + +<h2 class="p4">CXXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Dièpe par Jehan Girault.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience accordée par la reine d'Angleterre à Mr de Poigny, envoyé vers +elle pour négocier la mise en liberté de Marie Stuart, et son rétablissement.—Nouvelles +d'Écosse.—Insistance de l'ambassadeur pour qu'Élisabeth +refuse toute protection aux protestans de France, s'ils ne consentent +pas à accepter les conditions offertes par le roi.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, nous avons esté, despuys quatre jours en çà, +trouver la Royne d'Angleterre à Otland, laquelle a monstré +de recepvoir, avec playsir, les lettres et recommendations, +que Voz Majestez lui ont faictes présenter par Mr de +Poigny, et l'a receu à luy mesmes bien fort favorablement; +dont, après aulcuns bien honnestes propos, de +l'ayse qu'elle avoit d'entendre de voz bonnes nouvelles et +vostre retour en bonne santé vers les quartiers qui sont +plus près d'icy, elle a commancé de lyre assés hault voz +lettres; sur lesquelles monstrant de s'esbahyr de l'occasion +que luy mandiez du voyage du dict S<sup>r</sup> de Poigny, que ce fût +à l'instance de son ambassadeur, elle nous a dict, tout clairement, +qu'elle n'avoit point donné ceste charge à son ambassadeur, +ainsy qu'il se pourroit bien vériffier par la +minute des lettres que, despuys deux moys, elle lui avoit +<span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span> +escriptes: et le Secrétaire Cecille, lequel elle a appellé là +dessus, n'a failly de le confirmer de mesmes.</p> + +<p>Puys, elle a suyvy à dire qu'il estoit advenu l'ung de +deux; ou qu'on avoit équivoqué sur ce qu'elle avoit accordé +que la Royne d'Escoce et moy peussions envoyer ung +gentilhomme jusques en Escoce pour voir comme les +armes s'y poseraient, et comme elle feroit retirer ses +forces hors du pays, ainsy que, pour cest effect, le sir de +Leviston estoit desjà par dellà, mais non de fère venir +exprès ung gentilhomme de France; ou bien qu'il y avoit +de l'artiffice; mais, d'où que peult venir la faulte, elle +n'estoit que heureuse, puysqu'elle luy estoit moyen de +pouvoir mieulx entendre l'estat et bonne disposition de +Voz Majestez.</p> + +<p>A quoy ayantz vifvement incisté qu'il n'y avoit, ny pouvoit +avoir, nul mescompte ny artiffice de vostre costé, le +dict S<sup>r</sup> de Poigny a allégué qu'il avoit veu son dict ambassadeur +estre longtemps en l'audience avec Voz Majestez à +vous discourir et monstrer plusieurs papiers; et que, au +sortir de là, vous luy aviez commandé de s'en venir, qui ne +pouvoit estre, sans que le dict ambassadeur l'eust ainsi requis. +Et a poursuyvy de réciter à la dicte Dame bien particulièrement +tout le contenu de sa charge, en si bonne et +gracieuse façon, qu'elle a monstré d'en avoir tout contantement.</p> + +<p>Il est vray, Sire, qu'elle a commancé de respondre par +une plaincte, qu'elle nous a faicte, de l'affection que +Vostre Majesté monstre de se souvenir trop plus de la +Royne d'Escoce et de ses affères que des bons tours de +bonne sœur et vraye amie, qu'elle vous a monstrez en ces +troubles de vostre royaulme; mais que pourtant elle ne veult +<span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span> +laysser, sur la considération qu'avez heue de n'envoyer voz +forces en Escoce, de vous en randre ung bien fort grand +mercy, et non moindre pour l'amour de vous que pour +l'amour d'elle mesmes, car l'honneur est égal à toutz +deux; et qu'au reste, encores qu'on dye que les femmes +ont toutjours des responces et deffaictes toutes prestes, +qu'elle n'en usera en cest endroict, ains prendra temps +pour bien consulter l'affère, affin de nous donner, par +après, plus grande satisfaction.</p> + +<p>Et ainsy, Sire, nous sommes attandans qu'est ce +qu'elle trouvera par son conseil qu'elle nous debvra dire; +et, de tant qu'elle nous a touché de l'armement, qu'elle dict +estre encores tout prest en Bretaigne, contre l'asseurance +que je luy avois donnée que vous l'aviez contremandé, et +aussi de quelque personnaige qu'avez freschement dépesché +par mer en Escoce; et que, parmy cella, elle nous a +ramentu plusieurs offances que la Royne d'Escoce, à ce +qu'elle dict, luy a faictes, avec grande deffiance d'elle et +de Mr le cardinal de Lorrayne, je ne vois pas que nous +soyons encores bien prez de conclurre quelque bon marché +entre elles. Tant y a que comme il n'a esté, à mon adviz, +rien oublyé de ce qui se pouvoit desduyre en ceste première +remonstrance, nous ne dellibérons d'estre moins +pressantz en la segonde. Ce poinct, au moins, nous demeure +gaigné despuys dix jours, que l'armée de la dicte +Dame, suyvant ce que je vous ay cy devant mandé, est entièrement +cassée, et ne reste nulles aultres forces en la +frontière du North que la garnison acoustumée de Barvich +et celle qu'on a layssé dans les deux chasteaux de Humes et +Fascastel. Il est vray que, dedans Barvych, demeure ung +bien fort grand appareil de guerre, qu'on y avoit desjà +<span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span> +préparé pour la généralle entreprinse d'Escoce, et l'armée +peult, en bien peu de jours, estre rassemblée. Je ne sçay +si le comte de Lenoz aura de mesmes obéy à ce que je vous +ay mandé, Sire, qu'on luy avoit escript de se retirer au +dict Barvych et de licentier les trois centz Escouçoys qu'on +entretenoit près de luy; car, sellon les dernières nouvelles +qui sont venues de dellà, il s'entend que le dict de Lenoz estoit +encores à Esterlin, le xxvȷ<sup>e</sup> du passé, avec les comtes +de Morthon et de Mar, créez lieuctenans du jeune Roy son +petit filz, jusques au dixième de ce moys; auquel jour toutz +ceulx de ceste faction se debvoient trouver à Lislebourg +pour mettre quelque résolution en leurs affères. Ilz ont esté +en termes de porter le dict jeune Roy au dict Lislebourg +affin qu'avec sa présence ilz peussent recouvrer le chasteau, +mais le lair de Granges a respondu que le dict Prince y seroit +le bien venu; néantmoins qu'il vouloit demeurer le +plus fort dedans, attandant que la Royne sa mère et luy +fussent d'accord comme ilz entendroient qu'il en usast. Cependant +la dicte Dame a envoyé confirmer à sa dévotion le +dict de Granges, et ses aultres bons serviteurs de dellà, par +le dict sir de Leviston, qui leur a apporté, de par elle, trois +mil escuz, de la somme que je luy ay naguières fornye, affin +qu'ilz ayent de quoy se pourvoir des choses qui sont nécessaires +pour la garde du dict chasteau de Lislebourg et de +celluy de Dombertrand.</p> + +<p>Sur la fin de nostre audience, Sire, j'ay faict mencion +à la dicte Dame de l'estat auquel sont encores les affères +de vostre royaulme, et comme Vostre Majesté, ayant donné +ung clair tesmoignage au monde de sa bonne intention à +réunyr toutz ses subjectz, et esgallement les conserver, et +d'avoir concédé à ceulx, qui se sont ellevez, une si grande +<span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span> +satisfaction, pour leur religion et pour leurs affères, et +encores pour la seurté de leur personnes, qu'il ne leur +reste plus aulcune excuse de ne debvoir poser les armes, +ny de quoy pouvoir alléguer à la dicte Dame, ny aulx aultres +princes protestans, que vous pourchassiez d'exterminer +leur religion, puysque permettez qu'elle ayt cours et +exercisse en vostre royaulme; qu'elle veuille donques +croyre que vous ne cerchez en ceste guerre que le seul recouvrement +de l'obéyssance qu'ilz vous doibvent; et que +leur entreprinse, s'ilz passent oultre, ne peult estre dressé +que contre vostre estat et authorité; et que n'estantz naiz +au pareilh degré d'honneur de Voz Majestez, il est sans +doubte que, s'ilz pouvoient avoir quelque advantaige sur +vous, que eulx et leurs semblables entreprendroient de +fère le mesmes, par toutz les aultres estatz de la Chrestienté, +pour y abattre l'authorité et esteindre le sang royal +des princes souverains; dont la priez que, s'ilz diffèrent +ou reffuzent d'accepter vos honnestes offres, qu'elle les +veuille tout aussitost priver de toute faveur et retraicte en +ses portz et pays, et employer ses bons moyens, icy et en +Allemaigne, et vers les princes protestantz, desquelz ilz +attandent leur secours, et partout où elle pourra, par mer +et par terre, qu'ilz ne puissent exécuter leurs mauvaises +et violantes intentions.</p> + +<p>A quoy la dicte Dame m'a respondu que je luy estois +tesmoing, que, entre ses meilleurs desirs, elle avoit toutjours +heu bien expécial celluy de la paix de vostre +royaulme, et qu'elle espéroit que voz subjectz ne se diffameroient +tant que de la rejetter, si les condicions estoient +telles que je disoys; et que d'autresfoys elle m'avoit dict +qu'elle vouloit réserver une oreille aulx raysons que les +<span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span> +aultres pourroient alléguer, lesquelz, si n'en avoient de si +bonnes qu'ilz se peussent bien excuser de l'obéyssance et +déposition d'armes que Vostre Majesté leur demande, +qu'elle les tiendroit puys après pour rebelles; et qu'elle +croyt que leur longueur vient de ce que les exemples du +passé leur font peur; comme encore elle pense que, quant +Dieu vous aura donné la paix, l'on ne cessera, avant deux +ans, de vous pousser à la guerre, pour oster ceste religion, +et mesmes à vous anymer contre ce royaulme comme contre +ung coin de terre qui sert de retrette aulx Protestans; +ains qu'elle sçayt bien qu'on a vollu imprimer au cueur de +Monsieur d'aspirer par ce moyen à quelque couronne, +mais qu'elle espère que vostre prudence et la sienne, et +vostre modération, résisteront à si mauvais et pernicieulx +conseilz; et, quant aulx choses d'Allemaigne, qu'elle m'a +naguières adverty de ce que l'Empereur luy en avoit escript, +et bientost elle attand lettres de dellà, desquelles +elle me fera part, c'est en substance, Sire, ce qui s'est +passé en la dicte audience. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xıv<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</p> + +<p class="blockquote">Tout présentement viennent d'arriver les commissaires de Flandres, +que le duc d'Alve a envoyez pour venir visiter les prinses et en +fère l'évaluation. Et semble que l'espérance de liberté est prolongée +au duc de Norfolc encores pour trois moys.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet</i>.)</p> + +<p class="hanging indent">Audience accordée à Mr de Poigny et à l'ambassadeur.—Refus de la reine +d'Angleterre de laisser passer Mr de Poigny en Écosse.—Consentement +qu'elle lui accorde de se rendre auprès de Marie Stuart.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, la Royne d'Angleterre nous a prolongé six jours +entiers sa responce, et, le septiesme, elle nous a mandé +venir à Otland pour la nous fère, qui y sommes arrivez sur +le poinct qu'elle estoit preste d'en desloger, à cause que, +la nuict précédante, quelques ungs y estoient mortz si +soubdainement qu'on eust souspeçonné que ce fût de peste. +Néantmoins s'estans ceulx de son conseil incontinent assemblez, +Mr de Poigny et moy avons esté premièrement +introduictz vers eulx, et ilz nous ont faict entendre par milor +Chamberlan ce qui s'en suyt:</p> + +<p>Que la Royne, leur Mestresse, ne voulant aulcunement +contradire la parolle de Vostre Majesté, en ce que mandiez +avoir dépesché Mr de Poigny vers elle, sur l'instance que +son ambassadeur vous en avoit faicte, elle a estimé avoir +occasion de vous en remercyer, comme elle faict de bon +cueur; mais qu'elle vous prie, Sire, de croyre que son +ambassadeur n'a poinct heu ceste charge; et, quant à celle, +qu'avez donnée au dict S<sup>r</sup> de Poigny, d'assister par deçà +au tretté qui se fera entre elle et la Royne d'Escoce, encor +que ce soit chose apartenant à elles deux, où nul aultre +qu'elles et leurs subjectz n'ont que voir, et où l'arbitrage +ny l'authorité de nul aultre prince n'est requise, néantmoins +<span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span> +elle est contante que, luy ou moy, ou toutz deux +ensemble, interveignons pour Vostre Majesté en ce qui s'y +fera, comme en ung acte qu'elle veult vous estre tout clair +et cogneu; et au regard d'aller visiter la Royne d'Escoce, +qu'ilz layssoient à la Royne, leur Mestresse, d'en tretter +avecques nous; mais, quant à passer plus avant jusques en +Escoce, de tant que cella leur sembloit debvoir plus aporter +d'empeschement que de proffict au tretté, et possible +engendrer de grandes difficultez en tout l'affère, comme +desjà ung pareil exemple les en avoit faictz saiges, qu'ilz +avoient tout librement dict à la dicte Dame, qu'il n'estoit +besoing qu'elle l'y layssât passer; à cause de quoy ilz +prioient Vostre Majesté de trouver bon que, pour n'interrompre +ung si bon œuvre, il se déportast entièrement d'y +aller.</p> + +<p>A quoy ayant le dict S<sup>r</sup> de Poigny fort particullièrement +et bien respondu, et s'estant principallement arresté à ne +debvoir estre aulcunement empesché de passer en Escoce, +par des raysons très aparantes, qu'il leur a sagement et +fort vifvement remonstrées; et y ayant aussi fort fermement +incisté de ma part, avec prière qu'ilz le vollussent +acompagnier d'ung aultre gentilhomme des leurs pour +pouvoir esclayrer ses actions, affin de n'en prendre point +de deffiance, nous les avons fort pressez de n'uzer en chose +de si petite importance, laquelle n'estoit que pour leur +proffict, d'aulcun reffuz qui vous peult ou mal contanter, +ou préjudicier à la liberté des trettez.</p> + +<p>Sur quoy iceulx seigneurs, ayantz de rechef miz l'affère +en dellibération, nous ont, par le secrétaire Cecille, présens +toutz les aultres, faict dire que, considéré que en +ceste cause les personnes qui y interviennent sont Vostre +<span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span> +Majesté, la Royne leur Mestresse et la Royne d'Escoce, +sçavoir: les deux comme principalles en intérest, et Vous, +Sire, comme allyé fort estroit à l'une, et en bonne amytié +avecques l'aultre; et que la matière touche principallement +à leur Mestresse comme invahye en son tiltre, et au nom, +armes et enseignes de son estat, par la Royne d'Escoce; +laquelle n'a jamais vollu, quelque dilligence qu'on en ayt +sceu fère, aprouver le tretté sur ce faict avec ses depputez, +bien que légitimement authorisez du feu Roy son +mary, vostre frère, non sans indignité de ceste couronne: +considéré aussi que ceulx, qui tiennent son party en Escoce, +non seulement ont retiré les rebelles d'Angleterre, +ains se sont joinctz avec eulx pour venir assaillyr ce +royaulme, et que, nonobstant tout cella, ainsy que les +choses estoient en termes de quelque modération entre le +comte de Sussex et les Escossoys, au moys d'apvril dernier, +survenant là dessus ung gentilhomme françoys, tout +fut interrompu, et commancèrent incontinent ceulx du dict +party de la Royne d'Escoce de tumultuer et de devenir si +insolantz, que le dict de Sussex fut contrainct de exploicter +ses forces contre eulx; et encores tout freschement le sir de +Leviston n'a esté sitost par dellà que ceulx de la frontière +d'Escoce n'ayent incontinent entreprins de courre et piller +celle d'Angleterre: considéré aussi que le dict sir de Leviston +sera en brief de retour avec les aultres depputez du +royaulme, lesquelz, si ne sont desjà partys, sont si près +de le fère, que le mieulx qu'adviendroit au dict S<sup>r</sup> de +Poigny seroit ou de les faillyr en chemyn, ou de les rencontrer +en lieu, d'où possible ilz ne vouldroient passer +plus avant, jusques à ce que sa légation fût entendue de +ceulx qui les envoyent, qui seroit d'aultant retarder la besoigne; +<span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span> +joinct que; tant plus nous incisterions au dict +voyage, plus nous le leur rendrions suspect, et leur donrions +à penser que Vostre Majesté ne l'auroit commandé, +ny pour satisfère à leur ambassadeur, ny pour l'utillité de +leur Mestresse, ainsy que nous nous esforcions de le leur +persuader; ilz percistoient, en ce qu'ilz avoient desjà conseillé +à la dicte dame, qu'il n'estoit aulcunement expédiant +que le dict S<sup>r</sup> de Poigny passât oultre. Bien nous vouloient, +quant au reste, donner seurté pour elle qu'aussitost +que les dicts seigneurs escouçoys seroient arrivez, elle +sera preste de procéder sur les affères d'entre la Royne +d'Escoce et elle, sellon le tretté qui en a desjà esté commancé +avecques moy, et dont j'en ay mis quelque forme +en escript, et d'entendre à la restitution de la dicte Dame, +aultant, qu'avec son honneur et sa seureté, elle le pourra +fère.</p> + +<p>Et sont demeurez si fermes en cella que, ne pouvant +gaigner rien davantaige avec eulx, nous sommes allez +trouver leur Mestresse; et elle nous a tenu le mesmes langaige, +adjouxtant seulement, pour le regard de l'indignité +et moquerie, que nous alléguions estre en cest +empeschement du voyage du dict S<sup>r</sup> de Poigny en Escoce, +puysqu'il estoit si avant, qu'elle prenoit en sa +charge d'en contanter Vostre Majesté; mais, quant à aller +devers la Royne d'Escoce, s'il me sembloit que d'une +telle visite, après les occasions que je sçavois bien qu'elle +luy avoit données de beaucoup d'offances, et sur l'opinion +qu'on pourroit prendre que ce fût par craincte ou par menaces +qu'elle l'ottroyoit, il n'en peult advenir de préjudice +à sa réputation, ny aulcun intérest à votre commune amytié, +qu'elle estoit contente de le permettre.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span> +Sur quoy je l'ay priée de prendre de bonne part l'honneste +office que Vous, Sire, faisiez envers vostre belle +sœur, et qu'elle layssât aux mal affectionnez, d'y donner +telle interprétation qu'ilz vouldroient, car ce ne pourroit +jamais estre qu'à la louange de sa bonté, et vertu, et +encores à son honneur et proffict. Et ainsy, Sire, elle a +donné saufconduict au dict S<sup>r</sup> de Poigny d'aller trouver la +dicte Dame; chose que nous n'espérions guyères et laquelle +monstre desjà debvoir estre de beaucoup de moment pour +vostre service, en ce royaulme et en celluy d'Escoce. Et +avant s'acheminer, le dict S<sup>r</sup> de Poigny a advisé de donner +entier compte de toute sa négociation à Voz Majestez, +ainsy qu'il vous plairra le voyr par ses lettres, ne voulant, +Sire, pour quelques aultres empeschemens, qui commancent +de paroistre tout de nouveau en cest affère, venantz +de lieu d'où moins vous l'attandiez, laysser d'espérer que +la paix de vostre royaulme ne soit pour bientost vuyder +ceste, et encor d'aultres plus grandes difficultez; ainsy que +ceste Royne n'a vollu finir l'audience sans monstrer une +conjouyssance du bon espoir qu'elle dict avoir d'icelle, et +que ce luy sera aultant de joye, de santé et de bon portement, +si elle en peult bientost entendre la conclusion. Sur +ce, etc. <span class="i2">Ce xıx<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</span></p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, nous n'avons peu, pour ce coup, obtenir rien +de mieulx en la négociation de Mr de Poigny que de luy +permettre qu'il puysse aller visiter la Royne d'Escoce de la +part de Voz Majestez; qui n'est si peu, Madame, qu'on +ne le tienne icy en beaucoup, et que la réputation de +vostre couronne n'en semble estre en quelque chose relevée, +<span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span> +et qu'on ne commance de bien espérer de tout le +reste. Nous avions, avant aller à ceste segonde audience, +heu advertissement de certaynes traverses, que la communication +du S<sup>r</sup> dom Francès avec Mr de Norrys vous y faict, +qui a esté cause que j'ai, avec le plus de véhémence et +d'affection que j'ay peu, touché à la Royne d'Angleterre +les poinctz qui la doibvent asseurer de vostre amytié, et ceulx +qui la luy peuvent rendre utille et pleyne de confiance, et +le mesmes aulx seigneurs de son conseil; dont le comte de +Lestre et le secrétaire Cecille m'ont despuys recerché de +plus estroicte conférance avec eulx; et Mr de Roz a raporté +d'elle, et d'eulx, plus amples promesses sur l'advancement +de toutz les affères de sa Mestresse; ainsy que plus en particullier +je le vous manderay, dans quatre ou cinq jours, +que je dépescheray ung des miens devers Vostre Majesté. +Et vous diray cependant, Madame, que le dict S<sup>r</sup> Norrys +a mandé qu'il y avoit grand apparance que la paix succèderoit +bientost, ce qui faict monstrer ceulx cy en meilleure +disposition vers toutes les choses de vostre service. Ilz sont +après à jetter cinq grandz nayyres avec mil hommes dehors, +avitaillez pour deux moys, par prétexte d'aller réprimer +les pirates, mais c'est pour le souspeçon qu'ilz se +donnent de l'armement du duc d'Alve; auquel toutesfoys +ceste Royne a naguières, par persuasion du dict S<sup>r</sup> Norrys, +escript une lettre pleyne d'affection, affin de prendre asseurance +de luy, et luy en donner tout aultant d'elle, touchant +le passaige de la Royne d'Espaigne. J'entendz qu'il est +arrivé plusieurs lettres d'Allemaigne, et entre autres du +comte Pallatin, qui semble inviter ceste princesse à desirer +la paix de France. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xıx<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXV</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Joz, mon secrétaire.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Délibération du conseil sur la mise en liberté du duc de Norfolk.—Dispositions +prises par Élisabeth pour apaiser les troubles de son royaume.—Préparatifs +maritimes et militaires dont on doit se défier en France, malgré +les assurances de paix et d'amitié données par la reine, et la bonne volonté +qu'elle montre à l'égard de Marie Stuart.—Nouvelles d'Écosse et d'Allemagne.—<em>Mémoire +général</em> sur les affaires d'Angleterre.—Détail des mesures +prises en Angleterre pour se défendre contre toute agression.—Bonnes +dispositions montrées en faveur de Marie Stuart et du duc de Norfolk.—<em>Mémoire +secret</em>. Intrigues de l'Espagne en Angleterre pour traverser +tous les projets de la France.—Mission secrète de don Francès +d'Alava.—Désir du cardinal de Chatillon de voir la pacification s'établir +en France; conditions auxquelles les protestans offrent de se soumettre.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, aujourduy, et tout demain, la Royne d'Angleterre +sera en la mayson du comte de Betford, à xx mil +d'icy, où elle a mandé venir son garde des sceaulx et ses +aultres principaulx conseillers pour dellibérer de la liberté +du duc de Norfolc; de laquelle l'on luy donne grande espérance +qu'il la pourra obtenir bientost, à tout le moins +d'estre remiz en sa mayson. Et de là, la dicte Dame veult +continuer son progrez, sans toutesfoys esloigner guières +plus que de trente mil la ville de Londres vers Suffoc, +Norfolc et Sussex, affin d'appayser ces trois pays, qui sont +voysins d'ici, lesquels ont monstré d'estre disposez à +quelque nouveaulté; et elle espère de modérer par sa présence +l'affection des hommes, et fère exploicter la justice +contre ceulx qui sont prins, et abattre toute l'intelligence +qu'on luy faict acroyre que les estrangiers ont en ces +quartiers là; et, par mesme moyen, pourvoir à la seureté de +<span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span> +ses portz tout le long d'icelle frontière, ainsy que, à grande +dilligence, elle les faict fortiffier, à cause qu'ilz sont exposez +vers Holande et Zélande; d'où elle crainct les entreprinses +du duc d'Alve, nonobstant que dom Francès d'Alava +ayt, à ce qu'on dict, remiz elle et luy à traicter +amyablement et par lettres bien gracieuses l'ung avec +l'aultre, et que le dict duc luy ayt freschement envoyé des +depputez sur le faict des prinses; mais ces démonstrations +ne la peuvent tant asseurer, comme les aultres apparances +de la sublévation, qu'elle a senty en son pays, et le raport +qu'on luy faict, qu'en l'armement de Flandres se prépare +d'embarquer trois mil chevaulx, grand nombre de gens +de pied, force artillerye, pouldres, pionniers, monitions +et tout aultre appareil de guerre, la mettent en deffiance. +De quoy est advenu que la dicte Dame, despuys six jours, +a faict arrester toutz les navyres tant estrangiers que +aultres, qui sont par deçà, et serrer les passaiges, et envoyé +son admiral à Gelingan et le long de la Tamise pour +ordonner une armée de mer, du plus grand nombre de +vaysseaulx et de maryniers qu'il luy sera possible, affin de +l'avoir preste à tout momant, quant il sera besoing; et +commande aussi qu'on tienne deux mil chevaulx et huict +mil hommes de pied toutz pretz. Dont je suys après, +Sire, de regarder si cest appareil se feroict poinct à quelque +aultre fin contre vostre service; mais, encore que je +n'en descouvre rien, je vous suplie néantmoins, Sire, +très humblement que cecy vous serve d'ung adviz pour +ne laysser à l'arbitre des Anglois rien du vostre, qui +ne soit pourveu contre les entreprinses qu'ilz y pourroient +fère; car vostre royaulme est ouvert et exposé à +toutes injures, tant que cette guerre durera.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span> +Je veulx toutesfoys bien asseurer Vostre Majesté que +ceste Royne et les siens m'ont, despuys dix jours, tenu des +propos plus exprès de la confirmation d'amytié entre Voz +Majestez, et de la persévérance de paix entre voz deux +royaulmes, qu'ilz n'avoient faict despuys que je suys en +ceste charge; ny Mr de Roz, ny moy, ny toutz ceulx qui +portons icy le faict de la Royne d'Ecosse, n'avons jamais +mieulx espéré de la restitution d'elle que meintennant; +mais il ne se fault arrester aux parolles ny aparances de +ceulx cy, ains se donner garde d'eulx, puysqu'ilz se mettent +en armes. La dicte Royne d'Escoce aura un singulier +playsir, et une fort grande consolation, d'estre visitée par +Mr de Poigny de la part de Voz Majestez, et ne vous sçaurois +exprimer, Sire, combien ung chacun estime que cella +luy sera ung commancement de bonheur et ung advancement +au reste de toutz ses affères, ès quelz l'on nous promect +toutjours une prompte expédition, aussitost que les +depputez d'Escoce seront arrivez; mais je crains qu'ilz +soyent retardez pour l'occasion d'une assemblée, que ceulx +du party du jeune Prince se vouloient esforcer de tenir à +Lislebourg, le x<sup>e</sup> de ce moys, pour y créer ung régent; à +quoy le duc de Chastellerault et le comte de Honteley délibéroient +de s'oposer, et à cest effect s'estoient acheminez +avecques bonnes forces vers le dict Lislebourg. L'opinion, +que ceulx cy ont, que la paix se doibve conclurre en vostre +royaulme les faict monstrer mieulx disposez aulx choses +d'Escoce, et si d'avanture elle succède, je pense qu'ilz +passeront oultre à les accommoder.</p> + +<p>J'entendz que les nouvelles d'Allemaigne sont que +l'Empereur n'advance guières rien en la diette, et que les +seulz ecclésiastiques le sont venuz trouver; qu'il semble +<span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span> +que les princes protestans, pour empescher qu'il ne +puisse fère créer son filz roi des Romains, se veulent servyr +d'une ancienne observance de l'Empire, que jamais la +dignité d'Empereur n'a passé successivement que jusques +à cinq d'une mesme famille, et qu'il est à présent le cinquiesme +Empereur de la maison d'Autriche, à quoy les +princes éclésiastiques ne monstrent guières contradire pour +ne laysser aller cest estat héréditayre; que le comte Pallatin +est aproché une lieue près d'Espire accompaigné +seulement de quatre centz chevaulx, offrant de se trouver +à l'assemblée, si les aultres ellecteurs y viennent; que le +reste de la trouppe de Heldelberc est entièrement séparée, +parce que l'Empereur a faict entendre au dict Pallatin +et au duc Auguste que, s'ilz se tenoient ainsy accompaignez, +qu'il manderoit aulx aultres princes de l'Empire de +s'accompaigner de mesmes, en le venant trouver; qu'il +semble que le secours, pour ceulx de la nouvelle religion +en France, est de quelques jours retardé pour attandre +que produira ceste diette, et aussi pour l'espérance, qu'on +a, que la paix se doibve conclurre; que le susdict comte +Pallatin a exorté ceste Royne et les siens, et pareillement +le cardinal de Chastillon, de procurer la dicte paix; qu'il +a esté reffuzé au duc de Bronsouyc de fère une levée aulx +terres de l'évesque de Munster, et que vers le dict Munster +se sussitent les mesmes sectes qu'on y a d'aultres foys +veues; que les deniers pour ceulx de la nouvelle religion +en Hembourg seront prestz à fornyr dans la fin de ce moys; +qu'il y a quelque apparance que le voyage de la Royne +d'Espaigne sera retardé, et qu'elle ne passera point par +Flandres, ains yra prendre ung aultre chemin, et que, à +cause de cella, l'on estime que le duc d'Alve commancera +<span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span> +de réduyre bientost son armement à ung moindre équipage, +qui ne soit que pour combattre seulement les vaysseaulx +du prince d'Orange, lesquelz, en la prinse qu'ilz +ont faicte de deux grandz navyres de conserve, qui alloient +conduire une flotte vers Espaigne, et d'ung vaysseau de la +dicte flotte, ilz ont jetté en mer toutz les Espaignolz, qui +estoient dessus; et despuys le S<sup>r</sup> de Galeace Fregose qui +est icy, et ung aultre gentilhomme, qui se dict escuyer du +prince d'Orange, ont esté faictz cappitaines des dicts deux +grandz navyres de conserve, lesquelz ilz rabillent en dilligence +pour s'aller incontinent joindre aulx aultres. Sur +ce, etc. <span class="i2">Ce xxv<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</span></p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center">INSTRUCTION DES CHOSES<br /> +qu'il fault fère entendre à Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres:</p> + +<p>Qu'il semble que, par l'examen des gentishommes qui ont esté +prins en Norfolc, l'on a descouvert que l'assemblée, qu'ilz prétandoient +de fère le jour de S<sup>t</sup> Jehan au dict pays, n'estoit pour chasser +les estrangiers, ainsy qu'ilz le donnoient à entendre, ains pour +commancer une généralle ellévation en ce royaulme, tendans à trois +fins: l'une, de changer l'estat du gouvernement; l'aultre, de recouvrer +l'exercice de la religion catholique; et la tierce, de tirer le duc +de Norfolc hors de prison: sur lesquelz trois poinctz se trouve qu'ilz +avoient desjà minuté une proclamation pour l'envoyer publier partout.</p> + +<p>Et cella, avec la bulle qui est formelle contre ceste Royne, et avec +ung escript qui a despuys couru, encores plus formel, contre aulcuns +de ses conseillers, (et nomméement contre Quiper, Cecille, le +chancellier du domayne et le chancellier des comptes, et dont la +conclusion d'icelluy est que la communauté du royaulme, quoyque +coste, veult avoir la religion catholique), met ceulx cy en une indubitable +opinion qu'il y a une grande conjuration desjà dressée dans le +pays;</p> + +<p>Et qu'elle est fomentée par le Roy et le Roy d'Espaigne, sans le +consentement desquelz le Pape, comme ilz disent, n'eust jamais osé +expédier une bulle si rigoureuse comme il a faict; joinct que l'armement +qu'ilz entendoient se préparer en Bretaigne pour colleur de secourir +les Escouçoys, et l'apareil du duc d'Alve, trop plus grand qu'il +<span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span> +ne sembloit estre requis pour le passaige de la Royne d'Espaigne, +leur a faict croyre, jusques icy, que tout cella se dressoit contre eulx +en faveur des Catholiques de ce royaulme.</p> + +<p>Dont, pour y remédier, ilz ont, en premier lieu, expédié une ordonnance +fort furieuse, du dernier du moys passé, contre les porteurs +de bulles et semeurs de ces libelles; laquelle porte commission +d'apréhender les autheurs d'iceulx, si fère se peult, affin de les punir +et de descouvrir par eulx qu'est ce qu'il y a de plus caché en leurs +déllibérations.</p> + +<p>Après, ilz ont dépesché trente cinq lettres aulx trente cinq comtes +de ce royaulme, pour mander aulx officiers qu'ilz ayent à fère +enroller promptement en chacune d'icelles, sellon sa portée, ung +nombre d'hommes, jusques à cinquante mil en tout, tant de pied que +de cheval, et à iceulx bailler cappitaines, lieutenantz, enseignes, +tabourins et trompettes, et leur ordonner une paye par an d'envyron +trois escuz à chacun, et ung peu plus aulx capitaines; dont les +deniers se prendront sur le plat pays, avec commandement de fère +monstres par tout ce moys, et le continuer puys après de quartier +en quartier, et qu'on ayt à les exercer principallement à la haquebutte;</p> + +<p>Et ont ordonné à l'admyral Clynton de dresser ung estat, par lequel +il puysse mettre en mer, toutes les foys que la Royne, sa Mestresse, le +commandera, cinquante bons navyres de guerre avec douze mil hommes +dessus, maryniers et soldatz, et que l'avitaillement en tout aultre +appareil en soit prest et tout dressé ez lieux qu'il cognoistra en +estre besoing;</p> + +<p>Faisans leur compte de combattre les ennemys en mer, premier que +de leur permettre nulle descente par deçà, avec opinion que, quant +tout le monde aura bien conjuré contre eulx, qu'ilz pourront avec +ceste provision ayséement se deffandre:</p> + +<p>Car jugent que, s'ilz gaignent une bataille navalle, ilz pourront +bien garder qu'on n'aproche, puys après, leur coste, et, s'ilz demeurent +égaulx, qu'encores empescheront ilz qu'on n'y puysse descendre;</p> + +<p>Et si, d'avanture, ilz perdent, que ce ne pourra estre sans avoir +tant rompu les ennemys qu'ilz seront contrainctz de s'en retourner +pour se reffère; que si, à toute extrémité, il advient que les ennemys +facent quelque descente, qu'allors les cinquante mil hommes +se trouveront prestz pour les combattre au désembarquement.</p> + +<p>Lequel apareil inthimide grandement les Catholiques, lesquelz +si l'esté se passe sans qu'il aparoise quelque confort pour eulx, ne +<span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span> +s'attandent de moins que d'estre fort rigoureusement trettez l'yver +prochain; car ilz voyent que leurs adversayres, lesquelz ont la +Royne, l'authorité et la force en leurs mains, commancent desjà de +les menacer, et monstrent de n'attandre sinon que le temps les asseure +contre les entreprinses des estrangiers pour y mettre la main.</p> + +<p>Et avoient les dicts Catholiques prins pour mauvais signe la longueur +que ceulx de ce conseil usoient ez affères de la Royne d'Escoce, +et en ceulx du duc de Norfolc; vers lesquelz, à cause de ces +rescentes deffiances, ilz voyoient qu'ilz alloient changeant toutes +leurs premières bonnes dellibérations, car ilz remettoient de commancer +le tretté avec l'ambassadeur de la dicte Dame jusques à la +venue des depputez d'Escoce; et sur ceulx du duc, ilz luy avoient +faict dire, le xıȷ<sup>e</sup> de ce moys, que, pour aulcunes occasions, qui estoient +fort considérables, la Royne, sa Mestresse, estoit conseillée de +ne luy ottroyer sa liberté jusques après la S<sup>t</sup> Michel, qui monstre +bien qu'ilz ne vouloient que gaigner temps; et cependant ilz travailloient +de se liguer davantaige avec les princes protestans.</p> + +<p>Et n'avoit esté sans apparance que les dicts Catholiques eussent +fondé grande espérance en l'apareil du duc d'Alve, et possible encores +quelque peu en cellui qu'ilz entendoient estre prest en Bretaigne, +mais la venue des depputez de Flandres la leur oste de ce costé +là; et l'opinion, qu'ilz ont, que la guerre doibve continuer en France +la leur fait perdre de l'aultre.</p> + +<p>Cella surtout les descoraige qu'ayantz, jusques à ceste heure, +pensé que le Roy d'Espaigne et ses ministres procèderaient de bonne +intelligence avecques le Roy sur les affères de la Royne d'Escoce, +qui sont conjoinctz avec ceulx de la religion catholique en ce +royaulme, ainsy que je m'en estois quelquefoys prévalu; et comme +aussi nulle aultre chose n'avoit, tant que ceste cy, retenu ceulx de ce +conseil en quelque crainte, il s'est meintennant descouvert qu'il va +tout aultrement, et que dom Francès d'Alava a tenu de telz propos à +Mr Norrys, (ainsy que le dict Norrys l'a escript par ses dernières lettres, +arrivées à sa Mestresse, pendant que Mr de Poigny et moy +attendions sa responce,) que aulcuns, qui en ont heu assés tost la +communication, m'ont tout incontinent adverty que, à l'ocasion d'iceulx, +nous serions fort mal responduz; et que toutz les affères, où +le Roy Très Chrestien pouvoit avoir intérestz par deçà, en demeureroient +fort traversez.</p> + +<p>Qui a esté cause que, en l'audience ensuyvant, je me suys eslargy, +premièrement vers les seigneurs de ce conseil, parce que, d'arrivée, +<span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span> +nous avons esté introduictz vers eulx, et puys envers la dicte Dame, +en toutz les plus francz et ouvertz propos, que j'ay estimé les pouvoir +confirmer en l'amytié du Roy, et à bien espérer d'icelle, sans +toutesfoys toucher ung seul mot ni du Roy d'Espaigne, ny de ses +ministres; et est advenu, sur noz remonstrances, que l'on nous a accordé +une partie de ce que nous demandions, et qu'on nous a faict, +sur le reste, assés meilleure responce que l'on n'espéroit, ainsy que +je l'ay mandé par mes précédantes.</p> + +<p>Et bien qu'à la grande instance de Madame de Lenoz, l'on eust +auparavant envoyé par mer vers le North un nombre d'armes, de +pouldres et d'argent, pour les fère tenir au comte de Lenoz en Escoce, +j'ay sceu néantmoins que, despuys cella, la Royne d'Angleterre +a dict à la dicte dame de Lenoz qu'elle estoit résolue de remettre +la Royne d'Escoce en son royaulme, sur les offres qu'elle et +le Roy luy faysoient, qui estoient telles qu'avec son honneur elle ne +les pouvoit reffuzer. A quoy la dicte dame de Lenoz ayant respondu +que la dicte Royne d'Escoce n'en observeroit rien, la Royne luy a +répliqué que si feroit, parce qu'elle l'y obligeroit à peyne d'estre +privée de la succession de ce royaulme, si elle y contrevenoit, car +aultrement elle ne luy en vouloit fère tort; et n'a la dicte dame de +Lenoz peu gaigner rien davantaige, encore qu'elle ayt très instantment +priée la dicte Dame que, si elle persévérait en ceste vollonté, +il luy pleût de mander à son mary qu'il s'en retornât.</p> + +<p>Et le secrétaire Cecille m'a mandé que je croye fermement qu'il ne +sera miz aulcun retardement ez affères de la Royne d'Escoce, et +qu'il ne cerche, de sa part, que la seurté de sa Mestresse, laquelle +estant mortelle, et n'y ayant, après elle, nul plus prochain au droict +de ceste couronne que la Royne d'Escoce, qu'il ne luy sera, ny +meintennant, ny à l'advenir, jamais contraire; et le mesmes a il +confirmé à l'évesque de Roz, avec lequel il est desjà entré si avant +en matière qu'ilz sont quasi d'accord de toutz les poinctz, qui sembloient +estre les plus différantz.</p> + +<p>Encores, monstrent les affaires du duc de Norfolc qu'ilz pourront +aussi mieulx réuscyr que la responce du xıȷ<sup>e</sup> du présent ne le luy +faisoit espérer, et que la Royne permettra qu'ilz soient, dans trois +ou quatre jours, miz en dellibération pour après estre procédé à sa +liberté, sellon qu'ung chacun dict qu'il demeure fort deschargé et +justiffié de toutes les choses qu'on luy pourrait imputer.</p> + +<p>Je veulx bien advouher que je ne cognois rien de plus exprès en +ceulx cy que leur simulation, ny rien de plus certain que leur inconstance; +<span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span> +par ainsy, je ne puys fère grand fondement sur chose +qu'ilz disent, ny qu'ilz promettent. Néantmoins ilz peuvent incliner +de nostre costé, aussi bien que d'ung aultre, et j'estime qu'il n'est +que bon de les y tenir bien disposez, si l'on peult, affin de se prévaloir +de la paix qu'on a avec eulx, et évitter les inconvénians et incommoditez +qui pourroient advenir, s'ilz se despartoient du tout de +nostre intelligence.</p> + +<p class="center"><span class="smcap">AULTRE INSTRUCTION A PART POUR DIRE A LEURS MAJESTEZ:</span></p> + +<p>Que, jusques à ceste heure, la Royne d'Angleterre et ses conseillers +protestans avoient esté retenuz d'une grande craincte, et les seigneurs, +et gens de bien catholiques, conduictz de grande espérance sur +le faict de la Royne d'Escoce, et sur toutz les affères de ceste isle, +par l'opinion qu'ilz avoient que le Roy d'Espaigne et le duc d'Alve +seraient toutjour en bonne intelligence avec le Roy.</p> + +<p>Et n'estoit peu de consolation aus dicts Catholiques de veoir en +quelle peyne les dicts Protestans vivoient pour ne sçavoir si la bulle +estoit expédiée, ou du propre mouvement du Pape, ou bien par la +réquisition du Roy, ou bien à l'instance du Roy d'Espaigne: car ilz +disoient que si c'estoit seulement du Pape, ce n'estoit chose de moment; +si c'estoit du Roy seul, encor croyoient ilz que Mr le cardinal +de Lorrayne l'auroit procuré, sans que pour cella le Roy se vollût +trop haster de rien entreprendre; mais, si c'estoit par le commun consentement +du Roy et du Roy d'Espaigne, ilz tenoient pour indubitable +que l'entreprinse de ceste isle estoit desjà jurée entre eulx.</p> + +<p>En quoy, pour en avoir quelque lumyère, ilz cerchoient de toutz +costez s'il se trouveroit que moy, ou Mr l'ambassadeur d'Espaigne, +eussions tenu la main à la fère notiffier et publier par deçà, mais il +semble qu'ilz n'ont rien trouvé contre moy, sinon qu'il leur est venu +un adviz d'Itallie, par la voye de Flandre, comme la dicte bulle a +esté expédiée à l'instance de l'ambassadeur de France, qui est à +Rome, et que l'ambassadeur du Roy Catholique par dellà n'a faict +que y prester son consentement, comme à chose apartenant de si près +à la religion catholique qu'il ne luy a esté loysible de la contradire; +dont leur semble que j'en debvois estre participant, mais je croy qu'à +ceste heure ilz en demeurent toutz esclarcy.</p> + +<p>Et, quant à l'ambassadeur d'Espaigne, parce que M<sup>e</sup> Felton, lequel +est accusé d'avoir affiché la dicte bulle, a confessé, estant sur la +question, que le prestre espaignol du dict sieur ambassadeur la luy +<span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span> +avoit baillée; qui, pour ceste occasion, s'est despuys absenté, car il +estoit commandé de le prandre, quelque part qu'il pourroit estre +trouvé, jusques en sa chambre; non seulement l'on en a chargé le +dict sieur ambassadeur, ains aussi luy impute l'on les aultres libelles, +qui ont couru en ce royaume, contre le garde des sceaux et +Cecille, et contre quelques aultres du conseil; mais ne pouvant son +prestre estre trouvé, l'on ne sçayt commant procéder contre luy.</p> + +<p>Et n'ont layssé pour cella les Catholiques de s'entretenir toutjour +en l'espérance de la faveur du Roy son Maistre et du duc d'Alve, +pour les affères de la Royne d'Escoce et de la religion catholique; +de sorte que le dict Felton a bien ozé dire tout hardyment qu'il y +avoit trente mil hommes de valleur en Angleterre, dont les six mil +estoient gentishommes, et vingt cinq milordz parmy, qui estoient +toutz prestz d'exposer leurs vies pour la mesmes querelle, qu'ilz le +vouloient fère mourir à luy.</p> + +<p>Mais, despuys quelques jours, iceulx Catholiques non seulement +se sont retirez de ceste espérance, ains sont entrez en grand frayeur +d'estre descouvertz qu'ilz l'ayent heue, parce qu'ilz estiment que le +dict sieur ambassadeur ayt communiqué toutes choses au S<sup>r</sup> dom +Francès d'Alava, lequel ilz tiennent aujourduy pour trop plus +grand serviteur de la Royne d'Angleterre que de son Maistre; car +Mr Norrys a escript qu'il luy a promiz de disposer si bien les affères +de la dicte Dame vers le Roy, son dict Maistre, et vers le duc d'Alve, +qu'elle n'a garde de recepvoir aulcun mal ny dommaige d'eulx, et +que hardyment elle ne preigne peur des démonstrations et préparatifz +du dict duc, car il la veult bien asseurer qu'il n'a aulcun commandement +de luy nuyre, ny d'attampter, pour quelque occasion que +ce soit, rien par armes contre elle; et qu'au reste le dict dom Francès +luy a descouvert que c'est Mr le Nonce, qui est en France, qui +a envoyé icy la bulle à l'ambassadeur d'Espaigne pour la publier.</p> + +<p>Duquel acte du dict dom Francès plusieurs seigneurs et gens de +bien de ce royaulme se sont fort escandalizez, et les aulcuns se sont +confirmés en une opinion, laquelle ilz avoient desjà conceue, que +les ministres du Roy d'Espaigne vont procurant vers ceulx cy, et +partout où ilz peuvent, la continuation de la guerre de France; et +que, voyantz le faict de la Royne d'Escoce, de laquelle ilz s'estoient +desjà promiz et l'aliance, et le filz, et le royaulme, et le tiltre d'Angleterre, +se conduire meintennant au nom et soubz la faveur du +Roy, qu'ilz le veulent traverser; et qu'ilz sont jalouz de ce que aulcuns +seigneurs de ce royaulme se monstrent bien affectionnez à Leurs +<span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span> +Très Chrestiennes Majestez, qui est ung propos qu'on m'a tenu, présent +Mr de Poigny, auquel je réserve d'en fère entendre le surplus à +Leurs Majestez, à son retour; et adjouxteray seulement icy une +preuve, que le duc d'Alve nous a donné de son intention en ce +[qu'ayant le Pape envoyé, par la banque d'Anvers, douze mil escuz, +pour les gentishommes fuytifz d'Angleterre, il a conseillé qu'on ne +leur envoye ny tout, ny partie de la somme, tant qu'ilz seront en +Escoce, et par ce moyen il a interrompu le dict secours.</p> + +<p>Il est bien certain que, jouxte ceste communication grande d'entre +dom Francès et le dict S<sup>r</sup> Norrys, ceste Royne a naguières escript +une bonne lettre au Roy d'Espaigne, laquelle le dict dom Francès a +prins en sa charge de la luy fère tenir, et une aultre au duc d'Alve, +par laquelle elle l'exorte de vouloir entretenir l'alliance d'entre ceste +couronne et la mayson de Bourgoigne, comme, de sa part, elle la +veult entièrement conserver: et, quant aulx prinses, qu'elle est +preste d'y satisfère de sa part, en ce qu'il s'y veuille disposer de la +sienne, et qu'il veuille depputer des personnaiges propres pour en +accorder, qui ne soyent de ceulx qui veulent troubler ce royaume, +ainsy que l'ambassadeur, icy résidant, et ceulx, qui cy devant y ont +esté envoyé, se sont esforcez de le fère; et que de l'apareil qu'elle +entend qu'il faict bien grand par mer, il ne veuille rien attampter en +ses portz, car elle offre toute faveur et seur accez en iceulx à la Royne +d'Espaigne et à ceulx de sa troupe: tant y a que l'ambassadeur d'Espaigne, +nonobstant tout cella, ne laysse d'estre bien fort offancé +contre dom Francès, de ce qu'il a parlé de la bulle, et desjà il en a +escript au duc d'Alve.</p> + +<p>J'ay faict sonder, par interposée personne, Mr le cardinal de Chatillon +et le S<sup>r</sup> de Lumbres quel desir ilz avoient à la paix et à transférer +la guerre hors de France; et voycy ce qui m'a esté raporté des +propos du dict sieur Cardinal: qu'il desire infinyement la dicte paix, +espérant par icelle jouyr de la bonne grâce de Leurs Majestez et de +six vingtz mil <sup><i>lt</i></sup> de rante en France, en lieu de mille pouvrettez et +indignitez, qu'il s'esforce de supporter, le plus dignement qu'il peult, +en Angleterre;</p> + +<p>Que se souvenant que le Roy, et la Royne, et Monsieur, pour fermeté +de l'aultre dernière paix, luy firent l'honneur de luy en donner +leur promesse de leurs propres mains dans la sienne, et que +ceulx, qui la leur ont faicte rompre, sont ceulx mesmes avec qui ilz +ont à conclurre meintennant ceste cy, les cheveulx luy en dressent +de frayeur;</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span> +Que le Roy a la paix très ferme et bien asseurée, toutes les foys +qu'il luy playrra, à bon esciant, que ceulx de la religion puyssent vivre, +en conscience et honneur, soubz la faveur de sa protection, en +son royaulme;</p> + +<p>Que, de transférer la guerre ailleurs, c'est ce que son frère, Monsieur +l'Admyral, a toutjour desiré, mais de le fère meintennant, et +laysser ceulx, qui sont de leur mesmes religion, estre cependant massacrez, +murdriz et ruinez en leurs maysons, en France, par ceulx qui +ont la justice et l'authorité et les forces à la main, ilz sont entièrement +tout résoluz du contraire;</p> + +<p>Que, si le Roy les veult recepvoir en sa bonne grâce, et leur ottroyer +la dicte paix et seurté qu'ilz luy demandent, comme à ses bons +subjectz, et qu'il se veuille servyr de son frère et de luy, ilz ont en +main de quoy luy fère le plus grand et le plus notable service, que sa +couronne ny nul de ses prédécesseurs ayent receu de deux centz ans +en cà;</p> + +<p>Qu'il cognoist bien que les Anglois ne cerchent de fère rien pour la +religion en ceste guerre, ains de travailler la France, et qu'il crainct +bien que, se faisant la paix, l'on ne le layrra sortir, de trois moys après, +de ce royaulme.</p> + +<p>Quant au susdict de Lumbres, lequel s'intitulle ambassadeur de +toutz les princes protestans vers ceste Royne, l'on m'a dict qu'il desire +aussi bien fort la paix de France, et vouldroit que la guerre fût +desjà transférée aulx Pays Bas, et n'eust tenu à luy que la descente, +que ceulx de la Rochelle dellibéroient de fère en quelque port de +Normandie ou Picardie, si Sores ne fût allé sur la route des Indes, ne +se fût faicte en Olande: et desjà luy et beaucoup de ceulx de son pays +font estat, par ceste paix, de se retirer en France, car semble qu'il y +ayt mutuelle obligation entre les Françoys et Flamans, qui sont de +ceste religion, de se subvenir les ungs aulx aultres, et de ne cesser, +qu'ilz ne soyent toutz remiz en leur maysons pour y pouvoir vivre en +seurté avec l'exercice de leur religion.</p> + +<p>Aulcuns Françoys de la dicte religion, qui sont icy, ne prennent +nul party, attandans la dicte paix; ou bien, si elle ne succède, ilz dellibèrent +de recourir à la grâce et clémence de Sa Majesté.</p> +</div> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXX</span><sup>e</sup> jour de juillet 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Crainte des Anglais qu'une ligue générale n'ait été formée contre eux.—Résolution +du conseil de rendre la liberté au duc de Norfolk, et de lever une +forte armée navale.—Armement de la flotte.—Mission de M<sup>e</sup> Figuillem +dans les Pays-Bas.—Déclaration faite à l'ambassadeur que l'armement de +la flotte n'a d'autre objet que de rendre les honneurs à la reine d'Espagne +sur son passage, et de se tenir en défense contre les entreprises que pourrait +tenter le duc d'Albe.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, s'estant la Royne d'Angleterre aperceue que le +mal de son pied empyroit par le travail de son progrez, +encore qu'elle n'allât qu'en coche, elle s'est arrestée à +Cheyneys, qui est celle mayson du comte de Betfort, où +je vous ay mandé, par mes dernières, qu'elle debvoit demeurer +tout le xxv<sup>e</sup> et xxvı<sup>e</sup> de ce moys; mais elle y a +séjourné davantaige, et n'en bougera encores de quelques +jours. Ceulx de son conseil se sont assemblez au dict lieu +pour prendre quelque bon ordre sur aulcunes choses qu'ilz +ont veu estre aultres, ou bien avoir aultre événement, +qu'ilz ne pensoient; premièrement, sur la détention du +duc de Norfolc, par laquelle, au lieu d'en avoir assoupy +et retardé les troubles de ce royaulme, ilz cognoissent +meintennant que c'est par là qu'ilz les ont advancez et faict +naistre, car auparavant il n'y en avoit point; et sur la +guerre d'Irlande, laquelle ilz cuydoient desjà achevée, ilz +ont nouvelles que, despuys naguyères, l'on s'y est bien +battu, et que ceulx du party de la Royne, leur Mestresse, +ont heu du pyre, et que mesmes les saulvaiges monstrent +<span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span> +de vouloir passer oultre, et qu'ilz attandent du secours +d'ailleurs; aussi sur le faict de la Royne d'Escoce, duquel, +parce que Vostre Majesté le porte et le favorise, ilz +voyent que toutz leurs affères d'Escoce en succèdent si mal +qu'ilz sont bien en peyne commant le remédier; pareillement +sur leurs différans des Pays Bas, lesquelz viennent +meintennant à leur estre de tant plus suspectz, que, par +le pardon général publié en Envers par le duc d'Alve, à +vestemens blancz<a name="FNanchor_11" id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>, le xvı<sup>e</sup> de ce moys, où l'on leur faict +acroyre que le prince d'Orange est comprins, et qu'on a +randu ses biens à ses enfans; et aussi par l'accord des +Mores en Espaigne<a name="FNanchor_12" id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">[12]</a>, ilz estiment que les affères du Roy +d'Espaigne demeurent si establys en ses pays qu'il n'a +rien plus à fère meintennant que se rescentyr de l'injure, +qu'ilz luy ont faicte et à ses subjectz, ainsy que le duc +d'Alve semble d'en avoir l'apareil tout prest; et encores +sur la paix de vostre royaulme, laquelle, de tant qu'ilz la +tiennent desjà comme conclue, sans qu'ilz s'en soyent +meslez, ilz craignent que Vostre Majesté se veuille de +mesmes conduyre meintennant en icelle vers eulx, comme +ilz se sont assés mal déportez vers vous durant la guerre; +mais principallement sur la division et mal contantement +de leurs propres subjectz, d'où ilz prévoyent que, s'il n'y +est, devant toutes aultres choses, pourveu, ce sera de là +que leur viendront les plus dangereuses guerres et les plus +grandes difficultez dont, de tant que la Royne leur Mestresse +s'oppose toutjour bien fort aulx moyens, qu'on luy +<span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span> +met en avant, qui tendent ou à la guerre ou à la despence; +après avoir bien longuement débattu toutes ces matières, +ilz luy ont enfin conseillé que, d'ung costé, elle veuille +mettre le duc de Norfolc hors de pryson, et que, par sa +liberté et par l'ayde qu'il luy pourra fère, elle se tirera +ayséement hors des plus apparans dangiers; et dresser, +de l'aultre, tout promptement une bonne armée de mer, +qui serviroit de remédier à tout le reste, sans regarder de +si près à la despence, qu'elle y pourra fère, qu'elle ne regarde +encores plus à la conservation de son estat et à +l'honneur et grandeur de sa couronne.</p> + +<p>Sur laquelle leur résolution s'estant la dicte Dame assés +collérée contre ceulx, qui l'avoient faicte estre jusques icy +trop rigoureuse contre le dict duc, leur a respondu qu'elle +estoit contante de prendre bientost ung bon expédiant +avecques luy, qui ne viendroit toutesfoys ny d'aulcun +d'eulx, ny de toutz ensemble, et dont il n'en auroit à remercyer +que elle seule; et quant à dresser une armée, +qu'elle ne se vouloit opposer à leur conseil, mais seulement +les prier qu'ilz advisassent de n'entreprendre rien +qui ne fût bien nécessaire, et qui ne la mist en plus de +peyne qu'elle n'est. Dont, tout sur l'heure, les commissions +ont esté dépeschées, telles que j'ay cy devant mandées +à Vostre Majesté: de dresser une armée royalle de +toutz les grandz navyres de la dicte Dame et de bon nombre +d'aultres vaisseaulx particulliers, et de lever quatre mil +maryniers, et tenir prestz huict mil hommes de pied et deux +mil chevaulx; dont, quant aulx navyres et hommes pour +mettre dessus, qui sont maryniers et soldatz tout ensemble, +cella s'exécute en toute dilligence; et, dans le x<sup>e</sup> du prochain, +j'entendz qu'il sortyra en mer sept grandz navyres +<span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span> +des premiers prestz, les meilleurs à la voyle, avec douze +centz hommes dessus, et les aultres suyvront après, à la +mesure qu'on les aura fornys d'hommes et de vivres; car, +ilz ont desjà tout leur aultre apareil et fornyment. Mais, +quant aulx huict mil hommes de pied et deux mil chevaulx, +l'on ne se haste encores de les fère marcher.</p> + +<p>Or, en ce mesmes conseil, a esté advisé de renvoyer +devers le duc d'Alve maistre Fyguillem, bourgeois de +ceste ville, l'ung des commissaires des prinses, par prétexte +de luy aporter une honneste responce sur l'accord +de leur différandz, comme ceste Royne le prye d'y vouloir +entendre en quelque bonne sorte, et qu'elle est contante +de reffère le nombre des merchandises et tout ce qui +en est dépéry et descheu, despuys le premier inventoire qui +en fut faict; ce que n'estant encores aprochant de la satisfaction, +parce que le dict inventoire ne contient guières bien +le tiers des dictes merchandises, ny que celle moindre partie +des deniers qui estoit ez quaysses merquées pour le +Roy d'Espaigne, j'ay bien pensé qu'il n'y alloit que pour +descouvrir l'intention du dict duc, et à quoy tandoit son +armement, et quelles pratiques menoient les Anglois catholiques, +qui ont naguières passé d'Escoce et d'icy devers +luy. Tant y a, Sire, que, nonobstant cest argument, +lequel m'a bien faict juger qu'en leur faict y avoit plus de +peur que d'entreprinse, voyant néantmoins que leur appareil +estoit tel qu'il le falloit avoir suspect, mesmes que +nul ne me sçavoit asseurer au vray de l'occasion d'icelluy, +et qu'ilz ne cessoient de tretter toutjour d'accord avec le +duc d'Alve, j'ay pensé qu'il estoit expédiant de les fère +parler; dont ay suplié la dicte Dame et iceulx seigneurs +de son conseil que, de tant que j'avois à vous donner adviz +<span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span> +de leur armement, il leur pleust m'advertyr comme ilz +desiroient que je le vous escripvisse, affin d'évitter que, +pour la jalouzie que vous en pourriez avoir, vous ne leur +en fissiez prendre une aultre en vous armant de vostre +costé.</p> + +<p>A quoy ilz m'ont respondu que je sçavois bien que le +duc d'Alve faisoit une bien fort grande armée de mer, et +encor qu'il leur eust notiffié par l'ambassadeur de son +Maistre, qui est icy, et encores faict dire à Mr Norrys par +celluy qui est en France, que c'estoit seulement pour conduyre +la Royne d'Espaigne et non pour occasion quelconque, +d'où ilz deussent prendre tant soit peu de deffiance +de luy, que néantmoins la dicte Dame luy avoit bien vollu +dépescher ung messaigier pour l'advertyr qu'elle estoit +dellibérée de mettre aussi ses navyres en mer, avec sept +ou huict mil hommes dessus, pour accompaigner la dicte +Royne d'Espaigne, sa bonne sœur, tout le long de la mer +de son royaulme, avec commandement à son admyral, +lequel yroit luy mesmes en l'armée, de la recepvoir, honnorer +et bien tretter en toutz ses portz et hâvres, où luy +viendrait à playsir de descendre et prendre terre: dont +me prioient d'asseurer Vostre Majesté que, sur leur vie +et honneur, il n'y avoit aultre chose; et que le dict sieur +Admyral ne bougeroit que la responce du dict duc ne fût +arrivée. Bien me vouloient dire que aulcuns de leurs rebelles +trettoient en secrect et ouvertement avecques le dict +duc, et que les Escossoys se vantoient aussi qu'ilz auroient +bientost ung secours de Flandres; dont se vouloient trouver +prestz à tout besoing.</p> + +<p>Voylà, Sire, ce qu'ilz m'ont dict, et en quelle façon +ils se sont descouvertz de la légation du susdict Figuillem, +<span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span> +qu'ilz avoient toutjour tenue fort secrecte; et comme, +soubz démonstrations honnestes, ilz se pourvoyent contre +les malles intentions les ungs des aultres. Je observeray le +progrez de leurs actions, du plus près que je pourray, pour +vous en donner toutjour les plus seurs adviz qu'il me sera +possible; et sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxx<sup>e</sup> jour de juillet 1570.</span></p> + +<h2 class="p4">CXXV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">VI</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Mr de Poigny.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Visite de Mr de Poigny à la reine d'Écosse.—Audience de congé lui est donnée +par la reine d'Angleterre.—Heureux effet de son voyage.—Meilleur +traitement fait à Marie Stuart et au duc de Norfolk, à qui il est permis de +sortir de la Tour pour être gardé chez lui.—Remontrances de l'ambassadeur +à Élisabeth sur les nouvelles entreprises faites contre l'Écosse.—Excuses +données par la reine.—Résolution prise de signifier le traité aux +deux partis en Écosse.—Continuation des armemens maritimes en Angleterre.—Déclaration +du duc d'Albe à M<sup>e</sup> Fuyguillem envoyé vers lui +par Élisabeth.—Arrivée à Londres d'un député de la Rochelle.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, après que Mr de Poigny a heu satisfaict à la visite, +que Vostre Majesté luy avoit commandé vers la Royne +d'Escoce, par l'espace de quatre jours, qu'il luy a esté permiz +d'estre auprès d'elle, avec ung infiny contantement et +très grande satisfaction de la dicte Dame, il s'en est retourné +par deçà; et estant icy, nous avons ensemble considéré +que, puisqu'il estoit contrainct de se déporter du surplus +de son voyage en Escoce, parce que la Royne d'Angleterre +ne le trouvoit bon, et que les commissaires escossoys +n'estoient point arrivez, qu'il estoit expédiant +qu'il ne temporisât plus en ce lieu; dont sommes allez, le +<span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span> +ıııȷ<sup>e</sup> du présent, trouver la dicte Dame à Cheyneys, où +elle est encores. A laquelle le dict S<sup>r</sup> de Poigny a faict entendre, +bien à propos, les choses qu'il avoit veues et +aprinses de l'estat de la Royne d'Escoce, et de sa santé, et +aussi de son estroicte garde, et d'aulcunes aultres particullaritez +de ses affères, luy incistant bien fort de luy vouloir +ottroyer ung peu plus de liberté qu'elle n'a; et luy ayant +au reste ramentu de rechef les principaulx poinctz de sa +charge, avec offre de passer encor en Escoce, s'il estoit +besoing, pour disposer ces seigneurs de dellà à la continuation +du tretté, la dicte Dame luy a faict plusieurs diverses +responces ès quelles, sans luy reffuzer ny accorder +aussi tout ce qu'il demandoit, sinon touchant aller en Escoce, +qu'elle luy a bien ouvertement dényé, elle a monstré, +au reste, qu'elle vouloit beaucoup defférer à Vostre +Majesté; et, après qu'avec de bien honnestes répliques, +il a heu tiré d'aultres secondes et meilleures responces de +la dicte Dame, il a prins congé d'elle. Dont, de tant, Sire, +que Vostre Majesté entendra mieulx au long et par ordre +de luy, que ne feroit par ma lettre, tout ce qui s'est passé +en son audience, et ce qu'il y a proposé, ensemble ce qu'il +y a obtenu, et ce que la dicte Dame l'a prié de vous dire, +je me déporteray de vous en toucher icy plus avant, si +n'est pour vous dire, Sire, qu'encor qu'il ne vous raporte +résolution de toutes choses, son voyage ne laisse pourtant +d'estre et bien utille, et heureux, puisque par icelluy est +advenu que ceste Royne a commancé de se modérer tant +envers la Royne d'Escoce qu'elle l'a layssée visiter de +vostre part et luy a eslargy ung peu sa liberté; et qu'en +mesmes temps le duc de Norfolc, qui estoit en pryson, a +esté remiz en sa mayson, bien que ce soit encores soubz +<span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span> +quelque garde; qui sont tout présaiges de quelques bon +succez ez aultres affères de la dicte Dame.</p> + +<p>Or de ma part, Sire, ayant heu à remercyer la dicte +Dame de la déclaration qu'elle m'avoit mandé fère, que +son armement n'estoit aulcunement dressé ny contre Vostre +Majesté, ny contre vostre royaulme, et de ce qu'elle +avoit monstré se resjouyr infinyement de la nouvelle, que +je luy avois faict entendre, qu'on tenoit en France la paix +pour faicte; et que sur le dict armement elle m'a heu confirmé +le mesmes, adjouxtant que c'estoit le duc d'Alve et +non Vostre Majesté qui avoit à se doubter d'icelluy, et +qu'avec plusieurs parolles, et par tout aultre semblant, elle +a exprimé ung très grand désir à la dicte paix, et luy tarder +beaucoup que je la luy puysse bien asseurer de vostre part, +j'ay tiré le propos à luy parler des choses que nous avions +entendu d'Escoce: comme pour empescher l'effect de l'accord, +qui estoit tant bien commancé, l'on avoit trouvé +moyen de retarder Mr de Leviston (qui l'alloit notiffier +aulx seigneurs d'Escoce) vingt deux jours en la frontière +de deçà, et despuys, estant passé en celle de dellà, les +adversaires de la Royne d'Escoce ne permettoient qu'il +passât oultre pour acomplyr sa légation; que cependant +le comte de Sussex avoit envoyé solliciter ceulx du party de +la Royne d'Escoce de poser les armes, d'abandonner les +rebelles angloys, de ne recepvoir les estrangiers, et de casser +les proclamations, qu'ilz avoient faicte de l'authorité de +leur Royne, pour remettre le faict du gouvernement du +pays en tel estat que le comte de Mora l'avoit layssé; +et que, pendant que la dicte Dame se prenoit bien +asprement à la Royne d'Escoce de ce que ses fuytifz +trouvoient faveur et retrette en son pays, c'estoient les +<span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span> +mauvais subjectz de la Royne d'Escoce qui avoient relevé +une forme d'authorité, en tiltre de régent, contre et au +préjudice d'icelle en son royaulme, soubz l'adveu et protection +des lettres de la dicte Royne d'Angleterre, qui avoient +esté leues publiquement en l'assemblée, y assistant maistre +Randolf et son agent par dellà; et que le comte de Lenoz, +à présent créé régent, se vantoit qu'il auroit tout secours +d'elle pour estre meintenu en ceste sienne nouvelle authorité, +et que mesmes le comte de Sussex, en sa faveur, rentreroit +de rechef avecques forces en Escoce, et que l'armée +de mer de la dicte Dame seroit bientost devant Dombertran +pour l'assiéger; dont, de tant que, sur ce que je vous +avois escript et asseuré du contraire, vous aviez contremandé +voz forces, qui estoient toutes prestes en Bretaigne, +et vous estiez venu de toutz ces différantz à ung tretté +d'accord, duquel ne voyez à présent sortyr nul effect, je +ne pouvois, pour ma justification envers Vostre Majesté, +que recourir à la promesse, qu'elle m'avoit faict fère là +dessus par les seigneurs de son conseil, laquelle elle m'avoit +despuys confirmée en parolle de Royne et de Princesse +chrestienne, pleyne de foy et de vérité; et, suyvant +icelle, la suplyer de vouloir demeurer aulx bons termes +du dict tretté et icelluy paraschever, ou bien me dire quelle +satisfaction elle pensoit que j'en debvois donner à Vostre +Majesté.</p> + +<p>La dicte Dame, se voyant fort pressée de ce propos, +et voyant que j'estois adverty de toutes les pratiques qui +se menoient en Escoce, s'est efforcée de leur donner le +meilleur lustre qu'elle a peu, alléguant que ceulx du party +de la Royne d'Escoce, pour avoir de rechef rentré en la +frontière d'Angleterre, et avoir dressé avec milor Dacres +<span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span> +une bien dangereuse entreprinse sur icelle, si le comte de +Sussex ne l'eust descouverte, et pour avoir, en proclamant +l'authorité de la Royne d'Escoce, déclairé ceulx de +l'aultre party rebelles, avoient commancé les premiers +de donner occasion à elle de se départyr du dict traicté, +dont estoit délibérée de ne souffrir plus leurs attemptatz et +de remédier à leurs mauvaises entreprinses.</p> + +<p>Je luy ay répliqué que Vostre Majesté ny la Royne +d'Escoce n'aviez rien innové de vostre part, et qu'on ne +pouvoit prétendre que ceulx du party de la Royne d'Escoce +eussent aussi peu violler le tretté jusques à ce qu'il leur +auroit esté légitimement notiffié; par ainsy, que je incistois +toutjour à l'entretennement et continuation d'icelluy.</p> + +<p>Enfin la dicte Dame, laquelle faict grand fondement de +sa parolle jusques à me dire que si je la trouve jamais +manquer d'icelle, je la veuille estimer indigne que je face +jamais plus nul office de vostre ambassadeur vers elle, et +les seigneurs de son conseil, ausquelz j'ay aussi faict la +mesme remonstrance, m'ont accordé qu'il sera donné +moyen à Mr de Leviston, ou bien à quelque aultre, qui +sera présentement dépesché d'icy, de pouvoir aller seurement +jusques vers le duc de Chastellerault, et vers les +aultres seigneurs du party de la Royne d'Escoce, pour +leur signiffier l'accord encommancé, et les sommer d'envoyer +des depputez pour le continuer et parfaire.</p> + +<p>Cependant, Sire, la dicte Dame continue toutjour son +armement en fort grand dilligence, et n'en remect rien +pour chose que le duc d'Alve luy ayt respondu, lequel +aussi, à ce que j'entendz, a parlé ung peu bien ferme à +maistre Fuyguillem, depputé de la dicte Dame, lequel est +revenu despuys trois jours: c'est qu'il luy a dict qu'il préparoit +<span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span> +son armée de mer pour conduyre seurement la +Royne, sa Mestresse, en Espagne, et que rien n'en estoit +dressé contre les amys et confédérez de son Maistre, mais +bien pour se deffandre et se venger des injures de ses ennemys; +et quant à la pleincte qu'il faysoit que l'ambassadeur +d'Espaigne, icy résidant, avoit donné des saufconduictz +aulz rebelles d'Angleterre pour passer en Flandres; +que le Roy, son Maistre, le chastieroit s'il avait mal faict, +mais que, pour un rebelle anglois qu'il y avoit en Flandres, +il y en avoit cinq centz flamans en Angleterre: au regard +de se contanter de l'accord des merchandises sellon l'inventoire +qui en avoit esté faict, qu'il vouloit de sa part rendre +aulx Anglois tout entièrement ce qu'il leur avoit faict +saysir et arrester, et qu'ainsy entendoit il qu'il fût de mesmes +satisfaict aulx subjectz de son Maistre. Bien m'a l'on +dict qu'il a usé à part d'aultres parolles gracieuses au dict +Fuyguillem, qui les mect en plus grande espérance d'accord +que jamais.</p> + +<p>Il est arrivé, despuys lundy dernier, ung des superintendans +des finances de la Rochelle, nommé le présidant +des comptes de Bretaigne, lequel on dict estre principallement +venu pour trois choses; l'une, pour adviser le moyen +de desdommaiger la Royne d'Angleterre et les siens des +trèze ourques de merchandises d'Espaigne, qui furent, dès +le commencement, menées des portz de ce royaulme à la +Rochelle, et fère pour cella, ou pour recouvrer nouveaulx +deniers, pour du sel et du vin, quelque nouveau contract +entre eulx; la seconde, pour consulter avec Mr le cardinal +de Chatillon des articles de la paix, et les notiffier, de la +part de la Royne de Navarre, à ceste Royne; la tierce, +pour aporter à la dicte Dame quelques adviz et pacquetz +<span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span> +qui la concernent, lesquelz ilz ont surprins quelque part. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce vı<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</span></p> + +<h2 class="p4">CXXVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XI</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Forces de l'armée navale que l'Angleterre vient de mettre en mer.—Crainte +qu'Élisabeth, rassurée contre toute attaque de la part du duc d'Albe, n'emploie +cet armement à une entreprise sur l'Écosse.—État des négociations +au sujet de l'Écosse et de Marie Stuart.—Conclusion de la paix en France.—Nouvelles +de la Rochelle et d'Allemagne.—Exécution de Felton à Londres; +continuation des exécutions dans le Norfolk.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, sellon la bonne communication que j'ay faicte à +Mr de Poigny, pendant qu'avons esté ensemble, de toutes +choses de deçà, dont j'ay peu avoir quelque notice, j'espère +qu'il aura donné bon compte à Vostre Majesté non +seulement de celles là qui s'y mènent ouvertement, mais +aussi d'aulcunes qui se présument, lesquelles ne sont encores +qu'en discours; et pareillement de l'estat où sont demeurées +celles de la Royne d'Escoce, de façon que je n'auray +à toucher icy, sinon de ce qui a succédé despuys son partement; +qui est, Sire, que la Royne d'Angleterre a faict +donner une si grand presse à son armée de mer qu'on l'a +rendue toute preste à sortyr, dans le xx<sup>e</sup> du présent, en +nombre de xxıx de ses grandz navires, bien artillez et bien +garnys de toutes monitions de guerre, et avitaillez pour trois +mois, avec cinq mil cinq centz hommes dessus et son admyral +en personne pour y commander, oultre ung nombre +d'aultres vaysseaulx, que le comte de Betfort faict équiper +en guerre au pays d'Ouest, qui doibvent sortir, soubz la +<span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span> +conduicte de Haquens, et trèze navyres des Françoys et des +Flamans, de la nouvelle religion, qui sont attendans en l'isle +d'Ouyc. Quelcung est revenu de la mer sur un batteau légier, +qui raporte avoir veu, sur la coste de Flandres, envyron +cinquante quatre voyles desjà hors des portz, ce qui +faict davantaige haster ceulx cy en leur entreprinse; et les +seigneurs de ce conseil ont envoyé signiffier, par deux aldremans +de Londres, à Mr l'ambassadeur d'Espaigne qu'il les +veuille venir trouver, à S<sup>t</sup> Auban, à xx mil d'icy, affin de +conférer ensemble; mais ne saichant comme ilz vouldroient +user vers luy, il est en doubte s'il yra.</p> + +<p>Je ne descouvre point encores, Sire, que la dicte Dame +ayt à nul aultre effect entreprins cest armement que pour le +souspeçon du duc d'Alve, et croy, à la vérité, que cella +seul en est la première ocasion; mais, à ceste heure, +qu'elle a faicte la despense, et que le duc luy a en plusieurs +sortes déclairé qu'il ne veult rien entreprendre contre elle, +et aussi n'y a il nul aparance quelconque qu'il soit pour le +fère, ny qu'il divertisse ailleurs son armée qu'à la conduicte +de la Royne, sa Mestresse, tant qu'elle soit du +tout descendue en Espaigne, je crains que la dicte Royne +d'Angleterre employe cependant la sienne contre l'Escoce; +car de la dresser contre la France je n'en ay ny indice ny +sentyment, mais quelcun m'a bien dict qu'on la conseille +de se saysir de Dombarre, et m'a l'on donné adviz qu'elle +a mandé de nouveau au comte de Sussex de tenir mil +cinq centz harquebouziers, six centz corseletz et quatre +centz chevaulx, toutz prestz en la frontière, qui est argument +qu'elle espèreroit, par ce secours de terre, facilliter +l'entreprinse à son armée de mer; et que, par mesmes +moyen, elle satisferoit au comte de Lenoz, lequel luy +<span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span> +ayant demandé une grande provision de deniers pour souldoyer +des Escossoys près de luy, elle luy a respondu qu'elle +ayme mieulx employer son argent à souldoyer des siens +que non d'en acquérryr des estrangiers; néantmoins j'entendz +qu'on l'a tant pressée qu'enfin elle luy a envoyé trois +mil <sup><i>lt</i></sup> d'esterlin, qui est dix mil escuz. De cecy, Sire, et +d'aulcunes conditions assés dures, que la dicte Dame a +naguières proposées, bien qu'en ryant, à Mr l'évesque de +Roz, de vouloir pour sa seurté, en restituant sa cousine, +avoir des ostaiges d'elle, et le Prince son filz, et le chasteau +de Dombertran; et luy ayant le dict sieur évesque +respondu que mal ayséement se pourroit tout cella fère, je +crains que la dicte Dame se veuille pourvoir, de bonne +heure, d'aulcuns aultres moyens bien contraires à celluy du +tretté, que nous avons commancé; mais, nonobstant ceste +démonstration, nous ne layssons de luy incister toutjour +qu'elle doibt demeurer aulx bons termes du tretté, et +icelluy paraschever, sellon qu'elle mesmes a prié Mr de +Poigny de vous asseurer, Sire, que, si la Royne d'Escoce +luy faict de bien honnestes et honnorables offres, qu'elle +procèdera très honnorablement envers elle; et, suyvant +cella, elle nous a despuys baillé ses lettres pour fère passer +sans difficulté milord de Leviston jusques là où le duc de +Chastellerault et les aultres seigneurs du party de la Royne +d'Escoce sont assemblez, affin de leur notiffier l'accord +encommancé, et les sommer d'envoyer des depputez pour +ayder à le conclurre; et, par mesmes dépesche, nous +avons adverty les dicts seigneurs de se donner garde des entreprinses +de deçà. Ceulx qui portent icy bonne affection à +la Royne d'Escoce estiment, Sire, qu'il importe beaucoup +que, en parlant à l'ambassadeur d'Angleterre, et par aultres +<span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span> +démonstrations en Bretaigne, Vostre Majesté face +toutjour cognoistre qu'elle desire secourir et remédier les +affères de la dicte Dame.</p> + +<p>J'entendz que Mr Norrys a escript, du ııȷ<sup>e</sup> du présent, +que la paix estoit desjà conclue dez le premier<a name="FNanchor_13" id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">[13]</a>, et qu'il +restoit rien plus à accorder que quelque formalité sur le +désarmer et sur reconduyre les reytres hors de vostre +royaulme, ce qui faict regarder à plusieurs icy, si Vostre +Majesté vouldra incister plus fort, à ceste heure, au restablissement +des choses d'Escoce, et s'il en pourra bien +sortyr du différant entre la France et l'Angleterre; mais je +leur en oste l'opinion le plus que je puys.</p> + +<p>Le présidant venu de la Rochelle est allé desjà une +foys jusques à ceste court, et m'a l'on dict que, à cause +des adviz et des lettres interceptés, qu'il disoit aporter concernant +ceste princesse, elle l'a vollu ouyr, mais bien fort +en secrect. Les depputez aussi des princes d'Allemaigne +ont esté ouys une foys, et puys se sont retirez à Londres. +Il semble que leur négociation demeure en quelque +suspens par le retour d'ung Oynfild, qui vient freschement +d'Allemaigne, l'y ayant, dez le moy de may, ceste princesse +envoyé pour tretter d'aulcunes choses fort secrectement +avec les dicts princes, et mesmes a heu grande +communication avec l'évesque de Colloigne. La dicte +Dame commance de n'avoir plus si suspecte la diette +d'Espire comme l'on la luy faisoit, puisque le comte Pallatin +y intervient. L'on dict que ung agent du jeune duc +<span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span> +des Deux Ponts est venu poursuyvre icy, contre ceulx de +la Rochelle, le payement d'environ quarante mil escuz, qui +furent trouvez ez coffres du feu duc, son père; lesquelz +monsieur l'Admyral print, avec obligation de la Royne de +Navarre et des principaulx de l'armée, qu'ilz seroient acquittez +contantz en Angeterre. Maistre Felton a esté, +despuys trois jours, exécuté devant icelle mesme porte de +l'évesque de Londres, où il avoit affiché la bulle, ayant +soubstenu toutjour fort opinyastrément que l'interdict du +Pape sur ceste Royne est juste et juridique. L'on continue +aussi les exécutions en Norfolc. La dicte Dame poursuyt +son progrez vers Oxfort, et a vollu que je soys sorty de +Londres, à cause de la peste, pour pouvoir plus librement +négocier avec elle. De quoi, Sire, et du desloignement de +sa court, je crains demeurer moins bien adverty de +beaucoup de choses au villaige que je n'étois à la ville, +mais j'y mettray toutjour la meilleure dilligence que je +pourray. Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xı<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</span></p> + +<p class="blockquote">J'ay faict courir après ce pacquet, qui estoit desjà dépesché dez +le matin, pour y adjouxter la réception de voz lettres du ıııȷ<sup>e</sup> du présent, +qui m'ont esté rendues par mon secrétaire, avec la bonne et +desirée nouvelle de la paix; sur laquelle, après avoir remercyé Dieu, +et, de rechef, de tout mon cueur très humblement baysé les mains +de Vostre Majesté, j'en yray demain fère la conjoyssance à ceste +Royne, laquelle, à ce que j'entendz, dépesche ung gentilhomme en +France, mais ne sçay encores sur quelle occasion.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIIII</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.—</p> + +<p class="center" >(<i>Envoyée exprès jusques à Calais, par Bordillon.</i>)</p> + +<p class="hangin indent">Résolution prise par la reine d'Angleterre d'envoyer Walsingham en France.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, il y a trois jours que la Royne d'Angleterre avoit +dépesché le S<sup>r</sup> de Valsingan pour aller fère aulcuns offices +vers Vostre Majesté, et pour les fère en une façon, +si la paix estoit faicte, et en une aultre, s'il trouvoit +qu'elle fût encores à fère; dont, à ceste heure, que j'ay +envoyé demander audience à la dicte Dame pour la luy +aller annoncer, toute bien faicte et bien conclue, elle m'a +mandé que je seray le très bien venu avec ceste très +bonne nouvelle, et qu'elle a desjà expédié ung sien gentilhomme +en France pour vous en aller fère la conjouyssance +de sa part; en quoy je vous suplie très humblement, +Sire, lui agréer, et gratiffier en toutes sortes ceste sienne +bonne et prompte démonstration, ainsy qu'elle s'atend +bien que, pour avoir toutjour ouvertement déclairé qu'elle +la desiroit, et pour s'estre offerte de s'employer à la fère, +et mesmes pour avoir, durant la guerre, rejetté toutes +les persuasions qu'on luy a données de se déclairer de l'aultre +party, et avoir encores, sur le pourparlé de paix, +procédé en sorte qu'elle veult bien estre veue d'avoir aydé +en quelque chose à la conclurre, elle se répute avoir +grandement mérité de vostre amytié. Et j'entendz, Sire, +que, par mesmes moyen, elle vous fera tenir quelque propos +du faict d'Escoce, estant le dict de Valsingan principallement +<span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span> +envoyé pour notter et comprendre, aultant qu'il +luy sera possible, à quoy, après ceste paix, va l'intention +de Vostre Majesté, tant sur les choses qui ont passé du +costé de ce royaume durant la guerre, que pour voir en quoy +vous persévérez touchant celles du dict pays d'Escoce et +touchant la Royne d'Escoce, vostre belle sœur; dont j'estime, +Sire, que le plus de faveur et de grattiffication que +pourrez monstrer sur celles premières, et plus de fermeté +et persévérance ez aultres, sera ce qui plus donra d'accommodement +à vostre service et plus de réputation à voz affères +de deçà. Icelluy Valsingan est tenu icy pour bien habille +homme, fort affectionné à la nouvelle religion, et très confidant +du secrétaire Cecille; qui va desjà fère ung commencement +d'essay en la charge que, à mon adviz, l'on +luy a désignée d'ambassadeur ordinaire vers Vostre Majesté +après Mr Norrys. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xıv<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p> + +<h2 class="p4">CXXVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par l'homme du S<sup>r</sup> de Valsingan.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Communication officielle donnée par l'ambassadeur à Élisabeth +de la conclusion de la paix en France.—Contentement manifesté par la +reine de cette nouvelle.—Vives démonstrations en faveur du roi.—Promesse +de la reine de hâter la conclusion du traité avec Marie Stuart.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, le jour de la my aoust, j'ay esté porter la certitude +de la paix de vostre royaulme à la Royne d'Angleterre, à +Penleparc, qui est trente deux mil loing de Londres; laquelle +<span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span> +a monstré non seulement de la bien recepvoir, mais +d'en vouloir caresser et honorer la nouvelle, ayant faict +parer sa court, et estant elle mesmes parée et merveilleusement +bien en poinct; et m'a, à l'arrivée et au retour, +faict mieulx recueillyr et accompaigner que de coustume, +et encores me reconvoyer par des gentilshommes exprès +une grand partie du chemyn, de sorte qu'elle et les seigneurs +de son conseil, vers lesquelz j'ay faict aussi la conjoyssance +de vostre part, n'ont rien obmiz de ce qui se +peult monstrer d'extérieur pour donner entendre qu'ilz ont +ung très grand plésir de cet accord. Mais, pour descouvrir +quelque chose de l'intérieur, j'ay dict à la dicte Dame, en +luy présentant les lettres et recommandations de Voz Majestez, +que Dieu vous avoit faict la grâce de vous donner +la paix avecques voz subjectz; et qu'aussitost que vous +l'aviez peu conclurre vous luy en aviez faict la première +part, affin de luy advancer, devant les aultres princes, voz +alliez et confédérez, l'ayse et le playsir que vous estimiez +qu'elle en recepvroit, parce que, plus que nul de tous eulx, +elle avoit toutjour monstré de la desirer, et mesmes de se +vouloir employer à la fère; dont cecy luy estoit ung très +asseuré tesmoignage que vous n'en avez miz rien en oubly, +et que vous luy rendrez la tranquillité de vostre royaulme +aultant utille, comme elle avoit toutjour faict paroistre +qu'elle l'auroit très agréable.</p> + +<p>La dicte Dame, usant de toutes les démonstrations d'ayse +et de contantement qu'il est possible, m'a respondu qu'elle +ne pouvoit assés à son gré vous remercyer de la faveur, que +luy aviez faicte, de luy advancer ceste bonne nouvelle de +vostre paix, ny assés s'en conjouyr avecques Voz Majestez; +et que n'ayant heu moindre desir que vous mesmes de la +<span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span> +voir bien succéder, ainsy que sa conscience l'en faisoit, à +ceste heure, estre bien fort contente, et que la certitude +s'en pouvoit encores vériffier par lettres et tesmoings, elle +ozoit bien esgaller l'ayse qu'elle recepvoit d'en entendre la +conclusion, à celluy que Vostre Majesté et la Royne, vostre +mère, et Messieurs vos frères, voyre quel que soit de voz +propres subjectz, en pouviez avoir; ce que estant bien +conféré avec le peu de desir que vous sçavez que les aultres +princes en avoient, elle vous layssoit à juger si une première +conjouyssance ne lui en estoit pas deuhe, et pourtant +que vous ne doubtissiez qu'elle ne la receust avec trop +plus d'abondance de playsir et d'affection, qu'elle ne le +pouvoit, par parolle ny par nulle aultre démonstration, bien +exprimer; seulement elle prioyt Dieu de la vous fère, et à +voz subjectz, très longuement et heureusement jouyr; et +qu'encor qu'on luy eust vollu imprimer que vostre paix luy +seroit ung commancement de guerre, et que vous vous +layrriez aisément aller à l'instigation, que ses ennemys +vous feroient, de la luy commancer sinon directement, au +moins par moyens indirectz de la Royne d'Escoce, qu'elle +ne le se vouloit toutesfoys persuader; et vous pryoit, de +tant que vous estiez sur le poinct de vous former une inpression +d'amytié ou d'ayne pour l'advenir, que vous vollussiez +retenir elle et son royaulme, qui ne sont pas des +plus grandz mais non aussi des moindres, au mesmes degré +d'amytié qu'elle veult droictement persévérer vers vous et +le vostre; et que, ayant auparavant proposé de vous dépescher +le S<sup>r</sup> de Valsingan, affin qu'il servyst à quelque bon +effect entour la conclusion de la dicte paix, elle l'y feroit +encores plus vollontiers passer, à ceste heure qu'elle estoit +conclue, pour non seulement vous en aller fère la conjoyssance, +<span class="pagenum"><a id="Page_278"> 278</a></span> +mais vous remercyer infinyement de celle que vous +luy en aviez desjà faicte.</p> + +<p>Je n'ay failly là dessus, Sire, d'user des meilleurs et +plus convenables propos, que j'ay peu, pour mettre la dicte +Dame en grande confiance de Vostre Majesté et de vostre +royaulme; et, après avoir touché quelque mot du commandement, +que me feziez, d'avancer toutjour les affères de +la Royne d'Escoce; à quoy elle m'a respondu en très bonne +façon et avec nouvelle promesse d'y procéder du premier +jour, sellon qu'elle avoit bonnes nouvelles que les seigneurs +escossoys des deux costez s'y vouloient disposer, elle m'a +licencié avec tant de bonnes paroles et démonstrations de +son contantement, et de vouloir donner toute satisfaction à +Vostre Majesté, que je craindrois d'en diminuer la meilleure +part, si je m'esforcoys de le vous vouloir davantaige exprimer: +dont la layrray à tant jusques à la prochaine dépesche +d'ung des miens, que j'envoyeray bientost devers Vostre +Majesté, par lequel je vous feray amplement entendre toutes +aultres choses. Et seulement, Sire, j'adjouxteray à ce +pacquect la lettre, que la dicte Dame vous escript, oultre +celles qu'elle a baillé au dict Valsingan pour Voz Majestez, +lequel est desjà dépesché, et avecques luy le sir Henry Coban +pour aller saluer, de la part de ceste Royne, la Royne +d'Espaigne au Pays Bas; et croy qu'il passera jusques à +Espire devers l'Empereur. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvııȷ<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, j'obmetz, tout à esciant, d'escripre à Voz +Majestez par ceste dépesche beaucoup de propos, qui ont +<span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span> +esté tenuz entre la Royne d'Angleterre et moy en ceste +dernière audience, pour les vous mander cy après plus +expressément par ung des miens; et suffira, s'il vous playt, +Madame, que, en ceste cy, je vous dye, sur la nouvelle +que j'ay annoncée à la Royne d'Angleterre de la paix de +vostre royaulme, qu'il ne se peult exprimer ung plus grand +ayse que celluy que, en parolle et en semblant, elle a +monstré d'en recepvoir; et croy que, sans la crainte des +choses d'Escoce, que son cueur aussi s'y conformeroit. +J'entendz qu'elle a prins quelque souspeçon de ce que les +depputez des Princes n'ont faict rien entendre de ceste dernière +conclusion à son ambassadeur, comme ilz avoient faict +les aultresfoys; au moins n'en avoit il encores rien escript à +la dicte Dame, quant j'ay esté devers elle, laquelle en +estoit mal contante; et discouroient quelques ungs là dessus +qu'il y pourroit bien rester encores quelque difficulté: tant +y a que les choses d'icy ne layssent pourtant de prendre +aultre forme, sur ce que je leur en ay desjà dict, mesmes en +l'endroict de l'ambassadeur d'Espaigne, auquel aultrement +l'on estoit prest de fère piz que jamais. J'espère qu'il en +réuscyra aussi de l'utillité à vostre service. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvııȷ<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXI</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Guilliaume Beroudier.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Rapport de ce que l'ambassadeur a pu savoir des instructions données +à Walsingham.—Conclusion définitive de la paix de France.—Instance +de l'ambassadeur pour que le roi se prononce avec fermeté sur les +affaires d'Écosse.—Effet produit en Angleterre par l'assurance que la paix +est définitivement signée en France.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ceste bien asseurée confirmation de la paix, qui +m'est venue par les lettres de Vostre Majesté du xı<sup>e</sup> du +présent, avec les articles d'icelle, qu'il vous a pleu par +mesme moyen m'envoyer, ont miz la Royne d'Angleterre +et ceulx de son conseil hors de tout doubte qu'elle ne soit +à présent bien conclue et arrestée; car, parce que Mr Norrys +leur avoit escript que, de vostre costé, Sire, elle estoit +bien signée, mais qu'elle restoit à signer par Messieurs les +Princes et Admyral, et que Mr le cardinal de Chatillon n'en +avoit encores nulles nouvelles, aussi que de dellà l'on mandoit +que aulcuns s'y opposoient, et que le parlement de +Paris ne la vouloit en façon du monde recepvoir, plusieurs +ont estimé que la matière estoit encores bien acrochée; +et le S<sup>r</sup> de Valsingan mesmes, quant il m'est venu dire +adieu, n'a sceu tenir son langaige si mesuré qu'il n'ayt +assés monstré qu'il estoit dépesché sur telle opinion. Et +j'ay despuys entendu que, l'ayant la dicte Dame faict arrester, +lorsque je la suys allé trouver, jusques après qu'elle +m'auroit ouy, aussitost qu'elle a comprins par mon récyt +que les depputez estoient de rechef renvoyez avec les dicts +articles vers les Princes, elle l'a soudain faict partyr, sur +<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span> +la mesme dépesche qu'elle luy avoit desjà baillée, luy mandant +qu'il n'estoit besoing d'y rien changer.</p> + +<p>Or, Sire, ce que j'ay peu descouvrir de sa charge est +qu'ayant ceste princesse l'esprit fort agité de tant de deffiances, +que je vous ay cy devant mandées, et se trouvant +mal satisfaicte de ce que ceste dernière conclusion de paix +s'est menée si estroictement que son ambassadeur a souspeçonné +y debvoir avoir des conventions qui la touchoient, +puysqu'on les luy tenoit secrectes, elle a advisé d'envoyer +cestuy cy tout exprès par dellà affin que, trettant avec ceulx +de l'ung et l'aultre party, il puysse juger de quelle disposition, +après la dicte paix, se trouvera Vostre Majesté et +vostre royaume vers elle et le sien, avec commandement +d'accommoder son parler à l'estat où il verra que les choses +seront, et de se conduyre néantmoins en ce qu'il aura à +négocier avec ceulx de la nouvelle religion, sellon certain +règlement qui a esté arresté avec les depputez, qui sont +icy, des princes d'Allemaigne, et dont l'ung d'eulx est allé +avecques luy; et de mesler, à ce que j'entendz, parmy l'aparance +d'exorter ceulx de la dicte religion à vostre obéyssance, +qu'ilz veuillent bien regarder à l'establissement de +ce qui leur sera promiz pour l'exercice d'icelle et pour +l'establissement de la paix, et que, en ces deux choses, elle +et les dicts princes ne sont pour les habandonner jamais, +comme ilz ont encores tout présentement et auront toutjour +toutes choses bien prestes pour les secourir; leur remonstrant +aussi qu'ilz n'ont assés bien faict leur debvoir +d'avoir obmiz, en l'instruction qu'ilz ont donnée à leurs +depputez pour fère ce tretté, laquelle a esté envoyée icy +de la Rochelle, et traduicte incontinent en anglois et imprimée +à Londres, de n'y avoir faict quelque honnorable +<span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span> +mencion d'elle et du bon reffuge qu'ilz ont trouvé en son +royaulme, avec d'aultres particularitez que je suys bien +ayse qu'elles n'arrivent qu'après la paix faicte; car possible +n'eussent elles de guières servy à la conclurre.</p> + +<p>Et au regard de Vostre Majesté, j'entans, Sire, que +sa commission porte que, au cas qu'il trouve les choses +non encores bien accordées, qu'il vous offre toutz les +moyens et offices, qui seront cognuz pouvoir procéder +d'elle, pour vous ayder à les accorder avec vostre grandeur, +réputation et advantaige; mais s'il trouve la paix +desjà conclue, ainsy que, grâces à Dieu, elle l'est, qu'il +vous en face la meilleure et plus expresse conjoyssance +qu'il pourra, et qu'il vous exorte, Sire, à l'entretennement +et observance d'icelle, avec offre de tout ce qui est +en la puyssance de la dicte Dame pour vous assister contre +ceulx qui la vous vouldroient traverser ou empescher; et vous +prier, au reste, de ne vous laysser jamais persuader du contraire, +car vous ayant elle jusques icy gardé ce respect +d'avoir rejetté toutes les très véhémentes persuasions qu'on +luy a données de se déclairer contre vous, elle proteste +que, par cy après, elle ne le pourra plus fère; et que, si +vous entreprenez la guerre contre la religion d'où elle est, +qu'elle employera toutes ses forces, son estat et sa couronne +à la deffance, faveur et protection d'icelle; et qu'elle +entrera en la ligue des princes protestans contre Vostre +Majesté, ainsy qu'ilz ont encores icy à ceste heure leurs +ambassadeurs pour l'en solliciter; et avec charge aussi +au dict Valsingan de vous fère entendre, de la part de la +dicte Dame, touchant la Royne d'Escoce, qu'elle ne luy +veult aulcun mal, ny veult en façon du monde procurer sa +ruyne, que seulement elle cerche de s'asseurer des guerres +<span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span> +et dangiers, qui luy ont esté toutjour imminentz du costé +d'elle et de son royaulme, chose qu'elle estime que ne +debvez trouver mauvaise; et qu'encores, pour l'amour de +Vostre Majesté, sera elle contante d'user si honorablement +vers la dicte Dame, que ung chacun jugera qu'elle +luy aura la plus grande de toutes les obligations, qu'elle ayt +jamais heue à personne de ce monde.</p> + +<p>Qui est tout ce, Sire, que j'ay aprins de la dépesche +du dict Valsingan, et ne sçay encores s'il y a heu rien de +plus ou de moins, ou de changé despuys; dont je suplie +très humblement Vostre Majesté de gratiffier si bien à la +dicte Dame ses bonnes parolles que ses intentions en puyssent +toutjour devenir meilleures, car aussi estime elle vous +avoir beaucoup obligé de ne vous avoir faict sentyr tant +de mal et d'empeschement, de son costé, comme l'on l'a +bien incitée et conseillée de vous en fère.</p> + +<p>Au regard, Sire, des choses d'Escoce, encores que la +dicte Dame ayt, de rechef, très expressément donné parolle +à Mr de Roz de procéder au tretté, aussitost que les +depputez d'Escoce seront arrivez, car plustost n'y veult +elle nullement entendre; néantmoins, de tant que je suys +seurement adverty que le comte de Sussex, lequel a encores +des forces en la frontière, et le secrétaire Cecille +mènent des pratiques, et croy que [c'est] sans le sceu de la +dicte Dame, pour tirer la matière en longueur et pour fère +rentrer de rechef les Anglois en Escoce au secours du party +du régent, qui se trouve le plus foible; il sera le bon +playsir de Vostre Majesté d'en parler en telle sorte aulx +ambassadeurs de la dicte Dame qu'ilz cognoissent que vous +incistez, Sire, très fermement à la continuation et accomplissement +du tretté et à l'entretennement de ce qui en est +<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span> +desjà arresté; ou autrement que vous n'estes pour manquer +de secours à ceulx de voz allyés qui ont recours à +vostre protection, et faveur. Et sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxı<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, ce peu de temps qui a passé, despuys la première +nouvelle de la conclusion de la paix, laquelle Voz +Majestez m'escripvoient du ıııȷ<sup>e</sup> du présent, jusques à la +confirmation que j'en ay présentement reçeue, qui n'est que +six jours entre deux, nous a donné à dicerner ceulx +qui desirent icy véritablement la paix de vostre royaulme, +et l'establissement de vos affères, d'avec ceulx qui n'en +cerchent que le perpétuel trouble et la diminution de vostre +grandeur; et n'en est l'affection de la religion aulcunement +la reigle, car plusieurs catholiques et plusieurs protestans +meslez ensemble, bien que par divers respectz, +monstrent d'en estre très marrys, et de mesmes plusieurs +des deux partys s'en réjouyssent conjoinctement; mais ceulx +sur toutz, ès quelz gist toute l'espérance de la religion catholique +en ce royaulme, en font une très solemnelle resjouyssance, +et desirent la conservation de vostre couronne, +et croyent et espèrent que d'icelle a de procéder la réunyon +de l'esglize et le restablissement de la religion catholique +en ceste mesmes isle, aussi bien qu'en tout le reste +de la Chrestienté, par les moyens que Dieu vous inspirera, +plus qu'aulx aultres princes chrestiens, puysque à vous, +plus qu'à eulx toutz, il vous a faict sentyr combien en est +dangereuse et pleyne de toutz maulx la division.</p> + +<p>Les Huguenotz, qui estoient par deçà, commancent de +n'y estre plus si bien veuz qu'ilz souloient, et n'y peuvent +<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span> +désormais vivre sans soupeçon. J'entendz que ceulx, qui +estoient pirates, se vont peu à peu retirant, et Clément +Joly, ayant réduict tout son équipage à deux bons navyres, +s'en va avec Haquens, qui dresse une flotte pour retourner +aulx Indes. Ceulx cy ont desjà miz dehors six de leurs +grandz navyres, soubz la conduicte de maistre Charles Havart, +filz de milord Chamberlan, lequel commandera en +l'armée parce que l'admyral est mallade, et y en mettront +encores quatre dans ceste sepmayne, mais ilz ne donnent +grand presse aulx aultres vingt navyres, parce qu'ilz ont +adviz que l'apareil du duc d'Alve ne peult estre prest, jusques +envyron la S<sup>t</sup> Michel, bien qu'ilz sçavent qu'il est +allé desjà recuillyr la Royne, sa Mestresse, à Nimegen. +Maistre Henry Coban s'apreste toutjour pour l'aller saluer, +de la part de ceste Royne, et avecques luy s'en retourne +par dellà le mesmes merchant depputé sur le faict des merchandises, +nommé Fuiguillem, qui en est naguières revenu; +et sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxı<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</span></p> + +<h2 class="p4">CXXX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXVI</span><sup>e</sup> jour d'aoust 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par La Bresle, chevaulcheur.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Assurance de l'ambassadeur que l'armement des Anglais n'est pas dirigé contre +Calais.—Recommandation qu'il fait de se prémunir néanmoins en +France contre toute surprise.—Instance de la reine d'Écosse pour obtenir +du roi un secours efficace; sa conviction qu'Élisabeth ne veut pas +lui rendre la liberté.—Nouvelles des Pays-Bas.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, je n'ay trouvé nouveau l'adviz, qu'on vous a donné, +de l'entreprinse de ceulx cy sur Callais, car je pense en +<span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span> +avoir mandé quasi aultant à Vostre Majesté par le S<sup>r</sup> de +Sabran, sur le commancement de juillet, et vous avoir dez +lors particullarisé quant, commant, et en quel lieu, ilz avoient +proposé de fère leur descente, mais que bientost après ilz +avoient changé de dellibération, parce qu'ilz avoient jugé +que ce seroit attacher une grosse guerre, de laquelle ilz n'avoient +ny rien de bien prest pour la commancer, ny nul moyen +de la meintenir, sinon par noz troubles, lesquelz ilz voyoient +desjà incliner à la paix; et aussi qu'il m'advint lors de toucher +ung mot à quelcun des leurs de ce que j'en avois senty, +et en mesmes temps Mr de Gordan saysyt des armes qu'on +pourtoit à Callais, dont estimèrent que le tout estoit descouvert, +de sorte que leur présent armement ne monstre +qu'il soit à nul aultre effect que pour tenir la mer, sans pouvoir +mettre gens en terre, ainsi que, pour en esclarcyr +davantaige Vostre Majesté, je renvoye ce mesmes courryer +pour vous en aporter l'estat, tel que je l'ay peu recouvrer, +duquel encores il s'en fault beaucoup qu'il soit +ainsy bien prest, comme le dict estat le porte; et ne le +pourront avoir si soubdain faict plus grand, ny levé les gens +de guerre que n'en soyons, de quelques jours devant, advertys. +Néantmoins, Sire, ayant premièrement descouvert +qu'ilz ont heu intention de tenter quelque chose sur le brullant +desir de recouvrer Callais, et les voyant à ceste heure +(bien que pour aultres fins) estre en armes, j'ay adverty +Mr de Gordan, et les aultres gouverneurs de vostre frontière, +de se tenir sur leurs gardes; et ay suplié Vostre Majesté, +comme je la suplie encore très humblement, de leur mander +de rechef qu'ilz ayent à se monstrer si préparez et pourveuz +qu'ilz facent perdre à ceulx cy toute l'ocasion et la +vollonté, qu'ilz pourroient avoir, d'y rien entreprendre.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span> +La Royne d'Escoce renvoye ung serviteur du S<sup>r</sup> Douglas +en France, auquel elle a commiz une dépesche pour +Vostre Majesté; et croy, Sire, qu'elle vous persuade de +tout son pouvoir, que, touchant sa liberté et restitution, +vous ne vous en veuillez plus attandre à ce que la Royne +d'Angleterre vous en fera dire ou promettre, car elle pense +avoir assés d'aparans argumens pour juger que l'intention +de ceulx, qui guydent les conseilz de la dicte Dame, n'est +aulcunement d'y entendre, ains de s'opiniastrer, de plus en +plus, à sa détention et à luy fère perdre son estat; ainsy +que, despuys le commancement du tretté, ilz ont, soubz +main, faict créer le comte de Lenoz régent en Escoce, et +se préparent à ceste heure d'y envoyer gens, argent et +tout aultre secours pour le maintenir; en quoy la dicte Dame +me prie que, quoyque ceulx cy me puissent dorsenavant +alléguer, je ne vous veuille plus entretenir en aulcune espérance +du dict tretté; ains que je vous suplye très humblement, +Sire, d'aller au devant de la malle entreprinse +qu'ilz ont sur elle, premier qu'ilz l'ayent du tout ruynée, et +premier qu'ilz ayent achevé de vous oster une telle allyée, +et l'alliance, et les allyez que vous avez en elle, son +royaulme et ses subjectz. Dont semble bien, Sire, que, +ayant Vostre Majesté porté jusques icy, par voz vertueuses +parolles et bonnes démonstrations, beaucoup de faveur aulx +affères de la dicte Dame, lors mesmes que les vostres sentoyent +plus d'empeschement, que, grâces à Dieu, ilz ne +font à ceste heure, s'il vous playt d'en user meintennant de +semblables, ou ung peu de plus expresses, et les fère +sonner au S<sup>r</sup> de Valsingan, avant qu'il s'en retourne, +qu'elles seront de bien fort grand moment pour meintenir +la cause de la dicte Dame, jusques à ce que y puyssiez, +<span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span> +à bon esciant, adjouxter les effectz. Mais affin, Sire, que +voyez plus clayrement quel il y fera, je vous manderay, +du premier jour, par le S<sup>r</sup> de Vassal, le plus particulièrement +que je pourray, l'estat de toutes choses d'icy, et ce +que la Royne d'Angleterre m'aura respondu sur le faict de +son armement; laquelle je vays présentement trouver.</p> + +<p>Et ne vous diray davantage, Sire, sinon que le jeune +Coban s'apreste toutjour pour passer en Flandres, et ne +me suys trompé du jugement, que j'ay faict, qu'il yra jusques +à Espire, dont je mettray peine d'entendre quelque +chose de sa commission. La nouvelle de la paix de vostre +royaulme a esté utille à l'ambassadeur d'Espaigne; car, +oultre qu'elle est cause qu'on ne l'a resserré, l'on luy a +despuys faict beaucoup de favorables démonstrations. Il est +vray qu'on a envoyé surprendre, jusques dans le port de +Bergues en Flandres, le docteur Estory et ung maistre +Parquer, toutz deux Anglois catholiques, qui estoient là +depputez par le duc d'Alve sur la visite des merchandises +d'Angleterre pour les confisquer, et les a l'on transportez +par deçà, et tout incontinent miz dans la Tour de Londres; +en quoy l'on a manifestement viollé la franchise des +Pays Bas, chose qu'on ne peult croyre que le duc d'Alve +puisse aulcunement dissimuler. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxvı<sup>e</sup> jour d'aoust 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">V</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Vassal.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Plainte de l'ambassadeur au nom du roi, qui est averti que +l'armement de la flotte d'Angleterre est destiné à une entreprise sur Calais.—Vive +protestation de la reine qu'elle n'a jamais eu un pareil projet, +et qu'elle n'a d'autre intention que de repousser les attaques, qui pourraient +être dirigées contre elle.—Demande d'explications sur les armemens +faits en Bretagne.—Débat sur les délais apportés à la conclusion du +traité concernant Marie Stuart.—Nouvelle invasion des Anglais en Écosse. +<em>Mémoire.</em> Discussions des Anglais sur la paix de France.—Leur crainte +qu'une ligue générale ait été formée contre eux.—Changement de conduite +d'Élisabeth à l'égard de l'ambassadeur d'Espagne.—Dispositions +prises pour éviter une attaque de la part du duc d'Albe.—Résolution de +faire sortir la flotte pour rendre honneur à la reine d'Espagne, et se tenir +prête au besoin à livrer bataille.—Négociations d'Élisabeth en Allemagne.—Nouvelles +de la diète.—<em>Mémoire secret.</em> Assurance donnée parle duc de +Norfolk, depuis sa mise en liberté, qu'il reste dévoué à la reine d'Écosse.—Nécessité +d'imposer à la reine d'Angleterre un délai, dans lequel le traité +avec Marie Stuart devra être conclu.—Utilité de faire quelque changement +dans la garnison de Calais.—Projet d'une entreprise du roi d'Espagne sur +l'Angleterre: insistance faite auprès de Marie Stuart pour qu'elle s'abandonne +entièrement au duc d'Albe du soin de sa restitution.—Disposition +d'Élisabeth à renouer la négociation de son mariage avec l'archiduc Charles.—Avis +d'une correspondance entretenue avec l'Angleterre par quelqu'un +qui approche le duc d'Anjou.—Nouvelles répandues à Londres sur +les projets du roi.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, estant la Royne d'Angleterre en une mayson esquartée +dans les boys, à quarante cinq mil de Londres, +qui s'apelle Vuynck, elle m'a mandé dire que, si l'affère +dont j'avois à luy parler estoit hasté, je vinsse prendre ma +part de l'incommodité du lieu où elle estoit; mais, si ce +n'estoit chose pressée, qu'elle me prioyt d'attandre jusques +au vııȷ<sup>e</sup> jour ensuyvant, qu'elle se randroit près d'Oxfort, +<span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span> +en la mayson de Mr de Norrys, qui seroit plus commode. +Et comme elle a entendu que je ne vouloys temporiser, +et que j'estois desjà prez du dict Vuynck, elle a envoyé +trois gentishommes pour me conduyre, non en la mayson +où elle estoit, mais en une fueillée, qui lui estoit préparée +pour tirer de l'arbaleste aulx dains dedans les toilles; auquel +lieu elle est venue bientost après, grandement accompaignée, +où m'ayant, avant descendre du coche, et après +en estre descendue, fort favorablement receu, premier +qu'elle se soit divertye à la chasse, m'a demandé des nouvelles +de Voz Majestez.</p> + +<p>Et parce qu'on m'avoit dict que le S<sup>r</sup> de Vualsingan, +touchant son voyage en France, luy avoit escript qu'il +trouvoit le monde par dellà mal contant de la paix, je luy +ay bien vollu dire, Sire, que Vostre Majesté estoit venue à +Paris en sa court de parlement pour y fère bien recepvoir +les articles de la dicte paix, lesquelz y avoient esté acceptez +avec ung grand consentz de tout ce sénat, et que de +là vous en estiez allé randre grâce à Dieu en la grand esglize +de Nostre Dame, et solemniser la feste de la my +aoust; et que, le soir, estiez allé prendre le souper en l'hostel +de ville, pour mieulx establyr le repoz entre ce grand +peuple, lequel a accoustumé de servyr d'exemple aulx autres +villes voysines; et que vous estiez après à regarder principallement +à deux choses: l'une, de bailler argent aulx reytres +et estrangiers, au premier jour de septembre, affin de +les chasser eulx, et le trouble et malheur, hors de vostre +royaulme; et l'aultre estoit de jouyr heureusement de ceste +paix, premièrement avec voz subjectz, et puys avec les +princes voz voysins, allyez et confédérez, chose qui estoit +bien conforme à ce qu'elle m'avoit prié dernièrement de +<span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span> +vous escripre: (que vous vollussiez conserver l'amytié des +princes voz voysins, comme je la pouvois bien asseurer que +vous la vouliez conserver droicte et entière envers elle, +aultant qu'avec nul prince de vostre alliance); mais qu'il y +avoit ung aultre ambassadeur, lequel je ne cognoissois +point, qui vous avoit advisé, Sire, de penser tout aultrement +d'elle en vostre endroict, et qu'elle avoit fermement +résolu de vous fère bientost la guerre; dont je remercyois +Dieu que la vigillance de celluy là m'eust relevé de la plus +notable infamye, où gentilhomme eust peu tomber, d'avoir +miz mon Roy, Mon Seigneur, et ses affères en ung manifeste +dangier, s'il ne vous eust advisé d'y prendre garde, +et de vous bien deffandre du costé, duquel je m'esforçoys +de vous persuader que vous seriez le moins assailly; bien +que je ne demeurois sans coulpe de m'estre layssé endormyr +par ses bonnes parolles, sur ce que m'aviez commandé +d'avoir les yeulx plus ouvertz, qui estoit l'observance +et l'entretennement des trettez.</p> + +<p>Sur quoy la dicte Dame, pleyne d'esbahyssement, m'a +demandé qui ce pouvoit estre, et que l'infamye tumberoit +plus sur elle que sur moy, et qu'elle espéroit de nous en +descharger si bien toutz deux que la honte en demeureroit +à celluy qui la nous vouloit fère.</p> + +<p>J'ay suyvy à luy dire que je luy en communiquerois, au +long et au plain, tout ce que Vostre Majesté m'en escripvoit, +affin de procéder ainsy clairement vers elle, comme +j'avoys faict jusques icy, et comme je la suplyois de ne +me contraindre d'en user aultrement; car, pour ne le +sçavoir fère, et pour ne mettre, par ma sotise, voz affères +en dangier, j'aymois trop mieulx d'estre révoqué, et +qu'elle me renvoyât d'où j'estois venu.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_292"> 292</a></span> +Dont, luy ayant baillé là dessus la lettre de Vostre +Majesté, avec l'adviz du vııȷ<sup>e</sup> du passé, elle a leu très +curieusement l'ung et l'aultre; et puys, sans avoir guières +pensé, m'a dict qu'elle me feroit en cella une responce +franche et pleyne de vérité: c'est qu'elle prioyt Vostre Majesté +de croyre que l'adviz estoit tout entièrement faulx, +et que, en son armement, elle n'avoit aultre entreprise +que celle, qu'elle m'avoit faict escripre par ceulx de son +conseil, et despuys confirmée de sa propre parolle, qui +est celle, Sire, que je vous ay desjà escripte; et que, +quant il se trouveroit aultrement, elle vouloit que vous la +tinssiez pour descheue du rang de Vostre Majesté, où Dieu +l'a constituée Royne légitime et Princesse chrestienne. Il +est vray que chose semblable, ou peu différante, luy +pouvoit avoir esté offerte, mais non de six mois en ça. +A quoy elle vouhe à Dieu qu'elle n'a jamais vollu entendre, +et ne le fera, soubz tant de bonnes parolles de paix et d'amytié, +comme elle m'a prié vous asseurer de sa part; et +qu'elle vouloit bien dire aussi qu'ayant Vostre Majesté +procédé en bonne façon vers elle sur les affères de la +Royne d'Escoce, qu'elle ne vouldroit que bien user vers +vous, et achever droictement le tretté qui est là dessus +commancé; mais que si, pour l'ocasion de la dicte Dame, +laquelle vous sçavez qu'elle luy tient beaucoup de tort, +vous la vouliez ennuyer, (ainsy que le comte de Betfort luy +avoit escript despuys deux heures, du pays d'Ouest, que +Vostre Majesté avoit douze navyres toutz prestz et garnys +de toutes monitions de guerre à S<sup>t</sup> Malo, pour les passer +en Escoce, et n'attandoit on plus que les gens de +guerre pour les mettre dessus; et que, d'abondant, vous +aviez faict arrester en Bretaigne toutz les navyres anglois +<span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span> +comme en temps de guerre,) qu'elle s'esforceroit de vous +fère tout le pis qu'elle pourroit.</p> + +<p>Je répliquay, Sire, que je mettrois peyne de vous fère +bien entendre sa responce touchant le faict de Callays; et +je la prioys de vous en fère dire aultant par son ambassadeur, +affin que peussiez cognoistre que ce que je vous en +escriprois procédoit de son intention, ce qu'elle m'accorda; +et, quant au reste, je la pouvois asseurer que je ne sçavois +rien de l'apareil de S<sup>t</sup> Malo, mais que je mettrois toutjours +ma vie pour la seurté de la parolle, que vous luy aviez +promise: tant y a que je la suplioys ne trouver mauvais, +si, pour n'estre faulx ny desloyal à Vostre Majesté, je vous +escripvois, touchant le faict d'Escoce, qu'elle nous remettoit +à un tretté, duquel je n'espérois ny fin ny commancement: +car elle n'y vouloit procéder jusques à ce que +les depputez des seigneurs d'Escoce seroient arrivez, et +le comte de Sussex empeschoit qu'ilz ne se peussent assembler +pour en eslire quelques ungs; et que la création +de ce régent, lequel avoit tout incontinent faict pendre +trente trois bons serviteurs de la Royne d'Escoce, et les +aultres rolles qui se jouoyent entre le dict comte de Sussex +et les ennemys de la dicte Dame par dellà, me faisoient +veoir qu'on ne tendoit à rien moins que à la paciffication.</p> + +<p>A cella la dicte Dame m'a respondu qu'il n'y avoit nul +tort de sa part ny des siens, et qu'elle est toute résolue +de procéder au dict tretté, et n'attand sinon une responce +de la Royne d'Escoce, laquelle l'évesque de Roz luy doibt +porter dans deux jours, pour, incontinent après, envoyer +deux de son conseil devers elle affin de tretter ouvertement +de tout ce qu'elles ont à démesler ensemble; et que j'asseure +<span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span> +Vostre Majesté que, s'il y a nul des siens qui veuille +traverser le dict tretté, qu'elle l'en fera amèrement repentyr. +Et m'ayant la dicte Dame tenu plusieurs aultres +fort gracieulx propos, tant du présent des haquenées qu'elle +vous veult fère, que de ce qu'elle a envoyé saluer la Royne +d'Espaigne et l'Empereur, estant venue l'heure de la +chasse, elle print l'arbaleste, et tua six daims, dont me +fit faveur de m'en donner bonne part; et au prendre congé, +me pria très instantment de vous donner toute satisfaction +d'elle sur le faict du dict Callais, et luy procurer pareille +satisfaction de Vostre Majesté sur ce qu'on luy a dict de +S<sup>t</sup> Malo. Sur ce, etc. <span class="i2">Ce v<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</span></p> + +<div class="blockquote"> +<p>Sur la closture de la présente, est venu adviz comme le comte de +Sussex est rentré en Escoce, ainsy que luy mesmes l'a escript. Nous +sommes après, icy, d'en demander réparation, et Vostre Majesté y +pourvoirra, s'il luy playt, par dellà.</p> + +<p class="center"><span class="smcap">OULTRE LE CONTENU DES LETTRES,</span> +le dict S<sup>r</sup> de Vassal dira, de ma part, à Leurs Majestez:</p> + +<p>Qu'on juge icy diversement de la paix de France, car les ungs disent +que le Roy l'a faicte ainsy que monsieur l'Admyral l'a vollue, +luy laissant, après l'avoir veincu, plus d'exercice de sa religion qu'il +n'avoit auparavant, et toulz les estatz et villes qu'il a demandé: les +aultres, au contraire, disent que le dict sieur Admyral s'est layssé aller +aulx promesses du Roy, et qu'il s'est condescendu aulx plus honteuses +et dommaigeables condicions de paix qu'il se pouvoit fère, +ayant layssé perdre les principalles esglizes, que ceulx de sa religion +eussent ez bonnes villes du royaulme, pour se contanter de quelques +meschantz faulxbourgs; et d'avoir soubmiz, de rechef, eulx et leurs +biens aulx parlemens, lesquelz leur sont capitalz ennemys; et d'avoir +accordé au Roy le quint de leur revenu pour payer les reytres, +dont beaucoup de Catholiques et de Protestans estrangiers, et mesmement +ceulx, qui n'ayment ny la grandeur ny l'establissement du +Roy, arguent par là qu'il y doibt avoir quelque secrecte convention +<span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span> +contre les estatz voysins; et descouvrent qu'en leur cueur ilz sont +marrys de la paix de France, et qu'ilz la craignent.</p> + +<p>Mais d'aultres plus modérez, qui en désirent la conservation, jugent +tout librement que nul moyen plus heureux, ny plus prudent, +ny plus conjoinct d'honneur avec proffict, se pouvoit trouver au +monde, que cestuy cy de la paciffication; par laquelle le Roy a regaigné +l'obéyssance de ses subjectz, et eulx la bonne grâce sienne, et +toutz ensemble chassé le trouble et le malheur hors du royaume.</p> + +<p>Et, à ce propos, la Royne d'Angleterre m'a dict que quelquefoys +ung prince pouvoit bien avoir fort bon droict sur un estat, qui pourtant +ne le jouyssoit pas, et que, hormiz le titre, il estoit toutjour en +peyne ou d'en conquerre ou d'en deffandre tout le reste; et par ainsy +que le Roy a conquiz, par ceste paix, le plus beau royaulme de tout +le monde; lequel auparavant il ne possédoit pas, et dont nul aultre +que le sien n'eust peu si longtemps suporter les maulx de la division, +sinon avec la mutation ou avec la ruyne entière de l'estat, dont elle le +conseille de ne le mettre plus en hazard.</p> + +<p>Néantmoins monstrans aulcuns des principaulx du conseil de la +dicte Dame qu'ilz craignent meintennant la dicte paix, ilz donnent à +cognoistre qu'ilz ne la desiroient pas; et mesmes ung, qui sçayt assés +de leurs secretz, a raporté qu'ilz ont dict que, si leur entreprinse de +Picardie n'eust point esté descouverte, et que je n'en eusse rien senty, +ou bien que monsieur l'Admyral eust peu conduyre son armée vers +la frontière du dict pays de Picardye ou Normandie, ilz luy eussent +bien donné moyen d'évitter l'honteuse paix qu'il a faicte.</p> + +<p>Et despuys la conclusion d'icelle, ceulx de ce pays n'usent de si +familière conversation avec les Françoys de leur mesmes religion, +comme ilz faisoient auparavant, et ne leur layssent nulz marinyers +anglois dans leurs vaysseaulx, bien qu'ilz n'en ayent quasi point +d'aultres; et seulement vers Mr le cardinal de Chastillon ilz monstrent +luy porter encores quelque honneur et respect, pour l'obliger +davantaige à estre ministre de conserver la paix entre ces deux +royaulmes.</p> + +<p>Et, encor que de certains propos qu'on leur a faict acroyre, +qui ont esté naguières tenuz près du Roy, au préjudice de ce royaulme; +et de la rescente mémoire de la bulle, avec la division qu'ilz voyent +croistre toutjour parmy leurs subjectz; et de certaine coppie de lettre +qu'ilz pensent avoir recouvert, que le duc d'Alve a escripte à +Monsieur, frère du Roy, pour l'inciter, à ce qu'ilz disent, contre eulx; +et de l'advertissement, qu'ilz ont, que le dict duc pourchasse, envers +<span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span> +l'Empereur, de fère mettre en arrest toutes les merchandises d'Angleterre, +qui sont en Hembourg, pour la réparation des prinses, que +les Anglois ont faictes en mer sur les subjectz de son Maistre, la +dicte Dame et les seigneurs de son conseil soyent entrez en de bien +grandz et divers pensements, néantmoins ilz n'en ont esté guières +esmeuz jusques à la nouvelle de la paix; mais lorsqu'ilz ont veu +qu'elle estoit conclue à l'honneur et advantaige du Roy, ilz n'ont +heu rien plus hasté que de consulter et dellibérer, tout incontinent, +comme ilz se pourroyent munyr contre l'orage, qu'ilz craignent leur +advenir; en quoy ilz ont pensé qu'ilz le pourroient divertyr par gracieuses +négociations et bonnes parolles, bien que possible esloignées +de ce qu'ilz ont en intention.</p> + +<p>Et ont commancé de dépescher premier devers le Roy le S<sup>r</sup> de +Vualsingan pour la conjouyssance de la paix, et pour luy donner +bonne espérance des affères de la Royne d'Escoce, avec le surplus +de sa commission, sellon que je l'ay mandé, en la sorte que je l'ay +peu descouvrir; bien que la dicte paix leur semble formidable parce +qu'ilz n'ont esté appellez à la fère, et que les principaulx, qui guident +les conseilz de la dicte Dame, s'opinyastrent, de plus en plus, à +la détention de la Royne d'Escoce, et à interrompre le tretté encommancé, +pour fère de rechef rentrer les Anglois en Escoce, ainsy que +l'empeschement qu'on a donné à Mr de Leviston en la frontière, pour +créer cependant le comte de Lenoz régent, et la forme de procéder +du comte de Sussex contre ceulx du party de la Royne d'Escoce, +le tesmoignent; dont le Roy me commandera s'il sera expédiant que +je tire de la dicte Royne d'Angleterre une résolue responce sur le +dict affère.</p> + +<p>Et pour le regard du Roy d'Espaigne, ayans eulx pensé de tretter +plus mal que jamais son ambassadeur, et luy ayant mandé par ung +sien secrétaire que la Royne d'Angleterre ne le tenoit plus pour +ambassadeur, et faict dire par deulx aldremans qu'il s'en vînt trouver +ceulx du conseil à S<sup>t</sup> Aulban, à XL mil de Londres, où j'ay sceu +despuys qu'ilz avoient faict préparer ung logis pour le resserrer; +l'asseurance de la paix n'est si tost arrivée qu'on n'ayt changé de +toute aultre façon en son endroict, l'envoyant visiter avec bonnes +parolles et offres d'accord sur les différans; et luy ont envoyé +Haquens pour se justiffier de ce qu'on luy avoit rapporté qu'il dressoit +une flotte pour aller aux Indes, qui l'a asseuré qu'il n'en estoit +rien, et qu'il n'avoit intention de naviguer en lieu d'où le Roy, son +Mestre, peult estre offancé. Ilz ont envoyé Fuyguillem devers le +<span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span> +duc d'Alve, et ont dépesché le jeune Coban devers la Royne d'Espaigne, +avec les plus expresses parolles et les meilleures démonstrations +d'amytié, dont ilz se sont peu adviser.</p> + +<p>Et néantmoins, ne se trouvans bien satisfaictz de la responce, que +le duc d'Alve leur a faicte touchant son armement, parce qu'il a faict +mencion qu'il estoit dressé contre les ennemys, ilz ont résolu de se +présenter en mer, quant la dicte Dame passera, et de disposer leurs +grands navyres, en sorte qu'ilz luy gaignent le vent, (ainsi qu'ilz disent +qu'ilz ont cinq ventz qui leur servent et qui leur donnent +l'advantaige,) et en ceste sorte la saluer et luy monstrer toutz +signes d'amytié; mais s'il n'est prins en ceste sorte de l'aultre part, +et qu'ilz ne ressaluent, et ne rendent les mesmes signes d'amytié et +d'amayner, avec la soumission requise, que, à la moindre mauvaise +démonstration qu'ilz feront, ceulx cy se tiendront pour provoquez, +et attacheront le combat. Et y a grande apparance que, si la dicte +Dame est contraincte, par quelque occasion de temps, de relascher +par deçà, qu'elle ne s'en pourra partyr quant elle vouldra, bien qu'on +luy fera tout l'honneur et bon trettement qu'il sera possible; et monstrent +ceulx cy estre toutz advertys de l'apareil du duc d'Alve et de +celluy d'Espaigne, mais ne craindre l'ung ni l'aultre; et ont donné +charge par tout le pays d'user de signalz pour courir aulx portz, au +cas que l'on y aborde, affin d'en demeurer les maistres.</p> + +<p>Et ont donné charge au susdict jeune Coban, après qu'il aura +visité la Royne d'Espaigne, de passer oultre devers l'Empereur, +avec lettres, parolles et offres de grande amytié et de grande intelligence +en son endroict; et pour l'exorter de demeurer en bonne +unyon avec les princes de l'Empyre; et luy donner compte des différans +des Pays Bas; et aussi, à ce que j'entendz, quelque peu des +choses d'Escoce; mais surtout de le prier qu'il n'ordonne rien en +Hembourg contre les Anglois, ny contre leurs merchandises; et, +affin de le disposer mieulx vers elle, que icelluy Coban luy remettra +en termes, avec affection, le propos du mariage avec l'archiduc son +frère, bien que nul se peult persuader qu'elle ayt intention de l'effectuer.</p> + +<p>Et cependant, en l'endroict du dict Empereur et des aultres princes +catholiques, elle faict valoir et se sert de ceste légation des princes +protestans, qui ont encores icy leurs ambassadeurs; et je les ay +faict fort observer, et ay trouvé que entre eulx y a ung docteur, +qui a seul la charge de toute la négociation, et porte seul la parolle, +sans en rien conférer aulx aultres, personnaige si secret et réservé, +<span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span> +qu'on ne peult tirer ung seul mot de luy: seulement l'on m'a adverty +qu'il a porté une lettre à la dicte Dame, soubsignée de plusieurs +princes, sçavoir; des trois ellecteurs Pallatin, de Saxe, Brandebourg, +les premiers des lansgraves, après et succecifvement d'aultres, jusques +à douze des principaulx d'Allemaigne; réservé cellui de Vitemberg, +qui a accepté, à ce qu'on dict, pencion du Roy d'Espaigne, +et qu'en la dicte lettre est faicte mencion de ce que le Roy leur a +escript de la paix, et la responce qu'ilz luy ont faicte, et qu'ilz +exortent la dicte Dame d'espérer toutjour bien d'eulx, et de s'asseurer +que toutz ensemble luy demeureront bien unys en affection +et intelligence, ainsy qu'ilz le luy ont promiz; et qu'ilz n'obmettront +rien de ce qui sera requiz pour l'establissement de leur religion, +et pour la seurté des princes, peuples et estatz, qui l'ont receue; +et que, sur la dicte lettre, il a heu quatre foys conférance, à +part, avec la dicte Dame, laquelle, à mon adviz, l'entretiendra jusques +après avoir heu responce des aultres princes, car elle ne se veult +vollontiers obliger à nulle ligue, et ne le fera sinon bien contraincte, +de tant que les plus grandz frays en auroient à tumber sur sa bourse.</p> + +<p>Ce qui s'entend icy de la diette est que les trois ellecteurs ont fort +suspecte la proposition, que l'Empereur y a faicte, parce qu'il leur +semble qu'elle tend à leur oster l'authorité des armes, et de ne +pouvoir fère levées de gens de guerre en Allemaigne, et de diminuer +la grandeur de celluy de Saxe, par prétexte de relever celle de ses +cousins; et que le dict Empereur finira la dicte diette par tout +le moys d'octobre, pour s'en retourner avant l'yver à Vienne, +non sans en avoir premièrement indicté une aultre; et qu'encores +qu'il n'ayt, pour ceste foys, procédé à la création du roy des Romains, +il a néantmoins si bien dressé la pratique, que, pourveu qu'il +puysse gaigner les trois eclésiastiques, dont ne se deffye plus que +de celluy de Colloigne, il espère qu'il le pourra effectuer, en baillant +le tiltre de roy de Bohème à ung tiers pour avoir ceste voix davantaige +aulx suffrages; et n'y obstera plus que le reiglement de la bulle +dorée de n'admettre tant d'Empereurs d'une mesmes famille, mais +le Pape y dispensera; et semble bien que, cella advenant, l'on procédera +aussi à la privation du Pallatin, car l'on a opinion que, celluy +là séparé des trois, les aultres deux demeureront bien foybles, et +que le plus grand soing, qu'ayt à présent le Roy d'Espaigne, est de fère +créer son nepveu roy des Romains pour la conservation de ses Pays +Bas et de ses estatz d'Itallye, et qu'il n'espargne peyne, ny argent, +ny nul de toulz les moyens dont il se peult adviser, pour l'effectuer.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span> +<span class="center smcap">DIRA D'ABONDANT, A PART, A LEURS MAJESTEZ:</span></p> + +<p>Que le duc de Norfolc, despuys estre hors de la Tour, m'a envoyé +remercyer des bons offices, qu'il a sentys de ma bonne vollonté +durant sa pryson, lesquelz luy ont esté d'un singulier espoir +et très grande consolation; et s'asseurant que cella est procédé du +commandement de Leurs Majestez Très Chrestiennes, il m'a prié +de leur en bayser très humblement les mains de sa part, et de les +asseurer qu'après sa Mestresse, il leur demeure très dévot et +fidelle serviteur plus qu'à nul prince de la terre, et qu'il leur recommande +toutjour la cause de la Royne d'Escoce, pour la restitution +de laquelle il veult mettre sa personne, sa vie et son bien.</p> + +<p>Il suplie néantmoins Leurs Majestez que l'expécial propos de sa +dévotion et affection, vers leur service et vers la Royne d'Escoce, ne +passe plus avant que entre Leurs dictes Majestez et Monseigneur, +pour le dangier qu'il y a que, s'il estoit sceu de deux endroictz, +lesquelz j'ay expéciffiez au S<sup>r</sup> de Vassal, il ne luy en advint beaucoup +de mal; bien desire qu'en ce que Leurs Majestez vouldront +parler en leur conseil des gens de bien et principaulx de ce royaulme, +qui desirent la continuation de la paix, et l'entretennement des +trettez d'entre la France et l'Angleterre, et la restitution de la Royne +d'Escoce, qu'ilz luy facent l'honneur de le nommer toutjour des premiers.</p> + +<p>Leurs Majestez ont veu de quelle façon j'ay procédé ez affères de +la Royne d'Escoce, et parce qu'il semble adviz à la dicte Dame que +je me repose trop sur les parolles de la Royne d'Angleterre, et que +par icelles je pourrois interrompre le bon secours qu'elle attend du +Roy, elle m'a escript: dont Leurs Majestez, s'il leur playt, orront là +dessus le dict S<sup>r</sup> de Vassal, et me manderont par luy comme j'en +auray à user, et si le Roy trouvera bon que, de sa part, je face +instance à la Royne d'Angleterre de restablyr, dans ung moys, la +Royne d'Escoce en son estat par la voye du tretté, en s'acommodant +entre elles mesmes de leurs différans, ou bien luy bailler son secours +pour estre remise; et, à faulte de ce fère, que la dicte Royne +d'Angleterre trouve bon que le Roy luy baille le sien, soubz bonne +seurté qu'il ne portera aulcun dommaige ny à la Royne d'Angleterre, +ny à son royaulme, ny n'usera par mer, ny par terre, vers elle, ny +vers les Anglois, sinon comme avec bons amys, allyez et confédérez, +pourveu qu'ilz facent de mesmes.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span> +Au regard de l'adviz, qu'on a donné au Roy, de l'entreprinse de +Callais, je pense avoir toutjour mandé à Sa Majesté ce qui en a esté +ordinairement proposé à ceste Royne et à son conseil, despuys que +je suys par deçà, et les choses n'en sont pas passées plus avant. +Il est vray que milord Coban, despuys le xv<sup>e</sup> d'aoust, a faict entendre +à la dicte Dame que, si elle veult entretenir quelques compaignies, +l'espace de deux ou trois moys, toutes prestes, en la coste de deçà, +qu'il a promesse d'aulcuns, qui habitent dans la ville et territoire de +Callais, lesquelz ont desjà prins argent de luy, de les mettre d'emblée +dedans la dicte ville, et de surprendre Mr de Gordan, et de le +luy randre prysonnier entre ses mains. A quoy la dicte Dame a respondu +que son advertissement venoit tard, de tant que la paix estoit +desjà conclue en France; et qu'il fauldroit rompre toutz les trettez +et commancer, à ceste heure, qui est bien hors de sayson, une grosse +guerre; en quoy je suplie très humblement Sa Majesté de regarder +s'il sera bon que la garnyson du dict Callais soit changée, puisque +les choses en sont en cest estat.</p> + +<p>Touchant l'intention, que le Roy d'Espaigne a sur les choses de +ceste isle, il se descouvre, de plus en plus, qu'il dellibère d'y fère +quelquefoys ung essay, quant il en aura le moyen; car il a mandé à +son ambassadeur qu'il entretienne les plus vifves qu'il pourra, les +bonnes intelligences qu'il a dans le pays, et que, quant bien on le +vouldroit renvoyer, qu'il ne bouge en façon du monde de sa charge, +jusques à ce que tous les différans de ces prinses soyent vuydez; et, +quant au faict de la Royne d'Escoce, que le duc d'Alve a commandement +résolu de la secourir, mais ne dict en quelle façon; seulement +le dict ambassadeur inciste qu'elle se veuille mettre ez mains +du dict duc, et que, sans doubte, il pourvoirra à ses affères et à sa +restitution.</p> + +<p>La Royne d'Angleterre, vivant en très grand deffiance du Roy +d'Espaigne, et en peu de confiance du Roy, a mandé à l'Empereur +que, si l'archiduc Charles veult passer en Angleterre, qu'il y sera le +très bien venu, et que n'estant demeuré la conclusion de leur mariage +que sur le différand de la religion, elle espère que ses peuples +luy accorderont l'exercice de la catholique à luy et à sa mayson très +vollontiers, en contemplation de ce mariage. Et à quoy que aille ce +jeu, car quelques ungs l'extiment plein de tromperie, la dicte Dame +commance de publier qu'elle assemblera bientost ung parlement +pour cest effect; et, en la dernière audience, elle m'a dict qu'elle +n'avoit nul aultre regrect, sinon de n'avoir pensé à sa postérité, et +<span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span> +comme je luy respondiz qu'il y avoit encores assés temps: «Je +crains, dict elle, que mon temps ayt emporté la vollonté à ceulx qui +y eussent vollu prétendre.»</p> + +<p>Il y a ung certain personnaige prez de Leurs Majestez et de Monseigneur, +qui escript assés souvent au secrétaire Cecille par aultre +voye que celle de Mr Norrys, et naguières luy a envoyé deux lettres, +lesquelles le S<sup>r</sup> Espinolla et Fortivy luy ont baillées, par où il s'esforce +merveilleusement de broiller les matières par deçà, et aigrir +ceste princesse, et la mettre en grand deffiance du Roy; mais le plus +souvant il luy représente des motz et des propos, qu'il dict que +Monsieur a tenuz contre elle, tant en sa chambre que en ses repas: +et, en toutes sortes, celluy là se monstre si malicieulx que ung Anglois, +qui a communication des dictes lettres, lequel n'ayme pas +beaucoup la France, mais ne vouldroit pourtant que la guerre se print +entre les deux royaumes, m'en a faict toucher assés expressément +ung mot, affin que j'advertisse Leurs Majestez, mesmement Monsieur, +de fère observer qui peult estre celluy qui faict ung si mauvais +office près d'eulx. Il ne se soubscript guières aux lettres, seulement +il s'est une foys soubsigné <em>Emanuel</em>. Il y a en son cachet ung lyon +rampant, et compose assés souvent ses lettres, partie en itallien, +partie en françoys, et partie en latin. Il avoit mandé cy devant plusieurs +choses, lesquelles, ayant esté trouvées manteuses, on n'y adjouxte +grand foy; mais, despuys trois moys, ayant faict entendre à +Mr Norrys que Leurs Majestez le feroient appeller pour luy tenir +ung tel et ung tel propos, et estant ainsy advenu, il a fort regaigné +son crédit.</p> + +<p>Il a esté escript une lestre de ceste court en la contrée, dont les +chefz m'ont esté raportez: c'est que la paix de France a esté conclue +au préjudice et pour aller faire la guerre aulx Pays Bas; que le Roy +ne prétend plus espouser la fille de l'Empereur, ains la sœur du +Prince de Navarre, et donner Madame, sa sœur, en mariage au dict +Prince de Navarre, ayant pour cest effect interrompu le propos du +Roy de Portugal, et que Mr de Guyse avoit prétandu d'espouser +Ma dicte Dame, sœur du Roy: à quoy Mr le cardinal de Lorrayne +luy tenoit la main, dont toutz deux en sont mal veuz à la +court.</p> +</div> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXXII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Maladie de l'ambassadeur.—Mission de sir Henri Coban auprès de la reine +d'Espagne et du duc d'Albe.—Continuation des armemens en Angleterre.—Troisième +invasion du comte de Sussex en Écosse; changement apporté dans +ses résolutions par la nouvelle de la paix de France.—Demande d'une réparation +pour cette dernière atteinte portée aux traités.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, despuys mes précédantes, lesquelles sont du cinquiesme +du présent, je n'ay point sorty de mon logis à +cause d'une grosse fiebvre, qui m'avoit desjà surprins, +quant j'allay trouver la Royne d'Angleterre à Vuynck, et +ce voyage là me l'augmenta bien fort, parce que je le fiz +par ung bien mauvais temps, de sorte qu'il ne m'a esté +possible de me ravoyr jusques à ceste heure, que, grâces +à Dieu, je commence à me trouver mieulx, et pourray +continuer le service de Vostre Majesté comme auparavant; +et si, ne l'ay tant intermiz, durant mon mal, que je n'aye +toutjour heu soing de m'enquérir comme alloient les affères +en ceste cour; d'où l'on m'a raporté, Sire, qu'on y est +fort attendant de sçavoir quelle aura esté la négociation +du S<sup>r</sup> Vualsingan devers Vostre Majesté, ainsy que le sir +Henry Coban a desjà mandé, touchant la sienne de Flandres, +qu'il a esté bien veu du duc d'Alve, et bien fort gracieusement +receu de la Royne d'Espaigne, et qu'elle a +monstré tenir grand compte du messaige qu'il luy a faict +de la part de la Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et luy +a grandement gratiffié non seulement les bonnes parolles et +offres, que la dicte Royne d'Angleterre luy a mandées, +<span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span> +mais encores le voyage qu'elle luy a commandé fère devers +l'Empereur, son père; dont, pour ceste occasion, elle +l'a tant plustost licencié avec faveur et avec ung présent +d'une chayne de quatre centz escuz. Il a mandé aussi la +belle distribution et consulte, qui a esté faicte, de beaucoup +de bienfaictz aulx seigneurs de Flandres, à l'arrivée +de la dicte Dame; ce que l'on estime qui confirmera grandement +le pays à la dévotion du Roy, son mary, et d'elle.</p> + +<p>Ceulx cy cependant se hastent de getter dix grands navyres +dehors, et maistre Charles Havart, qui a charge d'y +commander, est passé, despuys trois jours, en ceste ville +avec les capitaines et gentishommes qui le vont accompaigner. +L'on dit que, parce que le duc d'Alve a miz douze +navyres en mer pour la conserve de la pescherie, que ceulx +cy se veulent trouver en esgalles forces dans ce canal.</p> + +<p>Le comte de Betfort est encores au pays d'Ouest, où a +semblé, du commancement, qu'il n'eust esté envoyé que +pour dresser certayne flotte, de laquelle je vous ay desjà +mandé que Haquens se préparoit pour la conduyre aulx +Indes; mais s'en estant despuys le dict Haquens venu excuser +envers l'ambassadeur d'Espaigne, et l'asseurer qu'il +n'a point pensé en la dicte entreprinse, et ne cessant pourtant +le dict Betfort de fère toutjour armer et équiper vaysseaulx +au dict quartier d'Ouest, je ne puys fère que je ne +suplie très humblement Vostre Majesté d'en fère donner +adviz aulx gouverneurs de voz portz et places de dessus +ceste mer; et je mettray peyne d'en fère aussi advertir en +Escoce, car, pour ceste heure, je ne puys descouvrir rien +de plus particullier de la dicte entreprinse; seulement, +Sire, par un nouvel adviz qu'on m'a donné, je me confirme +en l'opinion, que je vous ay desjà mandée, qu'il est expédiant +<span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span> +de changer quelque partie de la garnyson de Callays +sellon que Mr de Gordan estimera qu'il se debvra fère, en +la vertu et vigilance duquel ceulx cy cognoissent bien que +conciste grandement la conservation de ceste place.</p> + +<p>Le comte de Sussex a escript freschement une lettre +au comte de Lestre, en laquelle il s'esforce de fère trouver +bon son dernier exploict en Escoce, encores qu'il l'ayt +exécuté sans le commandement de ceste Royne ni de ceulx +de son conseil, alléguant qu'il a estimé importer beaucoup +à l'honneur de la couronne d'Angleterre, et bien fort à sa +propre réputation, de ne laysser inpuny ung seul de ceulx +qui ont retiré et soubstenu les rebelles de ce royaulme; et +qu'à la vérité, il se soucye bien fort peu que la Royne +d'Escoce et les siens se trouvent offancez, pourveu qu'il +ayt bien servy à la Royne, sa Mestresse; mais qu'il a entendu +que la paix est conclue en France, sans que la dicte +Royne, sa Mestresse, y soit comprinse, ny sans qu'elle +s'y soit entremise si avant qu'on ayt grand occasion de +luy en sçavoir grâce; par ainsy qu'il crainct que Vostre +Majesté tourne meintennant ses entreprinses aulx choses +d'Escoce, et qu'il luy semble que la Royne, sa Mestresse, les +doibt accommoder, le plustost qu'il luy sera possible, avec +la Royne d'Escoce, et la restituer par ses propres moyens, +sans attandre que les estrangiers y mettent la main. Qui +est desjà, Sire, bon commancement de veoir réprimé, par +l'establissement de la paix et de vos affères, le cueur de +cestuy cy, qui monstroit de l'avoir merveilleusement obstiné; +et le réprimera aussi, comme j'espère, à plusieurs +aultres, qui se débordoient, à cause des troubles de vostre +royaulme, en plusieurs audacieuses entreprinses contre +vostre grandeur.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span> +Or n'ayant, Sire, pour mon indisposition, peu aller +trouver la Royne d'Angleterre, affin de me plaindre du +dict comte de Sussex; et estant aussi Mr de Roz conseillé +de n'y aller point, toutz deux avons escript à la dicte Dame +et aulx seigneurs de son conseil, et, pour mon regard, je +leur ay demandé, au nom de Vostre Majesté, que rayson +et réparation soit faicte des choses attamptées au préjudice +du tretté, et que la dicte Dame me veuille mander quelle +satisfaction j'auray à donner à Vostre Majesté de ceste +dernière expédition du dict de Sussex, et en quelle intention +elle demeure du susdict tretté; dont l'on m'a desjà +adverty qu'il me sera faict une bien fort bonne responce, +aussitost que le secrétaire Cecille se trouvera ung peu +mieulx; lequel, pour quelque indisposition, n'a ozé, il y a +plus de six jours, venir en la présence de la Royne, sa +Mestresse; et maistre Mildmay a esté envoyé quéryr en +dilligence, affin que le dict Cecille et luy, et Mr l'évesque +de Roz s'acheminent incontinent devers la Royne d'Escoce. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce x<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</span></p> + +<p class="blockquote">Je viens d'estre adverty que le sire Guilhemme Stuart est présantement +arrivé d'Escoce, de la part du comte de Lenoz; je croy que +c'est pour mettre quelques mauvais partys en avant: nous prendrons +garde à sa négociation.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXXIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par M<sup>e</sup> Lavaur Féron.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Sortie en mer d'une partie de la flotte anglaise.—Explications données par +Élisabeth sur la récente expédition du comte de Sussex en Écosse.—Nécessité +de se montrer prêt en France à porter secours aux Écossais.—Message +du cardinal de Chatillon à l'ambassadeur.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, lundy dernier, xı<sup>e</sup> de ce moys, le sire Charles +Havart est sorty en mer avec dix grandz navyres seulement +de ceste Royne et envyron trois mil cinq centz hommes +dessus, envitaillez pour deux moys, dont les huict centz +sont harquebouziers; le surplus de l'armement se va entretennant +en petitz appareilz, sans y donner trop grand +haste: dont semble qu'on se contantera d'honnorer le passaige +de la Royne d'Espaigne de ce nombre de dix vaysseaulx, +sans en mettre davantaige dehors; et qu'on tiendra +le reste de l'armée preste pour ung besoing, si d'avanture +quelque ocasion survenoit, comme, à la vérité, ceulx cy +ne se peuvent fyer ny aulx parolles ny aulx démonstrations +du duc d'Alve. Néantmoins ilz ont, despuys la paix de +vostre royaulme, changé de dellibération touchant les choses +d'Espaigne, car ayant proposé, commant que ce fût, de +renvoyer ou bien de resserrer estroictement l'ambassadeur +d'Espaigne, j'entendz qu'ilz ont meintennant résolu en ce +conseil de ne parler plus de cella, et que la Royne d'Angleterre +se layssera conduyre à luy permettre de continuer +son office vers elle, si son Maistre le requiert; bien qu'elle +ne le peult avoir guières agréable parce qu'elle estime +<span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span> +qu'il a dict et faict aulcunes choses directement contre +elle et contre l'estat de son pays.</p> + +<p>Au regard de ce que j'avois escript à la dicte Dame, et +aulx seigneurs de son conseil, de me fère rayson et réparation +du dernier exploict, que les Anglois ont faict en Escoce, +la dicte Dame m'a mandé que je ne vouldray estre +si inique juge que de condampner l'une des parties sans +l'ouyr; et que je n'imputeray la coulpe de ce faict au +comte de Sussex son lieuctenant, quant j'entendray que +milord Herys et aultres, de la frontière d'Escoce, sont venuz +accompaigner en armes les rebelles de ce royaume pour +courre et piller de rechef la frontière d'Angleterre, et +fère de telles insolances qu'ilz ont donné de très grandes +occasions au dict de Sussex de leur courre sus; choses +toutesfoys qu'elle m'asseure estre advenu sans son commandement +et sans l'ordonnance de son conseil, et en laquelle +le dict de Sussex a procédé de luy mesmes, mais +avec telle modération qu'il n'a touché qu'à ceulx qui +l'avoient provoqué, dont le dommaige n'est pas grand, et +il s'est desjà retiré; et elle luy a mandé qu'il ne passe plus +oultre, parce qu'elle est résolue de pourvoir par le tretté à +toutz ces différans, qu'elle a avec la Royne d'Escoce et +son royaulme, ainsy que desjà elle a ordonnée à maistre +Mildmay et au secrétaire Cecille d'aller, pour cest effect, +devers la dicte Dame; et, en ce qu'il semble que je me +voulois atacher à sa parolle et promesse, qu'elle me veult +bien dire que je n'ay heu nulle occasion et ne l'auray jamais +de me plaindre qu'elle ne me l'ayt toutjour randue +véritable, me priant de vous donner là dessus, Sire, ceste +mesmes satisfaction de l'expédition de son lieuctenant, +affin que Vostre Majesté ne la preigne en pire part qu'elle +<span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span> +n'est. Qui est tout ce que la dicte Dame et ceulx de son +conseil ont respondu à ce que je leur avois escript.</p> + +<p>Or, Sire, il semble bien par aulcunes coppies de lettres, +que j'ay veues du dict de Sussex, et par ce que Mr le comte +de Lestre m'en a faict entendre, que ceste entreprinse est +advenue sans le sceu de la dicte Dame, et qu'elle n'en est +guières contante; tant y a qu'on ne désadvouhe pour cella +le dict de Sussex, lequel a son garant en court, et il a +cependant porté beaucoup de dommaige d'avoir abattu sept +ou huict maysons nobles et faict le gast partout où il a +passé dans le pays. L'aparance est que ceste princesse +veult en toutes sortes passer oultre au dict tretté, meue de +l'apréhention du dangier, où il luy semble qu'aultrement +elle va tumber, lequel les ennemys de la Royne d'Escoce +n'ont de quoy le luy pouvoir meintennant effacer; mais ilz +la font opiniastrer à des condicions trop dures, comme +d'avoir le Prince d'Escoce entre ses mains, quelque place +et des ostaiges; dont ceulx, qui entendent bien les affères, +estiment que, pour les bien effectuer, il est requis que la +dicte Dame sente vostre secours en Escoce, ou au moins +si prest d'y passer qu'elle ne le craigne moins que s'il estoit +desjà par dellà.</p> + +<p>Je n'ay encores peu savoir quelle est la commission du +sire Guilhaume Stuard, lequel le comte de Lenoz a envoyé; +bien m'a l'on dict qu'il asseure que les seigneurs d'Escoce +ont desjà ordonné quelques depputez pour venir icy, mais +nous incisterons qu'on passe oultre sans les attandre. Sur +ce, etc. <span class="i2">Ce xv<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</span></p> + +<p class="blockquote">Ainsy que je fermoys la présente, Mr le cardinal de Chatillon m'a +envoyé visiter et dire qu'il avoit esté se conjouyr de la paix avecques +la Royne d'Angleterre, et que bientost il retournera prendre congé +<span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span> +d'elle pour aller trouver Voz Majestez; mais qu'avant partyr il ne fauldra +de me venir saluer, comme ambassadeur de son Roy et Maistre, +et prendre le diner en mon logis; et qu'il desiroit bien entendre, +comme procédoient les choses de la dicte paix en France, parce que +plusieurs attandoient de le sçavoir pour s'y retirer. J'ay respondu +qu'il y avoit assés longtemps que je n'avois point heu de dépesche, +mais que je sçavois bien que Voz Majestez donnoient bon ordre +que la paix prînt establissement et durée, dont vous plairra me +commander comme j'auray à me gouverner et conduyre envers le +dict S<sup>r</sup> cardinal et aultres Françoys qui sont par deçà.</p> + +<h2 class="p4">CXXXIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Champernon.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Nouvelles de la flotte.—Négociation avec l'Espagne.—Affaires d'Écosse.—Incertitude +où sont les protestans français de savoir s'ils peuvent rentrer en +France.—Nouvelles d'Allemagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, estans sortys les dix navyres de la Royne d'Angleterre +soubz la conduicte de sire Charles Havart, ainsy +que je le vous ay mandé par mes précédantes, ilz se +tiennent meintennant parez en la coste de deçà, attandans +que la flotte de Flandres se mette à la voyle, et demeurent +ceulx cy assés persuadez que le passaige de la +Royne d'Espaigne sera paysible, sans rien attempter en +nul de leurs portz; mais ilz craignent grandement qu'estant +arrivée par dellà, le retour de l'armée ne soit à leur +dommaige, et qu'on n'y embarque des Hespaignolz pour +fère quelque descente en Irlande, ou bien ez quartiers du +North d'Escoce, ou en quelque aultre endroict de ceste +isle, attandu mesmement que milord de Sethon et ung +<span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span> +frère du S<sup>r</sup> de Ledinthon sont passez en Flandres, et qu'on +dict que le comte de Vuesmerland et la comtesse de Northomberland +sont arrivez devers le duc d'Alve, et que plusieurs +fuytifz de ce royaulme sont en l'armée, qui va conduyre +la Royne d'Espaigne; dont a esté miz icy ung nouvel +ordre de tenir si pretz les aultres grandz navyres de +ceste Royne qu'il n'y puysse avoir une seule heure de retardement, +quant ilz seront commandez de sortyr, et ordonné +d'augmenter les vivres, qui y sont nécessaires pour +quelque moys davantaige; bien que la dicte Dame et les +seigneurs de son conseil se contantent bien fort des bonnes +responces, que le dict duc d'Alve a faictes au jeune Coban, +en ce mesmement que, luy ayant faict pleincte de l'ambassadeur +d'Espaigne, de ce qu'il avoit dédeigné de venir devers +iceulx seigneurs du conseil, et qu'à ce moyen l'accord +de leurs différans avoit esté retardé, il luy a respondu +que l'ambassadeur avoit quelque rayson de n'avoir vollu +complayre du tout à ce que les dicts du conseil luy avoient +mandé, parce qu'ilz avoient usé de trop dures formalitez +envers luy, et ne l'avoient, il y a tantost deux ans, tretté +ny recogneu pour ambassadeur, et mesmes ceste foys +avoient envoyé des aldremans devers luy comme s'il eust +esté crimineulx; néantmoins qu'il luy escriproit de ne fère +plus de difficulté de convenir avec eulx, toutes les foys qu'ilz +le feroient appeller pour tretter des affères d'entre le Roy, +son Maistre, et la Royne d'Angleterre; et ainsy l'a escript +le dict duc au dict ambassadeur, de sorte qu'ilz vont, +de chacun costé, cerchant les moyens de renouer leurs affères +et d'acommoder leurs différans.</p> + +<p>La malladie du secrétaire Cecille a donné quelque retardement +aulx affères de la Royne d'Escoce; néantmoins +<span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span> +l'on avoit desjà ordonné à sire Quainols de s'aprester pour +aller avec M<sup>e</sup> Mildmay devers la dicte Dame, mais se trouvant +le dict secrétaire Cecille meintennant ung peu mieulx, +le voyage luy est réservé; et cependant milor de Sussex a +escript que les seigneurs escouçoys, du party de la Royne +d'Escoce, ont tenu une grande assemblée sur les choses +que nous leur avions mandées par milor de Leviston, et +qu'ilz y ont prins une résolution, laquelle ilz envoyent fère +entendre à la Royne d'Angleterre par le dict mesmes Leviston +et par aultres leurs depputez, lesquelz il attandoit +du premier jour en la frontière pour leur bailler saufconduict +de passer plus avant. Et mande néantmoins le dict +de Sussex que, en Escoce, l'on ne s'attend guières d'avoir +secours de France; tant y a qu'on m'a dict que madame +de Norrys s'est pleincte grandement à la Royne sa Mestresse +de ce que le dict de Sussex est rentré en Escoce, +parce qu'ayant son mary asseuré Vostre Majesté que cella +ne se feroit point, elle craint que ne vous en preigniez +meintennant à luy, et que ne le faciez arrester et resserrer.</p> + +<p>Les Françoys, qui sont icy, se préparent pour retourner +toutz en leurs maysons: il est vray qu'entendans qu'à Roan, +à Dieppe, à Callais, et en quelques aultres endroictz, l'on +faict difficulté de les recepvoir, il y en a quelques ungs +qui demeurent en suspens, dont envoyent devers moy pour +sçavoir comme ilz en auront à user; et je leur répond +que je n'ay pas de plus expresse déclaration de vostre intention +là dessus que celle qui est contenue par vostre +éedict, et que, de ma part, je ne voy qu'ilz ayent nulle occasion +de doubter. Je ne sçay si cella sera occasion que +Mr le cardinal de Chatillon prendra le chemin de la Rochelle +pour voir, de là en hors, comme il se pourra asseurer +<span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span> +de l'establissement de la dicte paix. Mr le vydame, +à ce que j'entendz, part dans deux jours et va passer ou à +la Rye, ou à Callais; et, de tant, Sire, qu'on donne entendre +à aulcuns merchans voz subjectz, qui poursuyvent +encores icy la restitution de leurs biens, que tout le faict +des déprédations est remiz par vostre éedict, il vous plairra +me commander ce que je leur en auray à respondre, affin +qu'ilz ne facent dorsenavant la poursuyte en vain.</p> + +<p>Il semble que le S<sup>r</sup> de Chantonay, escripvant icy à +l'ambassadeur d'Espaigne, luy ayt mandé que l'Empereur +n'aprouve guières la paix de France, comme ne l'estimant +de durée; et que la diette se prolongera beaucoup oultre +le moys d'octobre; et que les fianceailles de Vostre Majesté +se feront avant la Toutz Sainctz, sans toutesfoys qu'on +y attande pour cella la venue de Monseigneur vostre frère, +mais plustost celle de monsieur de Lorrayne; et que, estant +le comte Pallatin à Espire, il a entendu que ses ministres +avoient presché publiquement l'arrianisme à Heldelberc, +dont il dellibéroit d'aller réprimer une telle inpiété, +mais qu'il fauldroit qu'il corrigeât premier la sienne. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xıx<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</span></p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXXV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXIIII</span><sup>e</sup> jour de septembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du S<sup>r</sup> Acerbo.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Interruption des armemens.—Mouvement dans le pays de Lancastre.—Négociation +de l'évêque de Ross.—Conférence de l'ambassadeur avec le +cardinal de Chatillon.—Sollicitations faites auprès de lui par le vidame +de Chartres.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, l'aprest des vingt navyres, que ceulx cy debvoient +jetter dehors, après les dix qui sont desjà sortys, se va peu +à peu discontinuant, et les a l'on ramenez de l'embouchure +de la rivière de Rochestre, où desjà ilz estoient, +jusques à leur arcenal accoustumé de Gelingan, ce qui +monstre qu'à peyne s'en servyra l'on de ceste année; les +aultres dix se tiennent toutjour sur la coste près de Douvres, +attandant le passaige de la Royne d'Espaigne, à +laquelle le temps ne sert aucunement, et ceulx, qui s'y entendent, +disent qu'à peyne luy servira il encores de trois +sepmaines; et est venu quelque adviz en ceste court que le +Roy d'Espaigne, son mary, luy a mandé que, si l'on voyt +que la navigation ne soit bien fort propre et fort seure, +qu'elle attande de se mettre sur mer jusques au prochain +printemptz, et que possible, entre cy et là, il aura faict +dessein de la venir trouver pour visiter ses Pays Bas: ce +que possible a donné occasion à la Royne d'Angleterre de +fère cesser son armement. Laquelle aussi, comme j'entendz, +est tumbée en une grande souspeçon d'une nouvelle ellévation +qu'on luy a dict qui se prépare au pays de Lenclastre, +où semble qu'elle ayt desjà envoyé gens pour recognoistre +<span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span> +que c'est, et des secrettes commissions pour y remédier et +apréhender quelques uns.</p> + +<p>Cependant il nous est venu des lettres de la Royne d'Escoce, +par lesquelles elle mande que les seigneurs d'Escoce, +qui sont de son party, luy ont envoyé la déclaration de +leur vollonté: laquelle est de fère toutjour ce qu'elle leur +commandera, dont Mr l'évesque de Roz est allé devers +ceste Royne pour haster sur cella la conclusion du tretté; +et j'espère, puysque le secrétaire Cecille est à présent +bien guéry, que luy et maistre Mildmay et le dict sieur +évesque s'achemineront tout incontinent devers la dicte +Royne d'Escoce pour y mettre une bonne fin.</p> + +<p>Au surplus, Sire, Mr le cardinal de Chatillon est venu, +despuys quatre jours, prendre son diner en mon logis, et +m'a dict que, comme vostre très humble subject, il se +sentoit tenu, et obligé à vostre service, de ceste visite qu'il +faisoit à vostre ambassadeur; et que ce qui l'avoit engardé +de la fère, durant les troubles, estoit que vous monstriez +lors, Sire, de ne prandre à gré, ains d'avoir quasi en horreur +tout ce qui procédoit de ceulx de sa religion; mais à +ceste heure qu'il playsoit à Dieu les fère jouyr du bien +de vostre grâce, et de celle de la Royne, et de Messeigneurs +voz frères, et qu'il vous playsoit les tenir au nombre de +voz loyaulx et fidelles subjectz, tout son plus grand soin +estoit de vous obéyr et complayre, et prier Dieu pour Voz +Majestez et pour Mes dicts Seigneurs voz frères, et fère +en sorte que Dieu et le monde cognoissent que la contraincte +demeure, qu'il a faicte icy, ne l'a randu moins +bon françoys ny moins dévot et fidelle serviteur de vostre +grandeur qu'il a esté par cy devant; et qu'il n'a rien oublyé +de l'obligation naturelle, ny encores de celle expécialle, +<span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span> +qu'il a à Voz Majestez et aulx feuz Roys voz prédécesseurs; +que, puys peu de jours, Messieurs les Princes de Navarre +et de Condé, et Mr l'Admyral, son frère, ont envoyé ung +gentilhomme devers ceste Royne, par lequel ilz luy ont +escript à luy de s'en aller à la Rochelle, et qu'ilz s'y rendront +le plustost qu'ils pourront, affin de pourvoir à l'accomplissement +des choses qu'ilz vous ont promises, lesquelles +ne se peuvent bien effectuer sans luy et sans aulcuns +principaulx d'entre eulx; lesquelz fault que conviennent +ensemble pour admonester les aultres, ainsy qu'il a desjà +fort expressément admonesté toutz les ministres, qui estoient +icy, premier qu'ilz s'en soyent retournez, de n'excéder +en rien qui soit, ny pour quelconque occasion que +puisse estre, voz permissions, ny transgresser aulcunement +voz deffances; et qu'il est besoing aussi que ce soyent eulx +qui, pour donner exemple aulx aultres de contribuer à ce +qu'ilz vous ont promiz de payer, se cothisent les premiers +bien largement: dont dellibéroit, dans six jours, aller +prendre congé de ceste Royne pour s'acheminer puys après +à Ampthonne, affin d'y attandre la commodité de son passaige, +me priant bien fort de fère entendre ceste sienne +dellibération à Vostre Majesté avec plusieurs aultres bons +propos, qui seroient trop longs à mettre icy.</p> + +<p>Je luy ay respondu, Sire, le mieulx que j'ay peu, sellon +que j'ay estimé estre de vostre intention, conforme à la +notice que j'en pouvois avoir par vostre éedict, car de plus +expécialle je n'en avois poinct; mais je luy ay principallement +incisté de vouloir dresser son premier retour en France +devers Vostre Majesté, affin de monstrer qu'il a plus de +confiance en vostre bonté et parolle que aulx rempartz des +places, qu'on a demandées pour seureté.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span> +A quoy il m'a répliqué que ce avoit bien esté son premier +desir, mais, puysqu'on luy mandoit de se randre ainsy bientost +à la Rochelle, affin de donner forme aulx choses qu'il +falloit ordonner, à ce commancement, pour satisfère à +Vostre Majesté, et qu'avec très grande incommodité il pourroit +fère ce grand tour par terre, qu'il estoit contrainct d'y +aller par mer; mais qu'aussitost qu'on auroit pourveu à vostre +satisfaction, qu'il vous yroit très humblement bayser les +mains, et à la Royne, et à Messeigneurs voz frères, sellon +qu'il espéroit que Voz Majestez le luy permettroient, me +priant cependant de le vous fère ainsy trouver bon, et que +ne veuillez jamais penser de luy que comme d'ung vostre +très humble et très obéyssant serviteur.</p> + +<p>Le deuxiesme jour après, à l'exemple de luy, Mr le vydame +de Chartres, estant prest à partyr, m'est aussi venu +visiter avec plusieurs bonnes parolles de l'affection et dévotion, +qu'il dict avoir à vostre service, et m'a requis de +deux choses: c'est de vous vouloir tesmoigner, par mes premières, +que ses déportemenz par deçà n'ont esté en rien +contre vostre dict service; et l'aultre, de luy bailler ung +mien passeport pour se conduyre, luy, sa femme et son +trein, jusques à la Fretté, pour, incontinent après, vous +aller très humblement bayser les mains. Je luy ay agréé, en +la meilleur façon que j'ay peu, sa bonne intention vers +Vostre Majesté, mais j'ay faict plusieurs difficultez sur +l'une et l'aultre de ses demandes; et qu'encor que je ne +voulois pas nyer que je ne l'eusse faict observer, je ne +pouvois toutesfoys vous justiffier en aultre sorte ses actions, +parce que toutes ne me pouvoient estre bien cogneues, +que de vous dire, Sire, que je ne sçavois pas qu'il en heust +faict icy de plus mauvaises contre vostre service que d'y estre +<span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span> +venu; et, quant au passeport, que ce seroit préjudicier à +la liberté de la paix de luy en bailler. A quoy il m'a répliqué +que, pour le regard du premier, il se contentoit bien de ce +mien tesmoignage, mais du second, il m'en a tant pressé +que j'ai esté contrainct de lui bailler mon dict passeport. +Et voylà, Sire, tout ce qui a passé entre les dicts sieurs +cardinal et vydame, et moy, dont semble bien que les +Anglois n'ont prins grand playsir à ces deux visites; car par +icelles ils sont contrainctz de fère quelque meilleur jugement +de la réunyon de vostre royaulme qu'ilz ne la pensoient; +mais je ne suis point allé randre la pareille à l'ung +ny à l'aultre en leur logis, parce que je n'en avois nul ordre +de Vostre Majesté. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xııv<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</p> + +<h2 class="p4">CXXXVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du pénultième jour de septembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Olivyer Campernon.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Négociation avec les Pays-Bas.—Retard apporté au voyage de la reine d'Espagne.—Résolution +d'Élisabeth de procéder à la conclusion du traité avec +Marie Stuart.—Mission de Mr de Vérac en Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, par le retour du S<sup>r</sup> de Sabran je demeure assés +esclarcy d'aulcunes choses de vostre intention, lesquelles +j'espère que me les ferés plus parfaictement et plus particulièrement +entendre, quant le S<sup>r</sup> de Vassal me viendra +retrouver; et vous diray cependant, Sire, que la Royne +d'Angleterre, achevant son progrez de ceste année, arrive +aujourduy à Vuyndesor, où elle dellibère fère du séjour, +<span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span> +et y attandre le retour des gentishommes, qu'elle a envoyé +en France, en Flandres et en Allemaigne, pour, puis après, +y assembler son conseil affin de prendre résolution sur les +choses qu'ilz raporteront. Les commissaires de Flandres, +qui estoient allés visiter les merchandises arrestées ez portz +de deçà, dizent qu'ilz y ont trouvé perte et diminution de +plus de la moictié; mais, touchant celles qui sont dans +Londres, l'on leur a faict acroyre que, si le duc d'Alve +veut procéder à ung bon accord de leurs différans, sellon +les honnestes offres que la Royne d'Angleterre luy a faictes, +qu'on leur en révellera pour plus de cent mil escuz davantaige +qu'on ne leur a encores monstrées. A quoy ilz respondent +qu'on leur baille premièrement le vray estat d'icelles, +affin d'en fère un certain raport au dict duc, et que, +puys après, l'on pourra facillement parvenir aulx condicions +de l'accord; et veulent, chacun de son costé, gaigner l'advantaige +de ce point: dont le différant s'en entretient plus +longuement, mais non sans une grande espérance que bientost +il s'accommodera: car le duc d'Alve et les principaulx +ministres du Roy d'Espaigne, qui sont en Flandres, monstrent +n'avoir aulcun plus grand soin que de regaigner l'amytié +de la Royne d'Angleterre et de s'esforcer de luy +complayre; ce que la dicte Dame, à ce qu'on m'a dict, +attribue plus à la paix de vostre royaume que à leur bonne +vollonté: et dellibère, de sa part, de suyvre et entretenir +cella par les meilleures démonstrations qu'elle pourra, mais +non sans qu'elle demeure toutjour en beaucoup de souspeçon +et de deffiance, à cause de la retrette de ses subjectz +fuytifz, et de la légation d'aulcuns Escossoys devers le dict +duc en Flandres. Cependant les dix grandz navires de la +dicte Dame demeurent toutjour en la coste de deçà pour +<span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span> +honnorer le passaige de la Royne d'Espaigne, non sans +qu'elle se repente assés de les avoir si tost faictz jetter +dehors, parce que la despance y va grande, et ne se peult +juger si le temps pourra encores servyr, de deux moys, à +la dicte Royne d'Espaigne. Néantmoins il est venu nouveau +mandement à Londres de tenir encores ung nombre +de marinyers prestz, comme pour quatre navyres davantaige: +je ne sçay encores à quel effect.</p> + +<p>Nous avons tant pressé l'advancement des affères de la +Royne d'Escoce que le secrétaire Cecille et maistre Mildmay +ont esté du tout dépeschez, dez mardy dernier, pour +aller devers la dicte Dame, et Mr de Roz avec eulx, où +j'espère qu'il se prendra quelque bon ordre pour le restablissement +d'elle à sa couronne; mais, de tant que, sur les +condicions, qu'on luy propose, plusieurs nous donnent divers +conseilz, je ne m'advanceray d'y intervenir, au nom de +Vostre Majesté, sans vous avoir faict quelque aultre dépesche +plus ample et plus expresse là dessus. Bien me confirme +l'on, de plus en plus, Sire, que ceste Royne, veult +résoluement entendre à conclurre le tretté, et que cependant +elle a mandé au comte de Sussex de casser toutes les +compaignies extraordinaires, qu'il avoit levées en la frontière +du North. L'arrivée du S<sup>r</sup> de Veyrac en Escoce met +ceulx cy en quelque jalouzie, mais il ne seroit que bon +qu'ilz l'eussent encores plus grande, car je crains bien fort +qu'ayant Mr Norrys escript icy que Vostre Majesté est résolue +de n'envoyer nulles forces par dellà jusques au printemps, +que cella leur face prolonger le tretté, soubz espérance +qu'il puysse cependant survenir quelque chose à leur +commodité et advantaige. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxıx<sup>e</sup> jour de septembre 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXXVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">V</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Calais par ung qui s'en est allé avec le S<sup>r</sup> Frégouse.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Retour de Walsingham en Angleterre, chargé de faire connaître à la reine +la déclaration du roi touchant l'Écosse.—Prochain départ de la reine d'Espagne.—Suspension +des affaires politiques à Londres pendant l'absence +de Cécil envoyé vers Marie Stuart.—Nouvelles d'Allemagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, j'ay receu, le xxıx<sup>e</sup> du passé, les lettres qu'il a +pleu à Vostre Majesté m'escripre, du xxıȷ<sup>e</sup> auparavant, par +le S<sup>r</sup> de Valsingan, qui me les a envoyées passant par Londres, +et m'a mandé qu'au retour de randre compte à sa +Mestresse de ce qu'il a faict en France, qu'il me viendra +voir. Il me semble, Sire, que rien n'a pu venir plus à propos, +pour les présens affères de la Royne d'Escoce, que d'avoir +Vostre Majesté ainsy fermement et vertueusement parlé, +comme avez faict, à l'ambassadeur Mr Norrys et à luy; et +dont je ne fauldray de représanter à leur dicte Mestresse +voz mesmes propos, telz qu'ilz sont contenuz en vostre +lettre, la première foys que je l'yray trouver, ayant estimé +qu'il estoit bon, pour aulcuns respectz, de les luy réserver +jusques à la venue d'une aultre vostre dépesche, +pour luy laysser cependant digérer ce faict sur le récit, +que le dict de Valsingan luy fera, des propres paroles et +démonstrations qu'il a ouyes et veues de Vostre Majesté, +et aussi pour n'interrompre rien en la commission qu'elle +a donnée au secrétaire Cecille et à Maistre Mildmay vers +la Royne d'Escoce; ausquelz j'ay opinion qu'elle envoyera +en dilligence notiffier la déclaration qu'avez faict à ses +<span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span> +dicts ambassadeurs, affin qu'ilz ne s'en retournent sans résouldre +quelque chose avec elle; ayant plusieurs adviz, de +divers lieux, assés certains qu'il tarde infinyement à la +dicte Royne d'Angleterre qu'elle puysse, en quelque seure +façon qui ayt aparance d'honneur et d'advantaige, se démesler +du faict de la dicte Dame, non sans se repentyr +de s'en estre si avant entremise. Et est sans doubte que, +si l'affère pouvoit tumber en la main de quelque aultre, +qui le manyât avec plus de modération que ne faict le secrétaire +Cecille, ou que luy mesmes, après avoir veu la +Royne d'Escoce, se volust modérer, et ne fère plus, sur +des petitz momentz, naistre de si grandes difficultez et +longueurs, qu'il a faict jusques icy, que toutz les différans +d'entre ces deux Princesses et leurs deux royaulmes se +pourroient facilement et bientost accommoder, dont de ma +part, Sire, je ne fauldray d'y incister à toute heure; mais +la vifve parolle et la démonstration que Vostre Majesté +fera d'un prochain secours, attandant qu'il s'ensuyve à bon +esciant, s'il est nécessaire, y servyront infinyement.</p> + +<p>La dicte Royne d'Angleterre a dépesché ung saufconduict +pour les depputez d'Escoce, et a mandé au comte +de Sussex de les bien recepvoir et honorer, et qu'il advertisse +ceulx du party du régent d'envoyer promptement +les leurs. Le susdict de Valsingan a desjà parlé à quelques +ungs de ses amys de la continuation de la paix de +France comme en doubte, alléguant des occasions qui +luy font juger qu'elle aura quelque establyssement, et +d'aultres qui lui font croyre qu'elle ne pourra estre de durée; +dont de ce qu'il en a dict, et du rapport qu'il en aura +faict en ceste cour, je mettray peyne qu'il m'en viegne +quelque adviz, affin de le vous mander par mes premières. +<span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span> +Il aura encores rencontré Mr le cardinal de Chastillon en +ceste dicte court, car son congé luy avoit esté différé +jusques à hyer.</p> + +<p>L'on estime que la Royne d'Espaigne s'embarquera à +ce commancement d'octobre, car, ayant le retour de la +lune esté sur un temps propre et qui sert bien à sa navigation, +l'on estime qu'il durera assés pour la conduyre jusques +en Espaigne; dont s'atand de sçavoir comment et en +quelle bonne façon se seront déportez les navyres de la +Royne d'Angleterre à la saluer, et la convoyer le long de +la coste de ce royaume. Les commissaires de Flandres pourchassent +leur congé, mais il semble qu'on le leur prolongera +jusques au retour du secrétaire Cecille, car en son +absence rien ne se dépesche; et mesmes l'on a remiz, à +cause de luy, l'ouverture du terme de la justice jusques au +premier de novembre, par prétexte toutesfoys de la peste; +laquelle va néantmoins diminuant, et chacun s'en retourne +à la ville. Il semble que Henry Coban, qui est allé devers +l'Empereur, ayt heu charge de ne presser guières son retour: +dont il a cependant renvoyé ung des siens avec une dépesche, +de laquelle je n'ay encores bien aprins le contenu, si +n'est qu'il semble mander que, ne pouvant l'Empereur +fère guières réuscyr aulcune bonne résolution ez choses +qu'il a proposées en la diette, qu'il dellibère bientost la +rompre; et j'entandz que le comte Pallatin a aussi escript +qu'il a quelque opinion que le Pape se soit advancé de +créer de luy mesmes, sans attandre la vollonté des ellecteurs, +l'archiduc Charles roy des Romains, et que cella +sera pour admener beaucoup de trouble en Allemaigne; +dont est bruict icy que desjà quelques princes ont esté vers +<span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span> +Hembourg, comme pour s'asseurer d'aulcunes levées de +gens de guerre. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce v<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</p> + +<h2 class="p4">CXXXVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par le S<sup>r</sup> Troies.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">État de la négociation en faveur de Marie Stuart.—Conduite faite à la reine +d'Espagne par la flotte anglaise.—Crainte où l'on est en Angleterre que les +hostilités commencent au retour de la flotte espagnole.—Négociation avec +les Pays-Bas.—Départ du cardinal de Chatillon pour la Rochelle; mauvais +accueil reçu à Dieppe par le vidame de Chartres.—Prise nouvellement faite +en mer, malgré la paix, par le capitaine Sores.—Affaires d'Allemagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, rendant le S<sup>r</sup> de Valsingan compte à la Royne, +sa Mestresse, de la négociation qu'il a faicte en France, +j'entendz qu'il luy a faict ung très bon rapport des louables +qualitez de Vostre Majesté, de ce que ung chacun vous +tient pour prince magnanime, constant, certain et bien +fort véritable, et uny par ung grand et naturel amour avec +la Royne vostre mère, et avec Monseigneur vostre frère, +desquelz il a aussi fort dignement parlé; et que, par la +force de leur conseil et la fermeté de voz éedictz, la paix +de vostre royaulme a d'estre perdurable, et voz aultres +affères à recepvoir beaucoup d'establissement: dont la +dicte Dame a de beaucoup davantaige estimé, et heu en +plus grand prix, les bonnes parolles de paix et d'amytié, +que Vostre Majesté luy a mandées. Et luy ayant le dict +de Valsingan, par mesmes moyen, touché le propos, que +luy avez tenu, de la restitution de la Royne d'Escoce, +<span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span> +vostre belle sœur, avec l'expression de l'affection qu'il a +cognu que vous y aviez; et ayant, de ma part, faict fère là +dessus, le plus à propos que j'ay peu, ung office par le +comte de Lestre, il est advenu que la dicte Dame a tout +incontinent dépesché vers le secrétaire Cecille pour l'advertyr +qu'il ayt à procéder en si bonne façon vers la Royne +d'Escoce, qu'il ne s'en retourne sans conclurre quelque +chose avecques elle. Dont, à la première occasion qui me +viendra d'aller parler à la dicte Dame, je luy confirmeray +ceste sienne vollonté, et n'obmettray rien de ce qui pourra +servyr à bien advancer et effectuer le propos, et à establyr +pareillement l'amytié d'entre Voz Majestez.</p> + +<p>L'on tient que la Royne d'Espaigne est passée, et que +les navyres de la Royne l'ont saluée et accompaignée jusques +en la coste de Biscaye, et que sire Charles Havart +luy a baysé les mains avec ung présent d'ung beau dyamant, +que la Royne sa Mestresse luy a envoyé, qui est +l'ung de ceulx que le Roy d'Espaigne avoit donnez à la feu +Royne Marie, sa sœur, ou à elle, qui sont estimez valoir, +l'ung huict mil ducatz, et l'aultre cinq mil; et que la dicte +Royne d'Espaigne, de son costé, a faict bailler quatre mil +ducatz au dict Havart et aulx siens; mais la vérité et certitude +de cecy se sçaura mieulx quant le dict Havart sera de +retour, lequel est encores en mer. Tant y a que ces démonstrations, +lesquels sont devenues toutes aultres qu'on +ne les sembloit préparer du commancement, donnent à +cognoistre qu'il n'y a en effect nulle malle vollonté entre +les Espaignols et les Anglois, ains qu'ilz cerchent de s'accommoder +ensemble en gaignant, aultant qu'il leur sera +possible, chacun de son côté, quelque advantaige; dont +usent d'artiffice à fère bien espérer ou à intimider l'ung +<span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span> +l'aultre en ce qu'ilz peuvent; et semblent néantmoins que +les dicts Anglois ne demeurent meintennant sans une +grande souspeçon du retour de l'armée d'Espaigne, par ce +mesmement qu'on leur a raporté que une partie d'icelle +est demeurée toute appareillée, et bon nombre de gens +pretz à s'y embarquer en Olande; et qu'ilz sçavent que +aulcuns fuytifz et aulcuns Escossoys sont toutjour près du +duc d'Alve pour l'inciter à quelque entreprinse par deçà: +et à ceste occasion, mècredy dernier, ceste Royne a faict +de rechef appeller toutz les officiers de la maryne à Vuyndesor, +mais je ne sçay encores ce qu'elle leur a ordonné; +et est la dicte Dame après a fère cercher deniers de toutz +costez.</p> + +<p>Les commissaires de Flandres s'attendent d'avoir demain +leur congé, et semble qu'ilz ne s'en retournent guières +plus contantz ny mieulx satisfaictz que quant ilz sont +venuz; car, oultre la perte et diminution qu'ilz ont trouvé +ez merchandises, qui estoient encores en estre, l'on leur +a baillé ung compte si désadvantaigeulx de celles qui ont +esté vendues par auctorité de justice, tant au priz que +aulx fraicz, qu'elles ne reviennent pas au cinquiesme de +la juste valleur. Par ainsy l'accord se monstre encores assés +difficile à fère, et cependant l'on ne sçayt si le temps, et la +longue souspencion du traffic, pourra produyre quelque +chose de nouveau entre eulx.</p> + +<p>Monsieur le cardinal de Chastillon print congé de ceste +court lundy dernier, non sans recepvoir beaucoup de faveur +de ceste Royne et plusieurs présens (de haquenées et +de chiens de sang) des seigneurs d'auprès d'elle; et s'en est +allé à Hamptonne attandre la commodité de son passaige +à la Rochelle. Aulcuns demeurent escandalisez des difficultés +<span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span> +qu'on a faictes à Mr le vydame de Chartres à Dièpe, +mais je rendz quelque rayson là dessus, qui monstrent de +les satisfère. Ung agent de Portugal, qui est en ceste ville, +dict que le capitaine Sores s'est esforcé de piller de rechef +la Madère, et qu'au retour de ceste entreprinse il a +prins un des galions du Roy de Portugal venant des Indes, +qui estoit demeuré derrière, lequel estoit bien fort +riche; de quoy ung chacun monstre icy estre fort offancé +d'entendre ung tel acte après la paix, et crainct on que +de la Rochelle ayt à sortyr beaucoup de désordre en la mer, +s'il n'y est remédié.</p> + +<p>J'entans qu'il est arrivé des lettres d'Allemaigne, qui +semblent confirmer ce qu'on avoit auparavant escript de +la création du roy des Romains par le Pape, jusques avoir +envoyé une coppie du brevet, et que ung chacun pense +que les princes ellecteurs procèderont à une contraire ellection +de leur part; mesmes qu'il semble que l'Empereur +face toute démonstration d'avoir ignoré et de n'aprouver +aulcunement ceste procédure de Sa Saincteté; et qu'il a +esté descouvert qu'on avoit de rechef incidié à la vie du +comte Pallatin. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce x<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXXXIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVI</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Groigniet, mon secrétaire.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Conditions proposées par Cécil à la reine d'Écosse.—Soulèvement des catholiques +dans le pays de Lancastre.—Ordre donné au comte de Derby +de se rendre à la cour.—Retour à Londres de sir Charles Havart, amiral +de la flotte anglaise.—<em>Mémoire.</em> Opinions diverses sur la durée de la +paix en France.—Conférence de l'ambassadeur avec l'ambassadeur +d'Espagne.—Ligue du roi d'Espagne avec le pape et les Vénitiens contre +les Turcs.—Vives sollicitations pour que le roi consente à en faire partie.—Offres faites +par le duc d'Albe à Élisabeth.—Négociations des Écossais +avec le duc d'Albe.—Conditions proposées à Marie Stuart, si elle veut +obtenir l'appui de l'Espagne.—Détails sur la négociation de Cécil avec +Marie Stuart.—Crainte que les Écossais n'acceptent toutes les conditions +imposées par l'Angleterre.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ayant le S<sup>r</sup> de Vassal couru une si dangereuse fortune, +en voulant repasser la mer, que le naufrage de luy, +et de ceulx qui estoient en son mesme navyre, a esté tenu +pour vériffié en ceste ville, il n'est pas à croyre combien je +me suys resjouy, quant, oultre l'espérance des hommes, il +a pleu à Dieu de le saulver et le fère retourner sauf à Callais, +avec les lettres et dépesches de Vostre Majesté, où il +est encores attandant le vent; mais j'espère qu'il sera bientost +icy, et qu'il me rendra instruict de l'intention de Vostre +Majesté, laquelle je mettray peyne, Sire, en ce qu'il +sera besoing de la notiffier à la Royne d'Angleterre, de la +luy fère bien entendre, et de fère, par toutz les moyens, +persuasions et instances, qu'il me sera possible, qu'elle y +veuille conformer la sienne.</p> + +<p>Le secrétaire Cecille et son adjoinct sont arrivez avec +l'évesque de Roz, le premier de ce mois, devers la +<span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span> +Royne d'Escoce, à laquelle ilz ont présenté, avec grand +respect et révérance, une lettre, que la Royne d'Angleterre +luy a escripte, laquelle avoit le commancement fort +rigoureux et plein d'une recordation de beaucoup d'offances +qu'elle reprochoit à la dicte Dame; mais que, pour en +abolyr la mémoire, elle luy dépeschoit ces deux siens confidans +conseillers, pour préparer le chemyn d'ung bon tretté +d'amytié entre elles deux; et n'y a heu aultre chose que +cella pour le premier jour, sinon l'humayne et favorable +réception, que la dicte Dame leur a faicte. Mais, le lendemain, +estans entrez en conférance, elle leur a respondu, +à chacun poinct de la dicte lettre, avec tant de fondement +de rayson et avec tant de modestie qu'ilz ont monstré de +demeurer très bien satisfaictz; et ayant convenu la dicte +Dame, pour son regard, et eulx, pour la Royne d'Angleterre, +d'ensepvelir pour jamais les choses mal passées, et +de procéder à ung renouvellement de vraye et parfaicte intelligence +entre elles, sellon que le debvoir de leur proximité +et du commun proffict de l'une et de l'aultre, et de +leurs deux royaulmes, le requéroit; ilz luy ont leu les articles +de l'instruction, qu'ilz portoient, lesquelz se sont +trouvez, pour la pluspart, concerner l'expresse cession et +résignation du tiltre de ce royaulme par la dicte Royne +d'Escoce au proffict de la dicte Royne d'Angleterre, sans +préjudice de la future succession d'icelluy, au cas que la +dicte Royne d'Angleterre n'ayt point de lignée:—Que, +pour seurté de cella, le Prince d'Escoce doibve estre mené +et norry en Angleterre, sans préfiger temps de le randre, +sinon au cas que la Royne, sa mère, arrive à morir, ou +qu'elle luy veuille résigner sa couronne d'Escoce;—Que +gouverneurs luy seront baillez, telz que la Royne d'Angleterre +<span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span> +advisera, comme les comtes de Lenoz, de Mar ou +aultres;—Que trois comtes et trois lordz Escoçoys viendront +estre ostaiges, l'espace de trois ans, en ce royaulme, +pour la seurté des choses qui seront promises;—Que trois +chasteaulx, sçavoir: Humes, Fascastel et encores ung aultre, +en Gallovaye ou Quinter, demeureront, pour le dict +temps, ez mains de la Royne d'Angleterre;—Que, sans le +consantement d'icelle ou de la pluspart de la noblesse +d'Escoce, la dicte Royne d'Escoce ne se maryera;—Que +ligue sera faicte entre elles et leurs deux royaumes;— +Que, au cas que nul prince estrangier, sans ocasion à luy +raysonnablement donnée, entrepreigne d'assaillyr ce +royaulme, la dicte Royne d'Escoce sera tenue de le secourir +d'hommes et de navyres, aulx despens toutesfoys de la +Royne d'Angleterre;—Que le murtre du feu Roy d'Escoce +et celluy du comte de Mora seront punys;—Que le +comte de Northomberland et aultres fuytifz d'Angleterre +seront randuz;—Et que, au cas que la dicte Royne d'Escoce +meuve à jamais pleinte ny querelle du tiltre de ce +royaulme, ny assiste à nul aultre, qui la veuille mouvoir en +quelque façon que ce soit contre la dicte Dame, qu'elle +demeurera privée de la future succession d'icelluy. Et +avoient d'aultres articles, concernans la seurté des subjectz +d'Escoce, lesquelz ilz n'ont encores monstrez, mais ilz ont +fort incisté d'avoir promptement la responce sur ceulx cy.</p> + +<p>Je ne sçay si la Royne d'Escoce l'a encores faicte, +seulement j'ay entendu qu'ung pacquet du dict secrétaire +arriva, sabmedy au soir, à la Royne d'Angleterre, et que, +tout incontinent, elle assembla son conseil; et le lendemain +matin, le courrier fut renvoyé avecques responce.</p> + +<p>Aulcuns amys de la dicte Royne d'Escoce m'ont faict +<span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span> +advertyr qu'elle est au plus grand dangier, où encores elle +ayt poinct esté, à cause de la sublévation qui se descouvre +estre toute formée au pays de Lenclastre, de laquelle on +luy attribue l'ocasion, aussi bien que de celle passée du +North; et que pourtant, elle et nous, qui soubstenons icy +son faict, debvons condescendre à ce que la Royne d'Angleterre +luy vouldra demander, et luy complayre du tout, +pourveu qu'elle puysse avoir sa liberté; et ne fère difficulté +de luy accorder le Prince d'Escoce, pour quelque +temps, avec honnestes condicions. Aultres de ses amys +conseillent le contraire: qu'elle peut bien accorder hardyment +toutes choses raysonnables à la Royne d'Angleterre, +mais non de luy bailler son filz, ny ostaiges, ny places; +mais plustost qu'elle mesmes offre de demeurer en Angleterre +pour asseurance de ce qu'elle promettra. Je sçay, à +la vérité, qu'on tient de très dangereux conseilz sur la +personne de ceste princesse, pour l'opinion qu'on a qu'elle +ayt trop bonne part en ce royaulme, et que, quant elle sera +du tout ostée, que pareillement sa querelle sera du tout +esteincte, se persuadant que, ny les Escouçoys, ny les +Anglois, ses partisans, ny mesmes Vostre Majesté ne se +soucyeront guières, puys après, de la relever. Et est incroyable +combien la Royne d'Angleterre et ceulx de son +conseil sont esmeuz pour les choses du dict pays de Lenclastre, +sans toutesfoys en fère grand démonstration; car +les ayant vollues remédier par la voye de la justice, envoyant +par dellà ung procureur fiscal, ilz ont veu que cella +ne suffizoit, et que plusieurs ouvertement se déclairoient +substrectz de l'obéyssance et jurisdiction de la Royne +d'Angleterre, jusques à ce qu'elle se seroit jettée hors de +l'interdict de l'esglize catholique: dont elle a mandé au +<span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span> +comte Dherby, principal seigneur de tout le dict pays, de +la venir trouver, par prétexte de vouloir assembler toutz +ceulx de son conseil, dont il est l'ung des principaulx, affin +de pourvoir à l'estat de ce royaume; et qu'il veuille mener +ses enfans avec luy, pour monstrer qu'ilz ne sont coulpables +d'aulcunes choses qu'on leur a vollu imposer. L'on ne +sçayt encores si le dict comte vouldra obéyr; tant y a, +Sire, que je vous ay bien vollu envoyer le susdict adviz de +la Royne d'Escoce, par homme exprès, affin qu'il vous +playse m'y commander vostre vollonté; et cependant je +verray ceste princesse pour l'adoulcyr et modérer, le plus +qu'il me sera possible, sur icelluy, et pour la fère passer +oultre au tretté encommancé.</p> + +<p>J'entendz que sire Charles Havard a raporté à la dicte +Dame ung grand contantement du debvoir, qu'il a faict +envers la Royne d'Espaigne, et des honnestes propos, que +la dicte Royne d'Espaigne l'a enchargé de dire à la dicte +Dame de sa part, ayant accepté, avec toute affection, le +présent qu'elle luy a envoyé, et ayant faict donner une +chayne de mil ducatz au dict Havart, et une aultre ung +peu moindre à son vis admyral, et encores dix aultres chaynes +aulx capitaines des dix navyres. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvı<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">POUR FAIRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ</span> +oultre ce dessus:</p> + +<p>Que, par aulcunes lettres, que la Royne de Navarre et Messieurs +les Princes, ses filz et nepveu, et Mr l'Admiral ont escriptes par +deçà, et par des parolles et démonstrations, dont Mr le cardinal de +Chatillon a usé, en prenant congé de ceste court, la Royne d'Angleterre +et les siens demeurent assez persuadez que la paix de France +sera de durée.</p> + +<p>Et y sont confirmez davantaige par la réputation, qui court, que +<span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span> +le Roy a prinz une ferme résolution de vouloir que, en cest endroict. +et toutz aultres, où sa parolle interviendra, qu'elle ayt à estre très +certaine et véritable, et que la Royne et Monseigneur, frère du Roy, +interposent, par une bonne intelligence, si fermement leur conseil et +authorité à cella, qu'il n'est en la main de nul aultre de le pouvoir +rompre.</p> + +<p>Et a raporté le S<sup>r</sup> de Valsingan, qu'encor que le mariage des deux +filles de l'Empereur avec le Roy et le Roy d'Espaigne, et l'intelligence +que ung chacun présumoit demeurer toutjour secrecte entre +la Royne et Mr le cardinal de Lorrayne, et l'authorité de Monseigneur, +frère du Roy, lequel après avoir mené la guerre et heu plusieurs +victoires contre ceux de la nouvelle religion, ne comporteroit +jamais qu'ilz demeurassent dans le royaulme, fussent trois occasions +qu'aulcuns remarquoient pour réputer la paix fort douteuse; néanmoins +ilz jugeroient, à ceste heure, que c'estoit par la vraye et parfaite +intelligence de la Royne, et de Monseigneur, et de Mr le cardinal de +Lorrayne, et de toutz les Princes avecques le Roy, que la dicte paix +se randroit plus ferme et plus estable; et que mesmes le conseiller Cavaignes +luy avoit dict qu'il s'en promettoit une bien longue continuation, +et en plus d'advantaiges pour eulx que les articles ne portoient.</p> + +<p>Ce qui a remiz en réputation les affères du Roy en ce royaulme, +et croy que de mesmes ilz en sont relevez ailleurs, car l'ambassadeur +d'Espaigne, qui est icy, despuys la première foys qu'il me raporta le +jugement, que le duc d'Alve faisoit de la dicte paix, comme s'il l'estimoit +pleyne de dangier pour la Chrestienté, il dict meintennant qu'il +ne faict doubte que le Roy et son prudent conseil ne l'ayent cogneue +nécessaire, et qu'il faut que Sa Majesté Très Chrestienne la rande +utille, et luy face produyre, non seulement pour luy et pour son +royaulme, mais aussi pour ses voysins et pour toute la Chrestienté, +ung vray repos.</p> + +<p>Et s'est le dict ambassadeur curieusement enquiz à moy de deux +choses: l'une, si je sçavois que Mr le cardinal de Chatillon eust parlé +en ceste court de tranférer meintennant la guerre, qui est achevée en +France, au pays de Flandres; et de cella il a vollu que j'en aye +sondé le dict S<sup>r</sup> cardinal, quant il est venu en mon logis, lequel m'a +tout franchement respondu, qu'il pourrait estre qu'il en eust parlé +comme d'ung commun souhait, que toutz ceulx de sa religion y avoient; +mais non qu'il en vit l'entreprinse bien preste; et j'en ay satisfaict le +dict ambassadeur.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span> +Et l'aultre chose, qu'il m'a demandée, est si j'avois entendu +pourquoy le Roy avoit faict renforcer la garnyson de Péronne, de +S<sup>t</sup> Quintin et des aultres villes de Picardie, et changé celle de Callais, +monstrant que le duc d'Alve en avoit prins quelque souspeçon; +à quoy je luy ay respondu que le Roy n'avoit en cella que renvoyé +les garnysons en leurs lieux accoustumés, car l'on les en avoit tirez, +durant la guerre, pour s'en servir au camp, et que meintennant +il distribuoit en ses frontières ses gens de guerre pour plus sollager +son royaume et pour ne demeurer pourtant désarmé.</p> + +<p>Et, en la mesmes conférance, icelluy sieur ambassadeur, me magniffiant +grandement la ligue<a name="FNanchor_14" id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">[14]</a> qui a esté faicte entre le Pape, le Roy Catholique, +son Maistre, et les Véniciens contre le Turc, m'a dict que +le Roy, son Maistre, s'estimoit estre miz hors par icelle de tout le +dangier de la guerre du dict Turc, et qu'il n'avoit qu'à contribuer +seulement au secours accordé, dont se trouvoit fort adélivré pour +mettre bientost fin à la guerre des Mores, et pour entendre aulx +choses de Flandres, d'Allemaigne et du costé de deçà;</p> + +<p>Que le dict ambassadeur pensoit que l'Empereur enfin entreroit +en la dicte ligue, comme il en avoit une fort grande vollonté, mais il +desiroit le fère par aprobation de la diette, affin d'obliger les +estatz d'Allemaigne à la contribution et au secours de la dicte +guerre.</p> + +<p>Et a adjouxté que, si le Roy Très Chrestien y vouloit entrer et +quicter la pratique du Turc, retirant son ambassadeur qu'il a près +de luy, qu'il s'aquerroit ung grand nom et une grande louange +envers le Siège Apostolique et envers toute la Chrestienté; et, +quant il ne bailleroit que quatre gallères de secours, que son nom et +la réputation de la couronne de France y en vauldroient cent.</p> + +<p>Je luy ay respondu que ceste ligue estoit faicte pour la conservation +des estatz, qui estoient exposez aulx entreprinses du Turc, et +que l'Empereur avoit rayson d'y entrer pour l'ocasion des siens, aussi +bien que le Pape et le Roy, son Maistre, et les Véniciens, car toutz +ensemble y estoient bien fort intéressez, et leurs dicts estatz y couroient +de grandz dangiers; mais que Dieu avoit constitué le Roy et +<span class="pagenum"><a id="Page_334"> 334</a></span> +son royaulme en lieu, qui estoit tout gardé des incursions du Turc; +par ainsy qu'il n'avoit à fère ligue deffencive contre celluy qui +ne l'assailloit, ny le pouvoit assaillir; et seroit en vain consommer ses +forces et ses deniers pour aultruy, et entrer en une guerre non nécessaire; +mais que je croyois bien que, quant toutz les princes chrestiens +conviendroient en une entreprinse de ruyner l'Empire du Turc +et amplier la Chrestienté, et que le Roy y verroit quelque bon fondement, +que ce seroit luy le premier qui y employeroit sa propre personne +et ses forces, aussi bien qu'avoient faict ses prédécesseurs.</p> + +<p>Laquelle rayson le dict ambassadeur a monstré d'aprouver, et a +adjouxté que possible n'estoit on pas trop loing d'une si grande et +vertueuse délibération; et puys a continué me dire que les Anglois, +pour ne pouvoir bien entendre toutz les secretz de la dicte ligue, la +tenoient pour fort suspecte, comme, à la vérité, j'ay sceu qu'iceulx +Anglois discourent entre eulx, qu'ayant le Pape passé si avant que +d'avoir ouvertement interdit cette Royne et son royaulme, et estant +le Roy d'Espaigne fort offancé des dicts Anglois, et les Véniciens assés +mal contantz des prinses et déprédations de l'année passée, qu'il est +à croire qu'on n'a dressé ceste ligue dans Rome, sans y incérer quelque +article bien exprès contre l'Angleterre, et que le général de la mer +qui a esté créé par icelle, qui est don Juan d'Austria, aspire bien +fort à l'entreprinse.</p> + +<p>Néantmoins, le duc d'Alve entretient les dicts Anglois en une si +ferme opinion de l'amytié du Roy, son Maistre, qu'ilz s'en tiennent +trop plus que bien asseurez; et semble que, ny luy de son costé, +ny eulx du leur, ne s'ennuyent de laysser encores les choses en suspens, +sans aultrement les esclarcyr, parce que le temporiser vient à +propos pour chacun, bien que possible non guières pour les Mestres +ny pour leurs estatz, mais pour ceulx qui les manyent; et m'a l'on +asseuré que le dict duc a offert à ceste Royne de luy envoyer dix +mil hommes de guerre, pour la servyr en ses affères, qu'elle pourroit +avoir dans son royaulme, ou bien contre l'Escoce, si elle en a +besoing: mais qu'elle n'a accepté ny l'ung ny l'aultré, ny ne demeure +pour cella trop dellivrée du souspeçon qu'elle s'est conceue du +dict duc.</p> + +<p>J'entendz que milord de Sethon, estant arrivé en Envers, a soubdain +envoyé demander audience à icelluy duc jusques à Bergues, lequel +s'est excusé de la luy pouvoir si tost bailler, pour estre fort empesché +à l'embarquement de la Royne, sa Mestresse; dont le dict de +Sethon, ne voulant prolonger les matières, luy a envoyé incontinent +<span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span> +les lettres des seigneurs d'Escoce et une coppie de son instruction, +mais le duc ne s'est hasté pour cella de luy rien respondre, ains l'a +remiz à quant il seroit en Envers, que le conseil du pays y seroit assemblé; +et cependant il l'a faict convyer à dyner par le marquis de +Chetona, où le secrétaire Courteville s'est trouvé, avec lesquelz il a +heu grand conférance; et despuys il a envoyé icy demander qu'est +ce qu'il aura à respondre, si le dict duc requéroit d'avoir la Royne +d'Escoce entre ses mains, ou qu'elle y veuille mettre le Prince d'Escoce +son filz; s'il inciste qu'elle ne se marye sans le conseil du Roy +Catholique, et qu'elle veuille entrer en ligue avecques luy, sans +exception d'aulcune aultre ligue; s'il demande avoir quelques portz +et places au pays, pour la retrette de ceux qu'il y envoyera; et finallement, +s'il requiert que la réduction de la religion catholique soit +faicte en tout le royaulme, et que l'aultre en soit chassée, et toutz +ceulx qui en sont.</p> + +<p>En quoy semble que le dict de Courteville ayt desjà touché toutz +ces poinctz au dict de Sethon, et, quoy que soit, on m'a bien baillé +pour chose asseurée que maistre Jehan Amelthon, qui a résidé despuys +quinze moys, ordinairement, près du dict duc d'Alve, a esté +naguières envoyé par icelluy duc avec deux aultres gentishommes, +ung italien et ung espaignol, jusques en Escoce, pour recognoistre +quelque commode descente; et que le dict Amelthon leur a monstre +les ports et villes de Montroz et Abredin.</p> + +<p>Quant, après plusieurs miennes instances et de Mr l'évesque de +Roz, la Royne d'Angleterre eust, à la fin de septembre, commandé +au secrétaire Cecille, et à maistre Mildmay, d'aller devers |a Royne +d'Escoce, elle ne se peult tenir de jetter quelques motz de jalouzie +des perfections de sa cousine, demandant au dict secrétaire, s'il se +lairroit point gaigner à elle, comme les aultres, qui l'avoient veue; +dont il tomba en ung merveilleux doubte que le voyage luy fût pernicieux, +et escripvit dez lors à ung sien amy qu'il s'en excuseroit, s'il +luy estoit possible, ce qui donna à penser, estant incontinent après +devenu mallade, qu'il le contrafaisoit, mesmes qu'il ne se sentoit +estre bien vollu de la dicte Royne d'Escoce, et n'estimoit pouvoir +raporter honneur de ceste négociation; tant y a que, ne voulant +qu'ung aultre l'eust, il dellibéra de veincre toutz ces doubtes et +difficultez, mais, premier que de partir, affin d'oster toute souspeçon +à sa Mestresse, il dressa les articles de son instruction, ainsy +durs qu'ils sont contenuz en la lettre du Roy, et les communica +à la dicte Dame, qui les aprouva, et puys au conseil, où quelques +<span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span> +ungs luy remonstrèrent qu'il seroit bon de les modérer, affin qu'ilz +ne malcontentassent par trop ceste princesse, et qu'ilz fussent +aprouvez des aultres princes; mais il respondit qu'on luy layssât +manyer cest affère, lequel il entendoit très bien, et le conduyroit +à bonne fin, à l'honneur de sa Mestresse et de son royaulme; +et qu'il feroit que la Royne d'Escoce et les princes, ses allyez, +ne seroient que bien ayses d'en passer par là. Tant y a qu'estant +sur le lieu, Mr de Roz m'a mandé qu'il monstre d'avoir une grande +vollonté de conclurre le tretté, et qu'il espère que le retour du +S<sup>r</sup> de Valsingan, sur lequel l'on luy avoit faict une dépesche, seroit +cause de luy fère modérer les dures condicions de sa première +instruction.</p> + +<p>Et m'a le dict sieur évesque mandé davantaige que creinct que les +seigneurs escossois, partisans de sa Mestresse, commençant de n'espérer +guières nul secours de France, condescendront à telles condicions +de tretté qu'on leur vouldra imposer; et que quelques ungs sont +desjà après à s'acommoder à l'authorité du comte de Lenoz; ny l'arrivée +du S<sup>r</sup> de Vayrac ne les a peu tant confirmer qu'ilz veuillent demeurer +davantaige en doubte, ny mettre plus en hazard leurs vies +et leurs biens.</p> + +<p>Tant y a que le lair de Granges, cappitaine de Lislebourg, a +mandé que, s'il playt au Roy fère descendre mille harquebuziers +seulement ez quartiers, du Nord d'Escoce, qu'il rechassera le dict de +Lenoz et les Anglois plus loing que Barvich, et réduyra la ville de +Lislebourg à l'obéissance de la Royne sa Mestresse, et qu'il ne sera +plus parlé que de l'alliance de France en tout le royaulme d'Escoce.</p> +</div> + +<h2 class="p4">CXL<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès par ung des miens, jusques à Calais.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Communication officielle des articles proposés à Marie Stuart.—Nécessité +de remontrer à la reine d'Angleterre qu'elle ne peut enlever à la France +l'alliance de l'Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, vous ayant escript, du jour de hier, assés amplement +<span class="pagenum"><a id="Page_337"> 337</a></span> +toutes choses de deçà, ceste cy n'est que pour dire +à Vostre Majesté comme, ce matin, Mr l'évesque de Roz +m'a envoyé, en grand dilligence, les articles<a name="FNanchor_15" id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">[15]</a> que les depputez +de la Royne d'Angleterre ont baillez à la Royne d'Escoce, +sa Mestresse, me priant de lui envoyer, tout incontinent, +le messagier avec ma responce et mon adviz là dessus; +et que je veuille considérer que le moindre dilay ou empeschement, +qui puysse intervenir en cest affère, est ung +extrême détriment à sa dicte Mestresse; mais qu'il mettra +peyne d'entretenir la matière en suspens, jusques à ce que +ma response arrive, et qu'il est tout certain, si l'on fault +ceste foys de conclurre quelque chose, que la dicte Dame et +ses affères, et ceulx de son royaulme, demeurent déplorez +et hors de tout remède pour jamais. Sur quoy, Sire, j'ay +esté en grand peyne, car le faict me semble d'un costé +si important, que je ne me doibz ingérer de rien dellibérer +ny respondre sur icelluy, sans exprès commandement +de Vostre Majesté, et, de l'autre, je voys ceste pouvre +princesse en si dangereux estast, que le moindre retardement +peult admener une extrême ruyne sur elle et sur son +royaulme; dont, en telle extrémité, j'ay prins expédiant +de respondre premièrement au dict sieur évesque, en la +meilleur façon que j'ay peu, sellon le peu de loysir qu'il +m'a donné d'y penser, et d'envoyer tout aussitost à Vostre +Majesté les dicts articles et ma dicte responce, affin qu'il +vous playse, en mesmes dilligence, me remander vostre bon +commandement; lequel je mettray peyne, aultant qu'il me +sera possible, d'exactement accomplyr; et j'espère qu'on +<span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span> +ne s'opiniastrera du tout à toutes les conditions des dicts +articles, ayant desjà faict office, là où j'ay cogneu en estre +besoing, pour les fère modérer; et je sçay que ce que Voz +Majestez en ont fermement et vertueusement mandé, par +le S<sup>r</sup> de Valsingan, à ceste Royne, en fera bien rabattre +quelque chose. Tant y a que Vostre Majesté verra s'il seroit +bon que, faisant appeller l'ambassadeur d'Angleterre en sa +présence, et luy monstrant d'estre bien ayse de la continuation +du tretté, vous lui faysiez tout clairement entendre +que vous ne pourriez tout ensemble meintenir l'amytié +avecques la Royne, sa Mestresse, et veoir qu'elle s'esforçât +de vous soubstraire l'alliance d'Escoce; et que, de tant +que vous avez entendu que ceulx, qui dressent le tretté, y +aspirent, que vous l'avez bien vollu exorter d'advertyr sa +Mestresse qu'elle se veuille déporter d'entreprendre une +telle offance contre vous; laquelle vous ne pourriez comporter, +attandu mesmement que vous n'avez désiré ny procuré +que tout bon accord entre elle et la Royne d'Escoce, +et bonne paix entre leurs deux royaumes, pourvu que ce +ne soit au préjudice de vostre dicte alliance. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvıı<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXLI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXV</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Assurances réciproques d'amitié.—Consolidation de la paix +en France.—Plainte du roi contre la dernière invasion du comte de +Sussex en Écosse.—Vive insistance de l'ambassadeur pour qu'il soit +procédé à la restitution de Marie Stuart, sous des conditions +honorables pour la France.—Plaintes d'Élisabeth contre la reine +d'Écosse.—Instance de l'ambassadeur afin qu'une résolution définitive +soit prise sans retard.—Protestation d'Élisabeth qu'elle ne veut plus +retenir Marie Stuart en Angleterre.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, je n'ay receu jusques au xvııȷ<sup>e</sup> du présent, la dépesche +de Vostre Majesté, du xxvȷ<sup>e</sup> du passé, car le S<sup>r</sup> +de Vassal, qui me l'aportoit, oultre la première tourmente, +que je vous ay mandé qu'il avoit soufferte, il a, +par trois fois, despuys, s'esforceant de passer de deçà, toutjour +esté rejetté en la coste de dellà, et a esté si travaillé +de la mer, que d'une fiebvre quarte, qu'il avoit auparavant, +il est tumbé en une continue, qui l'a contrainct de demeurer +du tout à Callais, d'où il m'a envoyé le pacquet; sur +lequel, Sire, ayant veu, le xx<sup>e</sup> de ce moys, la Royne +d'Angleterre, j'ay estimé luy debvoir fère entendre le retardement +d'icelluy, et comme beaucoup plustost qu'à ceste +heure, vous m'avez commandé que je l'allasse trouver, +affin de luy randre, de vostre part, le plus exprès et le plus +grand mercys, qu'il me seroit possible, pour la tant prompte +et ouverte conjouyssance, qu'elle avoit usé vers vous sur +la paix de vostre royaulme; et qu'ayant prévenu en cella +toutz les aultres princes, voz alliez, vous demeuriez très +fermement persuadé que, plus que toutz eulx, elle vous +<span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span> +avoit véritablement desiré ce bien, et l'establissement de +voz affères; dont la priez de regarder en quoy elle se vouldroit +meintennant prévaloir de vous et de vostre présente +paix; car vous métriez peyne de la luy randre aultant utille, +comme elle avoit monstré de l'avoir toutjour très agréable; +et que me commandiez, au reste, de n'obmettre rien qui +peult servir à luy fère bien cognoistre vostre bonne affection +et celle de la Royne, vostre mère, en cest endroict; +mais que je n'entreprendrois de luy en dire davantaige, +parce que Voz Majestez s'estoient mieulx sceu explicquer, +par leur propre parolle, au S<sup>r</sup> de Valsingan, que je ne le +sçaurois fère sur vostre lettre: et comme il avoit dignement +représanté l'intention d'elle à Voz Majestez par dellà, +qu'ainsy espérois je que, à son retour, il se seroit très +bien acquité de luy fère bien entendre les vostres, et toutz +les bons propos que luy avez tenuz de la parfaicte amytié, +en laquelle dellibériez persévérer avec elle et son royaume. +Et suyviz, Sire, à luy toucher quelques motz du bon et asseuré +establissement, que prènent les choses de la paix en +vostre royaulme, affin qu'elle ne donnast foy à certaine lettre, +que je sçavois qu'on luy avoit monstrée de quelcun de +vostre court, qui a escript à ung seigneur de ce royaulme, en +langaige françois et lettre françoyse fort proprement, sans +toutesfoys se soubsigner, sinon par parrafe, qu'il voyoit que +les troubles alloient recommancer plus fort que devant, en +vostre royaulme, à cause de plusieurs désordres et viollances +qu'on fesoit à ceulx de la religion; et que Messieurs les Princes +avoient envoyé fère des remonstrances là dessus à Vostre +Majesté, qui leur aviez rendu de fort bonnes responces; et +aviez soubdain dépesché lettres pour y pourvoir, mais l'on +n'y avoit vollu obéyr; dont ilz avoient renvoyé vous en fère +<span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span> +nouvelle pleinte; et vous aviez de rechef escript que justice +en fût dilligemment faicte, mais que l'on avoit contempné +et mesprisé vos lettres, ce qui leur faisoit penser qu'il y avoit +quelque très dangereuse entreprinse couverte contre ceulx +de la dicte religion; dont les dicts Princes s'estoient retirez +mal contans à la Rochelle, non sans avoir desjà adverty +leurs amys en Allemaigne. De laquelle nouvelle l'on me +vouloit bien asseurer que la dicte Dame et ceulx de son +conseil seroient pour changer beaucoup de leurs premières +dellibérations, mesmement en l'endroict de la Royne d'Escoce, +si je ne mettois peyne de luy persuader le contraire.</p> + +<p>Ce qui m'a faict estendre plus avant le propos, lequel +seroit long à mettre icy; mais elle a monstré de l'avoir +bien fort agréable, et m'a respondu que le dict sieur de +Valsingan avoit trouvé les parolles, dont Vostre Majesté +et la Royne, vostre mère, luy avoient usé sur la conjoyssance +de la paix, si pleynes d'honneur et si dignes, qu'il +n'avoit osé entreprendre de plus particullièrement les luy +exprimer que de l'asseurer que de plus dignes n'en pouvoient +estre proférées de nulz princes de la terre; et que, +sur ce que je luy en disoys meintennant, elle remercyoit +infinyement Voz Majestez d'avoir vollu ainsy pénétrer en +son cueur, pour y bien cognoistre l'affection, qu'elle a, trop +plus certaine et vraye, que nul de toutz vos allyez, à la dicte +paix de vostre royaulme; et que, tout ainsy qu'elle a cy +devant prié Dieu de la vous donner, que ainsy, à ceste +heure, que vous l'avez, elle le prie de la vous conserver +si entière que nulz plus obéyssantz ny plus fidelles subjectz +à leur prince que les vostres, ny nul meilleur prince que +Vostre Majesté à eulx, se puyssent trouver en tout le +monde.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span> +Et a poursuyvy aulcunes particullaritez qui sembloient +bien extraictes de la susdicte lettre; mais je y ay respondu +en façon qu'elle m'a semblé demeurer bien édiffiée des +choses de vostre royaume; et puys j'ay adjouxté que le +S<sup>r</sup> de Valsingan, à mon adviz, n'avoit failly de luy dire +ce que Vostre Majesté me commandoit de luy représanter +encores une foys, c'est que vous aviez esté bien fort escandalisé +du dernier exploict du comte de Sussex en Escoce, +et que une seule chose vous avoit contanté, que ses deux +ambassadeurs, et moy pareillement par mes lettres, vous +avions asseuré que cella estoit advenu sans son sceu et sans +son commandement; en quoy vous la vouliez donc très +expressément prier de fère quelque réparation ou démonstration +là dessus, par où les Escouçoys peussent cognoistre +que son intention, aussi bien que la vostre, avoit esté +d'abstenir de toute voye d'hostillité, et de remettre toutz +leurs différans à ung bon tretté d'accord, ainsy que, sur la +parolle d'elle, vous les en aviez asseurez, et aviez différé de +leur bailler vostre secours; et qu'au reste vous aviez heu ung +singulier playsir d'entendre qu'elle eust envoyé ses depputez +devers la Royne d'Escoce pour commancer de procéder au +tretté; et que Vous, Sire, et la Royne, chacun séparément, +en voz lettres, me commandiez de la prier et conjurer, au +nom de l'amytié, que luy portez, qu'elle vous fît meintennant +cognoistre combien elle vouloit satisfère aulx choses, +qu'elle vous a faictes espérer, et que assés souvant elle vous +a promises, pour la liberté et restitution de la Royne d'Escoce, +et de tourner son cueur à ne vous vouloir ny offancer +ny mescontanter en cella, ains correspondre à ce que, pour +le seul respect de son amytié, et non d'aultre chose, vous +desiriez qu'on ne vînt aulx viollantz remèdes, dont l'on +<span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span> +vous recherchoit très instantment d'y user; et que plusieurs +raysons, lesquelles vous luy aviez desjà faictes entendre, +pressoient vostre honneur et vostre debvoir, et +l'honneur de vostre couronne, de n'abandonner, en façon +du monde, ny la liberté, ny la restitution de ceste pouvre +princesse, vostre belle sœur, ny mesmes les affères de +ceulx qui soubstiennent son party en Escoce, quant bien +elle n'y seroit plus, et de n'y espargner nul moyen, ny +pouvoir, que Dieu vous ayt donné en ce monde; dont desiriez +infinyement que le dict tretté sortît à effect, et que, +par icelluy, elle demeurast contante et bien satisfaicte de +tout ce qu'elle pouvoit honnestement et honnorablement +demander à la Royne d'Escoce, pourveu que ce ne fût +contre sa consience, ny contre sa dignité, ny contre son +estat, ny au préjudice des trettez, que vous avez avec +l'Angleterre, ny derrogeant à vostre alliance avec les Escouçoys; +car, au reste, vous vouliez, de bon cueur, estre +garant de toutes les choses qui seroient promises et accordées +par le tretté.</p> + +<p>Auquel propos, qui a esté avec attention, mais non sans +passion, fort dilligemment escouté de la dicte Dame, elle +m'a respondu qu'elle s'esbahyssoit grandement, comme +Voz Majestez Très Chrestiennes avez tant à cueur la Royne +d'Escoce, que ne vollussiez avoir aulcune considération +aulx grandes offances, qu'elle luy a faictes: premièrement, +de luy inpugner sa condicion pour la fère déclairer illégitime; +puys de s'estre attribuée le titre de son royaulme; et +finallement, d'avoir esmeu ses propres subjectz contre elle; +et que ce eust bien esté assés à Voz Majestez de l'avoir +faict admonester une foys d'y procéder, sellon que l'honneur +et debvoir l'y pouvoit convyer, sans luy en fère si +<span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span> +souvant répéter les instances, comme, à toutes les audiences, +je ne faillois de les luy renouveller; et que, puysque +j'en avois esmeu le propos, elle me vouloit bien dire que +ung pacquet d'une dame d'Escosse luy estoit, despuys deux +jours, tumbé entre mains, dedans lequel elle avoit trouvé +une enseigne d'or, en laquelle estoit engravé ung lyon +avec les armes d'Escoce, soubstenuz de deux cornes, et +ung liépart avec les armes d'Angleterre, lequel le lyon +dessiroit, et ung mot en Anglois qui dict: <em>ainsy abattra +le Lyon Escouçoys le Liépart Anglois</em>; et puys +une lettre d'une dame, qui se soubsigne <em>Flemy</em>, laquelle +mande à milord de Leviston, de présenter la dicte enseigne +à la Royne d'Escoce, sa bonne Mestresse, laquelle en +entendra bien la signiffication, qui est celle propre qu'elles +ont souvant devisée et desirée entre elles; et que cella, +avec plusieurs aultres occasions, la randoient de plus en plus +offancée contre la dicte Dame.</p> + +<p>A quoy j'ay répliqué que, si elle considéroit en quelle +bonne sorte et modeste façon vous l'aviez toutjour faicte +requérir sur les affaires de la dicte Royne d'Escoce, elle se +réputeroit vous en avoir de l'obligation, et non qu'elle s'en +tînt mal contante, comme j'espérois que le temps le luy +feroit quelquefoys cognoistre; et que, si elle y eust vollu +entendre la première foys, nous en fussions à ceste heure +aulx mercyemens, et non plus aulx tant répétées instances; +et qu'au reste je ne faysois doubte que plusieurs en Angleterre, +et plusieurs en Escoce, ne cerchassent, par le +moyen d'elle, de ruyner la Royne d'Escoce, et plusieurs +aussi, par la Royne d'Escoce, de la ruyner à elle, s'ilz +pouvoient; mais qu'elles feroient bien de s'accorder ensemble +à la propre ruyne d'eulx, et à leur confusion; et que +<span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span> +c'estoit à elle de cercher meintennant ou sa vengeance, +ou sa seureté, en cest affère; et si c'estoit sa vengeance, +qu'elle considérât les dangereuses conséquences qui en +pouvoient advenir, et combien elle s'aquerroit par là l'indignation +de toutz les aultres princes, et la hayne généralle +des habitans de ceste isle et de presque toute la Chrestienté; +si, sa seureté, que Vostre Majesté concourroit à +la luy fère trouver telle, comme elle la pourroit désirer.</p> + +<p>A quoy la dicte Dame, avec affection, m'a prié de vous +escripre que, pour l'honneur de Vostre Majesté, et non +pour aultre respect du monde, elle a commancé d'envoyer +ses depputez, et de procéder, envers la Royne d'Escoce, +en une façon que nul aultre prince, ny princesse offancée +comme elle, ne l'eust jamais faict, et qu'elle se contraindra +à toutes les conditions, qu'il luy sera possible, pour remettre +la dicte Dame, par la voye du tretté, le plus honnorablement +qu'elle pourra, en son royaulme; et, quant elle +ne le pourra en ceste façon, qu'encor vous donne elle parolle +de la renvoyer, commant que soit, à ceulx qui tiennent +son party en son pays, car ne la veult plus retenir en son +royaulme; et que, par ainsy, elle espère vous satisfère si +bien que vous n'aurez plus occasion de vous quereller de +ce faict, ny de luy en fère plus parler. Qui sont, Sire, +les principaulx poinctz qui ont esté desduictz en ceste audience. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxv<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</span></p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXLII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXX</span><sup>e</sup> jour d'octobre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Estienne, le postillon.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Négociation concernant Marie Stuart.—Nouvelles d'Écosse.—Avis que le +duc d'Albe demande à quitter le gouvernement des Pays-Bas.—Affaires +d'Allemagne.—Ligue contre les Turcs.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, le retour des depputez de la Royne d'Angleterre +ne nous faict que bien espérer du tretté, qu'ilz ont encommancé +avec la Royne d'Escoce, de laquelle, et des responces +qu'elle leur a faictes, semble qu'ilz ayent miz peyne +d'en fère prendre beaucoup de contantement à leur Mestresse, +et qu'enfin le tretté se conclurra; lequel se fût desjà +advancé de dresser, avant la venue des depputez d'Escoce, +si la malladie de milord Quiper ne fût survenue, laquelle +est cause qu'on s'est résolu d'attandre qu'ilz soient arrivez; +et que cependant icelluy Quiper pourra estre guéry. Je +mettray peyne, Sire, d'entendre par Mr de Roz, aussitost +qu'il sera de retour en ce lieu, les susdictes responces de +la Royne d'Escose, affin de les vous mander; et vous manderay, +par mesmes moyen, ce que j'auray aprins d'une +dépesche, qui vient d'arriver du comte de Lenoz, laquelle +aulcuns présument estre pour certaine surcéance +d'armes, qui doibt estre accordée pour deux mois en +Escoce. Et j'entens que le gentilhomme, qui l'a apportée, +dict que le duc de Chastellerault, et ceulx du party de la +Royne d'Escoce, s'opiniastrent de vouloir tenir une assemblée, +sur le faict de l'estat du pays, nonobstant la dépesche +<span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span> +de leurs depputez par decà; et que le S<sup>r</sup> de Flemy est +sorty en armes de Dombertran pour se saysir des lieux plus +prochains de sa place, affin d'y dresser des logis et estables, +comme pour y recepvoir la gent et cavallerie qu'il attand +bientost de France; laquelle persuasion, avec le raport +que le cappitaine Comberon faict de la ferme affection, +en quoy il a trouvé Voz Majestez vers les choses d'Escoce, +pourront aulcunement servyr à l'advancement du dict tretté.</p> + +<p>Et y eust pareillement servy assés le doubte, auquel la +Royne d'Angleterre demeuroit du retour de l'armée, qui +est allé conduyre la Royne d'Espaigne, si elle n'eust receu +ung adviz, (qui est assés semblable à ung aultre, que l'ambassadeur +d'Espaigne, qui est icy, en a, bien qu'il dict +ne le tenir du duc d'Alve), que la dicte armée est réservée +pour ramener en Flandres la princesse de Portugal, affin +d'y estre régente, et le duc de Medina Celi, qu'elle admeyne +pour y estre cappitaine général et superintendant des affères +soubz elle; et qu'avec la mesmes armée le dict duc s'en +retournera, puis après, en Espaigne, et que, despuys l'embarquement +de sa Mestresse, icelluy duc a encores dépesché +ung des siens, en dilligence, devers le Roy son Maistre, +pour fère, en toutes sortes, résouldre son congé,<a name="FNanchor_16" id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">[16]</a> remonstrant +son eage et son indisposition; et qu'il a remiz +le pays en ung si bon et si paysible estat, et si hors de +toute souspeçon de guerre, qu'on ne doibt plus rien craindre +de ce costé, ayant faict exécuter les principaulx chefz +<span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span> +de la cédition, et ruyné si bien toutz les moyens et la réputation +du prince d'Orange, qu'il n'ose plus sortyr de +Nausau; qu'il a miz ung si bon nombre des principaulx +princes d'Allemaigne en la pencion de son Maistre, que les +aultres ne luy pourront nuyre; qu'il a accreu ses revenuz +de Flandres de douze centz mil escuz par an; qu'il a aschevé +la forteresse d'Envers; ordonné celle de Vallenciennes; +estably les évesques; confirmé la noblesse; réduict +les loix, coustumes et ordonnances; et si bien pourveu à +toutes choses au dict pays, qu'il ne reste qu'à y entretenir +le bon ordre qu'il y layssera; et que mesmes il a acheminé +en si bonne façon ce qu'il avoit à démesler avecques les Anglois, +qu'on vit en une doulce surcéance avec eulx, avec +grande espérance d'un fort prochain et entier accord. Lequel +adviz semble que la dicte Dame tienne pour assés véritable, +et quoy que ce soit, elle a fait ramener en leur +arcenal accoustumé de Gelingan les dix navyres qu'elle +avoit envoyez convoyer la Royne d'Espaigne, et a faict +licencier les gens et mariniers qui estoient dessus, et faict +cesser toutz ses aultres aprestz et apareilz de mer.</p> + +<p>Le sire Henry Coban escript d'Espire qu'il sera respondu +sur les choses qu'il a proposées à l'Empereur, incontinent +après que les nopces de la princesse Élizabeth +seront faictes, et j'entans que, à la vérité, il a renouvellé le +propos du mariage de l'archiduc Charles, mais l'on ne l'a +suyvy ainsy chauldement qu'il espéroit. D'aultres lettres +sont venues d'Allemaigne, qui font mencion de certein différant, +qui cuyda arriver à Heldelberc, devant l'Empereur, +entre Jehan Georges Pallatin et Jehan Guilhaume de Saxe, +sur leur précédance, à qui seroit premier assiz au festin, +de sorte qu'ilz furent prestz de mettre la main aulx armes; +<span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span> +mais l'Empereur assembla soubdein les principaulx, qui +estoient près de luy, et prononcea pour le dict Georges, +remonstrant si bien la rayson à l'aultre, que la chose se +passa gracieusement; et que le comte Pallatin avoit instamment +prié l'impératrix et la princesse sa fille, qu'elles +vollussent accompaigner l'Empereur en sa mayson de +Heldelberc; mais la dicte Dame s'en estoit excusée en +une façon si résolue de n'y vouloir aulcunement aller, que +le dict Pallatin en estoit demeuré assés mal contant; que +l'Empereur avoit une grande affection d'entrer en la ligue +contre le Turc, et qu'il estoit après à persuader le Vayvaulde +de renoncer à l'alliance et à la souverayneté d'icelluy, +et de luy deffandre l'entrée de la Transilvanie, luy +promettant, s'il perdoit, pour ceste occasion, rien de son +estat qu'il le récompenseroit en Bohesme; et qu'on avoit +opinion, s'il pouvoit conduyre le dict Vayvaulde à cella, +que les Estats de l'Empyre luy consentiroient vollontiers +d'entrer en la dicte ligue, et s'obligeraient à luy bailler +deniers et secours pour icelle, bien qu'on souspeçonnoit +assés que, n'ayantz les Vénitiens esté secouruz à propos +de ceulx de la susdicte ligue, ils cercheront d'accommoder +leurs affères et de procurer en toutes sortes par deniers, +ou bien en accordant quelque tribut sur Chipre, de fère +paix avec le dict Turc; au moyen de quoy ceste ligue demeureroit, +puys après, assés froide, et bien fort foible. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxx<sup>e</sup> jour d'octobre 1570.</span></p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXLIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> jour de novembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée à la court par Mr le secrétaire de L'Aubespine.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Vives plaintes de la reine contre la réception faite par le roi à +Mr de Norris, son ambassadeur, et contre la déclaration du roi en faveur +de la reine d'Écosse.—Nécessité où se trouve le roi de réclamer la liberté +de Marie Stuart.—Protestation qu'il ne veut pas rompre la paix.—Communication +officielle du mariage du roi.—Compliment de la reine sur +cette union.—<em>Lettre secrète à la reine-mère</em> sur la proposition du mariage +de la reine d'Angleterre avec le duc d'Anjou.—<em>Mémoire.</em> Bruits +répandus en Angleterre et en Allemagne que la pacification de France +n'est point sérieuse, et qu'elle cache quelque secret dessein du roi.—Détails +particuliers concernant la négociation avec la reine d'Écosse.—Rapprochement +entre l'Angleterre et l'Espagne.—Plainte de Walsingham au +sujet de l'accueil que lui a fait le roi dans son audience de congé.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, estant, sabmedy dernier, avec la Royne d'Angleterre +pour luy fère part de la dépesche, que Mr de L'Aubespine +m'a apportée, et des aultres choses qu'il m'a sagement +faictes entendre de l'intention de Vostre Majesté, +j'avois advisé de luy commancer quelque gracieulx propos +de vostre mariage, ainsy qu'on m'avoit adverty que je me +gardasse bien de luy user d'aulcune rigoureuse démonstration, +si je ne voulois donner aulx ennemys de la Royne +d'Escoce l'entier gain de leur cause, et advancer grandement +les affères d'Espaigne, pour d'aultaut deffavoriser +toutz ceulx de France en son endroict; et que c'estoit à +l'occasion de certaine deffaveur, que son ambassadeur luy +avoit mandé qu'il avoit naguières receu de Vostre Majesté, +meslée de quelque menace contre elle mesmes, sur les affères +de la Royne d'Escoce, de quoy elle estoit fort offancée; +et que noz ennemys s'esforceroient d'y semer encores +<span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span> +du verre, pour randre la playe incurable; par ainsy, qu'il +estoit besoing que je radoulcisse le faict.</p> + +<p>Mais la dicte Dame me prévint, car aussitost que j'entray +en sa chambre privée, elle s'advança de me dire +qu'elle me recepvoit mieulx que son ambassadeur ne l'avoit +esté en sa dernière audience en France, me remonstrant +la façon dont Vostre Majesté avoit parlé à luy; de +laquelle disoit estre de tant plus marrye que deux aultres +gentishommes anglois, qui n'avoient jamais plus veu vostre +court, luy avoient raporté, premier que son ambassadeur +luy en eust rien escript, qu'elle ny ses messagiers n'estoient +guières prisez ny respectez en France.</p> + +<p>Sur quoy l'ayant escoutée paciemment, je luy respondiz +que je n'avois rien entendu de cest affère, et que je +sçavois, et estois bon tesmoing, que Vostre Majesté avoit +toutjours bien receu, avecques beaucoup d'honneur et faveur, +ses ambassadeurs, et toutz les propos qu'ilz vous +avoient toutjours tenuz de sa part, aultant que de nul aultre +prince ny princesse de la terre; ce qui me faisoit croyre +que l'ocasion n'estoit meintennant procédée de Vostre +Majesté; et j'en comprenois quelque chose parce qu'elle-mesmes +disoit que vous aviez la botte, quant son ambassadeur +arriva, et que vous luy aviez demandé comme est +ce qu'il venoit à telle heure; et qu'au reste, elle debvoit +interpréter à bien la franchise de vostre parler sur les affères +de la Royne d'Escoce; mesmes que s'estant la dicte +négociation continuée despuys par lettres, vous m'aviez +envoyé la coppie de celle, que vous aviez escripte à son +ambassadeur; laquelle je trouvois fort honnorable, et bien +conforme à tout ce qui pouvoit convenir à l'entretennement +de vostre commune amytié.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span> +Elle me répliqua qu'elle ne sçavoit que penser de la +dicte réponse par escript, et s'esbahyssoit assés comme +Vostre Majesté y avoit vollu adjouxter de sa main, me +priant de la luy monstrer, si je l'avois présente, affin que la +débatissions ensemble, dont la luy ayant monstrée, elle me +dict, par deux foys, qu'elle n'estoit semblable à celle qu'elle +avoit desjà veue; et que néantmoins elle trouvoit en ceste cy +cella bien dur, que vous disiez vouloir secourir la Royne d'Escoce +en ceste sienne nécessité, et procurer sa liberté par +toutz les moyens que Dieu avoit miz en vostre puyssance; +et qu'estant la dicte Royne d'Escoce entre ses mains, vous +infériez par là que si elle ne la restituoit par le tretté, que +vous luy dénonciez desjà la guerre.</p> + +<p>Sur quoy je luy desduysis les raysons, par lesquelles +Vostre Majesté ne pouvoit moins dire que cella, ny moins +fère que ce que vous en disiez; et quant elle vouldroit, +d'un cœur non ulcéré, considérer l'estat de cest affère, +que non seulement elle ne se tiendroit pour offancée, ains +cognoistroit vous avoir beaucoup d'obligation de l'honneste +et modeste façon, dont vous y aviez procédé; et que, nonobstant +les lettres de son dict ambassadeur, suyvant les +honnorables propos et honnestes démonstrations de contantement, +dont elle vous avoit usé touchant vostre mariage, +lorsque luy en aviez premièrement escript l'accord, +vous me commandiez de luy dire en quoy en estoient meintennant +les choses; qui espériez que son playsir augmenteroit +de sçavoir qu'elles fussent ainsy bien advancées +qu'elles estoient, et prestes de recepvoir ung bien prochain +et bien heureulx accomplissement; et luy particularisay le +voyage de Mr le comte de Retz à Espire, affin d'apporter +les pouvoirs à l'archiduc Ferdinand, pour espouser, au nom +<span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span> +de Vostre Majesté, la princesse Élizabeth sa niepce, et +comme la cérémonye s'en debvoit célébrer, le xv<sup>e</sup> du passé, +par l'archevesque de Mayance, et puys s'acheminer la dicte +Dame, le xxıııȷ<sup>e</sup> du dict moys, grandement accompaignée, +en France; et que Monseigneur, frère de Vostre Majesté, +et Madame de Lorrayne, vostre sœur, estoient desjà vers la +frontière pour la recepvoir et pour la mener fère sa première +entrée à Mézières, où toute sa mayson luy seroit présentée, +et de là à Compiegne, auquel lieu Voz Majestez préparoient +desjà ce qui convenoit à un si solempnel et si royal +mariage, pour le xv<sup>e</sup> du présent; et puys l'on conduyroit +la dicte Dame à S<sup>t</sup> Deniz pour la sacrer et couronner Royne +de France; et se parloit de l'entrée à Paris au premier +jour de l'an, quant messieurs les mareschaulx et aultres +principaulx seigneurs, qu'aviez envoyez, pour establir, sans +dilay ny excuse, vostre éedict par toutes les provinces de +vostre royaume, pourroient estre de retour; et que, +comme Vostre Majesté et la dicte Royne d'Angleterre +aviez accoustumé d'agréer, l'ung à l'aultre, la communication +de voz bonnes fortunes et prospéritez, que vous luy +aviez bien vollu fère part de ceste cy, pour l'asseurer que +ceste vostre nouvelle alliance n'estoit pour diminuer, ains +pour fortiffier et augmenter davantaige celle que vous avez, +et en laquelle vous voulez bien persévérer, avec elle; et +que je croyois que vous seriez bien ayse d'entendre qu'elle +fust en ces mesmes termes, où à présent vous trouviez, fort +allègre et bien disposé, affin que mutuellement vous vous +peussiez conjoyr de son contantement, comme vous vous +asseuriez qu'elle se resjouyssoit bien fort du vostre.</p> + +<p>La dicte Dame, avec abondance de playsir, me respondit +que cest agréable propos effaçoit beaucoup la dolleur +<span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span> +qu'elle avoit pris de l'aultre, et qu'elle vous randoit le +plus exprès grand mercys qu'elle pouvoit de la communication, +qu'il vous playsoit luy fère, de chose si privée, et +apartenant de si près à vostre personne, comme est vostre +mariage; et qu'elle n'avoit pas pensé que les choses fussent +si près de leur accomplissement, car eust préparé d'y +envoyer de ses gentishommes pour y assister; et qu'il +semble qu'encor que les espousailles du Roy d'Espaigne +ayent précédé, que néantmoins voz nopces seront plustost +consommées, et qu'elle vouldroit de bon cueur pouvoir estre +à la feste; car monstreroit à tout le monde qu'elle se +resjouyt plus véritablement de vostre prospérité et contantement, +qu'il ne luy est possible de l'exprimer par parolle; +que, touchant le premier propos concernant son ambassadeur, +elle me prioit de vous en mander le mal qu'elle en +avoit sur le cueur, et qu'elle espéroit que vous luy en donriez +quelque satisfaction, qui la guériroyt, et luy osteroit +tout l'empeschement, qu'elle avoit, de ne se pouvoir tant +resjouyr de ce segond propos du mariage comme elle desireroit +de le fère; que, touchant le dict segond propos, +elle vouloit prier Dieu de bényre l'espoux, et l'espousée, +et les nopces, avec toute la postérité qui en viendroit, laquelle +se pourroit dire estre de la plus royalle et noble extraction +de la terre; et que, touchant la Royne d'Escoce, +qu'elle avoit trouvé les responces, qu'elle avoit faictes à +ses depputez, fort honorables, dont n'estoient guières loing +d'accord entre elles; et que les depputez d'Escoce seroient +bientost icy, pour y procéder du premier jour, comme il +luy tardoit, plus qu'à nul aultre de ce monde, que cella +prînt bientost une bonne fin; et, au regard de ce que je +luy avois touché de la pleincte de ceulx de Roan, qu'elle +<span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span> +y feroit dilligemment regarder par ceulx de son conseil, +affin de vous donner, en l'endroict de ceulx là, occasion de +fère bien tretter toutz ses subjectz en France, comme elle +désire qu'ilz y continuent leur traffic.</p> + +<p>Et y a heu plusieurs aultres privez discours entre la +dicte Dame et moy; lesquelz je remetz, avec plusieurs +aultres choses, à Mr de L'Aubespine pour les vous fère entendre, +de la mesmes suffizance, qu'il m'a très dignement +raporté celles que Vostre Majesté luy avoit donné charge +de me dire, et vous présentera les recommendations de la +Royne d'Angleterre, comme elle l'a enchargé de ce fère. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce ıx<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</span></p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, il est venu fort à propos, par l'arrivée de +Mr de L'Aubespine, que j'aye heu à parler à la Royne d'Angleterre +du contenu de la dépesche, qu'il m'a apportée, de +Voz Majestez, du xıx<sup>e</sup> du passé; suyvant laquelle j'ay +adoulcy, par les gracieulx propos du mariage du Roy, le +mieulx que j'ay peu, le courroux, que la dicte Dame avoit, +du malcontantement, que son ambassadeur, Mr Norrys, luy +avoit mandé qu'on luy avoit naguières donné en France, +ainsy que, plus au long, je l'escriptz en la lettre du Roy, +vous supliant très humblement, Madame, que, la première +foys que Voz Majestez verront le dict ambassadeur, elles luy +veuillent dire quelque bonne parolle de faveur, et me commander, +par vos premières, d'en dire quelque aultre de satisfaction +icy à la dicte Dame; car, avec bien peu, j'espère +que tout cella se rabillera. Elle a suyvy avecques +playsir et a faict longuement durer le propos, que je luy +<span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span> +ay commancé, du dict mariage du Roy, et est venue à +parler du sien: qu'elle n'avoit faict bien de ne se maryer +poinct, mais qu'elle estoit desjà si vieille que nul, de ceulx +qui y pourroient prétandre, n'en avoit plus de volonté, et +qu'elle n'avoit jamais pensé d'en espouser, qui ne fût de +mayson royalle; que l'Empereur avoit bien employé son +voyage d'avoir logé ses deux filles aulx deux plus grandz +Roys; et qu'elle avoit esté bien ayse de pouvoir honorer +celle qui estoit allée en Hespaigne, pour l'amour du père, +qui la luy avoit recommandée, et l'avoit priée de favoriser +et asseurer son passaige; et que, ayant sceu comme elle +estoit arrivée, à saulvement, en Espaigne, elle avoit soubdain +dépesché ung homme exprès à Espire pour l'en advertyr; +qu'elle s'asseuroit que, là où l'Empereur establyroit +son alliance, qu'il procureroit d'y confirmer aussi celle +d'Angleterre.</p> + +<p>Ausquelles choses je luy ay respondu que Voz Majestez +recepvroient grand contantement des honnorables propos, +qu'elle tenoit du mariage du Roy, et loueroient fort sa +prudente dellibération d'avoir réservé franche sa vollonté +pour se maryer, quant il luy plairoit, et que mesmes ce +soit avec un royal prince; que, à la vérité, elle avoit favorisé +et honnoré grandement le passaige de la Royne d'Espaigne, +de laquelle j'entendois qu'elle se contantoit bien +fort, par les bonnes parolles et honnestes lettres, que sire +Charles Havart luy en avoit raporté; et que j'espérois +qu'elle recepvroit encore plus de contantement de la +Royne, sa sœur, et se termina pour lors le propos, et +toute l'audience, avec beaucoup de plésir et contantement +de la dicte Dame; laquelle, demeurant en quelque craincte +de la déterminée résolution en quoy elle voyt que Voz Majestez +<span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span> +Très Chrestiennes, pour leur honneur, persévèrent +de vouloir secourir la Royne d'Escoce, et néantmoins que +vous avez désir de conserver son amytié, et ne l'offancer, +elle se monstre plus disposée de parachever le tretté; lequel +nous poursuyvrons, avec la plus continuelle instance, qu'il +nous sera possible, comme la Royne d'Escoce, de son +costé, ne pert en cella heure, ny moment. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıx<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p class="right">(<em>Aultre lettre à part.</em>)</p> + +<p>Madame, quant Vostre Majesté me dépescha, présent +le Roy et Monseigneur, voz enfans, pour venir en ceste +charge, elle me descouvrit ce mesmes désir, dont, à présent, +il luy playt me fère mencion par sa petite lettre du xx<sup>e</sup> du +passé<a name="FNanchor_17" id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">[17]</a>; et je vous suplie très humblement, Madame, de +croyre que j'ay toutjour, despuys, fort soigneusement regardé +s'il y auroit nul moyen de l'effectuer, sans que j'ay +esté ny endormy, ny paresseux, de pénétrer, aultant qu'il +m'a esté possible, ez affères de deçà et en l'intention de +ceux qui les manyent, par des voyes toutesfoys bien esloignées +du dict propos, pour voir s'il y auroit rien qui s'y +peult bien raporter et accomoder. En quoy, si j'eusse +trouvé quelque fondement, je n'eusse différé une seule +heure de le vous mander, ny en eusse perdu une aultre à le +bien et dilligemment poursuyvre. Mais, Madame, voycy en +<span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span> +quoy, pour quel regard que ce soit, en sont meintennant les +choses: que la Royne d'Angleterre, quoy qu'elle ayt donné +charge au jeune Coban de renouveller, par motz couverts +et artificieulx, le propos du mariage de l'archiduc; et que, +assés souvant, elle et les siens en jettent d'aultres, bien exprès, +touchant Monseigneur vostre filz, ce n'est toutesfoys, +quant à l'archiduc, que pour monstrer de vouloir accepter +l'alliance de la maison, d'où les deux grandz Roys se sont +nouvellement allyez; et rabiller par ce moyen, si elle +peult, ses différans avec le Roy d'Espaigne, et fère prendre +de là quelque jalouzie à Voz Majestez Très Chrestiennes, +comme aussi en fère prendre encores une plus +grande au Roy d'Espaigne du propos de Mon dict Seigneur, +vostre filz; et s'entretenir, par la réputation de ces deux +grandz partys, en plus grande estime envers les siens. +Mais le jugement d'ung chacun est conforme à celluy que +faict Vostre Majesté, qu'elle ne se soubsmettra jamais à nul +mary, ainsy que, d'elle mesmes, elle s'en monstre toutjour +assés esloignée; et les siens l'en détournent davantaige, affin +de disposer toutjour, ainsy qu'ilz font, d'elle et de son +royaulme.</p> + +<p>Et ung des principaulx, qui soit auprès d'elle, a naguières +dict que, despuys trois moys, le vydame de Chartres +a mené une secrecte pratique avec le secrétaire Cecille, +pour le mariage de Mon dict Seigneur, vostre filz, avec elle; +et qu'il a offert de fère, par ce moyen, advancer le tiltre de +ceux de Herfort à ceste couronne, au cas que la dicte Dame +ne puysse avoir d'enfans; et que le propos n'a peu estre +que bien ouy, pour le regard de Mon dict Seigneur, de +presque toute la noblesse; mais que la pluspart d'icelle l'a +mal receu et heu fort odieux touchant ceux de Herfort; et +<span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span> +qu'il jugeoit que le dict vydame n'y avoit pas grand moyen, +mais qu'il avoit advancé cella pour complayre au dict Cecille, +sachant l'extrême affection, qu'il a, à ceulx de Herfort; lesquelz +sont deux petitz masles, issuz de celle madame +Catherine<a name="FNanchor_18" id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">[18]</a>, prochaine de ceste couronne, qui est morte +dans la Tour. Et n'y a poinct de fille en ce royaulme, +petite ny grande, qui prétande à la dicte succession, sinon +une sœur de la dicte dame Catherine, qui est bossue, et a +espousé un huissier de la salle de présence, ny la Royne +d'Angleterre n'a la vollonté d'en adopter pas une; et croy +que, quant elle le vouldroit fère, au préjudice de ceulx qui +y prétandent droict, qu'elle ne le pourroit effectuer par le +parlement, ny mesmes en fère déclairer ung des prétandans, +tant les partz sont contraires, et les maysons principalles +de ce royaulme opposantes l'une à l'aultre sur ce +poinct. De quoy j'estime que le droict de la Royne d'Escoce +ne s'en rendra que plus fort, bien qu'il semble qu'un tel +faict ne se démeslera, sans beaucoup de débat.</p> + +<p>Quelcun m'a dict qu'on a vollu aussi proposer le mariage +du Prince de Navarre avec ceste Royne, le faisant +le plus riche subject de l'Europe, et allégant quelques +droictz, qu'il a nouvellement gaignez, en la chambre +impérialle, contre le Roy d'Espaigne, qu'on dict valloir +plusieurs millions d'or, mais le propos n'a esté suyvy.</p> + +<p>Or, Madame, je ne voys pas qu'il y ayt lieu de mettre, +pour ceste heure, rien en avant de nostre costé, et, par +ainsy, je m'en tayray du tout, ainsy qu'il vous playt me +<span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span> +le commander, bien que je vous suplye de ne laysser de +suyvre et escouter bénignement ce qu'on vous en pourra +toucher, monstrant que les plus grandes difficultez vous +semblent estre du costé de la dicte Dame; sans toutesfoys +advancer parolle, de laquelle elle se puysse advantaiger. +Et cependant je veilleray, plus que jamais, sur ce qui se +pourra descouvrir ou venir en lumyère, propre à cest effect, +vous voulant bien advertyr, au reste, Madame, que +de France, l'on a naguières escript à la Royne d'Angleterre +que Vostre Majesté ne desire aulcunement l'expédition des +affères de la Royne d'Escoce, ains que vous auriez playsir +qu'elle ne bougeât encores d'Angleterre; de quoy semble +que l'évesque de Roz ayt heu un semblable adviz de ceste +court, mais je luy ay faict cognoistre qu'il n'y a rien au +monde plus faulx que cella. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce ıx<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">POURRA LE DICT SIEUR DE L'AUBESPINE,</span> +oultre le contenu de la dépesche, dire à Leurs Majestez:</p> + +<p>Que quelques ungs du conseil d'Angleterre incistent fermement à +la Royne, leur Mestresse, de ne debvoir, en façon du monde, tretter +avec la Royne d'Escoce; et que, pour nulles menaces, ny effortz, +qu'elle ayt à craindre du costé du Roy, elle né se doibt haster de la +délivrer, car jugent que la paix ne sera de durée en France; et que, +par aulcunes lettres et adviz, qu'ilz ont de dellà la mer, ilz ont descouvert +que le Pape, le Roy d'Espaigne, et les Véniciens sont proprement +ceulx qui ont conseillé de la fère ainsy qu'elle est, pour peur, +qu'ilz avoient, que ceux de la nouvelle religion ne gaignassent +tant d'advantaige, pendant que eulx seroient occupez en la guerre +du Turc et en celle des Mores, qu'il ne fût, puys après, plus temps +d'y remédier; et que néantmoins, ilz ont promiz au Roy, qu'aussitost +qu'ils se verroient démeslez de ces deux guerres, qu'ilz luy +fornyroient ung si notable secours qu'il pourroit fort ayséement +purger son royaulme de toute ceste secte de Huguenotz;</p> + +<p>Que cella se trouvoit ainsy confirmé par une dépesche de Mr le +<span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span> +Nonce à l'aultre Nonce, qui est en Espaigne, laquelle avoit esté +interceptée, et qu'on avoit trouvé dedans la coppie d'une lettre du +Pape à Mr le cardinal de Lorrayne, qui en faisoit assés expresse +mencion;</p> + +<p>Que, nonobstant les bonnes démonstrations du Roy sur l'observance +de la paix, que les aultres Princes et les principaulx de la court ozoient +assés ouvertement déclairer qu'ilz l'avoient à contre cueur; et que, +à Thoulouse et à Lyon, ne la vouloient encores bien recepvoir, ce +qui estoit signe qu'elle s'en iroit plustost rompue que establye;</p> + +<p>Et qu'ilz sçavoient que le Roy mesmes, accompaigné de Mrs les +cardinaulx, et d'aulcuns princes, et aultres plus privez de son conseil, +avoit, par acte fort secrect, dict et déclairé, en sa court de +parlement de Paris, que son intention n'estoit d'entretenir aulcunement +deux religions en son royaulme; et que ce, qu'il avoit instantment +pourchassé la paix, avoit esté pour séparer l'armée des Huguenotz, +et renvoyer les estrangiers; mais qu'après cella il mettroit +aultre ordre et une meilleure forme aulx affères de la dicte religion; +et que aulcuns des assistans avoient fort loué et magniffié son opinion, +et avoient tout hault randu grâces à Dieu qu'il eust miz un si +catholique desir dans le cueur de nostre Roy;</p> + +<p>Que Messieurs les Princes et Admyral, estantz assez informez de +cecy, se tenoient sur leurs gardes, et avoient desjà envoyé notiffier +toutes ces particullaritez à leurs amys en Allemaigne; et que mesmes +les cappitaines et colonnelz, qui estoient venuz vers Hembourg, +pour s'asseurer de certaines levées de gens de guerre pour les princes +protestans, en avoient parlé assés clair; par lesquelles remonstrances +l'on a fort essayé de persuader la dicte Dame qu'elle devoit attandre +l'événement de ces choses de France, premier que de rien remuer en +celles d'Escoce.</p> + +<p>Mais j'ay, à ceste heure, tout à propos, par la venue du dict S<sup>r</sup> de +L'Aubespine, notiffié à la dicte Dame, et assés publié en sa court, +le bon ordre, que le Roy a prins, d'envoyer messieurs les mareschaulx +et aultres seigneurs et cappitaines, avec des maistres de requestes +et des commissaires, par toutz les lieux et provinces de son +royaulme, pour y exécuter son éedict sans dilay, ni excuse; ce qui +faict prendre à la dicte Dame et aulx siens meilleure opinion de nostre +paix, et semble qu'elle se résould de passer oultre au tretté de la +Royne d'Escoce.</p> + +<p>Car voycy en quoy en sont meintennant les choses, que le secrétaire +Cecille et maistre Mildmay, estans de retour vers elle, luy ont, +<span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span> +d'entrée, protesté qu'encor qu'ilz eussent l'honneur d'estre toutz +entièrement siens, ses conseillers et subjectz, qu'ilz avoient néantmoins +juré à la Royne d'Escoce de luy rapporter aultant fidellement +et à la vérité tout ce qu'ilz avoient veu, cogneu et ouy d'elle, comme +s'ilz fussent ses propres messagiers; et ainsy ont faict leur raport +si bon que la dicte Dame est demeurée fort satisfaicte de la dicte +Royne, sa cousine, et en grande vollonté de conclurre ung bon tretté +avec elle.</p> + +<p>Sur quoy, icelluy Cecille luy a demandé d'où estoit doncques advenu +que, pendant qu'ilz estoient sur le lieu, elle leur eust mandé +d'agraver les condicions à la dicte Royne d'Escoce, et les luy proposer +plus dures, qu'elle ne leur avoit commandé de le fère, quant ilz +partirent:—«Prenez vous en, respondit elle, à millord Quiper, +vostre beau frère; car c'est luy qui m'y a contraincte.»</p> + +<p>Et j'ay sceu, à la vérité, que, quant le S<sup>r</sup> de Valsingan revint de +France, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil pour déterminer +des affères de la dicte Royne d'Escoce, suyvant ce que le Roy luy en +mandoit, et leur ayant elle mesmes proposé les choses en une façon, +qui la monstroient incliner bien fort à la restitution de la dicte +Dame, le dict Quiper luy respondit seulement:—«Qu'il la voyoit si +disposée en cest affère, qu'il ne failloit que l'exécuter, sans plus le +mettre en dellibération.»—«Ouy, dict elle, beaucoup d'ocasions, +à la vérité, me meuvent de le desirer ainsy: mais je veux modérer +mon desir par vostre adviz.» Il répliqua soubdain:—«Qu'il estoit là +pour la conseiller et non pour la contredire, et que, voyant son conseil +ne pouvoir avoir lieu, qu'il se déportoit de le bailler.» Sur quoy +la dicte Dame, assés en collère, luy adressa ces parolles:—«Je vous ay +creu, ces deux ans passez, de toutes choses, en mon royaulme, et je +n'y ay veu que troubles, despenses et dangiers. Je veux, à ceste heure, +user, aultant de temps, de mon propre conseil, pour voir si je m'en +trouveray mieux.» Et, sur ce poinct, elle se retira dans son cabinet; +mais le dict Quiper et ceulx du conseil ne layssèrent pour cella, +d'altérer assez la besoigne, et s'esforcèrent, par plusieurs moyens, de +randre, touchant ceste négociation, bien fort suspect Cecille à la +dicte Dame.</p> + +<p>Néantmoins, despuys le retour du dict Cecille, ayant de rechef esté +le conseil rassemblé pour ouyr son raport et les responces de la +dicte Royne d'Escoce, encor que le dict Quiper se soit opiniastré +contre la restitution d'elle, et soubstenu qu'on debvoit délaysser ce +tretté, il semble qu'il n'ayt peu rien gaigner; et qu'à ceste occasion, +<span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span> +il soit party de court mal contant; et que la dicte Royne +d'Angleterre se soit confirmée, de plus en plus, de vouloir tretter.</p> + +<p>Dont despuys, ayant Mr l'évesque de Roz esté devers elle, elle luy a +dict:—«Que ses deux depputez luy avoient raporté beaucoup de +satisfaction de la dicte Royne d'Escoce, et qu'elle trouvoit ses +responces fort honnorables; dont elles deux s'acorderoient fort +ayséement des aultres choses, qui sembloient demeurer encores en +différant; et qu'il ne restoit plus que l'arrivée des depputez +d'Escoce, lesquelz elle vouloit attandre, premier que de passer plus +oultre.» Et, comme le dict sieur évesque luy toucha ung mot de la +difficulté, qu'il y avoit, de conclurre la ligue, de peur de +préjudicier à celle de France, et qu'il la pryoit qu'il en peult +communiquer avecques moi:—«Je veulx bien, dict elle, que vous en +communiquiez à l'ambassadeur du Roy, mais il ne fault que luy, ny +aultre, m'estiment si sotte, puysque la Royne d'Escoce est entre mes +mains, que je ne veuille bien pourvoir, premier qu'elle en sorte, +qu'elle n'aille estre ung instrument à ung aultre prince de me fère la +guerre.»</p> + +<p>Et ainsy le dict sieur évesque de Roz, et moy, sommes après à +conférer ensemble les articles et condicions, qu'on propose à la +dicte Royne d'Escosse; en quoy je incisteray fermement que l'intention +du Roy soit suyvye, ou, au moins, qu'il ne soit faict préjudice +à rien, qui touche son service; et semble qu'il est expédiant d'accommoder +ces affères par le présent tretté, sans les remettre à une +aultre fois, car aultrement la dicte Dame et son estat restent en ung +très grand dangier; et de tant que les dicts depputez d'Escosse sont +desjà acheminez, sçavoir: du party de la Royne, milord Herys, +milord Bonet et le dict sieur évesque, qui est desjà icy; et, de la +part du régent, le comte de Morthon, milord Clames et l'abbé de +Domfermelin; et qu'on les attand toutz dans six ou sept jours, et +que desjà il se parle de l'entrevue des deux Roynes, ung chacun espère +que l'accord réuscyra.</p> + +<p>Pendant que les dicts depputez estoient avec la Royne d'Escosse, +elle a dépesché ung sien tapissier, nommé Serve, en Flandres, devers +milord de Sethon, luy apporter ung pouvoir et procuration +d'elle, en forme, pour tretter avec le duc d'Alve; et luy communiquer +les articles, que les dicts depputez luy ont proposez; et l'asseurer, +qu'encor qu'elle soit en beaucoup de nécessitez, qu'elle +toutesfoys ne conclurra rien sans l'adviz de ses amys. Néantmoins, +elle a, d'elle mesmes, accordé, par une lettre de sa main, de bailler +le Prince, son filz, à la Royne d'Angleterre; et l'ambassadeur d'Espaigne, +<span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span> +qui est icy, conseilloit néantmoins qu'elle luy accordât plustost +les places de Dombertran, Lislebourg, et d'Esterlin, et force +ostaiges, que non le dict Prince.</p> + +<p>Les gracieulx propos et honnestes lettres, que la Royne d'Espaigne +a mandez à la Royne d'Angleterre, sont cause que le dict sieur +ambassadeur commance d'estre plus respecté et favorisé des Anglois +qu'il ne souloit, et qu'il est recherché, soubz main, de vouloir demander +audience de la dicte Dame, à laquelle il n'a parlé, xxıȷ moys +a, et qu'elle la luy ottroyera fort vollontiers. Sur quoy il a respondu +qu'en ayant esté plusieurs foys reffuzé, il importe beaucoup à l'honneur +de son Maistre que la dicte Dame la luy veuille ottroyer d'elle +mesmes; et, par ainsy, qu'il est dellibéré d'attandre qu'elle le luy +mande, ou le luy face dire par quelcun des siens.</p> + +<p>Et cependant, l'on a pareillement recerché le S<sup>r</sup> Ridolfy de reprendre +le propos de l'accord des différans des prinses, sellon ce +qu'il en avoit quelquefoys miz en avant, dont desjà il en a escript une +lettre à Mr le comte de Lestre, qui monstre d'y avoir quelque affection, +et il a esté assés bien respondu. Je croy que cest affère se +rendra de tant plus facille, que les Anglois trouveront de difficultez +en nous; et semble que Mr Norrys se soit, puys peu de jours, pleinct +de quelque deffaveur, qu'on luy a faicte en France, et que sa Mestresse +en soit bien mal contante:</p> + +<p>Comme aussi le S<sup>r</sup> de Valsingan, parmy les propos, qu'il m'a tenuz, +des honnestes faveurs, qu'il avoit receues de Leurs Majestez Très +Chrestiennes, il y a meslé je ne sçay quoy de deffaveur, qu'il luy +sembloit que le Roy luy ayt faict, en la seconde audience, de ne luy +avoir monstré si bon visage, ny usé de si gracieuses parolles, que +en la première; et d'avoir, luy présent, dict à Mr Norrys qu'il estoit +marry qu'il s'en volust sitost retourner, l'ayant trouvé homme de +bien en sa charge; et qu'il vouloit prier la Royne d'Angleterre, sa +bonne sœur, de ne luy bailler poinct de successeur, qui fût turbulant, +ny homme qui n'aymât la paix et le repos; comme si Sa Majesté +entendoit de dresser ce propos à luy, car il estoit en termes de luy +succéder; et qu'il croyoit que Mr de Glasco luy eust faict donner +ceste attache, bien qu'il ne se soit, à ce qu'il dict, jamais ingéré ez +affères de la Royne d'Escosse, sinon quant la Royne, sa Mestresse, +le luy a commandé; et que je sçay bien qu'il fault obéyr à son naturel +prince, quant il commande quelque chose.</p> + +<p>Ce qui l'avoit fort descouragé d'accepter la légation en France, +craignant de n'estre agréable à Sa Majesté; toutesfoys que la Royne, sa +<span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span> +Mestresse, luy avoit commandé de s'aprester, me priant d'asseurer +Leurs dictes Majestez Très Chrestiennes que nul jamais ne tiendra +ce lieu, qui ayt plus droicte intention à meintenir la paix et la bonne +amytié entre nos deux Maistres et leurs deux royaumes que luy; +et que, s'en allant l'affère de la Royne d'Escoce composé, il luy sembloit +qu'il ne restoit plus aulcune occasion de différant entre la +France et l'Angleterre. A toutes lesquelles choses je luy ay respondu, +sellon l'honneur et grandeur du Roy, et comme il debvoit prendre la +franchise du parler de Sa Majesté en bonne part; et luy ay donné, +au reste, toute bonne espérance de sa légation, voyant qu'aussi +bien elle luy estoit desjà commise; et estime l'on qu'encor qu'il soit +tenu pour homme fort affectionné à la religion nouvelle, et assés +contraire de la Royne d'Escoce, que néantmoins il se rendra modéré.</p> +</div> + +<h2 class="p4">CXLIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIIII</span><sup>e</sup> jour de novembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par le corier de Flandres.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Discussion des articles du traité proposé concernant la reine d'Écosse.—Efforts +de l'ambassadeur afin de faire accepter les conditions envoyées par +le roi.—Consentement de Marie Stuart à ce que son fils soit donné en +ôtage à la reine d'Angleterre.—Motifs de cette détermination, qui est +contraire aux instructions reçues de France.—État de la négociation avec +les Pays-Bas; nouvelles de Flandre.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, après le partement du S<sup>r</sup> de L'Aubespine, j'ay +communiqué le contenu des lettres de Vostre Majesté, du +xxvııȷ<sup>e</sup> du passé, qui me sont arrivées, ainsy qu'il partoit, +à Mr l'évesque de Roz; et, suyvant icelles, je l'ay pressé +d'incister vifvement à la Royne d'Angleterre de passer +oultre au tretté encommancé, et que, de sa part, il la +veuille dorsenavant poursuyvre par la forme, et non +aultrement, qu'il a pleu à Vostre Majesté me le prescripre, +luy desduysant les raysons, pourquoy la Royne, sa +Mestresse, ny luy, ne la doibvent excéder; lesquelles raysons +<span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span> +j'ay aussi mandées à la dicte Royne, sa Mestresse, +avec ung extraict de ce qui en est porté par vos dictes dernières.</p> + +<p>Sur quoy le dict sieur évesque m'a asseuré de la parfaicte +correspondance de sa dicte Mestresse, et de luy, à +vouloir, en tout et partout, suyvre l'intention et les conseils +de Vostre Majesté; et que, ayant despuys trois jours esté +devers la Royne d'Angleterre, pour luy présenter ung +pourtraict, que la dicte Royne d'Escoce luy envoyoit, du +Prince son filz, il l'avoit instantment sollicitée de passer +oultre à parfère le dict tretté, et de luy déclairer si les +responces, que sa dicte Mestresse avoit faictes à ses +depputez, luy sembloient raysonnables, affin qu'il la peult +advertyr de ce qu'elle en debvoit espérer; et que la dicte +Dame luy avoit respondu que les depputez, qu'elle attandoit +d'Escoce, d'ung chacun des costez, debvoient arriver +dans quatre ou cinq jours, avec le comte de Sussex et +maistre Randolf, qui venoient toutz de compaignye, et +qu'estantz icy, elle feroit incontinent procéder au dict +tretté; que, quant aulx responces de sa dicte Mestresse, +elle les avoit prinses de fort bonne part, et n'estoient trop +esloignées de ce qui convenoit à fère ung bon accord; +qu'encor que la dicte Royne d'Escoce fit grande difficulté +sur l'article de la ligue, à cause de celle de France, qu'il +ne falloit qu'elle s'y arrestât; adjouxtant, avec ung soubzrire, +que, puysque Vous, Sire, vous estes meslé avec la +mayson d'Autriche, qui est de sa ligue, que vous ne debviez +trouver mauvais qu'elle se meslât avec celle d'Escoce, +qui est de la vostre. A quoy luy, de Roz, luy avoit soubdain +respondu qu'il fauldroit donc qu'elle constituast ung semblable +douaire à sa Mestresse, et donnast ung semblable entretennement +<span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span> +des gardes, des gendarmes, des bénéfices, +plusieurs privilèges, et aultres grandz advantaiges aulx +Escouçoys en Angleterre, que Vostre Majesté leur faisoit +jouyr en France; et que, sellon son adviz, il n'aparoissoit +aulcun honneste moyen de fère ligue entre elles deux, sinon +en y comprenant Vostre Majesté; et que la dicte Dame +luy avoit répliqué, là dessus, que les dicts entretennemens +estoient trop grandz pour en vouloir charger son estat, +mais que, touchant la ligue, elle m'en parleroit, et en feroit +parler par son ambassadeur à Vostre Majesté.</p> + +<p>Or, Sire, ce poinct de la dicte ligue, plus que nul de +ceulx, qui sont contenuz ès dicts articles, me semble importer +grandement à l'honneur et réputation de vostre +couronne, et, à ceste cause, j'ay desjà dict tout hault que +j'interrompray en vostre nom l'accord, et protesteray de +l'infraction des précédans trettez, plustost que d'en laysser +rien passer. Au regard de l'aultre article, auquel Vostre +Majesté estime que je n'ay assés expressément respondu à +l'évesque de Roz, touchant ne bailler le Prince d'Escoce +aulx Anglois: je vous supplie très humblement, Sire, de +croyre que je luy ay, par ung adviz escript de ma main, +premier qu'il soit allé vers sa Mestresse avec les depputez, +ainsi que je l'ay communiqué au S<sup>r</sup> de L'Aubespine, expressément +conseillé de ne l'accorder en façon du monde; +mais la dicte Dame, suyvant d'aultres adviz, que le dict +évesque mesmes luy a pareillement apportez par escript, +de plusieurs ses affectionnez et meilleurs amys et serviteurs +de ce royaulme, et aussi par l'adviz des seigneurs, qui tiennent +son party en Escoce, l'a offert à la Royne d'Angleterre +par sa lettre du séziesme du passé, comme chose, +sans laquelle le dict évesque de Roz dict que la dicte Royne +<span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span> +d'Angleterre ne fût jamais entrée en tretté, et sa Mestresse +fût demeurée au plus dangereux estat de sa personne +et de toutz ses affères, qu'elle ayt encores esté, pour l'ocasion +de ceulx qui avoient monstré se rébeller au pays de +Lenclastre; avec ce, Sire, que ceulx de ce conseil ont +toutjours estimé qu'il ne se pourroit prendre aulcune aultre +assez bonne seureté de la dicte Royne d'Escoce, que +d'avoir son filz par deçà, affin qu'il leur fût ung instrument +tout accommodé pour contenir sa mère ou pour la déchasser; +aussi qu'il semble bien que les Escouçoys, qui procurent +la restitution d'elle, ne sont que bien ayses que le +Prince s'en aille, affin que ceulx du contraire party +ne puyssent plus redresser aulcune compétance dans le +pays; et encores y a il plusieurs principaulx personnaiges +en ceste court, qui incistent assés que le dict Prince +ne viegne en façon du monde en Angleterre, de peur qu'il +n'y advance et establisse par trop le droict, que sa mère a +à la succession de la couronne, au préjudice des aultres +prétendans. Ce qui faict que plus vollontiers, la dicte Royne, +sa mère, consent qu'il y soit mené, et mesmes qu'elle voyt +bien que le contredire ne luy serviroit de rien, tant la chose +est hors de sa puyssance; mais l'on n'a layssé pourtant +d'envoyer solliciter les deux partys, en Escoce, de s'y +opposer; et aussi le grand père, et l'ayeulle, et plusieurs +aultres, en ce mesmes royaulme, de ne le trouver bon, et +de le debvoir empescher; pareillement à la mesme Royne +d'Angleterre de luy jecter ung escrupulle dans le cueur, +touchant ce petit Prince, disant que, à son advènement au +monde, il à déchassé sa mère hors de son estat, et qu'il +pourroit bien, en venant en Angleterre, chasser sa tante hors +du sien. Tant y a, Sire, que ce poinct est desjà tenu comme +<span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span> +pour accordé entre elles deux; et sur cella se faict le fondement +de tout le reste; et estime l'on, Sire, pourveu que +vous obteniez la restitution de la dicte Dame et la réunyon +des Escouçoys, et que l'authorité des Anglois et leurs forces +soyent mises hors du pays, que Vostre Majesté, quant au +reste, ne doibt empescher qu'elle ne se puysse prévaloir +de son filz à le bailler ostage quelque temps, pour recouvrer +sa liberté, et retirer sa personne, et son estat, horz du +grand dangier où ilz sont.</p> + +<p>Néantmoins, Sire, en cella, et en toutz les aultres chapitres +du traicté, j'incisteray toutjour, le plus fermement +qu'il me sera possible, que l'intention de Vostre Majesté +soit entièrement suyvye; et, de tant que la Royne d'Angleterre +s'est plaincte à moy des dommageables condicions, +qu'elle dict estre apposées contre l'Angleterre, dans le +dernier tretté d'entre le feu Roy, Françoys le Grand, +vostre ayeul, et Jaques quatriesme, Roy d'Escoce, lequel +je croy estre de l'an 1535<a name="FNanchor_19" id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">[19]</a>, je supplie très humblement +Vostre Majesté de m'en fère envoyer une coppie affin d'y +respondre; et me commander au reste, Sire, touchant ce +dessus, si je doibz incister tout oultre, que la Royne +d'Escoce se retire de la promesse, qu'elle a faicte, de +bailler son filz, et qu'il vous playse d'en déclairer franchement +vostre vollonté à Mr de Glasco, son ambassadeur.</p> + +<p>Au surplus, Sire, les différans des Pays Bas demeuroient +acrochez en ce que, sur la diminution que le duc d'Alve a +trouvé estre ez merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne, +<span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span> +pour en avoir une partie esté gastée et les aultres +mal vendues par deçà, il vouloit que celles des Anglois +fussent prinses en récompence, sellon qu'elles valloient en +Angleterre, et non sellon qu'elles ont esté vendues en Flandres; +en quoy il faisoit proffict d'envyron cent mil escuz; +mais ceulx cy, ayant, à ce qu'ilz disent, plus d'esgard au +déshonneur que à la perte, qui leur viendroit en cella, +n'ont vollu passer ce poinct, ni accorder aulcune inégalle +et plus advantaigeuse condicion aux Espaignolz et Flamans +que à eulx; dont les lettres estoient desjà signées de ceste +Royne pour mander à maistre Figuillem, son agent à présent +en Flandres, qu'il s'en retournast tout incontinent, si +le dict duc ne vouloit tenir compte du prix, à quoy les +merchandises d'Angleterre ont esté vandues, ainsy quelle +offroit de fère le semblable par deçà, de celles d'Espaigne, +et d'estre preste d'administrer justice pour celles, qui ne +se trouveraient en estre, contre ceulx qui en seroient +coulpables, ce qui alloit fère une grande interruption en +tout l'affère; mais, voulant le duc en toutes choses l'accommoder, +il l'a si bien faict négocier icy, soubz main, +par l'ambassadeur d'Espaigne, et par aultres personnes +interposées, qu'il n'y a rien, à ceste heure, plus eschauffé +entre ceulx de ce conseil que d'en vouloir bientost sortyr. +Et, à cest effect, le S<sup>r</sup> Ridolfy, qui s'en estoit auparavant +meslé, est appellé en court, et pareillement Cavalcanty +et Espinola; et s'entend que le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque arrivera +demain, ou après demain, de Flandres, qui aporte la +résolue intention du dict duc; et est l'on après à trouver +moyen que le dict ambassadeur d'Espaigne escripve, sur +l'ocasion du passaige de la Royne d'Espaigne, et sur l'honneur +et convoy que luy ont faict les navyres d'Angleterre, +<span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span> +et sur son arrivée à saulvement par dellà, une bien honneste +lettre à la Royne d'Angleterre, affin qu'elle envoye +aulcuns de son conseil pour en conférer davantaige avec +luy; lesquelz auront charge de lui octroyer audience de +la dicte Dame pour le jour, qu'il vouldra l'aller trouver. +Et de tant, que le Roy d'Espaigne a mandé au dict duc de +regaigner, par toutz les moyens qu'il pourra, l'amytié des +Anglois; et qu'il ne veult, sur son partement, laysser +ceste besoigne en détail, il la presse bien fort, estans venues +nouvelles que le duc de Medina Celi est prest de s'embarquer +à Laredo pour passer en Flandres, où il pourra +arriver à la fin de ce moys, sur la mesmes armée qui a +conduict par dellà la Royne d'Espaigne, et que la princesse +de Portugal n'y vient poinct pour encores, mais ce +sera le cardinal de Grandvelle, qui viendra assister au dict +duc de Medina Celi. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xıv<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p> + +<h2 class="p4">CXLV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> jour de novembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Olivier.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Retard apporté à la négociation du traité concernant la reine d'Écosse.—Mission +de lord Seyton, dans les Pays-Bas, auprès du duc d'Albe.—Demandes +faites au duc de la part de Marie Stuart.—Nouvelles des Pays-Bas +et de la Moscovie.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, j'ay de nouveau faict entendre à la Royne d'Angleterre +que les longueurs, qu'elle avoit uzé, et qu'elle continuoit +d'user, ez affères de la Royne d'Escoce, vous +avoient donné grande ocasion de parler ainsy ferme, +<span class="pagenum"><a id="Page_372"> 372</a></span> +comme vous aviez faict, à son ambassadeur, et d'essayer, +à la fin, si pourrez accomplyr ce que franchement vous luy +en avez dict; laquelle s'est excusée que le retardement +n'est cy devant provenu, ny encores ne provient, de son +costé, ains de celluy de la Royne d'Escoce et de ses depputez, +qui ne sont encores arrivez, et qu'elle ne voyt pas +comme l'on puysse bonnement procéder à fère le tretté +sans eulx, et sans ceulx du contraire party; et n'y a heu +nulle rayson, ny offre, qui l'ayt peu mouvoir de ceste opinion +parce, à mon adviz, qu'elle a promiz à ceulx du dict +contraire party de ne fère rien, qu'elle n'ayt premièrement +pourveu à la seureté du jeune Prince d'Escoce et à +celle d'ung chacun d'eulx. Et ainsy nous sommes attendans +l'arrivée d'iceulx depputez, desquels je n'ay encores nulles +bien certaines nouvelles, sinon que le comte de Lenoz a +escript qu'il avoit ottroyé de bailler saufconduict à ceulx du +bon party, et qu'il nommeroit les siens aussitost qu'il sçauroit +qui sont les aultres, affin d'en envoyer de semblable +qualité; et que cependant il dépeschoit l'abbé de Domfermelin, +lequel, pour ceste occasion, est attandu, d'heure +en heure, en ceste court.</p> + +<p>Je prends quelque argument, Sire, de l'intention de la +dicte Dame, qu'elle a vollonté d'en sortyr, sur ce que +Mr Norrys l'ayant fort instantment requise de luy donner +son congé; et s'estant le secrétaire Cecille desjà miz à +dresser la dépesche du S<sup>r</sup> de Valsingan pour luy aller succéder, +elle a considéré que, s'il partoit sur ce poinct, Vostre +Majesté pourroit concepvoir quelque mauvaise espérance +des affères de la Royne d'Escoce, tant pour le changement +d'ambassadeur, que pour le souspeçon que ce nouveau +leur fût trop contraire; dont elle a mandé au S<sup>r</sup> Norrys +<span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span> +d'avoir patience jusques à ce que les dicts affères soient +achevez. Bien m'a l'on dict qu'il a renvoyé en dilligence +ung des siens, pour remonstrer à la dicte Dame que le dillay +seroit par trop long; car dict qu'il n'espère veoir les +affères de la dicte Royne d'Escoce jamais accommodez, +tant que certaine occasion durera en France; laquelle, +Sire, je n'ay pas encores bien sçeu quelle elle est, et +semble aussi qu'il l'ayt mandée assés en général; car l'on +m'a dict que plusieurs y font diverses interprétations. Cependant +Mr de Sethon, qui est en Flandres, m'a escript +que, si ung certain pacquet, que la Royne d'Escoce, sa +Mestresse, m'avoit adressé pour luy, luy eust esté randu +pour se pouvoir expédier du duc d'Alve, qu'il fût desjà +devers Votre Majesté; et, à la vérité, Sire, le dict pacquet +a esté, par mesgarde, aporté, dez le xxvıȷ<sup>e</sup> du passé, +par mon secrétaire jusques à Paris; dont j'estime qu'il +l'aura meintenant receu.</p> + +<p>Et voycy, Sire, ce que j'ay entendu de la négociation +du dict de Sethon, qu'il a esté ouy à part, et puys en conseil, +par le duc d'Alve, sur les trois poinctz, pour lesquelz +il estoit envoyé principallement devers luy: le premier, +pour avoir le secours, qu'il leur avoit souvant promiz, le +quel le dict de Sethon offroit de conduyre en lieu seur, où +il pourroit commodéement descendre, et où l'assistance des +Escouçoys et des Anglois catholiques, et tout bon entretennement +et bonne retrette ne luy deffauldroit dans le +pays; le second, pour recepvoir dix mil escuz, que le dict +duc avoit accordé à la Royne, sa Mestresse, pour la fourniture +des chasteaulx de Lislebourg et Dombertran; et le +troisiesme, pour le prier d'interdire de mesmes le commerce +aulx Escouçoys en Flandres, que Vostre Majesté le +<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span> +leur a prohibé en France à ceulx, qui ne sont du party +de la Royne, sa Mestresse. Sur quoy, le dernier jour du +moys passé, Mr de Noerguerme a esté envoyé devers luy +pour luy fère la responce que, touchant le secours, le duc +y estoit très disposé, lequel avoit trouvé son offre et ses +autres expédiantz fort convenables à l'entreprinse; mais +l'importance d'envoyer une armée de mer en pays estrangé +estoit si grande que l'exprès commandement du Roy, son +Maistre, y estoit requis, auquel il en avoit desjà escript; +et pourtant il falloit attandre sa responce, laquelle ne tarderoit +guières; que touchant les dix mil escuz, de tant que +l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, avoit escript au +dict duc que la Royne d'Escoce luy dépeschoit ung homme +exprès, avecques un pacquet, pour l'advertyr en quelle +sorte elle entendoit qu'on ordonnast de la dicte somme, qui +est, Sire, le susdict pacquet qui a esté apporté à Paris, +qu'il prioyt le dict de Sethon d'avoir pacience jusques au +quatriesme du présent, que le messagier pourroit estre arrivé, +dedans lequel jour, l'on la luy feroit fornyr contante. +Au regard du troisiesme, de tant que le commerce +d'Angleterre estoit fermé, et si l'on restreignoit encores +celluy d'Escoce, il en pourroit venir grand détriment aulx +Pays Bas, le dict duc, premier que d'y rien ordonner, en +avoit vollu escripre au Roy, son Maistre, duquel il feroit +bientost entendre son intention, tant sur cestuy que sur le +premier article au dict de Sethon. Et semble, Sire, que +icelluy de Sethon ayt escript à sa Mestresse qu'on l'avoit +faicte plus espérer du secours du dict duc qu'il n'a trouvé +qu'elle en eust occasion, et que icelluy duc ne pense +plus que à quicter les choses pour se retirer en Hespaigne.</p> + +<p>Maistre Jehan Amilthon a continué une négociation séparée +<span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span> +de celle du dict S<sup>r</sup> de Sethon avec le dict duc, dont +monstrent n'y avoir bonne intelligence entre eulx. C'est +luy qui a conduict les deux gentishommes espaignolz en +Escoce pour visiter la descente, et les a faict parler au +comte d'Honteley, et les a promenez et festiez en divers +lieux dans le pays.</p> + +<p>Au surplus, Sire, l'on a appellé, despuys trois jours, les +principaulx merchans de ceste ville à Hamptoncourt pour +le faict de Roan et pour celluy des Pays Bas. J'entans, +quant à celluy de Roan, qu'on me baillera la responce +par escript sur ce que j'en ay remonstré à la Royne d'Angleterre; +et, quant à l'aultre, que le comte de Lestre et +le secrétaire Cecille, si aultre empeschement ne survient, +en yront conférer avec l'ambassadeur d'Espaigne, lequel a +desjà escripte la lettre à la dicte Dame, dont, par mes précédantes, +je vous ay faict mencion; et presse l'on, de chacun +costé, bien fort l'accommodement de ces différans. A +quoy sert beaucoup le mauvais trettement qu'ont naguières +receu les merchans anglois en Moscouvie, où ilz pensoient +dresser quelque grand commerce; mais l'ambassadeur moscovite, +qui naguières estoit par deçà, s'en estant retourné +mal satisfaict de ce pays, a faict emprisonner tous les Anglois, +qui se sont trouvez au sien, et a faict arrester leurs +merchandises. Le susdict ambassadeur d'Espaigne s'est +conjouy en ceste court des bonnes nouvelles qu'il a heu, +que la guerre des Mores avoit du tout prins fin<a name="FNanchor_20" id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">[20]</a>. Quelcun, +à ce que j'entans, luy a escript que le duc de Medina +Celi diffère sa venue en Flandres jusques en janvier, +et qu'il a la vollonté de passer en France. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xıx<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span></p> + +<h2 class="p4">CXLVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXV</span><sup>e</sup> jour de novembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée par Jehan Monyer jusques à Calais exprès.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Déclaration du roi à l'ambassadeur d'Angleterre concernant l'Écosse.—Irritation +causée à la reine d'Angleterre par les menaces du roi.—Opinion +de l'ambassadeur qu'Élisabeth est bien décidée à éviter la guerre.—Instance +faite auprès d'elle pour l'engager dans l'alliance d'Espagne.—Succès +des efforts de l'ambassadeur, qui parvient à empêcher l'exécution +de ce projet.—Assurance de dévouement au roi donnée par Walsingham, +désigné pour l'ambassade de France.—Remontrance faite par l'ambassadeur +à la reine d'Angleterre des motifs qui doivent forcer le roi à secourir, +même par les armes, la reine d'Écosse.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, entendant que Mr Norrys, par sa dernière dépesche, +avoit rafreschy à la Royne, sa Mestresse, les mesmes +propos, qu'il luy avoit auparavant escript, qu'il trouvoit en +Vostre Majesté une ferme résolution de secourir la Royne +d'Escoce, et que vous continuez d'user de parolles et démonstrations +fort expresses en cella, j'ay miz peyne de +sçavoir comme la dicte Dame le prenoit; dont aulcuns, qui +desirent la modération des affères, m'ont mandé qu'elle se +trouvoit toute scandalizée qu'allors que, pour vous complayre, +elle avoit envoyé deux de ses principaulx conseillers +devers la Royne d'Escoce, pour donner commancement à +ung bon tretté, et qu'à vostre instance elle avoit envoyé retirer +son armée de sur la frontière d'Escoce, c'estoit lors proprement +qu'il luy sembloit que vous aviez délayssé la voye, +que vous aviez toutjours tenue, de procéder en cest endroict +par gracieuses prières et honnestes remonstrances, pour y +aller meintennant par une aultre façon de la menacer, et de +rudoyer son ambassadeur; et qu'encores ne se sentoit elle +<span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span> +si piquée de ce que vous en aviez dict de vous mesmes, qui +aviez parlé en Roy, ainsy qu'il luy avenoit bien à elle de +parler quelquefoys en Royne, comme de ce que vostre conseil +avoit trouvé bon qu'il en fût escript une lettre bien expresse +et bien considérée à son dict ambassadeur; et qu'elle +se résolvoit de ne fère rien par menaces, et de monstrer à +tout le monde que, si elle condescendoit à quelque accord +en cest endroict, ce ne seroit que par le seul bénéfice de sa +bonne vollonté envers vous, et de sa propre bonté envers +la Royne d'Escoce, et que toutz aultres effortz et instances +ne servyroient que d'empyrer et retarder davantaige la +besoigne.</p> + +<p>D'aultres, qui cognoissent assés bien son intention, m'ont +faict dire qu'encor qu'elle ayt parlé ainsy devant ceulx de +son conseil, affin d'estre estimée princesse de cueur, comme, +à la vérité, elle l'est, si a elle monstré, en d'aultres siens +propos, à part, qu'elle vouloit évitter, en toutes sortes, +d'avoir la guerre à Vostre Majesté; et que c'estoit par voz +vertueuses responces et par voz démonstrations et appareilhz, +qu'elle avoit passé si avant à tretter, et que, sans +cella, il y en a assés qui l'eussent bien engardée d'y toucher, +et la destourneroient encores d'y prendre jamais aulcune +bonne résolution; par ainsy, qu'ilz estimoient que +toute la ressource et restablissement de ceste pouvre princesse, +et de son royaulme, concistoit en la seulle faveur et +assistance, que Vostre Majesté luy feroit; dont semble +qu'entre deux si contraires adviz le plus expédiant sera de +suyvre une voye de millieu.</p> + +<p>Et, à ce propos, Sire, ayant une foys la dicte Dame +faict dellibération d'envoyer ung des plus grandz d'auprès +d'elle en France, ainsy qu'elle mesmes m'en avoit touché +<span class="pagenum"><a id="Page_378"> 378</a></span> +quelque mot, pour honnorer, à son pouvoir, les nopces de +Vostre Majesté, et la venue de la Royne Très Chrestienne; +et mesmes ayant pensé que ce seroit le comte de Lestre, +comme plus agréable à Vostre Majesté, affin de fère en +cella quelque démonstration, qui correspondît à celle de +l'honnorable convoy, qu'elle a faict fère, avec grande magnifficence +et grande despence, par dix grandz navyres de +guerre, à la Royne d'Espaigne, j'ay sceu que quelques +malicieulx luy sont venuz mettre en avant qu'il y avoit +grand apparance que le dict comte ne seroit bien receu; +et que Vous, Sire, aviez donné à cognoistre, en l'endroict +de Mr Norrys, que ses aultres ambassadeurs seroient peu +respectez, dont debvoit considérer combien elle demeureroit +moquée et offancée, si, à ung tel et si grand des siens, +comme le dict de Lestre, n'estoit faicte la faveur et bon +recueilh et bon trettement qu'elle s'attandoit; s'esforceans +d'imprimer à la dicte Dame, bien qu'au plus loing de leur +affection, qu'elle debvoit, par toutz moyens, retourner à +la bonne intelligence du Roy d'Espaigne; et qu'allors elle +n'auroit à se craindre de la France, et pourroit, à son playsir, +disposer de la Royne d'Escoce. Sur quoy, voyantz +qu'elle ne rejettoit le propos, ilz ont essayé de l'induyre à +donner audience a Mr l'ambassadeur d'Espaigne sur l'occasion +d'une lettre, qu'il luy a escripte; et semble bien, +Sire, que si, de mon costé, j'eusse aultrement usé envers +elle que sellon qu'il vous avoit pleu me le commander, +sçavoir, de la plus gracieuse et modeste façon qu'il me seroit +possible, qu'elle s'y fût condescendue, et heust du +tout résolu de n'envoyer point en France et d'interrompre +possible les affères d'Escoce; mais elle s'est tenue ferme +à ne vouloir encores rien céder aulx choses d'Espaigne; et +<span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span> +croy que si, du costé du duc d'Alve, ne vient quelque +honneste satisfaction, que les différans auront plus empyré +que amandé, d'y avoir faict cest essay, ayant la dicte Dame +mandé à son depputé, qui est en Flandres, que, si le duc +ne veult admettre la compensation des merchandises et +prendre celles d'Angleterre au priz qu'elles ont esté vandues, +qu'il s'en viegne, avec résolution qu'aussitost qu'il +sera icy, l'on procèdera à la vante de celles d'Espaigne. +Dont chacun estime que le dict duc plyera à ce poinct, et +qu'il envoyera, pour cest effect, nouveaulx depputez par +deçà; bien que l'entrecours et le commerce d'entre les +deux pays n'est pour estre encores radressé.</p> + +<p>Cependant le propos de n'envoyer poinct en France, et +d'interrompre le tretté de la Royne d'Escoce, n'a poinct +heu lieu; et a remiz la dicte Dame d'y dellibérer, dont +j'ay esté conseillé de fère là dessus une petite négociation +par lettre avec Mr le comte de Lestre, affin de luy bailler +argument d'en parler à sa Mestresse. Je ne sçay encores +ce qui en réuscyra; tant y a que, ayant moy mesmes à +parler, dans ung jour ou deux, à elle, sur l'occasion de la +dépesche de Vostre Majesté, du vı<sup>e</sup> du présent, qui m'est +tout présentement arrivée, je mettray peyne de rabiller les +choses, le plus que je pourray.</p> + +<p>Le S<sup>r</sup> de Valsingan est venu, ce dimenche passé, prendre +son disner en mon logis, et m'a dict que Mr Norrys +avoit tant faict qu'il avoit obtenu son congé, et que à luy +estoit desjà résoluement commandé, par la Royne, sa +Mestresse, de s'aprester pour luy aller bientost succéder; +mais qu'elle n'avoit encores ordonné à l'ung le jour de son +retour, ny à l'aultre celluy de son partement; et que, pour +le peu d'establissement, qu'on disoit que la paix prenoit en +<span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span> +France, qu'il n'ozoit y admener encores sa femme; jusques +à ce qu'il eust veu sur ce lieu, comme il en alloit. A +quoy je luy ay si bien respondu, jouxte le contenu de +ce qu'il vous avoit pleu m'en escripre, qu'il en est demeuré +aultrement persuadé; et au reste, Sire, il jure et +promect d'estre ambassadeur paysible près de Vostre Majesté; +et de ne cercher aultre chose, en sa charge, que les +moyens d'accroistre et augmenter davantaige l'amytié +d'entre Vous et la Royne, sa Mestresse, et la bonne paix +d'entre voz royaulmes et subjectz. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxv<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p>Madame, par la lettre, que j'escriptz présentement +au Roy, Voz Majestez verront comme la Royne d'Angleterre +se répute estre mal trettée et ung peu rudoyée +de certains propos, qui ont esté dictz et escriptz à son +ambassadeur, touchant les affères de la Royne d'Escoce; +et n'a pas long temps qu'elle me dict qu'il sembloit que +Voz Majestez Très Chrestiennes fussent constituées entre +elles, comme alliez à toutes deux, mais tenans l'oreille, +qui devoit estre ouverte de son costé, toutjour bouchée, +et celle du costé de la Royne d'Escoce très prompte et +toutjour fort ententive à toutes ses pleinctes; et que vous +ne vous portiez en cella ainsy égallement, comme l'équité +et la rayson le requéroient.</p> + +<p>A quoy je luy respondiz que, à la vérité, l'une et l'aultre +vous debvoient compter pour leurs principaulx alliez et confédérez; +et que, pour le regard d'elle, veu le bon estat +de ses affères, Voz Majestez n'avoient à fère aultre office, +<span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span> +en son endroict, que de vous conjouyr de sa prospérité, et +luy offrir ce qui pouvoit estre en vostre puyssance, pour +meintenir et acroistre sa grandeur, comme, à toute occasion, +vous seriez prest de le fère; mais, quant à la +Royne d'Escoce, je craignois bien fort que ceulx, qui la +voyoient ainsy captive et deschassée de son estat, comme +elle est, ne vous estimassent beaucoup plus abstreinctz par +les trettez de pourchasser chauldement sa liberté et restitution +que vous ne le faisiez; et, quant elle vouldroit considérer +ung peu de plus près cest affère, et la despence que +vous aviez desjà commancée pour préparer, dez l'esté +passé, ung secours, et l'avoir, pour l'amour d'elle, despuys +révoqué, et d'en entretenir meintennant ung aultre, sans +l'envoyer, pour attandre le tretté; tant s'en fault qu'elle +se deubt tenir offancée de Voz Majestez, que, au contraire, +elle réputeroit vous avoir de l'obligation de l'honneste et +modeste façon, dont vous y aviez procédé; et dont vous +luy déclariez encores tout franchement la contraincte nécessité, +que vous aviez, d'entreprendre quelque aultre essay, +comme vous le pourriez fère, au cas qu'elle vollût +rejetter celluy de voz honnestes prières et gracieuses remonstrances.</p> + +<p>Ainsy la dicte Dame se modéra pour lors, et proposa +d'envoyer le comte de Lestre devers Voz Majestez, pour +fère la conjouyssance des nopces du Roy et de la venue de +la Royne, vostre belle fille, et accommoder, par mesmes +moyen, le faict de la Royne d'Escoce; mais quelcun, despuys, +en a traversé le propos; dont j'en suys aulx termes, +que je mande en la dicte lettre du Roy; et essayeray, Madame, +à ceste prochaine audience, de rabiller le faict, et +de moyenner, en quelque bonne sorte, si je puys, que le +<span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span> +dict voyage du comte de Lestre, ou au moins de quelque +aultre milor, ne soit interrompu, si toutesfoys Vostre Majesté +me faict entendre qu'elle l'ayt agréable. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxv<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</p> + +<h2 class="p4">CXLVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du dernier jour de novembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par Joz, mon secrétaire.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Notification officielle des fiançailles du roi et des fêtes ordonnées +pour célébrer le mariage.—Invitation faite à la reine d'Angleterre d'envoyer +une ambassade extraordinaire au roi, et aux seigneurs anglais d'assister +au tournoi qui est annoncé en France.—Vives sollicitations en faveur +de la reine d'Écosse.—Gracieuses réponses d'Élisabeth sur la communication +du mariage du roi.—Son emportement contre les déclarations qui +lui sont faites au sujet de l'Écosse.—Sa ferme volonté de conclure le +traité avec Marie Stuart sans l'intervention du roi.—<em>Mémoire général</em> sur +les affaires d'Angleterre.—Détails secrets sur les projets des catholiques +dans le pays de Lancastre; secours qu'ils demandent au roi; appui qu'ils +espèrent du duc de Norfolk.—Hésitations d'Élisabeth sur le parti qu'elle +doit prendre à l'égard de Marie Stuart; opinion émise dans le conseil qu'il +faut la faire mourir; crainte de l'ambassadeur que l'on ait voulu l'empoisonner.—Négociations +avec l'Espagne; persistance d'Élisabeth dans son +refus d'accorder audience à l'ambassadeur d'Espagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, je me suys bien aperceu, ceste foys, qu'on s'estoit efforcé +de randre la Royne d'Angleterre fort offancée contre +Vostre Majesté, car je l'ay trouvée preste de me recommancer +les mesmes querelles et plainctes, qu'elle m'avoit faicte, +en la précédante audience; et, sans ce que Mr le comte de +Lestre estoit, peu d'heures auparavant, arrivé de dehors, +qui l'avoit entretenue sur une lettre, qu'il avoit naguières +receue de moy, elle ne m'eust encores randu de si gracieuses +<span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span> +responces, comme enfin, après avoir longuement débattu +ensemble je les ay raportées; et croy que ce a esté +aussi parce que, d'entrée, je luy ay dict que Vostre Majesté +me commandoit de luy compter comme voz fianceailles +avoient esté fort honnorablement faictes à Spire, le +dernier dimenche du mois passé; et que, incontinent après, +la Princesse Elizabeth s'estoit acheminée, en bonne et +grande compaignye, pour venir en France; et que, sellon +le compte de ses journées, elle debvoit arriver à Mézières le +xx<sup>e</sup> du présent, où Vostre Majesté l'alloit rencontrer pour +y célébrer, au playsir de Dieu, voz nopces, le xxııȷ<sup>e</sup>, et +que bientost après, vous en retourneriez vers Paris, pour +y fère vostre entrée; auquel lieu vous aviez remiz les triumphes +des nopces, parce que Mézières estoit trop petite +ville pour un tel appareil; et y aviez, à ceste occasion, faict +cryer un tournoy général, qui seroit ouvert, à toutz venantz, +le premier jour de l'an. Ce que vous me commandiez +de luy notiffier et aulx seigneurs de sa court, affin que, +s'il luy playsoit d'y en envoyer, ou permettre qu'ilz y allassent, +que Vostre Majesté et Monsieur promettiez qu'ilz y seroient +bien receuz, et leur donriez lieu, avec vous mesmes, +de s'esprouver aux honnestes exercices d'armes, qui s'y feroient; +et que, pour l'honneur d'elle, ilz y seroient respectez +et favorisez; qu'il me souvenoit bien de ce qu'elle +m'avoit dict, que l'Empereur, envoyant la Royne d'Espaigne +à son mary, la luy avoit recommandée, dont elle l'avoit +grandement honnorée, et faict fort honnorablement convoyer, +avec magnifficence et despence, par dix de ses grandz +navyres de guerre, passant en ceste mer; et que, si le dict +seigneur avoit, d'avanture, oublyé de luy fère une pareille +recommendation, par lettre, de son aultre fille, qu'il envoyoit +<span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span> +à ung grand Roy, son mary, qui luy estoit allyé, +qu'il ne layssoit pourtant de la luy recommander de tout +son cueur, et qu'il s'atandoit bien qu'elle useroit de toutes +démonstrations de bienveuillance envers elle; et, quant +bien il luy auroit plus expressément recommandé celle qu'il +envoyoit en la mayson d'Austriche, d'où il est, qu'il y avoit +plusieurs aultres bonnes occasions, qui la doibvent convyer +d'avoir en non moindre recommendation celle qui vient en +la mayson de France, où je la pouvois asseurer qu'elle estoit +aultant aymée, honnorée et respectée que en nulle +aultre part de la Chrestienté; et pourtant je m'asseurois +qu'elle n'oblyeroit de envoyer quelque honnorable ambassade +en France, pour fère, tout ensemble, deux grandes +conjouyssances: l'une, pour les nopces de Vostre Majesté, +et l'aultre pour la venue de la Royne Très Chrestienne, +sa bonne sœur, et bonne voysine. Et luy ay bien vollu dire +cella, Sire, parce que je sçavois qu'on luy avoit faict rompre +sa dellibération d'y envoyer; puys j'ay adjouxté qu'elle +debvoit prendre pour ung grand signe d'amytié, que vous +luy feziez communication de chose si privée, comme vostre +mariage, et que mesmes, il sembloit que vous augmentiez +votre ayse du contantement que vous pensiez luy +donner de celluy que Vostre Majesté recepvoit; que, outre +cella, vous me commandiez de luy fère encores fort +bonne part d'ung aultre bien grand contantement que vous +aviez de voir vostre royaulme très paysible; et que vostre +éedict s'y alloit establissant, ainsi que vous le pouviez souhayter, +de quoy vous vous en conjoyssiez avec elle, comme +avec celle qui proprement desiroit que ceste prospérité +vous fût entière, et accomplye en vostre royaulme; et que +vous luy en desiriez une toute semblable au sien, et luy offriez +<span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span> +tout ce qui estoit en vostre puyssance pour l'y meintenir;</p> + +<p>Que, pour la fin de vostre lettre, vous me commandiez +luy fère entendre le singulier playsir, que ce vous avoit esté, +de voir que voz honnestes prières et gracieuses remonstrances +eussent eu tant de lieu que, pour l'amour de vous, +elle heût envoyé ses depputez devers la Royne d'Escoce, +pour donner commancement à ung bon traicté, et eust +mandé retirer son armée de sur la frontière d'Escoce; de +quoy ne vouliez faillyr de la remercyer; et la remerciés +encores bien fort de vous avoir déclairé qu'elle seroit bien +ayse de pouvoir honnorablement restituer la Royne d'Escoce +par la voye du traicté; et que, quant cella n'adviendroit +ainsy, qu'encores la renvoyeroit elle aulx seigneurs +escouçoys qui tiennent son party; en quoy vous la supliez +très affectueusement d'y vouloir persévérer, et de vous en +fère bientost paroistre ceste sienne bonne intention par +effect, affin de vous descharger de l'inportunité de ceulx +qui vous abstraignoient, par vertu des traictez, de luy +bailler secours; lesquelz se monstroient de tant plus ardantz +à le pourchasser, que le comte de Lenoz poursuyvoit +toutjour d'user de viollance contre eulx, au préjudice de +la surcéance d'armes; et que vous desiriez, Sire, que les +conditions du traicté réuscissent toutes bien fort seures et +honnorables pour elle, et pareillement bien honnestes et +esloignées de toute offance pour la Royne d'Escoce, et pour +vous: ou bien, si c'estoit par l'aultre moyen qu'elle la +vollust restituer, que vous y requériez sa sincérité et sa +grandeur de cueur à le fère; en sorte que la liberté qu'elle +luy donroit ne luy fût ung nouveau tourment et peyne.</p> + +<p>La dicte Dame, depposant ung peu de la sévérité, qu'elle +<span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span> +avoit usé à me recepvoir, m'a respondu que ces propos luy +sembloient meilleurs qu'elle n'avoit espéré de les ouyr de +Vostre Majesté, après une telle menace et rigoureuse démonstration, +que vous aviez usée vers son ambassadeur, +et préparée en Bretaigne; et qu'elle ne pouvoit fère que, +pour ceulx de vostre mariage, elle ne vous en remercyât +aultant, de vraye et bonne affection, comme il luy estoit +possible de le fère, et que vous ne vous tromperiez jamais, +si vous vouliez droictement croyre qu'elle estoit et seroit +toutjours très ayse de voz prospéritez et contantemens, +aultant et plus que nul de toutz les princes de vostre alliance; +et, quoy qu'il y ayt, que vous luy feriez grand tort +si ne demeuriez très fermement persuadé que vostre mariage +luy est singulièrement agréable, et qu'elle prioyt Dieu +d'y envoyer ses bénédictions, affin qu'il fust très heureux +aulx espousez, et que la postérité en fust de mesmes très +heureuse. Et s'est le propos poursuyvy à dire que Vostre Majesté +se pouvoit promettre une bonne part de la vigne, qui +est pour ceulx qui peuvent passer le premier an de leurs +nopces sans se repentyr, et que ceste vigne estoit proprement +pour les mariages si bien et si convenablement faictz +comme le vostre.</p> + +<p>A quoy j'ay adjouxté que Vostre Majesté n'avoit garde +de tumber en nulle sorte de repentailles, et que celle de la +vigne s'entendoit que nul n'estoit maryé de si bonne heure, +qu'il ne se repentît de ne l'avoir esté plustost, et que j'espérois +voir ung matin qu'elle seroit touchée de ce repentir; +ce que, en soubzriant, elle a advouhé, et que mesmes elle +en estoit desjà bien fort attaincte; et a continué que, quant +à la recommendation que l'Empereur luy avoit faicte de la +Royne d'Espaigne, cella estoit advenu, parce qu'elle avoit +<span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span> +envoyé devers elle en Flandres, et puys devers luy à Spyre, +sur l'occasion du différant, qu'elle avoit avec le Roy d'Espagne, +qui n'estoit procédé de luy, mais de ses ministres; +et que, voyant que sa fille auroit à passer en ceste mer, +il luy avoit escript de luy vouloir randre son passaige bien +asseuré, qui aultrement, possible, ne l'eust guières esté; et +qu'encores que la Royne Très Chrestienne ne vînt poinct en +ceste mer, si ne lairroit elle de l'honnorer; et puysque je +luy faisoys ceste notiffication de la remise des triomphes à +Paris, qu'elle adviseroit d'envoyer quelcun de sa part pour +fère la conjouyssance, mais quant à tournoyer, qu'il y avoit +quelques ans qu'elle avoit entretenu sa court, comme en +veufve, sans y fère tournoys; dont craignoit que les braz +de ses gentishommes fussent devenuz si engourdiz qu'en +lieu d'aller aquérir de l'honneur; ils y gaignassent de la +honte pour eulx et pour leur nation; au regard de la paix +de vostre royaulme, que Vostre Majesté ne s'en resjouyssoit +pas plus droictement qu'elle, qui ne cédoit à nul, qui, +plus qu'elle, la vous desirât stable et de durée; ce qui la +faisoit de tant plus esbahyr pourquoy Vostre Majesté entreprenoit +de la rudoyer, et mal traicter pour la Royne d'Escosse, +et qu'elle n'eust jamais pensé que vous l'eussiez vollue +accomparer de respect à elle, et ne tenir en trop meilleur +compte son amytié que celle de la dicte Royne d'Escosse.</p> + +<p>Et s'est eslargie en tant de parolles aigres contre la +dicte Royne d'Escosse, et sur vos dictes menaces, et sur +les secours qu'elle entendoit s'aprester de rechef en Bretaigne, +que je suys demeuré assés esbahy comme la dicte +Dame estoit si changée despuys l'aultre foys, dont ne me +suis peu tenir (luy gardant néantmoins toutjours tout le respect +<span class="pagenum"><a id="Page_388"> 388</a></span> +qu'il m'a esté possible), que ne luy aye fermement +répliqué qu'elle se faisoit grand tort de prendre ainsy en +mauvaise part les très honnestes et gracieuses remonstrances, +que Vostre Majesté luy faisoit pour la Royne d'Escosse, +et la franchise dont vous luy déclairiez comme vous +estiez contrainct de la secourir; qui pourtant monstriez, +par la patience dont vous y procédiez, que vous auriez +grand regrect qu'il vous en fallust venir à tant. Et n'ay +obmiz de luy respondre à toutz ses aultres argumentz, ung +à ung, luy demandant enfin quelle aultre voye donques +estimoit elle que Vostre Majesté pourroit tenir pour, tout +ensemble, conserver son amytié, et s'acquicter de son debvoir +envers la Royne d'Escosse.</p> + +<p>A quoy, après y avoir ung peu pensé, elle m'a respondu +qu'elle vous prioyt, de toute son affection, de ne monstrer, +par voz parolles et aprestz, que vous mesprisez son +amytié, et de ne vouloir traitter que honnorablement avec +elle et avec son ambassadeur, comme elle estoit preste +d'user de mesmes envers vous; car aymoit mieulx venir à +toutes aultres extrémités que de souffrir rien qui fût indigne +de sa réputation, ny de celle de sa couronne. Et quant au +reste, elle me vouloit bien dire qu'elle ne prétandoit que +nul aultre prince s'entremît du traicté d'entre elle et la +Royne d'Escosse, que elles deux, et que je ne debvois +craindre qu'il s'y fît ligue contre Vostre Majesté, mais +bien pour se deffandre entre elles, si quelcun les vouloit +assaillyr; et qu'elle avoit mandé, pour le jour d'après, +l'évesque de Roz, et puys, pour le lendemain, l'abbé de +Donfermelin qui estoit desjà arrivé, affin de les ouyr, l'ung +après l'aultre, et donner, puys après, le plus d'advancement +qu'elle pourroit au dict traicté.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span> +Et n'ay raporté, pour ceste foys, aultre chose de la +dicte Dame sinon que noz propos se sont terminez gracieusement, +et j'ay sceu despuys qu'ilz ont eu beaucoup +d'effect à la modérer sur tout ce qui peult concerner vostre +commune amytié et les affères de la dicte Royne +d'Escosse. Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxx<sup>e</sup> jour de novembre 1570.</span></p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">POUR FÈRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ,</span> +oultre le contenu des lettres:</p> + +<p>Que d'aulcunes choses, dont la Royne d'Angleterre est en peyne, +il y en a principallement trois, qui, à ceste heure, la travaillent: +l'ellévation à quoy se sont monstrez promptz ceulx de Lenclastre, où +elle n'ose toucher, de peur que le mal n'en deviegne plus grand et +plus universel en son royaulme; la seconde est les affères de la Royne +d'Escosse, lesquelz sont suportez du Roy, et soubstenuz avec tant +d'affection par une partie de ses subjectz, et contradictz si opiniastrément +par l'aultre, mesmement par les évesques et principaulx +de la nouvelle religion, qu'elle ne sçayt quel expédiant y +prendre; la troisiesme est les différans des Pays Bas, desquelz tant +plus l'accord s'en prolonge, plus les prinses se dépérissent, et elle +s'en tient comme responsable, et les commerces cessent, desquelz +avoit accoustumé de tirer les meilleurs et plus clairs revenuz;</p> + +<p>Et, qui pis est, qu'il semble que ces trois causes se vont confortant +l'une à l'aultre, et qu'elles sont pour devenir toutes à ung: à fère +quelque grand effect dans ce royaulme, dont la dicte Dame assemble +souvant ceulx de son conseil pour y remédier; et je ne sçay encores +quelles résolutions ilz y mettent, parce qu'ilz les tiennent fort secrectes, +mais voycy ce que j'ay aprins de particulier sur chacune des +dictes occasions, d'où se pourra aucunement colliger à quoy elles +auront à devenir.</p> + +<p>Un seigneur bien entendu ez affères de ce royaulme, qui naguières +estoit en conversation avec d'aultres personnaiges de bonne qualité, +en ceste ville, leur dict que la Royne, leur Mestresse, estoit à +présent fort particullièrement informée de ce qui se passoit au quartier +de Lenclastre; et que ung des principaulx autheurs de l'entreprinse +en estoit venu descouvrir si véritablement tout ce qui en estoit, +qu'il n'avoit espargné d'acuser son propre père, et avoit esté enfermé +<span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span> +quatre heures avec le secrétaire Cecille, pour luy notiffier les personnes, +et luy expécifier les dellibérations, et luy ouvrir encores les +moyens d'y remédier;</p> + +<p>Et que, sellon son rapport, sembloit que le comte Dherby, deux +de ses enfans, et la pluspart de la noblesse du pays se fussent ouvertement +soubstraictz de l'obéyssance de la dicte Dame, et eussent déclairé +de ne vouloir plus respondre à sa justice, ny obéyr à chose qui se +fit par son autorité, allégans que Dieu et leur conscience les pressoient +de ne recognoistre pour leur Royne et Souveraine celle qui estoit +déclairée illégitime et interdicte par l'esglize, jusques à ce qu'elle se +fût mize hors de l'interdict; et que c'estoit sir Thomas Stanlay, second +filz du dict Dherby, qui conduysoit principallement cest affère, +lequel se promettoit d'avoir toutz les principaulx de ce royaulme de +son parti, hormiz le comte de Betfort, le comte de Huntington et le +duc de Norfolc, parce que ceulx là estaient l'un épicurien, l'aultre +sacrementaire, et le tiers neutre; et que la dicte Dame estoit pour +demeurer en grand peyne de cecy, si de Lenclastre mesmes l'on ne +luy eust mandé qu'elle ne s'en donnât poinct de peur, car il restoit +encores des gens de bien en si grand nombre dans le pays qu'ilz +romproyent ayséement les entreprinses de ces papistes.</p> + +<p>J'ay entendu d'ailleurs que ung gentilhomme, que les dicts de +Lenclastre avoient envoyé devers aulcuns seigneurs des quartiers de +deçà, leur a dict qu'ilz se mettroient trente ou quarante mil hommes +assés promptement ensemble, si eulx se vouloient déclairer ouvertement +de leur party; et que iceulx seigneurs luy ont respondu qu'ilz +ne pouvoient rien fère de eulx mesmes, si le duc de Norfolc n'estoit +de la partie, lequel estoit encores dettenu, et ne monstroit qu'il eust +vollonté de rien remuer.</p> + +<p>Laquelle responce semble que, sans en rien communiquer au dict +duc, ilz l'ayent ainsy expressément faicte à icelluy gentilhomme pour +ne se descouvrir à nul anglois, car ilz ne se fyent les ungs des aultres; +et que néantmoins semble qu'ilz sont assez délibérez et résolus +à l'entreprinse, pourveu qu'elle soit conduicte secrectement, et que +le dict duc en veuille estre, et donner parolle qu'il advancera le +droict de la Royne d'Escosse au tiltre de ce royaulme, et qu'il promettra +que l'exercice de la religion catholique aura cours pour ceulx +qui la vouldront avoir; car aultrement ilz aymeroient mieulx que la +Royne d'Escosse print le party du plus estrangier du monde que le +sien; mais, cella accordé, qu'ilz tiendront l'entreprinse pour +bien, fort advancée, en ce que le Pape, et le Roy, et le Roy d'Espaigne +<span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span> +les veuillent secourir de six mil harquebouziers seulement, en +six divers lieux, qui soient conduicts par gens, qui ne sachent en façon +du monde où ilz vont.</p> + +<p>Aulcuns estiment que le duc de Norfolc n'accepteroit que très +vollontiers les dictes deux conditions, mais il ne peult fère aulcun +bon fondement sur ceulx qui se meslent de l'entreprinse, s'estant +trouvé une foys trop déceu en celle de son mariage; et aussi, qu'estant +encores resserré, il estime, possible, qu'il ne se pourroit assés bien +prévaloir de ses propres moyens.</p> + +<p>Et d'ailleurs il se sent assés offancé d'aulcunes choses, que les +principaulx de son intelligence ont exécuté contre luy, despuys sa +détention, mesmement le viscomte de Montagu, lequel a faict tout +ce qu'il a peu en faveur de millord Dacres, de qui il a espousé la +sœur, pour débouter la niepce, qui est maryée au filz ayné du duc, +de toute la succession Dacres; et millord de Lomelay, qui a espousé la +fille du comte d'Arondel, de laquelle il n'a poinct d'enfans, voyant +que toute la succession de son beau père va au filz ayné du dict duc, +qui est filz d'une aultre sienne fille, il l'induict de vendre, pièce à +pièce, tout son estat et ses terres; dont n'y a bonne intelligence entre +les principaulx, qui sont pour fère quelque effect. Par ainsy +semble qu'il seroit mal à propos de rien remuer, et le dict duc, de +sa part, fonde toute son espérance des affères de la Royne d'Escosse, +au secours et démonstrations du Roy; duquel il dict qu'il veult +dépendre, et qu'il espère qu'avec une bien médiocre assistance +de luy, les choses d'Escosse viendront à estre bien remédiées, et ne +trouve bon que la dicte Royne d'Escosse ny luy s'embroillent avec +les dicts de Lenclastre, lesquelz néantmoins se promettent du dict +duc et des aultres principaulx seigneurs du royaulme, et encores +des estrangiers, tout secours, quant il en sera besoing; et, attandans +cella, ilz ne remuent rien, ny ne sont pareillement recerchez.</p> + +<p>Au regard des affères de la Royne d'Escosse, les depputez, qui +ont esté devers elle, ayant faict un très bon rapport des propos et +démonstrations, dont elle leur a usé, tendans à une bonne paix et +sincère amytié, sans fraulde, entre les deux Roynes et leurs royaulmes, +ilz ont ayséement induict la dicte Royne d'Angleterre de +vouloir venir en accord; laquelle a miz en considération ce que +aulcuns aultres de son conseil luy ont remonstré, qu'elle avoit desjà +beaucoup despendu pour les choses d'Escosse, sans avoir rien estably +de ce qu'elle prétandoit, et que, quant ceulx du party de la +dicte Royne d'Escosse ne viendroient estre qu'à moictié prez secouruz +<span class="pagenum"><a id="Page_392"> 392</a></span> +du Roy, de ce que le comte de Mora et celluy de Lenoz l'ont esté +d'elle, que non seulement ilz déboutteroient leurs adversayres, mais +pourroient procurer une dangereuse revenche contre l'Angleterre.</p> + +<p>Ce qui a faict que la dicte Dame s'est fort opposée à ceulx qui +vouloient interrompre le tretté, lesquelz n'ont heu enfin aulcun plus +fort argument que de luy remonstrer que, puysque le Roy s'affectionnoit +si fort à le pourchasser, elle debvoit croyre qu'il y prétandoit +quelque grand intérest, qui ne se descouvroit encores, lequel +pourroit bien revenir au dommaige d'elle; et que, quant bien il n'y +auroit, à présent, sinon ce, qu'il l'a menacée, et qu'il a rudoyé son +ambassadeur, encores importoit il grandement à sa grandeur et réputation +qu'elle ne fist rien pour ceste foys.</p> + +<p>Et a cella faict tant d'impression en l'opinion de la dicte Dame +qu'elle s'est cuydée estranger de l'amityé du Roy, et se despartyr +de tout bon propos d'avec la Royne d'Escosse. Néantmoins, en ma +dernière audience, après avoir paysiblement escoutté tout ce que +je luy ay vollu dire là dessus, conforme à l'intention du Roy, en +la plus gracieuse façon et esloignée d'offance qu'il m'a esté possible, +elle m'a enfin respondu ce qui est desduict en la lettre du +Roy.</p> + +<p>Dont ceulx qui sont contraires au tretté, voyantz qu'elle inclinoit +toutjour de passer oultre, ont advisé de l'abstraindre, par la conscience, +de ne le vouloir aulcunement fère, que, premier, la Royne +d'Escosse n'ayt expressément promiz et fort solennellement juré +qu'elle n'innovera rien en la religion, quant elle sera de retour en +Escosse, ny pareillement en ce royaulme, si, d'avanture, elle y vient à +succéder; et nous a esté raporté qu'ilz avoient encores passé oultre +à dellibérer sur la vie de ceste pouvre princesse; dont en estant venu +un tel advertissement à l'évesque de Roz, et s'estant là dessus la +dicte Dame trouvée bien mal, nous avons esté en grand peur d'elle, +et avons miz peyne que d'icy luy a esté envoyé aulcuns bien bons +remèdes en fort grande dilligence.</p> + +<p>Or, de ce qui se peult espérer de l'yssue de son faict, je l'ay assés +desduict par toutes mes dépesches précédentes, et par celle de ceste +datte, et que, nonobstant mes traverses, et empeschemens qu'on y +faict, qu'il y a grande apparance que le tretté succédera avec le +temps; et que l'abbé de Domfermelin, lequel, à ce qu'on dict, est +venu devant, de la part du comte de Lenoz, pour l'interrompre, ne +pourra sinon le retarder quelque peu de jours.</p> + +<p>Quant aulx différans des Pays Bas, ceulx qui ont senty que la dicte +<span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span> +Dame se tenoit offancée du costé de France, luy sont venuz mettre en +avant qu'en toutes sortes elle debvoit retourner à l'intelligence du +Roy d'Espaigne, et ne se soucyer de toutz les aultres accidans du +monde. A quoy l'ayans trouvée en général fort bien disposée, ilz ont +espéré de la pouvoir fère condescendre à ce particullier, de recepvoir +une lettre de l'ambassadeur d'Espaigne, et de fère qu'elle luy randroit +responce, ou luy accorderoit audience, ou bien envoyeroit quelques +ungs du conseil pour tretter avecques luy; et, à la vérité, ilz ont +trouvé moyen de luy fère bien recepvoir la dicte lettre, en laquelle le +dict ambassadeur s'est seulement conjouy avec elle de ce que la Royne +d'Espaigne, après avoir esté honnorablement convoyée par ses navyres, +est arrivée à bon port le IIIJe du mois passé; et n'a touché aulcun +autre poinct. Mais, quant il a esté question d'avoir la responce, +et de passer plus avant avec le dict ambassadeur, elle a respondu +qu'il suffizoit, pour ceste heure, qu'on dict à son secrétaire qu'elle +avoit receu sa lettre, et avoit esté bien ayse, comme elle le sera toutjour, +d'entendre toutes bonnes nouvelles de la Royne d'Espaigne, sa +bonne sœur.</p> + +<p>Sur quoy aulcuns se sont entremiz d'accommoder, et les aultres +de traverser l'affère, qui enfin est demeurée en ce, que, si l'ambassadeur +avoit quelque lettre de son Maistre pour la dicte Dame qu'il +la luy envoyât, et elle adviseroit d'entrer en si bon tretté avecques +son dict Maistre, qu'elle donroit à cognoistre de n'avoir heu jamais +aultre desir que bien conserver son amytié; et que desjà elle luy +avoit escript trois lettres, despuys ces différans, à nulle desquelles +elle n'avoit esté respondue, et qu'il importoit beaucoup à sa réputation +qu'elle ne parlât ny escripvît plus en ceste affère, jusques à ce +qu'elle eust de ses nouvelles.</p> + +<p>Et n'a rien servi de remonstrer à la dicte Dame que le dict ambassadeur +pouvoit avoir des lettres de son dict Maistre, lesquelles +ne luy estait loysible de présenter que par luy mesmes; car a respondu +que si son Maistre ne la pryoit, par une sienne bien expresse +lettre, de luy redonner sa présence, qu'elle ne l'y admettra jamais; +et qu'il feroit bien d'en envoyer ung aultre, car la souvenance des +choses qu'il avoit escriptes d'elle, et de ce qu'il s'estoit meslé de l'eslévation +du North et de la bulle, ne permettoient qu'elle le peult +avoir jamais agréable.</p> + +<p>Et, sur ceste résolution, elle n'a plus vollu différer d'escripre à +son depputé en Flandres, que, si le duc d'Alve ne vouloit admettre +la compensation des merchandises, et prendre celles d'Angleterre +<span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span> +pour le priz qu'elles ont esté vandues par dellà, qu'il s'en vint; et +que, aussitost qu'il seroit icy, il seroit procédé à la finalle vante de +celles d'Espaigne, dont s'entend que le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque sera de +rechef dépesché pour venir accorder ce poinct; et que le duc d'Alve +ne s'y opiniastrera; et, quant au principal faict de l'entrecours, que +le S<sup>r</sup> Ridolfy passera bientost devers icelluy duc, pour mettre en avant +quelque bon expédiant.</p> +</div> + +<h2 class="p4">CXLVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">VII</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Guillaume Bernard.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Sollicitations pour ramener Élisabeth à de meilleurs sentimens envers la +France.—Prière de l'ambassadeur au roi afin de l'engager à faire un plus +favorable accueil à l'ambassadeur d'Angleterre.—Maladie subite de Marie +Stuart.—Arrivée de quelques-uns des députés d'Écosse.—Affaires des +Pays-Bas et d'Allemagne.—Prochain départ du cardinal de Chatillon.—Espoir +de l'ambassadeur que Leicester, ou quelqu'un des grands d'Angleterre, +sera envoyé en France à l'occasion du mariage du roi.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, après vous avoir dépesché mon secrétaire, le dernier +de l'aultre mois, j'ay cerché de sçavoir en quelle disposition +continuoit d'estre la Royne d'Angleterre vers Vostre +Majesté et vers la Royne d'Escosse; et j'ay aprins, +Sire, que luy ayant esté naguières parlé de l'ung et de l'autre, +à heure bien propre, et en termes convenables pour +luy oster l'impression de ces menaces et rigoureuses démonstrations, +dont son ambassadeur s'est plainct qu'on luy +avoit usé en France, elle a monstré d'avoir beaucoup de regrect +que cella fût advenu pour interrompre les tesmoignages +de la bonne affection, qu'elle se préparoit de manifester +bientost au monde qu'elle avoit vers Vostre Majesté; et +encores de celle que, pour l'amour de vous, elle vouloit +<span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span> +fère sentyr à la Royne d'Escosse; et qu'on sçavoit bien +qu'elle avoit desjà proposé d'envoyer une ambassade en +France, non moins honnorable que si elle y eust dépesché +ung sien propre frère, pour fère la conjoyssance de voz +nopces et de la venue de la Royne, et pour honnorer l'ung +et l'aultre, ensemble la Royne, vostre mère, de quelques +présens, et de vous gratiffier et vous accorder tout ce +qu'elle eust peu pour la Royne d'Escosse.</p> + +<p>Sur quoy luy ayant, l'ung de ceulx qui estoient là présens, +assés soubdain remonstré qu'elle ne debvoit laysser +de le fère pour chose, que son ambassadeur luy eust escript, +parce que moy, vostre ambassadeur par deçà, asseurois +bien fort que Vostre Majesté n'avoit aulcune vollonté +de l'offancer, et que mesmes elle pouvoit cognoistre qu'encores +que vous travaillissiez de satisfère à ce que vous debviez +à la Royne d'Escosse et aulx Escossoys, vous cerchiez +néantmoins de n'avoir poinct de guerre à elle; car, d'ung +costé, vous pourchassiez le tretté, et lui déclairiez, de l'aultre, +qu'au cas qu'il ne succédât vous seriez contrainct d'envoyer +vostre secours en Escosse; et s'est esforcé, par ce +moyen, de ramener la dicte Dame à sa première bonne dellibération +d'envoyer en France; de quoy elle ne s'est monstrée +trop esloignée. Néantmoins, de tant que sa principalle entente +est de fère veoir aulx siens que les princes estrangiers +l'honnorent et la respectent, et que, là où ilz ne le vouldroient +fère, qu'elle a le cueur bon pour ne leur rien céder, +affin que cella luy serve pour se maintenir en plus d'authorité +dans son royaulme, elle a enfin respondu que nul ne la +debvoit conseiller de porter honneur à celluy qui luy vouloit +oster le sien, ny de recercher d'amytié celluy qui mesprisoit +la sienne, et qu'elle abaysseroit par trop la dignité +<span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span> +de la couronne d'Angleterre, si elle monstroit de fère quelque +chose par menaces; dont attandroit de veoir comme +ses démonstrations de bonne vollonté auroient à être bien +receues en France, premier qu'elle advanturast de les envoyer +offrir.</p> + +<p>Sur quoy j'ay esté advisé, Sire, par ung, qui est bien +affectionné à vostre service, de vous debvoir escripre que, +de tant qu'il ne vous peult estre imputé que à grande +courtoysie de defférer quelque chose aulx dames, et que +ceste cy n'a, au fondz de son cueur, que très bonne affection +de persévérer en toute amytié et intelligence avec +Vostre Majesté et avec la France; et qu'il est dangier +qu'elle s'en retire, pour s'adjoindre ung aultre party qui +la recerche infinyement, et où vous pourriez estre quelquefoys +bien marry qu'elle y eust passé, lorsque, possible, +vous vouldriez, avec très grand désir, l'avoir réservée du +vostre; et que les affères d'Escosse ne succéderont que +mieulx à vostre désir, et mesmes il vous viendra plusieurs +aultres commoditez de ceste princesse et de son royaulme, +si vous la regaignez; que Vostre Majesté fera bien de porter +quelque faveur à son ambassadeur, et de luy tenir des +propos honnestes, et plains d'amytié et de bienveuillance +vers elle, luy faysant quelque part des nouvelles de vostre +mariage; et que, estant les choses d'Escosse accommodées, +ainsy que vous espériez qu'elles le seroient, par le tretté, et +dont vous la priez que ce soit bientost, que vous pourrez, +puys après, vivre en une très parfaicte intelligence et entière +amytié avec elle; et que desjà le dict ambassadeur +est adverty que s'il vous plaît, Sire, parler à luy en ceste +sorte, que, pour deux motz que Vostre Majesté luy en +dira, il y ayt à luy en escripre plusieurs de si bons à sa Mestresse, +<span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span> +qu'il luy face perdre la mémoire de ceulx qui luy +ont faict mal au cueur; et que, si Vostre Majesté avoit +agréable de m'en fère aussi toucher quelques unes en vostre +première dépesche, qui fussent assés exprès pour les +pouvoir monstrer à la dicte Dame, qu'elle en demeureroit +très grandement satisfaicte, et toutes choses en yroient +mieulx. Dont de tant, Sire, que ce conseil ne peult estre +que décent à Vostre Majesté, et que ceulx, qui portent +icy les affères de la Royne d'Escosse, m'ont prié de le vous +fère trouver bon, je n'ay vollu faillyr de le vous escripre +tout incontinent, et adjouxter, Sire, qu'il me semble qu'il +ne pourra estre que honneste et utille à vostre service d'en +user ainsy.</p> + +<p>Cependant il est advenu que la Royne d'Escosse est +tumbée fort mallade, et qu'ayant changé d'air et de logis, +à Chiffil, pour cuyder s'y trouver mieulx, son mal est augmenté, +de sorte qu'elle a mandé à l'évesque de Roz de +l'aller trouver en dilligence, et de luy admener ung homme +d'esglize pour l'administrer; lequel est party ce matin pour +luy aller luy mesme fère ce sainct office, par faulte d'aultre, +et a mené deux bons mèdecins, que la Royne d'Angleterre +luy a baillez, laquelle a escript une bonne lettre +à la dicte Dame, qui la consolera grandement; car aussi +nous a elle mandé que son plus grand mal est d'ennuy de +ses affères, et que nous ne demeurions en souspeçon de +l'adviz que nous luy avions mandé, parce qu'elle a fort bien +prins toutjour garde à son vivre. Nous estimons que c'est +son accoustumé mal de costé, et que bientost nous aurons +meilleures nouvelles d'elle; lesquelles, Sire, je vous feray +incontinent tenir.</p> + +<p>L'abbé de Domfermelin a faict plusieurs vifves remonstrances +<span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span> +à la Royne d'Angleterre pour rompre le traicté, +desquelles elle a esté assés esmeue; mais enfin elle l'a +renvoyé pour aller quérir les aultres depputez du party du +régent, avec dellibération de passer oultre, monstrant +toutesfoys n'estre contante que les depputez, qui viennent +pour le party de la Royne d'Escosse, ne sont personnaiges +plus principaulx qu'ilz ne sont: car a entendu que c'est +seulement l'évesque de Galoa et milord Leviston; mais +l'on luy a donné espérance que le comte d'Arguil pourra +venir, ce qui fera encores quelque longueur en cest affère; +mais j'y donray toutjour le plus de presse qu'il me sera +possible.</p> + +<p>L'on s'esbahyt qu'il y a plus d'ung mois que nul courrier +n'est venu de Flandres, mais l'on ne le prend que +pour bon signe, de tant qu'ayant esté escript au depputé, +qui est en Envers, d'aller incontinent trouver le duc d'Alve +à Bruxelles, pour luy proposer la dernière offre; et que, +s'il y faict nulle difficulté, qu'il s'en retourne tout incontinent, +l'on estime que le dict duc l'a acceptée, et que l'on +est meintennant après à conclurre les chappitres de l'accord. +J'entendz que le jeune Coban a esté licencié de +l'Empereur, dez le vııı<sup>e</sup> du passé, pour s'en retourner devers +sa Mestresse; il est encores en chemin, mais ung personnaige +d'assés bonne qualité, allemant, est arrivé despuys +deux jours, qui se dict ambassadeur du duc Auguste +de Saxe, duquel je n'ay encores rien aprins de sa légation; +je travailleray d'en entendre quelque chose. Monsieur le +cardinal de Chastillon partit hyer de ceste ville pour aller +à Canturbery, pour estre plus près du passaige, dellibérant +d'attandre là des nouvelles de son homme, qu'il a envoyé +en France. Il m'est, de rechef, venu visiter, avec plusieurs +<span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span> +bonnes parolles de sa dévotion et fidellité vers vostre service, +et qu'il n'a nul plus grand desir au monde que de +vous en fère, et qu'il espère bientost vous aller bayser les +mains pour plus expressément le vous tesmoigner. Sur +ce, etc. <span class="i2">Ce vıı<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p> + +<p class="blockquote">Je pense avoir desjà tant rabattu de courroux de la Royne d'Angleterre +que, si elle n'envoye le comte de Lestre en France, que au +moins y dépeschera elle ung aultre milord de bonne qualité.</p> + +<h2 class="p4">CXLIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par Antoine Jaquet, chevaulcheur.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Maladie de Marie Stuart.—État de la négociation qui la concerne.—Incertitude +sur la négociation des Pays-Bas.—Nouvelles d'Allemagne.—Réclamations +relatives aux plaintes des négocians de Rouen et de la Bretagne.—Résolution +de la reine d'Angleterre d'envoyer un ambassadeur en France, +à l'occasion du mariage du roi.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, il n'est venu aulcunes nouvelles de la Royne d'Escosse +despuys mes aultres lettres, de devant celles icy, +lesquelles sont du septième de ce mois, qui est signe, Sire, +qu'elle se trouve mieulx, ou au moins qu'elle ne va en empyrant; +car son mal est assés tost publié en ce royaulme. +J'espère que, par mes premières, je vous pourray mander +quelque chose de particullier de sa convalescence, sellon +que les bons mèdecins, qu'on lui a admené d'icy, et les +bons remèdes qu'on luy a envoyez, luy auront, avec l'ayde +de Dieu, peu servir. Cependant l'abbé de Domfermelin a +fort négocié en ceste court, pour interrompre le tretté, +mais il ne l'a peu fère; dont, voyant que la Royne d'Angleterre +<span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span> +incistoit toutjour que les depputez de son party +vinssent, il s'est résolu de les attandre icy, et a dépesché +ser Guilhaume Stuart en poste pour les aller quéryr, et +pour apporter une dépesche et responce de la dicte Dame +au comte de Lenos. Il estime que les comtes de Morthon +et de Glames viendront. L'on a opinion que les depputez +de l'aultre party sont desjà à Cheffil avec la Royne d'Escosse, +leur Mestresse, et que l'évesque de Roz, qui l'est +allée trouver, les admènera bientost par deçà. Je vays, +en son absence, entretenant, la plus vifve que je puys, +la pratique du dict tretté et, par toutes les sondes que je y +fays, je trouve que la résolution demeure ferme de passer +oultre; non que pour cella, Sire, il ne s'y voye beaucoup +de difficultez, semblables à celles du passé, et mesmes +que le comte de Sussex, à son arrivée, y en a semé plusieurs +de celles qui tesmoignent le regrect, qu'il a, d'estre +depposé de sa charge, et de ce que son armée luy a esté +cassée, magniffiant ces derniers exploictz d'Escosse, et +monstrant combien il seroit facille, et hors de dangier, +d'y en exécuter de plus grandz, veu les ordinaires empeschemens, +que Vostre Majesté et les princes de dellà la +mer ont en leurs affères. Néantmoins l'on pourra juger +plus à clair du succez de cest affère, quant toutz les depputez +seront achevez d'arriver, ce que je n'espère devant +le huictiesme de janvier.</p> + +<p>Il est, coup sur coup, arrivé trois courriers de Flandres, +qui sont allez descendre au logis du secrétaire Cecille +en ceste ville, où il est encores mallade; qui les a +examinez à part, et les a assés tost expédiez vers la Royne +sa Mestresse, sans permettre qu'ilz ayent rien publié de +leur dépesche. Tant y a que j'ay ung adviz d'assez bon +<span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span> +lieu, que le duc d'Alve, en baillant sa responce au depputté +de la dicte Dame, ne luy a accepté son offre, ny +aussy ne la luy a reffuzée; mais il luy a miz en avant d'aultres +gracieulx expédientz, par lesquelz il faict espérer à +ceste princesse, et aulx siens, que non seulement le faict +de ces prinses, mais aussi celluy du commerce et de l'entrecours, +et pareillement toutz aultres différans, d'entre le +Roy Catholique et elle, et d'entre leurs pays et subjectz, +se pourront facillement accommoder, avant la fin de febvrier, +ou au moins, dans tout le mois de mars. Je ne sçay +si elle s'y endormyra, mais ceulx de son conseil monstrent +qu'il y a une extrême nécessité de trafiquer en ce royaulme, +et pressent bien fort l'ambassadeur d'Espaigne de leur ottroyer +des passeportz, pour envoyer des navyres et merchandises +en Biscaye et Andelouzie.</p> + +<p>Le jeune Coban est arrivé, despuys trois jours, en ceste +court, lequel n'a passé en ceste ville; dont n'ay encores +rien aprins de certain de ce qu'il a raporté de sa légation. +Il est vray que quelques lettres sont venues d'Allemaigne, +par lesquelles l'on escript que l'Empereur luy a notiffié le +mariage de l'archiduc Charles, son frère, avec la fille de +Bavière, et que cella, avec quelques bonnes parolles d'amytié, +ont esté toute la substance de la responce qu'il luy +a faicte.</p> + +<p>Il a esté procédé si gracieusement ez choses de Lenclastre, +que les sires Thomas et Edouart Stanlays et le sire +Thomas Gerard, soubz parolles de seureté, se sont enfin +venuz représanter en ceste court, où le comte de Lestre +et le secrétaire Cecille leur ont, d'entrée, monstré grand +faveur. Je ne sçay quelle sera l'yssue de leur faict. Le dict +secrétaire Cecille m'a envoyé, par le S<sup>r</sup> de Quillegray, +<span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span> +son beau frère, la responce, que les maire et eschevins +de Londres font aulx remonstrances de voz subjectz de +Roan, et m'a mandé que, si les dicts de Roan ne s'en +contentent, qu'ilz les apostillent, ou bien qu'ilz depputent +deux d'entre eulx pour en conférer avec deux aultres de +Londres, affin de s'en accommoder ensemble. Car sa Mestresse; +desire que, pour l'honneur de Vostre Majesté, ilz +soyent contantés, et le commerce continué. Et m'a dict +aussi le dict Cecille que, pour remédier aulx désordres +d'entre la Bretaigne et l'Angleterre, il vous playse, Sire, +ordonner à Mr de Montpensier de fère une recerche des +prinses et déprédations faictes aux Anglois par dellà, et y +depputer des commissaires pour en juger sommairement; +et sa dicte Mestresse pourvoyra de fère le semblable par +deçà, pour la restitution des biens des Bretons, et qu'aultrement +le commerce d'entre les deux pays va estre de +tout interrompu.</p> + +<p>Monsieur le comte de Lecestre m'a envoyé dire, ce +matin, par ung de ses gentishommes, qu'il a continué +vers la Royne, sa Mestresse, la négociation que j'avois +commancée avec luy, suyvant laquelle ayant priz en bonne +part noz remonstrances, elle s'est résolue de persévérer en +tous debvoirs de bonne amytié vers Vostre Majesté, et +qu'elle envoyera une bien honnorable ambassade en France, +pour fère la conjouyssance de voz nopces et de la venue +de la Royne. J'entendz que ce sera milord Boucart, parant +en mesme degré de la dicte dame qu'est milord d'Ousdon. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xııȷ<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span></p> + +<h2 class="p4">CL<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Nouvelles de la santé de Marie Stuart.—Préparatifs de départ de lord +Buchard et des seigneurs de sa suite pour assister aux fêtes du mariage +du roi.—Négociation des Pays-Bas.—Nouvelles d'Allemagne.—Affaires +d'Irlande.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, suyvant ce que, en mes précédantes du xııȷ<sup>e</sup> de ce +moys, j'avois espéré de vous pouvoir, par celles de ceste +heure, mander de bonnes nouvelles de la Royne d'Escoce, +il est advenu que Mr l'évesque de Roz m'a escript, du xȷ<sup>e</sup> de +ce moys, tout l'estat auquel il l'a trouvée, quant il est arrivé +vers elle; qui est chose pitoyable à ouyr, mesmes que, +oultre la complication de beaucoup de malladies, qui la +pressent, elle est affligée d'ung extrême ennuy de ses affères, +et d'un crèvecueur trop grand, qu'elle a d'aulcunes +mauvaises parolles qu'on a aprins au Prince d'Escoce, son +filz, de proférer d'elle. Néantmoins, par la bonne dilligence +et les bons remèdes, qu'on luy a usé, les médecins jugent +qu'elle est à présent hors de dangier; ce que je vous confirmeray, +Sire, par mes subséquentes, sellon la certitude +qui m'en viendra chacun jour. Les depputez de son party +ne sont encores arrivez, et estime l'on qu'on a changé l'ellection, +et que le comte d'Athil, ou celluy d'Arguil, avec +milord Herys, seront envoyés. Leur longueur aporte beaucoup +de retardement à leurs propres affères, et à ceulx de +leur Mestresse.</p> + +<p>Cependand milord Boucard se met au plus honneste +équipage qu'il peult, pour aller trouver Vostre Majesté, +<span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span> +et a commandé la Royne, sa Mestresse, au comte de +Rotheland, et encores à vingt chevaliers ou gentishommes +de sa court, de l'acompaigner, monstrant qu'elle veult honnorer, +à son pouvoir, ce tant illustre mariage des deux +personnes, qui sont les plus royalles et de la plus haute extraction +de la Chrestienté, et d'honnorer encores particullièrement +la venue de la Royne, comme d'une princesse, +que, oultre les communes occasions de leur mutuelle bienveuillance, +elle veult, pour l'honneur de l'Empereur, son +père, contracter une fort estroicte et bien fort espécialle +amytié avec elle. Et s'attand bien aussi la dicte Dame que +Voz trois Majestez Très Chrestiennes et Messeigneurs voz +frères, et Mesdames voz sœurs, et pareillement toute la +France, luy gratiffierez ceste sienne bienveuillance et +grande démonstration; laquelle je vous puys asseurer, Sire, +qu'on me la tesmoigne icy pour une fort grande expression du +desir, qu'elle a, de persévérer en toute bonne amytié avec +Vostre Majesté, et d'accommoder encores, pour l'honneur +de vous, les affères de la Royne d'Escoce; ce que je +remets bien à le voir par les effectz. Tant y a que je vous suplie +très humblement, Sire, de commander que les choses, +qui conviennent à bien et favorablement recepvoir une si +notable ambassade, soient ordonnées de bonne heure.</p> + +<p>Au regard des différans de Flandres, j'entendz que le +duc d'Alve a faict remonstrer, soubz main, au depputé de +la Royne d'Angleterre qu'il ne pouvoit, en façon du +monde, accepter son offre de prandre les merchandises +d'Angleterre au pris qu'elles avoient esté vandues; car il +y feroit, par trop, le dommaige de son Maistre, mais qu'il +s'esforceroit bien de luy fère trouver bon que ce fût sellon +qu'elles avoient vallu en Envers, ung mois auparavant les +<span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span> +saysies, parce que l'empeschement, survenu despuys, sur +le commun commerce des deux pays, les avoit faictes venir +beaucoup plus chères; et que c'estoit ung expédiant, +qui luy sembloit fort raysonnable, et par lequel il espéroit +qu'on viendroit facillement au moyen d'accommoder les +aultres affères du commerce, et de l'entrecours, et de toutz +les différans qu'ilz pouvoient avoir ensemble; auquel expédiant, +Sire, semble que ceulx cy condescendront, mais, +de tant que le dict duc n'en a encores rien escript à l'ambassadeur, +qui est icy, l'on estime que ce n'est matière bien +preste.</p> + +<p>Il ne se publie encores rien de la responce, que le jeune +Coban a raportée de l'Empereur; pourra estre qu'avant +mes premières j'en auray aprins quelque chose pour le vous +mander, mais, quant à l'allemant, qui estoit arrivé ung peu +devant luy, c'est ung capitaine qui s'appelle sire Mans Olsamer, +d'Auxbourg, qui desire estre receu au service et à +la pencion de la Royne d'Angleterre; et, pour tesmoignage +de sa valleur, il a aporté des lettres de recommendation +du duc Auguste, et quelque présent de coffres d'Allemaigne +à la dicte Dame, et six belles pères de pistollés +au comte de Lestre. L'on estime que luy et ung aultre ambassadeur, +que le comte Pallatin et le comte de Mansfelt +en mesmes temps envoyé icy, par prétexte de +quelque reste de payement de reistres, poursuyvent ce que +leurs aultres ambassadeurs, l'esté passé, avoient miz en +avant d'une ligue avec ceste princesse, dont je mettray +peyne d'en entendre ce qui en est.</p> + +<p>L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict qu'on avoit icy adviz +d'Irlande comme les sauvaiges ont surprins ung chasteau +sur ung port de mer, appartenant au comte d'Esmont, prisonnier +<span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span> +en la Tour de Londres, lequel la Royne d'Angleterre +avoit commis en garde à quelque aultre gentilhomme +du pays, et que les dicts sauvaiges y ont miz une garnyzon +de Bretons, de quoy l'on ne m'a encores parlé, et je n'en +ay poinct d'adviz d'ailleurs; ayant au reste, Sire, bien dilligement +considéré ce que Vostre Majesté m'a escript, du +premier de ce moys, touchant le dict pays, qui est une +chose qui se raporte assés bien à ce que je vous en manday, +dez le xȷ<sup>e</sup> de juing dernier; et me semble, Sire, que ceulx +cy ont meintennant fort oublyé la plus grand souspeçon qu'ilz +eussent en cest endroict, car ilz n'ont nul appareil sur mer; +et si, estiment que l'Espaigne n'est encores bien délivrée +des Mores, et que le Roy Catholique a receu honte et perte +en l'entreprinse du Levant, n'ayant son armée de rien +servy au secours de Nicocye<a name="FNanchor_21" id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">[21]</a>, ny rien exploicté de bien, en +tout le voyage, que la perte de quatre ou cinq mil soldatz, +et s'est retirée, sans bonne intelligence, d'avec celles des +aultres allyez. Possible qu'ilz s'endorment ez belles parolles +du duc d'Alve. J'essayeray de voir, ung peu de près, où +en sont, à présent, les choses, affin de vous en escripre +plus à certain par mes premières; mais il est requis, Sire, +qu'on y ayt principallement l'œil ouvert du costé d'Espaigne +et de Flandres; car c'est là, où desjà sont passez +ceulx qui ont à conduyre l'entreprinse, si aulcune s'en faict. +Sur ce etc. <span class="i2">Ce xvııȷ<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_407"> 407</a></span></p> + +<h2 class="p4">CLI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXIII</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais, par Jehan Monyer.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Retour de sir Henri Coban de sa mission en Allemagne.—Rapport qu'il fait +à la reine de ce qui s'est passé aux fiançailles du roi à Spire.—Conférence +de l'ambassadeur et de lord Buchard.—Instructions qui ont été données +à lord Buchard par la reine d'Angleterre.—Espoir de l'ambassadeur +de ramener Élisabeth à une entière confiance dans le roi.—Convalescence +de Marie Stuart.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, j'ay fort dilligemment cerché de sçavoir si ceulx +cy avoient nul sentyment de l'aprest, que Vostre Majesté +m'a mandé par sa lettre du premier de ce mois, mais je +trouve qu'ilz ne se deffient à ceste heure, peu ny prou, de +cest endroict, estans en termes de bien accorder leurs différans +avec le duc d'Alve; et ayant la Royne d'Angleterre +receu, par le retour du jeune Coban, qui a repassé par +Flandres, une lettre du Roy Catholique et une aultre du +dict duc, desquelles, à la vérité, je ne sçay encores la teneur; +tant y a que le dict duc luy faict espérer beaucoup de +l'amytié de son Maistre, et luy promect plusieurs bons offices +de sa part; sur quoy elle et les siens sont à présent +endormys. Il est vray qu'ayant la responce, que icelluy duc +a faicte au depputé d'icy, (laquelle, du commancement, +avoit semblé fort raysonnable), esté baillée à examiner aulx +gens de lettre de ceste ville, ilz l'ont en quelque part +trouvé captieuse, de sorte qu'on estime qu'il y aura encores +bien à débattre. Le dict jeune Coban a faict ung +honnorable rapport des fianceailles de Vostre Majesté, lesquelles +il a veues cellébrer à Spire, et de la bonne grâce, +<span class="pagenum"><a id="Page_408"> 408</a></span> +vertu et débonaireté de la Royne, des vertueulx déportemens +de Mr le comte de Retz aus dites fianceailles, avec +honneur et dignité, et pareillement de monsieur le comte +de Fiesque, et de toutz les Françoys, qui estoient en leur +compaignie; et s'est loué des honnorables propos, que le +dict S<sup>r</sup> comte de Retz luy a tenuz de la Royne d'Angleterre, +sa Mestresse, et de la faveur qu'il luy a faicte particulièrement +à luy; mais quant aulx aultres contantemens, +qu'il a raporté de la cour de l'Empereur, j'entendz que sa +dicte Mestresse ne les a aulcunement goustez, ains qu'elle +demeure offancée des responces, que l'Empereur luy a +faictes; lesquelles j'espère que, par mes premières, je les +vous pourray mander.</p> + +<p>Lundy dernier, Mr de Valsingan me fit ung somptueulx +festin, auquel il appella milord de Boucart, le comte de +Rotheland, et une trouppe des plus habilles hommes de +bonne qualité de ceste ville, qui me vinrent quérir fort +honnorablement en mon logis; il me dict qu'il estoit du +tout dépesché pour aller succéder à Mr Norrys, et qu'il me +donnoit parolle, en homme de bien, de se comporter en +telle sorte, en sa légation, que Vostre Majesté en auroit +tout contentement; et me fit toute ceste compaignie une +fort honneste démonstration de bienveuillance envers la +France. Le dict S<sup>r</sup> de Boucard me dict, à part, que sa +Mestresse luy avoit commancé de bailler son instruction, +et que, sans les choses que son ambassadeur luy avoit escriptes, +elle eust faict fère le voyage par le comte de Lestre, +lequel, à présent, ne pouvoit plus estre ainsy bien prest +comme elle le desireroit; bien que je luy eusse, à ce qu'elle +disoit, desjà interprété en si bonne sorte ce que Vostre +Majesté avoit faict et dict, en l'endroict de son ambassadeur, +<span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span> +qu'elle en demeuroit fort satisfaicte, mais qu'elle vouloit +que le dict de Boucart accomplyst si honnorablement +ceste légation au lieu du dict de Lestre, que Voz Majestez +Très Chrestiennes, et toute la France, en puissiez recepvoir +le contantement, qu'elle desireroit; et luy avoit +parlé en une façon qu'elle monstroit ne vous porter moins +bonne affection, que si elle vous estoit propre sœur germayne, +et qu'elle fût vrayement fille de la Royne, vostre +mère; et qu'il y en avoit, qui luy conseilloient de composer +aultrement son langaige, quant il seroit en France, mais +qu'il n'avoit garde, et qu'il vous représenteroit droictement +les propos de sa Mestresse. Il est, à la vérité, ung bien +modeste gentilhomme, et aussi bien intentionné que j'en +cognoisse poinct en ceste court, il eust desiré que le terme +de vostre entrée à Paris n'eust pas esté si court, affin d'avoir +plus de loysir de se préparer; et luy ay donné quelque +espérance qu'elle pourra estre prolongée jusques au vııȷ<sup>e</sup> ou +x<sup>e</sup> de janvier.</p> + +<p>Je vays demain trouver la Royne, sa Mestresse, et espère, +puysqu'elle a commancé de bien prandre mes raysons, +que je la ramèneray aulx premiers termes de la bonne +amytié, que Vostre Majesté desire continuer avec elle, sellon +le bon argument que je luy en feray voir par vos lettres +du xxıȷ<sup>e</sup> du passé; et ne larray de luy toucher des affères +de la Royne d'Escoce, encores qu'ilz luy soyent toutjours +fort espineux; et la remercyerai de la consolation, qu'elle +luy a donnée par ses lettres, en ceste grande malladye +où elle a esté, de laquelle l'on pense icy qu'elle ne soit encores +bien hors de dangier; mais, tout présentement, ung +sien serviteur, qui est son fruytier, et faict l'office d'apoticquaire, +et qui la servyt vendredy dernier à son disner, +<span class="pagenum"><a id="Page_410"> 410</a></span> +m'a apporté certaines nouvelles qu'elle se trouve mieulx. +La Royne d'Angleterre est après à l'envoyer visiter par +ung gentilhomme des siens, et luy envoyer une bague, +qu'elle a faicte fère exprès, pour renouveler quelques +merques d'amytié entre elles; et semble qu'il ne tient +plus qu'aulx depputez d'Escoce qu'on ne procède au +traicté. Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxııȷ<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p> + +<h2 class="p4">CLII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXIX</span><sup>e</sup> jour de décembre 1570.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Sabran.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Explication sur le mauvais accueil dont s'est plaint l'ambassadeur +d'Angleterre.—Satisfaction de la reine.—Discussion des affaires de +la reine d'Écosse.—Plainte d'Élisabeth au sujet des menaces faites par le +roi.—<em>Lettre secrète à la reine-mère.</em> Conférence du cardinal de Chatillon +avec l'ambassadeur; projet de mariage du duc d'Anjou avec Élisabeth.—Commencement +de cette négociation.—Déclaration de Leicester qu'il favorisera +ce projet.—Propos tenu à ce sujet par l'ambassadeur à la reine +d'Angleterre.—<em>Mémoire.</em> Proposition du comte de Sussex sur les affaires +de Marie Stuart.—Efforts des Anglais pour enlever à la France l'alliance +de l'Écosse.—Poursuites dirigées au sujet des troubles du pays de +Lancastre.—Affaires d'Espagne et des Pays-Bas.—Confiance des Anglais +dans les promesses du duc d'Albe.—Négociation de sir Henri Coban en +Allemagne.—Mécontentement d'Élisabeth contre l'Empereur.—Nouvelle +d'un grand armement fait en Espagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, j'ay dict à la Royne d'Angleterre que sur la dépesche +que je vous avois faicte par le S<sup>r</sup> de L'Aubespine, +touchant le malcontantement qu'elle avoit des choses, qui +avoient esté faictes en l'endroict de son ambassadeur, Vostre +Majesté ne m'avoit guières vollu différer sa responce, en +<span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span> +laquelle j'avois trouvé tout ce qui s'étoit passé avecques luy, +le jour dont il se pleignoit; dont me commandiez de le représanter +à elle par le menu, et que, s'il luy restoit nul +bon desir, ni aulcune bonne affection envers Vostre Majesté, +et si elle ne vouloit condempner la franchise et sincérité, +dont vous desiriez uzer en son endroict, vous espériez +qu'elle n'interprèteroit que à bien tout ce qui vous +estoit advenu de fère et dire, lors, à son dict ambassadeur: +et néantmoins, parce que je vous avois mandé qu'elle desiroit +d'en estre satisfaicte, vous n'aviez vollu différer d'en +mettre la satisfaction dans vostre lettre, et y aviez adjouxté +l'intention, dont vous aviez parlé, des affères de la +Royne d'Escoce, et ce que vous en aviez encores sur le +cueur; à quoy vous la supliez toutjour de pourvoir, et puys +veniez, en vostre lettre, à d'aultres particullaritez, qui estoient +toutes à son contantement; dont, de tant que vous +y expliquiez si bien vostre intention, que je craignois d'offusquer +beaucoup la clarté d'icelle, si je la rédigoys en mes +propos, j'avois aporté le propre extraict de vostre chiffre, +pour le luy monstrer, après toutesfoys avoir impétré d'elle +qu'elle ne prendroit, sinon en fort bonne part, tout ce qui +y estoit contenu.</p> + +<p>La dicte Dame, me remercyant de la communication +que je luy vouloys fère de vostre dépesche, affin d'y comprendre +mieulx vostre intention, la leust fort curieusement +du commancement jusques à la fin, et considéra de prez +toutes les particullaritez qui y estoient contenues; et puys +me dict qu'elle vouloit bien demeurer contante et satisfaicte +de ce qu'il vous playsoit, et prendre de bonne part les bons +argumens, qu'elle voyoit dans vostre lettre, de vostre +bonne amytié vers elle; mais cella luy faisoit mal que vous +<span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span> +l'y colloquiez segonde, après la Royne d'Escoce, bien +qu'elle méritast d'estre première, et que, si vous y aviez +touché aulcunes honnestes et bien gracieuses particullaritez +pour elle, vous y aviez encores plus amplement poursuyvy +les affères de la dicte Royne d'Escoce; dont eust +desiré que, au moins ceste foys, vous eussiez oublyé d'y +mettre le mesmes langaige, que vous aviez escript à son +dict ambassadeur, mais il y estoit tout semblable; et qu'elle +voyoit bien que vous ne l'aviez peu dire, ny escripre, à +luy, ny à moy, sans que vous ne l'eussiez heu ainsy dans +le cueur; néantmoins qu'elle estimoit que vous luy réserviez +toutjour une très bonne affection, ainsy que vous l'escripvez; +et que, pour le regard de la Royne d'Escoce, elle +avoit esté très desplaysante de sa malladye, et de ce qu'il +sembloit qu'elle ne fust encores hors de dangier, néantmoins +elle l'envoyeroit visiter par ung gentilhomme, affin +de luy donner toute la consolation qu'il luy seroit possible; +qu'elle espéroit que ses depputez seroient bientost icy, luy +ayant néantmoins mandé d'en fère venir de plus capables +que ceulx qui avoient esté nommez, car c'estoit derrision +d'envoyer ceulx là; et, qu'aussitost qu'ilz seroient venuz, +des deux partys, qu'on procèderoit au tretté, auquel, +quant à ce que Vostre Majesté me commandoit de prendre +garde qu'il n'y fût rien faict à vostre préjudice, qu'elle +ne le prétandoit aulcunement, mais seulement de fère que +la Royne d'Escoce ne luy nuysît poinct à elle; au regard +de voz nopces, qu'elle avoit receu ung singulier playsir +d'en entendre l'honnorable récit, que je luy en avois faict, +et qu'elle se délectoit de les ouyr cellébrer et magniffier, +comme les plus honnorables de nostre temps; (ès quelles +n'avoit esté besoing de dispence, ainsy que aulx aultres, +<span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span> +où sembloit qu'enfin le Pape permettroit de se mesler avec +les propres sœurs); et qu'elle les envoyeroit honnorer et +aprouver encores de sa part, par ung de ses barons, qui +estoit son parant fort prochain du costé de sa mère, lequel +elle avoit expressément choisy à cest effect pour vous contanter; +et vous pryoit, Sire, de le vouloir bien recepvoir, +et l'accepter avecques faveur; et vous remercyoit, au +reste, de tout son cueur, de ce que, pour vous avoir desiré +toute félicité en vostre mariage, et avoir invoqué la bénédiction +de Dieu sur icelluy, vous luy en avez souhayté ung +pour elle, qui fust à son contantement, chose qu'elle s'asseure +que vous luy vouldriez procurer de bonne affection, +et elle aussi y vouldroit suyvre très vollontiers vostre jugement, +sellon qu'elle s'asseuroit que vous luy vouliez beaucoup +de bien, si elle en venoit à cella; et qu'au reste elle +n'avoit poinct doubte de l'establissement de la paix de vostre +royaulme, néantmoins qu'elle estoit infinyement bien ayse +de vous voir bien résolu de la maintenir, et que toutz vos +subjectz se rangeassent, comme ilz faisoient, à bien exactement +l'observer.</p> + +<p>Toutz lesquelz bons propos, Sire, elle a estenduz en +plusieurs honnestes termes d'amytié et de bonne affection +envers Voz Majestez Très Chrestiennes et au plaisir, qu'elle +disoit participer avec celluy qu'elle jugeoit fort grand, +et quasi incroyable, de la Royne, vostre mère, sur les +prospéritez qu'elle voyoit aujourduy en ses enfans et en la +France; ce que j'ay suyvy avec les meileures parolles, +que j'ay estimé convenir à vostre grandeur et à l'honneur +et dignité du présent estat de voz affères; et me suys ainsi +licencié d'elle.</p> + +<p>Or, Sire, le comte de Lestre m'a faict une ouverte +<span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span> +démonstration de la bonne intelligence, en quoy la dicte +Dame veult demeurer avec Vostre Majesté, mais que voz +ennemys luy objectent que ce n'est de la dignité de sa +couronne, ny de l'honneur de son royaume, qu'elle se +laysse aller à voz menaces sur les affères de la Royne d'Escoce, +et qu'il me vouloit dire que la dicte Dame avoit heu +mille et mille foys plus de respect à vous pour la Royne +d'Escoce, que non pas à elle, et que je pouvois dire qu'en +vostre nom j'avoys tiré son affère hors des abismes, néantmoins +qu'elle en vouloit bien avoir le gré et l'honneur, et +que tout seroit gasté, si l'on y procédoit par rigueur; dont +ayant Vostre Majesté à procéder en cella avecques une +femme, desiroit qu'il vous pleust luy uzer de toutes agréables +parolles, et encores de gracieuses prières, et qu'avec +ceste courtoysie le dict sieur comte espéroit de vaincre les +adversayres de ceste cause, lesquelz il estoit incroyable +combien ilz lui avoient donné de peyne jusques icy. Et +sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxıx<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</span></p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p> + +<p>Madame, j'ay à dire à Vostre Majesté touchant le particullier +de la petite lettre du xxı<sup>e</sup> de novembre que, quant +Mr le cardinal de Chastillon a repassé en ceste ville, en +s'en retournant d'Amptome, il m'est venu visiter pour satisfère, +à ce qu'il dict, à son debvoir envers Voz Majestez, +et a curieusement examiné de quelle intention Elles et Monseigneur +estoient en l'entretennement de la paix, et si elles +se vouloient poinct tirer hors de la subjection du Roy +d'Espaigne et des aultres princes, qui tirannisent vostre +<span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span> +couronne, et si Mon dict Seigneur estoit si avant au party +de la princesse de Portugal qu'il ne peult entendre à celluy +de la Royne d'Angleterre, lequel, s'il le vouloit, se +pourroit meintennant conduyre, estendant son propos en +plusieurs aultres choses, lesquelles revenoient toutes à ces +trois poinctz.</p> + +<p>Je luy ay respondu, quant à la paix, qu'il ne doubtât +que Voz Majestez et Monseigneur ne la rendissiez stable et +de durée, jouxte l'édict, qui en avoit esté faict, pourveu +que eulx, de leur costé, l'observassent; que vostre dellibération +estoit de fère voz affères, sans dépendre de nul +aultre prince, mais qu'il seroit bien dangereux, à la fin de +ceste guerre des Protestans, d'en laysser renoveller une +des Catholiques, veu l'intelligence que luy mesmes disoit +que les aultres princes avoient dans le royaume; par ainsy +qu'il vous failloit laysser bien establyr, et qu'il considérât +combien il avoit esté besoing que Voz Majestez et Mon +dict Seigneur eussiez usé d'une ferme et constante vertu, +et d'une grande magnanimité, à fère ceste paix, estant +assez contradicte de toutz les aultres princes catholiques; +que, touchant la Royne d'Angleterre, elle avoit toujour +monstré ne vouloir poinct de mary, ou de ne vouloir entendre +à nul autre que à l'archiduc; mais si, à ceste heure +que Mon dict Seigneur estoit en fleur d'eage, et florissant +en toutes vertuz, aultant et, possible, plus que nul prince +de la Chrestienté, elle trouvoit bon de l'espouser, je ne +faisois doubte que luy et Voz Majestez, et toute la France, +embrassissiez ce party avec toute affection, comme le +plus grand et le plus honnorable de toutz les aultres, et duquel +j'estimois qu'adviendroit plus de réconcilliation au +monde, plus de paix à la France, et plus de terreur aulx +<span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span> +ennemys d'icelle, que de nulle chose, qu'il se peult aujourduy +mettre en avant.</p> + +<p>Ce qu'il monstra de recepvoir avec affection et d'en demeurer +bien fort consollé; et s'en retourna, puys après, +au logis du comte de Lestre, où il fut tout le soir en privée +conférence avecques luy: puys, le matin, il me manda qu'il +espéroit que noz propos produyroient quelque bon effect.</p> + +<p>Peu de jours après, ainsi que j'étois bien mallade, le +S<sup>r</sup> Guydo Cavalcanty me vint, par forme de visite, en +mon lict entretenir d'ung grand circuyt de bonnes parolles; +lesquelles il fit tumber sur Mon dict Seigneur, et que le mariage +de l'archiduc avec la fille de Bavière, l'indignation, +que la Royne d'Angleterre en avoit prins, et ce qu'elle +vouloit bien monstrer qu'elle estoit pour trouver aussi bon +party que le sien; et puys les différans des Pays Bas, ceulx +de la Royne d'Escoce, la paix de la France, l'accommodement +qui se pourroit fère de Callais, s'il y avoit enfans, la +disposition venue de Monsieur, qui estoit desjà homme, +celle qui commanceroit doresenavant de passer de la dicte +Royne d'Angleterre, estoient toutes influances pour fère +effectuer, ceste année, ung bien heureux mariage entre +eulx; et que, si je le trouvois bon, il en mettroit quelque +chose, comme de luy mesmes, en avant au secrétaire Cecille, +avec de si bonnes considérations, qu'il espéroit +qu'elles auroient effect, me priant de fère entendre ceste +sienne bonne intention à Vostre Majesté.</p> + +<p>Auquel Cavalcanty, parce que je le cognoissois fort de +ceste court, et que c'estoit luy qui avoit toutjour entretenu +le party de l'archiduc, je respondiz que le propos me sembloit +si honnorable et si advantaigeux pour Monseigneur, +que j'avois ung grand playsir qu'il me l'eust miz en avant, +<span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span> +et que je ne fauldrois d'en donner adviz à Vostre Majesté, +ne voyant qu'il y peult avoir que tout bien d'en entamer +telz propos, comme il les sçauroit bien penser et bien sagement +conduyre, car je le réputois pour ung expécial serviteur +de Vostre Majesté et bien affectionné à la France; que, +pour ma part, ne saichant, à présent, en quelle disposition +vous en pouviez estre, je ne luy pouvois dire sinon que, +de toutz les partys, dont je vous avois ouy fère grand cas; +mesmes pour le Roy vostre filz, vous aviez toutjour estimé +le plus grand et le plus digne celluy de la Royne d'Angleterre; +et que sur ung tel fondement se pourroit bien establyr +une bonne alliance, si l'on s'y disposoit du costé +de deçà.</p> + +<p>A trois jours de là, le dict Cavalcanty me revint trouver, +qui me dict avoir desjà ouvert ce bon propos au dict secrétaire, +et qu'il l'avoit receu avec affection, mais que, ayant +esté longtemps mallade, sans avoir veu sa Mestresse, il ne +l'avoit peu suyvre; mais il l'avoit pryé de l'aller trouver à +Amthoncourt, aussitost qu'il y seroit, et qu'ilz en tretteroient +plus amplement.</p> + +<p>Despuys cella, Madame, j'ay esté au dict Amthoncourt, +où me trouvant à part avec le comte de Lestre, après d'aultres +discours, je luy ay dict tout ouvertement qu'ung personnaige +de bonne qualité, lequel toutesfoys je ne luy ay point +nommé, m'avoit tenu le susdict propos, lequel j'avois receu +avec honneur et respect, mais que je n'en voulois user sinon +ainsy qu'il me conseilleroit; car je sçavois que Voz +Majestez le réputoient comme conseiller et protecteur de +tout ce que vous auriez à fère en ce royaulme, et que, si +quelque chose debvoit advenir de cella, vous ne vous en +vouldriez jamais adresser qu'à luy. Lequel me respondit +<span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span> +qu'il y avoit plusieurs jours qu'il avoit desiré de conférer +avecques moy de cest affère, sur ce qui en avoit esté desjà +miz en termes par le vydame de Chartres et par d'aultres, +mais, plus expressément que par nul, par Mr le cardinal de +Chastillon, qui avoit parlé si haultement des grandes qualitez +de Monsieur, comme le cognoissant bien, qu'il l'avoit +faict le plus desirable prince de la terre; que, de sa part, +il s'estoit toutjour opposé au party d'Austriche bien que, en +aparence, utille à sa Mestresse, mais puysqu'elle estoit résolue +de n'entendre à celluy de nul de ses subjectz, qu'il +se vouloit sacriffier pour conduyre celluy de Monsieur; et +qu'il y vouloit procéder en telle façon que ung esgal et mutuel +advantaige fût gardé aulx deux, affin de ne fère naistre +d'ung tel pourchaz d'amytié aulcune matière d'offance, +comme il voyoit bien qu'il en restoit quelcune assés grande +du propos de l'archiduc, et qu'on estoit pis que jamais avec +le Roy d'Espaigne, nonobstant les bonnes lettres, que luy +et le duc d'Alve avoient naguières escriptes; et que, en +brief, il viendroit exprès à Londres pour me festoyer en sa +mayson, et pour tretter amplement de cest affère avecques +moy; duquel il estoit d'adviz que je touchasse cependant +quelque mot à la Royne, sa Mestresse; et qu'il espéroit que, +sur ceste occasion, se dresseroit ung voyage pour luy en +France, puysqu'il avoit failly ceste foys d'y aller; et qu'il +avoit ung infiny desir d'aller bayser les mains à Voz Majestez, +comme recognoissant le Roy pour son supérieur, à +cause de l'honneur, qu'il luy avoit faict, de son ordre.</p> + +<p>Et de ce pas il me mena en la chambre privée de sa +Mestresse, où je la trouvay mieulx parée que de coustume, +et qui monstra qu'elle s'attandoit bien qu'en luy parlant +des nopces du Roy, je luy en desirerois une pour elle; à +<span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span> +quoy elle m'achemina, par aulcuns siens propos, sur lesquelz +enfin je luy diz qu'il me souvenoit bien de ce qu'elle +m'avoit asseuré de n'avoir poinct faict de veu de ne se maryer +pas, et que le plus grand regrect qu'elle eust estoit de +n'avoir pensé de bonne heure à sa postérité, et qu'elle ne +prendroit jamais party, qui ne fût de mayson royalle, convenable +à sa qualité; sur quoy je serois marry qu'elle +m'estimât si mal abille que je n'entendisse bien que cella +quadroit merveilleusement bien en Monseigneur, frère du +Roy, comme en celluy, lequel j'osois (sans passion ny flatterye) +réputer le plus acomply prince, qui aujourduy vesquit +au monde pour mériter ses bonnes grâces; et que je +me réputerois le mieulx fortuné gentilhomme de la terre, +si je pouvois intervenir à quelque commancement d'une si +heureuse alliance, qui peult revenir à bon effect; car j'en +demeurerois cellèbre à toute la postérité.</p> + +<p>La dicte Dame receust merveilleusement bien ce peu de +motz, et me respondit que Monsieur estoit de telle estime +et de si exellante qualité qu'il estoit digne de quelque +grandeur qui fût au monde, et qu'elle croyoit que ses pensées +estoient bien logées en plus beau lieu qu'en elle, qui +estoit desjà vieille, et qui, sans la considération de la postérité, +auroit honte de parler de mary, et qu'elle estoit +desjà de celles dont on vouldroit bien espouser le royaume, +mais non pas la royne, ainsy qu'il advenoit souvent entre +les grandz, qui se maryoient la pluspart sans se voir; et que +ceulx de la mayson de France avoient bien réputation d'estre +bons marys, à bien fort honnorer leurs femmes, mais à +ne guières les aymer. Et suyvyt assés longtemps ces propos +avec toutes les plus honnestes et favorables parolles, +qui se pouvoient respondre à ung, qui monstroit ne parler +<span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span> +aulcunement que de luy mesmes, et sans aulcune charge. +Dont ne fault doubter, Madame, que ce qui en seroit meintennant +miz en avant ne fût receu d'elle, et embrassé de +tout son royaulme, avec affection; mais je ne puys juger encores +si elle l'acomplyroit par après, car souvent elle a promiz +à ses Estats de se maryer, et puys elle a trouvé moyen +d'en prolonger et interrompre les propos. Néantmoins, de +tant qu'on imputera à une très grande faulte à la France +d'avoir layssé eschapper ung si grand party, comme est cestuy +cy, qui semble se présenter à Monseigneur, je desirerois +que vous l'eussiez desjà disposé de le vouloir; et que, +sur ce qui en est desjà entamé entre Mr le comte de Lestre +et moy, Vostre Majesté me commendast de passer oultre, +et me prescript la forme comme j'aurois à le fère: car il +me semble bien que ce sera à nous (si l'on en vient là) +de parler les premiers, mais qu'il fauldroit qu'ilz y respondissent +si clairement que l'affère fût plus tost conclud que +divulgué, à cause des jalouzies, traverses et inconvénians, +qui y pourroient survenir; et puys après, l'on y pourroit +bien adjouxter les cérémonyes et respectz qui y seroient nécessaires +pour honnorer l'acte; surtout je prendray garde, +aultant qu'il me sera possible, que n'y soyez trompez ny +remiz à nulle longueur. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xxıx<sup>e</sup> jour de décembre 1570.</p> + +<div class="blockquote"> +<p>Encores tout présentement, je viens de recepvoir adviz, de bon +lieu, que le susdict propos commence de prendre icy grand fondement; +dont je continueray d'en escripre toutjour quelque mot, à part, +à Vostre Majesté; mais il n'y a rien plus requis que de tenir la matière +secrecte.</p> + +<p class="center"><span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span> +<span class="smcap">ADVERTYRA LE DICT DE SABRAN LEURS MAJESTEZ,</span> +oultre le contenu des lettres:</p> + +<p>Que milord de Sussex a proposé, à son arrivée, de fort mauvais conseilz +contre les affères de la Royne d'Escoce, remonstrant qu'avec +quatre centz mil escuz, qui ont esté employez ceste année, par ses mains, +contre les Escouçoys, il a bien chastié ceulx d'entre eulx, qui avoient +osé offancer la Royne, sa Mestresse, en retirant et supportant ses rebelles; +et qu'il avoit estably aulx aultres un régent à sa dévotion; +et relevé si bien la part du jeune Roy, que ceulx de l'aultre party ne +faisoient plus que ce qu'il leur ordonnoit, et les avoit presque rengez +à se soubsmettre à luy; et que, pendant que le Roy Très Chrestien +estoit encores bien laz des guerres civiles de son royaulme, et les +aultres princes de dellà la mer assés empeschez, chacun en son estat, +il s'esbahyssoit comme la Royne, sa Mestresse, se retranchoit ainsy +court à elle mesmes son entreprinse, de ne se saysir de l'Escoce, +comme il luy avoit facillité la voye de ce fère, et de pouvoir establyr +par là ung repos en ceste isle; lequel aultrement il n'espéroit l'y +veoir jamais bien asseuré, mesmement si la Royne d'Escoce estoit +restituée; et qu'on ne pouvoit donner ung plus loyal conseil à la +Royne, sa Mestresse, que d'interrompre ce propos encommancé, +et de luy fère poursuyvre chauldement, à ce prochain printemptz, +son entreprinse de renvoyer l'armée en Escoce; car s'asseuroit +dans peu de jours, la randre maistresse de Lislebourg, Esterlin et +Dombertrand, et de forclorre aulx Françoys leur descente et retrette +au dict pays; lesquelz aussi, sellon son opinion, n'avoient, à présent, +guières à cueur les choses de deçà la mer, se trouvant seigneurs de +Callais.</p> + +<p>Auquel conseil s'estantz joinctz ceulx, qui avoient toutjours heu +le mesmes adviz, ilz ont euydé traverser grandement toutz noz affères; +mais la Royne mesmes n'a monstré qu'elle y inclinast; et aulcuns +seigneurs plus modérez ont remonstré au dict de Sussex qu'il +y avoit plus de dangier et d'inconvéniant, en ceste entreprinse qu'il +n'y en voyoit, de sorte qu'il n'est demeuré bien ferme en son opinion. +Il est vray que l'abbé de Domfermelin est fort ordinaire en sa +compaignye, ce qui le nous rend toutjour assés suspect, mais +l'évesque de Roz, avant partyr, luy est allé remonstrer plusieurs +choses, par lesquelles il l'a ramené à ceste rayson que, s'il se pouvoit +establyr quelque bonne seureté entre les deux Roynes, il confessoit, +<span class="pagenum"><a id="Page_422"> 422</a></span> +veu la proximité d'elles, et le droict de la future succession à celle +d'Escoce, que le plus expédiant seroit de la restituer; mais n'a +parlé que condicionnellement, et par difficultez, avec un désir très +ambitieux de demeurer en charge; et qu'en tout événement, il failloit +que la dicte Dame quictast l'alliance de France pour en fère une +nouvelle et perpétuelle avec la Royne d'Angleterre.</p> + +<p>A quoy le dict évesque luy a remonstré qu'il estoit impossible de ce +fère, et qu'il ne seroit honneste ny proffittable à la Royne d'Angleterre +de le requérir, joinct que, si elle pressoit de cella sa Mestresse, +elle la presseroit à elle de renoncer à l'alliance de Bourgoigne. A +quoy il a soubdain respondu que Dieu vollust garder sa Mestresse +d'un si dangereux conseil, comme de quicter les anciennes alliances +de sa couronne, mais qu'il n'estoit de mesmes à ceste heure, en l'endroict +de la Royne d'Escoce, parce qu'il falloit qu'elle print la loy +de la Royne d'Angleterre. Tant y a que, despuys, il semble que, à +cause du duc de Norfolc, le dict de Sussex se soit ung peu modéré; +et toutjour le comte de Lestre et le secrétaire monstrent persévérer +droictement à vouloir que l'accord succède par le traicté; dont nous +vivons en meilleure espérance.</p> + +<p>Et ceste honnorable ambassade, que la Royne d'Angleterre envoye +meintennant en France, monstre qu'elle n'a le cueur esloigné +de cella; mesmes Mr le cardinal de Chastillon m'a asseuré, +ceste dernière foys qu'il m'est venu visiter, qu'il sçavoit certainement +que la résolution estoit prinse, entre la dicte Dame et ceulx de +son conseil, de restituer la Royne d'Escoce, mais que je ne m'esbahysse +de la longueur; car elle estoit naturelle à ceulx cy, sellon que luy +mesmes l'avoit esprouvé; et que, despuys l'aultre foys qu'il avoit esté +avecques moy, ayant considéré, par les choses que Mr de Roz et +moy luy avions desduictes, que le Roy avoit grand intérest à la +restitution de la dicte Royne d'Escoce, il en avoit parlé si à propos +à la Royne d'Angleterre qu'il l'avoit fort disposée d'y prendre quelque +bon expédiant. Ceulx aussi, à qui cest affère est aultant à cueur +en ceste court comme leur propre vie, m'asseurent qu'il ne tient plus +qu'à la venue des depputez d'Escoce qu'on ne passe oultre à conclurre +le traicté, et m'ont faict advertyr de suplier Leurs Majestez +Très Chrestiennes de fère, en cest endroict, l'office que j'ay donné +charge au S<sup>r</sup> de Sabran de leur dire.</p> + +<p>Le sire Thomas Stanlay a esté ouy et examiné eu ce conseil sur les +mouvemens de Lenclastre; et puys son frère Édouart après luy, et le +sir Thomas Gérard, après, en présence de toutz deux, leur estant +<span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span> +remonstré qu'ilz proposoient ung très mauvais exemple d'eulx au +dict pays de ne se ranger à la forme de religion, qui estoit ordonnée, +sellon les parlemens, à la tranquillité publique du royaulme; et que, +s'ilz ne s'y déportoient plus sagement, la Royne, leur Mestresse, ne +pourroit de moins que procéder contre eulx par la voye de justice; +et, pour ceste foys, ne leur ont touché que ce point de la religion. +A quoy ils ont respondu qu'ilz estoient personnaiges qualiffiez, et +bien cautionnez en ce royaulme, et que, s'ilz se fussent sentys coulpables +d'aulcune chose envers la Royne et son estat, qu'ilz ne fussent +point venuz, et qu'ilz avoient, en toutz leurs actes, toutjours procédé +en fort gens de bien, dont les requéroient qu'ilz ne vollussent +prendre aulcune mauvaise opinion d'eulx, ny rien ordonner à leur +préjudice, que leurs accusateurs ne fussent présens, car ils s'asseuroient +de leur bien respondre, et de se bien justiffier devant eulx. +Ilz sont encores à la suyte de la court, et cependant est venu nouvelles +que celluy, qui les avoit defférèz, est mort de quelque accidant +fort soubdain et fort estrange.</p> + +<p>J'ay faict dire, de loing, à aulcuns, qui ont parfaicte cognoissance +des choses de ce royaulme, que j'avois entendu que la Royne d'Angleterre +et ceulx de son conseil avoient toutjours heu pour suspect +le retour de l'armée d'Espaigne, et qu'il sembloit qu'à ceste heure ilz +en fussent en plus grand doubte que jamais; dont je les pryois de +me mander en quoy ilz estimoient que les choses en fussent. Lesquelz +m'ont respondu quasi conformément, de plusieurs endroictz, +qu'à la vérité l'on estoit en assés de deffiance du costé d'Espaigne +et de Portugal, tant à cause des prinses de l'an 1569, que de ce que +les fuytifz de ce royaulme s'étoient retirez vers le duc d'Alve; et que +Estuqueley estoit passé devers le Roy Catholique pour l'inviter à +quelque entreprinse en l'Yrlande, ainsy qu'il estoit homme pour le +luy sçavoir imprimer et pour se offrir à la conduyre; et que ung +itallien, nommé Lotini, lequel ceste Royne entretennoit en Yrlande, +avoit esté naguières chassé pour souspeçon, qu'on avoit heu, qu'il +s'entendit avec le dict Estuqueley; néantmoins que la dicte Dame et +toutz ceulx de son conseil demeuroient fermement persuadez que le +Roy d'Espaigne ne romproit jamais avec eulx, tant qu'ilz seroient +saysys des merchandises et deniers qu'ilz ont prins sur luy, car il +auroit aultant perdu; joinct qu'ilz estoient si avant en traicté avec le +duc d'Alve, qu'ilz attendoient plustost accord que guerre de son +costé; et que l'on estoit après à y regarder de si près, qu'on estimoit +bien qu'il ne seroit rien layssé en différand, d'où l'on en peult venir +<span class="pagenum"><a id="Page_424"> 424</a></span> +cy après aulx armes. Par lesquelles responces se peult assés cognoistre +que ceulx cy ne sont bien aperceuz des appareilz d'Espaigne ni de +Portugal; ce qu'ilz monstrent encores mieulx par le peu de prévoyance +qu'ilz donnent aulx choses de la guerre; car je n'ay entendu +qu'ilz ayent, pour encores, ordonné aultre chose que aulx +pourvoyeurs de la marine de sçavoir où prendre l'avitaillement +pour vingt cinq navyres, dans quinze jours, quant il leur sera commandé.</p> + +<p>Tant y a que le duc d'Alve, par les difficultez qu'il faict naistre, +l'une après l'aultre, en ces différans des prinses, et qu'il ne se haste +de parler guières expressément de l'accord du commerce, et de l'entrecours, +monstre qu'il vouldroit, en quelque façon, s'asseurer des +dictes prinses, lesquelles montent à grand somme; et puys essayer +de se revencher; dont il va temporisant et entretennant ceulx cy de +parolles et de bonnes espérances, affin qu'ilz n'y preignent garde. +Et je sçay, à la vérité, qu'il a naguières envoyé, par le jeune Coban, +une lettre du Roy, son Maistre, à la Royne d'Angleterre, en laquelle +son dict Maistre rend seulement ung fort grand et fort exprès grand +mercys à la dicte Dame pour l'honnorable convoy qu'elle a faict fère +par ses grandz navyres à la Royne, sa femme, passant en ceste mer; +et ne touche nul aultre poinct, ni mesmes luy faict aulcune mencion +des trois lettres, que la dicte Dame luy a escriptes, despuys les +dictes prinses; et, par mesme moyen, le duc d'Alve luy en a escript +une, de sa part, pour accompaigner celle de son Maistre, et pour +prendre congé d'elle, et l'exorter à l'entretennement de la paix +et de l'alliance avec son dict Maistre, avecques grandz offres de +s'employer droictement à le randre de mesmes bien disposé envers +elle.</p> + +<p>Quant au voyage du dict jeune Coban à Espire, l'on m'advertyt, +avant son partement, qu'il y alloit pour renouveller le propos de +l'archiduc Charles, mais ce n'estoit que une démonstration, que la +Royne d'Angleterre vouloit faire pour s'en prévaloir en ses présens +affères de dehors et de dedans son royaulme, et qu'en effect l'envye +ne luy estoit crue de se maryer; mesmes que n'y ayant le +comte de Sussex rien advancé, quant il y alla, encores estoit il à croyre +que ung jeune gentilhomme de nulle authorité, qui à peyne avoit +poil en barbe, y feroit à ceste heure encores moins.</p> + +<p>Tant y a qu'avec plusieurs aultres propos d'amytié le dict Coban +a proposé à l'Empereur que sa Mestresse l'avoit envoyé vers luy +pour continuer la mesmes négociation, que, trois ans a, le comte de +<span class="pagenum"><a id="Page_425"> 425</a></span> +Sussex luy avoit commancé; à laquelle elle n'avoit, plus tost qu'à ceste +heure, peu randre responce, pour avoir esté souvent despuys assés +mallade, et pour les guerres de France, Flandres et aultres empeschemens, +qui estoient jusques en son propre pays survenuz; mais +qu'elle n'avoit toutesfoys, en différant la responce, pensé de rien +interrompre au propos de l'archiduc son frère, et que, s'il luy +playsoit de passer meintennant en Angleterre, il y seroit le très +bien venu, et qu'estant resté tout le différant sur sa religion, elle +espéroit que ses subjectz y consentyroient qu'il eust, pour luy et les +siens, si ample exercice d'icelle qu'il en demeureroit contant.</p> + +<p>Lequel propos le dict Empereur monstra recepvoir de bonne +part, et print temps de luy respondre, affin d'advertyr l'archiduc son +frère; et enfin la responce a esté que luy et son dict frère estoient +bien marrys que la bonne intention de la dicte Dame leur eust esté +si tard notiffiée; de laquelle ilz luy demeureroient néantmoins bien +fort obligez; et que son dict frère n'avoit peu penser de moins, +luy différant, elle, trois ans sa responce, sinon qu'il n'estoit accepté; +dont il avoit regardé à ung aultre party, et desjà s'y estoit obligé +avec une princesse, sa parente, catholique, avec laquelle il n'auroit +point de différent pour sa religion; qu'il luy vouloit dire, encores +une aultre foys, qu'il avoit grand regrect que l'ocasion n'eust esté acceptée +de toutz deux, quant elle s'estoit présentée, et qu'il ne +lairroit pourtant de demeurer très bon amy et comme frère à la +dicte Dame; laquelle il vouloit au reste exorter, pour son bien, de +vivre en bonne paix avec les princes, ses voysins; dont estant meintennant +les deux plus grandz ses gendres, il auroit grand playsir +qu'elle se déportât comme bonne sœur avec eulx, et qu'il la vouloit +advertyr que de là dépendoit sa seureté et celle de son estat. Et avec +ces honnestes parolles, et quelque présent de vaysselle d'argent, il a +licencié le dict Coban.</p> + +<p>Laquelle responce n'a peu, en façon du monde, estre bien goustée +ny bien prinse de la dicte Dame, laquelle en demeure offancée jusques +au cueur; et ne s'est peu tenir de dire que l'Empereur luy faisoit +injure, et que, si elle estoit aussi bien homme comme elle est +femme, qu'elle le luy redemanderoit par les armes. Sur quoy il m'est +tombé entre mains une lettre d'ung seigneur de ceste court qui +mande aussi à ung aultre:—«La cause du dueil et fâcherie de nostre +Royne est asseuréement le mariage de l'archiduc Charles avec la fille +de sa sœur, la duchesse de Bavière, soit ou que véritablement elle +eust assis son amour et fantasie en luy; ou bien qu'elle est marrye +<span class="pagenum"><a id="Page_426"> 426</a></span> +que sa beaulté et sa grandeur n'ayent esté plus instantment requises +de luy; ou bien qu'elle a perdu, à ceste heure, l'entretien qu'elle +donnoit par là à son peuple, craignant qu'elle soit pressée par ses +Estatz et par son parlement de ne différer plus à prendre party, +qui est le principal poinct que tout son royaulme luy requiert.»</p> + +<p>Despuys ce que dessus escript, j'ay esté adverty qu'il vient d'arriver +ung navyre de Cadix, qui porte des lettres du ıȷ<sup>e</sup> de ce mois, par +lesquelles l'on mande le grand aprest de guerre, qui se faict en Espaigne; +et que aulcuns l'interprètent estre contre le Turc; aultres +disent que c'est pour parachever la guerre des Mores, qui encores se +renouvelle; et aultres que c'est pour descendre en Yrlande. Je prendray +garde comme ceulx cy le prendront et comme ilz y pourvoyrront.</p> +</div> + +<h2 class="p4">CLIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">VI</span><sup>e</sup> jour de janvier 1571.—</p> + +<p class="hanging indent">Nouvelles d'Espagne.—Pompe déployée pour le mariage du roi.—Mouvemens +dans les Pays-Bas et en Irlande.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire<a name="FNanchor_22" id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">[22]</a> +........................................................ +Il se continue icy que le duc d'Alve partira en mars pour +s'en retourner en Espaigne, et qu'il prendra le chemyn +d'Itallye, où il layssera quelques compaignies italliennes, +qui l'accompaigneront jusques là; lesquelles pourront servyr +à la guerre contre le Turcq, au commancement du printemps; +et que le duc de Medina Cœli s'embarquera, à ce +prochain febvrier, pour passer en Flandres, et qu'il admènera +les deux filz aysnez de l'Empereur; ne se faisant icy +<span class="pagenum"><a id="Page_427"> 427</a></span> +aulcune démonstration qu'on se doubte de luy, ny de l'armée +de mer, qui le vient conduyre, parce que plusieurs +vaysseaux de la dicte armée ont passé, et qu'il est desjà +arrivé en Flandres plus de deux centz voyles d'Andelouzie +ou de Portugal; qui faict encore discourir à aulcuns que +le dict duc et iceulx petitz princes pourront s'acheminer par +la France, puysqu'ilz ont layssé venir tant de vaysseaulx +par deçà.</p> + +<p>L'on a heu en admiration en ceste court l'ordre, l'apareil, +les riches habitz, les présens et la despance, dont a +esté usé aulx nopces de Vostre Majesté, ainsy soubdain +après la guerre passée, et de ce qui se prépare encores +pour une entrée à Paris; qui leur faict bien juger que la +grandeur de vostre estat a ung bien solide fondement, et +que si Vostre Majesté joue ung peu son jeu couvert, et +commance de s'aquiter et de fère les affères, il n'est pas à +croyre combien il demeurera d'impression au monde des +grandes forces et oppulance de vostre royaulme, et de la +merveilleuse ressource qui est en icelluy. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce vı<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p> + +<p class="blockquote">L'on me vient d'advertyr qu'au soir arrivèrent deux nouvelles en +ceste court: que ceulx de la nouvelle religion des Pays Bas ont +surprins un chasteau près de Groninguem, où le duc d'Alve y a envoyé +huict centz Espaignolz pour le reprendre; et que, en Irlande, +sont descenduz quelques soldats françoys, en moindre nombre de +deux centz, appellez par les saulvaiges du pays, et que desjà le +comte d'Ormont s'est esforcé de les combattre; mais ilz se sont faictz +lascher. Si ainsy est, cella troublera assés les affaires de ce royaume.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_428"> 428</a></span></p> + +<h2 class="p4">CLIV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> jour de janvier 1571.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du S<sup>r</sup> Acerbo.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Affaires d'Écosse.—État de la négociation de lord Seyton en Flandre.—Nouvelles +d'Espagne et d'Allemagne.—Projet de Walsingham de traiter +avec les protestans d'Allemagne.—Bruit répandu en Angleterre que les +armes ne tarderont pas à être reprises en France.—<em>Lettre secrète à la +reine-mère</em> sur la proposition du mariage du duc d'Anjou.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, bien peu d'heures après que je vous ay heu faict +ma dépesche du vȷ<sup>e</sup> du présent, mon secrétaire est arrivé +avec celle de Vostre Majesté du xxvȷ<sup>e</sup> du passé, en laquelle +j'ay trouvé deux de voz lettres; desquelles l'une répond fort +bien aux particullaritez que je vous avois auparavant mandées, +et l'aultre est pour la faire voir à la Royne d'Angleterre, +qui en recepvra une très acomplye satisfaction, laquelle +luy sera davantaige confirmée par les bons propos et +démonstrations, pleynes de faveur, qu'avez usé à son ambassadeur. +De quoy je mettray peyne, Sire, d'en faire icy +le proffict de vostre service, et n'obmettray de toucher à la +dicte Dame les principaulx poinctz de vos dictes lettres; et +ceulx mesmement qui concernent l'honneur et grandeur de +Vostre Majesté, dont, de ce qu'elle m'y aura respondu je +ne fauldray de le vous mander par mes premières; vous voulant +au reste bien dire, Sire, touchant la mainlevée qu'avez +donnée aux merchans escossoys, qu'encor que la Royne +d'Escosse se soit tenue ung peu opiniastre à ne vouloir que +cella se fît, si, étions après, Mr de Roz et moy, à luy en oster +l'opinion, parce que le comte de Lenoz acrochoit le +tretté à ce seul poinct, disant qu'il ne passeroit jamais oultre +sans que les merchans jouyssent de l'abstinence d'hostillité, +<span class="pagenum"><a id="Page_429"> 429</a></span> +aussi bien que les aultres subjectz, et qu'elle leur +estoit viollée quand on leur faisoit saysir leurs biens et navyres. +Les députez de la dicte Dame commencent [d'arriver] +aujourduy, et nous avons nouvelles que ceulx [de +l'autre parti sont] desjà en chemin; par ainsy, j'espère +que bientost [il sera procédé] au dict tretté, sellon que +j'ay aussi entendu que la Royne d'Angleterre [a] ordonné +six depputez pour y vaquer de sa part, assavoir [lord Quiper] +garde des sceaulx, le marquis de Norampthon, le +comte de Lestre, le comte de Sussex, le secrétaire Cecille, +et le sixiesme reste à nommer, qu'on pense sera +maistre Mildmay.</p> + +<p>Cependant est advenu à Lislebourg qu'ayans deux soldatz +du chateau esté saysiz par l'autorité du comte de Lenoz, +ainsy qu'ilz s'en retournoient du Petit Lict, et menez +ez prisons de la ville, le capitaine Granges, qui en a esté +offancé, a, le soir mesmes, sur le tard, faict lascher toute +l'artillerie du chasteau par dessus la ville; et, à l'instant +mesmes, a faict sortir cinquante soldatz qui sont allez forcer +les dictes prysons, et ont ramené leurs compagnons avec +eulx. De quoy le dict de Lenoz se plaint grandement, comme +d'une infraction d'abstinence d'armes, mais non sans avoir +tant de peur qu'il a cuydé habandonner Lislebourg pour se +retirer à Esterling.</p> + +<p>J'estime, Sire, que le S<sup>r</sup> de Sethon est maintenant devers +Vostre Majesté, ayant prins congé du duc d'Alve dez +le xvııȷ<sup>e</sup> du passé, après avoir obtenu de luy les dix mil +escuz, que je vous ay ci devant mandé; desquelz j'entendz +qu'il a envoyé les sept mil en Escosse, par le frère du secrétaire +Ledingthon, qui est party, le mesme jour, pour +s'aller embarquer à Fleysinghes; il en a miz deux mil en +<span class="pagenum"><a id="Page_430"> 430</a></span> +Envers pour faire tenir à sa Mestresse, et mil pour luy; et +semble qu'il n'a esté respondu sur ce qu'il demandoit, de +faire serrer le trafic aux Escouçoys en Flandres, parce +que l'ordre n'en étoit encores arrivé d'Espaigne. Je croy, +Sire, qu'il sera bon de luy temporiser aussi, avec bonnes +parolles, la responce des propositions qu'il fera à Vostre +Majesté, attandant ce qu'il succédera de ce traicté, et attandant +aussi que je vous aye mandé deux particullaritez +fort considérables qui se presentent maintenant en cest affaire. +J'ay adviz que le duc d'Alve est fort marry de ce +qu'on vous a rapporté qu'il avoit envoyé deux gentishommes +en Escosse, et néantmoins l'on m'a asseuré qu'il y en a encores +despuys renvoyé ung troisiesme, mais j'eusse bien +desiré que dom Francès d'Allava n'eust pas sceu que je vous +en eusse adverty.</p> + +<p>Le voyage que les gallaires ont faict, l'esté passé, en +Levant, a sonné fort mal icy pour la réputation du Roy +d'Espaigne, mais son ambassadeur s'esforce de luy donner +beaucoup de raysons et de couleurs, qui seroient longues à +mettre en ceste lettre, dont je les réserve à une aultre foys; +tant y a qu'elles tendent toutes à rejetter les faultes sur la +malle pourvoyance et peu de conduicte des Véniciens au +faict de la guerre, ainsy que eulx mesmes, à ce qu'il dict, +l'advouhent meintenant; et sur ce qu'on s'estoit esbahy +que la ligue tardoit tant à se résouldre, il asseure qu'elle se +conclurra bientost sellon les propres chappitres, que le +Roy, son Maistre, a desiré y estre apposez; et publie encores +la généralle victoire des Mores<a name="FNanchor_23" id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">[23]</a> et plusieurs aultres +prospéritez de son Maistre.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_431"> 431</a></span> +Au reste, Sire, il s'entend, par lettres freschement venues +d'Espire, que la diette s'en alloit finyr, et que le jour estoit +desjà indict, auquel l'on la conclurroit, qui seroit sans que +l'Empereur y eust faict passer en décrect guières des choses +qu'il y avoit proposées; desquelles encor les déterminations +ne seroient divulguées jusques à ce qu'il arriveroit en Prague, +qu'on les auroit cependant réduictes par ordre et faictes +imprimer; et que la liberté du duc Jehan Guilhaume +de Saxe<a name="FNanchor_24" id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">[24]</a>, encor qu'elle fût très agréable aux princes d'Allemaigne, +elle monstroit néantmoins d'avoir quelque chose +de suspect contre le duc Auguste; et par ce, Sire, que je +vous en ay desjà mandé quelles responces le jeune Coban +avoit rapportées du dict Empereur, je ne vous en toucheray +icy rien davantaige; seulement vous diray que, suyvant +la négociation, qu'il avoit commancée par dellà avec +aulcuns princes protestans, le S<sup>r</sup> de Vualsingan a esté dépesché, +de quelques jours plus tost, pour rencontrer encores +en France leurs ambassadeurs, avec lesquelz ne faut +doubter qu'il ne traicte, s'il peult, avec affection et véhémence +les choses qui concernent sa religion, car il est des +plus passionnez; dont sera bon, Sire, de le faire ung peu +observer: et a l'on aussi hasté davantaige son partement +parce que le frère du comte de Sussex, qui est ung des fugitifz +du North, s'estant retiré à Mr Norrys, pour retourner +<span class="pagenum"><a id="Page_432"> 432</a></span> +par son moyen à l'obéyssance et grâce de sa Mestresse, +et ne l'ayant le dict S<sup>r</sup> Norrys vollu ouyr, sans l'exprès +congé d'elle, le dict de Vualsingan a heu commandement +de l'accepter, et luy offrir sa rémission, et mesmes de +l'employer, s'il est possible, à regaigner le comte de Vuesmerlan +et les aultres, qui sont dellà la mer: ce qui sera +bon, Sire, de trouver moyen d'empescher pour quelque +temps, attandant que les affaires d'Escosse soyent accommodez.</p> + +<p>Et pour la fin, il y a ici ung advis, venu de Gennes, +comme par lettres de Thurin, du ıııȷ<sup>e</sup> du passé, l'on mande +que les armes se vont reprandre pour deux occasions: l'une, +parce que la Royne de Navarre use en Béarn d'une extrême +rigueur contre les Catholiques; et l'aultre, par la difficulté +que Mr de Savoye faict à la comtesse d'Autremont de luy +randre quelques chasteaulx; et qu'encor que Vostre Majesté +ne puisse mais de l'une ni de l'aultre, que le feu +néantmoins s'en ralumera plus fort que jamais en vostre +royaulme. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xııȷ<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> +<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p> + +<p>Madame, je puys asseurer Vostre Majesté que le faict +de la petite lettre commance d'aller bien chauldement en +ceste court, duquel ayantz les dames de la privée chambre +heu quelque sentyment, elles l'ont desjà descouvert à quelques +seigneurs de ce royaulme, qui y font diverses interprétations; +et aulcuns d'eulx m'ont mandé que, de tant qu'il +semble que le cardinal de Chastillon le conduict sans moy, +qu'on n'y cerchoit guières de faire le proffict du Roy ni de +<span class="pagenum"><a id="Page_433"> 433</a></span> +son royaume. J'ai monstré que le propos m'estoit nouveau, +et que je ne pensois qu'il y en eust rien en termes auprès +de Voz Majestez; et de faict, Madame, je travailleray, aultant +qu'il me sera possible, qu'il soit mené par le plus secret +et destorné cheming que faire se pourra; car je sentz +qu'il en est besoing. Je suys adverty que celluy qui va en +France aura charge de suyvre bien curieusement ce qui luy +en sera touché, et que mesmes quelcun neutre sera possible +pryé de passer en mesme temps affin d'en entamer le +propos. Je croy que Mr le comte de Lestre m'a envoyé +prier de disner demain avecques luy pour m'en parler, et +que Mr le cardinal de Chastillon revient expressément en +court pour ce faict, et que mesmes il y est, à ceste occasion, +bien desiré, possible qu'il se plaindra, par mesmes +moyen, de la détention de ses biens en France; dont de tout +ce qui succèdera, et que j'en pourray entendre, je ne fauldray +d'en advertyr incontinent Vostre Majesté. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xııȷ<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p> + +<h2 class="p4">CLV<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> jour de janvier 1571.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée jusques à Calais par homme exprès.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Vives démonstrations d'amitié de la part d'Élisabeth au sujet +du mariage du roi.—Son intention de procéder au traité avec la reine +d'Écosse.—Nouvelle que les Gueux ont repris les armes en Flandre.—<em>Lettre +secrète à la reine-mère</em> sur l'état de la négociation relative au mariage +du duc d'Anjou.—Confidence de Leicester à l'ambassadeur.—Proposition +faite au nom du roi par le cardinal de Chatillon à la reine d'Angleterre.—Discussion +dans le conseil.—Divisions causées en Angleterre par ce projet.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, j'ay esté trouver la Royne d'Angleterre à Hamptoncourt +<span class="pagenum"><a id="Page_434"> 434</a></span> +le xıııȷ<sup>e</sup> de ce mois, laquelle n'a failly de me demander +incontinent quelles nouvelles j'avois de Vostre +Majesté, et comme vous vous trouviez en mariage. A quoy +je luy ay respondu que vous me commandiez de luy continuer +encores le mesmes propos, que je luy avois desjà +commancé, de vostre conjoyssance touchant la Royne; et +que, si vous aviez receu ung singulier playsir de sa venue, +il s'estoit despuys redoublé et devenu si grand, par les +vertueuses et excellentes qualitez qui se trouvoient en elle, +que vous en demeuriez le plus content prince de la terre; +mesmes qu'elle se faisoit merveilleusement aymer et bien +vouloir de la Royne, vostre mère, de Messieurs voz frères, +de Mesdames voz sœurs, de Monsieur de Lorrayne et de +toutz les princes et seigneurs de vostre court, et générallement +de toute la France; ce que vous mettiez en compte +d'une grand félicité; oultre que, à l'ocasion d'elle, les +princes d'Allemaigne, (lesquelz je lui ay nommez, sellon le +contenu de vostre lettre), s'estoient despuys, par leurs ambassadeurs, +conjouys avec Vostre Majesté de ce que Dieu +avoit en ce temps réuny et renouvellé le sang de l'ancienne +alliance de la Germanye avec la France; et que, +pour ceste occasion, ilz vous avoient envoyé offrir, et à +Messeigneurs voz frères, toutz leurs moyens et forces pour +vous en servyr, ainsy qu'il vous plairoit les employer, et +que leurs dicts ambassadeurs n'avoient obmiz de se conjouyr +pareillement de la paix de vostre royaulme, et de ce qu'ilz +l'y avoient trouvée très bien establye, et vous avoient suplyé +de l'y vouloir entretenir. Qui estoient choses qui vous +avoient apporté beaucoup de satisfaction; desquelles vous +vouliez bien faire part à la dicte Dame, pour le playsir que +vous estimiez qu'elle en recepvroit.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_435"> 435</a></span> +A quoy, par parolles fort expresses, elle m'a respondu +qu'elle se sentoit grandement obligée à Vostre Majesté +de la communication qu'il vous playsoit luy faire de ce propos, +lequel elle réputoit très honnorable et vrayement digne +d'estre tenu entre princes, qui avoient bonne et vraye +amytié ensemble, comme elle vous suplyoit de croyre que, +de son costé, elle la vous portoit entière et parfaicte, et de +bien bonne sœur; et qu'à ceste occasion elle se resjouyssoit, +non guières moins, du beau serain que Dieu monstroit +meintennant en voz affères, après tant de divers orages +que vous y aviez souffertz, que si c'estoit pour elles mesmes, +car aussi pensoit elle y participer. Et a suyvy à parler +de ceste ambassade d'Allemaigne comme d'une chose +qu'elle réputoit authoriser bien fort vostre grandeur: et +puys est retournée à ce qu'elle avoit entendu de la louable +et vrayment royalle norriture de la Royne; chose que je +luy ay asseurée qui demeuroit très confirmée par les exemples +qu'elle en monstroit, et que, non moins par effect que +en tiltre, elle estoit Royne Très Chrestienne et Très Dévotte, +et au reste tant de bonne grâce, doubce et débonnaire, +et sans cérémonye, que Vostre Majesté n'avoit nul +plus grand playsir que d'estre, jour et nuict, en sa compaignye.</p> + +<p>A quoy elle m'a respondu que la recordation des amours +du père et grand père luy faisoient ung peu craindre que +vous les vouldriez imiter, et m'a révellé ung secrect de Vostre +Majesté, lequel je confesse, Sire, que je n'avois pas +sceu; et que néantmoins si vous continuez de rendre ainsi +vostre parolle certayne et véritable, et estre bon mary, +comme vous en avez desjà la réputation, qu'elle ne faict +doubte que vostre règne n'en soit très heureux et éloigné +<span class="pagenum"><a id="Page_436"> 436</a></span> +de ces inconvénians et disgrâces, qui ont accoutumé de +venir aux princes qui ne tiennent leur parolle, et à ceulx +qui ne gardent leur loyaulté. Et a continué ce propos et plusieurs +aultres, en termes bien fort honnorables de Voz trois +Majestez très Chrestiennes et de Monseigneur vostre frère; +lesquelz j'ay suyviz sans rien obmettre de ce que j'ay estimé +convenir à vostre honneur et grandeur.</p> + +<p>Et pour la fin, je luy ay faict voir vostre lettre, qui portoit +sa satisfaction, laquelle elle a entièrement leue, et n'y +a heu nulle partie qu'elle n'ayt bien considéré, et où elle +ne se soit arrestée pour m'y faire de fort bonnes responces; +lesquelles, en somme, sont: qu'elle remercye Dieu que +Vostre Majesté commance de cognoistre son intention, laquelle +elle peult jurer n'avoir jamais esté de vous vouloir +offancer ny nuyre; ains d'avoir toutjours désiré la conservation +de vostre authorité et l'establyssement de vostre +grandeur comme d'elle mesmes; et que son malcontantement +est seulement procédé de ce qu'elle ne s'est trouvée +si aymée et bien vollue de Vostre Majesté comme elle pensoit +le mériter, et qu'elle n'advouera jamais, quant bien +on la mettroit sur la roue, qu'elle n'ayt heu occasoin de se +douloir; mais la satisfaction en est meintenant si ample +qu'elle vous en doibt de retour beaucoup de grandz mercys, +et ne vouldroit n'avoir esté offancée; qu'elle vous remercye +bien grandement du compte que vous voulez tenir +de son parant, lequel elle a desjà dépesché pour se trouver +à vostre entrée; (et le comte de Lecestre aussi a faict harnacher +les haquenées, qui s'aschemineront devant;) et que +ce luy est ung singulier playsir, que vous veuillez bien recepvoir +son nouveau ambassadeur; que quant à celluy qui +s'en retourne elle vous prie de croyre qu'il a faict toutjours +<span class="pagenum"><a id="Page_437"> 437</a></span> +toutz les meilleurs offices, pour l'entretennement de l'amytié, +qu'il est possible, et qu'il en sera pour ceste occasion +mieulx receu d'elle à son retour; qu'au surplus elle vous +veult asseurer de la convalescence et bonne santé de la +Royne d'Escosse, et que desjà elle a donné audience à ses +depputez, avec lesquelz elle procèdera à faire le traicté +aussitost que ceux de l'aultre party seront arrivez, qui sera +dans huict ou dix jours au plus loing; et qu'il luy tarde, +plus qu'à nulle personne qui vive, que cest affaire soit bientost +accommodé.</p> + +<p>Lesquelles siennes responces, Sire, j'ay miz peyne de +luy gratiffier le plus que j'ay peu au nom de Vostre Majesté, +et me suys ainsy licentié d'elle bien fort gracieusement. +Et parce que j'ay trouvé une conformité de tout ce +dessus en ceulx de son conseil, je ne puys sinon bien juger +de la présente intention d'elle et d'eulx envers Vostre Majesté; +et néantmoins cella sera cause que j'observeray de +plus prez toutes choses pour voir si, soubz ceste apparance, +il y auroit quelque chose de caché, qui soit contre vostre +service; car, à ce que j'entendz, le mesmes comte de Lenoz, +celluy de Morthon, et le lair de Glannes, viennent pour +se trouver au traicté.</p> + +<p>Au regard des différandz des Pays Bas, il n'en est rien +venu par le dernier courrier, dont ceulx cy ne sont contantz, +sinon qu'on a escript que le duc d'Alve n'a encores +rien respondu au depputé d'Angleterre sur sa dernière +proposition, parce qu'on pense qu'il est attendant sur icelle +quelque ordre d'Espaigne. Sur ce, etc.,</p> + +<p class="right">Ce xvııȷ<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p> + +<p class="blockquote">Présentement l'on me vient de donner adviz que les Gueux ont +recommancé la guerre en Flandres; ce qui feroit prendre assés de +<span class="pagenum"><a id="Page_438"> 438</a></span> +nouveaulx desseings à ceulx cy. Le S<sup>r</sup> Guilhaume Lesley, bon subject +de la Royne d'Escosse, parant de l'évesque de Roz, est venu +avec les depputez de la dicte Dame; il estime avoir de bonnes intelligences +icy, et se dict très dévot au service de Vostre Majesté.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p> + +<p>Madame, avant que monsieur le comte de Lestre me +menât, dimanche dernier, en la présence de la Royne d'Angleterre, +il m'entretint quelque temps sur le faict de la +petite lettre, et je me plaigniz à luy qu'il estoit desjà trop +divulgué, ce qu'il m'asseura n'estre procédé de la court, +ains de ce qu'on voyoit n'y avoir rien de plus convenable; +et, par ainsy, ung chacun en parloit; dont il vouloit sonder, +à la vérité, l'intention de la dicte Dame et de ceulx de son +conseil, affin de dresser, puys après, l'affaire en si bonne sorte +que, s'il venoit à succéder, ou bien qu'il demeurast sans +effect, il n'eust à raporter sinon contantement à chacun +des costez; et qu'il me voulloit dire tout librement, que la +dicte Dame ne s'estoit jamais monstrée disposée à prendre +party, comme elle faisoit meintenant, par ce, possible, +qu'elle s'y voyoit contraincte, pour les nécessitez de son +royaulme; et que sur les privez propos, qu'il luy en avoit tenuz, +elle n'avoit rien objecté que l'eage; à quoy il avoit respondu +qu'il ne layssoit pourtant d'estre desjà homme: +«Mais aussi, respondit elle, ne laisseroit il d'estre toutjour +plus jeune que moy.»—«Tant mieulx sera ce pour +vous,» avoit il respondu, en ryant. Et me pria le dict +comte d'en toucher quelque mot à la dicte Dame, laquelle, +à la vérité, a prins de fort bonne part toutz les motz que +je luy ay proposez aprochans de cella; car je ne luy en +ay poinct touché de plus exprès que de luy avoyr dict, sur +<span class="pagenum"><a id="Page_439"> 439</a></span> +le contantement que le Roy avoit de vivre en grand amytié et privaulté +avecques la Royne, que je conseillerois à une princesse, qui vouldroit +rencontrer un très parfaict et accomply bonheur de mariage, d'en +prendre de la mayson de France.—A quoy elle m'a respondu que madame +d'Estampes et madame de Vallantinois luy faisoient encores peur, et +qu'elle ne vouldroit un mary qui ne l'honnorast seulement que pour +Royne, s'il ne l'aymoit aussi pour femme.—A quoy j'ay réplicqué que +celluy, dont j'entendois parler, entre les exellantes qualitez, dont +il abondoit aultant que nul prince de la terre, il avoit celle +péculière qu'il sçavoit extrêmement bien aymer, et se randre de mesmes +parfaitement aymable.—«A la vérité, m'a elle respondu, il a tant de +perfections en luy qu'on n'en ouyt jamais parler qu'avec grand +louange.» Et, peu après que je fuz party d'avec la dicte Dame, Mr le +cardinal de Chastillon vint parler longtemps à elle, dont je n'ay sceu +ce qu'il luy dict; car, ny auparavant, ny despuys, nous n'avons +conféré ensemble: mais voycy madame ce que j'ay aprins d'ailleurs et +de fort bon lieu:</p> + +<p>Qu'après qu'il fût retiré, la dicte Dame assembla ceulx +de son conseil pour leur dire que le dict sieur cardinal luy +avoit demandé trois choses: l'une, si elle estoit point libre +de toute promesse pour se pouvoir maryer où elle vouldroit; +l'aultre, si elle en vouloit prandre de ceulx de son royaulme +ou bien ung estrangier; et la troisiesme que, au cas que ce +fût ung estrangier, si elle vouldroit point accepter Monsieur, +frère du Roy; et qu'elle luy avoit respondu qu'elle +estoit libre, qu'elle ne vouloit point espouser de ses subjectz, +et qu'elle vouloit de bon cueur entendre au party de +Monsieur avec les condicions qui se pourront adviser. Sur +<span class="pagenum"><a id="Page_440"> 440</a></span> +quoy le dict sieur cardinal luy avoit dict qu'il avoit donques +charge de luy en parler, et luy avoit présenté à cest effect +une lettre de créance du Roy, et l'avoit priée que, de tant +que l'affaire estoit de grande conséquence au monde, +qu'elle le vollust communiquer à son conseil, premier que +passer oultre; de quoy elle leur vouloit bien dire qu'elle +n'avoit trouvé cella bon, et luy avoit respondu qu'elle estoit +Royne Souverayne, qui ne deppendoit de ceulx de +son conseil, ains eulx toutz d'elle, comme ayant leurs vies +et leurs testes en sa main, et qu'ilz n'auseroient faire que +ce qu'elle vouldroit; mais, de tant qu'il luy avoit représanté +les inconvéniantz, qui avoient cuydé survenir à la feu +Royne, sa sœur, d'avoir vollu tretter son mariage avec le +Roy d'Espaigne sans ceulx de son conseil, elle luy avoit +promiz de le leur proposer; dont vouloit que eulx toutz luy +en donnassent promptement leur adviz.</p> + +<p>Sur quoy, iceulx du dict conseil bayssans la teste, n'en y +eust pas ung qui respondit ung seul mot, parce que le propos +estoit nouveau à la pluspart d'eulx, sinon, au bout de +pièce, ung des principaulx s'advancea de dire que Monsieur +sembloit estre bien jeune pour la dicte Dame:—«Commant, +respondit elle, prenant le mot en aultre sens, suys +je pas encores pour luy satisfaire.» Et puys, suyvit à dire +que le dict sieur cardinal, oultre la lettre de créance, avoit +des articles à proposer, sur lesquelz elle estimoit estre bon +de l'ouyr pour voir si les condicions pourroient estre acceptées; +ce que ung chacun aprouva. Et pour lors, n'y eust rien +davantaige sinon que, le lendemain, Dupin et le ministre +du dict sieur cardinal furent là dessus en privée conférance +plus de trois heures avec le secrétaire Cecille.</p> + +<p>Duquel propos l'on me vouloit bien advertyr qu'il commançoit +<span class="pagenum"><a id="Page_441"> 441</a></span> +à courir une merveilleuse contention dans ce +royaulme sellon les parciallitez de Bourgoigne, et sellon +celles de la religion, et que aulcuns estimoient que la dicte +Dame ne se servoit d'icelluy sinon pour la commodité de +ses affaires, sans qu'elle eust aucune affection de se maryer; +et, par ainsy, que je prinse garde que le Roy ne fût trompé +et moqué. Et d'aultres, qui sont bien affectionnez au Roy, +et portent le faict de la Royne d'Escosse, et mesmes les +seigneurs catholiques, m'ont mandé qu'ilz demeuroient fort +escandalizez que cest affaire se menast par le dict sieur +cardinal, et qu'ilz voyoient bien que c'estoit plus pour accommoder +le faict de ceulx de la Rochelle, que non celluy +d'entre ces deulx royaulmes, à l'intérest des catholiques; +dont ilz vouloient penser à leurs affaires, me priantz seulement +de leur vouloir estre toutjours tel comme je sçavois +qu'ils s'estoient, en temps et lieu, monstrez bons amys et +serviteurs du Roy; et se sont esforcez de m'imprimer une +grand jalouzie de ce que je n'estois participant de ce +propos.</p> + +<p>Sur quoy, pour leur faire prendre bonne espérance et +les retenir toutjour en la dévotion, qu'ilz ont esté jusques +icy vers Voz Majestez, et pour descouvrir plus avant toutes +choses par leur moyen, je leur ay mandé que j'avois esté +toutjours réputé si fidelle à vostre service, et si loyal à voz +intentions, que si cest affaire estoit en telz termes qu'ilz +dizoient, il ne passeroit guières que Voz Majestez ne m'en +fissent entendre leur intention, et que la conclusion ne se +feroit sans que je y fusse employé; dont je les asseurois que +Voz dictes Majestez ne consentyroient jamais le passaige +de Monsieur en ce royaulme, sans qu'il eust bonne intelligence +avec eulx, et sans que les affaires de la Royne +<span class="pagenum"><a id="Page_442"> 442</a></span> +d'Escosse, et les leurs, n'en demeurassent bien accommodez, +et que de cella vous leur en donriez la main et vostre promesse; +chose, Madame, que, comme elle semble nécessaire +et fort importante pour bien asseurer le négoce, ainsy +est il requis qu'elle soit tenue fort secrecte et menée bien +dextrement.</p> + +<p>Il est venu quelque sentyment de ce party à la notice de +l'ambassadeur d'Espaigne, et de celluy, qui est agent icy +pour le Pape, dont en ont escript chauldement dellà la +mer. Je sçay aussi que l'évesque de Roz en a escript à +Mr le cardinal de Lorrayne, dont ne luy fauldra dényer le +faict, s'il vous en parle, mais luy donner meilleure espérance +par là des affaires de la Royne d'Escosse que jamais. +Le S<sup>r</sup> Cavalcanty a grand désir de passer en France pour +servyr d'un tiers neutre à mouvoir ce propos entre Vostre +Majesté et milord de Boucard, parce qu'il estime ne se +pouvoir avec dignité entamer par l'ung ny l'aultre party, +sans ung tel moyen; et sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce xvııȷ<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</p> + +<p class="blockquote">Il semble fort requis que Vostre Majesté ne se haste de dépescher +message ny ambassade par deçà sans voir que l'affaire soit comme +tout asseuré.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_443"> 443</a></span></p> + +<h2 class="p4">CLVI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXIII</span><sup>e</sup> jour de janvier 1571.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Retour d'Élisabeth à Londres après la cessation de la peste.—Affaires +d'Écosse.—Audience.—Plainte de la reine au sujet de la descente +d'un parti de Français en Irlande.—Avis donné par elle d'une levée +qui se prépare en Allemagne.—Son désir de voir la réunion des églises +proposée par le roi.—Négociation des Pays-Bas.—<em>Lettre secrète à la +reine-mère.</em> Conférence de l'ambassadeur avec le cardinal de Chatillon +sur le projet de mariage du duc d'Anjou.—Avis sur l'entreprise faite +en Irlande par des Bretons.</p> + + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, ceulx de ceste ville de Londres ont monstré beaucoup +de resjouyssance à la venue de leur Royne, laquelle, +pour cause de la peste, n'y avoit esté, il y a deux ans. Elle +va aujourduy veoir ung bastyment nouveau qu'on y a édiffié, +fort commode, et de grand ornement, affin de luy donner +le nom; qui, jusques à ceste heure, a esté appellé par provision +la <em>Bource</em>. Le festin luy est préparé en la maison de +maistre Grassein. L'on dict qu'après demain elle descendra +à Grenwich pour y passer le reste de l'yver, où se dresse +desjà le lieu pour faire ung tournoy à ce caresme prenant; +duquel le comte d'Oxfort et sire Charles Havard doivent +estre les tenans.</p> + +<p>Les affaires de la Royne d'Escosse demeurent toutjour +en bonne disposition, attendant l'arrivée des depputez de +l'aultre party, lesquelz, parce que j'avois incisté qu'on ne +les debvoit attandre, le secrétaire Cecille m'a opiniastrément +débattu que l'honneur de sa Mestresse n'estoit de +procéder sans eulx, mais, que je ne fisse nul doubte que +les choses n'allassent bien; et encores que, despuys quatre +<span class="pagenum"><a id="Page_444"> 444</a></span> +jours aulcuns de ce conseil se soient plainctz à l'évesque +de Roz d'une entreprinse, qu'on a vollu faire en Escosse, +pour tuer le comte de Lenoz; et de ce qu'ilz ont entendu +qu'on fornyst de l'argent dellà la mer aulx rebelles d'Angleterre, +ilz n'ont guières répliqué à ce qu'il leur a respondu, +qu'il estoit esbahy comme le dict de Lenoz duroit +tant au dict pays, veu les viollances et désordres qu'il y +faisoit; et, quant aux fugitifs d'Angleterre, qu'il croyoit +que rien ne leur manqueroit, mais que ce n'estoit de sa +Mestresse qu'ilz estoient secouruz, parce qu'elle n'avoit de +quoy le faire.</p> + +<p>Et hyer, la Royne d'Angleterre, m'ayant envoyé quéryr, +me dict que, si l'on faisoit nul oultrage au dict de Lenoz, +qu'elle ne procèderoit aulcunement au dict tretté; dont j'ay +conformé ma responce à celle du dict sieur évesque de Roz, +adjouxtant que rien n'en debvoit estre imputé à la Royne +d'Escosse, parce qu'elle n'en pouvoit mais, et que mesmes +l'on avoit de sa part desjà dépesché ung gentilhomme en +Escosse pour obvier à cest inconvénient.</p> + +<p>Et suyvyt la dicte Royne d'Angleterre à me dire que la +principalle occasion, pour laquelle elle m'avoit prié de venir, +estoit pour me communiquer ung adviz par escript, qu'on +luy avoit envoyé d'Irlande, lequel elle me prioit de faire +tenir à Vostre Majesté; et que, pour ne faire voir au +monde que les armes fussent prinses entre les Françoys et +les Anglois, et ne rompre aulcunement la paix avec la +France, elle avoit faict gracieusement remonstrer au capitaine +La Roche et à ceulx, qui sont avec luy en Irlande, +de se retirer; ce que, trois moys a, ilz avoient promis de +faire; mais monstrans à ceste heure qu'ilz ont une aultre +dellibération, elle vous en vouloit bien advertyr, affin qu'il +<span class="pagenum"><a id="Page_445"> 445</a></span> +vous pleust, Sire, y pourvoir sellon que les bons trettez de +paix, qui sont entre Voz Majestez, le pouvoient requérir.</p> + +<p>J'ai respondu que ce propos m'estoit nouveau, comme +celluy, duquel je n'avois cy devant ouy parler, et que je +le vous représanterois le mieulx que je pourrois, avec l'exprétion +des mesmes parolles, et de l'intention, que j'avois +cognue en elle, de vouloir évitter toute occasion de différand +avec Vostre Majesté; et luy en ferois tenir vostre responce, +aussitost que je l'aurois receue.</p> + +<p>Et s'exaspéra bien fort la dicte Dame contre celluy Fitz +Maurice, qui est en Bretaigne, disant que luy et son père +avoient usurpé, comme traystres, le tiltre du comte d'Esmont, +bien que le vray comte soit encore vivant en ce +royaulme.</p> + +<p>Après ce propos, il en succéda ung aultre, par lequel +nous vinsmes à parler des aprestz d'Allemaigne, qui seroient +longs à mettre icy, mais je prins par là occasion de demander +tout librement à la dicte Dame si elle entendoit qu'il y +eust rien de dressé contre Vostre Majesté, ny contre vostre +royaume, ainsi que, d'aultre fois, elle vous avoit bien faict +ce bon tour, de vous en réveller quelque chose par moy.</p> + +<p>Elle me respondit qu'encores que ses intelligences n'estoient +plus telles vers l'Allemaigne, ni avec l'Empereur, +comme elles souloient, néantmoins elle y en avoit encores +d'assés bonnes pour pouvoir asseurer Vostre Majesté qu'il +s'y préparoit une levée; laquelle elle ne sçavoit encores si +viendroit à effect, mais croyoit que ce n'estoit pour vous +nuyre, car elle le vous diroit, et y opposeroit le crédit qu'elle +y pourroit avoir, mais c'estoit en faveur du prince d'Orange; +et qu'elle estoit fort marrye qu'on poursuyvît ainsy +les affaires de la religion par les armes, de quoy ne pouvoit +<span class="pagenum"><a id="Page_446"> 446</a></span> +revenir, à la fin, que une grande ruyne à la Chrestienté; +et qu'elle me prioit de vous exorter, Sire, qu'avec la bonne +intelligence, qu'avez meintenant avec l'Empereur, vostre +beau père, avec lequel elle continuoit aussi toutjour une +bien fort estroicte amytié, et avoit naguières receu de ses +lettres, il vous pleust, à ceste heure, mettre en avant quelque +favorable moyen d'accord et de réunyon en l'esglize; +et que, de sa part, elle vous y assisteroit, et ne s'y monstreroit +aulcunement opiniastre.</p> + +<p>Je luy louay grandement cestuy sien très vertueux desir, +et, sans toutesfois accepter ny reffuzer aussi d'en +faire rien entendre à Vostre Majesté, affin que vostre +intention en cella soit réservée au temps et moment qu'il +vous semblera bon de la manifester; je la priay seulement, +en ryant, qu'elle ne vollust observer l'extrémité de ne +concéder aulx Catholiques l'exercice de leur religion en +Angleterre, comme il n'en estoit permis pas ung aulx +Protestans en Espaigne, ny en Flandres, et qu'elle suyvist +l'exemple de Vostre Majesté, qui estiez au milieu, +qui avez permiz le cours des deux en vostre royaulme.</p> + +<p>Elle respondit que les Catholiques ne se pouvoient pas +beaucoup plaindre d'elle, et qu'elle cognoissoit le Roy +d'Espaigne d'ung si bon naturel qu'il ne vouldroit aussi +retenir la Chrestienté en ce dangereux suspend, où elle est, +s'il y ozoit procurer les remèdes, mais que les passionnez +l'en empeschoient, lesquelz elle vouldroit qui en sentissent +seulz le mal.</p> + +<p>Et se continua assés longtemps ce propos entre la dicte +Dame et moy, au millieu duquel, me venant à toucher +des différans, qu'elle accusoit le duc d'Alve luy avoir +succité avec le Roy son Maistre, me dict que je serois tout +<span class="pagenum"><a id="Page_447"> 447</a></span> +esbahy si je sçavois quelles choses le dict duc, despuys ung +mois, avait vollu tretter avec elle, au préjudice de ses +voysins, ce qu'elle réservoit à une aultre foys, et que +néantmoins c'estoit une parenthèse digne de noter.</p> + +<p>Or, Sire, touchant les dicts différans, le depputé d'Angleterre, +qui est aulx Pays Bas, a escript, ceste foys, à +la dicte Dame qu'il avoit présenté à icelluy duc les derniers +articles, qu'elle luy avoit envoyez; qui les avoit cognuz +si raysonnables que, ne luy restant plus que contredire +pourquoy il ne les deubt accepter, il avoit respondu qu'il y +vouloit penser: et ainsy le faict en demeure là, qui se conforme +assés à ce que Vostre Majesté m'en a mandé, en +chiffre, par ses dernières du ııȷ<sup>e</sup> du présent, que j'ay bien +notté. Et sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxııȷ<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</span></p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p> + +<p>Madame, s'estant Mr le cardinal de Chatillon, jeudy +dernier, convyé à disner en mon logis, il m'a compté la +favorable expédition, qu'il a obtenue de Voz Majestez, +sur le recouvrement de ses biens, et comme il s'en est +venu conjouyr avec la Royne d'Angleterre; et puys m'a +parlé du faict de la petite lettre en bien fort bonne sorte, +et que ce dont je m'estois plainct au comte de Lestre, que +le propos en estoit trop divulgué, n'estoit procédé d'ailleurs +que du peu de discrétion, que le vydame y avoit +tenu, qui en avoit parlé et escript icy et en France à +trop de gens, et que, de sa part, il n'en avoit jamais faict +rien sçavoir qu'à Voz Majestez; desquelles, après qu'il +avoit heu responce, il y avoit procédé le plus secrectement +qu'il avoit peu; et que les choses en estoient en assés +<span class="pagenum"><a id="Page_448"> 448</a></span> +bons termes, et ceux du conseil en beaucoup de diverses +opinions là dessus entre eulx, mais qu'il n'y avoit encores +rien de conclud. Sur quoy luy ayant aprouvé grandement +son intention et les sages moyens, qu'il tenoit, pour la +bien conduyre, je l'ay sondé de plusieurs endroictz pour +voir s'il y avoit nulle aultre fin et prétention en luy que +celle qu'il monstroit en aparance; mais toutz ses propos +sont revenuz à la considération de la grandeur que ce seroit +pour Monsieur, et combien elle accroistroit celle du +Roy et de sa couronne, et ravalleroit d'aultant celle d'Espaigne; +ne me touchant toutesfois tant de particullaritez de +l'affaire comme j'en sçavois, et comme je vous en ay +desjà escript; dont j'ai fait semblant d'en sçavoir encores +moins, attendant si Vostre Majesté (pour y procéder avec +plus de lumyère, par les adviz que pourrons avoir de +divers lieux) trouvera bon que nous nous communiquons +secrectement l'ung à l'aultre, car je croy bien que les Protestans +reçoipvent mieulx ce propos, venant du dict sieur +cardinal que ne feroient de moy. Et il y va, à mon opinion, +d'une droicte et bien bonne vollonté.</p> + +<p>Les Catholiques, qui sont la partie la plus grande, +plus noble et plus forte, et où y a plus d'asseurance, le +tiennent fort suspect, et vouldroient avoir quelque asseurance +de Voz Majestez par mon moyen. La dicte Dame +nous oyt fort bien, et avec grande affection, l'ung et l'aultre, +dont Vostre Majesté me commandera comme j'en auray +à uzer; et seulement vous suplie très humblement, +Madame, de réserver, entre le Roy et Vous, et Monsieur, +ce que je vous ay escript par ma petite lettre de devant +ceste cy, et ce que, cy après, je vous pourray escripre ou +mander des propos, que la dicte Dame tiendra en privé, +<span class="pagenum"><a id="Page_449"> 449</a></span> +ou avec ceulx de son conseil, sans qu'il se puysse jamais cognoistre +qu'ilz vous viennent de moy. J'ay dict à Mr le cardinal +que si le propos alloit en avant, qu'il estoit bien besoing +de le conduyre à ce poinct qu'on ne s'advançât de le +publier, ny de faire aulcune ouverte démonstration, du +costé de Voz Majestez, d'y vouloir entendre, jusques à ce +qu'on le vît tout conclud et bien arresté; car, puys après, +l'on y adjouxteroit bien toutz les honnorables actes et +respectz, qu'on vouldroit; et que surtout il n'y fût usé de +longueur ny de remises. A quoy il m'a respondu que, le +lendemain, il estoit convyé en court et qu'il verroit ce qu'il +y pourroit advancer.</p> + +<p>J'ay sceu, Madame, que, pendant que nous estions ensemble, +la Royne d'Angleterre estoit enfermée avec ceulx +de son conseil pour prandre résolution de ce qu'elle debvoit +respondre au dict sieur cardinal, et qu'elle a la matière si à +cueur qu'elle ne prend playsir de parler, ny ouyr parler, +d'aultre chose; et, de ma part, Madame, tant plus je considère +le party, plus il me semble estre grand, honnorable +et advantageux pour le Roy, et pour Monsieur; dont je ne +desire sinon qu'il soit exempt de tromperie, comme je +prendray bien garde, du plus prez qu'il me sera possible, +qu'il n'y en ayt point, et que Dieu le veuille bien achever. +Et sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxııȷ<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</span></p> + +<div class="blockquote"> +<p>Millord de Boucard est bien fort affectionné à ce propos, et desire +y estre employé. Sa Mestresse luy a dict qu'elle réserve de lui bailler +son instruction à l'heure qu'il partyra. J'entendz que le comte de +Lestre, si cella va en avant, est desjà désigné à passer en France +pour l'aller conclurre. Je suys convyé aujourduy avecques la Royne; +sur ceste bonne occasion, je notteray ce qu'elle me dira.</p> + +<p class="center"><span class="pagenum"><a id="Page_450"> 450</a></span> +<span class="smcap">ADVIZ SUR LES CHOSES D'IRLANDE:</span></p> + +<p>Que on auroit suborné certaines gens pour pratiquer et suciter +une rébellion en Yrlande, dont ung d'eulx se nomme de La Roche, +gouverneur de Morlays en la Basse Bretaigne, qui s'en est allé là, +avecques quatre navyres, pour se randre en l'endroict où le comte +de Desmond se tenoit, et qu'il s'en est retourné de là et a admené +avecques luy ung gentilhomme, nommé Fitz Maurice, qui, pour le +présent, se tient secrectement en la Basse Bretaigne, et sollicite +d'avoir des forces pour les mener ce printemps en Yrlande.</p> + +<p>Que le capitaine de Brest auroit prins ung fort, nommé d'Ingin, +et une petite isle, non guières loing de là, en Yrlande.</p> +</div> + +<h2 class="p4">CLVII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du dernier jour de janvier 1571.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Réjouissances faites à Londres pour célébrer la rentrée d'Élisabeth.—Conversation +de la reine et de l'ambassadeur au sujet de cette fête.—Affaires +d'Écosse.—État de la négociation des Pays-Bas.—Nouvelles d'Allemagne +et d'Espagne.—<em>Lettre secrète à la reine-mère.</em> Négociation du mariage +du duc d'Anjou.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, le jour que j'ay esté convyé, pour accompaigner la +Royne d'Angleterre au festin de la Bource, n'a esté guières +moins solemnel en Londres, que celluy du couronnement +de la dicte Dame, car on l'y a receue avec concours de +peuple, les rues tandues, et chacun en ordre et en son +rang, comme si ce eust esté sa première entrée; et elle a +heu grand playsir que j'y aye assisté, parce qu'il s'y est +monstré plus de grandeur, ainsy soubdain, que si la chose +eust esté préméditée de longtemps; et n'a obmiz la dicte +Dame de me faire remarquer l'affection et dévotion qui +<span class="pagenum"><a id="Page_451"> 451</a></span> +s'est veue en ce grand peuple; lequel, despuys le matin +jusques à l'heure qu'ayant donné le nouveau nom de +<em>Change Real</em> à la Bource, elle s'est vollue retirer, envyron +les huict heures de nuict, il ne s'est lassé d'estre par +les rues, les ungs en leur rang, les aultres à la foule, avec +force torches, pour l'honnorer, et luy faire mille acclamations +de joye, chose qu'elle m'a demandée si, au petit +pied, ne me faisoit pas souvenir des resjouyssances, qu'on +faisoit à Paris, quant Vostre Majesté y arrivoit; et qu'elle +me confessoit tout librement qu'il luy faisoit grand bien au +cueur de se veoir ainsy aymée et desirée de ses subjectz, +lesquelz elle sçavoit n'avoir nul plus grand regrect que, la +cognoissant mortelle, ilz ne voyoient nul certain successeur, +yssu d'elle, pour régner sur eulx, après sa mort; et +que la France estoit très heureuse de cognoistre ses Roys, +et ceulx qui, par ordre, debvoient, les ungs après les aultres, +succéder à la couronne.</p> + +<p>J'ay respondu, le plus au contentement et satisfaction +de la dicte Dame, à toutz ses propos, qu'il m'a esté possible, +louant beaucoup ce que je voyois de sa grandeur, qui +estoit à priser, sans rabattre néantmoins rien de ce qu'on +sçait assés estre de plus en la vostre; et qu'au reste, il me +sembloit qu'elle auroit bien à faire à s'excuser envers Dieu +et le monde, si elle frustroit ses subjectz de la belle postérité, +qu'elle leur pouvoit bailler, et qu'ilz attandoient d'elle +pour les gouverner; qui a esté ung article, sur lequel elle +s'est prinse à discourir plusieurs aultres choses, avec playsir +et avec modestie, lesquelles je vous puys asseurer, Sire, +que ne se sont passées sans qu'elle ayt monstré, en plusieurs +endroictz, de vouloir persévérer en grande amytié +avec Vostre Majesté; et, le soir mesmes, la résolution du +<span class="pagenum"><a id="Page_452"> 452</a></span> +voyage de milord Boucard a esté du tout prinse, luy commandant +la dicte Dame ne faillyr d'estre prest à partir demain, +qui est le premier jour de febvrier, ainsy qu'il faict.</p> + +<p>Or, Sire, nonobstant l'acclamation du peuple, la dicte +Dame et ceulx de son conseil ne layssent de craindre la division +et sublévation du pays: car ayans les filz du comte +Dherby essayé d'obtenir leur congé pour retourner vers +leur père, il leur a esté dict qu'ilz n'en parlassent poinct, +s'ilz n'en vouloient estre du tout reffuzez, jusques à ce que +les affaires de la Royne d'Escosse fussent accommodez, qui +monstre que, par iceulx, ilz entendent acquiéter les leurs. +Et le semblable a esté dict au duc de Norfolc, de ne presser +sa plus ample liberté, jusques à ce qu'il ayt esté ordonné de +celle de la Royne d'Escosse et de sa restitution, de laquelle +l'on nous faict toutjour espérer de bien en mieulx; et qu'il +n'y a retardement que de ces depputez de l'aultre party, +desquelz le comte de Lenoz a, de rechef, escript qu'ilz estoient +partys, et qu'il avoit surciz la tenue du parlement, +ainsy que la Royne d'Angleterre le luy avoit mandé, pour +remettre toutes choses à ce qui seroit ordonné par le +tretté.</p> + +<p>Hyer, on tenoit en ceste court la pratique des différans +de Flandres pour toute désacordée, non sans beaucoup +d'indignation contre le duc d'Alve et contre l'ambassadeur +d'Espaigne; mais, ce matin, par aulcunes lettres d'Envers, +s'est entendu que le dict duc avoit condescendu à la pluspart +des choses, que le depputé de Londres avoit desirées; +et que le S<sup>r</sup> Thomas Fiesque seroit en brief par deçà pour +entièrement les conclurre. Je ne sçay s'il est ainsy, ou si +c'est artiffice: tant y a que cella ne pourra estre que pour +le regard des merchandises; car, quant à l'entrecours et +<span class="pagenum"><a id="Page_453"> 453</a></span> +commerce, j'entendz qu'il n'en est, pour encores, faict aulcune +mencion.</p> + +<p>Il est nouvelle icy que le duc de Sualsambourg a quatre +mille chevaulx et six mil hommes de pied ez environs d'Hembourg, +et que c'est en faveur du roy de Dannemarc, pour +se rescentir d'aulcuns mauvais déportemens, que icelle +ville a uzé contre luy, durant la guerre contre le roy de +Suède, et m'a dict l'ambassadeur d'Espaigne que le duc +d'Alve est très bien adverty que ce n'est à aultres fins que +pour branqueter la dicte ville; et que ce que le comte de +Vuandeberg a aussi entreprins, de retourner en quelcune +de ses terres en Frize, n'a esté qu'une légière course, laquelle +ne luy a bien réuscy; et que le dict duc craint si peu, +pour ceste année, les mouvemens d'Allemaigne, qu'il +renvoye une partie de sa cavallerie au secours des Vénitiens +contre le Turq, estimant qu'il n'eust peu rien succéder +plus à propos pour le repos de la Chrestienté que la mort +soubdainement advenue du duc Auguste<a name="FNanchor_25" id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">[25]</a>. Néantmoins il +m'a confessé que, pour quelque souspeçon de guerre aulx +Pays Bas, le dict duc ne parloit plus de s'en retourner en +Espaigne, et que le propos du duc de Medina Cœli estoit +réfroydy, s'estans desjà expédiez les princes de Bohesme +de Leurs Majestez Catholiques pour s'en retourner par +Gennes en Allemaigne, sans qu'il fût nouvelles que le dict +duc les accompaignât; qu'au reste toutz les articles de la +ligue contre le Turc estoient accordez; ne restoit plus que +celluy de la création du lieuctenant de général: que le +Pape vouloit que ce fût Marc Anthonio Collonna, et le +Roy d'Espaigne, puisque dom Joan d'Austria estoit le général, +<span class="pagenum"><a id="Page_454"> 454</a></span> +desiroit que le commandador major de Castille ou +bien Joan André Doria eussent à commander soubz luy. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxxı<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</span></p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p> + +<p>Madame, estant en ce festin, où j'ay esté convyé pour +accompaigner la Royne d'Angleterre, le xxııȷ<sup>e</sup> de ce +mois, elle a prins playsir de deviser l'après dinée, fort +longtemps avecques moy; et, entre aultres choses, elle +m'a dict qu'elle estoit résolue de se maryer, non tant pour +ne s'en sçavoir passer, (car elle en avoit assés faict de +preuve), comme pour satisfaire à ses subjectz; et aussi pour +obvier, par l'authorité d'ung mary, ou par la nayssance de +quelque lignée, s'il playsoit à Dieu luy en donner, aux +entreprinses qu'elle sentoit bien qu'on feroit contre elle, +et sur son estat, si elle devenoit si vieille qu'il n'y eust plus +lieu de prendre party, ny espérance qu'elle deubt avoir +d'enfans. Il est vray qu'elle craignoit grandement de n'estre +bien aymée de celluy qui la vouldroit espouser, qui luy seroit +ung second inconvénient plus dur que le premier, car +elle en mourroit plustost; et que, pourtant, elle y vouloit +bien regarder.</p> + +<p>Je luy ay respondu que à si prudentes considérations et +si vrayes, comme celles qu'elle disoit, je n'avois que adjouxter, +sinon qu'elle pouvoit, dans ung an, avoir bien +pourveu à tout cella, si, avant les prochaines Pasques, elle +se maryoit à quelque prince royal, dont l'ellection s'en pourroit +aiséement faire; et j'en cognoissoys ung qui estoit nay +à tant de sortes de vertu, qu'il ne failloit doubter qu'elle +n'en fût fort honnorée et singulièrement bien aymée, et +<span class="pagenum"><a id="Page_455"> 455</a></span> +dont j'espèrerois qu'au bout de neuf mois après, elle se +trouveroit mère d'ung beau filz; par ainsy, en se rendant +très heureuse de mary et de lignée, elle amortyroit, par +mesmes moyen, toutes les malles entreprinses qui se pourroient +jamais dresser contre elle.</p> + +<p>Ce qu'elle a aprouvé bien fort, et à suivy le propos +assés longtemps, avec plusieurs parolles joyeuses et modestes; +et estoit Mr le cardinal de Chatillon au mesmes festin, +auquel elle n'a point parlé à part; mais, le lendemain, +il a demandé audience, et a esté quelque temps avec elle; +puys, au retour, il m'est venu dire adieu, parce qu'il +partoit le lendemain pour Canturbery, et m'a compté l'estat +où il layssoit l'affaire, qui luy sembloit estre en termes +d'y pouvoir commancer quelque fondement, mais non qu'il +y en vît encores nul pour s'y debvoir arrester; dont dépescheroit +Dupin pour le vous aller représanter tel qu'il estoit, +affin que Vostre Majesté, sellon sa prudence, nous +vollût commander, à luy et à moy, ce que nous aurions +à faire.</p> + +<p>Je luy descouvriz quelques choses que j'avois aprinses +de sa négociation, pour luy donner plus grand lumyère +comme elle estoit receue, et avons advisé d'user de bonne +intelligence ensemble, mais secrectement, affin d'obvier +aulx soupeçons de ceste court, qui bientost seroient si +grandz en ce faict, que plus ne se peult dire; et n'ay point +faict semblant au dict sieur cardinal que Vostre Majesté +m'en ayt encores faict mencion; mais ceulx qui m'ont donné +les premiers adviz de ce qu'il en a proposé, m'ont adverty +qu'à la vérité il n'a point monstré lettre de Voz Majestez, +qui luy en donnast expresse commission; dont la dicte Dame +s'estoit retirée, et avoit dict que, quant vous y vouldriez +<span class="pagenum"><a id="Page_456"> 456</a></span> +entendre, vous m'en commanderiez quelque chose, comme +vous fiant beaucoup de moy. Et ceulx là mesmes m'ont +mandé qu'elle a parlé de ce faict à plusieurs des siens, à +part l'ung de l'aultre, et mesmes a vollu avoir le conseil +du duc de Norfolc, qui a respondu qu'il avoit esté le principal +autheur d'induyre les Estatz de ce royaulme à la +suplyer de se maryer, et de laysser à sa liberté de prendre +le party que bon luy sembleroit: dont ne vouloit +changer d'opinion; que quant à Monsieur, toutes choses +estoient grandes en luy, mais qu'il falloit regarder aux +condicions, sur quoi le mariage se pourroit conclurre, +qui fussent honnorables pour sa Mestresse et heurées +pour son estat.</p> + +<p>D'aultres m'ont mandé que les quatre principaulx, qui +guydent les intentions de la dicte Dame, se sont assemblez +pour résouldre qu'est ce qu'ilz luy en conseilleroient. Je +vous manderay bientost leur conseil, et vous adjouxteray +cependant, Madame, cestuy cy du mien, qu'encor que +ceste princesse soit bonne et vertueuse, je ne la tiens +toutesfois esloignée du naturel de celles qui veulent monstrer +de fouyr, lorsque plus elles sont recerchées; et ceste +nation a aussi cella de péculier que, plus on desire quelque +chose d'eulx, encor qu'à leur proffict, plus ilz la souspeçonnent; +dont sera bon de ne descouvrir trop d'affection +de vostre costé, Madame, jusques à ce qu'ilz se soyent +layssez clairement entendre du leur. Je vous escripray bientost +d'aultres choses plus importantes de ce propos par le +S<sup>r</sup> de Vassal, qui vous pourront assés esclayrer: et sur +ce, etc. <span class="i2">Ce xxxı<sup>e</sup> jour de janvier 1571.</span></p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_457"> 457</a></span></p> + +<h2 class="p4">CLVIII<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">VI</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1571.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à la court par le S<sup>r</sup> de Vassal.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Négociation concernant Marie Stuart.—Congé accordé par la reine aux fils +du comte de Dherby.—Concession faite par le pape au roi d'Espagne du +royaume d'Irlande, sous la condition d'y rétablir la religion catholique.—Entreprise +préparée par les Espagnols pour s'emparer de ce pays.—<em>Lettre +secrète à la reine-mère.</em> Négociation du mariage du duc d'Anjou.—<em>Mémoire.</em> +Nouvelles d'Allemagne.—Projet des protestans de faire une +entreprise contre les Pays-Bas.—Affaires d'Écosse.—<em>Mémoire secret.</em> Détails +circonstanciés et confidentiels sur la proposition de mariage du duc +d'Anjou.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, s'estant la Royne d'Angleterre bien trouvée de sa +santé en ceste ville de Londres, d'où le grand yver a +chassé toute souspeçon de peste, elle s'est résolue d'y +passer le reste du caresme prenant, et, à ceste cause, +s'est allée loger en sa mayson de Ouesmestre, où l'on radresse +les lisses pour le tournoy, dont je vous ay cy devant +escript; ayant remiz la dicte Dame de ne descendre à +Grenvich jusques à environ la my mars, que noz amys de +ceste court nous donnent grand espérance que les affaires +de la Royne d'Escosse seront, entre cy et là, accommodez, +nonobstant les grandz empeschemens que les comte +et comtesse de Lenoz s'esforcent d'y mettre; qui, despuys +huict jours, ont donné entendre qu'il y avoit une entreprinse +dressée en Escosse pour venir enlever la dicte Dame +du lieu où elle est, et l'aller remettre par force en son estat. +De quoy est advenu que le comte de Cherosbery l'a +faicte despuis fort observer, et luy a usé ceste rigueur qui +l'a faicte recheoir en fiebvre, mais l'on y a remédié le +<span class="pagenum"><a id="Page_458"> 458</a></span> +mieulx et par le plus sage moyen qu'on a peu. Les depputez +de l'aultre party s'espèrent en ce lieu, dans cinq ou +six jours, et n'est possible que plus tost qu'ilz arrivent +nous puissions aulcunement advancer le tretté. Ceulx qui +portent icy ce faict m'ont prié, Sire, de vous advertyr en +dilligence que milord Boucard a commission expresse de +vous en parler et de remander incontinent par deçà vostre +responce, et tout ce qu'il aura pu noter de vostre intention +en cella, affin que, sellon qu'il vous y aura cogneu +ou remiz, ou affectionné, l'on procède icy ou froydement, +ou bien avecques effect, au dict tretté; dont Vostre Majesté +luy pourra user des mesmes parolles vertueuses et +modestes qu'il a faict jusques icy, affin de consommer +l'honnorable œuvre, qu'avez commancé, de la restitution +de ceste princesse, qui touche assés à Vostre Majesté et à +la réputation de vostre couronne; et aussi pour obvier aulx +inconvéniens qu'à faulte de ce pourroient cy après survenir.</p> + +<p>Les deux filz du comte Derby, nonobstant qu'on les ayt +advertys de ne demander leur congé, n'ont layssé d'instantment +le pourchasser; et leur est advenu ce qu'ilz +avoient pansé, qu'on ne le leur auzeroit reffuzer, dont, +après que la Royne leur a faict quelque réprimande, et +les a heu admonestez de se mieulx déporter pour l'advenir, +avec quelque difficulté de ne leur bailler sa main à bayser, +elle les a licenciez.</p> + +<p>Au surplus, Sire, aulcuns seigneurs catholiques de ce +royaulme me viennent d'advertyr qu'ilz ont tout freschement +receu nouvelles de Rome, comme le Roy d'Espaigne +a envoyé proposer au Pape l'offre que Estuqueley luy a faicte +du royaulme d'Yrlande, de la part de ceulx du pays, qui +<span class="pagenum"><a id="Page_459"> 459</a></span> +sont prestz de le recepvoir, et comme il n'y a vollu entendre, +sans la concession de Sa Saincteté, comme de celluy, +de qui relève, de droict, icelle couronne; et que Sa dicte +Saincteté luy en a desjà envoyé son consens avec permission +d'entreprendre, au nom de Dieu, ceste conqueste, en ce +qu'il restablyra la religion catholique au dict pays; et que +le dict Roy est dellibéré d'y faire descendre bientost, ou +du costé d'Espaigne ou de Flandres, dix mil hommes. Je +ne sçay encores si les dicts seigneurs catholiques ont +encores descouvert rien de cecy à leur Royne; tant y a +que je ne vois pas qu'il se face nul préparatif pour y résister: +et l'ambassadeur d'Espaigne m'a curieusement enquiz +comme il alloit de ces Brethons, qui estoient descenduz au +dict pays, et en quoy en estoit la plaincte, que la Royne +d'Angleterre m'en avoit faicte. A quoy je luy ay respondu, +sellon l'intention que j'ay estimé qu'il me le demandoit. +Et a l'on opinion, Sire, qu'affin que ceulx cy ne +souspeçonnent rien de l'entreprinse, et qu'ilz ne preignent +nulle deffiance du Roy d'Espaigne, le duc d'Alve les +va entretenant d'ung grand artiffice sur l'accord des merchandises, +lequel pourtant se monstre enveloupé chacun +jour de nouvelles difficultez. Sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce vı<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">A la Royne.</p> + +<p class="right">(<em>Lettre à part.</em>)</p> + +<p>Madame, j'ay sceu que des quatre seigneurs que je vous +escripviz, par ma précédante petite lettre, qui s'estoit assemblez +pour dellibérer de ce qu'ilz avoient à conseiller à +leur Mestresse touchant le party de Monseigneur vostre +filz, le premier l'a plainement aprouvé comme très bon +<span class="pagenum"><a id="Page_460"> 460</a></span> +et très honnorable; le second l'a entièrement contradict, +comme suspect à la religion protestante, plein de jalouzie +aulx aultres princes, et très dangereux pour ce royaume; +le tiers a assez suyvy ceste seconde opinion; et le quatriesme +s'est joinct au premier, mais avec ung conseil assés +dangereux: c'est qu'il a dict qu'il falloit, en toutes +sortes, suyvre le propos, car si leur Mestresse estoit résolue +de se marier et de ne vouloir point des siens, il n'y +avoit nul prince si commode au monde pour elle que Monsieur, +et qu'il ne falloit doubter que le mariage ne s'en +ensuyvyst, avec l'honneur et advantaige d'elle et de son +royaume: si, d'advanture, elle n'en avoit nul desir, encores +sçavoit il le moyen comme, avecques le mesmes +honneur et advantaige, après qu'on se seroit servy du propos, +l'on le pourroit rompre sans offancer Monsieur, qui +n'en demeureroit que bien affectionné à la dicte Dame, +mais que tout le mal gré en tumberoit sur le Roy, par ce qu'il +n'auroit vollu accomplyr les condicions; et s'en engendreroit +une division entre les deux frères, qui ne seroit que +utille à l'Angleterre. Ce n'est pourtant, Madame, que +celluy, qui a donné ce conseil, n'ayt bonne affection au +party, mais il est anglois, et possible il a proposé cella, +affin qu'il se trouve tant moins de contradisans au présent +desir de la dicte Dame, laquelle monstre cercher bien fort +qui le luy veuille aprouver; et c'est cependant un adviz à +Vostre Majesté pour divertyr que tel inconveniant n'adviegne.</p> + +<p>J'ay cerché de sçavoir qu'est ce qui avoit réussy du dict +conseil, et aulcuns de ceulx, qui ne sont encores bien résoluz +s'ilz debvoient trouver le dict party bon ou mauvais, +m'ont mandé que toutes les parolles et démonstrations de +<span class="pagenum"><a id="Page_461"> 461</a></span> +la dicte Dame et des siens ne sont que simulation, affin de +pouvoir bientost tenir ung parlement là dessus, et tirer de +l'argent des subjectz, et se meintenir en quelque réputation +vers eulx et vers les princes estrangiers; et que pourtant +l'on ne se doibt haster d'en parler plus avant, jusques +à ce que l'on y voye quelque meilleur fondement; et que +mesmes le comte de Lestre s'estoit de nouveau faict proposer +à sa Mestresse par aulcuns des principaulx du conseil, +qui avoit fort réfroydy le propos. D'aultres m'ont +mandé que la dicte Dame persévéroit, et à bon esciant, +et pour causes nécessaires, à se vouloir marier; et que, +sur le partement de milord Boucard, entendant les diverses +opinions que ceulx de son conseil avoient là dessus, elle +les avoit assemblez pour leur dire, la larme à l'œil, que, +si nul mal venoit à elle, à sa couronne et à ses subjectz, +pour n'avoir espousé l'archiduc Charles, il debvoit estre +imputé à eulx et non à elle; qui aussi estoient cause que +le Roy d'Espaigne avoit esté offancé, et que le royaulme +d'Escosse estoit en armes contre le sien, et qu'il n'avoit +tenu aussi à eulx que le Roy n'eust esté beaucoup provoqué +davantaige par leurs déportemens en faveur de ceulx +de la Rochelle, si elle ne les eust empeschez; dont les +prioit très toutz de luy ayder meintenant à rabiller toutz +les maulx par ung seul moyen, qui estoit de bien conduyre +ce party de Monsieur; et qu'elle tiendroit pour mauvais +subject, et ennemy de ce royaulme et très déloyal à son +service, qui aulcunement le luy traverseroit. Dont me +vouloient bien asseurer que nulz, à présent, n'y ozoient +plus contradire.</p> + +<p>Je n'ay layssé, pour cella, de tenir fort suspect le +comte de Lestre, à cause de l'adviz précédant, jusques à +<span class="pagenum"><a id="Page_462"> 462</a></span> +ce que luy mesmes, lundy dernier, s'est convyé à dyner +en mon logis avec le marquis de Norampthon, le comte +de Sussex, le comte de Betfort, milord Chamberlan, et +aultres seigneurs de ceste court, tout exprès pour me venir +compter comme les partisans d'Espaigne, qui craignent +infinyement le mariage de Monsieur, et aussi le secrétaire-Cecille +qui ne veult en façon du monde que sa Mestresse +ayt ny luy, ny nul aultre mary que soy mesmes, qui est +roy plus qu'elle, l'avoient fort instantment sollicitée de +vouloir accepter le dict comte de Lestre comme celluy qui +seroit de très grande satisfaction à tout le royaulme, et +qu'elle mesmes l'avoit pryé de les en remercyer; mais il luy +avoit respondu que, quant le temps luy estoit bon, ils luy +avoient esté contraires, et meintenant que le temps ne luy +servoit plus ilz monstroient de luy ayder, et qu'ilz ne faisoient +cella, ny comme bons serviteurs d'elle, ny comme +vrays amys à luy, ains pour interrompre le propos de Monsieur; +par ainsy, qu'elle l'excusât s'il ne leur en sçavoit nul +gré, ny leur en randoit nul mercys. Et a adjouxté qu'il +espéroit que les amys pourroient plus en cecy que les adversayres. +J'ay donné instruction, Madame, d'aulcunes +aultres particullaritez là dessus au S<sup>r</sup> de Vassal, comme à +ung gentilhomme, que je tiens fort secrect et fidelle, qui +vous en rendra bon compte; et sur ce, etc.</p> + +<p class="right">Ce vı<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</p> + +<div class="blockquote"> +<p class="center"><span class="smcap">DIRA LE S<sup>r</sup> DE VASSAL A LEURS MAJESTEZ,</span> +oultre les choses susdictes:</p> + +<p>Que, despuys quelque temps en çà, la Royne d'Angleterre a déclaré +qu'elle se vouloit maryer, et a monstré que ce sien desir estoit +fondé sur une tant raysonnable et quasi nécessaire occasion que plusieurs, +qui souloient opinyastrer le contraire, commencent d'en parler, +<span class="pagenum"><a id="Page_463"> 463</a></span> +à ceste heure, aultrement; néantmoins, sur ce qui ne se peult +bien dicerner encores, si elle le veult à bon esciant, ou bien si elle +le veult ainsy donner à croyre, et sur la diversité des partys ausquelz +elle pourroit entendre, et des condicions qui auroient à se requérir, +non seulement ceulx de son conseil, mais ceulx de sa noblesse, et +presque toutz ses principaulx subjectz en sont en grand contention +entre eulx, et se bandent desjà en plusieurs conseils et assemblées +secrectes pour en tretter, sellon que le desir, ou de pourvoir à la +religion protestante; ou d'ayder à la catholique; ou de préjudicier +aulx tiltres prétendus de la succession de ce royaulme; ou de favoriser +les affaires de la Royne d'Escosse; ou de nourryr amytié avec la +France; ou bien de confirmer plus que jamais celle de Bourgoigne; +ou de n'innover rien au présent estat de ce royaulme, qui est doulx +à plusieurs, pousse les ungs et les autres à interrompre ou bien advancer +le propos.</p> + +<p>Néantmoins, pour estre encores ceste matière trop peu meure, la +dicte Dame réserve la tenue de son parlement jusques en may ou +juing, pour en mieulx dellibérer, lequel aultrement debvoit estre +convoqué en ce moys de janvier, sur la nécessité d'avoir argent; +car l'Allemaigne et l'Escosse, despuys deux ans, luy ont assés espuysé +ses finances; et l'interruption du commerce n'a permiz qu'elle +les ayt peu remplyr, bien que, en certain propos, elle m'a naguières +donné entendre qu'elle avoit heu si peu de nécessité, que encores +n'avoit elle aulcunement touché aulx deniers du Roy d'Espaigne.</p> + +<p>Par lettres, naguières venues de dellà la mer, de divers lieux, +l'on est en diverses opinions, en ceste court, des choses d'Allemaigne; +car les ungs mandent que le duc d'Alve a intelligence avec le +duc de Sualsambourg, pensionnaire du Roy d'Espaigne, contre +la ville de Hembourg, parce qu'elle a receu le commerce des Anglois, +et est encores pleyne de leurs merchandises, et si, a favorisé +les pratiques du prince d'Orange, et forny argent pour icelles contre +les Pays Bas.</p> + +<p>Les aultres escripvent que les princes et capitaines, qui lèvent gens +en Allemaigne, s'entendent avec le dict de Sualsambourg et avec le +comte de Vuandeberc, et que, soubz colleur, l'ung d'assiéger Hembourg +pour le roy de Danemarc, et l'aultre de recouvrer ses terres, +ilz se préparent toutz deux, et le roy de Dannemarc aussi, à l'entreprinse +des Pays Bas, avec le secours que le Prince d'Orange, beau +frère des trois, doibt admener d'Allemaigne; et que icelluy roy de +Dannemarc dellibère d'interrompre toutz les trafficz d'Ostrelan, et +<span class="pagenum"><a id="Page_464"> 464</a></span> +des régions froydes, aulx Flamans; et mesmes leur serrer une rivière, +par où ilz ont accoustumé de recouvrer leurs bledz et aultres +provisions, affin de commancer, de bonne heure, à leur retrancher +vivres.</p> + +<p>Et adjouxtent que Monsieur, frère du Roy, n'est que bien disposé +à ceste entreprinse pour recouvrer ceste portion des dicts Pays Bas, +qui apartient à la couronne de France; et qu'il a suplié le Roy de luy +permettre de faire ung essay pour en agrandir son appanaige, et d'y +employer la gendarmerye, et ce grand nombre de gens de guerre, qui +sont meintennant en France, mesmes que les Françoys ne desirent +rien tant que cella; s'apercevans enfin des tromperies et simulations +du Roy d'Espaigne et de ses ministres, et murmurans que les +jours ont esté advancez à sa dernière femme, Fille de France, par +mauvais trettement qu'elle a reçeu avecques luy, dont j'ay merveilleusement +rejetté tout le contenu de cest article, quant on m'en a +parlé;</p> + +<p>Et que le duc d'Alve, craignant ung si grand orage, commance de +mettre ung grand ordre à ses affaires, à recueillyr deniers et armes +de toutz costez, et faire secrecte description de gens de guerre. Néantmoins +l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, monstre de ne croyre, +en façon du monde, qu'il y ayt nulz aprestz contre les Pays Bas, ains +tout le contraire, ainsi que je l'ay mandé par ma précédante dépesche, +qu'encor qu'il pense bien qu'il ne tiendroit aulx Anglois +que telles choses ne fussent mises en avant et exécutées, que néantmoins +la Royne d'Angleterre n'y veult advancer ses deniers contans, +ni aultre chose que parolles et promesses, qui ne sont suffizantes +pour mouvoir les Allemans, ni pour faire marcher une armée.</p> + +<p>Comme, à la vérité, j'entendz que le capitaine, qui est icy pour +le duc Auguste, et qui asseure n'y avoir aulcune certitude de la +mort de son maistre, mais bien qu'il estoit fort mallade, n'a esté +encores guières bien respondu sur la pratique qu'il mène d'avoir +deniers pour les dicts aprestz d'Allemaigne; et si, semble qu'il n'inciste +pas fort que la dicte Dame veuille entrer en nulle ligue avec +les princes protestans, s'estant layssé entendre que le dict duc Auguste +aussi n'y entrera pas et qu'il ne cerche que fère amys de toutz +costez, pour s'en ayder au besoing; néantmoins qu'il favorisera et +assistera la dicte entreprinse d'iceulx princes.</p> + +<p>Le susdict ambassadeur d'Espaigne a heu adviz que Mr le cardinal +de Chatillon a proposé à ceste Royne, et à ceulx de son conseil, s'ilz +trouveroient bon que le comte Ludovic de Naussau vînt avec aulcuns +<span class="pagenum"><a id="Page_465"> 465</a></span> +bons navyres de guerre de la Rochelle pour se joindre à ceulx du +S<sup>r</sup> de Lumbres, affin de tenir ceste mer subjecte contre le duc +d'Alve à la dévotion toutesfoys de ce royaulme, et que cella a esté +bien receu du dict conseil et favorisé du comte de Lestre, et qu'il +entend qu'on arme à cest effect à la Rochelle plusieurs navyres, +chose qu'il estime ne pouvoir estre trouvée bonne du Roy.</p> + +<p>Les depputez de la Royne d'Escosse sont venuz plusieurs fois +prandre familièrement leur disner en mon logis, et m'ont, entre +aultres choses, remonstré qu'ilz sont envoyez, de la part des principaux +seigneurs de leur pays, pour assister au tretté et y procurer la +restitution de leur Mestresse, avec charge de procéder en tout sellon +qu'elle leur ordonnera, et avec article espécial de ne faire rien +au préjudice de l'alliance de France; et qu'ilz supplient très humblement +le Roy, qu'au cas que le dict tretté ne succède, qu'il veuille +avoir souvenance d'eulx; car ilz disent avoir esté toutz essayez, l'ung +après l'autre, par grandes offres et présens, de la part de la Royne +d'Angleterre, pour suyvre son party, et qu'ilz ont tout rejetté, et ont +choysy de souffrir plustost toutes extrémitez que de quicter ung seul +point de l'alliance et dévotion qu'ilz ont à la couronne de France;</p> + +<p>Et que les dicts seigneurs requièrent une chose de l'évesque de +Roz et de moy, c'est que nous les veuillons advertyr, de bonne +heure, s'il y aura apparance que le tretté ne succède, affin de se +pourvoir; et que, sans mettre le Roy en nulle guerre ouverte, s'il luy +playt les ayder, quelque temps, de quatre mil escuz par mois, pour +entretenir trois cens hommes dans le chasteau de Lislebourg, et +sept cens hommes en la campaigne, ilz promettent de faire ce qui +s'ensuyt:</p> + +<p>Sçavoir, le lair de Granges, capitaine du dict chasteau de Lislebourg, +de surprendre les comtes de Lenoz et de Morthon, et les +mettre dans son dict chasteau, pour en faire ce que leur Mestresse +commandera, et de randre paysible et obéyssante la ville de Lislebourg +à la dicte Dame; les aultres seigneurs qu'avec les sept centz +hommes, ilz chasseront les Anglois de tout le pays, estandront leur +ligue, remettront partout l'authorité de la Royne d'Escosse, de sorte +qu'il ne se parlera plus que de luy obéyr, et de demeurer fermes en +l'alliance de France, et qu'ilz réduyront, tout entièrement, le +royaulme en l'estat qu'il estoit auparavant, estantz toutz les principaulx +de la noblesse de ce desir, sinon le dict Lenoz, qui n'a, à +présent, cinq cens escuz de rante au dict pays, et Morthon, qui est +homme nouveau et sordide.</p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_466"> 466</a></span> +Le Roy d'Espaigne a escript à son ambassadeur, qui est icy, qu'il +le résolve clairement, et en brief, de ce qui se doibt espérer de la +restitution de la Royne d'Escosse, et en quoy l'on est du tretté, +monstrant qu'il a bien fort à cueur la matière; et icelluy ambassadeur +a dict à l'évesque de Roz que son Maistre ne regarde sinon +comme le Roy commancera d'y procéder, car, de sa part, il y est tout +prest et tout résolu. Et par lettre de Rome s'entend que le Pape a +desjà miz une provision de deniers ez mains du duc d'Alve, pour +ayder l'entreprinse sellon que l'ordre en sera mandé par Ridolfy; lequel +Ridolfy et les seigneurs catholiques de ce pays, me recerchent +fort de mettre en avant que les deux Roys se veuillent entendre +et se unyr à la dicte entreprinse; ce que j'ayme mieulx qui me soit +proposé par le dict ambassadeur, qui ne m'en a parlé, longtemps y a, +que non pas par eulx.</p> + +<p>Je ne puis encores juger au vray si la dellibération de la dicte +entreprinse est bien certaine, et moins encores quel événement elle +pourra avoir. Tant y a que, pour la conformité de celle d'Yrlande, +elle me semble trop esloignée du vraysemblable, et je sens bien que +les Escouçoys, doubtans du secours de France, commancent fort +d'espérer en cestuy cy; et le duc d'Alve leur a desjà advancé quelques +deniers, ainsy que je l'ay desjà escript.</p> + +<p><span class="center smcap">AULTRE MÉMOIRE ET INSTRUCTION A PART:</span></p> + +<p>Que le propos de maryer Monsieur avec la Royne, a prins son +commancement de ce que, ayant, en une mienne audience, parlé à la +dicte Dame des fianceailles du Roy, qui se debvoient faire à Espire, +après qu'elle se fût retirée avec ses dames, elle se plaignit que, se +faisans plusieurs honnorables mariages en la Chrestienté, nul de +son conseil ne luy parloit à elle de prandre party, et que, si le comte +de Sussex fût présent, au moins luy ramentevroit il l'archiduc +Charles.</p> + +<p>Ce que ayant l'une des dames raporté au comte de Lestre, il s'esforcea, +le lendemain, affin de luy complayre, de luy remettre si bien +le dict archiduc en termes, que le voyage de Coban en fut incontinent +dressé; et, de là en avant, elle monstra, de plus en plus, estre +résolue de se maryer, et de parler d'affection de l'archiduc, de sorte +que le dict comte se repentyt assés d'en avoir meu le propos.</p> + +<p>Sur quoy arrivant le vydame de Chartres pour prandre congé +d'elle, il luy parla de Monsieur, frère du Roy, et en parla aussi à +<span class="pagenum"><a id="Page_467"> 467</a></span> +plusieurs de son conseil, qui en furent les ungs bien ayses pour +traverser l'aultre propos, et les aultres marrys, qui ne vouloient +qu'on mit, en façon du monde, cestuy cy en avant.</p> + +<p>Dont, après que le dict Coban fût de retour avec la responce de +reffuz, elle commança lors d'ouyr, avec plus d'affection, ceulx qui +luy proposoient Monsieur; et arrivant là dessus quelque responce du +vydame, et survenant, peu après, Mr le cardinal de Chatillon, la +matière s'est si bien eschauffée que la dicte Dame ne parle plus que de +luy, et a dict, tout hault, «que les siens l'avoient souvant pressée de +se maryer, mais puys après ilz y avoient adjouxté tant de dures condicions +qu'ilz l'en avoient engardée, et qu'elle cognoistroit meintenant +qui seroient ses bons et fidelles subjectz, et les sauroit bien +remarquer, et qu'elle tiendroit pour desloyaux ceulx qui luy traverseroient +ce tant honnorable party».</p> + +<p>Et comme l'une de ses dames regrettoit que Mon dict Seigneur +n'eust quelques ans davantaige, elle respondit:—«Il a vingt ans qui +en vallent vingt cinq, car il n'y a rien en son esprit, ny en sa personne, +qui ne soit d'homme de valleur.»</p> + +<p>Et à milord Chamberland qui luy faisoit ung compte, comme Mon +dict Seigneur avoit faict une course jusques à Roan pour voir une +jeune flamande fort belle, que le père, craignant qu'elle ne se derrobât +pour le suyvre, l'avoit jettée en haste hors de la ville et conduicte +à Dièpe, où n'attendoit que le vent pour la passer en Angleterre, +l'une des dames respondit:—«Et bien c'est qu'il n'est point +paresseux pour aller voir les dames, il ne craindra guières de passer +la mer.»—«Ce ne seroit, respondit la Royne, à mon proffict +qu'il fût si dilligent, mais il n'en est pourtant moins à priser.»</p> + +<p>Et au baron de Vualfrind, lequel je luy présentay de la part du +Roy, après qu'elle luy eust assés amplement parlé du mariage de +l'archiduc, en une façon pleyne de jalouzie et de desdein, réprouvant +bien fort les nopces d'entre si prochains, comme l'oncle et la +niepce:—«Bien que le Roy d'Espaigne, disoit elle, comme grand +prince, eust possible estimé que son exemple servyroit de loy au +monde, mais c'estoit une loy contre le ciel;» luy dit:—«Que l'archiduc +luy estoit grandement obligé de ce que, l'ayant reffusé, elle luy +avoit faict trouver mieulx qu'elle, et où l'amytié ne deffauldroit, car, +s'ilz ne s'aymoient comme espouzés, ilz s'aymeroient comme parans; +et qu'elle espéroit aussi trouver mieulx que luy, dont le regrect cesseroit +des deux costez.» Puys se corrigea que;—«A la vérité elle ne +l'avoit pas reffuzé, mais elle avoit bien différé la responce, et il ne +<span class="pagenum"><a id="Page_468"> 468</a></span> +l'avoit vollue attandre; néantmoins elle ne lairroit d'aymer et honnorer +toutjour l'Empereur, et toute sa mayson, sans aulcun excepter.»</p> + +<p>Et, au retour de là, le dict sieur baron me demanda si je pensois +qu'elle eust parlé d'affection et avec jalouzie du dict archiduc, ou +bien par manière de deviz, et qu'il se repentoit de ne luy avoir proposé +le prince Rodolfe, qui a desjà dix sept ans. Je luy respondiz +que «le voyage, que le jeune Coban avoit dernièrement faict devers +l'Empereur, monstroit que, si l'archiduc eust vollu, à ceste +heure, entendre à ce party, qu'il eust esté accepté.»—Il répliqua «qu'il +en auroit doncques beaucoup de regrect, et qu'il s'estoit trop hasté +de s'obliger à celle de Bavière, bien qu'il me vouloit dire que les +conditions, sur lesquelles on le vouloit maryer avec ceste Royne, +estoient, à ce qu'il avoit ouy dire, si dures et iniques qu'il eust esté +trop plus subject que Roy.»</p> + +<p>L'on me vient d'advertyr que, sabmedy dernier, se plaignant la +dicte Dame à l'admyralle Clinton et à milady Coban des difficultez, +qu'aulcuns des siens trouvoient au party de Monsieur, comme trop +jeune, elle les avoit conjuré de luy en dire librement leur opinion, +et que, comme les deux plus loyales, et où elle se fyoit plus qu'en +dames de ce monde, elles ne luy en vollussent rien dissimuler; et +que la dicte Clinton, luy ayant fort loué ses perfections et confirmé +grandement son opinion de se maryer, avoit aprouvé entièrement +qu'elle deût espouser Monsieur; et que sa jeunesse ne luy debvoit +faire peur, car il estoit vertueux, et elle, pour luy en donner, +en toutes sortes, plus de satisfaction que nulle aultre princesse du +monde ne sçauroit faire. Ce que la dicte Dame avoit accepté avec +tant de démonstration de playsir, que milady Coban, n'y ozant rien +contradire, avoit seulement dict que les mariages estoient toutjour +mieulx faictz et plus plains de contantement, quant l'on espousoit +personne de âge pareil, ou aprochant au sien, que quant il y avoit +grande inégalité. A quoy elle avoit respondu:—«Qu'il n'y avoit que +dix ans de différant entre deux, et qu'il eust esté fort à propos que +ce eust esté luy qui les heût davantaige; mais, puysqu'il playsoit à +Dieu qu'elle fût la plus vielle, elle espéroit qu'il se contenteroit des +aultres advantaiges.»</p> + +<p>Il semble que milord Boucard va par dellà fort pourveu de +bonne intention en cest endroict, et qu'il desire infinyement d'y estre +employé; et le secrétaire, qu'il mène, qui luy a esté ordonné par +la dicte Dame, s'est venu offryr à moy de servyr, en tout ce qu'il +pourra, jusques à la mort; et le S<sup>r</sup> Cavalcanty y est plus ardant que +<span class="pagenum"><a id="Page_469"> 469</a></span> +nul, mais je ne sçay s'il a encores descouvert en quelle intention en +est Cecille; tant y a que deppendant entièrement de luy, il sera bon +d'aller ung peu réservé en son endroict, et néantmoins s'en servyr +en ce que Leurs Majestez cognoistront qu'il leur y pourra estre ministre +commode et opportun; car, oultre qu'il se dict très dévot à la +France, et péculier serviteur de la Royne, il est fort bien entendu +ez humeurs de deçà. Il n'a vollu partyr avec le dict Boucard pour +n'estre veu aller aulcunement pour ce fait, et m'a dict qu'il n'est pas +expressément commandé de faire le voyage, mais qu'on est bien fort +ayse qu'il le face, et il part demain matin.</p> +</div> + +<h2 class="p4">CLIX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1571.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès par Jehan Volet jusques à Calais.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Négociation de Walsingham, ambassadeur en France.—Affaires d'Irlande; +crainte des Anglais qu'une entreprise ne soit tentée sur ce pays.—Affaires +d'Écosse; retards apportés à la conclusion du traité.—Ligue contre les +Turcs.—Nouvelles d'Allemagne.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, par la première dépesche, que le S<sup>r</sup> de Vualsinguan +a faict par deçà<a name="FNanchor_26" id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">[26]</a>, il s'est si grandement loué à la +Royne, sa Mestresse, de l'honorable réception et des +vertueuses responces qu'il a eues de Vostre Majesté, et +des bons propos et démonstrations que la Royne, vostre +Mère, et Monseigneur, luy ont usé, que le comte de Lestre +m'a mandé qu'elle m'en rendra ung bien fort grand +mercys, la première fois que je l'yray trouver, affin que +je le vous face puys après entendre de sa part; et que je +vous représante le grand contantement qu'elle en a reçeu, +<span class="pagenum"><a id="Page_470"> 470</a></span> +qui ne la pourriez, à ce qu'il dict, en nulle chose du +monde plus grandement gratiffier que de favoriser ses ambassadeurs. +Et n'ay point sçeu, à la vérité, Sire, que, +pour ce commancement, il ayt donné que une bien fort +bonne satisfaction de Voz Majestez à sa dicte Mestresse. Il +est vray qu'il a asseuré la dicte Dame, ainsy qu'on m'a +dict, que la pratique, que le capitaine La Roche mène en +Yrlande, n'est incogneue en vostre court; de quoy aulcuns +de son conseil luy ont vollu persuader qu'elle devoit +donc révoquer milord de Boucard qui, pour ceste occasion, +a esté arresté ung jour à Canturbery; mais elle a vollu +qu'il ayt passé oultre, espérant que, sur ce qu'elle m'a naguières +proposé d'icelluy faict, Vostre Majesté l'en satisfera +bientost.</p> + +<p>La dicte Dame commance de tourner ses pensées aulx +choses du dict pays d'Yrlande, car, oultre le faict du dict +capitaine La Roche, elle a toutjours crainct que le Roy +d'Espaigne se vouldroit revancher des prinses de mer par +quelque entreprinse sur icelluy pays; et, encores, par le +dernier courrier de Flandres, entendant que le duc d'Alve +se monstroit si réfroydy en la composition des dictes prinses, +que l'agent de la dicte Dame estoit sur le poinct de s'en revenir, +sans avoir rien faict, elle en entroit en plus grande +deffiance, mais ung aultre courrier extraordinaire en vient +d'arriver, qui dict que icelluy agent a heu, despuys huict +jours, une meilleure responce du dict duc. Néantmoins, +estantz desjà aulcuns indices venuz à la dicte Dame de la +dellibération du dict Roy d'Espaigne en cella, et luy en +ayant Mr le cardinal de Chatillon, à ce qu'on m'a dict, +mandé, despuys six jours, d'aultres certains adviz, elle +monstre, à présent, de le croyre; dont a mandé à millord +<span class="pagenum"><a id="Page_471"> 471</a></span> +Sydney debitis d'Yrlande, qui estoit prest à s'en venir par +deçà, de ne bouger de sa charge, et de pourvoir soigneusement +à la garde du pays, et qu'elle donna promptement +ordre qu'il luy soit envoyé tout ce qui luy sera besoing.</p> + +<p>Les choses d'Escosse se brouillent de nouveau, car ceulx +du party de la Royne commancent de se revancher par +dellà sur ceulx qui suyvent le party du comte de Lenoz, et +le comte de Morthon, faisant le long à venir, prolonge icy +beaucoup le tretté, ce qui donne cependant loysir à la comtesse +de Lenoz et aulx siens de remettre en l'opinion de +la Royne d'Angleterre plusieurs malles impressions contre +la Royne d'Escosse, luy persuadant qu'elle aspire à sa vie et +à la déboutter de son estat, si bien qu'elle en est entrée en +de grandes souspeçons, mesmes contre ses plus intimes +conseillers; qui faict que toute ceste court s'en trouve divisée +et en grand perplexité. Dont les depputez de la dicte +Royne d'Escosse, craignans qu'enfin cella n'admène une +ropture du dict traicté, suplient, de rechef, très humblement +Vostre Majesté, de les vouloir, de bonne heure, et +par secrectz moyens, secourir de ceste provision de quatre +mil escuz par moys, qu'ilz vous demandent, durant quelque +temps, affin d'exécuter promptement ce qu'ilz ont projecté +pour le restablissement de l'auctorité de leur Mestresse, et +pour la conservation de leur pays, et pour l'honneur et la +gloire de Vostre Majesté et de l'alliance qu'ilz ont avec +vostre couronne; s'asseurans que la guerre ne durera jamais +ung ou deux tiers d'an. Et m'ont proposé, au cas +que voz présens affaires ne permissent, Sire, que les puyssiez +si tost ayder de ceste somme, qu'il soit vostre bon playsir +de la leur faire recouvrer sur l'afferme du douaire de +leur Mestresse, en la faisant délivrer à quelques merchans +<span class="pagenum"><a id="Page_472"> 472</a></span> +pour deux ou trois ans à venir, moyennant qu'ilz advanceront +les deniers, desquelz, s'il en debvoit survenir cy après +nul intérest à Vostre Majesté, ou quelque diminution à +leur dicte Mestresse, ilz se offrent de le faire rembourser +par les Estatz de leur pays; et ne vous auront, à ce qu'ilz +disent, moindre obligation que si le secours estoit tout entièrement +sorty de voz propres finances. A quoy vous +playrra, Sire, me faire respondre par voz premières, car, +sellon que j'en entendray vostre vollonté, je les laysseray, +ou bien les divertiray d'en envoyer poursuyvre le moyen +par dellà, comme ilz ont dellibéré de faire.</p> + +<p>Il est nouvelles icy que l'Empereur a offert d'entrer en +la ligue contre le Turq, et que, en propre personne, il luy +commancera la guerre, pourveu que les confédérez luy +veuillent souldoyer vingt mil hommes de pied, et luy donner +douze mil escuz par moys, pour les aultres provisions +de l'armée; et qu'il a esté de nouveau provoqué à cella, à +l'ocasion de ce que le Turq luy a mandé qu'il ayt à luy remettre +entièrement le tiltre du royaulme de Transilvanye, +sans jamais plus le s'aproprier.</p> + +<p>L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a adviz que le +comte de Sualsemberg, après avoir composé avec ceulx +d'Embourg, pour quarante mil tallardz contants, et avec +ceulx de Brème pour vingt cinq mil, a séparé ses gens; +par ainsy, toute la peur de ceste guerre est estaincte. Sur +ce, etc. <span class="i2">Ce xıȷ<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</span></p> + +<p><span class="pagenum"><a id="Page_473"> 473</a></span></p> + +<h2 class="p4">CLX<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1571.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par Bon Jehan.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Affaires d'Écosse.—Efforts de l'ambassadeur pour empêcher que le prince +d'Écosse ne soit livré à la reine d'Angleterre.—Sollicitation faite par le duc +d'Albe, au nom du roi d'Espagne, en faveur de Marie Stuart.—Négociation +des Pays-Bas.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, par la dépesche de Vostre Majesté, du premier de +ce mois, que le S<sup>r</sup> de Sabran m'a apportée, il m'a esté +si sagement et avec tant de bonnes considérations satisfaict +sur tout ce que, par mes précédantes, jusques au vingt +quatriesme du passé, je vous avois escript de l'estat +des choses de deçà, qu'il ne me reste rien à présent que de +bien ensuyvre ce que clairement et fort exprès il vous playt +m'en commander, qui mettray peine, Sire, que vous y +soyez le plus exactement bien servy qu'il me sera possible; +seulement je me trouve empesché du faict du petit Prince +d'Escosse, lequel je vous suplie très humblement, Sire, de +croyre que j'ay travaillé aultant que j'ay peu, et sans trop +me descouvrir, à disposer icy les depputez de la Royne, sa +mère, et ay pareillement envoyé disposer ceulx de l'aultre +party jusques en Escosse, pour s'opposer à ce qu'il ne soit +admené par deçà, et n'ay obmiz nul des inconvéniens qui +en pourroient advenir, que je ne les leur aye toutz représentez; +et ay sondé si avant iceulx depputez de la dicte +Dame qu'ilz m'ont confessé que les seigneurs qui les ont +envoyez, déclairent, en ung article de leur instruction, +qu'ilz ne le peuvent consentyr; néantmoins qu'ilz leur ont +<span class="pagenum"><a id="Page_474"> 474</a></span> +baillé pouvoir, à part, d'en user comme la Royne, leur +Mestresse, leur ordonnera; et m'ont remonstré que, demeurant +les choses en l'estat qu'elles sont, la Royne d'Angleterre +tient en ses mains la mère, le filz et le royaulme, +et a desjà estably un sien subject pour régent au pays, +et qu'ilz ne peuvent, sans ung notable secours de Vostre +Majesté, plus différer de se soubmettre eulx mesmes à ce +que la dicte Royne d'Angleterre vouldra: sçavoir est, +d'obéyr au dict régent, et recognoistre le jeune Prince +pour leur Roy, si, d'avanture, leur Mestresse n'est bientost +restituée; et que, si le tretté n'eust esté miz en avant, +par lequel l'armée d'Angleterre a esté retirée, il est sans +doubte qu'ilz se fussent desjà toutz rangez à ce party, de +sorte, Sire, qu'il ne se fault guières attandre que, du costé +de la Royne d'Escosse, laquelle a desjà baillé son consentz, +ny de ceulx qui tiennent pour elle, il se face grande résistance +à cest article; qui est néantmoins le principal, auquel +la Royne d'Angleterre et les siens incistent, et sans +lequel elle monstre de vouloir poursuyvre ses entreprinses, +ainsy qu'elle les a commancées au dict pays.</p> + +<p>Je verray ce que je pourray faire secrectement avec les +depputez de l'aultre party, qui ne sont encores arrivez, +mais l'on les attand dans quatre jours; car il est nouvelles +qu'ilz ont desjà passé Barwich, et ne voys point, Sire, +qu'il reste plus de ce costé nul moyen en cecy, que je ne +l'aye desjà tanté; dont adviserez s'il s'en pourra trouver +quelcun aultre d'ailleurs qui y puysse mieulx remédier.</p> + +<p>Au regard de l'article de la ligue, j'en useray tout +ainsy, sans plus ny moins, qu'il vous playst me le prescrire, +et semble bien que desjà, sur les fermes et résoluz +propos, que j'en ay tenuz à la Royne d'Angleterre +<span class="pagenum"><a id="Page_475"> 475</a></span> +et aulx siens, ilz soyent en quelques termes de n'en parler +point.</p> + +<p>L'évesque de Roz est allé presser les seigneurs de ce +conseil de vouloir commancer le dict tretté, plus pour +cognoistre si leur Mestresse avoit changé de vollonté +que pour espérance de rien faire, jusques à ce que les +aultres soyent icy; et a trouvé qu'à leur arrivée elle dellibère +de passer oultre, meue beaucoup plus des difficultez, +qui surviennent chacun jour plus grandes, et en Escosse, +et en son pays, que de bonne affection qu'elle y ayt; et +luy ont iceulx du dict conseil dict deux choses: l'une, qu'il +ne fault que la Royne, sa Mestresse, escoutte les conseilz +qu'on luy mandra de dellà la mer, de ne consentyr +que son filz viegne en Angleterre, car, sans ce poinct, +qui estoit desjà accordé par elle, il ne fault plus parler de +tretté; la segonde, qu'elle veuille délaysser du tout la pratique +de se maryer avec dom Joan d'Austria, et n'ouyr +plus sur cella Mr le cardinal de Lorrayne, qui en renouvelle, +à ce qu'ilz disent, encores à présent le propos. A +quoy il a respondu en général, que, si la Royne d'Angleterre +veult bien user envers sa Mestresse, elle se peult +asseurer qu'elle la trouvera toute disposée à son amytié, et +à faire toutes choses à son contantement.</p> + +<p>Or, a le duc d'Alve escript, par le dernier ordinaire, +une lettre à la Royne d'Angleterre, en laquelle, entre +aultres choses, il luy faict entendre la charge, qu'il a du +Roy d'Espaigne son Maistre, de la prier bien fort affectueusement +qu'elle veuille condescendre à quelque bon accord +avec la Royne d'Escosse, et luy moyéner sa restitution; +et qu'une des choses qu'il désire aultant à ceste heure est +de les voir elles deux et leur deux royaulmes en bonne +<span class="pagenum"><a id="Page_476"> 476</a></span> +paix et unyon, en quoy, s'il se peult rien ayder et servyr, +il offre de bon cueur s'y employer. Je n'ay encores aprins +les aultres particullaritez de la dicte lettre, sinon qu'on m'a +asseuré que la dicte Dame l'a heue fort agréable, et que +le secrétaire Cecille a dict que le duc d'Alve se monstre à +ceste heure fort rabillé vers elle, et la recherche beaucoup +d'amytié; et que sur ce que M<sup>e</sup> Prestal l'avoit, puys peu de +jours, vollu estreindre à quelques pratiques avec les rebelles +d'Angleterre et d'Yrlande, et avec les Escouçoys +du party de la Royne, il n'y avoit vollu entendre. Ce qui +faict meintenant, Sire, que ceulx cy se rasseurent des +choses d'Yrlande; et à la vérité, la comtesse de Northomberland, +et aulcuns fuytifz, qui sont en Flandres, ont +naguières escript que le Roy d'Espaigne a bien bonne affection +de les secourir et d'entreprendre en Yrlande, mais +que le duc d'Alve en estoit tout réfroydy, et qu'il leur +est besoing d'envoyer ung personnaige de bonne qualité +en Espaigne pour négocier, par eulx mesmes, leur affaire +avec le Roy d'Espaigne. Je ne sçay s'ilz auront esleu +à cella millord de Sethon; tant y a que je vous puys asseurer, +Sire, qu'il estoit, le xxııȷ<sup>e</sup> du passé, au logis de +l'ambassadeur d'Escosse à Paris, possible qu'il aura passé +oultre.</p> + +<p>L'accord des prinses estoit venu à une manifeste ropture +avec le depputé de ceste Royne, qui s'estoit desjà +acheminé pour s'en retourner, sans avoir rien faict, +quant le duc d'Alve l'a contremandé pour luy dire qu'il +avoit receu nouvelles lettres d'Espaigne, par lesquelles il +luy vouloit bien signiffier la bonne intention du Roy, son +Maistre, envers la Royne d'Angleterre, sa bonne sœur, +et comme il avoit desir d'accorder à toutes les choses raysonnables +<span class="pagenum"><a id="Page_477"> 477</a></span> +qu'elle vouloit; par ainsy que les difficultez seroient +bientost vuydées, et qu'il envoyeroit un notable +conseiller par deçà pour l'accommodement de toutes choses; +dont s'attand, à ceste heure icy, l'arrivée du S<sup>r</sup> Suenegheme +de Bruges, qui vient avec le dict depputé d'Angleterre. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xvıȷ<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</span></p> + +<h2 class="p4">CLXI<sup>e</sup> DÉPESCHE</h2> + +<p class="center">—du <span class="smcap">XXIII</span><sup>e</sup> jour de febvrier 1571.—</p> + +<p class="center">(<i>Envoyée exprès jusques à Calais par ung gentilhomme escouçoys.</i>)</p> + +<p class="hanging indent">Audience.—Assurances d'amitié.—Maladie de la reine de France.—Désaveu +du roi au sujet de la descente des Bretons en Irlande.—Satisfaction +d'Élisabeth à raison du refus qu'aurait fait le duc d'Anjou de se mettre à +la tête d'une entreprise sur l'Irlande.</p> + +<p class="p2 left5 smcap">Au Roy.</p> + +<p>Sire, à la dellibération, que j'avois, d'aller trouver la +Royne d'Angleterre sur ce que le S<sup>r</sup> de Sabran m'avoit +apporté, il m'y est encores venue nouvelle occasion, par +la dépesche suyvante, que j'ay cependant receue de Vostre +Majesté, du vııȷ<sup>e</sup> de ce moys, de laquelle j'ay faict de +tout ung avec la première; et n'ay séparé les poinctz de +l'une ny de l'aultre, sinon par l'ordre que je les ay trouvez +en icelles, qui y sont si bien et si distinctement comprins, +qu'il n'a esté besoing d'y adjouxter du mien que seulement +ce que j'ay estimé à propos pour les faire bien prandre +à la dicte Dame.</p> + +<p>Laquelle m'a respondu, quant au premier, qu'elle avoit +ung singulier playsir que ses ambassadeurs vous eussent +bien signiffié la droicte intention, qu'elle a, à la commune +<span class="pagenum"><a id="Page_478"> 478</a></span> +paix d'entre Voz Majestez, et à celle particulière de vostre +royaulme; et qu'elle vous prie, Sire, de croyre que, +quant au debvoir de persévérer en vostre amytié, et à desirer +le bien et establissement de voz affaires, qu'elle y est +si parfaictement disposée que nul du monde ne le sçauroit +estre davantaige; et que vous cognoistrez qu'elle l'a desjà +ainsy monstré par effectz, quant plusieurs choses, de celles +qui ont passé despuys trois ans, vous seront mieulx cogneues +qu'elles ne le sont à présent; et qu'elle vous promect, +pour l'advenir, qu'il ne sortyra, de son costé, occasion +aulcune, par où vostre dicte amytié puysse estre offancée, +pourveu que vous ne veuillez poinct offancer la sienne; +qu'elle avoit grande occasion de vous remercyer de ce qu'il +vous avoit pleu fort favorablement licencier l'ung de ses +ambassadeurs, et recepvoir avec mesme faveur l'aultre, et +de ce, encores, qu'avez commancé de faire honorer grandement +milord Boucart à Callais, à Bolloigne et à Montrueil; +dont il luy avoit escript le bon trettement qu'on luy +avoit faict en ces trois villes, et que Vostre Majesté aussi +ne trouveroit en eulx, s'ilz ne veulent estre traystres à elle +et désobéyssans à ses commandemens, que toute disposition +de vous honorer et servyr, et vous complayre en tout +ce qu'il leur sera possible; que la nouvelle que je luy apportois +de la malladye de la Royne, à ceste heure qu'elle +guérissoit et alloit en amandant, n'estoit si facheuse à ouyr, +comme si je la luy eusse dicte, quant elle estoit en dangier, +dont elle prioyt Dieu pour sa convalescence, comme +pour la sienne propre; et que Dieu vous avoit vollu tempérer +à toutz deux, par ce petit ennuy, le grand ayse de vostre +mariage, affin de le vous randre meilleur et de plus de +durée cy après; qu'encor que le sacre et couronnement +<span class="pagenum"><a id="Page_479"> 479</a></span> +d'elle, et son entrée fussent remiz à une aultre foys, et +que ceulx, qu'elle a envoyez par dellà, ne puyssent voir +toutz les triomphes qu'ilz s'attandoient, elle toutesfois ne +vouldroit avoir différé davantaige la conjoyssance de voz +nopces, ny de la venue de la Royne, pour ne deffaillir à +ce que, non moins de son affection que de son debvoir, elle +estimoit estre tenue en cella; au demeurant, qu'elle demeuroit +très contante et bien satisfaicte de la responce, +que vous luy faisiez sur les choses d'Yrlande, et encores +plus de ce qu'elle s'asseuroit que Vostre Majesté l'accomplyroit +ainsy par œuvre, comme elle avoit desjà entendu +que, sur ce que Mr le cardinal de Lorrayne et Mr le Nunce +et l'arsevesque de Glasco avoient naguières proposé à Monsieur, +frère de Vostre Majesté, de faire une entreprinse au +dict pays, il avoit esté si vertueulx et si sage, qu'il n'y avoit +vollu entendre, ny Voz Majestez Très Chrestiennes y prester +l'oreille, dont ne vouloit obmettre de vous en remercyer +toutz trois de tout son cueur; mais pourtant elle n'avoit +vollu ottroyer de saufconduict au dict arsevesque de +Glasco, bien que la Royne d'Escosse le luy eust fort instantment +faict demander par l'évesque de Ross; car avoit +opinion que c'estoit plus pour venir interrompre le tretté +que pour l'advancer; et que, estant le comte de Morthon +prest à arriver dans peu d'heures, l'on procèderoit incontinent +au dict tretté avec le plus d'expédition que faire se +pourroit.</p> + +<p>Je luy ay seulement répliqué, Sire, quant à l'entreprinse, +qu'elle disoit avoir esté proposée à Monsieur, si elle +sçavoit à la vérité que cella fût vray, et m'ayant soubdainement +respondu que <em>ouy</em>, tant certainement que mesmes +elle avoit par escript le mesmes propos, qui luy en avoit +<span class="pagenum"><a id="Page_480"> 480</a></span> +esté tenu, j'ay suyvy à luy dire qu'elle prînt bien garde +que cella ne procédast de quelque mauvaise boutique pour +cuyder luy en mettre la jalouzie dans le cueur, car Mr le +cardinal estoit ung si prudent et si advisé seigneur en ses +conseilz, qu'à peyne en avoit il miz ung tel en avant à +Monsieur, en temps de si bonne paix; néantmoins, commant +que la chose allât, elle voyoit que Vostre Majesté +faisoit ung grand fondement de la parolle, que luy aviez +donnée, de désister de toute entreprinse d'armes, jusques +à ce que le traicté fût achevé, et que vous faisiez aussi pareil +estat de celle que vous aviez d'elle, pour la liberté et +restitution de la Royne d'Escosse; dont je la suplyois qu'elle +y vollust meintenant mettre le desiré effect, que Vostre +Majesté attandoit de sa bonté et de sa promesse.</p> + +<p>Elle m'a respondu qu'elle voyoit bien que Vostre Majesté +ne pourroit jamais oublyer cest affaire, parce qu'il y +en avoit assés qui le vous recordoient, et qu'elle espéroit +qu'il s'acommoderoit bientost, non sans qu'on se mouquast +assés par tout le monde d'elle, d'estre si indulgente et facille +envers celle qui l'a infinyement offancée; qu'au reste +elle recepvoit ung singulier playsir d'entendre que Vostre +Majesté eust une si vertueuse et si droicte intention à la +réunyon de l'esglize, comme je le luy asseuroys, qui ne +pourroit estre que cella n'admenast ung grand bien à la +Chrestienté, et qu'elle vous y correspondroit de sa part, +avec telle affection et promptitude, comme vous le pourriez +desirer; qui pourtant vous prioyt de persévérer en ce +sainct propos, et ne vous laysser persuader à ceulx qui +vous y vouldroient proposer les armes.</p> + +<p>Et ainsy me suys gracieusement licencié de la dicte +Dame, mais j'ay comprins despuys, par aulcuns propos du +<span class="pagenum"><a id="Page_481"> 481</a></span> +secrétaire Cecille, qu'elle avoit heu ung singulier playsir +que Vostre Majesté n'a advoué les choses d'Yrlande, parce +qu'elle a envoyé pour surprendre ce qui s'y trouvera de +Bretons et estrangiers pour les chastier. La dicte Dame a +faict dépescher lettres à toutes ses provinces pour convoquer +ung parlement, au deuxiesme jour d'avril prochain, +en ceste ville de Londres, avec secret mandement de n'eslire +aulcun depputé, qui ne soit déclairé protestant. Elle +estime que la tenue d'icelluy ne sera que de dix jours, dedans +lesquelz elle espère avoir obtenu ce qu'elle prétend, +de quelque subvention de deniers; d'un decrect sur les +biens et personnes des fugitifz; et sur quelque reiglement +plus estroict en leur religion; qui sont les trois poinctz +pour lesquelz l'assemblée se faict. Les commissaires de +Flandres ne sont encores venuz, mais l'on me vient d'advertyr +que le comte de Morthon est tout meintenant arrivé. +Sur ce, etc. <span class="i2">Ce xxııȷ<sup>e</sup> jour de febvrier 1571.</span></p> + +<p class="p2 center small">FIN DU TROISIÈME VOLUME.</p> +<p><a id="Page_482"></a> +<span class="pagenum"><a id="Page_483"> 483</a></span></p> + +<hr class="c25 p4" /> +<div class="footnotes"><h2>NOTES:</h2> +<div class="footnote"> + +<p><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> Partisan, chef de bande.</p> + +<p><a name="Footnote_2" id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> Cet évènement arriva en plein jour, le 23 janvier 1570, au moment où +le régent traversait la petite ville de Linlithgow, à dix-sept milles d'Édimbourg. +Jacques Hamilton de Bothwell-Haugh, qui se vengea par ce meurtre des relations +que Murray avait entretenues avec sa femme, trouva moyen de s'échapper +et de se réfugier en France.</p> + +<p><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a> Au commencement de 1570, Aluch-Aly, dey d'Alger, s'empara de Tunis, +et chassa de ses Etats Muley Homaidah, dernier roi de Tunis de la dynastie +des Hafsides, qui s'était reconnu feudataire de l'Espagne. Les Espagnols, +sous la conduite de don Juan, reprirent Tunis, en 1573.</p> + +<p><a name="Footnote_4" id="Footnote_4" href="#FNanchor_4"><span class="label">[4]</span></a> A partir de cette époque, les pièces jointes aux dépêches ont cessé d'être +transcrites sur les registres de l'ambassadeur.</p> + +<p><a name="Footnote_5" id="Footnote_5" href="#FNanchor_5"><span class="label">[5]</span></a> La pièce n'ayant pas été transcrite sur les registres de l'ambassadeur, on +ne connaît pas la teneur de cet avis.</p> + +<p><a name="Footnote_6" id="Footnote_6" href="#FNanchor_6"><span class="label">[6]</span></a> Cette bulle, en date du 25 février 1570, déclarait Elisabeth hérétique et +schismatique, et relevait ses sujets du serment d'obéissance. La publication +qui en fut faite à Londres causa le supplice de Felton, mis à mort le 8 août +suivant. Elle est rapportée en entier par <span class="smcap">Camden</span>, <em>année</em> 1570.</p> + +<p><a name="Footnote_7" id="Footnote_7" href="#FNanchor_7"><span class="label">[7]</span></a> C'est-à-dire, les <em>lois martiales</em>. Voyez <span class="smcap">Du Cange</span> au mot <em>Marescalcialis</em>, +tom. <span class="smcap">IV</span>, col. 543.</p> + +<p><a name="Footnote_8" id="Footnote_8" href="#FNanchor_8"><span class="label">[8]</span></a> Cette victoire se rapporte aux avantages obtenus par don Juan sur les +Maures d'Espagne, qui s'étaient soulevés en 1569. Il s'agit plus particulièrement +ici, soit du combat devant Finix, qui entraîna le pillage de la ville (fin +avril 1570), soit du combat livré dans les montagnes de Baza et de Filabres +dans les premiers jours de mai 1570. Ces victoires furent immédiatement suivies +d'un traité conclu ayec Abaqui, l'un des principaux chefs des révoltés, +qui se rendit auprès de Don Juan, le 19 mai, et fit le lendemain sa soumission +solennelle. Cependant la guerre continua quelque temps encore, par +suite de la résistance d'Aben-Aboo, qui s'était fait proclamer roi d'Andalousie, +sous le nom de Muley-Abdala; elle ne finit qu'au mois de novembre suivant, +après qu'Aben-Aboo eut été tué par Seniz, autre chef des Mores.</p> + +<p><a name="Footnote_9" id="Footnote_9" href="#FNanchor_9"><span class="label">[9]</span></a> La solde du mois.</p> + +<p><a name="Footnote_10" id="Footnote_10" href="#FNanchor_10"><span class="label">[10]</span></a> Combat livré à Sainte-Gemme-la-Plaine, en Poitou, dans lequel la Noue, +qui commandait les Protestans dans la Saintonge, remporta une victoire signalée +sur les troupes royales. La blessure qu'il reçut quelques jours après, +à l'assaut de Fontenay, nécessita l'amputation du bras gauche, mais il ne +tarda pas à reprendre son commandement.</p> + +<p><a name="Footnote_11" id="Footnote_11" href="#FNanchor_11"><span class="label">[11]</span></a> Le duc d'Albe déploya, pour la publication de cette amnistie, une pompe +extraordinaire. Ces mots <em>vêtements blancs</em> se rapportent probablement à +quelque particularité des costumes employés dans cette cérémonie.</p> + +<p><a name="Footnote_12" id="Footnote_12" href="#FNanchor_12"><span class="label">[12]</span></a> Voir la note ci-dessus, p. <a href="#Page_183">183</a>.</p> + +<p><a name="Footnote_13" id="Footnote_13" href="#FNanchor_13"><span class="label">[13]</span></a> Cette paix, connue sous le nom de <em>paix boiteuse et mal assise</em>, parce qu'elle +fut négociée par Mr de Biron, qui était boiteux, et par le sieur de Mesmes, +seigneur de Malassise, fut conclue à Saint-Germain-en-Laye, le 11 août 1570. +Les articles au nombre de quarante-six sont rapportés dans l'édit de pacification, +donné à Saint-Germain, le 15 du même mois.</p> + +<p><a name="Footnote_14" id="Footnote_14" href="#FNanchor_14"><span class="label">[14]</span></a> Cette ligue ne fut définitivement conclue que quelque temps après, au +mois de mai 1571. Don Juan fut nommé général de la ligue, et remporta, le +7 octobre de la même année, la célèbre victoire de Lépante. Le pape choisit pour +commandant de sa flotte Marc-Antoine Colonne, et la république de Venise +nomma pour son amiral Sébastien Venicri, qui fut élu doge en 1577.</p> + +<p><a name="Footnote_15" id="Footnote_15" href="#FNanchor_15"><span class="label">[15]</span></a> Ces articles, ainsi que les réponses de Marie Stuart, n'ont pas été +transcrits sur les registres de l'ambassadeur; mais ils sont textuellement +rapportés par les historiens, et notamment par Camden at Rapin Thoiras.</p> + +<p><a name="Footnote_16" id="Footnote_16" href="#FNanchor_16"><span class="label">[16]</span></a> Le duc d'Albe avait été investi du gouvernement des Pays-Bas en 1566. +Le projet dont il est ici mention ne fut pas exécuté; il fut maintenu dans +sa charge jusqu'à la fin de 1573, époque à laquelle il céda le gouvernement +à don Louis de Requessens, commandeur de Castille, après avoir publié une +amnistie générale, au mois de décembre de cette année.</p> + +<p><a name="Footnote_17" id="Footnote_17" href="#FNanchor_17"><span class="label">[17]</span></a> <em>Lettre, escrite de la main de la Roine mère, à Mr de La Mothe Fénélon, pour +lui estre rendue en mains propres</em>, du 20 octobre 1570:—«Monsieur de La +Mothe Fénélon, monsieur le cardinal de Chastillon a faict tenir propos à +mon fils, le duc d'Anjou, d'une ouverture de mariage de la royne d'Angleterre +et de mon dict fils...» Voir le <em>Supplément à la Correspondance Diplomatique +de La Mothe Fénélon</em>, contenant les lettres qui lui étaient écrites de +la cour.</p> + +<p><a name="Footnote_18" id="Footnote_18" href="#FNanchor_18"><span class="label">[18]</span></a> Catherine, sœur puînée de Jeanne Gray. Elle avait épousé le comte de +Hereford, et deux enfans étaient issus de ce mariage, Henri et Édouard. Marie, +dernière sœur de Jeanne Gray, avait été mariée à un simple gentilhomme +nommé Keyt.</p> + +<p><a name="Footnote_19" id="Footnote_19" href="#FNanchor_19"><span class="label">[19]</span></a> Jacques IV était mort en 1513; deux ans avant l'avènement de François +Ier. L'ambassadeur veut sans doute parler du traité de Rouen, conclu le +26 août 1517, entre Jacques V et François Ier, et renouvelé en 1535, lorsque +Jacques V épousa Madelaine de France.</p> + +<p><a name="Footnote_20" id="Footnote_20" href="#FNanchor_20"><span class="label">[20]</span></a> Voyez ci dessus la note, p. <a href="#Page_183">183</a>.</p> + +<p><a name="Footnote_21" id="Footnote_21" href="#FNanchor_21"><span class="label">[21]</span></a> La ville de Nicosie, malgré les efforts de la flotte combinée des chrétiens, +fut prise par les Turcs, le 9 septembre 1570.</p> + +<p><a name="Footnote_22" id="Footnote_22" href="#FNanchor_22"><span class="label">[22]</span></a> Le premier feuillet du registre, qui contient les dépêches de l'année 1571, +se trouvant déchiré, le commencement de cette lettre manque: c'est au reste +la seule lacune que présente le manuscrit.</p> + +<p><a name="Footnote_23" id="Footnote_23" href="#FNanchor_23"><span class="label">[23]</span></a> Cette victoire se rapporte aux divers avantages remportés à cette époque, +qui amenèrent la réduction de tous les Mores. Voyez <em>note</em> p. <a href="#Page_183">183</a>.</p> + +<p><a name="Footnote_24" id="Footnote_24" href="#FNanchor_24"><span class="label">[24]</span></a> Il s'agit ici de Jean-Frédéric II, mis au ban de l'empire pour avoir donné +retraite à Guillaume de Grumbach et à ses complices, meurtriers de l'évêque de +Wurzbourg. Le duc Auguste, chargé de l'exécution du décret, l'avait assiégé +et pris par famine, le 13 avril 1567. On négociait alors sa liberté, mais elle +ne lui fut pas rendue: il est mort en prison, à Neustad, le 9 mai 1595, après +vingt-huit ans de captivité. Le duc Jean-Guillaume, son frère, loin de partager +sa disgrâce, avait, au contraire, été appelé à profiter de la confiscation +de tous ses biens.</p> + +<p><a name="Footnote_25" id="Footnote_25" href="#FNanchor_25"><span class="label">[25]</span></a> Cette nouvelle était fausse. Auguste, duc et électeur de Saxe, est mort +seize ans après, le 14 mars 1586.</p> + +<p><a name="Footnote_26" id="Footnote_26" href="#FNanchor_26"><span class="label">[26]</span></a> Voir les <em>Mémoires et Instructions pour les ambassadeurs ou Lettres et Négociations +de Walsingham, ministre et secrétaire d'état sous Élisabeth, reine +d'Angleterre</em>, 1 vol. in-4<sup>o</sup>, Amsterdam, 1700.</p> + +<hr class="c5" /> + </div> +</div> + +<h2>TABLE<br /> +<span class="large">DES MATIÈRES DU TROISIÈME VOLUME.</span></h2> + +<table border="0" cellpadding="5" cellspacing="5" summary="toc"> +<tr> + <th colspan="2">ANNÉE 1570.</th> +</tr> +<tr> + <td>Pages</td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">81<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—4 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_6">6</a></td> +</tr> +<tr> +<td>Nouvelles de la Rochelle.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_6">6</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Déroute des révoltés du nord.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_7">7</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">82<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—10 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_10">10</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles du nord.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_10">10</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_12">12</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Craintes des Anglais.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_13">13</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">83<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—15 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_14">14</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Le comte de Northumberland prisonnier.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_15">15</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Allemagne et des Pays-Bas.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_16">16</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_18">18</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires de la Rochelle.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_18">18</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">84<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—21 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_20">20</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Exécutions dans le nord.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_21">21</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_24">24</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Propositions faites à Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_24">24</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Lettre en chiffre.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_24">24</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire secret.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_26">26</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Projets du duc d'Albe.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_29">29</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Proposition d'une ligue avec l'Espagne contre l'Angleterre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_29">29</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">85<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—28 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_33">33</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Mission de Mr de Montlouet.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_33">33</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_3">3</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">86e <i>Dépêche.</i>—2 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_37">37</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_37">37</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Mort du comte de Murray.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_39">39</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_40">40</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_40">40</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">87<sup>e</sup> Dépêche.—10 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_41">41</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_41">41</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Arrestation de l'évêque de Ross.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_43">43</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_43">43</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Préparatifs contre l'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_44">44</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Note.</i> État général des affaires.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_45">45</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">88<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—13 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_47">47</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation avec les Pays-Bas.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_47">47</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_49">49</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">89<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—17 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_51">51</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Sollicitations des protestans.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_52">52</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Préparatifs de guerre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_5">5</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_53">53</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Divisions en Angleterre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_53">53</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire général</i> sur l'état des affaires.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_54">54</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">90<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—22 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_58">58</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_58">58</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_61">61</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires de Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_62">62</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">91<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—26 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_63">63</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires de la Rochelle.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_63">63</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Instances de Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_66">66</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">92<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—28 février.—</p></td> + <td> + <span class="pagenum"><a id="Page_484"> 484</a></span></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_67">67</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Défaite de lord Dacre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_67">67</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">93<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—4 mars.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_69">69</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_69">69</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_71">71</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Changement dans les dispositions d'Élisabeth.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_71">71</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire.</i> Préparatifs de guerre en Angleterre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_72">72</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Projet pour le rétablissement de + Marie Stuart en Écosse, et de la religion catholique + en Angleterre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_76">76</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">94<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—9 mars.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_79">79</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Continuation des préparatifs de guerre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_79">79</a></td> +</tr> +<tr> +<td><p class="p2">95<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—14 mars.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_82">82</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Satisfaction donnée à Élisabeth.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_82">82</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_83">83</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">96<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—19 mars.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_85">85</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_86">86</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Succès des révoltés en Irlande.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_87">87</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">97<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—27 mars.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_88">88</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_88">88</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>)</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_94">94</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Avis d'une levée d'armes en Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_94">94</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire</i> sur les troubles du nord.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_95">95</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Avis du duc d'Albe; propositions de + Cécil et de Leicester; projets des seigneurs catholiques.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_98">98</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">98<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—31 mars.—</p></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_103">103</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Modération d'Élisabeth.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_103">103</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Le comte d'Arundel mis en liberté.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_104">104</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">99<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—4 avril.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_106">106</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Faveur du comte d'Arundel.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_106">106</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Projet contre l'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_107">107</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">100<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—9 avril.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_110">110</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Préparatifs de guerre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_110">110</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">101<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—13 avril.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_113">113</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Continuation des préparatifs.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_113">113</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles des protestans de France.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_114">114</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">102<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—18 avril.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_116">116</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_116">116</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_120">120</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nécessité de la paix en France.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_121">121</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Lettre secrète.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_122">122</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire.</i> Résolution du conseil d'Angleterre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_122">122</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire secret</i> sur divers projets de mariage.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_125">125</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">103<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—25 avril.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_128">128</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Prise d'armes contre l'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_128">128</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">104<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—27 avril.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_130">130</a></td> +</tr> +<tr> + <td>État des partis en Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_130">130</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">105<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—5 mai.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_133">133</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_133">133</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_137">137</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">106<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—8 mai.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_138">138</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Débats dans le conseil.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_138">138</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Première invasion en Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_139">139</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_142">142</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Déclaration du roi touchant l'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_142">142</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire général.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_144">144</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire secret</i> sur la déclaration du roi.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_148">148</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">107<sup>e</sup> <i>Dépêche.</i>—13 mai.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_150">150</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles de l'invasion.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_150">150</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">108<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—17 mai.—</p></td> + <td> + <span class="pagenum"><a id="Page_485"> 485</a></span></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_154">154</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Hésitation d'Élisabeth à poursuivre son entreprise + sur l'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_154">154</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">109<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—22 mai.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_157">157</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Proposition d'un accord touchant Marie Stuart et l'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_157">157</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">110<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—27 mai.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_161">161</a></td> +</tr> +<tr> + <td>L'évêque de Ross mis en liberté.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_163">163</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_163">163</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Résolution du conseil d'éviter la guerre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_168">168</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Traité</i> concernant l'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_169">169</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">111<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—1er juin.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_171">171</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_171">171</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Exécution des Northon.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_173">173</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Bulle qui déclare Élisabeth hérétique.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_173">173</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">112<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—5 juin.</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_174">174</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Maintien du traité conclu.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_175">175</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience accordée à l'évêque de Ross.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_176">176</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">113<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—11 juin.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_178">178</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Liberté de l'évêque de Ross.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_179">179</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Conditions de la restitution de Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_179">179</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Interrogatoire du duc de Norfolk.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_180">180</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire général.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_181">181</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire secret.</i> Discussion sur le traité.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_183">183</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">114<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—16 juin.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_192">192</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Changement dans les résolutions d'Élisabeth.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_192">192</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_196">196</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Mesures de rigueur contre les catholiques.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_196">196</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">115<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—19 juin.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_198">198</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_198">198</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_203">203</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles de la Rochelle.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_204">204</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">116<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—21 juin.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_206">206</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Expédition de Bretagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_206">206</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_208">208</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>Lettre secrète</i>)</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_209">209</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Projets des protestans de France.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_209">209</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">117<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—25 juin.—</p></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_212">212</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Conditions du traité pour Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_214">214</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_215">215</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">118<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—29 juin.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_216">216</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_216">216</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">119<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—5 juillet.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_222">222</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation touchant l'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_222">222</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire général.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_223">223</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Articles concernant Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_228">228</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">120<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—9 juillet.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_230">230</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Mission de Mr de Poigny.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_230">230</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Combat de Sainte-Gemme, près Luçon.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_232">232</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Déclaration du duc d'Albe.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_233">233</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">121<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—14 juillet.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_234">234</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_234">234</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">122<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—19 juillet.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_240">240</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_240">240</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_244">244</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Espoir de la restitution de Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_244">244</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">123<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—25 juillet.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_246">246</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Délibération concernant le duc de Norfolk.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_246">246</a> + <span class="pagenum"><a id="Page_486"> 486</a></span></td> +</tr> +<tr> + <td>Préparatifs de guerre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_247">247</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_248">248</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire général.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_250">250</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Intrigues de l'Espagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_254">254</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Dispositions du cardinal de Chatillon.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_256">256</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">124<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—30 juillet.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_258">258</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Crainte en Angleterre d'une ligue générale; armemens.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_258">258</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">125<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—6 août.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_263">263</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Visite de Mr de Poigny à Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_263">263</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_264">264</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">126<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—11 août.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_269">269</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Force de la flotte armée en guerre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_269">269</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Paix de France.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_272">272</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Exécution de Felton.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_273">273</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">127<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—14 août.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_274">274</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Mission de Walsingham en France.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_274">274</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">128<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—18 août.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_275">275</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_276">276</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_278">278</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Doutes sur la paix de France.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_279">279</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">129<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—21 août.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_280">280</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Instructions de Walsingham.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_281">281</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_283">283</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_284">284</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Effet de la pacification.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_284">284</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">130<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—26 août.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_285">285</a></td> +</tr> +<tr> + <td>D'une entreprise sur Calais.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_285">285</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Instances de Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_287">287</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">131<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—5 septembre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_289">289</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_290">290</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Deuxième invasion en Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_294">294</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire général.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_294">294</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire secret.</i> Dévouement du duc de Norfolk à + Marie Stuart; projet de l'Espagne contre l'Angleterre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_299">299</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">132<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—10 septemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_302">302</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Mission de sir Henri Coban aux Pays-Bas.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_302">302</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Troisième invasion en Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_304">304</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">133<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—15 septemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_306">306</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Sortie de la flotte.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_306">306</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Explications sur la dernière invasion en Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_307">307</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Message du cardinal de Chatillon.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_308">308</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">134<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—19 septemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_309">309</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation avec l'Espagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_310">310</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_311">311</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">135<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—24 septemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_313">313</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Mouvement au pays de Lancastre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_313">313</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Conférence avec le cardinal de Chatillon.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_314">314</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">136<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—29 septemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_317">317</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation des Pays-Bas.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_318">318</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Mission de Mr de Vérac en Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_319">319</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">137<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—5 octobre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_320">320</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Retour de Walsingham.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_320">320</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Cécil envoyé vers Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_321">321</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_322">322</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">138<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—10 octobre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_323">323</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Passage de la reine d'Espagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_324">324</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Prises faites par le capitaine Sores.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_326">326</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">139<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—16 octobre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_327">327</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Conditions proposées à Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_328">328</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Soulèvement au pays de Lancastre.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_330">330</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire général.</i> Intrigues de l'Espagne, affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_331">331</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">140<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—17 octobre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_336">336</a></td> +</tr> +<tr> + <td>De l'alliance d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_337">337</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">141<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—25 octobre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_339">339</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_339">339</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">142<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—30 octobre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_346">346</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation de Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_346">346</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_348">348</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">143<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—9 novembre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_350">350</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_350">350</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_355">355</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouveaux détails d'audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_355">355</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Lettre secrète.</i> Proposition du mariage du duc d'Anjou avec Élisabeth.</td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire général.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_360">360</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">144<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—14 novemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_365">365</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Articles proposés à Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_365">365</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles des Pays-Bas.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_369">369</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">145<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—19 novemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_371">371</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Mission de lord Seyton.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_373">373</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">146<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—25 novemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_376">376</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Déclaration du roi concernant l'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_376">376</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_380">380</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Détails d'audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_380">380</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">147<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—30 novembre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_382">382</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_383">383</a></td> +</tr> +<tr> +<td class="tdl"><i>Mémoire général.</i> Projet des catholiques dans + le pays de Lancastre;—Opinions émises dans le conseil + contre Marie Stuart;—Négociations de l'Angleterre avec + l'Espagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_389">389</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">148<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—7 décembre.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_394">394</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Maladie de Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_397">397</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires des Pays-Bas et d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_398">398</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">149<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—13 décemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_399">399</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation de Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_399">399</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Retour de sir Henri Coban.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_400">400</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">150<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—18 décemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_403">403</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Préparatifs de départ de lord Buchard.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_403">403</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Irlande.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_405">405</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">151<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—23 décemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_407">407</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Rapport de Coban à son retour d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_407">407</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Instructions de lord Buchard.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_408">408</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">152<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—29 décemb.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_411">411</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_411">411</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_414">414</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Négociation du mariage du duc d'Anjou.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_414">414</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire général.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_421">421</a></td> +</tr> +<tr> + <td colspan="2"><p class="center p2"><b>Année 1571.—Première partie.</b></p></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">153<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—6 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_426">426</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Espagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_426">426</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_427">427</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><p class="p2">154<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—13 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_428">428</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_428">428</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Mission de lord Seyton.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_429">429</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_431">431</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_432">432</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation du mariage.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_432">432</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">155<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—18 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_433">433</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_433">433</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Prise d'armes des Gueux.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_437">437</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_438">438</a> + <span class="pagenum"><a id="Page_488"> 488</a></span></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation du mariage.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_438">438</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">156<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—23 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_443">443</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_444">444</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_447">447</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation du mariage.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_447">447</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Avis</i> sur les affaires d'Irlande.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_450">450</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">157<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—31 janvier.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_450">450</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Fêtes pour le retour d'Élisabeth à Londres.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_450">450</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_452">452</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Allemagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_453">453</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_454">454</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation du mariage.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_454">454</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">158<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—6 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_457">457</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles de Marie Stuart.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_457">457</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl">Concession de l'Irlande faite par le pape au roi d'Espagne.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_458">458</a></td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">A LA REINE.</span> (<i>lettre secrète</i>).</td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation du mariage.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_459">459</a></td> +</tr> +<tr> + <td><i>Mémoire général.</i></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_462">462</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdl"><i>Mémoire secret</i> sur la négociation du mariage.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_466">466</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">159<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—12 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_469">469</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Négociation de Walsingham.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_469">469</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Irlande.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_470">470</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_471">471</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">160<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—17 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_473">473</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Affaires d'Écosse.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_473">473</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Nouvelles des Pays-Bas.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_476">476</a></td> +</tr> +<tr> + <td><p class="p2">161<sup>e</sup> <i>Dépêche</i>.—23 février.—</p></td> + <td> </td> +</tr> +<tr> + <td><span class="i2">AU ROI.</span></td> + <td class="tdr"><a href="#Page_477">477</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Audience.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_477">477</a></td> +</tr> +<tr> + <td>Convocation du parlement.</td> + <td class="tdr"><a href="#Page_481">481</a></td> +</tr> +</table> +<p class="p2 center small">FIN DE LA TABLE DU TROISIÈME VOLUME.</p> + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Correspondance Diplomatique de +Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE *** + +***** This file should be named 39201-h.htm or 39201-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/9/2/0/39201/ + +Produced by Robert Connal, Hélène de Mink, and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available +by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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Redistribution is +subject to the trademark license, especially commercial +redistribution. + + + +*** START: FULL LICENSE *** + +THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE +PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK + +To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free +distribution of electronic works, by using or distributing this work +(or any other work associated in any way with the phrase "Project +Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project +Gutenberg-tm License (available with this file or online at +http://gutenberg.org/license). + + +Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm +electronic works + +1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm +electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to +and accept all the terms of this license and intellectual property +(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all +the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy +all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. +If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project +Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the +terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or +entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. + +1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be +used on or associated in any way with an electronic work by people who +agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few +things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works +even without complying with the full terms of this agreement. See +paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project +Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement +and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic +works. See paragraph 1.E below. + +1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" +or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project +Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the +collection are in the public domain in the United States. If an +individual work is in the public domain in the United States and you are +located in the United States, we do not claim a right to prevent you from +copying, distributing, performing, displaying or creating derivative +works based on the work as long as all references to Project Gutenberg +are removed. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. 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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org/license + + +Title: Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fenelon, Tome Troisieme + +Author: Bertrand de Salignac de la Mothe Fenelon + +Release Date: March 19, 2012 [EBook #39201] + +Language: English + +Character set encoding: ASCII + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE *** + + + + +Produced by Robert Connal, Helene de Mink, and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available +by the Bibliotheque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + + + + + + +Notes de transcription: Les erreurs clairement introduites par le +typographe ont ete corrigees. L'orthographe d'origine a ete conservee +et n'a pas ete harmonisee. + +Quelques caracteres, en exposant dans l'original, et dont l'abrevation +n'est pas evidente ou non courante, ont ete mis en accolade dans cette +version electronique. Ainsi, l'abreviation {lt} signifie livre +tournois. + +Texte imprime en lettres gothiques dans le livre d'origine est +marque =ainsi=. + + + + + CORRESPONDANCE + + DIPLOMATIQUE + + DE + + BERTRAND DE SALIGNAC + + DE LA MOTHE FENELON, + + AMBASSADEUR DE FRANCE EN ANGLETERRE + + DE 1568 A 1575, + + + PUBLIEE POUR LA PREMIERE FOIS + + Sur les manuscrits conserves aux Archives du Royaume. + + + TOME TROISIEME. + + ANNEES 1570 ET 1571. + + + PARIS ET LONDRES. + + 1840. + + + + + DEPECHES, RAPPORTS, + + INSTRUCTIONS ET MEMOIRES + + DES AMBASSADEURS DE FRANCE + + EN ANGLETERRE ET EN ECOSSE + + PENDANT LE XVIe SIECLE. + + + + + RECUEIL + + DES + + DEPECHES, RAPPORTS, + + INSTRUCTIONS ET MEMOIRES + + Des Ambassadeurs de France + + EN ANGLETERRE ET EN ECOSSE + + PENDANT LE XVIe SIECLE, + + Conserves aux Archives du Royaume, + + A la Bibliotheque du Roi, + etc., etc. + + ET PUBLIES POUR LA PREMIERE FOIS + + _Sous la Direction_ + + DE M. CHARLES PURTON COOPER. + + PARIS ET LONDRES. + + 1840. + + LA MOTHE FENELON. + + + + + Imprime par BETHONE et PLON, a Paris. + + + + + AU-TRES-NOBLE + + GEORGE HAMILTON GORDON + + COMTE D'ABERDEEN. + + CE VOLUME LUI EST DEDIE + + PAR + + SON TRES-DEVOUE ET TRES-RECONNAISSAINT SERVITEUR + + CHARLES PURTON COOPER. + + + + +DEPECHES + +DE + +LA MOTHE FENELON. + + + + +LXXXIe DEPESCHE + +--du IVe jour de janvier 1570.--(_Envoyee jusques a Callais par Jehan +Vollet._) + + Audience accordee par la reine d'Angleterre a l'ambassadeur de + France.--Desir du roi de retablir la paix en son + royaume.--Satisfaction qu'il eprouve de ce que les troubles du + Nord paraissent apaises en Angleterre.--Protestation + d'Elisabeth qu'elle ne desire rien tant que la reunion des + eglises.--Instances de l'ambassadeur en faveur de Marie + Stuart.--Explications sur la conduite qu'il a du tenir dans + cette negociation.--Nouvelles arrivees a Londres sur l'etat des + affaires des protestans en France.--Nouvelles des troubles du + Nord; deroute des comtes de Northumberland et de Westmorland. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay faict entendre a la Royne d'Angleterre que, pour la bonne +estime que Voz Majestez Tres Chrestiennes ont de sa bonne et droicte +intention en l'endroit de voz afferes et de la tranquillite de vostre +royaulme, vous n'avez sitost veu donner ung peu de commancement et +ouverture a la paciffication des troubles et guerres d'iceluy, que +vous ne m'ayez incontinent commande de le luy notiffier, affin que, +devant toutz les aultres princes vos alliez, elle ayt le plaisir +d'entendre que les choses s'acheminent par la voye qu'elle a desire; +et ainsy, luy particullarisant ce qui est advenu a la reddition de +Sainct Jehan d'Angely, et les propos que le sieur de La Personne vous +a tenuz, avec la vertueuse responce de Vostre Majeste, laquelle elle a +vollu curieusement lyre par deux foys, j'ay suivy a luy dire: qu'encor +que vous ayez grand occasion de vous rescentir des choses mal passees, +du coste de ceulx de la Rochelle, de ce qu'ilz ont mene une tres +viollante et dangereuse guerre dans vostre royaulme, et y ont +introduict les armes et armees estrangieres, a la grand ruyne de vos +bons subjectz; et qu'il soit maintenant en vostre pouvoir de prendre +par force toutes les places qu'ilz tiennent, et de poursuyvre et venir +bien a boult du reste qui est encore en campaigne; neantmoins vous +aymez mieulx uzer envers eulx de la clemence toutjour accoustumee a +vostre couronne, et plus usee de vostre regne, que de nul de toutz voz +predecesseurs, et les regaigner par doulceur, que de les mener a +l'extremite d'ung chastiment, esperant qu'ilz auront tant plus de +regrect de leurs deffiances passees, et persevereront dorsenavant plus +constantment en la confiance, fidellite, et amour qu'ils doibvent a +Vostre Majeste, leur prince naturel, que moins ils esperoient d'estre +jamais receuz en vostre bonne grace, laquelle neantmoins vous ne leur +avez differee d'ung seul moment, aussitost qu'ilz ont offert de +s'humilier et de se remettre en vostre obeyssance. + +La dicte Dame, d'ung visaige joyeulx, m'a respondu qu'a ceste heure me +voyoit elle, et oyoit mes propos, de trop meilleure affection qu'elle +n'avoit faict despuys ung an, et qu'elle rendoit graces a Dieu d'avoir +miz au cueur de Voz Majestez Tres Chrestiennes, et pareillement en +ceulx de vos subjectz, de retourner a ce mutuel bon ordre de vostre +benignite envers eulx et de leur subjection envers vous; qu'elle vous +remercye mille et mille foys de luy avoir, ainsy soubdainement et +particullierement, faict entendre en quoy les choses en sont, es +quelles elle vous desire tant de bien et de bonheur que vous les +puissiez effectuer a vostre grand advantaige et au repoz de toute la +Chrestiente; et que, si son moyen y peult servyr de quelque chose, +elle le vous offre de tout son coeur, bien qu'elle ne peult fere que +ne porte quelque envye au bonheur de celluy qui a sceu si +oportuneement mettre en avant ce sainct et desire propos, qu'il ayt +heu meilleur rencontre que quant, d'aultre foys, elle a entreprins +d'en parler; et qu'elle n'a regrect sinon a ce que voz subjectz +peuvent monstrer au monde que, pour leur avoir este violle vostre +propre eedict de la paciffication, tant par attemptatz contre leurs +vies, que par contraires lettres contre l'exercisse de leur religion, +ilz ayent heu quelque aparante coulleur de prendre les armes; non que +pourtant elle aprouve qu'ilz ayent bien faict, car plustost s'en +debvoient ils estre allez, et qu'il est tout certain que de quelles +persuasions qu'on luy ayt use, qui n'ont este petites, sur la +justiffication de leur cause, elle ne les a jamais volluz secourir. + +Je luy ay replique que tout le tort de ceste guerre se manifeste en ce +que ceulx de l'aultre party, en leur plus grande resistance, se +trouvent vaincuz par vos forces, et sont par vostre clemence surmontez +en leur humillite, et que cella vous faict prendre meilleure esperance +de voir bientost remiz vostre royaulme en son premier estat et +grandeur; adjouxtant, afin de parler de la reunion du sien, que ce que +je luy ayt dict de ceste reconcilliation de vos subjectz, Voz Majestez +desirent qu'elle le preigne pour ung tesmoignage que, comme vous +estes correspondant a son desir sur le bien de vostre royaulme, +qu'aussi bien le serez vous sur le bien et paciffication du sien, et +sur ce que vous entendrez bientost que ceste eslevation, qui a apparu +en son pays du North, est esteinte ainsi que je le vous ay desja +mande. + +La dicte Dame, usant la dessus de beaucoup de mercyementz, m'a fort +prie de vous assurer que toute ceste guerre du North est veritablement +achevee, et que le comte de Northomberland, se retirant en Ecosse, est +tumbe ez mains du comte de Mora; que le comte de Vuesmerland s'en est +fouy seul, et abandonne des siens, aux montaignes des frontieres; et +que plus de cinq cents gentishommes des leurs sont prins, le reste +discipe, et plusieurs executez; et qu'elle ne prendroit que pour une +risee toute ceste entreprinse, tant elle a este folle et legiere, +n'estoit qu'il luy faict mal au cueur qu'il s'y soit trouve mesle ung +seul homme de qualite.--"Car jamais subjectz, dict elle, n'eurent +moins d'occasion que les siens de mouvoir choses semblables contre +leur prince." + +Et luy ayant seulement replique ce mot: "c'est qu'il est fort a +craindre que, tant que la division de la religion durera, que l'on +sera toutz les ans a recommancer," elle m'a soubdain respondu qu'a la +verite, puisque les Protestans commancent de proposer entre eulx, +assavoir s'il y a aucune cause pour laquelle l'on puisse, sellon Dieu +et conscience, se soubstraire de l'obeyssance d'ung prince, et le +demettre de son estat; ainsy que le Pape, de son coste, declaire aussi +les estats de ceulx, qu'il tient pour scismatiques ou heretiques, +toutz comis et vacquans; elle estime que toutes les couronnes de la +Chrestiente sont assez mal asseurees, et que, de sa part, elle ne se +montrera jamais opiniastre de ne se conformer aulx aultres princes +chrestiens, quant Dieu leur aura mis au cueur de procurer, toutz +ensemble, la reunyon de l'esglyze de Dieu. + +Apres cella, Sire, j'ay mene le propos a parler de la Royne d'Escoce, +faisant toutjour instance de sa liberte, bon traictement et +restitution. Sur quoy elle m'a dict que Voz Majestez Tres Chrestiennes +en avez parle amplement a son ambassadeur, et qu'elle vous prie de +considerer que le differand est entre deux princesses qui vous sont +parantes, allyees et confederees; desquelles vous debviez egallement +peser leur droict, et n'avoir en tant d'affection celluy de la Royne +d'Escoce que ne regardiez a conserver le sien; et qu'elle vous fera +remonstrer encores d'aultres choses par son dict ambassadeur, es +quelles elle espere que vous luy ferez favorable responce; et ay +cogneu, Sire, que les propos que Voz Majestez ont tenu la dessus au +dict ambassadeur ont grandement esmeu la dicte Dame, a laquelle j'ay +dict que, puysque vostre intention se trouve conforme aulx +continuelles instances que je luy ay faictes icy de vostre part pour +la Royne d'Escoce, que je la suplye de deposer a ceste heure le cueur +et le courroux qu'elle a contre elle, puysqu'elle s'est justiffiee de +toutz ces troubles du North, pour se la randre desormais tant attenue +et obligee, qu'elle n'ayt a estre jamais rien tant que toute sienne; +et que, pour l'amour de Voz Majestez Tres Chrestiennes, qui tant l'en +priez, elle veuille aussi faire quelque chose pour son bien, n'estant +possible que vous puyssiez laysser de le pourchasser tant que vous la +voyez restituee, ce que vous desirez toutesfoys estre sellon son gre +et contantement. + +Elle m'a promiz la dessus, qu'aussitost qu'une responce, qu'elle +attant d'Escoce, sera arrivee, elle ne differera d'ung seul jour +d'entendre en l'affaire de la dicte Dame, et y prendre ung si bon +expediant qu'elle espere que vous en serez contant; dont de tout ce +qui s'en resouldra elle mettra peyne que vous en soyez adverty: et +remettant, Sire, plusieurs aultres choses, que j'ay notees de ses +propos, au premier des miens que je vous depescheray, je bayseray en +cest endroict tres humblement les mains de Vostre Majeste, et +supplieray le Createur qu'il vous doinct, Sire, en parfaicte sante, +tres heureuse et tres longue vie, et toute la grandeur et prosperite +que vous desire. + + Ce IVe jour de janvier 1570. + + Je crains asses qu'on veuille mettre en avant l'eschange de la + Royne d'Escoce et du comte de Northomberland; vray est qu'il ne + s'en entend encores rien. + + + A LA ROYNE. + +Madame, je mectz en la lettre, que j'escriptz au Roy, aulcuns propos +de la Royne d'Angleterre, touchant ceulx que, par les deux dernieres +depesches de Voz Majestez, vous m'avez commande de luy tenir, sur +lesquelz me reste a vous dire, Madame, qu'il semble que ceste +princesse et les siens soyent bien ayses, mais diversement, qu'il se +face une paciffication en vostre royaulme; elle, affin d'estre exempte +de bailler secours a ceulx de la Rochelle, et ne venir a vous faire +quelque manifeste offance pour eulx, et mesmes aura plaisir que les +choses se facent a votre grand advantaige; et eulx, pour n'ozer +meintenant guieres presser leur Mestresse de les secourir, ny +d'attempter rien qui vous puysse desplayre; mais ilz vouldroient que +l'advantaige demeurat a ceulx de l'aultre party, sur la soubmission +desquelz, laquelle leur ambassadeur a escripte par deca, encores que +le jeune comte de Mensfelt fut desja despeche, ilz le font temporiser, +affin d'attandre quelle yssue prendra ce que le Sr de La Personne en a +commence de traicter. Et doublant asses que la paciffication ne s'en +puysse bien ensuyvre, luy et le Sr de Lombres incistent grandement de +fayre resouldre icy quelque secours de pouldres et d'armes, et de +quelque nombre de gens de cheval, pour l'envoyer a Mr l'Admyral, +s'esforceans de persuader qu'il est encores si fort qu'avec bien peu +d'ayde, il se monstrera plus releve que jamais, et qu'on luy veuille +aussi (soubz caution) assister de quelques deniers, pour envoyer au +duc de Cazimir, affin de souldoyer des gens de pied, sans lesquelz il +n'oze mettre en campaigne les gens de cheval qu'il a toutz prestz; et +que d'ailleurs le prince d'Orange, voyant qu'une sienne entreprinse +qu'il avoit en Flandres est descouverte, se dellibere de tourner tout +son aprest aulx choses de France; lesquelles propositions demeurent +encores en suspens; et je metz peyne, en tout evenement, de les +retarder ou empescher, aultant qu'il m'est possible. + +Quant a ceulx du North, j'ai vollu verifier si ce que m'en a dict la +dicte Dame estoit vray, parce qu'on luy deguyse asses souvent les +nouvelles; mais l'on m'a confirme la route des deux comtes et de toute +leur armee, laquelle a este de quinze mil hommes; dont y en avoit sept +mille de pied bien armez, et deux mil de cheval en aussi bon equipaige +qu'il s'en peult trouver en Angleterre; et que n'ayantz, pour leur +irresolution et mauvais accord, oze venir au combat, ilz se sont +retirez en la frontiere d'entre l'Angleterre et l'Escoce, ou celluy +de Northomberland et sa femme sont tumbez ez mains d'un armestrang[1], +qu'on a estime le devoir incontinent livrer au comte de Mora; et que +celluy de Vuesmerland, en habit deguyse, s'en est fouy au plus haut +des montaignes, ayant pour ceste occasion ceste Royne envoye casser +incontinent son armee, et revoquer le comte de Vuarvic. Mais aulcuns +estiment que le dict armestrang n'est pour consigner le comte de +Northomberland a celluy de Mora, ains plustost pour le relever et pour +luy ayder a remettre sus nouvelles forces. + + [1] Partisan, chef de bande. + +Au reste nul propos n'esmeust tant ceste Royne que quant on luy parle +de la Royne d'Escoce, et ce que Voz Majestez en ont dernierement dict +a son ambassadeur a faict beaucoup d'effect envers elle. J'ay bien +vollu, pour mon regard, tirer de la propre parole de la dicte Dame ma +justiffication de ne luy avoir, sur les affaires de la dicte Royne +d'Escoce, ny en nulle autre matiere, jamais dict ung seul mot qui +l'ayt peu offancer; de quoy elle m'a randu le tesmoignage tout clair +et prompt, que non seulement elle n'a trouve jamais mauvaise, ains +tres agreable, ma facon de parler, et la substance de toutz mes +propos, ainsy que je les luy ay dictz, et qu'elle vous fera expliquer +que ce qu'elle a prins a cueur de mon dire est pour luy avoir asseure +que Voz Majestez reputeroient toucher a leurs propres personnes les +torts et indignitez qu'on feroit a celle de la Royne d'Escoce; et +qu'elle s'estime vous apartenir en si bonne part, qu'elle doibt bien +estre tenue en quelque compte et respect envers Voz Majestez aussi +bien que la dicte Royne d'Escoce. A quoy je luy ay satisfaict si bien +que, prenant rayson en payement, elle a promis d'entrer bientost en +quelque expediant touchant les affaires de la dicte Dame; et m'a prie +au reste de vous escripre fort affectueusement que, a ce changement de +gouverneur de Bretaigne, il vous playse de commander a celluy qui +l'est meintenant, et a son lieutenant, de donner libre et sur accez +aulx Angloix, de leur pouvoir aller demander justice; et que +dorsenavant ilz la leur vueillent administrer eulx mesmes, puysqu'il +n'est possible qu'ilz la puissent aulcunement avoir des officiers et +magistratz du pays, car ses dicts subjectz ne peuvent plus supporter +les oltraiges qu'ilz y recoipvent ordinairement. + +Depuis le partement du Sr Chapin, l'on a fait exorter les estrangiers +de s'abstenir de tout commerce avec les subjectz du Roy d'Espaigne et +de ne couvrir aulcunement leurs trafficqs par lettres, ny soubz noms +empruntez d'aultres merchantz; et neantmoins la dicte Dame a +vollontairement offert au dict Sr Chapin d'admettre l'ambassadeur +d'Espaigne a parler et traicter avecques elle comme auparavant, sur le +moindre mot que le Roy d'Espaigne luy en vouldra escripre. + +Je bayse tres humblement les mains de Vostre Majeste et prie Dieu, +qu'il vous doinct, etc. + + Ce IVe jour de janvier 1570. + + La Royne d'Angleterre, outre les susdicts propos, m'a tres + honorablement parle, et avec aparance de bonne affection, de Voz + Majestez et de Monseigneur vostre filz, et qu'elle avoit avec + grand playsir ouy, du filz de Mr Norreys, plusieurs actes + genereux et de grand vertu du Roy et de mon dict Seigneur, + lesquelz elle luy avoit faict reciter plus de deux foys, sellon + qu'il disoit les avoir veuz et les avoir aprins de ceulx qui les + scavoient bien.--Ceulx de ce conseil, et mesmement le comte de + Lestre, m'ont faict pryer d'octroyer mon passeport au Sr + Barnabe, qu'ilz depeschent, avec commission de ceste Royne, pour + aller recouvrer une grande nef venicienne, chargee de plus de + cent cinquante mil escus de merchandize, qu'on envoyoit en ceste + ville, laquelle le capitaine Sores a prinse despuys ung mois; + affin que, si le dict Barnabe est rencontre par les galleres ou + navyres francoys, ilz ne luy facent poinct de mal. Je ne scay + s'il yra poursuyvre le dict Sores jusques a la Rochelle. + + + + +LXXXIIe DEPESCHE + +--du Xe jour de janvier 1570.-- + +(_Envoyee jusques a Callais par homme expres._) + + Ferme persuasion ou l'on est en Angleterre que la paix sera + conclue en France.--Nouvelles du Nord et de la + Flandre.--Meilleur traitement fait a la reine + d'Ecosse.--Crainte des Anglais que le roi, delivre de la guerre + civile, ne donne assistance aux Espagnols dans les Pays-Bas + pour attaquer l'Angleterre. + + + AU ROY. + +Sire, il est venu adviz a la Royne d'Angleterre, par la voye de la +mer, que ceulx de la Rochelle tiennent deja comme pour conclud le +propos qu'ilz vous ont faict requerir de la paix; et, par ainsy, que +vostre royaulme s'en va hors de troubles, et vous, Sire, en bon trein +de remettre sus fort bien et bientost vos afferes, sans qu'il +aparoisse que, pour toutes ces horribles guerres passees, il vous y +soit advenu aulcune diminution, ny en l'estendue de vostre estat, ny +en l'affection de vos subjectz, ains plustot, une augmentation partout +de vostre grandeur; de laquelle le fondement, en cette mesmes +division, s'est monstre si ferme qu'on a opinion, s'il est une foys +bien reuny, que nulles forces humaines le pourront jamais esbranler. +Dont ceste Royne et les siens continuent, a ceste heure, de me fere +meilleure demonstration que jamais de vouloir perseverer en bonne paix +et amytie avec Vostre Majeste; et n'ont encore depesche le jeune comte +de Mensfelt, ny rien respondu au Sr de Lombres, attendans si la fin du +dict propos viendra a bonne conclusion, ou bien s'il sera rompu. Et, +cependant, est arrive ung homme d'Allemaigne, lequel, a ce que +j'entans, raporte que le Cazimir ne leve pas encores ses reytres, mais +qu'il a distribue, ces jours passes, une somme de deniers aulx +capitaines, affin d'estre pretz, quant il les mandera; et il parle +aussi des praticques et menees du prince d'Orange. + +Les choses d'icy ne monstrent, a ceste heure, guieres grand mouvement, +estantz ceulz du North separez et rompuz d'eulz mesmes, ainsy que je +le vous ay confirme par mes precedantes du IIIIe de ce moys. Il est +vray que, de tant que les deux comtes ne sont au pouvoir de la Royne +d'Angleterre ny ne sont pour y estre aiseement livrez, parce qu'on +dict que celluy de Northomberland est avec milor de Humes et avec le +ser de Farmihirst, comme avecques ses amys; et celluy de Vuesmerland, +avec le comte d'Arguil, qui le trette bien; la chaleur de leur +entreprinse n'est encores refroydie aulx cueurs des Catholiques, ny en +ceulz des malcontantz; lesquelz demeurent d'ailleurs en quelque +esperance du duc d'Alve, par la mesme peur et grande souspecon qu'ilz +voyent que la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil se donnent +des aprestz qu'il faict, qui leur sont confirmez par plusieurs +secrectes lettres qu'arrivent ordinairement a la dicte Dame des Pays +Bas; et mesmes l'asseurent que, despuys le retour du marquis de +Chetona, le dict duc s'est resolu de vouloir recouvrer, commant que ce +soit, ses deniers, et les marchandises d'Espaigne arrestees par deca, +et que, pour y commancer par quelque bout, il a commande de consigner +toutz les biens des Anglois, qui estoient en Anvers, a certains +Genevois qui ont faict ung party de six centz mil escuz avec le Roy +d'Espaigne; dont ceulx cy se preparent, avec grand dilligence, au long +de la coste qui regarde vers Flandres, pour resister a ses +entreprinses. Je prendray garde a quoy, jour par jour, cella +s'acheminera, affin de vous en donner toutjour adviz. + +Despuys la derniere instance que j'ay faicte a ceste Royne pour la +Royne d'Escoce, elle l'a faicte ramener a Tutbery, en la compaignie du +comte de Cherosbery seul; s'en estant celluy de Untington alle, qui a +este du tout descharge de sa garde, et elle remise en ung peu plus de +liberte, avec demonstration a monseigneur l'evesque de Roz de quelque +faveur davantaige en ceste court, et d'y mieulx recepvoir ses +remonstrances, qu'on n'avoit faict toutz ces jours passez. Ce qui nous +remect en quelque esperance que nous pourrons bientost (si nouvel +accident ne survient) obtenir une ou aultre provision ez afferes de la +dicte Dame. Sur ce, etc. + + Ce Xe jour de janvier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, ce qui s'espere de la paciffication des troubles de vostre +royaulme ne monstre aporter, a ceste heure, tant de soupecon a la +Royne d'Angleterre ny aulx siens, comme il sembloit que, du +commancement, ilz eussent tres ferme opinion que la fin de nostre +guerre seroit ung commancement a eulx d'y entrer. Il est vray qu'ilz +ne sont du tout dellivrez de cette peur, craignantz, a ce qu'ilz +disent, que l'estroicte intelligence, que le duc d'Alve a avecques Voz +Majestez, vous attire de son party contre l'Angleterre; car, +aultrement, il leur semble qu'ilz n'ont guieres a le craindre, veu le +credict et faveur de ceste Royne en Allemaigne. Et ainsy, ilz vont +temporisant avecques luy, sans admettre ny rejecter aussi les termes +de l'accord, esperantz qu'ilz se pourront, dans peu de jours, +esclarcyr de vostre couste, pour scavoir commant mieulx se conduyre du +sien; et n'estantz encores bien asseurez si le propos de la paix +prendra bonne resolution en France, ilz tiennent leurs delliberations +en suspens, dillayantz la depesche du jeune comte de Mansfelt, et leur +responce au Sr de Lombres; et pareillement de ne toucher aux afferes +de la Royne d'Escoce, jusques a ce que leur ambassadeur, Mr Norrys, +leur ayt mande la certitude du tout; et n'ont faict plus grand +empeschement a ung courrier du duc d'Alve, qui est arrive depuys cinq +jours, que de l'avoir conduict a la court et visite seulement le +dessus de ses pacquetz, lesquels, se doutans bien qu'ilz estoient en +chiffre, l'ont renvoye avec les dicts pacquetz bien cloz a Mr +l'ambassadeur d'Espaigne, et luy ont ottroye passeport pour s'en +pouvoir retourner de della, bien qu'ilz ne layssent pourtant de vivre +toutjour en grande deffiance du dict duc. A l'occasion de quoy ilz +dressent de grandes forces et ordonnent beaulcoup de gens de cheval, +pistoliers, et renforcent les garnysons tout le long de la coste qui +regarde les Pays Bas; sur ce, etc. + + Ce Xe jour de janvier 1570. + + + + +LXXXIIIe DEPESCHE + +--du XVe jour de janvier 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Callais par Olivier Cambernon._) + +Efforts que l'on fait en Angleterre pour impliquer le duc de Norfolk +et la reine d'Ecosse dans la revolte du Nord.--Le comte de +Northumberland livre dans sa fuite au pouvoir du comte de +Murray.--Mission d'Elphinstone en Angleterre.--Proposition emise dans +le conseil de demander l'echange du comte de Northumberland contre la +reine d'Ecosse.--Preparatifs de guerre faits en Allemagne pour +soutenir les protestans de France.--Forces redoutables reunies sur mer +par les protestans de France et d'Allemagne.--Negociations de +l'Angleterre avec les Pays-Bas.--Motifs politiques qui engagent +Elisabeth a soutenir les protestans de France; espoir que cependant la +paix ne sera pas troublee. + + + AU ROY. + +Sire, il ne se faict, a ceste heure, aulcune plus grande dilligence +par deca, apres avoir esteint l'eslevation du North, que de cercher +d'ou elle est procedee, et qui sont les principaulx, qui ont heu +intelligence avec les deux comtes; en quoy s'engendrent plusieurs +malcontantemens et malveuillances qui se descouvrent toutz les jours +en plusieurs endroictz et villes de ce royaulme, et se continuent +jusques a la court; mesmes semble que, des champs ou la guerre estoit, +elle se soit transferee ez cueurs et affections des hommes, et dict on +que de la procede le retardement de la liberte du duc de Norfolc, +lequel aultrement estoit en trein de sortir bientost de la Tour pour +estre remis en son logis de ceste ville; mais les divisions et +competances de ceulx du conseil l'empeschent, lesquels veulent +monstrer qu'ilz concourent toutz contre la cause de l'eslevation, et, +encor que nulz manifestement ne le chargent de rien d'icelle, +neantmoins les ungs s'efforcent de l'y trouver embrouille, et les +aultres de l'en declairer exempt; ny n'est moindre leur contention sur +le faict de la Royne d'Escoce, soit pour le regard de la dicte +entreprinse du North, ou soit pour ses aultres afferes, es quelz ses +amys et serviteurs, qu'elle a en ce royaulme, ne se monstrent, pour +chose qui soit advenue, moins fermes en sa faveur, ny aussi ses +adversaires moins vehementz contre elle que auparavant. Et cependant +le gouverneur de Barvich a envoye a la Royne d'Angleterre une lettre +du comte de Mora, par laquelle, de tant que la dicte Dame ne l'a +vollue communiquer a personne et qu'elle a fait semblant d'y avoir +trouve plusieurs veriffications de l'entreprinse du North, quelques +ungs des grandz en demeurent en peyne; et bientost apres, est arrive +devers elle le ser Nicollas Elphingston, tres familier et inthime du +dict de Mora, lequel elle a curieusement et avec grand affection ouy, +mais ne se publie encores rien de l'occasion de sa venue, si n'est +qu'on dict qu'il a aporte la depposition du comte de Northomberland, +lequel estant enfin tumbe ez mains du comte de Mora, il l'a faict +mettre dans Lochlevin, ou la Royne d'Escoce estoit prisonniere; mais +je crains que le dict Elphingston ayt charge de renouveller le propos +de consigner la Royne d'Escoce au dict de Mora, moyennant les ostages +qu'on luy a demande, ou bien de fere l'eschange d'elle et du dict +comte de Northomberland, ce que je scay avoir este deja propose en ce +conseil, ainsy que je l'avois auparavant bien preveu; mais il semble +qu'il ne peult aucunement venir au cueur de la Royne d'Angleterre de +le debvoir fere, et y a aulcuns des siens qui ne sont pour le +consentyr, tant y a que la pouvre princesse et ceulx, qui portons icy +son faict, en sommes en grand peyne; mesmement a ceste heure que le +comte de Lestre, lequel a accoustume de proceder d'une plus honneste +et genereuse facon envers elle que les aultres du dict conseil, s'en +est, pour quelque occasion (et croy que pour les differans de court), +alle en sa mayson de Quilingourt, ou, toutesfoys, l'on croyt que la +Royne d'Angleterre ne le larra longtemps sans le fere revenir. + +J'entendz que ung secretaire du comte Palatin vient d'arriver, lequel +fault que soit passe par Flandres (car la navigation de Hembourg et de +Hendein est serree des glaces jusques en mars) ou bien echappe par la +France. Il est alle droict a Vuyndesor, et n'ay encores rien peu +aprandre de sa commission, si n'est par ung qui l'a observe en +passant, qui a comprins de luy qu'il vient pour avoir de l'argent, ou +bien lettre de credit et de responce a certains juifz qui ont promiz +de fornir une somme en Allemaigne, et qu'il est tout certain que le +Cazimir et le prince d'Orange ont une armee preste pour entrer en +France, a ce prochain primtempz; dont le jeune comte de Mensfelt s'est +eslargy de dire, qu'aussitost qu'il arrivera en Allemaigne avec la +depesche de ceste princesse, le dict de Cazimir commancera de marcher; +ce que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, lequel j'avois hier a +disner en mon logis, m'a confirme, bien qu'il crainct, si le propos de +la paix se conclud en France, que tout cella aille tumber sur les bras +du duc d'Alve; et, ce pendant, le capitaine Sores a prins une seconde +nef venicienne, plus riche que la premiere, et faict on compte que la +charge des deux vault plus de trois cenz mil escuz, oultre quatre +vingtz pieces de bonne artillerye qu'il y a dedans, et oultre les +deulx vaysseaulx, qui sont les deux meilleurs de la mer; de quoy toutz +les merchans, tant naturelz que estrangiers, de ce royaulme, demeurent +fort scandalizez contre Mr le cardinal de Chatillon, et requierent +ceste Royne d'y pourvoir; mais, ou soit qu'elle et les siens n'ayent +moyen de le fere, ou bien que, pour s'exempter de prester de l'argent +a ceulx de la Rochelle, ilz leur veuillent permettre de se prevaloir +de ceste riche et grande prinse, ilz dissimulent et prolongent les +remedes; et est a craindre que le dict Sores, avec tant de bons et +grandz vaysseaulx, et bien artillez, qu'il a a ceste heure, et le Sr +de Olain, et le bastard de Briderode, qui en ont ung aultre bon +nombre, ne tiennent dorsenavant bien fort subjecte ceste estroicte +mer, et mesmes qu'ilz ne dressent quelque entreprinse sur vos +galleres; bien qu'on m'a dict, Sire, que le dict de Olain est alle +jusques en Allemaigne porter soixante mil escuz au prince d'Orange du +butin de ses prinses de mer. + +Le Sr Thomas de Fiesque poursuyt d'accomoder icy le faict des deniers +et merchandises, prinses et arrestees par deca sur les subjectz du Roy +d'Espaigne, au nom des merchans a qui elles appartiennent, proposant +que les deniers, qui sont en especes, et pareillement ceulx qui +proviendront des merchandises, demeurent ez mains de ceste Royne +jusques a ung entier accord, en ce qu'elle leur permette de les +vandre, et qu'elle leur veuille bailler pour respondant la chambre de +Londres, de payer le tout a bons termes, apres qu'elle s'en sera +servye. Sur ce, etc. + +Ce XVe jour de janvier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, le surplus que j'ay a dire a Vostre Majeste, oultre le contenu +en la lettre que j'escriptz presentement au Roy, je le reserve a vous +mander par le Sr de La Croix, aussitost que l'ung des miens, qui sont +par della, sera arrive, et n'adjousteray icy, Madame, si n'est qu'on +parle diversement en ce royaulme de la paix qui se trette en France, +estantz ceulx des deux religions en contraires esperances la dessus; +scavoir: les Catholiques, que des grandes et notables victoires, que +Monseigneur vostre filz a gaignees, ayt a reuscyr ung accord fort +advantaigeux pour nostre religion et tres honnorable pour le Roy; et +les Protestantz, que monsieur l'Admyral s'estant aulcunement reffect, +et pres d'estre, dans six sepmaines ou deux moys, secouru du prince +Cazimir, n'ayt a quicter rien de ce qui apartient a la leur, ny en +l'exercisse, ny en l'establissement d'icelle dans le royaulme; et +estiment, les ungs et les aultres, que leur propre faict deppend du +succez des choses de della; dont, encor que la Royne d'Angleterre et +les plus moderez d'aupres d'elle dettestent asses les guerres des +subjectz, neantmoins, ceulx qui ont plus d'auctorite et de manyement +pres d'elle, desirans que la part des Catholiques demeure fort oprimee +par deca, condamnent en toutes sortes l'entreprinse de ceulx du North +comme inique, et luy coulorent de quelque equite celle de France et +luy persuadent, que du maintien d'icelle deppend la seurete de son +estat et du tiltre de son royaulme, et de la legitime qualite de sa +personne; laquelle aultrement seroit par les Catholiques tenue +illegitime. Ce qui faict, Madame, qu'encor que ceste princesse ayt +grand regrect a la prinse de ces deux grandes nefz veniciennes, et +qu'elle sente que, pour aulcun respect, il tourne au prejudice de sa +reputation que, l'une, en partant d'icy, et l'aultre, en y arrivant, +ayent este prinses en la plaige et quasi dans les portz de son +royaulme; neantmoins, pour n'incommoder ceulx de la dicte religion, +iceulx de son dict conseil la contraignent de differer et dissimuler +le remede, que tres volontiers elle donroit aulx merchans; et le +secretaire Cecille a asses soubdain respondu a ceulx qui l'en ont +sollicite, que ceulx de la Rochelle avoient guerre contre les +Veniciens, parce qu'ilz ont preste de l'argent au Roy; et mesmes, +aulcuns a ce propos m'ont interroge si la Royne de Navarre n'estoit +pas en actuelle possession de quelque partie de son royaulme, ayant +este propose en ce conseil, si, comme Princesse Souveraine, elle ne +pouvoit pas declarer une guerre, apres l'avoir jugee juste et +legitime. Sur quoy, me doubtant bien pourquoy l'on me faisoit ceste +demande, j'ay respondu que la dicte Dame n'a rien qui ne soit, ou +mouvant de la couronne de France, ou tenu soubz la protection +d'icelle, et ainsy n'ont rien gaigne sur moy de cest endroict. + +J'ay receu l'acte de mainlevee, qui a este faicte a Roan, des biens +des Anglois, de laquelle ceste Royne et les siens se sont fort +contentez, et ont, de leur part, desja procede de mesmes a la +restitution des biens que les Francoys ont peu monstrer leur apartenir +par deca, et continuent encores toutz les jours de leur faire justice. +Ilz se plaignent seulement de Bretaigne, et suplient Vostre Majeste +d'y donner ordre. Il me semble qu'en toutes sortes, ceste Royne et le +general de son royaulme veulent perseverer en bonne paix, et ouverte +amytie, avecques Voz Majestez Tres Chrestiennes; mais que, en +particullier, aulcuns passionnez feront toutjour, soubz main, tout ce +qu'ilz pourront, et icy, et en Allemaigne, pour ceulx de la Rochelle, +et feroient davantaige si, avec vostre authorite, je ne mettois peyne +de les empescher. Sur ce, etc. + + Ce XVe jour de janvier 1570. + + + + +LXXXIVe DEPESCHE + +--du XXIe jour de janvier 1570.-- + +(_Envoyee expres jusgues a Callais par Letorne, estant le sieur de La +Croix tumbe malade, dont il est alle a Dieu._) + + Intrigues a la cour de Londres; rivalites entre Leicester et + Cecil.--Nombreuses executions faites par le comte de Sussex a + la suite de la revolte du Nord.--Moderation du comte de Warwick + a l'egard des insurges qui sont tombes en son pouvoir.--On + croit que les Ecossais aideront le comte de Westmorland a + rentrer en Angleterre.--Negociation d'Elphinstone.--Crainte que + l'on doit avoir en France du cote d'Allemagne.--Sollicitation + faite aupres de la reine d'Ecosse par le comte de Huntingdon + pour qu'elle consente a se marier avec Leicester.--Clauses d'un + traite qui lui est propose pour son + retablissement.--Preparatifs faits par le prince d'Orange + contre les Pays-Bas.--_Avis_ donne au roi de divers bruits que + l'on fait courir a Londres sur les mesintelligences qui se + seraient elevees a la cour de France.--_Memoire secret_. + Soupcons eleves contre le duc de Norfolk, le duc d'Albe, la + reine d'Ecosse, et l'ambassadeur de France au sujet de la + revolte du Nord.--Menees du duc d'Albe en + Angleterre.--Declaration d'Elisabeth que la reine d'Ecosse a + forme le projet de s'emparer de la couronne d'Angleterre pour + reduire le royaume a la religion catholique.--Proposition faite + par l'ambassadeur d'Espagne au roi de France de former une + ligue pour retablir Marie Stuart sur le trone d'Ecosse, et la + religion catholique en Angleterre.--Conduite qu'a du tenir + l'ambassadeur de France a cet egard.--Projets que l'on doit + supposer a l'Espagne. + + + AU ROY. + +Sire, pour l'occasion des troubles du North, la Royne d'Angleterre, +au commancement de ceste annee, a advise d'augmenter son conseil d'ung +nombre de personnaiges miz a sa devotion, lesquelz elle a pourveuz +d'aulcuns offices qui vacquoient de longtemps, qui ont lieu en son +dict conseil, comme est le contrerolleur, trezorier, vychambrelan, et +aultres de sa mayson; en quoy la contention n'a este petite en sa +court, entre ceulx qui aspiroient a cella, ou pour eulx mesmes ou pour +y en mettre de leur faction, ou bien pour empescher qu'il n'y en +entrat plus grand nombre; et est advenu, par le moyen du comte de +Lestre, que le sire Jacques Croft a este faict contrerolleur, bien +qu'on ayt crye qu'il estoit papiste; mais, possible, l'y a t on admiz +plus vollontiers pour estre auculnement estime ennemy du duc de +Norfolc, et le Sr de Frocmarthon, qui y pretandoit grandement, a este +du tout descheu pour ceste foys, demeurant comme banny de court; et +semble que, pour ces contentions, le comte de Lestre se soyt despuys +absente, et qu'entre luy et le secretaire Cecille, lequel est en plus +grand credict que jamais, y ayt beaulcoup de simulte, et que +neantmoins il ne sera longtemps sans revenir. + +Le comte de Sussex poursuyt de fere de grandes executions a Durhem et +Artelpoul, et aultres lieux de son gouvernement, sur ceulx qui avoient +prins les armes, ayant desja faict pendre, outre ceulx du commun, bien +cent personnaiges de qualite, baillifz, connestables ou officiers, et +pareillement les prestres qui estoient avec eulx, nommeement le Sr +Thomas Plumbeth, estime homme fort scavant et de bonne vie, et pense +l'on qu'il se monstre aussi vehement, pour effacer le souspecon qu'on +a heu de luy; et, au contraire, le comte de Vuarvich s'y porte fort +modestement, lequel a envoye supplier la Royne d'octroyer remission a +ces pouvres gens, ce que, en partie, elle a concede; et l'admyral +Clinton est demoure encores a Vuodderby, avec mil hommes, pour +contenir le pays, et pour empescher que le comte de Vuesmerland, avec +l'assistance des Escossoys, ne puisse rentrer en armes en Angleterre, +ce que l'on crainct asses qu'il face, parce qu'il est avec le ler de +Farnihyrst, affectionne serviteur de la Royne d'Escoce, et que les +aultres principaulx de l'entreprinse sont avecques d'aultres seigneurs +escossoys, leurs amiz, de ce mesme party; et que aulcuns se sont +acheminez a Dumbertran. Le seul comte de Northomberland a este prins +et livre au comte de Mora, qui l'a incontinent faict mettre dans +Lochlevyn; et a soubdain depesche devers ceste Royne le Sr Elphiston, +son familier, lequel, a ce que j'entendz, raporte plusieurs choses de +la depposition du dict de Northomberland, et plusieurs aultres, pour +fere acroyre que la Royne d'Escoce et l'evesque de Roz ont induict le +dict de Northomberland de prendre les armes; a quoy semble qu'on +n'adjoute grand foy: et, d'abondant, monstre excuser le dict de Mora +de ne pouvoir, en bonne conscience, ny sellon son honneur, ny encores +sellon les loix du royaulme d'Escoce, rendre icelluy comte, mais par +mesme moyen, il faict instance a la Royne d'Angleterre de luy prester, +pour chose fort importante au bien des deux royaulmes, une somme +d'argent; et tout ainsi qu'on luy donne l'esperance qu'il en pourra +avoir, il la donne, encores plus grande, que le dict de Northomberland +pourra estre randu, et espere davantaige qu'en le rendant, il se +pourra aussi tretter de randre au dict de Mora la Royne d'Escoce: dont +il prepare de s'en retourner en grand dilligence devers luy. + +Cependant, Sire, nous ne serons paresseulx de luy preparer toutz les +obstacles qu'il nous sera possible, et pareillement au secretaire du +comte Pallatin, lequel demande en general assistance de deniers, affin +de lever gens pour les secours et deffance de la nouvelle relligion en +France, et pour fere une descente contre le duc d'Alve en Flandres; +dont aulcuns estiment qu'il ne s'en retournera sans quelque provision, +tant y a qu'il ne luy a este encores respondu sellon son desir. +Neantmoins, je vous supplie tres humblement, Sire, de fere +soigneusement prendre garde aulx mouvemens d'Allemaigne; car l'on +tient icy pour chose fort certayne qu'il y a armee preste, et qu'elle +n'est pour aller en Flandres, ny pour s'adresser ailleurs qu'en +France, tant que la guerre y durera, et que le Sr d'Olain a porte au +prince d'Orange plus de six vingtz mil escuz, oultre que les bagues de +la Royne de Navarre sont en Allemaigne, et les nefz veniciennes, +riches de trois centz mil escus, sont desja arrivees a la Rochelle; et +quant bien ceste Royne ne vouldra rien debourcer, les esglizes +protestantes de son royaulme ne lairront pourtant d'y envoyer quelque +notable subvention, comme celle de l'annee passee, qui fut de cent mil +escuz, ny la dicte Dame, quant bien ne le vouldroit, ne le pourra +contredire, tant le feu de cette matiere est, a ceste heure, ardemment +espriz en ce royaulme comme je croy qu'il est de mesmes ailleurs. + +La Royne d'Escosse est meintennant a Tutbery, accompagnee seulement du +comte de Cherosbery et des siens, qui luy octroyent plus de liberte +qu'ilz ne souloyent; elle se porte bien, et encores que plusieurs +choses se soyent opposees aulx esperances que nous avions de ses +afferes, il nous en reste quelques aultres qui, possible, viendront a +bon effect; et j'ay desja quelque adviz que ceux de son party en +Escosse pretendent de se mettre bientost en campaigne, remectant, +Sire, au Sr de La Croix de vous faire entendre aulcunes aultres +particullaritez, sur lesquelles je vous supplie tres humblement luy +donner foy. Sur ce, etc. + + Ce XXIe jour de janvier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, par le contenu de la lettre que j'escriptz au Roy, et par +l'instruction que j'ay baillee au Sr de La Croix, je fays entendre a +Vostre Majeste les principalles choses, qui me semblent regarder +meintenant icy l'interest des vostres; et ne vous diray davantaige, +Madame, si n'est que le comte de Huntington, pendant qu'il a este a la +garde de la Royne d'Escosse, l'a si souvant sollicitee de se departir +du propos du duc de Norfolc, pour entendre a celluy du comte de Lestre +son beau frere, que, pour ne se pouvoir la dicte Dame excuser de +quelque responce, elle luy a dict que, pour ceste heure, elle n'avoit +rien moins a penser qu'a se marier, et qu'aussi le comte de Lestre +avoit bien toute aultre pretencion, avec ce que, si elle contradisoit +meintennant au desir de ces seigneurs, qui luy avoient si expressement +escript en faveur du duc, elle craignoit fort de les irriter et +offancer, et que le comte de Lestre mesmes, qui en estoit l'ung, +prendroit une fort mauvaise opinion d'elle. De quoy l'aultre ne se +contantant, et la pressant de luy fere une plus particulliere +responce, elle, enfin, luy a dict tout rondement, que, si la Royne +d'Angleterre et les siens, lesquelz luy avoient propose le duc, ne +trouvoient bon que le propos passat en avant, qu'elle estoit toute +resolue de n'espouser jamais Anglois. Sur ce il s'est advance de dire +qu'elle faisoit fort bien, car aussi tout ce royaulme inclinoyt a ce +desir, et qu'il voyoit que, nonobstant toutz empeschemens, avant ne +fut deux ans, elle et le duc seroient maryes ensemble. Puys luy a +parle fort expressement de quatre choses; la premiere, de tretter +conjoinctement, entre l'Angleterre et l'Escosse, de l'establissement +de la nouvelle religion; la segonde, de fere une bien seure et +perpetuelle ligue entre les deux royaulmes; la troisiesme, de +consentyr que, par decrect de parlement, ce royaulme soit, apres elle, +toutjour transfere aulx males plus prochains de la couronne, parce que +le dict de Huntington vient de l'estoc d'iceulx; et la quatriesme, que +Voz Majestez Tres Chrestiennes veuillez depputter aulcuns pour +assister, de vostre part, icy, aulx choses qui seront proposees, entre +la dicte Dame et ses subjectz, sur la restitution d'elle, et sur le +faict du feu Roy d'Escoce son mary. Et a adjouxte que monsieur le +cardinal de Lorrayne feroit bien, comme prochain parant, d'intervenir +au jugement d'une si grande cause. + +Nous sommes apres pour scavoir d'ou sont parvenus ces propos, et +semble que le dict comte de Lestre ne les advouhe, et que mesmes il +pense que la Royne d'Angleterre sera fort courroucee contre le dict +Huntington, quant elle les saura, et que tout cella est party de +l'invention du secretaire Cecille. La dicte Royne d'Escoce a tire ung +adviz du dict de Huntington, que le prince d'Orange praticque de fere +descendre dix mil Anglois en Flandres, et qu'avec cella, et ce qu'il +prepare en Allemaigne, joinct l'intelligence du pays, il espere d'en +chasser le duc d'Alve et les Espaignols, ce qui a este notiffie a +l'ambassadeur d'Espaigne. Sur ce, etc. + + Ce XXIe jour de janvier 1570. + + +AULTRE LETTRE A LA ROYNE + + (_du dict jour, ecrite en chiffres_). + +Madame, parce qu'on publie, icy, a mon grand regrect, qu'il n'y a bon +accord entre le Roy et Monsieur, son frere, voz enfantz, et que douze +des principalles citez de France s'opposent a ce que Voz Majestez ne +puissent aulcunement accommoder, par voye de paciffication, les +guerres de vostre royaulme; qui sont deux choses dont Vostre Majeste +auroit, de la premiere, le plus extreme desplaisir, et nous, le plus +notable dommaige qui nous pourroit onques advenir; et la segonde +seroit pour torner a une fort pernicieuse consequence contre +l'auctorite du Roy, et droictement contre la vostre; mesmes qu'on m'a +dict qu'en quelques endroictz du monde l'on faict desja des desseings +la dessus, et que ceste Royne m'en pourra possible toucher quelque +mot, je vous suplie tres humblement, Madame, me commander ce que +j'auray a luy en respondre, ensemble a plusieurs seigneurs de ce +royaulme, et mesmement aulx Catholiques, qui envoyent souvant m'en +interroger, lesquelz demeurent toutz esbahys et desconfortez de ce +que, sept sepmaines a, je n'ay nulles nouvelles de Voz Majestez; +ausquelz toutesfoys j'ay bien desja desnye l'une et l'aultre de ces +nouvelles, comme les tenant toutes deux fort faulces, et sur ce, etc. + + MEMOIRE ET INSTRUCTION de ce que le Sr de La Croix a a dire a + Leurs Majestez, oultre le contenu de la depesche. + + De ces troubles du North, qu'encor qu'ilz ayent este bientost + apaysez, neantmoins, parce que, en mesme temps, s'est descouvert + qu'en Norfolc l'on avoit entreprins de se saysir des armes, qui + estoient ez maysons du duc de Norfolc, et de contraindre le sire + Henry Hemart, son frere, d'estre chef d'une troupe de douze mil + hommes qui se tenoient prestz pour marcher droict a la Tour de + Londres, affin de tirer icelluy duc de pryson; et que, en Galles, + les choses ne se monstroient guieres plus paysibles, ceste Royne + est demeuree en plusieurs doubtes et deffiances de ses subjectz. + + Ce qui luy est augmente par l'opinion, qu'elle a, que + l'intelligence du duc d'Alve y soit bien avant meslee, sellon + que, par l'examen d'aulcuns du North, qui ont este executez, et + de la depposition du comte de Northomberland, laquelle celluy de + Mora a envoyee, il semble que cella luy ayt este confirme. + + En laquelle depposition, oultre que le dict de Northomberland + charge les plus grandz de ce royaulme, l'on dict qu'il affirme, + qu'ainsy que luy et le comte de Vuesmerland furent en campaigne, + l'ambassadeur d'Espaigne et l'evesque de Roz envoyerent devers + eulx ung homme expres, avec lettres, pour les conforter a leur + entreprinse, et leur promettre un prochain secours du duc d'Alve, + et pareillement de France, s'ilz se saysyssoient de quelque port. + + Duquel acte de l'evesque de Roz la dicte Dame a prins argument + que la Royne d'Escoce, sa Mestresse, a bien peu estre mellee en + cella, et par consequent moy a cause d'elle; car, aultrement, + elle n'a aulcune conjecture que je m'en soys entremiz, ny que + deca ny della la mer il y ayt este mene aulcune pratique au nom + du Roy; et le dict acte n'est suffizant pour luy en fere prendre + guieres grande opinion, parce qu'il ne se trouve que j'aye rien + escript, ny mesmes que j'aye dict une parolle, ny heu aulcune + conferance, avec personne qu'elle ayt occasion de souspeconner. + + Elle recoit asses souvant lettres d'aulcuns siens secrectz + serviteurs, qui sont en Flandres, qui l'advertissent que le duc + d'Alve prepare des entreprinses contre ce royaulme; et que la + plus part de la noblesse d'Angleterre sont de son party; et que + plusieurs d'icelle ont desja receu force escuz au soleil de luy; + dont j'entends que milord de Coban, depuys naguieres, a envoye + quatre des dictes lettres tout a la foys en ceste court, les deux + signees de noms supposez et les aultres non signees lesquelles + estant leues; au conseil auquel s'est trouve le comte de Pembrot, + toutz les Protestantz ont incontinent jette les yeux sur luy, et + il a fort hardyment repondu que ceulx qui escripvoient telles + lettres estoient toutz meschantz d'accuser ainsy en general la + noblesse d'un royaulme, et, s'ilz avoient cueur ny valleur, ilz + debvoient nommer ceulx qui ont prinz ces escuz et se nommer eulx + mesmes pour le leur maintenir, mais que ce n'estoient que + menteries, et que, quant la Royne, sa Mestresse, aura ses + subjectz bien uniz, les effortz du duc d'Alve luy seront bien + ayses a repousser. + + Pour l'occasion de ces advertissements, l'on dict que la dicte + Dame et ceulx de son conseil ont advise de dresser une grand + milice, d'envyron quatre vingtz dix mil hommes de pied et trente + mil chevaulx en trois endroictz de ce royaulme; scavoir: trente + mil hommes de pied et dix mil chevaulx du coste de France vers le + Ouest; aultant en Suffoc, Norfolc et Germue, qui regarde le pays + de Flandres; et le tiers restant vers le coste du North contre + l'Escoce; de quoy l'on asseure que les rolles et descriptions + sont desja bien avancez, et que surtout l'on s'esforce de dresser + grand nombre de pistolliers, et mettre a cheval beaulcoup plus + d'hommes qu'on n'a oncques faict de nul aultre regne. + + Tout cest ordre est conduict par ceulx de la nouvelle religion, + lesquelz, pour l'occasion des victoires du Roy et des batailles + que Monsieur, son frere, a gaignees, et des preparatifs du duc + d'Alve, et de ce qu'il leur semble qu'il se va trop establissant + en Flandres, aussi pour la reduction du nouveau roy et du + royaulme de Suede a la religion catholique, et pour le mouvement + des Catholiques de ce pays, ilz sont entrez en grandes + deliberations, et ont tenu plusieurs conseils comme ilz pourront + conserver et maintenir leur nouvelle religion. + + Et, bien que ceste Royne n'est d'elle mesme mal affectionnee a la + partie des Catholiques, ains seroit pour requerir fort + vollontiers la reunyon de l'esglize et ne s'opposer guieres a ce + qu'elle se fit par ung bon concille; neantmoins les Protestans la + retiennent par une vehemente persuasion qu'ilz lui ont donne de + la perte de son estat, si elle n'est toujours opposante a + l'authorite de l'esglize romaine. + + Ce que je conjecture par le propos qui s'ensuyt, lequel elle m'a + naguieres tenu, c'est qu'elle dict avoir deux grandes occasions + de regarder de bien prez au faict de la Royne d'Escoce; l'une, + parce que la dicte Dame ne s'est pas attribuee le tiltre de ce + royaulme sans une bien profonde delliberation, et sans une fort + grande opinion de son droict; l'autre, qu'elle voyt bien que la + dicte Dame se veult prevaloir de la division de la religion, et + cerche de s'insinuer par la ez cueurs de la noblesse + d'Angleterre, et que desja plusieurs briefz du Pape ont ete + interceuz, par lesquelz il declare absoulz ceulx qui cy devant + ont obei a elle, bien que illegitime et scismatique, pourveu + qu'ilz veuillent dorsenavant recevoir la Royne d'Escoce pour leur + Dame et Princesse. Et a adjouxte qu'on se trompoit bien en cella; + car, encor que le feu Roy, son pere, eust espouse la Royne, sa + mere, a la religion protestante, il a toutesfoys obtenu le + rescript du Pape la dessus; par laquelle persuasion des dictz + briefz, que je croy estre chose supposee, les Protestants + retiennent bien fort le cueur de ceste princesse contre les + Catholiques et contre la Royne d'Escosse, bien que j'ay miz peyne + de luy en diminuer l'opinion tant que j'ay peu. + + =>Chiffre.= [Le premier jour de ceste annee 1570, et le Xe + ensuyvant, monsieur l'ambassadeur d'Espaigne et moy avons este en + conferance en mon logis sur l'estat des choses de ce royaulme, et + avons considere que, puysque les Catholiques n'ont heu le cueur + de s'ozer prevaloir de la premiere prinse d'armes qu'ilz avoient + faicte avec une assemblee de quinze mil hommes, ou y en avoit bon + nombre de pied et de cheval bien armez et en bon equipage, et + avec ung asses heureux commancement, sans que les Protestans + fussent preparez ny pourveus pour leur resister, qu'il sera bien + mal ayse, qu'a ceste heure qu'ilz les ont comme advertys, ilz + puissent rien plus entreprendre; et qu'estant, au reste, le duc + de Norfolc prisonnier, le comte d'Arondel fort refroydy, celluy + de Pembrot retourne a la court pour servir a ses amys, et + conserver ses estatz et les estatz de ses enfans, milor de Lomele + encores en arrest et toutz les Catholiques en general fort + inthimidez, qu'il est dangier que les Protestans, qui sont seulz + en authorite, viegnent a tumultuer plus que jamais, et mener + leurs pratiques, icy et en Allemaigne, et pareillement leurs + entreprinses par mer et par terre, plus ouvertement qu'ilz n'ont + encores fayct. Dont le dict ambassadeur, apres que nous avons heu + accorde l'ung a l'aultre ce que chacun de nous avons peu sentir + que les dictz Protestans menoient contre l'interest de nos + Mestres, il m'a dit que le sien et pareillement le duc d'Alve + avoient une tres grande affection que ce royaulme fust reduict a + la religion catholique, parce qu'on ne peult esperer que + oltraiges et indignitez d'icelluy, tant qu'il demeurera entache + de ceste nouvelle religion; et, de tant qu'il s'asseuroit que le + Roy, Mon Seigneur, avoit le semblable desir, il me prioyt fort + affectueusement de lui persuader qu'il voulut escripre + promptement une lettre au Roy Catholique, son beau frere, par + laquelle il luy mit en avant la commune entreprinse d'entre eulx + deulx contre l'Angleterre pour la restitution de la Royne + d'Escosse, seulement, comme pour cause juste et apartenant + proprement a Sa Majeste Tres Chrestienne, et en laquelle il le + pryat d'y vouloir employer ses forces; ce que le dict ambassadeur + asseuroit que le dict Roy, son Mestre, accorderoit de fere plus + vollontiers qu'il n'en seroit requis, et qu'apres cella, les deux + ensemble tinsent leur armement prest pour l'heure que nous, qui + sommes sur les lieux, leur manderons; car, si les choses + d'Angleterre n'etoient prinses sur le poinct qu'elles se + presentent, elles estoient si soubdaines qu'on les perdoit + incontinent; + + Et que j'advertisse aussi Leurs Majestez Tres Chrestiennes + d'envoyer promptement devers le comte de Mora, pour le garder de + ne randre les comtes de Northomberland et Vuesmerland a la Royne + d'Angleterre; et que, pour la confederation que la France a non + tant avec la Royne d'Escosse que avec sa couronne et avec toutz + les Escossoys, ilz le voloient bien admonester de son debvoir en + ce qui se offre, affin qu'il ne face ce tort a l'honneur de ce + royaulme, ou les dictz comtes ont heu leur reffuge, que de les + randre au mandement des Anglois; et que mesmes, pour estre les + biens et estats de toutz deux en la terre debattable, ou en celle + de la conqueste faicte sur l'Escosse, qu'il se presente occasion, + par leur moyen, de la recouvrer. + + Ces mesmes choses m'a il faict despuys remonstrer par l'evesque + de Roz, lequel toutesfoys ne les a prinses, pour luy mesmes, en + suffisant payement de ce que, au nom de sa Mestresse, il a prye + le dict Sr ambassadeur de fere meintenant descendre en Escosse le + secours de quatre mil hommes, et cent mil escuz, que le duc + d'Alve a mande avoir toutz prestz pour envoyer aulx deux comtes, + s'ilz eussent peu meintenir encores quinze jours les armes; et + qu'a cest effect, elle fera passer quelques seigneurs d'Escosse + devers le dict duc pour adviser avecques luy de leur descente et + reception dans le pays, et, si besoing est, elle envoyera un + gentilhomme jusques au Roy d'Espaigne pour avoir son + commandement; en quoy le dict ambassadeur a seulement promiz d'en + escripre, mais qu'il failloit que, de mon coste, je fisse en + dilligence ce qu'il m'avoit dict, et que surtout l'on fut bien + advise de ne toucher entre Leurs Tres Chrestienne et Catholique + Majestez ung seul mot du faict de la nouvelle religion de peur de + mouvoir les Allemans.] + + Je n'ay monstre aux dictz sieurs ambassadeur et de Roz que toute + bonne affection en ce qu'ilz m'ont propose, sinon que je leur ay + allegue aulcunes difficultez pour les presentes guerres de + France, et que, pour le dangier des pacquetz, j'estimois qu'il + seroit meilleur que le duc d'Alve envoyat sur le lieu tretter par + quelq'un des siens ou bien par Dom Frances [le faict de + l'entreprinse contre l'Angleterre] que non que le Roy en + escripvit au Roy, son Maistre; et que, d'empescher la reddition + des deux comtes, de tant que celluy de Mora s'est monstre trop + adversaire de la Royne d'Escosse, mal vollontiers le Roy le + vouldra requerir, ny de cella ny d'aultre chose, sans toutesfoys + que je leur aye reffuze, ny accorde aussi d'en rien escripre a + Leurs Majestez; vray est qu'auparavant il avoit este desja donne + tout l'ordre qu'on avoit peu [pour envoyer empescher en Escosse + que les deux comtes ne soyent rendus]. + + L'ambassadeur d'Espaigne a tres bonne affection a la religion + catholique, et procede fort droictement en tout ce qui est pour + l'advancement d'icelle; il fault considerer aussi qu'il peult + bien en ces choses estre aultant esmeu du desir qu'il scayt que + le Roy, son Maistre, a de recouvrer l'argent et merchandises de + ses subjectz, prinses et arrestees par deca, et de se vanger des + offances receues en cella, et pareillement de celles que le duc + d'Alve se sent en particullier fort picque, pour les indignitez + usees a luy mesmes et a ceulx qui sont venuz de sa part, que non + de l'interest de la couronne d'Escosse, ny pour vouloir diminuer + la grandeur de celle d'Angleterre, qui est alliee de la maison de + Bourgogne; ou bien qu'il cognoist que, si ceste Royne sent que le + Roy conviegne avec le Roy d'Espaigne contre elle, qu'elle sera + plus facille de se reconcillier avec le duc d'Alve, dont Leurs + Majestez Tres Chrestiennes adviseront ce qui sera le plus + expediant pour leur service. + + Il est bien certain que, despuys le commancement des differans + des Pays Bas, et lors mesmement que le Sr d'Assoleville et puys + le Sr Chapin Vitelly sont passez de deca, que ceste princesse m'a + toutjour faict sonder de quelle intention le Roy et la Royne + seroient en son endroict, affin de s'accommoder avec celle des + parties qu'elle cognoistra luy estre de meilleure disposition; de + quoy ayant heu cognoissance, et encores quelque adviz, je me suys + conduict de telle facon envers elle, que luy donnant bonne + esperance du coste de France, sans luy parler toutesfoys qu'en + tres bonne et advantaigeuse facon des choses d'Espaigne, je l'ay + retenue en quelque devotion envers Leurs Tres Chrestiennes + Majestez, et je croy qu'elle s'est de tant monstree plus + difficille et contraire au duc d'Alve. + + Davantaige conferans le dict sieur ambassadeur et moy noz adviz + sur la negociation que faict le secretaire du comte Pallatin en + ceste court, il nous a este raporte a toutz deux qu'il poursuyt + argent affin de lever gens en Allemaigne, tant pour envoyer au + secours de ceulx de la nouvelle religion en France, que pour fere + une descente contre le duc d'Alve aulx Pays Bas; et de tant que + le Sr de Lombres, flamant, qui a este envoye icy par ceulx de la + Rochelle, sollicite vifvement ce fait au nom du prince d'Orange, + le dict ambassadeur l'a pour plus suspect, et me presse pour cela + fort vifvement que nous veuillons [induyre conjoinctement noz + deux Maistres d'entreprendre promptement quelque chose contre ce + royaulme], bien que, a propos du dict prince d'Orange, il m'a + dict qu'il scavoit que ce qu'il preparoit en Allemaigne estoit + pour retourner en France. Sur quoy luy ayant respondu qu'il + n'avoit receu aucune offance du Roy pour le debvoir fere, il m'a + seulement demande si le Roy ne lui avoit pas confisque son estat + qu'il a en France; a quoy je lui ay respondu que ce n'estoit + chose qu'il dut tenir en tant, pour en commancer une guerre, + quant bien le Roy le luy auroit confisque: et, la dessus, il m'a + faict ung discours comme si l'Allemaigne n'estoit pour plus luy + consentyr de retourner a main armee aulx Pays Bas, mais bien de + procurer son retour en ses biens par le pardon et bonne grace du + Roy son Seigneur. + + + + +LXXXVe DEPESCHE + +--du XXVIIIe jour de janvier 1570.-- + +(_Envoyee jusques a Callais expres par Pierre Bordillon._) + + Arrivee de Mr de Montlouet a Londres.--Mission dont il est charge + pour l'Ecosse; etat des affaires dans ce pays.--Projets du + comte de Westmorland, qui prepare une nouvelle prise + d'armes.--Avantage remporte en Irlande par mylord + Sidney.--Espoir d'Elisabeth que les differends avec les + Pays-Bas pourront s'arranger a l'avantage de + l'Angleterre.--Preparatifs du duc Casimir qui se dispose a + entrer en campagne.--Efforts de l'ambassadeur pour empecher que + des secours d'argent soient donnes aux protestans de la + Rochelle.--Reclamation de la republique de Venise afin + d'obtenir la restitution des prises faites par le capitaine + Sores. + + + AU ROY. + +Sire, je n'avois rien entendu de la venue de Mr de Montlouet, quant, +le XXe de ce moys, il m'a este mande de ceste court qu'il avoit desja +passe la mer, et qu'il estoit a Douvres; au quel lieu l'on l'a arreste +deux jours et demy, sans luy permettre de passer plus avant; et croy +que c'est le filz de Mr Norrys qui, ayant passe avecques luy, et +laisse madame de Norrys sa mere a Boulloigne, a advise les officiers +de fere ceste difficulte, afin qu'il eust loysir d'en advertir la +Royne sa Mestresse, laquelle a mande tout aussitost qu'on le laissat +venir, monstrant d'estre marrye qu'on l'eust aulcunement retarde. Par +ainsy, Sire, il est arrive en ceste ville le XXIIIe, et, le lendemain +XXIVe, nous avons envoye a Hamptoncourt, ou la dicte Dame est a +present, pour demander son audience; laquelle elle nous a incontinent +accourdee au XXVIe; mais ceulx de son conseil, qui avoient a se +trouver toute ceste sepmaine en ceste ville pour l'ouverture du terme +de la justice, la luy ont faicte prolonger jusques a dimanche +prochain, qui sera le XXIXe; et semble, Sire, que monsieur Norrys ayt +donne adviz a la dicte Dame que le voyage du dict Sr de Montlouet est +pour les afferes de la Royne d'Escoce, dont elle s'est desja preparee, +ainsy que j'entendz, de la responce qu'elle luy doibt fere; et je +doubte asses qu'elle luy veuille accorder de passeport pour aller en +Escoce; car, oultre que l'ordinaire souspecon et jalouzie qu'elle a de +l'auctorite de Vostre Majeste en ce pays la luy administre assez +inventions pour y trouver toujour quelque excuse, il luy semblera, a +ceste heure, qu'elle en ayt une fort aparante pour les troubles +naguieres suscitez en son pays du North, et pour la retrette qu'ont +faict les chefz et autheurs d'iceulx avec leur cavallerye vers ces +quartiers de terres debattables d'entre les deux royaulmes; ou, a la +verite, l'on dict que le comte de Vuesmerland se va refaysant, et +assemblant une trouppe, qui ne sera moindre de quatre mille chevaulx +anglois ou escoucoys, lesquels il pourra joindre toutes les foys qu'il +vouldra, en moins de quatre jours; et le comte de Northomberland n'est +mal trette du lord de Lochlevyn, qui, encor qu'il soit beau frere du +comte de Mora, ne monstre le vouloir randre a la Royne d'Angleterre. +Neantmoins, ayant le dict Sr de Montlouet et moy desja heu +communication avec monsieur l'evesque de Roz, nous n'obmettrons rien +de tout ce qui se pourra dire et fere, au nom de Vostre Majeste, +envers ceste Royne, pour la liberte, restitution et advancement de la +Royne d'Escoce, et pour avoir permission de l'aller veoir, et puys de +parfere son voyage. + +Il est certain que la retrette des comtes de Northomberland et de +Vuesmerland n'a tant apayse les troubles du North, que la dicte Royne +d'Angleterre et les siens ne craignent bien fort qu'il se fasse +encores une reprinse d'armes, non seulement au mesmes pays du North, +ou l'execution de tant de pouvres hommes, qu'on y faict mourir, ne +faict qu'endurcyr et aigrir davantage les aultres, mais aussi en +plusieurs endroictz de ce royaulme; et que, si ceulx qui se sont +retirez en Escoce retournent, la seconde entreprinse sera trop plus +dangereuse que la premiere. Il est vray que ce pendant la dicte Dame +se trouve dellivree de deux aultres grands soucys, l'ung du coste de +l'Irlande, et l'aultre des Pays Bas; car milord Sideney luy a mande +qu'en une course, qu'il a faicte sur les saulvaiges au plus fort de +l'hyver, lorsqu'ilz s'en doubtoient le moins, il a reprins vingt huict +lieux fortz sur eulx, et a ramene de prisonniers cent soixante des +plus principaulx des leurs, de sorte qu'il se promect une briefve et +fort heureuse yssue de toutz les afferes de della. Et de Flandres la +dicte Dame estime avoir ung bien asseure adviz que les aprestz du duc +d'Alve contre ce royaulme se vont refroydissant, et vont estre remiz +en ung aultre temps; ce qui lui semble estre davantaige confirme par +la dilligence que les Srs Espinola et Fiesque font icy d'accommoder le +faict des deniers et merchandises d'Espaigne, bien fort a l'advantaige +de la dicte Dame. + +Les adviz des aprestz et mouvemens d'Allemaigne continuent en ce que, +sans aulcun doubte, le duc de Cazimir sera en campaigne avec cinq mil +chevaulx et huict mil hommes de pied, a la fin de febvrier ou au +commencement de mars; et que desja le payement de ses gens pour deux +moys est consigne, et que le troisiesme moys se payera le jour qu'il +commencera de marcher. L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a ung +non guieres dissemblable adviz, disant ouvertement que c'est pour +entrer en France. Neantmoins, son parler monstre qu'il crainct asses +que ce soit pour descendre en Flandres, de tant que le prince d'Orange +s'entremect beaulcoup de l'entreprinse, et qu'il a este devers le +comte Pallatin a Heldelberc, et puys en poste jusques en Saxe devers +le duc Auguste; dont le duc d'Alve a mande haster la levee que luy +faict le duc de Bronsouyc, affin de garnyr tout a temps le Luxembourg +de bonnes forces. Tant y a qu'ayant monsieur de Lizy naguieres escript +que, nonobstant les grandes difficultez qu'il avoit trouvees aux +princes protestans, ilz l'avoient enfin asseure du secours qu'il leur +avoit requis, il est a croyre que leur premier effort se fera en +France pour ceulx de la Rochelle. Le secretaire du comte Pallatin, et +ceulx qui sont icy pour le prince d'Orange et pour les dicts de la +Rochelle, n'ont encore heu resolue responce de ce conseil sur le prest +des deniers qu'ilz demandent, et ceste Royne s'en excuse bien fort; +mais ceulx qui ont auctorite pres d'elle trouvent moyen que son credit +et celluy de son royaulme y peuvent estre de telle facon employez, +sans qu'il luy coste rien, que desja les aultres s'asseurent de tirer +de cest endroict cinquante mil escuz; mais ilz incistent a plus grand +somme jusques a cent cinquante mille, non sans esperance de l'obtenir, +pourveu qu'il n'y aille rien de la bource de la dicte Dame; et ceulx +qui mesurent les finances, dont l'on peult avoir quelque notice qu'ilz +pourront fere estat ceste annee, disent que c'est de cinq a six centz +mil escuz. Je mettray peyne de les empescher de ce coste le plus qu'il +me sera possible. + +Les Seigneurs Magniffiques de la Seigneurie de Venize, qui sont icy, +ont obtenu lettres de ceste Royne fort expresses a la Royne de Navarre +pour le recouvrement de leurs vaysseaulx et merchandises, et m'ont +prie de bailler mon passeport a l'ung d'entre eulx, qui les est alle +presenter, affin que si, pour le temps, il estoit contrainct de +relascher en France, ou qu'il fut rencontre par aulcuns navyres de +guerres de Vostre Majeste en la mer, il puisse tesmoigner de la juste +occasion de son voyage au dict lieu de la Rochelle. Sur ce, etc. + + Ce XXVIIIe jour de janvier 1570. + + + + +LXXXVIe DEPESCHE + +--du IIe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyee par Guillaume de La Porte expres jusques a Calais._) + +Audience accordee par la reine d'Angleterre a Mr de Montlouet et a +l'ambassadeur.--Reproche fait par Elisabeth a la reine d'Ecosse +d'avoir favorise la revolte du Nord.--Crainte qu'il ne soit permis a +Mr de Montlouet ni d'accomplir sa mission vers Marie Stuart, ni de se +rendre en Ecosse.--Nouvelle de la mort du comte de Murray; mesures +prises par Elisabeth pour conserver son influence en Ecosse, malgre +cet evenement.--Vives instances faites par les protestans de France +pour obtenir en Angleterre des secours d'hommes et d'argent. + + + AU ROY. + +Sire, deux jours apres ma precedante depesche, laquelle est du XXVIIe +du passe, nous avons este a Hamptoncourt devers la Royne d'Angleterre, +a laquelle Mr de Montlouet a presente voz lettres et reccomendations, +et luy a d'une fort bonne et agreable facon recitte le contenu de sa +charge, sans rien obmettre de ce qui a este requis pour dignement luy +porter la parolle, et la creance de Voz Majestez, et pour luy faire +bien expressement entendre vostre intention sur le faict de la Royne +d'Escoce: en quoy la dicte Dame a monstre que la matiere luy estoit de +bien grande consequence, mais qu'elle n'estoit encores en guieres de +disposition d'y entendre pour des occasions, qu'elle a faict semblant +d'avoir descouvertes de nouveau contre la Royne d'Escoce et contre +l'evesque de Roz, d'aulcunes leurs menees avec le comte de +Northomberland sur les derniers troubles du North; et n'a toutesfoys +laysse de donner des responses pleynes a la verite d'indignation +envers la dicte Royne d'Escoce, mais de quelque respect envers Voz +Majestez Tres Chrestiennes, et s'est reservee d'en bailler, dans trois +ou quatre jours, de plus amples apres qu'elle aura heu le loysir d'y +penser. + +Le dict sieur de Montlouet luy a faict des remonstrances et +replicques, fort convenables a ce propos, avec instance de luy +permettre de visiter la dicte Dame de vostre part, et de passer, puys +apres, jusques a ses subjectz, pour aulcunes bonnes occasions que Voz +Majestez le depeschent devers elle et devers eulx. A quoy j'ay adjoute +ce que j'ay estime convenir a ceste negociation, sellon celle que j'ay +asses continuee jusques icy de ce faict, et sellon les advertissemens +du dict Sr evesque de Roz; mais la dicte Dame a remis de respondre au +tout, apres qu'elle y aura pense. + +Cependant elle a couppe asses court le dict propos, comme si elle s'en +trouvoit pressee, pour demander curieusement des nouvelles de Voz +Majestez et de celles de la paix. A quoy le dict Sr de Montlouet luy a +amplement satisfaict; dont, des propos qu'elle luy a tenuz et de ses +responses, et pareillement de ce qu'elle luy a dict sur le faict de +la fille de Mad{e} de Mouy et sur ce que Mr de La Meilleraye vous +avoit escript des desordres qui continuent encores en la mer, je +laisse au dict Sr de Montlouet de le vous fere bientost entendre par +luy mesmes, s'il ne va plus avant; ainsy qu'il semble qu'a grand +difficulte le luy vouldra l'on permettre, ou bien de le vous escripre, +si, d'advanture, il accomplit son voyage. + +Et seulement adjouxteray icy, Sire, ce que la dicte Dame nous a dict +de la mort du comte de Mora, comme en passant par une rue, en la ville +de Lithquo, il a este tue d'ung coup de pistolle, avec quatre balles +au travers du corps, par le fils du cherif du dict lieu, lequel est +des Amelthons, qui s'est despuys saulve[2]. Duquel coup la dicte Dame +n'a peu dissimuler le regrect qu'elle y avoit, ce qui la nous a +(sellon mon adviz) randue moins bien disposee en ceste premiere +audience, sentant possible debvoir advenir beaulcoup de mutation de +ceste mort ez choses d'Escoce, et, possible, beaucoup en celles de +toute l'isle; dont a depesche en dilligence le Sr Randol par della +pour deux occasions principallement; l'une, affin de solliciter +l'eslection d'ung aultre regent, qui soit de mesmes disposition envers +elle qu'estoit le dict de Mora; et l'aultre, pour empescher que le +comte de Northomberland ne soit mis en liberte sur ce changement, et +fere beaulcoup d'offres et promesses la dessus. + + [2] Cet evenement arriva en plein jour, le 23 janvier 1570, au + moment ou le regent traversait la petite ville de Linlithgow, a + dix-sept milles d'Edimbourg. Jacques Hamilton de Bothwell-Haugh, + qui se vengea par ce meurtre des relations que Murray avait + entretenues avec sa femme, trouva moyen de s'echapper et de se + refugier en France. + +Ung certain capitaine alleman, nomme Oulfan d'Arnac, est despuys +naguieres arrive de la Rochelle; par la venue duquel le jeune comte de +Mensfelt haste son partement; et toutz deux sont pretz de s'embarquer +pour passer en Allemaigne, affin de se trouver bientost avec le +Cazimir; lequel ilz cuydent se debvoir, dans peu de jours, mettre en +campaigne; et cependant la subvention des esglizes protestantes de ce +royaulme commence a se lever ainsy que je l'avois desja preveu, et +possible que par mes premieres, je vous pourray mander combien elle se +montera. Sur ce, etc. + + Ce IIe jour de febvrier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, ayant la Royne d'Angleterre remiz a fere, d'icy a quatre +jours, responce a Mr de Montlouet et a moy sur les choses qu'il luy a +proposees de la part de Voz Majestez, il n'y auroit guieres lieu de +vous depescher ce pacquet jusques alors, n'estoit la nouvelle qui +cependant est survenue de la mort du comte de Mora; laquelle je ne +vous veulx aulcunement retarder, pour l'aparance qu'il y a que +d'icelle ayt a naistre bientost beaulcoup de nouvelletez en Escoce, et +possible asses de mutation ez choses de ce royaulme, ou ce coup se +faict desja tant sentyr, qu'il semble qu'en la court, et par tout le +pays, ung chacun en soit bien fort esmeu; et n'a la dicte Royne +d'Angleterre, apres l'avoir sceu, differe que bien peu d'heures de +depescher Randolf en Escoce, pour fere en toutes sortes qu'on y +substitue ung aultre regent, qui soit pour perseverer aulx mesmes +trettez qu'elle avoit avecques le deffunct, avec offres d'argent et de +forces pour meintenir l'authorite de celluy qui le sera, et pour +empescher que aulcuns estrangiers puissent estre appellez contre luy +dans le pays; dont aulcuns estiment que le frere du dict de Mora +tiendra meintenant ce lieu. En quoy Vostre Majeste considerera, au cas +que Mr de Montlouet n'ayt permission de passer jusques en Escosse par +terre, s'il sera expediant d'y depescher ung aultre par mer, qui y +puisse arriver avant que les choses y soient establyes a la devotion +des adversaires de la dicte Royne d'Escoce. L'on a adviz icy que +Dombertrand a este avitaille par deux navyres francoys, dont ne fault +doubter que le party de la dicte Dame ne s'en trouve grandement +confirme dans le pays, et je scay qu'il en faict grand mal au cueur a +plusieurs en ceste court. Sur ce, etc. + + Ce IIe jour de febvrier 1570. + + + + +LXXXVIIe DEPESCHE + +--du Xe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyee par Mr de Montlouet s'en retornant devers le Roy._) + +Nouvelle audience accordee a Mr de Montlouet.--Refus fait par +Elisabeth de lui donner passage.--Motifs qui ont du l'engager a +prendre ce parti.--Arrestation de l'eveque de Ross.--Protestation +de la reine d'Angleterre qu'elle veut se maintenir en paix avec +le roi, et qu'elle ne donnera aucun secours a ceux de la +Rochelle.--Preparatifs faits en Angleterre contre l'Ecosse.--Necessite +d'envoyer sans retard, par mer, un depute en Ecosse, et de ne rien +negliger pour arreter l'execution des projets des Anglais.--_Note_ +remise a Mr de Montlouet sur l'etat general des affaires d'Angleterre +et d'Ecosse. + + + AU ROY. + +Sire, ayant la Royne d'Angleterre, au boult de huict jours, faict +entendre a Mr de Montlouet et a moy, avec quelque aparat, en presence +de unze seigneurs de son conseil, touchant les afferes de la Royne +d'Escoce, que de laysser passer le dict Sr de Montlouet jusques au +lieu ou est la dicte Dame, et puys de la en Escoce, elle ne le pouvoit +meintennant en facon du monde consentyr, pour des occasions, +lesquelles, si eussent este bien sceues, lorsqu'il fut depesche, elle +s'assure que Vostre Majeste ne luy eust donne charge d'y aller; et que +de la seurte de la dicte Dame Vostre Majeste pouvoit croyre que, quand +la dicte Royne d'Escoce auroit bien machine de la fere tuer a elle +d'ung coup de haquebutte, elle pourtant ne consentyroit jamais qu'on +touchat ny a sa vie, ny a sa personne; et que de son bon trettement +elle le luy fesoit fere tel et a telz frays qu'elle scayt que l'Escoce +ne seroit pour y fornyr de mesmes. Au regard de sa plus grande liberte +et restitution a sa couronne, qu'encor qu'elle n'eust a rendre compte +qu'a Dieu seul de ses actions en cella, elle neantmoins les vous +feroit entendre par son ambassadeur, ou par ung gentilhomme expres, +avec esperance, que vous les trouverez si equitables, que dorsenavant +vous ne seriez tant pour la dicte Royne d'Escoce, que vous ne fussiez +aussi pour elle; et de tout ce que, avec ung bien long et prepare +discours et avec plusieurs demonstrations, elle a desduict la dessus, +le dict Sr de Montlouet le saura trop mieulx represanter a Voz +Majestez que je ne le vous scaurois escripre, vous pouvant asseurer, +Sire, qu'il a si vifvement replique et tant fermement inciste a la +dicte Dame sur toutz les poinctz de l'instruction, que Vostre Majeste +luy avoit baillee, qu'il ne s'y peult rien desirer davantaige. Et j'ay +adjouxte ce que j'ay peu de plus expres pour la presser de luy fere +meilleure responce; mais le mariage du duc de Norfolc et l'ellevation +du North lui sont deux offances si rescentes, lesquelles elle impute a +la dicte Dame, et la mort du comte de Mora les luy a tant rafreschies, +que nulle sorte d'apareil y peult encores estre bonne; mesmes, sur ce +dernier courroux de la mort du comte de Mora, elle a faict resserrer +l'evesque de Roz ez mains de l'evesque de Londres, qui sont deux fort +differantz personnages, en meurs et en religion, l'ung de l'autre; +dont semble qu'il fault qu'avec le temps vienne le remede de ce mal. + +Je laisse au dict Sr de Montlouet de vous dire le contantement que la +dicte Royne d'Angleterre a monstre avoir de ce que Voz Majestez Tres +Chrestiennes se sont vollues conjouyr avecques elle sur la +paciffication des troubles de son royaulme, et les bonnes parolles +qu'elle a dictes en cella, qui toutjour en use de fort bonnes ez +choses qui luy sont proposees de Voz Majestez, sinon en ce qu'on luy +touche de la Royne d'Escoce; et vous dira pareillement les promesses, +qu'elle nous a faictes, de n'assister en aulcune sorte a ceulx de la +Rochelle contre Vostre Majeste et sur ce, etc. + + Ce Xe jour de febvrier 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, il n'a tenu ny a soing, ny a dilligence, ny a fere bien +dignement et expressement entendre, par Mr de Montlouet, a la Royne +d'Angleterre les choses de sa charge, ny encores a les avoir bien +preparees et sollicitees par Mr de Roz et par moy, aultant qu'il nous +a este possible, que le dict Sr de Montlouet ne raporte une meilleure +responce qu'il ne faict sur les afferes de la Royne d'Escoce; mais le +mariage du duc de Norfolc et l'ellevation du North y font ung tres +grand obstacle et, possible, y en faict davantaige la mort, naguieres +survenue, du comte de Mora; laquelle la dicte dame et ceulx de son +conseil, qui sont protestantz, monstroient de la prendre plus a cueur +que nul aultre accident qui leur eust peu advenir, et sont apres a +fere plusieurs grandz et nouveaulx desseings la dessus; dont desja ont +mande renforcer bien fort la garnyson de Barvich, et crains asses +qu'ilz veuillent dresser, du premier jour, armee pour l'envoyer par +della, comme j'en ay quelque sentyment; laquelle survenant en la +division, ou est a croyre que ce royaulme se trouve meintennant, elle +sera pour y fere des effectz, qui seront, par avanture, dommaigables a +l'advenir; dont je perciste en ce que, par mes precedantes, j'ay +escript que, ne voulant ceste Royne permettre que le Roy et Vous y +puissiez envoyer quelqu'un des vostres par terre, qu'il sera bon que y +depeschiez promptement ung personnaige de bonne qualite par mer, qui +soit pour moyenner et establyr, avec vostre auctorite, une bonne +concorde entre les seigneurs du pays; et les bien disposer de resister +aux estrangiers, et y relever le nom de leur Royne; en quoy semble +aussi, si Voz Majestez n'y peuvent pour ceste heure envoyer forces, +qu'il sera fort a propos que envoyez au moins quelques capitaines, et +gens d'entendement et de valleur, qui les saichent bien conduyre. Sur +ce, etc. + + Ce Xe jour de febvrier 1570. + +CE QUI S'ENSUIT a este baille a Mr de Montlouet pour luy servyr de +memoyre. + +De la communicquation que Mr de Montlouet et moy avons heu ensemble, +touchant ses deux instructions, il se pourra servyr de l'ordre +d'icelles comme d'ung memoire, pour tout ce que je luy ay dict sur ung +chacun article, affin d'en satisfere Leurs Majestez. + +Et l'extraict de la lettre, que j'escriptz au Roy, s'il luy playt de +l'emporter, sera pour nous conformer l'ung a l'aultre ez choses que la +Royne d'Angleterre nous a respondues sur le faict de la Royne +d'Escoce. + +De la continuation de la paix;--Il pourra dire que la Royne +d'Angleterre monstre d'y vouloir perseverer, et semble que ceulx de la +Rochelle ne tireront d'elle aulcun manifeste secours; mais ne fault +doubter que, par moyens secrects et soubz aultres pretextes, les siens +ne les accomodent, par mer et en Allemaigne, aultant que, sans mettre +leur Mestresse a la guerre, ilz le pourront fere. + +Le jeune comte de Mensfelt est desja embarque, lequel anticipe de deux +moys son partement, parce que, par ung navyre venu du North, l'on a +sceu que ceste annee la mer n'a point gele; et va descendre en +Hendein, dont s'estime qu'a son arrivee en Allemaigne, avec les +responces et lettres de credict d'icy, le Cazimir et le prince +d'Orange se mettront incontinent en campaigne. Les dictes lettres, a +ce qu'on dict, sont pour trente mil livres esterlin en tout, c'est +cent mil escuz, ce que je n'ay encores bien veriffie. + +De l'estat des afferes de la Royne d'Escoce et du duc de +Norfolc;--J'ay monstre a Mr de Montlouet aulcunes petites lettres, qui +tesmoignent ce qui en est, et ce qu'ung chacun d'eulx espere +particullierement pour soy, et ce que l'ung espere pour l'aultre. + +Et pareillement ce qu'elle, pour son regard, espere du secours de +Flandres, et l'instance qu'elle en faict, et ce que luy espere de +celluy de France, et comme il presse de le haster. + +L'estat des choses d'Escoce.--Ledinthon et milor Herys, hors de +pryson, ont releve avec les principaulx de la noblesse le nom et +tiltre de leur Royne.--Le duc de Chastellerault encores +prisonnier.--Le comte de Morthon et Lendzey ont jure la vengeance de +la mort du comte de Mora.--S'entend que le comte de Northomberland est +en liberte. Celluy de Vuesmerland a couru jusques sur quelque garnyson +d'Angleterre et l'a surprinse. + +La Royne d'Angleterre semble vouloir preparer une armee. Je n'ay +poinct argument que ce soit contre la France, sinon par aulcuns adviz +de l'annee passee que une descente d'Anglois en Picardie doibt +concourir, quant le Cazimir conduyra son armee vers ce quartier la, +ayant promiz de s'employer a la reconqueste de Callays pour la dicte +Dame; a quoy, a toutes advantures, Leurs Majestez feront prendre +garde. + +La plus grand opinion est que ce sera pour aller en Escoce, affin d'y +establyr le comte de Morthon regent, ou bien fere intervenir le comte +de Lenoz au gouvernement de l'estat, et de la personne du prince son +petit filz; et le maintenir comme son subject en ce sien droict, par +toutz les moyens qu'elle pourra, ou bien pour se saysir, si elle +peult, du dict petit prince et le transporter en Angleterre; et, +possible, pour y fere quelque conqueste; et, en monstrant de vouloir +appeller a la succession de son royaulme le dict petit prince, se +saysir cependant des deux, le tout par pretexte d'aller contre ses +rebelles du North, qui se sont retirez au dict pays. + +La detention de l'evesque de Roz et des aultres seigneurs catholiques +porte grand empeschement a ma negociation de la liberte et +eslargissement; desquelz ne se parle ung seul mot. + +Des differandz des Pays Bas, et ce que Espinola et Fiesque en trettent +d'ung coste, et ce que l'ambassadeur et Anthoneda en trettent de +l'aultre, pareillement ce que Cecille cerche d'en fere mettre en avant +par le Sr Ridolfy, et la remonstrance que j'ay faict au dict +ambassadeur pour empescher l'accord des deniers. + +Du Sr Chapin Vitel. + +De ce que Leguens a mande. + +De fere administrer justice en Bretaigne aulx Angloys. + +Au cas que la Royne d'Escoce se veuille retirer en France, me mander +si Leurs Majestez l'auront agreable, et qu'est ce que j'auray a fere, +si elle entreprend de passer en Flandres. + +Parler a Monsieur le duc de la pleincte que ceulx ci font qu'on +retarde par trop a Paris les passeportz a leur ambassadeur. + + + + +LXXXVIIIe DEPESCHE + +--du XIIIe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais, par Olyvier Cambernon._) + +Efforts faits en Angleterre pour obtenir le consentement de l'Espagne, +afin de disposer des deniers saisis et deposes a la Tour.--Interet du +roi a l'empecher pour que cet argent ne serve pas a faire des levees +d'hommes contre la France.--Affaires d'Ecosse. + + + AU ROY. + +Sire, les choses que Mr de Montlouet a vues, et entendues icy, et +celles dont nous avons heu communication ensemble, il les scaura si +bien representer a Voz Majestez, que je n'entreprendray de vous en +toucher icy ung seul mot; seulement je vous diray, Sire, touchant +celles qui sont venues a ma cognoissance, despuys qu'il est party, que +le voyage qu'il scayt que Mr le cardinal de Chatillon a faict a +Hamptoncourt, le jour de caresme prenant, a este pour deux occasions; +l'une, pour prier la Royne d'Angleterre de permettre a Rouvrey, lequel +par fortune de temps est arrive mallade et blesse a Greneze, qu'il y +puisse demeurer quelque moys pour se gueryr, nonobstant l'estroicte +deffance qu'il y a de n'y souffrir aulcun estrangier, ce qu'il a +facillement obtenu; et l'aultre occasion est pour tres instemment +prier la dicte Dame, avec les ambassadeurs des princes protestans, et +avec ceulx, qui naguieres sont venuz de la Rochelle, qu'elle veuille +acquiter, a ce prochain mars, certaine portion d'ung sien debte +qu'elle a promiz de payer en Allemaigne, affin qu'ilz s'en puyssent +ayder a fere leurs levees, prenant sur eulx la dicte portion du +principal avec les interestz _pro rata_. Mais a cecy la dicte Dame a +respondu qu'elle avoit meintenant tant d'afferes en son royaume, +qu'elle estoit pour entrer plus tost en nouveaulx empruntz que de +payer les vieulx debtes, et qu'il n'estoit possible qu'elle entendit a +faire aulcun payement, si elle ne s'aydoit des deniers d'Espaigne, +ausquelz elle n'avoit encores touche, attendant qu'il s'y fit quelque +bon accord. Sur quoy, se trouvant que Espinola et Fiesque avoient miz +en avant une composition au nom des merchans, de laysser les dicts +deniers a la dicte Dame, jusques a l'entier accord des differans des +Pays Bas, a interest de dix pour cent pour l'advenir, sans payer rien +du passe, et baillant seulement la chambre de Londres et mestre +Grassein pour respondans, tant du principal que des dictz interestz, +il se faict une extreme sollicitation que cella s'effectue; et je +inciste, de tout ce qu'il m'est possible envers l'ambassadeur +d'Espaigne, qu'il le veuille empescher, luy remonstrant que ce sera +accommoder d'aultant ceulx qui vous menent la guerre en vostre +royaulme, lesquelz se prevauldront de ces deniers; et il scayt combien +il y court un grand prejudice pour son Mestre: a quoy il m'a promis de +fere tout ce qu'il pourra pour l'interrompre, mais il creinct que +Albornoz, secretaire du duc d'Alve, tienne la main a cella pour +l'amytie qu'il a avec les dicts Espinola et Fiesque, ou pour avoir +receu d'eulx un present de douze ou quinze mil escuz, ainsy qu'on dict +qu'ilz en offrent icy ung aultre de cinquante mil escuz au comte de +Lestre et de vingt mil a Cecille. Mais je ne puys croyre que les dicts +Espinola, Fiesque et Albornoz menent ung tel faict, qui touche +grandement l'interest du Roy d'Espaigne, duquel ilz sont subjectz, et +bien fort sa reputation et celle du duc d'Alve, pareillement +l'offance de son ambassadeur, icy residant, et des aultres deux +ambassadeurs qui, a diverses foys, y ont este envoyez, ensemble celle +qui a este faicte a leurs navyres, a leurs subjectz et merchandises, +sans que le dict Roy Catholique et le duc d'Alve y soient consentans. +Et j'ay freschement heu adviz, asses conforme a ce que j'ay dict au +dict Sr de Montlouet, que l'on est apres de tirer le Roy d'Espaigne +hors de l'obligation des merchans, et du risque des dicts deniers; et +qu'avec cella, il dissimulera pour ceste foys tout le reste, dont +semble estre fort requis, Sire, que Vostre Majeste face instamment +requerir le dict duc d'Alve de ne souffrir que les dicts deniers +soyent ainsy delayssez a la dicte Dame par la composition des +merchans; car, s'il s'y oppose, la dicte Dame n'y ozera toucher, et, +aultrement, il est tout certain qu'il en sera envoye une partie en +Allemaigne pour fere les levees; vous suppliant tres humblement, Sire, +me pardonner, si je vous oze dire que, au poinct ou vous et vos +afferes se retrouvent meintenant, une telle chose n'est aulcunement +tollerable au dict duc d'Alve. + +Au surplus, il semble que ceste Royne et les siens se veuillent +bientost resouldre a l'entreprinse des choses d'Escoce; car ils sont +toutz les jours a consulter la dessus, dont je mettray peyne de +descouvrir, aultant qu'il me sera possible, leurs delliberations, et +de fere que les partisans de la Royne d'Escoce par della en soyent +advertys; et suys toutjours d'adviz, Sire, que debvez envoyer +promptement ung ou deux personnaiges de bonne qualite par della pour +confirmer le pays a vostre devotion, ainsy que ceulx cy y depeschent +de leur part aulcuns de leur conseil, pour le disposer, s'ilz peuvent, +a la leur; et cependant j'ay advyz qu'ilz ont mande armer promptement +deux grandz navyres a Bristo, et mettre cent cinquante bons hommes +dessus, pour surprendre les deux navyres francoys qui sont allez +avitailler Dombertran, ainsy qu'ilz s'en retourneront. A quoy Vostre +Majeste advisera du remede qui s'y pourra donner. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour de febvrier 1570. + + + + +LXXXIXe DEPESCHE + +--du XVIIe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyee par Joz, mon secretaire, expres jusques a la court._) + +Necessite de se premunir en France contre l'expedition qui se prepare +en Allemagne.--Secours d'argent et de munitions que l'on se dispose a +envoyer d'Angleterre a la Rochelle.--Etat des affaires en Ecosse apres +le meurtre du comte de Murray.--Armement fait a Londres que l'on +pourrait craindre de voir diriger contre Calais.--Divisions qui se +continuent entre les seigneurs d'Angleterre.--Offre faite au roi de la +part d'un seigneur anglais.--_Memoire_ sur les affaires generales +d'Angleterre et d'Ecosse.--Regret eprouve par Elisabeth de la mort de +Murray.--Dispositions prises en Angleterre pour mettre le royaume en +etat de defense, et fournir de l'argent aux protestants de France. + + + AU ROY. + +Sire, ayant miz peyne de veriffier l'adviz que, par mes precedantes, +du XIIIe du present, je vous ay mande touchant certains deniers, qu'on +presse la Royne d'Angleterre de fornyr en Allemaigne sur l'acquit de +ses debtes, afin que les princes protestans s'en puyssent accommoder +au payement de leurs levees, je tiens pour asseure, (nonobstant que la +dicte Dame et les siens facent demonstration toute au contraire, et +que Mr l'ambassadeur d'Espaigne, qui n'a moins suspect en cest +endroict ce qui s'en pourchasse au nom du prince d'Orange, que moy la +sollicitation de ceulx de la Rochelle, n'en ayt encores rien +descouvert,) que neantmoins la chose est desja toute conclue, ainsy +que j'ay baille, par instruction, a ce mien secretaire, de le fere +particullierement entendre a Voz Majestez; et semble, Sire, que ne +debvez plus demeurer sur le doubte si les Allemans descendront ou non, +mais vous preparer comme pour leur resister et pour leur empescher +l'entree de vostre royaulme; a laquelle delliberation, de fornyr +deniers, j'entans que la dicte Dame a beaulcoup resiste, comme celle +qui ne s'en vouloit auculnement despourvoir; mais elle n'a sceu +comment enfin s'excuser de n'acquicter son debte et fere tout ensemble +playsir a ses amys, sans qu'il luy coste que la seule advance de +l'argent qu'elle doibt, dont elle demeure quiete; et neantmoins luy +sera dans quelques moys rembource. J'ay d'ailleurs envoye +soigneusement enquerir, par les portz de ce royaulme, s'il y auroit +aulcun conge, ou permission, d'enlever pouldres et monitions pour la +Rochelle; et m'a l'on raporte qu'a la verite il n'y a nulle expresse +permission de cella, mais qu'aulcuns merchans ont bien achapte +secrectement des bledz et des chairs en ce pays, et ont faict venir de +Nuremberg, de Hembourg et d'Anvers, des pouldres, des armes, des +beuffles et choses semblables pour les envoyer a la Rochelle, afin de +faire leur profict; a quoy j'essaye bien de les empecher, mais ils +nyent que ce soit pour la Rochelle; neantmoins j'ay adverty ceulx de +ce conseil que Vostre Majeste declairera de bonne prinse tous les +vaysseaulx qu'on trouvera retournans du dict lieu. Les choses +d'Escoce se racontent en diverses facons, mais l'on tient pour la plus +vraye que le comte de Morthon s'est vollu ingerer au gouvernement du +pays en qualite de regent; et que plusieurs des grandz s'y sont +opposes, et ont si bien releve le nom de leur Royne que son auctorite +y est pour ceste heure la plus recogneue; et que le duc de +Chatellerault est encores prisonnier et resserre davantaige pour la +souspecon du murtre du comte de Mora; que Ledinthon est hors de +pryson; que les principaulx des deux factions ont convenu de laysser +courir, pour ceste heure, le seul exercisse de la religion nouvelle +dans le pays, et que pour l'establissement des afferes l'on assemblera +les Estatz, ou s'espere que le retour et restablissement de leur Royne +sera requiz. + +J'entans que ceulx cy arment plus de vaysseaulx que les deux que j'ay +mande par mes precedantes, tout au long de la coste d'ouest, pour +garder que nulz navyres estrangiers puissent aller ny venir en Escoce, +especiallement a Dombertran. Sur ce, etc. + + Ce XVIIe jour de febvrier 1570. + + Je viens, tout a ceste heure, d'estre adverty que ceulx cy sont + apres a ordonner ung grand armement des navyres de guerre de + ceste Royne et aultres de ce royaume, pour une grande + entreprinse, qu'ilz veulent executer avec intelligence du prince + d'Orange, qui les doibt ayder de ses vaysseaulx qu'il a en mer, + sous la charge du Sr de Olain et du bastard de Briderode; et + esperent aussi se prevaloir de ceulx de la Rochelle. Aulcuns + soupeconnent que ce soit sur Callais, dont j'ay reouvert le + pacquet pour y adjouxter cest article, encor que je ne l'aye plus + avant veriffie. J'ay aussi presentement receu les deux depesches + de Vostre Majeste, du XXVIIe du passe et du sixiesme d'estuy cy, + par un mesme courrier, sur lesquelles je verray bientost ceste + Royne, et ne changeray rien pour la venue d'icelles en ceste + depesche. + + + A LA ROYNE. + +=Chiffre.=--[Madame, la division continue toutjour en ce royaume, et le +malcontantement croyt de plus en plus ez cueurs des principaulx et des +Catholiques, parce que les gouverneurs, qui sont des moindres et toutz +protestans, procedent insolentement contre eulx; dont ne peult estre +que bientost l'alteration ne s'en monstre bien grande, et que la cause +de la religion, celle de la Royne d'Escoce, celle des seigneurs +prisonniers, et encores celle de l'incertaine succession de ce +royaulme, qui ont chacune leurs partisans, ne produyse de divers +effectz; en quoy je mettray peyne de tenir le nom du Roy le plus +releve que je pourray, et qu'il n'y en ayt point de plus respecte que +le sien. + +X.... m'est venu trouver, sur les dix heures de nuict, pour me dire +que, s'il playt au Roy de le recepvoir, il passera tres vollontiers a +son service, avec une si bonne entreprinse en main que, quant Sa +Majeste la vouldra executer, il la trouvera tres utille pour sa +grandeur, adjouxtant plusieurs occasions de son malcontantement et de +celluy des principaulx seigneurs de ce royaulme. Sur quoy, ne saichant +s'il venoit pour m'essayer, j'ay respondu que je ne scavois que le Roy +eust aultre intention que fort bonne a l'entretennement de la paix +avec la Royne d'Angleterre et avec son royaulme; mais, parce que +toutes ses pretencions et desirs ne me pouvoient estre cognuz, je ne +fauldrois de l'advertir de ce qu'il me disoit, et qu'il pouvoit bien +considerer que Sa Majeste avoit a se douloir, aussi bien que luy, de +ceulx qui gouvernoient en ce royaume; et qu'a ceste occasion il le +pourroit bien accepter et l'employer a s'en revencher ensemble; dont +il m'a dict qu'il viendra, dans quelque temps, scavoir la responce que +Vostre Majeste m'aura faicte]. Sur ce, etc. + + Ce XVIIe jour de febvrier 1570. + + INSTRUCTION AU SR DE JOS de ce qu'il aura a dire a Leurs + Majestez, oultre le contenu de la depesche. + + Ainsy que la Royne d'Angleterre estoit apres a esteindre les + troubles du North, et a pourvoir qu'ilz ne se peussent plus + rallumer; et qu'elle faisoit estat, que d'Escoce, d'ou elle heut + heu le plus a se doubter, ne luy viendroit que toute faveur et + assistance, tant que le comte de Mora y commanderoit, mesmes + qu'il tenoit le comte de Northumberland en ses mains; et ne + cerchoit sinon comme elle et luy pourroient concourre en ung + mesme interest contre la restitution de la Royne d'Escoce; il + n'est pas a croire combien la dicte Dame a vifvement senty la + mort du dict de Mora. + + Pour laquelle, s'estant enfermee dans sa chambre, elle a escrye, + avecques larmes, qu'elle avoit perdu le meilleur et le plus + utille amy, qu'elle eut au monde, pour l'ayder a se meintenir et + conserver en repos, et en a prins ung si grand ennuy que le comte + de Lestre a este contrainct de luy dire, qu'elle faisoit tort a + sa grandeur de monstrer que sa seurte et celle de son estat + eussent a dependre d'ung homme seul. + + Et parce que l'avitaillement de Dombertran, la venue de Mr de + Montlouet, quelque course du comte de Vuesmerland sur la + frontiere, et la retrette d'aulcuns Anglois en Escoce, sont + advenues en mesme temps, la dicte Dame et ceulx de son conseil + sont entrez en grand opinion que les Catholiques de ce pays, avec + l'intelligence des estrangiers, ayent mene ceste practique, et + qu'il y ayt bien d'aultres entreprinses en campaigne. + + Et mesme l'on s'esforce de randre suspect a la dicte Dame le + propos de la paix de France, comme si, la faisant, l'on debvoit + incontinent luy declairer la guerre; ce que toutesfoys elle ne se + veult ayseement persuader, et pourtant ne peult laysser de la + desirer, pourveu qu'il ne s'y conclue rien contre elle, ny trop + au desadvantaige de sa religion; affin qu'elle demeure deschargee + de tant de demandes et importunites qu'on luy faict pour + l'entretennement de ceste guerre. + + Mais parce qu'aulcuns luy remonstrent que des exploicts de ceste + annee a de resulter l'establissement ou la ruine de sa dicte + religion, et pareillement le repos ou l'alteration de son estat, + car ilz conjoignent l'ung avecques l'aultre, j'entendz que la + dicte Dame et ceulx de son conseil ont desja resolu la plus part + des choses qu'ilz estiment estre besoing d'y pourvoir, desquelles + j'ay sceu en premier lieu: + + Qu'ilz ordonnent de continuer la description des forces, que j'ay + cy devant mandees, de quatre vingtz dix mil hommes de pied et + trente mil chevaux, en trois endroictz de ce royaulme; et que la + charge en sera principallement commise aulx Protestans, et qu'on + regardera de si pres aux Catholiques, qu'on ne leur permettra de + se trouver plus de six ensemble, sur peyne de pryson: que les + seigneurs, qui sont dettenuz, seront resserrez davantaige, et + sera continue d'enquerir contre eulx, mesme a este parle de + _convoquer ung parlement_ pour trois occasions seulement; l'une, + pour avoir deniers; et l'aultre, pour declairer criminels de leze + majeste ceulx qui se sont ellevez, et leurs adherans, affin de + proceder a leur confiscation; et la troisieme, pour confirmer les + decrectz de leur religion. Mais de peur que le dict parlement ne + veuille toucher a d'aultres choses, il n'est encores resolu de le + convoquer; et est, en toutes sortes, si rigoureusement procede + contre les dicts Catholiques, qu'ilz vivent en grand frayeur, + dont les Protestans, qui ont toute l'auctorite, pensent que par + ce moyen ilz les pourront contenir. + + Pour le regard des choses d'Escoce, ayantz faict passer le + mareschal de Barvich, et ung capitaine de la mesme garnyson, au + dict pays, incontinent qu'on a entendu l'inconveniant du dict de + Mora, affin de relever le party qu'il tenoit, ilz y ont despuys + envoye Randof, et sont apres a y depescher encores Raf Sadeller + qui est du conseil, avec lettres a huict principaulx du pays et + creance de leur offrir hommes et argent au nom de ceste Royne; et + ont donne charge au comte de Sussex de doubler la garnyson de + Barvich, dont il emporte commission d'y mettre promptement cinq + centz hommes, et trois centz chevaulx de renfort; et, a cest + effect, luy a este baille douze capitaines de la suyte de ceste + court, estimans que la dicte garnyson de Barvich, ainsy + renforcee, laquelle sera de mil harquebouziers et six centz + chevaulx, avec l'ayde du gardien de la frontiere, suffira contre + les courses de Vuesmerland, jusques a ce que cest este, ou plus + tost, ils auront dresse armee pour aller courre l'Escoce, affin + d'y establyr les choses a leur devotion, estant l'opinion + d'aulcuns qu'ilz se saysiront, s'ilz peuvent, du petit prince du + pays; et qu'ayantz la mere et le filz en leurs mains, il leur + sera ayse de annuller le tiltre que la mayson d'Escoce pretend a + la succession de ce royaulme. + + Et ne deffault qui persuade a ceste princesse qu'affin qu'elle ne + soit, ny par le coste de France, ny de Flandres, empeschee en ses + afferes de deca, qu'elle doibt accommoder les princes protestans + en leurs entreprinses de della, et leur donner moyen qu'ilz se + puissent prevaloir d'aulcuns deniers de ce royaulme, pourveu + qu'elle n'en desbource rien; dont j'entens qu'apres s'en etre + quelque temps fort excusee, enfin elle a condescendu de dire a + ceulx de son conseil qu'ilz advisent comment cella se pourra + fere; dont desja ont resolu que la dicte Dame payera, dans le + moys d'apvril, une partie de ses debtes en Allemaigne, laquelle + iceulx princes prendront des mains de ses crediteurs; et encor + que les deniers reviegnent toutz a son acquit, ilz luy seront + neantmoins remboursez, la moictie des prinses, et l'aultre + moictie par les esglizes protestantes de ce royaulme; lesquelles, + a ce qu'on dict, ont accorde de bailler quatre vingtz mil escuz + dans huict moys, ainsy que de mesmes les aultres esglizes + protestantes de France, de Flandres, d'Allemaigne, des Suisses, + d'Itallie, et mesmes disent d'Espaigne, contribuent a ceste + guerre: dont l'on faict compte que la contribution de toutes + ensemble, comprins les dix mil escuz de ceste cy, monte envyron + trente mil escuz toutz les moys. + + Mais la difficulte est en ce que, sans mettre la main aux deniers + d'Espaigne, la dicte Dame ne peut, ny veult payer aulcune portion + de ses debtes, ceste annee, en Allemaigne, affin de ne se + desfornyr d'argent; et ce qui a este cause de quoy Espinola et + Fiesque ont este mieux ouys sur les offres qu'ilz ont faictes, au + nom des merchans Espaignolz et Genevoys, de laysser les dicts + deniers a la dicte Dame, ainsy que je l'ay mande par mes + precedantes. Et j'ay advis qu'on tient cella pour si accommode, + que desja est ordonne a Me Grassein d'en distribuer quarante cinq + mil livres d'esterlin aulx merchans de ceste ville, c'est cent + cinquante mil escuz, pour les fornyr, a ce prochain apvril, en + Allemaigne, aux dits crediteurs de ceste Royne et vingt mil {lt} + aussi d'esterlin, c'est soixante douze mil escuz, ordonnez pour + les afferes d'Escoce. + + Reste seulement que la dicte Dame demande aus dicts Espinola et + Fiesque ung mot de lettre du Roy d'Espaigne, par lequel il + advouhe que les dicts deniers sont des merchans, et non siens; + ce que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est ici, me promect que son + Mestre ne le fera jamais. Aultres estiment que, pour sortyr hors + de l'obligation et du risque des dicts deniers envers les + merchantz, qu'il ne reffusera de le fere; aultres disent que, + ores qu'il ne le face, qu'on ne lairra pourtant d'accorder des + dicts deniers avecques les merchans, et s'en ayder en Allemaigne; + neantmoins, il sera toutjour bon d'incister au duc d'Alve qu'il + empesche le dict accord: + + Car il est desja nouvelles que Quillegrey sera depesche pour + aller porter les lettres de police du dict payement, et pour + aller faire semblables offices, ceste annee, qu'il fit la + precedente envers les princes protestans; dont s'estime, qu'a son + arrivee par della, plus qu'a celle du jeune comte de Mensfelt, + les dicts princes s'esmouveront et commenceront de marcher; et + que le dict de Mensfelt n'a emporte que quelques lettres + d'acquit, pour vingt mil livres d'esterlin, qui avoient este + desja prinses sur les bagues de la Royne de Navarre. Par ainsy, + il fault fere estat que l'armee de Cazimir yra au secours de + ceulx de la Rochelle. + + Il semble qu'on ayt vollu imprimer quelque peur a ceste princesse + du duc de Olstein, luy donnant entendre qu'il a este devers le + duc d'Alve a Bruxelles pour tretter quelque entreprinse contre + elle, et qu'il faict une levee de gens de pied et de cheval vers + Hembourg et Osterelan, de quoy elle a certain adviz, et que le + duc Ery de Bronzouye a aussi la sienne toute preste; dont, encor + que le dict duc d'Alve monstre que son principal pretexte soit + pour resister aulx entreprinses du prince d'Orange, neantmoins la + jalousie qu'elle s'est donnee de cella, et possible le desir de + favoriser les afferes du dict prince d'Orange, et les choses + advenues par la mort du comte de Mora sont cause dont elle se + laysse ainsy aller a la forniture de deniers en Allemaigne; + aulcuns estiment tout le contraire du duc d'Olstein, qu'il est + pour le dict prince d'Orange, bien m'a l'on dict qu'il y a desja + trois ans que ceste Royne a oste de son estat le dict de Olstein + lequel souloit etre son pencionnaire. + + + + +XCe DEPESCHE + +--du XXIIe jour de febvrier 1570.-- + +_(Envoyee par Hamberlin, chevaulcheur d'escuerye, jusques a la +court.)_ + + Audience accordee a l'ambassadeur; communication faite a + Elisabeth de l'etat des negociations en France pour arriver a + la pacification.--Conditions proposees par le roi.--Offre faite + par la reine d'Angleterre de sa mediation.--Nouvelle assurance + qu'elle n'a donne aucun secours aux protestans de + France.--Affaires de la reine d'Ecosse.--Elisabeth propose + d'accepter la mediation du roi pour ses differends avec Marie + Stuart. + + AU ROY. + +Sire, pour faire entendre a la Royne d'Angleterre ce qui a passe avec +les depputez de la Royne de Navarre, des princes de Navarre, de Conde, +et des aultres de leur party, qui vous ont tres humblement requiz la +paix, je luy ay recite les mesmes bons et bien convenables propos de +vostre lettre du VIe du present, avec ung peu d'expression de +l'incroyable debonnairete et infinye clemence qu'il vous playt user +envers eulx, sur toutes les offances, ruynes et dommaiges, que vous et +vostre royaulme avez receu de leur ellevation et de leur prinse +d'armes; et que si la dicte Dame veult considerer les graces et +concessions que vous leur offrez, je m'asseure qu'elle les estimera, +sinon excessives, a tout le moins telles que de plus grandes vous ne +leur en pouvez bonnement conceder, sinon que pour les contanter a eulx +seulz, Vostre Majeste se vollut par trop se malcontanter soy mesmes, +et offancer vos aultres bons subjectz catholiques, qui sont de vostre +party, qui ont toutjour suyvy vos intentions, n'ont onques contradict +a icelles, ont combattu avecques vous et pour vous, et n'ont rien +espargne du leur pour vous secourir; et pareillement offancer bonne +partie du reste des Chrestiens, especiallement les princes, vos alliez +et confederez, qui monstrent avoir interest en ceste cause pour la +religion catholique et pour la souveraine auctorite, qu'ilz desirent +estre, l'une et l'aultre, bien conservees en vostre royaulme, comme en +ung siege principal de la Chrestiente, en quoy, en lieu qu'ilz vous +penseroient avoir regaigne pour bien veuillant et favorable prince, il +est a croyre qu'ilz vous trouveroient a jamais offance, irrite et bien +fort ulcere contre eulx. + +La dicte Dame, d'ung visaige bien fort joyeulx et contant, apres +plusieurs bien bonnes parolles du mercyement, qu'elle m'a prie de vous +fere, pour une tant favorable communication du pourparle de paix avec +vos subjectz, a curieusement vollu lire les articles d'icelluy, et +j'ay miz peyne de les lui fere trouver plus que raysonnables de vostre +coste; et que, si ceulx de l'aultre part se monstrent tant sans rayson +qu'ilz ne les acceptent, que Vostre Majeste la prie de les tenir +dorsenavant pour ceulx qui ne sont meuz d'aulcun desir de religion, +ains d'une pure ambicion d'occuper l'authorite souveraine s'ilz +pouvoient; et que, pour le debvoir de l'alliance et bonne amytie, qui +est entre Vostre Majeste et la dicte Dame et voz deux couronnes, elle +les veuille a jamais exclurre de sa protection, faveur et secours, et +nommeement de l'assistance de deniers qu'ilz se vantent debvoir avoir +ceste annee d'elle ou de son royaulme; et, comme ennemye conjuree +contre eulx, se veuille unyr avec Vostre Majeste pour les reprimer, et +pour vous ayder de reconquerir sur eulx les droictz souverains, +qu'ilz s'esforcent [d'usurper], et donner exemple aux aultres subjectz +d'ozer, par pretexte de religion, entreprendre d'usurper sur leurs +vrays et naturelz princes et seigneurs. + +A quoy elle m'a respondu qu'elle ne doubte aulcunement que, en Vostre +Majeste et en celle de la Royne, ne soit le mesmes bon desir que les +dicts articles monstrent pour la reunyon et reconcilliation de voz +subjectz, et comme elle le loue infinyement, ainsy vous prie elle de +croyre qu'elle a grand affection de la veoir bien effectuee; et que, +si ceulx de la Rochelle ont de quoy pouvoir, sans contraincte de leur +conscience, vivre soubz vostre auctorite, en paix et bonne seurte de +leurs vyes et de leurs personnes, elle ne voyt commant ilz le +puyssent, ny doibvent reffuzer; dont, si pour la conclusion d'ung si +bon oeuvre, au cas qu'il y intervienne aulcune difficulte, il vous +playt qu'elle s'y employe, elle le fera droictement a l'advantaige deu +a Voz Majestez, comme si c'estoit pour le sien propre; et quant a +secours, elle peult jurer devant Dieu qu'il n'en est procede d'elle, +ny en argent, ny en aultre chose, dont ilz se puyssent raysonnablement +vanter qu'elle leur en ayt baille contre vous, et qu'elle n'ozeroit +jamais lever les yeulx pour me regarder, si, apres tant de parolles et +de promesses qu'elle m'a faictes vous escripre la dessus, elle venoit +meintenant a leur en donner. + +J'ay este en doubte, Sire, comment uzer de ce, qu'en lieu que je l'ay +requise de leur estre ennemye, s'ilz n'acceptent les condicions de +paix, elle s'est offerte d'en composer les difficultez; dont, sans en +rien acepter, je l'ay seulement remercyee, au nom de Voz Majestez, et +que je ne fauldrois de le vous escripre, et ay poursuyvy que +j'esperois que la mesme responce conviendroit a ce que j'avoys a luy +requerir tres instantment de vostre part, qu'elle vous vollut tout +ouvertement signiffier si une levee de huict mil reystres, qu'on vous +a mande que le duc d'Olstein et le comte d'Endein font pour elle en +Allemaigne, est en faveur de ceulx de la Rochelle, ainsy qu'on le vous +veult persuader, et qu'il vous semble bien que la dicte Dame doibt +ceste franche et claire declaration a la bonne amytie, que Voz +Majestez Tres Chrestiennes luy portent, et que le cueur ne vous peult +dire que vous ayez en ce temps a esperer actes si ennemys et si +contraires du coste de la dicte Dame. + +Elle m'a respondu, de fort bonne facon, que Mr Norrys luy a touche ce +particullier par ses lettres, et que par lui mesmes elle vous y fera +satisfere: cependant me vouloit bien asseurer qu'elle ne faict point +fere la dicte levee, et qu'elle ne veult jamais estre estimee Royne, +s'il se trouve aultrement; et a passe oultre a me dire qu'il se parle +bien de quelque levee a venir, mais qu'elle ne scayt encores ce qui en +est; et, quand elle l'entendra, s'il y a rien contre Vostre Majeste, +elle me le fera notiffier. + +Je croy que la dicte Dame m'a respondu asses sellon la verite et +sellon son intention en ces deux choses; mais je mettray peyne de +mieulx les veriffier, et sur ce, etc. + + Ce XXIIe jour de febvrier 1570. + + A LA ROYNE. + +Madame, ayant envoye me condouloir a Mr le comte de Lestre du peu de +satisfaction que la Royne, sa Mestresse, a vollu donner a Voz Majestez +Tres Chrestiennes, par Mr de Montlouet sur les afferes de la Royne +d'Escoce, il m'a mande que je debvois excuser la dicte Dame sur les +espouvantables conseilz qu'on luy donnoit, de la subversion de sa +couronne et de son estat, si elle ne procedoit encores plus +rigoureusement contre elle, ce qui n'estoit aulcunement sellon son +cueur; et que, n'ozant de luy mesmes se ingerer de luy en parler, si +je luy en voulois escripre une lettre a part, il la feroit si +oportunement veoir a la dicte Dame qu'il esperoit que les afferes de +la dicte Royne d'Escoce s'en porteroient mieulx. Je luy ay escript +aulcun peu de motz, lesquelz il luy a monstrez, et elle m'a faict +cognoistre, en ma derniere audience, qu'elle les avoit benignement +receuz; lesquelz ont heu tant d'effect qu'elle m'a offert d'elle +mesmes que, s'il playt a Voz Majestez mettre en avant ung moyen ou +expediant entre elles deux, qui soit honneste et non prejudiciable a +elle ny a sa couronne, ny contraire a son honneur et conscience, +qu'elle y entendra tres vollontiers; et ainsy m'a elle, une et deux +foys, prie de vous le mander. Dont je mettray peyne, Madame, +d'entendre la dessus le desir de la dicte Royne d'Escoce, et le +conseil, s'il m'est possible, de Mr l'evesque de Roz, lequel est +encores bien resserre, pour en user le plus oportunement que je +pourray. Cependant il plairra a Voz Majestez m'en commander ung mot +par une lettre que je puysse monstrer, et sur ce, etc. + + Ce XXIIe jour de febvrier 1570. + + + + +XCIe DEPESCHE + +--du XXVIe jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Callais par Lepecoc_.) + +Opinion generale repandue en Angleterre que la paix sera prochainement +conclue en France.--Etat des affaires en Flandre.--Incertitude sur les +nouvelles d'Ecosse; necessite d'envoyer un prompt secours dans ce +pays.--Reclamation des Anglais contre la conduite qui est tenue a leur +egard en Bretagne.--Vives instances de Marie Stuart pour obtenir un +secours de France. + + + AU ROY. + +Sire, apres avoir, le XXe de ce moys, amplement discouru a la Royne +d'Angleterre en quel estat estoient demourees les choses avec les +depputez de la Rochelle, lorsque Vostre Majeste m'a commande de luy en +parler, et que la dicte Dame m'eust prie de luy laysser le memoire des +condicions que vous leur offriez, lesquelles elle ne fit semblant de +les trouver que bien fort raysonnables, et qu'elle ne voyoit plus +aulcune difficulte en cella, sinon possible ung peu de l'asseurance, a +cause de l'infraction des precedantz traittez, elle manda, le jour +d'apres, Mr le cardinal de Chatillon pour les luy communiquer; et ne +scay encores, Sire, ce qui en fut debattu entre eulx, sinon qu'on m'a +adverty que le dict Sr cardinal dict que la Royne de Navarre, plus de +douze jours auparavant, luy en avoit en substance mande le contenu, a +la mesure que les depputez, durant le pourparle, le luy escripvoient, +et qu'il faisoit grand difficulte que la paix se peult conclure la +dessus, qu'il ne leur fut en quelque chose mieulx satisfaict, et en +quelque aultre plus seurement pourveu. Je mettray peyne de scavoir si +la dicte Dame a trouve fondement en sa dicte difficulte, veu qu'elle +m'a dict que ses plus scavantz prescheurs maintenoient, par +tesmoignages de l'escripture saincte, que nulle eslevation contre son +prince, ny mesmes pour la conscience, peult estre juste ny +raysonnable. + +Il semble qu'on ayt icy asses d'opinion que la paix se conclurra, et +neantmoins je n'entendz qu'on revoque l'ordonnance des deniers pour +Allemaigne, bien qu'aulcuns estiment que les levees de gens de guerre +sont retardees pour attandre quelle fin le dict traitte prendra; et se +parle beaulcoup plus, a ceste heure, des aprestz du prince d'Orange +que de ceulx de Cazimir, et qu'encores que en Flandres ne s'en face +aulcun semblant, que neantmoins le duc d'Alve ne laysse de pourvoir +secrectement a ses afferes; dont ceulx cy ont quelque adviz de ses +aprestz, et mesmes tiennent pour asses suspectz ceulx qu'ilz entendent +qu'il faict pour la mer, qui ne peuvent, ce leur semble, estre dressez +contre le dict prince; et par ainsy, doubtent que ce soit contre eulx, +mais ilz monstrent de ne les craindre guieres. La composition des +deniers et merchandises, arrestees par deca sur les subjectz du Roy +d'Espaigne, se poursuyt toutjours. Il est vray qu'il semble qu'on +attand la responce d'une depesche, que le duc d'Alve, apres le retour +du Sr Chapin en Flandres, a faicte au Roy son Mestre sur ceste affere, +qui n'est encores venue. + +Je ne puys avoir certitude des presentes choses d'Escoce, et semble +que le Sr Randolf mesmes, qui est sur le lieu de la part de ceste +Royne, ne peult comprendre quelles elles sont, et qu'il en escript +confuzement. Le comte de Lenoz se prepare toutjours pour y aller; +mais il creinct quelque malle adventure par della, et n'ayant la dicte +Royne d'Escoce faulte d'adviz en ses propres afferes, elle nous a +faict tenir celluy que je vous envoye duquel nous mettrons peyne d'en +avoir plus grande veriffication; et d'aultant qu'avec icelluy vous +verrez, Sire, l'instance qu'elle me prie de vous fere pour son +secours, il ne sera besoing de le vous exprimer davantaige, si n'est +pour vous dire, Sire, que peu d'ayde a ce commancement vous pourra +espargner les frays d'ung grand secours, que possible cy apres vous y +vouldriez avoir envoye; lequel, ou n'y pourra lors passer, ou n'y +viendra jamais asses a temps. Je ne scay si, suyvant mes precedantes +lettres, ceste Royne vouldra entendre a quelque bon expediant avec la +dicte Royne d'Escoce, elle m'a faict demonstration d'y estre assez +bien disposee; mais la dicte Royne d'Escoce a trop d'ennemys en ceste +court. + +La dicte Royne d'Angleterre m'a faict dellivrer trois Francoys qui +estoient prisonniers a Colchester, et m'accorde ordinairement, et fort +liberallement, les provisions de justice que je luy demande pour voz +subjectz. Il est vray que ceulx de son conseil m'ont faict escripre +par le juge de l'admyraulte que, s'il n'est faict rayson a trois +Anglois, qui vont pourchasser la restitution de leurs biens a +Granville en Bretaigne, qui leur a este deux et trois foys desnyee, +que les Bretons ne s'esbahyssent plus s'ilz n'ont dellivrance des +biens qui leur seront prins ou arrestez par deca; vous supliant, Sire, +mander au Sr de La Roche, cappitaine du dict Granville, qu'il les leur +face dellivrer, et que dorsenavant Vostre Majeste commande estre +mieulx pourveu a l'administration de la justice aux dicts Anglois en +Bretaigne, qu'ilz disent qu'ilz n'y en ont heu jusques icy; et sur ce, +etc. + + Ce XXVIe jour de febvrier 1570. + + Sur la fin de la presente m'est venu advis qu'il y a heu + rencontre, sur la frontiere du North, entre millord Dacres, qui + se retirait en Escoce avec quelque troupe, et milord de Housdon + gouverneur de Barvich, qui l'a vollu empescher. + + EXTRAICT de la lettre de la Royne d'Escoce a Mr l'evesque de Roz, + son ambassadeur. + + J'ay receu, par ce pourteur, la lettre que m'avez escripte du VIe + du present, et suys fort marrye de vostre emprysonnement, a ceste + heure que mes afferes ont grand besoing de vous, sur le poinct + qu'on m'a dict que le Roy a accorde d'envoyer deux mil hommes en + Escoce; je vous prie, sollicitez Mr l'ambassadeur de fere + instance a son Mestre qu'il les veuille haster, et advertissez + l'arsevesque de Glasco et Rollet, de faire le mesme par della. Je + vouldrois bien entendre quel secours nous aurons de Flandres. Je + crains qu'il sera asses petit, et qu'il viendra bien tard; car + j'entends que desja la Royne d'Angleterre faict lever une armee + de douze mil hommes en ce pays, et en veult envoyer, du premier + jour, trois mil en Escoce, et puys apres, y fere acheminer le + reste par mer et par terre, avec intention, comme on dict, + d'avoir, ou par moyen, ou par force, mon filz en ses mains, et + puys apres disposer de ma vie. Mais, si Dieu m'est favorable, + comme je n'en doubte poinct, je ne crains poinct cella; + neantmoins, je vous prie tres affectueusement de le nottifier + aulx ambassadeurs, affin que, s'ilz m'ayment et ayment mes + afferes, qu'ilz procurent de fere envoyer en dilligence le + secours en Escoce. Il est bruict que le Roy d'Espaigne est fort + mallade, et que le Roy a aultant a fere dedans son royaulme comme + auparavant, et qu'il n'a peu fere la paix avecques ses subjectz, + dont vous prie m'en faire entendre la verite. + + EXTRAICT d'aultre lettre escripte par la dicte Royne d'Escoce a + Jehan Cobert, secretaire de Mr de Roz, du XIIIe febvrier 1570. + + Jehan Cobert, si vostre mestre est si estroictement garde qu'il + ne puisse vaquer a mes afferes, ne faillez de trouver quelque + moyen de me donner toutjours adviz des occurrences, le plus + souvent que vous pourrez. Faictes mon excuse a Mr l'ambassadeur + de France, si je ne luy escriptz par ce pourteur, car je ne m'ose + fyer en luy; supliez le de parler a la Royne pour vostre mestre; + et luy dictes que c'est Huntington qui, par malice, a procure son + emprisonnement; car luy mesmes m'a dict qu'il se vengeroit de + luy. Priez le aussi, en mon nom, de solliciter le Roy, son + Mestre, comme je le mande en l'aultre lettre, de haster le + secours; car il peult veoir le grand dangier en quoy mon royaulme + et mon filz et moy sommes. + + + + +XCIIe DEPESCHE. + +--du dernier jour de febvrier 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Callais, par le sire Crespin de Chaumont_.) + + Details circonstancies de la rencontre qui a eu lieu entre milord + Dacre et milord Houston; defaite de milord Dacre qui a ete + force de se refugier en Ecosse. + + + AU ROY. + +Sire, au fondz de la lettre que j'ay escripte, le XXVIe du present a +Vostre Majeste, j'ay faict mention d'ung rencontre naguieres advenu +vers la frontiere du North, du coste d'Escoce, entre millord Dacres et +millord de Housdon, subjectz de ce royaulme, de quoy la confirmation +est despuys arrivee, qui se racompte ainsy: c'est que ayant la Royne +d'Angleterre, pour aulcuns soupecons du dict millord Dacres, et parce +qu'il differoit de venir devers elle, mande a millord Housdon de +l'aller surprendre, le plus secrectement qu'il le pourroit fere, en +une sienne mayson, ou il s'estoit retire douze mil pres l'Escoce; +icelluy Dacres, ayant descouvert l'entreprinse, le jour auparavant +qu'elle deust estre executee, par l'interception d'aulcunes lettres, +ou il vit que desja le dict de Housdon avoit mande a millord Scrup se +trouver en certain lieu avec deux mil hommes, et qu'il s'y rendroit a +heure determinee avec mil chevaulx et cinq centz harquebouziers de la +garnyson de Barvich, pour l'aller assieger, il fit dilligence d'en +advertyr incontinent ceux qui estoient en la frontiere d'Escoce; et, +de sa part, il deliberra d'assembler ce qu'il pourroit des siens pour +aller combattre l'une des deux troupes, avant qu'elles se peussent +joindre. Et ainsy, en une nuict, il mict ensemble trois mil hommes, +et, le matin, alla rencontrer ceulx qui estoient sortys de Barvich, et +presenta la bataille au susdict de Housdon; lequel, se trouvant avoir +de meilleures gens et mieulx equipes que luy, bien que en moindre +nombre, se resolut de le combattre, et neantmoins fit semblant de se +retirer, affin d'attirer l'autre en ung lieu estroict, ou avec +l'harquebouzerye il le deffyt, et luy tua quatre centz des siens, et +en print cent ou six vingtz de prisonniers. Et a peine se fut saulve +le dict Dacres mesmes, sans ce qu'il se descouvrit quelques gens de +cheval, en compaignie, qui lui venoient au secours, a la faveur +desquelz il se retira, avec tout le reste, en Escoce. Quoy qu'il y +ayt, Sire, et que ce recit, qui vient de la court, soit a l'advantaige +de ceste Royne, elle et ceulx de son conseil sont bien fort marrys de +la retrette du dict Dacres, qui est, apres le duc de Norfolc, ung des +plus principaulz hommes de ce royaulme. Et sur ce, etc. + + Du dernier jour de febvrier 1570. + + + + +XCIIIe DEPESCHE + +--du IIIIe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyee jusques a la court, par le Sr de Sabran_.) + + Irritation causee a Londres par la nouvelle de l'expedition + preparee en France pour porter des secours en Ecosse.--Effet + produit par cette nouvelle sur la reine d'Angleterre, dont elle + change tout-a-coup les dispositions a l'egard de la + France.--Resolution d'Elisabeth de porter ses armes en Ecosse, + et de secourir ouvertement les protestants de la + Rochelle.--_Memoire_: details des preparatifs faits sur mer en + Angleterre pour empecher le secours de France d'arriver en + Ecosse.--Affaires de l'Ecosse et des Pays-Bas.--Demande faite + par l'Espagne que le commerce avec l'Angleterre soit interdit + en France.--_Memoire secret_: dispositions des seigneurs + anglais, qui sont poursuivis en justice, a soutenir les efforts + de la France.--Vives instances du duc de Norfolk pour que la + reine d'Ecosse soit promptement secourue.--Proposition faite + par l'ambassadeur a Leicester d'appuyer de tout le credit de la + France son mariage avec Elisabeth; sous la condition de la + restitution de Marie Stuart. + + AU ROY. + +Sire, je n'avois poinct este encore plus favorablement ouy de la Royne +d'Angleterre, et n'avois point receu d'elle meilleures responces sur +les choses, que je luy ay ordinairement proposees de vostre part, +despuys que suys par deca, que en ceste derniere audience du XXe du +passe, ny les seigneurs de son conseil ne m'avoient plus priveement +traicte, ny ne s'estoient monstrez plus favorables a me parler des +afferes de ce royaulme que ceste derniere foys; de sorte que je m'en +retournay asses satisfaict, et au moins avec quelque opinion que les +choses seroient pour aller de bien en mieulx entre Voz Majestez et voz +deux royaulmes; mesmes qu'ung du dict conseil passa si avant de me +dire que, pour quelques occasions es quelles la France n'estoit +poinct meslee, j'entendrois bientost parler d'ung armement que, +longtemps y a, l'Angleterre n'en avoit gecte ny de plus grand, ny de +plus brave sur mer; et qu'il ne failloit que j'en prinsse aulcun +souspecon, car tant s'en failloit que ce fut contre Vostre Majeste, +qu'il n'y auroit rien qui ne fut a vostre bon commandement: et oultre +cella, la dicte Dame me tint lors toutz propos fort bons sur les +afferes de la Royne d'Escoce, et sur la bonne disposition, en quoy +elle estoit, d'entendre a quelque bon expediant avec elle, s'il +playsoit a Vostre Majeste de le mettre en avant. + +Par lesquelles choses j'estimay, Sire, que les plus moderez d'aupres +de ceste princesse eussent gaigne ung grand poinct envers elle, mesmes +que je sceuz, avant que partir de la, que le comte d'Arondel avoit +este mande en court pour le desir que la dicte Dame monstroit avoir de +regarder, avec son conseil et avec sa noblesse, les moyens qu'il luy +falloit tenir, tant envers les princes ses voysins que envers ses +subjectz, pour maintenir la paix dehors et dedans son royaulme. De +quoy les passionnez, qui ont le credit, monstroient n'estre +aulcunement contantz: et voycy, Sire, ce que, deux jours apres, leur +est venu en main pour divertir le bon cours de ces afferes, et pour +alterer les choses plus que jamais, c'est que, par les lettres de Mr +Norrys et par celles du Sr Randolf, qui en mesme jour sont arrivees de +France et d'Escoce, du XXIIe du passe, ilz ont eu adviz que Vostre +Majeste preparoit d'envoyer ung nombre de gens de guerre en Escoce, +qui se doibvent embarquer en Bretaigne le IIIe jour de may prochain; +ce qui leur a donne de quoy si bien irriter la dicte Dame et ceulx de +son dict conseil que, toutes aultres choses delayssees, ilz se sont +miz apres a consulter et delliberer comme ilz pourront empescher ou +prevenir ceste vostre entreprinse; dont j'ay baille une instruction au +Sr de Sabran de tout ce que, pour ceste heure, j'ay peu descouvrir de +leurs preparatifz et aprestz en cella, ensemble du present estat des +aultres choses de deca, auquel me remectant, je prieray, etc. + + Ce IVe jour de mars 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, ce n'est de mon gre que je donne a Vostre Majeste des adviz, +qui quelques foys sont bien contraires et divers a ceulx que +auparavant je vous ay mandez; mais le changement et la contrariete, +qui sont asses ordinaires en ceulx de ceste court, me contraignent +d'en user ainsy; dont Vostre Majeste, s'il luy playt, m'en excusera +sur le soing que j'ay de luy mander leurs actions et delliberations, +ainsi clairement et par le menu, comme, jour par jour, je les puys +aprendre et descouvrir. Il n'y a que huict jours que ceste princesse +se monstroit bien disposee envers Voz Tres Chrestiennes Majestez, et +de ne cercher rien tant que de vous contenter et complaire en ce qui +luy estoit propose de vostre part, et de vouloir vivre en grand paix +et repos en son royaulme, chose fort sellon sa naturelle inclination; +mais, aussitost qu'on luy a raporte qu'il se preparoit en France des +gens de guerre pour passer en Escoce, il n'est pas a croyre combien la +grande jalousie de sa cousine, laquelle s'est representee en cella, +luy a soubdain faict changer son premier bon propos; et comme, en lieu +d'aller par moyens paysibles, ainsy qu'elle disoit, ez choses +d'Escoce, elle a propose meintennant d'y proceder par les armes. La +dicte Dame estoit lors apres a espargner l'argent, meintennant elle +ne parle que d'en despendre; elle cerchoit de payer et a ceste heure +d'emprumpter; elle disoit vouloir regaigner par douceur ses subjectz, +meintennant elle faict resserrer plus que auparavant ceulx qui sont en +prison; et crainctz asses, Madame, que l'affection, qu'elle disoit +avoir a la pacification de vostre royaulme, se soit desja changee a +ung contraire desir de vous y nourryr les troubles, si elle peult, +comme desja l'on m'a dict qu'elle est pour se monstrer plus liberalle +a promettre secours et assistance a ceulx de la Rochelle, qu'elle n'a +faict jusques icy. Je la verray sur la premiere occasion de quelque +depesche de Voz Majestez, et mettray peyne de notter les +particullaritez de ses propos, affin de fere quelque jugement de ses +delliberations. Sur ce, etc. + + Ce IVe jour de mars 1570. + + INSTRUCTION pour satisfere Leurs Majestez sur le contenu de la + depesche, comme s'ensuyt: + + Que, le XXe du passe, la Royne d'Angleterre se monstroit bien + disposee envers Leurs Tres Chrestiennes Majestez et envers leurs + presens afferes, avec bonne affection a la paix de leur royaume, + et d'estre preste, pour l'amour d'eulx, de condescendre a des + expediens gracieulx avec la Royne d'Escoce, et me dict l'ung des + seigneurs de son conseil qu'elle avoit ung grand contantement de + veoir que Leurs dictes Majestez, ny nul de leurs ministres, + n'estoient meslez en ces choses du North. + + Ung autre des seigneurs du dict conseil, me parlant en affection + d'aulcuns aprestz, qu'on faisoit contre la dicte Dame, en un + endroict qui, sellon qu'il me le designa, ne pouvoit estre sinon + Flandres, me dict qu'ilz estoient apres, de leur coste, a + preparer en dilligence ung des plus grandz et des plus braves + armemens qu'ilz eussent, longtemps y a, miz en mer, et qu'on + cognoistroit que, si l'Angleterre n'estoit pour assaillir ung + aultre estat, qu'elle estoit suffisante pour deffandre le sien, + et que, continuant ainsy la bonne paix, comme elle faisoit, + avecques le Roy et la France, ilz n'avoient que bien peu a + craindre le reste de leurs voysins. + + Le troisiesme jour apres, estantz deux pacquetz, l'un de Mr + Norrys et l'aultre du Sr Randolf, arrivez de France et d'Escoce, + quasi en mesmes heure, et avec conformite d'ung mesmes advis de + certain nombre de gens de guerre, qu'ilz ont mande que le Roy + preparoit d'envoyer en Escoce, qui se debvoient embarquer en + Bretaigne, le IIIe de may, et estre conduicts par le Sr Estrocy, + la dicte Dame fit incontinent assembler la dessus son conseil, + ou, du bon estat que les choses monstroient estre deux jours + auparavant, elles furent, par la contention des mal affectionnez, + soubdain converties en une presente aygreur; et voicy ce que + j'entendz qui fut la arreste: + + Que Mr Bach, pourvoyeur de la marine, seroit promptement mande + pour lui enjoindre de mettre en ordre et en bon equipage toutz + les grandz navyres de guerre de la dicte Dame, affin d'estre + prestz dans la fin de mars ou au commencement d'avril, avec trois + mil bons hommes dessus, avytaillez pour un moys, affin de servir + aulx deux effects; l'ung, de resister aux entreprinses de + Flandres, et l'aultre, pour empescher le passaige et la descente + des Francoys en Escoce; + + Que le comte de Sussex et Raf Sadeller s'en yroient au Nort, et + leveroient six mil hommes, qu'ilz envoyeroient le plus tost + qu'ilz pourroient en Escoce, et en prepareraient aultres douze + mil pour doubler et tripler les premiers, s'il estoit besoing; + + Que ceste mesmes levee pourroit servir a reprimer les esmotions + qu'on craignoit au dict pays, et servyroit aussi pour tenir la + main forte a l'execution de justice qu'on y pretendoit fere + contre ung nombre de gentishommes, qu'on a trouvez coulpables de + la premiere ellevation; + + Que, pour subvenir a telles choses, l'on dresseroit trois estapes + de vivres et de monitions pour les pouvoir transporter par mer ou + le besoing le requerroit, l'une a Londres, l'aultre a Rochestre, + et la troisiesme, laquelle j'ay la plus suspecte, a Porsemue, car + c'est vis a vis du Havre de Grace; + + Que courriers seraient promptement depeschez par toutes les + provinces avec lettres aulx officiers, pour fere advertissement a + ung chacun de se tenir pourveuz d'armes et de chevaulx sellon les + ordonnances, et d'estre prestz pour marcher, quand ilz seront + mandez; + + Que Me Grassein feroit dilligence de trouver promptement + cinquante mil livres d'esterlin parmy les merchans pour subvenir + au present besoing de la dicte Dame, oultre et par dessus la + somme de quarante cinq mil livres d'esterlin desja ordonnees pour + Allemaigne; + + Que les afferes de la Royne d'Escoce et les propositions qui se + mettoient en avant pour sa restitution, et pour la dellivrance de + l'evesque de Roz, son ambassadeur, seroient mises en surceance et + elle ung peu plus resserree; + + Et seroit pareillement surcise la delliberation, en quoi l'on + estoit, de pourvoir a la liberte du duc de Norfolc, sur la + caution qu'il offroit de deux centz mil livres d'esterlin; et a + l'eslargissement de millord de Lomele; et a rappeler en court et + au conseil le comte d'Arondel, et que les dicts seigneurs + seroient plus observez et resserrez que auparavant. + + Et m'a l'on dict, dont je suys apres a le veriffier, qu'il fut + aussi la arreste que la dicte Dame se monstreroit plus liberalle + et prompte, qu'elle n'avoit faict jusques ici, a accorder secours + a ceulx de la Rochelle pour meintenir la guerre en France, affin + de divertyr celle toute aparante, qui s'alloit susciter dans + ceste isle pour les choses d'Escoce. + + Despuys, est survenu ce rencontre en la frontiere du North, + lequel aulcuns disent n'avoir tant succede au desadvantaige de + millord Dacres, comme le filz de millord de Housdon, qui en a + porte les premieres nouvelles, l'a publie; et qu'il y est mort + plus de deux centz soldatz de la garnyson de Barvich, et qu'il a + apareu ung si notable secours, qui venoit d'Escoce au dict + Dacres, qu'on a heu asses de doubte d'une surprinse sur Varvich, + dont ceulx cy font plus grand dilligence que jamais de haster les + ordonnances et provisions dessus dicts. + + Quant a l'estat des choses d'Escoce, j'entendz que les comtes + Morthon, Mar, Mareschal et millord de Lendzey ayantz, avec leurs + complices, releve en ce qu'ilz ont peu la part du feu comte de + Mora, ont transfere toute l'authorite au dict de Morthon, lequel + se trouve meintenant dans l'Islebourg, assiste de la faveur de la + Royne d'Angleterre; et semble qu'il veut establyr le comte de + Lenoz regent au dict pays a la devotion de la dicte dame; + + Que les comtes d'Arguil, d'Onteley, d'Atil et aultres bons + subjectz de la Royne d'Escoce, ayantz tenu une assemblee pres de + Dombertran, ou le Sr de Flemy s'est trouve, ont dellibere de + s'achemyner vers l'Islebourg, pour ordonner, en quelque bonne + facon, de l'estat des choses, et qu'ilz veullent que le duc de + Chatellerault preigne le gouvernement; et que, pour le + commencement, il l'ayt au nom du jeune prince, affin qu'il y + interviegne tant moins de contradiction: mais le dict duc, qui + est encores prisonnier au chasteau de l'Islebourg, demeure + fermement resolu de n'accepter aulcune charge, sinon au nom et + sous l'auctorite de la Royne. Il s'espere quelque convocation + d'Estatz au dict pays, le IIIIe du present; ce qui s'en entendra, + je ne fauldray de le mander a Leurs Majestez. Il semble qu'on n'a + trouve Ledinthon si bon Anglois qu'on cuydoit, et qu'il est tout + du dict duc de Chatellerault. + + Ceulx qui jugent des dicts afferes d'Escoce, et qui desirent la + restitution de la Royne au dict pays, et y vouldroient veoir + succeder les choses sellon l'intention du Roy, disent que, sans + venir a guerre ouverte avecques ceste Royne, il se pourra (avec + vingt ou trente mil escuz et deux personnaiges de bonne qualite + qui saichent, au nom du Roy, reunyr et accorder les seigneurs du + pays, et avec demy douzaine de capitaines pour conduyre leurs + gens de guerre, et quelques monitions et armes), fere ung si bon + fondement dans ce royaume que les effortz des Anglois n'y + pourront en rien prevaloir; mais il fauldroit que cella y passat + tout promptement, avant que ceulx cy soyent sur mer. + + L'accord des deniers et merchandises d'Espaigne se poursuyt + toutjour fort instantment, et pourra bien estre que, quant aulx + deniers, il preigne encores quelque tret, pour attandre celle + lettre du Roy d'Espaigne, par laquelle il veuille advouher que la + somme est a des merchans; mais, quant aulx merchandises, j'estime + que cella sera bientost conclud, parce qu'il se depesche quatre + principaulx merchans de ceste ville avec generalle procuration + pour en aller, en compaignie du Sr Thomas Fiesque, tretter avec + le duc d'Alve a Bruxelles; et doibvent partyr dans ceste + sepmayne. Dont le Roy pourra fere incister sur l'ung et sur + l'autre de ces deux poincts envers le duc d'Alve, qu'il n'en + veuille accommoder les Protestans, ains entretenir et prolonger + la matiere, au moins jusques apres l'este prochain; dont, de ma + part, je travailleray, aultant qu'il me sera possible, d'y fere + toutjour naistre quelque difficulte, et il s'y en trouveroit + asses du coste mesmes de ceulx cy, n'estoit la craincte qu'ilz + ont du Roy sur les choses d'Escoce. + + Je suys bien fort presse par l'ambassadeur d'Espaigne de suplier + Leurs Majestez Tres Chrestiennes qu'ilz veuillent exclurre aux + Anglois le commerce de la France, parce que, nonobstant la + suspencion d'entre l'Angleterre et les Pays Bas du Roy son + Mestre, ilz ne layssent d'estre accommodez, par le moyen des + Francoys, des choses qu'ilz ont besoing d'Espaigne; lesquelles, + pour le gain, ilz leur aportent toutjour en abondance, bien que + ceulx cy se monstrent aussi difficilles de n'admettre les + merchandises d'Espaigne ny de Flandres par deca, comme l'on le + pourroit estre en Espaigne ou en Flandres d'y recepvoir celles + d'Angleterre; tant y a qu'avec des moyens cella se conduict, et y + a quelcun qui, au nom des Catholiques de ce royaulme, m'est venu + prier pour la dicte exclusion de traffic, comme de chose laquelle + admeneroit bientost une telle necessite en ce pays, qu'on s'y + esleveroit contre ceux qui gouvernent; en quoy Sa Majeste + considerera ce qui est le plus expedient et le plus utille pour + son service, car je crains que par la l'on s'incommoderoit asses + pour accommoder aultruy. + + Sur la closture de ceste depesche, le Sr de Garteley est arrive, + qui m'a dict que le secours pour Escoce est desja tout prest en + Bretaigne, dont semble estre fort requis de le haster de partir, + affin de prevenir ceux cy, lesquelz sont tous resoluz de getter + dehors, avant la fin de ce moys, quinze grandz navyres des + premiers prestz pour nous empescher la mer. + + AULTRE INSTRUCTION A PART. + + Ce qui est advenu de nouveau en la frontiere entre millord Dacres + et millord de Housdon, joinct les facons dont l'on continue de + proceder de plus en plus fort rudement contre ces seigneurs qui + sont arrestez, et d'observer de pres le reste de la noblesse, + descouvre asses qu'il y a une grande contrariete dans ce royaume + tant sur la religion, et sur le faict de la Royne d'Escoce, et + sur les divers tiltres de la succession de la couronne, et sur + l'emprisonnement des grandz, que pour ung general malcontantement + contre ceulx qui gouvernent. + + Et semble que le duc de Norfolc est plus que jamais desire d'ung + chacun, mais il demeure fermement resolu en soy mesmes de ne + pourchasser sa liberte par nulle aultre voye que par celle de + l'equite de sa cause; en quoy il se persuade d'avoir ung tres bon + et tres asseure fondement, lequel il ne veult aucunement alterer; + mais les aultres seigneurs, qui ne sont si resserrez que luy, + sont delliberez que, si, dans quinze jours, ilz ne se peuvent + prevaloir, ou pour le dict duc ou pour eulx; de leurs amys et + moyens de court, qu'ilz se resouldront a cercher d'aultres + expedians, et m'ont faict remercyer du reffuge et retrette que je + leur ay dict que le Roy leur donroyt en son royaume. + + +Or, se trouvans les comtes de Northomberland et de Vuesmerland et +millord Dacres, qui sont trois bien principaulx personnaiges de ce +royaume, et quelque nombre de gentilshommes de ce pays avec eulx, +meintennant fuytifz en Escoce, toutz bien affectionnez a la Royne +d'Escoce et bien fort catholiques; et desirant le duc de Norfolc, de +sa part, que les afferes de la dicte Dame y soient secouruz, +nommeement du coste de France, il est a esperer que, s'il playt au Roy +de les favoriser en quelque bonne sorte, non suspecte a ces seigneurs +angloys partisans de la dicte Dame, qu'elle et son royaulme pourront +estre preservez contre les entreprinses de l'Angleterre a honneur et +utillite de la France, et la Royne d'Angleterre et les siens divertys +de ne pouvoir tant nuyre, comme ilz font en aultres endroicts, aulx +afferes du Roy, non sans que Sa Majeste se forme, par ce moyen, ung +bon nom, et possible quelque bonne part en l'affection de ceulx de +ceste isle. + +Le duc d'Alve, a la verite, a des ambassadeurs escocoys, et anglois +devers luy pour avoir secours, et il a escript par deca qu'il est tout +prest de le bailler, mais que nul de ceulx qui sont venuz ne luy scayt +donner compte du temps, du lieu, de la forme et des condicions qu'ilz +veulent avoir le dict secours, et qu'il ne veult advanturer l'honneur +et les afferes de son Mestre, de mettre en evidence un telle +entreprinse, sans y voyr bon fondement. Par ainsy, il sollicite que +quelcun des principaulx le vienne trouver pour conclurre avecques luy +de toutes les particullaritez du dict secours; et, de tant que le duc +de Norfolc a suspect ce qui vient de ce couste la, il me faict +solliciter de haster l'assistance du Roy en faveur de la Royne +d'Escoce. + +Le comte de Lestre, en une privee conferance qu'avons heu ensemble, +m'a dict que la Royne, sa Mestresse, avoit este naguieres pressee par +ceulx de son conseil de prendre party, affin de remedier tout a ung +coup a plusieurs difficultez qui se presentent en son royaulme, et +qu'elle, de son coste, s'estoit monstree, encores ce coup, aussi +degoustee de mariage, comme toutes les aultres foys qu'on luy en avoit +cy devant parle; mais enfin elle leur avoit respondu que, si pour +annuller les divers tiltres qu'on pretend a sa succession, lesquelz +mettent en division son royaulme, elle estoit contraincte de se +maryer, qu'elle est toute resolue de n'espouser point de ses subjectz. + +Je luy ay respondu qu'il scavoit bien que Leurs Majestez Tres +Chrestiennes avoient toutjours heu desir que ce fut luy qui tint ce +lieu, et que ceste leur bonne vollonte continue encores, dont ne +failloit sinon qu'il regardat comment les y employer; que de ma part +je luy serviray de bon cueur; que le temps sembloit fere pour luy, +parce que tout le royaulme plyoit meintennant au desir de la dicte +Dame, et les principaulx qui estaient travaillez concouroient toutz a +luy complayre, pourveu qu'il fit quelque chose pour eulx; et la Royne +d'Escoce, qui pouvoit asses dans ceste isle, favorisoit ses nopces, +s'il favorisoit sa restitution; et quoy qu'il y eust, puysqu'il estoit +ainsy advance en la bonne grace de la dicte Dame, qu'il advisat de +prendre ce premier lieu, et a tout le moins de ne le laysser aller a +nul, qui ne luy sache le bon gre de l'y avoir miz. + +Il m'a rendu plusieurs bonnes parolles de mercyement, pour les mander +de sa part a Leurs Majestez, et, apres m'avoir touche ung mot de +l'extreme deplaysir, que la Royne, sa Mestresse, avoit du mariage de +la Royne d'Escoce avec le duc de Norfolc, il m'a prie qu'en une de mes +audiences, je face venir a propos a la dicte Dame que, pour obvier +aulx inconvenians ou elle et son royaulme pourront tumber par les +diverses pretencions de sa succession, qu'ung chacun estime qu'elle +feroit bien de se maryer, et que le Roy avoit toutjour desire que, +s'il ne pouvoit pour luy ou les siens avoir ce bien, que au moins, +pour evitter la jalouzie de quelque aultre party estrangier, ce fut +quelque bien heureulx de ce royaulme qui y parvint, ce que je ne luy +ay reffuse de fere; mais j'attendray la dessus le commandement de +Leurs Majestez. + + + + +XCIVe DEPESCHE + +--du IXe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Callais, par Olyvier Cambernon_.) + + Affaires d'Ecosse.--Crainte de l'ambassadeur que tous ses efforts + ne puissent empecher la guerre d'eclater.--Son desir de voir + donner satisfaction sur les diverses plaintes d'Elisabeth + contre la conduite tenue a l'egard des Anglais en + France.--Mission du Sr de Garteley.--Arret prononce contre + milord de Lomeley.--Nouvelles des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, quant j'ay depesche le Sr de Sabran devers Vostre Majeste, le +IIIIe de ce moys, je l'ay instruict, le plus particullierement que +j'ay peu, de l'estat des choses qui se passent icy, lesquelles +continuent en l'apareil de guerre, qu'il vous aura dict, de lever +toutjours soldatz en ceste ville de Londres et ez envyrons, pour les +envoyer au North; et dilligenter l'aprest des navyres; et fere les +provisions pour iceulx; et cercher deniers de toutes partz, bien que +la malladie, intervenue la dessus, de Mr le comte de Lestre, a donne +quelque peu de retardement aulx delliberations de ce conseil, lequel +ne s'est assemble durant son grand mal, mais a present il se porte +bien; et aussi que toutz en ces choses ne se sont trouvez d'accord en +ceste court, neantmoins j'entends qu'on y a resoluement conclud +l'entreprinse d'establyr, par toutz les moyens qu'on pourra, le +gouvernement d'Escoce ez mains de ceulx qui ont releve la part du +comte de Mora, parce qu'ilz se monstrent fort contraires aulx fuytifz +d'Angleterre; et se soubmettent a la protection de ceste Royne; et luy +demandent le comte de Lenoz pour regent; qui sont choses qu'elle +trouve bonnes, et qui sont conformes a ce qu'elle desire pour tenir +le dict royaulme divise, et avoir toutjour l'une des partz a sa +devotion. Je ne scay si l'assemblee des Estatz, qu'on attandoit au +dict pays le IIIIe du present, aura este tenue, et si elle aura heu +nul effect; il ne s'en dict encores rien, et croy qu'il sera bien +tard, quant j'en auray des nouvelles, car l'on tient les passaiges +bien fort serrez. + +Cependant la Royne d'Angleterre est entree en grand deffiance sur ce +que Mr Norrys son ambassadeur luy a escript que Voz Majestez Tres +Chrestiennes luy ont tenu quelque propos fort expres sur les afferes +de la Royne d'Escoce et de son royaulme; duquel je n'ay encores +entendu le particullier, sinon qu'on m'a dict que la dicte Dame en est +fort fachee, joinct que, par le mesmes pacquet, le dict ambassadeur +luy a envoye ung discours, imprime a Paris, sur les troubles de son +royaulme, qui ne parle a l'advantaige d'elle ny de ceulx qui +gouvernent ses afferes; et d'abondant elle a sceu qu'un homme de son +dict ambassadeur a este naguyeres arreste a Amiens, et que son +pacquet, qu'elle luy avoit baille a porter, luy a este oste; +desquelles choses il n'est pas a croyre combien elle s'en trouve +offancee, et combien les siens en sont mutinez, jusques a dire qu'il +vauldroit mieulx venir a une guerre declairee, et que leur ambassadeur +s'en retornat, et que je me retirasse, que d'user de tels deportemens; +dont, de tant que je les ay fort asseurez que la publication du dict +discours, ny la detention du pacquet ny du messagier, ne sont +aulcunement procedees du vouloir ny commandement de Voz Majestez, je +vous suplie tres humblement, Sire, qu'il vous playse luy en fere +donner quelque satisfaction, comme d'accidens que vous n'aviez ny +preveuz, ny pensez, et luy fere aussi satisfere sur une pleinte, +qu'elle m'a faicte renouveller, de certains pescheurs de Diepe et +aultres de della, qui abusent en la coste de deca de leur forme de +pescher et de leurs filetz contre l'ordonnance du pays, affin de ne +mesler si petites choses avec les plus grandes, qu'avez a demesler +ensemble. + +Le Sr de Garteley s'en est revenu tres contant en toutes sortes de Voz +Majestez; il a heu conge de passer en Escoce, mais non d'aller veoir +la Royne sa Mestresse, a laquelle toutesfoys nous avons trouve moyen +de fere entendre tout l'effect de son voyage, de quoy je m'asseure +qu'elle aura receu grande consolation. + +Millord de Lomelle a heu ampliation de son arrest, luy ayant este +permiz d'aller demeurer avec le comte d'Arondel son beau pere a +Noncich, et de pouvoir jouyr de l'air et de l'esbat des champs deux +mil a l'entour, ce qui donne esperance de veoir bientost quelque +moderation ez afferes de ces seigneurs. + +Les depputez de Flandres, estantz prestz a partir, ont trouve quelque +deffectuosite en leurs charges et pouvoirs qui les a retardez huict +jours, mais j'entendz qu'ilz s'acheminent demain, et le Sr Thomas +Fiesque avec eulx, avec opinion de pouvoir accorder facilement le +faict des merchandises, mais difficilement celluy des deniers. Sur ce, +etc. + + Ce IXe jour de mars 1570. + + + + +XCVe DEPESCHE + +--du XIIIIe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet_.) + + Contentement de la reine d'Angleterre au sujet de la satisfaction + qui lui a ete donnee sur l'une de ses plaintes.--Impossibilite + de connaitre quelles sont ses veritables intentions a l'egard + de la France.--Continuation des apprets maritimes et des + preparatifs contre l'Ecosse.--Necessite de prendre des mesures + pour empecher le capitaine Sores de continuer ses courses sur + mer.--Depart des deputes envoyes dans le Pays-Bas pour traiter + des differends de l'Angleterre avec l'Espagne. + + + AU ROY. + +Sire, le jour d'apres ma precedante depesche, laquelle est du IXe du +present, j'ay receu celle de Vostre Majeste du XXIe du passe, en +laquelle j'ay trouve l'honneste satisfaction qu'il vous a pleu donner +a la Royne d'Angleterre sur celle de ces trois pleinctes que je vous +ay mande qu'elle avoit le plus a cueur, qui est du discours des +troubles de son royaulme imprime a Paris; de laquelle satisfaction, +despuys que Mr Norrys luy en a donne adviz, elle et les siens ont +monstre qu'ilz n'estoient plus si offancez comme auparavant: ce qui me +sera ung argument, la premiere foys que j'yray trouver la dicte Dame, +de la prier qu'elle veuille user de pareille sincerite et +correspondance d'ung bon cueur envers Voz Majestez Tres Chrestiennes, +comme par cest acte vous luy avez monstre que vous l'avez clair et +droict, et entierement bien dispose envers elle; et luy continueray la +mesmes instance, que je luy ay ordinairement faicte, de ne porter ny +souffrir estre apporte par les siens aulcun secours ny assistance a +ceulx qui troublent vostre royaulme, et qu'il n'est possible qu'ilz en +puissent tirer d'Angleterre, sans qu'elle tumbe en l'infraction des +trettez et en une manifeste ropture de la paix. + +Plusieurs parlent diversement de l'intention de la dicte Dame sur le +present estat de voz afferes; les ungs, qu'elle l'a bonne et qu'elle +incite a la paix ceulx de la Rochelle; les aultres, au contraire, +qu'elle l'a tres mauvaise et qu'elle les sollicite a la guerre. Vostre +Majeste pourra asses juger ce qui en est par la condicion de ceulx qui +m'en ont donne les adviz, desquelz je reserve vous mander les noms, et +la facon des propos qu'ilz en ont tenu, par l'ung des miens que je +depescheray bientost devers Vostre Majeste. + +Je n'ay encores rien entendu de l'effect de l'assemblee que les +seigneurs d'Escoce debvoient tenir a l'Islebourg, le IIIIe de ce moys, +ny s'ilz ont prins nul bon expediant entre eulx sur l'ordre et +gouvernement du pays. Bien m'a l'on dict que le comte de Morthon et le +sir Randolf ont escript a ceste Royne, que, si elle ne faict bientost +aparoistre son assistance par della, que toutz les Escoucoys cryeront +_France_ et que le nom de Vostre Majeste y est bien ouy et bien receu, +et qu'ilz demandent d'avoir leur Royne; par ainsy, que le jeune prince +s'en va deboutte de l'authorite, et du nom de Roy qu'on luy a +attribue, si elle n'y remedye. Dont quelcun m'a adverty que la dicte +Dame y a envoye en dilligence six mil {lt} d'esterlin, c'est vingt mil +escuz, et que le comte de Sussex, lequel a este mallade trois +sepmaines en ceste court, mais a present se porte bien, partyra du +premier jour pour s'aller presenter sur la frontiere d'Escoce, avec +quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx, lesquelz sont +desja bien avant; et ce, principallement parce que de la dicte +frontiere, despuys que millord Dacres s'y est retire, l'on a faict +cinq ou six courses en celle d'Angleterre, et brulle des villaiges, et +admene plusieurs prisonniers: dont le dict Dacres a este declaire +traistre et rebelle. + +J'entendz que les seigneurs de ce conseil ont fait depescher cinq ou +six centz lettres missives a des particuliers, gentishommes du North, +pour les prier de se pourvoir en toute dilligence de quelques hommes, +et d'armes, et de chevaulx, chacun le mieulx et le plus +advantaigeusement qu'il pourra, oultre l'obligation de l'ordonnance, +affin de fere promptement ung bien releve service a la Royne leur +Mestresse, sellon l'expecialle fiance qu'elle a en eulx. Et en ceste +ville de Londres l'on leve de nouveau cinq centz harquebouziers pour +les mettre sur les cinq navyres premier pretz, qu'on dellibere getter +dehors dans huict jours; et en prepare l'on aultres dix pour les +getter, a la my apvril, dont l'argent pour les avitailler est desja +dellivre au pourvoyeur de la marine, et ne cesse l'on d'aprester aussi +toutz les aultres pour estre prestz a l'entree de l'este. + +Je viens d'estre adverty que quatre vaysseaulx du cappitaine Sores ont +de rechef investy ung aultre navyre venicien, qui partoit de ce +royaulme charge de draps, et qu'ilz l'ont prins; et, encor qu'il ne +soit si riche que les premiers, il y a neantmoins pour cinquante mil +escuz de merchandise, oultre l'artillerye et le vaysseau, qui est des +meilleurs qui se puissent trouver; et semble, Sire, qu'il est +expediant que Vostre Majeste se dellibere de pourvoir a ces grandz +desordres de la mer, en quoy pourra estre que ceste princesse +concourra d'y ayder de son couste, s'il vous playt que je luy en face +instance. + +Les depputez, qui vont devers le duc d'Alve, sont partys despuys +devant hier, et croy qu'ilz passent aujourduy la mer. J'entendz que, +oultre la commission qu'ilz portent ouvertement par escript, il leur +en a este baille une a part, pour entrer, s'ilz peuvent, en ung +general accord de toutes choses; et le Sr Thomas Fiesque, qui m'est +venu dire adieu, m'en a touche quelque mot, et qu'il espere avoir +charge de retourner bientost pour cest effect par deca. Aulcuns +pensent qu'il s'y trouvera beaulcoup de difficultez; ce que je +croyrois, n'estoit qu'il semble que le Roy d'Espaigne sent si fort la +prinse qu'on dict que le roy d'Argel a faicte de la ville de Tunis[3], +et crainct tant que ce soit ung commancement d'attirer les +entreprinses du Turc en ces quartiers la, qu'il sera bien ayse +d'accommoder gracieusement ceste querelle qu'il a avecques ceulx-cy. +Sur ce, etc. Ce XIVe jour de mars 1570. + + [3] Au commencement de 1570, Aluch-Aly, dey d'Alger, s'empara de + Tunis, et chassa de ses Etats Muley Homaidah, dernier roi de + Tunis de la dynastie des Hafsides, qui s'etait reconnu feudataire + de l'Espagne. Les Espagnols, sous la conduite de don Juan, + reprirent Tunis, en 1573. + + + + +XCVIe DEPESCHE + +--du XIXe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Monyer_.) + + Nouvelles de la Rochelle et d'Allemagne.--Etat des affaires du + Nord.--Succes remporte par les revoltes d'Irlande.--Nouvelles + de la reine d'Ecosse. + + AU ROY. + +Sire, il n'y a que quatre jours qu'ung navyre de la Rochelle est +arrive, dedans lequel sont venuz aulcuns francoys qui ont este +incontinent devers Mr le cardinal de Chatillon a Chin; et luy, a ce +que j'entendz, despuys avoir parle a eulx, a faict demonstration en +ceste court, de desirer plus la paix que de l'esperer; et sont arrivez +aussi, dans le mesmes vaysseau, seze allemans qui s'en retournent en +leur pays asses mal contantz. Cependant le dict sieur cardinal a +envoye solliciter la subvention des esglizes protestantes de ce +royaulme, avec grand instance d'avoir promptement celle que les +estrangiers ont offerte, de laquelle il a desja retire quelque somme; +mais celle des Flamens, qui est la plus grande, ne luy est venue +entiere comme il pensoit, parce qu'ilz l'avoient accordee +principallement pour le prince d'Orange, en intention qu'il descendit +en Flandres; dont, voyantz a ceste heure que c'est pour la guerre de +France, aulcuns reffuzent de payer, et m'a este raporte que aus dicts +Flamens est venu ung adviz d'Allemaigne que le dict prince a bien des +forces, mais qu'il ne les peult bonnement employer durant la guerre de +France, sinon en la Franche Comte, sur le chemyn du secours qui va +trouver monsieur l'Admyral, affin de ne s'esloigner les ungs des +aultres; et m'a l'on asseure que, le neufvieme de ce moys, ung facteur +du sir Grassein a este depesche en Hembourg, pour aller donner ordre +aulx deniers, qui doibvent estre payez en Allemaigne sur le credit des +merchans de ceste ville. Ung homme du comte Pallatin est freschement +arrive, et encores, despuys luy, ung capitaine itallien nomme Roc, +lequel, quatre moys a, avoit este depesche en Allemaigne, mais je n'ay +sceu encores au vray ce qu'ilz raportent. + +Le comte de Sussex est sur son partement pour aller au North, et les +quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx, qu'il doibt mener, +sont desja devant. L'on a tenu plusieurs assemblees de conseil sur sa +depesche, dont bientost se pourra entendre quelque chose de ce qu'y +aura este resolu. Il semble que des cinq cens harquebouziers qu'on +levoit de nouveau en ceste ville, l'on n'en fornyra encores les +navyres, et qu'ilz seront envoyez en Irlande, ou j'entendz que les +saulvaiges ont donne une estrette aulx gens de Millord de Sydenay; +mais ceulx cy le tiennent fort cache. + +J'ay obtenu enfin de la Royne d'Angleterre de pouvoir envoyer les +lettres de Voz Majestez, que Mr de Montlouet m'avoit laissees, a la +Royne d'Escoce, par un secretaire de Mr l'evesque de Roz qui les luy a +dellivrees bien clozes en ses mains, en presence du comte de +Cherosbery; et la dicte Dame a envoye la response, laquelle est +encores devers le secretaire Cecille, qui ne la dellivrera jusques a +ce que le dict sieur evesque de Roz ayt este ouy et examine, lequel +pour cest effect a este mene despuys devant hyer a la court, soubz la +garde de six serviteurs de l'evesque de Londres; et la dicte Royne +d'Escoce a trouve moyen de me fere tenir en chiffre le petit memoire +cy encloz[4], ou Vostre Majeste verra ce qu'elle continue de vous +requerir. Elle se porte bien de sa sante, mais craint bien fort +d'estre remise ez mains du comte de Huntinthon ou du visconte de +Harifort, desquelz deux elle se craint comme de ses grandz ennemiz. +Nous esperons avoir en brief quelque certitude des choses d'Escoce. +Sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de mars 1570. + + [4] A partir de cette epoque, les pieces jointes aux depeches ont + cesse d'etre transcrites sur les registres de l'ambassadeur. + + _Par postille a la lettre precedente_. + + Le comte de Pembrot morut hyer en ceste court; l'on ne dict + encores qui sera son successeur en l'estat de Grand Mestre, mais + cy devant a este parle du comte de Betfort. + + + + +XCVIIe DEPESCHE + +--du XXVIIe jour de mars 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Vassa._) + + Details circonstancies d'audience.--Bonnes dispositions + d'Elisabeth envers le roi.--Explication donnee par + l'ambassadeur sur les articles proposes pour la + pacification.--Nouvelle insistance de la part de la reine pour + que sa mediation soit acceptee.--Sollicitations faites par + l'ambassadeur en faveur de Marie Stuart.--Declaration + d'Elisabeth qu'elle est resolue a porter ses armes en Ecosse + pour y chercher les revoltes du Nord qui s'y sont + refugies.--Avertissement lui est donne par l'ambassadeur que si + les Anglais entraient en Ecosse, le roi considererait cet acte + comme une rupture des traites.--Offre qu'il fait de la + mediation de la France pour apaiser tous les differends + d'Ecosse.--Avis secretement donne par Elisabeth d'une levee + d'armes en Allemagne contre la France.--_Memoire._ Resolutions + prises dans le conseil tant a l'egard des troubles du Nord que + des affaires d'Ecosse.--Nouvelles de ce pays.--_Memoire + secret._ Avis donne par le duc d'Albe au sujet du traite de + paix qui se prepare en France.--Opinion de l'ambassadeur que la + reine d'Angleterre desire sincerement la + pacification.--Propositions faites separement et secretement a + l'ambassadeur par Cecil et par Leicester.--Avis secret sur le + dessein arrete par le comte d'Arundel et milord de Lomeley de + reprendre, meme en recourant aux armes, l'execution de leur + projet pour retablir la religion catholique en Angleterre, et + Marie Stuart en Ecosse. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay este, ceste saincte sepmaine, devers la Royne d'Angleterre +pour luy fere veoir que le bon ordre, que Vostre Majeste avoit miz de +deffandre, pour l'amour d'elle, la publication du discours des +troubles de son royaulme imprime a Paris, luy debvoit estre ung bien +asseure tesmoignage de vostre droicte intention envers elle, et que, +prenant par la toute asseurance de vous trouver toutjour franc, clair +et bien dispose a ne favoriser les entreprises de ceulx qui +vouldroient troubler son estat, qui mesmes ne vouliez souffrir leurs +escriptz, que de mesmes elle cessat, et fit cesser ses subjectz de ne +porter aulcune faveur a ceulx qui troubloient le vostre; et qu'au +surplus, j'estois bien ayse que ce qu'on luy avoit raporte du +serviteur de Mr Norrys, qu'on l'eust arreste a Amyens, et qu'on luy +eust oste les pacquetz de la dicte Dame, ne fut vray, affin de n'estre +si offancee de ces deux choses, comme, par le propos de son principal +secretaire, il sembloit qu'elle les print a cueur; luy recitant les +dicts propos en la facon que par mes precedantes je les ay mandez; et +que je luy voulois respondre de ma vye pour Voz Tres Chrestiennes +Majestez que, despuys la paix, il n'estoit en cella, ny en nulle +aultre chose, rien procede de vostre vouloir et commandement, par ou +vous eussiez jamais pretandu qu'elle deubt estre offancee; et que, +pour mon regard, je serois a trop grand regrect une seulle heure en ce +royaulme, apres que j'aurois tant soit peu commance de cognoistre que +je ne luy seroys plus agreable; et que je suplieroys tres humblement +Vostre Majeste d'y envoyer ung aultre; mais ne lairroys pourtant de me +plaindre meintennant a elle du tort qu'on avoit naguieres faict a ung +mien secretaire, qui portoit vostre pacquet, de luy avoir oste son +argent a Douvres, la priant de m'en fere rayson. + +Sur lesquelles choses la dicte Dame m'a respondu qu'elle n'avoit rien +sceu du petit discours imprime a Paris, parce, a son adviz, que +Cecille ne luy avoit vollu donner l'ennuy de luy en parler, mais ne +layssoit pourtant de vous avoir grande obligation de l'avoir deffandu, +dont vous en remercyoit de bon cueur; et puysque luy aviez monstre ce +bon tesmoignage de vostre droicte intention en ses afferes, qu'elle +correspondroit de mesmes aulx vostres de ne pourter aulcune faveur a +ceulx de la Rochelle, ny souffrir que les siens leur en portassent; et +encor que aulcuns luy increpent le desir qu'elle a a la paix de vostre +royaulme, comme ung desir qui admenera la guerre au sien, qu'elle n'en +veult rien croyre, ny ne veult cesser de la desirer; qu'elle estoit +bien ayse que l'homme de son ambassadeur et ses pacquetz n'eussent +este arrestez, bien qu'il avoit este unze jours sans qu'on sceut de +ses nouvelles; que pour le regard de ma negociation, je ne vollusse +aulcunement doubter qu'elle ne luy fut bien fort agreable; et usa de +toute l'expression qu'il est possible pour me le donner ainsy a +cognoistre; et que j'avois bien veu en quelle peyne elle avoit este +pour mes pacquetz perduz; dont me feroit fere si bonne rayson +meintennant de l'argent de mon secretaire, que j'en demeureroys +contant. + +Et, en toutes sortes, sa responce a este si honneste que, l'en ayant +remercyee, j'ay suyvy a luy dire que j'avois d'aultres choses a luy +faire entendre, lesquelles je la supplioys prendre la peyne elle +mesmes de les lyre aulx propres termes que Vostre Majeste me les +mandoit, qui estoient si bons que je n'y voullois rien adjouxter, ny +rien diminuer; et ainsy, luy ay monstre celle partie de vostre lettre +du IIIe du present, dont vous renvoye l'extraict, laquelle elle a leue +bien fort curieusement; et puys ay adjouxte que vous expliquiez la +dedans si a clair vostre intention, que je n'avois a y fere aultre +office envers elle que de bien recuillyr ce que, pour satisfere a +trois choses principallement, il luy plairroit de m'y respondre: la +premiere, quelle opinion elle avoit des honnestes condicions que vous +offriez a vos subjectz; la segonde, quelle elle l'auroit de voz +subjectz, s'ilz estoient si durs et si obstines de ne les accepter; et +la troysiesme, si, en ce cas de leur obstine reffuz, elle non +seulement les exclurra de sa faveur et de celle de son royaulme, mais +si elle ne se unyra pas avec Vostre Majeste pour reprimer leur +temerite et le pernicieulx exemple qu'ilz s'esforcent de relever au +monde contre l'authorite des princes souverains: car, quant a la levee +qu'on disoit se fere en Allemaigne pour elle, et aulx deniers qu'on +dict encores qui s'y esperent et d'aultres qui s'esperent aussi a la +Rochelle d'elle et de son royaulme contre vous, je ne la vouloys +suplier, sinon de vous en esclarcyr si bien une foys qu'il ne vous en +peult plus rester aulcun doubte. + +La dicte Dame, apres m'avoir par beaulcoup de bonnes parolles et en +plusieurs facons donne a cognoistre qu'elle avoit ung tres grand +contantement de ceste confiance, que vous monstriez avoir d'elle sur +la paciffication de vostre royaulme, m'a respondu qu'elle vouloit tres +fermement croyre que le contenu ez articles, que je luy avois +dernierement monstrez, estoit proprement ce que vostre Majeste avoit +intention d'accorder et meintenir de bonne foy a ses subjectz pour +parvenir a une bonne paciffication, et qu'elle me diroit de rechef le +mesmes qu'allors, que, si eulx de leur coste ne monstroient rayson +suffizante pourquoy ilz ne puyssent avec cella vivre soubz vostre +authorite, leur conscience saulve, et leurs vyes asseurees, que non +seulement elle ne les vouldra favoriser, ains les reputera pour +traistres et rebelles, dignes d'estre chassez de tout le monde; et que +si, pour entendre a quoy ilz se pourroient arrester, il vous playsoit +luy donner conge qu'elle s'en meslat, qu'elle y procederoit avec +aultant de consideration de l'authorite qui vous est deuhe sur voz +subjectz, comme s'il estoit question de saulver la sienne sur les +siens; et que si, par voz lettres, je cognoissoys que vous l'eussiez +agreable, qu'elle s'y employeroit tout incontinent. + +Je luy ay respondu que je ne pouvois ny voulois m'advancer a rien de +plus que ce qu'elle venoit de lyre; car n'en avois aultre +commandement, dont tornasmes relyre le dict extret de la lettre mot a +mot; puys, me pria que je vous vollusse asseurer de la continuation de +sa bonne vollonte et grande affection a la paix de vostre royaulme, et +que s'il vous playsoit qu'elle s'en meslat, qu'elle envoyeroit devers +Vostre Majeste, ou bien la ou il seroit besoing, ung personnaige de +qualite correspondante a ung si grand negoce, comme elle estime cestuy +cy, pour y besoigner, ainsy que vous adviseriez, ou bien tretteroit +icy avec Mr le cardinal de Chatillon; lequel elle cognoissoit tres +desireux de la paix, et l'avoit toutjours cogneu tres respectueulx a +Voz Tres Chrestiennes Majestez; et qu'elle estimoit qu'il ne vous +pourroit revenir qu'a honneur, comme elle mettroit bien peyne qu'il +vous revint a proffict, qu'elle s'employat envers ceulx de sa religion +a les exorter qu'ilz se veuillent contanter des offres de leur prince +et seigneur, ou bien de suplier Vostre Majeste d'eslargir ung peu sa +grace envers eulx; et qu'elle scayt bien que le differer en cecy sera +pour vous rendre en brief la dicte paciffication beaucoup plus +malaysee, encor qu'elle peult bien asseurer que, en Allemaigne, ny a +la Rochelle, il n'est alle, ny yra rien, de sa part, qui soit contre +Vostre Majeste. + +Je luy ay grandement loue ceste sienne bonne intention, avec promesse +de la vous fere bien entendre, et qu'elle se pouvoit asseurer que la +paix de France seroit la paix d'Angleterre; et que, si l'occasion de +ceste guerre, laquelle faisoit toutjour mal passer quelque chose entre +voz deux royaulmes et voz communs subjectz, estoit ostee; et que +d'ailleurs elle vollut donner quelque accommodement aulx afferes de la +Royne d'Escoce, elle se pouvoit asseurer que nul prince ny princesse +de la terre n'auroit son regne plus estably ny repose que seroit le +sien; et que Vostre Majeste avoit acepte l'offre qu'elle faisoit de +vouloir entendre a quelque bon expediant entre elles deux, si vous le +leur metiez en avant; que vous aviez estime, si les propres offres de +la Royne d'Escoce ne luy sembloient suffizantes, que c'estoit a elle +d'en adviser de plus grandes, et que, si elles n'estoient par trop +disraysonnables, vous croyes fermement, que la dicte Dame les +accorderoit, et que vous, comme son principal allie, non seulement les +confirmeriez, mais metriez peyne de les luy fere accomplyr. + +Elle a replique que la Royne d'Escoce n'avoit jamais parle que en +general, et qu'il failloit venir aulx choses particullieres, dont, +s'il luy en estoit miz en avant quelques unes, que pour l'honneur de +Vostre Majeste elle les suyvroit; ayant neantmoins a se pleindre +encores de nouveau de la dicte Royne d'Escoce, qu'estant, ainsy +qu'elle est, entre ses mains, elle n'avoit toutesfoys laysse, par +ceulx qui tiennent son party en Escoce, de fere retirer ses fuytifz; +et que, en toutes sortes, elle estoit resolue de chastier et +poursuyvre ses dicts fuytifz, et ceulx qui les soubstiennent, me +signiffiant aulcunement qu'elle entreprendroit de fere entrer des +forces dans le pays. + +Je luy ay respondu qu'elle advisat de ne contrevenir aulx trettez, et +que, s'il luy plaisoit de mettre en liberte l'evesque de Roz, luy et +moy adviserions de luy ouvrir des moyens pour esteindre toutz ces +differantz d'entre elles deux et leurs deux royaulmes. + +"Il n'est pas, dict elle, tant prisonnier qu'il ne puysse tretter par +lettres avecques sa Mestresse, et n'est retenu que _pro forma_ pour +quelque demonstration contre la pratique qu'il a meue avec ceulx du +North; mais bientost il sera en liberte." Et ainsy gracieusement s'est +achevee ceste audience, laquelle je vous ay bien vollu ainsy au long +reciter, Sire, affin que l'intention de la dicte Dame vous soit mieulx +cogneue, et remectz les aultres choses au Sr de Vassal, present +porteur, auquel je vous supplie tres humblement donner foy: et sur ce, +etc. + + Ce XXVIIe jour de mars 1570. + + + A LA ROYNE. + + +=Chiffre.=--[Madame, je n'ay peu contanter l'homme, duquel je vous ay +naguiere escript par mon secretaire, de la responce que mon dict +secretaire m'a raportee, bien que je la lui aye baillee en la facon +que ce mien gentilhomme vous dira; par lequel il vous plairra, Madame, +me mander comment je l'en debvray resouldre, car il me presse bien +fort de le fere, et si, a des considerations telles qu'il ne peult +penser que ne le debviez accepter. Au reste, Madame, la Royne +d'Angleterre, pour me tenir la promesse qu'elle m'avoit faicte de +m'advertyr des choses qu'elle entendroit se fere en Allemaigne contre +Voz Majestez, m'a dict que, dans trois sepmaines, ceulx de la religion +doibvent envoyer gens expres devers les princes protestans pour +resouldre l'entreprinse de France, si la paix ne sort a effect; et que +pourtant elle seroit bien ayse de pouvoir ayder a la conclurre +bientost; de quoy je vous ay bien vollu fere ce mot et le vous +escripre ainsy a part, parce que la dicte Dame m'a dict qu'elle m'en +advertissoit soubz sacrement de confession, en ce temps de caresme, +affin que je ne la nommasse pas; car, si les aultres se plaignoient +qu'elle m'eust donne cest adviz, elle serait contraincte de dire +qu'elle ne m'en avoit point parle; et bien que ce ne soit ung faict de +grand importance, je ne vouldrois toutesfoys l'avoir mise en peyne de +me desadvouher.] Sur ce, etc. + + Ce XXVIIe jour de mars 1570. + + OULTRE LES SUSDICTES LETTRES, le dict Sr de Vassal pourra dire a + Leurs Majestez: + + Qu'il a este naguieres remonstre a la Royne d'Angleterre qu'elle + et son royaulme estoient pour tumber en ung prochain + inconveniant, pour la multitude des difficultez, es quelles elle + se trouvoit embroillee avecques le Roy, avecques le Roy + d'Espaigne, avecques la Royne d'Escoce, avec les Irlandoys, et + avec les naturelz de ce royaulme, qui sont prisonniers, fuytifz, + ou mal contantz, si elle s'opinyastroit de les vouloir toutes en + ung temps surmonter par la force ou par la despence; dont, + induicte par le conseil des plus moderez d'aupres d'elle, avoit + advise d'y proceder par les gracieux expedians qui s'ensuyvent: + + En premier lieu, pour le regard du Roy, que, pour effacer la + memoire des choses qui pourroient avoir mal passe contre luy du + coste de ce royaulme, despuys ses derniers troubles, elle + s'employeroit tout ouvertement de luy procurer une paix tant + advantaigeuse et honnorable avecques ses subjectz, qu'elle le se + randroit bienveuillant, et luy offriroit au reste quelque + honneste accommodement ez afferes de la Royne d'Escoce; dont, par + ces deux poinctz, elle se conserveroit la paix avecques luy; + + Que, du coste du Roy d'Espaigne, elle envoyeroit des depputez en + Flandres, ainsi qu'on luy en faisoit encores lors grande + instance, affin d'accorder les differans des prinses, et que ces + mesmes depputez essayeroient d'entrer plus avant en matiere pour + voir s'ilz pourroient parvenir a ung general accord de toutes + aultres choses. + + Au regard de la Royne d'Escoce, qu'elle luy escriproit une bonne + lettre, et que, jouxte ce qu'elle m'avoit naguieres promis, elle + l'exorteroit de mettre en avant quelques bons et honnestes + expedians entre elles deux, et luy promettroit d'y entendre et + les recepvoir de bon cueur. + + Quant aulx choses d'Irlande et de ce royaulme, qu'elle + rapelleroit gracieusement aulcuns des seigneurs qui sont les + moins offancez, et par le moyen de ceulx la, elle essayeroit de + radoulcyr les aultres et les remettre en leurs degrez et estatz; + et puys, avec l'unyon et conformite de leurs bons conseilz, et de + leur ayde, elle pourroit ayseement remettre les choses en ung + paysible et bien asseure estat; dont luy fut sur ce propose une + forme de remission pour les fuytifz, et la comtesse de + Vuesmerland s'aprocha en ceste ville pour poursuyvre le rapel de + son mary. + + Suyvant laquelle deliberation, parce que ceulx qui vouldroient le + trouble n'eurent de quoy suffizamment la debattre, aulcunes des + dictes choses ont este despuys commencees, aultres ont este en + aparance accomplyes, mais nulles n'ont sorty a bon effect; ains + les ont ces gens la tornees en aultre et quasi contraire sens de + ce qu'on esperoit. + + Car, touchant la paix de France, estant la dicte Dame sur le + poinct d'envoyer ung personnaige de grande qualite devers le Roy + pour ayder a la conclurre, ilz ne luy ont pas oze oster ce sien + honneste desir, parce qu'ilz ont pense que la dicte paix se + pourroit conclurre de deca comme della, et possible a leur + dommaige; mais ilz luy ont bien persuade, qu'ayant la dicte Dame + este mal ouye, la premiere foys qu'elle s'est offerte d'en + parler, qu'elle debvoit meintennant attendre que le Roy l'en + pryat, ce qui se raporte au propos qu'elle m'en a tenu en ceste + audience. + + Et des choses de Flandres, ilz luy ont persuade de deffandre aulx + depputez, qui alloient par della, de ne s'ingerer a rien + davantaige qu'au simple faict, duquel la dicte Dame estoit + maintennant recerchee, qui estoit des merchandises; aultrement ce + seroit faire amande honnorable au duc d'Alve; et que pourtant + leur commission debvoit estre leue publicquement en presence du + Sr Thomas de Fiesque; et a icelle adjouxte la restriction de ne + parler ny tretter d'aultre chose que des merchandises + d'Angleterre, et de pouvoir simplement accorder que personnaiges + de semblable qualite puissent venir par deca pour tretter de + celles d'Espaigne, ce qui a este ainsy faict. + + Et pour l'importance des afferes d'Escoce, affin que la dicte + Dame ne s'obligeat trop par ses lettres a la Royne d'Escoce sa + cousine, le secretaire Cecille les a escriptes et a contrefaict + la main de sa Mestresse, avec plusieurs parolles de consolation + et de commemoration des benefices passez, mais tellement couchees + qu'on ne peut comprendre ou va son intention; toutesfoys la Royne + d'Escoce ne laysse d'y respondre. + + Quant a radoulcyr et rappeller les seigneurs mal contantz, l'on + a, a la verite, miz en plus grande mais non en entiere liberte + millord de Lomelle; et le comte d'Arondel, qui estoit, plus de + six sepmaines a, sur le poinct d'estre rappele, demeure encores + confine en sa mayson de Noncich, et n'y a nulle apparance de la + liberte du duc. Par ainsy la noblesse reste aussi mal satisfaicte + que auparavant, et le comte de Pembroc, qui estoit ung mediateur + en cella, est naguieres trespasse. + + Or, sur la grande instance que le sir Randolf, despuys qu'il est + en Escoce, a toutjours faicte a la dicte Dame, de vouloir, par + les meilleurs et plus promptz moyens qu'elle pourroit, assister + ces seigneurs de della, qui veulent dependre d'elle, lesquelz, + pour establyr l'authorite du petit prince, et oster celle de la + Royne d'Escoce, demandent avoir le comte de Lenoz pour regent, ou + aultrement, que la part de la Royne d'Escoce va prevaloir dans le + pays; la matiere en a este avec grande contention debattue entre + ceulx de ce conseil, qui enfin ont miz en consideration que le + dict comte de Lenoz estoit suspect de la religion catholique, et + qu'il n'estoit de suffisance ny d'experiance pour conduyre, a + l'intention de la dicte Dame, les grandz afferes qui se + presentent meintenant en Escoce; ains seroit pour y aporter plus + de retardement que d'advancement: par ainsy, ont resolu qu'on se + deporteroit de plus luy pourchasser la charge ny la regence du + dict pays, et que, estant le comte de Sussex desja depesche, avec + tout ample pouvoir, au pays du North, il luy seroit encores + commis cest affere d'Escoce, car c'estoit tout vers ung mesmes + quartier. + + Dont, a sa commission des choses du dict pays du North, laquelle + portoit de marcher seulement jusques a la frontiere d'Escoce, + avec quatre mil hommes de pied et douze centz chevaulx; et de + faire proceder au jugement des coulpables de la premiere + ellevation et executer les condampnez, et poursuyvre par deffault + les absentz, confisquer leurs biens et prendre possession + d'iceulx au nom de la dicte Dame, et en vendre ce qu'il pourroit; + a este adjouxte qu'il pourra lever jusques a dix mil hommes, et + qu'il procedera aulx afferes d'Escoce tant contre les rebelles + qui s'y sont retirez que au faict de l'estat; qu'il marchera en + pays, s'il est besoing, et ainsy que l'occasion s'en presentera; + et qu'il pourvoirra surtout que nulz Francoys ny Espaignolz, ny + aultres estrangiers preignent pied par della; et, pour cest + effect, ordonne luy estre forny contant XX mil {lt} d'esterlin, + c'est LXVII mil trois centz escuz, et que, dans six sepmaines, il + luy en sera envoye aultant. Despuys, la dicte Dame m'a + resoluement declare qu'elle envoyera poursuyvre et chastier ses + fuytifz et ceulx qui les soubstiennent, jusques dans l'Escoce. + + L'on faict aller fort secretes et fort deguysees les nouvelles + qui viennent du dict pays d'Escoce; neantmoins l'on m'a dict que + le duc de Chastellerault, et les comtes d'Arguil, d'Honteley, + d'Atil et toutz les principaulx du pays estoient a l'Islebourg au + commencement de mars, et les comtes de Northomberland, de + Vuesmerland et aultres fuytifz d'Angleterre avec eulx; qu'ilz + estoient apres a tenir une assemblee d'Estatz, remise du IIIIe au + Xe du dict moys, pour regarder a ce qu'ilz auroient a fere pour + la restitution de leur Royne; que cependant ilz avoient faict + proclamer par tout le pays l'authorite de la dicte Dame; que, + parce que le comte de Mar faisoit difficulte de se joindre a + eulx, ilz avoient propose de marcher en armes vers Esterlin pour + le dessaysir du gouvernement du petit prince; que despuys il + s'estoit rallye avecques eulx; qu'on ne scavoit qu'estoit devenu + le comte de Morthon, et sembloit qu'il se fut retire en + Angleterre; que quelques navyres, avec gens de guerre, avoient + apparu au North d'Escoce, dont aulcuns disoient que c'estoit le + secours de Flandres, que le frere du comte d'Honteley admenoit, + les aultres disoient que c'estoit le comte de Bodouel qui venoit + de Danemarc, avec quelques gens qu'il avoit ramassez. + + SECONDE INSTRUCTION A PART AU DICT SIEUR DE VASSAL. + + L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict, despuys huict jours, que le + duc d'Alve luy avoit escript deux notables considerations qu'il + avoit mandees au Roy par le mesmes gentilhomme, que Sa Majeste + luy avoit expressement depesche pour avoir son conseil sur la + paix de son royaulme; la premiere, que d'octroyer liberte de + conscience ou exercisse de religion a ses subjectz, de tant que + c'estoit pure matiere eclesiastique, il ne s'en debvoit + entremettre aulcunement, ains le remettre du tout au Pape; la + seconde, que de pardonner aulx ellevez, il le trouvoit bon, pour + le desir qu'il avoit a la paix de France, si cella en estoit le + moyen, mais en lieu d'establyr ses afferes, ce seroient eulx qui + les establyroient et se fortiffieroient par la dicte paix, et + guetteroient le temps de reprendre les armes a leur advantaige, + lorsqu'ilz cuyderont mieux emporter la couronne; par ainsy qu'il + estoit necessaire qu'il y mit meintennant une entiere fin: + + Que le dict ambassadeur trouvoit ce conseil fort prudent, et que + le Roy, suyvant icelluy, se debvoit resouldre a la guerre, non de + donner souvant des batailles, car c'estoit trop hazarder l'estat, + mais de myner les ennemys a la longue, et qu'aussi bien la paix + n'estoit pres d'estre faicte, parce qu'ung de ses amys de ce + conseil l'avoit adverty que la Royne d'Angleterre avoit promiz au + cardinal de Chatillon de secourir l'Admyral, son frere, de deux + centz mil escuz; et que le dict cardinal luy avoit oblige sa foy, + et celle de son dict frere, qu'ilz ne permettroient qu'en nulles + conditions la dicte paix se conclud. + + Je luy ay respondu, quant au premier, que le duc d'Alve estoit + ung si prudent et si entier et modere seigneur qu'il ne faudroit + de conformer toutjours ses adviz sur les afferes de France a + celluy de Leurs Majestez Tres Chrestiennes, et des saiges + seigneurs de leur sang, et de leur conseil, qui les entendoient + tres bien et scavoient comme il les failloit manyer, et qui + auroient toutjours le soing qu'il ne s'y fit, pour paix ny pour + guerre, rien qui ne fut sellon Dieu, a l'honneur du Roy et repos + de la Chrestiente: + + Et quant a l'aultre, de l'obligation du cardinal a la Royne + d'Angleterre, que je le prioys de veriffier davantaige ce qu'on + luy en avoit dict, et ou, et commant se feroit le payement des + deux centz mil escuz. + + Mais voulant, de ma part, descouvrir si cella estoit vray, car, + quant a la promesse des deniers, j'en avois desja quelque adviz, + mais non de ceste obligation du cardinal, ny d'une si malle + volonte de ceste Royne, j'ay, par une interposee personne, faict + toucher la matiere au comte de Lestre et au secretaire Cecille, + desquelz deux se comprend toute l'intention de la dicte Dame, et + l'ung et l'aultre ont monstre que eulx et leur Mestresse + desiroient la paix; dont, oultre la conjecture des propos, que je + scay qu'ilz en ont tenu a celluy par qui je les ay faictz sonder + et a d'aultres, voycy ceulx que Cecille a dictz a ung mien + gentilhomme tout expres pour me les raporter: + + Que, par les adviz de Mr Norrys et par aultres conjectures, il + cognoissoit que la paix demeurait d'estre faicte en France, parce + que le Roy n'y vouloit permettre l'exercisse de la religion, et + que ceulx de la Rochelle ne combattoient ny pour terres, ny pour + empyres, ny pour aultre chose quelconque que pour cella; dont il + s'advanceroit de dire un mot, que possible l'on ne l'estimeroit + sage de me l'avoir mande, que, s'il plaisoit au Roy leur ottroyer + le dict exercisse en leurs maysons, il pensoit fermement qu'il + conclurroit quant au reste la paix, tout ainsy qu'il la + vouldroit; et que, s'il avoit agreable que la Royne, sa + Mestresse, s'y employat, laquelle y pouvoit possible aultant que + prince ny princesse de la terre, qu'elle le feroit aultant a + l'honneur et advantaige de Leurs Majestez Tres Chrestiennes, et a + la tranquillite de leur royaulme, comme si c'estoit pour elle + mesmes. + + Le comte de Lestre, par ung gentilhomme italien catholique, qui + est commun amy entre luy et moy, m'a mande que la dicte Dame + estoit bien disposee a la dicte paix, et qu'il estoit d'adviz + que, comme de moy mesmes, je l'en misse en propos, la premiere + foys que je parleroys a elle, pour l'exorter de tenir la main a + ce qu'on la put conclurre a l'advantaige du Roy, et que les + subjectz eussent a se contenter de ce que leur prince leur + pourrait, avec son honneur, ottroyer, sans en vouloir tirer + davantaige par la force; et que je luy remonstrasse que la paix + de France serait la paix d'Angleterre, voyre de toute la + Chrestiente, et luy toucher a ce propos le restablissement de la + Royne d'Escoce; et comme, par l'accomplissement de ces deux + choses, si elle s'y vouloit bien employer, elle pourrait regner + tres paysiblement en son royaulme: + + Que, de sa part, il y tiendrait la main, comme tres oblige de + desirer le bien du Roy et de son royaulme, et que, touchant la + dicte paix, il scavoit que le cardinal de Chatillon y avoit une + extreme affection, et que la noblesse de ce royaulme la desiroit, + et desiroit tout ensemble l'accommodement des afferes de la Royne + d'Escoce, comme deux choses d'ou dependoit le repos et la seurte + de leur Royne et de son royaulme; et que Cecille, pour estre + ennemy conjure de la Royne d'Escoce, et pour la frustrer de la + legitime succession qu'elle pretend a ce royaulme, affin d'y + establyr ung roy de sa main, et ellever ceulx de Erfort a la + couronne, lesquelz il nourryt en ceste esperance, comme ses + pupilles, en sa mayson, empeschoit que la dicte Dame ne peult + bien user de sa bonne intention en nulle de ces deux choses, la + tenant comme enchantee sur l'eguillon de la jalouzie, qu'il luy + propose toutjours de la dicte Royne d'Escoce. + + Mais, qu'apres que j'en auroys encores une foys parle a la Royne, + sa Mestresse, si elle venoit a luy en toucher ung seul mot, il + s'ingereroit de luy representer franchement le debvoir a quoy, + l'honneur, la foy et la conscience la tienent obligee envers le + Roy et envers la Royne d'Escoce pour l'entretennement des + trettez; et comme, en leur satisfaisant en ce qui seroit de + rayson, et s'asseurant par ce moyen de la paix de France et + d'Escoce, elle demeureroit tres asseuree et establye contre les + dangiers et entreprinses de toutes les aultres partz du monde; + et, au contraire, si, pour ne se porter bien envers le Roy sur + ceste paix, ny envers la Royne d'Escoce sur sa restitution, elle + venoit a tumber en guerre de ces deux costez, a ceste heure + qu'elle ne scavoit comme elle estoit avec le Roy d'Espaigne, et + que ses subjectz estoient divisez, dont possible une partie + seroit contre elle, il est sans doute qu'elle seroit en ung tres + grand dangier. + + Et ne craindroit de luy remonstrer que, nonobstant le mal qu'elle + pouvoit vouloir au cardinal de Lorrayne, elle avoit a considerer + qu'il estoit d'une mayson grande, et de nouveau plus allyee que + jamais a celle de France, et qu'en estant yssue la Royne d'Escoce + de par sa mere, monsieur et madame de Lorrayne ne permettroient + qu'elle fut habandonnee du Roy, oultre les aultres notoires + obligations d'entre les couronnes de France et d'Escoce: + + Qu'il n'eust tant tarde de remonstrer cecy a sa Mestresse, sans + ce que Cecille le guettoit pour le desarconner, ainsy qu'il avoit + desarconne les aultres principaulx du conseil, par pretexte de la + Royne d'Escoce; et qu'il tenoit ceulx qui y estoient de reste + encores toutz bandez contre luy, ne se souscyant de hasarder sa + Mestresse, son estat et toutes aultres choses, pour establyr la + fortune des dicts de Erfort, et qu'ayant luy a suyvre celle de sa + Mestresse, il luy vouloit remonstrer le dangier ou elle estoit, + encore qu'il en deubt estre ruyne. + + Despuys, trouvant que l'intention du Roy estoit conforme a celle + du dict comte, j'ay parle a la Royne d'Angleterre en la forme que + je le mande a Sa Majeste, et le dict comte monstre a present + d'estre si affectionne a la matiere qu'il desire fere luy mesmes + le voyage devers le Roy avec grand opinion, voyre asseurance, + qu'il ne s'en retournera sans que la paix soit conclue; sans que + les afferes de la Royne d'Escoce soyent accommodez; et sans que + l'amytie d'entre le Roy et sa Mestresse soit bien estroictement + confirmee. + + Ainsy, par les propos de ces deux, se peult conjecturer la + division qui est entre ceulx de ce conseil, et comme, en ce qui + concerne la France, encor que toutz monstrent d'y desirer la + paix et de vouloir que leur Mestresse s'y employe de si bonne + facon que le Roy luy en sache gre, c'est neantmoins diversement; + car Cecille et les siens ne veulent qu'il se parle des afferes de + la Royne d'Escoce, et le dict comte et ceulx de son party + desirent qu'ilz soient par mesmes moyen accommodez, dont, pour + avoir quelcun qui luy fasse espaule au dict conseil pour + fortiffier son opinion, il est fort apres a solliciter le retour + du comte d'Arondel, qui n'est amy du dict Cecille, et tout + contraire a ceulx de Erfort. + + =Chiffre=. [Et a propos du dict comte d'Arondel, luy et millord de + Lomelle m'ont envoye remercyer de mes bons offices et + demonstrations envers eulx, et que, si les choses ne prennent icy + meilleur trein pour eulx, ilz sont pour accepter la faveur du Roy + a se retirer soubs sa protection en France, et le dict de Lomelle + y mener sa femme; + + Que, pour le present, il faut qu'ilz attendent veoir que + deviendront les promesses de leurs amys, et leurs moyens et + esperances de court; car l'on leur a mande qu'ilz sont sur le + poinct d'estre rappelez en leur auctorite accoustume, laquelle + s'ilz ont une foys reprinse, ilz jurent de ne s'en laysser plus + deposseder et de la retenir, ou par leur droict, ou par la force, + contre quiconque leur y vouldra fere tort; + + Et, si ce paysible moyen d'y retourner ne leur succede dans peu + de jours, qu'ilz en essayeront quelque aultre plus viollent, car + desirent, comment que soit, pourvoir aulx desordres de ce + royaulme, et au faict de la Royne d'Escoce, et aulx afferes du + duc de Norfolc, et encores plus expressement s'ilz peuvent, quant + ilz en auront le moyen, au restablissement de la religion + catholique; pour lesquelles quatre choses ilz veulent tout + hazarder. + + Et disent que l'importance de cecy gyt principalement en deux + poinctz; l'ung est que le dict duc veuille bien employer les + moyens, qu'il a dans ce royaulme, pour se mettre en liberte, pour + fere prendre les armes a ceulx de son party, et pour empescher au + conseil les delliberations de ses adversayres: + + L'aultre poinct, que ceulx du North, qui se sont retires en + Escoce, soyent secouruz; car est sans doubte, s'ilz se peuvent + remettre en campaigne, et marcher en ca, que ceulx de leur + intelligence se declaireront et les repcevront avecques faveur + aux meilleurs endroictz d'Angleterre, et se joindront a eulx en + grand nombre; + + Et que le bon succez de toutes choses deppend de ce dernier, + sans lequel il semble que le premier ne sera essaye, non que miz + a execution; car le dict duc de Norfolc ne veult rien mouvoir de + luy mesmes de peur d'empyrer sa cause.] + + + + +XCVIIIe DEPESCHE + +--du dernier jour de mars 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par le nepveu du Sr Acerbo._) + + Moderation des mesures adoptees par la reine d'Angleterre.--Mise + en liberte du comte d'Arundel, qui est recu en grace par + Elisabeth.--Promesse faite a l'eveque de Ross que sa detention + va cesser.--Preparatifs d'une expedition qui doit etre dirigee + vers le Nord.--Nouvelles d'Ecosse. + + + AU ROY. + +Sire, les dernieres lettres que je vous ay escriptes et l'instruction +que j'ay baillee au Sr de Vassal, qui les vous a aportees, vous auront +donne asses ample notice de ce qui estoit advenu de plus principal en +ce royaulme, jusques a la datte d'icelles, laquelle est du lendemain +de Pasques. Meintennant j'ay a dire a Vostre Majeste que les festes se +sont passees bien paysiblement en ceste court, sans qu'il y soit +survenu aulcune chose de nouveau, par ou ceste Royne et les siens +ayent monstre d'en estre esmeuz davantaige; et toute expedition +d'afferes a cesse, s'estans la pluspart des seigneurs de ce conseil +absentez en leurs maysons pour y fere la solempnite; et a l'on espere +que les choses, desquelles l'on craignoit debvoir le plus advenir de +mouvement en ce royaulme, comme sont celles de ces seigneurs mal +contantz, celles de la Royne d'Escoce et celles de la religion, +seroient bientost reduictes a quelque moderation, ayant la dicte Dame +faict une soubdaine faveur au comte d'Arondel de l'admettre a luy +venir bayser les mains, le jour du Jeudy sainct, avec une gracieuse +satisfaction de ce qu'elle luy avoit faict sentyr son courroux sur le +faict du mariage du duc de Norfolc avecques la Royne d'Escoce, parce +qu'on l'avoit asseuree que c'estoit luy qui en estoit l'autheur: de +quoy il s'est excuse, et qu'il n'avoit este que en la compaignie de +ceulx qui en avoient parle comme de chose qu'ilz estimoient convenable +au service d'elle, et au bien et repoz de son royaulme, et en laquelle +ilz n'avoient jamais entendu qu'on y deubt proceder, sinon avec son +bon conge et consentement; et que, de sa part, il ne seroit jamais +trouve aultre que son tres fidelle subject et tres loyal a sa +couronne. Et ainsy luy ayant des lors randue sa pleyne liberte, il +s'en retourna pour quelques jours en sa mayson de Noncich, avec +promesse de revenir en brief trouver la dicte Dame pour resider pres +d'elle, autant qu'il luy plairoit le commander; et a l'evesque de Roz +fut donnee parolle qu'il seroit eslargy dans trois jours, mais despuys +luy fut mande que par ung mesmes moyen, apres les festes, la dicte +Dame le feroit mettre en liberte, et luy permettroit de venir tretter +avec elle des afferes de sa Mestresse; et aulx Catholiques n'a este +use d'aulcune rigueur ny recerche a ces Pasques; mais aulcuns pensent +que toute ceste gracieuse demonstration se faict pour gaigner le +temps, et pour amortyr les entreprinses qu'on crainct devoir estre +cest este. + +Aultres ont opinion que, a bon escient, l'on veult accommoder les +afferes, et plustost plyer ung peu que venir au dangier de rompre, +dont le temps nous fera veoir ce qui en sera; tant y a que le comte de +Sussex marche toutjours vers le North, avec quatre mil hommes de pied +et douze centz chevaulx, et que l'admyral Clinton est apres a lever +encores (a ce qu'on dict) des gens de pied et de cheval vers son pays +de Linconscher pour s'aller joindre a luy; et a l'on tire, ces jours +passez, de la Tour trente chariotz d'armes et de monitions, et cree +des cappitaines de pionnyers pour leur envoyer; ce qui donne a penser, +avec d'aultres adviz precedans, qu'on a intention de dresser camp, et +d'entrer en Escoce; vray est que la sayson ne semble propre pour +commencer encores ceste guerre, jusques a la fin d'aoust, car jusques +alors ne se trouvera vivres au dict pays du North ny en toute la +frontiere d'Escoce. + +L'on continue de dire que les seigneurs Escoucoys font aller toutes +choses dans leur pays a l'advantaige de la Royne, leur Mestresse, et +qu'ilz ont faict proclamer son auctorite, et qu'il ne reste des grands +du royaulme que quatre que toutz ne soyent pour elle. L'on dict qu'ilz +ont encores remiz jusques au premier jour de may la tenue de leurs +Estatz. Sur ce, etc. + + Ce XXXIe jour de mars 1570. + + + + +XCIXe DEPESCHE + +--du IIIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Olivyer Cambernon_.) + + Retour du comte d'Arundel a la cour.--Prolongation de la + captivite de l'eveque de Ross.--Affaires d'Ecosse.--Bon accueil + fait par le duc d'Albe aux deputes d'Angleterre.--Nouvelles + d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, retournans apres ces festes les seigneurs de ce conseil en ceste +court, le comte d'Arondel y est arrive des premiers, auquel la Royne +sa Mestresse a faict beaulcoup de faveur, monstrant prendre toute +confiance de luy; dont semble qu'il ne reffuzera de se laysser +introduyre de rechef aulx afferes, mais ce sera possible plus pour +servyr a la liberte du duc de Norfolc, son beau filz, et aulx afferes +de la Royne d'Escoce, ausquelz il a toutjour porte bonne affection, +que pour ambicion qu'il ayt; car le present manyement de l'estat ne +semble aller aucunement sellon qu'il le vouldroit. + +Je suys bien marry qu'en leurs premieres delliberations, iceulx +seigneurs du conseil, apres leur dict retour, ayent change ce qu'ilz +avoient auparavant ordonne pour l'evesque de Roz, de luy donner sa +liberte incontinent apres Pasques, et qu'il seroit admiz a parler a la +Royne leur Mestresse; la ou meintennant on luy faict dire qu'il ayt +encores pacience, et qu'elle n'est bien resolue quant, ny commant, +elle la luy pourra donner. Il semble que le sir Randolf ayt donne +adviz a la dicte Dame que ceulx, qui ont releve le party du comte de +Mora en Escoce, ont desja depesche l'abbe de Domfermelin et Nicollas +Elphiston pour venir tretter, avecques elle et avec les seigneurs de +son conseil, de toutes choses de della; et que possible elle y veult +avoir pourveu, premier que d'eslargyr le dict sieur evesque, de peur +qu'il ne luy traverse ses desseings. Et de ce, Sire, que je vous avois +cy devant mande, que le voyage du comte de Lenoz estoit interrompu, +les dicts du conseil ont change d'opinion a cause d'une lettre que les +comtes de Mar et de Glencarve, et les lordz Lendzay, Semple, Ruthunen +et Drunquhassil ont escripte au dict de Lenoz, qu'il veuille venir en +dilligence prendre la regence du pays, affin de conserver l'authorite +au jeune prince son petit filz, et haster le secours que la Royne +d'Angleterre leur a promiz; de tant mesmement que les fuytifz de son +royaulme non seulement se sont joinctz aulx Amelthons en faveur de la +Royne d'Escoce, mais publient aussi qu'ilz n'attendent, d'heure en +heure, que l'arrivee du renfort qui leur doibt venir de France et de +Flandres. Sur quoi, de tant que iceulx du conseil ont senty que le +comte de Morthon, duquel ilz esperoient beaucoup, n'estoit bien vollu +ny de la noblesse ny du peuple d'Escoce, et que mesmes il n'estoit +soubsigne en la dicte lettre avec les aultres, ce qui monstroit de +n'estre bien d'accord avec eulx, par ainsy qu'ilz ne pouvoient fere +aulcun bon fondement sur luy, ilz ont advise de laysser aller, plus +par necessite que par ellection, le dict de Lenoz par della; reservant +neantmoins la charge principalle du tout au comte de Sussex, et ne +fornyssant a icelluy de Lenoz que, comme pour fere le voyage, envyron +trois mil cinq centz escuz. Vray est que la comtesse, sa femme, a +engaige ses bagues et sa vaysselle d'argent pour luy fere plus grand +somme; et cependant l'on a depesche, coup sur coup, force courriers +devers le comte de Sussex, ne scay encores a quelles fins; car le +bruyt est que les frontieres ne sont plus tant pressees comme elles +estoient par les fuytifz; mais je pense que c'est pour le haster vers +l'Escoce, me confirmant toutjour en l'opinion qu'ilz le feront entrer +dans le pays avecques forces, et mesmes que, pour pourvoir a la faulte +des vivres qu'on pourroit avoir par della, j'entendz qu'on faict grand +provision de farines, partout icy autour, pour les y envoyer par mer: +ce que je mettray peyne de veriffier, et de vous donner de cella, et +d'aultres choses, ung plus expres et un plus certain adviz par mes +premieres. Je ne cesse cependant de fere, au nom de Voz Majestez Tres +Chrestiennes, toutz les meilleurs et plus expres offices que je puys +pour les afferes de la dicte Royne d'Escoce, mais je ne scay que +esperer d'iceulx en un si grand changement et variation, comme l'on +m'y use ordinairement, sinon que je croy qu'ilz se rangeront enfin +d'eulx mesmes, ou qu'ilz ruyneront ceulx qui les vouldront ruyner. + +Icy court ung bruyt que le duc d'Alve a vingt six grands navyres +prestz a mettre sur mer, avec nombre d'hommes de guerre, et de +monitions, mais ne se dict a quel effect; neantmoins, cella met ceulx +cy en asses de souspecon, lesquelz ne layssent pourtant de solliciter +par leurs depputez l'accord des differans des Pays Bas; et leur a fort +pleu que le duc d'Alve les ayt ainsi bien receuz comme il a faict avec +grand faveur; et que, a Bruges et en Envers ou ilz ont passe, l'on les +ayt caressez et trettez en amys; et que les officiers les ayent +visitez et leur ayent envoye presens; et que desja le dict duc ayt +deppute personnaige de sa part pour tretter avec eulx; dont s'espere +qu'ilz s'accommoderont, comme, a la verite, pour avoir les ungs et les +aultres ou entendre asses en d'aultres choses, il semble que tant plus +vollontiers ilz vouldront sortyr de celles cy. + +Il se parle d'ung grand emprunct que ceste princesse propose de fere +tout de nouveau; dont suys apres a descouvrir si c'est pour recepvoir +les deniers icy ou en Hembourg, et semble bien que les propos et +pratiques de la dicte Dame et des siens en Allemaigne demeurent en +mesmes suspens que faict la paix de France; et n'ay point sceu qu'il +soit venu, de tout le moys passe, aultres nouvelles de della, si n'est +de la diette du XXIIe de may a Espyre, et de l'aprest des deux Roynes, +filles de l'Empereur, pour aller en France et en Espaigne; et du faict +du prince d'Orange, duquel l'on parle diversement, car les ungs disent +qu'il scayt ou prendre gens et argent pour fere une grande entreprinse +et que la faveur des princes protestans ne luy manquera: aultres +asseurent, et mesmement l'ambassadeur d'Espaigne, qu'il n'a ny gens, +ny argent, ny moyen de rien entreprendre, et qu'il a perdu toute sa +reputation envers les dicts princes protestans. Sur ce, etc. + + Ce IVe jour d'apvril 1570. + + + + +Ce DEPESCHE + +--du IXe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Rossel et Christofle_.) + + Etat des forces levees pour le Nord, et sans doute destinees a + entrer en Ecosse.--Nouvelles de Marie Stuart.--Sommes + importantes reunies par Elisabeth. + + + AU ROY. + +Sire, l'occasion pour laquelle la Royne d'Angleterre a depesche, +despuys huict jours, plusieurs courriers vers son pays du North, ainsy +que je le vous ay mande par mes precedantes du IIIIe du present, est, +sellon que j'entendz, pour mander aux trouppes et compagnies de gens +de guerre, qu'on a levees en ces quartiers la, de se randre toutes +ensemble a Yorc le XIIe de ce moys; et au comte de Sussex qu'il leur +face fere incontinent la monstre, et qu'il les face acheminer a si +bonnes journees qu'il puysse avoir son armee toute preste a Barvyc, le +premier jour de may; laquelle les ungs disent debvoir estre de dix mil +hommes de pied et cinq mil chevaulx, les aultres de la moytie moins +des ungs et des aultres, ce que, pour encores, je croy estre le plus +certain, mais qu'il a bien commission de lever l'aultre plus grand +nombre, s'il est besoing. Il ne se dict encores ouvertement qu'il +doibve entrer en Escoce, mais il se tient pour resolu qu'il le fera, +si les seigneurs du pays, entre cy et la, ne se trouvent d'accord, ce +que la dicte dame crainct asses; auquel cas, elle regardera ung peu de +plus pres comme elle devra poursuyvre l'entreprinse, et possible +adviendra cependant que de l'avoir seulement entamee, elle leur aura +donne plus prompte occasion de se reunyr. Il est bien certain que ses +fuytifz ayant ainsy couru, de jour et de nuict, comme ilz ont faict, +la frontiere de deca, et pille et brulle les villaiges, et enmene +force prisonniers, luy donnent occasion d'y envoyer des forces pour +leur resister; mais elle dict que non seulement elle les veult +chastier, mais qu'elle veult chastier ceulx qui les ont retirez; ce +qui s'adresse principallement aulx Escoucoys: car l'on m'a asseure, +quant aux dictes frontieres, que, despuys quelques jours, elles se +trouvent asses paysibles, par l'ordre que les Escoucoys mesmes y ont +miz; et que les principaulx chefz des fuytifz sont apres a trouver +moyen de passer en France ou en Flandres, ce qui debvroit fere +abstenir la dicte Dame de son entreprinse; mais je crains que ce sera +cella qui l'y convyera davantaige pour luy sembler moins difficile, et +pour vouloir en toutes sortes establir les choses d'Escoce, si elle +peult, a sa devotion. + +Et fault estimer, Sire, que son desseing au dict pays ne peult estre +petit, veu le nombre de canons de batterye, de couleuvrines, de +monitions, d'armes et de vivres qu'elle y envoye. La Royne d'Escoce +luy a naguieres escript la dessus, mais l'evesque de Roz, qui est +encores en arrest, ny moi, n'avons peu entendre du contenu en sa +lettre que ce qui concerne seulement sa sante: qu'elle se porte bien, +qu'elle se loue du bon trettement du comte de Cherosbery, et qu'elle +trouve bon qu'il la conduyse en une aultre sienne mayson pour changer +d'air et pour avoir plus grande commodite des vivres. L'on attend +l'arrivee de l'abbe de Domfermelin, et le comte de Lenoz est desja +party, duquel l'on ne se peult si bien asseurer qu'on ne voye encores +plusieurs difficultez en son voyage, et se parle de quelque marche sur +le comte de Northomberland, que ceste Royne donnera quatre mil {lt} +d'esterlin pour lui estre livre entre ses mains, par ou semble qu'il +soit encores dans le chasteau de Lochlevyn; et, a la verite, Sire, je +n'ay peu encores avoir asses de certitude des choses de della, car les +passaiges sont trop serrez, et ce qui en vient en ceste court est tenu +bien fort secrect, ou bien l'on le baille tant au contraire de ce qui +est que je n'y donne poinct de foy. J'espere que par d'aultres moyens, +que nous avons essayez, il nous en viendra bientost quelque notice. + +Quant a l'emprunct, dont en mes precedantes je vous ay faict mention, +j'entendz que la dicte Dame a fait expedier mil Ve lettres de son +prive scel, la moindre de cinquante {lt} d'esterlin, et la pluspart de +cent, aulx particulliers bien aysez de son royaulme pour luy estre +forny par chacun sa cothe part en ceste ville de Londres, dans le +prochain moys de may; dont faict estat qu'il montera a la somme de +cent cinquante mil {lt} d'esterlin, qui est cinq centz mil escuz. L'on +commance de preparer une flotte de draps pour Hembourg et deux navyres +de guerre pour la conduyre aulx despens des merchans; mais plusieurs +estiment que ce sera pour aller en Envers, et que les depputez +conclurront quelque chose sur ces differans, affin de pouvoir +continuer leur mutuel traffic comme auparavant. Ceulx cy demeurent en +grand suspens sur la longueur du trette de paix de Vostre Majeste, et +semble, Sire, qu'ilz en desirent et qu'ilz en craignent tout ensemble +la conclusion pour des considerations et respectz, qui sont asses +divers, dont je suys apres d'en veriffier ce que desja l'on m'en a +dict, affin de vous rendre plus claire leur intention. Sur ce, etc. + + Ce IXe jour d'apvril 1570. + + + + +CIe DEPESCHE + +--du XIIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Le Tourne_.) + + Continuation des preparatifs militaires contre + l'Ecosse.--Inquietude des Anglais sur la negociation des + affaires de Flandre.--Detail des nouvelles arrivees en + Angleterre sur l'etat de la guerre civile en France, et les + entreprises faites par les protestans. + + + AU ROY. + +Sire, ce que j'ay aprins de l'expedition de l'armee que la Royne +d'Angleterre envoye vers le North, despuys les dernieres nouvelles que +j'en ay escriptes a Vostre Majeste du IXe du present, est que le comte +de Sussex, en marchant en la, a assemble six mil hommes, tant de pied +que de cheval, a Duram, dont il en eust heu davantaige, s'il n'eut +renvoye ceux des gens de cheval qui n'estoient protestans; mais n'a +regarde de si pres aulx gens de pied, et, avec ceste troupe, il +dellibere s'acheminer vers Barvyc, non qu'il ayt encores toutes choses +si bien prestes qu'il s'y puisse randre le dernier de ce moys, comme +il luy a este mande, ny qu'il puisse, devant le XVe du prochain, +entrer en Escoce. Et de tant qu'on publyoit par della que la dicte +armee seroit de dix mil hommes de pied et cinq mil chevaulx, quelcun +m'a dict que ceulx du party contraire de la Royne d'Escoce ont mande +qu'il suffiroit, pour ceste heure, de fere entrer la moictie des +dictes forces dans le pays, a cause qu'on ne trouverait asses de +vivres pour tant de gens et de chevaulx; et qu'avec cella le petit +prince pourroit estre facilement enleve sans aulcun empeschement, +pourveu que le reste se tint sur la frontiere pour venir au secours, +si besoing estoit. L'on m'a confirme qu'il est venu adviz bien certain +a ceste Royne de l'arrivee d'ung ambassadeur de Vostre Majeste par +della, et adjouxte l'on qu'il a conduict dans Dombertran six mil +harquebouzes et trois mil corseletz, et qu'il faict une grande +dilligence de reunyr et mettre les seigneurs du pays en bon accord, +leur promettant l'assistance et secours de Vostre Majeste; et que les +fuytifz d'Angleterre qui estoient pres de s'en aller par mer, se sont +arrestez; bien que quelcun m'a dict que le comte de Northomberland a +trouve moyen d'eschapper de Lochlevyn, et qu'il s'est retire en +Flandres. Il est vray, Sire, que jamais nouvelles ne furent baillees +plus diverses que celles qui viennent de ce quartier la, parce que la +matiere est affectee de plusieurs, qui les publient sellon qu'ilz y +ont differante affection. L'abbe de Domfermelin n'est encores arrive. +Le comte de Lenoz poursuyt son voyage, et la liberte est promise dans +trois jours a l'evesque de Roz. + +Ceulx cy ont si grand desir que les depputez, qu'ilz ont envoye en +Flandres, facent quelque bon accord, que, pour garder que +l'ambassadeur d'Espaigne ou aultres de deca n'escripvent chose qui y +puisse donner empeschement, ilz ont ung grand aguet sur toutes les +depesches qu'on y faict, et n'en layssent passer une seulle qui ne +soit visitee. J'entendz qu'il est arrive quelcun, asses freschement, +de la Rochelle qui publie que les princes de Navarre et de Conde sont +en Languedoc ez envyrons de Thoulouze, qui pillent, brullent et +ruynent tout ce qui deppend des habitans de la dicte ville et non +d'ailleurs; qu'ilz ont leur armee plus forte et en meilleur equipaige +que jamais; qu'ilz font toutz les jours amaz d'argent et de gens, et +mesmes de bandolliers, desquelz ilz ont desja ung bon nombre, des plus +mauvais garcons de la montaigne; que Mr de Biron est encores avec eulx +pour tretter de la paix, mais parce qu'il ne propose nulles condicions +raysonnables, l'on commence a souspeconner qu'il n'a este envoye pour +dire rien de particullier, mais pour espyer leurs forces et +recognoistre l'estat de leur armee; qu'ilz ont d'aultres forces bien +gaillardes a la Charite, qui courent ordinairement jusques a Bourges +et a Orleans, et deux mil hommes de pied et cinq centz chevaulx a la +Rochelle, avec lesquelles le Sr de La Noue tient tout le pays subject; +qu'ilz ont reprins Maran et aultres lieux, nommeement Oulonne qui leur +tenoit les vivres serrez, et qu'a present ilz en recouvrent +abondantment de toutes partz; et que Vostre Majeste estoit toujours a +Angiers, sans argent et sans grand moyen d'en recouvrer. Lesquelles +nouvelles aulcuns de ce conseil les magniffient, et les font encores +courir plus amples affin d'intimider davantaige les Catholiques de ce +pays. Neantmoins l'on m'a dict que la Royne, leur Mestresse, continue +toutjour au mesmes desir que je vous ay cy devant mande de la paix de +vostre royaulme. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour d'apvril 1570. + + + + +CIIe DEPESCHE + +--du XVIIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par Jos, mon secretaire._) + + Detail de ce qui s'est passe en Ecosse apres le meurtre du comte + de Murray.--Assemblee des etats a Lislebourg.--Espoir du + retablissement des affaires de Marie Stuart, si son parti est + promptement secouru par la France.--Nouvelles de la Rochelle et + de Flandre.--Necessite de faire la paix en France, et de + s'opposer avec vigueur aux projets de l'Angleterre sur + l'Ecosse.--Consequences desastreuses qu'aurait pour la France + la reunion de l'Ecosse a l'Angleterre.--Avis secret donne a + Catherine de Medicis.--_Memoire._ Resolutions arretees dans le + conseil d'Angleterre.--Dessein que l'on suppose au roi + d'attaquer l'Angleterre aussitot apres la pacification.--Projet + impute au cardinal de Lorraine de vouloir faire perir Elisabeth + et Cecil par le poison.--Dissensions causees dans le conseil + par la rivalite des enfans de Hereford et de Marie Stuart, + comme heritiers presomptifs de la couronne + d'Angleterre.--_Memoire secret._ Communications confidentielles + venues des Pays-Bas sur les projets de mariage des filles de + l'empereur avec le roi de France et le roi d'Espagne, et de + Madame, soeur du roi, avec le roi de Portugal.--Desseins + secrets du duc d'Albe. + + + AU ROY. + +Sire, jusques a ceste heure, je n'ay peu mander rien de bien certain a +Vostre Majeste du coste d'Escoce, a cause que la Royne d'Angleterre, +sentant les diverses affections que les siens portent aulx choses de +della, a miz bon ordre qu'il n'en puisse venir nouvelles sinon a elle, +et de tenir icelles bien secrettes; mais ung des moyens que nous avons +essaye pour en scavoir a reuscy; par lequel une lettre est arrivee a +la Royne d'Escoce, du XIXe de mars, d'ung de ses bons subjectz qui luy +escript, que bientost apres que le comte de Mora a este tue, ceulx de +son party se sont efforcez de tenir une assemblee a Lislebourg, le +VIIe de febvrier, pour establyr de rechef la forme du gouvernement a +leur poste, au nom du petit prince. A quoy aulcuns d'entre eulx, +mesmes qui estoient desja retournez en leur premiere bonne affection +vers leur Royne, aydez du desir du peuple qui demandoit la convocation +generalle des Estatz, y ont donne empeschement, estant par le layr de +Granges, et sir Jammes Baffour formee une opposition, laquelle n'a +este de peu de moment: car par la l'on a cogneu que le chasteau de +Lislebourg, duquel le dict de Granges est capitaine tenoit pour la +dicte Dame et que les choses avoient este conduites en facon que des +lors une assemblee generalle fut publiee, au IIIIe de mars ensuyvant, +au mesmes lieu de Lislebourg, en laquelle la pluspart de la noblesse +s'estoit trouvee, reserve aulcuns des Amilthons pour la souspecon du +murtre du dict de Mora, et reserve le comte d'Arguil, qui n'avoit +passe plus avant que Glasco, et que les deux partz ne s'estoient +pourtant guieres meslee l'une avecques l'aultre; ains avoient tenu +leurs assemblees separees, sinon quelquefoys que les amys et partisans +de la Royne avoient condescendu de convenir avec aucuns des aultres en +la maison du secretaire Ledinthon, qui estoit mallade, pour tretter de +certaines particullaritez; et qu'enfin n'y avoit este faicte plus +grande determination, que de assigner une aultre nouvelle assemblee au +mesmes lieu, au premier jour de may prochain, de laquelle assemblee a +venir les bons serviteurs de la dicte Dame ne pouvoient prendre +aulcune bonne esperance, s'il n'aparoissoit premier pour elle quelque +bonne faveur et assistance par della, ou de France, ou de Flandres, +ainsy que ceulx qui estoient demeurez fermes en la foy et obeyssance +de la dicte Dame, l'avoient toutjour espere: car ceulx du contraire +party s'asseuroient d'estre favorisez et secouruz, dans le temps, par +la Royne d'Angleterre et d'hommes, et d'argent, pour maintenir +l'authorite du jeune Roy et la religion nouvelle dans le pays, ainsy +que Randolf, son ambassadeur, les en asseuroit; et qu'il estoit bien +vray que le comte d'Atil, milord de Humes, le ler de Granges, le +secretaire Ledinthon, et plusieurs aultres qui avoient este du +contraire party, se declaroient meintennant estre de celluy de la +dicte Royne d'Escoce; et le dict Ledinthon pratiquoit encores d'y +admener le comte de Morthon, avec lequel il en estoit bien avant en +termes; et que les fuytifz d'Angleterre estoient aussi toutz declairez +pour elle et pour la religion catholique, mesmes le comte de +Northomberland, qui avoit commance de tretter de son rappel avec le +dict Randolf pour sortyr de pryson, avoit, par la persuasion du dict +Ledinthon, demeure ferme en son premier propos, de sorte que les +aultres restoient bien foybles dans le pays; mais qu'il estoit certain +que les deniers et les forces d'Angleterre les releveroient et leur +mettroient toutes choses en leur main, si quelque aultre main bien +forte ne s'y trouvoit opposante pour la dicte Royne d'Escoce; et +contenoit aussi la dicte lettre que l'abbe de Domfermelin estoit +depesche par ceulx du contraire party devers ceste Royne, et que les +aultres avoit advise d'envoyer conjoinctement Robert Melin devers +elle, pour la prier de moyenner par son authorite une bonne +reconciliation dans le pays et en oster la division, affin que les +estrangiers n'y fussent par les ungs ou par les aultres appellez, au +grand detriment de la paix et du commun repos des deux royaumes. + +Lesquelles susdictes nouvelles, Sire, nous tenons pour plus vrayes, +que nulles aultres qu'on nous ayt encores raportees; et sur icelles la +Royne d'Escoce m'a prie de fere aulcuns offices envers la Royne +d'Angleterre, pour l'exorter a l'entretennement des trettez, et de ne +rien attempter par son armee au prejudice d'iceulx, ce que j'ay desja +faict, et y incisteray encores bien fermement; et que je veuille aussi +fere entendre de sa part a Vostre Majeste qu'elle et son royaulme, qui +sont l'ung et l'aultre de vostre alliance, pourront estre facillement +remediez a ceste heure par le secours qu'il vous a pleu luy accorder, +pourveu qu'il vienne promptement, sellon que les choses sont encores +en fort bonne disposition; de quoy elle vous supplie tres humblement, +mais que si vostre dict secours luy deffault, qu'il adviendra deux +grandz inconvenians, qui vous seront non guieres moins dommageables +qu'a elle; l'ung, que les afferes siens et de ses subjectz, qui sont +proprement vostres et ceulx de la religion catholique, recepvront ung +prejudice et detriment perpetuel dans son pays; l'aultre, que, pour se +rachapter de la pryson ou elle est et recouvrer son estat et sa +liberte, elle sera contraincte de mettre le prince d'Escoce, son filz, +ez mains des Anglois. + +Voyla, Sire, quand aulx afferes de ceste pouvre princesse, qui sont si +pressez par la dilligence que ceste Royne faict de haster toutjour son +armee vers l'Escoce, qu'on pense que dans deux moys elle aura acheve +son entreprinse, et n'est sans soupecon qu'elle veuille fortiffier +Dombarre, ou Aymontz, ou quelque aultre lieu dans le pays, veu les +pyonniers qu'elle y envoye. + +Au surplus, Sire, certainz petitz discours qu'on a envoyes imprimez +de la Rochelle font aulcunement mal esperer ceulx cy de la conclusion +de la paix de vostre royaulme. Neantmoins la Royne d'Angleterre +monstre toutjour de la desirer, bien que quelcun m'a dict que si elle +estoit deja faicte, que la dicte Dame yroit plus retenue ez choses +d'Escoce, et n'y procederoit sinon ainsi que vous le vouldriez, mais +qu'elle pense, durant le pourparle d'icelle, avoir execute ce qu'elle +pretend. Il semble par aulcuns propos qu'on m'a raporte du Sr de +Lombres que les pratiques du prince d'Orange en Allemaigne ne sont +mortes et que bientost il s'en manifestera quelque chose; dont les +Flamans, qui sont icy, desireroient la paix de France, affin que la +guerre fut transferee en leur pays. Sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour d'apvril 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, estant les choses d'Escoce en l'estat que je les mande en la +lettre du Roy, et ceulx cy sur le poinct de les aller par armes +reduyre a leur devotion, plusieurs gens de bien sont, avec grand +desir, attandans quel ordre Voz Majestez Tres Chrestiennes y mettront +pour les remedier, et me viennent souvent alleguer qu'il pourra venir +beaucoup de diminution a vostre grandeur, si vous layssez aller en +proye aulx Anglois la Royne d'Escoce, et son royaume, et la religion +catholique de son pays; car, oultre qu'il yra asses en cella de la +reputation de vostre couronne, ilz disent qu'en la presente guerre de +vostre royaulme, la reduction de toute ceste isle au pouvoir de ceulx +cy et l'entiere reunyon d'icelle a leur religion nouvelle sera ung +tres grand apuy de deniers, de munitions et aultres moyens a ceulx de +la Rochelle et aulx Allemans, qui les favorisent, en dangier que ceste +Royne, par apres, entrepreigne elle mesmes ouvertement la guerre avec +eulx, et davantaige qu'a l'advenir, se trouvans les Anglois hors de +toute souspecon de l'Escoce, laquelle s'est toutjour trouvee preste +pour nous contre leurs entreprinses, mesmes l'ayant mise de leur +coste, qu'ilz ne vous meuvent une perpetuelle guerre, pour leurs +pretencions; ou bien que, par quelque mariage ou par aultre accession, +ilz aillent joindre toute ceste isle a la grandeur de quelque aultre, +parce qu'ilz craignent naturellement la vostre, qui vous sera de grand +prejudice. + +Sur quoy je leur repondz, Madame, que les choses d'Escoce ne sont si +foibles d'elles mesmes, ny si mal apuyees de Voz Majestez Tres +Chrestiennes que les Anglois les puissent ayseement plyer; et, quant +bien ilz se seroient prevaluz de l'oportunite de ce temps, auquel ilz +vous voyent fort empeschez aulx guerres de vostre royaume, que +neantmoins vennant la paix, comme Voz Majestez ne sont loing de +l'avoir, que vous radresserez bien ayseement le tout; et que l'Escoce +ne sera jamais a eulx, que quand ilz la cuyderont bien tenir. Je +considere asses, Madame, que la Royne d'Angleterre entreprend d'une +grande affection ce faict d'Escoce, et que les ennemys et malveillans, +que la Royne sa cousine a dans son propre royaulme et dans cestuy cy, +l'y persuadent si fort, qu'il est tres difficile de l'arrester; +neantmoins, je vous suplie tres humblement, Madame, me commander par +ce mien secretaire ce que j'auray a dire ou fere la dessus envers la +dicte Royne d'Angleterre, oultre l'office que je luy ay desja faict; +car je ne fauldray d'ung seul poinct de tres humblement vous y obeyr. +Sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour d'apvril 1570. + +AULTRE LETTRE A PART A LA ROYNE. + +Madame, j'ay donne charge a ce mien secretaire de vous bailler ce mot, +a part, pour avoir meilleur moyen de compter a Vostre Majeste la +facon, dont l'on a use, pour fere venir en mes mains le propre +original de cest escript, qu'il vous baillera en forme d'une lettre +qu'on m'adressoit; ou trouverez, Madame, ung conseil[5], lequel je +vous suplie tres humblement ne communiquer, du commancement, sinon au +Roy et a Monseigneur, voz enfans, et puis a quelcun de voz plus +expeciaulx et saiges serviteurs, qui, possible, vous ouvrira +l'expediant comme vous vous en pourrez servyr. Il vous pourra, par +advanture, estre venu ung semblable adviz d'ailleurs, mais je vous +puys bien jurer, Madame, avecques verite, que je ne scay ny ne puys +penser d'ou cestuy cy est procede. Cella considere je bien que, par +icelluy, il y pourroit cy apres avoir moins d'ellevation dans vostre +royaulme et aussi moins de moyen d'oster ce qu'y auriez une foys +introduict. Sur ce, etc. + + [5] La piece n'ayant pas ete transcrite sur les registres de + l'ambassadeur, on ne connait pas la teneur de cet avis. + + Que les choses de ce royaulme s'entretiennent encores en quelque + apparence de repos, non d'elles mesmes, car tout est plein de + malcontantement, mais par la dilligence de ceux qui sont en + authorite; lesquelz font ce qu'ilz peuvent pour gaigner le temps, + mais non pour remedier du tout au mal; car semble plustost + qu'ilz le vont norrissant pour le fere cy apres devenir plus + grand. + + Ilz s'esforcent de passer cest este sans troubles par le moyen de + l'armee, qu'ilz ont faicte dresser a leur Mestresse vers le North + par pretexte des choses d'Escoce, et d'aller contre les fuytifz; + en quoy ilz executeront, sans faulte, ce qu'ilz pourront; mais il + n'y a asses de deniers en repos pour entreprendre choses si + utilles, sans ce qu'on estime que la mesme armee se trouvera + preste et en estat contre l'ellevation, qu'on crainct bien fort + debvoir advenir avant la racolte. + + Et a ceste force ilz ont adjouxte l'artiffice, car, pour donner + quelque satisfaction aulx principaulx de la noblesse, affin + qu'ilz ne se meuvent, et pour leur fere prendre esperance d'ung + meilleur estat des choses, ilz ont rappelle en court et au + conseil le comte d'Arondel, et ont miz en pleyne liberte millord + de Lomelley, et ont donne esperance au duc de Norfolc d'estre en + brief eslargy hors de la Tour, soubz quelque garde en sa mayson + qu'il a a Londres, et que mesmes se pourra ottroyer une forme de + pardon au comte de Northomberland et aultres chefz des fuytifz, + pour remettre toutes choses en bonne unyon. + + Mais il adviendra, possible, que l'artiffice produyra ung aultre + effect que le simule, parce que ceste princesse n'a le cueur ny + l'intention esloignee de celle de sa noblesse, n'y n'est mal + affectionnee a ses subjectz catholiques, pour lesquelz elle + resiste asses souvant aulx conseilz, que leurs adversaires luy + donnent contre eulx, affin qu'avec les ungs et les aultres elle + puisse passer son regne en paix. + + Et semble bien que les seigneurs catholiques seront pour tenir + dorsenavant leur partie bien ferme et rellevee, de tant que le + comte de Lestre se monstre entierement pour eulx, ayant este luy + le moyen de les fere eslargir et rappeller; et il descouvre qu'il + a asses d'aisne au secretaire Cecille, pour cause de ceulx de + Herfort, lesquelz le dict Cecille cherche, par toutz moyens, de + les ellever a ceste couronne au prejudice du dict comte et des + aultres seigneurs, qui estiment qu'il ne leur va de moins que + leurs testes et de la ruyne de leurs maysons, s'ilz y + parviennent. + + Mais le dict Cecille, oultre ce qu'il tient meintennant sa + Mestresse asses bien disposee envers les dicts de Herfort, pour + la grand jalouzie qu'il luy imprime toutjour de la royne + d'Escoce; de laquelle le tiltre seul precede celluy de Herfort en + la succession de ce royaulme, il y bande aussi toute la part des + Protestans et mesmes les evesques et officiers, et toutz ceulx + qui sont en quelque authorite, et pensoit bien y avoir aussi + conduict le dict comte de Lestre par le moyen de la dicte + religion, et par beaulcoup d'asseurances et promesses qu'il luy + avoit faictes; mais j'entendz que, lundy dernier, estantz huict + les plus protestans de ce conseil assemblez, en la mayson du + comte de Belfort aulx champs, pour delliberer de ce qu'ilz + avoient a fere pour la legitimation des dicts de Herfort, et pour + advancer leur tiltre, ilz se plaignirent grandement du dict comte + de Lestre, de ce qu'ayant faict rapeller le comte d'Arondel au + conseil, il avoit prepare ung grand obstacle a leur entreprinse. + + Et le dangier est que la Royne d'Angleterre (de laquelle la + vollonte et disposition peult beaulcoup en cella) se mette toute + de ce party pour les grandes impressions, qu'on luy donne, + qu'elle est en dangier de son estat et de sa propre vie, si elle + n'oste et l'estat et la vie a sa cousine. + + Car, oultre les propos qu'on luy a dict que Monseigneur, frere du + Roy, avoit tenuz, lesquelz j'ay naguieres escriptz a mon dict + seigneur, j'entendz qu'on luy faict acroyre que Mr le cardinal de + Lorraine sollicite, a ceste heure, ardentment la paix en France, + pour avoir plus de moyen de dresser une entreprinse contre + l'Angleterre en faveur de la Royne d'Escoce, sa niepce; et que, + pour y pouvoir a moindres fraiz conduyre son intention, et y + trouver moins de difficulte, qu'il a convenu avec ung Itallien, + dont le nom et le visaige, disent ilz, sont cognuz, de fere + empoysonner la dicte Royne d'Angleterre et le secretaire Cecille, + et que les plus grands de France inclinent a fere la guerre par + deca. + + Et la met on en souspecon que le Roy d'Espaigne sera pour + concourre facillement a l'entreprinse, pour revenche de l'injure + de ses deniers, et des prinses de mer que ceulx cy ont faictes + sur ses subjectz; et mesmes l'on s'esforce de luy en monstrer + desja quelque indice par l'interpretation d'une depesche, que + j'entendz qu'on a intercepte, de Mr de Forquevaulx, et envoyee + par deca; en laquelle, apres ung propos de trois mariages, il + faict mencion du grand amaz de gens, et d'argent, et des + preparatifs, par mer et par terre, que le Roy d'Espaigne faict, + avec aulcunes particullaritez de plus estroicte intelligence avec + Leurs Majestez Tres Chrestiennes. Ce que n'estimans ceulx cy que + cella puysse estre pour resister seulement aulx Mores, ilz + veulent inferer que c'est contre eulx. + + A quoy l'on m'a dict qu'ilz sont davantaige confirmez par une + lettre, qu'on a escripte de la Rochelle a la dicte Dame, en + laquelle l'on l'a prie que, si le Roy vient a offrir des + condicions de paix a la Royne de Navarre, et aulx princes ses + filz et ses nepveux, et aultres de leur party, qui soyent + raisonnables, comme Sa Majeste monstre s'en aprocher, qu'elle + trouve bon qu'elles soyent aceptees; car ne les pourront + bonnement reffuzer, sans se monstrer mauvais subjectz, et que la + noblesse desire grandement satisfere au Roy; aussi qu'on voyt + bien qu'elle et les princes d'Allemaigne sont longs et tardifz a + les secourir, et neantmoins adjouxtent beaucoup de grandz + mercyemens et offres a la dicte Dame, et la prient qu'elle + veuille bien pourvoir a la seurte de ses afferes, parce qu'il + semble qu'on projecte desja de grandes entreprinses contre elle + et son estat, en faveur de la Royne d'Escoce. + + Desquelz adviz aulcuns icy ont heu de quoy manifester si + ouvertement leur malice, qu'ilz ont oze dire deux choses a la + dicte Dame; l'une, que si elle n'empeschoit la paix de France, + qu'elle aurait certainement la guerre en Angleterre; et l'aultre, + que jusques a ce qu'elle aura faict arracher du tout une si malle + plante, comme est la Royne d'Escoce, qu'elle ne verra jamais + bien, ny repos, en ceste isle. + + Ce que m'ayant este raporte, j'ay miz peyne, par d'aultres plus + moderez personnaiges, de luy fere si bien diminuer ceste opinion + qu'elle monstre, quant a la paix de France, qu'elle y a toutjour + fort bonne affection, mais qu'elle desire infinyement luy estre + donne moyen de s'y employer, affin de pouvoir gaigner la + bienveuillance du Roy, et se confirmer en paix et amitie avecques + luy; et, quant a la Royne d'Escoce, qu'elle est bien disposee + envers sa personne et sa vie, comme je croy qu'elle n'y a heu + jamais mauvaise intention, et que mesme elle goutte aulcunement + sa restitution, et ne la rejecte plus tant qu'elle souloit; mais + elle pretend a quelque entreprinse en Escoce, qui est cogneue de + peu de gens, laquelle elle pense avoir executee plustost qu'on + luy en puysse, ny de France, ny de Flandres, donner empeschement; + et que le tout sera faict dans deux moys, pendant lesquelz je ne + fays doubte qu'elle ne vollut que Leurs Tres Chrestienne et + Catholique Majestez fussent ailleurs bien fort empeschees. + + AULTRE MEMOIRE A PART. + + En la depesche d'Espaigne, dont, en l'aultre memoire, est faicte + mention, qui a este intercepte, j'entendz que Mr de Forquevaulx + escripvoit a la Royne que l'ambassadeur de l'Empereur l'avoit + prie de fere entendre au Roy comme son Maistre, pour l'affection + qu'il avoit de veoir effectuer les mariages de ses filles avec + les deux Roys, desiroit que, du premier jour, il y fut procede + sans plus le dilayer; + + Qu'il avoit dellibere d'envoyer les deux Roynes ensemble, par la + mer, de Genes a Marseille, avec la moindre compaignie et le moins + d'officiers qu'il pourroit, s'asseurant qu'elles en amasseroient + asses en chemyn; + + Que l'ambassadeur de Portugal l'avoit asseure que le party de + Madame, soeur du Roy, playsoit grandement au jeune Roy, son + Maistre, et aulx deux douarieres ses mere et ayeulle, et n'y + avoit que ce seul differant, qu'elles vouloient que le tout se + fit par le bon adviz et conseil du Roy d'Espaigne; et les Estatz + de Portugal, au contraire, s'estimoient asses suffizans pour + cella, sans y embesoigner aulcunement le dict Roy: + + Mandoit avoir entendu que le dict Roy de Portugal estoit subject + a ses opinions, et ne vouloit guieres croyre conseil et qu'il + n'avoit pres de luy que jeunes gens; + + Que les medecins et phisiciens ne l'estimoient de longue vie, + pour quelque defflussion de cerveau qu'il avoit, et que les ungs + conseilloient qu'on le maryat bientost affin de la divertyr et + pour avoir lignee; les aultres que le mariage luy abregeroit ses + jours; + + Que, quoy que ce fut, venant le dict jeune Roy a mourir, celluy + qui luy debvoit succeder, par le commun consentement des Estatz, + espouseroit la veufve; par ainsy que, en toutes sortes, Madame + seroit longuement Royne: + + Que le Roy d'Espaigne s'estoit achemine a Courdova pour aller + tenir ses cours de Castille, et pour s'aprocher de l'entreprinse + contre les Mores, priant icelluy ambassadeur Leurs Majestez Tres + Chrestiennes de luy donner moyen de le pouvoir suyvre, et leur + touchoit ung mot de sa revocation; + + Que le Roy d'Espaigne faisoit tel amaz de gens et d'argent, et + ung si grand aprest par mer et par terre, qu'il estoit ayse a + veoir qu'il tendoit a de plus grandes entreprinses que de se + deffandre des Mores; + + Que s'il playsoit a la Royne d'avoir une entrevue avecques luy a + Marseille; que le dict ambassadeur esperoit de l'y pouvoir + facillement induyre, parce qu'il l'y trouvoit fort bien dispose, + pourveu que cella fut tenu fort secrect, et quasi communique a + nul, de peur des traverses qu'on y mettroit pour la jalouzie que + plusieurs en auroient. + + De laquelle lettre ceste Royne et les siens ont prins beaucoup de + souspecon, et sont, a ceste heure, tant plus desireux de + raccommoder leur differans avec le Roy d'Espaigne, comme ilz en + poursuyvent dilligentment l'accord, par leur depputez, qu'ilz ont + a cest effect envoye en Flandres; lesquelz, a ce que j'entendz, + ont mande qu'ilz en esperent une bonne yssue. + + Et semble que le duc d'Alve, en une facon ou aultre, y + condescendra, sellon qu'on m'a dict qu'il desire bien fort + esteindre ceste querelle, ainsy qu'il estime avoir si bien + vaincue celle du prince d'Orange, et ensepvelye celle des Gueux, + qu'elles ne se pourront, l'une ny l'aultre, jamais plus + ressuciter; + + Et qu'a ceste heure, il a bien fort grande affection d'aller en + Espaigne, comme pour triumfer des choses qu'il a bien faictes, et + bien saigement et vaillamment conduictes en Flandres, d'y avoir + conserve la religion catholique, et estinct l'heresie; d'avoir + saulve l'estat, et quasi l'avoir conquiz et estably de nouveau au + Roy son Maistre, qui auparavant n'en estoit guieres bien le + maistre; et le luy avoir soubmiz a y pouvoir imposer tribut, + comme il vouldra, la ou auparavant l'on y souloit ordinairement + contradire; et avoir augmente le revenu jusques a deux millions + d'or toutz les ans, qui a peyne en valloit la moytie: + + Et, avec l'honneur de ces choses, retourner pres de son Maistre, + ou la jalouzie du prince d'Enoly le tire, et pres de sa femme et + des siens, qui l'appellent par della, a la venue de la nouvelle + Royne, pour se trouver a l'establissement et a la mutation de + diverses choses, qui lors se pourront ordonner, mais + principallement pour mettre le gouvernement de Flandres ez mains + de Dom Fadrique, son filz aisne: + + A quoy il a grand affection, luy ayant pour cest effect baille + tiltre et merque nouveaulx de cappitaine general des Espaignolz + et gardes, ce qu'il n'estime toutesfoys pouvoir bien obtenir, + s'il n'est present avec son Maistre; + + Et que, pour n'estre son dict retour empesche par la querelle + d'Angleterre, qu'il la vuydera, et qu'au reste procurera, avant + son partement, que la consulte et distribution des biens + confisques en Flandres se face, affin qu'il puisse entrer en + possession de Brada ou d'Ostrante, ou de quelque aultre bien bon + estat, que son Maistre luy donnera; et desireroit bien fort que + son dict Maistre remit une partie de la dicte consulte a fere a + luy, affin de pouvoir gratiffier et recompenser ceulx qui l'ont + suyvy. + + Toutes lesquelles choses m'ont este dictes du dict duc par + aulcuns, qui les peuvent aulcunement scavoir, et qui les font + paroistre estre vraysemblables. + + + + +CIIIe DEPESCHE + +--du XXIIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par la voye du Sr Acerbo._) + +Publication faite en Angleterre de la prise d'armes contre +l'Ecosse.--Preparatifs de defense faits par les Ecossais.--Nouvelles +difficultes survenues dans la negociation avec les Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, perseverant la Royne d'Angleterre en sa delliberation d'envoyer +des forces en Escoce, elle a faict, despuys trois jours, publier +l'occasion de son entreprinse avec le pretexte et colleur, que Vostre +Majeste verra par la teneur de sa proclamation; et a mande au comte de +Sussex qu'avec les troupes, qu'il a assemblees a Yorc et a Durem, il +ayt toutjour a s'acheminer a Neufcastel, et qu'il temporise la jusques +a tant qu'il ayt receu les monitions qu'elle a ordonne luy estre +envoyees, lesquelles y pourront arriver envyron la fin de ce moys. +Cependant, Sire, luy ayant le dict comte de Sussex naguiere escript +que, pour la nouvelle de sa venue, les Escoucoys prenoient de toutes +partz les armes, avec intention de courre sus a ceulx qui parloient +d'introduyre les Anglois dans le pays; et que desja milor Herys estoit +aproche avec quelques forces pour luy deffandre les frontieres, ceulx +qui ont icy la matiere bien affectee ont conseille a la dicte Dame de +luy respondre que, sellon sa plus ample commission, il ayt a doubler +promptement ses forces pour poursuyvre son voyage; a quoy elle a faict +asses de difficulte, voyant que l'entreprinse se monstroit a ceste +heure plus grande et plus difficille, et de trop plus grand coust +qu'on ne la luy faisoit du commancement, tant y a qu'a leur persuasion +elle le luy a mande; et neantmoins l'on pense qu'il trouvera asses de +resistance par della. + +L'on commence a sentyr qu'il y aura asses de difficulte en l'accord +des differans des Pays Bas, parce qu'on offre par della de restablyr +toutes choses jusques a la valleur d'une maille; et demande l'on qu'il +soit faict le semblable de ce coste, et mesmes que de ce qui aura este +substraict, emporte, ou qui se trouvera aultrement depery, des +merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne, parce que cella est +advenu par la coulpe des Anglois, que le tout soit repare par eux, en +quoy tres difficilement ilz veulent entendre. Neantmoins il y a tres +grande affection de chacun coste d'en sortyr. Sur ce, etc. + + Ce XXIIIe jour d'apvril 1570. + + + + +CIVe DEPESCHE + +--du XXVIIe jour d'apvril 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Gerin Marchant_.) + + Etat des partis en Ecosse.--Arrivee d'un ambassadeur de France + dans ce pays avec un secours d'hommes.--Debats entre les + seigneurs ecossais pour la regence.--Vives sollicitations des + ennemis de Marie Stuart pour presser l'entree de l'armee + anglaise.--Depart de la flotte pour Hambourg, et envoi des + sommes levees en Angleterre pour l'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, apres que j'auray, dimanche prochain, faict entendre a la Royne +d'Angleterre les louables et vertueux propos qui sont contenuz en +vostre depesche du XIIe de ce moys, laquelle le Sr de Vassal m'a +randue le XXIIIIe, je vous informeray bien particullierement de +l'intention, en quoy je l'auray trouvee sur les choses que je luy +proposeray de vostre part; et cependant je diray a Vostre Majeste, +touchant celles d'Escoce, que l'arrivee de vostre ambassadeur par +della, et ce qu'on dict qu'avec luy sont arrivez a Dombertran cinq +cens harquebouziers francoys et asses d'armes pour armer encores deux +mil hommes, faict aultrement penser a ceulx cy de l'entreprinse qu'ilz +ont au dict pays, que quant ilz l'ont premierement deliberee; mesmes +qu'ayantz les principaulx seigneurs d'Escoce desja heu conferance avec +luy au lieu de Donquel, l'on asseure qu'ilz ont prins, par les lettres +et bonnes offres de Vostre Majeste, une bonne resolution; scavoir, +ceulx qui estoient demeurez en la foy de leur Royne d'y perseverer +constantment, et ceulx qui se portoient neutres de se declairer pour +elle; tellement que tous ensemble se sont despuys acheminez a +Lislebourg: d'ou les adversayres, avec l'ambassadeur de ceste Royne, +se sont aussitost despartys; et que, illec, ilz ont faict proclamer, +le XIIe de ce moys, l'authorite de leur Royne, la ou millord de +Granges a declaire qu'il tenoit le chasteau de Lislebourg pour elle; +et le duc de Chastellerault, lequel n'est encores eslargy du dict +chasteau, pour quelque occasion bien considerable, s'est aussi +declaire du coste de la dicte Dame; et, bien que le comte de Mar n'ayt +du tout faict le semblable, il a promiz neantmoins de ne delivrer, en +facon du monde, le jeune prince aulx Anglois, et dict davantaige qu'il +ne le delivrera pas aussi aulx Francoys, ny aulx Espaignolz, ny mesmes +aulx Escoussoys. Et, par ainsy, les choses ont commance de prandre +quelque train, pour le bien des afferes de la dicte Royne d'Escoce, a +l'advantaige et reputation de Vostre Majeste. Mais, Sire, voycy +l'ordre qu'on me dict que ceulx de l'aultre party ont tenu pour y +donner empeschement; c'est qu'ilz se sont incontinent assemblez au +lieu de Domfermelin, ou ilz ont resolu deux choses; l'une, de fere +tout sur l'heure aprocher le comte de Lenoz, qui est a Barwich, pour +se porter pour regent de la personne et estat de son petit filz a la +faveur de l'armee de la Royne d'Angleterre qui est en campaigne; +l'aultre, d'accorder et signer les articles de l'instruction qu'ilz +ont baillee a l'abbe de Domfermelin de tout ce qu'il vient dire, +requerir et offrir de leur part a ceste Royne. + +Sur quoy l'on m'a donne adviz fort secrect, mais de bon lieu, que +celle partie des dictes forces qui s'est trouvee plus advancee, et la +garnyson de Barwich, en nombre de quatre mil hommes de pied et quinze +centz chevaulx en tout et huict pieces de campaigne, ont desja marche +oultre les frontieres pour favoriser le dict de Lenoz, et qu'il a este +mande au comte de Sussex de parfere promptement sa levee de dix mil +hommes de pied et quatre mil chevaulx, et que le susdict Domfermelin +arrivera icy dans deux ou trois jours. L'on estime que les aultres +seigneurs Escoucoys envoyeront millord de Sethon ou millord Boyt +devers la dicte Dame pour l'effect que je vous ay cy devant mande; +mais je ne laysse pour tout cella d'esperer encores bien des afferes +de la royne d'Escoce. + +La flotte pour Hembourg est deja chargee, et commance d'avaller +contrebas la Tamise. Elle est d'envyron cinquante voylles et n'y a que +deux grandz navires de ceste Royne ordonnez pour les conduyre, mais il +y en a aultres trois equipez en guerre soubz la charge de Haquens, qui +y vont, le tout aulx despens des merchans; et, soubz ceste mesmes +conserve, partent aussi les munitions qu'on envoye au North parce que +c'est tout une mesme routte. J'entendz que desja les lettres +d'eschange, pour le parfornissement de cent cinquante mil escuz cy +devant ordonnez pour Allemaigne, sont expediees, et qu'elles vont +avecques ceste flotte, oultre soixante mil escuz en especes, cuillys +sur les esglizes des Flamans qui sont en ce royaulme, que le Sr de +Lombres envoye au prince d'Orange; et luy eust envoye plus grand somme +sans ce que, a mon instance, la Royne d'Angleterre a deffandu de ne +fere aulcune cuillette de deniers, pour ce pretandu pretexte de la +deffance de la religion, sur ses subjectz, lesquelz s'y monstrent +asses vollontaires. + +Ceulx cy font tout ce qu'ilz peuvent, de leur coste, pour parvenir a +quelque accord sur les differans des Pays Bas, et en sont toutjour en +bonne esperance. Sur ce, etc. + + Ce XXVIIe jour d'apvril 1570. + + + + +CVe DEPESCHE + +--du IIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Antoine Grimault_.) + + Audience.--Declarations faites par l'ambassadeur, au nom du roi, + tant au sujet de la pacification de France que des affaires + d'Ecosse.--Irritation causee a la reine d'Angleterre par la + declaration touchant l'Ecosse, qui renferme une menace de + guerre.--Nouvelles de l'entreprise des Anglais sur l'Ecosse, ou + ils sont entres en armes. + + + AU ROY. + +Sire, prevoyant que la Royne d'Angleterre n'auroit guieres agreable +les deux poinctz, que j'avois a luy proposer de la depesche de Vostre +Majeste du XIIe du passe, en ce que vous n'acceptiez son offre +d'intervenir a la paciffication de vostre royaulme, et que vous luy +touchiez vifvement le faict de la Royne d'Escoce, j'ay miz peyne, +Sire, de luy dire l'ung et l'aultre en la plus gracieuse facon que +j'ay peu; et m'a bien semble, quant au premier, qu'elle en est +demeuree asses satisfaicte, par ce mesmement que j'ay monstre que +Vostre Majeste acceptoit plustost qu'il ne reffuzoit son offre, mais +de tant que l'affere, par la venue des depputez des princes, estoit +sur sa conclusion sans qu'il fut besoing d'entrer en nouveaulx +trettez, ainsy qu'ilz avoient toutjour dict qu'ilz ne vouloient +aulcunement capituller avec leur Souverain Seigneur, vous estimiez +que cella seroit bientost faict ou failly, par ainsy, que vous en +donriez incontinent adviz a la dicte Dame; de laquelle vous requeriez +cependant de vouloir demeurer en son bon et honneste desir, qu'elle +monstroit avoir vers vous et vers voz presens afferes, avec asseurance +que, en pareille ou meilleure occasion, du bien des siens vous luy +feriez paroistre par effect que vous luy correspondiez en ung +semblable debvoir de vostre bonne et mutuelle amytie envers elle. + +A quoy la dicte Dame m'a respondu que ce luy estoit ung singulier +playsir de veoir que Vostre Majeste eust prins son intention en la +bonne part, que vous l'avoit offerte, de s'employer aultant +droictement a la conservation de vostre grandeur et authorite sur voz +subjectz comme si c'estoit pour sa propre cause; et que la +satisfaction que vous luy donniez la dessus estoit si grande, que +c'estoit a elle meintennant de vous en remercyer et a prier Dieu pour +le bon succez et ferme establissement de vos dicts afferes et de la +paix que vous desirez en vostre royaulme, avec plusieurs aultres +parolles, dont aulcunes, a la verite, touchoient les difficultez qui +pouvoient encores rester en cella, et d'aultres exprimoient son +affection d'y estre employee: toutes neantmoins bien fort honnestes et +pleynes de grande demonstration d'amytie. + +Mais, quant c'est venu a l'aultre poinct, du faict de la Royne +d'Escoce, bien que je ne le luy aye baille, sinon avec les mesmes +termes par lesquelz Votre Majeste monstre de vouloir, jusques a +l'extremite du debvoir, constamment perseverer en son amytie et en la +paix, elle neantmoins en a heu le cueur si atteinct qu'elle n'a peu, +ny en son visaige, ny en sa parolle, dissimuler l'ennuy qu'elle en +recepvoit: dont, apres aulcuns peu de motz asses incertains, tantost +de l'esbahyssement d'ung tel propos, tantost de ce que Vostre Majeste +estoit mal informee du faict: ayant la dessus appelle ceulx de son +conseil, qui estoient dans la chambre, elle leur a dict que je venois +de luy fere une bien estrange proposition, de la part de Vostre +Majeste, et qu'elle me vouloit bien prier de la leur exposer tout de +mesmes, affin qu'ilz en demeurassent mieulx instruictz. Ce que ne luy +voulant reffuzer, je l'ay de tant plus vollontiers faict et avec plus +d'expression de toutes les particullaritez de Vostre lettre, que je +scavois que l'armee de la dicte Dame estoit desja entree en Escoce, et +qu'il y'en avoit la presens de ceulx qui l'avoient conseille; lesquelz +je desiroys bien qu'ilz en demeurassent confuz: et y en avoit aussi, +qui n'attandoient qu'une semblable occasion, pour avoir de quoy luy +parler librement du faict de la Royne d'Escoce. Dont leur ay recite, +tout a plain, vostre intention, et ay miz peyne de leur monstrer +qu'elle n'estoit moins fondee en toute justice, que remplye de grande +magnanimite. + +A quoy nul d'entre eulx n'a rien respondu, sinon le marquis de +Norampthon aulcun peu de motz sur l'aprobation de l'entreprinse +d'Escoce. Mais la dicte Dame, (apres m'avoir dict, ung peu en collere, +que Vostre Majeste avoit faict comme le bon medecin, qui, ayant a +bailler des pillules bien amaires a son mallade, en faisait tout le +dessus de sucre, et qu'ainsy, vostre premier propos du mercyement +avoit este bien fort gracieulx et doulx, mais celluy d'apres estoit +bien fort amer et piquant,) a commance de me desduyre amplement +l'occasion et justiffication de son entreprinse en Escoce; et croy +qu'avec les mesmes demonstrations, que luy avoient faict ceulx qui la +luy ont conseillee, en termes asses vehementz, mais toutesfoys bien +fort honnorables en l'endroict de Vostre Majeste; qui, en somme, +tendent a trois poinctz: l'ung, a vous fere veoir qu'il n'y avoit que +droict et rayson, en ce qu'elle faisoit et qu'elle vouloit fere, vers +la Royne d'Escoce et vers son royaulme; le second, que nul ne debvoit +trouver mauvais que justement elle poursuyvit de vanger les injures, +que injustement l'on avoit faictes a elle et a ses subjectz; et le +troisiesme, que, nonobstant tout cella, et sans s'arrester a tant de +vehementes ou bien veriffiees, occasions de malcontantement, a quoy la +dicte Royne d'Escoce et son ambassadeur, et ceulx de ses subjectz qui +tiennent pour elle, l'avoient extremement provoquee, elle ne lairroit +de recepvoir les condicions qu'elle luy offriroit sur l'accommodement +de ses afferes, ou bien que Vostre Majeste luy feroit offrir pour +elle; ains se disposerait tout presentement d'y entendre: mesmes que +luy en ayant desja la dicte Dame escript une lettre et son ambassadeur +une aultre, lequel luy avoit d'abondant mande qu'il s'estoit encores +reserve d'aultres choses, pour les luy dire en presence, elle me +promettoit, qu'il seroit bientost ouy, me priant au reste de luy +vouloir bailler par escript ce que je luy avois propose de vostre +part, affin d'en pouvoir mieulx delliberer, et vous y fere plus claire +et plus ample responce; comme je pense, Sire, qu'elle fera par son +ambassadeur. + +Et parce qu'il seroit long de reciter icy toutz les propos de la dicte +Dame et ceulx que je luy ay responduz, je remetz de les vous mander en +ma prochaine depesche, par ung des miens, que je depescheray expres +devers Vostre Majeste, avec d'aultres choses, lesquelles avecques +ceulx cy vous feront prendre quelque jugement des intentions de la +dicte Dame. Cependant j'ay a dire a Vostre Majeste que le comte de +Sussex, sire Jehan Fauster, et milor Scrup, estans entrez par trois +divers endroictz en Escoce, y ont allume des semblables feuz, que +aulcuns Escoucoys, avec les fuytifz d'Angleterre, avoient auparavant +allumez en la frontiere de deca, non sans que ceulx cy y ayent +toutjour crainct quelque rencontre: comme il est nouvelles que le dict +Scrup et sa trouppe y ont este fort bien battuz. L'artillerye et les +munitions qu'on leur envoye sont desja hors de ceste riviere, et m'a +l'on dict qu'on a adjouxte a icelles mille litz avec leurs matalas et +paillasses, comme pour accommoder deux mil soldatz dans quelque place; +et de tant que la dicte Royne d'Angleterre, parmy son discours, m'a +dict qu'elle n'estoit si sotte qu'elle ne cognut bien que toute +l'affection, que Vostre Majeste et la France ont aulx Escoucoys, +n'estoit pour proffict ny pour commodite qu'on peult tirer d'eulx, +mais seulement pour nuyre a l'Angleterre; et que Dombertran avoit +toutjour este le port et l'entree des Francoys et des estrangiers dans +ceste isle pour troubler le pays; (et que d'ailleurs la dicte Dame a +donne la grace a ung Escoucoys, qui avoit este prins au North, lequel +luy a baille le pourtraict du chasteau de Lislebourg), il y a quelque +souspecon qu'elle veuille assieger l'une des dictes places, ou bien y +en fortiffier quelque aultre dans le pays pour y entretenir garnyson. +Et viens d'estre adverty, Sire, qu'elle faict mettre promptement en +mer quatre de ses grandz navyres et une gallere, avec commandement de +tenir les aultres bien fort prestz; dont, de tout ce qui succedera de +nouveau, je mettray peyne de vous en advertir le plus promptement que +me sera possible. Sur ce, etc. + + Ce IIIe jour de may 1570. + + + + +CVIe DEPESCHE + +--du VIIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyee jusques a la court par le Sr de Sabran_.) + + Vifs debats dans le conseil d'Angleterre sur le parti a prendre a + l'egard de Marie Stuart, et sur la reponse a faire au roi au + sujet de vasion en Ecosse.--Ravages operes par les Anglais dans + ce pays.--Emprunt fait pour la Rochelle.--Negociation des + Pays-Bas.--Espoir de l'ambassadeur que la paix ne sera pas + rompue.--_Memoire._ Detail des opinions emises dans le conseil + d'Angleterre.--Reponse faite par Elisabeth a la declaration du + roi touchant l'Ecosse.--Insistance de l'ambassadeur sur les + motifs qui imposent au roi l'obligation d'exiger que les + Anglais se retirent d'Ecosse, et que Marie Stuart soit retablie + sur le trone.-_Memoire secret._ Motifs particuliers qui ont + force l'ambassadeur a faire connaitre a la reine d'Angleterre + la declaration du roi sur les affaires d'Ecosse. + + + AU ROY. + +Sire, ayant la Royne d'Angleterre prins ce que je luy ay dict, de +vostre intention touchant la Royne d'Escoce, en la facon que, par mes +precedantes du IIIe de ce moys, je le vous ay mande, elle a monstre +despuys qu'elle tenoit en tant ceste vostre declaration qu'elle +vouloit bien considereement adviser comme elle auroit a s'y gouverner; +dont ayant la dessus assemble les principaulx de son conseil, ilz ont +fort vifvement debattu la matiere devant elle, et aulcuns d'eulx luy +ont remonstre qu'il n'y avoit nul prince de bon sens au monde, s'il +tenoit ung aultre prince entre ses mains, qui se dict competiteur de +sa couronne, comme faisoyt la Royne d'Escoce de celle d'Angleterre, +qui le vollust jamais lascher; et qu'il n'y en avoit poinct aussi qui +vollust espargner la vie de la dicte Royne d'Escoce, si elle avoit +excite en leur estat le trouble et la rebellion des subjectz, qu'elle +avoit esmeu en cestuy cy. Les aultres luy ont represante le contraire, +et que la plus grande seurete qu'elle pouvoit prendre pour elle, et +pour sa couronne, et pour la paix universelle de ceste isle, estoit de +s'employer droictement a la restitution de la dicte Royne d'Escoce, et +d'establyr une bien ferme amytie et bonne intelligence entre elles +deux et leurs deux royaumes; et en est leur contention venue si avant +que, les voyant la dicte Dame desja aulx grosses parolles, les a priez +d'en remettre la dispute a elle, et qu'elle cognoissoit bien que la +matiere n'estoit sans difficulte: neantmoins leur deffandoit fort +expressement de ne parler jamais de chose qui touchat ny a la vie, ny +a la personne de la Royne d'Escoce. + +Je suis attandant, sire, qu'est ce qui resultera de cette +determination de conseil, et quelle responce la dicte Dame sera +conseillee de fere a Vostre Majeste. Cependant j'ay este adverty que +l'exploict du comte de Sussex en Escoce a este d'entrer en pays par +trois endroictz; scavoir: luy avec le principal de l'armee par +Barvich, et sire Jehan Fauster avec la seconde troupe par Carleil, et +milord Escrup avec le reste par ung aultre endroict; et que, le XVIIe +d'apvril, le comte de Sussex a commance de fere le gast, et mettre le +feu a Ware, continuant ainsy jusques a Gadenart, ou il a faict miner +et pourter par terre la mayson du ler de Farneyrst; et la, le sir +Jehan Fauster, ayant aussi miz le feu partout la ou il a passe, s'est +venu rejoindre a luy; et du dict Gadenart, apres l'avoir brusle, ilz +sont allez brusler la ville de Fanic, et ont pareillement mine et rase +la maison du ler de Balchenech; puys, ont passe oultre jusques a +Quelso, auquel lieu le ler de Suffort leur est venu offrir pleiges +pour satisfaction de ce que l'on luy pouvoit demander; et peu apres, +milord de Humes y est aussi venu, lequel a parle au dict comte de +Sussex et luy a offert le semblable; mais ny l'ung ny l'aultre n'ont +raporte aulcune bonne responce: et ce faict, icelluy Sussex a ramene +ses gens, le XXIIIIe du dict moys, a Barvich. Mais, quant a milor +Escrup, qui est entre par les marches d'Ouest, les choses ne luy ont +succede de mesmes, car il a este rencontre par les Escoucoys qui luy +ont deffaict la pluspart de ses gens, et dict on que luy mesmes est +blesse; et que le comte de Vuesmerland s'est trouve au combat, qui a +cuyde estre prins. Despuys, l'on m'a dict qu'ayant le dict comte de +Sussex receu le reste des forces, qui estoient demeurees derriere, +delibere de rentrer du premier jour au dict pays et aller assieger le +chasteau de Humes, sinon que, sur ma remonstrance, ceste Royne luy +mande de ne passer oultre; tant y a que s'il le faict, je ne pense pas +que les Escoucoys ne luy donnent la bataille; mais je ne vous puys +mander, Sire, aulcune chose certaine de leur apareil, parce que les +passaiges sont tenuz extremement serrez. + +Il est nouvelles que le duc de Chastellerault est hors de prison, et +que ceulx qui tiennent le party de la Royne d'Escoce sont en beaucoup +plus grand nombre, et sont les principaulx et les plus fortz du pays. +Ceulx qui les favorisent icy, m'ont faict dire que, si la paix se +conclud en France, leur affere se pourtera en toutes sortes fort +bien, et que ce que j'ay declaire a ceste Royne ne sera venu que le +plus a propos du monde; mais, si la paix ne se faict poinct, qu'ilz +craignent beaucoup que les choses n'en aillent que plus mal; et +semble, Sire, que aulcuns de ceulx de la Rochelle, qui sont icy, +n'esperent guieres qu'elle se puysse fere: mesmes j'ay adviz qu'il a +este mande en Hembourg de fournir promptement les cinquante mil escuz +de la lettre de credit qui, en janvier dernier, a este baillee a Mr le +cardinal de Chatillon, ainsy que des lors je le vous ay escript, et +que le Sr de Lombres y envoye presentement une aultre lettre de LX mil +{lt} sterlings pour le prince d'Orange, qui est une somme qu'il a +levee sur les esglizes des Flamans protestans residans par deca, et +que le cardinal de Chatillon et luy sont apres a dresser des contractz +et des obligations pour fere fornyr encores par della cent cinquante +mil escuz sur la prochaine flotte qui va au dict Hembourg. En quoy me +semble qu'il y aura asses de difficulte, tant y a qu'ilz n'en sont +hors d'esperance; et la Royne d'Angleterre, pour recouvrer deniers +pour elle, a double l'emprunct, dont je vous ay naguieres faict +mention, jusques au nombre de trois mille prive scelz, desquelz elle +espere tirer jusques a six ou sept cens mil escuz. + +Elle et les siens monstrent avoir une tres grande affection a l'accord +des differandz des Pays Bas, et parce qu'il semble que la plus grande +difficulte est meintennant a contanter les merchans anglois, l'on m'a +dict que le secretaire Cecille les ayantz assemblez la dessus, et les +trouvans ung peu opiniastres, leur a resoluement declaire que les +princes veulent demeurer d'accord, par ainsy qu'ilz advisent entre +eulx d'accommoder leurs afferes. Sur ce, etc. + + Ce VIIIe jour de may 1570. + + + Tout meintennant l'evesque de Roz me vient de mander qu'il a este + appelle, ceste apres dinee, pardevant quatre seigneurs de ce + conseil; lesquelz, apres plusieurs propos, luy ont dict, que si + la Royne d'Escoce veult rendre les rebelles d'Angleterre, qui se + sont retirez en son royaulme, que cella mouvera grandement la + Royne, leur Mestresse, d'avoir son cueur bien dispose envers + elle; et n'ont passe plus avant: ce qu'il voyt bien estre une + invention des ennemys de sa Mestresse pour retarder toutjour ses + afferes, es quelz ne luy reste plus aultre esperance, tant que + ceux qui sont ici en authorite gouverneront, que celle que la + dicte Dame a miz en Vostre Majeste. Et viens d'estre adverty que + le comte de Sussex est rentre en Escoce, qu'il a prins le + chasteau de Humes, et qu'il a miz garnyson dedans. + + + A LA ROYNE. + +Madame, saichant que la Royne d'Angleterre estoit, tous ces jours, +apres a delliberer en son conseil qu'est ce qu'elle auroit a fere ou +dire sur ce que je luy avois propose, de la part de Voz Majestez, en +ma derniere audience, et voyant que je ne pouvois plus intervenir a +luy fere la dessus nul aultre office, que celluy que j'avois desja +faict; qui, a la verite, m'avoit bien semble tel que je l'avois +plustost disposee a la moderation que a continuer son entreprinse en +Escoce, j'ay envoye ramentevoir par lettre a Mr le comte de Lestre, et +par parolle au secretaire Cecille, les occasions qui ont meu Voz +Majestez de luy declairer ainsy vostre intention; et comme ilz +cognoissent asses que c'est ung debvoir, notoirement apartenant a +vostre reputation: et a l'honneur de vostre couronne; lequel, quant +vous n'en eussiez rien dict, ou que vous eussiez dissimule de ne vous +en soucyer, leur dicte Mestresse et eulx n'eussent laysse pourtant de +penser que vous ne le pouviez obmettre; et que partant ilz veuillent, +a ceste heure, bien pourvoir, de la part d'elle, qu'il ne soit faict +chose qui puisse donner commancement d'alteration a ceste tant bonne +et mutuelle intelligence, qui rend Voz Majestez et la dicte Dame tres +utilles amys les ungs aulx aultres, et de laquelle bonne intelligence +vous protestiez bien de ne vouloir en facon du monde (sinon contrainct +par grande necessite du debvoir et a trop grand regrect) jamais vous +despartyr. + +Sur quoy l'ung et l'aultre m'ont mande de fort bonnes parolles, et +telles qu'ilz me font encores reprendre quelque esperance: tant y a, +Madame, que des premieres responces que la dicte Dame m'a faictes, +lesquelles je vous envoye par le Sr de Sabran, il se peult aulcunement +bien cognoistre ou va son intention. Je ne cognois pas que, pour +cella, elle ayt encores change de desir sur la paciffication de vostre +royaume; mais il me semble bien que ceulx de la nouvelle religion, qui +sont icy, n'esperent guieres qu'elle se face, lesquelz font toute la +dilligence qu'ilz peuvent de recouvrer deniers comme pour continuer la +guerre; et j'entendz qu'il vint hyer lettres d'Allemaigne a ceste +Royne, par lesquelles l'on luy mande que le duc Hery de Bronsouyc a +licencye, par faulte de payement, la levee qu'il avoit arrestee pour +Vostre Majeste; et que le marechal de Hes, tout aussitost, a commence +d'en dresser une pour luy; et que l'Empereur, estant contrainct de +s'en retourner a Vienne pour mettre ordre a une grande ellevation qui +s'est sussitee en Austriche pour le faict de la religion, a laquelle +semble que le Vayvaude veuille tenir la main, qui a desja chasse les +prestres et pille les esglizes de ses pays, s'est excusee d'intervenir +a la prochaine diette du XXIIe de ce moys, laquelle estoit assignee a +Spire; et que, si ceulx de la religion avoient deniers, il ne fit +jamais si bon en Allemaigne que meintennant. Sur ce, etc. + +Ce VIIIe jour de may 1570. + + INSTRUCTION AU DICT SR DE SABRAN de ce qu'il aura a fere entendre + a Leurs Majestez, oultre la depesche: + + Que naguieres furent miz en delliberation au conseil de la Royne + d'Angleterre, elle presente, les trois poinctz qui s'ensuyvent: + Le premier, qu'est ce qu'il estoit besoin de fere pour se + pourvoir contre le Roy et le Roy d'Espaigne, desquelz l'amytie + estoit desja si suspecte qu'ilz estoient pour se monstrer tous + declaires ennemys, aussytost que l'ung pourrait avoir la paix + avecques ses subjectz, et que l'aultre seroit venu a boult des + Mores revoltez; le segond est quel ordre de bien maintenir la + religion protestante, et effacer la memoire et le desir de la + catholique en tout ce royaume; et le troisiesme, comment proceder + si seurement au faict de la Royne d'Escoce et de son royaulme, + que tout l'advantaige en demeurast a la dicte Royne d'Angleterre + et au sien. + + Les adviz furent divers, car, quant au premier poinct, il y en + eust qui dirent que n'ayans les deux Roys aulcune juste + entreprinse en ce royaulme, comme ilz n'y avoient aussi aulcune + juste pretention, il estoit a croyre qu'ilz ne cercheroient que + d'estre satisfaictz de quelque offance, es quelles il les falloit + honnestement contanter, et par ce moyen les retenir pour amys; + les aultres opinerent qu'il ne se failloit attandre a cella, ains + se pourvoir de bonnes et bien fermes ligues avec les princes + protestans, qui seroit le vray rempart et maintien de ceste + couronne contre leur effort. Au regard du segond, les ungs dirent + qu'il estoit bon qu'avec l'exemple de la bonne vie et de la + droicture des evesques protestans, il fut uze de si bons + deportemens envers les Catholiques, et les fere jouyr d'ung si + paysible repos, qu'ilz n'eussent qu'a se bien contanter du + present estat de la religion, qui avoit cours en ce royaulme, + sans essayer, avec le dangier de leurs vies et de leurs biens, + d'attempter rien pour remettre la leur; et les aultres, au + contraire, que c'estoit par toutes sortes de deffaveur et de + craincte qu'il les failloit abattre et tenir reprimez: et sur le + troisiesme, du faict de la Royne d'Escoce, parce que la matiere + estoit fort affectee, il fut seulement dit qu'il failloit, devant + toutes choses, regarder a ce qui estoit plus expediant, ou de + retenir ou de delivrer la personne de la dicte Dame; et pour lors + n'y eust que des remonstrances bien fort considerement desduictes + pour admener, de chacun coste, la dicte Dame a leur opinion, sans + qu'on en vint rien a conclurre. + + Peu de jours apres, les principaulx de la noblesse avoient si + bien dispose la dicte Dame qu'ilz pensoient n'y avoir rien plus + pres d'estre execute que la satisfaction envers les deux Roys et + le soulaigement des Catholiques, et la liberte et restitution de + la Royne d'Escoce; et de ce dernier, l'evesque de Roz en avoit + conceu une si certaine esperance qu'il avoit desja commance de + proposer des conditions et offres a la Royne d'Angleterre; et + l'avoit on asseure qu'il seroit, le lendemain, introduict vers + elle pour en traicter en presence: mais s'estant huict du conseil + bandez au contraire, ilz firent le matin venir milord Quiper + devers la dicte Dame, garny d'une premeditee remonstrance, par + laquelle il luy mit tant de dangiers et d'inconvenians devant les + yeulx, et l'irrita si fort sur des livres, que le dict evesque + avoit faict imprimer sur la deffense de l'honneur de sa Mestresse + et sur les droicts qu'elle a a la succession de ceste couronne, + que la dicte Dame, apres l'avoir ouy, estima ne pouvoir, en facon + du monde, estre plus Royne, si la Royne d'Escoce luy eschapoit; + et qu'il falloit qu'avec le temps elle veist les choses + d'Angleterre et d'Escoce en meilleure disposition pour elle + qu'elles n'estoient, premier que de la delivrer. Et sur ce, les + afferes de ceste pouvre princesse furent remiz en surceance, et + le dict evesque de Roz resserre, et courriers incontinent + depeschez vers le North pour haster le comte de Sussex a son + entreprinse. + + A quelques jours de la, j'allay declairer l'intention du Roy la + dessus a la dicte Royne d'Angleterre, aulx propres termes qu'il + me l'avoit mande par sa depesche du XIIe du passe; sur lesquelles + elle fit les demonstrations de rescentymens et de courroux, que + j'ay mande par mes lettres du IIIe du present, mais non en sorte + qu'elle ne monstrat bien qu'elle tenoit en grand compte la + declaration du Roy; et comme princesse nourrye a la moderation et + a beaulcoup de sortes de vertu, me fit les responces qui + s'ensuyvent, par lesquelles se pourra juger ce qu'elle avoit lors + en son desir; dont cy apres s'entendra si elle l'aura en rien + change: + + Que le Roy, son bon frere, s'il l'estimoit Princesse Souveraine + et legitime, et non accusee d'aulcun mauvais cryme, et estre + aussi bien son alliee comme la Royne d'Escoce, laquelle n'estoit + mentionnee en nulz trettez, qu'elle n'y fut premier nommee et + comprinse, qu'elle s'esbahyssoit comment il voulloit meintennant + proceder d'une tant diverse vollonte entre elles deux, et comme + il voulloit avoir tant d'esgard a l'une, et si peu a l'aultre, + qu'il trouvat bon que toutes les offances de la Royne d'Escoce + luy fussent reparees, et nulles des siennes a elle; a qui + toutesfoys elles avoient plustost este commises et en si grand + nombre, et tant dommaigeables que tout ce qu'elle cerchoit + meintennant de la dicte Royne d'Escoce et des siens n'estoit + sinon comme elle pourrait estre satisfaicte du passe et demeurer + bien asseuree de l'advenir: + + Car, oultre les vielles querelles, il estoit trop veriffie que + c'estoit la dicte Royne d'Escoce et l'evesque de Roz qui avoient + esmeu les troubles du North, et qui avoient envoye lettres, + messaiges, bagues, argent, et fere offres de grandz sommes et + secours aulx comtes de Northomberland et Vuesmerland, pour leur + fere prendre les armes; et, apres qu'ilz avoient este deffaictz, + elle avoit donne ordre de les fere recepvoir par ceulx qui + tiennent son party en Escoce, non comme fugitifz pour garentyr + leurs vies, mais comme ennemys, poursuyvans une guerre contre + elle, et contre ses bons subjectz, a feu et a sang, et avec tant + de cruaulte sur ses frontieres qu'elle seroit trop indigne + d'avoir royaulme, ny couronne, ny tiltre de Royne, si elle le + comportoit; + + Qu'en l'entreprinse, qu'elle avoit faicte pour y remedier, elle + avoit suivy l'ordre des trettez, sellon lesquelz elle avoit + escript et envoye messagiers expres, devers les principaulx + seigneurs et officiers d'Escoce, pour fere cesser les desordres + et avoir reparation de ceulx qui estoient desja commiz, lesquelz + avoient respondu qu'ilz n'y pouvoient donner ordre jusqu'a ce + qu'ilz auroient accommode leurs differandz; et en avoit aussi + adverty la Royne d'Escoce, bien qu'elle fut entre ses mains, qui + avoit seulement respondu qu'elle n'en pouvoit mais: + + Par ainsy, qu'apres avoir satisfaict aux trettez, desquelz elle + scavoit bien les termes, et ne les vouloit transgresser; ains, + suyvant sa proclamation sur ce faicte, vouloit droictement + conserver la paix avec la couronne d'Escoce, et non moins bien + tretter les bons Escoucoys, et ceulx qui ne recoipvent ny + accompaignent ses rebelles a luy fere la guerre, que les propres + Anglois: elle avoit bien vollu aussi satisfere au debvoir qui + l'obligeait a la deffance, tuition et conservation de ses + subjectz, et qu'il n'y avoit lieu de penser qu'elle eust une plus + grande entreprinse que celle la en Escoce, et, si elle l'y + avoit, ce ne seroit a si petites forces qu'elle y entreroit. + + Et de la dicte entreprinse, quant le Roy l'entendroit bien a la + verite, elle ne pensoit qu'il vollut condampner rien de ce qui, + en semblable occasion de la deffance de ses subjectz, il est tres + certain qu'il en feroit davantaige; et bien qu'elle n'eust a s'en + justiffier qu'a Dieu seul, si avoit elle bien vollu qu'il y + intervint tant de justice qu'elle ne peult estre raysonnablement + blamee de nul; et que le Roy, son bon frere, ny le Roy + d'Espaigne, duquel je luy avois faict mencion, ny nul aultre + prince du monde ne la garderoient qu'elle n'essayat toutjours + tout ce qu'elle verroit et trouveroit, par conseil, estre + expediant de fere pour la deffance de son estat, et qu'elle + vouloit bien dire que le debvoir obligeroit plus justement le Roy + de luy ayder a repoulser ses injures, que de maintenir celles que + injustement la Royne d'Escoce luy faisoit; + + Que, quant a la liberte et restablissement de la dicte Dame, + encores que le dangier des choses presentes, et l'espreuve des + passees, et le peu de seurete qu'on pouvoit prendre de ses + promesses, veu ce que son ambassadeur, en parlant d'icelles a + Ledinthon avoit dit: _Quae in vinculis aguntur, rata non habebo, + et frangenti fidem fides frangatur eidem_; et nonobstant aussi + que la dicte Dame se fut bien fort efforcee de se declairer + seconde personne de ce royaulme, ce que ne luy estoit loysible de + fere; et que son dict ambassadeur, oultre ses aultres mauvais + offices, eust freschement publie trois livres en ceste matiere, + qui touchoient a l'estat et honneur d'elle, et de sa couronne, et + de ses conseillers; et qu'en toutes sortes la Royne d'Escoce + l'eust si mal traictee, et remue tant de choses pernitieuses en + son royaulme, qu'elle eust grand occasion d'estre infinyment + irritee contre elle, et de ne recepvoir aulcun expediant de sa + part: + + Si, ne reffuzeroit elle toutesfoys d'ouyr et recepvoir les offres + et condicions qu'elle ou le Roy luy vouldroient fere, ainsy que + desja la dicte Dame et l'evesque de Roz luy en avoient escript, + et luy avoient envoye des articles asses semblables a d'aultres, + que cy devant l'on luy avoit presentez; et le dict evesque luy + avoit mande qu'il avoit a luy proposer encores quelque chose + davantaige, de parolle; dont seroit bientost ouy: mais cependant + le Roy ne debvoit trouver mauvais qu'elle poursuyvit la vengeance + des tortz qu'on luy avoit faictz, et neantmoins me prioit de luy + bailler par escript ce que je luy avois propose de sa part, affin + de pouvoir mieulx delliberer, et luy en fere, puys apres, plus + clayre responce. + + Je luy respondiz seulement qu'elle debvoit prendre de bonne part + ceste grande franchise, dont le Roy usoit envers elle, de luy + ouvrir ainsy clairement son intention; et que, quant bien il ne + luy en eust ainsy parle, elle n'eust laysse pourtant de penser + qu'il estoit de son honneur et de son debvoir, non seulement de + le dire, mais de le fere ainsy qu'il le diroit; et que ce + n'estoit d'aulcune malle vollonte envers elle, ains d'une notoire + obligation envers la Royne d'Escoce, qu'il estoit contrainct d'en + user ainsy; et qu'il n'en feroit pas moins pour elle, en vertu de + leur commune confederation, si elle et son royaulme estoient en + pareille necessite, car la loy des aliences portoit de subvenir a + ceulx des alliez qui sont oprimez, voire contre les aultres + propres alliez qui les opriment; + + Que le Roy, pour n'en venir la, desiroit qu'elle mesmes, par le + conseil de sa propre conscience, ou par celluy de son cueur qu'il + estimoit royal et droict, et encores par le conseil de ceulx, qui + plus parfaictement ayment son bien et sa grandeur, vollut adviser + qu'est ce que de ceste pouvre princesse, sa niepce, elle pouvoit + desirer davantaige, de ce qu'elle luy avoit offert; que s'il n'y + couroit ung manifeste dangier de sa conscience, ou de son + honneur, ou de sa vie, ou de la perte de son estat, il + s'asseuroit qu'elle l'accorderoit, et que luy, comme son + principal allye, non seulement le confirmeroit, mais mettroit + peyne de le luy faire droictement accomplyr; + + Et que je luy voulois bien dire qu'apres cecy, si la detention de + la dicte Royne d'Escoce continuoit, et l'invasion de son pays ne + cessoit, que le Roy demeureroit tres justiffie envers Dieu et la + dicte Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, et envers toutz les + siens, comme aussi il s'en justiffieroit envers les aultres roys, + et mesmes envers les princes d'Allemaigne, qu'il n'auroit tenu a + luy d'obvier au mal qui pourra advenir, si ses tant raysonnables + offres, sur la liberte et restitution de sa belle soeur, ne sont + acceptees, et qu'il ne luy en debvra estre rien impute. + + AULTRE INSTRUCTION A PART AU DICT SR DE SABRAN. + + La peur que j'ai heu que la declaration du Roy a la Royne + d'Angleterre, pour les afferes de la Royne d'Escoce, mit les + siens en dangier, m'a tenu en suspens si je la debvois differer, + ou non, jusques apres estre bien asseure de la paix; mais, voyant + que de demeurer sans fere quelque prompte demonstration, sur ce + que l'armee d'Angleterre estoit entree en Escoce, diminuoit par + trop la reputation du Roy, et luy faisoit perdre les bons + serviteurs qu'il a icy et au dict pays d'Escoce, je ne l'ay + vollue differer; bien ay miz peyne d'user de tout l'artiffice + qu'il m'a este possible pour garder, qu'en aydant les afferes de + la dicte Royne d'Escoce, je n'aye poinct faict de dommaige a + ceulx du Roy; car il est sans doubte qu'ilz se portent mutuelle + faveur, et qu'on respecte les ungs pour l'amour des aultres en + ceste court. + + Et n'a este sans que aulcuns principaulx seigneurs de ce + royaulme, et l'evesque de Roz avec eulx, n'ayent cuyde monstrer + un grand signe de malcontantement de ce que le secours de France + ne paroissoit desja en Escoce, et que je ne protestais tout + promptement la guerre, puysque les Anglois avoient commance + d'entrer en pays, et y fere toutz actes d'hostillite. + + Et disoient, tout hault, qu'il falloit que le Roy cessat d'estre + amy ou des Angloys, ou des Escoucoys, car il ne pouvoit meintenir + l'amytie avecques les deux, et qu'il debvoit bien considerer que + si les seigneurs catholiques de ce royaulme, qui s'estoient + asseurez qu'il favoriseroit et secourroit les afferes de la Royne + d'Escoce et les leurs, quand il seroit besoing, n'eussent tenu la + main ferme a la paix d'entre la France et l'Angleterre, qu'il est + tres certain que ceulx de l'aultre party eussent fait declairer + ouvertement la Royne, leur Mestresse, pour ceulx de la Rochelle, + sur la grand instance que les princes protestans d'Allemaigne luy + en faisoient. + + Disoit davantaige le dict evesque de Roz que, si la Royne, sa + Mestresse, vouloit quicter l'alliance de France, il est sans + doubte qu'elle et luy seroient en liberte, et toutz les afferes + d'Escoce se porteroient bien; et qu'il est certain que les choses + estoient venues au poinct ou l'on les voyoit, d'avoir les comtes + du North prins les armes pour la liberte et restitution d'elle, + et pour l'advancement de la religion catholique, par l'exortation + de nous deux ambassadeurs de France et d'Espaigne; et que + meintennant il n'aparoissoit nul secours du coste de noz + Maistres; ains ceulx qui, soubz leur confiance, s'estoient + declaires, demeuroient en proye de la Royne d'Angleterre, et + ceulx, qui avoient bonne intention de se declairer, restoient, a + ceste heure, bien fort descouraiges et intimidez. + + Or, l'office, qu'ilz ont veu que j'ay despuys faict envers la + Royne d'Angleterre a beaucoup rabille cella, et si, a miz tant de + doubte au cueur de la dicte Dame et tant de contrariete entre + ceulx de son conseil, que, confessans les ungs et les aultres la + declaration du Roy estre tres raysonnable, et fondee au debvoir + qu'il a aulx deux Roynes de vouloir retenir l'amytie de l'une et + subvenir a l'extreme necessite de l'aultre, il semble que les + choses en viendront a quelque moderation. + + Et ayant le dict evesque de Roz, par aulcuns des siens, faict + exorter l'ambassadeur d'Espaigne de concourre avecques moi en ung + semblable office, de la part de son Maistre, envers ceste Royne, + pour la Royne d'Escoce, il s'est excuse de le fere, disant y + avoir asses longtemps qu'il a devers luy une lettre a cest effect + de son dict Maistre pour la Royne d'Angleterre, mais qu'il n'a + jamais peu avoir audience d'elle, comme, a la verite, il y a dix + sept moys qu'il ne l'a veue, et que de luy fere venir meintennant + ung nouveau ambassadeur sur cest affere, puysqu'elle en a renvoye + deux de grande qualite, sans quasi les ouyr, qui estoient envoyez + pour les propres afferes de son dict Maistre, ny aussi + d'entreprendre de parler pour aultruy, jusques a ce qu'on se sera + accommode soy mesmes, le duc d'Alve estime qu'il seroit fort + impertinent de le fere. Neantmoins, il donne esperance du + contraire, ainsy que ce pourteur le dira a Leurs Majestez. + + + + +CVIIe DEPESCHE + +--du XIIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Oratio d'Almarana_.) + + Nouvelles de l'invasion des Anglais en Ecosse.--Prise du chateau + de Humes, dans lequel ils se sont etablis.--Nouvelles + d'Allemagne et des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, ce qui est survenu de nouveau au quartier du North et d'Escoce, +despuys le VIIIe de ce moys, que je vous ay mande, par le Sr de +Sabran, tout ce que, jusques alors, j'en avois aprins, est que la +Royne d'Angleterre, le jour precedant que je luy fisse instance, de +vostre part, de ne fere entrer ses forces en Escoce, ou de les +retirer, si elles y estoient entrees, avoit desja mande au comte de +Sussex d'y retourner par la seconde foys, pour y fere le gast; et le +dict comte n'avoit failly de se remettre incontinent en campaigne: +dont, le XXVIe et XXVIIe du passe, il a marche avecques l'armee +jusques au chasteau de Humes, lequel deliberant prendre par force, et +l'ayant faict recognoistre et aprocher le canon, ceulx qui estoient +dedans envyron quatre vingtz hommes, apres qu'on a heu seulement tire +trois coups, se sont randuz, bagues saulves, le XXIXe dudict moys: et +milord de Scrup qui, en mesmes temps, avoit marche plus avant, a este +encores ceste foys rencontre par les fugitifz anglois, et par aulcuns +Escoucoys qui l'ont charge, et y a heu ung asses aspre combat; mais il +s'est retire avec la perte seulement de huict vingtz des siens, et +sans que le dict de Sussex ny luy ayent passe a plus grand exploict. +Apres avoir laysse deux centz Anglois dans le dict chasteau de Humes, +ilz s'en sont retournez, le IIe de may, a Barvich, d'ou j'entendz, +Sire, que icelluy de Sussex a incontinent depesche un gentilhomme +devers la Royne, sa Mestresse, sur divers occasions: scavoir, sur les +difficultez qui se presentoient plus grandes en ceste nouvelle guerre, +qu'on ne les pensoit du commancement; sur le peu de confiance qu'elle +doibt mettre en ces Escoucoys, qui disent estre de son party; sur +avoir suplement de deniers, affin de complyr le nombre d'hommes que +porte sa commission, car ceulx qui, jusques a ceste heure, sont entrez +en Escoce, n'ont este guieres plus de cinq mil hommes et douze centz +chevaulx en tout; et aussi, si la dicte Dame entend de fere razer le +dict chasteau ou bien le tenir; et, au reste, a quoy elle veult que +son armee s'employe le reste de cest este. + +Sur toutes lesquelles choses l'on m'a dict que, sabmedy dernier, luy a +este seulement respondu, que la dicte Dame luy gratiffie grandement le +bon debvoir qu'il a faict en ce voyage pour son service, et qu'elle +est apres a donner ordre qu'il luy soit bientost envoye argent et +toutes aultres provisions qui luy font besoing; qu'elle n'est encores +bien resolue du chasteau de Humes qu'est ce qu'elle en fera, mais +qu'il advise cependant de bien entretenir la garnyson qu'il y a mise; +et qu'il ne se haste de lever plus grand nombre de gens de guerre, +mais qu'il dispose si bien ceulx qu'il a avecques luy le long de la +frontiere pour la garde d'icelle, qu'on n'y puisse plus retourner fere +les courses, pilleryes et brullement, que par cydevant l'on a faict; +et ne luy ordonne rien davantaige. Je ne scay si, cy apres, elle luy +commandera de rentrer encores pour la troisieme foys en Escoce. + +Il est quelques nouvelles que milord de Herys a mande au dict de +Sussex que ses mauvais deportemens contraindroient enfin les +Escoucoys, a leur grand regrect, d'avoir la guerre a la Royne, sa +Mestresse; et que s'il ne cessoit d'entreprendre en leur pays, que non +seulement ilz se mettraient en debvoir, avec le secours des Francoys +qu'ilz attandoient d'heure en heure, de l'aller combattre, mais aussi +d'entrer et venir bruller plus en avant en Angleterre qu'il n'a faict +en Escoce; et dict on que le dict de Herys et le duc de +Chastellerault, entendans que les comtes de Mar et de Glanquerne +s'estoient assemblez avec le comte de Morthon a Lislebourg, pour +s'aller joindre aulx Angloys, se sont venuz loger avec bonnes forces +sur une riviere, et leur ont empesche le passaige. J'espere que par +ces difficultez, et par la declaration que Vostre Majeste a faicte +fere a la Royne d'Angleterre, elle se layssera ramener a quelque +meilleure rayson. Le comte de Lenoz, a ce que j'entendz, est demeure +mallade a Barvich, et le sir Randolf l'y est venu trouver. Je ne scay +encores s'ilz auront mandement de retourner a Lislebourg. + +La flotte des draps a heu si bon vent qu'elle peult estre meintennant +arrivee a Hembourg, et, au retour des navyres, qui la sont alles +conduyre, nous pourrons entendre quelque nouvelle d'Allemaigne. Cella +m'a l'on confirme que les lettres de credit, que ceulx de la nouvelle +religion ont obtenues icy, y ont este apportees pour etre forny de +della, jusques a cent cinquante mil escuz, s'il est besoing, ou si les +draps peuvent avoir bonne vante; et que cependant les premiers +cinquante mil escuz, ottroyez despuys le mois de janvier dernier, +seront en toutes sortes payez contant. L'on espere du premier jour la +conclusion de l'accord sur les deniers et merchandises, qui ont este +mutuellement arrestees icy en Flandres, et ne pensent les Anglois +qu'il y puisse plus intervenir aulcune difficulte pour l'empescher. Il +est vray que l'ambassadeur d'Espaigne m'a dict que les choses n'en +sont encores si pres. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour de may 1570. + + + + +CVIIIe DEPESCHE + +--du XVIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par le Magnifique Donato._) + + Changement survenu dans les resolutions de la reine d'Angleterre, + qui hesite a poursuivre avec vigueur la guerre + d'Ecosse.--Espoir de l'ambassadeur qu'elle va consentir enfin + au retablissement de Marie Stuart.--Nouvelles d'Ecosse, de la + Rochelle et des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, ce n'est sans une tres grande difficulte, mais non aussi sans +beaucoup d'estime de vostre reputation, qu'il se commance a manifester +quelque effect du bon office, que m'avez commande de fere icy pour la +Royne d'Escoce; et ne sera encores, comme j'espere, sans quelque +accommodement de voz afferes, s'il peult estre conduict a sa +perfection. Il est vray, Sire, qu'il est venu en temps que le feu +estoit le plus allume, et que la Royne d'Angleterre se sentoit +extremement offancee, et que son armee estoit desja entree en Escoce; +a l'occasion de quoy le dict office a trouve de l'obstacle et de +l'empeschement davantaige a estre bien receu. Neantmoins il a este +propose tel, et en tel facon, et sur tel rencontre que voycy, Sire, ce +que despuys s'en est ensuyvy: + +Que la Royne d'Angleterre n'a poursuyvy la guerre d'Escoce de la mesme +ardeur qu'elle l'avoit commancee, ainsy que mes precedantes vous l'ont +tesmoigne; qu'elle est entree en ung grand doubte de son entreprinse, +puysqu'elle vous y voyt opposant, et semble bien, que desja elle +commance de quicter l'obstinee resolution, qu'on luy avoit faict +prendre, d'en venir a boult par la force, pour dorsenavant s'y +conduyre par ung plus modere expediant; que les seigneurs de son +conseil en sont entrez en une grande contention et en manifeste +contradiction entre eulx; que ceulx du bon party ont reprins cueur, +qui est d'aultant diminue aulx autres; finalement, que la dicte Dame +monstre de vouloir meintennant beaulcoup plus entendre a la +restitution qu'a la ruyne de la Royne d'Escoce; et en sont les choses +si avant qu'elles doibvent estre debattues a plain fondz, et +determinees, a Amthoncourt, mercredy prochain, que le conseil y sera +pour cest effect assemble, et monstrent les malveuillans de reffouyr +asses la lice, dont les amys se disposent, de tant plus gaillardement, +a bien deffandre la cause qu'ilz voyent, Sire, que avez desja commance +de la prendre a cueur, et qu'ilz ont grand confiance que vous la +favoriserez de mesmes en tout ce qu'elle aura besoing, cy apres, +d'estre aydee de parolle, ou des demonstrations, ou des bons effectz +de Vostre Majeste: car sans cella ilz despereroient non seulement de +vaincre, mais de pouvoir soubstenir les effortz et l'impetuosite des +aultres. + +Je ne scay encores, Sire, que me promettre, ny que vous debvoir fere +esperer de l'yssue de ce conseil, veu l'instabilite que j'ay veue et +souvant esprouvee de ceulx qui en sont, et veu les artiffices de ceulx +qui plus possedent ceste princesse; lesquelz luy ont desja forme mil +prejudices dans son esprit contre la Royne d'Escoce. Neantmoins, de +tant qu'on m'a adverty asses en general, et sans grande +expeciffication, qu'elle veult, en toutes sortes, prandre expediant +avecques sa cousine, et veoir comme elle pourra tretter seurement +avec elle des poinctz qui s'ensuyvent: scavoir; du tiltre de ceste +couronne, d'une ligue et de la religion; je vous suplie tres +humblement, Sire, me commander comme j'auray a me conduyre sur toutz +les trois; s'il convient que j'y intervienne au nom de Vostre Majeste; +et aussi comme, et en quelz termes il vous plairra que, au cas que on +veuille interrompre ou prolonger la matiere, je poursuyve l'instance, +que j'ay desja commancee, pour luy donner l'accomplyment que convient +a l'honneur de la parolle et declaration de Vostre Majeste. + +J'entendz que le lair de Granges, cappitaine du chasteau de +Lislebourg, a este essaye, par argent et par grandz promesses, de +vouloir prendre le party de la Royne d'Angleterre, mais il a fermement +respondu qu'il sera fidelle jusques a la mort a sa Mestresse; et dict +on que, despuys que l'armee d'Angleterre a heu faict les deux courses +dans l'Escoce, le comte de Morthon et ses adherans ont este proclames +traystres, et rebelles, et autheurs d'avoir introduict les ennemys +dans leur pays. + +Barnabe est revenu despuys trois jours de la Rochelle, lequel monstre, +par ses propos, qu'il a este jusques au camp des princes. Il confirme +bien fort que la paix se fera, et que Mr l'Admyral la desire; de quoy +aulcuns icy mal affectionnez monstrent n'en estre guieres contantz. +Ung des gens du prince d'Orange, apres avoir toutz ces jours faict de +grandes sollicitations en ceste court, se prepare de partir pour +Allemaigne. Je ne scay encores avec quelles expeditions il y va. L'on +dict, touchant les differans des Pays Bas, qu'il y a desja des +articles accordez sur le faict des deniers et merchandises, et que +bientost doibvent venir des commissaires flamans par deca, pour +conclurre le tout. Sur ce, etc. + + Ce XVIIe jour de may 1570. + + En fermant la presente l'on m'est venu advertyr que l'abbe de + Domfermelin est arrive, je ne scay si cella traversera ce qui est + bien commance pour la Royne d'Escoce. + + + + +CIXe DEPESCHE + +--du XXIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Le Tourne._) + + Propositions faites a l'eveque de Ross par le conseil + d'Angleterre pour la restitution de Marie Stuart.--Declaration + de l'eveque sur les conditions qui lui sont offertes.--Mission + de l'abbe de Dunfermline en Angleterre.--Nouvelles + d'Ecosse.--Doutes sur la conclusion de la paix en France; + continuation des emprunts pour la Rochelle.--Etat de la + negociation dans les Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, le jour que le conseil de la Royne d'Angleterre a este assemble +pour delliberer, devant elle, s'il estoit expediant ou non qu'elle +entendit a la liberte et restitution de la Royne d'Escoce, de tant que +desja la dicte Dame estoit aulcunement bien disposee d'y entendre, les +malveuillans n'ont peu empescher que la conclusion ne soit venue a ce +que l'evesque de Roz seroit incontinent mande pour adviser, avec luy, +comment et a quelles conditions il s'y pourroit moyenner ung bon +accommodement, qui peult estre a l'honneur et a la seurte de la Royne +d'Angleterre, et au commun repoz des deux royaulmes. Sur quoy, estant +le dict sieur evesque appelle, l'on luy a propose les trois poinctz; +desquelz, en mes precedantes du XVIIe de ce moys, je vous ay faict +mencion: du tiltre de ce royaulme, d'une ligue et de l'establissement +de la nouvelle religion; et y a este adjouxte celluy que je vous avois +auparavant mande, de rendre les rebelles; et encores ung cinquiesme, +d'abstenir de tout exploict de guerre entre les deux pays pendant que +aulcuns depputez d'Escoce pourront venir par deca pour tretter de ces +choses. Mais ce en quoy l'on a le plus inciste au dict sieur evesque a +este des pleiges et seurtez que sa Mestresse pourra bailler pour +l'accomplissement de ce qu'elle promettra; et si elle sera poinct +contante de mettre son filz et aucuns principaux personnaiges +d'Escoce, comme le duc de Chastellerault, ou ses enfans, ou bien +d'aultres seigneurs, et quelques forteresses ez mains de la Royne +d'Angleterre; et aussi si vous, Sire, vouldrez poinct donner parolle +et bailler ostaiges pour l'entretennement du trette qui s'en fera, +parce que principallement la dicte Dame desire que vous y soyez +comprins, affin de s'asseurer de la paix avec Vostre Majeste. + +Le dict sieur evesque leur a respondu, en general et bien fort +saigement sellon sa coustume, qu'ilz debvoient demeurer tres fermement +et bien persuadez de l'affection et intention de la Royne, sa +Mestresse, qu'elle n'en a nulle plus grande, ny plus certaine dans son +cueur, que de donner a la Royne d'Angleterre, et a toute la noblesse +de son royaulme, le plus grand contantement d'elle et la plus grande +satisfaction sur ses afferes qu'il luy sera possible, et qu'ilz ne +veuillent aulcunement doubter qu'elle ne condescende tres +liberallement a tout ce que la dicte Royne, sa bonne soeur, et eulx +estimeront estre honneste et raysonnable de luy demander; et, quant +aulx particullaritez, qu'ilz venoient de luy desduyre, de tant que les +unes estoient en la puyssance de sa dicte Mestresse et les aultres +non, et que aulcunes sembloient estre asses aysees, les aultres tres +difficiles, il les requeroit, en premier lieu, de luy ottroyer sa +liberte, et, apres la liberte, d'en aller conferer avec sa dicte +Mestresse, et puys, permission a elle d'envoyer devers les Estatz de +son royaulme, affin de leur communiquer et leur fere bien recepvoir le +tout, sans lesquelz rien ne pouvoit estre bien legitimement arreste la +dessus. + +Voila, Sire, l'ouverture qui a este desja faicte en cest affere, sur +lequel en celle partie qui deppend de Vostre Majeste, et toutes en +doibvent asses dependre, il vous plairra me commander comment j'auray +a m'y conduyre, ayant cependant propose d'ayder, en tout ce qu'il me +sera possible, l'advancement de la matiere, et vous advertyr souvent +de ce qui, jour par jour, s'y fera, et puys sur la conclusion d'icelle +suyvre, le plus pres que je pourray, ce que Vostre Majeste m'aura +mande estre de son intention, et convenable a l'honneur de sa couronne +et utilite de son service. Le dict sieur evesque, ouy l'abbe de +Domfermelin, a este appelle, mais je ne scay encores ce qu'il a +propose, ny ce qu'il pourra avoir obtenu, seulement l'on m'a dict +qu'il a fort inciste d'avoir de l'argent. Or, Sire, j'ay sceu +d'ailleurs que sur ce que les comtes de Morthon, de Mar et de +Glancarve, ont mande au comte de Sussex, qu'il leur vollut promptement +envoyer ung nombre de gens de guerre, affin de conserver l'authorite +du jeune Roy, premier que tout le pays se fut remiz a l'obeyssance de +la Royne d'Escoce, sa mere, parce que le duc de Chastellerault, pour +y trouver moins de difficulte, s'efforceoyt de fere publier que toutes +choses eussent a s'administrer dorsenavant au nom et par l'authorite +d'elle, durant la minorite de son filz, il a este mande au dict de +Sussex qu'il ayt a leur envoyer, tout incontinent, deux mille des +meilleurs et mieulx choysiz soldatz de l'armee, soubz la conduicte du +capitaine Drury, mareschal de Barvich; non que sur ceste delliberation +n'y ayt heu beaucoup de debat dans ce conseil, mais enfin il a este +resolu que ce ne seroit violler ny enfraindre la paix aulx Escoucoys +que d'envoyer du secours a leur Roy, et qu'il falloit ainsy tenir les +choses divisees de della jusques a ce qu'elles seroient composees, +icy, avec la Royne d'Escoce. + +J'estime, Sire, que cest affere marchera de mesmes que la paix de +vostre royaulme, car si l'on vous voyt demesle de la guerre de voz +subjectz, ne fault doubter qu'on ne condescende plus ayseement icy +aulx choses justes et raysonnables que vous vouldrez demander; mais il +semble qu'ilz tiennent pour asses doubteuse la conclusion de la dicte +paix, a cause d'ung discours qui a este envoye de la Rochelle sur la +negociation de Mr de Biron avec Messieurs les Princes; et n'ont ceulx +de la nouvelle religion, pour le propos de la dicte paix, laysse de se +pourvoir du plus de credit de deniers en Allemaigne qu'ilz ont peu; et +desja y ont envoye les lettres, ny ne cessent d'y entretenir leurs +pratiques aussi vifves comme si la guerre se debvoit encores +longuement continuer. + +Ceste princesse trouve asses de difficulte a lever l'emprunct de trois +mil prives scelz qu'elle a naguieres imposez, et n'entreprend d'user +de grand contraincte en l'exaction d'iceulx, de peur de quelque +nouvelle eslevation. L'on attand l'arrivee de deux commissaires, des +quatre qui estoient allez en Flandres, lesquelz viennent pour tretter +d'aulcuns particulliers faicts qu'on leur a miz en avant, pour en +scavoir l'intention de leur Mestresse. Ung chacun espere qu'ilz +s'accommoderont quant aulx deniers et merchandises arrestees, mais que +neantmoins le libre commerce d'entre les deux pays demeurera encores +en suspend a cause de certaines difficultez de la religion et de la +jurisdiction, dont ne se peuvent bien accorder. Sur ce, etc. + + Ce XXIIe jour de may 1570. + + + + +CXe DEPESCHE + +--du XXVIIe jour de may 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Bordillon._) + + Discussions dans le conseil d'Angleterre.--Resolution qui a ete + prise d'eviter la guerre avec la France.--Mise en liberte de + l'eveque de Ross.--Audience.--Communication donnee a Elisabeth + de l'etat des negociations sur la paix en France.--Vive + insistance de l'ambassadeur pour obtenir que les Anglais se + retirent d'Ecosse, et que Marie Stuart soit rendue a la + liberte.--Necessite ou se trouve le roi de prendre les armes + pour defendre les Ecossais.--Explication donnee par Elisabeth + des motifs qui ont du la forcer a envahir l'Ecosse.--Resolution + du conseil.--_Accord touchant l'Ecosse._ Traite conclu, sauf la + ratification du roi, entre l'ambassadeur et la reine + d'Angleterre, contenant les conditions sous lesquelles la reine + consent a retirer son armee d'Ecosse, et a negocier la + restitution de Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, despuys la declaration que Vostre Majeste m'a commande de fere a +la Royne d'Angleterre touchant la Royne d'Escoce et son royaulme, je +n'ay cesse de la presser bien fort qu'elle y vollut prendre ung +present expediant, et voyant que desja je l'y trouvois ung peu +disposee, j'ay instantment sollicite les amys de ne laysser refroydir +la matiere; lesquels ont tant faict que, nonobstant l'audacieuse +opposition des adversayres, dont les ungs ne se sont peu tenir d'user +de parolles insolentes, et les aultres se sont expressement absentez +pour y cuyder mettre du retardement, le conseil a este tenu la dessus; +auquel, entre aultres choses, j'entendz qu'il a este resolu, par +l'opinion de la dicte Dame, plus que par celle de nul des siens, qu'il +falloit en toutes sortes eviter d'avoir la guerre avec Vostre Majeste; +et qu'ayant bien cogneu par mes propos qu'indubitablement l'on y +viendroit, et que mesmes les Francoys seroient bientost en Escoce, si +son armee passoit plus avant en pays, et s'il n'estoit bientost prins +quelque expediant sur les afferes de la Royne d'Escoce, qu'elle +vouloit que, tout presentement, l'on y advisat. + +Sur quoy, ceulx qui nous sont contraires n'ont failly de luy +remonstrer que, pour estre le propos de la paix de vostre royaulme +plus pres d'estre rompu que conclud, vous n'aviez garde d'envoyer +meintennant en Escoce les gens qui feroient bien besoing a vostre +propre defance; et que, si vous entrepreniez d'y en envoyer, ainsi que +je le donnois entendre, qu'il failloit qu'elle fit sortir ses navyres, +qui sont toutz pretz, en mer, pour vous empescher, et qu'ilz ne voyent +qu'il y eust encores nulle occasion qui la deubt divertyr de la +premiere delliberation. + +Les amys, au contraire, prenans fondement sur ce qu'il falloit evitter +d'avoir la guerre avec Vostre Majeste, ont asseure, par la +cognoissance qu'ilz ont des choses de France, que les Francoys ne +fauldroient d'entrer en Escoce, si vous entendiez, Sire, que les +Anglois y prinsent pied; et que, de jetter leurs navyres dehors, il +fauldroit, s'ilz rencontroient la flotte francoyse, qu'ilz la +combatissent, et que la guerre se commenceroit trop plus ouvertement +en ceste sorte contre la France, que quant les Francoys seroient +descendu en Escoce, lesquelz ne seroient lors prins que pour +auxiliaires: mais que le meilleur estoit qu'elle commencat de tretter +avec l'evesque de Roz et avec moy de quelque bon accommodement la +dessus. + +Laquelle opinion ayant prevalu, l'evesque de Roz a este, le deuxiesme +jour apres, appelle, avec lequel ceulx de ce conseil ont entame les +choses que je vous ay escriptes le XXIIe de ce moys; et despuys, sa +liberte luy a este ottroyee: bien que la dicte Dame ne luy a encores +permiz de parler a elle. Et par mesme moyen elle avoit advise que je +serois mande, mais les adversaires l'en divertirent, sur quelque +poinct de reputation, qu'ilz lui representoient, qu'il valloit mieux +attandre l'ocasion que je y vinse de moy mesmes; et luy celebrerent +cependant bien fort la ropture de la paix, et mesmes firent que, sur +la confirmation de ce que Mr Norrys en avoit escript, Mr le cardinal +de Chatillon fut convye en court, qui disna avec la dicte Dame; mais +le lendemain je vins devers elle, et ne volluz, pour aulcuns respectz, +lui monstrer les articles que Vostre Majeste m'avoit envoyez des +dernieres offres faictes aulx depputez, mais pour luy oster l'opinion +que le propos de la dicte paix fut rompu, et pour remedier les choses +qui pressoient en Escoce, je luy diz que, vous ayant la Royne de +Navarre et les Princes, ses filz et nepveu, faict fere des +supplications et requestes plus amples que ne portoient les premiers +articles que leur aviez accordez, et ayant Vostre Majeste miz en +consideration les infinys maulx que vostre royaulme, despuys dix ans, +a quasi continuellement souffertz par les horribles guerres, que ces +troubles ont produicts; que, pour obvier a plus grandz inconvenians, +vous aviez bien vollu condescendre a la pluspart de leurs dictes +requestes, et me commandiez de luy dire que vous vous estiez de tant +plus eslargy envers eulx, que vous vouliez qu'il aparust au monde, et +nommeement a la dicte Dame, comme aussi Dieu vous estoit tesmoing, que +vous n'aviez nulle chose plus a cueur que de reunyr toutz voz subjectz +en bonne amytie, et esgallement trestoutz les conserver; et qu'en ce +que leur aviez ottroye de nouveau y avoit tant de quoy se contanter +pour l'exercisse de leur religion, pour l'accommodement de leurs +afferes, et pour la seurete de leurs personnes, sans aparance aulcune +de deffiance a jamais, que vous ne pensiez qu'ilz se peussent tant +oublyer qu'aussitost que messieurs de Biron et de Malassize le leur +auront faict entendre, qu'ilz ne l'acceptent; qui sont deux de vostre +conseil que Vostre Majeste a renvoye devers eulx pour en scavoir la +resolution; et que faisant, de rechef, ung bien expres office de +mercyement envers elle pour la bonne affection qu'elle a monstre avoir +a la paciffication de vostre royaulme, je la requisse, de vostre part, +de deux choses, lesquelles elle estoit tenue de vous accorder: la +premiere, que, si par ces grandes et plus que raysonnables offres, il +advenoyt qu'il ne fut besoing que Vostre Majeste lui donnast la peyne +de se travailler a les leur fere recepvoir, ains que d'eulx mesmes ilz +se disposent d'humblement les accepter, qu'il luy playse neantmoins +vous garder bien entiere ceste sienne bonne vollonte, laquelle, ou +soit que vous ayez la paix, ou qu'il vous faille continuer la guerre, +vous l'estimerez tres utille, ainsy que l'avez toutjour estimee tres +honnorable pour vous; la seconde, que, s'ilz estoient si obstinez +qu'ilz ne s'en vollussent aulcunement contanter, ains vollussent +perseverer en leur viollente entreprinse, qu'elle veuille ainsy juger +d'eulx comme de gens qui aspirent, et neantmoins sont bien loing +d'abattre l'authorite de leur Roy et prince naturel; et qu'elle les +veuille tout aussitost declairer non seulement indignes de sa faveur +et protection, mais tres dignes qu'ilz soyent poursuyviz et reprimez +par les justes armes et d'elle et de toutz les honnorables princes qui +vivent aujourd'huy au monde. + +La dicte Dame, d'ung visaige fort joyeulx et contant, apres plusieurs +mercyemens de la privee communication, que luy faisiez de voz afferes, +m'a dict que les choses, a ce qu'elle voyoit, estoient en meilleurs +termes qu'on ne le luy avoit dict, et qu'elle desiroit toutjour que la +fin s'en ensuyvyst sellon le bien et repos de vostre royaulme; et +qu'elle pensoit bien qu'il pouvoit y avoir des considerations que, +possible, Vostre Majeste estimoit toucher et a sa reputation, et au +debvoir de ses subjectz, qu'ilz acceptassent d'eulx mesmes vos offres, +sans y estre induictz par la persuasion de nul autre prince, ce +qu'elle sera tres ayse qu'il puisse ainsy advenir; mais si, +d'advanture, il y intervient aulcune difficulte, qu'elle vous +reservera toutjour ceste vollonte et affection qu'elle vous a offerte +pour s'y employer a toutes les heures, que vous cognoistrez qu'il en +sera besoing, avec aultant de desir de vous y conserver les +avantaiges, qui vous sont deuz, comme si elle avoit l'honneur que vous +fussiez son propre filz. + +Sur lequel propos je l'ay layssee asses discourir, et estant peu a peu +venue d'elle mesmes a parler de la bonne affection que vous monstrez +luy porter, j'ay suyvy a luy dire que c'est ce qui vous faisoit plus +de mal au cueur, qu'estant vostre delliberation de perseverer +constantment en son amytie, vous ne pouviez toutesfoys estre jamais +bien ouy d'elle sur les afferes de la Royne d'Escoce, et que vous +vouliez bien dire que c'estoit, par grand force et a vostre tres grand +regrect, que vous estiez contrainct d'avoir la dessus differant avec +elle, et que vous estiez hors de toute coulpe de l'alteration qui en +pourroit venir entre vous, et des maulx qui s'en pourroient ensuyvre +au monde; qu'ayant Vostre Majeste, despuys l'aultre foys que j'avois +parle a la dicte Dame, entendu ce qui avoit succede en Escoce, vous me +commandiez de luy dire que, desormais, vous aviez, de vostre part, +satisfaict a toutz les debvoirs et paysibles offices, en quoy vous +pouviez estre oblige envers son amytie; d'avoir premierement exorte la +Royne d'Escoce de luy donner tout le contantement d'elle et toute la +satisfaction sur ses afferes, et luy reparer, a son pouvoir, toutes +les afferes qu'elle luy pourroit redemander; et puys a elle, de +vouloir condescendre a telles raysonnables condicions envers la dicte +Dame, pour sa liberte et restitution, comme elle mesmes pourroit juger +estre honorables, advantaigeuses et bien seures pour elle et pour sa +couronne, non toutesfoys esloignees de l'honnestete et moderation qui +doibt estre gardee entre telles princesses, avec offre que vous les +feriez accomplyr; dont estimiez que, non seulement il vous estoit +meintennant faict tort d'estre rejette et reffuze la dessus, mais +encores grand injure, de ce que, sans respect de voz offres et +remonstrances, elle avoit commence de proceder par la force, de fere +le gast, de brusler, de raser les maysons des gentishommes et use de +toutes voyes d'hostillite dans l'Escoce; que pourtant, oultre ce que +je luy avois dict, par voz lettres du XIIe d'avril, je n'obliasse +rien de ce que je verroys par voz presentes, du IIIIe de may, estre +de vostre intention de prier et exorter la dicte Dame qu'au nom de +vostre commune amytie, et de la paix, alliance et confederation +d'entre Voz Majestez et vos couronnes, elle vollust retirer ses forces +hors du dict pays et n'en y plus envoyer; et que je vous resolusse +promptement de ce qu'en aurez a esperer, et en quelle vollonte je +pouvois cognoistre qu'elle estoit meintennant envers la liberte et +restitution de la Royne d'Escoce, parce que, allantz ses afferes de +mal en piz, vous commandez de cognoistre qu'il vous falloit desormais +prendre les dilays, dont l'on luy usoit, pour manifestes reffuz; et +que vous me tanciez bien fort de quoy je vous avois longuement +entretenu sur les bonnes parolles de la dicte Dame; et qu'en lieu de +la moderation que je vous avois promiz d'elle envers la Royne +d'Escoce, vous voyez qu'il n'avoit succede qu'ung grand commancement +de guerre; que meintennant elle me mettoit encores en une plus grand +peyne commant vous pouvoir satisfaire sur ce que, de nouveau, j'avois +entendu qu'elle avoit envoye deux mille harquebouziers au comte de +Morthon jusques a Lislebourg; en quoy je la prioys de considerer que, +puysqu'elle avoit ainsy baille son secours aulx ennemys de la Royne +d'Escoce, avec lesquelz elle n'a nulle confederation, que vous +estimeriez vous estre beaucoup plus loysible de bailler le vostre aulx +amys de la dicte Dame, laquelle vous estoit tres estroictement alyee; +et que je ne scavois si desja il y avoit des compaignies embarquees, +et que pourtant je luy voulois bien fere, de rechef, la mesmes +instance que dessus de vouloir retirer ses dictes forces affin de ne +vous contraindre d'user de plus grandz, extraordinaires et violantz +remedes, que vous ne vouliez essayer en choses qu'ussiez jamais a +demeller avec elle. + +La dicte Dame, se trouvant en grand perplexite de ce propos, m'a +respondu que, despuys ma precedante audience, elle avoit toutjour +estime que son armee seroit retiree a Barvyc, et me pouvoit jurer que +de ceste segonde entreprinse il n'y avoit que vingt quatre heures +qu'elle en avoit receu l'advis par le comte de Sussex; qui luy mandoit +qu'il avoit este contrainct d'en user ainsy, parce que le duc de +Chastellerault avoit retire les rebelles d'Angleterre, et les avoit +introduictz au propre conseil d'Escoce, et ne luy avoit jamais vollu +fere aulcune bonne responce, ou de les randre, ou de les habandonner; +et que pourtant vous, Sire, ne debviez trouver mauvais qu'elle +poursuyvit par della une entreprinse qui touchoit tant a son honneur. + +Je luy ay toutjour grandement inciste de retirer ses dictes forces, et +qu'au reste elle poursuyvyst la reddition de ses dicts rebelles par +une aultre meilleure sorte de quelque honneste traicte avec la dicte +Royne d'Escoce; sur quoy elle m'a bien dict beaucoup de bonnes +parolles, mais non qu'elle ne l'ayt ainsy lors vollu accorder: de quoy +estant sur l'heure entre en conference avec les seigneurs de son +conseil, avec remonstrance des inconvenians qui s'en pourroit +eusuyvre, j'ay este, le jour apres, contremande de la dicte Dame pour +me trouver de rechef avec eulx; avec lesquelz j'ay enfin arreste les +choses que Vostre Majeste verra par ung memoire a part, lesquelles +m'ont este apres confirmees par la dicte Dame; et Vostre Majeste +aussi, s'il luy playt, les confirmera: et je mettray peyne qu'il en +sorte quelque bon effect, bien que j'entendz, Sire, que, nonobstant +cella, la dicte Dame a ordonne sortir promptement six de ses grandz +navyres, avec douze centz hommes dessus, pour garder la mer; par ce, a +mon adviz, que son ambassadeur l'a certainement advertye qu'il y a des +gens toutz prestz en Bretaigne pour passer en Escoce; et elle +vouldroit bien que ceste demonstration les retint. Sur ce, etc. Ce +XXVIIe jour de may 1570. + + CERTEIN ACCORD FAICT AVEC LA ROYNE D'ANGLETERRE et avec les + seigneurs de son conseille touchant les choses d'Escoce, du dict + jour. + + L'ambassadeur de France a dict a la Royne d'Angleterre que le + Roy, son Maistre, la prie et l'exorte, au nom de leur commune + amytie et de la bonne paix, alliance et confederation, qui est + entre eulx et leurs couronnes, qu'elle veuille retirer ses forces + hors d'Escoce, et n'en y envoyer plus d'aultres; et que le Roy, + son dict Maistre, luy commande de le resouldre promptement en + quoy il en doibt demourer, et en quoy il doibt demeurer de + l'intention qu'il peult cognoistre qu'a meintennant la dicte + Royne d'Angleterre vers la liberte et restitution de la Royne + d'Escoce, parce que, voyant aller les afferes de la dicte Dame + toujours de mal en piz, il commance desormais de prendre les + dilays, qu'on use vers elle, pour manifestes reffuz; + + Et que nul ne doibt trouver estrange, s'il prend ainsy a cueur + ceste matiere; car il y va, d'ung coste, de la conservation de + l'amytie de la dicte Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, qui est + une chose qu'il estime estre de grande consequence pour luy et + d'une grande importance pour son royaulme; et, de l'aultre, de la + protection et deffance de la Royne d'Escoce, sa belle soeur, de + laquelle il n'y a celluy qui ne voye combien il touche a sa + reputation et a l'honneur de sa couronne, et combien il est + abstraint par grandes obligations de nullement l'abandonner. + + Sur quoy la dicte Royne d'Angleterre, ayant faict aucunes + responces sur l'heure au dict ambassadeur, elle luy a, le jour + d'apres, faict dire par les seigneurs de son conseil, et encores + despuys elle mesmes le luy a confirme de sa parolle, que, pour + satisfere au desir du Roy, son bon frere, elle trouve bon qu'il + soit envoye ung gentilhomme de qualite devers le duc de + Chastellerault et devers ces aultres seigneurs Escoucoys, qui + tiennent le party de la Royne d'Escoce, pour leur dire que, s'ilz + veulent rendre les fugitifz d'Angleterre ou bien les habandonner, + ou bien les retenir pour en rendre tel compte, comme sera porte + par le trette qui se fera entre elle et la Royne d'Escoce, + qu'elle est contante de retirer toutes ses forces hors du dict + pays d'Escoce; + + Et, en ce que le dict duc de Chastellerault et les siens, et + pareillement le comte de Morthon et ceulx de son party, se + desarmeront d'ung coste et d'aultre, et que toute hostillite + cessera dans le dict pays et entre les deux royaulmes + d'Angleterre et d'Escoce; + + A la charge aussi que, si le Roy, avant que ces choses soient + acomplyes, avoit de sa part desja envoye ou faict passer de ses + forces en Escoce, la dicte Dame ne veult estre tenue d'observer + ce dessus, sinon que le dict Roy Tres Chrestien les vollut + revoquer, auquel cas elle revoquera pareillement les siens; + + Et que Mr l'evesque de Roz nommera a Me Cecille le gentilhomme + que la Royne, sa Mestresse, vouldra, pour cest effect, envoyer en + Escoce, affin de luy bailler saufconduict, et en donner adviz a + Mr le comte de Sussex, devers lequel il passera, et auquel sieur + comte la dicte Royne d'Angleterre mandera d'acomplyr ceste sienne + intention, aussitost qu'il aura sceu celle du susdict duc de + Chastellerault; + + Et que, par le dict ambassadeur de France et par l'evesque de + Roz, seront baillees au gentilhomme qui yra en Escoce leurs + lettres, servans a l'accomplissement de cest affere. + + Et, quant a la liberte et restitution de la dicte Royne d'Escoce, + la dicte Royne d'Angleterre promect que, aussitost qu'elle aura + receu la responce, que la dicte Royne d'Escoce luy vouldra fere + sur les choses, qui naguieres ont ete trettees par son + ambassadeur, l'evesque de Roz, avec les seigneurs de ce conseil, + qu'elle y procedera avec tant de dilligence qu'elle veult bien + que le Roy Tres Chrestien, son bon frere, demeure juge que plus + dilligentment il n'y pourroit estre procede; et ainsy l'a elle + confirme et asseure au dict sieur ambassadeur, en parolle de + Royne et de princesse chrestienne pleyne de foy et de toute + verite; + + Que, suyvant les choses susdictes le dict ambassadeur escripra au + Roy, son Seigneur, de ne vouloir envoyer de ses forces en Escoce, + ou, s'il y en avoit desja envoye quelques unes, qu'il les veuille + tout incontinent revoquer. + + + + +CXIe DEPESCHE + +--du Ier jour de juing 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._) + + Efforts de l'abbe de Dunfermline pour arreter l'execution du + traite conclu.--Nouvelles d'Ecosse.--Armemens faits en + Angleterre.--Execution des Northon a Londres.--Espoir que le + duc de Norfolk sera bientot rendu a la liberte.--Nouvelles de + la Rochelle et des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, ceulx qui sont promptz de nuyre toutjour a la Royne d'Escoce, +voyantz que la negociation que je faisois pour elle commancoyt de +succeder, se sont esforcez d'introduyre l'abbe de Domfermelin pour m'y +donner empeschement; lequel, n'ayant aporte qu'une simple lettre a la +Royne d'Angleterre pour creance, ni pour toute aultre sienne +instruction qu'ung seul blanc de ceulx qui l'ont envoye, affin d'estre +remply icy par l'adviz de deux de ce conseil, il a vifvement inciste a +la dicte Dame, que, suyvant sa vertueuse delliberation et ses +promesses, elle vollut recepvoir le jeune Roy d'Escoce en sa +protection et le deffandre de la main meurtriere, qui naguieres a +faict mourir le pere, et bientost apres l'oncle; et que meintennant +elle veuille, par son authorite ou par ses forces, fere aprouver les +decrectz qui, durant le gouvernement du dict oncle, ont este faictz, +tant en faveur du dict jeune Roy que pour l'establissement de la +nouvelle religion en son royaulme; et qu'a cest effect elle envoye +reprimer les Amilthons, lesquels s'esforcent d'infirmer deux si bonnes +causes, et sont proprement ceulx qui ont receu ses rebelles; et qu'au +contraire elle haste son secours a ceulx qui soubstiennent l'une et +l'aultre, qui n'ont onques consenty de les recepvoir; et que beaucoup +d'honneur et de reputation a elle, grande seurete a son estat et +couronne, perpetuel establissement en la religion par toute ceste +isle, et ung tres grand proffict et accommodement en toutz ses afferes +s'en ensuyvra, sans que, en l'execution d'une si glorieuse et utille +entreprinse, il s'y voye aulcun dangier, et bien fort peu de +difficulte. Nonobstant lesquelz artiffices, la dicte Dame n'a laysse +de fere confirmer, par le marquis de Norampton et par le comte de +Lestre, a l'evesque de Roz, les mesmes choses qu'elle m'avoit +accordees et qui estoient arrestees entre nous; dont sommes apres a +les effectuer. Et cependant est arrivee la responce de la Royne +d'Escoce, sur les ouvertures que ceulx de ce conseil avoient naguieres +faictes au dict evesque, lequel a demande la dessus audience de la +dicte Royne d'Angleterre, qui ne la luy a reffuzee; et aussitost que +j'auray entendu ce qu'y sera trette, je ne fauldray d'en donner adviz +a Vostre Majeste. + +J'entendz que les Anglois, qu'on a envoyez au comte de Morthon, sont +arrivez a Lislebourg sans aulcun rencontre et qu'ilz se tiennent la +sans fere grandz actes d'hostillite, et que le chasteau de Lislebourg +ne respond rien a la ville, seulement les lairs de Granges et +Ledinthon se tiennent dedans avec quelques aultres Escoucoys, qu'ilz y +ont miz de renfort; que le duc de Chastellerault est a Glasco, avec +bonne troupe des siens, lequel soubstient fermement l'authorite de la +Royne, sa Mestresse; et que les comtes d'Arguil et d'Honteley s'en +sont retournez pour s'establyr de mesmes en leurs quartiers. Quant a +l'aprest des six navyres de ceste Royne, il se continue, et de deux +davantaige, qui sont huict en tout des plus grandz, pour les fere +sortir en mer du premier jour avec deux mil hommes, si ne trouvons +moyen de les arrester; mais j'y feray tout ce qu'il me sera possible. + +Vendredy dernier estantz trois gentishommes de bonne qualite du North, +qui s'apelloient les Northons, condampnez a mort comme coulpables de +la derniere ellevation, ainsy qu'on les tiroit de la Tour pour les +mener au suplice, le secretaire Cecille survint en dilligence, qui fyt +surceoyr l'execution, et parla a eux, et estime l'on qu'il esperoit +trouver en leur derniere deposition quelque veriffication contre la +Royne d'Escoce, et contre le duc de Norfolc, mais ilz n'ont rien dict: +et le lendemain les deux ont este executez. Il semble qu'il se +commance d'ouvrir des expedians pour la liberte du dict duc, auquel +trois de ce conseil sont desja ordonnez pour aller apres demain parler +a luy; et son filz aysne, le comte de Sureth, est arrive despuys huict +jours, qui est venu trouver le comte d'Arondel son grand pere +maternel. Quelcun a bien ose entreprendre d'aposer sur la porte de +l'evesque de Londres une bulle du Pape[6] contre la Royne +d'Angleterre, mais on l'a incontinent ostee, et faict on grand +dilligence de descouvrir d'ou elle est venue; mais pour donner +entendre au peuple que c'est quelque aultre chose, l'on a imprime un +aultre placart. + + [6] Cette bulle, en date du 25 fevrier 1570, declarait Elisabeth + heretique et schismatique, et relevait ses sujets du serment + d'obeissance. La publication qui en fut faite a Londres causa le + supplice de Felton, mis a mort le 8 aout suivant. Elle est + rapportee en entier par CAMDEN, _annee_ 1570. + +L'on commance, despuys ma derniere audience, d'avoir quelque meilleure +esperance de la conclusion de la paix de vostre royaulme qu'on ne +faisoit; et aussi ung certain messagier, qui est naguiere venu de la +Rochelle, semble le confirmer, bien qu'on dict qu'il a este long temps +en mer. Je mettray peyne d'entendre ce qu'on publiera de la depesche +qu'il aporte, et d'une aultre qui est freschement arrivee du comte +Pallatin, pour vous donner adviz de toutes deux par mes premieres. Les +depputez de ceste ville, qui sont revenuz de Flandres, ont este desja +ouys de leur Royne, et puys en son conseil; ilz ont remonstre les +difficultez qui s'offrent encores sur le faict de ces deniers et +merchandises arrestees, et a este remiz de leur fere responce d'icy a +huict jours, a cause des afferes d'Escoce; ce qui me faict juger que, +sellon qu'ilz pourront accommoder les ungs, ilz vouldront reigler les +aultres. Tant y a qu'ilz pensent que, pour le bon succez que le Roy +d'Espaigne commance d'avoir contre les Mores, le duc d'Alve se rend +meintennant plus difficile a cest accord. Sur ce, etc. Ce Ier jour de +juing 1570. + + + + +CXIIe DEPESCHE + +--du Ve jour de juing 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Nycolas de Le Poille._) + + Hesitation du conseil d'Angleterre a assurer l'execution du + traite conclu.--Resolution prise par la reine de le + maintenir.--Audience accordee par Elisabeth a l'eveque de Ross. + + + AU ROI. + +Sire, premier que le comte de Sussex ayt sceu, ou au moins premier +qu'il ayt peu fere scavoir au capitaine Drury a Lislebourg, l'accord +d'entre la Royne d'Angleterre et moy, touchant retirer les Anglois +hors d'Escoce, icelluy Drury avoit desja envoye sommer le duc de +Chastellerault et ceulx de son party, qui estoient au siege de Glasco, +de luy randre les fugitifz d'Angleterre, ou bien de les habandonner, +et surtout de luy donner parolle de ne recepvoir aulcuns estrangiers +dans le pays. A quoy luy estant baille pour responce par le secretaire +Ledinthon, qui eut charge de la luy fere, qu'ilz n'estoient prestz ny +de randre les fugitifz, ny de reffuzer aulcun secours estrangier, +ains, si les Francoys ne venoient bientost que luy mesmes les yroit +queryr, le dict Drury avec ses Anglois, et le comte de Morthon avec un +nombre d'Escoucoys du contraire party, ont marche jusques au dict +Glasco, la, ou ne les ayant le dict duc attanduz, ilz ont estime +qu'ilz pourroient executer d'aultres plus grandes entreprinses, s'ilz +passoient plus avant vers Dombertran. Mais estant, sur ce poinct, +arrive au dict de Sussex l'advertissement de l'accord, il l'a +incontinent envoye notiffier au dict Drury, affin d'arrester son +progres; et neantmoins parce que, par une depesche du mesme jour, il a +escrit a sa Mestresse que les siens avoient commance de bien fere a +Glasco, et que despuys ilz s'estoient acheminez a Dombertrand, et +qu'en mesmes temps ce que je vous ay mande, Sire, de la bulle du Pape +estoit advenu, et aussi que de France l'on mandoit y avoir plus grande +aparance de guerre que de paix, la dicte Dame a cuyde delaysser toutz +nos bons propos d'accord pour retourner a celluy, qu'elle avoit +auparavant, de continuer la guerre en Escoce; mais j'avois desja sa +promesse si expresse du contraire, et le fondement avoit este miz si +bon aulx bonnes delliberations; que les mauvais n'ont peu, pour ce +coup, remettre sur les mauvaises, dont avons tant faict qu'il a este +resolument escript au dict de Sussex d'acomplyr icelluy accord, quant +de l'aultre coste l'on l'accomplyra. Bien luy a este mande qu'il ayt a +entretenir toutjours ses troupes en estat de la frontiere, de peur de +la descente des Francoys, comme de mesmes a este ordonne icy que, +pour encores, les grandz navyres ne partent point, mais que, pour la +mesmes peur du passaige des Francoys, l'on les tiegne toutz prestz a +la voyle; et les seigneurs de ce conseil ont mande a l'evesque de Roz +et a moy qu'on avoit desja bien advance de satisfere de leur part aulx +choses promises, et qu'a nous touchoit meintennant de dilligenter +l'execution du surplus. + +Cependant le dict evesque a este admiz a la presance de la dicte Dame, +laquelle toutesfoys ne l'a receu sinon ceremonieusement et asses +severement, en presence de ceulx de son conseil, a cause des +souspecons auparavant conceues contre luy; mais apres qu'en se +purgeant fort honnorablement, il a heu tout librement confesse qu'il +avoit une seule foys, et non plus, ouy ung messaige du comte de +Northomberland, qui luy offroit de mettre la Royne sa Mestresse en +liberte, et de la ramener en son royaulme, pourveu qu'on luy fornyst +de l'argent, auquel il avoit respondu que sa Mestresse ne vouloit +partir d'Angleterre sans le gre et bonne grace de la Royne sa bonne +soeur, ny elle n'avoit point d'argent pour luy envoyer; et qu'il a eu +offert qu'au cas qu'il se peult jamais veriffier nulle aultre pratique +contre luy avec ceulx du North, qu'il renoncoyt a toutz ses privileges +d'ambassadeur, d'evesque, et d'estrangier, et de son saufconduict, +pour se soubzmettre aulx extremes punitions des plus rigoureuses loix +de ce royaulme, la dicte Dame a monstre qu'elle en demeuroit +satisfaicte; et l'ayant tire a part, a receu fort humainement de ses +mains les lettres que la Royne d'Escoce luy escripvoit, et a commance +de tretter priveement et fort familierement sur icelles avec luy, de +sorte que, se raportant ceste negociation aulx miennes trois +precedantes, ung chacun juge que la chose s'en va si bien acheminee, +qu'il s'en peult esperer ung asses prochain et asses bon succez. + +Je mettray peyne, Sire, de vous expeciffier par mes premieres les +poinctz et particullaritez ou l'on en est meintennant, et adjouxteray +seulement icy que les seigneurs du dict conseil sont en ceste ville +pour adviser de quelque expediant avecques les marchantz, touchant +l'accommodement des differandz des Pays Bas; et aussi pour veoir comme +il faudra proceder sur le faict de la bulle du Pape, ayant este +l'adviz d'aulcuns qu'on debvoit purger et examiner par serement la +dessus les principaulx Catholiques de ce royaulme, et proceder tout +incontinent contre ceulx qui se trouveront ou coulpables, ou attainctz +du faict, par la rigueur des loix mareschalles[7], qui portent +condempnation de mort sans figure de proces; mais j'entendz que la +prudence de la dicte Dame ne leur a acquiesce, laquelle ne s'est +vollue esloigner des conseilz des moderez, qui la persuadent de +n'offancer les Catholiques qui luy sont obeyssantz. Sur ce, etc. + + Ce Ve jour de juing 1570. + + [7] C'est-a-dire, les _lois martiales_. Voyez DU CANGE au mot + _Marescalcialis_, tom. IV, col. 543. + + + + +CXIIIe DEPESCHE + +--du XIe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Vassal._) + + L'Eveque de Ross mis en entiere liberte.--Negociation pour le + retablissement de Marie Stuart; conditions proposees par + Elisabeth.--Espoir de l'ambassadeur que le traite pourra se + conclure prochainement, et demande d'instruction a ce + sujet.--Meme espoir que la liberte sera bientot rendue au duc + de Norfolk; chefs d'accusation sur lesquels il a ete tenu de + s'expliquer.--Affaires des Pays-Bas; grand armement fait en + Angleterre, ou l'on craint une entreprise de la part du duc + d'Albe.--_Memoire._ Conditions que l'on dit etre offertes par + la reine de Navarre pour la pacification de France.--Affaires + d'Ecosse.--Etat de la negociation dans les + Pays-Bas.--Sollicitations faites aupres d'Elisabeth pour + obtenir la liberte du duc de Norfolk.--_Memoire secret._ + Details circonstancies de toutes les discussions qui ont + determine le conseil d'Angleterre a se declarer pour le + maintien de la paix avec la France.--Intrigue de ceux du parti + contraire, afin d'empecher cette decision. + + + AU ROY. + +Sire, pour s'aquitter la Royne d'Angleterre de la parolle, qu'elle +m'avoit donnee, qu'aussitost qu'elle auroit receu une responce, +qu'elle attandoit de la Royne d'Escoce, elle procederoit au faict de +sa restitution avec tant de dilligence, que Vostre Majeste jugeroit +qu'avec plus grande ne se pourroit fere, elle a desja fort amplement +traitte, avec Mr l'evesque de Roz, des moyens et expedians qu'elle +veult estre suyviz en cella, et des seuretez et condicions qu'elle +desire luy estre gardees. A quoy le sieur evesque ne luy a contradict +en rien, ny ne luy a rien reffuze; mais luy ayant monstre les choses +qui en cella se pourroient trouver facilles ou difficiles, elle a +monstre de ne se restraindre tant aulx plus difficiles, qu'elle ne se +veuille bien accommoder a celles qui seront en la puyssance de la +Royne d'Escoce d'acomplyr; et ainsy elle a ottroye au dict sieur +evesque sa pleyne liberte, avec licence d'aller conferer librement +avec sa Mestresse; lequel desja l'est allee trouver, et a emporte ung +bien ample saufconduict pour envoyer les sires de Leviston ou de +Bethon en Escoce, affin d'executer ce qui a este arreste, entre la +dicte Dame et moy, de retirer les siens hors du pays. + +J'estime, Sire, que le dict evesque de Roz aura escript toute sa +derniere negociation a Mr l'archevesque de Glasco pour la fere +entendre a Vostre Majeste, qui sera cause que je ne vous toucheray icy +les particularitez d'icelle sinon en ce qu'il a semble que la dicte +Dame vouloit fort incister d'avoir le Prince d'Escoce en ses mains; et +qu'il fut envoye par Vostre Majeste aulcuns des parans de la Royne +d'Escoce a estre icy quelque temps ostaiges, pour l'observance des +choses qui seront promises; et que la ligue se conclut offancive et +deffancive entre l'Angleterre et l'Escoce. Mais j'espere, Sire, +qu'elle se contantera a moins; et affin que aulcune longueur n'y +puysse venir de nostre coste, le dict sieur evesque m'a tres +expressement requis de suplier tres humblement Vostre Majeste qu'il +vous playse m'envoyer, par ce mesme gentilhomme present porteur, ung +pouvoir ample pour assister en vostre nom au traitte qui se fera; +lequel, pendant que les choses se monstrent en asses bonne +disposition, il estime estre tres necessaire de conclurre sans delay, +ou aultrement il y courra ung manifeste dangier d'en perdre pour +jamais l'occasion. Mais, par mesme moyen, il sera vostre bon playsir, +Sire, de m'envoyer une particuliere instruction des poinctz ou vous +desirez que cest affere se reduise pour vostre service, affin que +vostre intention soit (s'il m'est possible) toute la regle de ce qui +s'y fera. + +Les afferes du duc de Norfolc semblent prendre ung mesme acheminement +que ceulx de la Royne d'Escoce, car la Royne, sa Mestresse, a enfin +envoye deux de son conseil parler a luy, qui ne luy ont touche que +cinq poinctz; scavoir: celluy de son mariage avec la Royne d'Escoce, +comme est ce qu'il l'avoit oze pratiquer sans le sceu de sa Mestresse; +celluy d'une lettre qu'il avoit escripte au comte de Mora, ou il +disoit avoir passe si avant au mariage qu'il ne pouvoit avec son +honneur et conscience s'en retirer; le troizieme, s'il ne s'en vouloit +point despartyr maintennant, sans jamais y entendre, sinon avec le +conge de la dicte Royne sa Mestresse; le quatriesme estoit de la +religion, comme souffroit il que toutz ses principaulx officiers et +serviteurs fussent ou declairez ou suspectz Catholiques; et le +cinquiesme, quelle seurte vouloit il donner a la Royne sa Mestresse de +luy demeurer a jamais fidelle et obeyssant subject et serviteur. A +toutes lesquelles choses j'entendz qu'il a si bien et sagement +respondu que la dicte Dame en est asses satisfaicte; et s'espere qu'il +sera remiz, du premier jour, en sa mayson de ceste ville, mais encores +soubz quelque garde, pour quelques jours. + +L'esperance de la paix de vostre royaulme ayde grandement a +l'advancement des afferes de l'ung et de l'aultre, et estime l'on que, +succedant icelle, tout yra bien pour eulx; mais aussi, si elle ne se +conclud, aulcuns ont opinion que cecy n'aura este qu'une aparance pour +pouvoir passer l'este sans trouble, et qu'ilz tremperont encores cest +yver en leurs accoustumees prysons. + +J'entendz que le duc d'Alve mene ceulx cy d'ung grand artiffice sur +l'accord de leurs differantz; car, d'ung coste, il les brave bien +fort, et les adoulcit encores plus de l'aultre, et leur donne de +grandes esperances de la bonne affection que son Maistre a +d'accommoder, mieulx que jamais, leur trafficqz en toutz ses pays; +bien que, entendant la Royne d'Angleterre qu'aulcuns de ses fugitifz +sont passez devers le dict duc, et d'aultres sont allez en Espaigne, +et qu'on leve maintennant des gens de guerre en Flandres, elle +souspeconne que c'est plustost contre elle que pour la reception de la +Royne d'Espaigne, comme l'on en faict le semblant; et, a ceste cause, +elle a commande de mettre encores en ordre quatorze de ses grandz +navyres, oultre ceulx qui sont desja pretz. Sur ce, etc. + + Ce XIe jour de juing 1570. + + INSTRUCTION AU SR DE VASSAL de ce qu'il fault fere entendre a + Leurs Majestez, oultre le contenu des lettres: + + Qu'apres que la Royne de Navarre, en apvril dernier, eust expedie + devers le Roy les Srs de Telligny et de Beauvoys, lorsqu'ilz + venoient du camp des Princes, et avec eux le Sr de La Chassetiere + pour adjoinct, elle fit une depesche par deca, laquelle a este si + longtemps sur mer, qu'elle n'est arrivee que despuys huict ou dix + jours: et par icelle semble qu'on ayt cogneu que la dicte Dame + inclinoit a la paix; + + Et que par le dict La Chassetiere elle ayt faict dire a part au + Roy et a la Royne qu'il ne tiendroit a elle que la dicte paix ne + se fit, et qu'elle suplioit Leurs Majestez de vouloir ottroyer a + ceulx de la nouvelle religion l'eedict de l'an LXVII, qu'ilz + apellent l'eedict de Chartres, et encores ung presche davantaige + en la prevoste de Paris, et qu'avec cella elle s'esforceroit de + les fere contanter et de conclurre la dicte paix; + + Qu'aulcuns icy ont este bien ayses de ceste disposition de la + dicte Dame, comme advenue contre leur esperance, car pensoient + que les ministres la tiendroient la plus destornee de ce desir + qu'ilz pourroient. Aultres ont estime qu'elle s'est trop hastee + de parler d'icelluy eedict de Chartres, lequel ilz disent estre + fort dangereux et de nulle seurete; et qu'il eust toutjours este + asses a temps de le requerir, car les menees de court ne + permettent qu'on accorde jamais les choses ainsy qu'on les + demande; ou bien attendre que le Roy l'eust offert de luy mesmes, + et que eulx l'eussent lors tout librement et avec humilite receu + de la pure concession et ottroy de Sa Majeste; + + Que despuys, ne venant de France sinon toutjours nouvelles de + continuation de guerre, et comme le Roy reffuzoit de rendre les + offices et benefices a ceulx de la dicte religion, et de ne payer + leurs reytres, Mr le cardinal de Chastillon, desesperant assez, + pour ceste cause, de la paix, a sollicite plus vifvement que + jamais les choses qui pouvoient servyr a se maintenir et a + maintenir ceulx de son party en reputation par deca, et a se + procurer toutjours nouveaulx credictz en Allemaigne. + + A quoy semble que l'ayt davantaige confirme de fere la venue + d'ung aultre messagier, qui a este depesche de la Rochelle apres + le retour des depputez; lequel a aporte une forme d'articles, + lesquelz a la verite je n'ay pas veuz, mais l'on m'a dict qu'ilz + contiennent que le Roy ottroye pour seurete a ceulx de la + nouvelle religion la Rochelle, Sanxerre et Montauban, plus vingt + quatre villes pour leur exercisse, lesquelles il nommera apres la + confection de la paix; que les haultz justiciers pourront fere + prescher pour eulx, leurs subjectz, et ceulx qui y pourront + assister; les gentishommes, qui ont moyenne justice, auront aussi + presche pour eulx et leur famille seulement; que la vendition des + biens eclesiastiques faicte par les Princes sera cassee; les + offices de ceulx de la dicte religion demeureront vanduz; et que + les Princes payeront et renvoyeront leurs reytres; et m'a l'on + dict que desja l'on a envoye les dicts articles en Allemaigne + avec des additions au marge, qui contiennent les raysons pourqnoy + on ne les peult ainsy accepter. + + Ung Allemand, qui naguieres est arrive de la part du comte + Pallatin pour donner compte a la Royne d'Angleterre de l'estat + des choses de dela, nommeement de ce qui se presume de la diette + et des nopces du prince Cazimir son filz, dict que, parce que les + levees du Roy en Allemaigne ne passent en avant, celles des + aultres demeurent aussi en suspens, mais qu'au reste elles se + tiennent prestes pour le besoing, et que le prince d'Orange s'est + retire pour quelques jours en l'estat d'une sienne parente, + attandant les nopces du dict Cazimir, auxquelles il espere de + pouvoir radresser ses afferes; et que Mr de Lizy ayant passe par + Helderberc, ou il a sejourne ung jour ou deux, apres avoir heu + quelque petite conferance avec le dict Sr Pallatin, a prins le + chemin de Geneve avec une troupe de gentishommes Francoys qui + vont trouver le camp des Princes. + + Desquelles apparances de guerre, parce que ceulx cy voyent + qu'elles ne font poinct cesser les propos qui se menent de la + paix, et qu'il se trouve encores des difficultez sur l'accord des + differandz des Pays Bas, ilz deviennent assez irresoluz comme + debvoir proceder ez choses d'Escoce, et craignent bien fort que, + de les poursuyvre davantaige, la paix de France et la victoire du + Roy d'Espaigne sur les Mores[8] ne se convertissent en une guerre + sur eulx; ce qui les faict plus vollontiers incliner aulx + remonstrances que je leur fays la dessus. Et encores que le temps + et l'ocasion pressent bien fort de pourvoir aulx afferes + d'Escoce, ou aultrement ilz vont incliner a la part des Anglois, + sans que les Anglois y facent plus grand effort, le mesme temps + et la mesme ocasion neantmoins semblent se monstrer bien a propos + au Roy pour pouvoir meintennant conserver, sans grand coust et + quasi par moyens paysibles, ce que sa couronne a heu toutjour + d'alliance et d'authorite au dict pays; et croy que mal ayseement + une aultre foys y pourra il, sans viollance et possible sans une + grande guerre et a grandz fraiz et difficulte, y remedier. + + [8] Cette victoire se rapporte aux avantages obtenus par don Juan + sur les Maures d'Espagne, qui s'etaient souleves en 1569. Il + s'agit plus particulierement ici, soit du combat devant Finix, + qui entraina le pillage de la ville (fin avril 1570), soit du + combat livre dans les montagnes de Baza et de Filabres dans les + premiers jours de mai 1570. Ces victoires furent immediatement + suivies d'un traite conclu ayec Abaqui, l'un des principaux chefs + des revoltes, qui se rendit aupres de Don Juan, le 19 mai, et fit + le lendemain sa soumission solennelle. Cependant la guerre + continua quelque temps encore, par suite de la resistance + d'Aben-Aboo, qui s'etait fait proclamer roi d'Andalousie, sous le + nom de Muley-Abdala; elle ne finit qu'au mois de novembre + suivant, apres qu'Aben-Aboo eut ete tue par Seniz, autre chef des + Mores. + + Les souspecons ne sont legiers a ceulx cy, du coste du Roy + d'Espaigne, parce que deux des principaulx hommes d'Irlande sont + allez a recours a luy, et luy sont allez offrir accez, entree et + obeyssance pour la protection de la religion catholique en leur + pays; et pareillement aulcuns des principaulx fugitifz Anglois, + qui s'estoient retirez en Escoce, sont passez devers le duc + d'Alve. A l'ocasion de quoy, le comte de Lestre a, despuys dix + jours, faict fere une plaincte a Mr l'ambassadeur d'Espaigne de ce + qu'on recepvoit les rebelles de ce royaulme en Flandres; et il a + respondu qu'il n'en scavoit rien, mais qu'il ne fesoit double + qu'ilz ne fussent bien receuz ez terres du Roy Catholique, + puysqu'ilz estaient chassez pour estre Catholiques, mais que ce ne + seroit pour y mener rien par armes contre la Royne d'Angleterre. + + Or, en ce qui concerne les differandz des Pays Bas, il a este bien + pres d'y mettre ung bon accord, car le duc d'Alve en a faict + toutes les demonstrations du monde; et en mesme temps est advenu + par des intelligences, que la Royne d'Angleterre a en Flandres, + qu'on luy a faict veoir la coppie d'une lettre que le Roy + d'Espaigne escripvoit au dict duc, par laquelle il luy mandoit de + regaigner, par toutz les moyens qu'il pourroit, l'amytie de la + Royne d'Angleterre et des Anglois; dont ilz estiment que la + difficulte, qu'il sentoit lors en la guerre des Mores, le faisoit + parler ainsy, et qu'a ceste heure ayant quelque bon succez en + icelle, il se veult tenir plus ferme sur la restitution des + prinses. + + Sur laquelle restitution icelluy duc, a l'arrivee des dicts + commissaires, leur a dict que la demande, qu'ilz estoient venuz + fere des biens des Anglois, estoit tres raysonnable; mais que + celle des subjectz du Roy, son Maistre, qui demandoient + pareillement d'avoir les leurs, n'avoit moins de rayson, et qu'il + failloit venir a une mutuelle satisfaction des deux costez. Et + neantmoins, s'estant puys apres laisse aller a des expediantz qui + revenoient asses a son proffict, et qui donnoient grand esperance + d'ung accord, il s'en est despuys desparty par ung adviz, qu'on + luy a envoye de deca, d'ung aultre proffict plus grand d'envyron + cent cinquante mil escuz, s'il retient les biens des Anglois; + lesquelz biens il a desja, pour ceste ocasion, faictz remettre de + nouveau soubz sa main, ou bien les deniers qui sont provenuz de la + vante d'iceulx; et meintennant l'on est apres a fere quelque + evaluation des ungs et des aultres, pour veoir si l'on pourra + venir a quelque compensation. + + Ceulx qui ont este les plus contraires a la Royne d'Escoce et a + ses afferes commancent, a ceste heure, de se fere de feste et de + luy promettre toute faveur et secours; et le mesmes est du duc de + Norfolc, car ceulx qui ont este ses plus mortelz ennemys se + gettent a genoulx devant la Royne, leur Mestresse, pour la suplier + pour luy; et bien qu'en cella y puisse avoir de la simulation, + pour plustost prolonger que pour desir d'ayder ses afferes, ilz + semblent neantmoins estre resduictz a ung poinct que, si quelque + nouveau accidant ou quelque grand malheur ne survient, ilz seront + pour estre bientost accommodez. + + AULTRE INSTRUCTION A PART: + + Que ce qui plus me fait incister icy aulx choses d'Escoce, et en + solliciter pareillement Leurs Tres Chrestiennes Majestez, est + qu'il ne peult revenir que a une merveilleuse diminution de leur + estime et grandeur, de se laysser ainsy arracher comme par force + la Royne d'Escoce et les Escoucoys de leur protection; et de + souffrir que la Royne d'Angleterre leur emporte de leur temps + ceste alliance, qui a este conservee huict centz ans a la + couronne de France, et laquelle asses souvant luy a este tres + utille, et quelquefoys bien fort necessaire. + + Et je considere que, de s'y opposer meintennant par Leurs + Majestez, ce n'est les mettre en nouvelle guerre, ains plustost + divertir celle qui leur pourroit venir d'icy; ny mettre le Roy en + grandz frays de ses deniers, ains empescher que les Anglois + n'envoyent les leurs en Allemaigne contre luy; ny l'attacher a de + grandes difficultez, car la seule demonstration de vouloir + envoyer mille harquebouziers en Escoce, ou le passaige d'iceulx + seulement, rendra ceste entreprinse achevee sans aulcunement + venir aulx mains, de tant qu'ung chacun juge que la Royne + d'Angleterre ne les sentyra sitost joinctz aulx Escoucoys + partisans pour leur Royne, lesquels a present sont les plus + fortz, qu'elle ne viegne a telle composition qu'on vouldra; et + si, ne demeurera que plus ferme en la paix, joinct que je n'ay + faict ceste instance, sinon apres que, par la conferance de ceulx + qui entendent bien l'estat de ce royaulme, j'ay comprins que + c'estoit jouer a boule veue. + + Et puys, je voy que ceulx qui ont persevere jusques icy en + l'affection du Roy, s'ilz ne sont entretenuz de quelque bon + espoir, voyre de quelque demonstration de son present secours, + comme de celluy seul entre les princes chrestiens, qui justement + et legitimement peult mouvoir ses armes en ceste cause, ilz se + vont sans aulcun doubte jetter ez braz du Roy d'Espaigne, et bien + que ce ne soit aultant de droict, comme ez braz du Roy, ilz ont + neantmoins desja leurs messagiers devers luy, et a ceulx la est + desja faicte promesse de secours; mesme le duc d'Alve leur donne + entendre qu'il est si prest qu'il ne reste sinon que la Royne + d'Escoce envoye son pouvoir et consantement pour l'acepter. + + Et de ce, la dicte Dame a naguieres receu ses lettres ou bien + celles de son Maistre, car je ne scay encores duquel des deux; + tant y a qu'on l'asseure fort que, en toutes sortes, elle sera + assistee et aydee a sa restitution par le Roy Catholique, lequel + cependant l'exorte de se reserver libre de son mariage, et de ne + s'obliger a nul, sinon avec l'adviz et bon conseil qu'il luy en + donnera. + + Neantmoins commanceans les afferes d'Escoce de s'acheminer par la + gracieuse voye de la negociation, que Leurs Majestez m'ont + commande de fere, j'espere qu'elles succederont assez sellon leur + desir, sans y fere aultre effort ny despence; mais a toutes + advantures, parce que la malice des ennemys, et la faulte de + cueur des amys, et la jalouzie de ceste Royne contre sa cousine + sont choses que j'ay toutjour fort suspectes, je desire que Leurs + Majestez voyent a clair quel a este et quel est le cours de ceste + affere, affin qu'ilz puyssent juger quant, et commant, et en + quelle sorte il y pourra fere bon. + + Apres que j'ay heu, par deux foys, resoluement declairee a la + Royne d'Angleterre qu'elle ne pouvoit, sans contravention des + trettez, envoyer ses forces en Escoce, et que pourtant elle + debvoit accepter les honnestes condicions et offres que la Royne + d'Escoce luy faisoit, par le moyen desquelles elle obtiendroit, + mieulx que par la force et sans aulcune despence, ce qu'elle + pretandoit, et si, auroit conserve l'amytie du Roy, la dicte Dame + a demeure quelques jours fort incertaine comme elle en uzeroit; + dont aulcuns des siens, craignantz le changement de sa + delliberation, ont trouve moyen, il y a envyron quinze jours, de + luy fere signer une lettre au comte de Sussex pour le fere passer + si avant en l'entreprise qu'on ne s'en peult plus retirer. + + De quoy m'ayant este donne adviz, et estant bien informe que la + dicte lettre avoit este substraicte, j'envoyay incontinent + solliciter ceulx, qui avoient bonne affection en ceste cause, de + le fere entendre a la dicte Dame, et de convaincre vers elle + ceulx qui avoient oze entreprendre ung tel faict, et qui la + vouloient, contre toute rayson, mettre en guerre avecques le Roy. + + Ce que ayant bien oportuneement sceu fere, ilz ont si bien irrite + la dicte Dame qu'elle a monstre d'en estre fort courroucee, et + qu'en toutes sortes elle vouloit sortir par quelque aultre + meilleur moyen hors de cest affere; dont, assignant jour a ceulx + de son conseil d'en venir deliberer devant elle, les ungs, pour + rompre le coup, ont trouve bon de s'absenter en ceste ville par + pretexte du terme de la justice, et les aultres, ne pouvant + contradire a cella, y sont venuz aussi pour le mesme pretexte, + mais en effect ce a este pour fere des assemblees separeement + avec les partisans et amys, pour voir comme ilz pourroient, de + chascun coste, advancer leur intention et retarder d'aultant + celle des aultres. + + Et enfin milord Quiper, qui est chef de la partie contraire, + apres avoir bien consulte avecques les siens, avoit, au partir de + ceste ville, delibere de s'en aller en la contree pour allonger + et interrompre la matiere; mais le comte d'Arondel le prevint en + son propre logis, et le somma de se trouver, le IIIe jour apres, + devers la Royne leur Mestresse pour resouldre cestuy et aultres + tres urgentz afferes, "qui ne pouvoient, disoit il, sans mettre + la dicte Dame et son royaume en grand dangier, estre plus + prolongez." + + Icelluy Quiper, en grand collere, luy respondit qu'il ne + deliberoit de retourner en court, qu'il ne fut plus de trois foys + fort expressement appelle, veu que la Royne tenoit si peu de + compte d'observer les choses une foys arrestees, et qu'elle + mesprisoit a ceste heure ses conseilz, et ne recepvoit plus sinon + ceulx qui luy estoient tres dommaigeables, es quelz il ne vouloit + en facon du monde intervenir. + + Le comte repliqua que a la charge qu'il avoit ne convenoit bien + de gouverner ainsy ce royaulme par collere, car c'estoit par + rayson et justice qu'il le debvoit moderer, et qu'il se scauroit + aussi bien courroucer que luy s'il vouloit; mais qu'il prevoyoit + ung si grand inconveniant d'une generalle sublevation en ce + royaulme et de tant de guerres avecques les estrangiers, qu'il ne + pouvoit pour son debvoir differer plus longtemps d'en avertyr sa + Mestresse, et qu'il falloit que luy, comme son premier + conseiller, s'y trouvast present pour en delliberer, ce que, s'il + reffuzoit de fere, qu'il fut asseure qu'il luy seroit reproche; + et que, absent ou presant, il ne lairroit de bien chanter les + vespres au secretaire Cecille, car ce n'estoit que d'eulx deux + que procedoit le retardement de toutz les afferes de ce royaume. + Cella fut lors cause que le dict Quiper s'estant ung peu remiz, + et estant le propos venu a plus gracieulx termes entre eulx, ilz + se promirent l'ung a l'aultre de se trouver, le cinquiesme jour + apres, a Amptoncourt. + + Pendant laquelle assignation, le secretaire Cecille fit tout ce + qu'il peult pour destourner la dicte Dame de son bon propos, et + luy oza bien dire asses licentieusement, present le comte de + Lestre, qu'elle s'en alloit habandonnee de ses meilleurs + serviteurs, puysqu'elle se vouloit ainsy precipiter d'elle mesmes + en ung manifeste et trop certain peril de sa propre personne et + estat par la restitution et dellivrance de la Royne d'Escose. + + A quoy, en collere, elle luy demanda comme il cognoissoit cella, + car jusques a ceste heure, elle n'avoit ouy nulle rayson de luy + la dessus qui ne fut playne de passion et de hayne, et comme il + ne respondoit rien, le comte de Lestre dict: "Voyez, Madame, quel + homme est le secretaire, car se trouvant hier avec nous tous a + Londres, il asseura qu'il vous donroit conseil de restituer la + Royne d'Escoce, et meintennant il parle en toute aultre + facon."--"Ainsy, respondit elle, me raporte il plusieurs choses + asses souvant de vostre part, qui puys apres est tout le + contraire. Quoyqu'il y ayt, maistre Secretary, dict elle, je + veulx sortyr hors de cest affere et entendre a ce que le Roy me + mande, et ne m'en arrester plus a vous aultres freres en Christ." + + Sur cella, m'estant arrivee la depesche du Roy du IIIIe de may, + il a este le plus a propos du monde que j'aye faict ceste + troisieme recharge, du XXIIe du dict moys, a la dicte Dame, comme + je luy ay desja mande, par laquelle voyantz les adversayres + qu'elle se layssoit conduyre a la rayson, et que desja elle + m'accordoit de retirer ses forces hors d'Escoce et de proceder a + la restitution de la Royne sa cousine; apres que j'en ay heu + aussi parle au conseil, ilz ont prepare l'ung d'entre eulx pour + venir, en presence des aultres, tenir le merveilleux et bien + insolant propos qui s'ensuyt; + + C'est de dire a la dicte Dame "qu'elle estoit estrangement pipee + et trompee en ceste affere, car il estoit desormais trop clair + que ceulx, de qui elle commancoyt de suyvre le conseil, estoient + toutz gens partiaulx et bandez contre elle en faveur de la Royne + d'Escoce, et qu'il n'y avoit rien plus aparant et vraysemblable; + que les propos de moy ambassadeur estoient emprumptez, ou de Mr + le cardinal de Lorrayne qui m'avoit mande d'ainsy parler, ou de + la Royne d'Escoce qui m'en avoit prie; et que, veu les afferes + que le Roy avoit chez luy, il n'estoit pour mander et encores + moins pour fere ce que je disoys; et que desja l'on avoit passe + si avant aulx choses d'Escoce qu'il n'estoit plus temps de s'en + retirer, ny la dicte Dame ne pourroit desormais, sans dangier et + sans perdre trop de reputation, rappeller ses forces de + Lislebourg; mais que, si elle poursuyvoit son entreprinse, il + estoit trop evidant que l'Escoce s'en alloit conquise, et les + Escoucoys toutz renduz ses subjectz et tributaires, et son + authorite establye au dict pays, et sa religion a jamais + confirmee par toute l'isle; + + "Que ce qu'il disoit estoit ung bon et droict conseil, et ce + qu'on alleguoit au contraire estoit tout faulx et suspect, et + qu'il vouloit mourir pour une si digne querelle, laquelle + convenoit a la grandeur et dignite de la couronne d'Angleterre, + non de se mouvoir ainsy ny de changer de deliberation pour les + parolles d'un ambassadeur, comme il sembloit que la dicte Dame + vouloit fere, et que le Roy, Henry VIIIe, n'eust pas lasche + prinse, ainsy que honteusement et miserablement l'on le + conseilloit a elle de le fere; et qu'il offrait, au cas que, pour + l'amour de la Royne d'Escoce, les Francoys passassent de deca, + que luy mesmes luy yroit trancher la teste, s'il playsoit a la + Royne luy en bailler la commission, s'atachant particullierement + au comte de Lestre comme pour le taxer qu'il ne se monstroit + fidelle en cest endroict a sa Mestresse." + + Le comte luy a respondu "que ces propos estoient d'ung homme + indigne d'estre au conseil de la Royne, et que, de sa part, il + l'avoit conseillee droictement sellon conscience et honneur, et + sellon qu'il estoit dellibere de vivre et mourir en l'opinion + qu'il luy avoit donnee, et mesmes a maintenir, contre quiconques + vouldroit dire le contraire, qu'il ne luy avoit rien dict qui ne + fut digne d'ung tres bon et tres fidelle conseiller, serviteur et + subject; et puysqu'ilz en venoient la, qu'ilz fissent tout le piz + qu'ilz pourroient de leur coste, et que la dicte Dame regardat + quel party elle vouldroit prandre, car luy et plusieurs aultres + estoient resoluz de perseverer a jamais en leur deliberation." + + La dicte Dame, se trouvant en perplexite, a respondu en collere + au premier qui avoit parle, "que ses conseilz estoient toutjour + semblables a luy mesmes, qui ne luy en avoit jamais donne que de + temerayres et dangereux, et que, tant s'en falloit qu'elle vollut + avoir ung aultre royaulme au pris qu'il disoit de la vie de sa + cousine, qu'elle aymeroit mieulx avoir perdu le sien que de + l'avoir consenty; et qu'il n'entreprint sur sa teste de tenir + jamais plus un tel langaige, et qu'au reste eulx toutz mettoient + ses afferes, et elle, et son estat, en grand dangier, de se + porter ainsy tant contraires et opposans en leurs opinions." + + Sur cella, apres quelque peu de silence, le comte d'Arondel a + commance de dire "que la collere, ny la passion, ny la hayne ou + amytie, qu'on pouvoit avoir a la Royne d'Escoce, ne les debvoit + mouvoir de donner conseilz precipitez ni dangereux a leur + Mestresse, ny de venir a nulle contention entre eulx, ains + proceder en tout par prudence et moderation; et que luy vouloit, + en presence d'elle et de son conseil, librement dire qu'il estoit + trop clair qu'en l'entreprinse d'ayder une partie des Escoucoys + qui estoient desobeyssantz, ou qui avoient quel autre pretexte + que ce fut contre leur Royne Souverayne, ne pouvoit avoir rien + de seurte, ny d'equite, ny de proffict, ny rien aultre chose que + force difficultez, force despences, une tres mauvaise estime des + gens de bien, une grande offance des aultres princes, et une tres + certaine ouverture de plusieurs guerres, que la dicte Dame et son + royaulme n'estoient pour pouvoir soubstenir; + + "Que c'estoit mal juger des parolles miennes, qu'elles fussent + empruntees, car jusques icy l'on les avoit trouvees conformes a + celles du Roy Mon Seigneur, et leur mesmes ambassadeur par ses + lettres les avoit souvant confirmees; et qu'on n'avoit encores + veu, quant ung ambassadeur d'ung si grand prince avoit + resoluement dict _ouy ou non_, qu'il se trouvat puys apres + aultrement; car seroit exemple fort nouveau, qu'ung ambassadeur + se mit en dangier d'estre desadvouhe, et n'en fauldroit plus + envoyer si l'on en venoit la; par ainsy, qu'ayant este mon dire + clair et expres, il n'y avoit point de doubte qu'il ne fut + procede du commandement et de l'intention du Roy Mon Seigneur; + + "Qu'il n'y auroit ny honte, ny dangier, de se retirer de ceste + entreprinse d'Escoce; de honte, parce que cella se feroit sur + l'instance et priere d'ung grand Roy pour conserver la paix et + les trettez, lequel promettoit non seulement de n'attempter rien + de son coste, mais d'accomplir toutes choses a l'advantaige de la + Royne; et encores moins de dangier, car ne seroit mal ayse de + ramener les gens qui estoient a Lislebourg jusques a Barvich, + sans qu'on en perdit pas ung; + + "Que possible le Roy Henry VIIIe n'eust pas vollu lascher prinse, + mais de son temps l'Angleterre estoit en meilleure disposition et + mieulx unye que meintennant, et si l'avoit il merveilleusement + espuysee et ruynee pour les guerres de France; es quelles + toutesfoys il n'avoit jamais oze rien entreprendre qu'il n'eust + ung Empereur pour compaignon, la ou tant s'en failloit qu'on + peult fere meintennant estat du Roy Catholique, son filz, que au + contraire l'on l'avoit bien fort offance, et si enfin les + entreprinses du Roy Henry en France estoient tornees a rien; que + pourtant la dicte Dame advisat de prendre l'expediant qui plus + luy pouvoit admener de paix et de seurte en son royaulme, qui + plus luy pouvoit confirmer l'amytie des aultres princes, et qui + plus pouvoit justiffier la droicture de ses intentions envers + Dieu et les hommes." + + A ceste opinion ayant celluy du conseil, qui est le plus homme de + guerre, adjouxte qu'il se offroit d'aller luy mesmes retirer les + Anglois, qui estoient a Lislebourg, en si bonne sorte que, sans + aulcun dangier et a l'honneur de la Royne, il les reconduyroit + toutz a Barvich, il fut conclud qu'on advertiroit incontinent le + comte de Sussex de l'accord d'entre la dicte Dame et moy, pour + donner ordre qu'on n'eust a fere nulle entreprinse davantaige + dans l'Escoce. + + Mais, le lendemain, survint ung inconveniant qui cuyda tout + gaster, car ayant l'evesque de Roz escript une fort courtoyse + lettre au comte de Lestre pour obtenir de la Royne qu'elle luy + vollut donner audience, affin d'avoir confirmation de sa bouche + des choses que je luy avois dict qu'elle accordoit, pour les + pouvoir, plus seurement escripre; elle ne se peult tenir qu'elle + ne dict au dict comte que la lettre l'arguoit de souspecon, qu'on + luy imposoit, d'avoir trop prins a cueur le party de la Royne + d'Escoce: laquelle parolle le piqua si fort qu'apres s'estre + plainct de ce qu'elle vouloit ainsy tourner l'honnestete de la + lettre a son trop grand prejudice, il luy dict: "qu'il ne luy + avoit jamais donne occasion de penser aultrement de luy que comme + d'ung sien bon conseiller, qui a toutes les obligations du monde + de ne luy estre jamais aultre que son tres obeissant et tres + fidelle serviteur; + + "Que, en ce qu'il luy conseilloit de la Royne d'Escoce, il + croyoit, comme en Dieu, que consistoit tout son repos et sa + principalle seurte, et que de fere le contraire estoit sa ruyne + et destruction, et qu'il ne changerait jamais d'adviz, estant en + elle de suyvre lequel qu'elle vouldroit; mais que, pour ne luy + donner aulcun souspecon de luy, il se privoit desormais fort + vollontiers de n'entrer plus en son conseil." Et ainsy s'en + partit pour lors, et s'en vint a Londres, bien que, incontinent + apres, la dicte Dame luy envoya, et au marquis de Norampton, une + commission pour parler au dict evesque de Roz, affin de luy + confirmer les choses qu'il desiroit, car pour encores elle ne le + vouloit admettre en sa presence; toutesfois cella a este rabille + despuys, et le dict comte mesmes a faict parler le dict evesque a + la dicte Dame. + + Ceste tant grande division de court, laquelle est encores plus + grande dans le royaulme, est cause dont, pour ne laysser + interesser le Roy ny sa couronne d'une si ancienne alliance, j'ay + ainsy entreprins de m'oposer a ceulx de ce conseil qui + s'esforcent de la luy oster, qui ne sont personnaiges guieres + principaulx, ny bien fort authorizez, pour me joindre aulx + aultres qui font tout ce qu'ilz peuvent pour la luy conserver, + qui sont les premiers et plus nobles de ce royaulme, et d'en + escripre ainsy que j'ay faict a Leurs Majestez. + + + + +CXIVe DEPESCHE + +--du XVIe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Vollet._) + + Nouvelle irritation d'Elisabeth contre l'eveque de Ross, Marie + Stuart et le duc de Norfolk.--Changement opere dans les + resolutions de la reine d'Angleterre.--Nouvelles d'Ecosse, ou + le traite conclu par l'ambassadeur a commence a recevoir son + execution.--Mesures prises contre ceux qui repandraient les + bulles du pape en Angleterre.--Affaires + d'Allemagne.--Propositions que doit faire le pape a la diete de + Spire.--Messager envoye a Londres par l'amiral Coligni.--Motifs + qui ont change les resolutions d'Elisabeth. + + + AU ROY. + +Sire, il n'y avoit guieres plus de deux heures que le Sr de Vassal +estoit party, pour vous aporter ma depesche du XIe du present, quand +le Sr de Sabran est arrive avec celle de Vostre Majeste du dernier du +passe, sur laquelle m'ayant la Royne d'Angleterre assigne audience a +demain, je mettray peyne, Sire, de fere, s'il m'est possible, qu'elle +veuille bien conformer son intention a ce que me mandez estre de la +vostre; et de luy oster, si je puys, une nouvelle offance, que, +despuys huict jours, elle a conserve contre l'evesque de Ross avec +tant d'indignation qu'elle jure de ne le vouloir jamais veoir, ainsy +que le Sr de Vassal vous l'aura peu dire, chose que je crains asses +que me sera bien difficile de remedier, et qui pourra possible +retarder beaucoup les afferes de la Royne d'Escoce; mesmement que +ceulx, qui nous sont contraires, ont heu desja de quoy fere de la ung +mauvais office contre elle, c'est de changer la pluspart des bonnes +delliberations qui avoient este faictes sur les choses du Nord et +d'Escoce; et ont aussi miz tant de traverse a la liberte du duc de +Norfolc, qu'il semble qu'elle soit meintennant bien fort retardee, ny +ceulx qui veulent bien a la Royne d'Escoce et au dict duc n'ont peu +mieulx, pour ce coup, que de ceder ung peu au courroux de leur +Mestresse; dont le comte de Lestre s'est absente pour douze ou quinze +jours en sa maison de Quilingourt, et le comte d'Arondel s'en est venu +en ceste ville. Et cependant noz afferes dorment, sinon en tant que +noz ennemys les vont reveillant pour les fere eschapper; mais j'espere +qu'apres le retour du dict evesque et de ces seigneurs, nous y donrons +telle presse qu'il nous y serra baille une bonne ou bien une mauvaise +resolution. + +J'entendz que la dicte Royne d'Angleterre a heu si grand desir de +contanter Vostre Majeste, sur ce qu'elle m'avoit promiz de revoquer +ses gens de Lislebourg, que, l'ayant, incontinent apres ma precedante +audience, mande au comte de Sussex, il les a heu retirez premier qu'on +luy ayt peu fere nul contraire mandement; de sorte que Drury, avec ses +quatorze centz hommes, car plus grand nombre n'en avoit il mene par +della, a este de retour a Barvyc le IIIIe de ce moys: j'en scauray +demain par la dicte Dame encores mieulx la certitude, et pareillement +si elle aura poinct retire sa garnyson de Humes et de Fascastel. L'on +dict que le comte de Lenoz est arrive a Lislebourg, et que ceulx du +party du jeune Prince, son petit filz, l'ont associe au gouvernement; +neantmoins que le duc de Chastellerault et les trois comtes +d'Honteley, d'Arguil et d'Athel, lesquelz ont, dez le Xe de may, +soubzsigne a l'authorite de la Royne d'Escoce, et qui se portent toutz +quatre conjointement lieutenants d'elle, avec l'aprobation du reste +de la noblesse et du pays, commancent de reduyre toutes choses bien +fort a leur devotion. + +Cependant l'on se trouve icy en grand perplexite et en plusieurs +difficultez, pour la bulle dont vous ay cy devant escript, et en ont +ceulx de ce conseil miz la matiere en deliberation; mais ne s'en +pouvans bien accorder, ilz ont faict une grande assemblee des plus +scavans de ce royaulme pour veoir comme il y fauldroit proceder; et +m'a l'on dict qu'il est resolu que ceulx, qui auront oze, ou qui +auzeront cy apres, entreprendre d'aficher bulles, proclamations, +placartz ou aultres telles choses si expresses contre la Royne, en +lieux publicz, seront attainctz et convaincuz de leze majeste, et les +aultres qui s'en trouveront seulement saisis, n'encourront pas du tout +si grand crime, mais ilz n'evitteront pourtant l'indignation du +prince; et semble bien que, a l'ocasion de la dicte bulle, les +Catholiques sont plus durement traittez, et qu'on a plus grand aguet a +les observer de pres qu'on n'avoit auparavant; mesmes le dict evesque +de Roz a senty que cella est venu ung peu hors de temps pour sa +Mestresse. + +L'escuyer du prince d'Orange arriva icy la sepmaine passee, sur les +navyres qui revenoient de conduyre la flotte de Hembourg; qui a aporte +lettres de son maistre a ceste Royne, et au comte de Lestre, et au +secretaire Cecille, et encores d'aultres lettres a la dicte Dame de +son agent qui est en Allemaigne, en datte ces dernieres du XXVIe de +may; qui contiennent divers adviz, premierement, que la diette a este +prolongee du XXIIe de may au XXIIe de juing, et que le Pape a fort +conjure l'Empereur de s'y trouver, qui aultrement s'en vouloit fort +excuser, et ce, pour deux considerations, que Sa Sainctete a heues, +dont l'une se publie asses, qui est pour mettre en avant ung decrect +qu'il ne soit desormais plus loysible aulx Allemans d'aller travailler +les estatz des aultres princes chrestiens, par pretexte de secourir +leurs subjectz pour la cause de la religion; et l'aultre, laquelle on +tient secrecte, est pour fere passer ung aultre decrect contre les +comte Pallatin et duc de Vitemberg, et contre quelconques princes, ou +aultres, qui se seroient despartys et separez des deux religions +receues en l'Empire: scavoir, la Catholique et celle de la confession +d'Auguste, affin de les priver non seulement de l'eslection, dignitez, +charges, estatz et aultres leurs preeminances, mais y en subroger tout +incontinent d'aultres, et les exclurre eulx, pour jamais, de la paix +publicque d'Allemaigne. Ce qu'ayant le duc Auguste descouvert, et +craignant que la presente desauthorisation et ruyne de ces princes ne +fut puys apres celle de luy mesmes, a vollu interrompre la dicte +diette; mais ne le pouvant fere, les dictes lettres portent que, par +pretexte de conduyre sa fille en son mesnaige, il s'est accompaigne du +Lansgrave et de huict ou neuf mil chevaulx, pour s'opposer aulx +decrectz, et qu'ung chacun juge, puysqu'il s'en vient ainsy a +Heldelberg, qu'il se trouvera sans faulte a la dicte diette et que mal +ayseement s'achevera elle sans quelque tumulte, puysque luy et les +aultres princes se vont ainsy acompaignant; qu'il s'estimoit que le +Cazimir, incontinent apres la dicte diette, ou bien plustost, +s'achemineroit avec ses reytres au secours des Princes et de l'Admyral +de France; que le duc Jehan Guillaume de Saxe avoit donne pour Vostre +Majeste le alliguet[9] a ses gens pour les fere marcher par tout le +moys de may; et qu'il avoit dict aulx aultres princes protestantz que +ce qu'il en faisoit n'estoit que pour se maintenir en credit vers +Vostre Majeste, et en la pancion que vous luy donnez; laquelle luy +faisoit bien besoing pour s'entretenir, mais qu'il ne nuyroit en facon +du monde a ceulx de la nouvelle religion; et qu'au reste, l'on se +resjouyssoit bien fort en Allemaigne de ce que le Roy d'Espaigne +s'estoit modere vers les Flamans de leur avoir ottroye ung pardon +general par ou l'on esperoit que les Pays Bas se maintiendroient en +paix; et est l'on icy apres a depescher le dict escuyer pour s'en +retourner devers son maistre. + + [9] La solde du mois. + +Mr l'Amyral a trouve moyen de fere passer jusques icy en grand +dilligence devers Mr le cardinal de Chatillon ung messagier, qui n'a +point aporte de lettres, mais seulement creance de bouche; de laquelle +je n'ay encores entendu le contenu, sinon que on m'a dict que c'est +pour les choses d'Allemaigne, et si n'ay rien sceu du dict homme +jusques a ce qu'il a este renvoye, car n'a este arreste que deux jours +icy, et s'en retourne, a ce qu'on dict, par Paris soubz quelque +passeport emprumpte. + + Ce XVIe jour de juing 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, de ce que Mr l'evesque de Roz, deux jours apres que la Royne +d'Angleterre luy eust ottroye sa liberte, a este trouve partant de +nuit avec le comte de Southanton, jeune seigneur catholique; et de ce +qu'on se persuade que la bulle du Pape n'a este expediee sans le +consentement de Voz Majestez Tres Chrestiennes et du Roy d'Espaigne; +et qu'en mesmes temps milord de Morlay, principal seigneur +d'Angleterre, beau filz du comte Derby, estant appelle en ceste court +n'y est vollu venir, ains est passe dela la mer a Doncquerque; +plusieurs choses en ce royaume monstrent tendre a quelque alteration, +mesmes que, pour les dicts accidentz, icelluy comte de Soutanthon a +este mande et aussitot miz en arrest ez mains du capitaine de la +garde; et maistre Cormuaille, ancien conseiller, et plusieurs aultres +Catholiques ont este examinez et aulcuns d'eux miz en la Tour; et le +duc de Norfolc, qui attandoit quelque eslargissement, a este resserre. +Dont je crains aussi que les afferes de la Royne d'Escoce, qui +commancoient de s'acheminer, en soient de mesmes bien fort esloignez +et retardez, mais je feray, pour le regard de ce dernier, le mieulx +que je pourray envers la dicte Dame pour la fere passer, oultre en ce +qu'elle m'a commance d'accorder: et j'espere, Madame, que j'en +descouvriray demain asses son intention, bien que, pour l'absence du +comte de Lestre, ny elle ne vouldra m'en donner sa resolution, ny moy +cercher de l'avoir, si je sentz qu'il n'y face bon. Sur ce, etc. + + Ce XVIe jour de juing 1570. + + + + +CXVe DEPESCHE + +--du XIXe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par Jacques Tauriel._) + + Details d'audience.--Changement de conduite de la reine + d'Angleterre.--Ses plaintes contre le pape.--Sa colere contre + Marie Stuart et l'eveque de Ross.--Insistance de l'ambassadeur + pour que le traite touchant l'Ecosse recoive son + execution.--Declaration d'Elisabeth qu'elle va donner les + ordres necessaires a l'effet de faire retirer ses troupes, et + qu'elle consent a traiter de la restitution de Marie + Stuart.--Motifs secrets qui font agir la reine + d'Angleterre.--Nouvelles des protestans de France; leur desir + d'en venir prochainement a une bataille decisive. + + + AU ROY. + +Sire, il n'est advenu sinon, ainsy que je l'avois pence, que je +trouverois a ceste heure la Royne d'Angleterre aultrement disposee que +lorsque je parlay a elle, le XXe du passe, non toutesfoys ez choses +qui sont particullieres de Vostre Majeste, car en celles la m'a elle +respondu comme les aultres foys; c'est de desirer toutjour la paix de +vostre royaulme et que son ambassadeur luy puisse bientost mander la +conclusion d'icelle, estant bien marrye qu'on la va ainsy prolongeant; +et qu'elle vouldroit bien scavoir si tout ce que les aultres, de leur +coste, disent que Vostre Majeste leur a offert est vray; et, quoy que +soit, que, comme Chrestienne, elle desire que vous les accommodiez en +leur religion, et, comme Royne, qu'ilz vous randent entierement ce +qu'ilz doibvent a vostre authorite. + +A quoy je luy ay satisfaict, sellon que la lettre de Vostre Majeste, +du dernier du passe, m'a baille ample argument de respondre au tout, +avec ung sommaire recit de l'estat de votre armee, soubz la conduicte +de Mr le mareschal de Cosse, et des exploictz que Mr le mareschal de +Danville a faictz du coste du Languedoc; ce qui n'a este sans parler +des aprestz d'Allemaigne et des nopces du Cazimir, par maniere +toutesfoys de me demander ce que j'en scavois: et je n'ai obmiz de +mencionner aussi les levees du duc Jehan Guillaume de Saxe et de +Bronsouyc, comme elles commancoient de bransler pour Vostre Majeste. + +Et a la dicte Dame faict venir, par deux foys, a propos de me dire que +l'Empereur luy a naguieres escript avec aultant d'abondance, +d'affection et de bienveuillance, comme au contraire le Pape s'est +esforce de luy donner ung bien mauvais salut par une sienne bulle, en +laquelle il l'appelle _flagiciorum serva_; mais que c'est chose de +quoy elle ne se soucye guieres, sinon qu'elle pense que tant +d'estranges et insolantz desordres, qu'on voyt advenir, presagent +bientost la fin du monde; et, avec un rire extraordinaire, m'a compte +la facon dont mylord de Morlay, estant desembarque a Donquerque, a +demande de parler au bourgemestre de la ville, se faisant ung des plus +avancez et des plus illustres seigneurs d'Angleterre. + +Et se sont jusques la toutz noz propos passez bien fort gracieusement; +mais, quant c'est venu a toucher du faict de la Royne d'Escoce, il est +bien mal ayse, Sire, que je vous puisse dire en combien de facons la +dicte Dame a monstre qu'on l'avoit de nouveau exasperee et aigrie +contre elle et contre l'evesque de Roz; car luy ayant seulement suyvy +la teneur de voz lettres avec les honnestes satisfactions qui y sont, +elle, en commemorant ses bienfaictz vers sa cousine, m'a recite les +offances vieilles et nouvelles qu'elle a receu d'elle et de ses +ministres, et qu'elles luy estoient si griefves que, si elle les eust +tenues aussi veriffiees, il y a ung moys, comme elle faict +meintennant, elle n'eust heu garde d'entrer en nul trette des afferes +de la dicte Dame avec moy; et qu'elle entendoit que, nonobstant le +dict trette, Vostre Majeste faisoit embarquer quelques gens en +Bretaigne pour envoyer a Dombertrand, ce qu'elle remettoit bien a +vostre discretion, et vouldroit qu'il fut vray, car ne fauldroit plus +parler d'accord; toutesfoys qu'elle pence que c'est parce que je vous +ay mande l'acheminement de ces harquebuziers, que le comte de Sussex +avoit envoyez au comte de Morthon, en quoy je eusse bien faict de ne +me haster de le vous escripre sans en parler a elle ou a son +secretaire, qui m'eussent faict entendre que ce n'estoit aulcunement +pour se mesler des droictz du royaulme entre la Royne d'Escoce et son +filz, mais pour s'opposer a ceulx qui favorisoient et recepvoient ses +rebelles, et pour donner ayde a ceulx qui les vouloient chasser; que, +en ce que je lui avois dict que les Escoucoys estoient apres a vous +sommer de leur envoyer secours par vertu de voz alliances, qu'elle +croyoit bien que Ledinthon, qui avoit este le plus traystre de toutz a +sa Mestresse, conseilloit meintennant de ce fere, mais qu'elle pense +que Vostre Majeste n'escoutera de si meschantz subjectz que ceulx la, +et ne vouldra pour eulx oublyer une si rescente preuve d'amytie, comme +est celle qu'elle vous a monstree ez presentes guerres de vostre +royaulme, d'avoir rejecte toutes les persuasions qu'on luy a faictes, +et toutes les occasions qu'on luy a offertes, d'y pouvoir fort +incommoder voz afferes, et porter ung grand proffict aulx siens; que, +de ce que son ambassadeur vous avoit requiz de n'envoyer voz forces en +Escoce avec l'asseurance qu'elle n'y envoyeroit point les siennes, +que je croye fermement que tout ce qu'elle vous aura mande ou qu'elle +vous mandera par luy, elle l'acomplyra, mais qu'il fault considerer la +distance des lieux, et qu'il n'est possible de si tost executer une +parolle comme elle est dicte; qu'elle remercye Vostre Majeste du +commandement que m'avez faict de ne m'espargner d'aller jusques vers +la Royne d'Escoce, s'il est besoing, pour l'exorter qu'elle luy +veuille fere d'honnestes offres, et icelles acomplyr et inviolablement +observer; qu'elle ne fait doubte qu'elle ne promette asses, mais +qu'elle ne tiendra jamais; et que l'evesque de Roz est desja alle +devers elle pour luy parler, qui me relevera de ceste peyne, duquel +toutesfoys elle ne peult plus esperer aulcun bon office, et que +hardyment la Royne d'Escoce envoye ung aultre ministre, car celluy la +ne parlera jamais plus a elle. + +De toutz lesquelz propoz de la dicte Dame, plains de courroux, voyant +que je ne pouvois recuillyr rien de certain, je luy ai demande s'il +luy playsoit point accomplyr les deux choses, qu'elle m'avoit +naguieres promises; de proceder dilligentment a la restitution de la +Royne d'Escoce et de retirer ses forces hors de son pays. + +La dicte Dame, intermelant plusieurs aultres propos, m'a enfin +respondu que, pour l'honneur de Vostre Majeste, elle continuera et +paraschevera le trette avec la dicte Dame aussitost qu'elle luy aura +faict entendre son intention sur ce que l'evesque de Roz luy aura +dict; me touchant, en passant, que d'aultres foys elle luy avoit +escript que, s'il n'estoit trouve bon de la remettre avec +magnifficence et aparat en son pays, qu'elle estoit contante qu'on +l'envoyat priveement comme une qui retournoit aulx siens; en quoy +elle a toutjours vollu pourvoir que ce fut avec seurete de sa vie: et +quant a retirer ses forces, que je donne toute asseurance a Vostre +Majeste que, suyvant sa promesse, le comte de Sussex les a desja +revoquees a Barvych, hormiz quelque peu de gens, qu'il a miz a la +garde de deux chasteaux; lesquelz elle ne dellibere randre, qu'elle ne +soit satisfaicte des outraiges que luy ont faict ceulx a qui ilz +apartiennent. + +A cella je luy ay replique que ce ne seroit retirer ses forces que de +laysser garnyson dans deux chasteaulx, et que je la pouvois asseurer +que Vostre Majeste ne s'armeroit jamais pour maintenir les rebelles +d'Angleterre, ainsy qu'elle, de son coste, disoit ne s'armer aussi +contre les droictz de la Royne d'Escoce: neantmoins de tant que ceste +alliance d'Escoce, qui a dure neuf centz ans a vostre couronne, vous +abstreinct d'assister meintennant l'auctorite de la Royne d'Escoce, +vostre belle soeur, contre ses propres rebelles; et y voulant elle, en +mesmes temps, poursuyvre les siens, qu'enfin vous viendriez aulx armes +et a la guerre entre vous contre votre propre vouloir et intention; et +que vous aviez trop plus de rayson de mettre garnyson dans Dombertrand +que elle d'en tenir dans Humes et Fascastel. + +Elle allors m'a respondu qu'elle ne scavoit, a la verite, comment le +comte de Sussex en a use, ny quelles gens il a laysse dans ces +chasteaulx; mais que tout cella se pourra accommoder par le trette, et +qu'elle desire bien scavoir quelle responce Vostre Majeste me fera, et +ce que vous aurez respondu a son ambassadeur sur ce qu'elle, a +dernierement trette avec moy. + +Et layssant ainsy ces propos, nous sommes passez a d'aultres plus +gracieulx, avec lesquels s'est finye ceste audiance, despuys laquelle +m'estant pleinct au secretaire Cecille de la dicte garnyson des deux +chasteaulx, il m'a respondu que ce n'estoit chose de consequence; car +n'y avoit que quarante hommes en l'ung, et vingt en l'aultre; et que +le trette mettroit fin a tout cella; me priant de continuer a fere +tousjours bons offices entre Voz Majestez, et qu'il contendra avec moy +de les fere encores meilleurs, s'il peult. Sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de juing 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, les propos, que Vostre Majeste verra, en la lettre du Roy, que +la Royne d'Angleterre m'a tenuz, procedent, a mon adviz, de l'une de +trois occasions et, possible, de toutes trois ensemble: la premiere, +des vehementes inpressions qu'on luy a donnees, et qu'on luy donne +encores, de ne se debvoir jamais tenir bien asseuree de la Royne +d'Escoce, dont aulcuns me disent que, quoy aussi que la dicte Dame me +promette, son intention, ny celle des siens, n'est de se despartyr +aucunement des premieres delliberations qu'ilz ont faictes sur ceste +paouvre princesse et sur son pays, sinon qu'ilz y soyent contrainctz +par la force; la seconde, qu'on l'asseure que le capitaine La Roche et +le capitaine Puygaillard sont desja embarquez a Suscivye, avec cinq +centz harquebouziers brethons, pour passer en Escoce: ce que la dicte +Dame m'a dict le scavoir bien au vray, mais qu'elle est bien advertye +aussi que, le IXe de ce moys, ils n'estoient encores bougez, et, +possible, a elle vollu ainsy braver lorsqu'elle s'est trouvee en plus +grand peur; et la troisiesme est qu'on luy a fort magniffie les +forces, qui sont en l'armee des Princes de Navarre et de Conde, +l'asseurant qu'elles sont suffisantes de travailler assez toutes +celles de Voz Majestez, sans qu'en puyssiez envoyer dehors. + +Car, voycy, Madame, ce que j'entendz qu'on a miz par escript et +monstre a la dicte Royne d'Angleterre et puys publie, de main en main, +de la creance qu'a aportee le messagier de Mr l'Amyral. C'est que le +dict sieur Amyral fortiffie Roane, pour estre ung lieu tres oportun et +commode a maintenir la guerre, et y fere son magazin, et pour y +retirer ses mallades; et avoir ce passaige de Loyre a son +commendement, pour y pouvoir sans difficulte recuillyr les secours +d'Allemaigne et incommoder grandement toutz les aultres pays +d'alentour; que, oultre qu'il a avec luy les viscomtes, et les troupes +de gens de cheval et de pied qui estoient en Gascoigne, qui ne sont +petites, il a recuilly en Languedoc ung grand nombre de bien bons +soldatz, et que le comte de La Rochefoucault l'est venu trouver avec +huict centz chevaulx et deux mil harquebuziers, toutz gens d'eslite; +que de la Charite est arrive dans son camp une troupe de quatorze +centz bons hommes, toutz a cheval; que Mr de Lizy y est aussi arrive +d'une aultre part, avec douze centz harquebuziers et cinq centz +chevaulx, lesquelz il a recuilliz en revenant d'Allemaigne; et que +tout cella ensemble faict la plus brave armee de Francoys qui de +longtemps ayt este veue en France, oultre les reytres qu'il a, qui ne +sont guyeres diminuez; et qu'il ne desire rien tant que de venir a une +journee, laquelle il cerchera de donner bientost par toutz les moyens +qu'il luy sera possible; et que l'armee du Roy, que Mr le mareschal de +Cosse conduict, est composee de huict mil Suisses nouvellement levez, +car des vieulx n'en y a guieres plus, et de quatre mil Francoys, d'ung +nombre de reytres, qu'on paye a trois mil, qui ne sont que dix huict +centz, soubz la charge du jeune comte de Mensfelt, duquel il ne se +deffye pas trop, et d'envyron quatre mil chevaulx francoys; et qu'il a +este mande a Mr le mareschal de Damville de se joindre au sieur +mareschal de Cosse, affin de donner la bataille, laquelle neantmoins +semble qu'il la vouldra evitter; car s'est loge vers Dun le Roy, et se +couvre de la riviere d'Allye. Lesquelles nouvelles, comme elles +mettent en grand suspens les opinions des hommes, aussi suspendent +elles les delliberations des afferes; et croy qu'elles retarderont +ceulx que nous traictons icy meintennant, attendant ce qui pourra +succeder; mesmes que j'entendz que, parmy leurs esglizes, il est desja +ordonne de fere prieres et jeunes pour ceste prochaine bataille, tant +ilz pensent que les choses en sont prez; et encores que je m'asseure, +Madame, que si cecy est vray, Voz Majestez l'auront bien entendu +d'ailleurs, toutesfoys, pour l'inportance de l'affere, et pour le +dangier qu'aulcuns personnaiges d'honneur et de bien, qui conferons +quelquefoys ensemble, avons peur que puysse avenir, je n'ay vollu +differer de le vous mander incontinent par ce courrier expres, avec +les responses de la dicte Royne d'Angleterre. Et sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de juing 1570. + + + + +CXVIe DEPESCHE + +--du XXIe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyee jusques a la court par Groignet, l'un de mes secretaires._) + + Message de la reine d'Angleterre, afin que le roi soit + sur-le-champ averti qu'elle se considerera comme degagee de sa + parole si l'expedition francaise, destinee a porter des secours + en Ecosse, sort des ports de Bretagne.--Desir de l'ambassadeur + que l'on ajourne cette expedition.--Nouvelles d'Allemagne, ou + tout se prepare pour donner d'importans secours aux protestans + de France.--_Lettre secrete a la reine-mere._ Dispositions + prises par les protestans de France, en Angleterre et en + Allemagne, dans le but de continuer la guerre avec vigueur. + + + AU ROY. + +Sire, les responces et adviz, que je vous ay escript despuys trois +jours, m'ont semble estre assez pressez pour les vous debvoir fere +scavoir par ung courrier expres, comme j'ay faict; et meintennant, +Sire, je suys instantment requiz par la Royne d'Angleterre de vous en +depescher encores ung, tout presentement, pour vous notifier ce que, +par ung sien secretaire, nomme maistre Sommer, elle m'a envoye dire +jusques en mon logis: c'est qu'elle avoit bonne souvenance des choses +naguieres accordees entre elle et moy, touchant la Royne d'Escoce, et +qu'elle estoit preste de les acomplyr tant a continuer et paraschever +le trette avecques elle, que a revoquer ses forces hors de son pays, +comme desja elle les avoit faictes retirer a Barvyc; mais que, ayant +tres certain advertissement comme il s'embarquoyt des compaignies en +Bretaigne pour les envoyer de della, qu'elle vouloit bien declairer a +Vostre Majeste que, si elles y passoient, elle se tenoit, d'ors et +desja, quicte et deschargee de la promesse qu'elle m'avoit faicte, et +qu'elle exploicteroit dans le dict pays par son armee, qui est +encores entiere et en estat, tout ce qu'elle verroit estre expediant +et a propos pour son service; et qu'elle continueroit de retenir la +Royne d'Escoce la ou elle est, sans plus entendre a nul trette +avecques elle; et, de tant que cella importoit beaulcoup a vostre +commune amytie, a laquelle elle avoit regrect d'y veoir intervenir +ceste alteration, me prioit que je vous en voulusse promptement +advertir par homme expres, qui peult retourner en dilligence, affin +que je l'en peusse resouldre. + +Et bien, Sire, que j'aye respondu au dict Somer que j'avois +freschement receu une responce de Vostre Majeste, laquelle j'yrois +aporter a la dicte Dame, et j'esperois qu'elle la contenteroit, il n'a +laysse pourtant de percister que je debvois depescher promptement +devers Vostre Majeste; qui est l'occasion du voyage de ce mien +secretaire, par lequel je vous suplieray tres humblement, Sire, que, +en voz propos a l'ambassadeur d'Angleterre et en voz apretz de +Bretaigne, il vous playse monstrer toutjour que vous estes prestz +d'entretenir ce qui a este accorde en vostre nom a la dicte Dame, et +de differer l'embarquement et passaige de vostre secours en Escoce, +jusques a ce qu'aurez veu ce qui succedera du trette qu'elle a +commance avec la Royne vostre belle soeur; et qu'elle veuille achever +de retirer la garnyson qui est demeuree dans Humes et Fascastel, comme +elle a desja retire le principal de ses aultres forces du pays, +nonobstant que vous rescentiez beaucoup ce dernier exploict de ses +gens, qui ont abattu quatre maysons du duc de Chastellerault et brulle +toutz ses villaiges. + +Et apres, Sire, que j'auray parle a la dicte Dame sur la bonne +responce, que m'avez commande luy fere par vostre depesche du Xe du +present, je feray entendre ce que j'auray peu comprendre de ses +propos, tant sur ce faict de la Royne d'Escoce que sur ce que la dicte +Dame peult avoir sceu des choses d'Allemaigne: d'ou j'entendz qu'elle +a freschement receu lettres, qui lui parlent de l'acheminement de +l'Empereur a Espire pour la diette; et comme la Royne d'Espaigne passe +oultre vers les Pays Bas, laquelle deux mil chevaulx allemans viennent +accompaigner jusques a Nimeguen, ou le duc d'Alve la doibt aller +recepvoir, et qu'elle meyne deux de ses petitz freres pour les passer +en Espaigne, (au lieu des deux aisnez) qui s'en retourneront sur les +mesmes vaysseaulx, qui la seront allez conduyre; et que les nopces du +Cazimir ont ete accomplyes, ou se sont trouvez treze mil chevaulx, +lesquelz on tient pour chose asseuree que s'acheminent incontinent en +France, au secours de Messieurs les Princes et Amyral; que les trois +electeurs laycs se sont liguez ensemble pour s'oposer aulx decrectz +qui pourroient estre faictz ou contre leur religion, ou contre les +libertez d'Allemaigne; et qu'il semble encores que c'est +principallement pour empescher que l'Empereur ne puysse fere creer son +filz roy des Romains, non sans quelque esbahyssement commant celluy de +Brandebourg s'est joinct a cella, veu qu'il est pensionnaire a six mil +escuz par an du Roy d'Espagne, et qu'il s'est toutjours monstre amy et +serviteur de la mayson d'Austriche; et que aus dictes nopces du dict +Cazimir a appareu quelque desordre de l'ung des deux ducz Jehan de +Saxe, Frederic ou Guillaume, qui sur quelque debat a vollu tuer le +comte Pallatin; et que quelque homme Gantoys a este prins et execute +pour avoir confesse qu'il estoit venu a la dicte assemblee, pour +donner un coup de pistolle au prince d'Orange. De toutes lesquelles +nouvelles, Sire, celle de la descente de ces Allemans en votre +royaulme me semble considerable, parce qu'il y a grand aparance qu'on +l'executera, si la paix ne se conclud bientost; et j'en ay icy de +grandz indices, et pareillement d'une armee de mer, qui se prepare par +ceulx de la nouvelle religion, de bon nombre de vaysseaulx pour fere +une descente de deux ou trois mil hommes en quelque lieu de Normandie, +Bretaigne ou Guyenne; et ne monstrent qu'ilz esperent encores, en +facon du monde, la dicte paix, bien que, tout a ceste heure, l'on me +vient de dire qu'il a este seme quelque bruict a la bource de ceste +ville qu'elle est desja conclue. Sur ce, etc. + + Ce XXIe jour de juing 1570. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre a part du dict jour._) + +Madame, ce n'est tant pour satisfere a la Royne d'Angleterre, que je +vous envoye presentement ce mien secretaire, comme pour vous aporter +ceste mienne lettre a part, par laquelle je veulx bien asseurer Vostre +Majeste que, sur la creance du messagier de Mr l'Admyral, duquel je +vous ay naguieres faict mencion, il a este tenu, dez dimanche dernier, +entre les principaulx, qui sont icy, de la nouvelle religion, Francoys +et Flamans, ung conseil bien fort secrect; duquel, a la verite, je +n'ay pas bien descouvert toutes les delliberations, mais ceulx cy scay +je bien de certain, c'est que, incontinent apres la tenue du dict +conseil, il a este depesche de par eulx, coup sur coup, deux +messagiers en Hembourg, pour y aporter les lettres de responce et de +credict, que de longtemps ilz se sont pourveuz icy pour fere leurs +payemens en Allemaigne; et que c'est pour fere incontinent marcher +leurs nouvelles levees; et qu'ilz sont apres a ordonner deux d'entre +eulx pour les aller trouver, affin de les conduyre et leur servyr de +mareschaulx de camp, jusques a ce qu'ilz seront arrivez en l'armee des +Princes; et estiment le nombre des dicts Allemans non moindre que de +douze a quinze mil chevaulx; et pour ordonner aussi ung general de +mer, d'entre les gentilhommes qui sont icy, pour l'envoyer bientost +fere une descente de deux mil cinq centz hommes, en quelque lieu de +Normandie ou Bretaigne, ou ilz ont intelligence; et que desja les +vaysseaulx, les vivres et tout l'apareilh de l'entreprinse est prest a +la Rochelle, ou s'yront joindre les vaysseaulx du prince d'Orange, qui +sont en ceste coste, et encores deux toutz nouveaulx qu'ung sien +serviteur a heu, despuys deux jours, permission d'aller armer et +equiper a Amthonne. Et semble qu'il y ayt icy aulcuns gentishommes +francoys qui, a regrect, feront ce voyage, et que, si Vostre Majeste +les vouloit gratiffier et les retirer au service du Roy, ilz +habandonneroient tres vollontiers l'aultre party, lequel aultrement +ilz sont contrainctz de suyvre; vous suppliant tres humblement, +Madame, de ottroyer au gentilhomme, pour qui le sieur de Vassal vous +aura parle, la seurete qu'il vous demande, laquelle j'estime que +reviendra au proffict de vostre service. Et faictes semblant, Madame, +s'il vous playt, que vous n'avez heu ces adviz de moy, aultrement il +sera dangier que je ne vous en puysse plus mander, s'ilz cognoissent +que j'aye tant de notice de ces afferes; car les dicts de la nouvelle +religion sont bientost advertys de tout ce que le Roy, et Vous, et +Monseigneur, dictes et faictes; et mesmes l'on m'a asseure que, en +France, oultre ceulx de l'aultre party, il y en a aulcuns, lesquelz on +ne m'a poinct nommez, qui ne sont point declairez de leur coste, qui +toutesfoys sont respondans de la paye de ces reytres, qui doibvent +venir. + +Par ainsy, Madame, considerant l'estat des choses, et le peu de +confiance que Voz Majestez doibvent mettre en rien qui soit que en +Dieu seul, et en vous mesmes; et que la descente du Cazimir vous doibt +estre tres suspecte, pour l'alliance du duc Auguste, qui ne l'a prins +pour son gendre pour sa presente grandeur, ains possible pour celle ou +il aspire par les troubles des aultres estatz; et que la Royne +d'Angleterre ne fauldra d'incliner a leur entreprinse; je ne puys que +prier Dieu bien fort devottement qu'il vous doinct, Madame, a bientost +conclurre la paix, et la conclurre telle que la descente des Allemans +en soit bien certainement divertye, et Voz Majestez exemptes de toute +surprinse, deception et dangier. Et sur ce, etc. + + Ce XXIe jour de juing 1570. + + Je vous puys asseurer, Madame, que ceulx de la nouvelle religion, + qui sont icy, ne s'attendent aucunement a la paix, ains a + continuer la guerre; et semble que l'ambiguite et la longueur, + dont l'on procede a vous rendre response sur les articles de la + dicte paix, n'est que pour gaigner le temps et attandre leur + secours. + + + + +CXVIIe DEPESCHE + +--du XXVe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyee expres par Jehan Monyer, postillon, jusques a Calais._) + + Retard apporte a la designation d'une audience demandee par + l'ambassadeur.--Interrogatoire subi par l'eveque de Ross devant + le conseil d'Angleterre.--Conditions arretees dans ce conseil + au sujet du traite qui peut etre conclu avec la reine + d'Ecosse.--Nouvelles d'Allemagne.--Avis donne au roi d'une + entreprise qui se prepare pour operer une descente en France. + + + AU ROY. + +Sire, affin de mettre la Royne d'Angleterre hors de la peyne, ou elle +est, de l'aprest qu'on luy a dict que Vostre Majeste faict en +Bretaigne pour envoyer des gens en Escoce, je luy ay, dez mardy +dernier, envoye demander audience, pour luy fere veoir vostre bonne +responce la dessus en la facon que par voz lettres, du Xe de ce moys, +il vous playt me le commander; et le secretaire Cecille, ayant confere +avecques elle, m'a respondu qu'elle ne me la pouvoit si tost ottroyer, +a cause qu'elle se trouvoit mal, comme a la verite elle faict, de sa +jambe, mais que je luy pourrois escripre cella mesmes que j'auroys a +luy dire. Dont de tant, Sire, qu'on m'a adverty qu'il y a de +l'artiffice en cella, pour fere tremper l'evesque de Roz, et pour fere +en sorte que la dicte Dame renvoye cependant ses forces en Escoce, et +qu'elle face jetter de ses grandz navyres en mer, pour la persuasion +qu'on luy donne que, nonobstant voz bons propoz, qu'avez tenuz a son +ambassadeur, vous ne lairrez d'envoyer gens par della; j'ay escript ce +matin a la dicte Dame que, de tant qu'une lettre ne pourroit suffire +pour tout ce que j'avois a luy dire, ny me raporter sa responce, et +que les propos, que j'avois a luy tenir de vostre part, n'estoient +toutz que pour son contantement, que je me garderoys de les employer +ny par escript, ny par presence, en actes si contraires, comme seroit +d'en travailler sa sante, et que partant j'attendrois fort paciemment +et de bon cueur la commodite de sa convalescence; laquelle je prioys +Dieu de luy donner bientost et bien parfaicte. + +Je ne suis trop marry, Sire, de ce retardement parce que le comte de +Lestre et ceulx, qui portent faveur a ceste cause, seront cependant de +retour; en l'absence desquelz ayantz les aultres ouy l'evesque de Roz +sur le faict, dont on le chargeoit, d'avoir trette en secret avec le +comte de Surampthon, et ayantz vollu aussi tirer de luy ce qu'il +aportoit de l'intention de sa Mestresse, sans l'admettre a la presence +de la Royne d'Angleterre, apres qu'il s'est bien descharge de l'ung, +et qu'il leur a heu remonstre qu'il ne pouvoit fere l'aultre pour +aulcunes choses secrectes qu'il ne pouvoit commettre qu'a elle mesmes, +ilz se sont desbordez jusques la de luy dire qu'ilz ne se soucyoient +pas tant de l'advancement de ceste matiere qu'ilz le vollussent +presser de la leur proposer; mais, de tant que la Royne d'Escoce et +luy, qui est son ministre, et toutz les princes qui parlent pour elle, +estoient papistes, et par ainsy ennemys de leur Mestresse et de son +estat, qu'ilz tenoient pour tres suspect tout ce qui se trettoit de sa +restitution; a l'ocasion de quoy il falloit, avant toutes choses, +qu'elle et luy fissent profession de la religion reformee, et bien +qu'ilz y ayent mesle quelque soubzrire, ce n'a este toutesfoys sans +parolles vehementes pour essayer s'ilz pourroient gaigner ce point. + +En quoy le dict sieur evesque a use de saiges responces, qui seroient +longues a mettre icy; mais cependant j'ay descouvert, Sire, comme ne +pouvant ceulx cy vaincre le desir, que leur Mestresse a de sortyr de +cest affere, qu'ilz se sont delliberez de se tenir fermes et resoluz +aux condicions qui s'ensuyvent: Que la religion protestante soit +establye et confirmee en Escoce; que la Royne d'Escoce se doibve +obliger, par serement solemnel, et fere obliger les siens, qu'elle +n'entendra jamais a nul party de mariage, sans l'expres consantement +de la Royne d'Angleterre; qu'elle chassera les rebelles anglois, qui +se sont retirez en son pays, sans jamais plus en recepvoir, et que +desormais ilz seront randuz mutuellement par l'ung prince a l'aultre +sans contradict; qu'elle cedera a la Royne d'Angleterre, et aulx +descendans qui procederont d'elle, tout le droict et tiltre qu'elle +pretend a ceste couronne; qu'elle declairera, d'ors et desja, pour son +successeur a celle d'Escoce et a ses droictz pretanduz de ceste cy son +filz le Prince d'Escoce; que le dict Prince sera mene pour etre nourry +en Angleterre soubz quelque promesse, que la dicte Royne d'Angleterre +fera, de le declairer pareillement son successeur immediat apres elle, +au cas qu'elle n'eust point d'enfans; que ligue sera faicte, offencive +et deffencive, entre les deux roynes et leurs royaulmes a jamais, a +laquelle sera donne lieu a Vostre Majeste d'y pouvoir entrer si bon +vous semble, mais soubz des condicions que je n'ay encores peu bien +scavoir quelles elles sont; qu'il ne sera loysible d'introduyre nul +estrangier en armes, d'ou qu'ilz soient, dans le pays, ny par quelque +couleur ou pretexte que ce puisse estre; et, finalement, que Vostre +Majeste baillera ostaiges, a estre icy quelque temps, pour la seurete +des choses susdictes. + +Je n'ay encores, Sire, donne cest adviz a l'evesque de Roz, lequel +aussi n'a pas heu loysir de me conferer les offres qu'il aporte de sa +Mestresse; mais Vostre Majeste, s'il luy playt, me commandera de bonne +heure sa bonne vollonte la dessus, affin que je me trouve bien prepare +d'icelle, quant il en sera temps; car j'espere que nos amys vaincront +l'opiniastrete de noz ennemys de ne demeurer trop fermes sur si dures +condicions comme seroient toutes celles icy ensemble. + +Au surplus, Sire, il se continue fort que ceste nuee d'Allemans des +nopces du Cazimir yra estre ung orage en vostre royaulme au secours +des Princes et de l'Amyral, ayant le comte Pallatin escript par deca +que en la dicte assemblee ne seroit rien obmiz de ce qui apartiendroit +au secours de leur religion en France; duquel secours, pour +l'incertitude de l'intention du duc Auguste, les determinations +n'avoient peu prendre aulcune bonne resolution jusques a ceste heure; +qu'il avoit declaire que le sien seroit le premier prest, et qu'il +l'envoyeroit a ses despens. Et estime l'on que la dicte assemblee des +nopces a este principallement projettee pour estre une contrediette de +celle que l'Empereur a assignee a Espire, affin de resouldre, de eulx +mesmes et sans le dict Empereur, les afferes d'Allemaigne a la +devotion des trois ellecteurs laycs, qui semblent avoir tire celluy de +Colloigne eclesiastique a leur party; et pour ordonner aussi de +l'establissement de leur religion en France et en Flandres, mais +surtout pour empescher que l'ellection du roy des Romains ne se puisse +fere en la personne du filz, ny du frere de l'Empereur, non sans +quelque opinion qu'ilz veuillent, entre eulx et de leur propre +authorite, nommer le dict Auguste roy des Romains. Et de tant, Sire, +que, de jour en jour, me viennent plusieurs indices que ceulx de la +nouvelle religion ont une descente en main en quelcun de voz portz ou +places de mer de della, ou ilz pretendent mettre deux mil cinq centz +hommes en terre, et qu'a cest effect ilz aprestent ung grand armement +a la Rochelle; et que je scay que les vaysseaulx du prince d'Orange, +qui sont en ceste mer estroicte, s'y preparent; aussi que j'entendz +qu'ilz sont sur la delliberation s'ilz convyeront les Anglois d'estre +de la partie, lesquelz tiennent quatorze grandz navyres et plusieurs +aultres vaysseaulx en estat, et grand nombre d'hommes enrolles pour +quelque effect; je vous suplye tres humblement, Sire, qu'il vous +playse advertyr incontinent les gouverneurs de Normandie, Picardie, +Bretaigne et Guyenne, car je ne scay proprement ou s'adresse leur +entreprinse, qu'ilz ayent a y prendre garde et se preparer si bien +qu'ilz ne puissent estre surprins. Sur ce, etc. + + Ce XXVe jour de juing 1570. + + + + +CXVIIIe DEPESCHE + +--du XXIXe jour de juing 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Diepe par Brogle, messagier._) + + Audience.--Discussion des affaires d'Ecosse.--Promesse de la + reine d'arreter toute hostilite, et d'entendre les propositions + de l'eveque de Ross.--Desir manifeste par Elisabeth de voir la + paix retablie en France.--Communication faite par la reine a + l'ambassadeur des nouvelles qu'elle a recues d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, s'estant la Royne d'Angleterre asses tost repentye de ne +m'avoir, le XXIIIe du present, ottroye audience, elle m'a mande, le +deuxieme jour apres, que je la vinse trouver quant il me plairroit; et +se sont, la lettre qu'elle me faisoit escripre la dessus par le +secretaire Cecille et la mienne, que pour cest aultre effect je luy +escripvois, laquelle elle a heu bien agreable, rencontrees en chemin, +dont je suys alle trouver la dicte Dame le XXVIe de ce moys a Otlant; +ou m'ayant faict appeller en sa chambre privee, en laquelle elle +estoit en habit de mallade, ayant sa jambe eu repoz, apres m'avoir +compte de son mal, et faictes ses excuses de ne m'avoir peu si tost +ouyr comme je l'avois desire, je luy ay ramentu les choses cy devant +accordees entre nous, et comme je n'avoys failly, suyvant son desir, +de depescher ung homme expres pour aporter a Vostre Majeste la +declaration que sur icelle elle m'avoit envoye notiffier par son +secretaire Sommer; laquelle declaration je luy voulois bien dire que +je ne l'avoys peu trouver guieres mauvayse, encore qu'il y eust +quelque peu de menace, parce qu'il y avoit aussi de la franchise et +une vraye demonstration qu'elle faisoit de vouloir evitter toute +alteration entre Voz Majestez, dont j'esperois que ce qu'elle +entendroit meintennant de vostre intention en cella la contanteroit. + +Et ainsy, Sire, je luy ay recitte mot a mot le contenu de vostre +lettre du Xe de ce moys, non sans qu'elle ayt donne une claire +cognoissance, sans en rien dissimuler, qu'elle recepvoit ung singulier +playsir de ce que je luy disoys; m'ayant tout aussitost prie bien fort +expressement de luy en vouloir bailler aultant par escript, affin de +le monstrer a quelques ungs de ses conseillers, qui luy disoient +qu'elle ne debvoit laysser de proceder et pourvoir aulx afferes +d'Escoce, tout ainsy que si Vostre Majeste ne luy avoit rien faict +promettre par moy, ny luy mesmes rien dict a son ambassadeur: car +croyoient que vous n'aviez aulcune vollonte d'en rien observer, ainsy +que voz aprestz de Bretaigne, qui ne cessoient pour cella, leur en +donnoient asses bon tesmoignage; ce neantmoins qu'elle s'en vouloit +reposer en vostre parolle, comme d'ung magnanime Roy et Prince +vertueux et saige, qui regardiez a conserver l'amytie des princes voz +voysins, entre lesquelz ce seroit elle qui vous randroit la sienne +plus parfaicte et accomplye; et qui, oultre le remercyement tres grand +qu'elle vous fesoit de l'esgard qu'avez heu maintennant a icelle, vous +cognoistriez qu'elle ne l'auroit moins ferme en l'observance de ses +promesses qu'elle s'asseuroit de la perseverance de la vostre, en +celles que vous luy faysiez. + +J'ay suyvy, Sire, a luy dire qu'elle trouveroit toutjour toute seurte +et verite en voz parolles et en celles de la Royne vostre mere, et que +toutz les jours il luy viendroit nouvelles preuves, que Voz Majestez +n'avoient aultre intention que de vivre en grande unyon de paix, et de +toute bonne intelligence avecques elle; bien que je luy vollois +confesser tout librement que, le lendemain de l'aultre audience +qu'elle m'avoit donnee a Amthoncourt, je n'avoys failly de vous fere +une depesche, non pour aigryr ainsy les matieres, comme il m'avoit +semble que je l'avois trouvee elle aigrye et changee en peu de jours, +(ce que je n'atribuoys aulcunement a elle, ains a d'aultres, qui +avoient fort a regrect la bonne unyon de Voz Majestez), mais que je ne +vous avois pas vollu celler ce qu'elle m'avoit resoluement dict de +vouloir en toutes sortes retenir les deulx chasteaulx de Humes et +Fascastel, jusques a ce que ceulx a qui ilz apartiennent eussent +satisfaict a l'obligation des frontieres; et que meintennant j'avois +a la requerir tres instantment de deux choses: l'une, que, de tant que +Vostre Majeste avoit tant vollu defferer a nostre accord qu'ayant ung +armement tout prest pour le secours d'Escoce, et les Escoucoys sur le +lieu qui vous requeroient de l'envoyer, et qui vous remonstroient le +gast, le bruslement et la demolition de leurs maysons nobles du pays, +et la detention de leur Royne en Angleterre; et que, nonobstant tout +cella, vous aviez differe et quasi interrompu le dict secours pour luy +complayre, qu'elle, de sa part, vollut entierement retirer ses forces +hors du dict pays, comme elle me l'avoit promis, et nommeement celles +qu'elle avoit encores dans les deux chasteaulx; la segonde chose +estoit qu'ayant Mr l'evesque de Roz aporte toute l'intention et ung +ample pouvoir de tretter et conclurre toutes choses avec elle pour sa +Mestresse, qu'elle y vollut meintennant proceder, ainsy dilligemment +qu'elle vous avoit promiz de le fere, sans plus remettre la matiere en +longueur. + +Sur lesquelles deux choses, Sire, nous avons heu beaucoup de +contention, et n'ay, pour le regard de la premiere, peu obtenir rien +de mieulx que ce que la dicte Dame vous prie, Sire, de vouloir laysser +les loix de leurs frontieres aller leur cours accoustume, suyvant +lequel, le differant des dicts deux chasteaulx et des aultres +attemptatz doibvent estre vuydez par les gardiens d'icelles, qui ne +fauldront de randre lors les dicts deux chasteaulx, sans que cependant +ceulx qui sont dedans facent nul acte d'hostillite, qui estoit une +rayson que, quand elle seroit vostre vassalle, vous ne la luy pouviez +bonnement reffuzer; et, quant au segond, encor qu'elle eust propose de +ne veoyr jamais l'evesque de Roz pour des occasions, lesquelles il +n'avoit peu ny nyer ny excuser, que neantmoins elle me promettoit de +l'ouyr dans deux ou trois jours; et qu'aussitost que le sir de +Leviston, lequel nous avions depesche en Escoce, seroit de retour avec +les aultres commissaires escoucoys, elle vacqueroit sans aulcune +intermission aulx afferes de la dicte Dame. + +Apres lequel propos estimant, Sire, que je ne le debvois pour ceste +fois poursuyvre plus avant, la dicte Dame m'a dict d'elle mesmes +qu'elle desiroit fort que, la premiere foys que je retournerois vers +elle, je lui peusse aporter la conclusion de la paix de vostre +royaulme, estant bien marrye qu'elle alloit ainsy traynant. + +Je luy ay respondu que je n'avoys nul plus grand desir que de la +pouvoir satisfaire en cella, et que ceste sienne bonne intention +obligeoit Vostre Majeste et tout vostre royaulme beaucoup a elle, ne +faysant doubte, quant elle y pourroit ayder de quelque chose, qu'elle +ne le fyst. + +"Il n'y a, respondit elle, nulle oeuvre en ce monde ou je m'employasse +plus vollontiers, ny ou je courusse de meilleur cueur, encores que je +soys boyteuse, que je ferois a celle la, et que de ce j'en asseurasse +Vostre Majeste." + +J'ay la dessus passe oultre a luy dire que je craignois bien que ceste +longueur peult admener quelque chose entre deux, et attirer encores +possible en vostre royaulme une partie de ces Allemans, qui s'estoient +trouvez aux nopces du duc Cazimir; et qu'elle scavoit bien ce qui en +estoit, qui seroit ung bon tour de bonne soeur si elle vous en vouloit +advertyr, comme je luy vouloys bien dire que la condicion de la cause +et celle de sa qualite, qui estoit Royne, l'obligeoient de le fere, et +mesmes d'empescher qu'il ne se preparat rien pour soubstenir +l'opiniastrette et obstination de voz subjectz contre vous, qui +n'estoit exemple que pernicieulx pour elle mesmes. + +Elle m'a respondu qu'elle ne scavoit pas entierement tout ce qui en +estoit, mais que l'Empereur luy avoit bien escript que, par pretexte +du secours de la nouvelle religion en France, il s'estoit faicte une +plus grande assemblee a ces nopces du Cazimir, que ne requeroit +l'ordre des maryez, et qu'il monstroit par sa lettre qu'il la tenoit +fort suspecte pour luy mesmes; adjouxtoit d'aultres gracieulx propos +de ce qu'il avoit veu maryer son frere l'archiduc, encor qu'il l'eust +d'aultres foys tout dedye a elle, mais qu'il la prioyt que les dictes +nopces ne luy fussent d'aulcune jalouzie, car elles n'empescheroient +qu'il ne fut encores tout sien; et que par le propos de la dicte +lettre et par plusieurs aultres indices elle croyoit asseureement +qu'il y auroit ung nouveau secours d'Allemans pour ceulx de la +Rochelle, si la paix ne succedoit. Et par ce, Sire, qu'il seroit trop +long de mettre icy toutz les aultres propoz qu'avons heu en ceste +audience, je les remettray a une aultre foys; et adjouxteray seulement +ung mot de la reception de vostre depesche du XIXe de ce moys, par le +Sr de Vassal, et du voyage que faictes fere par deca au Sr de Poigny, +lequel nous mettrons peyne de l'aprofitter le mieulx qu'il nous sera +possible. Sur ce, etc. + + Ce XXIXe jour de juing 1570. + + + + +CXIXe DEPESCHE + +--du Ve jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Sabran._) + +Resolutions d'Elisabeth de maintenir l'accord fait au sujet de +l'Ecosse, et d'entrer en negociation sur la restitution de Marie +Stuart.--Espoir de la prochaine liberte du duc de Norfolk.--Etat de la +negociation des Pays-Bas.--_Memoire general_, sur les affaires +d'Angleterre.--Bienveillance montree par Elisabeth aux seigneurs +catholiques.--Condition mise a la liberte du duc de Norfolk.--_Memoire +secret._ Communication faite par l'ambassadeur a la reine d'Angleterre +de la reponse du roi sur les articles proposes pour la restitution de +Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, pour avoir Vostre Majeste et la Royne, vostre mere, ainsy +vertueusement parle, comme vous avez, a l'ambassadeur de la Royne +d'Angleterre; et pour m'avoir commande de declairer icy a elle vostre +resolue intention de ne vouloir habandonner aulcunement la Royne +d'Escoce, ny les afferes de son royaulme; il est advenu que la dicte +Dame a cesse d'en poursuyvre plus avant l'entreprinse par la force, et +qu'elle s'est condescendue d'en venir au trette, duquel je vous ay +desja envoye le commancement. Il est vray, Sire, que, despuys dix +jours, l'on luy a si bien faict acroyre que, nonobstant vostre +promesse, vous ne larriez d'envoyer des gens en Escoce, que la dicte +Dame, changeant de delliberation, avoit desja mande au comte de Sussex +de rentrer de rechef avec son armee en pays, et d'y saysir toutes les +places qu'il pourroit; et a l'amyral Clynton de getter promptement six +grandz navyres en mer, non pour aller attaquer la flotte des Francois +au combat de main, laquelle ilz entendoient estre pourveue de deux +mil bons harquebouziers, mais pour la mettre a fondz a coups de canon, +s'il estoit possible; et mande davantaige que le sir de Leviston, +lequel nous avions depesche vers le duc de Chastellerault et vers les +aultres seigneurs escoucoys, pour leur apporter nostre accord, fut +arreste aulx frontieres; et qu'au reste elle ne tretteroit ny +admettroit jamais plus l'evesque de Roz en sa presence; s'esforceans +encores ceulx, qui menoient ceste mauvaise pratique, de me fere +retarder mon audience, affin que je ne peusse asses a temps y +remedier; dont a este asses mal ayse, Sire, de retirer la dicte Dame +de ceste opinion. Neantmoins, j'ay miz peyne de luy dire et encores de +luy bailler par escript, si a propos, la responce de Vostre Majeste du +Xe du passe, et de l'asseurer tant de la seurte et verite qu'elle +trouveroit toutjour en voz promesses, que, oultre les choses que je +vous ay desja mande qu'elle m'avoit en presence lors accordees, voicy, +Sire, ce que de ceste vostre bonne responce s'en est despuys ensuyvy: + +Que la dicte Dame a escript au comte de Sussex de casser son armee et +se retirer luy a Yorc, laissant quelques compaignies aulx gardiens des +frontieres, et une petite garnyson dans Humes et Fascastel; qu'elle a +ordonne a son admyral de ne getter nulz navires dehors, ains de fere +cesser pour ceste heure tout l'armement et apareil d'iceulx; qu'elle a +mande au comte de Lenoz, qui estoit a Lislebourg, avec trois centz +Escoucoys entretenuz aux despens de la dicte Dame, de se retirer a +Barvyc; qu'on n'eust a donner aulcun empeschement au sir de Leviston +en la frontiere, ains de luy laysser librement poursuyvre son voyage; +et finalement, suyvant sa promesse, qu'elle a si paciemment ouy +l'evesque de Roz, et si favorablement receu des ouvrages, qu'il luy a +presentez de la part de sa Mestresse, lesquelz elle mesmes avoit +faictz de sa main, qu'il m'a dict n'avoir jamais heu une plus benigne +audience de la dicte Dame ny plus pleyne de satisfaction, qu'il a +faict ceste foys, avec promesse que, aussitost que le sir de Leviston +et aultres commissaires escoucoys seront arrivez, qu'elle procedera en +toute dilligence aulx afferes de la Royne d'Escosse. Et si, semble, +Sire, que le duc de Norfolc ayt aussi asses advance le faict de sa +liberte, et qu'il est en termes d'estre bientost remiz en son logis de +ceste ville, soubz quelque soubzmission qu'il pourra fere a la dicte +Dame. + +Au surplus, Sire, de tant qu'il se trouve meintennant beaucoup de +diminution et de deschet en la merchandise d'Espaigne, qui a este +arreste par deca, et que ceulx cy ne la veulent fere bonne, ny veulent +pareillement estre tenuz de celle des treze ourques, que ceulx de la +Rochelle en ont emmene pour leur part, il semble que leur accord avec +le duc d'Alve n'est pres d'estre faict; mesmes que une ordonnance, de +nouveau publiee en Flandres contre les Anglois, monstre que le duc en +est asses esloigne, bien que par aultres moyens il en faict de plus en +plus attaicher la pratique, affin de la faire tumber a son poinct, +ainsy qu'on attand la dessus des commissaires de Flandres qui doibvent +bientost arriver; et ceulx cy desirent tant d'en sortyr qu'il semble +qu'a la fin ils se layrront plyer a ce que le dict duc vouldra, comme +desja la dicte Dame lui a offert cinquante mil escuz du sien; mais la +demande passe ung million. Les sollicitations et dilligences de ceulx +de la nouvelle religion ne s'intermettent d'une seulle heure, ce qui +faict acroyre au monde qu'ilz scavent tres bien que le propos de la +paix sera acroche a quelque difficulte, et que la guerre sera encores +continuee. Sur ce, etc. + + Ce Ve jour de juillet 1570. + + INSTRUCTION AU DICT SR DE SABRAN des choses qu'il fault fere + entendre a Leurs Majestes, oultre les lettres: + + Que la Royne d'Angleterre est bien fort sollicitee d'interrompre + la paix de France par aulcuns, qui luy font acroyre, qu'aussitost + que le Roy l'aura conclue, il se ressouviendra des mauvais + deportemens, dont les Anglois, durant ceste guerre, ont use, par + mer et par terre, a la Rochelle, icy, et en Allemaigne, contre + luy; ce qui n'est toutesfoys leur principalle craincte, ains + qu'avec la dicte paix s'en ensuyve l'accomodement des afferes de + la Royne d'Escoce, laquelle ilz cerchent de ruyner, pour preferer + a son tiltre, de la succession de ceste couronne, ses aultres + competiteurs qui y pretendent. + + Mais comme la dicte Royne parle toutjour en fort bonne facon de + la dicte paix, aulcuns m'ont asseure que, a bon escient, elle la + desire, et qu'elle vouldroit en toutes sortes que la querelle des + subjectz fut bien esteincte au proffict et advantaige du Roy, ny + les afferes d'Escoce ne la peuvent mouvoir au contraire, parce + qu'elle veult, commant que soit, sortir d'iceulx; et seulement + elle crainct que le Roy et le Roy d'Espaigne s'accordent a sa + ruyne, car aultrement elle estime bien que, se concluant la paix + en France, le Roy recepvra en grace ceulx de ses subjectz, qui + ont senty quelque faveur et support d'elle, et que ceulx la + seront toutjour moyen que la dicte paix soit aussi entretenue + entre la France et l'Angleterre. + + Et la cause de luy fere ainsy souspeconner, que l'intelligence + des deux Roys soit a son dommaige, procede de la bulle; car ne + peult croyre que, sans leur consentement, le Pape l'ayt oze + expedier ainsy rigoureuse contre elle comme elle est; joinct que + le duc d'Alve se tient a ceste heure trop plus ferme sur l'accord + des prinses qu'il ne faisoit, et a monstre une tres grande + anymosite contre les Anglois par une ordonnance, qu'il a faicte + tout de nouveau publier contre eulx; et si, voyent les dicts + Anglois qu'il se pourvoyt de beaulcoup plus de forces par mer et + par terre, qu'il ne leur semble estre besoing pour la reception + ou conduicte de la Royne d'Espaigne; ce qui leur donne occasion + de croyre qu'il ayt quelque entreprinse sur ce royaulme; + entendans mesmement que le Roy d'Espaigne est fort a bout de ses + Mores, et que toutz les Catholiques, qui s'absentent d'icy, vont + a recours a luy. + + A l'occasion de quoy j'ay prins, entre deux, l'oportunite de fere + recepvoir, le mieulx que j'ay peu, a la dicte Dame les honnestes + expedians et moyens, que le Roy luy a offertz, sur ce qu'ilz + peuvent avoir a demesler l'ung avecques l'aultre; dont semble que + enfin elle se lairra conduyre a quelque rayson, et m'a l'on + asseure que, en l'endroit des Francoys, Allemans et Flamans, de + la nouvelle religion, qui sont icy, elle a faict, despuys cinq ou + six jours, des demonstrations asses expresses qu'elle desiroit la + paix de France; et pareillement a monstre, touchant les choses + d'Escoce, qu'elle vouloit contanter le Roy; et a commande a ceulx + de son conseil de me donner satisfaction sur les choses + raysonnables que je leur pourray demander pour les subjectz de Sa + Majeste. + + Non que, pour tout cella, je cognoisse que ceulx du dict conseil, + qui portent le faict de la religion nouvelle, aillent en rien + plus froidz ny plus remiz que de coustume, ny que les principaulx + agentz, qui sont icy pour ceste cause, intermettent une seule + sollicitation ny dilligence vers eulx, ny a tenir souvant conseil + avecques les ministres, pour envoyer lettres et messaigiers de + toutz costez et pour recouvrer pollices de credit pour + Allemaigne, ensemble pour pourvoir, par mer et par terre, a tout + ce qu'ilz pensent estre besoing pour continuer la guerre, me + venans confirmez de plus en plus les adviz, que j'ay desja + mandez, qu'il s'apreste ung nouveau secours d'Allemans pour eulx, + et qu'ilz preparent une descente par mer en quelque lieu de + Normandie, Picardie ou Bretaigne; dont je crains bien que ung des + serviteurs de Mr de Norrys, nomme Harcourt, qui est Francoys, + lequel a este naguieres depesche d'icy vers son maistre, ayt heu + commission de passer pour cest effect plus avant jusques en + Allemaigne, ou jusques au camp des Princes. + + Neantmoins la demonstration de la dicte Dame est, pour ceste + heure, de vouloir trop plus entretenir l'esperance des + Catholiques en son royaume que d'essayer de la leur rompre, ny de + les mettre en aulcune souspecon des Protestans, ayant par son + garde des sceaux, en l'audience du dernier jour du terme passe, + faict dire a l'assemblee qu'elle avoit ung tres grand regret de + veoir que ses subjectz catholiques se monstrassent intimidez pour + leur religion, ny qu'il y en eust qui, pour cause d'icelle, + s'absentassent, comme ilz faisoient, de son royaulme; et qu'elle + les vouloit toutz admonester de bon cueur de deposer ceste peur, + et de prendre telle asseurance d'elle, qu'elle n'innoveroit ny + permettroit estre innove rien des ordonnances sur ce establyes + par ses Parlementz et Estatz, soubz lesquelles son royaulme avoit + desja vescu plusieurs ans en grand repos, et qu'elle n'entendoit + en facon du monde que les Catholiques fussent forcez en leurs + consciences. + + Dont despuys, la dicte Dame, entendant qu'on avoit rigoureusement + examine et tenu asses estroict le sir Jehan Cornouaille, jadis + conseiller de la Royne Marie, et trois aultres personnaiges + d'asses bonne qualite, qu'on avoit envoye a la Tour pour estre + cognuz affectionnez catholiques, elle s'en est asprement prinse a + ceulx qui l'avoient ose fere; et, pour leur fere plus de honte, + elle a ottroye que le dict Cornouaille puysse venir luy baiser la + main, pour le renvoyer libre en sa mayson, et a commande que les + aultres soyent tirez de la Tour. + + Et, encor qu'on luy ayt vollu imprimer beaucoup de nouvelles + souspecons du comte d'Arondel, de milord Lomeley, du viscomte de + Montegu et d'aulcuns aultres seigneurs reputez catholiques, qui, + pour ceste cause, s'estoient tenuz retirez, elle n'a laysse de + les envoyer querir avecques faveur; et n'a rejette les propos que + eulx mesmes et d'aultres luy ont meu sur la liberte du duc de + Norfolc, nonobstant que, ez quartiers de son duche, ayent este + naguieres surprins deux gentishommes, asses familiers et + serviteurs de sa mayson, qui pratiquoient de soublever le peuple + et se saysir du chasteau de Farlin, qui est la principalle + forteresse du pays. + + Et semble que le dict duc seroit desja delivre, sans la + competance ou en sont le comte de Lestre et le secretaire + Cecille, lesquelz veulent chacun en avoir tout le gre, et estime + l'on que le comte soit marry de ce que n'ayant peu conduyre ce + faict avant son partement, il ayt trouve, a son retour, que le + dict Cecille l'avoit bien fort advance, lequel, a ce que + j'entendz, a tenu un tel moyen vers sa Mestresse: c'est de luy + avoir persuade qu'elle debvoit conceder l'eslargissement du dict + duc, s'il luy declaroit par une lettre, escripte et signee de sa + main, qu'il confessoit l'avoir offancee en ce que, sans son sceu, + il avoit preste l'oreille au mariage de la Royne d'Escoce, bien + qu'il eust toutjours estime que c'estoit pour la seurte d'elle et + pour le repoz de son royaulme, mais puysqu'elle n'estimoit qu'il + fut ainsy, et qu'il s'apercevoit a ceste heure qu'il estoit asses + aultrement, il s'en despartoit entierement et pour jamais, et + promettoit de n'entendre a cestuy, ny a nul aultre mariage, en sa + vie, que ce ne fut avec le conge et bonne grace de la dicte Dame: + lequel expediant je croy qui sera suyvy. + + Estant ce dessus escript, j'ay heu adviz comme un pacquet du + docteur Mont, agent pour ceste Royne en Allemaigne, estoit + arrive, dez hyer au soyr, par lequel il mande que le Pape faict + bien fort presser l'Empereur de commancer la diette et de + proceder a la privation et desauthorisation des trois ellecteurs + laycs, pour substituer trois princes catholiques a leur lieu; + scavoir: l'archiduc Ferdinand, le duc de Baviere et le duc de + Bronsouyc; mais que, se trouvans les aultres accompaignes de dix + ou douze mil chevaulx, et le dict Empereur seulement de douze ou + quinze centz, il faict grand difficulte de se trouver a la dicte + diette. + + Et que, par lettres du comte Pallatin venues en mesmes pacquet, + le dict sieur comte escript que le Pape s'esforce de troubler + l'Allemaigne, ainsy qu'il a trouble le royaulme de France; et que + Dieu lui est tesmoing que, de sa part, il desire la tranquillite + et le repoz de la Chrestiente et singulierement du dict royaume, + en ce toutesfoys que la paix s'y puisse fere estable et a la + seurte de sa religion, aultrement il promect qu'il ne sera rien + obmiz de ce qui sera besoing pour reprimer ceulx qui la veulent + empescher. Il semble que, sur ceste alteration d'Allemaigne, le + dict Pallatin s'employeroit asses vollontiers a procurer la dicte + paix, dont le Roy pourra essayer de se prevaloir de leurs mesmes + divisions, et je mettray peyne de fere sonder icy, parmi les + Protestans, s'ilz sentent que d'icelles leur vienne nul + retardement ou changement en leurs afferes; car j'estime bien + qu'on attandra de veoir que pourra produyre ceste diette, qui est + si suspecte aux princes protestans, premier qu'ilz se + divertissent a nulles aultres entreprinses, et cella donra + quelque loysir a Sa Majeste. + + DIRA DAVANTAIGE, DE MA PART, A LEURS MAJESTEZ: + + Que ne sachant comme la Royne d'Angleterre eust peu prandre ce + que Leurs Majestez me commandoient de luy dire, touchant la ligue + d'entre la Royne d'Escoce et elle, comme le Roy estoit contant + d'y entrer, j'ay estime que, pour reserver tout l'advantaige a + Leurs Majestez, et obvier qu'on n'y puisse rien calompnier, que + j'en debvois parler en la facon que j'ay faict: + + C'est que j'ay dict a la dicte Dame qu'ayant le Roy entendu les + trois poinctz, ausquelz s'estoit restreinct tout le premier + pourparle d'entre les seigneurs du conseil d'Angleterre et + l'evesque de Roz; scavoir: de la religion, du tiltre de ceste + couronne et de la ligue; que, quant au premier, de la religion, + estant desja certain ordre receu la dessus en Escoce, lequel la + Royne n'a jamais enfrainct, il vouloit tant seulement prier a + ceste heure la dicte Dame de ne fere force ny viollance a la + conscience de la dicte Royne d'Escoce, ny innover rien en ceste + matiere qui peult admener plus d'alteration au monde qu'il n'en y + a: + + Et du segond, qui est le tiltre de la couronne d'Angleterre, + qu'il desiroit que la dicte Royne d'Escoce luy en fit toute la + cession et transport, qu'elle et son conseil estimeroient luy + estre besoing pour sa perpetuelle seurte et pour ceulx qui + pourroient provenir d'elle: + + Au regard du troisiesme, qui concerne la ligue, qu'il ne seroit + marry qu'elle se fit entre elles, pourveu que ce ne fut contre + luy, ny au prejudice des aultres ligues qu'il a avec la dicte + Royne d'Angleterre et son royaume, et pareillement avec la Royne + d'Escoce et le sien; et layssay la dessus amplement discourir la + dicte Dame et estendre ses responces, sans l'interrompre de rien, + ainsy que je l'ay desja mande. + + Mais reprenant, puys apres, le propos, je luy diz que, ayant + considere de moy mesmes combien il sourdoit a toute heure de + grandes espines et de nouvelles difficultez en ce faict de la + restitution de la Royne d'Escoce, a cause qu'on la luy proposoit + toutjours fort suspecte du coste de France, j'avois suplie le Roy + de vouloir luy mesmes intervenir en la ligue deffencive, qui se + feroit entre elles deux, affin qu'en lieu de se deffyer de luy, + elle en print dorsenavant toute asseurance et seurte; et que le + Roy m'avoit respondu qu'il le vouldroit bien, mais qu'il ne + voyoit pas le moyen commant cella se pourroit fere; toutesfoys, + si je le voyois icy sur le lieu, qu'il s'en remettait bien a moy + de passer oultre; + + Et que je pensoys qu'il avoit regarde a la jalouzie, que les + aultres princes en pourroient prendre, et possible encores a la + diversite de la religion; dont, de tant qu'il ne m'avoit commande + d'en declairer si avant a la dicte Dame, et que neantmoins + c'estoit chose que je ne pouvois effectuer sans elle, je prenois + sa parolle pour garant que le propos seroit reserve et ne + passeroit plus avant qu'entre nous deux, ou bien, si elle en + vouloit communiquer a son conseil, qu'elle me promettait de ne + dire jamais que cella fut procede de moy. + + La dicte Dame, ayant tres agreable le dict propos, lequel a este + cause que tout l'affere est retourne en bons termes, et + neantmoins, estant marrye que je y allois si reserve, me demanda, + trois ou quatre foys, si j'avois poinct pense nul bon moyen en + cella. Je ne luy volluz soubdain respondre, affin de luy en + laysser a elle mesmes mettre quelcun en avant; mais enfin je luy + diz que celluy que je voyois le plus honeste estoit que la Royne + d'Escoce le requist, et que le Roy, pour le bien et consideration + d'elle, auroit plus grande ocasion d'y entendre: et n'en est + encores la chose plus avant. + + + + +CXXe DEPESCHE + +--du IXe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Diepe par Me Allexandre._) + + Arrivee de Mr de Poigny en Angleterre.--Affaires d'Ecosse et + d'Allemagne.--Nouvelles apportees de la Rochelle; combat de + Sainte-Gemme pres Lucon.--Declaration du duc d'Albe que les + preparatifs maritimes faits dans les Pays-Bas n'ont d'autre but + que d'assurer la conduite en Espagne de la nouvelle reine. + + AU ROY. + +Sire, estant Mr de Poigny arrive le IIIIe de ce moys en ceste ville de +Londres, j'ay envoye, le jour d'apres, fere entendre sa venue a la +Royne d'Angleterre, et la prier de nous donner audience, laquelle la +nous a prolongee jusques aujourduy, dimenche, que nous l'allons +trouver a Otland, asses incertains que pourra reuscyr de son voyage; +car il semble que la dicte Dame ayt escript a son ambassadeur par +della qu'il s'estoit trop advance de vous requerir de l'envoyer, et +que desja il s'est excuse de n'avoir onques pense de vous parler de +telle chose. Et encores est advenu que les Escoucoys ont freschement +couru et pille le bestial en la frontiere d'Angleterre, a l'ocasion de +quoy le comte de Sussex, non seulement n'a separe son armee, mais a +faict grande instance qu'il luy fut permiz de rentrer encores une foys +en Escoce, et a retenu pour ceste occasion quelques jours davantaige a +Auvyc le sir de Leviston, que nous envoyons en Escoce. Toutesfoys +l'on nous asseure qu'il est meintennant passe; dont n'estant encores +les choses qu'en asses bons termes, nous incisterons, aultant qu'il +nous sera possible, qu'elles soyent effectuees ainsy qu'on a commance +de les tretter. + +Et cependant, Sire, je diray a Vostre Majeste qu'il y a quelque +aparance, parmy ceulx de la nouvelle religion qui sont icy, que la +nouvelle, qu'ilz ont despuys trois jours d'Allemaigne, leur jette +l'esperance de leur secours ung peu plus loing qu'ilz ne pensoyent, +entendans comme l'assemblee de Heldelberc s'est separee; et que le duc +Auguste, estant alle devers l'Empereur, luy a parle en si bonne sorte +de l'ocasion qui le pressoit de s'en retourner chez luy, que non +seulement l'Empereur le luy a permiz, mais ne luy a reffuze son +excuse, de ne se pouvoir sitost trouver a la diette; et que despuys, +le comte Pallatin l'est semblablement alle saluer, qui luy a offert +d'intervenir luy mesmes a icelle diette, si les aultres princes y +viennent; et que, contre l'opinion qu'on avoit que, pour craincte de +ceste assemblee de Heldelberc, le dict Empereur ne passeroit oultre, +l'on mande qu'il est arrive le XVIIIe de juing a Espire, accompaigne +seulement, oultre ceulx de sa court, du duc Jehan Georges Pallatin, +qui monstre de vouloir asprement quereller une quarte part du +Pallatinat; et que le dict Empereur est alle descendre a l'esglize +principalle, au grand contantement des Catholiques, se descouvrant de +plus en plus que icelle diette est principallement indicte pour +proceder contre les trois ellecteurs protestans, desquelz n'ayant leur +dignite prins aultre origine ny fondement que de l'authorite du Pape, +par la bulle jadis sur ce expediee, il semble n'estre sans rayson que, +par la mesmes authorite, puysqu'ilz s'en sont substraictz, joinct +celle de l'Empereur, ilz en puissent meintennant estre fort +legitimement privez; non que les dicts de la religion se tiennent pour +cella moins asseurez que devant d'avoir leur secours, ains plus, a +ceste heure qu'ilz disent que, parce que les dits princes ont +descouvert ceste entreprinse, ilz se veulent plus evertuer, qu'ilz +n'ont encores jamais faict, pour la deffense de la religion; bien +pensent qu'affin qu'ilz se puissent mieulx opposer a tout ce qui se +pourroit decretter contre eulx, ils vouldront retenir les forces dans +le pays jusques a la fin d'icelle diette; et aussi que n'ayantz les +draps de ceste derniere flotte d'Angleterre heu encores asses bonne +vante en Hembourg, leurs lettres de credit, qui sont assignees la +dessus, n'ont peu estre si tost employees; et le payement est retarde +d'ung moys: mais ilz n'intermettent cependant aulcune poursuyte ny +dilligence en cella, mesmes qu'on leur a escript que les deniers, pour +la levee de Vostre Majeste, sont desja arrivez par della. + +Et j'entendz, Sire, que jeudy dernier, arriva ung soldat de la +Rochelle, qui magniffie bien fort quelque routte que les Huguenotz ont +donnee aulx capitaines La Riviere et Puygaillart pres de Lusson[10], +ou est demeure, a ce qu'il dict, plus de cinq centz des nostres sur la +place, et dix sept capitaines avec plus de deux centz aultres +prisonniers; et, sellon les lettres que le dict soldat a apportees, +lesquelles ont este veues en ceste court, le comte de La Roche +Foucault, qui estoit party pour s'aller joindre au camp des Princes, +s'en est retourne d'Angoulesme, a cause de la blessure du Sr de La +Noue, de qui l'on n'espere guyeres la gueryson, affin de ne laysser la +Rochelle et le pays sans gouverneur; et que le dict sieur comte est +apres a mettre aulx champs envyron cinq mil hommes de pied et cinq +centz chevaulx, avec trois pieces d'artillerye, pour aller reprendre +Xainctes, et de la marcher en Brouaige; et que le capitaine Sores +estant adverty que deux tres riches flottes revenoient des Indes, +l'une pour Espaigne, et l'aultre pour Portugal, qui doibvent arriver a +ce moys d'aoust, est alle essayer s'il en pourra piller quelque une, +ayant, comme il semble, pour ceste occasion remiz l'entreprinse de +leur descente, dont vous ay ci devant escript, jusques a son retour; +et cependant les vaysseaulx du prince d'Orange et ceulx de quelques +pirates francoys, qu'ilz nomment le capitaine Joly, du Mur, Bouville +et aultres, ont combattu, vendredy dernier, dans ceste mer estroicte, +une flotte de douze grandes ourques, lesquelles, soubz la conserve de +deux aultres grandz navyres de guerre, passoient de Flandres en +Espaigne, et ont prins l'admyralle et une aultre des plus riches. + + [10] Combat livre a Sainte-Gemme-la-Plaine, en Poitou, dans + lequel la Noue, qui commandait les Protestans dans la Saintonge, + remporta une victoire signalee sur les troupes royales. La + blessure qu'il recut quelques jours apres, a l'assaut de + Fontenay, necessita l'amputation du bras gauche, mais il ne tarda + pas a reprendre son commandement. + +Le duc d'Alve a fait declairer icy par l'ambassadeur d'Espaigne que +l'armement, qu'il prepare en Flandres, n'est pour aultre effect que +pour conduyre la Royne, sa Mestresse, devers le Roy son mary, avec +l'apareil qui convient a une si grande princesse comme elle est, pour +le dangier des pirates; ce que j'estime, qu'il a fait expressement +pour garder que les Anglois n'arment de leur coste; car ilz ne +pourroient, puys apres, se tenir qu'ilz n'allassent se presenter en +mer au passaige de la dicte Dame, en dangier qu'il y peult survenir +quelque accident, ce qu'il veult bien evytter; et a mande que ceulx +qu'il a faict depputer sur le differant des merchandises, sont desja +partys pour venir par deca. Sur ce, etc. + + Ce IXe jour de juillet 1570. + + + + +CXXIe DEPESCHE + +--du XIIIe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Diepe par Jehan Girault._) + + Audience accordee par la reine d'Angleterre a Mr de Poigny, + envoye vers elle pour negocier la mise en liberte de Marie + Stuart, et son retablissement.--Nouvelles d'Ecosse.--Insistance + de l'ambassadeur pour qu'Elisabeth refuse toute protection aux + protestans de France, s'ils ne consentent pas a accepter les + conditions offertes par le roi. + + + AU ROY. + +Sire, nous avons este, despuys quatre jours en ca, trouver la Royne +d'Angleterre a Otland, laquelle a monstre de recepvoir, avec playsir, +les lettres et recommendations, que Voz Majestez lui ont faictes +presenter par Mr de Poigny, et l'a receu a luy mesmes bien fort +favorablement; dont, apres aulcuns bien honnestes propos, de l'ayse +qu'elle avoit d'entendre de voz bonnes nouvelles et vostre retour en +bonne sante vers les quartiers qui sont plus pres d'icy, elle a +commance de lyre asses hault voz lettres; sur lesquelles monstrant de +s'esbahyr de l'occasion que luy mandiez du voyage du dict Sr de +Poigny, que ce fut a l'instance de son ambassadeur, elle nous a dict, +tout clairement, qu'elle n'avoit point donne ceste charge a son +ambassadeur, ainsy qu'il se pourroit bien veriffier par la minute des +lettres que, despuys deux moys, elle lui avoit escriptes: et le +Secretaire Cecille, lequel elle a appelle la dessus, n'a failly de le +confirmer de mesmes. + +Puys, elle a suyvy a dire qu'il estoit advenu l'ung de deux; ou qu'on +avoit equivoque sur ce qu'elle avoit accorde que la Royne d'Escoce et +moy peussions envoyer ung gentilhomme jusques en Escoce pour voir +comme les armes s'y poseraient, et comme elle feroit retirer ses +forces hors du pays, ainsy que, pour cest effect, le sir de Leviston +estoit desja par della, mais non de fere venir expres ung gentilhomme +de France; ou bien qu'il y avoit de l'artiffice; mais, d'ou que peult +venir la faulte, elle n'estoit que heureuse, puysqu'elle luy estoit +moyen de pouvoir mieulx entendre l'estat et bonne disposition de Voz +Majestez. + +A quoy ayantz vifvement inciste qu'il n'y avoit, ny pouvoit avoir, nul +mescompte ny artiffice de vostre coste, le dict Sr de Poigny a allegue +qu'il avoit veu son dict ambassadeur estre longtemps en l'audience +avec Voz Majestez a vous discourir et monstrer plusieurs papiers; et +que, au sortir de la, vous luy aviez commande de s'en venir, qui ne +pouvoit estre, sans que le dict ambassadeur l'eust ainsi requis. Et a +poursuyvy de reciter a la dicte Dame bien particulierement tout le +contenu de sa charge, en si bonne et gracieuse facon, qu'elle a +monstre d'en avoir tout contantement. + +Il est vray, Sire, qu'elle a commance de respondre par une plaincte, +qu'elle nous a faicte, de l'affection que Vostre Majeste monstre de se +souvenir trop plus de la Royne d'Escoce et de ses afferes que des bons +tours de bonne soeur et vraye amie, qu'elle vous a monstrez en ces +troubles de vostre royaulme; mais que pourtant elle ne veult laysser, +sur la consideration qu'avez heue de n'envoyer voz forces en Escoce, +de vous en randre ung bien fort grand mercy, et non moindre pour +l'amour de vous que pour l'amour d'elle mesmes, car l'honneur est egal +a toutz deux; et qu'au reste, encores qu'on dye que les femmes ont +toutjours des responces et deffaictes toutes prestes, qu'elle n'en +usera en cest endroict, ains prendra temps pour bien consulter +l'affere, affin de nous donner, par apres, plus grande satisfaction. + +Et ainsy, Sire, nous sommes attandans qu'est ce qu'elle trouvera par +son conseil qu'elle nous debvra dire; et, de tant qu'elle nous a +touche de l'armement, qu'elle dict estre encores tout prest en +Bretaigne, contre l'asseurance que je luy avois donnee que vous +l'aviez contremande, et aussi de quelque personnaige qu'avez +freschement depesche par mer en Escoce; et que, parmy cella, elle nous +a ramentu plusieurs offances que la Royne d'Escoce, a ce qu'elle dict, +luy a faictes, avec grande deffiance d'elle et de Mr le cardinal de +Lorrayne, je ne vois pas que nous soyons encores bien prez de +conclurre quelque bon marche entre elles. Tant y a que comme il n'a +este, a mon adviz, rien oublye de ce qui se pouvoit desduyre en ceste +premiere remonstrance, nous ne delliberons d'estre moins pressantz en +la segonde. Ce poinct, au moins, nous demeure gaigne despuys dix +jours, que l'armee de la dicte Dame, suyvant ce que je vous ay cy +devant mande, est entierement cassee, et ne reste nulles aultres +forces en la frontiere du North que la garnison acoustumee de Barvich +et celle qu'on a laysse dans les deux chasteaux de Humes et Fascastel. +Il est vray que, dedans Barvych, demeure ung bien fort grand appareil +de guerre, qu'on y avoit desja prepare pour la generalle entreprinse +d'Escoce, et l'armee peult, en bien peu de jours, estre rassemblee. Je +ne scay si le comte de Lenoz aura de mesmes obey a ce que je vous ay +mande, Sire, qu'on luy avoit escript de se retirer au dict Barvych et +de licentier les trois centz Escoucoys qu'on entretenoit pres de luy; +car, sellon les dernieres nouvelles qui sont venues de della, il +s'entend que le dict de Lenoz estoit encores a Esterlin, le XXVIe du +passe, avec les comtes de Morthon et de Mar, creez lieuctenans du +jeune Roy son petit filz, jusques au dixieme de ce moys; auquel jour +toutz ceulx de ceste faction se debvoient trouver a Lislebourg pour +mettre quelque resolution en leurs afferes. Ilz ont este en termes de +porter le dict jeune Roy au dict Lislebourg affin qu'avec sa presence +ilz peussent recouvrer le chasteau, mais le lair de Granges a respondu +que le dict Prince y seroit le bien venu; neantmoins qu'il vouloit +demeurer le plus fort dedans, attandant que la Royne sa mere et luy +fussent d'accord comme ilz entendroient qu'il en usast. Cependant la +dicte Dame a envoye confirmer a sa devotion le dict de Granges, et ses +aultres bons serviteurs de della, par le dict sir de Leviston, qui +leur a apporte, de par elle, trois mil escuz, de la somme que je luy +ay naguieres fornye, affin qu'ilz ayent de quoy se pourvoir des choses +qui sont necessaires pour la garde du dict chasteau de Lislebourg et +de celluy de Dombertrand. + +Sur la fin de nostre audience, Sire, j'ay faict mencion a la dicte +Dame de l'estat auquel sont encores les afferes de vostre royaulme, et +comme Vostre Majeste, ayant donne ung clair tesmoignage au monde de sa +bonne intention a reunyr toutz ses subjectz, et esgallement les +conserver, et d'avoir concede a ceulx, qui se sont ellevez, une si +grande satisfaction, pour leur religion et pour leurs afferes, et +encores pour la seurte de leur personnes, qu'il ne leur reste plus +aulcune excuse de ne debvoir poser les armes, ny de quoy pouvoir +alleguer a la dicte Dame, ny aulx aultres princes protestans, que vous +pourchassiez d'exterminer leur religion, puysque permettez qu'elle ayt +cours et exercisse en vostre royaulme; qu'elle veuille donques croyre +que vous ne cerchez en ceste guerre que le seul recouvrement de +l'obeyssance qu'ilz vous doibvent; et que leur entreprinse, s'ilz +passent oultre, ne peult estre dresse que contre vostre estat et +authorite; et que n'estantz naiz au pareilh degre d'honneur de Voz +Majestez, il est sans doubte que, s'ilz pouvoient avoir quelque +advantaige sur vous, que eulx et leurs semblables entreprendroient de +fere le mesmes, par toutz les aultres estatz de la Chrestiente, pour y +abattre l'authorite et esteindre le sang royal des princes souverains; +dont la priez que, s'ilz different ou reffuzent d'accepter vos +honnestes offres, qu'elle les veuille tout aussitost priver de toute +faveur et retraicte en ses portz et pays, et employer ses bons moyens, +icy et en Allemaigne, et vers les princes protestantz, desquelz ilz +attandent leur secours, et partout ou elle pourra, par mer et par +terre, qu'ilz ne puissent executer leurs mauvaises et violantes +intentions. + +A quoy la dicte Dame m'a respondu que je luy estois tesmoing, que, +entre ses meilleurs desirs, elle avoit toutjours heu bien expecial +celluy de la paix de vostre royaulme, et qu'elle esperoit que voz +subjectz ne se diffameroient tant que de la rejetter, si les +condicions estoient telles que je disoys; et que d'autresfoys elle +m'avoit dict qu'elle vouloit reserver une oreille aulx raysons que les +aultres pourroient alleguer, lesquelz, si n'en avoient de si bonnes +qu'ilz se peussent bien excuser de l'obeyssance et deposition d'armes +que Vostre Majeste leur demande, qu'elle les tiendroit puys apres pour +rebelles; et qu'elle croyt que leur longueur vient de ce que les +exemples du passe leur font peur; comme encore elle pense que, quant +Dieu vous aura donne la paix, l'on ne cessera, avant deux ans, de vous +pousser a la guerre, pour oster ceste religion, et mesmes a vous +anymer contre ce royaulme comme contre ung coin de terre qui sert de +retrette aulx Protestans; ains qu'elle scayt bien qu'on a vollu +imprimer au cueur de Monsieur d'aspirer par ce moyen a quelque +couronne, mais qu'elle espere que vostre prudence et la sienne, et +vostre moderation, resisteront a si mauvais et pernicieulx conseilz; +et, quant aulx choses d'Allemaigne, qu'elle m'a naguieres adverty de +ce que l'Empereur luy en avoit escript, et bientost elle attand +lettres de della, desquelles elle me fera part, c'est en substance, +Sire, ce qui s'est passe en la dicte audience. Sur ce, etc. + + Ce XIVe jour de juillet 1570. + + Tout presentement viennent d'arriver les commissaires de + Flandres, que le duc d'Alve a envoyez pour venir visiter les + prinses et en fere l'evaluation. Et semble que l'esperance de + liberte est prolongee au duc de Norfolc encores pour trois moys. + + + + +CXXIIe DEPESCHE + +--du XIXe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet_.) + + Audience accordee a Mr de Poigny et a l'ambassadeur.--Refus de la + reine d'Angleterre de laisser passer Mr de Poigny en + Ecosse.--Consentement qu'elle lui accorde de se rendre aupres + de Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, la Royne d'Angleterre nous a prolonge six jours entiers sa +responce, et, le septiesme, elle nous a mande venir a Otland pour la +nous fere, qui y sommes arrivez sur le poinct qu'elle estoit preste +d'en desloger, a cause que, la nuict precedante, quelques ungs y +estoient mortz si soubdainement qu'on eust souspeconne que ce fut de +peste. Neantmoins s'estans ceulx de son conseil incontinent assemblez, +Mr de Poigny et moy avons este premierement introduictz vers eulx, et +ilz nous ont faict entendre par milor Chamberlan ce qui s'en suyt: + +Que la Royne, leur Mestresse, ne voulant aulcunement contradire la +parolle de Vostre Majeste, en ce que mandiez avoir depesche Mr de +Poigny vers elle, sur l'instance que son ambassadeur vous en avoit +faicte, elle a estime avoir occasion de vous en remercyer, comme elle +faict de bon cueur; mais qu'elle vous prie, Sire, de croyre que son +ambassadeur n'a poinct heu ceste charge; et, quant a celle, qu'avez +donnee au dict Sr de Poigny, d'assister par deca au trette qui se fera +entre elle et la Royne d'Escoce, encor que ce soit chose apartenant a +elles deux, ou nul aultre qu'elles et leurs subjectz n'ont que voir, +et ou l'arbitrage ny l'authorite de nul aultre prince n'est requise, +neantmoins elle est contante que, luy ou moy, ou toutz deux ensemble, +interveignons pour Vostre Majeste en ce qui s'y fera, comme en ung +acte qu'elle veult vous estre tout clair et cogneu; et au regard +d'aller visiter la Royne d'Escoce, qu'ilz layssoient a la Royne, leur +Mestresse, d'en tretter avecques nous; mais, quant a passer plus avant +jusques en Escoce, de tant que cella leur sembloit debvoir plus +aporter d'empeschement que de proffict au trette, et possible +engendrer de grandes difficultez en tout l'affere, comme desja ung +pareil exemple les en avoit faictz saiges, qu'ilz avoient tout +librement dict a la dicte Dame, qu'il n'estoit besoing qu'elle l'y +layssat passer; a cause de quoy ilz prioient Vostre Majeste de trouver +bon que, pour n'interrompre ung si bon oeuvre, il se deportast +entierement d'y aller. + +A quoy ayant le dict Sr de Poigny fort particullierement et bien +respondu, et s'estant principallement arreste a ne debvoir estre +aulcunement empesche de passer en Escoce, par des raysons tres +aparantes, qu'il leur a sagement et fort vifvement remonstrees; et y +ayant aussi fort fermement inciste de ma part, avec priere qu'ilz le +vollussent acompagnier d'ung aultre gentilhomme des leurs pour pouvoir +esclayrer ses actions, affin de n'en prendre point de deffiance, nous +les avons fort pressez de n'uzer en chose de si petite importance, +laquelle n'estoit que pour leur proffict, d'aulcun reffuz qui vous +peult ou mal contanter, ou prejudicier a la liberte des trettez. + +Sur quoy iceulx seigneurs, ayantz de rechef miz l'affere en +delliberation, nous ont, par le secretaire Cecille, presens toutz les +aultres, faict dire que, considere que en ceste cause les personnes +qui y interviennent sont Vostre Majeste, la Royne leur Mestresse et +la Royne d'Escoce, scavoir: les deux comme principalles en interest, +et Vous, Sire, comme allye fort estroit a l'une, et en bonne amytie +avecques l'aultre; et que la matiere touche principallement a leur +Mestresse comme invahye en son tiltre, et au nom, armes et enseignes +de son estat, par la Royne d'Escoce; laquelle n'a jamais vollu, +quelque dilligence qu'on en ayt sceu fere, aprouver le trette sur ce +faict avec ses depputez, bien que legitimement authorisez du feu Roy +son mary, vostre frere, non sans indignite de ceste couronne: +considere aussi que ceulx, qui tiennent son party en Escoce, non +seulement ont retire les rebelles d'Angleterre, ains se sont joinctz +avec eulx pour venir assaillyr ce royaulme, et que, nonobstant tout +cella, ainsy que les choses estoient en termes de quelque moderation +entre le comte de Sussex et les Escossoys, au moys d'apvril dernier, +survenant la dessus ung gentilhomme francoys, tout fut interrompu, et +commancerent incontinent ceulx du dict party de la Royne d'Escoce de +tumultuer et de devenir si insolantz, que le dict de Sussex fut +contrainct de exploicter ses forces contre eulx; et encores tout +freschement le sir de Leviston n'a este sitost par della que ceulx de +la frontiere d'Escoce n'ayent incontinent entreprins de courre et +piller celle d'Angleterre: considere aussi que le dict sir de Leviston +sera en brief de retour avec les aultres depputez du royaulme, +lesquelz, si ne sont desja partys, sont si pres de le fere, que le +mieulx qu'adviendroit au dict Sr de Poigny seroit ou de les faillyr en +chemyn, ou de les rencontrer en lieu, d'ou possible ilz ne vouldroient +passer plus avant, jusques a ce que sa legation fut entendue de ceulx +qui les envoyent, qui seroit d'aultant retarder la besoigne; joinct +que; tant plus nous incisterions au dict voyage, plus nous le leur +rendrions suspect, et leur donrions a penser que Vostre Majeste ne +l'auroit commande, ny pour satisfere a leur ambassadeur, ny pour +l'utillite de leur Mestresse, ainsy que nous nous esforcions de le +leur persuader; ilz percistoient, en ce qu'ilz avoient desja conseille +a la dicte dame, qu'il n'estoit aulcunement expediant que le dict Sr +de Poigny passat oultre. Bien nous vouloient, quant au reste, donner +seurte pour elle qu'aussitost que les dicts seigneurs escoucoys +seroient arrivez, elle sera preste de proceder sur les afferes d'entre +la Royne d'Escoce et elle, sellon le trette qui en a desja este +commance avecques moy, et dont j'en ay mis quelque forme en escript, +et d'entendre a la restitution de la dicte Dame, aultant, qu'avec son +honneur et sa seurete, elle le pourra fere. + +Et sont demeurez si fermes en cella que, ne pouvant gaigner rien +davantaige avec eulx, nous sommes allez trouver leur Mestresse; et +elle nous a tenu le mesmes langaige, adjouxtant seulement, pour le +regard de l'indignite et moquerie, que nous alleguions estre en cest +empeschement du voyage du dict Sr de Poigny en Escoce, puysqu'il +estoit si avant, qu'elle prenoit en sa charge d'en contanter Vostre +Majeste; mais, quant a aller devers la Royne d'Escoce, s'il me +sembloit que d'une telle visite, apres les occasions que je scavois +bien qu'elle luy avoit donnees de beaucoup d'offances, et sur +l'opinion qu'on pourroit prendre que ce fut par craincte ou par +menaces qu'elle l'ottroyoit, il n'en peult advenir de prejudice a sa +reputation, ny aulcun interest a votre commune amytie, qu'elle estoit +contente de le permettre. + +Sur quoy je l'ay priee de prendre de bonne part l'honneste office que +Vous, Sire, faisiez envers vostre belle soeur, et qu'elle layssat aux +mal affectionnez, d'y donner telle interpretation qu'ilz vouldroient, +car ce ne pourroit jamais estre qu'a la louange de sa bonte, et vertu, +et encores a son honneur et proffict. Et ainsy, Sire, elle a donne +saufconduict au dict Sr de Poigny d'aller trouver la dicte Dame; chose +que nous n'esperions guyeres et laquelle monstre desja debvoir estre +de beaucoup de moment pour vostre service, en ce royaulme et en celluy +d'Escoce. Et avant s'acheminer, le dict Sr de Poigny a advise de +donner entier compte de toute sa negociation a Voz Majestez, ainsy +qu'il vous plairra le voyr par ses lettres, ne voulant, Sire, pour +quelques aultres empeschemens, qui commancent de paroistre tout de +nouveau en cest affere, venantz de lieu d'ou moins vous l'attandiez, +laysser d'esperer que la paix de vostre royaulme ne soit pour bientost +vuyder ceste, et encor d'aultres plus grandes difficultez; ainsy que +ceste Royne n'a vollu finir l'audience sans monstrer une conjouyssance +du bon espoir qu'elle dict avoir d'icelle, et que ce luy sera aultant +de joye, de sante et de bon portement, si elle en peult bientost +entendre la conclusion. Sur ce, etc. Ce XIXe jour de juillet 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, nous n'avons peu, pour ce coup, obtenir rien de mieulx en la +negociation de Mr de Poigny que de luy permettre qu'il puysse aller +visiter la Royne d'Escoce de la part de Voz Majestez; qui n'est si +peu, Madame, qu'on ne le tienne icy en beaucoup, et que la reputation +de vostre couronne n'en semble estre en quelque chose relevee, et +qu'on ne commance de bien esperer de tout le reste. Nous avions, avant +aller a ceste segonde audience, heu advertissement de certaynes +traverses, que la communication du Sr dom Frances avec Mr de Norrys +vous y faict, qui a este cause que j'ai, avec le plus de vehemence et +d'affection que j'ay peu, touche a la Royne d'Angleterre les poinctz +qui la doibvent asseurer de vostre amytie, et ceulx qui la luy peuvent +rendre utille et pleyne de confiance, et le mesmes aulx seigneurs de +son conseil; dont le comte de Lestre et le secretaire Cecille m'ont +despuys recerche de plus estroicte conferance avec eulx; et Mr de Roz +a raporte d'elle, et d'eulx, plus amples promesses sur l'advancement +de toutz les afferes de sa Mestresse; ainsy que plus en particullier +je le vous manderay, dans quatre ou cinq jours, que je depescheray ung +des miens devers Vostre Majeste. Et vous diray cependant, Madame, que +le dict Sr Norrys a mande qu'il y avoit grand apparance que la paix +succederoit bientost, ce qui faict monstrer ceulx cy en meilleure +disposition vers toutes les choses de vostre service. Ilz sont apres a +jetter cinq grandz nayyres avec mil hommes dehors, avitaillez pour +deux moys, par pretexte d'aller reprimer les pirates, mais c'est pour +le souspecon qu'ilz se donnent de l'armement du duc d'Alve; auquel +toutesfoys ceste Royne a naguieres, par persuasion du dict Sr Norrys, +escript une lettre pleyne d'affection, affin de prendre asseurance de +luy, et luy en donner tout aultant d'elle, touchant le passaige de la +Royne d'Espaigne. J'entendz qu'il est arrive plusieurs lettres +d'Allemaigne, et entre autres du comte Pallatin, qui semble inviter +ceste princesse a desirer la paix de France. Sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de juillet 1570. + + + + +CXXIIIe DEPESCHE + +--du XXVe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par Joz, mon secretaire._) + + Deliberation du conseil sur la mise en liberte du duc de + Norfolk.--Dispositions prises par Elisabeth pour apaiser les + troubles de son royaume.--Preparatifs maritimes et militaires + dont on doit se defier en France, malgre les assurances de paix + et d'amitie donnees par la reine, et la bonne volonte qu'elle + montre a l'egard de Marie Stuart.--Nouvelles d'Ecosse et + d'Allemagne.--_Memoire general_ sur les affaires + d'Angleterre.--Detail des mesures prises en Angleterre pour se + defendre contre toute agression.--Bonnes dispositions montrees + en faveur de Marie Stuart et du duc de Norfolk.--_Memoire + secret_. Intrigues de l'Espagne en Angleterre pour traverser + tous les projets de la France.--Mission secrete de don Frances + d'Alava.--Desir du cardinal de Chatillon de voir la + pacification s'etablir en France; conditions auxquelles les + protestans offrent de se soumettre. + + + AU ROY. + +Sire, aujourduy, et tout demain, la Royne d'Angleterre sera en la +mayson du comte de Betford, a XX mil d'icy, ou elle a mande venir son +garde des sceaulx et ses aultres principaulx conseillers pour +delliberer de la liberte du duc de Norfolc; de laquelle l'on luy donne +grande esperance qu'il la pourra obtenir bientost, a tout le moins +d'estre remiz en sa mayson. Et de la, la dicte Dame veult continuer +son progrez, sans toutesfoys esloigner guieres plus que de trente mil +la ville de Londres vers Suffoc, Norfolc et Sussex, affin d'appayser +ces trois pays, qui sont voysins d'ici, lesquels ont monstre d'estre +disposez a quelque nouveaulte; et elle espere de moderer par sa +presence l'affection des hommes, et fere exploicter la justice contre +ceulx qui sont prins, et abattre toute l'intelligence qu'on luy faict +acroyre que les estrangiers ont en ces quartiers la; et, par mesme +moyen, pourvoir a la seurete de ses portz tout le long d'icelle +frontiere, ainsy que, a grande dilligence, elle les faict fortiffier, +a cause qu'ilz sont exposez vers Holande et Zelande; d'ou elle crainct +les entreprinses du duc d'Alve, nonobstant que dom Frances d'Alava +ayt, a ce qu'on dict, remiz elle et luy a traicter amyablement et par +lettres bien gracieuses l'ung avec l'aultre, et que le dict duc luy +ayt freschement envoye des depputez sur le faict des prinses; mais ces +demonstrations ne la peuvent tant asseurer, comme les aultres +apparances de la sublevation, qu'elle a senty en son pays, et le +raport qu'on luy faict, qu'en l'armement de Flandres se prepare +d'embarquer trois mil chevaulx, grand nombre de gens de pied, force +artillerye, pouldres, pionniers, monitions et tout aultre appareil de +guerre, la mettent en deffiance. De quoy est advenu que la dicte Dame, +despuys six jours, a faict arrester toutz les navyres tant estrangiers +que aultres, qui sont par deca, et serrer les passaiges, et envoye son +admiral a Gelingan et le long de la Tamise pour ordonner une armee de +mer, du plus grand nombre de vaysseaulx et de maryniers qu'il luy sera +possible, affin de l'avoir preste a tout momant, quant il sera +besoing; et commande aussi qu'on tienne deux mil chevaulx et huict mil +hommes de pied toutz pretz. Dont je suys apres, Sire, de regarder si +cest appareil se feroict poinct a quelque aultre fin contre vostre +service; mais, encore que je n'en descouvre rien, je vous suplie +neantmoins, Sire, tres humblement que cecy vous serve d'ung adviz pour +ne laysser a l'arbitre des Anglois rien du vostre, qui ne soit pourveu +contre les entreprinses qu'ilz y pourroient fere; car vostre royaulme +est ouvert et expose a toutes injures, tant que cette guerre durera. + +Je veulx toutesfoys bien asseurer Vostre Majeste que ceste Royne et +les siens m'ont, despuys dix jours, tenu des propos plus expres de la +confirmation d'amytie entre Voz Majestez, et de la perseverance de +paix entre voz deux royaulmes, qu'ilz n'avoient faict despuys que je +suys en ceste charge; ny Mr de Roz, ny moy, ny toutz ceulx qui portons +icy le faict de la Royne d'Ecosse, n'avons jamais mieulx espere de la +restitution d'elle que meintennant; mais il ne se fault arrester aux +parolles ny aparances de ceulx cy, ains se donner garde d'eulx, +puysqu'ilz se mettent en armes. La dicte Royne d'Escoce aura un +singulier playsir, et une fort grande consolation, d'estre visitee par +Mr de Poigny de la part de Voz Majestez, et ne vous scaurois exprimer, +Sire, combien ung chacun estime que cella luy sera ung commancement de +bonheur et ung advancement au reste de toutz ses afferes, es quelz +l'on nous promect toutjours une prompte expedition, aussitost que les +depputez d'Escoce seront arrivez; mais je crains qu'ilz soyent +retardez pour l'occasion d'une assemblee, que ceulx du party du jeune +Prince se vouloient esforcer de tenir a Lislebourg, le Xe de ce moys, +pour y creer ung regent; a quoy le duc de Chastellerault et le comte +de Honteley deliberoient de s'oposer, et a cest effect s'estoient +acheminez avecques bonnes forces vers le dict Lislebourg. L'opinion, +que ceulx cy ont, que la paix se doibve conclurre en vostre royaulme +les faict monstrer mieulx disposez aulx choses d'Escoce, et si +d'avanture elle succede, je pense qu'ilz passeront oultre a les +accommoder. + +J'entendz que les nouvelles d'Allemaigne sont que l'Empereur n'advance +guieres rien en la diette, et que les seulz ecclesiastiques le sont +venuz trouver; qu'il semble que les princes protestans, pour +empescher qu'il ne puisse fere creer son filz roi des Romains, se +veulent servyr d'une ancienne observance de l'Empire, que jamais la +dignite d'Empereur n'a passe successivement que jusques a cinq d'une +mesme famille, et qu'il est a present le cinquiesme Empereur de la +maison d'Autriche, a quoy les princes eclesiastiques ne monstrent +guieres contradire pour ne laysser aller cest estat hereditayre; que +le comte Pallatin est aproche une lieue pres d'Espire accompaigne +seulement de quatre centz chevaulx, offrant de se trouver a +l'assemblee, si les aultres ellecteurs y viennent; que le reste de la +trouppe de Heldelberc est entierement separee, parce que l'Empereur a +faict entendre au dict Pallatin et au duc Auguste que, s'ilz se +tenoient ainsy accompaignez, qu'il manderoit aulx aultres princes de +l'Empire de s'accompaigner de mesmes, en le venant trouver; qu'il +semble que le secours, pour ceulx de la nouvelle religion en France, +est de quelques jours retarde pour attandre que produira ceste diette, +et aussi pour l'esperance, qu'on a, que la paix se doibve conclurre; +que le susdict comte Pallatin a exorte ceste Royne et les siens, et +pareillement le cardinal de Chastillon, de procurer la dicte paix; +qu'il a este reffuze au duc de Bronsouyc de fere une levee aulx terres +de l'evesque de Munster, et que vers le dict Munster se sussitent les +mesmes sectes qu'on y a d'aultres foys veues; que les deniers pour +ceulx de la nouvelle religion en Hembourg seront prestz a fornyr dans +la fin de ce moys; qu'il y a quelque apparance que le voyage de la +Royne d'Espaigne sera retarde, et qu'elle ne passera point par +Flandres, ains yra prendre ung aultre chemin, et que, a cause de +cella, l'on estime que le duc d'Alve commancera de reduyre bientost +son armement a ung moindre equipage, qui ne soit que pour combattre +seulement les vaysseaulx du prince d'Orange, lesquelz, en la prinse +qu'ilz ont faicte de deux grandz navyres de conserve, qui alloient +conduire une flotte vers Espaigne, et d'ung vaysseau de la dicte +flotte, ilz ont jette en mer toutz les Espaignolz, qui estoient +dessus; et despuys le Sr de Galeace Fregose qui est icy, et ung aultre +gentilhomme, qui se dict escuyer du prince d'Orange, ont este faictz +cappitaines des dicts deux grandz navyres de conserve, lesquelz ilz +rabillent en dilligence pour s'aller incontinent joindre aulx aultres. +Sur ce, etc. Ce XXVe jour de juillet 1570. + + INSTRUCTION DES CHOSES qu'il fault fere entendre a Leurs + Majestez, oultre le contenu des lettres: + + Qu'il semble que, par l'examen des gentishommes qui ont este + prins en Norfolc, l'on a descouvert que l'assemblee, qu'ilz + pretandoient de fere le jour de St Jehan au dict pays, n'estoit + pour chasser les estrangiers, ainsy qu'ilz le donnoient a + entendre, ains pour commancer une generalle ellevation en ce + royaulme, tendans a trois fins: l'une, de changer l'estat du + gouvernement; l'aultre, de recouvrer l'exercice de la religion + catholique; et la tierce, de tirer le duc de Norfolc hors de + prison: sur lesquelz trois poinctz se trouve qu'ilz avoient desja + minute une proclamation pour l'envoyer publier partout. + + Et cella, avec la bulle qui est formelle contre ceste Royne, et + avec ung escript qui a despuys couru, encores plus formel, contre + aulcuns de ses conseillers, (et nommeement contre Quiper, + Cecille, le chancellier du domayne et le chancellier des comptes, + et dont la conclusion d'icelluy est que la communaute du + royaulme, quoyque coste, veult avoir la religion catholique), met + ceulx cy en une indubitable opinion qu'il y a une grande + conjuration desja dressee dans le pays; + + Et qu'elle est fomentee par le Roy et le Roy d'Espaigne, sans le + consentement desquelz le Pape, comme ilz disent, n'eust jamais + ose expedier une bulle si rigoureuse comme il a faict; joinct que + l'armement qu'ilz entendoient se preparer en Bretaigne pour + colleur de secourir les Escoucoys, et l'apareil du duc d'Alve, + trop plus grand qu'il ne sembloit estre requis pour le passaige + de la Royne d'Espaigne, leur a faict croyre, jusques icy, que + tout cella se dressoit contre eulx en faveur des Catholiques de + ce royaulme. + + Dont, pour y remedier, ilz ont, en premier lieu, expedie une + ordonnance fort furieuse, du dernier du moys passe, contre les + porteurs de bulles et semeurs de ces libelles; laquelle porte + commission d'aprehender les autheurs d'iceulx, si fere se peult, + affin de les punir et de descouvrir par eulx qu'est ce qu'il y a + de plus cache en leurs delliberations. + + Apres, ilz ont depesche trente cinq lettres aulx trente cinq + comtes de ce royaulme, pour mander aulx officiers qu'ilz ayent a + fere enroller promptement en chacune d'icelles, sellon sa portee, + ung nombre d'hommes, jusques a cinquante mil en tout, tant de + pied que de cheval, et a iceulx bailler cappitaines, lieutenantz, + enseignes, tabourins et trompettes, et leur ordonner une paye par + an d'envyron trois escuz a chacun, et ung peu plus aulx + capitaines; dont les deniers se prendront sur le plat pays, avec + commandement de fere monstres par tout ce moys, et le continuer + puys apres de quartier en quartier, et qu'on ayt a les exercer + principallement a la haquebutte; + + Et ont ordonne a l'admyral Clynton de dresser ung estat, par + lequel il puysse mettre en mer, toutes les foys que la Royne, sa + Mestresse, le commandera, cinquante bons navyres de guerre avec + douze mil hommes dessus, maryniers et soldatz, et que + l'avitaillement en tout aultre appareil en soit prest et tout + dresse ez lieux qu'il cognoistra en estre besoing; + + Faisans leur compte de combattre les ennemys en mer, premier que + de leur permettre nulle descente par deca, avec opinion que, + quant tout le monde aura bien conjure contre eulx, qu'ilz + pourront avec ceste provision ayseement se deffandre: + + Car jugent que, s'ilz gaignent une bataille navalle, ilz pourront + bien garder qu'on n'aproche, puys apres, leur coste, et, s'ilz + demeurent egaulx, qu'encores empescheront ilz qu'on n'y puysse + descendre; + + Et si, d'avanture, ilz perdent, que ce ne pourra estre sans avoir + tant rompu les ennemys qu'ilz seront contrainctz de s'en + retourner pour se reffere; que si, a toute extremite, il advient + que les ennemys facent quelque descente, qu'allors les cinquante + mil hommes se trouveront prestz pour les combattre au + desembarquement. + + Lequel apareil inthimide grandement les Catholiques, lesquelz si + l'este se passe sans qu'il aparoise quelque confort pour eulx, ne + s'attandent de moins que d'estre fort rigoureusement trettez + l'yver prochain; car ilz voyent que leurs adversayres, lesquelz + ont la Royne, l'authorite et la force en leurs mains, commancent + desja de les menacer, et monstrent de n'attandre sinon que le + temps les asseure contre les entreprinses des estrangiers pour y + mettre la main. + + Et avoient les dicts Catholiques prins pour mauvais signe la + longueur que ceulx de ce conseil usoient ez afferes de la Royne + d'Escoce, et en ceulx du duc de Norfolc; vers lesquelz, a cause + de ces rescentes deffiances, ilz voyoient qu'ilz alloient + changeant toutes leurs premieres bonnes delliberations, car ilz + remettoient de commancer le trette avec l'ambassadeur de la dicte + Dame jusques a la venue des depputez d'Escoce; et sur ceulx du + duc, ilz luy avoient faict dire, le XIIe de ce moys, que, pour + aulcunes occasions, qui estoient fort considerables, la Royne, sa + Mestresse, estoit conseillee de ne luy ottroyer sa liberte + jusques apres la St Michel, qui monstre bien qu'ilz ne vouloient + que gaigner temps; et cependant ilz travailloient de se liguer + davantaige avec les princes protestans. + + Et n'avoit este sans apparance que les dicts Catholiques eussent + fonde grande esperance en l'apareil du duc d'Alve, et possible + encores quelque peu en cellui qu'ilz entendoient estre prest en + Bretaigne, mais la venue des depputez de Flandres la leur oste de + ce coste la; et l'opinion, qu'ilz ont, que la guerre doibve + continuer en France la leur fait perdre de l'aultre. + + Cella surtout les descoraige qu'ayantz, jusques a ceste heure, + pense que le Roy d'Espaigne et ses ministres procederaient de + bonne intelligence avecques le Roy sur les afferes de la Royne + d'Escoce, qui sont conjoinctz avec ceulx de la religion + catholique en ce royaulme, ainsy que je m'en estois quelquefoys + prevalu; et comme aussi nulle aultre chose n'avoit, tant que + ceste cy, retenu ceulx de ce conseil en quelque crainte, il s'est + meintennant descouvert qu'il va tout aultrement, et que dom + Frances d'Alava a tenu de telz propos a Mr Norrys, (ainsy que le + dict Norrys l'a escript par ses dernieres lettres, arrivees a sa + Mestresse, pendant que Mr de Poigny et moy attendions sa + responce,) que aulcuns, qui en ont heu asses tost la + communication, m'ont tout incontinent adverty que, a l'ocasion + d'iceulx, nous serions fort mal responduz; et que toutz les + afferes, ou le Roy Tres Chrestien pouvoit avoir interestz par + deca, en demeureroient fort traversez. + + Qui a este cause que, en l'audience ensuyvant, je me suys + eslargy, premierement vers les seigneurs de ce conseil, parce + que, d'arrivee, nous avons este introduictz vers eulx, et puys + envers la dicte Dame, en toutz les plus francz et ouvertz propos, + que j'ay estime les pouvoir confirmer en l'amytie du Roy, et a + bien esperer d'icelle, sans toutesfoys toucher ung seul mot ni du + Roy d'Espaigne, ny de ses ministres; et est advenu, sur noz + remonstrances, que l'on nous a accorde une partie de ce que nous + demandions, et qu'on nous a faict, sur le reste, asses meilleure + responce que l'on n'esperoit, ainsy que je l'ay mande par mes + precedantes. + + Et bien qu'a la grande instance de Madame de Lenoz, l'on eust + auparavant envoye par mer vers le North un nombre d'armes, de + pouldres et d'argent, pour les fere tenir au comte de Lenoz en + Escoce, j'ay sceu neantmoins que, despuys cella, la Royne + d'Angleterre a dict a la dicte dame de Lenoz qu'elle estoit + resolue de remettre la Royne d'Escoce en son royaulme, sur les + offres qu'elle et le Roy luy faysoient, qui estoient telles + qu'avec son honneur elle ne les pouvoit reffuzer. A quoy la dicte + dame de Lenoz ayant respondu que la dicte Royne d'Escoce n'en + observeroit rien, la Royne luy a replique que si feroit, parce + qu'elle l'y obligeroit a peyne d'estre privee de la succession de + ce royaulme, si elle y contrevenoit, car aultrement elle ne luy + en vouloit fere tort; et n'a la dicte dame de Lenoz peu gaigner + rien davantaige, encore qu'elle ayt tres instantment priee la + dicte Dame que, si elle perseverait en ceste vollonte, il luy + pleut de mander a son mary qu'il s'en retornat. + + Et le secretaire Cecille m'a mande que je croye fermement qu'il + ne sera miz aulcun retardement ez afferes de la Royne d'Escoce, + et qu'il ne cerche, de sa part, que la seurte de sa Mestresse, + laquelle estant mortelle, et n'y ayant, apres elle, nul plus + prochain au droict de ceste couronne que la Royne d'Escoce, qu'il + ne luy sera, ny meintennant, ny a l'advenir, jamais contraire; et + le mesmes a il confirme a l'evesque de Roz, avec lequel il est + desja entre si avant en matiere qu'ilz sont quasi d'accord de + toutz les poinctz, qui sembloient estre les plus differantz. + + Encores, monstrent les affaires du duc de Norfolc qu'ilz pourront + aussi mieulx reuscyr que la responce du XIIe du present ne le luy + faisoit esperer, et que la Royne permettra qu'ilz soient, dans + trois ou quatre jours, miz en delliberation pour apres estre + procede a sa liberte, sellon qu'ung chacun dict qu'il demeure + fort descharge et justiffie de toutes les choses qu'on luy + pourrait imputer. + + Je veulx bien advouher que je ne cognois rien de plus expres en + ceulx cy que leur simulation, ny rien de plus certain que leur + inconstance; par ainsy, je ne puys fere grand fondement sur + chose qu'ilz disent, ny qu'ilz promettent. Neantmoins ilz peuvent + incliner de nostre coste, aussi bien que d'ung aultre, et + j'estime qu'il n'est que bon de les y tenir bien disposez, si + l'on peult, affin de se prevaloir de la paix qu'on a avec eulx, + et evitter les inconvenians et incommoditez qui pourroient + advenir, s'ilz se despartoient du tout de nostre intelligence. + + AULTRE INSTRUCTION A PART POUR DIRE A LEURS MAJESTEZ: + + Que, jusques a ceste heure, la Royne d'Angleterre et ses + conseillers protestans avoient este retenuz d'une grande + craincte, et les seigneurs, et gens de bien catholiques, + conduictz de grande esperance sur le faict de la Royne d'Escoce, + et sur toutz les afferes de ceste isle, par l'opinion qu'ilz + avoient que le Roy d'Espaigne et le duc d'Alve seraient toutjour + en bonne intelligence avec le Roy. + + Et n'estoit peu de consolation aus dicts Catholiques de veoir en + quelle peyne les dicts Protestans vivoient pour ne scavoir si la + bulle estoit expediee, ou du propre mouvement du Pape, ou bien + par la requisition du Roy, ou bien a l'instance du Roy + d'Espaigne: car ilz disoient que si c'estoit seulement du Pape, + ce n'estoit chose de moment; si c'estoit du Roy seul, encor + croyoient ilz que Mr le cardinal de Lorrayne l'auroit procure, + sans que pour cella le Roy se vollut trop haster de rien + entreprendre; mais, si c'estoit par le commun consentement du Roy + et du Roy d'Espaigne, ilz tenoient pour indubitable que + l'entreprinse de ceste isle estoit desja juree entre eulx. + + En quoy, pour en avoir quelque lumyere, ilz cerchoient de toutz + costez s'il se trouveroit que moy, ou Mr l'ambassadeur + d'Espaigne, eussions tenu la main a la fere notiffier et publier + par deca, mais il semble qu'ilz n'ont rien trouve contre moy, + sinon qu'il leur est venu un adviz d'Itallie, par la voye de + Flandre, comme la dicte bulle a este expediee a l'instance de + l'ambassadeur de France, qui est a Rome, et que l'ambassadeur du + Roy Catholique par della n'a faict que y prester son + consentement, comme a chose apartenant de si pres a la religion + catholique qu'il ne luy a este loysible de la contradire; dont + leur semble que j'en debvois estre participant, mais je croy qu'a + ceste heure ilz en demeurent toutz esclarcy. + + Et, quant a l'ambassadeur d'Espaigne, parce que Me Felton, lequel + est accuse d'avoir affiche la dicte bulle, a confesse, estant sur + la question, que le prestre espaignol du dict sieur ambassadeur + la luy avoit baillee; qui, pour ceste occasion, s'est despuys + absente, car il estoit commande de le prandre, quelque part qu'il + pourroit estre trouve, jusques en sa chambre; non seulement l'on + en a charge le dict sieur ambassadeur, ains aussi luy impute l'on + les aultres libelles, qui ont couru en ce royaume, contre le + garde des sceaux et Cecille, et contre quelques aultres du + conseil; mais ne pouvant son prestre estre trouve, l'on ne scayt + commant proceder contre luy. + + Et n'ont laysse pour cella les Catholiques de s'entretenir + toutjour en l'esperance de la faveur du Roy son Maistre et du duc + d'Alve, pour les afferes de la Royne d'Escoce et de la religion + catholique; de sorte que le dict Felton a bien oze dire tout + hardyment qu'il y avoit trente mil hommes de valleur en + Angleterre, dont les six mil estoient gentishommes, et vingt cinq + milordz parmy, qui estoient toutz prestz d'exposer leurs vies + pour la mesmes querelle, qu'ilz le vouloient fere mourir a luy. + + Mais, despuys quelques jours, iceulx Catholiques non seulement se + sont retirez de ceste esperance, ains sont entrez en grand + frayeur d'estre descouvertz qu'ilz l'ayent heue, parce qu'ilz + estiment que le dict sieur ambassadeur ayt communique toutes + choses au Sr dom Frances d'Alava, lequel ilz tiennent aujourduy + pour trop plus grand serviteur de la Royne d'Angleterre que de + son Maistre; car Mr Norrys a escript qu'il luy a promiz de + disposer si bien les afferes de la dicte Dame vers le Roy, son + dict Maistre, et vers le duc d'Alve, qu'elle n'a garde de + recepvoir aulcun mal ny dommaige d'eulx, et que hardyment elle ne + preigne peur des demonstrations et preparatifz du dict duc, car + il la veult bien asseurer qu'il n'a aulcun commandement de luy + nuyre, ny d'attampter, pour quelque occasion que ce soit, rien + par armes contre elle; et qu'au reste le dict dom Frances luy a + descouvert que c'est Mr le Nonce, qui est en France, qui a envoye + icy la bulle a l'ambassadeur d'Espaigne pour la publier. + + Duquel acte du dict dom Frances plusieurs seigneurs et gens de + bien de ce royaulme se sont fort escandalizez, et les aulcuns se + sont confirmes en une opinion, laquelle ilz avoient desja + conceue, que les ministres du Roy d'Espaigne vont procurant vers + ceulx cy, et partout ou ilz peuvent, la continuation de la guerre + de France; et que, voyantz le faict de la Royne d'Escoce, de + laquelle ilz s'estoient desja promiz et l'aliance, et le filz, et + le royaulme, et le tiltre d'Angleterre, se conduire meintennant + au nom et soubz la faveur du Roy, qu'ilz le veulent traverser; et + qu'ilz sont jalouz de ce que aulcuns seigneurs de ce royaulme se + monstrent bien affectionnez a Leurs Tres Chrestiennes Majestez, + qui est ung propos qu'on m'a tenu, present Mr de Poigny, auquel + je reserve d'en fere entendre le surplus a Leurs Majestez, a son + retour; et adjouxteray seulement icy une preuve, que le duc + d'Alve nous a donne de son intention en ce [qu'ayant le Pape + envoye, par la banque d'Anvers, douze mil escuz, pour les + gentishommes fuytifz d'Angleterre, il a conseille qu'on ne leur + envoye ny tout, ny partie de la somme, tant qu'ilz seront en + Escoce, et par ce moyen il a interrompu le dict secours.] + + Il est bien certain que, jouxte ceste communication grande + d'entre dom Frances et le dict Sr Norrys, ceste Royne a naguieres + escript une bonne lettre au Roy d'Espaigne, laquelle le dict dom + Frances a prins en sa charge de la luy fere tenir, et une aultre + au duc d'Alve, par laquelle elle l'exorte de vouloir entretenir + l'alliance d'entre ceste couronne et la mayson de Bourgoigne, + comme, de sa part, elle la veult entierement conserver: et, quant + aulx prinses, qu'elle est preste d'y satisfere de sa part, en ce + qu'il s'y veuille disposer de la sienne, et qu'il veuille + depputer des personnaiges propres pour en accorder, qui ne soyent + de ceulx qui veulent troubler ce royaume, ainsy que + l'ambassadeur, icy residant, et ceulx, qui cy devant y ont este + envoye, se sont esforcez de le fere; et que de l'apareil qu'elle + entend qu'il faict bien grand par mer, il ne veuille rien + attampter en ses portz, car elle offre toute faveur et seur accez + en iceulx a la Royne d'Espaigne et a ceulx de sa troupe: tant y a + que l'ambassadeur d'Espaigne, nonobstant tout cella, ne laysse + d'estre bien fort offance contre dom Frances, de ce qu'il a parle + de la bulle, et desja il en a escript au duc d'Alve. + + J'ay faict sonder, par interposee personne, Mr le cardinal de + Chatillon et le Sr de Lumbres quel desir ilz avoient a la paix et + a transferer la guerre hors de France; et voycy ce qui m'a este + raporte des propos du dict sieur Cardinal: qu'il desire + infinyement la dicte paix, esperant par icelle jouyr de la bonne + grace de Leurs Majestez et de six vingtz mil {lt} de rante en + France, en lieu de mille pouvrettez et indignitez, qu'il + s'esforce de supporter, le plus dignement qu'il peult, en + Angleterre; + + Que se souvenant que le Roy, et la Royne, et Monsieur, pour + fermete de l'aultre derniere paix, luy firent l'honneur de luy en + donner leur promesse de leurs propres mains dans la sienne, et + que ceulx, qui la leur ont faicte rompre, sont ceulx mesmes avec + qui ilz ont a conclurre meintennant ceste cy, les cheveulx luy en + dressent de frayeur; + + Que le Roy a la paix tres ferme et bien asseuree, toutes les foys + qu'il luy playrra, a bon esciant, que ceulx de la religion + puyssent vivre, en conscience et honneur, soubz la faveur de sa + protection, en son royaulme; + + Que, de transferer la guerre ailleurs, c'est ce que son frere, + Monsieur l'Admyral, a toutjour desire, mais de le fere + meintennant, et laysser ceulx, qui sont de leur mesmes religion, + estre cependant massacrez, murdriz et ruinez en leurs maysons, en + France, par ceulx qui ont la justice et l'authorite et les forces + a la main, ilz sont entierement tout resoluz du contraire; + + Que, si le Roy les veult recepvoir en sa bonne grace, et leur + ottroyer la dicte paix et seurte qu'ilz luy demandent, comme a + ses bons subjectz, et qu'il se veuille servyr de son frere et de + luy, ilz ont en main de quoy luy fere le plus grand et le plus + notable service, que sa couronne ny nul de ses predecesseurs + ayent receu de deux centz ans en ca; + + Qu'il cognoist bien que les Anglois ne cerchent de fere rien pour + la religion en ceste guerre, ains de travailler la France, et + qu'il crainct bien que, se faisant la paix, l'on ne le layrra + sortir, de trois moys apres, de ce royaulme. + + Quant au susdict de Lumbres, lequel s'intitulle ambassadeur de + toutz les princes protestans vers ceste Royne, l'on m'a dict + qu'il desire aussi bien fort la paix de France, et vouldroit que + la guerre fut desja transferee aulx Pays Bas, et n'eust tenu a + luy que la descente, que ceulx de la Rochelle delliberoient de + fere en quelque port de Normandie ou Picardie, si Sores ne fut + alle sur la route des Indes, ne se fut faicte en Olande: et desja + luy et beaucoup de ceulx de son pays font estat, par ceste paix, + de se retirer en France, car semble qu'il y ayt mutuelle + obligation entre les Francoys et Flamans, qui sont de ceste + religion, de se subvenir les ungs aulx aultres, et de ne cesser, + qu'ilz ne soyent toutz remiz en leur maysons pour y pouvoir vivre + en seurte avec l'exercice de leur religion. + + Aulcuns Francoys de la dicte religion, qui sont icy, ne prennent + nul party, attandans la dicte paix; ou bien, si elle ne succede, + ilz delliberent de recourir a la grace et clemence de Sa Majeste. + + + + +CXXIVe DEPESCHE + +--du XXXe jour de juillet 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._) + + Crainte des Anglais qu'une ligue generale n'ait ete formee contre + eux.--Resolution du conseil de rendre la liberte au duc de + Norfolk, et de lever une forte armee navale.--Armement de la + flotte.--Mission de Me Figuillem dans les + Pays-Bas.--Declaration faite a l'ambassadeur que l'armement de + la flotte n'a d'autre objet que de rendre les honneurs a la + reine d'Espagne sur son passage, et de se tenir en defense + contre les entreprises que pourrait tenter le duc d'Albe. + + + AU ROY. + +Sire, s'estant la Royne d'Angleterre aperceue que le mal de son pied +empyroit par le travail de son progrez, encore qu'elle n'allat qu'en +coche, elle s'est arrestee a Cheyneys, qui est celle mayson du comte +de Betfort, ou je vous ay mande, par mes dernieres, qu'elle debvoit +demeurer tout le XXVe et XXVIe de ce moys; mais elle y a sejourne +davantaige, et n'en bougera encores de quelques jours. Ceulx de son +conseil se sont assemblez au dict lieu pour prendre quelque bon ordre +sur aulcunes choses qu'ilz ont veu estre aultres, ou bien avoir aultre +evenement, qu'ilz ne pensoient; premierement, sur la detention du duc +de Norfolc, par laquelle, au lieu d'en avoir assoupy et retarde les +troubles de ce royaulme, ilz cognoissent meintennant que c'est par la +qu'ilz les ont advancez et faict naistre, car auparavant il n'y en +avoit point; et sur la guerre d'Irlande, laquelle ilz cuydoient desja +achevee, ilz ont nouvelles que, despuys naguyeres, l'on s'y est bien +battu, et que ceulx du party de la Royne, leur Mestresse, ont heu du +pyre, et que mesmes les saulvaiges monstrent de vouloir passer +oultre, et qu'ilz attandent du secours d'ailleurs; aussi sur le faict +de la Royne d'Escoce, duquel, parce que Vostre Majeste le porte et le +favorise, ilz voyent que toutz leurs afferes d'Escoce en succedent si +mal qu'ilz sont bien en peyne commant le remedier; pareillement sur +leurs differans des Pays Bas, lesquelz viennent meintennant a leur +estre de tant plus suspectz, que, par le pardon general publie en +Envers par le duc d'Alve, a vestemens blancz[11], le XVIe de ce moys, +ou l'on leur faict acroyre que le prince d'Orange est comprins, et +qu'on a randu ses biens a ses enfans; et aussi par l'accord des Mores +en Espaigne[12], ilz estiment que les afferes du Roy d'Espaigne +demeurent si establys en ses pays qu'il n'a rien plus a fere +meintennant que se rescentyr de l'injure, qu'ilz luy ont faicte et a +ses subjectz, ainsy que le duc d'Alve semble d'en avoir l'apareil tout +prest; et encores sur la paix de vostre royaulme, laquelle, de tant +qu'ilz la tiennent desja comme conclue, sans qu'ilz s'en soyent +meslez, ilz craignent que Vostre Majeste se veuille de mesmes conduyre +meintennant en icelle vers eulx, comme ilz se sont asses mal deportez +vers vous durant la guerre; mais principallement sur la division et +mal contantement de leurs propres subjectz, d'ou ilz prevoyent que, +s'il n'y est, devant toutes aultres choses, pourveu, ce sera de la que +leur viendront les plus dangereuses guerres et les plus grandes +difficultez dont, de tant que la Royne leur Mestresse s'oppose +toutjour bien fort aulx moyens, qu'on luy met en avant, qui tendent +ou a la guerre ou a la despence; apres avoir bien longuement debattu +toutes ces matieres, ilz luy ont enfin conseille que, d'ung coste, +elle veuille mettre le duc de Norfolc hors de pryson, et que, par sa +liberte et par l'ayde qu'il luy pourra fere, elle se tirera ayseement +hors des plus apparans dangiers; et dresser, de l'aultre, tout +promptement une bonne armee de mer, qui serviroit de remedier a tout +le reste, sans regarder de si pres a la despence, qu'elle y pourra +fere, qu'elle ne regarde encores plus a la conservation de son estat +et a l'honneur et grandeur de sa couronne. + + [11] Le duc d'Albe deploya, pour la publication de cette + amnistie, une pompe extraordinaire. Ces mots _vetements blancs_ + se rapportent probablement a quelque particularite des costumes + employes dans cette ceremonie. + + [12] Voir la note ci-dessus, p. 183. + +Sur laquelle leur resolution s'estant la dicte Dame asses colleree +contre ceulx, qui l'avoient faicte estre jusques icy trop rigoureuse +contre le dict duc, leur a respondu qu'elle estoit contante de prendre +bientost ung bon expediant avecques luy, qui ne viendroit toutesfoys +ny d'aulcun d'eulx, ny de toutz ensemble, et dont il n'en auroit a +remercyer que elle seule; et quant a dresser une armee, qu'elle ne se +vouloit opposer a leur conseil, mais seulement les prier qu'ilz +advisassent de n'entreprendre rien qui ne fut bien necessaire, et qui +ne la mist en plus de peyne qu'elle n'est. Dont, tout sur l'heure, les +commissions ont este depeschees, telles que j'ay cy devant mandees a +Vostre Majeste: de dresser une armee royalle de toutz les grandz +navyres de la dicte Dame et de bon nombre d'aultres vaisseaulx +particulliers, et de lever quatre mil maryniers, et tenir prestz huict +mil hommes de pied et deux mil chevaulx; dont, quant aulx navyres et +hommes pour mettre dessus, qui sont maryniers et soldatz tout +ensemble, cella s'execute en toute dilligence; et, dans le Xe du +prochain, j'entendz qu'il sortyra en mer sept grandz navyres des +premiers prestz, les meilleurs a la voyle, avec douze centz hommes +dessus, et les aultres suyvront apres, a la mesure qu'on les aura +fornys d'hommes et de vivres; car, ilz ont desja tout leur aultre +apareil et fornyment. Mais, quant aulx huict mil hommes de pied et +deux mil chevaulx, l'on ne se haste encores de les fere marcher. + +Or, en ce mesmes conseil, a este advise de renvoyer devers le duc +d'Alve maistre Fyguillem, bourgeois de ceste ville, l'ung des +commissaires des prinses, par pretexte de luy aporter une honneste +responce sur l'accord de leur differandz, comme ceste Royne le prye +d'y vouloir entendre en quelque bonne sorte, et qu'elle est contante +de reffere le nombre des merchandises et tout ce qui en est depery et +descheu, despuys le premier inventoire qui en fut faict; ce que +n'estant encores aprochant de la satisfaction, parce que le dict +inventoire ne contient guieres bien le tiers des dictes merchandises, +ny que celle moindre partie des deniers qui estoit ez quaysses +merquees pour le Roy d'Espaigne, j'ay bien pense qu'il n'y alloit que +pour descouvrir l'intention du dict duc, et a quoy tandoit son +armement, et quelles pratiques menoient les Anglois catholiques, qui +ont naguieres passe d'Escoce et d'icy devers luy. Tant y a, Sire, que, +nonobstant cest argument, lequel m'a bien faict juger qu'en leur faict +y avoit plus de peur que d'entreprinse, voyant neantmoins que leur +appareil estoit tel qu'il le falloit avoir suspect, mesmes que nul ne +me scavoit asseurer au vray de l'occasion d'icelluy, et qu'ilz ne +cessoient de tretter toutjour d'accord avec le duc d'Alve, j'ay pense +qu'il estoit expediant de les fere parler; dont ay suplie la dicte +Dame et iceulx seigneurs de son conseil que, de tant que j'avois a +vous donner adviz de leur armement, il leur pleust m'advertyr comme +ilz desiroient que je le vous escripvisse, affin d'evitter que, pour +la jalouzie que vous en pourriez avoir, vous ne leur en fissiez +prendre une aultre en vous armant de vostre coste. + +A quoy ilz m'ont respondu que je scavois bien que le duc d'Alve +faisoit une bien fort grande armee de mer, et encor qu'il leur eust +notiffie par l'ambassadeur de son Maistre, qui est icy, et encores +faict dire a Mr Norrys par celluy qui est en France, que c'estoit +seulement pour conduyre la Royne d'Espaigne et non pour occasion +quelconque, d'ou ilz deussent prendre tant soit peu de deffiance de +luy, que neantmoins la dicte Dame luy avoit bien vollu depescher ung +messaigier pour l'advertyr qu'elle estoit delliberee de mettre aussi +ses navyres en mer, avec sept ou huict mil hommes dessus, pour +accompaigner la dicte Royne d'Espaigne, sa bonne soeur, tout le long +de la mer de son royaulme, avec commandement a son admyral, lequel +yroit luy mesmes en l'armee, de la recepvoir, honnorer et bien tretter +en toutz ses portz et havres, ou luy viendrait a playsir de descendre +et prendre terre: dont me prioient d'asseurer Vostre Majeste que, sur +leur vie et honneur, il n'y avoit aultre chose; et que le dict sieur +Admyral ne bougeroit que la responce du dict duc ne fut arrivee. Bien +me vouloient dire que aulcuns de leurs rebelles trettoient en secrect +et ouvertement avecques le dict duc, et que les Escossoys se vantoient +aussi qu'ilz auroient bientost ung secours de Flandres; dont se +vouloient trouver prestz a tout besoing. + +Voyla, Sire, ce qu'ilz m'ont dict, et en quelle facon ils se sont +descouvertz de la legation du susdict Figuillem, qu'ilz avoient +toutjour tenue fort secrecte; et comme, soubz demonstrations +honnestes, ilz se pourvoyent contre les malles intentions les ungs des +aultres. Je observeray le progrez de leurs actions, du plus pres que +je pourray, pour vous en donner toutjour les plus seurs adviz qu'il me +sera possible; et sur ce, etc. Ce XXXe jour de juillet 1570. + + + + +CXXVe DEPESCHE + +--du VIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par Mr de Poigny._) + + Visite de Mr de Poigny a la reine d'Ecosse.--Audience de conge + lui est donnee par la reine d'Angleterre.--Heureux effet de son + voyage.--Meilleur traitement fait a Marie Stuart et au duc de + Norfolk, a qui il est permis de sortir de la Tour pour etre + garde chez lui.--Remontrances de l'ambassadeur a Elisabeth sur + les nouvelles entreprises faites contre l'Ecosse.--Excuses + donnees par la reine.--Resolution prise de signifier le traite + aux deux partis en Ecosse.--Continuation des armemens maritimes + en Angleterre.--Declaration du duc d'Albe a Me Fuyguillem + envoye vers lui par Elisabeth.--Arrivee a Londres d'un depute + de la Rochelle. + + + AU ROY. + +Sire, apres que Mr de Poigny a heu satisfaict a la visite, que Vostre +Majeste luy avoit commande vers la Royne d'Escoce, par l'espace de +quatre jours, qu'il luy a este permiz d'estre aupres d'elle, avec ung +infiny contantement et tres grande satisfaction de la dicte Dame, il +s'en est retourne par deca; et estant icy, nous avons ensemble +considere que, puisqu'il estoit contrainct de se deporter du surplus +de son voyage en Escoce, parce que la Royne d'Angleterre ne le +trouvoit bon, et que les commissaires escossoys n'estoient point +arrivez, qu'il estoit expediant qu'il ne temporisat plus en ce lieu; +dont sommes allez, le IIIIe du present, trouver la dicte Dame a +Cheyneys, ou elle est encores. A laquelle le dict Sr de Poigny a faict +entendre, bien a propos, les choses qu'il avoit veues et aprinses de +l'estat de la Royne d'Escoce, et de sa sante, et aussi de son +estroicte garde, et d'aulcunes aultres particullaritez de ses afferes, +luy incistant bien fort de luy vouloir ottroyer ung peu plus de +liberte qu'elle n'a; et luy ayant au reste ramentu de rechef les +principaulx poinctz de sa charge, avec offre de passer encor en +Escoce, s'il estoit besoing, pour disposer ces seigneurs de della a la +continuation du trette, la dicte Dame luy a faict plusieurs diverses +responces es quelles, sans luy reffuzer ny accorder aussi tout ce +qu'il demandoit, sinon touchant aller en Escoce, qu'elle luy a bien +ouvertement denye, elle a monstre, au reste, qu'elle vouloit beaucoup +defferer a Vostre Majeste; et, apres qu'avec de bien honnestes +repliques, il a heu tire d'aultres secondes et meilleures responces de +la dicte Dame, il a prins conge d'elle. Dont, de tant, Sire, que +Vostre Majeste entendra mieulx au long et par ordre de luy, que ne +feroit par ma lettre, tout ce qui s'est passe en son audience, et ce +qu'il y a propose, ensemble ce qu'il y a obtenu, et ce que la dicte +Dame l'a prie de vous dire, je me deporteray de vous en toucher icy +plus avant, si n'est pour vous dire, Sire, qu'encor qu'il ne vous +raporte resolution de toutes choses, son voyage ne laisse pourtant +d'estre et bien utille, et heureux, puisque par icelluy est advenu que +ceste Royne a commance de se moderer tant envers la Royne d'Escoce +qu'elle l'a layssee visiter de vostre part et luy a eslargy ung peu sa +liberte; et qu'en mesmes temps le duc de Norfolc, qui estoit en +pryson, a este remiz en sa mayson, bien que ce soit encores soubz +quelque garde; qui sont tout presaiges de quelques bon succez ez +aultres afferes de la dicte Dame. + +Or de ma part, Sire, ayant heu a remercyer la dicte Dame de la +declaration qu'elle m'avoit mande fere, que son armement n'estoit +aulcunement dresse ny contre Vostre Majeste, ny contre vostre +royaulme, et de ce qu'elle avoit monstre se resjouyr infinyement de la +nouvelle, que je luy avois faict entendre, qu'on tenoit en France la +paix pour faicte; et que sur le dict armement elle m'a heu confirme le +mesmes, adjouxtant que c'estoit le duc d'Alve et non Vostre Majeste +qui avoit a se doubter d'icelluy, et qu'avec plusieurs parolles, et +par tout aultre semblant, elle a exprime ung tres grand desir a la +dicte paix, et luy tarder beaucoup que je la luy puysse bien asseurer +de vostre part, j'ay tire le propos a luy parler des choses que nous +avions entendu d'Escoce: comme pour empescher l'effect de l'accord, +qui estoit tant bien commance, l'on avoit trouve moyen de retarder Mr +de Leviston (qui l'alloit notiffier aulx seigneurs d'Escoce) vingt +deux jours en la frontiere de deca, et despuys, estant passe en celle +de della, les adversaires de la Royne d'Escoce ne permettoient qu'il +passat oultre pour acomplyr sa legation; que cependant le comte de +Sussex avoit envoye solliciter ceulx du party de la Royne d'Escoce de +poser les armes, d'abandonner les rebelles angloys, de ne recepvoir +les estrangiers, et de casser les proclamations, qu'ilz avoient faicte +de l'authorite de leur Royne, pour remettre le faict du gouvernement +du pays en tel estat que le comte de Mora l'avoit laysse; et que, +pendant que la dicte Dame se prenoit bien asprement a la Royne +d'Escoce de ce que ses fuytifz trouvoient faveur et retrette en son +pays, c'estoient les mauvais subjectz de la Royne d'Escoce qui +avoient releve une forme d'authorite, en tiltre de regent, contre et +au prejudice d'icelle en son royaulme, soubz l'adveu et protection des +lettres de la dicte Royne d'Angleterre, qui avoient este leues +publiquement en l'assemblee, y assistant maistre Randolf et son agent +par della; et que le comte de Lenoz, a present cree regent, se vantoit +qu'il auroit tout secours d'elle pour estre meintenu en ceste sienne +nouvelle authorite, et que mesmes le comte de Sussex, en sa faveur, +rentreroit de rechef avecques forces en Escoce, et que l'armee de mer +de la dicte Dame seroit bientost devant Dombertran pour l'assieger; +dont, de tant que, sur ce que je vous avois escript et asseure du +contraire, vous aviez contremande voz forces, qui estoient toutes +prestes en Bretaigne, et vous estiez venu de toutz ces differantz a +ung trette d'accord, duquel ne voyez a present sortyr nul effect, je +ne pouvois, pour ma justification envers Vostre Majeste, que recourir +a la promesse, qu'elle m'avoit faict fere la dessus par les seigneurs +de son conseil, laquelle elle m'avoit despuys confirmee en parolle de +Royne et de Princesse chrestienne, pleyne de foy et de verite; et, +suyvant icelle, la suplyer de vouloir demeurer aulx bons termes du +dict trette et icelluy paraschever, ou bien me dire quelle +satisfaction elle pensoit que j'en debvois donner a Vostre Majeste. + +La dicte Dame, se voyant fort pressee de ce propos, et voyant que +j'estois adverty de toutes les pratiques qui se menoient en Escoce, +s'est efforcee de leur donner le meilleur lustre qu'elle a peu, +alleguant que ceulx du party de la Royne d'Escoce, pour avoir de +rechef rentre en la frontiere d'Angleterre, et avoir dresse avec milor +Dacres une bien dangereuse entreprinse sur icelle, si le comte de +Sussex ne l'eust descouverte, et pour avoir, en proclamant l'authorite +de la Royne d'Escoce, declaire ceulx de l'aultre party rebelles, +avoient commance les premiers de donner occasion a elle de se departyr +du dict traicte, dont estoit deliberee de ne souffrir plus leurs +attemptatz et de remedier a leurs mauvaises entreprinses. + +Je luy ay replique que Vostre Majeste ny la Royne d'Escoce n'aviez +rien innove de vostre part, et qu'on ne pouvoit pretendre que ceulx du +party de la Royne d'Escoce eussent aussi peu violler le trette jusques +a ce qu'il leur auroit este legitimement notiffie; par ainsy, que je +incistois toutjour a l'entretennement et continuation d'icelluy. + +Enfin la dicte Dame, laquelle faict grand fondement de sa parolle +jusques a me dire que si je la trouve jamais manquer d'icelle, je la +veuille estimer indigne que je face jamais plus nul office de vostre +ambassadeur vers elle, et les seigneurs de son conseil, ausquelz j'ay +aussi faict la mesme remonstrance, m'ont accorde qu'il sera donne +moyen a Mr de Leviston, ou bien a quelque aultre, qui sera +presentement depesche d'icy, de pouvoir aller seurement jusques vers +le duc de Chastellerault, et vers les aultres seigneurs du party de la +Royne d'Escoce, pour leur signiffier l'accord encommance, et les +sommer d'envoyer des depputez pour le continuer et parfaire. + +Cependant, Sire, la dicte Dame continue toutjour son armement en fort +grand dilligence, et n'en remect rien pour chose que le duc d'Alve luy +ayt respondu, lequel aussi, a ce que j'entendz, a parle ung peu bien +ferme a maistre Fuyguillem, deppute de la dicte Dame, lequel est +revenu despuys trois jours: c'est qu'il luy a dict qu'il preparoit +son armee de mer pour conduyre seurement la Royne, sa Mestresse, en +Espagne, et que rien n'en estoit dresse contre les amys et confederez +de son Maistre, mais bien pour se deffandre et se venger des injures +de ses ennemys; et quant a la pleincte qu'il faysoit que l'ambassadeur +d'Espaigne, icy residant, avoit donne des saufconduictz aulz rebelles +d'Angleterre pour passer en Flandres; que le Roy, son Maistre, le +chastieroit s'il avait mal faict, mais que, pour un rebelle anglois +qu'il y avoit en Flandres, il y en avoit cinq centz flamans en +Angleterre: au regard de se contanter de l'accord des merchandises +sellon l'inventoire qui en avoit este faict, qu'il vouloit de sa part +rendre aulx Anglois tout entierement ce qu'il leur avoit faict saysir +et arrester, et qu'ainsy entendoit il qu'il fut de mesmes satisfaict +aulx subjectz de son Maistre. Bien m'a l'on dict qu'il a use a part +d'aultres parolles gracieuses au dict Fuyguillem, qui les mect en plus +grande esperance d'accord que jamais. + +Il est arrive, despuys lundy dernier, ung des superintendans des +finances de la Rochelle, nomme le presidant des comptes de Bretaigne, +lequel on dict estre principallement venu pour trois choses; l'une, +pour adviser le moyen de desdommaiger la Royne d'Angleterre et les +siens des treze ourques de merchandises d'Espaigne, qui furent, des le +commencement, menees des portz de ce royaulme a la Rochelle, et fere +pour cella, ou pour recouvrer nouveaulx deniers, pour du sel et du +vin, quelque nouveau contract entre eulx; la seconde, pour consulter +avec Mr le cardinal de Chatillon des articles de la paix, et les +notiffier, de la part de la Royne de Navarre, a ceste Royne; la +tierce, pour aporter a la dicte Dame quelques adviz et pacquetz qui +la concernent, lesquelz ilz ont surprins quelque part. Sur ce, etc. Ce +VIe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXVIe DEPESCHE + +--du XIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._) + + Forces de l'armee navale que l'Angleterre vient de mettre en + mer.--Crainte qu'Elisabeth, rassuree contre toute attaque de la + part du duc d'Albe, n'emploie cet armement a une entreprise sur + l'Ecosse.--Etat des negociations au sujet de l'Ecosse et de + Marie Stuart.--Conclusion de la paix en France.--Nouvelles de + la Rochelle et d'Allemagne.--Execution de Felton a Londres; + continuation des executions dans le Norfolk. + + + AU ROY. + +Sire, sellon la bonne communication que j'ay faicte a Mr de Poigny, +pendant qu'avons este ensemble, de toutes choses de deca, dont j'ay +peu avoir quelque notice, j'espere qu'il aura donne bon compte a +Vostre Majeste non seulement de celles la qui s'y menent ouvertement, +mais aussi d'aulcunes qui se presument, lesquelles ne sont encores +qu'en discours; et pareillement de l'estat ou sont demeurees celles de +la Royne d'Escoce, de facon que je n'auray a toucher icy, sinon de ce +qui a succede despuys son partement; qui est, Sire, que la Royne +d'Angleterre a faict donner une si grand presse a son armee de mer +qu'on l'a rendue toute preste a sortyr, dans le XXe du present, en +nombre de XXIX de ses grandz navires, bien artillez et bien garnys de +toutes monitions de guerre, et avitaillez pour trois mois, avec cinq +mil cinq centz hommes dessus et son admyral en personne pour y +commander, oultre ung nombre d'aultres vaysseaulx, que le comte de +Betfort faict equiper en guerre au pays d'Ouest, qui doibvent sortir, +soubz la conduicte de Haquens, et treze navyres des Francoys et des +Flamans, de la nouvelle religion, qui sont attendans en l'isle d'Ouyc. +Quelcung est revenu de la mer sur un batteau legier, qui raporte avoir +veu, sur la coste de Flandres, envyron cinquante quatre voyles desja +hors des portz, ce qui faict davantaige haster ceulx cy en leur +entreprinse; et les seigneurs de ce conseil ont envoye signiffier, par +deux aldremans de Londres, a Mr l'ambassadeur d'Espaigne qu'il les +veuille venir trouver, a St Auban, a XX mil d'icy, affin de conferer +ensemble; mais ne saichant comme ilz vouldroient user vers luy, il est +en doubte s'il yra. + +Je ne descouvre point encores, Sire, que la dicte Dame ayt a nul +aultre effect entreprins cest armement que pour le souspecon du duc +d'Alve, et croy, a la verite, que cella seul en est la premiere +ocasion; mais, a ceste heure, qu'elle a faicte la despense, et que le +duc luy a en plusieurs sortes declaire qu'il ne veult rien +entreprendre contre elle, et aussi n'y a il nul aparance quelconque +qu'il soit pour le fere, ny qu'il divertisse ailleurs son armee qu'a +la conduicte de la Royne, sa Mestresse, tant qu'elle soit du tout +descendue en Espaigne, je crains que la dicte Royne d'Angleterre +employe cependant la sienne contre l'Escoce; car de la dresser contre +la France je n'en ay ny indice ny sentyment, mais quelcun m'a bien +dict qu'on la conseille de se saysir de Dombarre, et m'a l'on donne +adviz qu'elle a mande de nouveau au comte de Sussex de tenir mil cinq +centz harquebouziers, six centz corseletz et quatre centz chevaulx, +toutz prestz en la frontiere, qui est argument qu'elle espereroit, par +ce secours de terre, facilliter l'entreprinse a son armee de mer; et +que, par mesmes moyen, elle satisferoit au comte de Lenoz, lequel luy +ayant demande une grande provision de deniers pour souldoyer des +Escossoys pres de luy, elle luy a respondu qu'elle ayme mieulx +employer son argent a souldoyer des siens que non d'en acquerryr des +estrangiers; neantmoins j'entendz qu'on l'a tant pressee qu'enfin elle +luy a envoye trois mil {lt} d'esterlin, qui est dix mil escuz. De +cecy, Sire, et d'aulcunes conditions asses dures, que la dicte Dame a +naguieres proposees, bien qu'en ryant, a Mr l'evesque de Roz, de +vouloir pour sa seurte, en restituant sa cousine, avoir des ostaiges +d'elle, et le Prince son filz, et le chasteau de Dombertran; et luy +ayant le dict sieur evesque respondu que mal ayseement se pourroit +tout cella fere, je crains que la dicte Dame se veuille pourvoir, de +bonne heure, d'aulcuns aultres moyens bien contraires a celluy du +trette, que nous avons commance; mais, nonobstant ceste demonstration, +nous ne layssons de luy incister toutjour qu'elle doibt demeurer aulx +bons termes du trette, et icelluy paraschever, sellon qu'elle mesmes a +prie Mr de Poigny de vous asseurer, Sire, que, si la Royne d'Escoce +luy faict de bien honnestes et honnorables offres, qu'elle procedera +tres honnorablement envers elle; et, suyvant cella, elle nous a +despuys baille ses lettres pour fere passer sans difficulte milord de +Leviston jusques la ou le duc de Chastellerault et les aultres +seigneurs du party de la Royne d'Escoce sont assemblez, affin de leur +notiffier l'accord encommance, et les sommer d'envoyer des depputez +pour ayder a le conclurre; et, par mesmes depesche, nous avons adverty +les dicts seigneurs de se donner garde des entreprinses de deca. Ceulx +qui portent icy bonne affection a la Royne d'Escoce estiment, Sire, +qu'il importe beaucoup que, en parlant a l'ambassadeur d'Angleterre, +et par aultres demonstrations en Bretaigne, Vostre Majeste face +toutjour cognoistre qu'elle desire secourir et remedier les afferes de +la dicte Dame. + +J'entendz que Mr Norrys a escript, du IIIe du present, que la paix +estoit desja conclue dez le premier[13], et qu'il restoit rien plus a +accorder que quelque formalite sur le desarmer et sur reconduyre les +reytres hors de vostre royaulme, ce qui faict regarder a plusieurs +icy, si Vostre Majeste vouldra incister plus fort, a ceste heure, au +restablissement des choses d'Escoce, et s'il en pourra bien sortyr du +differant entre la France et l'Angleterre; mais je leur en oste +l'opinion le plus que je puys. + + [13] Cette paix, connue sous le nom de _paix boiteuse et mal + assise_, parce qu'elle fut negociee par Mr de Biron, qui etait + boiteux, et par le sieur de Mesmes, seigneur de Malassise, fut + conclue a Saint-Germain-en-Laye, le 11 aout 1570. Les articles au + nombre de quarante-six sont rapportes dans l'edit de + pacification, donne a Saint-Germain, le 15 du meme mois. + +Le presidant venu de la Rochelle est alle desja une foys jusques a +ceste court, et m'a l'on dict que, a cause des adviz et des lettres +interceptes, qu'il disoit aporter concernant ceste princesse, elle l'a +vollu ouyr, mais bien fort en secrect. Les depputez aussi des princes +d'Allemaigne ont este ouys une foys, et puys se sont retirez a +Londres. Il semble que leur negociation demeure en quelque suspens par +le retour d'ung Oynfild, qui vient freschement d'Allemaigne, l'y +ayant, dez le moy de may, ceste princesse envoye pour tretter +d'aulcunes choses fort secrectement avec les dicts princes, et mesmes +a heu grande communication avec l'evesque de Colloigne. La dicte Dame +commance de n'avoir plus si suspecte la diette d'Espire comme l'on la +luy faisoit, puisque le comte Pallatin y intervient. L'on dict que ung +agent du jeune duc des Deux Ponts est venu poursuyvre icy, contre +ceulx de la Rochelle, le payement d'environ quarante mil escuz, qui +furent trouvez ez coffres du feu duc, son pere; lesquelz monsieur +l'Admyral print, avec obligation de la Royne de Navarre et des +principaulx de l'armee, qu'ilz seroient acquittez contantz en +Angeterre. Maistre Felton a este, despuys trois jours, execute devant +icelle mesme porte de l'evesque de Londres, ou il avoit affiche la +bulle, ayant soubstenu toutjour fort opinyastrement que l'interdict du +Pape sur ceste Royne est juste et juridique. L'on continue aussi les +executions en Norfolc. La dicte Dame poursuyt son progrez vers Oxfort, +et a vollu que je soys sorty de Londres, a cause de la peste, pour +pouvoir plus librement negocier avec elle. De quoi, Sire, et du +desloignement de sa court, je crains demeurer moins bien adverty de +beaucoup de choses au villaige que je n'etois a la ville, mais j'y +mettray toutjour la meilleure dilligence que je pourray. Sur ce, etc. +Ce XIe jour d'aoust 1570. + + J'ay faict courir apres ce pacquet, qui estoit desja depesche dez + le matin, pour y adjouxter la reception de voz lettres du IIIIe + du present, qui m'ont este rendues par mon secretaire, avec la + bonne et desiree nouvelle de la paix; sur laquelle, apres avoir + remercye Dieu, et, de rechef, de tout mon cueur tres humblement + bayse les mains de Vostre Majeste, j'en yray demain fere la + conjoyssance a ceste Royne, laquelle, a ce que j'entendz, + depesche ung gentilhomme en France, mais ne scay encores sur + quelle occasion. + + + + +CXXVIIe DEPESCHE + +--du XIIIIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais, par Bordillon._) + + Resolution prise par la reine d'Angleterre d'envoyer Walsingham + en France. + + + AU ROY. + +Sire, il y a trois jours que la Royne d'Angleterre avoit depesche le +Sr de Valsingan pour aller fere aulcuns offices vers Vostre Majeste, +et pour les fere en une facon, si la paix estoit faicte, et en une +aultre, s'il trouvoit qu'elle fut encores a fere; dont, a ceste heure, +que j'ay envoye demander audience a la dicte Dame pour la luy aller +annoncer, toute bien faicte et bien conclue, elle m'a mande que je +seray le tres bien venu avec ceste tres bonne nouvelle, et qu'elle a +desja expedie ung sien gentilhomme en France pour vous en aller fere +la conjouyssance de sa part; en quoy je vous suplie tres humblement, +Sire, lui agreer, et gratiffier en toutes sortes ceste sienne bonne et +prompte demonstration, ainsy qu'elle s'atend bien que, pour avoir +toutjour ouvertement declaire qu'elle la desiroit, et pour s'estre +offerte de s'employer a la fere, et mesmes pour avoir, durant la +guerre, rejette toutes les persuasions qu'on luy a donnees de se +declairer de l'aultre party, et avoir encores, sur le pourparle de +paix, procede en sorte qu'elle veult bien estre veue d'avoir ayde en +quelque chose a la conclurre, elle se repute avoir grandement merite +de vostre amytie. Et j'entendz, Sire, que, par mesmes moyen, elle vous +fera tenir quelque propos du faict d'Escoce, estant le dict de +Valsingan principallement envoye pour notter et comprendre, aultant +qu'il luy sera possible, a quoy, apres ceste paix, va l'intention de +Vostre Majeste, tant sur les choses qui ont passe du coste de ce +royaume durant la guerre, que pour voir en quoy vous perseverez +touchant celles du dict pays d'Escoce et touchant la Royne d'Escoce, +vostre belle soeur; dont j'estime, Sire, que le plus de faveur et de +grattiffication que pourrez monstrer sur celles premieres, et plus de +fermete et perseverance ez aultres, sera ce qui plus donra +d'accommodement a vostre service et plus de reputation a voz afferes +de deca. Icelluy Valsingan est tenu icy pour bien habille homme, fort +affectionne a la nouvelle religion, et tres confidant du secretaire +Cecille; qui va desja fere ung commencement d'essay en la charge que, +a mon adviz, l'on luy a designee d'ambassadeur ordinaire vers Vostre +Majeste apres Mr Norrys. Sur ce, etc. + + Ce XIVe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXVIIIe DEPESCHE + +--du XVIIIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par l'homme du Sr de Valsingan._) + + Audience.--Communication officielle donnee par l'ambassadeur a + Elisabeth de la conclusion de la paix en France.--Contentement + manifeste par la reine de cette nouvelle.--Vives demonstrations + en faveur du roi.--Promesse de la reine de hater la conclusion + du traite avec Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, le jour de la my aoust, j'ay este porter la certitude de la paix +de vostre royaulme a la Royne d'Angleterre, a Penleparc, qui est +trente deux mil loing de Londres; laquelle a monstre non seulement de +la bien recepvoir, mais d'en vouloir caresser et honorer la nouvelle, +ayant faict parer sa court, et estant elle mesmes paree et +merveilleusement bien en poinct; et m'a, a l'arrivee et au retour, +faict mieulx recueillyr et accompaigner que de coustume, et encores me +reconvoyer par des gentilshommes expres une grand partie du chemyn, de +sorte qu'elle et les seigneurs de son conseil, vers lesquelz j'ay +faict aussi la conjoyssance de vostre part, n'ont rien obmiz de ce qui +se peult monstrer d'exterieur pour donner entendre qu'ilz ont ung tres +grand plesir de cet accord. Mais, pour descouvrir quelque chose de +l'interieur, j'ay dict a la dicte Dame, en luy presentant les lettres +et recommandations de Voz Majestez, que Dieu vous avoit faict la grace +de vous donner la paix avecques voz subjectz; et qu'aussitost que vous +l'aviez peu conclurre vous luy en aviez faict la premiere part, affin +de luy advancer, devant les aultres princes, voz alliez et confederez, +l'ayse et le playsir que vous estimiez qu'elle en recepvroit, parce +que, plus que nul de tous eulx, elle avoit toutjour monstre de la +desirer, et mesmes de se vouloir employer a la fere; dont cecy luy +estoit ung tres asseure tesmoignage que vous n'en avez miz rien en +oubly, et que vous luy rendrez la tranquillite de vostre royaulme +aultant utille, comme elle avoit toutjour faict paroistre qu'elle +l'auroit tres agreable. + +La dicte Dame, usant de toutes les demonstrations d'ayse et de +contantement qu'il est possible, m'a respondu qu'elle ne pouvoit asses +a son gre vous remercyer de la faveur, que luy aviez faicte, de luy +advancer ceste bonne nouvelle de vostre paix, ny asses s'en conjouyr +avecques Voz Majestez; et que n'ayant heu moindre desir que vous +mesmes de la voir bien succeder, ainsy que sa conscience l'en +faisoit, a ceste heure, estre bien fort contente, et que la certitude +s'en pouvoit encores veriffier par lettres et tesmoings, elle ozoit +bien esgaller l'ayse qu'elle recepvoit d'en entendre la conclusion, a +celluy que Vostre Majeste et la Royne, vostre mere, et Messieurs vos +freres, voyre quel que soit de voz propres subjectz, en pouviez avoir; +ce que estant bien confere avec le peu de desir que vous scavez que +les aultres princes en avoient, elle vous layssoit a juger si une +premiere conjouyssance ne lui en estoit pas deuhe, et pourtant que +vous ne doubtissiez qu'elle ne la receust avec trop plus d'abondance +de playsir et d'affection, qu'elle ne le pouvoit, par parolle ny par +nulle aultre demonstration, bien exprimer; seulement elle prioyt Dieu +de la vous fere, et a voz subjectz, tres longuement et heureusement +jouyr; et qu'encor qu'on luy eust vollu imprimer que vostre paix luy +seroit ung commancement de guerre, et que vous vous layrriez aisement +aller a l'instigation, que ses ennemys vous feroient, de la luy +commancer sinon directement, au moins par moyens indirectz de la Royne +d'Escoce, qu'elle ne le se vouloit toutesfoys persuader; et vous +pryoit, de tant que vous estiez sur le poinct de vous former une +inpression d'amytie ou d'ayne pour l'advenir, que vous vollussiez +retenir elle et son royaulme, qui ne sont pas des plus grandz mais non +aussi des moindres, au mesmes degre d'amytie qu'elle veult droictement +perseverer vers vous et le vostre; et que, ayant auparavant propose de +vous depescher le Sr de Valsingan, affin qu'il servyst a quelque bon +effect entour la conclusion de la dicte paix, elle l'y feroit encores +plus vollontiers passer, a ceste heure qu'elle estoit conclue, pour +non seulement vous en aller fere la conjoyssance, mais vous remercyer +infinyement de celle que vous luy en aviez desja faicte. + +Je n'ay failly la dessus, Sire, d'user des meilleurs et plus +convenables propos, que j'ay peu, pour mettre la dicte Dame en grande +confiance de Vostre Majeste et de vostre royaulme; et, apres avoir +touche quelque mot du commandement, que me feziez, d'avancer toutjour +les afferes de la Royne d'Escoce; a quoy elle m'a respondu en tres +bonne facon et avec nouvelle promesse d'y proceder du premier jour, +sellon qu'elle avoit bonnes nouvelles que les seigneurs escossoys des +deux costez s'y vouloient disposer, elle m'a licencie avec tant de +bonnes paroles et demonstrations de son contantement, et de vouloir +donner toute satisfaction a Vostre Majeste, que je craindrois d'en +diminuer la meilleure part, si je m'esforcoys de le vous vouloir +davantaige exprimer: dont la layrray a tant jusques a la prochaine +depesche d'ung des miens, que j'envoyeray bientost devers Vostre +Majeste, par lequel je vous feray amplement entendre toutes aultres +choses. Et seulement, Sire, j'adjouxteray a ce pacquect la lettre, que +la dicte Dame vous escript, oultre celles qu'elle a baille au dict +Valsingan pour Voz Majestez, lequel est desja depesche, et avecques +luy le sir Henry Coban pour aller saluer, de la part de ceste Royne, +la Royne d'Espaigne au Pays Bas; et croy qu'il passera jusques a +Espire devers l'Empereur. Sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour d'aoust 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, j'obmetz, tout a esciant, d'escripre a Voz Majestez par ceste +depesche beaucoup de propos, qui ont este tenuz entre la Royne +d'Angleterre et moy en ceste derniere audience, pour les vous mander +cy apres plus expressement par ung des miens; et suffira, s'il vous +playt, Madame, que, en ceste cy, je vous dye, sur la nouvelle que j'ay +annoncee a la Royne d'Angleterre de la paix de vostre royaulme, qu'il +ne se peult exprimer ung plus grand ayse que celluy que, en parolle et +en semblant, elle a monstre d'en recepvoir; et croy que, sans la +crainte des choses d'Escoce, que son cueur aussi s'y conformeroit. +J'entendz qu'elle a prins quelque souspecon de ce que les depputez des +Princes n'ont faict rien entendre de ceste derniere conclusion a son +ambassadeur, comme ilz avoient faict les aultresfoys; au moins n'en +avoit il encores rien escript a la dicte Dame, quant j'ay este devers +elle, laquelle en estoit mal contante; et discouroient quelques ungs +la dessus qu'il y pourroit bien rester encores quelque difficulte: +tant y a que les choses d'icy ne layssent pourtant de prendre aultre +forme, sur ce que je leur en ay desja dict, mesmes en l'endroict de +l'ambassadeur d'Espaigne, auquel aultrement l'on estoit prest de fere +piz que jamais. J'espere qu'il en reuscyra aussi de l'utillite a +vostre service. Sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXIXe DEPESCHE + +--du XXIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par Guilliaume Beroudier._) + + Rapport de ce que l'ambassadeur a pu savoir des instructions + donnees a Walsingham.--Conclusion definitive de la paix de + France.--Instance de l'ambassadeur pour que le roi se prononce + avec fermete sur les affaires d'Ecosse.--Effet produit en + Angleterre par l'assurance que la paix est definitivement + signee en France. + + + AU ROY. + +Sire, ceste bien asseuree confirmation de la paix, qui m'est venue par +les lettres de Vostre Majeste du XIe du present, avec les articles +d'icelle, qu'il vous a pleu par mesme moyen m'envoyer, ont miz la +Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil hors de tout doubte qu'elle +ne soit a present bien conclue et arrestee; car, parce que Mr Norrys +leur avoit escript que, de vostre coste, Sire, elle estoit bien +signee, mais qu'elle restoit a signer par Messieurs les Princes et +Admyral, et que Mr le cardinal de Chatillon n'en avoit encores nulles +nouvelles, aussi que de della l'on mandoit que aulcuns s'y opposoient, +et que le parlement de Paris ne la vouloit en facon du monde +recepvoir, plusieurs ont estime que la matiere estoit encores bien +acrochee; et le Sr de Valsingan mesmes, quant il m'est venu dire +adieu, n'a sceu tenir son langaige si mesure qu'il n'ayt asses monstre +qu'il estoit depesche sur telle opinion. Et j'ay despuys entendu que, +l'ayant la dicte Dame faict arrester, lorsque je la suys alle trouver, +jusques apres qu'elle m'auroit ouy, aussitost qu'elle a comprins par +mon recyt que les depputez estoient de rechef renvoyez avec les dicts +articles vers les Princes, elle l'a soudain faict partyr, sur la +mesme depesche qu'elle luy avoit desja baillee, luy mandant qu'il +n'estoit besoing d'y rien changer. + +Or, Sire, ce que j'ay peu descouvrir de sa charge est qu'ayant ceste +princesse l'esprit fort agite de tant de deffiances, que je vous ay cy +devant mandees, et se trouvant mal satisfaicte de ce que ceste +derniere conclusion de paix s'est menee si estroictement que son +ambassadeur a souspeconne y debvoir avoir des conventions qui la +touchoient, puysqu'on les luy tenoit secrectes, elle a advise +d'envoyer cestuy cy tout expres par della affin que, trettant avec +ceulx de l'ung et l'aultre party, il puysse juger de quelle +disposition, apres la dicte paix, se trouvera Vostre Majeste et vostre +royaume vers elle et le sien, avec commandement d'accommoder son +parler a l'estat ou il verra que les choses seront, et de se conduyre +neantmoins en ce qu'il aura a negocier avec ceulx de la nouvelle +religion, sellon certain reglement qui a este arreste avec les +depputez, qui sont icy, des princes d'Allemaigne, et dont l'ung d'eulx +est alle avecques luy; et de mesler, a ce que j'entendz, parmy +l'aparance d'exorter ceulx de la dicte religion a vostre obeyssance, +qu'ilz veuillent bien regarder a l'establissement de ce qui leur sera +promiz pour l'exercice d'icelle et pour l'establissement de la paix, +et que, en ces deux choses, elle et les dicts princes ne sont pour les +habandonner jamais, comme ilz ont encores tout presentement et auront +toutjour toutes choses bien prestes pour les secourir; leur +remonstrant aussi qu'ilz n'ont asses bien faict leur debvoir d'avoir +obmiz, en l'instruction qu'ilz ont donnee a leurs depputez pour fere +ce trette, laquelle a este envoyee icy de la Rochelle, et traduicte +incontinent en anglois et imprimee a Londres, de n'y avoir faict +quelque honnorable mencion d'elle et du bon reffuge qu'ilz ont trouve +en son royaulme, avec d'aultres particularitez que je suys bien ayse +qu'elles n'arrivent qu'apres la paix faicte; car possible n'eussent +elles de guieres servy a la conclurre. + +Et au regard de Vostre Majeste, j'entans, Sire, que sa commission +porte que, au cas qu'il trouve les choses non encores bien accordees, +qu'il vous offre toutz les moyens et offices, qui seront cognuz +pouvoir proceder d'elle, pour vous ayder a les accorder avec vostre +grandeur, reputation et advantaige; mais s'il trouve la paix desja +conclue, ainsy que, graces a Dieu, elle l'est, qu'il vous en face la +meilleure et plus expresse conjoyssance qu'il pourra, et qu'il vous +exorte, Sire, a l'entretennement et observance d'icelle, avec offre de +tout ce qui est en la puyssance de la dicte Dame pour vous assister +contre ceulx qui la vous vouldroient traverser ou empescher; et vous +prier, au reste, de ne vous laysser jamais persuader du contraire, car +vous ayant elle jusques icy garde ce respect d'avoir rejette toutes +les tres vehementes persuasions qu'on luy a donnees de se declairer +contre vous, elle proteste que, par cy apres, elle ne le pourra plus +fere; et que, si vous entreprenez la guerre contre la religion d'ou +elle est, qu'elle employera toutes ses forces, son estat et sa +couronne a la deffance, faveur et protection d'icelle; et qu'elle +entrera en la ligue des princes protestans contre Vostre Majeste, +ainsy qu'ilz ont encores icy a ceste heure leurs ambassadeurs pour +l'en solliciter; et avec charge aussi au dict Valsingan de vous fere +entendre, de la part de la dicte Dame, touchant la Royne d'Escoce, +qu'elle ne luy veult aulcun mal, ny veult en facon du monde procurer +sa ruyne, que seulement elle cerche de s'asseurer des guerres et +dangiers, qui luy ont este toutjour imminentz du coste d'elle et de +son royaulme, chose qu'elle estime que ne debvez trouver mauvaise; et +qu'encores, pour l'amour de Vostre Majeste, sera elle contante d'user +si honorablement vers la dicte Dame, que ung chacun jugera qu'elle luy +aura la plus grande de toutes les obligations, qu'elle ayt jamais heue +a personne de ce monde. + +Qui est tout ce, Sire, que j'ay aprins de la depesche du dict +Valsingan, et ne scay encores s'il y a heu rien de plus ou de moins, +ou de change despuys; dont je suplie tres humblement Vostre Majeste de +gratiffier si bien a la dicte Dame ses bonnes parolles que ses +intentions en puyssent toutjour devenir meilleures, car aussi estime +elle vous avoir beaucoup oblige de ne vous avoir faict sentyr tant de +mal et d'empeschement, de son coste, comme l'on l'a bien incitee et +conseillee de vous en fere. + +Au regard, Sire, des choses d'Escoce, encores que la dicte Dame ayt, +de rechef, tres expressement donne parolle a Mr de Roz de proceder au +trette, aussitost que les depputez d'Escoce seront arrivez, car +plustost n'y veult elle nullement entendre; neantmoins, de tant que je +suys seurement adverty que le comte de Sussex, lequel a encores des +forces en la frontiere, et le secretaire Cecille menent des pratiques, +et croy que [c'est] sans le sceu de la dicte Dame, pour tirer la +matiere en longueur et pour fere rentrer de rechef les Anglois en +Escoce au secours du party du regent, qui se trouve le plus foible; il +sera le bon playsir de Vostre Majeste d'en parler en telle sorte aulx +ambassadeurs de la dicte Dame qu'ilz cognoissent que vous incistez, +Sire, tres fermement a la continuation et accomplissement du trette et +a l'entretennement de ce qui en est desja arreste; ou autrement que +vous n'estes pour manquer de secours a ceulx de voz allyes qui ont +recours a vostre protection, et faveur. Et sur ce, etc. + + Ce XXIe jour d'aoust 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, ce peu de temps qui a passe, despuys la premiere nouvelle de +la conclusion de la paix, laquelle Voz Majestez m'escripvoient du +IIIIe du present, jusques a la confirmation que j'en ay presentement +receue, qui n'est que six jours entre deux, nous a donne a dicerner +ceulx qui desirent icy veritablement la paix de vostre royaulme, et +l'establissement de vos afferes, d'avec ceulx qui n'en cerchent que le +perpetuel trouble et la diminution de vostre grandeur; et n'en est +l'affection de la religion aulcunement la reigle, car plusieurs +catholiques et plusieurs protestans meslez ensemble, bien que par +divers respectz, monstrent d'en estre tres marrys, et de mesmes +plusieurs des deux partys s'en rejouyssent conjoinctement; mais ceulx +sur toutz, es quelz gist toute l'esperance de la religion catholique +en ce royaulme, en font une tres solemnelle resjouyssance, et desirent +la conservation de vostre couronne, et croyent et esperent que +d'icelle a de proceder la reunyon de l'esglize et le restablissement +de la religion catholique en ceste mesmes isle, aussi bien qu'en tout +le reste de la Chrestiente, par les moyens que Dieu vous inspirera, +plus qu'aulx aultres princes chrestiens, puysque a vous, plus qu'a +eulx toutz, il vous a faict sentyr combien en est dangereuse et pleyne +de toutz maulx la division. + +Les Huguenotz, qui estoient par deca, commancent de n'y estre plus si +bien veuz qu'ilz souloient, et n'y peuvent desormais vivre sans +soupecon. J'entendz que ceulx, qui estoient pirates, se vont peu a peu +retirant, et Clement Joly, ayant reduict tout son equipage a deux bons +navyres, s'en va avec Haquens, qui dresse une flotte pour retourner +aulx Indes. Ceulx cy ont desja miz dehors six de leurs grandz navyres, +soubz la conduicte de maistre Charles Havart, filz de milord +Chamberlan, lequel commandera en l'armee parce que l'admyral est +mallade, et y en mettront encores quatre dans ceste sepmayne, mais ilz +ne donnent grand presse aulx aultres vingt navyres, parce qu'ilz ont +adviz que l'apareil du duc d'Alve ne peult estre prest, jusques +envyron la St Michel, bien qu'ilz scavent qu'il est alle desja +recuillyr la Royne, sa Mestresse, a Nimegen. Maistre Henry Coban +s'apreste toutjour pour l'aller saluer, de la part de ceste Royne, et +avecques luy s'en retourne par della le mesmes merchant deppute sur le +faict des merchandises, nomme Fuiguillem, qui en est naguieres revenu; +et sur ce, etc. Ce XXIe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXXe DEPESCHE + +--du XXVIe jour d'aoust 1570.-- + +(_Envoyee jusques a la court par La Bresle, chevaulcheur._) + + Assurance de l'ambassadeur que l'armement des Anglais n'est pas + dirige contre Calais.--Recommandation qu'il fait de se premunir + neanmoins en France contre toute surprise.--Instance de la + reine d'Ecosse pour obtenir du roi un secours efficace; sa + conviction qu'Elisabeth ne veut pas lui rendre la + liberte.--Nouvelles des Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, je n'ay trouve nouveau l'adviz, qu'on vous a donne, de +l'entreprinse de ceulx cy sur Callais, car je pense en avoir mande +quasi aultant a Vostre Majeste par le Sr de Sabran, sur le +commancement de juillet, et vous avoir dez lors particullarise quant, +commant, et en quel lieu, ilz avoient propose de fere leur descente, +mais que bientost apres ilz avoient change de delliberation, parce +qu'ilz avoient juge que ce seroit attacher une grosse guerre, de +laquelle ilz n'avoient ny rien de bien prest pour la commancer, ny nul +moyen de la meintenir, sinon par noz troubles, lesquelz ilz voyoient +desja incliner a la paix; et aussi qu'il m'advint lors de toucher ung +mot a quelcun des leurs de ce que j'en avois senty, et en mesmes temps +Mr de Gordan saysyt des armes qu'on pourtoit a Callais, dont +estimerent que le tout estoit descouvert, de sorte que leur present +armement ne monstre qu'il soit a nul aultre effect que pour tenir la +mer, sans pouvoir mettre gens en terre, ainsi que, pour en esclarcyr +davantaige Vostre Majeste, je renvoye ce mesmes courryer pour vous en +aporter l'estat, tel que je l'ay peu recouvrer, duquel encores il s'en +fault beaucoup qu'il soit ainsy bien prest, comme le dict estat le +porte; et ne le pourront avoir si soubdain faict plus grand, ny leve +les gens de guerre que n'en soyons, de quelques jours devant, +advertys. Neantmoins, Sire, ayant premierement descouvert qu'ilz ont +heu intention de tenter quelque chose sur le brullant desir de +recouvrer Callais, et les voyant a ceste heure (bien que pour aultres +fins) estre en armes, j'ay adverty Mr de Gordan, et les aultres +gouverneurs de vostre frontiere, de se tenir sur leurs gardes; et ay +suplie Vostre Majeste, comme je la suplie encore tres humblement, de +leur mander de rechef qu'ilz ayent a se monstrer si preparez et +pourveuz qu'ilz facent perdre a ceulx cy toute l'ocasion et la +vollonte, qu'ilz pourroient avoir, d'y rien entreprendre. + +La Royne d'Escoce renvoye ung serviteur du Sr Douglas en France, +auquel elle a commiz une depesche pour Vostre Majeste; et croy, Sire, +qu'elle vous persuade de tout son pouvoir, que, touchant sa liberte et +restitution, vous ne vous en veuillez plus attandre a ce que la Royne +d'Angleterre vous en fera dire ou promettre, car elle pense avoir +asses d'aparans argumens pour juger que l'intention de ceulx, qui +guydent les conseilz de la dicte Dame, n'est aulcunement d'y entendre, +ains de s'opiniastrer, de plus en plus, a sa detention et a luy fere +perdre son estat; ainsy que, despuys le commancement du trette, ilz +ont, soubz main, faict creer le comte de Lenoz regent en Escoce, et se +preparent a ceste heure d'y envoyer gens, argent et tout aultre +secours pour le maintenir; en quoy la dicte Dame me prie que, quoyque +ceulx cy me puissent dorsenavant alleguer, je ne vous veuille plus +entretenir en aulcune esperance du dict trette; ains que je vous +suplye tres humblement, Sire, d'aller au devant de la malle +entreprinse qu'ilz ont sur elle, premier qu'ilz l'ayent du tout +ruynee, et premier qu'ilz ayent acheve de vous oster une telle allyee, +et l'alliance, et les allyez que vous avez en elle, son royaulme et +ses subjectz. Dont semble bien, Sire, que, ayant Vostre Majeste porte +jusques icy, par voz vertueuses parolles et bonnes demonstrations, +beaucoup de faveur aulx afferes de la dicte Dame, lors mesmes que les +vostres sentoyent plus d'empeschement, que, graces a Dieu, ilz ne font +a ceste heure, s'il vous playt d'en user meintennant de semblables, ou +ung peu de plus expresses, et les fere sonner au Sr de Valsingan, +avant qu'il s'en retourne, qu'elles seront de bien fort grand moment +pour meintenir la cause de la dicte Dame, jusques a ce que y puyssiez, +a bon esciant, adjouxter les effectz. Mais affin, Sire, que voyez +plus clayrement quel il y fera, je vous manderay, du premier jour, par +le Sr de Vassal, le plus particulierement que je pourray, l'estat de +toutes choses d'icy, et ce que la Royne d'Angleterre m'aura respondu +sur le faict de son armement; laquelle je vays presentement trouver. + +Et ne vous diray davantage, Sire, sinon que le jeune Coban s'apreste +toutjour pour passer en Flandres, et ne me suys trompe du jugement, +que j'ay faict, qu'il yra jusques a Espire, dont je mettray peine +d'entendre quelque chose de sa commission. La nouvelle de la paix de +vostre royaulme a este utille a l'ambassadeur d'Espaigne; car, oultre +qu'elle est cause qu'on ne l'a resserre, l'on luy a despuys faict +beaucoup de favorables demonstrations. Il est vray qu'on a envoye +surprendre, jusques dans le port de Bergues en Flandres, le docteur +Estory et ung maistre Parquer, toutz deux Anglois catholiques, qui +estoient la depputez par le duc d'Alve sur la visite des merchandises +d'Angleterre pour les confisquer, et les a l'on transportez par deca, +et tout incontinent miz dans la Tour de Londres; en quoy l'on a +manifestement violle la franchise des Pays Bas, chose qu'on ne peult +croyre que le duc d'Alve puisse aulcunement dissimuler. Sur ce, etc. + + Ce XXVIe jour d'aoust 1570. + + + + +CXXXIe DEPESCHE + +--du Ve jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Vassal._) + + Audience.--Plainte de l'ambassadeur au nom du roi, qui est averti + que l'armement de la flotte d'Angleterre est destine a une + entreprise sur Calais.--Vive protestation de la reine qu'elle + n'a jamais eu un pareil projet, et qu'elle n'a d'autre + intention que de repousser les attaques, qui pourraient etre + dirigees contre elle.--Demande d'explications sur les armemens + faits en Bretagne.--Debat sur les delais apportes a la + conclusion du traite concernant Marie Stuart.--Nouvelle + invasion des Anglais en Ecosse. _Memoire._ Discussions des + Anglais sur la paix de France.--Leur crainte qu'une ligue + generale ait ete formee contre eux.--Changement de conduite + d'Elisabeth a l'egard de l'ambassadeur d'Espagne.--Dispositions + prises pour eviter une attaque de la part du duc + d'Albe.--Resolution de faire sortir la flotte pour rendre + honneur a la reine d'Espagne, et se tenir prete au besoin a + livrer bataille.--Negociations d'Elisabeth en + Allemagne.--Nouvelles de la diete.--_Memoire secret._ Assurance + donnee parle duc de Norfolk, depuis sa mise en liberte, qu'il + reste devoue a la reine d'Ecosse.--Necessite d'imposer a la + reine d'Angleterre un delai, dans lequel le traite avec Marie + Stuart devra etre conclu.--Utilite de faire quelque changement + dans la garnison de Calais.--Projet d'une entreprise du roi + d'Espagne sur l'Angleterre: insistance faite aupres de Marie + Stuart pour qu'elle s'abandonne entierement au duc d'Albe du + soin de sa restitution.--Disposition d'Elisabeth a renouer la + negociation de son mariage avec l'archiduc Charles.--Avis d'une + correspondance entretenue avec l'Angleterre par quelqu'un qui + approche le duc d'Anjou.--Nouvelles repandues a Londres sur les + projets du roi. + + + AU ROY. + +Sire, estant la Royne d'Angleterre en une mayson esquartee dans les +boys, a quarante cinq mil de Londres, qui s'apelle Vuynck, elle m'a +mande dire que, si l'affere dont j'avois a luy parler estoit haste, je +vinsse prendre ma part de l'incommodite du lieu ou elle estoit; mais, +si ce n'estoit chose pressee, qu'elle me prioyt d'attandre jusques au +VIIIe jour ensuyvant, qu'elle se randroit pres d'Oxfort, en la mayson +de Mr de Norrys, qui seroit plus commode. Et comme elle a entendu que +je ne vouloys temporiser, et que j'estois desja prez du dict Vuynck, +elle a envoye trois gentishommes pour me conduyre, non en la mayson ou +elle estoit, mais en une fueillee, qui lui estoit preparee pour tirer +de l'arbaleste aulx dains dedans les toilles; auquel lieu elle est +venue bientost apres, grandement accompaignee, ou m'ayant, avant +descendre du coche, et apres en estre descendue, fort favorablement +receu, premier qu'elle se soit divertye a la chasse, m'a demande des +nouvelles de Voz Majestez. + +Et parce qu'on m'avoit dict que le Sr de Vualsingan, touchant son +voyage en France, luy avoit escript qu'il trouvoit le monde par della +mal contant de la paix, je luy ay bien vollu dire, Sire, que Vostre +Majeste estoit venue a Paris en sa court de parlement pour y fere bien +recepvoir les articles de la dicte paix, lesquelz y avoient este +acceptez avec ung grand consentz de tout ce senat, et que de la vous +en estiez alle randre grace a Dieu en la grand esglize de Nostre Dame, +et solemniser la feste de la my aoust; et que, le soir, estiez alle +prendre le souper en l'hostel de ville, pour mieulx establyr le repoz +entre ce grand peuple, lequel a accoustume de servyr d'exemple aulx +autres villes voysines; et que vous estiez apres a regarder +principallement a deux choses: l'une, de bailler argent aulx reytres +et estrangiers, au premier jour de septembre, affin de les chasser +eulx, et le trouble et malheur, hors de vostre royaulme; et l'aultre +estoit de jouyr heureusement de ceste paix, premierement avec voz +subjectz, et puys avec les princes voz voysins, allyez et confederez, +chose qui estoit bien conforme a ce qu'elle m'avoit prie dernierement +de vous escripre: (que vous vollussiez conserver l'amytie des princes +voz voysins, comme je la pouvois bien asseurer que vous la vouliez +conserver droicte et entiere envers elle, aultant qu'avec nul prince +de vostre alliance); mais qu'il y avoit ung aultre ambassadeur, lequel +je ne cognoissois point, qui vous avoit advise, Sire, de penser tout +aultrement d'elle en vostre endroict, et qu'elle avoit fermement +resolu de vous fere bientost la guerre; dont je remercyois Dieu que la +vigillance de celluy la m'eust releve de la plus notable infamye, ou +gentilhomme eust peu tomber, d'avoir miz mon Roy, Mon Seigneur, et ses +afferes en ung manifeste dangier, s'il ne vous eust advise d'y prendre +garde, et de vous bien deffandre du coste, duquel je m'esforcoys de +vous persuader que vous seriez le moins assailly; bien que je ne +demeurois sans coulpe de m'estre laysse endormyr par ses bonnes +parolles, sur ce que m'aviez commande d'avoir les yeulx plus ouvertz, +qui estoit l'observance et l'entretennement des trettez. + +Sur quoy la dicte Dame, pleyne d'esbahyssement, m'a demande qui ce +pouvoit estre, et que l'infamye tumberoit plus sur elle que sur moy, +et qu'elle esperoit de nous en descharger si bien toutz deux que la +honte en demeureroit a celluy qui la nous vouloit fere. + +J'ay suyvy a luy dire que je luy en communiquerois, au long et au +plain, tout ce que Vostre Majeste m'en escripvoit, affin de proceder +ainsy clairement vers elle, comme j'avoys faict jusques icy, et comme +je la suplyois de ne me contraindre d'en user aultrement; car, pour ne +le scavoir fere, et pour ne mettre, par ma sotise, voz afferes en +dangier, j'aymois trop mieulx d'estre revoque, et qu'elle me renvoyat +d'ou j'estois venu. + +Dont, luy ayant baille la dessus la lettre de Vostre Majeste, avec +l'adviz du VIIIe du passe, elle a leu tres curieusement l'ung et +l'aultre; et puys, sans avoir guieres pense, m'a dict qu'elle me +feroit en cella une responce franche et pleyne de verite: c'est +qu'elle prioyt Vostre Majeste de croyre que l'adviz estoit tout +entierement faulx, et que, en son armement, elle n'avoit aultre +entreprise que celle, qu'elle m'avoit faict escripre par ceulx de son +conseil, et despuys confirmee de sa propre parolle, qui est celle, +Sire, que je vous ay desja escripte; et que, quant il se trouveroit +aultrement, elle vouloit que vous la tinssiez pour descheue du rang de +Vostre Majeste, ou Dieu l'a constituee Royne legitime et Princesse +chrestienne. Il est vray que chose semblable, ou peu differante, luy +pouvoit avoir este offerte, mais non de six mois en ca. A quoy elle +vouhe a Dieu qu'elle n'a jamais vollu entendre, et ne le fera, soubz +tant de bonnes parolles de paix et d'amytie, comme elle m'a prie vous +asseurer de sa part; et qu'elle vouloit bien dire aussi qu'ayant +Vostre Majeste procede en bonne facon vers elle sur les afferes de la +Royne d'Escoce, qu'elle ne vouldroit que bien user vers vous, et +achever droictement le trette qui est la dessus commance; mais que si, +pour l'ocasion de la dicte Dame, laquelle vous scavez qu'elle luy +tient beaucoup de tort, vous la vouliez ennuyer, (ainsy que le comte +de Betfort luy avoit escript despuys deux heures, du pays d'Ouest, que +Vostre Majeste avoit douze navyres toutz prestz et garnys de toutes +monitions de guerre a St Malo, pour les passer en Escoce, et +n'attandoit on plus que les gens de guerre pour les mettre dessus; et +que, d'abondant, vous aviez faict arrester en Bretaigne toutz les +navyres anglois comme en temps de guerre,) qu'elle s'esforceroit de +vous fere tout le pis qu'elle pourroit. + +Je repliquay, Sire, que je mettrois peyne de vous fere bien entendre +sa responce touchant le faict de Callays; et je la prioys de vous en +fere dire aultant par son ambassadeur, affin que peussiez cognoistre +que ce que je vous en escriprois procedoit de son intention, ce +qu'elle m'accorda; et, quant au reste, je la pouvois asseurer que je +ne scavois rien de l'apareil de St Malo, mais que je mettrois +toutjours ma vie pour la seurte de la parolle, que vous luy aviez +promise: tant y a que je la suplioys ne trouver mauvais, si, pour +n'estre faulx ny desloyal a Vostre Majeste, je vous escripvois, +touchant le faict d'Escoce, qu'elle nous remettoit a un trette, duquel +je n'esperois ny fin ny commancement: car elle n'y vouloit proceder +jusques a ce que les depputez des seigneurs d'Escoce seroient arrivez, +et le comte de Sussex empeschoit qu'ilz ne se peussent assembler pour +en eslire quelques ungs; et que la creation de ce regent, lequel avoit +tout incontinent faict pendre trente trois bons serviteurs de la Royne +d'Escoce, et les aultres rolles qui se jouoyent entre le dict comte de +Sussex et les ennemys de la dicte Dame par della, me faisoient veoir +qu'on ne tendoit a rien moins que a la paciffication. + +A cella la dicte Dame m'a respondu qu'il n'y avoit nul tort de sa part +ny des siens, et qu'elle est toute resolue de proceder au dict trette, +et n'attand sinon une responce de la Royne d'Escoce, laquelle +l'evesque de Roz luy doibt porter dans deux jours, pour, incontinent +apres, envoyer deux de son conseil devers elle affin de tretter +ouvertement de tout ce qu'elles ont a demesler ensemble; et que +j'asseure Vostre Majeste que, s'il y a nul des siens qui veuille +traverser le dict trette, qu'elle l'en fera amerement repentyr. Et +m'ayant la dicte Dame tenu plusieurs aultres fort gracieulx propos, +tant du present des haquenees qu'elle vous veult fere, que de ce +qu'elle a envoye saluer la Royne d'Espaigne et l'Empereur, estant +venue l'heure de la chasse, elle print l'arbaleste, et tua six daims, +dont me fit faveur de m'en donner bonne part; et au prendre conge, me +pria tres instantment de vous donner toute satisfaction d'elle sur le +faict du dict Callais, et luy procurer pareille satisfaction de Vostre +Majeste sur ce qu'on luy a dict de St Malo. Sur ce, etc. Ce Ve jour de +septembre 1570. + + Sur la closture de la presente, est venu adviz comme le comte de + Sussex est rentre en Escoce, ainsy que luy mesmes l'a escript. + Nous sommes apres, icy, d'en demander reparation, et Vostre + Majeste y pourvoirra, s'il luy playt, par della. + + OULTRE LE CONTENU DES LETTRES, le dict Sr de Vassal dira, de ma + part, a Leurs Majestez: + + Qu'on juge icy diversement de la paix de France, car les ungs + disent que le Roy l'a faicte ainsy que monsieur l'Admyral l'a + vollue, luy laissant, apres l'avoir veincu, plus d'exercice de sa + religion qu'il n'avoit auparavant, et toulz les estatz et villes + qu'il a demande: les aultres, au contraire, disent que le dict + sieur Admyral s'est laysse aller aulx promesses du Roy, et qu'il + s'est condescendu aulx plus honteuses et dommaigeables condicions + de paix qu'il se pouvoit fere, ayant laysse perdre les + principalles esglizes, que ceulx de sa religion eussent ez bonnes + villes du royaulme, pour se contanter de quelques meschantz + faulxbourgs; et d'avoir soubmiz, de rechef, eulx et leurs biens + aulx parlemens, lesquelz leur sont capitalz ennemys; et d'avoir + accorde au Roy le quint de leur revenu pour payer les reytres, + dont beaucoup de Catholiques et de Protestans estrangiers, et + mesmement ceulx, qui n'ayment ny la grandeur ny l'establissement + du Roy, arguent par la qu'il y doibt avoir quelque secrecte + convention contre les estatz voysins; et descouvrent qu'en leur + cueur ilz sont marrys de la paix de France, et qu'ilz la + craignent. + + Mais d'aultres plus moderez, qui en desirent la conservation, + jugent tout librement que nul moyen plus heureux, ny plus + prudent, ny plus conjoinct d'honneur avec proffict, se pouvoit + trouver au monde, que cestuy cy de la paciffication; par laquelle + le Roy a regaigne l'obeyssance de ses subjectz, et eulx la bonne + grace sienne, et toutz ensemble chasse le trouble et le malheur + hors du royaume. + + Et, a ce propos, la Royne d'Angleterre m'a dict que quelquefoys + ung prince pouvoit bien avoir fort bon droict sur un estat, qui + pourtant ne le jouyssoit pas, et que, hormiz le titre, il estoit + toutjour en peyne ou d'en conquerre ou d'en deffandre tout le + reste; et par ainsy que le Roy a conquiz, par ceste paix, le plus + beau royaulme de tout le monde; lequel auparavant il ne possedoit + pas, et dont nul aultre que le sien n'eust peu si longtemps + suporter les maulx de la division, sinon avec la mutation ou avec + la ruyne entiere de l'estat, dont elle le conseille de ne le + mettre plus en hazard. + + Neantmoins monstrans aulcuns des principaulx du conseil de la + dicte Dame qu'ilz craignent meintennant la dicte paix, ilz + donnent a cognoistre qu'ilz ne la desiroient pas; et mesmes ung, + qui scayt asses de leurs secretz, a raporte qu'ilz ont dict que, + si leur entreprinse de Picardie n'eust point este descouverte, et + que je n'en eusse rien senty, ou bien que monsieur l'Admyral eust + peu conduyre son armee vers la frontiere du dict pays de Picardye + ou Normandie, ilz luy eussent bien donne moyen d'evitter + l'honteuse paix qu'il a faicte. + + Et despuys la conclusion d'icelle, ceulx de ce pays n'usent de si + familiere conversation avec les Francoys de leur mesmes religion, + comme ilz faisoient auparavant, et ne leur layssent nulz + marinyers anglois dans leurs vaysseaulx, bien qu'ilz n'en ayent + quasi point d'aultres; et seulement vers Mr le cardinal de + Chastillon ilz monstrent luy porter encores quelque honneur et + respect, pour l'obliger davantaige a estre ministre de conserver + la paix entre ces deux royaulmes. + + Et, encor que de certains propos qu'on leur a faict acroyre, qui + ont este naguieres tenuz pres du Roy, au prejudice de ce + royaulme; et de la rescente memoire de la bulle, avec la division + qu'ilz voyent croistre toutjour parmy leurs subjectz; et de + certaine coppie de lettre qu'ilz pensent avoir recouvert, que le + duc d'Alve a escripte a Monsieur, frere du Roy, pour l'inciter, a + ce qu'ilz disent, contre eulx; et de l'advertissement, qu'ilz + ont, que le dict duc pourchasse, envers l'Empereur, de fere + mettre en arrest toutes les merchandises d'Angleterre, qui sont + en Hembourg, pour la reparation des prinses, que les Anglois ont + faictes en mer sur les subjectz de son Maistre, la dicte Dame et + les seigneurs de son conseil soyent entrez en de bien grandz et + divers pensements, neantmoins ilz n'en ont este guieres esmeuz + jusques a la nouvelle de la paix; mais lorsqu'ilz ont veu qu'elle + estoit conclue a l'honneur et advantaige du Roy, ilz n'ont heu + rien plus haste que de consulter et delliberer, tout incontinent, + comme ilz se pourroyent munyr contre l'orage, qu'ilz craignent + leur advenir; en quoy ilz ont pense qu'ilz le pourroient divertyr + par gracieuses negociations et bonnes parolles, bien que possible + esloignees de ce qu'ilz ont en intention. + + Et ont commance de depescher premier devers le Roy le Sr de + Vualsingan pour la conjouyssance de la paix, et pour luy donner + bonne esperance des afferes de la Royne d'Escoce, avec le surplus + de sa commission, sellon que je l'ay mande, en la sorte que je + l'ay peu descouvrir; bien que la dicte paix leur semble + formidable parce qu'ilz n'ont este appellez a la fere, et que les + principaulx, qui guident les conseilz de la dicte Dame, + s'opinyastrent, de plus en plus, a la detention de la Royne + d'Escoce, et a interrompre le trette encommance, pour fere de + rechef rentrer les Anglois en Escoce, ainsy que l'empeschement + qu'on a donne a Mr de Leviston en la frontiere, pour creer + cependant le comte de Lenoz regent, et la forme de proceder du + comte de Sussex contre ceulx du party de la Royne d'Escoce, le + tesmoignent; dont le Roy me commandera s'il sera expediant que je + tire de la dicte Royne d'Angleterre une resolue responce sur le + dict affere. + + Et pour le regard du Roy d'Espaigne, ayans eulx pense de tretter + plus mal que jamais son ambassadeur, et luy ayant mande par ung + sien secretaire que la Royne d'Angleterre ne le tenoit plus pour + ambassadeur, et faict dire par deulx aldremans qu'il s'en vint + trouver ceulx du conseil a St Aulban, a XL mil de Londres, ou + j'ay sceu despuys qu'ilz avoient faict preparer ung logis pour le + resserrer; l'asseurance de la paix n'est si tost arrivee qu'on + n'ayt change de toute aultre facon en son endroict, l'envoyant + visiter avec bonnes parolles et offres d'accord sur les + differans; et luy ont envoye Haquens pour se justiffier de ce + qu'on luy avoit rapporte qu'il dressoit une flotte pour aller aux + Indes, qui l'a asseure qu'il n'en estoit rien, et qu'il n'avoit + intention de naviguer en lieu d'ou le Roy, son Mestre, peult + estre offance. Ilz ont envoye Fuyguillem devers le duc d'Alve, + et ont depesche le jeune Coban devers la Royne d'Espaigne, avec + les plus expresses parolles et les meilleures demonstrations + d'amytie, dont ilz se sont peu adviser. + + Et neantmoins, ne se trouvans bien satisfaictz de la responce, + que le duc d'Alve leur a faicte touchant son armement, parce + qu'il a faict mencion qu'il estoit dresse contre les ennemys, ilz + ont resolu de se presenter en mer, quant la dicte Dame passera, + et de disposer leurs grands navyres, en sorte qu'ilz luy gaignent + le vent, (ainsi qu'ilz disent qu'ilz ont cinq ventz qui leur + servent et qui leur donnent l'advantaige,) et en ceste sorte la + saluer et luy monstrer toutz signes d'amytie; mais s'il n'est + prins en ceste sorte de l'aultre part, et qu'ilz ne ressaluent, + et ne rendent les mesmes signes d'amytie et d'amayner, avec la + soumission requise, que, a la moindre mauvaise demonstration + qu'ilz feront, ceulx cy se tiendront pour provoquez, et + attacheront le combat. Et y a grande apparance que, si la dicte + Dame est contraincte, par quelque occasion de temps, de relascher + par deca, qu'elle ne s'en pourra partyr quant elle vouldra, bien + qu'on luy fera tout l'honneur et bon trettement qu'il sera + possible; et monstrent ceulx cy estre toutz advertys de l'apareil + du duc d'Alve et de celluy d'Espaigne, mais ne craindre l'ung + ni l'aultre; et ont donne charge par tout le pays d'user de + signalz pour courir aulx portz, au cas que l'on y aborde, affin + d'en demeurer les maistres. + + Et ont donne charge au susdict jeune Coban, apres qu'il aura + visite la Royne d'Espaigne, de passer oultre devers l'Empereur, + avec lettres, parolles et offres de grande amytie et de grande + intelligence en son endroict; et pour l'exorter de demeurer en + bonne unyon avec les princes de l'Empyre; et luy donner compte + des differans des Pays Bas; et aussi, a ce que j'entendz, quelque + peu des choses d'Escoce; mais surtout de le prier qu'il n'ordonne + rien en Hembourg contre les Anglois, ny contre leurs + merchandises; et, affin de le disposer mieulx vers elle, que + icelluy Coban luy remettra en termes, avec affection, le propos + du mariage avec l'archiduc son frere, bien que nul se peult + persuader qu'elle ayt intention de l'effectuer. + + Et cependant, en l'endroict du dict Empereur et des aultres + princes catholiques, elle faict valoir et se sert de ceste + legation des princes protestans, qui ont encores icy leurs + ambassadeurs; et je les ay faict fort observer, et ay trouve que + entre eulx y a ung docteur, qui a seul la charge de toute la + negociation, et porte seul la parolle, sans en rien conferer aulx + aultres, personnaige si secret et reserve, qu'on ne peult tirer + ung seul mot de luy: seulement l'on m'a adverty qu'il a porte une + lettre a la dicte Dame, soubsignee de plusieurs princes, scavoir; + des trois ellecteurs Pallatin, de Saxe, Brandebourg, les premiers + des lansgraves, apres et succecifvement d'aultres, jusques a + douze des principaulx d'Allemaigne; reserve cellui de Vitemberg, + qui a accepte, a ce qu'on dict, pencion du Roy d'Espaigne, et + qu'en la dicte lettre est faicte mencion de ce que le Roy leur a + escript de la paix, et la responce qu'ilz luy ont faicte, et + qu'ilz exortent la dicte Dame d'esperer toutjour bien d'eulx, et + de s'asseurer que toutz ensemble luy demeureront bien unys en + affection et intelligence, ainsy qu'ilz le luy ont promiz; et + qu'ilz n'obmettront rien de ce qui sera requiz pour + l'establissement de leur religion, et pour la seurte des princes, + peuples et estatz, qui l'ont receue; et que, sur la dicte lettre, + il a heu quatre foys conferance, a part, avec la dicte Dame, + laquelle, a mon adviz, l'entretiendra jusques apres avoir heu + responce des aultres princes, car elle ne se veult vollontiers + obliger a nulle ligue, et ne le fera sinon bien contraincte, de + tant que les plus grandz frays en auroient a tumber sur sa + bourse. + + Ce qui s'entend icy de la diette est que les trois ellecteurs ont + fort suspecte la proposition, que l'Empereur y a faicte, parce + qu'il leur semble qu'elle tend a leur oster l'authorite des + armes, et de ne pouvoir fere levees de gens de guerre en + Allemaigne, et de diminuer la grandeur de celluy de Saxe, par + pretexte de relever celle de ses cousins; et que le dict Empereur + finira la dicte diette par tout le moys d'octobre, pour s'en + retourner avant l'yver a Vienne, non sans en avoir premierement + indicte une aultre; et qu'encores qu'il n'ayt, pour ceste foys, + procede a la creation du roy des Romains, il a neantmoins si bien + dresse la pratique, que, pourveu qu'il puysse gaigner les trois + eclesiastiques, dont ne se deffye plus que de celluy de + Colloigne, il espere qu'il le pourra effectuer, en baillant le + tiltre de roy de Boheme a ung tiers pour avoir ceste voix + davantaige aulx suffrages; et n'y obstera plus que le reiglement + de la bulle doree de n'admettre tant d'Empereurs d'une mesmes + famille, mais le Pape y dispensera; et semble bien que, cella + advenant, l'on procedera aussi a la privation du Pallatin, car + l'on a opinion que, celluy la separe des trois, les aultres deux + demeureront bien foybles, et que le plus grand soing, qu'ayt a + present le Roy d'Espaigne, est de fere creer son nepveu roy des + Romains pour la conservation de ses Pays Bas et de ses estatz + d'Itallye, et qu'il n'espargne peyne, ny argent, ny nul de toulz + les moyens dont il se peult adviser, pour l'effectuer. + + DIRA D'ABONDANT, A PART, A LEURS MAJESTEZ: + + Que le duc de Norfolc, despuys estre hors de la Tour, m'a envoye + remercyer des bons offices, qu'il a sentys de ma bonne vollonte + durant sa pryson, lesquelz luy ont este d'un singulier espoir et + tres grande consolation; et s'asseurant que cella est procede du + commandement de Leurs Majestez Tres Chrestiennes, il m'a prie de + leur en bayser tres humblement les mains de sa part, et de les + asseurer qu'apres sa Mestresse, il leur demeure tres devot et + fidelle serviteur plus qu'a nul prince de la terre, et qu'il leur + recommande toutjour la cause de la Royne d'Escoce, pour la + restitution de laquelle il veult mettre sa personne, sa vie et + son bien. + + Il suplie neantmoins Leurs Majestez que l'expecial propos de sa + devotion et affection, vers leur service et vers la Royne + d'Escoce, ne passe plus avant que entre Leurs dictes Majestez et + Monseigneur, pour le dangier qu'il y a que, s'il estoit sceu de + deux endroictz, lesquelz j'ay expeciffiez au Sr de Vassal, il ne + luy en advint beaucoup de mal; bien desire qu'en ce que Leurs + Majestez vouldront parler en leur conseil des gens de bien et + principaulx de ce royaulme, qui desirent la continuation de la + paix, et l'entretennement des trettez d'entre la France et + l'Angleterre, et la restitution de la Royne d'Escoce, qu'ilz luy + facent l'honneur de le nommer toutjour des premiers. + + Leurs Majestez ont veu de quelle facon j'ay procede ez afferes de + la Royne d'Escoce, et parce qu'il semble adviz a la dicte Dame + que je me repose trop sur les parolles de la Royne d'Angleterre, + et que par icelles je pourrois interrompre le bon secours qu'elle + attend du Roy, elle m'a escript: dont Leurs Majestez, s'il leur + playt, orront la dessus le dict Sr de Vassal, et me manderont par + luy comme j'en auray a user, et si le Roy trouvera bon que, de sa + part, je face instance a la Royne d'Angleterre de restablyr, dans + ung moys, la Royne d'Escoce en son estat par la voye du trette, + en s'acommodant entre elles mesmes de leurs differans, ou bien + luy bailler son secours pour estre remise; et, a faulte de ce + fere, que la dicte Royne d'Angleterre trouve bon que le Roy luy + baille le sien, soubz bonne seurte qu'il ne portera aulcun + dommaige ny a la Royne d'Angleterre, ny a son royaulme, ny + n'usera par mer, ny par terre, vers elle, ny vers les Anglois, + sinon comme avec bons amys, allyez et confederez, pourveu qu'ilz + facent de mesmes. + + Au regard de l'adviz, qu'on a donne au Roy, de l'entreprinse de + Callais, je pense avoir toutjour mande a Sa Majeste ce qui en a + este ordinairement propose a ceste Royne et a son conseil, + despuys que je suys par deca, et les choses n'en sont pas passees + plus avant. Il est vray que milord Coban, despuys le XVe d'aoust, + a faict entendre a la dicte Dame que, si elle veult entretenir + quelques compaignies, l'espace de deux ou trois moys, toutes + prestes, en la coste de deca, qu'il a promesse d'aulcuns, qui + habitent dans la ville et territoire de Callais, lesquelz ont + desja prins argent de luy, de les mettre d'emblee dedans la dicte + ville, et de surprendre Mr de Gordan, et de le luy randre + prysonnier entre ses mains. A quoy la dicte Dame a respondu que + son advertissement venoit tard, de tant que la paix estoit desja + conclue en France; et qu'il fauldroit rompre toutz les trettez et + commancer, a ceste heure, qui est bien hors de sayson, une grosse + guerre; en quoy je suplie tres humblement Sa Majeste de regarder + s'il sera bon que la garnyson du dict Callais soit changee, + puisque les choses en sont en cest estat. + + Touchant l'intention, que le Roy d'Espaigne a sur les choses de + ceste isle, il se descouvre, de plus en plus, qu'il dellibere d'y + fere quelquefoys ung essay, quant il en aura le moyen; car il a + mande a son ambassadeur qu'il entretienne les plus vifves qu'il + pourra, les bonnes intelligences qu'il a dans le pays, et que, + quant bien on le vouldroit renvoyer, qu'il ne bouge en facon du + monde de sa charge, jusques a ce que tous les differans de ces + prinses soyent vuydez; et, quant au faict de la Royne d'Escoce, + que le duc d'Alve a commandement resolu de la secourir, mais ne + dict en quelle facon; seulement le dict ambassadeur inciste + qu'elle se veuille mettre ez mains du dict duc, et que, sans + doubte, il pourvoirra a ses afferes et a sa restitution. + + La Royne d'Angleterre, vivant en tres grand deffiance du Roy + d'Espaigne, et en peu de confiance du Roy, a mande a l'Empereur + que, si l'archiduc Charles veult passer en Angleterre, qu'il y + sera le tres bien venu, et que n'estant demeure la conclusion de + leur mariage que sur le differand de la religion, elle espere que + ses peuples luy accorderont l'exercice de la catholique a luy et + a sa mayson tres vollontiers, en contemplation de ce mariage. Et + a quoy que aille ce jeu, car quelques ungs l'extiment plein de + tromperie, la dicte Dame commance de publier qu'elle assemblera + bientost ung parlement pour cest effect; et, en la derniere + audience, elle m'a dict qu'elle n'avoit nul aultre regrect, sinon + de n'avoir pense a sa posterite, et comme je luy respondiz qu'il + y avoit encores asses temps: "Je crains, dict elle, que mon temps + ayt emporte la vollonte a ceulx qui y eussent vollu pretendre." + + Il y a ung certain personnaige prez de Leurs Majestez et de + Monseigneur, qui escript asses souvent au secretaire Cecille par + aultre voye que celle de Mr Norrys, et naguieres luy a envoye + deux lettres, lesquelles le Sr Espinolla et Fortivy luy ont + baillees, par ou il s'esforce merveilleusement de broiller les + matieres par deca, et aigrir ceste princesse, et la mettre en + grand deffiance du Roy; mais le plus souvant il luy represente + des motz et des propos, qu'il dict que Monsieur a tenuz contre + elle, tant en sa chambre que en ses repas: et, en toutes sortes, + celluy la se monstre si malicieulx que ung Anglois, qui a + communication des dictes lettres, lequel n'ayme pas beaucoup la + France, mais ne vouldroit pourtant que la guerre se print entre + les deux royaumes, m'en a faict toucher asses expressement ung + mot, affin que j'advertisse Leurs Majestez, mesmement Monsieur, + de fere observer qui peult estre celluy qui faict ung si mauvais + office pres d'eulx. Il ne se soubscript guieres aux lettres, + seulement il s'est une foys soubsigne _Emanuel_. Il y a en son + cachet ung lyon rampant, et compose asses souvent ses lettres, + partie en itallien, partie en francoys, et partie en latin. Il + avoit mande cy devant plusieurs choses, lesquelles, ayant este + trouvees manteuses, on n'y adjouxte grand foy; mais, despuys + trois moys, ayant faict entendre a Mr Norrys que Leurs Majestez + le feroient appeller pour luy tenir ung tel et ung tel propos, et + estant ainsy advenu, il a fort regaigne son credit. + + Il a este escript une lestre de ceste court en la contree, dont + les chefz m'ont este raportez: c'est que la paix de France a este + conclue au prejudice et pour aller faire la guerre aulx Pays Bas; + que le Roy ne pretend plus espouser la fille de l'Empereur, ains + la soeur du Prince de Navarre, et donner Madame, sa soeur, en + mariage au dict Prince de Navarre, ayant pour cest effect + interrompu le propos du Roy de Portugal, et que Mr de Guyse avoit + pretandu d'espouser Ma dicte Dame, soeur du Roy: a quoy Mr le + cardinal de Lorrayne luy tenoit la main, dont toutz deux en sont + mal veuz a la court. + + + + +CXXXIIe DEPESCHE + +--du Xe jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._) + + Maladie de l'ambassadeur.--Mission de sir Henri Coban aupres de + la reine d'Espagne et du duc d'Albe.--Continuation des armemens + en Angleterre.--Troisieme invasion du comte de Sussex en + Ecosse; changement apporte dans ses resolutions par la nouvelle + de la paix de France.--Demande d'une reparation pour cette + derniere atteinte portee aux traites. + + + AU ROY. + +Sire, despuys mes precedantes, lesquelles sont du cinquiesme du +present, je n'ay point sorty de mon logis a cause d'une grosse +fiebvre, qui m'avoit desja surprins, quant j'allay trouver la Royne +d'Angleterre a Vuynck, et ce voyage la me l'augmenta bien fort, parce +que je le fiz par ung bien mauvais temps, de sorte qu'il ne m'a este +possible de me ravoyr jusques a ceste heure, que, graces a Dieu, je +commence a me trouver mieulx, et pourray continuer le service de +Vostre Majeste comme auparavant; et si, ne l'ay tant intermiz, durant +mon mal, que je n'aye toutjour heu soing de m'enquerir comme alloient +les afferes en ceste cour; d'ou l'on m'a raporte, Sire, qu'on y est +fort attendant de scavoir quelle aura este la negociation du Sr +Vualsingan devers Vostre Majeste, ainsy que le sir Henry Coban a desja +mande, touchant la sienne de Flandres, qu'il a este bien veu du duc +d'Alve, et bien fort gracieusement receu de la Royne d'Espaigne, et +qu'elle a monstre tenir grand compte du messaige qu'il luy a faict de +la part de la Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et luy a grandement +gratiffie non seulement les bonnes parolles et offres, que la dicte +Royne d'Angleterre luy a mandees, mais encores le voyage qu'elle luy +a commande fere devers l'Empereur, son pere; dont, pour ceste +occasion, elle l'a tant plustost licencie avec faveur et avec ung +present d'une chayne de quatre centz escuz. Il a mande aussi la belle +distribution et consulte, qui a este faicte, de beaucoup de bienfaictz +aulx seigneurs de Flandres, a l'arrivee de la dicte Dame; ce que l'on +estime qui confirmera grandement le pays a la devotion du Roy, son +mary, et d'elle. + +Ceulx cy cependant se hastent de getter dix grands navyres dehors, et +maistre Charles Havart, qui a charge d'y commander, est passe, despuys +trois jours, en ceste ville avec les capitaines et gentishommes qui le +vont accompaigner. L'on dit que, parce que le duc d'Alve a miz douze +navyres en mer pour la conserve de la pescherie, que ceulx cy se +veulent trouver en esgalles forces dans ce canal. + +Le comte de Betfort est encores au pays d'Ouest, ou a semble, du +commancement, qu'il n'eust este envoye que pour dresser certayne +flotte, de laquelle je vous ay desja mande que Haquens se preparoit +pour la conduyre aulx Indes; mais s'en estant despuys le dict Haquens +venu excuser envers l'ambassadeur d'Espaigne, et l'asseurer qu'il n'a +point pense en la dicte entreprinse, et ne cessant pourtant le dict +Betfort de fere toutjour armer et equiper vaysseaulx au dict quartier +d'Ouest, je ne puys fere que je ne suplie tres humblement Vostre +Majeste d'en fere donner adviz aulx gouverneurs de voz portz et places +de dessus ceste mer; et je mettray peyne d'en fere aussi advertir en +Escoce, car, pour ceste heure, je ne puys descouvrir rien de plus +particullier de la dicte entreprinse; seulement, Sire, par un nouvel +adviz qu'on m'a donne, je me confirme en l'opinion, que je vous ay +desja mandee, qu'il est expediant de changer quelque partie de la +garnyson de Callays sellon que Mr de Gordan estimera qu'il se debvra +fere, en la vertu et vigilance duquel ceulx cy cognoissent bien que +conciste grandement la conservation de ceste place. + +Le comte de Sussex a escript freschement une lettre au comte de +Lestre, en laquelle il s'esforce de fere trouver bon son dernier +exploict en Escoce, encores qu'il l'ayt execute sans le commandement +de ceste Royne ni de ceulx de son conseil, alleguant qu'il a estime +importer beaucoup a l'honneur de la couronne d'Angleterre, et bien +fort a sa propre reputation, de ne laysser inpuny ung seul de ceulx +qui ont retire et soubstenu les rebelles de ce royaulme; et qu'a la +verite, il se soucye bien fort peu que la Royne d'Escoce et les siens +se trouvent offancez, pourveu qu'il ayt bien servy a la Royne, sa +Mestresse; mais qu'il a entendu que la paix est conclue en France, +sans que la dicte Royne, sa Mestresse, y soit comprinse, ny sans +qu'elle s'y soit entremise si avant qu'on ayt grand occasion de luy en +scavoir grace; par ainsy qu'il crainct que Vostre Majeste tourne +meintennant ses entreprinses aulx choses d'Escoce, et qu'il luy semble +que la Royne, sa Mestresse, les doibt accommoder, le plustost qu'il +luy sera possible, avec la Royne d'Escoce, et la restituer par ses +propres moyens, sans attandre que les estrangiers y mettent la main. +Qui est desja, Sire, bon commancement de veoir reprime, par +l'establissement de la paix et de vos afferes, le cueur de cestuy cy, +qui monstroit de l'avoir merveilleusement obstine; et le reprimera +aussi, comme j'espere, a plusieurs aultres, qui se debordoient, a +cause des troubles de vostre royaulme, en plusieurs audacieuses +entreprinses contre vostre grandeur. + +Or n'ayant, Sire, pour mon indisposition, peu aller trouver la Royne +d'Angleterre, affin de me plaindre du dict comte de Sussex; et estant +aussi Mr de Roz conseille de n'y aller point, toutz deux avons escript +a la dicte Dame et aulx seigneurs de son conseil, et, pour mon regard, +je leur ay demande, au nom de Vostre Majeste, que rayson et reparation +soit faicte des choses attamptees au prejudice du trette, et que la +dicte Dame me veuille mander quelle satisfaction j'auray a donner a +Vostre Majeste de ceste derniere expedition du dict de Sussex, et en +quelle intention elle demeure du susdict trette; dont l'on m'a desja +adverty qu'il me sera faict une bien fort bonne responce, aussitost +que le secretaire Cecille se trouvera ung peu mieulx; lequel, pour +quelque indisposition, n'a oze, il y a plus de six jours, venir en la +presence de la Royne, sa Mestresse; et maistre Mildmay a este envoye +queryr en dilligence, affin que le dict Cecille et luy, et Mr +l'evesque de Roz s'acheminent incontinent devers la Royne d'Escoce. +Sur ce, etc. Ce Xe jour de septembre 1570. + + Je viens d'estre adverty que le sire Guilhemme Stuart est + presantement arrive d'Escoce, de la part du comte de Lenoz; je + croy que c'est pour mettre quelques mauvais partys en avant: nous + prendrons garde a sa negociation. + + + + +CXXXIIIe DEPESCHE + +--du XVe jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par Me Lavaur Feron._) + + Sortie en mer d'une partie de la flotte anglaise.--Explications + donnees par Elisabeth sur la recente expedition du comte de + Sussex en Ecosse.--Necessite de se montrer pret en France a + porter secours aux Ecossais.--Message du cardinal de Chatillon + a l'ambassadeur. + + + AU ROY. + +Sire, lundy dernier, XIe de ce moys, le sire Charles Havart est sorty +en mer avec dix grandz navyres seulement de ceste Royne et envyron +trois mil cinq centz hommes dessus, envitaillez pour deux moys, dont +les huict centz sont harquebouziers; le surplus de l'armement se va +entretennant en petitz appareilz, sans y donner trop grand haste: dont +semble qu'on se contantera d'honnorer le passaige de la Royne +d'Espaigne de ce nombre de dix vaysseaulx, sans en mettre davantaige +dehors; et qu'on tiendra le reste de l'armee preste pour ung besoing, +si d'avanture quelque ocasion survenoit, comme, a la verite, ceulx cy +ne se peuvent fyer ny aulx parolles ny aulx demonstrations du duc +d'Alve. Neantmoins ilz ont, despuys la paix de vostre royaulme, change +de delliberation touchant les choses d'Espaigne, car ayant propose, +commant que ce fut, de renvoyer ou bien de resserrer estroictement +l'ambassadeur d'Espaigne, j'entendz qu'ilz ont meintennant resolu en +ce conseil de ne parler plus de cella, et que la Royne d'Angleterre se +layssera conduyre a luy permettre de continuer son office vers elle, +si son Maistre le requiert; bien qu'elle ne le peult avoir guieres +agreable parce qu'elle estime qu'il a dict et faict aulcunes choses +directement contre elle et contre l'estat de son pays. + +Au regard de ce que j'avois escript a la dicte Dame, et aulx seigneurs +de son conseil, de me fere rayson et reparation du dernier exploict, +que les Anglois ont faict en Escoce, la dicte Dame m'a mande que je ne +vouldray estre si inique juge que de condampner l'une des parties sans +l'ouyr; et que je n'imputeray la coulpe de ce faict au comte de Sussex +son lieuctenant, quant j'entendray que milord Herys et aultres, de la +frontiere d'Escoce, sont venuz accompaigner en armes les rebelles de +ce royaume pour courre et piller de rechef la frontiere d'Angleterre, +et fere de telles insolances qu'ilz ont donne de tres grandes +occasions au dict de Sussex de leur courre sus; choses toutesfoys +qu'elle m'asseure estre advenu sans son commandement et sans +l'ordonnance de son conseil, et en laquelle le dict de Sussex a +procede de luy mesmes, mais avec telle moderation qu'il n'a touche +qu'a ceulx qui l'avoient provoque, dont le dommaige n'est pas grand, +et il s'est desja retire; et elle luy a mande qu'il ne passe plus +oultre, parce qu'elle est resolue de pourvoir par le trette a toutz +ces differans, qu'elle a avec la Royne d'Escoce et son royaulme, ainsy +que desja elle a ordonnee a maistre Mildmay et au secretaire Cecille +d'aller, pour cest effect, devers la dicte Dame; et, en ce qu'il +semble que je me voulois atacher a sa parolle et promesse, qu'elle me +veult bien dire que je n'ay heu nulle occasion et ne l'auray jamais de +me plaindre qu'elle ne me l'ayt toutjour randue veritable, me priant +de vous donner la dessus, Sire, ceste mesmes satisfaction de +l'expedition de son lieuctenant, affin que Vostre Majeste ne la +preigne en pire part qu'elle n'est. Qui est tout ce que la dicte Dame +et ceulx de son conseil ont respondu a ce que je leur avois escript. + +Or, Sire, il semble bien par aulcunes coppies de lettres, que j'ay +veues du dict de Sussex, et par ce que Mr le comte de Lestre m'en a +faict entendre, que ceste entreprinse est advenue sans le sceu de la +dicte Dame, et qu'elle n'en est guieres contante; tant y a qu'on ne +desadvouhe pour cella le dict de Sussex, lequel a son garant en court, +et il a cependant porte beaucoup de dommaige d'avoir abattu sept ou +huict maysons nobles et faict le gast partout ou il a passe dans le +pays. L'aparance est que ceste princesse veult en toutes sortes passer +oultre au dict trette, meue de l'aprehention du dangier, ou il luy +semble qu'aultrement elle va tumber, lequel les ennemys de la Royne +d'Escoce n'ont de quoy le luy pouvoir meintennant effacer; mais ilz la +font opiniastrer a des condicions trop dures, comme d'avoir le Prince +d'Escoce entre ses mains, quelque place et des ostaiges; dont ceulx, +qui entendent bien les afferes, estiment que, pour les bien effectuer, +il est requis que la dicte Dame sente vostre secours en Escoce, ou au +moins si prest d'y passer qu'elle ne le craigne moins que s'il estoit +desja par della. + +Je n'ay encores peu savoir quelle est la commission du sire Guilhaume +Stuard, lequel le comte de Lenoz a envoye; bien m'a l'on dict qu'il +asseure que les seigneurs d'Escoce ont desja ordonne quelques depputez +pour venir icy, mais nous incisterons qu'on passe oultre sans les +attandre. Sur ce, etc. Ce XVe jour de septembre 1570. + + Ainsy que je fermoys la presente, Mr le cardinal de Chatillon m'a + envoye visiter et dire qu'il avoit este se conjouyr de la paix + avecques la Royne d'Angleterre, et que bientost il retournera + prendre conge d'elle pour aller trouver Voz Majestez; mais + qu'avant partyr il ne fauldra de me venir saluer, comme + ambassadeur de son Roy et Maistre, et prendre le diner en mon + logis; et qu'il desiroit bien entendre, comme procedoient les + choses de la dicte paix en France, parce que plusieurs + attandoient de le scavoir pour s'y retirer. J'ay respondu qu'il y + avoit asses longtemps que je n'avois point heu de depesche, mais + que je scavois bien que Voz Majestez donnoient bon ordre que la + paix print establissement et duree, dont vous plairra me + commander comme j'auray a me gouverner et conduyre envers le dict + Sr cardinal et aultres Francoys qui sont par deca. + + + + +CXXXIVe DEPESCHE + +--du XIXe jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Olivyer Champernon._) + + Nouvelles de la flotte.--Negociation avec l'Espagne.--Affaires + d'Ecosse.--Incertitude ou sont les protestans francais de + savoir s'ils peuvent rentrer en France.--Nouvelles d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, estans sortys les dix navyres de la Royne d'Angleterre soubz la +conduicte de sire Charles Havart, ainsy que je le vous ay mande par +mes precedantes, ilz se tiennent meintennant parez en la coste de +deca, attandans que la flotte de Flandres se mette a la voyle, et +demeurent ceulx cy asses persuadez que le passaige de la Royne +d'Espaigne sera paysible, sans rien attempter en nul de leurs portz; +mais ilz craignent grandement qu'estant arrivee par della, le retour +de l'armee ne soit a leur dommaige, et qu'on n'y embarque des +Hespaignolz pour fere quelque descente en Irlande, ou bien ez +quartiers du North d'Escoce, ou en quelque aultre endroict de ceste +isle, attandu mesmement que milord de Sethon et ung frere du Sr de +Ledinthon sont passez en Flandres, et qu'on dict que le comte de +Vuesmerland et la comtesse de Northomberland sont arrivez devers le +duc d'Alve, et que plusieurs fuytifz de ce royaulme sont en l'armee, +qui va conduyre la Royne d'Espaigne; dont a este miz icy ung nouvel +ordre de tenir si pretz les aultres grandz navyres de ceste Royne +qu'il n'y puysse avoir une seule heure de retardement, quant ilz +seront commandez de sortyr, et ordonne d'augmenter les vivres, qui y +sont necessaires pour quelque moys davantaige; bien que la dicte Dame +et les seigneurs de son conseil se contantent bien fort des bonnes +responces, que le dict duc d'Alve a faictes au jeune Coban, en ce +mesmement que, luy ayant faict pleincte de l'ambassadeur d'Espaigne, +de ce qu'il avoit dedeigne de venir devers iceulx seigneurs du +conseil, et qu'a ce moyen l'accord de leurs differans avoit este +retarde, il luy a respondu que l'ambassadeur avoit quelque rayson de +n'avoir vollu complayre du tout a ce que les dicts du conseil luy +avoient mande, parce qu'ilz avoient use de trop dures formalitez +envers luy, et ne l'avoient, il y a tantost deux ans, trette ny +recogneu pour ambassadeur, et mesmes ceste foys avoient envoye des +aldremans devers luy comme s'il eust este crimineulx; neantmoins qu'il +luy escriproit de ne fere plus de difficulte de convenir avec eulx, +toutes les foys qu'ilz le feroient appeller pour tretter des afferes +d'entre le Roy, son Maistre, et la Royne d'Angleterre; et ainsy l'a +escript le dict duc au dict ambassadeur, de sorte qu'ilz vont, de +chacun coste, cerchant les moyens de renouer leurs afferes et +d'acommoder leurs differans. + +La malladie du secretaire Cecille a donne quelque retardement aulx +afferes de la Royne d'Escoce; neantmoins l'on avoit desja ordonne a +sire Quainols de s'aprester pour aller avec Me Mildmay devers la dicte +Dame, mais se trouvant le dict secretaire Cecille meintennant ung peu +mieulx, le voyage luy est reserve; et cependant milor de Sussex a +escript que les seigneurs escoucoys, du party de la Royne d'Escoce, +ont tenu une grande assemblee sur les choses que nous leur avions +mandees par milor de Leviston, et qu'ilz y ont prins une resolution, +laquelle ilz envoyent fere entendre a la Royne d'Angleterre par le +dict mesmes Leviston et par aultres leurs depputez, lesquelz il +attandoit du premier jour en la frontiere pour leur bailler +saufconduict de passer plus avant. Et mande neantmoins le dict de +Sussex que, en Escoce, l'on ne s'attend guieres d'avoir secours de +France; tant y a qu'on m'a dict que madame de Norrys s'est pleincte +grandement a la Royne sa Mestresse de ce que le dict de Sussex est +rentre en Escoce, parce qu'ayant son mary asseure Vostre Majeste que +cella ne se feroit point, elle craint que ne vous en preigniez +meintennant a luy, et que ne le faciez arrester et resserrer. + +Les Francoys, qui sont icy, se preparent pour retourner toutz en leurs +maysons: il est vray qu'entendans qu'a Roan, a Dieppe, a Callais, et +en quelques aultres endroictz, l'on faict difficulte de les recepvoir, +il y en a quelques ungs qui demeurent en suspens, dont envoyent devers +moy pour scavoir comme ilz en auront a user; et je leur repond que je +n'ay pas de plus expresse declaration de vostre intention la dessus +que celle qui est contenue par vostre eedict, et que, de ma part, je +ne voy qu'ilz ayent nulle occasion de doubter. Je ne scay si cella +sera occasion que Mr le cardinal de Chatillon prendra le chemin de la +Rochelle pour voir, de la en hors, comme il se pourra asseurer de +l'establissement de la dicte paix. Mr le vydame, a ce que j'entendz, +part dans deux jours et va passer ou a la Rye, ou a Callais; et, de +tant, Sire, qu'on donne entendre a aulcuns merchans voz subjectz, qui +poursuyvent encores icy la restitution de leurs biens, que tout le +faict des depredations est remiz par vostre eedict, il vous plairra me +commander ce que je leur en auray a respondre, affin qu'ilz ne facent +dorsenavant la poursuyte en vain. + +Il semble que le Sr de Chantonay, escripvant icy a l'ambassadeur +d'Espaigne, luy ayt mande que l'Empereur n'aprouve guieres la paix de +France, comme ne l'estimant de duree; et que la diette se prolongera +beaucoup oultre le moys d'octobre; et que les fianceailles de Vostre +Majeste se feront avant la Toutz Sainctz, sans toutesfoys qu'on y +attande pour cella la venue de Monseigneur vostre frere, mais plustost +celle de monsieur de Lorrayne; et que, estant le comte Pallatin a +Espire, il a entendu que ses ministres avoient presche publiquement +l'arrianisme a Heldelberc, dont il delliberoit d'aller reprimer une +telle inpiete, mais qu'il fauldroit qu'il corrigeat premier la sienne. +Sur ce, etc. Ce XIXe jour de septembre 1570. + + + + +CXXXVe DEPESCHE + +--du XXIIIIe jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par la voie du Sr Acerbo._) + + Interruption des armemens.--Mouvement dans le pays de + Lancastre.--Negociation de l'eveque de Ross.--Conference de + l'ambassadeur avec le cardinal de Chatillon.--Sollicitations + faites aupres de lui par le vidame de Chartres. + + + AU ROY. + +Sire, l'aprest des vingt navyres, que ceulx cy debvoient jetter +dehors, apres les dix qui sont desja sortys, se va peu a peu +discontinuant, et les a l'on ramenez de l'embouchure de la riviere de +Rochestre, ou desja ilz estoient, jusques a leur arcenal accoustume de +Gelingan, ce qui monstre qu'a peyne s'en servyra l'on de ceste annee; +les aultres dix se tiennent toutjour sur la coste pres de Douvres, +attandant le passaige de la Royne d'Espaigne, a laquelle le temps ne +sert aucunement, et ceulx, qui s'y entendent, disent qu'a peyne luy +servira il encores de trois sepmaines; et est venu quelque adviz en +ceste court que le Roy d'Espaigne, son mary, luy a mande que, si l'on +voyt que la navigation ne soit bien fort propre et fort seure, qu'elle +attande de se mettre sur mer jusques au prochain printemptz, et que +possible, entre cy et la, il aura faict dessein de la venir trouver +pour visiter ses Pays Bas: ce que possible a donne occasion a la Royne +d'Angleterre de fere cesser son armement. Laquelle aussi, comme +j'entendz, est tumbee en une grande souspecon d'une nouvelle +ellevation qu'on luy a dict qui se prepare au pays de Lenclastre, ou +semble qu'elle ayt desja envoye gens pour recognoistre que c'est, et +des secrettes commissions pour y remedier et aprehender quelques uns. + +Cependant il nous est venu des lettres de la Royne d'Escoce, par +lesquelles elle mande que les seigneurs d'Escoce, qui sont de son +party, luy ont envoye la declaration de leur vollonte: laquelle est de +fere toutjour ce qu'elle leur commandera, dont Mr l'evesque de Roz est +alle devers ceste Royne pour haster sur cella la conclusion du trette; +et j'espere, puysque le secretaire Cecille est a present bien guery, +que luy et maistre Mildmay et le dict sieur evesque s'achemineront +tout incontinent devers la dicte Royne d'Escoce pour y mettre une +bonne fin. + +Au surplus, Sire, Mr le cardinal de Chatillon est venu, despuys quatre +jours, prendre son diner en mon logis, et m'a dict que, comme vostre +tres humble subject, il se sentoit tenu, et oblige a vostre service, +de ceste visite qu'il faisoit a vostre ambassadeur; et que ce qui +l'avoit engarde de la fere, durant les troubles, estoit que vous +monstriez lors, Sire, de ne prandre a gre, ains d'avoir quasi en +horreur tout ce qui procedoit de ceulx de sa religion; mais a ceste +heure qu'il playsoit a Dieu les fere jouyr du bien de vostre grace, et +de celle de la Royne, et de Messeigneurs voz freres, et qu'il vous +playsoit les tenir au nombre de voz loyaulx et fidelles subjectz, tout +son plus grand soin estoit de vous obeyr et complayre, et prier Dieu +pour Voz Majestez et pour Mes dicts Seigneurs voz freres, et fere en +sorte que Dieu et le monde cognoissent que la contraincte demeure, +qu'il a faicte icy, ne l'a randu moins bon francoys ny moins devot et +fidelle serviteur de vostre grandeur qu'il a este par cy devant; et +qu'il n'a rien oublye de l'obligation naturelle, ny encores de celle +expecialle, qu'il a a Voz Majestez et aulx feuz Roys voz +predecesseurs; que, puys peu de jours, Messieurs les Princes de +Navarre et de Conde, et Mr l'Admyral, son frere, ont envoye ung +gentilhomme devers ceste Royne, par lequel ilz luy ont escript a luy +de s'en aller a la Rochelle, et qu'ilz s'y rendront le plustost qu'ils +pourront, affin de pourvoir a l'accomplissement des choses qu'ilz vous +ont promises, lesquelles ne se peuvent bien effectuer sans luy et sans +aulcuns principaulx d'entre eulx; lesquelz fault que conviennent +ensemble pour admonester les aultres, ainsy qu'il a desja fort +expressement admoneste toutz les ministres, qui estoient icy, premier +qu'ilz s'en soyent retournez, de n'exceder en rien qui soit, ny pour +quelconque occasion que puisse estre, voz permissions, ny transgresser +aulcunement voz deffances; et qu'il est besoing aussi que ce soyent +eulx qui, pour donner exemple aulx aultres de contribuer a ce qu'ilz +vous ont promiz de payer, se cothisent les premiers bien largement: +dont delliberoit, dans six jours, aller prendre conge de ceste Royne +pour s'acheminer puys apres a Ampthonne, affin d'y attandre la +commodite de son passaige, me priant bien fort de fere entendre ceste +sienne delliberation a Vostre Majeste avec plusieurs aultres bons +propos, qui seroient trop longs a mettre icy. + +Je luy ay respondu, Sire, le mieulx que j'ay peu, sellon que j'ay +estime estre de vostre intention, conforme a la notice que j'en +pouvois avoir par vostre eedict, car de plus expecialle je n'en avois +poinct; mais je luy ay principallement inciste de vouloir dresser son +premier retour en France devers Vostre Majeste, affin de monstrer +qu'il a plus de confiance en vostre bonte et parolle que aulx rempartz +des places, qu'on a demandees pour seurete. + +A quoy il m'a replique que ce avoit bien este son premier desir, mais, +puysqu'on luy mandoit de se randre ainsy bientost a la Rochelle, affin +de donner forme aulx choses qu'il falloit ordonner, a ce commancement, +pour satisfere a Vostre Majeste, et qu'avec tres grande incommodite il +pourroit fere ce grand tour par terre, qu'il estoit contrainct d'y +aller par mer; mais qu'aussitost qu'on auroit pourveu a vostre +satisfaction, qu'il vous yroit tres humblement bayser les mains, et a +la Royne, et a Messeigneurs voz freres, sellon qu'il esperoit que Voz +Majestez le luy permettroient, me priant cependant de le vous fere +ainsy trouver bon, et que ne veuillez jamais penser de luy que comme +d'ung vostre tres humble et tres obeyssant serviteur. + +Le deuxiesme jour apres, a l'exemple de luy, Mr le vydame de Chartres, +estant prest a partyr, m'est aussi venu visiter avec plusieurs bonnes +parolles de l'affection et devotion, qu'il dict avoir a vostre +service, et m'a requis de deux choses: c'est de vous vouloir +tesmoigner, par mes premieres, que ses deportemenz par deca n'ont este +en rien contre vostre dict service; et l'aultre, de luy bailler ung +mien passeport pour se conduyre, luy, sa femme et son trein, jusques a +la Frette, pour, incontinent apres, vous aller tres humblement bayser +les mains. Je luy ay agree, en la meilleur facon que j'ay peu, sa +bonne intention vers Vostre Majeste, mais j'ay faict plusieurs +difficultez sur l'une et l'aultre de ses demandes; et qu'encor que je +ne voulois pas nyer que je ne l'eusse faict observer, je ne pouvois +toutesfoys vous justiffier en aultre sorte ses actions, parce que +toutes ne me pouvoient estre bien cogneues, que de vous dire, Sire, +que je ne scavois pas qu'il en heust faict icy de plus mauvaises +contre vostre service que d'y estre venu; et, quant au passeport, que +ce seroit prejudicier a la liberte de la paix de luy en bailler. A +quoy il m'a replique que, pour le regard du premier, il se contentoit +bien de ce mien tesmoignage, mais du second, il m'en a tant presse que +j'ai este contrainct de lui bailler mon dict passeport. Et voyla, +Sire, tout ce qui a passe entre les dicts sieurs cardinal et vydame, +et moy, dont semble bien que les Anglois n'ont prins grand playsir a +ces deux visites; car par icelles ils sont contrainctz de fere quelque +meilleur jugement de la reunyon de vostre royaulme qu'ilz ne la +pensoient; mais je ne suis point alle randre la pareille a l'ung ny a +l'aultre en leur logis, parce que je n'en avois nul ordre de Vostre +Majeste. Sur ce, etc. + + Ce XXIVe jour de septembre 1570. + + + + +CXXXVIe DEPESCHE + +--du penultieme jour de septembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Olivyer Campernon._) + + Negociation avec les Pays-Bas.--Retard apporte au voyage de la + reine d'Espagne.--Resolution d'Elisabeth de proceder a la + conclusion du traite avec Marie Stuart.--Mission de Mr de Verac + en Ecosse. + + + AU ROY. + +Sire, par le retour du Sr de Sabran je demeure asses esclarcy +d'aulcunes choses de vostre intention, lesquelles j'espere que me les +feres plus parfaictement et plus particulierement entendre, quant le +Sr de Vassal me viendra retrouver; et vous diray cependant, Sire, que +la Royne d'Angleterre, achevant son progrez de ceste annee, arrive +aujourduy a Vuyndesor, ou elle dellibere fere du sejour, et y +attandre le retour des gentishommes, qu'elle a envoye en France, en +Flandres et en Allemaigne, pour, puis apres, y assembler son conseil +affin de prendre resolution sur les choses qu'ilz raporteront. Les +commissaires de Flandres, qui estoient alles visiter les merchandises +arrestees ez portz de deca, dizent qu'ilz y ont trouve perte et +diminution de plus de la moictie; mais, touchant celles qui sont dans +Londres, l'on leur a faict acroyre que, si le duc d'Alve veut proceder +a ung bon accord de leurs differans, sellon les honnestes offres que +la Royne d'Angleterre luy a faictes, qu'on leur en revellera pour plus +de cent mil escuz davantaige qu'on ne leur a encores monstrees. A quoy +ilz respondent qu'on leur baille premierement le vray estat d'icelles, +affin d'en fere un certain raport au dict duc, et que, puys apres, +l'on pourra facillement parvenir aulx condicions de l'accord; et +veulent, chacun de son coste, gaigner l'advantaige de ce point: dont +le differant s'en entretient plus longuement, mais non sans une grande +esperance que bientost il s'accommodera: car le duc d'Alve et les +principaulx ministres du Roy d'Espaigne, qui sont en Flandres, +monstrent n'avoir aulcun plus grand soin que de regaigner l'amytie de +la Royne d'Angleterre et de s'esforcer de luy complayre; ce que la +dicte Dame, a ce qu'on m'a dict, attribue plus a la paix de vostre +royaume que a leur bonne vollonte: et dellibere, de sa part, de suyvre +et entretenir cella par les meilleures demonstrations qu'elle pourra, +mais non sans qu'elle demeure toutjour en beaucoup de souspecon et de +deffiance, a cause de la retrette de ses subjectz fuytifz, et de la +legation d'aulcuns Escossoys devers le dict duc en Flandres. Cependant +les dix grandz navires de la dicte Dame demeurent toutjour en la coste +de deca pour honnorer le passaige de la Royne d'Espaigne, non sans +qu'elle se repente asses de les avoir si tost faictz jetter dehors, +parce que la despance y va grande, et ne se peult juger si le temps +pourra encores servyr, de deux moys, a la dicte Royne d'Espaigne. +Neantmoins il est venu nouveau mandement a Londres de tenir encores +ung nombre de marinyers prestz, comme pour quatre navyres davantaige: +je ne scay encores a quel effect. + +Nous avons tant presse l'advancement des afferes de la Royne d'Escoce +que le secretaire Cecille et maistre Mildmay ont este du tout +depeschez, dez mardy dernier, pour aller devers la dicte Dame, et Mr +de Roz avec eulx, ou j'espere qu'il se prendra quelque bon ordre pour +le restablissement d'elle a sa couronne; mais, de tant que, sur les +condicions, qu'on luy propose, plusieurs nous donnent divers conseilz, +je ne m'advanceray d'y intervenir, au nom de Vostre Majeste, sans vous +avoir faict quelque aultre depesche plus ample et plus expresse la +dessus. Bien me confirme l'on, de plus en plus, Sire, que ceste Royne, +veult resoluement entendre a conclurre le trette, et que cependant +elle a mande au comte de Sussex de casser toutes les compaignies +extraordinaires, qu'il avoit levees en la frontiere du North. +L'arrivee du Sr de Veyrac en Escoce met ceulx cy en quelque jalouzie, +mais il ne seroit que bon qu'ilz l'eussent encores plus grande, car je +crains bien fort qu'ayant Mr Norrys escript icy que Vostre Majeste est +resolue de n'envoyer nulles forces par della jusques au printemps, que +cella leur face prolonger le trette, soubz esperance qu'il puysse +cependant survenir quelque chose a leur commodite et advantaige. Sur +ce, etc. + + Ce XXIXe jour de septembre 1570. + + + + +CXXXVIIe DEPESCHE + +--du Ve jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyee jusques a Calais par ung qui s'en est alle avec le Sr +Fregouse._) + + Retour de Walsingham en Angleterre, charge de faire connaitre a + la reine la declaration du roi touchant l'Ecosse.--Prochain + depart de la reine d'Espagne.--Suspension des affaires + politiques a Londres pendant l'absence de Cecil envoye vers + Marie Stuart.--Nouvelles d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay receu, le XXIXe du passe, les lettres qu'il a pleu a Vostre +Majeste m'escripre, du XXIIe auparavant, par le Sr de Valsingan, qui +me les a envoyees passant par Londres, et m'a mande qu'au retour de +randre compte a sa Mestresse de ce qu'il a faict en France, qu'il me +viendra voir. Il me semble, Sire, que rien n'a pu venir plus a propos, +pour les presens afferes de la Royne d'Escoce, que d'avoir Vostre +Majeste ainsy fermement et vertueusement parle, comme avez faict, a +l'ambassadeur Mr Norrys et a luy; et dont je ne fauldray de +represanter a leur dicte Mestresse voz mesmes propos, telz qu'ilz sont +contenuz en vostre lettre, la premiere foys que je l'yray trouver, +ayant estime qu'il estoit bon, pour aulcuns respectz, de les luy +reserver jusques a la venue d'une aultre vostre depesche, pour luy +laysser cependant digerer ce faict sur le recit, que le dict de +Valsingan luy fera, des propres paroles et demonstrations qu'il a +ouyes et veues de Vostre Majeste, et aussi pour n'interrompre rien en +la commission qu'elle a donnee au secretaire Cecille et a Maistre +Mildmay vers la Royne d'Escoce; ausquelz j'ay opinion qu'elle envoyera +en dilligence notiffier la declaration qu'avez faict a ses dicts +ambassadeurs, affin qu'ilz ne s'en retournent sans resouldre quelque +chose avec elle; ayant plusieurs adviz, de divers lieux, asses +certains qu'il tarde infinyement a la dicte Royne d'Angleterre qu'elle +puysse, en quelque seure facon qui ayt aparance d'honneur et +d'advantaige, se demesler du faict de la dicte Dame, non sans se +repentyr de s'en estre si avant entremise. Et est sans doubte que, si +l'affere pouvoit tumber en la main de quelque aultre, qui le manyat +avec plus de moderation que ne faict le secretaire Cecille, ou que luy +mesmes, apres avoir veu la Royne d'Escoce, se volust moderer, et ne +fere plus, sur des petitz momentz, naistre de si grandes difficultez +et longueurs, qu'il a faict jusques icy, que toutz les differans +d'entre ces deux Princesses et leurs deux royaulmes se pourroient +facilement et bientost accommoder, dont de ma part, Sire, je ne +fauldray d'y incister a toute heure; mais la vifve parolle et la +demonstration que Vostre Majeste fera d'un prochain secours, attandant +qu'il s'ensuyve a bon esciant, s'il est necessaire, y servyront +infinyement. + +La dicte Royne d'Angleterre a depesche ung saufconduict pour les +depputez d'Escoce, et a mande au comte de Sussex de les bien recepvoir +et honorer, et qu'il advertisse ceulx du party du regent d'envoyer +promptement les leurs. Le susdict de Valsingan a desja parle a +quelques ungs de ses amys de la continuation de la paix de France +comme en doubte, alleguant des occasions qui luy font juger qu'elle +aura quelque establyssement, et d'aultres qui lui font croyre qu'elle +ne pourra estre de duree; dont de ce qu'il en a dict, et du rapport +qu'il en aura faict en ceste cour, je mettray peyne qu'il m'en viegne +quelque adviz, affin de le vous mander par mes premieres. Il aura +encores rencontre Mr le cardinal de Chastillon en ceste dicte court, +car son conge luy avoit este differe jusques a hyer. + +L'on estime que la Royne d'Espaigne s'embarquera a ce commancement +d'octobre, car, ayant le retour de la lune este sur un temps propre et +qui sert bien a sa navigation, l'on estime qu'il durera asses pour la +conduyre jusques en Espaigne; dont s'atand de scavoir comment et en +quelle bonne facon se seront deportez les navyres de la Royne +d'Angleterre a la saluer, et la convoyer le long de la coste de ce +royaume. Les commissaires de Flandres pourchassent leur conge, mais il +semble qu'on le leur prolongera jusques au retour du secretaire +Cecille, car en son absence rien ne se depesche; et mesmes l'on a +remiz, a cause de luy, l'ouverture du terme de la justice jusques au +premier de novembre, par pretexte toutesfoys de la peste; laquelle va +neantmoins diminuant, et chacun s'en retourne a la ville. Il semble +que Henry Coban, qui est alle devers l'Empereur, ayt heu charge de ne +presser guieres son retour: dont il a cependant renvoye ung des siens +avec une depesche, de laquelle je n'ay encores bien aprins le contenu, +si n'est qu'il semble mander que, ne pouvant l'Empereur fere guieres +reuscyr aulcune bonne resolution ez choses qu'il a proposees en la +diette, qu'il dellibere bientost la rompre; et j'entandz que le comte +Pallatin a aussi escript qu'il a quelque opinion que le Pape se soit +advance de creer de luy mesmes, sans attandre la vollonte des +ellecteurs, l'archiduc Charles roy des Romains, et que cella sera pour +admener beaucoup de trouble en Allemaigne; dont est bruict icy que +desja quelques princes ont este vers Hembourg, comme pour s'asseurer +d'aulcunes levees de gens de guerre. Sur ce, etc. + + Ce Ve jour d'octobre 1570. + + + + +CXXXVIIIe DEPESCHE + +--du Xe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par le Sr Troies._) + + Etat de la negociation en faveur de Marie Stuart.--Conduite faite + a la reine d'Espagne par la flotte anglaise.--Crainte ou l'on + est en Angleterre que les hostilites commencent au retour de la + flotte espagnole.--Negociation avec les Pays-Bas.--Depart du + cardinal de Chatillon pour la Rochelle; mauvais accueil recu a + Dieppe par le vidame de Chartres.--Prise nouvellement faite en + mer, malgre la paix, par le capitaine Sores.--Affaires + d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, rendant le Sr de Valsingan compte a la Royne, sa Mestresse, de +la negociation qu'il a faicte en France, j'entendz qu'il luy a faict +ung tres bon rapport des louables qualitez de Vostre Majeste, de ce +que ung chacun vous tient pour prince magnanime, constant, certain et +bien fort veritable, et uny par ung grand et naturel amour avec la +Royne vostre mere, et avec Monseigneur vostre frere, desquelz il a +aussi fort dignement parle; et que, par la force de leur conseil et la +fermete de voz eedictz, la paix de vostre royaulme a d'estre +perdurable, et voz aultres afferes a recepvoir beaucoup +d'establissement: dont la dicte Dame a de beaucoup davantaige estime, +et heu en plus grand prix, les bonnes parolles de paix et d'amytie, +que Vostre Majeste luy a mandees. Et luy ayant le dict de Valsingan, +par mesmes moyen, touche le propos, que luy avez tenu, de la +restitution de la Royne d'Escoce, vostre belle soeur, avec +l'expression de l'affection qu'il a cognu que vous y aviez; et ayant, +de ma part, faict fere la dessus, le plus a propos que j'ay peu, ung +office par le comte de Lestre, il est advenu que la dicte Dame a tout +incontinent depesche vers le secretaire Cecille pour l'advertyr qu'il +ayt a proceder en si bonne facon vers la Royne d'Escoce, qu'il ne s'en +retourne sans conclurre quelque chose avecques elle. Dont, a la +premiere occasion qui me viendra d'aller parler a la dicte Dame, je +luy confirmeray ceste sienne vollonte, et n'obmettray rien de ce qui +pourra servyr a bien advancer et effectuer le propos, et a establyr +pareillement l'amytie d'entre Voz Majestez. + +L'on tient que la Royne d'Espaigne est passee, et que les navyres de +la Royne l'ont saluee et accompaignee jusques en la coste de Biscaye, +et que sire Charles Havart luy a bayse les mains avec ung present +d'ung beau dyamant, que la Royne sa Mestresse luy a envoye, qui est +l'ung de ceulx que le Roy d'Espaigne avoit donnez a la feu Royne +Marie, sa soeur, ou a elle, qui sont estimez valoir, l'ung huict mil +ducatz, et l'aultre cinq mil; et que la dicte Royne d'Espaigne, de son +coste, a faict bailler quatre mil ducatz au dict Havart et aulx siens; +mais la verite et certitude de cecy se scaura mieulx quant le dict +Havart sera de retour, lequel est encores en mer. Tant y a que ces +demonstrations, lesquels sont devenues toutes aultres qu'on ne les +sembloit preparer du commancement, donnent a cognoistre qu'il n'y a en +effect nulle malle vollonte entre les Espaignols et les Anglois, ains +qu'ilz cerchent de s'accommoder ensemble en gaignant, aultant qu'il +leur sera possible, chacun de son cote, quelque advantaige; dont usent +d'artiffice a fere bien esperer ou a intimider l'ung l'aultre en ce +qu'ilz peuvent; et semblent neantmoins que les dicts Anglois ne +demeurent meintennant sans une grande souspecon du retour de l'armee +d'Espaigne, par ce mesmement qu'on leur a raporte que une partie +d'icelle est demeuree toute appareillee, et bon nombre de gens pretz a +s'y embarquer en Olande; et qu'ilz scavent que aulcuns fuytifz et +aulcuns Escossoys sont toutjour pres du duc d'Alve pour l'inciter a +quelque entreprinse par deca: et a ceste occasion, mecredy dernier, +ceste Royne a faict de rechef appeller toutz les officiers de la +maryne a Vuyndesor, mais je ne scay encores ce qu'elle leur a ordonne; +et est la dicte Dame apres a fere cercher deniers de toutz costez. + +Les commissaires de Flandres s'attendent d'avoir demain leur conge, et +semble qu'ilz ne s'en retournent guieres plus contantz ny mieulx +satisfaictz que quant ilz sont venuz; car, oultre la perte et +diminution qu'ilz ont trouve ez merchandises, qui estoient encores en +estre, l'on leur a baille ung compte si desadvantaigeulx de celles qui +ont este vendues par auctorite de justice, tant au priz que aulx +fraicz, qu'elles ne reviennent pas au cinquiesme de la juste valleur. +Par ainsy l'accord se monstre encores asses difficile a fere, et +cependant l'on ne scayt si le temps, et la longue souspencion du +traffic, pourra produyre quelque chose de nouveau entre eulx. + +Monsieur le cardinal de Chastillon print conge de ceste court lundy +dernier, non sans recepvoir beaucoup de faveur de ceste Royne et +plusieurs presens (de haquenees et de chiens de sang) des seigneurs +d'aupres d'elle; et s'en est alle a Hamptonne attandre la commodite de +son passaige a la Rochelle. Aulcuns demeurent escandalisez des +difficultes qu'on a faictes a Mr le vydame de Chartres a Diepe, mais +je rendz quelque rayson la dessus, qui monstrent de les satisfere. Ung +agent de Portugal, qui est en ceste ville, dict que le capitaine Sores +s'est esforce de piller de rechef la Madere, et qu'au retour de ceste +entreprinse il a prins un des galions du Roy de Portugal venant des +Indes, qui estoit demeure derriere, lequel estoit bien fort riche; de +quoy ung chacun monstre icy estre fort offance d'entendre ung tel acte +apres la paix, et crainct on que de la Rochelle ayt a sortyr beaucoup +de desordre en la mer, s'il n'y est remedie. + +J'entans qu'il est arrive des lettres d'Allemaigne, qui semblent +confirmer ce qu'on avoit auparavant escript de la creation du roy des +Romains par le Pape, jusques avoir envoye une coppie du brevet, et que +ung chacun pense que les princes ellecteurs procederont a une +contraire ellection de leur part; mesmes qu'il semble que l'Empereur +face toute demonstration d'avoir ignore et de n'aprouver aulcunement +ceste procedure de Sa Sainctete; et qu'il a este descouvert qu'on +avoit de rechef incidie a la vie du comte Pallatin. Sur ce, etc. + + Ce Xe jour d'octobre 1570. + + + + +CXXXIXe DEPESCHE + +--du XVIe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par Groigniet, mon secretaire._) + + Conditions proposees par Cecil a la reine d'Ecosse.--Soulevement + des catholiques dans le pays de Lancastre.--Ordre donne au + comte de Derby de se rendre a la cour.--Retour a Londres de sir + Charles Havart, amiral de la flotte anglaise.--_Memoire._ + Opinions diverses sur la duree de la paix en + France.--Conference de l'ambassadeur avec l'ambassadeur + d'Espagne.--Ligue du roi d'Espagne avec le pape et les + Venitiens contre les Turcs.--Vives sollicitations pour que le + roi consente a en faire partie.--Offres faites par le duc + d'Albe a Elisabeth.--Negociations des Ecossais avec le duc + d'Albe.--Conditions proposees a Marie Stuart, si elle veut + obtenir l'appui de l'Espagne.--Details sur la negociation de + Cecil avec Marie Stuart.--Crainte que les Ecossais n'acceptent + toutes les conditions imposees par l'Angleterre. + + + AU ROY. + +Sire, ayant le Sr de Vassal couru une si dangereuse fortune, en +voulant repasser la mer, que le naufrage de luy, et de ceulx qui +estoient en son mesme navyre, a este tenu pour veriffie en ceste +ville, il n'est pas a croyre combien je me suys resjouy, quant, oultre +l'esperance des hommes, il a pleu a Dieu de le saulver et le fere +retourner sauf a Callais, avec les lettres et depesches de Vostre +Majeste, ou il est encores attandant le vent; mais j'espere qu'il sera +bientost icy, et qu'il me rendra instruict de l'intention de Vostre +Majeste, laquelle je mettray peyne, Sire, en ce qu'il sera besoing de +la notiffier a la Royne d'Angleterre, de la luy fere bien entendre, et +de fere, par toutz les moyens, persuasions et instances, qu'il me sera +possible, qu'elle y veuille conformer la sienne. + +Le secretaire Cecille et son adjoinct sont arrivez avec l'evesque de +Roz, le premier de ce mois, devers la Royne d'Escoce, a laquelle ilz +ont presente, avec grand respect et reverance, une lettre, que la +Royne d'Angleterre luy a escripte, laquelle avoit le commancement fort +rigoureux et plein d'une recordation de beaucoup d'offances qu'elle +reprochoit a la dicte Dame; mais que, pour en abolyr la memoire, elle +luy depeschoit ces deux siens confidans conseillers, pour preparer le +chemyn d'ung bon trette d'amytie entre elles deux; et n'y a heu aultre +chose que cella pour le premier jour, sinon l'humayne et favorable +reception, que la dicte Dame leur a faicte. Mais, le lendemain, estans +entrez en conferance, elle leur a respondu, a chacun poinct de la +dicte lettre, avec tant de fondement de rayson et avec tant de +modestie qu'ilz ont monstre de demeurer tres bien satisfaictz; et +ayant convenu la dicte Dame, pour son regard, et eulx, pour la Royne +d'Angleterre, d'ensepvelir pour jamais les choses mal passees, et de +proceder a ung renouvellement de vraye et parfaicte intelligence entre +elles, sellon que le debvoir de leur proximite et du commun proffict +de l'une et de l'aultre, et de leurs deux royaulmes, le requeroit; ilz +luy ont leu les articles de l'instruction, qu'ilz portoient, lesquelz +se sont trouvez, pour la pluspart, concerner l'expresse cession et +resignation du tiltre de ce royaulme par la dicte Royne d'Escoce au +proffict de la dicte Royne d'Angleterre, sans prejudice de la future +succession d'icelluy, au cas que la dicte Royne d'Angleterre n'ayt +point de lignee:--Que, pour seurte de cella, le Prince d'Escoce doibve +estre mene et norry en Angleterre, sans prefiger temps de le randre, +sinon au cas que la Royne, sa mere, arrive a morir, ou qu'elle luy +veuille resigner sa couronne d'Escoce;--Que gouverneurs luy seront +baillez, telz que la Royne d'Angleterre advisera, comme les comtes de +Lenoz, de Mar ou aultres;--Que trois comtes et trois lordz Escocoys +viendront estre ostaiges, l'espace de trois ans, en ce royaulme, pour +la seurte des choses qui seront promises;--Que trois chasteaulx, +scavoir: Humes, Fascastel et encores ung aultre, en Gallovaye ou +Quinter, demeureront, pour le dict temps, ez mains de la Royne +d'Angleterre;--Que, sans le consantement d'icelle ou de la pluspart de +la noblesse d'Escoce, la dicte Royne d'Escoce ne se maryera;--Que +ligue sera faicte entre elles et leurs deux royaumes;--Que, au cas que +nul prince estrangier, sans ocasion a luy raysonnablement donnee, +entrepreigne d'assaillyr ce royaulme, la dicte Royne d'Escoce sera +tenue de le secourir d'hommes et de navyres, aulx despens toutesfoys +de la Royne d'Angleterre;--Que le murtre du feu Roy d'Escoce et celluy +du comte de Mora seront punys;--Que le comte de Northomberland et +aultres fuytifz d'Angleterre seront randuz;--Et que, au cas que la +dicte Royne d'Escoce meuve a jamais pleinte ny querelle du tiltre de +ce royaulme, ny assiste a nul aultre, qui la veuille mouvoir en +quelque facon que ce soit contre la dicte Dame, qu'elle demeurera +privee de la future succession d'icelluy. Et avoient d'aultres +articles, concernans la seurte des subjectz d'Escoce, lesquelz ilz +n'ont encores monstrez, mais ilz ont fort inciste d'avoir promptement +la responce sur ceulx cy. + +Je ne scay si la Royne d'Escoce l'a encores faicte, seulement j'ay +entendu qu'ung pacquet du dict secretaire arriva, sabmedy au soir, a +la Royne d'Angleterre, et que, tout incontinent, elle assembla son +conseil; et le lendemain matin, le courrier fut renvoye avecques +responce. + +Aulcuns amys de la dicte Royne d'Escoce m'ont faict advertyr qu'elle +est au plus grand dangier, ou encores elle ayt poinct este, a cause de +la sublevation qui se descouvre estre toute formee au pays de +Lenclastre, de laquelle on luy attribue l'ocasion, aussi bien que de +celle passee du North; et que pourtant, elle et nous, qui soubstenons +icy son faict, debvons condescendre a ce que la Royne d'Angleterre luy +vouldra demander, et luy complayre du tout, pourveu qu'elle puysse +avoir sa liberte; et ne fere difficulte de luy accorder le Prince +d'Escoce, pour quelque temps, avec honnestes condicions. Aultres de +ses amys conseillent le contraire: qu'elle peut bien accorder +hardyment toutes choses raysonnables a la Royne d'Angleterre, mais non +de luy bailler son filz, ny ostaiges, ny places; mais plustost qu'elle +mesmes offre de demeurer en Angleterre pour asseurance de ce qu'elle +promettra. Je scay, a la verite, qu'on tient de tres dangereux +conseilz sur la personne de ceste princesse, pour l'opinion qu'on a +qu'elle ayt trop bonne part en ce royaulme, et que, quant elle sera du +tout ostee, que pareillement sa querelle sera du tout esteincte, se +persuadant que, ny les Escoucoys, ny les Anglois, ses partisans, ny +mesmes Vostre Majeste ne se soucyeront guieres, puys apres, de la +relever. Et est incroyable combien la Royne d'Angleterre et ceulx de +son conseil sont esmeuz pour les choses du dict pays de Lenclastre, +sans toutesfoys en fere grand demonstration; car les ayant vollues +remedier par la voye de la justice, envoyant par della ung procureur +fiscal, ilz ont veu que cella ne suffizoit, et que plusieurs +ouvertement se declairoient substrectz de l'obeyssance et jurisdiction +de la Royne d'Angleterre, jusques a ce qu'elle se seroit jettee hors +de l'interdict de l'esglize catholique: dont elle a mande au comte +Dherby, principal seigneur de tout le dict pays, de la venir trouver, +par pretexte de vouloir assembler toutz ceulx de son conseil, dont il +est l'ung des principaulx, affin de pourvoir a l'estat de ce royaume; +et qu'il veuille mener ses enfans avec luy, pour monstrer qu'ilz ne +sont coulpables d'aulcunes choses qu'on leur a vollu imposer. L'on ne +scayt encores si le dict comte vouldra obeyr; tant y a, Sire, que je +vous ay bien vollu envoyer le susdict adviz de la Royne d'Escoce, par +homme expres, affin qu'il vous playse m'y commander vostre vollonte; +et cependant je verray ceste princesse pour l'adoulcyr et moderer, le +plus qu'il me sera possible, sur icelluy, et pour la fere passer +oultre au trette encommance. + +J'entendz que sire Charles Havard a raporte a la dicte Dame ung grand +contantement du debvoir, qu'il a faict envers la Royne d'Espaigne, et +des honnestes propos, que la dicte Royne d'Espaigne l'a encharge de +dire a la dicte Dame de sa part, ayant accepte, avec toute affection, +le present qu'elle luy a envoye, et ayant faict donner une chayne de +mil ducatz au dict Havart, et une aultre ung peu moindre a son vis +admyral, et encores dix aultres chaynes aulx capitaines des dix +navyres. Sur ce, etc. + + Ce XVIe jour d'octobre 1570. + + POUR FAIRE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ oultre ce dessus: + + Que, par aulcunes lettres, que la Royne de Navarre et Messieurs + les Princes, ses filz et nepveu, et Mr l'Admiral ont escriptes + par deca, et par des parolles et demonstrations, dont Mr le + cardinal de Chatillon a use, en prenant conge de ceste court, la + Royne d'Angleterre et les siens demeurent assez persuadez que la + paix de France sera de duree. + + Et y sont confirmez davantaige par la reputation, qui court, que + le Roy a prinz une ferme resolution de vouloir que, en cest + endroict. et toutz aultres, ou sa parolle interviendra, qu'elle + ayt a estre tres certaine et veritable, et que la Royne et + Monseigneur, frere du Roy, interposent, par une bonne + intelligence, si fermement leur conseil et authorite a cella, + qu'il n'est en la main de nul aultre de le pouvoir rompre. + + Et a raporte le Sr de Valsingan, qu'encor que le mariage des deux + filles de l'Empereur avec le Roy et le Roy d'Espaigne, et + l'intelligence que ung chacun presumoit demeurer toutjour + secrecte entre la Royne et Mr le cardinal de Lorrayne, et + l'authorite de Monseigneur, frere du Roy, lequel apres avoir mene + la guerre et heu plusieurs victoires contre ceux de la nouvelle + religion, ne comporteroit jamais qu'ilz demeurassent dans le + royaulme, fussent trois occasions qu'aulcuns remarquoient pour + reputer la paix fort douteuse; neanmoins ilz jugeroient, a ceste + heure, que c'estoit par la vraye et parfaite intelligence de la + Royne, et de Monseigneur, et de Mr le cardinal de Lorrayne, et de + toutz les Princes avecques le Roy, que la dicte paix se randroit + plus ferme et plus estable; et que mesmes le conseiller Cavaignes + luy avoit dict qu'il s'en promettoit une bien longue + continuation, et en plus d'advantaiges pour eulx que les articles + ne portoient. + + Ce qui a remiz en reputation les afferes du Roy en ce royaulme, + et croy que de mesmes ilz en sont relevez ailleurs, car + l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, despuys la premiere foys + qu'il me raporta le jugement, que le duc d'Alve faisoit de la + dicte paix, comme s'il l'estimoit pleyne de dangier pour la + Chrestiente, il dict meintennant qu'il ne faict doubte que le Roy + et son prudent conseil ne l'ayent cogneue necessaire, et qu'il + faut que Sa Majeste Tres Chrestienne la rande utille, et luy face + produyre, non seulement pour luy et pour son royaulme, mais aussi + pour ses voysins et pour toute la Chrestiente, ung vray repos. + + Et s'est le dict ambassadeur curieusement enquiz a moy de deux + choses: l'une, si je scavois que Mr le cardinal de Chatillon eust + parle en ceste court de tranferer meintennant la guerre, qui est + achevee en France, au pays de Flandres; et de cella il a vollu + que j'en aye sonde le dict Sr cardinal, quant il est venu en mon + logis, lequel m'a tout franchement respondu, qu'il pourrait estre + qu'il en eust parle comme d'ung commun souhait, que toutz ceulx + de sa religion y avoient; mais non qu'il en vit l'entreprinse + bien preste; et j'en ay satisfaict le dict ambassadeur. + + Et l'aultre chose, qu'il m'a demandee, est si j'avois entendu + pourquoy le Roy avoit faict renforcer la garnyson de Peronne, de + St Quintin et des aultres villes de Picardie, et change celle de + Callais, monstrant que le duc d'Alve en avoit prins quelque + souspecon; a quoy je luy ay respondu que le Roy n'avoit en cella + que renvoye les garnysons en leurs lieux accoustumes, car l'on + les en avoit tirez, durant la guerre, pour s'en servir au camp, + et que meintennant il distribuoit en ses frontieres ses gens de + guerre pour plus sollager son royaume et pour ne demeurer + pourtant desarme. + + Et, en la mesmes conferance, icelluy sieur ambassadeur, me + magniffiant grandement la ligue[14] qui a este faicte entre le + Pape, le Roy Catholique, son Maistre, et les Veniciens contre le + Turc, m'a dict que le Roy, son Maistre, s'estimoit estre miz hors + par icelle de tout le dangier de la guerre du dict Turc, et qu'il + n'avoit qu'a contribuer seulement au secours accorde, dont se + trouvoit fort adelivre pour mettre bientost fin a la guerre des + Mores, et pour entendre aulx choses de Flandres, d'Allemaigne et + du coste de deca; + + Que le dict ambassadeur pensoit que l'Empereur enfin entreroit en + la dicte ligue, comme il en avoit une fort grande vollonte, mais + il desiroit le fere par aprobation de la diette, affin d'obliger + les estatz d'Allemaigne a la contribution et au secours de la + dicte guerre. + + [14] Cette ligue ne fut definitivement conclue que quelque temps + apres, au mois de mai 1571. Don Juan fut nomme general de la + ligue, et remporta, le 7 octobre de la meme annee, la celebre + victoire de Lepante. Le pape choisit pour commandant de sa flotte + Marc-Antoine Colonne, et la republique de Venise nomma pour son + amiral Sebastien Venicri, qui fut elu doge en 1577. + + Et a adjouxte que, si le Roy Tres Chrestien y vouloit entrer et + quicter la pratique du Turc, retirant son ambassadeur qu'il a + pres de luy, qu'il s'aquerroit ung grand nom et une grande + louange envers le Siege Apostolique et envers toute la + Chrestiente; et, quant il ne bailleroit que quatre galleres de + secours, que son nom et la reputation de la couronne de France y + en vauldroient cent. + + Je luy ay respondu que ceste ligue estoit faicte pour la + conservation des estatz, qui estoient exposez aulx entreprinses + du Turc, et que l'Empereur avoit rayson d'y entrer pour l'ocasion + des siens, aussi bien que le Pape et le Roy, son Maistre, et les + Veniciens, car toutz ensemble y estoient bien fort interessez, et + leurs dicts estatz y couroient de grandz dangiers; mais que Dieu + avoit constitue le Roy et son royaulme en lieu, qui estoit tout + garde des incursions du Turc; par ainsy qu'il n'avoit a fere + ligue deffencive contre celluy qui ne l'assailloit, ny le pouvoit + assaillir; et seroit en vain consommer ses forces et ses deniers + pour aultruy, et entrer en une guerre non necessaire; mais que je + croyois bien que, quant toutz les princes chrestiens + conviendroient en une entreprinse de ruyner l'Empire du Turc et + amplier la Chrestiente, et que le Roy y verroit quelque bon + fondement, que ce seroit luy le premier qui y employeroit sa + propre personne et ses forces, aussi bien qu'avoient faict ses + predecesseurs. + + Laquelle rayson le dict ambassadeur a monstre d'aprouver, et a + adjouxte que possible n'estoit on pas trop loing d'une si grande + et vertueuse deliberation; et puys a continue me dire que les + Anglois, pour ne pouvoir bien entendre toutz les secretz de la + dicte ligue, la tenoient pour fort suspecte, comme, a la verite, + j'ay sceu qu'iceulx Anglois discourent entre eulx, qu'ayant le + Pape passe si avant que d'avoir ouvertement interdit cette Royne + et son royaulme, et estant le Roy d'Espaigne fort offance des + dicts Anglois, et les Veniciens asses mal contantz des prinses et + depredations de l'annee passee, qu'il est a croire qu'on n'a + dresse ceste ligue dans Rome, sans y incerer quelque article bien + expres contre l'Angleterre, et que le general de la mer qui a + este cree par icelle, qui est don Juan d'Austria, aspire bien + fort a l'entreprinse. + + Neantmoins, le duc d'Alve entretient les dicts Anglois en une si + ferme opinion de l'amytie du Roy, son Maistre, qu'ilz s'en + tiennent trop plus que bien asseurez; et semble que, ny luy de + son coste, ny eulx du leur, ne s'ennuyent de laysser encores les + choses en suspens, sans aultrement les esclarcyr, parce que le + temporiser vient a propos pour chacun, bien que possible non + guieres pour les Mestres ny pour leurs estatz, mais pour ceulx + qui les manyent; et m'a l'on asseure que le dict duc a offert a + ceste Royne de luy envoyer dix mil hommes de guerre, pour la + servyr en ses afferes, qu'elle pourroit avoir dans son royaulme, + ou bien contre l'Escoce, si elle en a besoing: mais qu'elle n'a + accepte ny l'ung ny l'aultre, ny ne demeure pour cella trop + dellivree du souspecon qu'elle s'est conceue du dict duc. + + J'entendz que milord de Sethon, estant arrive en Envers, a + soubdain envoye demander audience a icelluy duc jusques a + Bergues, lequel s'est excuse de la luy pouvoir si tost bailler, + pour estre fort empesche a l'embarquement de la Royne, sa + Mestresse; dont le dict de Sethon, ne voulant prolonger les + matieres, luy a envoye incontinent les lettres des seigneurs + d'Escoce et une coppie de son instruction, mais le duc ne s'est + haste pour cella de luy rien respondre, ains l'a remiz a quant il + seroit en Envers, que le conseil du pays y seroit assemble; et + cependant il l'a faict convyer a dyner par le marquis de Chetona, + ou le secretaire Courteville s'est trouve, avec lesquelz il a heu + grand conferance; et despuys il a envoye icy demander qu'est ce + qu'il aura a respondre, si le dict duc requeroit d'avoir la Royne + d'Escoce entre ses mains, ou qu'elle y veuille mettre le Prince + d'Escoce son filz; s'il inciste qu'elle ne se marye sans le + conseil du Roy Catholique, et qu'elle veuille entrer en ligue + avecques luy, sans exception d'aulcune aultre ligue; s'il demande + avoir quelques portz et places au pays, pour la retrette de ceux + qu'il y envoyera; et finallement, s'il requiert que la reduction + de la religion catholique soit faicte en tout le royaulme, et que + l'aultre en soit chassee, et toutz ceulx qui en sont. + + En quoy semble que le dict de Courteville ayt desja touche toutz + ces poinctz au dict de Sethon, et, quoy que soit, on m'a bien + baille pour chose asseuree que maistre Jehan Amelthon, qui a + reside despuys quinze moys, ordinairement, pres du dict duc + d'Alve, a este naguieres envoye par icelluy duc avec deux aultres + gentishommes, ung italien et ung espaignol, jusques en Escoce, + pour recognoistre quelque commode descente; et que le dict + Amelthon leur a monstre les ports et villes de Montroz et + Abredin. + + Quant, apres plusieurs miennes instances et de Mr l'evesque de + Roz, la Royne d'Angleterre eust, a la fin de septembre, commande + au secretaire Cecille, et a maistre Mildmay, d'aller devers |a + Royne d'Escoce, elle ne se peult tenir de jetter quelques motz de + jalouzie des perfections de sa cousine, demandant au dict + secretaire, s'il se lairroit point gaigner a elle, comme les + aultres, qui l'avoient veue; dont il tomba en ung merveilleux + doubte que le voyage luy fut pernicieux, et escripvit dez lors a + ung sien amy qu'il s'en excuseroit, s'il luy estoit possible, ce + qui donna a penser, estant incontinent apres devenu mallade, + qu'il le contrafaisoit, mesmes qu'il ne se sentoit estre bien + vollu de la dicte Royne d'Escoce, et n'estimoit pouvoir raporter + honneur de ceste negociation; tant y a que, ne voulant qu'ung + aultre l'eust, il dellibera de veincre toutz ces doubtes et + difficultez, mais, premier que de partir, affin d'oster toute + souspecon a sa Mestresse, il dressa les articles de son + instruction, ainsy durs qu'ils sont contenuz en la lettre du Roy, + et les communica a la dicte Dame, qui les aprouva, et puys au + conseil, ou quelques ungs luy remonstrerent qu'il seroit bon de + les moderer, affin qu'ilz ne malcontentassent par trop ceste + princesse, et qu'ilz fussent aprouvez des aultres princes; mais + il respondit qu'on luy layssat manyer cest affere, lequel il + entendoit tres bien, et le conduyroit a bonne fin, a l'honneur de + sa Mestresse et de son royaulme; et qu'il feroit que la Royne + d'Escoce et les princes, ses allyez, ne seroient que bien ayses + d'en passer par la. Tant y a qu'estant sur le lieu, Mr de Roz m'a + mande qu'il monstre d'avoir une grande vollonte de conclurre le + trette, et qu'il espere que le retour du Sr de Valsingan, sur + lequel l'on luy avoit faict une depesche, seroit cause de luy + fere moderer les dures condicions de sa premiere instruction. + + Et m'a le dict sieur evesque mande davantaige que creinct que les + seigneurs escossois, partisans de sa Mestresse, commencant de + n'esperer guieres nul secours de France, condescendront a telles + condicions de trette qu'on leur vouldra imposer; et que quelques + ungs sont desja apres a s'acommoder a l'authorite du comte de + Lenoz; ny l'arrivee du Sr de Vayrac ne les a peu tant confirmer + qu'ilz veuillent demeurer davantaige en doubte, ny mettre plus en + hazard leurs vies et leurs biens. + + Tant y a que le lair de Granges, cappitaine de Lislebourg, a + mande que, s'il playt au Roy fere descendre mille harquebuziers + seulement ez quartiers, du Nord d'Escoce, qu'il rechassera le + dict de Lenoz et les Anglois plus loing que Barvich, et reduyra + la ville de Lislebourg a l'obeissance de la Royne sa Mestresse, + et qu'il ne sera plus parle que de l'alliance de France en tout + le royaulme d'Escoce. + + + + +CXLe DEPESCHE + +--du XVIIe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyee expres par ung des miens, jusques a Calais._) + + Communication officielle des articles proposes a Marie + Stuart.--Necessite de remontrer a la reine d'Angleterre qu'elle + ne peut enlever a la France l'alliance de l'Ecosse. + + + AU ROY. + +Sire, vous ayant escript, du jour de hier, asses amplement toutes +choses de deca, ceste cy n'est que pour dire a Vostre Majeste comme, +ce matin, Mr l'evesque de Roz m'a envoye, en grand dilligence, les +articles[15] que les depputez de la Royne d'Angleterre ont baillez a +la Royne d'Escoce, sa Mestresse, me priant de lui envoyer, tout +incontinent, le messagier avec ma responce et mon adviz la dessus; et +que je veuille considerer que le moindre dilay ou empeschement, qui +puysse intervenir en cest affere, est ung extreme detriment a sa dicte +Mestresse; mais qu'il mettra peyne d'entretenir la matiere en suspens, +jusques a ce que ma response arrive, et qu'il est tout certain, si +l'on fault ceste foys de conclurre quelque chose, que la dicte Dame et +ses afferes, et ceulx de son royaulme, demeurent deplorez et hors de +tout remede pour jamais. Sur quoy, Sire, j'ay este en grand peyne, car +le faict me semble d'un coste si important, que je ne me doibz ingerer +de rien delliberer ny respondre sur icelluy, sans expres commandement +de Vostre Majeste, et, de l'autre, je voys ceste pouvre princesse en +si dangereux estast, que le moindre retardement peult admener une +extreme ruyne sur elle et sur son royaulme; dont, en telle extremite, +j'ay prins expediant de respondre premierement au dict sieur evesque, +en la meilleur facon que j'ay peu, sellon le peu de loysir qu'il m'a +donne d'y penser, et d'envoyer tout aussitost a Vostre Majeste les +dicts articles et ma dicte responce, affin qu'il vous playse, en +mesmes dilligence, me remander vostre bon commandement; lequel je +mettray peyne, aultant qu'il me sera possible, d'exactement accomplyr; +et j'espere qu'on ne s'opiniastrera du tout a toutes les conditions +des dicts articles, ayant desja faict office, la ou j'ay cogneu en +estre besoing, pour les fere moderer; et je scay que ce que Voz +Majestez en ont fermement et vertueusement mande, par le Sr de +Valsingan, a ceste Royne, en fera bien rabattre quelque chose. Tant y +a que Vostre Majeste verra s'il seroit bon que, faisant appeller +l'ambassadeur d'Angleterre en sa presence, et luy monstrant d'estre +bien ayse de la continuation du trette, vous lui faysiez tout +clairement entendre que vous ne pourriez tout ensemble meintenir +l'amytie avecques la Royne, sa Mestresse, et veoir qu'elle s'esforcat +de vous soubstraire l'alliance d'Escoce; et que, de tant que vous avez +entendu que ceulx, qui dressent le trette, y aspirent, que vous l'avez +bien vollu exorter d'advertyr sa Mestresse qu'elle se veuille deporter +d'entreprendre une telle offance contre vous; laquelle vous ne +pourriez comporter, attandu mesmement que vous n'avez desire ny +procure que tout bon accord entre elle et la Royne d'Escoce, et bonne +paix entre leurs deux royaumes, pourvu que ce ne soit au prejudice de +vostre dicte alliance. Sur ce, etc. + + Ce XVIIe jour d'octobre 1570. + + [15] Ces articles, ainsi que les reponses de Marie Stuart, n'ont + pas ete transcrits sur les registres de l'ambassadeur; mais ils + sont textuellement rapportes par les historiens, et notamment par + Camden at Rapin Thoiras. + + + + +CXLIe DEPESCHE + +--du XXVe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._) + + Audience.--Assurances reciproques d'amitie.--Consolidation de la + paix en France.--Plainte du roi contre la derniere invasion du + comte de Sussex en Ecosse.--Vive insistance de l'ambassadeur + pour qu'il soit procede a la restitution de Marie Stuart, sous + des conditions honorables pour la France.--Plaintes + d'Elisabeth contre la reine d'Ecosse.--Instance de + l'ambassadeur afin qu'une resolution definitive soit prise sans + retard.--Protestation d'Elisabeth qu'elle ne veut plus retenir + Marie Stuart en Angleterre. + + + AU ROY. + +Sire, je n'ay receu jusques au XVIIIe du present, la depesche de +Vostre Majeste, du XXVIe du passe, car le Sr de Vassal, qui me +l'aportoit, oultre la premiere tourmente, que je vous ay mande qu'il +avoit soufferte, il a, par trois fois, despuys, s'esforceant de passer +de deca, toutjour este rejette en la coste de della, et a este si +travaille de la mer, que d'une fiebvre quarte, qu'il avoit auparavant, +il est tumbe en une continue, qui l'a contrainct de demeurer du tout a +Callais, d'ou il m'a envoye le pacquet; sur lequel, Sire, ayant veu, +le XXe de ce moys, la Royne d'Angleterre, j'ay estime luy debvoir fere +entendre le retardement d'icelluy, et comme beaucoup plustost qu'a +ceste heure, vous m'avez commande que je l'allasse trouver, affin de +luy randre, de vostre part, le plus expres et le plus grand mercys, +qu'il me seroit possible, pour la tant prompte et ouverte +conjouyssance, qu'elle avoit use vers vous sur la paix de vostre +royaulme; et qu'ayant prevenu en cella toutz les aultres princes, +voz alliez, vous demeuriez tres fermement persuade que, plus +que toutz eulx, elle vous avoit veritablement desire ce bien, et +l'establissement de voz afferes; dont la priez de regarder en quoy +elle se vouldroit meintennant prevaloir de vous et de vostre presente +paix; car vous metriez peyne de la luy randre aultant utille, comme +elle avoit monstre de l'avoir toutjour tres agreable; et que me +commandiez, au reste, de n'obmettre rien qui peult servir a luy fere +bien cognoistre vostre bonne affection et celle de la Royne, vostre +mere, en cest endroict; mais que je n'entreprendrois de luy en dire +davantaige, parce que Voz Majestez s'estoient mieulx sceu explicquer, +par leur propre parolle, au Sr de Valsingan, que je ne le scaurois +fere sur vostre lettre: et comme il avoit dignement represante +l'intention d'elle a Voz Majestez par della, qu'ainsy esperois je que, +a son retour, il se seroit tres bien acquite de luy fere bien entendre +les vostres, et toutz les bons propos que luy avez tenuz de la +parfaicte amytie, en laquelle delliberiez perseverer avec elle et son +royaume. Et suyviz, Sire, a luy toucher quelques motz du bon et +asseure establissement, que prenent les choses de la paix en vostre +royaulme, affin qu'elle ne donnast foy a certaine lettre, que je +scavois qu'on luy avoit monstree de quelcun de vostre court, qui a +escript a ung seigneur de ce royaulme, en langaige francois et lettre +francoyse fort proprement, sans toutesfoys se soubsigner, sinon par +parrafe, qu'il voyoit que les troubles alloient recommancer plus fort +que devant, en vostre royaulme, a cause de plusieurs desordres et +viollances qu'on fesoit a ceulx de la religion; et que Messieurs les +Princes avoient envoye fere des remonstrances la dessus a Vostre +Majeste, qui leur aviez rendu de fort bonnes responces; et aviez +soubdain depesche lettres pour y pourvoir, mais l'on n'y avoit vollu +obeyr; dont ilz avoient renvoye vous en fere nouvelle pleinte; et +vous aviez de rechef escript que justice en fut dilligemment faicte, +mais que l'on avoit contempne et mesprise vos lettres, ce qui leur +faisoit penser qu'il y avoit quelque tres dangereuse entreprinse +couverte contre ceulx de la dicte religion; dont les dicts Princes +s'estoient retirez mal contans a la Rochelle, non sans avoir desja +adverty leurs amys en Allemaigne. De laquelle nouvelle l'on me vouloit +bien asseurer que la dicte Dame et ceulx de son conseil seroient pour +changer beaucoup de leurs premieres delliberations, mesmement en +l'endroict de la Royne d'Escoce, si je ne mettois peyne de luy +persuader le contraire. + +Ce qui m'a faict estendre plus avant le propos, lequel seroit long a +mettre icy; mais elle a monstre de l'avoir bien fort agreable, et m'a +respondu que le dict sieur de Valsingan avoit trouve les parolles, +dont Vostre Majeste et la Royne, vostre mere, luy avoient use sur la +conjoyssance de la paix, si pleynes d'honneur et si dignes, qu'il +n'avoit ose entreprendre de plus particullierement les luy exprimer +que de l'asseurer que de plus dignes n'en pouvoient estre proferees de +nulz princes de la terre; et que, sur ce que je luy en disoys +meintennant, elle remercyoit infinyement Voz Majestez d'avoir vollu +ainsy penetrer en son cueur, pour y bien cognoistre l'affection, +qu'elle a, trop plus certaine et vraye, que nul de toutz vos allyez, a +la dicte paix de vostre royaulme; et que, tout ainsy qu'elle a cy +devant prie Dieu de la vous donner, que ainsy, a ceste heure, que vous +l'avez, elle le prie de la vous conserver si entiere que nulz plus +obeyssantz ny plus fidelles subjectz a leur prince que les vostres, ny +nul meilleur prince que Vostre Majeste a eulx, se puyssent trouver en +tout le monde. + +Et a poursuyvy aulcunes particullaritez qui sembloient bien extraictes +de la susdicte lettre; mais je y ay respondu en facon qu'elle m'a +semble demeurer bien ediffiee des choses de vostre royaume; et puys +j'ay adjouxte que le Sr de Valsingan, a mon adviz, n'avoit failly de +luy dire ce que Vostre Majeste me commandoit de luy represanter +encores une foys, c'est que vous aviez este bien fort escandalise du +dernier exploict du comte de Sussex en Escoce, et que une seule chose +vous avoit contante, que ses deux ambassadeurs, et moy pareillement +par mes lettres, vous avions asseure que cella estoit advenu sans son +sceu et sans son commandement; en quoy vous la vouliez donc tres +expressement prier de fere quelque reparation ou demonstration la +dessus, par ou les Escoucoys peussent cognoistre que son intention, +aussi bien que la vostre, avoit este d'abstenir de toute voye +d'hostillite, et de remettre toutz leurs differans a ung bon trette +d'accord, ainsy que, sur la parolle d'elle, vous les en aviez +asseurez, et aviez differe de leur bailler vostre secours; et qu'au +reste vous aviez heu ung singulier playsir d'entendre qu'elle eust +envoye ses depputez devers la Royne d'Escoce pour commancer de +proceder au trette; et que Vous, Sire, et la Royne, chacun separement, +en voz lettres, me commandiez de la prier et conjurer, au nom de +l'amytie, que luy portez, qu'elle vous fit meintennant cognoistre +combien elle vouloit satisfere aulx choses, qu'elle vous a faictes +esperer, et que asses souvant elle vous a promises, pour la liberte et +restitution de la Royne d'Escoce, et de tourner son cueur a ne vous +vouloir ny offancer ny mescontanter en cella, ains correspondre a ce +que, pour le seul respect de son amytie, et non d'aultre chose, vous +desiriez qu'on ne vint aulx viollantz remedes, dont l'on vous +recherchoit tres instantment d'y user; et que plusieurs raysons, +lesquelles vous luy aviez desja faictes entendre, pressoient vostre +honneur et vostre debvoir, et l'honneur de vostre couronne, de +n'abandonner, en facon du monde, ny la liberte, ny la restitution de +ceste pouvre princesse, vostre belle soeur, ny mesmes les afferes de +ceulx qui soubstiennent son party en Escoce, quant bien elle n'y +seroit plus, et de n'y espargner nul moyen, ny pouvoir, que Dieu vous +ayt donne en ce monde; dont desiriez infinyement que le dict trette +sortit a effect, et que, par icelluy, elle demeurast contante et bien +satisfaicte de tout ce qu'elle pouvoit honnestement et honnorablement +demander a la Royne d'Escoce, pourveu que ce ne fut contre sa +consience, ny contre sa dignite, ny contre son estat, ny au prejudice +des trettez, que vous avez avec l'Angleterre, ny derrogeant a vostre +alliance avec les Escoucoys; car, au reste, vous vouliez, de bon +cueur, estre garant de toutes les choses qui seroient promises et +accordees par le trette. + +Auquel propos, qui a este avec attention, mais non sans passion, fort +dilligemment escoute de la dicte Dame, elle m'a respondu qu'elle +s'esbahyssoit grandement, comme Voz Majestez Tres Chrestiennes avez +tant a cueur la Royne d'Escoce, que ne vollussiez avoir aulcune +consideration aulx grandes offances, qu'elle luy a faictes: +premierement, de luy inpugner sa condicion pour la fere declairer +illegitime; puys de s'estre attribuee le titre de son royaulme; et +finallement, d'avoir esmeu ses propres subjectz contre elle; et que ce +eust bien este asses a Voz Majestez de l'avoir faict admonester une +foys d'y proceder, sellon que l'honneur et debvoir l'y pouvoit +convyer, sans luy en fere si souvant repeter les instances, comme, a +toutes les audiences, je ne faillois de les luy renouveller; et que, +puysque j'en avois esmeu le propos, elle me vouloit bien dire que ung +pacquet d'une dame d'Escosse luy estoit, despuys deux jours, tumbe +entre mains, dedans lequel elle avoit trouve une enseigne d'or, en +laquelle estoit engrave ung lyon avec les armes d'Escoce, soubstenuz +de deux cornes, et ung liepart avec les armes d'Angleterre, lequel le +lyon dessiroit, et ung mot en Anglois qui dict: _ainsy abattra le Lyon +Escoucoys le Liepart Anglois_; et puys une lettre d'une dame, qui se +soubsigne _Flemy_, laquelle mande a milord de Leviston, de presenter +la dicte enseigne a la Royne d'Escoce, sa bonne Mestresse, laquelle en +entendra bien la signiffication, qui est celle propre qu'elles ont +souvant devisee et desiree entre elles; et que cella, avec plusieurs +aultres occasions, la randoient de plus en plus offancee contre la +dicte Dame. + +A quoy j'ay replique que, si elle consideroit en quelle bonne sorte et +modeste facon vous l'aviez toutjour faicte requerir sur les affaires +de la dicte Royne d'Escoce, elle se reputeroit vous en avoir de +l'obligation, et non qu'elle s'en tint mal contante, comme j'esperois +que le temps le luy feroit quelquefoys cognoistre; et que, si elle y +eust vollu entendre la premiere foys, nous en fussions a ceste heure +aulx mercyemens, et non plus aulx tant repetees instances; et qu'au +reste je ne faysois doubte que plusieurs en Angleterre, et plusieurs +en Escoce, ne cerchassent, par le moyen d'elle, de ruyner la Royne +d'Escoce, et plusieurs aussi, par la Royne d'Escoce, de la ruyner a +elle, s'ilz pouvoient; mais qu'elles feroient bien de s'accorder +ensemble a la propre ruyne d'eulx, et a leur confusion; et que +c'estoit a elle de cercher meintennant ou sa vengeance, ou sa +seurete, en cest affere; et si c'estoit sa vengeance, qu'elle +considerat les dangereuses consequences qui en pouvoient advenir, et +combien elle s'aquerroit par la l'indignation de toutz les aultres +princes, et la hayne generalle des habitans de ceste isle et de +presque toute la Chrestiente; si, sa seurete, que Vostre Majeste +concourroit a la luy fere trouver telle, comme elle la pourroit +desirer. + +A quoy la dicte Dame, avec affection, m'a prie de vous escripre que, +pour l'honneur de Vostre Majeste, et non pour aultre respect du monde, +elle a commance d'envoyer ses depputez, et de proceder, envers la +Royne d'Escoce, en une facon que nul aultre prince, ny princesse +offancee comme elle, ne l'eust jamais faict, et qu'elle se contraindra +a toutes les conditions, qu'il luy sera possible, pour remettre la +dicte Dame, par la voye du trette, le plus honnorablement qu'elle +pourra, en son royaulme; et, quant elle ne le pourra en ceste facon, +qu'encor vous donne elle parolle de la renvoyer, commant que soit, a +ceulx qui tiennent son party en son pays, car ne la veult plus retenir +en son royaulme; et que, par ainsy, elle espere vous satisfere si bien +que vous n'aurez plus occasion de vous quereller de ce faict, ny de +luy en fere plus parler. Qui sont, Sire, les principaulx poinctz qui +ont este desduictz en ceste audience. Sur ce, etc. Ce XXVe jour +d'octobre 1570. + + + + +CXLIIe DEPESCHE + +--du XXXe jour d'octobre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Estienne, le postillon._) + + Negociation concernant Marie Stuart.--Nouvelles d'Ecosse.--Avis + que le duc d'Albe demande a quitter le gouvernement des + Pays-Bas.--Affaires d'Allemagne.--Ligue contre les Turcs. + + + AU ROY. + +Sire, le retour des depputez de la Royne d'Angleterre ne nous faict +que bien esperer du trette, qu'ilz ont encommance avec la Royne +d'Escoce, de laquelle, et des responces qu'elle leur a faictes, semble +qu'ilz ayent miz peyne d'en fere prendre beaucoup de contantement a +leur Mestresse, et qu'enfin le trette se conclurra; lequel se fut +desja advance de dresser, avant la venue des depputez d'Escoce, si la +malladie de milord Quiper ne fut survenue, laquelle est cause qu'on +s'est resolu d'attandre qu'ilz soient arrivez; et que cependant +icelluy Quiper pourra estre guery. Je mettray peyne, Sire, d'entendre +par Mr de Roz, aussitost qu'il sera de retour en ce lieu, les +susdictes responces de la Royne d'Escose, affin de les vous mander; et +vous manderay, par mesmes moyen, ce que j'auray aprins d'une depesche, +qui vient d'arriver du comte de Lenoz, laquelle aulcuns presument +estre pour certaine surceance d'armes, qui doibt estre accordee pour +deux mois en Escoce. Et j'entens que le gentilhomme, qui l'a apportee, +dict que le duc de Chastellerault, et ceulx du party de la Royne +d'Escoce, s'opiniastrent de vouloir tenir une assemblee, sur le faict +de l'estat du pays, nonobstant la depesche de leurs depputez par +deca; et que le Sr de Flemy est sorty en armes de Dombertran pour se +saysir des lieux plus prochains de sa place, affin d'y dresser des +logis et estables, comme pour y recepvoir la gent et cavallerie qu'il +attand bientost de France; laquelle persuasion, avec le raport que le +cappitaine Comberon faict de la ferme affection, en quoy il a trouve +Voz Majestez vers les choses d'Escoce, pourront aulcunement servyr a +l'advancement du dict trette. + +Et y eust pareillement servy asses le doubte, auquel la Royne +d'Angleterre demeuroit du retour de l'armee, qui est alle conduyre la +Royne d'Espaigne, si elle n'eust receu ung adviz, (qui est asses +semblable a ung aultre, que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, en +a, bien qu'il dict ne le tenir du duc d'Alve), que la dicte armee est +reservee pour ramener en Flandres la princesse de Portugal, affin d'y +estre regente, et le duc de Medina Celi, qu'elle admeyne pour y estre +cappitaine general et superintendant des afferes soubz elle; et +qu'avec la mesmes armee le dict duc s'en retournera, puis apres, en +Espaigne, et que, despuys l'embarquement de sa Mestresse, icelluy duc +a encores depesche ung des siens, en dilligence, devers le Roy son +Maistre, pour fere, en toutes sortes, resouldre son conge,[16] +remonstrant son eage et son indisposition; et qu'il a remiz le pays en +ung si bon et si paysible estat, et si hors de toute souspecon de +guerre, qu'on ne doibt plus rien craindre de ce coste, ayant faict +executer les principaulx chefz de la cedition, et ruyne si bien toutz +les moyens et la reputation du prince d'Orange, qu'il n'ose plus +sortyr de Nausau; qu'il a miz ung si bon nombre des principaulx +princes d'Allemaigne en la pencion de son Maistre, que les aultres ne +luy pourront nuyre; qu'il a accreu ses revenuz de Flandres de douze +centz mil escuz par an; qu'il a ascheve la forteresse d'Envers; +ordonne celle de Vallenciennes; estably les evesques; confirme la +noblesse; reduict les loix, coustumes et ordonnances; et si bien +pourveu a toutes choses au dict pays, qu'il ne reste qu'a y entretenir +le bon ordre qu'il y layssera; et que mesmes il a achemine en si bonne +facon ce qu'il avoit a demesler avecques les Anglois, qu'on vit en une +doulce surceance avec eulx, avec grande esperance d'un fort prochain +et entier accord. Lequel adviz semble que la dicte Dame tienne pour +asses veritable, et quoy que ce soit, elle a fait ramener en leur +arcenal accoustume de Gelingan les dix navyres qu'elle avoit envoyez +convoyer la Royne d'Espaigne, et a faict licencier les gens et +mariniers qui estoient dessus, et faict cesser toutz ses aultres +aprestz et apareilz de mer. + + [16] Le duc d'Albe avait ete investi du gouvernement des Pays-Bas + en 1566. Le projet dont il est ici mention ne fut pas execute; il + fut maintenu dans sa charge jusqu'a la fin de 1573, epoque a + laquelle il ceda le gouvernement a don Louis de Requessens, + commandeur de Castille, apres avoir publie une amnistie generale, + au mois de decembre de cette annee. + +Le sire Henry Coban escript d'Espire qu'il sera respondu sur les +choses qu'il a proposees a l'Empereur, incontinent apres que les +nopces de la princesse Elizabeth seront faictes, et j'entans que, a la +verite, il a renouvelle le propos du mariage de l'archiduc Charles, +mais l'on ne l'a suyvy ainsy chauldement qu'il esperoit. D'aultres +lettres sont venues d'Allemaigne, qui font mencion de certein +differant, qui cuyda arriver a Heldelberc, devant l'Empereur, entre +Jehan Georges Pallatin et Jehan Guilhaume de Saxe, sur leur +precedance, a qui seroit premier assiz au festin, de sorte qu'ilz +furent prestz de mettre la main aulx armes; mais l'Empereur assembla +soubdein les principaulx, qui estoient pres de luy, et prononcea pour +le dict Georges, remonstrant si bien la rayson a l'aultre, que la +chose se passa gracieusement; et que le comte Pallatin avoit +instamment prie l'imperatrix et la princesse sa fille, qu'elles +vollussent accompaigner l'Empereur en sa mayson de Heldelberc; mais la +dicte Dame s'en estoit excusee en une facon si resolue de n'y vouloir +aulcunement aller, que le dict Pallatin en estoit demeure asses mal +contant; que l'Empereur avoit une grande affection d'entrer en la +ligue contre le Turc, et qu'il estoit apres a persuader le Vayvaulde +de renoncer a l'alliance et a la souveraynete d'icelluy, et de luy +deffandre l'entree de la Transilvanie, luy promettant, s'il perdoit, +pour ceste occasion, rien de son estat qu'il le recompenseroit en +Bohesme; et qu'on avoit opinion, s'il pouvoit conduyre le dict +Vayvaulde a cella, que les Estats de l'Empyre luy consentiroient +vollontiers d'entrer en la dicte ligue, et s'obligeraient a luy +bailler deniers et secours pour icelle, bien qu'on souspeconnoit asses +que, n'ayantz les Venitiens este secouruz a propos de ceulx de la +susdicte ligue, ils cercheront d'accommoder leurs afferes et de +procurer en toutes sortes par deniers, ou bien en accordant quelque +tribut sur Chipre, de fere paix avec le dict Turc; au moyen de quoy +ceste ligue demeureroit, puys apres, asses froide, et bien fort +foible. Sur ce, etc. Ce XXXe jour d'octobre 1570. + + + + +CXLIIIe DEPESCHE + +--du IXe jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyee a la court par Mr le secretaire de L'Aubespine._) + + Audience.--Vives plaintes de la reine contre la reception faite + par le roi a Mr de Norris, son ambassadeur, et contre la + declaration du roi en faveur de la reine d'Ecosse.--Necessite + ou se trouve le roi de reclamer la liberte de Marie + Stuart.--Protestation qu'il ne veut pas rompre la + paix.--Communication officielle du mariage du roi.--Compliment + de la reine sur cette union.--_Lettre secrete a la reine-mere_ + sur la proposition du mariage de la reine d'Angleterre avec le + duc d'Anjou.--_Memoire._ Bruits repandus en Angleterre et en + Allemagne que la pacification de France n'est point serieuse, + et qu'elle cache quelque secret dessein du roi.--Details + particuliers concernant la negociation avec la reine + d'Ecosse.--Rapprochement entre l'Angleterre et + l'Espagne.--Plainte de Walsingham au sujet de l'accueil que lui + a fait le roi dans son audience de conge. + + + AU ROY. + +Sire, estant, sabmedy dernier, avec la Royne d'Angleterre pour luy +fere part de la depesche, que Mr de L'Aubespine m'a apportee, et des +aultres choses qu'il m'a sagement faictes entendre de l'intention de +Vostre Majeste, j'avois advise de luy commancer quelque gracieulx +propos de vostre mariage, ainsy qu'on m'avoit adverty que je me +gardasse bien de luy user d'aulcune rigoureuse demonstration, si je ne +voulois donner aulx ennemys de la Royne d'Escoce l'entier gain de leur +cause, et advancer grandement les afferes d'Espaigne, pour d'aultaut +deffavoriser toutz ceulx de France en son endroict; et que c'estoit a +l'occasion de certaine deffaveur, que son ambassadeur luy avoit mande +qu'il avoit naguieres receu de Vostre Majeste, meslee de quelque +menace contre elle mesmes, sur les afferes de la Royne d'Escoce, de +quoy elle estoit fort offancee; et que noz ennemys s'esforceroient d'y +semer encores du verre, pour randre la playe incurable; par ainsy, +qu'il estoit besoing que je radoulcisse le faict. + +Mais la dicte Dame me prevint, car aussitost que j'entray en sa +chambre privee, elle s'advanca de me dire qu'elle me recepvoit mieulx +que son ambassadeur ne l'avoit este en sa derniere audience en France, +me remonstrant la facon dont Vostre Majeste avoit parle a luy; de +laquelle disoit estre de tant plus marrye que deux aultres +gentishommes anglois, qui n'avoient jamais plus veu vostre court, luy +avoient raporte, premier que son ambassadeur luy en eust rien escript, +qu'elle ny ses messagiers n'estoient guieres prisez ny respectez en +France. + +Sur quoy l'ayant escoutee paciemment, je luy respondiz que je n'avois +rien entendu de cest affere, et que je scavois, et estois bon +tesmoing, que Vostre Majeste avoit toutjours bien receu, avecques +beaucoup d'honneur et faveur, ses ambassadeurs, et toutz les propos +qu'ilz vous avoient toutjours tenuz de sa part, aultant que de nul +aultre prince ny princesse de la terre; ce qui me faisoit croyre que +l'ocasion n'estoit meintennant procedee de Vostre Majeste; et j'en +comprenois quelque chose parce qu'elle-mesmes disoit que vous aviez la +botte, quant son ambassadeur arriva, et que vous luy aviez demande +comme est ce qu'il venoit a telle heure; et qu'au reste, elle debvoit +interpreter a bien la franchise de vostre parler sur les afferes de la +Royne d'Escoce; mesmes que s'estant la dicte negociation continuee +despuys par lettres, vous m'aviez envoye la coppie de celle, que vous +aviez escripte a son ambassadeur; laquelle je trouvois fort +honnorable, et bien conforme a tout ce qui pouvoit convenir a +l'entretennement de vostre commune amytie. + +Elle me repliqua qu'elle ne scavoit que penser de la dicte reponse par +escript, et s'esbahyssoit asses comme Vostre Majeste y avoit vollu +adjouxter de sa main, me priant de la luy monstrer, si je l'avois +presente, affin que la debatissions ensemble, dont la luy ayant +monstree, elle me dict, par deux foys, qu'elle n'estoit semblable a +celle qu'elle avoit desja veue; et que neantmoins elle trouvoit en +ceste cy cella bien dur, que vous disiez vouloir secourir la Royne +d'Escoce en ceste sienne necessite, et procurer sa liberte par toutz +les moyens que Dieu avoit miz en vostre puyssance; et qu'estant la +dicte Royne d'Escoce entre ses mains, vous inferiez par la que si elle +ne la restituoit par le trette, que vous luy denonciez desja la +guerre. + +Sur quoy je luy desduysis les raysons, par lesquelles Vostre Majeste +ne pouvoit moins dire que cella, ny moins fere que ce que vous en +disiez; et quant elle vouldroit, d'un coeur non ulcere, considerer +l'estat de cest affere, que non seulement elle ne se tiendroit pour +offancee, ains cognoistroit vous avoir beaucoup d'obligation de +l'honneste et modeste facon, dont vous y aviez procede; et que, +nonobstant les lettres de son dict ambassadeur, suyvant les +honnorables propos et honnestes demonstrations de contantement, dont +elle vous avoit use touchant vostre mariage, lorsque luy en aviez +premierement escript l'accord, vous me commandiez de luy dire en quoy +en estoient meintennant les choses; qui esperiez que son playsir +augmenteroit de scavoir qu'elles fussent ainsy bien advancees qu'elles +estoient, et prestes de recepvoir ung bien prochain et bien heureulx +accomplissement; et luy particularisay le voyage de Mr le comte de +Retz a Espire, affin d'apporter les pouvoirs a l'archiduc Ferdinand, +pour espouser, au nom de Vostre Majeste, la princesse Elizabeth sa +niepce, et comme la ceremonye s'en debvoit celebrer, le XVe du passe, +par l'archevesque de Mayance, et puys s'acheminer la dicte Dame, le +XXIIIIe du dict moys, grandement accompaignee, en France; et que +Monseigneur, frere de Vostre Majeste, et Madame de Lorrayne, vostre +soeur, estoient desja vers la frontiere pour la recepvoir et pour la +mener fere sa premiere entree a Mezieres, ou toute sa mayson luy +seroit presentee, et de la a Compiegne, auquel lieu Voz Majestez +preparoient desja ce qui convenoit a un si solempnel et si royal +mariage, pour le XVe du present; et puys l'on conduyroit la dicte Dame +a St Deniz pour la sacrer et couronner Royne de France; et se parloit +de l'entree a Paris au premier jour de l'an, quant messieurs les +mareschaulx et aultres principaulx seigneurs, qu'aviez envoyez, pour +establir, sans dilay ny excuse, vostre eedict par toutes les provinces +de vostre royaume, pourroient estre de retour; et que, comme Vostre +Majeste et la dicte Royne d'Angleterre aviez accoustume d'agreer, +l'ung a l'aultre, la communication de voz bonnes fortunes et +prosperitez, que vous luy aviez bien vollu fere part de ceste cy, pour +l'asseurer que ceste vostre nouvelle alliance n'estoit pour diminuer, +ains pour fortiffier et augmenter davantaige celle que vous avez, et +en laquelle vous voulez bien perseverer, avec elle; et que je croyois +que vous seriez bien ayse d'entendre qu'elle fust en ces mesmes +termes, ou a present vous trouviez, fort allegre et bien dispose, +affin que mutuellement vous vous peussiez conjoyr de son contantement, +comme vous vous asseuriez qu'elle se resjouyssoit bien fort du vostre. + +La dicte Dame, avec abondance de playsir, me respondit que cest +agreable propos effacoit beaucoup la dolleur qu'elle avoit pris de +l'aultre, et qu'elle vous randoit le plus expres grand mercys qu'elle +pouvoit de la communication, qu'il vous playsoit luy fere, de chose si +privee, et apartenant de si pres a vostre personne, comme est vostre +mariage; et qu'elle n'avoit pas pense que les choses fussent si pres +de leur accomplissement, car eust prepare d'y envoyer de ses +gentishommes pour y assister; et qu'il semble qu'encor que les +espousailles du Roy d'Espaigne ayent precede, que neantmoins voz +nopces seront plustost consommees, et qu'elle vouldroit de bon cueur +pouvoir estre a la feste; car monstreroit a tout le monde qu'elle se +resjouyt plus veritablement de vostre prosperite et contantement, +qu'il ne luy est possible de l'exprimer par parolle; que, touchant le +premier propos concernant son ambassadeur, elle me prioit de vous en +mander le mal qu'elle en avoit sur le cueur, et qu'elle esperoit que +vous luy en donriez quelque satisfaction, qui la gueriroyt, et luy +osteroit tout l'empeschement, qu'elle avoit, de ne se pouvoir tant +resjouyr de ce segond propos du mariage comme elle desireroit de le +fere; que, touchant le dict segond propos, elle vouloit prier Dieu de +benyre l'espoux, et l'espousee, et les nopces, avec toute la posterite +qui en viendroit, laquelle se pourroit dire estre de la plus royalle +et noble extraction de la terre; et que, touchant la Royne d'Escoce, +qu'elle avoit trouve les responces, qu'elle avoit faictes a ses +depputez, fort honorables, dont n'estoient guieres loing d'accord +entre elles; et que les depputez d'Escoce seroient bientost icy, pour +y proceder du premier jour, comme il luy tardoit, plus qu'a nul aultre +de ce monde, que cella print bientost une bonne fin; et, au regard de +ce que je luy avois touche de la pleincte de ceulx de Roan, qu'elle y +feroit dilligemment regarder par ceulx de son conseil, affin de vous +donner, en l'endroict de ceulx la, occasion de fere bien tretter toutz +ses subjectz en France, comme elle desire qu'ilz y continuent leur +traffic. + +Et y a heu plusieurs aultres privez discours entre la dicte Dame et +moy; lesquelz je remetz, avec plusieurs aultres choses, a Mr de +L'Aubespine pour les vous fere entendre, de la mesmes suffizance, +qu'il m'a tres dignement raporte celles que Vostre Majeste luy avoit +donne charge de me dire, et vous presentera les recommendations de la +Royne d'Angleterre, comme elle l'a encharge de ce fere. Sur ce, etc. +Ce IXe jour de novembre 1570. + + + A LA ROYNE. + +Madame, il est venu fort a propos, par l'arrivee de Mr de L'Aubespine, +que j'aye heu a parler a la Royne d'Angleterre du contenu de la +depesche, qu'il m'a apportee, de Voz Majestez, du XIXe du passe; +suyvant laquelle j'ay adoulcy, par les gracieulx propos du mariage du +Roy, le mieulx que j'ay peu, le courroux, que la dicte Dame avoit, du +malcontantement, que son ambassadeur, Mr Norrys, luy avoit mande qu'on +luy avoit naguieres donne en France, ainsy que, plus au long, je +l'escriptz en la lettre du Roy, vous supliant tres humblement, Madame, +que, la premiere foys que Voz Majestez verront le dict ambassadeur, +elles luy veuillent dire quelque bonne parolle de faveur, et me +commander, par vos premieres, d'en dire quelque aultre de satisfaction +icy a la dicte Dame; car, avec bien peu, j'espere que tout cella se +rabillera. Elle a suyvy avecques playsir et a faict longuement durer +le propos, que je luy ay commance, du dict mariage du Roy, et est +venue a parler du sien: qu'elle n'avoit faict bien de ne se maryer +poinct, mais qu'elle estoit desja si vieille que nul, de ceulx qui y +pourroient pretandre, n'en avoit plus de volonte, et qu'elle n'avoit +jamais pense d'en espouser, qui ne fut de mayson royalle; que +l'Empereur avoit bien employe son voyage d'avoir loge ses deux filles +aulx deux plus grandz Roys; et qu'elle avoit este bien ayse de pouvoir +honorer celle qui estoit allee en Hespaigne, pour l'amour du pere, qui +la luy avoit recommandee, et l'avoit priee de favoriser et asseurer +son passaige; et que, ayant sceu comme elle estoit arrivee, a +saulvement, en Espaigne, elle avoit soubdain depesche ung homme expres +a Espire pour l'en advertyr; qu'elle s'asseuroit que, la ou l'Empereur +establyroit son alliance, qu'il procureroit d'y confirmer aussi celle +d'Angleterre. + +Ausquelles choses je luy ay respondu que Voz Majestez recepvroient +grand contantement des honnorables propos, qu'elle tenoit du mariage +du Roy, et loueroient fort sa prudente delliberation d'avoir reserve +franche sa vollonte pour se maryer, quant il luy plairoit, et que +mesmes ce soit avec un royal prince; que, a la verite, elle avoit +favorise et honnore grandement le passaige de la Royne d'Espaigne, de +laquelle j'entendois qu'elle se contantoit bien fort, par les bonnes +parolles et honnestes lettres, que sire Charles Havart luy en avoit +raporte; et que j'esperois qu'elle recepvroit encore plus de +contantement de la Royne, sa soeur, et se termina pour lors le propos, +et toute l'audience, avec beaucoup de plesir et contantement de la +dicte Dame; laquelle, demeurant en quelque craincte de la determinee +resolution en quoy elle voyt que Voz Majestez Tres Chrestiennes, pour +leur honneur, perseverent de vouloir secourir la Royne d'Escoce, et +neantmoins que vous avez desir de conserver son amytie, et ne +l'offancer, elle se monstre plus disposee de parachever le trette; +lequel nous poursuyvrons, avec la plus continuelle instance, qu'il +nous sera possible, comme la Royne d'Escoce, de son coste, ne pert en +cella heure, ny moment. Sur ce, etc. + + Ce IXe jour de novembre 1570. + + + A LA ROYNE. + + (_Aultre lettre a part._) + +Madame, quant Vostre Majeste me depescha, present le Roy et +Monseigneur, voz enfans, pour venir en ceste charge, elle me +descouvrit ce mesmes desir, dont, a present, il luy playt me fere +mencion par sa petite lettre du XXe du passe[17]; et je vous suplie +tres humblement, Madame, de croyre que j'ay toutjour, despuys, fort +soigneusement regarde s'il y auroit nul moyen de l'effectuer, sans que +j'ay este ny endormy, ny paresseux, de penetrer, aultant qu'il m'a +este possible, ez afferes de deca et en l'intention de ceux qui les +manyent, par des voyes toutesfoys bien esloignees du dict propos, pour +voir s'il y auroit rien qui s'y peult bien raporter et accomoder. En +quoy, si j'eusse trouve quelque fondement, je n'eusse differe une +seule heure de le vous mander, ny en eusse perdu une aultre a le bien +et dilligemment poursuyvre. Mais, Madame, voycy en quoy, pour quel +regard que ce soit, en sont meintennant les choses: que la Royne +d'Angleterre, quoy qu'elle ayt donne charge au jeune Coban de +renouveller, par motz couverts et artificieulx, le propos du mariage +de l'archiduc; et que, asses souvant, elle et les siens en jettent +d'aultres, bien expres, touchant Monseigneur vostre filz, ce n'est +toutesfoys, quant a l'archiduc, que pour monstrer de vouloir accepter +l'alliance de la maison, d'ou les deux grandz Roys se sont +nouvellement allyez; et rabiller par ce moyen, si elle peult, ses +differans avec le Roy d'Espaigne, et fere prendre de la quelque +jalouzie a Voz Majestez Tres Chrestiennes, comme aussi en fere prendre +encores une plus grande au Roy d'Espaigne du propos de Mon dict +Seigneur, vostre filz; et s'entretenir, par la reputation de ces deux +grandz partys, en plus grande estime envers les siens. Mais le +jugement d'ung chacun est conforme a celluy que faict Vostre Majeste, +qu'elle ne se soubsmettra jamais a nul mary, ainsy que, d'elle mesmes, +elle s'en monstre toutjour asses esloignee; et les siens l'en +detournent davantaige, affin de disposer toutjour, ainsy qu'ilz font, +d'elle et de son royaulme. + + [17] _Lettre, escrite de la main de la Roine mere, a Mr de La + Mothe Fenelon, pour lui estre rendue en mains propres_, du 20 + octobre 1570:--"Monsieur de La Mothe Fenelon, monsieur le + cardinal de Chastillon a faict tenir propos a mon fils, le duc + d'Anjou, d'une ouverture de mariage de la royne d'Angleterre et + de mon dict fils..." Voir le _Supplement a la Correspondance + Diplomatique de La Mothe Fenelon_, contenant les lettres qui lui + etaient ecrites de la cour. + +Et ung des principaulx, qui soit aupres d'elle, a naguieres dict que, +despuys trois moys, le vydame de Chartres a mene une secrecte pratique +avec le secretaire Cecille, pour le mariage de Mon dict Seigneur, +vostre filz, avec elle; et qu'il a offert de fere, par ce moyen, +advancer le tiltre de ceux de Herfort a ceste couronne, au cas que la +dicte Dame ne puysse avoir d'enfans; et que le propos n'a peu estre +que bien ouy, pour le regard de Mon dict Seigneur, de presque toute la +noblesse; mais que la pluspart d'icelle l'a mal receu et heu fort +odieux touchant ceux de Herfort; et qu'il jugeoit que le dict vydame +n'y avoit pas grand moyen, mais qu'il avoit advance cella pour +complayre au dict Cecille, sachant l'extreme affection, qu'il a, a +ceulx de Herfort; lesquelz sont deux petitz masles, issuz de celle +madame Catherine[18], prochaine de ceste couronne, qui est morte dans +la Tour. Et n'y a poinct de fille en ce royaulme, petite ny grande, +qui pretande a la dicte succession, sinon une soeur de la dicte dame +Catherine, qui est bossue, et a espouse un huissier de la salle de +presence, ny la Royne d'Angleterre n'a la vollonte d'en adopter pas +une; et croy que, quant elle le vouldroit fere, au prejudice de ceulx +qui y pretandent droict, qu'elle ne le pourroit effectuer par le +parlement, ny mesmes en fere declairer ung des pretandans, tant les +partz sont contraires, et les maysons principalles de ce royaulme +opposantes l'une a l'aultre sur ce poinct. De quoy j'estime que le +droict de la Royne d'Escoce ne s'en rendra que plus fort, bien qu'il +semble qu'un tel faict ne se demeslera, sans beaucoup de debat. + + [18] Catherine, soeur puinee de Jeanne Gray. Elle avait epouse le + comte de Hereford, et deux enfans etaient issus de ce mariage, + Henri et Edouard. Marie, derniere soeur de Jeanne Gray, avait ete + mariee a un simple gentilhomme nomme Keyt. + +Quelcun m'a dict qu'on a vollu aussi proposer le mariage du Prince de +Navarre avec ceste Royne, le faisant le plus riche subject de +l'Europe, et allegant quelques droictz, qu'il a nouvellement gaignez, +en la chambre imperialle, contre le Roy d'Espaigne, qu'on dict valloir +plusieurs millions d'or, mais le propos n'a este suyvy. + +Or, Madame, je ne voys pas qu'il y ayt lieu de mettre, pour ceste +heure, rien en avant de nostre coste, et, par ainsy, je m'en tayray du +tout, ainsy qu'il vous playt me le commander, bien que je vous suplye +de ne laysser de suyvre et escouter benignement ce qu'on vous en +pourra toucher, monstrant que les plus grandes difficultez vous +semblent estre du coste de la dicte Dame; sans toutesfoys advancer +parolle, de laquelle elle se puysse advantaiger. Et cependant je +veilleray, plus que jamais, sur ce qui se pourra descouvrir ou venir +en lumyere, propre a cest effect, vous voulant bien advertyr, au +reste, Madame, que de France, l'on a naguieres escript a la Royne +d'Angleterre que Vostre Majeste ne desire aulcunement l'expedition des +afferes de la Royne d'Escoce, ains que vous auriez playsir qu'elle ne +bougeat encores d'Angleterre; de quoy semble que l'evesque de Roz ayt +heu un semblable adviz de ceste court, mais je luy ay faict cognoistre +qu'il n'y a rien au monde plus faulx que cella. Sur ce, etc. + + Ce IXe jour de novembre 1570. + + POURRA LE DICT SIEUR DE L'AUBESPINE, oultre le contenu de la + depesche, dire a Leurs Majestez: + + Que quelques ungs du conseil d'Angleterre incistent fermement a + la Royne, leur Mestresse, de ne debvoir, en facon du monde, + tretter avec la Royne d'Escoce; et que, pour nulles menaces, ny + effortz, qu'elle ayt a craindre du coste du Roy, elle ne se doibt + haster de la delivrer, car jugent que la paix ne sera de duree en + France; et que, par aulcunes lettres et adviz, qu'ilz ont de + della la mer, ilz ont descouvert que le Pape, le Roy d'Espaigne, + et les Veniciens sont proprement ceulx qui ont conseille de la + fere ainsy qu'elle est, pour peur, qu'ilz avoient, que ceux de la + nouvelle religion ne gaignassent tant d'advantaige, pendant que + eulx seroient occupez en la guerre du Turc et en celle des Mores, + qu'il ne fut, puys apres, plus temps d'y remedier; et que + neantmoins, ilz ont promiz au Roy, qu'aussitost qu'ils se + verroient demeslez de ces deux guerres, qu'ilz luy fornyroient + ung si notable secours qu'il pourroit fort ayseement purger son + royaulme de toute ceste secte de Huguenotz; + + Que cella se trouvoit ainsy confirme par une depesche de Mr le + Nonce a l'aultre Nonce, qui est en Espaigne, laquelle avoit este + interceptee, et qu'on avoit trouve dedans la coppie d'une lettre + du Pape a Mr le cardinal de Lorrayne, qui en faisoit asses + expresse mencion; + + Que, nonobstant les bonnes demonstrations du Roy sur l'observance + de la paix, que les aultres Princes et les principaulx de la + court ozoient asses ouvertement declairer qu'ilz l'avoient a + contre cueur; et que, a Thoulouse et a Lyon, ne la vouloient + encores bien recepvoir, ce qui estoit signe qu'elle s'en iroit + plustost rompue que establye; + + Et qu'ilz scavoient que le Roy mesmes, accompaigne de Mrs les + cardinaulx, et d'aulcuns princes, et aultres plus privez de son + conseil, avoit, par acte fort secrect, dict et declaire, en sa + court de parlement de Paris, que son intention n'estoit + d'entretenir aulcunement deux religions en son royaulme; et que + ce, qu'il avoit instantment pourchasse la paix, avoit este pour + separer l'armee des Huguenotz, et renvoyer les estrangiers; mais + qu'apres cella il mettroit aultre ordre et une meilleure forme + aulx afferes de la dicte religion; et que aulcuns des assistans + avoient fort loue et magniffie son opinion, et avoient tout hault + randu graces a Dieu qu'il eust miz un si catholique desir dans le + cueur de nostre Roy; + + Que Messieurs les Princes et Admyral, estantz assez informez de + cecy, se tenoient sur leurs gardes, et avoient desja envoye + notiffier toutes ces particullaritez a leurs amys en Allemaigne; + et que mesmes les cappitaines et colonnelz, qui estoient venuz + vers Hembourg, pour s'asseurer de certaines levees de gens de + guerre pour les princes protestans, en avoient parle asses clair; + par lesquelles remonstrances l'on a fort essaye de persuader la + dicte Dame qu'elle devoit attandre l'evenement de ces choses de + France, premier que de rien remuer en celles d'Escoce. + + Mais j'ay, a ceste heure, tout a propos, par la venue du dict Sr + de L'Aubespine, notiffie a la dicte Dame, et asses publie en sa + court, le bon ordre, que le Roy a prins, d'envoyer messieurs les + mareschaulx et aultres seigneurs et cappitaines, avec des + maistres de requestes et des commissaires, par toutz les lieux et + provinces de son royaulme, pour y executer son eedict sans dilay, + ni excuse; ce qui faict prendre a la dicte Dame et aulx siens + meilleure opinion de nostre paix, et semble qu'elle se resould de + passer oultre au trette de la Royne d'Escoce. + + Car voycy en quoy en sont meintennant les choses, que le + secretaire Cecille et maistre Mildmay, estans de retour vers + elle, luy ont, d'entree, proteste qu'encor qu'ilz eussent + l'honneur d'estre toutz entierement siens, ses conseillers et + subjectz, qu'ilz avoient neantmoins jure a la Royne d'Escoce de + luy rapporter aultant fidellement et a la verite tout ce qu'ilz + avoient veu, cogneu et ouy d'elle, comme s'ilz fussent ses + propres messagiers; et ainsy ont faict leur raport si bon que la + dicte Dame est demeuree fort satisfaicte de la dicte Royne, sa + cousine, et en grande vollonte de conclurre ung bon trette avec + elle. + + Sur quoy, icelluy Cecille luy a demande d'ou estoit doncques + advenu que, pendant qu'ilz estoient sur le lieu, elle leur eust + mande d'agraver les condicions a la dicte Royne d'Escoce, et les + luy proposer plus dures, qu'elle ne leur avoit commande de le + fere, quant ilz partirent:--"Prenez vous en, respondit elle, a + millord Quiper, vostre beau frere; car c'est luy qui m'y a + contraincte." + + Et j'ay sceu, a la verite, que, quant le Sr de Valsingan revint + de France, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil pour + determiner des afferes de la dicte Royne d'Escoce, suyvant ce que + le Roy luy en mandoit, et leur ayant elle mesmes propose les + choses en une facon, qui la monstroient incliner bien fort a la + restitution de la dicte Dame, le dict Quiper luy respondit + seulement:--"Qu'il la voyoit si disposee en cest affere, qu'il ne + failloit que l'executer, sans plus le mettre en + delliberation."--"Ouy, dict elle, beaucoup d'ocasions, a la + verite, me meuvent de le desirer ainsy: mais je veux moderer mon + desir par vostre adviz." Il repliqua soubdain:--"Qu'il estoit la + pour la conseiller et non pour la contredire, et que, voyant son + conseil ne pouvoir avoir lieu, qu'il se deportoit de le bailler." + Sur quoy la dicte Dame, asses en collere, luy adressa ces + parolles:--"Je vous ay creu, ces deux ans passez, de toutes + choses, en mon royaulme, et je n'y ay veu que troubles, despenses + et dangiers. Je veux, a ceste heure, user, aultant de temps, de + mon propre conseil, pour voir si je m'en trouveray mieux." Et, + sur ce poinct, elle se retira dans son cabinet; mais le dict + Quiper et ceulx du conseil ne laysserent pour cella, d'alterer + assez la besoigne, et s'esforcerent, par plusieurs moyens, de + randre, touchant ceste negociation, bien fort suspect Cecille a + la dicte Dame. + + Neantmoins, despuys le retour du dict Cecille, ayant de rechef + este le conseil rassemble pour ouyr son raport et les responces + de la dicte Royne d'Escoce, encor que le dict Quiper se soit + opiniastre contre la restitution d'elle, et soubstenu qu'on + debvoit delaysser ce trette, il semble qu'il n'ayt peu rien + gaigner; et qu'a ceste occasion, il soit party de court mal + contant; et que la dicte Royne d'Angleterre se soit confirmee, de + plus en plus, de vouloir tretter. + + Dont despuys, ayant Mr l'evesque de Roz este devers elle, elle + luy a dict:--"Que ses deux depputez luy avoient raporte beaucoup + de satisfaction de la dicte Royne d'Escoce, et qu'elle trouvoit + ses responces fort honnorables; dont elles deux s'acorderoient + fort ayseement des aultres choses, qui sembloient demeurer + encores en differant; et qu'il ne restoit plus que l'arrivee des + depputez d'Escoce, lesquelz elle vouloit attandre, premier que de + passer plus oultre." Et, comme le dict sieur evesque luy toucha + ung mot de la difficulte, qu'il y avoit, de conclurre la ligue, + de peur de prejudicier a celle de France, et qu'il la pryoit + qu'il en peult communiquer avecques moi:--"Je veulx bien, dict + elle, que vous en communiquiez a l'ambassadeur du Roy, mais il ne + fault que luy, ny aultre, m'estiment si sotte, puysque la Royne + d'Escoce est entre mes mains, que je ne veuille bien pourvoir, + premier qu'elle en sorte, qu'elle n'aille estre ung instrument a + ung aultre prince de me fere la guerre." + + Et ainsy le dict sieur evesque de Roz, et moy, sommes apres a + conferer ensemble les articles et condicions, qu'on propose a la + dicte Royne d'Escosse; en quoy je incisteray fermement que + l'intention du Roy soit suyvye, ou, au moins, qu'il ne soit faict + prejudice a rien, qui touche son service; et semble qu'il est + expediant d'accommoder ces afferes par le present trette, sans + les remettre a une aultre fois, car aultrement la dicte Dame et + son estat restent en ung tres grand dangier; et de tant que les + dicts depputez d'Escosse sont desja acheminez, scavoir: du party + de la Royne, milord Herys, milord Bonet et le dict sieur evesque, + qui est desja icy; et, de la part du regent, le comte de Morthon, + milord Clames et l'abbe de Domfermelin; et qu'on les attand toutz + dans six ou sept jours, et que desja il se parle de l'entrevue + des deux Roynes, ung chacun espere que l'accord reuscyra. + + Pendant que les dicts depputez estoient avec la Royne d'Escosse, + elle a depesche ung sien tapissier, nomme Serve, en Flandres, + devers milord de Sethon, luy apporter ung pouvoir et procuration + d'elle, en forme, pour tretter avec le duc d'Alve; et luy + communiquer les articles, que les dicts depputez luy ont + proposez; et l'asseurer, qu'encor qu'elle soit en beaucoup de + necessitez, qu'elle toutesfoys ne conclurra rien sans l'adviz de + ses amys. Neantmoins, elle a, d'elle mesmes, accorde, par une + lettre de sa main, de bailler le Prince, son filz, a la Royne + d'Angleterre; et l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, + conseilloit neantmoins qu'elle luy accordat plustost les places + de Dombertran, Lislebourg, et d'Esterlin, et force ostaiges, que + non le dict Prince. + + Les gracieulx propos et honnestes lettres, que la Royne + d'Espaigne a mandez a la Royne d'Angleterre, sont cause que le + dict sieur ambassadeur commance d'estre plus respecte et favorise + des Anglois qu'il ne souloit, et qu'il est recherche, soubz main, + de vouloir demander audience de la dicte Dame, a laquelle il n'a + parle, XXII moys a, et qu'elle la luy ottroyera fort vollontiers. + Sur quoy il a respondu qu'en ayant este plusieurs foys reffuze, + il importe beaucoup a l'honneur de son Maistre que la dicte Dame + la luy veuille ottroyer d'elle mesmes; et, par ainsy, qu'il est + dellibere d'attandre qu'elle le luy mande, ou le luy face dire + par quelcun des siens. + + Et cependant, l'on a pareillement recerche le Sr Ridolfy de + reprendre le propos de l'accord des differans des prinses, sellon + ce qu'il en avoit quelquefoys miz en avant, dont desja il en a + escript une lettre a Mr le comte de Lestre, qui monstre d'y avoir + quelque affection, et il a este asses bien respondu. Je croy que + cest affere se rendra de tant plus facille, que les Anglois + trouveront de difficultez en nous; et semble que Mr Norrys se + soit, puys peu de jours, pleinct de quelque deffaveur, qu'on luy + a faicte en France, et que sa Mestresse en soit bien mal + contante: + + Comme aussi le Sr de Valsingan, parmy les propos, qu'il m'a + tenuz, des honnestes faveurs, qu'il avoit receues de Leurs + Majestez Tres Chrestiennes, il y a mesle je ne scay quoy de + deffaveur, qu'il luy sembloit que le Roy luy ayt faict, en la + seconde audience, de ne luy avoir monstre si bon visage, ny use + de si gracieuses parolles, que en la premiere; et d'avoir, luy + present, dict a Mr Norrys qu'il estoit marry qu'il s'en volust + sitost retourner, l'ayant trouve homme de bien en sa charge; et + qu'il vouloit prier la Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, de ne + luy bailler poinct de successeur, qui fut turbulant, ny homme qui + n'aymat la paix et le repos; comme si Sa Majeste entendoit de + dresser ce propos a luy, car il estoit en termes de luy succeder; + et qu'il croyoit que Mr de Glasco luy eust faict donner ceste + attache, bien qu'il ne se soit, a ce qu'il dict, jamais ingere ez + afferes de la Royne d'Escosse, sinon quant la Royne, sa + Mestresse, le luy a commande; et que je scay bien qu'il fault + obeyr a son naturel prince, quant il commande quelque chose. + + Ce qui l'avoit fort descourage d'accepter la legation en France, + craignant de n'estre agreable a Sa Majeste; toutesfoys que la + Royne, sa Mestresse, luy avoit commande de s'aprester, me priant + d'asseurer Leurs dictes Majestez Tres Chrestiennes que nul jamais + ne tiendra ce lieu, qui ayt plus droicte intention a meintenir la + paix et la bonne amytie entre nos deux Maistres et leurs deux + royaumes que luy; et que, s'en allant l'affere de la Royne + d'Escoce compose, il luy sembloit qu'il ne restoit plus aulcune + occasion de differant entre la France et l'Angleterre. A toutes + lesquelles choses je luy ay respondu, sellon l'honneur et + grandeur du Roy, et comme il debvoit prendre la franchise du + parler de Sa Majeste en bonne part; et luy ay donne, au reste, + toute bonne esperance de sa legation, voyant qu'aussi bien elle + luy estoit desja commise; et estime l'on qu'encor qu'il soit tenu + pour homme fort affectionne a la religion nouvelle, et asses + contraire de la Royne d'Escoce, que neantmoins il se rendra + modere. + + + + +CXLIVe DEPESCHE + +--du XIIIIe jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par le corier de Flandres._) + + Discussion des articles du traite propose concernant la reine + d'Ecosse.--Efforts de l'ambassadeur afin de faire accepter les + conditions envoyees par le roi.--Consentement de Marie Stuart a + ce que son fils soit donne en otage a la reine + d'Angleterre.--Motifs de cette determination, qui est contraire + aux instructions recues de France.--Etat de la negociation avec + les Pays-Bas; nouvelles de Flandre. + + + AU ROY. + +Sire, apres le partement du Sr de L'Aubespine, j'ay communique le +contenu des lettres de Vostre Majeste, du XXVIIIe du passe, qui me +sont arrivees, ainsy qu'il partoit, a Mr l'evesque de Roz; et, suyvant +icelles, je l'ay presse d'incister vifvement a la Royne d'Angleterre +de passer oultre au trette encommance, et que, de sa part, il la +veuille dorsenavant poursuyvre par la forme, et non aultrement, qu'il +a pleu a Vostre Majeste me le prescripre, luy desduysant les raysons, +pourquoy la Royne, sa Mestresse, ny luy, ne la doibvent exceder; +lesquelles raysons j'ay aussi mandees a la dicte Royne, sa Mestresse, +avec ung extraict de ce qui en est porte par vos dictes dernieres. + +Sur quoy le dict sieur evesque m'a asseure de la parfaicte +correspondance de sa dicte Mestresse, et de luy, a vouloir, en tout et +partout, suyvre l'intention et les conseils de Vostre Majeste; et que, +ayant despuys trois jours este devers la Royne d'Angleterre, pour luy +presenter ung pourtraict, que la dicte Royne d'Escoce luy envoyoit, du +Prince son filz, il l'avoit instantment sollicitee de passer oultre a +parfere le dict trette, et de luy declairer si les responces, que sa +dicte Mestresse avoit faictes a ses depputez, luy sembloient +raysonnables, affin qu'il la peult advertyr de ce qu'elle en debvoit +esperer; et que la dicte Dame luy avoit respondu que les depputez, +qu'elle attandoit d'Escoce, d'ung chacun des costez, debvoient arriver +dans quatre ou cinq jours, avec le comte de Sussex et maistre Randolf, +qui venoient toutz de compaignye, et qu'estantz icy, elle feroit +incontinent proceder au dict trette; que, quant aulx responces de sa +dicte Mestresse, elle les avoit prinses de fort bonne part, et +n'estoient trop esloignees de ce qui convenoit a fere ung bon accord; +qu'encor que la dicte Royne d'Escoce fit grande difficulte sur +l'article de la ligue, a cause de celle de France, qu'il ne falloit +qu'elle s'y arrestat; adjouxtant, avec ung soubzrire, que, puysque +Vous, Sire, vous estes mesle avec la mayson d'Autriche, qui est de sa +ligue, que vous ne debviez trouver mauvais qu'elle se meslat avec +celle d'Escoce, qui est de la vostre. A quoy luy, de Roz, luy avoit +soubdain respondu qu'il fauldroit donc qu'elle constituast ung +semblable douaire a sa Mestresse, et donnast ung semblable +entretennement des gardes, des gendarmes, des benefices, plusieurs +privileges, et aultres grandz advantaiges aulx Escoucoys en +Angleterre, que Vostre Majeste leur faisoit jouyr en France; et que, +sellon son adviz, il n'aparoissoit aulcun honneste moyen de fere ligue +entre elles deux, sinon en y comprenant Vostre Majeste; et que la +dicte Dame luy avoit replique, la dessus, que les dicts entretennemens +estoient trop grandz pour en vouloir charger son estat, mais que, +touchant la ligue, elle m'en parleroit, et en feroit parler par son +ambassadeur a Vostre Majeste. + +Or, Sire, ce poinct de la dicte ligue, plus que nul de ceulx, qui sont +contenuz es dicts articles, me semble importer grandement a l'honneur +et reputation de vostre couronne, et, a ceste cause, j'ay desja dict +tout hault que j'interrompray en vostre nom l'accord, et protesteray +de l'infraction des precedans trettez, plustost que d'en laysser rien +passer. Au regard de l'aultre article, auquel Vostre Majeste estime +que je n'ay asses expressement respondu a l'evesque de Roz, touchant +ne bailler le Prince d'Escoce aulx Anglois: je vous supplie tres +humblement, Sire, de croyre que je luy ay, par ung adviz escript de ma +main, premier qu'il soit alle vers sa Mestresse avec les depputez, +ainsi que je l'ay communique au Sr de L'Aubespine, expressement +conseille de ne l'accorder en facon du monde; mais la dicte Dame, +suyvant d'aultres adviz, que le dict evesque mesmes luy a pareillement +apportez par escript, de plusieurs ses affectionnez et meilleurs amys +et serviteurs de ce royaulme, et aussi par l'adviz des seigneurs, qui +tiennent son party en Escoce, l'a offert a la Royne d'Angleterre par +sa lettre du seziesme du passe, comme chose, sans laquelle le dict +evesque de Roz dict que la dicte Royne d'Angleterre ne fut jamais +entree en trette, et sa Mestresse fut demeuree au plus dangereux estat +de sa personne et de toutz ses afferes, qu'elle ayt encores este, pour +l'ocasion de ceulx qui avoient monstre se rebeller au pays de +Lenclastre; avec ce, Sire, que ceulx de ce conseil ont toutjours +estime qu'il ne se pourroit prendre aulcune aultre assez bonne seurete +de la dicte Royne d'Escoce, que d'avoir son filz par deca, affin qu'il +leur fut ung instrument tout accommode pour contenir sa mere ou pour +la dechasser; aussi qu'il semble bien que les Escoucoys, qui procurent +la restitution d'elle, ne sont que bien ayses que le Prince s'en +aille, affin que ceulx du contraire party ne puyssent plus redresser +aulcune competance dans le pays; et encores y a il plusieurs +principaulx personnaiges en ceste court, qui incistent asses que le +dict Prince ne viegne en facon du monde en Angleterre, de peur qu'il +n'y advance et establisse par trop le droict, que sa mere a a la +succession de la couronne, au prejudice des aultres pretendans. Ce qui +faict que plus vollontiers, la dicte Royne, sa mere, consent qu'il y +soit mene, et mesmes qu'elle voyt bien que le contredire ne luy +serviroit de rien, tant la chose est hors de sa puyssance; mais l'on +n'a laysse pourtant d'envoyer solliciter les deux partys, en Escoce, +de s'y opposer; et aussi le grand pere, et l'ayeulle, et plusieurs +aultres, en ce mesmes royaulme, de ne le trouver bon, et de le debvoir +empescher; pareillement a la mesme Royne d'Angleterre de luy jecter +ung escrupulle dans le cueur, touchant ce petit Prince, disant que, a +son advenement au monde, il a dechasse sa mere hors de son estat, et +qu'il pourroit bien, en venant en Angleterre, chasser sa tante hors du +sien. Tant y a, Sire, que ce poinct est desja tenu comme pour accorde +entre elles deux; et sur cella se faict le fondement de tout le reste; +et estime l'on, Sire, pourveu que vous obteniez la restitution de la +dicte Dame et la reunyon des Escoucoys, et que l'authorite des Anglois +et leurs forces soyent mises hors du pays, que Vostre Majeste, quant +au reste, ne doibt empescher qu'elle ne se puysse prevaloir de son +filz a le bailler ostage quelque temps, pour recouvrer sa liberte, et +retirer sa personne, et son estat, horz du grand dangier ou ilz sont. + +Neantmoins, Sire, en cella, et en toutz les aultres chapitres du +traicte, j'incisteray toutjour, le plus fermement qu'il me sera +possible, que l'intention de Vostre Majeste soit entierement suyvye; +et, de tant que la Royne d'Angleterre s'est plaincte a moy des +dommageables condicions, qu'elle dict estre apposees contre +l'Angleterre, dans le dernier trette d'entre le feu Roy, Francoys le +Grand, vostre ayeul, et Jaques quatriesme, Roy d'Escoce, lequel je +croy estre de l'an 1535[19], je supplie tres humblement Vostre Majeste +de m'en fere envoyer une coppie affin d'y respondre; et me commander +au reste, Sire, touchant ce dessus, si je doibz incister tout oultre, +que la Royne d'Escoce se retire de la promesse, qu'elle a faicte, de +bailler son filz, et qu'il vous playse d'en declairer franchement +vostre vollonte a Mr de Glasco, son ambassadeur. + + [19] Jacques IV etait mort en 1513; deux ans avant l'avenement de + Francois Ier. L'ambassadeur veut sans doute parler du traite de + Rouen, conclu le 26 aout 1517, entre Jacques V et Francois Ier, + et renouvele en 1535, lorsque Jacques V epousa Madelaine de + France. + +Au surplus, Sire, les differans des Pays Bas demeuroient acrochez en +ce que, sur la diminution que le duc d'Alve a trouve estre ez +merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne, pour en avoir une partie +este gastee et les aultres mal vendues par deca, il vouloit que celles +des Anglois fussent prinses en recompence, sellon qu'elles valloient +en Angleterre, et non sellon qu'elles ont este vendues en Flandres; en +quoy il faisoit proffict d'envyron cent mil escuz; mais ceulx cy, +ayant, a ce qu'ilz disent, plus d'esgard au deshonneur que a la perte, +qui leur viendroit en cella, n'ont vollu passer ce poinct, ni accorder +aulcune inegalle et plus advantaigeuse condicion aux Espaignolz et +Flamans que a eulx; dont les lettres estoient desja signees de ceste +Royne pour mander a maistre Figuillem, son agent a present en +Flandres, qu'il s'en retournast tout incontinent, si le dict duc ne +vouloit tenir compte du prix, a quoy les merchandises d'Angleterre ont +este vandues, ainsy quelle offroit de fere le semblable par deca, de +celles d'Espaigne, et d'estre preste d'administrer justice pour +celles, qui ne se trouveraient en estre, contre ceulx qui en seroient +coulpables, ce qui alloit fere une grande interruption en tout +l'affere; mais, voulant le duc en toutes choses l'accommoder, il l'a +si bien faict negocier icy, soubz main, par l'ambassadeur d'Espaigne, +et par aultres personnes interposees, qu'il n'y a rien, a ceste heure, +plus eschauffe entre ceulx de ce conseil que d'en vouloir bientost +sortyr. Et, a cest effect, le Sr Ridolfy, qui s'en estoit auparavant +mesle, est appelle en court, et pareillement Cavalcanty et Espinola; +et s'entend que le Sr Thomas Fiesque arrivera demain, ou apres demain, +de Flandres, qui aporte la resolue intention du dict duc; et est l'on +apres a trouver moyen que le dict ambassadeur d'Espaigne escripve, sur +l'ocasion du passaige de la Royne d'Espaigne, et sur l'honneur et +convoy que luy ont faict les navyres d'Angleterre, et sur son arrivee +a saulvement par della, une bien honneste lettre a la Royne +d'Angleterre, affin qu'elle envoye aulcuns de son conseil pour en +conferer davantaige avec luy; lesquelz auront charge de lui octroyer +audience de la dicte Dame pour le jour, qu'il vouldra l'aller trouver. +Et de tant, que le Roy d'Espaigne a mande au dict duc de regaigner, +par toutz les moyens qu'il pourra, l'amytie des Anglois; et qu'il ne +veult, sur son partement, laysser ceste besoigne en detail, il la +presse bien fort, estans venues nouvelles que le duc de Medina Celi +est prest de s'embarquer a Laredo pour passer en Flandres, ou il +pourra arriver a la fin de ce moys, sur la mesmes armee qui a conduict +par della la Royne d'Espaigne, et que la princesse de Portugal n'y +vient poinct pour encores, mais ce sera le cardinal de Grandvelle, qui +viendra assister au dict duc de Medina Celi. Sur ce, etc. + + Ce XIVe jour de novembre 1570. + + + + +CXLVe DEPESCHE + +--du XIXe jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Olivier._) + + Retard apporte a la negociation du traite concernant la reine + d'Ecosse.--Mission de lord Seyton, dans les Pays-Bas, aupres du + duc d'Albe.--Demandes faites au duc de la part de Marie + Stuart.--Nouvelles des Pays-Bas et de la Moscovie. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay de nouveau faict entendre a la Royne d'Angleterre que les +longueurs, qu'elle avoit uze, et qu'elle continuoit d'user, ez afferes +de la Royne d'Escoce, vous avoient donne grande ocasion de parler +ainsy ferme, comme vous aviez faict, a son ambassadeur, et d'essayer, +a la fin, si pourrez accomplyr ce que franchement vous luy en avez +dict; laquelle s'est excusee que le retardement n'est cy devant +provenu, ny encores ne provient, de son coste, ains de celluy de la +Royne d'Escoce et de ses depputez, qui ne sont encores arrivez, et +qu'elle ne voyt pas comme l'on puysse bonnement proceder a fere le +trette sans eulx, et sans ceulx du contraire party; et n'y a heu nulle +rayson, ny offre, qui l'ayt peu mouvoir de ceste opinion parce, a mon +adviz, qu'elle a promiz a ceulx du dict contraire party de ne fere +rien, qu'elle n'ayt premierement pourveu a la seurete du jeune Prince +d'Escoce et a celle d'ung chacun d'eulx. Et ainsy nous sommes +attendans l'arrivee d'iceulx depputez, desquels je n'ay encores nulles +bien certaines nouvelles, sinon que le comte de Lenoz a escript qu'il +avoit ottroye de bailler saufconduict a ceulx du bon party, et qu'il +nommeroit les siens aussitost qu'il scauroit qui sont les aultres, +affin d'en envoyer de semblable qualite; et que cependant il +depeschoit l'abbe de Domfermelin, lequel, pour ceste occasion, est +attandu, d'heure en heure, en ceste court. + +Je prends quelque argument, Sire, de l'intention de la dicte Dame, +qu'elle a vollonte d'en sortyr, sur ce que Mr Norrys l'ayant fort +instantment requise de luy donner son conge; et s'estant le secretaire +Cecille desja miz a dresser la depesche du Sr de Valsingan pour luy +aller succeder, elle a considere que, s'il partoit sur ce poinct, +Vostre Majeste pourroit concepvoir quelque mauvaise esperance des +afferes de la Royne d'Escoce, tant pour le changement d'ambassadeur, +que pour le souspecon que ce nouveau leur fut trop contraire; dont +elle a mande au Sr Norrys d'avoir patience jusques a ce que les dicts +afferes soient achevez. Bien m'a l'on dict qu'il a renvoye en +dilligence ung des siens, pour remonstrer a la dicte Dame que le +dillay seroit par trop long; car dict qu'il n'espere veoir les afferes +de la dicte Royne d'Escoce jamais accommodez, tant que certaine +occasion durera en France; laquelle, Sire, je n'ay pas encores bien +sceu quelle elle est, et semble aussi qu'il l'ayt mandee asses en +general; car l'on m'a dict que plusieurs y font diverses +interpretations. Cependant Mr de Sethon, qui est en Flandres, m'a +escript que, si ung certain pacquet, que la Royne d'Escoce, sa +Mestresse, m'avoit adresse pour luy, luy eust este randu pour se +pouvoir expedier du duc d'Alve, qu'il fut desja devers Votre Majeste; +et, a la verite, Sire, le dict pacquet a este, par mesgarde, aporte, +dez le XXVIIe du passe, par mon secretaire jusques a Paris; dont +j'estime qu'il l'aura meintenant receu. + +Et voycy, Sire, ce que j'ay entendu de la negociation du dict de +Sethon, qu'il a este ouy a part, et puys en conseil, par le duc +d'Alve, sur les trois poinctz, pour lesquelz il estoit envoye +principallement devers luy: le premier, pour avoir le secours, qu'il +leur avoit souvant promiz, le quel le dict de Sethon offroit de +conduyre en lieu seur, ou il pourroit commodeement descendre, et ou +l'assistance des Escoucoys et des Anglois catholiques, et tout bon +entretennement et bonne retrette ne luy deffauldroit dans le pays; le +second, pour recepvoir dix mil escuz, que le dict duc avoit accorde a +la Royne, sa Mestresse, pour la fourniture des chasteaulx de +Lislebourg et Dombertran; et le troisiesme, pour le prier d'interdire +de mesmes le commerce aulx Escoucoys en Flandres, que Vostre Majeste +le leur a prohibe en France a ceulx, qui ne sont du party de la +Royne, sa Mestresse. Sur quoy, le dernier jour du moys passe, Mr de +Noerguerme a este envoye devers luy pour luy fere la responce que, +touchant le secours, le duc y estoit tres dispose, lequel avoit trouve +son offre et ses autres expediantz fort convenables a l'entreprinse; +mais l'importance d'envoyer une armee de mer en pays estrange estoit +si grande que l'expres commandement du Roy, son Maistre, y estoit +requis, auquel il en avoit desja escript; et pourtant il falloit +attandre sa responce, laquelle ne tarderoit guieres; que touchant les +dix mil escuz, de tant que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, +avoit escript au dict duc que la Royne d'Escoce luy depeschoit ung +homme expres, avecques un pacquet, pour l'advertyr en quelle sorte +elle entendoit qu'on ordonnast de la dicte somme, qui est, Sire, le +susdict pacquet qui a este apporte a Paris, qu'il prioyt le dict de +Sethon d'avoir pacience jusques au quatriesme du present, que le +messagier pourroit estre arrive, dedans lequel jour, l'on la luy +feroit fornyr contante. Au regard du troisiesme, de tant que le +commerce d'Angleterre estoit ferme, et si l'on restreignoit encores +celluy d'Escoce, il en pourroit venir grand detriment aulx Pays Bas, +le dict duc, premier que d'y rien ordonner, en avoit vollu escripre au +Roy, son Maistre, duquel il feroit bientost entendre son intention, +tant sur cestuy que sur le premier article au dict de Sethon. Et +semble, Sire, que icelluy de Sethon ayt escript a sa Mestresse qu'on +l'avoit faicte plus esperer du secours du dict duc qu'il n'a trouve +qu'elle en eust occasion, et que icelluy duc ne pense plus que a +quicter les choses pour se retirer en Hespaigne. + +Maistre Jehan Amilthon a continue une negociation separee de celle du +dict Sr de Sethon avec le dict duc, dont monstrent n'y avoir bonne +intelligence entre eulx. C'est luy qui a conduict les deux +gentishommes espaignolz en Escoce pour visiter la descente, et les a +faict parler au comte d'Honteley, et les a promenez et festiez en +divers lieux dans le pays. + +Au surplus, Sire, l'on a appelle, despuys trois jours, les principaulx +merchans de ceste ville a Hamptoncourt pour le faict de Roan et pour +celluy des Pays Bas. J'entans, quant a celluy de Roan, qu'on me +baillera la responce par escript sur ce que j'en ay remonstre a la +Royne d'Angleterre; et, quant a l'aultre, que le comte de Lestre et le +secretaire Cecille, si aultre empeschement ne survient, en yront +conferer avec l'ambassadeur d'Espaigne, lequel a desja escripte la +lettre a la dicte Dame, dont, par mes precedantes, je vous ay faict +mencion; et presse l'on, de chacun coste, bien fort l'accommodement de +ces differans. A quoy sert beaucoup le mauvais trettement qu'ont +naguieres receu les merchans anglois en Moscouvie, ou ilz pensoient +dresser quelque grand commerce; mais l'ambassadeur moscovite, qui +naguieres estoit par deca, s'en estant retourne mal satisfaict de ce +pays, a faict emprisonner tous les Anglois, qui se sont trouvez au +sien, et a faict arrester leurs merchandises. Le susdict ambassadeur +d'Espaigne s'est conjouy en ceste court des bonnes nouvelles qu'il a +heu, que la guerre des Mores avoit du tout prins fin[20]. Quelcun, a +ce que j'entans, luy a escript que le duc de Medina Celi differe sa +venue en Flandres jusques en janvier, et qu'il a la vollonte de passer +en France. Sur ce, etc. + + Ce XIXe jour de novembre 1570. + + [20] Voyez ci dessus la note, p. 183. + + + + +CXLVIe DEPESCHE + +--du XXVe jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyee par Jehan Monyer jusques a Calais expres._) + + Declaration du roi a l'ambassadeur d'Angleterre concernant + l'Ecosse.--Irritation causee a la reine d'Angleterre par les + menaces du roi.--Opinion de l'ambassadeur qu'Elisabeth est bien + decidee a eviter la guerre.--Instance faite aupres d'elle pour + l'engager dans l'alliance d'Espagne.--Succes des efforts de + l'ambassadeur, qui parvient a empecher l'execution de ce + projet.--Assurance de devouement au roi donnee par Walsingham, + designe pour l'ambassade de France.--Remontrance faite par + l'ambassadeur a la reine d'Angleterre des motifs qui doivent + forcer le roi a secourir, meme par les armes, la reine + d'Ecosse. + + + AU ROY. + +Sire, entendant que Mr Norrys, par sa derniere depesche, avoit +rafreschy a la Royne, sa Mestresse, les mesmes propos, qu'il luy avoit +auparavant escript, qu'il trouvoit en Vostre Majeste une ferme +resolution de secourir la Royne d'Escoce, et que vous continuez d'user +de parolles et demonstrations fort expresses en cella, j'ay miz peyne +de scavoir comme la dicte Dame le prenoit; dont aulcuns, qui desirent +la moderation des afferes, m'ont mande qu'elle se trouvoit toute +scandalizee qu'allors que, pour vous complayre, elle avoit envoye deux +de ses principaulx conseillers devers la Royne d'Escoce, pour donner +commancement a ung bon trette, et qu'a vostre instance elle avoit +envoye retirer son armee de sur la frontiere d'Escoce, c'estoit lors +proprement qu'il luy sembloit que vous aviez delaysse la voye, que +vous aviez toutjours tenue, de proceder en cest endroict par +gracieuses prieres et honnestes remonstrances, pour y aller +meintennant par une aultre facon de la menacer, et de rudoyer son +ambassadeur; et qu'encores ne se sentoit elle si piquee de ce que +vous en aviez dict de vous mesmes, qui aviez parle en Roy, ainsy qu'il +luy avenoit bien a elle de parler quelquefoys en Royne, comme de ce +que vostre conseil avoit trouve bon qu'il en fut escript une lettre +bien expresse et bien consideree a son dict ambassadeur; et qu'elle se +resolvoit de ne fere rien par menaces, et de monstrer a tout le monde +que, si elle condescendoit a quelque accord en cest endroict, ce ne +seroit que par le seul benefice de sa bonne vollonte envers vous, et +de sa propre bonte envers la Royne d'Escoce, et que toutz aultres +effortz et instances ne servyroient que d'empyrer et retarder +davantaige la besoigne. + +D'aultres, qui cognoissent asses bien son intention, m'ont faict dire +qu'encor qu'elle ayt parle ainsy devant ceulx de son conseil, affin +d'estre estimee princesse de cueur, comme, a la verite, elle l'est, si +a elle monstre, en d'aultres siens propos, a part, qu'elle vouloit +evitter, en toutes sortes, d'avoir la guerre a Vostre Majeste; et que +c'estoit par voz vertueuses responces et par voz demonstrations et +appareilhz, qu'elle avoit passe si avant a tretter, et que, sans +cella, il y en a asses qui l'eussent bien engardee d'y toucher, et la +destourneroient encores d'y prendre jamais aulcune bonne resolution; +par ainsy, qu'ilz estimoient que toute la ressource et restablissement +de ceste pouvre princesse, et de son royaulme, concistoit en la seulle +faveur et assistance, que Vostre Majeste luy feroit; dont semble +qu'entre deux si contraires adviz le plus expediant sera de suyvre une +voye de millieu. + +Et, a ce propos, Sire, ayant une foys la dicte Dame faict +delliberation d'envoyer ung des plus grandz d'aupres d'elle en France, +ainsy qu'elle mesmes m'en avoit touche quelque mot, pour honnorer, a +son pouvoir, les nopces de Vostre Majeste, et la venue de la Royne +Tres Chrestienne; et mesmes ayant pense que ce seroit le comte de +Lestre, comme plus agreable a Vostre Majeste, affin de fere en cella +quelque demonstration, qui correspondit a celle de l'honnorable +convoy, qu'elle a faict fere, avec grande magnifficence et grande +despence, par dix grandz navyres de guerre, a la Royne d'Espaigne, +j'ay sceu que quelques malicieulx luy sont venuz mettre en avant qu'il +y avoit grand apparance que le dict comte ne seroit bien receu; et que +Vous, Sire, aviez donne a cognoistre, en l'endroict de Mr Norrys, que +ses aultres ambassadeurs seroient peu respectez, dont debvoit +considerer combien elle demeureroit moquee et offancee, si, a ung tel +et si grand des siens, comme le dict de Lestre, n'estoit faicte la +faveur et bon recueilh et bon trettement qu'elle s'attandoit; +s'esforceans d'imprimer a la dicte Dame, bien qu'au plus loing de leur +affection, qu'elle debvoit, par toutz moyens, retourner a la bonne +intelligence du Roy d'Espaigne; et qu'allors elle n'auroit a se +craindre de la France, et pourroit, a son playsir, disposer de la +Royne d'Escoce. Sur quoy, voyantz qu'elle ne rejettoit le propos, ilz +ont essaye de l'induyre a donner audience a Mr l'ambassadeur +d'Espaigne sur l'occasion d'une lettre, qu'il luy a escripte; et +semble bien, Sire, que si, de mon coste, j'eusse aultrement use envers +elle que sellon qu'il vous avoit pleu me le commander, scavoir, de la +plus gracieuse et modeste facon qu'il me seroit possible, qu'elle s'y +fut condescendue, et heust du tout resolu de n'envoyer point en France +et d'interrompre possible les afferes d'Escoce; mais elle s'est tenue +ferme a ne vouloir encores rien ceder aulx choses d'Espaigne; et croy +que si, du coste du duc d'Alve, ne vient quelque honneste +satisfaction, que les differans auront plus empyre que amande, d'y +avoir faict cest essay, ayant la dicte Dame mande a son deppute, qui +est en Flandres, que, si le duc ne veult admettre la compensation des +merchandises et prendre celles d'Angleterre au priz qu'elles ont este +vandues, qu'il s'en viegne, avec resolution qu'aussitost qu'il sera +icy, l'on procedera a la vante de celles d'Espaigne. Dont chacun +estime que le dict duc plyera a ce poinct, et qu'il envoyera, pour +cest effect, nouveaulx depputez par deca; bien que l'entrecours et le +commerce d'entre les deux pays n'est pour estre encores radresse. + +Cependant le propos de n'envoyer poinct en France, et d'interrompre le +trette de la Royne d'Escoce, n'a poinct heu lieu; et a remiz la dicte +Dame d'y delliberer, dont j'ay este conseille de fere la dessus une +petite negociation par lettre avec Mr le comte de Lestre, affin de luy +bailler argument d'en parler a sa Mestresse. Je ne scay encores ce qui +en reuscyra; tant y a que, ayant moy mesmes a parler, dans ung jour ou +deux, a elle, sur l'occasion de la depesche de Vostre Majeste, du VIe +du present, qui m'est tout presentement arrivee, je mettray peyne de +rabiller les choses, le plus que je pourray. + +Le Sr de Valsingan est venu, ce dimenche passe, prendre son disner en +mon logis, et m'a dict que Mr Norrys avoit tant faict qu'il avoit +obtenu son conge, et que a luy estoit desja resoluement commande, par +la Royne, sa Mestresse, de s'aprester pour luy aller bientost +succeder; mais qu'elle n'avoit encores ordonne a l'ung le jour de son +retour, ny a l'aultre celluy de son partement; et que, pour le peu +d'establissement, qu'on disoit que la paix prenoit en France, qu'il +n'ozoit y admener encores sa femme; jusques a ce qu'il eust veu sur ce +lieu, comme il en alloit. A quoy je luy ay si bien respondu, jouxte le +contenu de ce qu'il vous avoit pleu m'en escripre, qu'il en est +demeure aultrement persuade; et au reste, Sire, il jure et promect +d'estre ambassadeur paysible pres de Vostre Majeste; et de ne cercher +aultre chose, en sa charge, que les moyens d'accroistre et augmenter +davantaige l'amytie d'entre Vous et la Royne, sa Mestresse, et la +bonne paix d'entre voz royaulmes et subjectz. Sur ce, etc. + + Ce XXVe jour de novembre 1570. + + A LA ROYNE. + +Madame, par la lettre, que j'escriptz presentement au Roy, Voz +Majestez verront comme la Royne d'Angleterre se repute estre mal +trettee et ung peu rudoyee de certains propos, qui ont este dictz et +escriptz a son ambassadeur, touchant les afferes de la Royne d'Escoce; +et n'a pas long temps qu'elle me dict qu'il sembloit que Voz Majestez +Tres Chrestiennes fussent constituees entre elles, comme alliez a +toutes deux, mais tenans l'oreille, qui devoit estre ouverte de son +coste, toutjour bouchee, et celle du coste de la Royne d'Escoce tres +prompte et toutjour fort ententive a toutes ses pleinctes; et que vous +ne vous portiez en cella ainsy egallement, comme l'equite et la rayson +le requeroient. + +A quoy je luy respondiz que, a la verite, l'une et l'aultre vous +debvoient compter pour leurs principaulx alliez et confederez; et que, +pour le regard d'elle, veu le bon estat de ses afferes, Voz Majestez +n'avoient a fere aultre office, en son endroict, que de vous conjouyr +de sa prosperite, et luy offrir ce qui pouvoit estre en vostre +puyssance, pour meintenir et acroistre sa grandeur, comme, a toute +occasion, vous seriez prest de le fere; mais, quant a la Royne +d'Escoce, je craignois bien fort que ceulx, qui la voyoient ainsy +captive et deschassee de son estat, comme elle est, ne vous +estimassent beaucoup plus abstreinctz par les trettez de pourchasser +chauldement sa liberte et restitution que vous ne le faisiez; et, +quant elle vouldroit considerer ung peu de plus pres cest affere, et +la despence que vous aviez desja commancee pour preparer, dez l'este +passe, ung secours, et l'avoir, pour l'amour d'elle, despuys revoque, +et d'en entretenir meintennant ung aultre, sans l'envoyer, pour +attandre le trette; tant s'en fault qu'elle se deubt tenir offancee de +Voz Majestez, que, au contraire, elle reputeroit vous avoir de +l'obligation de l'honneste et modeste facon, dont vous y aviez +procede; et dont vous luy declariez encores tout franchement la +contraincte necessite, que vous aviez, d'entreprendre quelque aultre +essay, comme vous le pourriez fere, au cas qu'elle vollut rejetter +celluy de voz honnestes prieres et gracieuses remonstrances. + +Ainsy la dicte Dame se modera pour lors, et proposa d'envoyer le comte +de Lestre devers Voz Majestez, pour fere la conjouyssance des nopces +du Roy et de la venue de la Royne, vostre belle fille, et accommoder, +par mesmes moyen, le faict de la Royne d'Escoce; mais quelcun, +despuys, en a traverse le propos; dont j'en suys aulx termes, que je +mande en la dicte lettre du Roy; et essayeray, Madame, a ceste +prochaine audience, de rabiller le faict, et de moyenner, en quelque +bonne sorte, si je puys, que le dict voyage du comte de Lestre, ou au +moins de quelque aultre milor, ne soit interrompu, si toutesfoys +Vostre Majeste me faict entendre qu'elle l'ayt agreable. Sur ce, etc. + + Ce XXVe jour de novembre 1570. + + + + +CXLVIIe DEPESCHE + +--du dernier jour de novembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par Joz, mon secretaire._) + + Audience.--Notification officielle des fiancailles du roi et des + fetes ordonnees pour celebrer le mariage.--Invitation faite a + la reine d'Angleterre d'envoyer une ambassade extraordinaire au + roi, et aux seigneurs anglais d'assister au tournoi qui est + annonce en France.--Vives sollicitations en faveur de la reine + d'Ecosse.--Gracieuses reponses d'Elisabeth sur la communication + du mariage du roi.--Son emportement contre les declarations qui + lui sont faites au sujet de l'Ecosse.--Sa ferme volonte de + conclure le traite avec Marie Stuart sans l'intervention du + roi.--_Memoire general_ sur les affaires d'Angleterre.--Details + secrets sur les projets des catholiques dans le pays de + Lancastre; secours qu'ils demandent au roi; appui qu'ils + esperent du duc de Norfolk.--Hesitations d'Elisabeth sur le + parti qu'elle doit prendre a l'egard de Marie Stuart; opinion + emise dans le conseil qu'il faut la faire mourir; crainte de + l'ambassadeur que l'on ait voulu l'empoisonner.--Negociations + avec l'Espagne; persistance d'Elisabeth dans son refus + d'accorder audience a l'ambassadeur d'Espagne. + + + AU ROY. + +Sire, je me suys bien aperceu, ceste foys, qu'on s'estoit efforce de +randre la Royne d'Angleterre fort offancee contre Vostre Majeste, car +je l'ay trouvee preste de me recommancer les mesmes querelles et +plainctes, qu'elle m'avoit faicte, en la precedante audience; et, sans +ce que Mr le comte de Lestre estoit, peu d'heures auparavant, arrive +de dehors, qui l'avoit entretenue sur une lettre, qu'il avoit +naguieres receue de moy, elle ne m'eust encores randu de si gracieuses +responces, comme enfin, apres avoir longuement debattu ensemble je +les ay raportees; et croy que ce a este aussi parce que, d'entree, je +luy ay dict que Vostre Majeste me commandoit de luy compter comme voz +fianceailles avoient este fort honnorablement faictes a Spire, le +dernier dimenche du mois passe; et que, incontinent apres, la +Princesse Elizabeth s'estoit acheminee, en bonne et grande compaignye, +pour venir en France; et que, sellon le compte de ses journees, elle +debvoit arriver a Mezieres le XXe du present, ou Vostre Majeste +l'alloit rencontrer pour y celebrer, au playsir de Dieu, voz nopces, +le XXIIIe, et que bientost apres, vous en retourneriez vers Paris, +pour y fere vostre entree; auquel lieu vous aviez remiz les triumphes +des nopces, parce que Mezieres estoit trop petite ville pour un tel +appareil; et y aviez, a ceste occasion, faict cryer un tournoy +general, qui seroit ouvert, a toutz venantz, le premier jour de l'an. +Ce que vous me commandiez de luy notiffier et aulx seigneurs de sa +court, affin que, s'il luy playsoit d'y en envoyer, ou permettre +qu'ilz y allassent, que Vostre Majeste et Monsieur promettiez qu'ilz y +seroient bien receuz, et leur donriez lieu, avec vous mesmes, de +s'esprouver aux honnestes exercices d'armes, qui s'y feroient; et que, +pour l'honneur d'elle, ilz y seroient respectez et favorisez; qu'il me +souvenoit bien de ce qu'elle m'avoit dict, que l'Empereur, envoyant la +Royne d'Espaigne a son mary, la luy avoit recommandee, dont elle +l'avoit grandement honnoree, et faict fort honnorablement convoyer, +avec magnifficence et despence, par dix de ses grandz navyres de +guerre, passant en ceste mer; et que, si le dict seigneur avoit, +d'avanture, oublye de luy fere une pareille recommendation, par +lettre, de son aultre fille, qu'il envoyoit a ung grand Roy, son +mary, qui luy estoit allye, qu'il ne layssoit pourtant de la luy +recommander de tout son cueur, et qu'il s'atandoit bien qu'elle +useroit de toutes demonstrations de bienveuillance envers elle; et, +quant bien il luy auroit plus expressement recommande celle qu'il +envoyoit en la mayson d'Austriche, d'ou il est, qu'il y avoit +plusieurs aultres bonnes occasions, qui la doibvent convyer d'avoir en +non moindre recommendation celle qui vient en la mayson de France, ou +je la pouvois asseurer qu'elle estoit aultant aymee, honnoree et +respectee que en nulle aultre part de la Chrestiente; et pourtant je +m'asseurois qu'elle n'oblyeroit de envoyer quelque honnorable +ambassade en France, pour fere, tout ensemble, deux grandes +conjouyssances: l'une, pour les nopces de Vostre Majeste, et l'aultre +pour la venue de la Royne Tres Chrestienne, sa bonne soeur, et bonne +voysine. Et luy ay bien vollu dire cella, Sire, parce que je scavois +qu'on luy avoit faict rompre sa delliberation d'y envoyer; puys j'ay +adjouxte qu'elle debvoit prendre pour ung grand signe d'amytie, que +vous luy feziez communication de chose si privee, comme vostre +mariage, et que mesmes, il sembloit que vous augmentiez votre ayse du +contantement que vous pensiez luy donner de celluy que Vostre Majeste +recepvoit; que, outre cella, vous me commandiez de luy fere encores +fort bonne part d'ung aultre bien grand contantement que vous aviez de +voir vostre royaulme tres paysible; et que vostre eedict s'y alloit +establissant, ainsi que vous le pouviez souhayter, de quoy vous vous +en conjoyssiez avec elle, comme avec celle qui proprement desiroit que +ceste prosperite vous fut entiere, et accomplye en vostre royaulme; et +que vous luy en desiriez une toute semblable au sien, et luy offriez +tout ce qui estoit en vostre puyssance pour l'y meintenir; + +Que, pour la fin de vostre lettre, vous me commandiez luy fere +entendre le singulier playsir, que ce vous avoit este, de voir que voz +honnestes prieres et gracieuses remonstrances eussent eu tant de lieu +que, pour l'amour de vous, elle heut envoye ses depputez devers la +Royne d'Escoce, pour donner commancement a ung bon traicte, et eust +mande retirer son armee de sur la frontiere d'Escoce; de quoy ne +vouliez faillyr de la remercyer; et la remercies encores bien fort de +vous avoir declaire qu'elle seroit bien ayse de pouvoir honnorablement +restituer la Royne d'Escoce par la voye du traicte; et que, quant +cella n'adviendroit ainsy, qu'encores la renvoyeroit elle aulx +seigneurs escoucoys qui tiennent son party; en quoy vous la supliez +tres affectueusement d'y vouloir perseverer, et de vous en fere +bientost paroistre ceste sienne bonne intention par effect, affin de +vous descharger de l'inportunite de ceulx qui vous abstraignoient, par +vertu des traictez, de luy bailler secours; lesquelz se monstroient de +tant plus ardantz a le pourchasser, que le comte de Lenoz poursuyvoit +toutjour d'user de viollance contre eulx, au prejudice de la surceance +d'armes; et que vous desiriez, Sire, que les conditions du traicte +reuscissent toutes bien fort seures et honnorables pour elle, et +pareillement bien honnestes et esloignees de toute offance pour la +Royne d'Escoce, et pour vous: ou bien, si c'estoit par l'aultre moyen +qu'elle la vollust restituer, que vous y requeriez sa sincerite et sa +grandeur de cueur a le fere; en sorte que la liberte qu'elle luy +donroit ne luy fut ung nouveau tourment et peyne. + +La dicte Dame, depposant ung peu de la severite, qu'elle avoit use a +me recepvoir, m'a respondu que ces propos luy sembloient meilleurs +qu'elle n'avoit espere de les ouyr de Vostre Majeste, apres une telle +menace et rigoureuse demonstration, que vous aviez usee vers son +ambassadeur, et preparee en Bretaigne; et qu'elle ne pouvoit fere que, +pour ceulx de vostre mariage, elle ne vous en remercyat aultant, de +vraye et bonne affection, comme il luy estoit possible de le fere, et +que vous ne vous tromperiez jamais, si vous vouliez droictement croyre +qu'elle estoit et seroit toutjours tres ayse de voz prosperitez et +contantemens, aultant et plus que nul de toutz les princes de vostre +alliance; et, quoy qu'il y ayt, que vous luy feriez grand tort si ne +demeuriez tres fermement persuade que vostre mariage luy est +singulierement agreable, et qu'elle prioyt Dieu d'y envoyer ses +benedictions, affin qu'il fust tres heureux aulx espousez, et que la +posterite en fust de mesmes tres heureuse. Et s'est le propos +poursuyvy a dire que Vostre Majeste se pouvoit promettre une bonne +part de la vigne, qui est pour ceulx qui peuvent passer le premier an +de leurs nopces sans se repentyr, et que ceste vigne estoit proprement +pour les mariages si bien et si convenablement faictz comme le vostre. + +A quoy j'ay adjouxte que Vostre Majeste n'avoit garde de tumber en +nulle sorte de repentailles, et que celle de la vigne s'entendoit que +nul n'estoit marye de si bonne heure, qu'il ne se repentit de ne +l'avoir este plustost, et que j'esperois voir ung matin qu'elle seroit +touchee de ce repentir; ce que, en soubzriant, elle a advouhe, et que +mesmes elle en estoit desja bien fort attaincte; et a continue que, +quant a la recommendation que l'Empereur luy avoit faicte de la Royne +d'Espaigne, cella estoit advenu, parce qu'elle avoit envoye devers +elle en Flandres, et puys devers luy a Spyre, sur l'occasion du +differant, qu'elle avoit avec le Roy d'Espagne, qui n'estoit procede +de luy, mais de ses ministres; et que, voyant que sa fille auroit a +passer en ceste mer, il luy avoit escript de luy vouloir randre son +passaige bien asseure, qui aultrement, possible, ne l'eust guieres +este; et qu'encores que la Royne Tres Chrestienne ne vint poinct en +ceste mer, si ne lairroit elle de l'honnorer; et puysque je luy +faisoys ceste notiffication de la remise des triomphes a Paris, +qu'elle adviseroit d'envoyer quelcun de sa part pour fere la +conjouyssance, mais quant a tournoyer, qu'il y avoit quelques ans +qu'elle avoit entretenu sa court, comme en veufve, sans y fere +tournoys; dont craignoit que les braz de ses gentishommes fussent +devenuz si engourdiz qu'en lieu d'aller aquerir de l'honneur; ils y +gaignassent de la honte pour eulx et pour leur nation; au regard de la +paix de vostre royaulme, que Vostre Majeste ne s'en resjouyssoit pas +plus droictement qu'elle, qui ne cedoit a nul, qui, plus qu'elle, la +vous desirat stable et de duree; ce qui la faisoit de tant plus +esbahyr pourquoy Vostre Majeste entreprenoit de la rudoyer, et mal +traicter pour la Royne d'Escosse, et qu'elle n'eust jamais pense que +vous l'eussiez vollue accomparer de respect a elle, et ne tenir en +trop meilleur compte son amytie que celle de la dicte Royne d'Escosse. + +Et s'est eslargie en tant de parolles aigres contre la dicte Royne +d'Escosse, et sur vos dictes menaces, et sur les secours qu'elle +entendoit s'aprester de rechef en Bretaigne, que je suys demeure asses +esbahy comme la dicte Dame estoit si changee despuys l'aultre foys, +dont ne me suis peu tenir (luy gardant neantmoins toutjours tout le +respect qu'il m'a este possible), que ne luy aye fermement replique +qu'elle se faisoit grand tort de prendre ainsy en mauvaise part les +tres honnestes et gracieuses remonstrances, que Vostre Majeste luy +faisoit pour la Royne d'Escosse, et la franchise dont vous luy +declairiez comme vous estiez contrainct de la secourir; qui pourtant +monstriez, par la patience dont vous y procediez, que vous auriez +grand regrect qu'il vous en fallust venir a tant. Et n'ay obmiz de luy +respondre a toutz ses aultres argumentz, ung a ung, luy demandant +enfin quelle aultre voye donques estimoit elle que Vostre Majeste +pourroit tenir pour, tout ensemble, conserver son amytie, et +s'acquicter de son debvoir envers la Royne d'Escosse. + +A quoy, apres y avoir ung peu pense, elle m'a respondu qu'elle vous +prioyt, de toute son affection, de ne monstrer, par voz parolles et +aprestz, que vous mesprisez son amytie, et de ne vouloir traitter que +honnorablement avec elle et avec son ambassadeur, comme elle estoit +preste d'user de mesmes envers vous; car aymoit mieulx venir a toutes +aultres extremites que de souffrir rien qui fut indigne de sa +reputation, ny de celle de sa couronne. Et quant au reste, elle me +vouloit bien dire qu'elle ne pretandoit que nul aultre prince +s'entremit du traicte d'entre elle et la Royne d'Escosse, que elles +deux, et que je ne debvois craindre qu'il s'y fit ligue contre Vostre +Majeste, mais bien pour se deffandre entre elles, si quelcun les +vouloit assaillyr; et qu'elle avoit mande, pour le jour d'apres, +l'evesque de Roz, et puys, pour le lendemain, l'abbe de Donfermelin +qui estoit desja arrive, affin de les ouyr, l'ung apres l'aultre, et +donner, puys apres, le plus d'advancement qu'elle pourroit au dict +traicte. + +Et n'ay raporte, pour ceste foys, aultre chose de la dicte Dame sinon +que noz propos se sont terminez gracieusement, et j'ay sceu despuys +qu'ilz ont eu beaucoup d'effect a la moderer sur tout ce qui peult +concerner vostre commune amytie et les afferes de la dicte Royne +d'Escosse. Sur ce, etc. Ce XXXe jour de novembre 1570. + + POUR FERE ENTENDRE A LEURS MAJESTEZ, oultre le contenu des + lettres: + + Que d'aulcunes choses, dont la Royne d'Angleterre est en peyne, + il y en a principallement trois, qui, a ceste heure, la + travaillent: l'ellevation a quoy se sont monstrez promptz ceulx + de Lenclastre, ou elle n'ose toucher, de peur que le mal n'en + deviegne plus grand et plus universel en son royaulme; la seconde + est les afferes de la Royne d'Escosse, lesquelz sont suportez du + Roy, et soubstenuz avec tant d'affection par une partie de ses + subjectz, et contradictz si opiniastrement par l'aultre, + mesmement par les evesques et principaulx de la nouvelle + religion, qu'elle ne scayt quel expediant y prendre; la + troisiesme est les differans des Pays Bas, desquelz tant plus + l'accord s'en prolonge, plus les prinses se deperissent, et elle + s'en tient comme responsable, et les commerces cessent, desquelz + avoit accoustume de tirer les meilleurs et plus clairs revenuz; + + Et, qui pis est, qu'il semble que ces trois causes se vont + confortant l'une a l'aultre, et qu'elles sont pour devenir toutes + a ung: a fere quelque grand effect dans ce royaulme, dont la + dicte Dame assemble souvant ceulx de son conseil pour y remedier; + et je ne scay encores quelles resolutions ilz y mettent, parce + qu'ilz les tiennent fort secrectes, mais voycy ce que j'ay aprins + de particulier sur chacune des dictes occasions, d'ou se pourra + aucunement colliger a quoy elles auront a devenir. + + Un seigneur bien entendu ez afferes de ce royaulme, qui naguieres + estoit en conversation avec d'aultres personnaiges de bonne + qualite, en ceste ville, leur dict que la Royne, leur Mestresse, + estoit a present fort particullierement informee de ce qui se + passoit au quartier de Lenclastre; et que ung des principaulx + autheurs de l'entreprinse en estoit venu descouvrir si + veritablement tout ce qui en estoit, qu'il n'avoit espargne + d'acuser son propre pere, et avoit este enferme quatre heures + avec le secretaire Cecille, pour luy notiffier les personnes, et + luy expecifier les delliberations, et luy ouvrir encores les + moyens d'y remedier; + + Et que, sellon son rapport, sembloit que le comte Dherby, deux de + ses enfans, et la pluspart de la noblesse du pays se fussent + ouvertement soubstraictz de l'obeyssance de la dicte Dame, et + eussent declaire de ne vouloir plus respondre a sa justice, ny + obeyr a chose qui se fit par son autorite, allegans que Dieu et + leur conscience les pressoient de ne recognoistre pour leur Royne + et Souveraine celle qui estoit declairee illegitime et interdicte + par l'esglize, jusques a ce qu'elle se fut mize hors de + l'interdict; et que c'estoit sir Thomas Stanlay, second filz du + dict Dherby, qui conduysoit principallement cest affere, lequel + se promettoit d'avoir toutz les principaulx de ce royaulme de son + parti, hormiz le comte de Betfort, le comte de Huntington et le + duc de Norfolc, parce que ceulx la estaient l'un epicurien, + l'aultre sacrementaire, et le tiers neutre; et que la dicte Dame + estoit pour demeurer en grand peyne de cecy, si de Lenclastre + mesmes l'on ne luy eust mande qu'elle ne s'en donnat poinct de + peur, car il restoit encores des gens de bien en si grand nombre + dans le pays qu'ilz romproyent ayseement les entreprinses de ces + papistes. + + J'ay entendu d'ailleurs que ung gentilhomme, que les dicts de + Lenclastre avoient envoye devers aulcuns seigneurs des quartiers + de deca, leur a dict qu'ilz se mettroient trente ou quarante mil + hommes asses promptement ensemble, si eulx se vouloient declairer + ouvertement de leur party; et que iceulx seigneurs luy ont + respondu qu'ilz ne pouvoient rien fere de eulx mesmes, si le duc + de Norfolc n'estoit de la partie, lequel estoit encores dettenu, + et ne monstroit qu'il eust vollonte de rien remuer. + + Laquelle responce semble que, sans en rien communiquer au dict + duc, ilz l'ayent ainsy expressement faicte a icelluy gentilhomme + pour ne se descouvrir a nul anglois, car ilz ne se fyent les ungs + des aultres; et que neantmoins semble qu'ilz sont assez deliberez + et resolus a l'entreprinse, pourveu qu'elle soit conduicte + secrectement, et que le dict duc en veuille estre, et donner + parolle qu'il advancera le droict de la Royne d'Escosse au tiltre + de ce royaulme, et qu'il promettra que l'exercice de la religion + catholique aura cours pour ceulx qui la vouldront avoir; car + aultrement ilz aymeroient mieulx que la Royne d'Escosse print le + party du plus estrangier du monde que le sien; mais, cella + accorde, qu'ilz tiendront l'entreprinse pour bien, fort advancee, + en ce que le Pape, et le Roy, et le Roy d'Espaigne les veuillent + secourir de six mil harquebouziers seulement, en six divers + lieux, qui soient conduicts par gens, qui ne sachent en facon du + monde ou ilz vont. + + Aulcuns estiment que le duc de Norfolc n'accepteroit que tres + vollontiers les dictes deux conditions, mais il ne peult fere + aulcun bon fondement sur ceulx qui se meslent de l'entreprinse, + s'estant trouve une foys trop deceu en celle de son mariage; et + aussi, qu'estant encores resserre, il estime, possible, qu'il ne + se pourroit asses bien prevaloir de ses propres moyens. + + Et d'ailleurs il se sent asses offance d'aulcunes choses, que les + principaulx de son intelligence ont execute contre luy, despuys + sa detention, mesmement le viscomte de Montagu, lequel a faict + tout ce qu'il a peu en faveur de millord Dacres, de qui il a + espouse la soeur, pour debouter la niepce, qui est maryee au filz + ayne du duc, de toute la succession Dacres; et millord de + Lomelay, qui a espouse la fille du comte d'Arondel, de laquelle + il n'a poinct d'enfans, voyant que toute la succession de son + beau pere va au filz ayne du dict duc, qui est filz d'une aultre + sienne fille, il l'induict de vendre, piece a piece, tout son + estat et ses terres; dont n'y a bonne intelligence entre les + principaulx, qui sont pour fere quelque effect. Par ainsy semble + qu'il seroit mal a propos de rien remuer, et le dict duc, de sa + part, fonde toute son esperance des afferes de la Royne + d'Escosse, au secours et demonstrations du Roy; duquel il dict + qu'il veult dependre, et qu'il espere qu'avec une bien mediocre + assistance de luy, les choses d'Escosse viendront a estre bien + remediees, et ne trouve bon que la dicte Royne d'Escosse ny luy + s'embroillent avec les dicts de Lenclastre, lesquelz neantmoins + se promettent du dict duc et des aultres principaulx seigneurs du + royaulme, et encores des estrangiers, tout secours, quant il en + sera besoing; et, attandans cella, ilz ne remuent rien, ny ne + sont pareillement recerchez. + + Au regard des afferes de la Royne d'Escosse, les depputez, qui + ont este devers elle, ayant faict un tres bon rapport des propos + et demonstrations, dont elle leur a use, tendans a une bonne paix + et sincere amytie, sans fraulde, entre les deux Roynes et leurs + royaulmes, ilz ont ayseement induict la dicte Royne d'Angleterre + de vouloir venir en accord; laquelle a miz en consideration ce + que aulcuns aultres de son conseil luy ont remonstre, qu'elle + avoit desja beaucoup despendu pour les choses d'Escosse, sans + avoir rien estably de ce qu'elle pretandoit, et que, quant ceulx + du party de la dicte Royne d'Escosse ne viendroient estre qu'a + moictie prez secouruz du Roy, de ce que le comte de Mora et + celluy de Lenoz l'ont este d'elle, que non seulement ilz + deboutteroient leurs adversayres, mais pourroient procurer une + dangereuse revenche contre l'Angleterre. + + Ce qui a faict que la dicte Dame s'est fort opposee a ceulx qui + vouloient interrompre le trette, lesquelz n'ont heu enfin aulcun + plus fort argument que de luy remonstrer que, puysque le Roy + s'affectionnoit si fort a le pourchasser, elle debvoit croyre + qu'il y pretandoit quelque grand interest, qui ne se descouvroit + encores, lequel pourroit bien revenir au dommaige d'elle; et que, + quant bien il n'y auroit, a present, sinon ce, qu'il l'a menacee, + et qu'il a rudoye son ambassadeur, encores importoit il + grandement a sa grandeur et reputation qu'elle ne fist rien pour + ceste foys. + + Et a cella faict tant d'impression en l'opinion de la dicte Dame + qu'elle s'est cuydee estranger de l'amitye du Roy, et se + despartyr de tout bon propos d'avec la Royne d'Escosse. + Neantmoins, en ma derniere audience, apres avoir paysiblement + escoutte tout ce que je luy ay vollu dire la dessus, conforme a + l'intention du Roy, en la plus gracieuse facon et esloignee + d'offance qu'il m'a este possible, elle m'a enfin respondu ce qui + est desduict en la lettre du Roy. + + Dont ceulx qui sont contraires au trette, voyantz qu'elle + inclinoit toutjour de passer oultre, ont advise de l'abstraindre, + par la conscience, de ne le vouloir aulcunement fere, que, + premier, la Royne d'Escosse n'ayt expressement promiz et fort + solennellement jure qu'elle n'innovera rien en la religion, quant + elle sera de retour en Escosse, ny pareillement en ce royaulme, + si, d'avanture, elle y vient a succeder; et nous a este raporte + qu'ilz avoient encores passe oultre a delliberer sur la vie de + ceste pouvre princesse; dont en estant venu un tel advertissement + a l'evesque de Roz, et s'estant la dessus la dicte Dame trouvee + bien mal, nous avons este en grand peur d'elle, et avons miz + peyne que d'icy luy a este envoye aulcuns bien bons remedes en + fort grande dilligence. + + Or, de ce qui se peult esperer de l'yssue de son faict, je l'ay + asses desduict par toutes mes depesches precedentes, et par celle + de ceste datte, et que, nonobstant mes traverses, et empeschemens + qu'on y faict, qu'il y a grande apparance que le trette succedera + avec le temps; et que l'abbe de Domfermelin, lequel, a ce qu'on + dict, est venu devant, de la part du comte de Lenoz, pour + l'interrompre, ne pourra sinon le retarder quelque peu de jours. + + Quant aulx differans des Pays Bas, ceulx qui ont senty que la + dicte Dame se tenoit offancee du coste de France, luy sont venuz + mettre en avant qu'en toutes sortes elle debvoit retourner a + l'intelligence du Roy d'Espaigne, et ne se soucyer de toutz les + aultres accidans du monde. A quoy l'ayans trouvee en general fort + bien disposee, ilz ont espere de la pouvoir fere condescendre a + ce particullier, de recepvoir une lettre de l'ambassadeur + d'Espaigne, et de fere qu'elle luy randroit responce, ou luy + accorderoit audience, ou bien envoyeroit quelques ungs du conseil + pour tretter avecques luy; et, a la verite, ilz ont trouve moyen + de luy fere bien recepvoir la dicte lettre, en laquelle le dict + ambassadeur s'est seulement conjouy avec elle de ce que la Royne + d'Espaigne, apres avoir este honnorablement convoyee par ses + navyres, est arrivee a bon port le IIIIe du mois passe; et n'a + touche aulcun autre poinct. Mais, quant il a este question + d'avoir la responce, et de passer plus avant avec le dict + ambassadeur, elle a respondu qu'il suffizoit, pour ceste heure, + qu'on dict a son secretaire qu'elle avoit receu sa lettre, et + avoit este bien ayse, comme elle le sera toutjour, d'entendre + toutes bonnes nouvelles de la Royne d'Espaigne, sa bonne soeur. + + Sur quoy aulcuns se sont entremiz d'accommoder, et les aultres de + traverser l'affere, qui enfin est demeuree en ce, que, si + l'ambassadeur avoit quelque lettre de son Maistre pour la dicte + Dame qu'il la luy envoyat, et elle adviseroit d'entrer en si bon + trette avecques son dict Maistre, qu'elle donroit a cognoistre de + n'avoir heu jamais aultre desir que bien conserver son amytie; et + que desja elle luy avoit escript trois lettres, despuys ces + differans, a nulle desquelles elle n'avoit este respondue, et + qu'il importoit beaucoup a sa reputation qu'elle ne parlat ny + escripvit plus en ceste affere, jusques a ce qu'elle eust de ses + nouvelles. + + Et n'a rien servi de remonstrer a la dicte Dame que le dict + ambassadeur pouvoit avoir des lettres de son dict Maistre, + lesquelles ne luy estait loysible de presenter que par luy + mesmes; car a respondu que si son Maistre ne la pryoit, par une + sienne bien expresse lettre, de luy redonner sa presence, qu'elle + ne l'y admettra jamais; et qu'il feroit bien d'en envoyer ung + aultre, car la souvenance des choses qu'il avoit escriptes + d'elle, et de ce qu'il s'estoit mesle de l'eslevation du North et + de la bulle, ne permettoient qu'elle le peult avoir jamais + agreable. + + Et, sur ceste resolution, elle n'a plus vollu differer d'escripre + a son deppute en Flandres, que, si le duc d'Alve ne vouloit + admettre la compensation des merchandises, et prendre celles + d'Angleterre pour le priz qu'elles ont este vandues par della, + qu'il s'en vint; et que, aussitost qu'il seroit icy, il seroit + procede a la finalle vante de celles d'Espaigne, dont s'entend + que le Sr Thomas Fiesque sera de rechef depesche pour venir + accorder ce poinct; et que le duc d'Alve ne s'y opiniastrera; et, + quant au principal faict de l'entrecours, que le Sr Ridolfy + passera bientost devers icelluy duc, pour mettre en avant quelque + bon expediant. + + + + +CXLVIIIe DEPESCHE + +--du VIIe jour de decembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Guillaume Bernard._) + + Sollicitations pour ramener Elisabeth a de meilleurs sentimens + envers la France.--Priere de l'ambassadeur au roi afin de + l'engager a faire un plus favorable accueil a l'ambassadeur + d'Angleterre.--Maladie subite de Marie Stuart.--Arrivee de + quelques-uns des deputes d'Ecosse.--Affaires des Pays-Bas et + d'Allemagne.--Prochain depart du cardinal de Chatillon.--Espoir + de l'ambassadeur que Leicester, ou quelqu'un des grands + d'Angleterre, sera envoye en France a l'occasion du mariage du + roi. + + + AU ROY. + +Sire, apres vous avoir depesche mon secretaire, le dernier de l'aultre +mois, j'ay cerche de scavoir en quelle disposition continuoit d'estre +la Royne d'Angleterre vers Vostre Majeste et vers la Royne d'Escosse; +et j'ay aprins, Sire, que luy ayant este naguieres parle de l'ung et +de l'autre, a heure bien propre, et en termes convenables pour luy +oster l'impression de ces menaces et rigoureuses demonstrations, dont +son ambassadeur s'est plainct qu'on luy avoit use en France, elle a +monstre d'avoir beaucoup de regrect que cella fut advenu pour +interrompre les tesmoignages de la bonne affection, qu'elle se +preparoit de manifester bientost au monde qu'elle avoit vers Vostre +Majeste; et encores de celle que, pour l'amour de vous, elle vouloit +fere sentyr a la Royne d'Escosse; et qu'on scavoit bien qu'elle avoit +desja propose d'envoyer une ambassade en France, non moins honnorable +que si elle y eust depesche ung sien propre frere, pour fere la +conjoyssance de voz nopces et de la venue de la Royne, et pour +honnorer l'ung et l'aultre, ensemble la Royne, vostre mere, de +quelques presens, et de vous gratiffier et vous accorder tout ce +qu'elle eust peu pour la Royne d'Escosse. + +Sur quoy luy ayant, l'ung de ceulx qui estoient la presens, asses +soubdain remonstre qu'elle ne debvoit laysser de le fere pour chose, +que son ambassadeur luy eust escript, parce que moy, vostre +ambassadeur par deca, asseurois bien fort que Vostre Majeste n'avoit +aulcune vollonte de l'offancer, et que mesmes elle pouvoit cognoistre +qu'encores que vous travaillissiez de satisfere a ce que vous debviez +a la Royne d'Escosse et aulx Escossoys, vous cerchiez neantmoins de +n'avoir poinct de guerre a elle; car, d'ung coste, vous pourchassiez +le trette, et lui declairiez, de l'aultre, qu'au cas qu'il ne succedat +vous seriez contrainct d'envoyer vostre secours en Escosse; et s'est +esforce, par ce moyen, de ramener la dicte Dame a sa premiere bonne +delliberation d'envoyer en France; de quoy elle ne s'est monstree trop +esloignee. Neantmoins, de tant que sa principalle entente est de fere +veoir aulx siens que les princes estrangiers l'honnorent et la +respectent, et que, la ou ilz ne le vouldroient fere, qu'elle a le +cueur bon pour ne leur rien ceder, affin que cella luy serve pour se +maintenir en plus d'authorite dans son royaulme, elle a enfin respondu +que nul ne la debvoit conseiller de porter honneur a celluy qui luy +vouloit oster le sien, ny de recercher d'amytie celluy qui mesprisoit +la sienne, et qu'elle abaysseroit par trop la dignite de la couronne +d'Angleterre, si elle monstroit de fere quelque chose par menaces; +dont attandroit de veoir comme ses demonstrations de bonne vollonte +auroient a etre bien receues en France, premier qu'elle advanturast de +les envoyer offrir. + +Sur quoy j'ay este advise, Sire, par ung, qui est bien affectionne a +vostre service, de vous debvoir escripre que, de tant qu'il ne vous +peult estre impute que a grande courtoysie de defferer quelque chose +aulx dames, et que ceste cy n'a, au fondz de son cueur, que tres bonne +affection de perseverer en toute amytie et intelligence avec Vostre +Majeste et avec la France; et qu'il est dangier qu'elle s'en retire, +pour s'adjoindre ung aultre party qui la recerche infinyement, et ou +vous pourriez estre quelquefoys bien marry qu'elle y eust passe, +lorsque, possible, vous vouldriez, avec tres grand desir, l'avoir +reservee du vostre; et que les afferes d'Escosse ne succederont que +mieulx a vostre desir, et mesmes il vous viendra plusieurs aultres +commoditez de ceste princesse et de son royaulme, si vous la +regaignez; que Vostre Majeste fera bien de porter quelque faveur a son +ambassadeur, et de luy tenir des propos honnestes, et plains d'amytie +et de bienveuillance vers elle, luy faysant quelque part des nouvelles +de vostre mariage; et que, estant les choses d'Escosse accommodees, +ainsy que vous esperiez qu'elles le seroient, par le trette, et dont +vous la priez que ce soit bientost, que vous pourrez, puys apres, +vivre en une tres parfaicte intelligence et entiere amytie avec elle; +et que desja le dict ambassadeur est adverty que s'il vous plait, +Sire, parler a luy en ceste sorte, que, pour deux motz que Vostre +Majeste luy en dira, il y ayt a luy en escripre plusieurs de si bons a +sa Mestresse, qu'il luy face perdre la memoire de ceulx qui luy ont +faict mal au cueur; et que, si Vostre Majeste avoit agreable de m'en +fere aussi toucher quelques unes en vostre premiere depesche, qui +fussent asses expres pour les pouvoir monstrer a la dicte Dame, +qu'elle en demeureroit tres grandement satisfaicte, et toutes choses +en yroient mieulx. Dont de tant, Sire, que ce conseil ne peult estre +que decent a Vostre Majeste, et que ceulx, qui portent icy les afferes +de la Royne d'Escosse, m'ont prie de le vous fere trouver bon, je n'ay +vollu faillyr de le vous escripre tout incontinent, et adjouxter, +Sire, qu'il me semble qu'il ne pourra estre que honneste et utille a +vostre service d'en user ainsy. + +Cependant il est advenu que la Royne d'Escosse est tumbee fort +mallade, et qu'ayant change d'air et de logis, a Chiffil, pour cuyder +s'y trouver mieulx, son mal est augmente, de sorte qu'elle a mande a +l'evesque de Roz de l'aller trouver en dilligence, et de luy admener +ung homme d'esglize pour l'administrer; lequel est party ce matin pour +luy aller luy mesme fere ce sainct office, par faulte d'aultre, et a +mene deux bons medecins, que la Royne d'Angleterre luy a baillez, +laquelle a escript une bonne lettre a la dicte Dame, qui la consolera +grandement; car aussi nous a elle mande que son plus grand mal est +d'ennuy de ses afferes, et que nous ne demeurions en souspecon de +l'adviz que nous luy avions mande, parce qu'elle a fort bien prins +toutjour garde a son vivre. Nous estimons que c'est son accoustume mal +de coste, et que bientost nous aurons meilleures nouvelles d'elle; +lesquelles, Sire, je vous feray incontinent tenir. + +L'abbe de Domfermelin a faict plusieurs vifves remonstrances a la +Royne d'Angleterre pour rompre le traicte, desquelles elle a este +asses esmeue; mais enfin elle l'a renvoye pour aller querir les +aultres depputez du party du regent, avec delliberation de passer +oultre, monstrant toutesfoys n'estre contante que les depputez, qui +viennent pour le party de la Royne d'Escosse, ne sont personnaiges +plus principaulx qu'ilz ne sont: car a entendu que c'est seulement +l'evesque de Galoa et milord Leviston; mais l'on luy a donne esperance +que le comte d'Arguil pourra venir, ce qui fera encores quelque +longueur en cest affere; mais j'y donray toutjour le plus de presse +qu'il me sera possible. + +L'on s'esbahyt qu'il y a plus d'ung mois que nul courrier n'est venu +de Flandres, mais l'on ne le prend que pour bon signe, de tant +qu'ayant este escript au deppute, qui est en Envers, d'aller +incontinent trouver le duc d'Alve a Bruxelles, pour luy proposer la +derniere offre; et que, s'il y faict nulle difficulte, qu'il s'en +retourne tout incontinent, l'on estime que le dict duc l'a acceptee, +et que l'on est meintennant apres a conclurre les chappitres de +l'accord. J'entendz que le jeune Coban a este licencie de l'Empereur, +dez le VIIIe du passe, pour s'en retourner devers sa Mestresse; il est +encores en chemin, mais ung personnaige d'asses bonne qualite, +allemant, est arrive despuys deux jours, qui se dict ambassadeur du +duc Auguste de Saxe, duquel je n'ay encores rien aprins de sa +legation; je travailleray d'en entendre quelque chose. Monsieur le +cardinal de Chastillon partit hyer de ceste ville pour aller a +Canturbery, pour estre plus pres du passaige, delliberant d'attandre +la des nouvelles de son homme, qu'il a envoye en France. Il m'est, de +rechef, venu visiter, avec plusieurs bonnes parolles de sa devotion +et fidellite vers vostre service, et qu'il n'a nul plus grand desir au +monde que de vous en fere, et qu'il espere bientost vous aller bayser +les mains pour plus expressement le vous tesmoigner. Sur ce, etc. Ce +VIIe jour de decembre 1570. + + Je pense avoir desja tant rabattu de courroux de la Royne + d'Angleterre que, si elle n'envoye le comte de Lestre en France, + que au moins y depeschera elle ung aultre milord de bonne + qualite. + + + + +CXLIXe DEPESCHE + +--du XIIIe jour de decembre 1570.-- + +(_Envoyee jusques a la court par Antoine Jaquet, chevaulcheur._) + + Maladie de Marie Stuart.--Etat de la negociation qui la + concerne.--Incertitude sur la negociation des + Pays-Bas.--Nouvelles d'Allemagne.--Reclamations relatives aux + plaintes des negocians de Rouen et de la Bretagne.--Resolution + de la reine d'Angleterre d'envoyer un ambassadeur en France, a + l'occasion du mariage du roi. + + + AU ROY. + +Sire, il n'est venu aulcunes nouvelles de la Royne d'Escosse despuys +mes aultres lettres, de devant celles icy, lesquelles sont du septieme +de ce mois, qui est signe, Sire, qu'elle se trouve mieulx, ou au moins +qu'elle ne va en empyrant; car son mal est asses tost publie en ce +royaulme. J'espere que, par mes premieres, je vous pourray mander +quelque chose de particullier de sa convalescence, sellon que les bons +medecins, qu'on lui a admene d'icy, et les bons remedes qu'on luy a +envoyez, luy auront, avec l'ayde de Dieu, peu servir. Cependant l'abbe +de Domfermelin a fort negocie en ceste court, pour interrompre le +trette, mais il ne l'a peu fere; dont, voyant que la Royne +d'Angleterre incistoit toutjour que les depputez de son party +vinssent, il s'est resolu de les attandre icy, et a depesche ser +Guilhaume Stuart en poste pour les aller queryr, et pour apporter une +depesche et responce de la dicte Dame au comte de Lenos. Il estime que +les comtes de Morthon et de Glames viendront. L'on a opinion que les +depputez de l'aultre party sont desja a Cheffil avec la Royne +d'Escosse, leur Mestresse, et que l'evesque de Roz, qui l'est allee +trouver, les admenera bientost par deca. Je vays, en son absence, +entretenant, la plus vifve que je puys, la pratique du dict trette et, +par toutes les sondes que je y fays, je trouve que la resolution +demeure ferme de passer oultre; non que pour cella, Sire, il ne s'y +voye beaucoup de difficultez, semblables a celles du passe, et mesmes +que le comte de Sussex, a son arrivee, y en a seme plusieurs de celles +qui tesmoignent le regrect, qu'il a, d'estre deppose de sa charge, et +de ce que son armee luy a este cassee, magniffiant ces derniers +exploictz d'Escosse, et monstrant combien il seroit facille, et hors +de dangier, d'y en executer de plus grandz, veu les ordinaires +empeschemens, que Vostre Majeste et les princes de della la mer ont en +leurs afferes. Neantmoins l'on pourra juger plus a clair du succez de +cest affere, quant toutz les depputez seront achevez d'arriver, ce que +je n'espere devant le huictiesme de janvier. + +Il est, coup sur coup, arrive trois courriers de Flandres, qui sont +allez descendre au logis du secretaire Cecille en ceste ville, ou il +est encores mallade; qui les a examinez a part, et les a asses tost +expediez vers la Royne sa Mestresse, sans permettre qu'ilz ayent rien +publie de leur depesche. Tant y a que j'ay ung adviz d'assez bon +lieu, que le duc d'Alve, en baillant sa responce au depputte de la +dicte Dame, ne luy a accepte son offre, ny aussy ne la luy a reffuzee; +mais il luy a miz en avant d'aultres gracieulx expedientz, par +lesquelz il faict esperer a ceste princesse, et aulx siens, que non +seulement le faict de ces prinses, mais aussi celluy du commerce et de +l'entrecours, et pareillement toutz aultres differans, d'entre le Roy +Catholique et elle, et d'entre leurs pays et subjectz, se pourront +facillement accommoder, avant la fin de febvrier, ou au moins, dans +tout le mois de mars. Je ne scay si elle s'y endormyra, mais ceulx de +son conseil monstrent qu'il y a une extreme necessite de trafiquer en +ce royaulme, et pressent bien fort l'ambassadeur d'Espaigne de leur +ottroyer des passeportz, pour envoyer des navyres et merchandises en +Biscaye et Andelouzie. + +Le jeune Coban est arrive, despuys trois jours, en ceste court, lequel +n'a passe en ceste ville; dont n'ay encores rien aprins de certain de +ce qu'il a raporte de sa legation. Il est vray que quelques lettres +sont venues d'Allemaigne, par lesquelles l'on escript que l'Empereur +luy a notiffie le mariage de l'archiduc Charles, son frere, avec la +fille de Baviere, et que cella, avec quelques bonnes parolles +d'amytie, ont este toute la substance de la responce qu'il luy a +faicte. + +Il a este procede si gracieusement ez choses de Lenclastre, que les +sires Thomas et Edouart Stanlays et le sire Thomas Gerard, soubz +parolles de seurete, se sont enfin venuz represanter en ceste court, +ou le comte de Lestre et le secretaire Cecille leur ont, d'entree, +monstre grand faveur. Je ne scay quelle sera l'yssue de leur faict. Le +dict secretaire Cecille m'a envoye, par le Sr de Quillegray, son beau +frere, la responce, que les maire et eschevins de Londres font aulx +remonstrances de voz subjectz de Roan, et m'a mande que, si les dicts +de Roan ne s'en contentent, qu'ilz les apostillent, ou bien qu'ilz +depputent deux d'entre eulx pour en conferer avec deux aultres de +Londres, affin de s'en accommoder ensemble. Car sa Mestresse; desire +que, pour l'honneur de Vostre Majeste, ilz soyent contantes, et le +commerce continue. Et m'a dict aussi le dict Cecille que, pour +remedier aulx desordres d'entre la Bretaigne et l'Angleterre, il vous +playse, Sire, ordonner a Mr de Montpensier de fere une recerche des +prinses et depredations faictes aux Anglois par della, et y depputer +des commissaires pour en juger sommairement; et sa dicte Mestresse +pourvoyra de fere le semblable par deca, pour la restitution des biens +des Bretons, et qu'aultrement le commerce d'entre les deux pays va +estre de tout interrompu. + +Monsieur le comte de Lecestre m'a envoye dire, ce matin, par ung de +ses gentishommes, qu'il a continue vers la Royne, sa Mestresse, la +negociation que j'avois commancee avec luy, suyvant laquelle ayant +priz en bonne part noz remonstrances, elle s'est resolue de perseverer +en tous debvoirs de bonne amytie vers Vostre Majeste, et qu'elle +envoyera une bien honnorable ambassade en France, pour fere la +conjouyssance de voz nopces et de la venue de la Royne. J'entendz que +ce sera milord Boucart, parant en mesme degre de la dicte dame qu'est +milord d'Ousdon. Sur ce, etc. Ce XIIIe jour de decembre 1570. + + + + +CLe DEPESCHE + +--du XVIIIe jour de decembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._) + + Nouvelles de la sante de Marie Stuart.--Preparatifs de depart de + lord Buchard et des seigneurs de sa suite pour assister aux + fetes du mariage du roi.--Negociation des Pays-Bas.--Nouvelles + d'Allemagne.--Affaires d'Irlande. + + + AU ROY. + +Sire, suyvant ce que, en mes precedantes du XIIIe de ce moys, j'avois +espere de vous pouvoir, par celles de ceste heure, mander de bonnes +nouvelles de la Royne d'Escoce, il est advenu que Mr l'evesque de Roz +m'a escript, du XIe de ce moys, tout l'estat auquel il l'a trouvee, +quant il est arrive vers elle; qui est chose pitoyable a ouyr, mesmes +que, oultre la complication de beaucoup de malladies, qui la pressent, +elle est affligee d'ung extreme ennuy de ses afferes, et d'un +crevecueur trop grand, qu'elle a d'aulcunes mauvaises parolles qu'on a +aprins au Prince d'Escoce, son filz, de proferer d'elle. Neantmoins, +par la bonne dilligence et les bons remedes, qu'on luy a use, les +medecins jugent qu'elle est a present hors de dangier; ce que je vous +confirmeray, Sire, par mes subsequentes, sellon la certitude qui m'en +viendra chacun jour. Les depputez de son party ne sont encores +arrivez, et estime l'on qu'on a change l'ellection, et que le comte +d'Athil, ou celluy d'Arguil, avec milord Herys, seront envoyes. Leur +longueur aporte beaucoup de retardement a leurs propres afferes, et a +ceulx de leur Mestresse. + +Cependand milord Boucard se met au plus honneste equipage qu'il peult, +pour aller trouver Vostre Majeste, et a commande la Royne, sa +Mestresse, au comte de Rotheland, et encores a vingt chevaliers ou +gentishommes de sa court, de l'acompaigner, monstrant qu'elle veult +honnorer, a son pouvoir, ce tant illustre mariage des deux personnes, +qui sont les plus royalles et de la plus haute extraction de la +Chrestiente, et d'honnorer encores particullierement la venue de la +Royne, comme d'une princesse, que, oultre les communes occasions de +leur mutuelle bienveuillance, elle veult, pour l'honneur de +l'Empereur, son pere, contracter une fort estroicte et bien fort +especialle amytie avec elle. Et s'attand bien aussi la dicte Dame que +Voz trois Majestez Tres Chrestiennes et Messeigneurs voz freres, et +Mesdames voz soeurs, et pareillement toute la France, luy gratiffierez +ceste sienne bienveuillance et grande demonstration; laquelle je vous +puys asseurer, Sire, qu'on me la tesmoigne icy pour une fort grande +expression du desir, qu'elle a, de perseverer en toute bonne amytie +avec Vostre Majeste, et d'accommoder encores, pour l'honneur de vous, +les afferes de la Royne d'Escoce; ce que je remets bien a le voir par +les effectz. Tant y a que je vous suplie tres humblement, Sire, de +commander que les choses, qui conviennent a bien et favorablement +recepvoir une si notable ambassade, soient ordonnees de bonne heure. + +Au regard des differans de Flandres, j'entendz que le duc d'Alve a +faict remonstrer, soubz main, au deppute de la Royne d'Angleterre +qu'il ne pouvoit, en facon du monde, accepter son offre de prandre les +merchandises d'Angleterre au pris qu'elles avoient este vandues; car +il y feroit, par trop, le dommaige de son Maistre, mais qu'il +s'esforceroit bien de luy fere trouver bon que ce fut sellon qu'elles +avoient vallu en Envers, ung mois auparavant les saysies, parce que +l'empeschement, survenu despuys, sur le commun commerce des deux pays, +les avoit faictes venir beaucoup plus cheres; et que c'estoit ung +expediant, qui luy sembloit fort raysonnable, et par lequel il +esperoit qu'on viendroit facillement au moyen d'accommoder les aultres +afferes du commerce, et de l'entrecours, et de toutz les differans +qu'ilz pouvoient avoir ensemble; auquel expediant, Sire, semble que +ceulx cy condescendront, mais, de tant que le dict duc n'en a encores +rien escript a l'ambassadeur, qui est icy, l'on estime que ce n'est +matiere bien preste. + +Il ne se publie encores rien de la responce, que le jeune Coban a +raportee de l'Empereur; pourra estre qu'avant mes premieres j'en auray +aprins quelque chose pour le vous mander, mais, quant a l'allemant, +qui estoit arrive ung peu devant luy, c'est ung capitaine qui +s'appelle sire Mans Olsamer, d'Auxbourg, qui desire estre receu au +service et a la pencion de la Royne d'Angleterre; et, pour tesmoignage +de sa valleur, il a aporte des lettres de recommendation du duc +Auguste, et quelque present de coffres d'Allemaigne a la dicte Dame, +et six belles peres de pistolles au comte de Lestre. L'on estime que +luy et ung aultre ambassadeur, que le comte Pallatin et le comte de +Mansfelt en mesmes temps envoye icy, par pretexte de quelque reste de +payement de reistres, poursuyvent ce que leurs aultres ambassadeurs, +l'este passe, avoient miz en avant d'une ligue avec ceste princesse, +dont je mettray peyne d'en entendre ce qui en est. + +L'ambassadeur d'Espaigne m'a dict qu'on avoit icy adviz d'Irlande +comme les sauvaiges ont surprins ung chasteau sur ung port de mer, +appartenant au comte d'Esmont, prisonnier en la Tour de Londres, +lequel la Royne d'Angleterre avoit commis en garde a quelque aultre +gentilhomme du pays, et que les dicts sauvaiges y ont miz une garnyzon +de Bretons, de quoy l'on ne m'a encores parle, et je n'en ay poinct +d'adviz d'ailleurs; ayant au reste, Sire, bien dilligement considere +ce que Vostre Majeste m'a escript, du premier de ce moys, touchant le +dict pays, qui est une chose qui se raporte asses bien a ce que je +vous en manday, dez le XIe de juing dernier; et me semble, Sire, que +ceulx cy ont meintennant fort oublye la plus grand souspecon qu'ilz +eussent en cest endroict, car ilz n'ont nul appareil sur mer; et si, +estiment que l'Espaigne n'est encores bien delivree des Mores, et que +le Roy Catholique a receu honte et perte en l'entreprinse du Levant, +n'ayant son armee de rien servy au secours de Nicocye[21], ny rien +exploicte de bien, en tout le voyage, que la perte de quatre ou cinq +mil soldatz, et s'est retiree, sans bonne intelligence, d'avec celles +des aultres allyez. Possible qu'ilz s'endorment ez belles parolles du +duc d'Alve. J'essayeray de voir, ung peu de pres, ou en sont, a +present, les choses, affin de vous en escripre plus a certain par mes +premieres; mais il est requis, Sire, qu'on y ayt principallement +l'oeil ouvert du coste d'Espaigne et de Flandres; car c'est la, ou +desja sont passez ceulx qui ont a conduyre l'entreprinse, si aulcune +s'en faict. Sur ce etc. Ce XVIIIe jour de decembre 1570. + + [21] La ville de Nicosie, malgre les efforts de la flotte + combinee des chretiens, fut prise par les Turcs, le 9 septembre + 1570. + + + + +CLIe DEPESCHE + +--du XXIIIe jour de decembre 1570.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais, par Jehan Monyer._) + + Retour de sir Henri Coban de sa mission en Allemagne.--Rapport + qu'il fait a la reine de ce qui s'est passe aux fiancailles du + roi a Spire.--Conference de l'ambassadeur et de lord + Buchard.--Instructions qui ont ete donnees a lord Buchard par + la reine d'Angleterre.--Espoir de l'ambassadeur de ramener + Elisabeth a une entiere confiance dans le roi.--Convalescence + de Marie Stuart. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay fort dilligemment cerche de scavoir si ceulx cy avoient nul +sentyment de l'aprest, que Vostre Majeste m'a mande par sa lettre du +premier de ce mois, mais je trouve qu'ilz ne se deffient a ceste +heure, peu ny prou, de cest endroict, estans en termes de bien +accorder leurs differans avec le duc d'Alve; et ayant la Royne +d'Angleterre receu, par le retour du jeune Coban, qui a repasse par +Flandres, une lettre du Roy Catholique et une aultre du dict duc, +desquelles, a la verite, je ne scay encores la teneur; tant y a que le +dict duc luy faict esperer beaucoup de l'amytie de son Maistre, et luy +promect plusieurs bons offices de sa part; sur quoy elle et les siens +sont a present endormys. Il est vray qu'ayant la responce, que icelluy +duc a faicte au deppute d'icy, (laquelle, du commancement, avoit +semble fort raysonnable), este baillee a examiner aulx gens de lettre +de ceste ville, ilz l'ont en quelque part trouve captieuse, de sorte +qu'on estime qu'il y aura encores bien a debattre. Le dict jeune Coban +a faict ung honnorable rapport des fianceailles de Vostre Majeste, +lesquelles il a veues cellebrer a Spire, et de la bonne grace, vertu +et debonairete de la Royne, des vertueulx deportemens de Mr le comte +de Retz aus dites fianceailles, avec honneur et dignite, et +pareillement de monsieur le comte de Fiesque, et de toutz les +Francoys, qui estoient en leur compaignie; et s'est loue des +honnorables propos, que le dict Sr comte de Retz luy a tenuz de la +Royne d'Angleterre, sa Mestresse, et de la faveur qu'il luy a faicte +particulierement a luy; mais quant aulx aultres contantemens, qu'il a +raporte de la cour de l'Empereur, j'entendz que sa dicte Mestresse ne +les a aulcunement goustez, ains qu'elle demeure offancee des +responces, que l'Empereur luy a faictes; lesquelles j'espere que, par +mes premieres, je les vous pourray mander. + +Lundy dernier, Mr de Valsingan me fit ung somptueulx festin, auquel il +appella milord de Boucart, le comte de Rotheland, et une trouppe des +plus habilles hommes de bonne qualite de ceste ville, qui me vinrent +querir fort honnorablement en mon logis; il me dict qu'il estoit du +tout depesche pour aller succeder a Mr Norrys, et qu'il me donnoit +parolle, en homme de bien, de se comporter en telle sorte, en sa +legation, que Vostre Majeste en auroit tout contentement; et me fit +toute ceste compaignie une fort honneste demonstration de +bienveuillance envers la France. Le dict Sr de Boucard me dict, a +part, que sa Mestresse luy avoit commance de bailler son instruction, +et que, sans les choses que son ambassadeur luy avoit escriptes, elle +eust faict fere le voyage par le comte de Lestre, lequel, a present, +ne pouvoit plus estre ainsy bien prest comme elle le desireroit; bien +que je luy eusse, a ce qu'elle disoit, desja interprete en si bonne +sorte ce que Vostre Majeste avoit faict et dict, en l'endroict de son +ambassadeur, qu'elle en demeuroit fort satisfaicte, mais qu'elle +vouloit que le dict de Boucart accomplyst si honnorablement ceste +legation au lieu du dict de Lestre, que Voz Majestez Tres +Chrestiennes, et toute la France, en puissiez recepvoir le +contantement, qu'elle desireroit; et luy avoit parle en une facon +qu'elle monstroit ne vous porter moins bonne affection, que si elle +vous estoit propre soeur germayne, et qu'elle fut vrayement fille de +la Royne, vostre mere; et qu'il y en avoit, qui luy conseilloient de +composer aultrement son langaige, quant il seroit en France, mais +qu'il n'avoit garde, et qu'il vous representeroit droictement les +propos de sa Mestresse. Il est, a la verite, ung bien modeste +gentilhomme, et aussi bien intentionne que j'en cognoisse poinct en +ceste court, il eust desire que le terme de vostre entree a Paris +n'eust pas este si court, affin d'avoir plus de loysir de se preparer; +et luy ay donne quelque esperance qu'elle pourra estre prolongee +jusques au VIIIe ou Xe de janvier. + +Je vays demain trouver la Royne, sa Mestresse, et espere, puysqu'elle +a commance de bien prandre mes raysons, que je la rameneray aulx +premiers termes de la bonne amytie, que Vostre Majeste desire +continuer avec elle, sellon le bon argument que je luy en feray voir +par vos lettres du XXIIe du passe; et ne larray de luy toucher des +afferes de la Royne d'Escoce, encores qu'ilz luy soyent toutjours fort +espineux; et la remercyerai de la consolation, qu'elle luy a donnee +par ses lettres, en ceste grande malladye ou elle a este, de laquelle +l'on pense icy qu'elle ne soit encores bien hors de dangier; mais, +tout presentement, ung sien serviteur, qui est son fruytier, et faict +l'office d'apoticquaire, et qui la servyt vendredy dernier a son +disner, m'a apporte certaines nouvelles qu'elle se trouve mieulx. La +Royne d'Angleterre est apres a l'envoyer visiter par ung gentilhomme +des siens, et luy envoyer une bague, qu'elle a faicte fere expres, +pour renouveler quelques merques d'amytie entre elles; et semble qu'il +ne tient plus qu'aulx depputez d'Escoce qu'on ne procede au traicte. +Sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de decembre 1570. + + + + +CLIIe DEPESCHE + +--du XXIXe jour de decembre 1570.-- + +(_Envoyee jusques a la court par le Sr de Sabran._) + + Audience.--Explication sur le mauvais accueil dont s'est plaint + l'ambassadeur d'Angleterre.--Satisfaction de la + reine.--Discussion des affaires de la reine d'Ecosse.--Plainte + d'Elisabeth au sujet des menaces faites par le roi.--_Lettre + secrete a la reine-mere._ Conference du cardinal de Chatillon + avec l'ambassadeur; projet de mariage du duc d'Anjou avec + Elisabeth.--Commencement de cette negociation.--Declaration de + Leicester qu'il favorisera ce projet.--Propos tenu a ce sujet + par l'ambassadeur a la reine d'Angleterre.--_Memoire._ + Proposition du comte de Sussex sur les affaires de Marie + Stuart.--Efforts des Anglais pour enlever a la France + l'alliance de l'Ecosse.--Poursuites dirigees au sujet des + troubles du pays de Lancastre.--Affaires d'Espagne et des + Pays-Bas.--Confiance des Anglais dans les promesses du duc + d'Albe.--Negociation de sir Henri Coban en + Allemagne.--Mecontentement d'Elisabeth contre + l'Empereur.--Nouvelle d'un grand armement fait en Espagne. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay dict a la Royne d'Angleterre que sur la depesche que je +vous avois faicte par le Sr de L'Aubespine, touchant le +malcontantement qu'elle avoit des choses, qui avoient este faictes en +l'endroict de son ambassadeur, Vostre Majeste ne m'avoit guieres vollu +differer sa responce, en laquelle j'avois trouve tout ce qui s'etoit +passe avecques luy, le jour dont il se pleignoit; dont me commandiez +de le represanter a elle par le menu, et que, s'il luy restoit nul bon +desir, ni aulcune bonne affection envers Vostre Majeste, et si elle ne +vouloit condempner la franchise et sincerite, dont vous desiriez uzer +en son endroict, vous esperiez qu'elle n'interpreteroit que a bien +tout ce qui vous estoit advenu de fere et dire, lors, a son dict +ambassadeur: et neantmoins, parce que je vous avois mande qu'elle +desiroit d'en estre satisfaicte, vous n'aviez vollu differer d'en +mettre la satisfaction dans vostre lettre, et y aviez adjouxte +l'intention, dont vous aviez parle, des afferes de la Royne d'Escoce, +et ce que vous en aviez encores sur le cueur; a quoy vous la supliez +toutjour de pourvoir, et puys veniez, en vostre lettre, a d'aultres +particullaritez, qui estoient toutes a son contantement; dont, de tant +que vous y expliquiez si bien vostre intention, que je craignois +d'offusquer beaucoup la clarte d'icelle, si je la redigoys en mes +propos, j'avois aporte le propre extraict de vostre chiffre, pour le +luy monstrer, apres toutesfoys avoir impetre d'elle qu'elle ne +prendroit, sinon en fort bonne part, tout ce qui y estoit contenu. + +La dicte Dame, me remercyant de la communication que je luy vouloys +fere de vostre depesche, affin d'y comprendre mieulx vostre intention, +la leust fort curieusement du commancement jusques a la fin, et +considera de prez toutes les particullaritez qui y estoient contenues; +et puys me dict qu'elle vouloit bien demeurer contante et satisfaicte +de ce qu'il vous playsoit, et prendre de bonne part les bons argumens, +qu'elle voyoit dans vostre lettre, de vostre bonne amytie vers elle; +mais cella luy faisoit mal que vous l'y colloquiez segonde, apres la +Royne d'Escoce, bien qu'elle meritast d'estre premiere, et que, si +vous y aviez touche aulcunes honnestes et bien gracieuses +particullaritez pour elle, vous y aviez encores plus amplement +poursuyvy les afferes de la dicte Royne d'Escoce; dont eust desire +que, au moins ceste foys, vous eussiez oublye d'y mettre le mesmes +langaige, que vous aviez escript a son dict ambassadeur, mais il y +estoit tout semblable; et qu'elle voyoit bien que vous ne l'aviez peu +dire, ny escripre, a luy, ny a moy, sans que vous ne l'eussiez heu +ainsy dans le cueur; neantmoins qu'elle estimoit que vous luy +reserviez toutjour une tres bonne affection, ainsy que vous +l'escripvez; et que, pour le regard de la Royne d'Escoce, elle avoit +este tres desplaysante de sa malladye, et de ce qu'il sembloit qu'elle +ne fust encores hors de dangier, neantmoins elle l'envoyeroit visiter +par ung gentilhomme, affin de luy donner toute la consolation qu'il +luy seroit possible; qu'elle esperoit que ses depputez seroient +bientost icy, luy ayant neantmoins mande d'en fere venir de plus +capables que ceulx qui avoient este nommez, car c'estoit derrision +d'envoyer ceulx la; et, qu'aussitost qu'ilz seroient venuz, des deux +partys, qu'on procederoit au trette, auquel, quant a ce que Vostre +Majeste me commandoit de prendre garde qu'il n'y fut rien faict a +vostre prejudice, qu'elle ne le pretandoit aulcunement, mais seulement +de fere que la Royne d'Escoce ne luy nuysit poinct a elle; au regard +de voz nopces, qu'elle avoit receu ung singulier playsir d'en entendre +l'honnorable recit, que je luy en avois faict, et qu'elle se delectoit +de les ouyr cellebrer et magniffier, comme les plus honnorables de +nostre temps; (es quelles n'avoit este besoing de dispence, ainsy que +aulx aultres, ou sembloit qu'enfin le Pape permettroit de se mesler +avec les propres soeurs); et qu'elle les envoyeroit honnorer et +aprouver encores de sa part, par ung de ses barons, qui estoit son +parant fort prochain du coste de sa mere, lequel elle avoit +expressement choisy a cest effect pour vous contanter; et vous pryoit, +Sire, de le vouloir bien recepvoir, et l'accepter avecques faveur; et +vous remercyoit, au reste, de tout son cueur, de ce que, pour vous +avoir desire toute felicite en vostre mariage, et avoir invoque la +benediction de Dieu sur icelluy, vous luy en avez souhayte ung pour +elle, qui fust a son contantement, chose qu'elle s'asseure que vous +luy vouldriez procurer de bonne affection, et elle aussi y vouldroit +suyvre tres vollontiers vostre jugement, sellon qu'elle s'asseuroit +que vous luy vouliez beaucoup de bien, si elle en venoit a cella; et +qu'au reste elle n'avoit poinct doubte de l'establissement de la paix +de vostre royaulme, neantmoins qu'elle estoit infinyement bien ayse de +vous voir bien resolu de la maintenir, et que toutz vos subjectz se +rangeassent, comme ilz faisoient, a bien exactement l'observer. + +Toutz lesquelz bons propos, Sire, elle a estenduz en plusieurs +honnestes termes d'amytie et de bonne affection envers Voz Majestez +Tres Chrestiennes et au plaisir, qu'elle disoit participer avec celluy +qu'elle jugeoit fort grand, et quasi incroyable, de la Royne, vostre +mere, sur les prosperitez qu'elle voyoit aujourduy en ses enfans et en +la France; ce que j'ay suyvy avec les meileures parolles, que j'ay +estime convenir a vostre grandeur et a l'honneur et dignite du present +estat de voz afferes; et me suys ainsi licencie d'elle. + +Or, Sire, le comte de Lestre m'a faict une ouverte demonstration de +la bonne intelligence, en quoy la dicte Dame veult demeurer avec +Vostre Majeste, mais que voz ennemys luy objectent que ce n'est de la +dignite de sa couronne, ny de l'honneur de son royaume, qu'elle se +laysse aller a voz menaces sur les afferes de la Royne d'Escoce, et +qu'il me vouloit dire que la dicte Dame avoit heu mille et mille foys +plus de respect a vous pour la Royne d'Escoce, que non pas a elle, et +que je pouvois dire qu'en vostre nom j'avoys tire son affere hors des +abismes, neantmoins qu'elle en vouloit bien avoir le gre et l'honneur, +et que tout seroit gaste, si l'on y procedoit par rigueur; dont ayant +Vostre Majeste a proceder en cella avecques une femme, desiroit qu'il +vous pleust luy uzer de toutes agreables parolles, et encores de +gracieuses prieres, et qu'avec ceste courtoysie le dict sieur comte +esperoit de vaincre les adversayres de ceste cause, lesquelz il estoit +incroyable combien ilz lui avoient donne de peyne jusques icy. Et sur +ce, etc. Ce XXIXe jour de decembre 1570. + + A LA ROYNE. + + (_Lettre a part._) + +Madame, j'ay a dire a Vostre Majeste touchant le particullier de la +petite lettre du XXIe de novembre que, quant Mr le cardinal de +Chastillon a repasse en ceste ville, en s'en retournant d'Amptome, il +m'est venu visiter pour satisfere, a ce qu'il dict, a son debvoir +envers Voz Majestez, et a curieusement examine de quelle intention +Elles et Monseigneur estoient en l'entretennement de la paix, et si +elles se vouloient poinct tirer hors de la subjection du Roy +d'Espaigne et des aultres princes, qui tirannisent vostre couronne, +et si Mon dict Seigneur estoit si avant au party de la princesse de +Portugal qu'il ne peult entendre a celluy de la Royne d'Angleterre, +lequel, s'il le vouloit, se pourroit meintennant conduyre, estendant +son propos en plusieurs aultres choses, lesquelles revenoient toutes a +ces trois poinctz. + +Je luy ay respondu, quant a la paix, qu'il ne doubtat que Voz Majestez +et Monseigneur ne la rendissiez stable et de duree, jouxte l'edict, +qui en avoit este faict, pourveu que eulx, de leur coste, +l'observassent; que vostre delliberation estoit de fere voz afferes, +sans dependre de nul aultre prince, mais qu'il seroit bien dangereux, +a la fin de ceste guerre des Protestans, d'en laysser renoveller une +des Catholiques, veu l'intelligence que luy mesmes disoit que les +aultres princes avoient dans le royaume; par ainsy qu'il vous failloit +laysser bien establyr, et qu'il considerat combien il avoit este +besoing que Voz Majestez et Mon dict Seigneur eussiez use d'une ferme +et constante vertu, et d'une grande magnanimite, a fere ceste paix, +estant assez contradicte de toutz les aultres princes catholiques; +que, touchant la Royne d'Angleterre, elle avoit toujour monstre ne +vouloir poinct de mary, ou de ne vouloir entendre a nul autre que a +l'archiduc; mais si, a ceste heure que Mon dict Seigneur estoit en +fleur d'eage, et florissant en toutes vertuz, aultant et, possible, +plus que nul prince de la Chrestiente, elle trouvoit bon de +l'espouser, je ne faisois doubte que luy et Voz Majestez, et toute la +France, embrassissiez ce party avec toute affection, comme le plus +grand et le plus honnorable de toutz les aultres, et duquel j'estimois +qu'adviendroit plus de reconcilliation au monde, plus de paix a la +France, et plus de terreur aulx ennemys d'icelle, que de nulle chose, +qu'il se peult aujourduy mettre en avant. + +Ce qu'il monstra de recepvoir avec affection et d'en demeurer bien +fort consolle; et s'en retourna, puys apres, au logis du comte de +Lestre, ou il fut tout le soir en privee conference avecques luy: +puys, le matin, il me manda qu'il esperoit que noz propos produyroient +quelque bon effect. + +Peu de jours apres, ainsi que j'etois bien mallade, le Sr Guydo +Cavalcanty me vint, par forme de visite, en mon lict entretenir d'ung +grand circuyt de bonnes parolles; lesquelles il fit tumber sur Mon +dict Seigneur, et que le mariage de l'archiduc avec la fille de +Baviere, l'indignation, que la Royne d'Angleterre en avoit prins, et +ce qu'elle vouloit bien monstrer qu'elle estoit pour trouver aussi bon +party que le sien; et puys les differans des Pays Bas, ceulx de la +Royne d'Escoce, la paix de la France, l'accommodement qui se pourroit +fere de Callais, s'il y avoit enfans, la disposition venue de +Monsieur, qui estoit desja homme, celle qui commanceroit doresenavant +de passer de la dicte Royne d'Angleterre, estoient toutes influances +pour fere effectuer, ceste annee, ung bien heureux mariage entre eulx; +et que, si je le trouvois bon, il en mettroit quelque chose, comme de +luy mesmes, en avant au secretaire Cecille, avec de si bonnes +considerations, qu'il esperoit qu'elles auroient effect, me priant de +fere entendre ceste sienne bonne intention a Vostre Majeste. + +Auquel Cavalcanty, parce que je le cognoissois fort de ceste court, et +que c'estoit luy qui avoit toutjour entretenu le party de l'archiduc, +je respondiz que le propos me sembloit si honnorable et si +advantaigeux pour Monseigneur, que j'avois ung grand playsir qu'il me +l'eust miz en avant, et que je ne fauldrois d'en donner adviz a +Vostre Majeste, ne voyant qu'il y peult avoir que tout bien d'en +entamer telz propos, comme il les scauroit bien penser et bien +sagement conduyre, car je le reputois pour ung expecial serviteur de +Vostre Majeste et bien affectionne a la France; que, pour ma part, ne +saichant, a present, en quelle disposition vous en pouviez estre, je +ne luy pouvois dire sinon que, de toutz les partys, dont je vous avois +ouy fere grand cas; mesmes pour le Roy vostre filz, vous aviez +toutjour estime le plus grand et le plus digne celluy de la Royne +d'Angleterre; et que sur ung tel fondement se pourroit bien establyr +une bonne alliance, si l'on s'y disposoit du coste de deca. + +A trois jours de la, le dict Cavalcanty me revint trouver, qui me dict +avoir desja ouvert ce bon propos au dict secretaire, et qu'il l'avoit +receu avec affection, mais que, ayant este longtemps mallade, sans +avoir veu sa Mestresse, il ne l'avoit peu suyvre; mais il l'avoit prye +de l'aller trouver a Amthoncourt, aussitost qu'il y seroit, et qu'ilz +en tretteroient plus amplement. + +Despuys cella, Madame, j'ay este au dict Amthoncourt, ou me trouvant a +part avec le comte de Lestre, apres d'aultres discours, je luy ay dict +tout ouvertement qu'ung personnaige de bonne qualite, lequel +toutesfoys je ne luy ay point nomme, m'avoit tenu le susdict propos, +lequel j'avois receu avec honneur et respect, mais que je n'en voulois +user sinon ainsy qu'il me conseilleroit; car je scavois que Voz +Majestez le reputoient comme conseiller et protecteur de tout ce que +vous auriez a fere en ce royaulme, et que, si quelque chose debvoit +advenir de cella, vous ne vous en vouldriez jamais adresser qu'a luy. +Lequel me respondit qu'il y avoit plusieurs jours qu'il avoit desire +de conferer avecques moy de cest affere, sur ce qui en avoit este +desja miz en termes par le vydame de Chartres et par d'aultres, mais, +plus expressement que par nul, par Mr le cardinal de Chastillon, qui +avoit parle si haultement des grandes qualitez de Monsieur, comme le +cognoissant bien, qu'il l'avoit faict le plus desirable prince de la +terre; que, de sa part, il s'estoit toutjour oppose au party +d'Austriche bien que, en aparence, utille a sa Mestresse, mais +puysqu'elle estoit resolue de n'entendre a celluy de nul de ses +subjectz, qu'il se vouloit sacriffier pour conduyre celluy de +Monsieur; et qu'il y vouloit proceder en telle facon que ung esgal et +mutuel advantaige fut garde aulx deux, affin de ne fere naistre d'ung +tel pourchaz d'amytie aulcune matiere d'offance, comme il voyoit bien +qu'il en restoit quelcune asses grande du propos de l'archiduc, et +qu'on estoit pis que jamais avec le Roy d'Espaigne, nonobstant les +bonnes lettres, que luy et le duc d'Alve avoient naguieres escriptes; +et que, en brief, il viendroit expres a Londres pour me festoyer en sa +mayson, et pour tretter amplement de cest affere avecques moy; duquel +il estoit d'adviz que je touchasse cependant quelque mot a la Royne, +sa Mestresse; et qu'il esperoit que, sur ceste occasion, se dresseroit +ung voyage pour luy en France, puysqu'il avoit failly ceste foys d'y +aller; et qu'il avoit ung infiny desir d'aller bayser les mains a Voz +Majestez, comme recognoissant le Roy pour son superieur, a cause de +l'honneur, qu'il luy avoit faict, de son ordre. + +Et de ce pas il me mena en la chambre privee de sa Mestresse, ou je la +trouvay mieulx paree que de coustume, et qui monstra qu'elle +s'attandoit bien qu'en luy parlant des nopces du Roy, je luy en +desirerois une pour elle; a quoy elle m'achemina, par aulcuns siens +propos, sur lesquelz enfin je luy diz qu'il me souvenoit bien de ce +qu'elle m'avoit asseure de n'avoir poinct faict de veu de ne se maryer +pas, et que le plus grand regrect qu'elle eust estoit de n'avoir pense +de bonne heure a sa posterite, et qu'elle ne prendroit jamais party, +qui ne fut de mayson royalle, convenable a sa qualite; sur quoy je +serois marry qu'elle m'estimat si mal abille que je n'entendisse bien +que cella quadroit merveilleusement bien en Monseigneur, frere du Roy, +comme en celluy, lequel j'osois (sans passion ny flatterye) reputer le +plus acomply prince, qui aujourduy vesquit au monde pour meriter ses +bonnes graces; et que je me reputerois le mieulx fortune gentilhomme +de la terre, si je pouvois intervenir a quelque commancement d'une si +heureuse alliance, qui peult revenir a bon effect; car j'en +demeurerois cellebre a toute la posterite. + +La dicte Dame receust merveilleusement bien ce peu de motz, et me +respondit que Monsieur estoit de telle estime et de si exellante +qualite qu'il estoit digne de quelque grandeur qui fut au monde, et +qu'elle croyoit que ses pensees estoient bien logees en plus beau lieu +qu'en elle, qui estoit desja vieille, et qui, sans la consideration de +la posterite, auroit honte de parler de mary, et qu'elle estoit desja +de celles dont on vouldroit bien espouser le royaume, mais non pas la +royne, ainsy qu'il advenoit souvent entre les grandz, qui se maryoient +la pluspart sans se voir; et que ceulx de la mayson de France avoient +bien reputation d'estre bons marys, a bien fort honnorer leurs femmes, +mais a ne guieres les aymer. Et suyvyt asses longtemps ces propos avec +toutes les plus honnestes et favorables parolles, qui se pouvoient +respondre a ung, qui monstroit ne parler aulcunement que de luy +mesmes, et sans aulcune charge. Dont ne fault doubter, Madame, que ce +qui en seroit meintennant miz en avant ne fut receu d'elle, et +embrasse de tout son royaulme, avec affection; mais je ne puys juger +encores si elle l'acomplyroit par apres, car souvent elle a promiz a +ses Estats de se maryer, et puys elle a trouve moyen d'en prolonger et +interrompre les propos. Neantmoins, de tant qu'on imputera a une tres +grande faulte a la France d'avoir laysse eschapper ung si grand party, +comme est cestuy cy, qui semble se presenter a Monseigneur, je +desirerois que vous l'eussiez desja dispose de le vouloir; et que, sur +ce qui en est desja entame entre Mr le comte de Lestre et moy, Vostre +Majeste me commendast de passer oultre, et me prescript la forme comme +j'aurois a le fere: car il me semble bien que ce sera a nous (si l'on +en vient la) de parler les premiers, mais qu'il fauldroit qu'ilz y +respondissent si clairement que l'affere fut plus tost conclud que +divulgue, a cause des jalouzies, traverses et inconvenians, qui y +pourroient survenir; et puys apres, l'on y pourroit bien adjouxter les +ceremonyes et respectz qui y seroient necessaires pour honnorer +l'acte; surtout je prendray garde, aultant qu'il me sera possible, que +n'y soyez trompez ny remiz a nulle longueur. Sur ce, etc. + + Ce XXIXe jour de decembre 1570. + + Encores tout presentement, je viens de recepvoir adviz, de bon + lieu, que le susdict propos commence de prendre icy grand + fondement; dont je continueray d'en escripre toutjour quelque + mot, a part, a Vostre Majeste; mais il n'y a rien plus requis que + de tenir la matiere secrecte. + + ADVERTYRA LE DICT DE SABRAN LEURS MAJESTEZ, oultre le contenu des + lettres: + + Que milord de Sussex a propose, a son arrivee, de fort mauvais + conseilz contre les afferes de la Royne d'Escoce, remonstrant + qu'avec quatre centz mil escuz, qui ont este employez ceste + annee, par ses mains, contre les Escoucoys, il a bien chastie + ceulx d'entre eulx, qui avoient ose offancer la Royne, sa + Mestresse, en retirant et supportant ses rebelles; et qu'il avoit + estably aulx aultres un regent a sa devotion; et releve si bien + la part du jeune Roy, que ceulx de l'aultre party ne faisoient + plus que ce qu'il leur ordonnoit, et les avoit presque rengez a + se soubsmettre a luy; et que, pendant que le Roy Tres Chrestien + estoit encores bien laz des guerres civiles de son royaulme, et + les aultres princes de della la mer asses empeschez, chacun en + son estat, il s'esbahyssoit comme la Royne, sa Mestresse, se + retranchoit ainsy court a elle mesmes son entreprinse, de ne se + saysir de l'Escoce, comme il luy avoit facillite la voye de ce + fere, et de pouvoir establyr par la ung repos en ceste isle; + lequel aultrement il n'esperoit l'y veoir jamais bien asseure, + mesmement si la Royne d'Escoce estoit restituee; et qu'on ne + pouvoit donner ung plus loyal conseil a la Royne, sa Mestresse, + que d'interrompre ce propos encommance, et de luy fere poursuyvre + chauldement, a ce prochain printemptz, son entreprinse de + renvoyer l'armee en Escoce; car s'asseuroit dans peu de jours, la + randre maistresse de Lislebourg, Esterlin et Dombertrand, et de + forclorre aulx Francoys leur descente et retrette au dict pays; + lesquelz aussi, sellon son opinion, n'avoient, a present, guieres + a cueur les choses de deca la mer, se trouvant seigneurs de + Callais. + + Auquel conseil s'estantz joinctz ceulx, qui avoient toutjours heu + le mesmes adviz, ilz ont euyde traverser grandement toutz noz + afferes; mais la Royne mesmes n'a monstre qu'elle y inclinast; et + aulcuns seigneurs plus moderez ont remonstre au dict de Sussex + qu'il y avoit plus de dangier et d'inconveniant, en ceste + entreprinse qu'il n'y en voyoit, de sorte qu'il n'est demeure + bien ferme en son opinion. Il est vray que l'abbe de Domfermelin + est fort ordinaire en sa compaignye, ce qui le nous rend toutjour + asses suspect, mais l'evesque de Roz, avant partyr, luy est alle + remonstrer plusieurs choses, par lesquelles il l'a ramene a ceste + rayson que, s'il se pouvoit establyr quelque bonne seurete entre + les deux Roynes, il confessoit, veu la proximite d'elles, et le + droict de la future succession a celle d'Escoce, que le plus + expediant seroit de la restituer; mais n'a parle que + condicionnellement, et par difficultez, avec un desir tres + ambitieux de demeurer en charge; et qu'en tout evenement, il + failloit que la dicte Dame quictast l'alliance de France pour en + fere une nouvelle et perpetuelle avec la Royne d'Angleterre. + + A quoy le dict evesque luy a remonstre qu'il estoit impossible de + ce fere, et qu'il ne seroit honneste ny proffittable a la Royne + d'Angleterre de le requerir, joinct que, si elle pressoit de + cella sa Mestresse, elle la presseroit a elle de renoncer a + l'alliance de Bourgoigne. A quoy il a soubdain respondu que Dieu + vollust garder sa Mestresse d'un si dangereux conseil, comme de + quicter les anciennes alliances de sa couronne, mais qu'il + n'estoit de mesmes a ceste heure, en l'endroict de la Royne + d'Escoce, parce qu'il falloit qu'elle print la loy de la Royne + d'Angleterre. Tant y a que, despuys, il semble que, a cause du + duc de Norfolc, le dict de Sussex se soit ung peu modere; et + toutjour le comte de Lestre et le secretaire monstrent perseverer + droictement a vouloir que l'accord succede par le traicte; dont + nous vivons en meilleure esperance. + + Et ceste honnorable ambassade, que la Royne d'Angleterre envoye + meintennant en France, monstre qu'elle n'a le cueur esloigne de + cella; mesmes Mr le cardinal de Chastillon m'a asseure, ceste + derniere foys qu'il m'est venu visiter, qu'il scavoit + certainement que la resolution estoit prinse, entre la dicte Dame + et ceulx de son conseil, de restituer la Royne d'Escoce, mais que + je ne m'esbahysse de la longueur; car elle estoit naturelle a + ceulx cy, sellon que luy mesmes l'avoit esprouve; et que, despuys + l'aultre foys qu'il avoit este avecques moy, ayant considere, par + les choses que Mr de Roz et moy luy avions desduictes, que le Roy + avoit grand interest a la restitution de la dicte Royne d'Escoce, + il en avoit parle si a propos a la Royne d'Angleterre qu'il + l'avoit fort disposee d'y prendre quelque bon expediant. Ceulx + aussi, a qui cest affere est aultant a cueur en ceste court comme + leur propre vie, m'asseurent qu'il ne tient plus qu'a la venue + des depputez d'Escoce qu'on ne passe oultre a conclurre le + traicte, et m'ont faict advertyr de suplier Leurs Majestez Tres + Chrestiennes de fere, en cest endroict, l'office que j'ay donne + charge au Sr de Sabran de leur dire. + + Le sire Thomas Stanlay a este ouy et examine eu ce conseil sur + les mouvemens de Lenclastre; et puys son frere Edouart apres luy, + et le sir Thomas Gerard, apres, en presence de toutz deux, leur + estant remonstre qu'ilz proposoient ung tres mauvais exemple + d'eulx au dict pays de ne se ranger a la forme de religion, qui + estoit ordonnee, sellon les parlemens, a la tranquillite publique + du royaulme; et que, s'ilz ne s'y deportoient plus sagement, la + Royne, leur Mestresse, ne pourroit de moins que proceder contre + eulx par la voye de justice; et, pour ceste foys, ne leur ont + touche que ce point de la religion. A quoy ils ont respondu + qu'ilz estoient personnaiges qualiffiez, et bien cautionnez en ce + royaulme, et que, s'ilz se fussent sentys coulpables d'aulcune + chose envers la Royne et son estat, qu'ilz ne fussent point + venuz, et qu'ilz avoient, en toutz leurs actes, toutjours procede + en fort gens de bien, dont les requeroient qu'ilz ne vollussent + prendre aulcune mauvaise opinion d'eulx, ny rien ordonner a leur + prejudice, que leurs accusateurs ne fussent presens, car ils + s'asseuroient de leur bien respondre, et de se bien justiffier + devant eulx. Ilz sont encores a la suyte de la court, et + cependant est venu nouvelles que celluy, qui les avoit defferez, + est mort de quelque accidant fort soubdain et fort estrange. + + J'ay faict dire, de loing, a aulcuns, qui ont parfaicte + cognoissance des choses de ce royaulme, que j'avois entendu que + la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil avoient toutjours + heu pour suspect le retour de l'armee d'Espaigne, et qu'il + sembloit qu'a ceste heure ilz en fussent en plus grand doubte que + jamais; dont je les pryois de me mander en quoy ilz estimoient + que les choses en fussent. Lesquelz m'ont respondu quasi + conformement, de plusieurs endroictz, qu'a la verite l'on estoit + en asses de deffiance du coste d'Espaigne et de Portugal, tant a + cause des prinses de l'an 1569, que de ce que les fuytifz de ce + royaulme s'etoient retirez vers le duc d'Alve; et que Estuqueley + estoit passe devers le Roy Catholique pour l'inviter a quelque + entreprinse en l'Yrlande, ainsy qu'il estoit homme pour le luy + scavoir imprimer et pour se offrir a la conduyre; et que ung + itallien, nomme Lotini, lequel ceste Royne entretennoit en + Yrlande, avoit este naguieres chasse pour souspecon, qu'on avoit + heu, qu'il s'entendit avec le dict Estuqueley; neantmoins que la + dicte Dame et toutz ceulx de son conseil demeuroient fermement + persuadez que le Roy d'Espaigne ne romproit jamais avec eulx, + tant qu'ilz seroient saysys des merchandises et deniers qu'ilz + ont prins sur luy, car il auroit aultant perdu; joinct qu'ilz + estoient si avant en traicte avec le duc d'Alve, qu'ilz + attendoient plustost accord que guerre de son coste; et que l'on + estoit apres a y regarder de si pres, qu'on estimoit bien qu'il + ne seroit rien laysse en differand, d'ou l'on en peult venir cy + apres aulx armes. Par lesquelles responces se peult asses + cognoistre que ceulx cy ne sont bien aperceuz des appareilz + d'Espaigne ni de Portugal; ce qu'ilz monstrent encores mieulx par + le peu de prevoyance qu'ilz donnent aulx choses de la guerre; car + je n'ay entendu qu'ilz ayent, pour encores, ordonne aultre chose + que aulx pourvoyeurs de la marine de scavoir ou prendre + l'avitaillement pour vingt cinq navyres, dans quinze jours, quant + il leur sera commande. + + Tant y a que le duc d'Alve, par les difficultez qu'il faict + naistre, l'une apres l'aultre, en ces differans des prinses, et + qu'il ne se haste de parler guieres expressement de l'accord du + commerce, et de l'entrecours, monstre qu'il vouldroit, en quelque + facon, s'asseurer des dictes prinses, lesquelles montent a grand + somme; et puys essayer de se revencher; dont il va temporisant et + entretennant ceulx cy de parolles et de bonnes esperances, affin + qu'ilz n'y preignent garde. Et je scay, a la verite, qu'il a + naguieres envoye, par le jeune Coban, une lettre du Roy, son + Maistre, a la Royne d'Angleterre, en laquelle son dict Maistre + rend seulement ung fort grand et fort expres grand mercys a la + dicte Dame pour l'honnorable convoy qu'elle a faict fere par ses + grandz navyres a la Royne, sa femme, passant en ceste mer; et ne + touche nul aultre poinct, ni mesmes luy faict aulcune mencion des + trois lettres, que la dicte Dame luy a escriptes, despuys les + dictes prinses; et, par mesme moyen, le duc d'Alve luy en a + escript une, de sa part, pour accompaigner celle de son Maistre, + et pour prendre conge d'elle, et l'exorter a l'entretennement de + la paix et de l'alliance avec son dict Maistre, avecques grandz + offres de s'employer droictement a le randre de mesmes bien + dispose envers elle. + + Quant au voyage du dict jeune Coban a Espire, l'on m'advertyt, + avant son partement, qu'il y alloit pour renouveller le propos de + l'archiduc Charles, mais ce n'estoit que une demonstration, que + la Royne d'Angleterre vouloit faire pour s'en prevaloir en ses + presens afferes de dehors et de dedans son royaulme, et qu'en + effect l'envye ne luy estoit crue de se maryer; mesmes que n'y + ayant le comte de Sussex rien advance, quant il y alla, encores + estoit il a croyre que ung jeune gentilhomme de nulle authorite, + qui a peyne avoit poil en barbe, y feroit a ceste heure encores + moins. + + Tant y a qu'avec plusieurs aultres propos d'amytie le dict Coban + a propose a l'Empereur que sa Mestresse l'avoit envoye vers luy + pour continuer la mesmes negociation, que, trois ans a, le comte + de Sussex luy avoit commance; a laquelle elle n'avoit, plus tost + qu'a ceste heure, peu randre responce, pour avoir este souvent + despuys asses mallade, et pour les guerres de France, Flandres et + aultres empeschemens, qui estoient jusques en son propre pays + survenuz; mais qu'elle n'avoit toutesfoys, en differant la + responce, pense de rien interrompre au propos de l'archiduc son + frere, et que, s'il luy playsoit de passer meintennant en + Angleterre, il y seroit le tres bien venu, et qu'estant reste + tout le differant sur sa religion, elle esperoit que ses subjectz + y consentyroient qu'il eust, pour luy et les siens, si ample + exercice d'icelle qu'il en demeureroit contant. + + Lequel propos le dict Empereur monstra recepvoir de bonne part, + et print temps de luy respondre, affin d'advertyr l'archiduc son + frere; et enfin la responce a este que luy et son dict frere + estoient bien marrys que la bonne intention de la dicte Dame leur + eust este si tard notiffiee; de laquelle ilz luy demeureroient + neantmoins bien fort obligez; et que son dict frere n'avoit peu + penser de moins, luy differant, elle, trois ans sa responce, + sinon qu'il n'estoit accepte; dont il avoit regarde a ung aultre + party, et desja s'y estoit oblige avec une princesse, sa parente, + catholique, avec laquelle il n'auroit point de different pour sa + religion; qu'il luy vouloit dire, encores une aultre foys, qu'il + avoit grand regrect que l'ocasion n'eust este acceptee de toutz + deux, quant elle s'estoit presentee, et qu'il ne lairroit + pourtant de demeurer tres bon amy et comme frere a la dicte Dame; + laquelle il vouloit au reste exorter, pour son bien, de vivre en + bonne paix avec les princes, ses voysins; dont estant meintennant + les deux plus grandz ses gendres, il auroit grand playsir qu'elle + se deportat comme bonne soeur avec eulx, et qu'il la vouloit + advertyr que de la dependoit sa seurete et celle de son estat. Et + avec ces honnestes parolles, et quelque present de vaysselle + d'argent, il a licencie le dict Coban. + + Laquelle responce n'a peu, en facon du monde, estre bien goustee + ny bien prinse de la dicte Dame, laquelle en demeure offancee + jusques au cueur; et ne s'est peu tenir de dire que l'Empereur + luy faisoit injure, et que, si elle estoit aussi bien homme comme + elle est femme, qu'elle le luy redemanderoit par les armes. Sur + quoy il m'est tombe entre mains une lettre d'ung seigneur de + ceste court qui mande aussi a ung aultre:--"La cause du dueil et + facherie de nostre Royne est asseureement le mariage de + l'archiduc Charles avec la fille de sa soeur, la duchesse de + Baviere, soit ou que veritablement elle eust assis son amour et + fantasie en luy; ou bien qu'elle est marrye que sa beaulte et sa + grandeur n'ayent este plus instantment requises de luy; ou bien + qu'elle a perdu, a ceste heure, l'entretien qu'elle donnoit par + la a son peuple, craignant qu'elle soit pressee par ses Estatz et + par son parlement de ne differer plus a prendre party, qui est le + principal poinct que tout son royaulme luy requiert." + + Despuys ce que dessus escript, j'ay este adverty qu'il vient + d'arriver ung navyre de Cadix, qui porte des lettres du IIe de ce + mois, par lesquelles l'on mande le grand aprest de guerre, qui se + faict en Espaigne; et que aulcuns l'interpretent estre contre le + Turc; aultres disent que c'est pour parachever la guerre des + Mores, qui encores se renouvelle; et aultres que c'est pour + descendre en Yrlande. Je prendray garde comme ceulx cy le + prendront et comme ilz y pourvoyrront. + + + + +CLIIIe DEPESCHE + +--du VIe jour de janvier 1571.-- + + Nouvelles d'Espagne.--Pompe deployee pour le mariage du + roi.--Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande. + + + AU ROY. + +Sire[22] + +............................................................... +Il se continue icy que le duc d'Alve partira en mars pour s'en +retourner en Espaigne, et qu'il prendra le chemyn d'Itallye, ou il +layssera quelques compaignies italliennes, qui l'accompaigneront +jusques la; lesquelles pourront servyr a la guerre contre le Turcq, au +commancement du printemps; et que le duc de Medina Coeli s'embarquera, +a ce prochain febvrier, pour passer en Flandres, et qu'il admenera les +deux filz aysnez de l'Empereur; ne se faisant icy aulcune +demonstration qu'on se doubte de luy, ny de l'armee de mer, qui le +vient conduyre, parce que plusieurs vaysseaux de la dicte armee ont +passe, et qu'il est desja arrive en Flandres plus de deux centz voyles +d'Andelouzie ou de Portugal; qui faict encore discourir a aulcuns que +le dict duc et iceulx petitz princes pourront s'acheminer par la +France, puysqu'ilz ont laysse venir tant de vaysseaulx par deca. + + [22] Le premier feuillet du registre, qui contient les depeches + de l'annee 1571, se trouvant dechire, le commencement de cette + lettre manque: c'est au reste la seule lacune que presente le + manuscrit. + +L'on a heu en admiration en ceste court l'ordre, l'apareil, les riches +habitz, les presens et la despance, dont a este use aulx nopces de +Vostre Majeste, ainsy soubdain apres la guerre passee, et de ce qui se +prepare encores pour une entree a Paris; qui leur faict bien juger que +la grandeur de vostre estat a ung bien solide fondement, et que si +Vostre Majeste joue ung peu son jeu couvert, et commance de s'aquiter +et de fere les afferes, il n'est pas a croyre combien il demeurera +d'impression au monde des grandes forces et oppulance de vostre +royaulme, et de la merveilleuse ressource qui est en icelluy. Sur ce, +etc. + + Ce VIe jour de janvier 1571. + + L'on me vient d'advertyr qu'au soir arriverent deux nouvelles en + ceste court: que ceulx de la nouvelle religion des Pays Bas ont + surprins un chasteau pres de Groninguem, ou le duc d'Alve y a + envoye huict centz Espaignolz pour le reprendre; et que, en + Irlande, sont descenduz quelques soldats francoys, en moindre + nombre de deux centz, appellez par les saulvaiges du pays, et que + desja le comte d'Ormont s'est esforce de les combattre; mais ilz + se sont faictz lascher. Si ainsy est, cella troublera asses les + affaires de ce royaume. + + + + +CLIVe DEPESCHE + +--du XIIIe jour de janvier 1571.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par la voie du Sr Acerbo._) + + Affaires d'Ecosse.--Etat de la negociation de lord Seyton en + Flandre.--Nouvelles d'Espagne et d'Allemagne.--Projet de + Walsingham de traiter avec les protestans d'Allemagne.--Bruit + repandu en Angleterre que les armes ne tarderont pas a etre + reprises en France.--_Lettre secrete a la reine-mere_ sur la + proposition du mariage du duc d'Anjou. + + + AU ROY. + +Sire, bien peu d'heures apres que je vous ay heu faict ma depesche du +VIe du present, mon secretaire est arrive avec celle de Vostre Majeste +du XXVIe du passe, en laquelle j'ay trouve deux de voz lettres; +desquelles l'une repond fort bien aux particullaritez que je vous +avois auparavant mandees, et l'aultre est pour la faire voir a la +Royne d'Angleterre, qui en recepvra une tres acomplye satisfaction, +laquelle luy sera davantaige confirmee par les bons propos et +demonstrations, pleynes de faveur, qu'avez use a son ambassadeur. De +quoy je mettray peyne, Sire, d'en faire icy le proffict de vostre +service, et n'obmettray de toucher a la dicte Dame les principaulx +poinctz de vos dictes lettres; et ceulx mesmement qui concernent +l'honneur et grandeur de Vostre Majeste, dont, de ce qu'elle m'y aura +respondu je ne fauldray de le vous mander par mes premieres; vous +voulant au reste bien dire, Sire, touchant la mainlevee qu'avez donnee +aux merchans escossoys, qu'encor que la Royne d'Escosse se soit tenue +ung peu opiniastre a ne vouloir que cella se fit, si, etions apres, Mr +de Roz et moy, a luy en oster l'opinion, parce que le comte de Lenoz +acrochoit le trette a ce seul poinct, disant qu'il ne passeroit jamais +oultre sans que les merchans jouyssent de l'abstinence d'hostillite, +aussi bien que les aultres subjectz, et qu'elle leur estoit viollee +quand on leur faisoit saysir leurs biens et navyres. Les deputez de la +dicte Dame commencent [d'arriver] aujourduy, et nous avons nouvelles +que ceulx [de l'autre parti sont] desja en chemin; par ainsy, j'espere +que bientost [il sera procede] au dict trette, sellon que j'ay aussi +entendu que la Royne d'Angleterre [a] ordonne six depputez pour y +vaquer de sa part, assavoir [lord Quiper] garde des sceaulx, le +marquis de Norampthon, le comte de Lestre, le comte de Sussex, le +secretaire Cecille, et le sixiesme reste a nommer, qu'on pense sera +maistre Mildmay. + +Cependant est advenu a Lislebourg qu'ayans deux soldatz du chateau +este saysiz par l'autorite du comte de Lenoz, ainsy qu'ilz s'en +retournoient du Petit Lict, et menez ez prisons de la ville, le +capitaine Granges, qui en a este offance, a, le soir mesmes, sur le +tard, faict lascher toute l'artillerie du chasteau par dessus la +ville; et, a l'instant mesmes, a faict sortir cinquante soldatz qui +sont allez forcer les dictes prysons, et ont ramene leurs compagnons +avec eulx. De quoy le dict de Lenoz se plaint grandement, comme d'une +infraction d'abstinence d'armes, mais non sans avoir tant de peur +qu'il a cuyde habandonner Lislebourg pour se retirer a Esterling. + +J'estime, Sire, que le Sr de Sethon est maintenant devers Vostre +Majeste, ayant prins conge du duc d'Alve dez le XVIIIe du passe, apres +avoir obtenu de luy les dix mil escuz, que je vous ay ci devant mande; +desquelz j'entendz qu'il a envoye les sept mil en Escosse, par le +frere du secretaire Ledingthon, qui est party, le mesme jour, pour +s'aller embarquer a Fleysinghes; il en a miz deux mil en Envers pour +faire tenir a sa Mestresse, et mil pour luy; et semble qu'il n'a este +respondu sur ce qu'il demandoit, de faire serrer le trafic aux +Escoucoys en Flandres, parce que l'ordre n'en etoit encores arrive +d'Espaigne. Je croy, Sire, qu'il sera bon de luy temporiser aussi, +avec bonnes parolles, la responce des propositions qu'il fera a Vostre +Majeste, attandant ce qu'il succedera de ce traicte, et attandant +aussi que je vous aye mande deux particullaritez fort considerables +qui se presentent maintenant en cest affaire. J'ay adviz que le duc +d'Alve est fort marry de ce qu'on vous a rapporte qu'il avoit envoye +deux gentishommes en Escosse, et neantmoins l'on m'a asseure qu'il y +en a encores despuys renvoye ung troisiesme, mais j'eusse bien desire +que dom Frances d'Allava n'eust pas sceu que je vous en eusse adverty. + +Le voyage que les gallaires ont faict, l'este passe, en Levant, a +sonne fort mal icy pour la reputation du Roy d'Espaigne, mais son +ambassadeur s'esforce de luy donner beaucoup de raysons et de +couleurs, qui seroient longues a mettre en ceste lettre, dont je les +reserve a une aultre foys; tant y a qu'elles tendent toutes a rejetter +les faultes sur la malle pourvoyance et peu de conduicte des Veniciens +au faict de la guerre, ainsy que eulx mesmes, a ce qu'il dict, +l'advouhent meintenant; et sur ce qu'on s'estoit esbahy que la ligue +tardoit tant a se resouldre, il asseure qu'elle se conclurra bientost +sellon les propres chappitres, que le Roy, son Maistre, a desire y +estre apposez; et publie encores la generalle victoire des Mores[23] +et plusieurs aultres prosperitez de son Maistre. + + [23] Cette victoire se rapporte aux divers avantages remportes a + cette epoque, qui amenerent la reduction de tous les Mores. Voyez + _note_ p. 183. + +Au reste, Sire, il s'entend, par lettres freschement venues d'Espire, +que la diette s'en alloit finyr, et que le jour estoit desja indict, +auquel l'on la conclurroit, qui seroit sans que l'Empereur y eust +faict passer en decrect guieres des choses qu'il y avoit proposees; +desquelles encor les determinations ne seroient divulguees jusques a +ce qu'il arriveroit en Prague, qu'on les auroit cependant reduictes +par ordre et faictes imprimer; et que la liberte du duc Jehan +Guilhaume de Saxe[24], encor qu'elle fut tres agreable aux princes +d'Allemaigne, elle monstroit neantmoins d'avoir quelque chose de +suspect contre le duc Auguste; et par ce, Sire, que je vous en ay +desja mande quelles responces le jeune Coban avoit rapportees du dict +Empereur, je ne vous en toucheray icy rien davantaige; seulement vous +diray que, suyvant la negociation, qu'il avoit commancee par della +avec aulcuns princes protestans, le Sr de Vualsingan a este depesche, +de quelques jours plus tost, pour rencontrer encores en France leurs +ambassadeurs, avec lesquelz ne faut doubter qu'il ne traicte, s'il +peult, avec affection et vehemence les choses qui concernent sa +religion, car il est des plus passionnez; dont sera bon, Sire, de le +faire ung peu observer: et a l'on aussi haste davantaige son partement +parce que le frere du comte de Sussex, qui est ung des fugitifz du +North, s'estant retire a Mr Norrys, pour retourner par son moyen a +l'obeyssance et grace de sa Mestresse, et ne l'ayant le dict Sr Norrys +vollu ouyr, sans l'expres conge d'elle, le dict de Vualsingan a heu +commandement de l'accepter, et luy offrir sa remission, et mesmes de +l'employer, s'il est possible, a regaigner le comte de Vuesmerlan et +les aultres, qui sont della la mer: ce qui sera bon, Sire, de trouver +moyen d'empescher pour quelque temps, attandant que les affaires +d'Escosse soyent accommodez. + + [24] Il s'agit ici de Jean-Frederic II, mis au ban de l'empire + pour avoir donne retraite a Guillaume de Grumbach et a ses + complices, meurtriers de l'eveque de Wurzbourg. Le duc Auguste, + charge de l'execution du decret, l'avait assiege et pris par + famine, le 13 avril 1567. On negociait alors sa liberte, mais + elle ne lui fut pas rendue: il est mort en prison, a Neustad, le + 9 mai 1595, apres vingt-huit ans de captivite. Le duc + Jean-Guillaume, son frere, loin de partager sa disgrace, avait, + au contraire, ete appele a profiter de la confiscation de tous + ses biens. + +Et pour la fin, il y a ici ung advis, venu de Gennes, comme par +lettres de Thurin, du IIIIe du passe, l'on mande que les armes se vont +reprandre pour deux occasions: l'une, parce que la Royne de Navarre +use en Bearn d'une extreme rigueur contre les Catholiques; et +l'aultre, par la difficulte que Mr de Savoye faict a la comtesse +d'Autremont de luy randre quelques chasteaulx; et qu'encor que Vostre +Majeste ne puisse mais de l'une ni de l'aultre, que le feu neantmoins +s'en ralumera plus fort que jamais en vostre royaulme. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour de janvier 1571. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre a part._) + +Madame, je puys asseurer Vostre Majeste que le faict de la petite +lettre commance d'aller bien chauldement en ceste court, duquel ayantz +les dames de la privee chambre heu quelque sentyment, elles l'ont +desja descouvert a quelques seigneurs de ce royaulme, qui y font +diverses interpretations; et aulcuns d'eulx m'ont mande que, de tant +qu'il semble que le cardinal de Chastillon le conduict sans moy, qu'on +n'y cerchoit guieres de faire le proffict du Roy ni de son royaume. +J'ai monstre que le propos m'estoit nouveau, et que je ne pensois +qu'il y en eust rien en termes aupres de Voz Majestez; et de faict, +Madame, je travailleray, aultant qu'il me sera possible, qu'il soit +mene par le plus secret et destorne cheming que faire se pourra; car +je sentz qu'il en est besoing. Je suys adverty que celluy qui va en +France aura charge de suyvre bien curieusement ce qui luy en sera +touche, et que mesmes quelcun neutre sera possible prye de passer en +mesme temps affin d'en entamer le propos. Je croy que Mr le comte de +Lestre m'a envoye prier de disner demain avecques luy pour m'en +parler, et que Mr le cardinal de Chastillon revient expressement en +court pour ce faict, et que mesmes il y est, a ceste occasion, bien +desire, possible qu'il se plaindra, par mesmes moyen, de la detention +de ses biens en France; dont de tout ce qui succedera, et que j'en +pourray entendre, je ne fauldray d'en advertyr incontinent Vostre +Majeste. Sur ce, etc. + + Ce XIIIe jour de janvier 1571. + + + + +CLVe DEPESCHE + +--du XVIIIe jour de janvier 1571.-- + +(_Envoyee jusques a Calais par homme expres._) + + Audience.--Vives demonstrations d'amitie de la part d'Elisabeth + au sujet du mariage du roi.--Son intention de proceder au + traite avec la reine d'Ecosse.--Nouvelle que les Gueux ont + repris les armes en Flandre.--_Lettre secrete a la reine-mere_ + sur l'etat de la negociation relative au mariage du duc + d'Anjou.--Confidence de Leicester a l'ambassadeur.--Proposition + faite au nom du roi par le cardinal de Chatillon a la reine + d'Angleterre.--Discussion dans le conseil.--Divisions causees + en Angleterre par ce projet. + + + AU ROY. + +Sire, j'ay este trouver la Royne d'Angleterre a Hamptoncourt le +XIIIIe de ce mois, laquelle n'a failly de me demander incontinent +quelles nouvelles j'avois de Vostre Majeste, et comme vous vous +trouviez en mariage. A quoy je luy ay respondu que vous me commandiez +de luy continuer encores le mesmes propos, que je luy avois desja +commance, de vostre conjoyssance touchant la Royne; et que, si vous +aviez receu ung singulier playsir de sa venue, il s'estoit despuys +redouble et devenu si grand, par les vertueuses et excellentes +qualitez qui se trouvoient en elle, que vous en demeuriez le plus +content prince de la terre; mesmes qu'elle se faisoit merveilleusement +aymer et bien vouloir de la Royne, vostre mere, de Messieurs voz +freres, de Mesdames voz soeurs, de Monsieur de Lorrayne et de toutz +les princes et seigneurs de vostre court, et generallement de toute la +France; ce que vous mettiez en compte d'une grand felicite; oultre +que, a l'ocasion d'elle, les princes d'Allemaigne, (lesquelz je lui ay +nommez, sellon le contenu de vostre lettre), s'estoient despuys, par +leurs ambassadeurs, conjouys avec Vostre Majeste de ce que Dieu avoit +en ce temps reuny et renouvelle le sang de l'ancienne alliance de la +Germanye avec la France; et que, pour ceste occasion, ilz vous avoient +envoye offrir, et a Messeigneurs voz freres, toutz leurs moyens et +forces pour vous en servyr, ainsy qu'il vous plairoit les employer, et +que leurs dicts ambassadeurs n'avoient obmiz de se conjouyr +pareillement de la paix de vostre royaulme, et de ce qu'ilz l'y +avoient trouvee tres bien establye, et vous avoient suplye de l'y +vouloir entretenir. Qui estoient choses qui vous avoient apporte +beaucoup de satisfaction; desquelles vous vouliez bien faire part a la +dicte Dame, pour le playsir que vous estimiez qu'elle en recepvroit. + +A quoy, par parolles fort expresses, elle m'a respondu qu'elle se +sentoit grandement obligee a Vostre Majeste de la communication qu'il +vous playsoit luy faire de ce propos, lequel elle reputoit tres +honnorable et vrayement digne d'estre tenu entre princes, qui avoient +bonne et vraye amytie ensemble, comme elle vous suplyoit de croyre +que, de son coste, elle la vous portoit entiere et parfaicte, et de +bien bonne soeur; et qu'a ceste occasion elle se resjouyssoit, non +guieres moins, du beau serain que Dieu monstroit meintennant en voz +afferes, apres tant de divers orages que vous y aviez souffertz, que +si c'estoit pour elles mesmes, car aussi pensoit elle y participer. Et +a suyvy a parler de ceste ambassade d'Allemaigne comme d'une chose +qu'elle reputoit authoriser bien fort vostre grandeur: et puys est +retournee a ce qu'elle avoit entendu de la louable et vrayment royalle +norriture de la Royne; chose que je luy ay asseuree qui demeuroit tres +confirmee par les exemples qu'elle en monstroit, et que, non moins par +effect que en tiltre, elle estoit Royne Tres Chrestienne et Tres +Devotte, et au reste tant de bonne grace, doubce et debonnaire, et +sans ceremonye, que Vostre Majeste n'avoit nul plus grand playsir que +d'estre, jour et nuict, en sa compaignye. + +A quoy elle m'a respondu que la recordation des amours du pere et +grand pere luy faisoient ung peu craindre que vous les vouldriez +imiter, et m'a revelle ung secrect de Vostre Majeste, lequel je +confesse, Sire, que je n'avois pas sceu; et que neantmoins si vous +continuez de rendre ainsi vostre parolle certayne et veritable, et +estre bon mary, comme vous en avez desja la reputation, qu'elle ne +faict doubte que vostre regne n'en soit tres heureux et eloigne de +ces inconvenians et disgraces, qui ont accoutume de venir aux princes +qui ne tiennent leur parolle, et a ceulx qui ne gardent leur loyaulte. +Et a continue ce propos et plusieurs aultres, en termes bien fort +honnorables de Voz trois Majestez tres Chrestiennes et de Monseigneur +vostre frere; lesquelz j'ay suyviz sans rien obmettre de ce que j'ay +estime convenir a vostre honneur et grandeur. + +Et pour la fin, je luy ay faict voir vostre lettre, qui portoit sa +satisfaction, laquelle elle a entierement leue, et n'y a heu nulle +partie qu'elle n'ayt bien considere, et ou elle ne se soit arrestee +pour m'y faire de fort bonnes responces; lesquelles, en somme, sont: +qu'elle remercye Dieu que Vostre Majeste commance de cognoistre son +intention, laquelle elle peult jurer n'avoir jamais este de vous +vouloir offancer ny nuyre; ains d'avoir toutjours desire la +conservation de vostre authorite et l'establyssement de vostre +grandeur comme d'elle mesmes; et que son malcontantement est seulement +procede de ce qu'elle ne s'est trouvee si aymee et bien vollue de +Vostre Majeste comme elle pensoit le meriter, et qu'elle n'advouera +jamais, quant bien on la mettroit sur la roue, qu'elle n'ayt heu +occasoin de se douloir; mais la satisfaction en est meintenant si +ample qu'elle vous en doibt de retour beaucoup de grandz mercys, et ne +vouldroit n'avoir este offancee; qu'elle vous remercye bien grandement +du compte que vous voulez tenir de son parant, lequel elle a desja +depesche pour se trouver a vostre entree; (et le comte de Lecestre +aussi a faict harnacher les haquenees, qui s'aschemineront devant;) et +que ce luy est ung singulier playsir, que vous veuillez bien recepvoir +son nouveau ambassadeur; que quant a celluy qui s'en retourne elle +vous prie de croyre qu'il a faict toutjours toutz les meilleurs +offices, pour l'entretennement de l'amytie, qu'il est possible, et +qu'il en sera pour ceste occasion mieulx receu d'elle a son retour; +qu'au surplus elle vous veult asseurer de la convalescence et bonne +sante de la Royne d'Escosse, et que desja elle a donne audience a ses +depputez, avec lesquelz elle procedera a faire le traicte aussitost +que ceux de l'aultre party seront arrivez, qui sera dans huict ou dix +jours au plus loing; et qu'il luy tarde, plus qu'a nulle personne qui +vive, que cest affaire soit bientost accommode. + +Lesquelles siennes responces, Sire, j'ay miz peyne de luy gratiffier +le plus que j'ay peu au nom de Vostre Majeste, et me suys ainsy +licentie d'elle bien fort gracieusement. Et parce que j'ay trouve une +conformite de tout ce dessus en ceulx de son conseil, je ne puys sinon +bien juger de la presente intention d'elle et d'eulx envers Vostre +Majeste; et neantmoins cella sera cause que j'observeray de plus prez +toutes choses pour voir si, soubz ceste apparance, il y auroit quelque +chose de cache, qui soit contre vostre service; car, a ce que +j'entendz, le mesmes comte de Lenoz, celluy de Morthon, et le lair de +Glannes, viennent pour se trouver au traicte. + +Au regard des differandz des Pays Bas, il n'en est rien venu par le +dernier courrier, dont ceulx cy ne sont contantz, sinon qu'on a +escript que le duc d'Alve n'a encores rien respondu au deppute +d'Angleterre sur sa derniere proposition, parce qu'on pense qu'il est +attendant sur icelle quelque ordre d'Espaigne. Sur ce, etc., + + Ce XVIIIe jour de janvier 1571. + + Presentement l'on me vient de donner adviz que les Gueux ont + recommance la guerre en Flandres; ce qui feroit prendre asses de + nouveaulx desseings a ceulx cy. Le Sr Guilhaume Lesley, bon + subject de la Royne d'Escosse, parant de l'evesque de Roz, est + venu avec les depputez de la dicte Dame; il estime avoir de + bonnes intelligences icy, et se dict tres devot au service de + Vostre Majeste. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre a part._) + +Madame, avant que monsieur le comte de Lestre me menat, dimanche +dernier, en la presence de la Royne d'Angleterre, il m'entretint +quelque temps sur le faict de la petite lettre, et je me plaigniz a +luy qu'il estoit desja trop divulgue, ce qu'il m'asseura n'estre +procede de la court, ains de ce qu'on voyoit n'y avoir rien de plus +convenable; et, par ainsy, ung chacun en parloit; dont il vouloit +sonder, a la verite, l'intention de la dicte Dame et de ceulx de son +conseil, affin de dresser, puys apres, l'affaire en si bonne sorte +que, s'il venoit a succeder, ou bien qu'il demeurast sans effect, il +n'eust a raporter sinon contantement a chacun des costez; et qu'il me +voulloit dire tout librement, que la dicte Dame ne s'estoit jamais +monstree disposee a prendre party, comme elle faisoit meintenant, par +ce, possible, qu'elle s'y voyoit contraincte, pour les necessitez de +son royaulme; et que sur les privez propos, qu'il luy en avoit tenuz, +elle n'avoit rien objecte que l'eage; a quoy il avoit respondu qu'il +ne layssoit pourtant d'estre desja homme: "Mais aussi, respondit elle, +ne laisseroit il d'estre toutjour plus jeune que moy."--"Tant mieulx +sera ce pour vous," avoit il respondu, en ryant. Et me pria le dict +comte d'en toucher quelque mot a la dicte Dame, laquelle, a la verite, +a prins de fort bonne part toutz les motz que je luy ay proposez +aprochans de cella; car je ne luy en ay poinct touche de plus expres +que de luy avoyr dict, sur le contantement que le Roy avoit de vivre +en grand amytie et privaulte avecques la Royne, que je conseillerois a +une princesse, qui vouldroit rencontrer un tres parfaict et accomply +bonheur de mariage, d'en prendre de la mayson de France.--A quoy elle +m'a respondu que madame d'Estampes et madame de Vallantinois luy +faisoient encores peur, et qu'elle ne vouldroit un mary qui ne +l'honnorast seulement que pour Royne, s'il ne l'aymoit aussi pour +femme.--A quoy j'ay replicque que celluy, dont j'entendois parler, +entre les exellantes qualitez, dont il abondoit aultant que nul prince +de la terre, il avoit celle peculiere qu'il scavoit extremement bien +aymer, et se randre de mesmes parfaitement aymable.--"A la verite, m'a +elle respondu, il a tant de perfections en luy qu'on n'en ouyt jamais +parler qu'avec grand louange." Et, peu apres que je fuz party d'avec +la dicte Dame, Mr le cardinal de Chastillon vint parler longtemps a +elle, dont je n'ay sceu ce qu'il luy dict; car, ny auparavant, ny +despuys, nous n'avons confere ensemble: mais voycy madame ce que j'ay +aprins d'ailleurs et de fort bon lieu: + +Qu'apres qu'il fut retire, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil +pour leur dire que le dict sieur cardinal luy avoit demande trois +choses: l'une, si elle estoit point libre de toute promesse pour se +pouvoir maryer ou elle vouldroit; l'aultre, si elle en vouloit prandre +de ceulx de son royaulme ou bien ung estrangier; et la troisiesme que, +au cas que ce fut ung estrangier, si elle vouldroit point accepter +Monsieur, frere du Roy; et qu'elle luy avoit respondu qu'elle estoit +libre, qu'elle ne vouloit point espouser de ses subjectz, et qu'elle +vouloit de bon cueur entendre au party de Monsieur avec les condicions +qui se pourront adviser. Sur quoy le dict sieur cardinal luy avoit +dict qu'il avoit donques charge de luy en parler, et luy avoit +presente a cest effect une lettre de creance du Roy, et l'avoit priee +que, de tant que l'affaire estoit de grande consequence au monde, +qu'elle le vollust communiquer a son conseil, premier que passer +oultre; de quoy elle leur vouloit bien dire qu'elle n'avoit trouve +cella bon, et luy avoit respondu qu'elle estoit Royne Souverayne, qui +ne deppendoit de ceulx de son conseil, ains eulx toutz d'elle, comme +ayant leurs vies et leurs testes en sa main, et qu'ilz n'auseroient +faire que ce qu'elle vouldroit; mais, de tant qu'il luy avoit +represante les inconveniantz, qui avoient cuyde survenir a la feu +Royne, sa soeur, d'avoir vollu tretter son mariage avec le Roy +d'Espaigne sans ceulx de son conseil, elle luy avoit promiz de le leur +proposer; dont vouloit que eulx toutz luy en donnassent promptement +leur adviz. + +Sur quoy, iceulx du dict conseil bayssans la teste, n'en y eust pas +ung qui respondit ung seul mot, parce que le propos estoit nouveau a +la pluspart d'eulx, sinon, au bout de piece, ung des principaulx +s'advancea de dire que Monsieur sembloit estre bien jeune pour la +dicte Dame:--"Commant, respondit elle, prenant le mot en aultre sens, +suys je pas encores pour luy satisfaire." Et puys, suyvit a dire que +le dict sieur cardinal, oultre la lettre de creance, avoit des +articles a proposer, sur lesquelz elle estimoit estre bon de l'ouyr +pour voir si les condicions pourroient estre acceptees; ce que ung +chacun aprouva. Et pour lors, n'y eust rien davantaige sinon que, le +lendemain, Dupin et le ministre du dict sieur cardinal furent la +dessus en privee conferance plus de trois heures avec le secretaire +Cecille. + +Duquel propos l'on me vouloit bien advertyr qu'il commancoit a courir +une merveilleuse contention dans ce royaulme sellon les parciallitez +de Bourgoigne, et sellon celles de la religion, et que aulcuns +estimoient que la dicte Dame ne se servoit d'icelluy sinon pour la +commodite de ses affaires, sans qu'elle eust aucune affection de se +maryer; et, par ainsy, que je prinse garde que le Roy ne fut trompe et +moque. Et d'aultres, qui sont bien affectionnez au Roy, et portent le +faict de la Royne d'Escosse, et mesmes les seigneurs catholiques, +m'ont mande qu'ilz demeuroient fort escandalizez que cest affaire se +menast par le dict sieur cardinal, et qu'ilz voyoient bien que +c'estoit plus pour accommoder le faict de ceulx de la Rochelle, que +non celluy d'entre ces deulx royaulmes, a l'interest des catholiques; +dont ilz vouloient penser a leurs affaires, me priantz seulement de +leur vouloir estre toutjours tel comme je scavois qu'ils s'estoient, +en temps et lieu, monstrez bons amys et serviteurs du Roy; et se sont +esforcez de m'imprimer une grand jalouzie de ce que je n'estois +participant de ce propos. + +Sur quoy, pour leur faire prendre bonne esperance et les retenir +toutjour en la devotion, qu'ilz ont este jusques icy vers Voz +Majestez, et pour descouvrir plus avant toutes choses par leur moyen, +je leur ay mande que j'avois este toutjours repute si fidelle a vostre +service, et si loyal a voz intentions, que si cest affaire estoit en +telz termes qu'ilz dizoient, il ne passeroit guieres que Voz Majestez +ne m'en fissent entendre leur intention, et que la conclusion ne se +feroit sans que je y fusse employe; dont je les asseurois que Voz +dictes Majestez ne consentyroient jamais le passaige de Monsieur en ce +royaulme, sans qu'il eust bonne intelligence avec eulx, et sans que +les affaires de la Royne d'Escosse, et les leurs, n'en demeurassent +bien accommodez, et que de cella vous leur en donriez la main et +vostre promesse; chose, Madame, que, comme elle semble necessaire et +fort importante pour bien asseurer le negoce, ainsy est il requis +qu'elle soit tenue fort secrecte et menee bien dextrement. + +Il est venu quelque sentyment de ce party a la notice de l'ambassadeur +d'Espaigne, et de celluy, qui est agent icy pour le Pape, dont en ont +escript chauldement della la mer. Je scay aussi que l'evesque de Roz +en a escript a Mr le cardinal de Lorrayne, dont ne luy fauldra denyer +le faict, s'il vous en parle, mais luy donner meilleure esperance par +la des affaires de la Royne d'Escosse que jamais. Le Sr Cavalcanty a +grand desir de passer en France pour servyr d'un tiers neutre a +mouvoir ce propos entre Vostre Majeste et milord de Boucard, parce +qu'il estime ne se pouvoir avec dignite entamer par l'ung ny l'aultre +party, sans ung tel moyen; et sur ce, etc. + + Ce XVIIIe jour de janvier 1571. + + Il semble fort requis que Vostre Majeste ne se haste de depescher + message ny ambassade par deca sans voir que l'affaire soit + comme tout asseure. + + + + +CLVIe DEPESCHE + +--du XXIIIe jour de janvier 1571.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Volet._) + + Retour d'Elisabeth a Londres apres la cessation de la + peste.--Affaires d'Ecosse.--Audience.--Plainte de la reine au + sujet de la descente d'un parti de Francais en Irlande.--Avis + donne par elle d'une levee qui se prepare en Allemagne.--Son + desir de voir la reunion des eglises proposee par le + roi.--Negociation des Pays-Bas.--_Lettre secrete a la + reine-mere._ Conference de l'ambassadeur avec le cardinal de + Chatillon sur le projet de mariage du duc d'Anjou.--Avis sur + l'entreprise faite en Irlande par des Bretons. + + + AU ROY. + +Sire, ceulx de ceste ville de Londres ont monstre beaucoup de +resjouyssance a la venue de leur Royne, laquelle, pour cause de la +peste, n'y avoit este, il y a deux ans. Elle va aujourduy veoir ung +bastyment nouveau qu'on y a ediffie, fort commode, et de grand +ornement, affin de luy donner le nom; qui, jusques a ceste heure, a +este appelle par provision la _Bource_. Le festin luy est prepare en +la maison de maistre Grassein. L'on dict qu'apres demain elle +descendra a Grenwich pour y passer le reste de l'yver, ou se dresse +desja le lieu pour faire ung tournoy a ce caresme prenant; duquel le +comte d'Oxfort et sire Charles Havard doivent estre les tenans. + +Les affaires de la Royne d'Escosse demeurent toutjour en bonne +disposition, attendant l'arrivee des depputez de l'aultre party, +lesquelz, parce que j'avois inciste qu'on ne les debvoit attandre, le +secretaire Cecille m'a opiniastrement debattu que l'honneur de sa +Mestresse n'estoit de proceder sans eulx, mais, que je ne fisse nul +doubte que les choses n'allassent bien; et encores que, despuys quatre +jours aulcuns de ce conseil se soient plainctz a l'evesque de Roz +d'une entreprinse, qu'on a vollu faire en Escosse, pour tuer le comte +de Lenoz; et de ce qu'ilz ont entendu qu'on fornyst de l'argent della +la mer aulx rebelles d'Angleterre, ilz n'ont guieres replique a ce +qu'il leur a respondu, qu'il estoit esbahy comme le dict de Lenoz +duroit tant au dict pays, veu les viollances et desordres qu'il y +faisoit; et, quant aux fugitifs d'Angleterre, qu'il croyoit que rien +ne leur manqueroit, mais que ce n'estoit de sa Mestresse qu'ilz +estoient secouruz, parce qu'elle n'avoit de quoy le faire. + +Et hyer, la Royne d'Angleterre, m'ayant envoye queryr, me dict que, si +l'on faisoit nul oultrage au dict de Lenoz, qu'elle ne procederoit +aulcunement au dict trette; dont j'ay conforme ma responce a celle du +dict sieur evesque de Roz, adjouxtant que rien n'en debvoit estre +impute a la Royne d'Escosse, parce qu'elle n'en pouvoit mais, et que +mesmes l'on avoit de sa part desja depesche ung gentilhomme en Escosse +pour obvier a cest inconvenient. + +Et suyvyt la dicte Royne d'Angleterre a me dire que la principalle +occasion, pour laquelle elle m'avoit prie de venir, estoit pour me +communiquer ung adviz par escript, qu'on luy avoit envoye d'Irlande, +lequel elle me prioit de faire tenir a Vostre Majeste; et que, pour ne +faire voir au monde que les armes fussent prinses entre les Francoys +et les Anglois, et ne rompre aulcunement la paix avec la France, elle +avoit faict gracieusement remonstrer au capitaine La Roche et a ceulx, +qui sont avec luy en Irlande, de se retirer; ce que, trois moys a, ilz +avoient promis de faire; mais monstrans a ceste heure qu'ilz ont une +aultre delliberation, elle vous en vouloit bien advertyr, affin qu'il +vous pleust, Sire, y pourvoir sellon que les bons trettez de paix, +qui sont entre Voz Majestez, le pouvoient requerir. + +J'ai respondu que ce propos m'estoit nouveau, comme celluy, duquel je +n'avois cy devant ouy parler, et que je le vous represanterois le +mieulx que je pourrois, avec l'expretion des mesmes parolles, et de +l'intention, que j'avois cognue en elle, de vouloir evitter toute +occasion de differand avec Vostre Majeste; et luy en ferois tenir +vostre responce, aussitost que je l'aurois receue. + +Et s'exaspera bien fort la dicte Dame contre celluy Fitz Maurice, qui +est en Bretaigne, disant que luy et son pere avoient usurpe, comme +traystres, le tiltre du comte d'Esmont, bien que le vray comte soit +encore vivant en ce royaulme. + +Apres ce propos, il en succeda ung aultre, par lequel nous vinsmes a +parler des aprestz d'Allemaigne, qui seroient longs a mettre icy, mais +je prins par la occasion de demander tout librement a la dicte Dame si +elle entendoit qu'il y eust rien de dresse contre Vostre Majeste, ny +contre vostre royaume, ainsi que, d'aultre fois, elle vous avoit bien +faict ce bon tour, de vous en reveller quelque chose par moy. + +Elle me respondit qu'encores que ses intelligences n'estoient plus +telles vers l'Allemaigne, ni avec l'Empereur, comme elles souloient, +neantmoins elle y en avoit encores d'asses bonnes pour pouvoir +asseurer Vostre Majeste qu'il s'y preparoit une levee; laquelle elle +ne scavoit encores si viendroit a effect, mais croyoit que ce n'estoit +pour vous nuyre, car elle le vous diroit, et y opposeroit le credit +qu'elle y pourroit avoir, mais c'estoit en faveur du prince d'Orange; +et qu'elle estoit fort marrye qu'on poursuyvit ainsy les affaires de +la religion par les armes, de quoy ne pouvoit revenir, a la fin, que +une grande ruyne a la Chrestiente; et qu'elle me prioit de vous +exorter, Sire, qu'avec la bonne intelligence, qu'avez meintenant avec +l'Empereur, vostre beau pere, avec lequel elle continuoit aussi +toutjour une bien fort estroicte amytie, et avoit naguieres receu de +ses lettres, il vous pleust, a ceste heure, mettre en avant quelque +favorable moyen d'accord et de reunyon en l'esglize; et que, de sa +part, elle vous y assisteroit, et ne s'y monstreroit aulcunement +opiniastre. + +Je luy louay grandement cestuy sien tres vertueux desir, et, sans +toutesfois accepter ny reffuzer aussi d'en faire rien entendre a +Vostre Majeste, affin que vostre intention en cella soit reservee au +temps et moment qu'il vous semblera bon de la manifester; je la priay +seulement, en ryant, qu'elle ne vollust observer l'extremite de ne +conceder aulx Catholiques l'exercice de leur religion en Angleterre, +comme il n'en estoit permis pas ung aulx Protestans en Espaigne, ny en +Flandres, et qu'elle suyvist l'exemple de Vostre Majeste, qui estiez +au milieu, qui avez permiz le cours des deux en vostre royaulme. + +Elle respondit que les Catholiques ne se pouvoient pas beaucoup +plaindre d'elle, et qu'elle cognoissoit le Roy d'Espaigne d'ung si bon +naturel qu'il ne vouldroit aussi retenir la Chrestiente en ce +dangereux suspend, ou elle est, s'il y ozoit procurer les remedes, +mais que les passionnez l'en empeschoient, lesquelz elle vouldroit qui +en sentissent seulz le mal. + +Et se continua asses longtemps ce propos entre la dicte Dame et moy, +au millieu duquel, me venant a toucher des differans, qu'elle accusoit +le duc d'Alve luy avoir succite avec le Roy son Maistre, me dict que +je serois tout esbahy si je scavois quelles choses le dict duc, +despuys ung mois, avait vollu tretter avec elle, au prejudice de ses +voysins, ce qu'elle reservoit a une aultre foys, et que neantmoins +c'estoit une parenthese digne de noter. + +Or, Sire, touchant les dicts differans, le deppute d'Angleterre, qui +est aulx Pays Bas, a escript, ceste foys, a la dicte Dame qu'il avoit +presente a icelluy duc les derniers articles, qu'elle luy avoit +envoyez; qui les avoit cognuz si raysonnables que, ne luy restant plus +que contredire pourquoy il ne les deubt accepter, il avoit respondu +qu'il y vouloit penser: et ainsy le faict en demeure la, qui se +conforme asses a ce que Vostre Majeste m'en a mande, en chiffre, par +ses dernieres du IIIe du present, que j'ay bien notte. Et sur ce, etc. +Ce XXIIIe jour de janvier 1571. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre a part._) + +Madame, s'estant Mr le cardinal de Chatillon, jeudy dernier, convye a +disner en mon logis, il m'a compte la favorable expedition, qu'il a +obtenue de Voz Majestez, sur le recouvrement de ses biens, et comme il +s'en est venu conjouyr avec la Royne d'Angleterre; et puys m'a parle +du faict de la petite lettre en bien fort bonne sorte, et que ce dont +je m'estois plainct au comte de Lestre, que le propos en estoit trop +divulgue, n'estoit procede d'ailleurs que du peu de discretion, que le +vydame y avoit tenu, qui en avoit parle et escript icy et en France a +trop de gens, et que, de sa part, il n'en avoit jamais faict rien +scavoir qu'a Voz Majestez; desquelles, apres qu'il avoit heu responce, +il y avoit procede le plus secrectement qu'il avoit peu; et que les +choses en estoient en asses bons termes, et ceux du conseil en +beaucoup de diverses opinions la dessus entre eulx, mais qu'il n'y +avoit encores rien de conclud. Sur quoy luy ayant aprouve grandement +son intention et les sages moyens, qu'il tenoit, pour la bien +conduyre, je l'ay sonde de plusieurs endroictz pour voir s'il y avoit +nulle aultre fin et pretention en luy que celle qu'il monstroit en +aparance; mais toutz ses propos sont revenuz a la consideration de la +grandeur que ce seroit pour Monsieur, et combien elle accroistroit +celle du Roy et de sa couronne, et ravalleroit d'aultant celle +d'Espaigne; ne me touchant toutesfois tant de particullaritez de +l'affaire comme j'en scavois, et comme je vous en ay desja escript; +dont j'ai fait semblant d'en scavoir encores moins, attendant si +Vostre Majeste (pour y proceder avec plus de lumyere, par les adviz +que pourrons avoir de divers lieux) trouvera bon que nous nous +communiquons secrectement l'ung a l'aultre, car je croy bien que les +Protestans recoipvent mieulx ce propos, venant du dict sieur cardinal +que ne feroient de moy. Et il y va, a mon opinion, d'une droicte et +bien bonne vollonte. + +Les Catholiques, qui sont la partie la plus grande, plus noble et plus +forte, et ou y a plus d'asseurance, le tiennent fort suspect, et +vouldroient avoir quelque asseurance de Voz Majestez par mon moyen. La +dicte Dame nous oyt fort bien, et avec grande affection, l'ung et +l'aultre, dont Vostre Majeste me commandera comme j'en auray a uzer; +et seulement vous suplie tres humblement, Madame, de reserver, entre +le Roy et Vous, et Monsieur, ce que je vous ay escript par ma petite +lettre de devant ceste cy, et ce que, cy apres, je vous pourray +escripre ou mander des propos, que la dicte Dame tiendra en prive, ou +avec ceulx de son conseil, sans qu'il se puysse jamais cognoistre +qu'ilz vous viennent de moy. J'ay dict a Mr le cardinal que si le +propos alloit en avant, qu'il estoit bien besoing de le conduyre a ce +poinct qu'on ne s'advancat de le publier, ny de faire aulcune ouverte +demonstration, du coste de Voz Majestez, d'y vouloir entendre, jusques +a ce qu'on le vit tout conclud et bien arreste; car, puys apres, l'on +y adjouxteroit bien toutz les honnorables actes et respectz, qu'on +vouldroit; et que surtout il n'y fut use de longueur ny de remises. A +quoy il m'a respondu que, le lendemain, il estoit convye en court et +qu'il verroit ce qu'il y pourroit advancer. + +J'ay sceu, Madame, que, pendant que nous estions ensemble, la Royne +d'Angleterre estoit enfermee avec ceulx de son conseil pour prandre +resolution de ce qu'elle debvoit respondre au dict sieur cardinal, et +qu'elle a la matiere si a cueur qu'elle ne prend playsir de parler, ny +ouyr parler, d'aultre chose; et, de ma part, Madame, tant plus je +considere le party, plus il me semble estre grand, honnorable et +advantageux pour le Roy, et pour Monsieur; dont je ne desire sinon +qu'il soit exempt de tromperie, comme je prendray bien garde, du plus +prez qu'il me sera possible, qu'il n'y en ayt point, et que Dieu le +veuille bien achever. Et sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de janvier 1571. + + Millord de Boucard est bien fort affectionne a ce propos, et + desire y estre employe. Sa Mestresse luy a dict qu'elle reserve + de lui bailler son instruction a l'heure qu'il partyra. J'entendz + que le comte de Lestre, si cella va en avant, est desja designe a + passer en France pour l'aller conclurre. Je suys convye aujourduy + avecques la Royne; sur ceste bonne occasion, je notteray ce + qu'elle me dira. + + ADVIZ SUR LES CHOSES D'IRLANDE: + + Que on auroit suborne certaines gens pour pratiquer et suciter + une rebellion en Yrlande, dont ung d'eulx se nomme de La Roche, + gouverneur de Morlays en la Basse Bretaigne, qui s'en est alle + la, avecques quatre navyres, pour se randre en l'endroict ou le + comte de Desmond se tenoit, et qu'il s'en est retourne de la et a + admene avecques luy ung gentilhomme, nomme Fitz Maurice, qui, + pour le present, se tient secrectement en la Basse Bretaigne, et + sollicite d'avoir des forces pour les mener ce printemps en + Yrlande. + + Que le capitaine de Brest auroit prins ung fort, nomme d'Ingin, + et une petite isle, non guieres loing de la, en Yrlande. + + + + +CLVIIe DEPESCHE + +--du dernier jour de janvier 1571.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Jehan Monyer._) + + Rejouissances faites a Londres pour celebrer la rentree + d'Elisabeth.--Conversation de la reine et de l'ambassadeur au + sujet de cette fete.--Affaires d'Ecosse.--Etat de la + negociation des Pays-Bas.--Nouvelles d'Allemagne et + d'Espagne.--_Lettre secrete a la reine-mere._ Negociation du + mariage du duc d'Anjou. + + + AU ROY. + +Sire, le jour que j'ay este convye, pour accompaigner la Royne +d'Angleterre au festin de la Bource, n'a este guieres moins solemnel +en Londres, que celluy du couronnement de la dicte Dame, car on l'y a +receue avec concours de peuple, les rues tandues, et chacun en ordre +et en son rang, comme si ce eust este sa premiere entree; et elle a +heu grand playsir que j'y aye assiste, parce qu'il s'y est monstre +plus de grandeur, ainsy soubdain, que si la chose eust este premeditee +de longtemps; et n'a obmiz la dicte Dame de me faire remarquer +l'affection et devotion qui s'est veue en ce grand peuple; lequel, +despuys le matin jusques a l'heure qu'ayant donne le nouveau nom de +_Change Real_ a la Bource, elle s'est vollue retirer, envyron les +huict heures de nuict, il ne s'est lasse d'estre par les rues, les +ungs en leur rang, les aultres a la foule, avec force torches, pour +l'honnorer, et luy faire mille acclamations de joye, chose qu'elle m'a +demandee si, au petit pied, ne me faisoit pas souvenir des +resjouyssances, qu'on faisoit a Paris, quant Vostre Majeste y +arrivoit; et qu'elle me confessoit tout librement qu'il luy faisoit +grand bien au cueur de se veoir ainsy aymee et desiree de ses +subjectz, lesquelz elle scavoit n'avoir nul plus grand regrect que, la +cognoissant mortelle, ilz ne voyoient nul certain successeur, yssu +d'elle, pour regner sur eulx, apres sa mort; et que la France estoit +tres heureuse de cognoistre ses Roys, et ceulx qui, par ordre, +debvoient, les ungs apres les aultres, succeder a la couronne. + +J'ay respondu, le plus au contentement et satisfaction de la dicte +Dame, a toutz ses propos, qu'il m'a este possible, louant beaucoup ce +que je voyois de sa grandeur, qui estoit a priser, sans rabattre +neantmoins rien de ce qu'on scait asses estre de plus en la vostre; et +qu'au reste, il me sembloit qu'elle auroit bien a faire a s'excuser +envers Dieu et le monde, si elle frustroit ses subjectz de la belle +posterite, qu'elle leur pouvoit bailler, et qu'ilz attandoient d'elle +pour les gouverner; qui a este ung article, sur lequel elle s'est +prinse a discourir plusieurs aultres choses, avec playsir et avec +modestie, lesquelles je vous puys asseurer, Sire, que ne se sont +passees sans qu'elle ayt monstre, en plusieurs endroictz, de vouloir +perseverer en grande amytie avec Vostre Majeste; et, le soir mesmes, +la resolution du voyage de milord Boucard a este du tout prinse, luy +commandant la dicte Dame ne faillyr d'estre prest a partir demain, qui +est le premier jour de febvrier, ainsy qu'il faict. + +Or, Sire, nonobstant l'acclamation du peuple, la dicte Dame et ceulx +de son conseil ne layssent de craindre la division et sublevation du +pays: car ayans les filz du comte Dherby essaye d'obtenir leur conge +pour retourner vers leur pere, il leur a este dict qu'ilz n'en +parlassent poinct, s'ilz n'en vouloient estre du tout reffuzez, +jusques a ce que les affaires de la Royne d'Escosse fussent +accommodez, qui monstre que, par iceulx, ilz entendent acquieter les +leurs. Et le semblable a este dict au duc de Norfolc, de ne presser sa +plus ample liberte, jusques a ce qu'il ayt este ordonne de celle de la +Royne d'Escosse et de sa restitution, de laquelle l'on nous faict +toutjour esperer de bien en mieulx; et qu'il n'y a retardement que de +ces depputez de l'aultre party, desquelz le comte de Lenoz a, de +rechef, escript qu'ilz estoient partys, et qu'il avoit surciz la tenue +du parlement, ainsy que la Royne d'Angleterre le luy avoit mande, pour +remettre toutes choses a ce qui seroit ordonne par le trette. + +Hyer, on tenoit en ceste court la pratique des differans de Flandres +pour toute desacordee, non sans beaucoup d'indignation contre le duc +d'Alve et contre l'ambassadeur d'Espaigne; mais, ce matin, par +aulcunes lettres d'Envers, s'est entendu que le dict duc avoit +condescendu a la pluspart des choses, que le deppute de Londres avoit +desirees; et que le Sr Thomas Fiesque seroit en brief par deca pour +entierement les conclurre. Je ne scay s'il est ainsy, ou si c'est +artiffice: tant y a que cella ne pourra estre que pour le regard des +merchandises; car, quant a l'entrecours et commerce, j'entendz qu'il +n'en est, pour encores, faict aulcune mencion. + +Il est nouvelle icy que le duc de Sualsambourg a quatre mille chevaulx +et six mil hommes de pied ez environs d'Hembourg, et que c'est en +faveur du roy de Dannemarc, pour se rescentir d'aulcuns mauvais +deportemens, que icelle ville a uze contre luy, durant la guerre +contre le roy de Suede, et m'a dict l'ambassadeur d'Espaigne que le +duc d'Alve est tres bien adverty que ce n'est a aultres fins que pour +branqueter la dicte ville; et que ce que le comte de Vuandeberg a +aussi entreprins, de retourner en quelcune de ses terres en Frize, n'a +este qu'une legiere course, laquelle ne luy a bien reuscy; et que le +dict duc craint si peu, pour ceste annee, les mouvemens d'Allemaigne, +qu'il renvoye une partie de sa cavallerie au secours des Venitiens +contre le Turq, estimant qu'il n'eust peu rien succeder plus a propos +pour le repos de la Chrestiente que la mort soubdainement advenue du +duc Auguste[25]. Neantmoins il m'a confesse que, pour quelque +souspecon de guerre aulx Pays Bas, le dict duc ne parloit plus de s'en +retourner en Espaigne, et que le propos du duc de Medina Coeli estoit +refroydy, s'estans desja expediez les princes de Bohesme de Leurs +Majestez Catholiques pour s'en retourner par Gennes en Allemaigne, +sans qu'il fut nouvelles que le dict duc les accompaignat; qu'au reste +toutz les articles de la ligue contre le Turc estoient accordez; ne +restoit plus que celluy de la creation du lieuctenant de general: que +le Pape vouloit que ce fut Marc Anthonio Collonna, et le Roy +d'Espaigne, puisque dom Joan d'Austria estoit le general, desiroit +que le commandador major de Castille ou bien Joan Andre Doria eussent +a commander soubz luy. Sur ce, etc. Ce XXXIe jour de janvier 1571. + + [25] Cette nouvelle etait fausse. Auguste, duc et electeur de + Saxe, est mort seize ans apres, le 14 mars 1586. + + A LA ROYNE. + + (_Lettre a part._) + +Madame, estant en ce festin, ou j'ay este convye pour accompaigner la +Royne d'Angleterre, le XXIIIe de ce mois, elle a prins playsir de +deviser l'apres dinee, fort longtemps avecques moy; et, entre aultres +choses, elle m'a dict qu'elle estoit resolue de se maryer, non tant +pour ne s'en scavoir passer, (car elle en avoit asses faict de +preuve), comme pour satisfaire a ses subjectz; et aussi pour obvier, +par l'authorite d'ung mary, ou par la nayssance de quelque lignee, +s'il playsoit a Dieu luy en donner, aux entreprinses qu'elle sentoit +bien qu'on feroit contre elle, et sur son estat, si elle devenoit si +vieille qu'il n'y eust plus lieu de prendre party, ny esperance +qu'elle deubt avoir d'enfans. Il est vray qu'elle craignoit grandement +de n'estre bien aymee de celluy qui la vouldroit espouser, qui luy +seroit ung second inconvenient plus dur que le premier, car elle en +mourroit plustost; et que, pourtant, elle y vouloit bien regarder. + +Je luy ay respondu que a si prudentes considerations et si vrayes, +comme celles qu'elle disoit, je n'avois que adjouxter, sinon qu'elle +pouvoit, dans ung an, avoir bien pourveu a tout cella, si, avant les +prochaines Pasques, elle se maryoit a quelque prince royal, dont +l'ellection s'en pourroit aiseement faire; et j'en cognoissoys ung qui +estoit nay a tant de sortes de vertu, qu'il ne failloit doubter +qu'elle n'en fut fort honnoree et singulierement bien aymee, et dont +j'espererois qu'au bout de neuf mois apres, elle se trouveroit mere +d'ung beau filz; par ainsy, en se rendant tres heureuse de mary et de +lignee, elle amortyroit, par mesmes moyen, toutes les malles +entreprinses qui se pourroient jamais dresser contre elle. + +Ce qu'elle a aprouve bien fort, et a suivy le propos asses longtemps, +avec plusieurs parolles joyeuses et modestes; et estoit Mr le cardinal +de Chatillon au mesmes festin, auquel elle n'a point parle a part; +mais, le lendemain, il a demande audience, et a este quelque temps +avec elle; puys, au retour, il m'est venu dire adieu, parce qu'il +partoit le lendemain pour Canturbery, et m'a compte l'estat ou il +layssoit l'affaire, qui luy sembloit estre en termes d'y pouvoir +commancer quelque fondement, mais non qu'il y en vit encores nul pour +s'y debvoir arrester; dont depescheroit Dupin pour le vous aller +represanter tel qu'il estoit, affin que Vostre Majeste, sellon sa +prudence, nous vollut commander, a luy et a moy, ce que nous aurions a +faire. + +Je luy descouvriz quelques choses que j'avois aprinses de sa +negociation, pour luy donner plus grand lumyere comme elle estoit +receue, et avons advise d'user de bonne intelligence ensemble, mais +secrectement, affin d'obvier aulx soupecons de ceste court, qui +bientost seroient si grandz en ce faict, que plus ne se peult dire; et +n'ay point faict semblant au dict sieur cardinal que Vostre Majeste +m'en ayt encores faict mencion; mais ceulx qui m'ont donne les +premiers adviz de ce qu'il en a propose, m'ont adverty qu'a la verite +il n'a point monstre lettre de Voz Majestez, qui luy en donnast +expresse commission; dont la dicte Dame s'estoit retiree, et avoit +dict que, quant vous y vouldriez entendre, vous m'en commanderiez +quelque chose, comme vous fiant beaucoup de moy. Et ceulx la mesmes +m'ont mande qu'elle a parle de ce faict a plusieurs des siens, a part +l'ung de l'aultre, et mesmes a vollu avoir le conseil du duc de +Norfolc, qui a respondu qu'il avoit este le principal autheur +d'induyre les Estatz de ce royaulme a la suplyer de se maryer, et de +laysser a sa liberte de prendre le party que bon luy sembleroit: dont +ne vouloit changer d'opinion; que quant a Monsieur, toutes choses +estoient grandes en luy, mais qu'il falloit regarder aux condicions, +sur quoi le mariage se pourroit conclurre, qui fussent honnorables +pour sa Mestresse et heurees pour son estat. + +D'aultres m'ont mande que les quatre principaulx, qui guydent les +intentions de la dicte Dame, se sont assemblez pour resouldre qu'est +ce qu'ilz luy en conseilleroient. Je vous manderay bientost leur +conseil, et vous adjouxteray cependant, Madame, cestuy cy du mien, +qu'encor que ceste princesse soit bonne et vertueuse, je ne la tiens +toutesfois esloignee du naturel de celles qui veulent monstrer de +fouyr, lorsque plus elles sont recerchees; et ceste nation a aussi +cella de peculier que, plus on desire quelque chose d'eulx, encor qu'a +leur proffict, plus ilz la souspeconnent; dont sera bon de ne +descouvrir trop d'affection de vostre coste, Madame, jusques a ce +qu'ilz se soyent layssez clairement entendre du leur. Je vous +escripray bientost d'aultres choses plus importantes de ce propos par +le Sr de Vassal, qui vous pourront asses esclayrer: et sur ce, etc. Ce +XXXIe jour de janvier 1571. + + + + +CLVIIIe DEPESCHE + +--du VIe jour de febvrier 1571.-- + +(_Envoyee expres jusques a la court par le Sr de Vassal._) + + Negociation concernant Marie Stuart.--Conge accorde par la reine + aux fils du comte de Dherby.--Concession faite par le pape au + roi d'Espagne du royaume d'Irlande, sous la condition d'y + retablir la religion catholique.--Entreprise preparee par les + Espagnols pour s'emparer de ce pays.--_Lettre secrete a la + reine-mere._ Negociation du mariage du duc d'Anjou.--_Memoire._ + Nouvelles d'Allemagne.--Projet des protestans de faire une + entreprise contre les Pays-Bas.--Affaires d'Ecosse.--_Memoire + secret._ Details circonstancies et confidentiels sur la + proposition de mariage du duc d'Anjou. + + + AU ROY. + +Sire, s'estant la Royne d'Angleterre bien trouvee de sa sante en ceste +ville de Londres, d'ou le grand yver a chasse toute souspecon de +peste, elle s'est resolue d'y passer le reste du caresme prenant, et, +a ceste cause, s'est allee loger en sa mayson de Ouesmestre, ou l'on +radresse les lisses pour le tournoy, dont je vous ay cy devant +escript; ayant remiz la dicte Dame de ne descendre a Grenvich jusques +a environ la my mars, que noz amys de ceste court nous donnent grand +esperance que les affaires de la Royne d'Escosse seront, entre cy et +la, accommodez, nonobstant les grandz empeschemens que les comte et +comtesse de Lenoz s'esforcent d'y mettre; qui, despuys huict jours, +ont donne entendre qu'il y avoit une entreprinse dressee en Escosse +pour venir enlever la dicte Dame du lieu ou elle est, et l'aller +remettre par force en son estat. De quoy est advenu que le comte de +Cherosbery l'a faicte despuis fort observer, et luy a use ceste +rigueur qui l'a faicte recheoir en fiebvre, mais l'on y a remedie le +mieulx et par le plus sage moyen qu'on a peu. Les depputez de +l'aultre party s'esperent en ce lieu, dans cinq ou six jours, et n'est +possible que plus tost qu'ilz arrivent nous puissions aulcunement +advancer le trette. Ceulx qui portent icy ce faict m'ont prie, Sire, +de vous advertyr en dilligence que milord Boucard a commission +expresse de vous en parler et de remander incontinent par deca vostre +responce, et tout ce qu'il aura pu noter de vostre intention en cella, +affin que, sellon qu'il vous y aura cogneu ou remiz, ou affectionne, +l'on procede icy ou froydement, ou bien avecques effect, au dict +trette; dont Vostre Majeste luy pourra user des mesmes parolles +vertueuses et modestes qu'il a faict jusques icy, affin de consommer +l'honnorable oeuvre, qu'avez commance, de la restitution de ceste +princesse, qui touche asses a Vostre Majeste et a la reputation de +vostre couronne; et aussi pour obvier aulx inconveniens qu'a faulte de +ce pourroient cy apres survenir. + +Les deux filz du comte Derby, nonobstant qu'on les ayt advertys de ne +demander leur conge, n'ont laysse d'instantment le pourchasser; et +leur est advenu ce qu'ilz avoient panse, qu'on ne le leur auzeroit +reffuzer, dont, apres que la Royne leur a faict quelque reprimande, et +les a heu admonestez de se mieulx deporter pour l'advenir, avec +quelque difficulte de ne leur bailler sa main a bayser, elle les a +licenciez. + +Au surplus, Sire, aulcuns seigneurs catholiques de ce royaulme me +viennent d'advertyr qu'ilz ont tout freschement receu nouvelles de +Rome, comme le Roy d'Espaigne a envoye proposer au Pape l'offre que +Estuqueley luy a faicte du royaulme d'Yrlande, de la part de ceulx du +pays, qui sont prestz de le recepvoir, et comme il n'y a vollu +entendre, sans la concession de Sa Sainctete, comme de celluy, de qui +releve, de droict, icelle couronne; et que Sa dicte Sainctete luy en a +desja envoye son consens avec permission d'entreprendre, au nom de +Dieu, ceste conqueste, en ce qu'il restablyra la religion catholique +au dict pays; et que le dict Roy est dellibere d'y faire descendre +bientost, ou du coste d'Espaigne ou de Flandres, dix mil hommes. Je ne +scay encores si les dicts seigneurs catholiques ont encores descouvert +rien de cecy a leur Royne; tant y a que je ne vois pas qu'il se face +nul preparatif pour y resister: et l'ambassadeur d'Espaigne m'a +curieusement enquiz comme il alloit de ces Brethons, qui estoient +descenduz au dict pays, et en quoy en estoit la plaincte, que la Royne +d'Angleterre m'en avoit faicte. A quoy je luy ay respondu, sellon +l'intention que j'ay estime qu'il me le demandoit. Et a l'on opinion, +Sire, qu'affin que ceulx cy ne souspeconnent rien de l'entreprinse, et +qu'ilz ne preignent nulle deffiance du Roy d'Espaigne, le duc d'Alve +les va entretenant d'ung grand artiffice sur l'accord des +merchandises, lequel pourtant se monstre enveloupe chacun jour de +nouvelles difficultez. Sur ce, etc. + + Ce VIe jour de febvrier 1571. + + + A LA ROYNE. + + (_Lettre a part._) + +Madame, j'ay sceu que des quatre seigneurs que je vous escripviz, par +ma precedante petite lettre, qui s'estoit assemblez pour delliberer de +ce qu'ilz avoient a conseiller a leur Mestresse touchant le party de +Monseigneur vostre filz, le premier l'a plainement aprouve comme tres +bon et tres honnorable; le second l'a entierement contradict, comme +suspect a la religion protestante, plein de jalouzie aulx aultres +princes, et tres dangereux pour ce royaume; le tiers a assez suyvy +ceste seconde opinion; et le quatriesme s'est joinct au premier, mais +avec ung conseil asses dangereux: c'est qu'il a dict qu'il falloit, en +toutes sortes, suyvre le propos, car si leur Mestresse estoit resolue +de se marier et de ne vouloir point des siens, il n'y avoit nul prince +si commode au monde pour elle que Monsieur, et qu'il ne falloit +doubter que le mariage ne s'en ensuyvyst, avec l'honneur et advantaige +d'elle et de son royaume: si, d'advanture, elle n'en avoit nul desir, +encores scavoit il le moyen comme, avecques le mesmes honneur et +advantaige, apres qu'on se seroit servy du propos, l'on le pourroit +rompre sans offancer Monsieur, qui n'en demeureroit que bien +affectionne a la dicte Dame, mais que tout le mal gre en tumberoit sur +le Roy, par ce qu'il n'auroit vollu accomplyr les condicions; et s'en +engendreroit une division entre les deux freres, qui ne seroit que +utille a l'Angleterre. Ce n'est pourtant, Madame, que celluy, qui a +donne ce conseil, n'ayt bonne affection au party, mais il est anglois, +et possible il a propose cella, affin qu'il se trouve tant moins de +contradisans au present desir de la dicte Dame, laquelle monstre +cercher bien fort qui le luy veuille aprouver; et c'est cependant un +adviz a Vostre Majeste pour divertyr que tel inconveniant n'adviegne. + +J'ay cerche de scavoir qu'est ce qui avoit reussy du dict conseil, et +aulcuns de ceulx, qui ne sont encores bien resoluz s'ilz debvoient +trouver le dict party bon ou mauvais, m'ont mande que toutes les +parolles et demonstrations de la dicte Dame et des siens ne sont que +simulation, affin de pouvoir bientost tenir ung parlement la dessus, +et tirer de l'argent des subjectz, et se meintenir en quelque +reputation vers eulx et vers les princes estrangiers; et que pourtant +l'on ne se doibt haster d'en parler plus avant, jusques a ce que l'on +y voye quelque meilleur fondement; et que mesmes le comte de Lestre +s'estoit de nouveau faict proposer a sa Mestresse par aulcuns des +principaulx du conseil, qui avoit fort refroydy le propos. D'aultres +m'ont mande que la dicte Dame perseveroit, et a bon esciant, et pour +causes necessaires, a se vouloir marier; et que, sur le partement de +milord Boucard, entendant les diverses opinions que ceulx de son +conseil avoient la dessus, elle les avoit assemblez pour leur dire, la +larme a l'oeil, que, si nul mal venoit a elle, a sa couronne et a ses +subjectz, pour n'avoir espouse l'archiduc Charles, il debvoit estre +impute a eulx et non a elle; qui aussi estoient cause que le Roy +d'Espaigne avoit este offance, et que le royaulme d'Escosse estoit en +armes contre le sien, et qu'il n'avoit tenu aussi a eulx que le Roy +n'eust este beaucoup provoque davantaige par leurs deportemens en +faveur de ceulx de la Rochelle, si elle ne les eust empeschez; dont +les prioit tres toutz de luy ayder meintenant a rabiller toutz les +maulx par ung seul moyen, qui estoit de bien conduyre ce party de +Monsieur; et qu'elle tiendroit pour mauvais subject, et ennemy de ce +royaulme et tres deloyal a son service, qui aulcunement le luy +traverseroit. Dont me vouloient bien asseurer que nulz, a present, n'y +ozoient plus contradire. + +Je n'ay laysse, pour cella, de tenir fort suspect le comte de Lestre, +a cause de l'adviz precedant, jusques a ce que luy mesmes, lundy +dernier, s'est convye a dyner en mon logis avec le marquis de +Norampthon, le comte de Sussex, le comte de Betfort, milord +Chamberlan, et aultres seigneurs de ceste court, tout expres pour me +venir compter comme les partisans d'Espaigne, qui craignent +infinyement le mariage de Monsieur, et aussi le secretaire-Cecille qui +ne veult en facon du monde que sa Mestresse ayt ny luy, ny nul aultre +mary que soy mesmes, qui est roy plus qu'elle, l'avoient fort +instantment sollicitee de vouloir accepter le dict comte de Lestre +comme celluy qui seroit de tres grande satisfaction a tout le +royaulme, et qu'elle mesmes l'avoit prye de les en remercyer; mais il +luy avoit respondu que, quant le temps luy estoit bon, ils luy avoient +este contraires, et meintenant que le temps ne luy servoit plus ilz +monstroient de luy ayder, et qu'ilz ne faisoient cella, ny comme bons +serviteurs d'elle, ny comme vrays amys a luy, ains pour interrompre le +propos de Monsieur; par ainsy, qu'elle l'excusat s'il ne leur en +scavoit nul gre, ny leur en randoit nul mercys. Et a adjouxte qu'il +esperoit que les amys pourroient plus en cecy que les adversayres. +J'ay donne instruction, Madame, d'aulcunes aultres particullaritez la +dessus au Sr de Vassal, comme a ung gentilhomme, que je tiens fort +secrect et fidelle, qui vous en rendra bon compte; et sur ce, etc. + + Ce VIe jour de febvrier 1571. + + DIRA LE SR DE VASSAL A LEURS MAJESTEZ, oultre les choses + susdictes: + + Que, despuys quelque temps en ca, la Royne d'Angleterre a declare + qu'elle se vouloit maryer, et a monstre que ce sien desir estoit + fonde sur une tant raysonnable et quasi necessaire occasion que + plusieurs, qui souloient opinyastrer le contraire, commencent + d'en parler, a ceste heure, aultrement; neantmoins, sur ce qui + ne se peult bien dicerner encores, si elle le veult a bon + esciant, ou bien si elle le veult ainsy donner a croyre, et sur + la diversite des partys ausquelz elle pourroit entendre, et des + condicions qui auroient a se requerir, non seulement ceulx de son + conseil, mais ceulx de sa noblesse, et presque toutz ses + principaulx subjectz en sont en grand contention entre eulx, et + se bandent desja en plusieurs conseils et assemblees secrectes + pour en tretter, sellon que le desir, ou de pourvoir a la + religion protestante; ou d'ayder a la catholique; ou de + prejudicier aulx tiltres pretendus de la succession de ce + royaulme; ou de favoriser les affaires de la Royne d'Escosse; ou + de nourryr amytie avec la France; ou bien de confirmer plus que + jamais celle de Bourgoigne; ou de n'innover rien au present estat + de ce royaulme, qui est doulx a plusieurs, pousse les ungs et les + autres a interrompre ou bien advancer le propos. + + Neantmoins, pour estre encores ceste matiere trop peu meure, la + dicte Dame reserve la tenue de son parlement jusques en may ou + juing, pour en mieulx delliberer, lequel aultrement debvoit estre + convoque en ce moys de janvier, sur la necessite d'avoir argent; + car l'Allemaigne et l'Escosse, despuys deux ans, luy ont asses + espuyse ses finances; et l'interruption du commerce n'a permiz + qu'elle les ayt peu remplyr, bien que, en certain propos, elle + m'a naguieres donne entendre qu'elle avoit heu si peu de + necessite, que encores n'avoit elle aulcunement touche aulx + deniers du Roy d'Espaigne. + + Par lettres, naguieres venues de della la mer, de divers lieux, + l'on est en diverses opinions, en ceste court, des choses + d'Allemaigne; car les ungs mandent que le duc d'Alve a + intelligence avec le duc de Sualsambourg, pensionnaire du Roy + d'Espaigne, contre la ville de Hembourg, parce qu'elle a receu le + commerce des Anglois, et est encores pleyne de leurs + merchandises, et si, a favorise les pratiques du prince d'Orange, + et forny argent pour icelles contre les Pays Bas. + + Les aultres escripvent que les princes et capitaines, qui levent + gens en Allemaigne, s'entendent avec le dict de Sualsambourg et + avec le comte de Vuandeberc, et que, soubz colleur, l'ung + d'assieger Hembourg pour le roy de Danemarc, et l'aultre de + recouvrer ses terres, ilz se preparent toutz deux, et le roy de + Dannemarc aussi, a l'entreprinse des Pays Bas, avec le secours + que le Prince d'Orange, beau frere des trois, doibt admener + d'Allemaigne; et que icelluy roy de Dannemarc dellibere + d'interrompre toutz les trafficz d'Ostrelan, et des regions + froydes, aulx Flamans; et mesmes leur serrer une riviere, par ou + ilz ont accoustume de recouvrer leurs bledz et aultres + provisions, affin de commancer, de bonne heure, a leur retrancher + vivres. + + Et adjouxtent que Monsieur, frere du Roy, n'est que bien dispose + a ceste entreprinse pour recouvrer ceste portion des dicts Pays + Bas, qui apartient a la couronne de France; et qu'il a suplie le + Roy de luy permettre de faire ung essay pour en agrandir son + appanaige, et d'y employer la gendarmerye, et ce grand nombre de + gens de guerre, qui sont meintennant en France, mesmes que les + Francoys ne desirent rien tant que cella; s'apercevans enfin des + tromperies et simulations du Roy d'Espaigne et de ses ministres, + et murmurans que les jours ont este advancez a sa derniere femme, + Fille de France, par mauvais trettement qu'elle a receu avecques + luy, dont j'ay merveilleusement rejette tout le contenu de cest + article, quant on m'en a parle; + + Et que le duc d'Alve, craignant ung si grand orage, commance de + mettre ung grand ordre a ses affaires, a recueillyr deniers et + armes de toutz costez, et faire secrecte description de gens de + guerre. Neantmoins l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, monstre + de ne croyre, en facon du monde, qu'il y ayt nulz aprestz contre + les Pays Bas, ains tout le contraire, ainsi que je l'ay mande par + ma precedante depesche, qu'encor qu'il pense bien qu'il ne + tiendroit aulx Anglois que telles choses ne fussent mises en + avant et executees, que neantmoins la Royne d'Angleterre n'y + veult advancer ses deniers contans, ni aultre chose que parolles + et promesses, qui ne sont suffizantes pour mouvoir les Allemans, + ni pour faire marcher une armee. + + Comme, a la verite, j'entendz que le capitaine, qui est icy pour + le duc Auguste, et qui asseure n'y avoir aulcune certitude de la + mort de son maistre, mais bien qu'il estoit fort mallade, n'a + este encores guieres bien respondu sur la pratique qu'il mene + d'avoir deniers pour les dicts aprestz d'Allemaigne; et si, + semble qu'il n'inciste pas fort que la dicte Dame veuille entrer + en nulle ligue avec les princes protestans, s'estant laysse + entendre que le dict duc Auguste aussi n'y entrera pas et qu'il + ne cerche que fere amys de toutz costez, pour s'en ayder au + besoing; neantmoins qu'il favorisera et assistera la dicte + entreprinse d'iceulx princes. + + Le susdict ambassadeur d'Espaigne a heu adviz que Mr le cardinal + de Chatillon a propose a ceste Royne, et a ceulx de son conseil, + s'ilz trouveroient bon que le comte Ludovic de Naussau vint avec + aulcuns bons navyres de guerre de la Rochelle pour se joindre a + ceulx du Sr de Lumbres, affin de tenir ceste mer subjecte contre + le duc d'Alve a la devotion toutesfoys de ce royaulme, et que + cella a este bien receu du dict conseil et favorise du comte de + Lestre, et qu'il entend qu'on arme a cest effect a la Rochelle + plusieurs navyres, chose qu'il estime ne pouvoir estre trouvee + bonne du Roy. + + Les depputez de la Royne d'Escosse sont venuz plusieurs fois + prandre familierement leur disner en mon logis, et m'ont, entre + aultres choses, remonstre qu'ilz sont envoyez, de la part des + principaux seigneurs de leur pays, pour assister au trette et y + procurer la restitution de leur Mestresse, avec charge de + proceder en tout sellon qu'elle leur ordonnera, et avec article + especial de ne faire rien au prejudice de l'alliance de France; + et qu'ilz supplient tres humblement le Roy, qu'au cas que le dict + trette ne succede, qu'il veuille avoir souvenance d'eulx; car ilz + disent avoir este toutz essayez, l'ung apres l'autre, par grandes + offres et presens, de la part de la Royne d'Angleterre, pour + suyvre son party, et qu'ilz ont tout rejette, et ont choysy de + souffrir plustost toutes extremitez que de quicter ung seul point + de l'alliance et devotion qu'ilz ont a la couronne de France; + + Et que les dicts seigneurs requierent une chose de l'evesque de + Roz et de moy, c'est que nous les veuillons advertyr, de bonne + heure, s'il y aura apparance que le trette ne succede, affin de + se pourvoir; et que, sans mettre le Roy en nulle guerre ouverte, + s'il luy playt les ayder, quelque temps, de quatre mil escuz par + mois, pour entretenir trois cens hommes dans le chasteau de + Lislebourg, et sept cens hommes en la campaigne, ilz promettent + de faire ce qui s'ensuyt: + + Scavoir, le lair de Granges, capitaine du dict chasteau de + Lislebourg, de surprendre les comtes de Lenoz et de Morthon, et + les mettre dans son dict chasteau, pour en faire ce que leur + Mestresse commandera, et de randre paysible et obeyssante la + ville de Lislebourg a la dicte Dame; les aultres seigneurs + qu'avec les sept centz hommes, ilz chasseront les Anglois de tout + le pays, estandront leur ligue, remettront partout l'authorite de + la Royne d'Escosse, de sorte qu'il ne se parlera plus que de luy + obeyr, et de demeurer fermes en l'alliance de France, et qu'ilz + reduyront, tout entierement, le royaulme en l'estat qu'il estoit + auparavant, estantz toutz les principaulx de la noblesse de ce + desir, sinon le dict Lenoz, qui n'a, a present, cinq cens escuz + de rante au dict pays, et Morthon, qui est homme nouveau et + sordide. + + Le Roy d'Espaigne a escript a son ambassadeur, qui est icy, qu'il + le resolve clairement, et en brief, de ce qui se doibt esperer de + la restitution de la Royne d'Escosse, et en quoy l'on est du + trette, monstrant qu'il a bien fort a cueur la matiere; et + icelluy ambassadeur a dict a l'evesque de Roz que son Maistre ne + regarde sinon comme le Roy commancera d'y proceder, car, de sa + part, il y est tout prest et tout resolu. Et par lettre de Rome + s'entend que le Pape a desja miz une provision de deniers ez + mains du duc d'Alve, pour ayder l'entreprinse sellon que l'ordre + en sera mande par Ridolfy; lequel Ridolfy et les seigneurs + catholiques de ce pays, me recerchent fort de mettre en avant que + les deux Roys se veuillent entendre et se unyr a la dicte + entreprinse; ce que j'ayme mieulx qui me soit propose par le dict + ambassadeur, qui ne m'en a parle, longtemps y a, que non pas par + eulx. + + Je ne puis encores juger au vray si la delliberation de la dicte + entreprinse est bien certaine, et moins encores quel evenement + elle pourra avoir. Tant y a que, pour la conformite de celle + d'Yrlande, elle me semble trop esloignee du vraysemblable, et je + sens bien que les Escoucoys, doubtans du secours de France, + commancent fort d'esperer en cestuy cy; et le duc d'Alve leur a + desja advance quelques deniers, ainsy que je l'ay desja escript. + + AULTRE MEMOIRE ET INSTRUCTION A PART: + + Que le propos de maryer Monsieur avec la Royne, a prins son + commancement de ce que, ayant, en une mienne audience, parle a la + dicte Dame des fianceailles du Roy, qui se debvoient faire a + Espire, apres qu'elle se fut retiree avec ses dames, elle se + plaignit que, se faisans plusieurs honnorables mariages en la + Chrestiente, nul de son conseil ne luy parloit a elle de prandre + party, et que, si le comte de Sussex fut present, au moins luy + ramentevroit il l'archiduc Charles. + + Ce que ayant l'une des dames raporte au comte de Lestre, il + s'esforcea, le lendemain, affin de luy complayre, de luy remettre + si bien le dict archiduc en termes, que le voyage de Coban en fut + incontinent dresse; et, de la en avant, elle monstra, de plus en + plus, estre resolue de se maryer, et de parler d'affection de + l'archiduc, de sorte que le dict comte se repentyt asses d'en + avoir meu le propos. + + Sur quoy arrivant le vydame de Chartres pour prandre conge + d'elle, il luy parla de Monsieur, frere du Roy, et en parla aussi + a plusieurs de son conseil, qui en furent les ungs bien ayses + pour traverser l'aultre propos, et les aultres marrys, qui ne + vouloient qu'on mit, en facon du monde, cestuy cy en avant. + + Dont, apres que le dict Coban fut de retour avec la responce de + reffuz, elle commanca lors d'ouyr, avec plus d'affection, ceulx + qui luy proposoient Monsieur; et arrivant la dessus quelque + responce du vydame, et survenant, peu apres, Mr le cardinal de + Chatillon, la matiere s'est si bien eschauffee que la dicte Dame + ne parle plus que de luy, et a dict, tout hault, "que les siens + l'avoient souvant pressee de se maryer, mais puys apres ilz y + avoient adjouxte tant de dures condicions qu'ilz l'en avoient + engardee, et qu'elle cognoistroit meintenant qui seroient ses + bons et fidelles subjectz, et les sauroit bien remarquer, et + qu'elle tiendroit pour desloyaux ceulx qui luy traverseroient ce + tant honnorable party". + + Et comme l'une de ses dames regrettoit que Mon dict Seigneur + n'eust quelques ans davantaige, elle respondit:--"Il a vingt ans + qui en vallent vingt cinq, car il n'y a rien en son esprit, ny en + sa personne, qui ne soit d'homme de valleur." + + Et a milord Chamberland qui luy faisoit ung compte, comme Mon + dict Seigneur avoit faict une course jusques a Roan pour voir une + jeune flamande fort belle, que le pere, craignant qu'elle ne se + derrobat pour le suyvre, l'avoit jettee en haste hors de la ville + et conduicte a Diepe, ou n'attendoit que le vent pour la passer + en Angleterre, l'une des dames respondit:--"Et bien c'est qu'il + n'est point paresseux pour aller voir les dames, il ne craindra + guieres de passer la mer."--"Ce ne seroit, respondit la Royne, a + mon proffict qu'il fut si dilligent, mais il n'en est pourtant + moins a priser." + + Et au baron de Vualfrind, lequel je luy presentay de la part du + Roy, apres qu'elle luy eust asses amplement parle du mariage de + l'archiduc, en une facon pleyne de jalouzie et de desdein, + reprouvant bien fort les nopces d'entre si prochains, comme + l'oncle et la niepce:--"Bien que le Roy d'Espaigne, disoit elle, + comme grand prince, eust possible estime que son exemple + servyroit de loy au monde, mais c'estoit une loy contre le ciel;" + luy dit:--"Que l'archiduc luy estoit grandement oblige de ce que, + l'ayant reffuse, elle luy avoit faict trouver mieulx qu'elle, et + ou l'amytie ne deffauldroit, car, s'ilz ne s'aymoient comme + espouzes, ilz s'aymeroient comme parans; et qu'elle esperoit + aussi trouver mieulx que luy, dont le regrect cesseroit des deux + costez." Puys se corrigea que;--"A la verite elle ne l'avoit pas + reffuze, mais elle avoit bien differe la responce, et il ne + l'avoit vollue attandre; neantmoins elle ne lairroit d'aymer et + honnorer toutjour l'Empereur, et toute sa mayson, sans aulcun + excepter." + + Et, au retour de la, le dict sieur baron me demanda si je pensois + qu'elle eust parle d'affection et avec jalouzie du dict archiduc, + ou bien par maniere de deviz, et qu'il se repentoit de ne luy + avoir propose le prince Rodolfe, qui a desja dix sept ans. Je luy + respondiz que "le voyage, que le jeune Coban avoit dernierement + faict devers l'Empereur, monstroit que, si l'archiduc eust vollu, + a ceste heure, entendre a ce party, qu'il eust este accepte."--Il + repliqua "qu'il en auroit doncques beaucoup de regrect, et qu'il + s'estoit trop haste de s'obliger a celle de Baviere, bien qu'il + me vouloit dire que les conditions, sur lesquelles on le vouloit + maryer avec ceste Royne, estoient, a ce qu'il avoit ouy dire, si + dures et iniques qu'il eust este trop plus subject que Roy." + + L'on me vient d'advertyr que, sabmedy dernier, se plaignant la + dicte Dame a l'admyralle Clinton et a milady Coban des + difficultez, qu'aulcuns des siens trouvoient au party de + Monsieur, comme trop jeune, elle les avoit conjure de luy en dire + librement leur opinion, et que, comme les deux plus loyales, et + ou elle se fyoit plus qu'en dames de ce monde, elles ne luy en + vollussent rien dissimuler; et que la dicte Clinton, luy ayant + fort loue ses perfections et confirme grandement son opinion de + se maryer, avoit aprouve entierement qu'elle deut espouser + Monsieur; et que sa jeunesse ne luy debvoit faire peur, car il + estoit vertueux, et elle, pour luy en donner, en toutes sortes, + plus de satisfaction que nulle aultre princesse du monde ne + scauroit faire. Ce que la dicte Dame avoit accepte avec tant de + demonstration de playsir, que milady Coban, n'y ozant rien + contradire, avoit seulement dict que les mariages estoient + toutjour mieulx faictz et plus plains de contantement, quant l'on + espousoit personne de age pareil, ou aprochant au sien, que quant + il y avoit grande inegalite. A quoy elle avoit respondu:--"Qu'il + n'y avoit que dix ans de differant entre deux, et qu'il eust este + fort a propos que ce eust este luy qui les heut davantaige; mais, + puysqu'il playsoit a Dieu qu'elle fut la plus vielle, elle + esperoit qu'il se contenteroit des aultres advantaiges." + + Il semble que milord Boucard va par della fort pourveu de bonne + intention en cest endroict, et qu'il desire infinyement d'y estre + employe; et le secretaire, qu'il mene, qui luy a este ordonne par + la dicte Dame, s'est venu offryr a moy de servyr, en tout ce + qu'il pourra, jusques a la mort; et le Sr Cavalcanty y est plus + ardant que nul, mais je ne scay s'il a encores descouvert en + quelle intention en est Cecille; tant y a que deppendant + entierement de luy, il sera bon d'aller ung peu reserve en son + endroict, et neantmoins s'en servyr en ce que Leurs Majestez + cognoistront qu'il leur y pourra estre ministre commode et + opportun; car, oultre qu'il se dict tres devot a la France, et + peculier serviteur de la Royne, il est fort bien entendu ez + humeurs de deca. Il n'a vollu partyr avec le dict Boucard pour + n'estre veu aller aulcunement pour ce fait, et m'a dict qu'il + n'est pas expressement commande de faire le voyage, mais qu'on + est bien fort ayse qu'il le face, et il part demain matin. + + + + +CLIXe DEPESCHE + +--du XIIe jour de febvrier 1571.-- + +(_Envoyee expres par Jehan Volet jusques a Calais._) + + Negociation de Walsingham, ambassadeur en France.--Affaires + d'Irlande; crainte des Anglais qu'une entreprise ne soit tentee + sur ce pays.--Affaires d'Ecosse; retards apportes a la + conclusion du traite.--Ligue contre les Turcs.--Nouvelles + d'Allemagne. + + + AU ROY. + +Sire, par la premiere depesche, que le Sr de Vualsinguan a faict par +deca[26], il s'est si grandement loue a la Royne, sa Mestresse, de +l'honorable reception et des vertueuses responces qu'il a eues de +Vostre Majeste, et des bons propos et demonstrations que la Royne, +vostre Mere, et Monseigneur, luy ont use, que le comte de Lestre m'a +mande qu'elle m'en rendra ung bien fort grand mercys, la premiere fois +que je l'yray trouver, affin que je le vous face puys apres entendre +de sa part; et que je vous represante le grand contantement qu'elle en +a receu, qui ne la pourriez, a ce qu'il dict, en nulle chose du monde +plus grandement gratiffier que de favoriser ses ambassadeurs. Et n'ay +point sceu, a la verite, Sire, que, pour ce commancement, il ayt donne +que une bien fort bonne satisfaction de Voz Majestez a sa dicte +Mestresse. Il est vray qu'il a asseure la dicte Dame, ainsy qu'on m'a +dict, que la pratique, que le capitaine La Roche mene en Yrlande, +n'est incogneue en vostre court; de quoy aulcuns de son conseil luy +ont vollu persuader qu'elle devoit donc revoquer milord de Boucard +qui, pour ceste occasion, a este arreste ung jour a Canturbery; mais +elle a vollu qu'il ayt passe oultre, esperant que, sur ce qu'elle m'a +naguieres propose d'icelluy faict, Vostre Majeste l'en satisfera +bientost. + + [26] Voir les _Memoires et Instructions pour les ambassadeurs ou + Lettres et Negociations de Walsingham, ministre et secretaire + d'etat sous Elisabeth, reine d'Angleterre_, 1 vol. in-4º, + Amsterdam, 1700. + +La dicte Dame commance de tourner ses pensees aulx choses du dict pays +d'Yrlande, car, oultre le faict du dict capitaine La Roche, elle a +toutjours crainct que le Roy d'Espaigne se vouldroit revancher des +prinses de mer par quelque entreprinse sur icelluy pays; et, encores, +par le dernier courrier de Flandres, entendant que le duc d'Alve se +monstroit si refroydy en la composition des dictes prinses, que +l'agent de la dicte Dame estoit sur le poinct de s'en revenir, sans +avoir rien faict, elle en entroit en plus grande deffiance, mais ung +aultre courrier extraordinaire en vient d'arriver, qui dict que +icelluy agent a heu, despuys huict jours, une meilleure responce du +dict duc. Neantmoins, estantz desja aulcuns indices venuz a la dicte +Dame de la delliberation du dict Roy d'Espaigne en cella, et luy en +ayant Mr le cardinal de Chatillon, a ce qu'on m'a dict, mande, despuys +six jours, d'aultres certains adviz, elle monstre, a present, de le +croyre; dont a mande a millord Sydney debitis d'Yrlande, qui estoit +prest a s'en venir par deca, de ne bouger de sa charge, et de pourvoir +soigneusement a la garde du pays, et qu'elle donna promptement ordre +qu'il luy soit envoye tout ce qui luy sera besoing. + +Les choses d'Escosse se brouillent de nouveau, car ceulx du party de +la Royne commancent de se revancher par della sur ceulx qui suyvent le +party du comte de Lenoz, et le comte de Morthon, faisant le long a +venir, prolonge icy beaucoup le trette, ce qui donne cependant loysir +a la comtesse de Lenoz et aulx siens de remettre en l'opinion de la +Royne d'Angleterre plusieurs malles impressions contre la Royne +d'Escosse, luy persuadant qu'elle aspire a sa vie et a la deboutter de +son estat, si bien qu'elle en est entree en de grandes souspecons, +mesmes contre ses plus intimes conseillers; qui faict que toute ceste +court s'en trouve divisee et en grand perplexite. Dont les depputez de +la dicte Royne d'Escosse, craignans qu'enfin cella n'admene une +ropture du dict traicte, suplient, de rechef, tres humblement Vostre +Majeste, de les vouloir, de bonne heure, et par secrectz moyens, +secourir de ceste provision de quatre mil escuz par moys, qu'ilz vous +demandent, durant quelque temps, affin d'executer promptement ce +qu'ilz ont projecte pour le restablissement de l'auctorite de leur +Mestresse, et pour la conservation de leur pays, et pour l'honneur et +la gloire de Vostre Majeste et de l'alliance qu'ilz ont avec vostre +couronne; s'asseurans que la guerre ne durera jamais ung ou deux tiers +d'an. Et m'ont propose, au cas que voz presens affaires ne permissent, +Sire, que les puyssiez si tost ayder de ceste somme, qu'il soit vostre +bon playsir de la leur faire recouvrer sur l'afferme du douaire de +leur Mestresse, en la faisant delivrer a quelques merchans pour deux +ou trois ans a venir, moyennant qu'ilz advanceront les deniers, +desquelz, s'il en debvoit survenir cy apres nul interest a Vostre +Majeste, ou quelque diminution a leur dicte Mestresse, ilz se offrent +de le faire rembourser par les Estatz de leur pays; et ne vous auront, +a ce qu'ilz disent, moindre obligation que si le secours estoit tout +entierement sorty de voz propres finances. A quoy vous playrra, Sire, +me faire respondre par voz premieres, car, sellon que j'en entendray +vostre vollonte, je les laysseray, ou bien les divertiray d'en envoyer +poursuyvre le moyen par della, comme ilz ont dellibere de faire. + +Il est nouvelles icy que l'Empereur a offert d'entrer en la ligue +contre le Turq, et que, en propre personne, il luy commancera la +guerre, pourveu que les confederez luy veuillent souldoyer vingt mil +hommes de pied, et luy donner douze mil escuz par moys, pour les +aultres provisions de l'armee; et qu'il a este de nouveau provoque a +cella, a l'ocasion de ce que le Turq luy a mande qu'il ayt a luy +remettre entierement le tiltre du royaulme de Transilvanye, sans +jamais plus le s'aproprier. + +L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a adviz que le comte de +Sualsemberg, apres avoir compose avec ceulx d'Embourg, pour quarante +mil tallardz contants, et avec ceulx de Breme pour vingt cinq mil, a +separe ses gens; par ainsy, toute la peur de ceste guerre est +estaincte. Sur ce, etc. Ce XIIe jour de febvrier 1571. + + + + +CLXe DEPESCHE + +--du XVIIe jour de febvrier 1571.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par Bon Jehan._) + + Affaires d'Ecosse.--Efforts de l'ambassadeur pour empecher que le + prince d'Ecosse ne soit livre a la reine + d'Angleterre.--Sollicitation faite par le duc d'Albe, au nom du + roi d'Espagne, en faveur de Marie Stuart.--Negociation des + Pays-Bas. + + + AU ROY. + +Sire, par la depesche de Vostre Majeste, du premier de ce mois, que le +Sr de Sabran m'a apportee, il m'a este si sagement et avec tant de +bonnes considerations satisfaict sur tout ce que, par mes precedantes, +jusques au vingt quatriesme du passe, je vous avois escript de l'estat +des choses de deca, qu'il ne me reste rien a present que de bien +ensuyvre ce que clairement et fort expres il vous playt m'en +commander, qui mettray peine, Sire, que vous y soyez le plus +exactement bien servy qu'il me sera possible; seulement je me trouve +empesche du faict du petit Prince d'Escosse, lequel je vous suplie +tres humblement, Sire, de croyre que j'ay travaille aultant que j'ay +peu, et sans trop me descouvrir, a disposer icy les depputez de la +Royne, sa mere, et ay pareillement envoye disposer ceulx de l'aultre +party jusques en Escosse, pour s'opposer a ce qu'il ne soit admene par +deca, et n'ay obmiz nul des inconveniens qui en pourroient advenir, +que je ne les leur aye toutz representez; et ay sonde si avant iceulx +depputez de la dicte Dame qu'ilz m'ont confesse que les seigneurs qui +les ont envoyez, declairent, en ung article de leur instruction, +qu'ilz ne le peuvent consentyr; neantmoins qu'ilz leur ont baille +pouvoir, a part, d'en user comme la Royne, leur Mestresse, leur +ordonnera; et m'ont remonstre que, demeurant les choses en l'estat +qu'elles sont, la Royne d'Angleterre tient en ses mains la mere, le +filz et le royaulme, et a desja estably un sien subject pour regent au +pays, et qu'ilz ne peuvent, sans ung notable secours de Vostre +Majeste, plus differer de se soubmettre eulx mesmes a ce que la dicte +Royne d'Angleterre vouldra: scavoir est, d'obeyr au dict regent, et +recognoistre le jeune Prince pour leur Roy, si, d'avanture, leur +Mestresse n'est bientost restituee; et que, si le trette n'eust este +miz en avant, par lequel l'armee d'Angleterre a este retiree, il est +sans doubte qu'ilz se fussent desja toutz rangez a ce party, de sorte, +Sire, qu'il ne se fault guieres attandre que, du coste de la Royne +d'Escosse, laquelle a desja baille son consentz, ny de ceulx qui +tiennent pour elle, il se face grande resistance a cest article; qui +est neantmoins le principal, auquel la Royne d'Angleterre et les siens +incistent, et sans lequel elle monstre de vouloir poursuyvre ses +entreprinses, ainsy qu'elle les a commancees au dict pays. + +Je verray ce que je pourray faire secrectement avec les depputez de +l'aultre party, qui ne sont encores arrivez, mais l'on les attand dans +quatre jours; car il est nouvelles qu'ilz ont desja passe Barwich, et +ne voys point, Sire, qu'il reste plus de ce coste nul moyen en cecy, +que je ne l'aye desja tante; dont adviserez s'il s'en pourra trouver +quelcun aultre d'ailleurs qui y puysse mieulx remedier. + +Au regard de l'article de la ligue, j'en useray tout ainsy, sans plus +ny moins, qu'il vous playst me le prescrire, et semble bien que desja, +sur les fermes et resoluz propos, que j'en ay tenuz a la Royne +d'Angleterre et aulx siens, ilz soyent en quelques termes de n'en +parler point. + +L'evesque de Roz est alle presser les seigneurs de ce conseil de +vouloir commancer le dict trette, plus pour cognoistre si leur +Mestresse avoit change de vollonte que pour esperance de rien faire, +jusques a ce que les aultres soyent icy; et a trouve qu'a leur arrivee +elle dellibere de passer oultre, meue beaucoup plus des difficultez, +qui surviennent chacun jour plus grandes, et en Escosse, et en son +pays, que de bonne affection qu'elle y ayt; et luy ont iceulx du dict +conseil dict deux choses: l'une, qu'il ne fault que la Royne, sa +Mestresse, escoutte les conseilz qu'on luy mandra de della la mer, de +ne consentyr que son filz viegne en Angleterre, car, sans ce poinct, +qui estoit desja accorde par elle, il ne fault plus parler de trette; +la segonde, qu'elle veuille delaysser du tout la pratique de se maryer +avec dom Joan d'Austria, et n'ouyr plus sur cella Mr le cardinal de +Lorrayne, qui en renouvelle, a ce qu'ilz disent, encores a present le +propos. A quoy il a respondu en general, que, si la Royne d'Angleterre +veult bien user envers sa Mestresse, elle se peult asseurer qu'elle la +trouvera toute disposee a son amytie, et a faire toutes choses a son +contantement. + +Or, a le duc d'Alve escript, par le dernier ordinaire, une lettre a la +Royne d'Angleterre, en laquelle, entre aultres choses, il luy faict +entendre la charge, qu'il a du Roy d'Espaigne son Maistre, de la prier +bien fort affectueusement qu'elle veuille condescendre a quelque bon +accord avec la Royne d'Escosse, et luy moyener sa restitution; et +qu'une des choses qu'il desire aultant a ceste heure est de les voir +elles deux et leur deux royaulmes en bonne paix et unyon, en quoy, +s'il se peult rien ayder et servyr, il offre de bon cueur s'y +employer. Je n'ay encores aprins les aultres particullaritez de la +dicte lettre, sinon qu'on m'a asseure que la dicte Dame l'a heue fort +agreable, et que le secretaire Cecille a dict que le duc d'Alve se +monstre a ceste heure fort rabille vers elle, et la recherche beaucoup +d'amytie; et que sur ce que Me Prestal l'avoit, puys peu de jours, +vollu estreindre a quelques pratiques avec les rebelles d'Angleterre +et d'Yrlande, et avec les Escoucoys du party de la Royne, il n'y avoit +vollu entendre. Ce qui faict meintenant, Sire, que ceulx cy se +rasseurent des choses d'Yrlande; et a la verite, la comtesse de +Northomberland, et aulcuns fuytifz, qui sont en Flandres, ont +naguieres escript que le Roy d'Espaigne a bien bonne affection de les +secourir et d'entreprendre en Yrlande, mais que le duc d'Alve en +estoit tout refroydy, et qu'il leur est besoing d'envoyer ung +personnaige de bonne qualite en Espaigne pour negocier, par eulx +mesmes, leur affaire avec le Roy d'Espaigne. Je ne scay s'ilz auront +esleu a cella millord de Sethon; tant y a que je vous puys asseurer, +Sire, qu'il estoit, le XXIIIe du passe, au logis de l'ambassadeur +d'Escosse a Paris, possible qu'il aura passe oultre. + +L'accord des prinses estoit venu a une manifeste ropture avec le +deppute de ceste Royne, qui s'estoit desja achemine pour s'en +retourner, sans avoir rien faict, quant le duc d'Alve l'a contremande +pour luy dire qu'il avoit receu nouvelles lettres d'Espaigne, par +lesquelles il luy vouloit bien signiffier la bonne intention du Roy, +son Maistre, envers la Royne d'Angleterre, sa bonne soeur, et comme il +avoit desir d'accorder a toutes les choses raysonnables qu'elle +vouloit; par ainsy que les difficultez seroient bientost vuydees, et +qu'il envoyeroit un notable conseiller par deca pour l'accommodement +de toutes choses; dont s'attand, a ceste heure icy, l'arrivee du Sr +Suenegheme de Bruges, qui vient avec le dict deppute d'Angleterre. Sur +ce, etc. Ce XVIIe jour de febvrier 1571. + + + + +CLXIe DEPESCHE + +--du XXIIIe jour de febvrier 1571.-- + +(_Envoyee expres jusques a Calais par ung gentilhomme escoucoys._) + + Audience.--Assurances d'amitie.--Maladie de la reine de + France.--Desaveu du roi au sujet de la descente des Bretons en + Irlande.--Satisfaction d'Elisabeth a raison du refus qu'aurait + fait le duc d'Anjou de se mettre a la tete d'une entreprise sur + l'Irlande. + + + AU ROY. + +Sire, a la delliberation, que j'avois, d'aller trouver la Royne +d'Angleterre sur ce que le Sr de Sabran m'avoit apporte, il m'y est +encores venue nouvelle occasion, par la depesche suyvante, que j'ay +cependant receue de Vostre Majeste, du VIIIe de ce moys, de laquelle +j'ay faict de tout ung avec la premiere; et n'ay separe les poinctz de +l'une ny de l'aultre, sinon par l'ordre que je les ay trouvez en +icelles, qui y sont si bien et si distinctement comprins, qu'il n'a +este besoing d'y adjouxter du mien que seulement ce que j'ay estime a +propos pour les faire bien prandre a la dicte Dame. + +Laquelle m'a respondu, quant au premier, qu'elle avoit ung singulier +playsir que ses ambassadeurs vous eussent bien signiffie la droicte +intention, qu'elle a, a la commune paix d'entre Voz Majestez, et a +celle particuliere de vostre royaulme; et qu'elle vous prie, Sire, de +croyre que, quant au debvoir de perseverer en vostre amytie, et a +desirer le bien et establissement de voz affaires, qu'elle y est si +parfaictement disposee que nul du monde ne le scauroit estre +davantaige; et que vous cognoistrez qu'elle l'a desja ainsy monstre +par effectz, quant plusieurs choses, de celles qui ont passe despuys +trois ans, vous seront mieulx cogneues qu'elles ne le sont a present; +et qu'elle vous promect, pour l'advenir, qu'il ne sortyra, de son +coste, occasion aulcune, par ou vostre dicte amytie puysse estre +offancee, pourveu que vous ne veuillez poinct offancer la sienne; +qu'elle avoit grande occasion de vous remercyer de ce qu'il vous avoit +pleu fort favorablement licencier l'ung de ses ambassadeurs, et +recepvoir avec mesme faveur l'aultre, et de ce, encores, qu'avez +commance de faire honorer grandement milord Boucart a Callais, a +Bolloigne et a Montrueil; dont il luy avoit escript le bon trettement +qu'on luy avoit faict en ces trois villes, et que Vostre Majeste aussi +ne trouveroit en eulx, s'ilz ne veulent estre traystres a elle et +desobeyssans a ses commandemens, que toute disposition de vous honorer +et servyr, et vous complayre en tout ce qu'il leur sera possible; que +la nouvelle que je luy apportois de la malladye de la Royne, a ceste +heure qu'elle guerissoit et alloit en amandant, n'estoit si facheuse a +ouyr, comme si je la luy eusse dicte, quant elle estoit en dangier, +dont elle prioyt Dieu pour sa convalescence, comme pour la sienne +propre; et que Dieu vous avoit vollu temperer a toutz deux, par ce +petit ennuy, le grand ayse de vostre mariage, affin de le vous randre +meilleur et de plus de duree cy apres; qu'encor que le sacre et +couronnement d'elle, et son entree fussent remiz a une aultre foys, +et que ceulx, qu'elle a envoyez par della, ne puyssent voir toutz les +triomphes qu'ilz s'attandoient, elle toutesfois ne vouldroit avoir +differe davantaige la conjoyssance de voz nopces, ny de la venue de la +Royne, pour ne deffaillir a ce que, non moins de son affection que de +son debvoir, elle estimoit estre tenue en cella; au demeurant, qu'elle +demeuroit tres contante et bien satisfaicte de la responce, que vous +luy faisiez sur les choses d'Yrlande, et encores plus de ce qu'elle +s'asseuroit que Vostre Majeste l'accomplyroit ainsy par oeuvre, comme +elle avoit desja entendu que, sur ce que Mr le cardinal de Lorrayne et +Mr le Nunce et l'arsevesque de Glasco avoient naguieres propose a +Monsieur, frere de Vostre Majeste, de faire une entreprinse au dict +pays, il avoit este si vertueulx et si sage, qu'il n'y avoit vollu +entendre, ny Voz Majestez Tres Chrestiennes y prester l'oreille, dont +ne vouloit obmettre de vous en remercyer toutz trois de tout son +cueur; mais pourtant elle n'avoit vollu ottroyer de saufconduict au +dict arsevesque de Glasco, bien que la Royne d'Escosse le luy eust +fort instantment faict demander par l'evesque de Ross; car avoit +opinion que c'estoit plus pour venir interrompre le trette que pour +l'advancer; et que, estant le comte de Morthon prest a arriver dans +peu d'heures, l'on procederoit incontinent au dict trette avec le plus +d'expedition que faire se pourroit. + +Je luy ay seulement replique, Sire, quant a l'entreprinse, qu'elle +disoit avoir este proposee a Monsieur, si elle scavoit a la verite que +cella fut vray, et m'ayant soubdainement respondu que _ouy_, tant +certainement que mesmes elle avoit par escript le mesmes propos, qui +luy en avoit este tenu, j'ay suyvy a luy dire qu'elle print bien +garde que cella ne procedast de quelque mauvaise boutique pour cuyder +luy en mettre la jalouzie dans le cueur, car Mr le cardinal estoit ung +si prudent et si advise seigneur en ses conseilz, qu'a peyne en avoit +il miz ung tel en avant a Monsieur, en temps de si bonne paix; +neantmoins, commant que la chose allat, elle voyoit que Vostre Majeste +faisoit ung grand fondement de la parolle, que luy aviez donnee, de +desister de toute entreprinse d'armes, jusques a ce que le traicte fut +acheve, et que vous faisiez aussi pareil estat de celle que vous aviez +d'elle, pour la liberte et restitution de la Royne d'Escosse; dont je +la suplyois qu'elle y vollust meintenant mettre le desire effect, que +Vostre Majeste attandoit de sa bonte et de sa promesse. + +Elle m'a respondu qu'elle voyoit bien que Vostre Majeste ne pourroit +jamais oublyer cest affaire, parce qu'il y en avoit asses qui le vous +recordoient, et qu'elle esperoit qu'il s'acommoderoit bientost, non +sans qu'on se mouquast asses par tout le monde d'elle, d'estre si +indulgente et facille envers celle qui l'a infinyement offancee; qu'au +reste elle recepvoit ung singulier playsir d'entendre que Vostre +Majeste eust une si vertueuse et si droicte intention a la reunyon de +l'esglize, comme je le luy asseuroys, qui ne pourroit estre que cella +n'admenast ung grand bien a la Chrestiente, et qu'elle vous y +correspondroit de sa part, avec telle affection et promptitude, comme +vous le pourriez desirer; qui pourtant vous prioyt de perseverer en ce +sainct propos, et ne vous laysser persuader a ceulx qui vous y +vouldroient proposer les armes. + +Et ainsy me suys gracieusement licencie de la dicte Dame, mais j'ay +comprins despuys, par aulcuns propos du secretaire Cecille, qu'elle +avoit heu ung singulier playsir que Vostre Majeste n'a advoue les +choses d'Yrlande, parce qu'elle a envoye pour surprendre ce qui s'y +trouvera de Bretons et estrangiers pour les chastier. La dicte Dame a +faict depescher lettres a toutes ses provinces pour convoquer ung +parlement, au deuxiesme jour d'avril prochain, en ceste ville de +Londres, avec secret mandement de n'eslire aulcun deppute, qui ne soit +declaire protestant. Elle estime que la tenue d'icelluy ne sera que de +dix jours, dedans lesquelz elle espere avoir obtenu ce qu'elle +pretend, de quelque subvention de deniers; d'un decrect sur les biens +et personnes des fugitifz; et sur quelque reiglement plus estroict en +leur religion; qui sont les trois poinctz pour lesquelz l'assemblee se +faict. Les commissaires de Flandres ne sont encores venuz, mais l'on +me vient d'advertyr que le comte de Morthon est tout meintenant +arrive. Sur ce, etc. Ce XXIIIe jour de febvrier 1571. + + +FIN DU TROISIEME VOLUME. + + + + +TABLE DES MATIERES DU TROISIEME VOLUME. + + +ANNEE 1570. + + Pages + 81e _Depeche._--4 janvier.-- + + AU ROI. 1 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 6 + Nouvelles de la Rochelle. _Ib._ + Deroute des revoltes du nord. 7 + + 82e _Depeche._--10 janvier.-- + + AU ROI. 10 + Nouvelles du nord. 10 + + A LA REINE. 12 + Craintes des Anglais. 13 + + 83e _Depeche._--15 janvier.-- + + AU ROI. 14 + Le comte de Northumberland prisonnier. 15 + Affaires d'Allemagne et des Pays-Bas. 16 + + A LA REINE. 18 + Affaires de la Rochelle. _Ib._ + + + 84e _Depeche._--21 janvier.-- + + AU ROI. 20 + Executions dans le nord. 21 + + A LA REINE. 24 + Propositions faites a Marie Stuart. _Ib._ + _Lettre en chiffre._ 26 + _Memoire secret._ 27 + Projets du duc d'Albe. 29 + Proposition d'une ligue avec l'Espagne contre l'Angleterre. _Ib._ + + 85e _Depeche._--28 janvier.-- + + AU ROI. 33 + Mission de Mr de Montlouet. _Ib._ + Nouvelles d'Allemagne. 35 + + 86e _Depeche._--2 fevrier.-- + + AU ROI. 37 + Audience. _Ib._ + Mort du comte de Murray. 39 + + A LA REINE. 40 + Affaires d'Ecosse. _Ib._ + + 87e Depeche.--10 fevrier.-- + + AU ROI. 41 + Audience. _Ib._ + Arrestation de l'eveque de Ross. 43 + + A LA REINE. _Ib._ + Preparatifs contre l'Ecosse. 44 + _Note._ Etat general des affaires. 45 + + 88e _Depeche._--13 fevrier.-- + + AU ROI. 47 + Negociation avec les Pays-Bas. _Ib._ + Affaires d'Ecosse. 49 + + 89e _Depeche._--17 fevrier.-- + + AU ROI. 50 + Sollicitations des protestans. 51 + Preparatifs de guerre. 52 + + A LA REINE. 55 + Divisions en Angleterre. _Ib._ + _Memoire general_ sur l'etat des affaires. 54 + + 90e _Depeche._--22 fevrier.-- + + AU ROI. 58 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 61 + Affaires de Marie Stuart. 62 + + 91e _Depeche._--26 fevrier.-- + + AU ROI. 63 + Affaires de la Rochelle. _Ib._ + Instances de Marie Stuart. 66 + + 92e _Depeche._--28 fevrier.-- + + AU ROI. 67 + Defaite de lord Dacre. _Ib._ + + 93e _Depeche._--4 mars.-- + + AU ROI. 69 + Affaires d'Ecosse. _Ib._ + + A LA REINE. 71 + Changement dans les dispositions d'Elisabeth. _Ib._ + _Memoire._ Preparatifs de guerre en Angleterre. 72 + _Memoire secret._ Projet pour le retablissement de + Marie Stuart en Ecosse, et de la religion catholique + en Angleterre. 76 + + 94e _Depeche._--9 mars.-- + + AU ROI. 79 + Continuation des preparatifs de guerre. _Ib._ + + 95e _Depeche._--14 mars.-- + + AU ROI. 82 + Satisfaction donnee a Elisabeth. _Ib._ + Affaires d'Ecosse. 83 + + 96e _Depeche._--19 mars.-- + + AU ROI. 85 + Nouvelles d'Allemagne. 86 + Succes des revoltes en Irlande. 87 + + 97e _Depeche._--27 mars.-- + + AU ROI. 88 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE (_lettre secrete_) 94 + Avis d'une levee d'armes en Allemagne. _Ib._ + _Memoire_ sur les troubles du nord. 95 + _Memoire secret._ Avis du duc d'Albe; propositions de + Cecil et de Leicester; projets des seigneurs catholiques. 98 + + 98e _Depeche._--31 mars.-- + + AU ROI. 103 + Moderation d'Elisabeth. _Ib._ + Le comte d'Arundel mis en liberte. 104 + + 99e _Depeche._--4 avril.-- + + AU ROI. 106 + Faveur du comte d'Arundel. _Ib._ + Projet contre l'Ecosse. 107 + + 100e _Depeche._--9 avril.-- + + AU ROI. 110 + Preparatifs de guerre. _Ib._ + 101e _Depeche._--13 avril.-- + + AU ROI. 113 + Continuation des preparatifs. _Ib._ + Nouvelles des protestans de France. 114 + + 102e _Depeche._--18 avril.-- + + AU ROI. 116 + Nouvelles d'Ecosse. _Ib._ + + A LA REINE. 120 + Necessite de la paix en France. 121 + _Lettre secrete._ 122 + _Memoire._ Resolution du conseil d'Angleterre. _Ib._ + _Memoire secret_ sur divers projets de mariage. 125 + + 103e _Depeche._--25 avril.-- + + AU ROI. 128 + Prise d'armes contre l'Ecosse. _Ib._ + + 104e _Depeche._--27 avril.-- + + AU ROI. 130 + Etat des partis en Ecosse. _Ib._ + + 105e _Depeche._--5 mai.-- + + AU ROI. 133 + Audience. _Ib._ + Nouvelles d'Ecosse. 137 + + 106e _Depeche._--8 mai.-- + + AU ROI. 138 + Debats dans le conseil. _Ib._ + Premiere invasion en Ecosse. 139 + + A LA REINE. 142 + Declaration du roi touchant l'Ecosse. _Ib._ + _Memoire general._ 144 + _Memoire secret_ sur la declaration du roi. 148 + + 107e _Depeche._--13 mai.-- + + AU ROI. 150 + Nouvelles de l'invasion. _Ib._ + + 108e _Depeche_.--17 mai.-- + + AU ROI. 154 + Hesitation d'Elisabeth a poursuivre son entreprise + sur l'Ecosse. _Ib._ + + 109e _Depeche_.--22 mai.-- + + AU ROI. 157 + Proposition d'un accord touchant Marie Stuart et l'Ecosse. _Ib._ + + 110e _Depeche_.--27 mai.-- + + AU ROI. 161 + L'eveque de Ross mis en liberte. 163 + Audience. _Ib._ + Resolution du conseil d'eviter la guerre. 168 + _Traite_ concernant l'Ecosse. 169 + + 111e _Depeche_.--1er juin.-- + + AU ROI. 171 + Affaires d'Ecosse. _Ib._ + Execution des Northon. 173 + Bulle qui declare Elisabeth heretique. _Ib._ + + 112e _Depeche_.--5 juin. + + AU ROI. 174 + Maintien du traite conclu. 175 + Audience accordee a l'eveque de Ross. 176 + + 113e _Depeche_.--11 juin.-- + + AU ROI. 178 + Liberte de l'eveque de Ross. 179 + Conditions de la restitution de Marie Stuart. _Ib._ + Interrogatoire du duc de Norfolk. 180 + _Memoire general._ 181 + _Memoire secret._ Discussion sur le traite. 185 + + 114e _Depeche_.--16 juin.-- + + AU ROI. 192 + Changement dans les resolutions d'Elisabeth. _Ib._ + + A LA REINE. 196 + Mesures de rigueur contre les catholiques. _Ib._ + + 115e _Depeche_.--19 juin.-- + + AU ROI. 198 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 203 + Nouvelles de la Rochelle. 204 + + 116e _Depeche_.--21 juin.-- + + AU ROI. 206 + Expedition de Bretagne. _Ib._ + Nouvelles d'Allemagne. 208 + + A LA REINE (_Lettre secrete_) 209 + Projets des protestans de France. _Ib._ + + 117e _Depeche_.--25 juin.-- + + AU ROI. 212 + Conditions du traite pour Marie Stuart. 214 + Nouvelles d'Allemagne. 215 + + 118e _Depeche_.--29 juin.-- + + AU ROI. 216 + Audience. _Ib._ + + 119e _Depeche_.--5 juillet.-- + + AU ROI. 222 + Negociation touchant l'Ecosse. _Ib._ + _Memoire general._ 223 + _Memoire secret._ Articles concernant Marie Stuart. 228 + + 120e _Depeche_.--9 juillet.-- + + AU ROI. 230 + Mission de Mr de Poigny. _Ib._ + Combat de Sainte-Gemme, pres Lucon. 232 + Declaration du duc d'Albe. 233 + + 121e _Depeche_.--14 juillet.-- + + AU ROI. 234 + Audience. _Ib._ + + 122e _Depeche_.--19 juillet.-- + + AU ROI. 240 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 244 + Espoir de la restitution de Marie Stuart. _Ib._ + + 123e _Depeche_.--25 juillet.-- + + AU ROI. 246 + Deliberation concernant le duc de Norfolk. _Ib._ + Preparatifs de guerre. 247 + Nouvelles d'Allemagne. 248 + _Memoire general._ 250 + _Memoire secret._ Intrigues de l'Espagne. 254 + Dispositions du cardinal de Chatillon. 256 + + 124e _Depeche_.--30 juillet.-- + + AU ROI. 258 + Crainte en Angleterre d'une ligue generale; armemens. _Ib._ + + 125e _Depeche_.--6 aout.-- + + AU ROI. 263 + Visite de Mr de Poigny a Marie Stuart. _Ib._ + Audience. 264 + + 126e _Depeche_.--11 aout.-- + + AU ROI. 269 + Force de la flotte armee en guerre. _Ib._ + Paix de France. 272 + Execution de Felton. 273 + + 127e _Depeche_.--14 aout.-- + + AU ROI. 274 + Mission de Walsingham en France. _Ib._ + + 128e _Depeche_.--18 aout.-- + + AU ROI. 275 + Audience. 276 + + A LA REINE. 278 + Doutes sur la paix de France. 279 + + 129e _Depeche_.--21 aout.-- + + AU ROI. 280 + Instructions de Walsingham. 281 + Affaires d'Ecosse. 283 + + A LA REINE. 284 + Effet de la pacification. _Ib._ + + 130e _Depeche_.--26 aout.-- + + AU ROI. 285 + D'une entreprise sur Calais. _Ib._ + Instances de Marie Stuart. 287 + + 131e _Depeche_.--5 septembre.-- + + AU ROI. 289 + Audience. 290 + Deuxieme invasion en Ecosse. 294 + _Memoire general._ _Ib._ + _Memoire secret._ Devouement du duc de Norfolk a + Marie Stuart; projet de l'Espagne contre l'Angleterre. 299 + + 132e _Depeche_.--10 septemb.-- + + AU ROI. 302 + Mission de sir Henri Coban aux Pays-Bas. _Ib._ + Troisieme invasion en Ecosse. 304 + + 133e _Depeche_.--15 septemb.-- + + AU ROI. 304 + Sortie de la flotte. _Ib._ + Explications sur la derniere invasion en Ecosse. 307 + Message du cardinal de Chatillon. 308 + + 134e _Depeche_.--19 septemb.-- + + AU ROI. 309 + Negociation avec l'Espagne. 310 + Affaires d'Ecosse. 311 + + 135e _Depeche_.--24 septemb.-- + + AU ROI. 313 + Mouvement au pays de Lancastre. _Ib._ + Conference avec le cardinal de Chatillon. 314 + + 136e _Depeche_.--29 septemb.-- + + AU ROI. 317 + Negociation des Pays-Bas. 318 + Mission de Mr de Verac en Ecosse. 319 + + 137e _Depeche_.--5 octobre.-- + + AU ROI. 320 + Retour de Walsingham. _Ib._ + Cecil envoye vers Marie Stuart. 321 + Nouvelles d'Allemagne. 322 + + 138e _Depeche_.--10 octobre.-- + + AU ROI. 323 + Passage de la reine d'Espagne. 324 + Prises faites par le capitaine Sores. 326 + + 139e _Depeche_.--16 octobre.-- + + AU ROI. 327 + Conditions proposees a Marie Stuart. 328 + Soulevement au pays de Lancastre. 330 + _Memoire general._ Intrigues de l'Espagne, affaires + d'Ecosse. 331 + + 140e _Depeche_.--17 octobre.-- + + AU ROI. 336 + De l'alliance d'Ecosse. 337 + + 141e _Depeche_.--25 octobre.-- + + AU ROI. 339 + Audience. _Ib._ + + 142e _Depeche_.--30 octobre.-- + + AU ROI. 346 + Negociation de Marie Stuart. _Ib._ + Nouvelles d'Allemagne. 348 + + 143e _Depeche_.--9 novembre.-- + + AU ROI. 350 + Audience. _Ib._ + + A LA REINE. 355 + Nouveaux details d'audience. _Ib._ + _Lettre secrete._ Proposition du mariage du duc d'Anjou + avec Elisabeth. 357 + _Memoire general._ 360 + + 144e _Depeche_.--14 novemb.-- + + AU ROI. 365 + Articles proposes a Marie Stuart. _Ib._ + Nouvelles des Pays-Bas. 369 + + 145e _Depeche_.--19 novemb.-- + + AU ROI. 371 + Mission de lord Seyton. 373 + + 146e _Depeche_.--25 novemb.-- + + AU ROI. 376 + Declaration du roi concernant l'Ecosse. _Ib._ + + A LA REINE. 380 + Details d'audience. _Ib._ + + 147e _Depeche_.--30 novembre.-- + + AU ROI. 382 + Audience. 383 + _Memoire general._ Projet des catholiques dans + le pays de Lancastre;--Opinions emises dans le conseil + contre Marie Stuart;--Negociations de l'Angleterre avec + l'Espagne. 389 + + 148e _Depeche_.--7 decembre.-- + + AU ROI. 394 + Maladie de Marie Stuart. 397 + Affaires des Pays-Bas et d'Allemagne. 398 + + 149e _Depeche_.--13 decemb.-- + + AU ROI. 399 + Negociation de Marie Stuart. _Ib._ + Retour de sir Henri Coban. 400 + + 150e _Depeche_.--18 decemb.-- + + AU ROI. 403 + Preparatifs de depart de lord Buchard. _Ib._ + Nouvelles d'Irlande. 405 + + 151e _Depeche_.--23 decemb.-- + + AU ROI. 407 + Rapport de Coban a son retour d'Allemagne. _Ib._ + Instructions de lord Buchard. 408 + + 152e _Depeche_.--29 decemb.-- + + AU ROI. 410 + Audience. 411 + + A LA REINE (_lettre secrete_). 414 + Negociation du mariage du duc d'Anjou. _Ib._ + _Memoire general._ 421 + +ANNEE 1571.--PREMIERE PARTIE. + + 153e _Depeche_.--6 janvier.-- + + AU ROI. 426 + Nouvelles d'Espagne. _Ib._ + Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande. 427 + + 154e _Depeche_.--13 janvier.-- + + AU ROI. 428 + Affaires d'Ecosse. _Ib._ + Mission de lord Seyton. 429 + Nouvelles d'Allemagne. 431 + + A LA REINE (_lettre secrete_). 432 + Negociation du mariage. _Ib._ + + 155e _Depeche_.--18 janvier.-- + + AU ROI. 433 + Audience. _Ib._ + Prise d'armes des Gueux. 437 + + A LA REINE (_lettre secrete_). 438 + Negociation du mariage. _Ib._ + + 156e _Depeche_.--23 janvier.-- + + AU ROI. 443 + Audience. 444 + + A LA REINE (_lettre secrete_). 447 + Negociation du mariage. _Ib._ + _Avis_ sur les affaires d'Irlande. 450 + + 157e _Depeche_.--31 janvier.-- + + AU ROI. _Ib._ + Fetes pour le retour d'Elisabeth a Londres. _Ib._ + Affaires d'Ecosse. 452 + Nouvelles d'Allemagne. 453 + + A LA REINE (_lettre secrete_). 454 + Negociation du mariage. _Ib._ + + 158e _Depeche_.--6 fevrier.-- + AU ROI. 457 + Nouvelles de Marie Stuart. _Ib._ + Concession de l'Irlande faite par le pape au roi + d'Espagne. 458 + + A LA REINE (_lettre secrete_). 459 + Negociation du mariage. _Ib._ + _Memoire general._ 462 + _Memoire secret_ sur la negociation du mariage. 466 + + 159e _Depeche_.--12 fevrier.-- + + AU ROI. 469 + Negociation de Walsingham. _Ib._ + Affaires d'Irlande. 470 + Nouvelles d'Ecosse. 471 + + 160e _Depeche_.--17 fevrier.-- + + AU ROI. 473 + Affaires d'Ecosse. _Ib._ + Nouvelles des Pays-Bas. 476 + + 161e _Depeche_.--23 fevrier.-- + + AU ROI. 477 + Audience. _Ib._ + Convocation du parlement. 481 + + + FIN DE LA TABLE DU TROISIEME VOLUME. + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Correspondance Diplomatique de +Bertrand de Salignac de La Mothe Fenelon, Tome Troisieme, by Bertrand de Salignac de la Mothe Fenelon + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE *** + +***** This file should be named 39201.txt or 39201.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/9/2/0/39201/ + +Produced by Robert Connal, Helene de Mink, and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available +by 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at http://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. To +SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any +particular state visit http://pglaf.org + +While we cannot and do not solicit contributions from states where we +have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition +against accepting unsolicited donations from donors in such states who +approach us with offers to donate. + +International donations are gratefully accepted, but we cannot make +any statements concerning tax treatment of donations received from +outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. + +Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation +methods and addresses. Donations are accepted in a number of other +ways including checks, online payments and credit card donations. +To donate, please visit: http://pglaf.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. diff --git a/39201.zip b/39201.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..64733a6 --- /dev/null +++ b/39201.zip diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize +this eBook outside of the United States should confirm copyright +status under the laws that apply to them. diff --git a/README.md b/README.md new file mode 100644 index 0000000..3a60f28 --- /dev/null +++ b/README.md @@ -0,0 +1,2 @@ +Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for +eBook #39201 (https://www.gutenberg.org/ebooks/39201) |
