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authornfenwick <nfenwick@pglaf.org>2025-03-08 21:10:31 -0800
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+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 40625 ***
+
+ SOLILOQUES SCEPTIQUES
+
+
+
+
+[Illustration]
+
+
+
+
+ SOLILOQUES SCEPTIQUES
+
+ par
+
+ LA MOTHE LE VAYER,
+
+ _Réimprimé sur l'édition unique de 1670_
+
+ [Illustration: SCIENTIA DUCE]
+
+ PARIS
+
+ _Isidore LISEUX, 5, Rue Scribe_
+
+ _1875_
+
+
+
+
+Ce petit ouvrage ne se trouve pas dans les collections des Oeuvres de
+La Mothe Le Vayer, notamment dans celle de 1669 (15 vol. in-12); il ne
+fut publié que l'année suivante[1], en même temps que l'_Hexaméron
+rustique_, également exclu de ces collections. L'auteur avait alors 82
+ans.
+
+C'était un sage à la manière antique, et nous ne pouvions mieux choisir
+que ces pages pour donner une idée de sa philosophie. Elles montrent
+comment le scepticisme absolu en toutes matières, religions, morale,
+esthétique, histoire, se concilie aisément avec la soumission aux
+mystères du Christianisme. Il n'y a, pour cela, qu'à être de son temps
+et de son pays. On a un salon rempli d'idoles en or, en marbre, en
+plâtre: au milieu, ce «grand Dieu pendu» dont parle Bossuet. Livré aux
+seules lumières de la science, on hésite: l'embarras est grand, le choix
+difficile; mais, encore une fois, on est de son époque, et l'on se fait
+pardonner ses doutes en déclarant, avec Saint Paul, qu'on ne sait rien,
+«sinon Jésus-Christ crucifié»[2].
+
+Ainsi l'on vit, tranquille et honoré, l'espace de quatre-vingt-quatre
+ans; ainsi l'on est précepteur de Louis XIV, et, plus heureux que
+certain philosophe de nos jours, on a pour collègues à l'Académie
+Française des évêques, Bossuet lui-même, qui ne s'offensent pas de
+collaborer avec vous à un dictionnaire, parce que vous avez l'audace de
+penser et d'écrire librement.
+
+ I. L.
+
+
+
+
+[Décoration]
+
+_AU LECTEUR_
+
+
+_Ne vous estonnez pas que je me serve du mot de Soliloques, peu connu
+dans nostre langue; il ne l'est guères davantage dans la Latine où Saint
+Augustin l'a emploié; et tous ceux qui ont traduit ses oeuvres en
+François, n'ont pas fait difficulté de le retenir: c'est un entretien
+secret avec soi-mesme, qui respond aucunement aux à parte si fréquens
+sur le Théâtre des Italiens, et que le nostre, aussi bien que celui des
+Espagnols, et des Anglais, n'ont pas rejetté. Je sçai bien qu'on les a
+condamnez comme ridicules, veu le peu d'apparence qui se trouve à
+présupposer, qu'un Acteur puisse prononcer tout bas, sans estre entendu
+de celui qui n'est qu'à deux pas de lui, ce que tous les Auditeurs du
+parterre, pour esloignez qu'ils soient, doivent entendre. Mais puisque
+tout ce que les Théâtres des Grecs et des Latins ont representé, aussi
+bien que les nostres par imitation, n'est que fable, et une pure
+imposition ou mensonge; pourquoi n'admettra-t-on pas une chose de si peu
+de conséquence, à cause qu'elle n'est pas vraisemblable? On oblige bien
+les Spectateurs à prendre un chasteau de carte pour l'Acrocorinthe, ou
+quelque autre forteresse semblable; et un petit coin du lieu où se joue
+la Comédie, pour tout le païs Attique. Pourquoi, encore un coup,
+feraient-ils difficulté de se laisser tromper par un_ à parte,
+_prononcé d'une voix contrainte, comme l'on fait, nonobstant que cela
+choque les sens, de la façon que nous l'avons remarqué? En vérité
+l'apparence est moindre, et le raisonnement se trouve beaucoup plus
+offensé aux premières tromperies, et autres pareilles dont le Théâtre
+est continuellement rempli, qu'aux à parte qui sont rares, et qui ne
+durent qu'un moment. J'ai assez d'années pour escrire qu'autrefois ces
+façons de parler estoient en usage:_ j'ai dit à part-moi, _et_ il a dit
+à part-soi, _dont l'on ne se sert plus, et qui respondent aux à parte
+des Italiens. Mais pour revenir aux Soliloques, il ne s'est pas trouvé
+moins de personnes qui les ont voulu généralement censurer, que de
+celles dont nous venons de parler qui ont condamné les à parte; et les
+Italiens mesme, nonobstant la pratique de leur Théâtre, n'ont pas laissé
+de prononcer en commun proverbe_ il parlar solo, è da pazzo, _comme s'il
+n'y avait que des fous qui parlassent à eux-mesmes. Si est-ce que
+l'exemple des Pythagoriciens dans leurs entretiens secrets, et leur
+examen journalier de conscience, que Sénèque pratiquoit tout les soirs à
+leur exemple, me font estre d'un avis bien différent. Ce grand
+Précepteur de la Morale de son siècle nous représente dans le sixième
+livre de la Cholère, qu'il addresse à Novatus, au chapitre
+trente-sixième, comme à l'exemple du Philosophe Sextius, il
+s'interrogeoit lui-mesme tous les soirs, et s'addressant à son âme, lui
+demandoit compte de ce qui s'estoit passé durant la journée:_ quotidie,
+_dit-il_, apud me causam dico; _repassant sur ses fautes dans le secret
+du lict, que sa femme Pauline faite à ce mystère ne troubloit jamais: il
+ne se les pardonnoit qu'à la charge de n'y plus retomber, et se
+prononçoit, en forme de jugement, ces propres termes:_ Vide ne istud
+amplius facias, nunc tibi ignosco. _De tels Soliloques, et ceux du
+Docteur de la Grâce, m'empescheront bien de les condamner, comme
+plusieurs ont fait. Mais puisqu'il n'y a rien de plus naturel, ni aussi
+de plus ordinaire aux hommes, que de se tromper, pardonnons aux autres
+leurs erreurs, afin qu'on excuse les nostres._
+
+
+
+
+[Décoration]
+
+SOLILOQUES _SCEPTIQUES_
+
+
+PREMIER SOLILOQUE
+
+
+Le plus important précepte de la science, est de sçavoir qu'il y a des
+choses qui ne méritent pas d'estre sceues; ce que Quintilien a dit
+particulièrement de quelques notions grammaticales. Mais il y en a
+d'autres qu'on peut dire estre absolument hors de la portée de nostre
+esprit, qui est trop profondément plongé dans la matière, pour bien
+reconnoistre ce qui en est dégagé. Cependant c'est une des principales,
+et des plus ordinaires maladies de l'homme, d'estre travaillé d'une
+curiosité inquiète pour des choses qu'il ne peut sçavoir, et qu'il lui
+est vraisemblablement plus avantageux d'ignorer, que d'en prendre
+connoissance, puisque Dieu a limité la sphère d'activité de son âme, qui
+ne peut pas pénétrer jusques-là. Ainsi l'on peut soustenir que c'est une
+espèce d'intempérance très-pernicieuse, de vouloir sçavoir plus qu'il ne
+faut, et que le Ciel ne nous le permet, _plus velle scire quant sit
+satis, intemperantiæ genus est_, comme un Payen mesme l'a reconnu. Saint
+Augustin rapporte au septième livre de la _Cité de Dieu_ la mesme pensée
+expliquée par Varron en termes différens, quand ce sçavant Romain
+déclare que s'il parle des choses Divines, c'est à la façon de
+Xénophanes Colophonien, qui protestoit que ce qu'il en escrivoit,
+n'estoit pas pour le faire passer comme une chose certaine, mais
+seulement comme une pensée douteuse qu'il en avoit; l'homme ne pouvant
+posséder là-dessus que des opinions incertaines, parce que la
+connoissance asseurée en est réservée à Dieu seul. _Quid putem, non quid
+contendam, ponam; hominis enim est hæc opinari, Dei scire._ Cela me fait
+remarquer avec estime la prudence du Mofti des Turcs, qui est à peu près
+parmi eux, et dans leur Religion, ce qu'est parmi nous le souverain
+Pontife. Il ne rend jamais de jugement sur ce qui lui est proposé, et ne
+prononce point sa sentence, qui s'appelle en sa langue _Festa_, sans
+adjouter à la fin: _Dieu le sçait mieux_. Certes, tout bien considéré,
+je me confirme dans cette doctrine, que hors les véritez révélées
+d'en-haut, et que la vraie Religion nous enseigne, l'on peut sans crime
+demeurer irrésolu, et sans rien déterminer sur tout le reste. Je vois
+tous les hommes ainsi faits, qu'ils se moquent, en suivant leurs
+fantaisies, les uns des autres, au mesme tems qu'ils pensent tous avoir
+raison. Mais pour moi, je ne veux pas me laisser emporter par le torrent
+de la multitude. _Non posso accommodarmi a cantare, e far concerto, con
+quasi tutti gli altri huomini, il questo particulare_, comme parle cet
+Italien.
+
+
+
+
+SECOND SOLILOQUE
+
+
+J'avoue que le désir d'apprendre et de sçavoir est naturel à l'homme,
+_omnes homines scire desiderant_, dit le maistre de l'Eschole. Mais
+j'adjouste à cet axiôme, que ce mesme désir ne nous distingue pas moins
+des autres animaux, que la raison, dont nous faisons nostre préciput;
+lorsque nous les nommons tous desraisonnables, comme s'il n'y avoit que
+l'homme qui sceust bien discourir, et tirer de bonnes et raisonnables
+conséquences. Si est-ce que ceux qui ont pris la pene d'observer ces
+mesmes animaux, ont apperceu en beaucoup d'entre eux des estincelles
+d'une raison que nous avons voulu nommer imparfaite, bien que Galien, et
+assez d'autres Philosophes n'aient pas fait difficulté de prononcer,
+qu'elle ne diffère de la nostre que selon le plus et le moins, qui par
+la doctrine des Colléges ne change point l'espèce, _plus et minus non
+mutant speciem_. Il n'en est pas de mesme de ce désir ardent de
+s'instruire, tout particulier à l'homme; sans qu'il se remarque aucun
+véritable signe d'une pareille envie aux animaux. Au lieu donc de
+définir l'homme un animal raisonnable, je trouverois moins
+d'inconvénient à le nommer un animal désireux de sçavoir, et je
+penserois former par ces termes une plus juste définition. Mais si la
+Nature n'imprime point dans nos âmes de vains désirs, et qui ne puissent
+réussir, comme quelques-uns l'ont soustenu, il s'ensuivroit que la
+science nous seroit comme naturelle, et que nous pourrions tous
+l'acquérir; ce qui n'est peut-estre pas vrai, l'ignorance, selon
+beaucoup des plus ingénus Philosophes, paroissant estre bien plutost de
+l'appennage de nostre humanité, que la science, comme je m'en suis
+souvent assez expliqué ailleurs. En vérité, si nous y prenons garde de
+près, et si nous voulons reconnoistre franchement ce qui en est,
+l'homme n'est pas capable de sçavoir la raison d'autre chose, que de ce
+qu'il exécute à sa mode, ni comprendre d'autres sciences, que celles
+dont il fait soi-mesme les principes; ce qui se peut facilement prouver
+en considérant de bonne sorte les Mathématiques. O la belle maxime
+d'État, qui fait, ce semble, subsister cette grande Monarchie de
+Moscovie! d'estre dans l'ignorance de ce que nous appellons les belles
+lettres, selon que toutes les relations qui en parlent le font voir.
+Hors ce que l'auteur de nostre estre nous a révélé, et que la Foi
+Chrétienne nous oblige de tenir pour très-certain, il n'y a rien que
+l'esprit humain ne rende douteux et problématique. C'est ce qui a fait
+dire si excellemment à Saint Paul écrivant aux Corinthiens[3], qu'il ne
+sçavoit rien sinon JÉSUS-CHRIST crucifié.
+
+
+
+
+TROISIÈME SOLILOQUE
+
+
+Je ne puis que je n'approuve beaucoup l'interprétation mystérieuse de
+quelques Pères, qui ont pris ce que rapporte Ezéchiel de certaines eaux
+qu'on passe aisément lorsqu'on n'en a que jusques aux talons, et mesme
+que jusques aux genous et jusques aux reins; mais qu'il n'est pas
+possible de traverser sans se perdre, si l'on pense pénétrer plus avant.
+Ils croient que le Prophète veut signifier ce qui arrive aux personnes
+curieuses et téméraires, qui peuvent bien prendre quelque connoissance
+d'abord des choses humaines, et mesme pénétrer jusques à de certaines
+petites notions des Divines; mais qui se perdent indubitablement, s'ils
+pensent aller plus avant, et s'informer également de celles que Dieu a
+mises au-dessus de la capacité de nostre esprit, _hæc nos Deus mirari
+voluit, scire noluit_. C'est-là qu'il faut dire ce que les Turcs
+prononcent sur tout ce qui leur paroist douteux, _Allah bilut_, Dieu le
+sçait. Nostre raison qui nous rend si glorieux, est enfin contrainte
+d'avouer dans sa plus haute élévation, qu'il y a une infinité de choses
+qui la surpassent, et qu'il n'y a rien de si conforme à elle-mesme, si
+elle est juste et bien réglée, que de désavouer ses plus subtils
+discours en tout ce qui concerne la Foi, où elle ne sçauroit trop
+s'humilier, ni trop reconnoistre sa foiblesse, ou, pour mieux dire, son
+aveuglement. Certes, Saint Augustin a eu grand sujet d'escrire dans la
+_Cité de Dieu_, qu'à l'égard de la Morale mesme, il valoit beaucoup
+mieux tenir ses préceptes de la Foi, que de nostre raison humaine, qui
+varie sans cesse, et qui n'est constante que dans son inconstance. Elle
+ne peut faire ses opérations, qu'elle ne s'appuie sur ce que nos sens
+lui suggèrent; et nous sommes enfin contraints d'avouer que ces mesmes
+sens, et nostre raison, s'entre-abusent à qui mieux mieux. En
+voulez-vous une plus forte preuve, que de considérer comme ce qui est
+juste et approuvé en France, est réputé mauvais et improuvé, je ne dirai
+pas, à la Chine, ni au Japon, mais parmi nos plus proches voisins?
+Estrange et ridicule Morale, que les Alpes et les Pyrénées diversifient,
+ou un filet d'eau, tel que celui qui nous sépare de l'Angleterre, et
+celui qui divise l'Espagne d'une Province d'Afrique qui lui est
+opposée!
+
+
+
+
+QUATRIÈME SOLILOQUE
+
+
+Il n'y a personne qui ne ressente je ne sçai quoi de pénible dans son
+esprit, lorsqu'il commence à raisonner sur les choses du Ciel, où il ne
+trouve pas que sa Logique et ses principes s'accordent avec ce qu'il
+avoit receu pour bon aveuglement jusques-là, sans rien examiner. Horace
+exprime cela dans une de ses Odes[4] en ces termes:
+
+ _Parcus Deorum cultor et infrequens,
+ Insanientis dum sapientiæ
+ Consultus erro, nunc retrorsum
+ Vela dare, atque iterare cursus
+ Cogor relictos._
+
+La secte de Démocrite, la Cyrénaïque, et celle d'Épicure, lui avoient
+donné de mauvaises opinions de la Providence, comme si les choses
+d'ici-bas estoient indifférentes à Dieu, parce qu'elles paroissoient à
+ces philosophes indignes de son occupation. La syndérèse et un remors de
+conscience fait qu'Horace nomme à bon droit cette pensée _insanientem
+sapientiam_, une folle sagesse. Et Lucrèce, plus ancien que lui,
+appréhendoit de parler mal des choses divines, sur ces mesmes fondemens
+contraires à toute sorte de Religions: ce qui lui fait dire à son
+Lecteur:
+
+ _Illud in his rebus vereor ne forte rearis
+ Impia te rationis inire elementa, viamque
+ Endogredi sceleris._
+
+Tout le monde est touché de cette crainte, si Dieu ne l'a tout-à-fait
+abandonné à un sens reprouvé. Il n'y a que la Foi qui, dans la vraie
+Religion, nous empesche de déférer aux tentations que l'ennemi de
+nostre repos et de nostre salut nous suggère sur ce qui regarde le Ciel.
+Il a bientost séduit les plus grossiers, parce que, selon le mot de
+l'Ecclésiastique, les simples se rendent aux premières apparences
+trompeuses d'un dangereux discours, et sont aussi faciles à persuader,
+qu'un enfant est aisément fait pleurer: _a facie verbi parturit fatuus,
+tanquam gemitus partus infantis_. Certes l'on se doit bien garder de
+soumettre les véritez constantes de la vraie Religion, qui nous ont esté
+révélées d'en-haut, au raisonnement humain, parce que si vous pensez
+accommoder la foi au discours qu'on peut former sur ce qu'elle enseigne,
+chacun prétendra avoir droit d'en penser à sa mode, n'y aiant rien de si
+divers que l'esprit de l'homme; et ainsi cette foi ne sera plus une
+comme elle doit estre. Il faut avaler sans mascher ce qu'elle prescrit,
+comme une médecine salutaire qui guérit au dedans si on ne la rejette
+point, ce qui arrive à ceux qui la veulent trop savourer. Si vous voulez
+l'accorder de tout point avec les sciences humaines, vous la ruinez
+absolument, parce que selon le mot de l'Eschole, _posita scientia
+tollitur fides, sicut posita fruitione tollitur spes_. En effet on ne
+croit pas les choses qu'on sçait, ce qui donna lieu à Pomponace de se
+délivrer des mains de l'Inquisition où il estoit, pour avoir dit
+nettement dans sa chaire de Professeur en Philosophie, qu'il ne croioit
+pas l'immortalité de l'âme. Ne pouvant pas nier d'avoir ainsi parlé, à
+cause qu'on lui produisoit des tesmoins irréprochables, il s'avisa
+d'interpréter son dire en l'avouant, avec cette solution, qu'il sçavoit
+et enseignoit démonstrativement que nos âmes estoient immortelles; ce
+qui faisoit qu'il ne tenoit pas cela de la foi, par cette raison
+d'Albert le Grand, emploiée mesme par lui contre Augustinus Niphus[5],
+_quod credita cum scitis non conveniunt, et principia fidei cum
+principiis naturalibus_. Un serviteur nommé Chalinus se sert de cette
+raison dans la _Cassine_ de Plaute[6], avec ces propres termes: _At pol
+ego haud credo, sed certo scio_; voulant dire qu'on ne croit pas les
+choses que l'on sçait. Aussi y a-t-il grande différence entre sçavoir,
+et croire, selon que Saint-Thomas définit ce dernier: _Credere est actus
+intellectus assentientis divinæ voluntati, ex imperio voluntatis a Deo
+motæ per gratiam_. La foi donc qui règle nostre créance, est tout
+autrement seure que la science humaine, où tout est incertain; d'où
+vient la détermination du Concile de Nicée[7], _Dubius in fide,
+infidelis est_. On ne sçauroit sans crime suspendre tant soit peu sa
+créance en ce qui touche la foi, ni révoquer en doute le moindre de ses
+articles sans pécher.
+
+
+
+
+CINQUIÈME SOLILOQUE
+
+
+Mais n'est-il point à craindre, qu'establissant ainsi le doute partout,
+excepté aux choses qui regardent nostre salut, et qui nous ont esté
+révélées d'en-haut selon que l'Église nous l'enseigne, toute la société
+civile n'en souffre beaucoup, parce que ne restant plus rien au surplus
+dans la nature que de problématique parmi les hommes, selon que leur
+esprit est ingénieux à défendre opiniastrément ce qu'il s'est une fois
+imaginé, ils vivront dans des contestations perpétuelles? Car personne
+n'ignore le mot de Protagore, que tout peut estre disputé, _de omni re
+in utramque partem disputari posse ex æquo, et de hac ipsa, an omnis res
+in utramque partem disputabilis sit_. Combien de grands personnages y
+a-t-il eu, que Sénèque nomme dans une de ses Épistres[8], qui ont esté
+du mesme sentiment, Nausiphane, Parménide, Zénon Élate, avec une
+infinité de sectes entières qu'il cite, dont l'Eschole présupposoit le
+mesme sentiment. Si l'on dit que Platon, et assez d'autres excellens
+Philosophes ont esté d'une opinion contraire, c'est ce qui peut donner
+le plus d'inquiétude, s'il est soustenable qu'on doive croire chacun en
+son art, puisqu'ils ont esté tous d'une mesme profession, qui alloit à
+rechercher curieusement la vérité. Outre cela Aristote, le plus grand
+Dogmatique de tous, et le plus affirmatif, nie cette proposition au
+troisieme livre de ses _Politiques_, chapitre onzième, où il establit
+pour constant, qu'en toute sorte d'arts, ceux qui les ignorent, jugent
+mieux de ce que ces mesmes arts produisent, que les meilleurs Artisans
+qui travaillent avec toute sorte d'industrie. Ainsi, dit-il, un père de
+famille juge avec plus de discernement de la disposition commode d'une
+maison, que son Architecte. Un Pilote reconnoist mieux si le gouvernail
+de son vaisseau est bien fabriqué, que celui qui l'a fait. Et les
+convives dans un festin portent meilleur jugement de l'apprest des
+viandes qui s'y trouvent, que le Cuisinier qui les a assaisonnées. Il
+passe jusques-là que les Musiciens, ni les Poëtes ne sont pas les plus
+capables juges de leurs ouvrages. Ne tenons donc pas pour indubitable,
+que chacun doive toujours estre cru, et prononcer définitivement dans sa
+profession.
+
+
+
+
+SIXIÈME SOLILOQUE
+
+
+L'opinion a esté fort bien nommée par Héraclite [Grec: hieran noson],
+_sacrum morbum_; c'est une maladie populaire, une épilepsie qui mérite
+ce nom, puisqu'elle occupe et infecte la plus noble et la plus sacrée
+partie de l'homme, qui est l'âme, _quod sanctissimam hominis partem, hoc
+est, animæ rationalis domicilium præcipue infestet_. Elle le fait avec
+tant d'attachement et de fermeté, qu'elle a donné lieu au mot
+d'Opiniastreté, qui est un mal d'obstination presque insurmontable. Mais
+il ne faut pas croire, que sous cette appellation de peuple, il n'y ait
+que la plus vile partie des Communautez de comprise. Le vulgaire,
+puisqu'on se sert encore de ce terme pour désigner des gens de la plus
+basse estoffe, est souvent toute autre chose que ce que l'on pense. La
+pourpre, et le cordon bleu, en font parfois partie, quoique ceux qui
+s'en parent indignement, se croient estre beaucoup au dessus. Tant y a
+que quand la pluspart du monde a une fois épousé une opinion, pour
+absurde qu'elle soit, et que parlant comme l'on fait au delà des Alpes,
+_il Mondo è infinocchiato d'una opinione_, sa fausseté ne la fait guères
+quiter; au contraire l'on se roidit souvent d'autant plus à la
+maintenir, qu'elle est desraisonnable et absolument opposée à la
+vérité, qui n'est ni escoutée ni comprise par la folle et ignorante
+multitude: outre qu'on s'imagine qu'il y a plus d'adresse à maintenir le
+faux que le vrai. La pitié est que cet entestement est fort contagieux,
+et qu'il fait trébucher les uns sur les autres dans la foule ceux qui en
+sont touchez, sans qu'ils sentent leur mal, croiant toujours au
+contraire n'avoir que de très-bonnes pensées. Or ce n'est pas le moien
+de guérir leur infirmité d'establir l'incertitude de toutes choses,
+puisque s'il n'y a rien que de douteux, ils sont excusables de ne quiter
+pas leurs fantaisies erronnées, pour en prendre d'autres qui ne valent
+pas mieux. Ainsi le meilleur sera de laisser le monde en l'estat qu'il
+est, et de suivre le précepte que Saint Paul donne à Timothée[9], de ne
+s'eschauffer point en des disputes fascheuses, _non contendere verbis_,
+[Grec: mê logomachein], comme estant une chose inutile. Si vous croiez
+avoir raison contre un antagoniste qui la mesprise, ou qui ne l'entend
+pas, cédez-lui la victoire en riant, comme je l'ai veu faire avec
+adresse, _porrige herbam, sed ut bestiæ_. En vérité celui-là avoit
+quelque sujet, ce semble, de soustenir que la raison estoit contre
+l'ordre de nature, veu que les hommes raisonnables ne lui paroissoient
+pas moins rares, que les monstres. Quoi qu'il en soit, la sentence
+d'Aristote n'est pas ici peu considérable, encore qu'il ne l'ait pas
+toujours suivie, _stultas opiniones admodum destruere stultissimum est_.
+Il faut pardonner avec mespris à des syncopes de raison, et des béveues
+spirituelles ou d'entendement, à qui les Grecs ont donné le nom de
+[Grec: parorama], et que nous remarquons parfois en ceux avec qui nous
+contestons, soit de vive voix, soit par écrit, puisqu'en tout cas on ne
+sçauroit trop déférer à l'aphorisme de ce sçavant Père de l'Église,
+_melius est dubitare de occultis quam litigare de incertis_. Nous ne
+nous repentirons jamais de nous y estre tenus.
+
+
+
+
+SEPTIÈME SOLILOQUE
+
+
+Quelques-uns pourroient penser là-dessus, qu'il est plus à-propos de
+garder un perpétuel silence, que de l'expliquer en quelque façon que ce
+soit, puisqu'on ne peut rien dire de solide, toutes choses aiant deux
+anses, et pouvant estres prises diversement comme incertaines et
+problématiques. J'avoue que le silence tient lieu souvent de nourriture
+à l'âme, estant pour cette considération très-recommandable, quoi qu'il
+faille aussi tomber d'accord qu'il est parfois l'asyle et le refuge
+d'une parfaite ignorance, qui se cache sous son ombre. D'ailleurs
+généralement parlant, l'avantage du silence est tout visible, en ce que
+celuy qui parle se vuide, et que celuy qui écoute se remplit. J'ai fait
+plus d'une fois cette réflexion dont je me veus souvenir ici, que l'Écho
+mesme, toute babillarde fille qu'elle est dans la fable, nous fait leçon
+du péril qu'il y a de communiquer à d'autres des pensées d'importance,
+veu qu'estant une fois sorties de chez nous, les pierres, et les rochers
+ne s'en peuvent taire, et les redisent. Le silence de cinq ans des
+Pythagoriciens, et celuy des Cardinaux qui n'oseroient parler, et sont
+comme muets, jusques à ce que le Pape leur ouvre la bouche, peuvent
+servir d'instruction là-dessus. C'est ce qui fait prononcer
+proverbialement aux Espagnols, _callar_, _y obrar_, _por la tierra_, _y
+por la mar_; et les Arabes ont cet adage qui va au mesme sens, _duobus
+modis pereunt homines, abundantia opum, et abundantia sermonis_; au lieu
+que selon Salomon[10], _qui custodit os suum, custodit animam suam_, et
+que suivant sa doctrine, _stultus quoque si tacuit, sapiens reputabitur,
+et si compresserit labia sua, intelligens_. Si est-ce qu'outre qu'il y a
+des silences trompeurs et dissimulez, on peut soustenir qu'on ne
+sçauroit juger des hommes que par leurs actions, et par leurs discours.
+Parle, disoit un ancien, si tu veux que je te connoisse, _loquere, ut te
+videam_. En effet l'action, qui comprend la parole, est la mesure de
+l'estre, et les choses ne sont, à le bien prendre, qu'autant qu'elles
+agissent, et qu'elles se font connoistre de l'une ou de l'autre manière,
+en faisant ou en parlant. Cependant comme l'inaction et la fainéantise,
+qu'Amasis vouloit estre punie de mort, est nommée par les Italiens le
+vice des honnestes gens, et que selon eux, _il lavorar è mestier da
+buoi_; le silence de mesme a ses partisans qui en font leur capital, et
+d'autres qui ne le peuvent souffrir, parce, disent-ils, qu'un oiseau
+muet ne fait point d'augure, _ave muda non haze aguero_, c'est
+l'Espagnol qui parle ainsi. Certes il n'y a point de médaille qui n'ait
+un revers, ni de si beau précepte de morale, qui ne soit diversement
+envisagé.
+
+
+
+
+HUITIÈME SOLILOQUE
+
+
+La beauté, qui passe pour la plus aimable chose qui se puisse voir, et
+qui appelle tout le monde à soi, [Grec: kalon para to kalein], nous
+fournira un bel exemple de ce divers envisagement. Les charmes de la
+beauté sont tels, qu'elle se rend maistresse des sages les plus modérez,
+et des conquérans les plus invincibles. C'est ce qui la fit nommer à
+Socrate, une tyrannie de peu de temps; ce qui obligea Platon de
+soustenir qu'il n'y avoit rien de beau, qui ne fust encore bon; et ce
+qui a contraint Aristote d'écrire que cette beauté portoit avec elle
+plus de recommandation, que quelque lettre de faveur qu'on pust obtenir,
+[Grec: pantos epistoliou systatikoteron]. Et véritablement elle donna
+lieu aux premières Monarchies du siècle d'or, les peuples obéissant
+volontairement: de sorte qu'alors on ne voioit point de rebelles qui ne
+fussent aveugles. Encore aujourd'huy toutes les conditions de la vie
+cherchent dans la beauté ce qui les doit faire estimer. Le Soldat met sa
+gloire à posséder un beau cheval, et des armes bien polies. Un Peintre
+n'est en réputation, que par la beauté de ses tableaux; ni un Orateur
+que par celle de ses périodes. Or ce n'est pas merveille que nostre
+humanité considère si fort un agréable aspect, veu que la beauté du
+corps qui se voit, est ordinairement l'image de l'esprit qui l'informe;
+les perfections internes engendrant les externes, jusques aux
+pierreries, dont l'éclat procède de la juste mixtion des éléments au
+dedans. Cependant à cause de l'infidelle compagnie qui se trouve entre
+la vertu et la beauté, _raram facit mixturam cum sapientia forma_,
+beaucoup de gens ont dressé de grandes invectives contre la dernière,
+qui se fait principalement estimer lors que le sexe feminin s'en peut
+prévaloir. Car pour les hommes ils doivent prendre ailleurs leur
+avantage; ce qui a fait dire à l'Ecclésiastique: _Non laudes virum in
+facie sua, nec spernas hominem in visu suo_. Et la réflexion de Galien
+me semble fort juste, qu'Homère n'ayant parlé qu'une fois de Nirée comme
+du plus beau des Princes Grecs, il a voulu donner à comprendre que les
+beaux hommes ne sont presque bons à rien. C'est contre les belles Dames
+que la Satyre s'exerce ici, comme s'il n'y avoit que les laides qui
+pussent se garantir du vice, _casta quam nemo rogavit_. Encore
+voudroit-on rendre injustement la pudicité de celles-cy mesprisable,
+par cette mauvaise raison, que leur âme n'a pas toujours esté chaste,
+dans une volonté corrompue: _Quæ malam faciem habent sæpius pudicæ sunt,
+non animus illis deest, sed corruptor_, comme en parle Sénèque dans une
+de ses Controverses. Je me souviens de la raillerie de celuy qui disoit
+d'une fille peu aimable, que Dieu pour la sauver avoit mis son âme en
+sauveté, dans un corps que personne ne pouvoit aimer. On ne sçauroit
+nier à l'égard des belles, que leur humeur superbe ne les fasse parfois
+haïr. Car comme l'avoue Ovide, leur plus grand amy[11],
+
+ _Fastus inest pulchris, sequiturque superbia formam_.
+
+Et néantmoins l'on peut dire à la plus agréable de toutes, _quid excolis
+formam? cum omnia feceris, a multis animalibus decore vinceris_[12].
+
+Il est impossible, dit Diodore Sicilien, d'avoir jamais autant de
+beauté, que cet animal à qui elle a fait donner le nom de _Cepus_,
+[Grec: kêpos], parce que la veue de tous les jardins ne peut réjouir ni
+satisfaire comme la sienne. Ce sont néantmoins des beautez d'un ordre si
+différent, que j'ay de la pene à souffrir cette comparaison.
+
+
+
+
+NEUVIÈME SOLILOQUE
+
+
+Si la Beauté a eu des adversaires qui l'ont mesprisée, ce n'est pas
+merveille que quelques-uns aient pris plaisir à préférer une caduque
+vieillesse aux impétuositez d'une bouillante jeunesse. Car quoique le
+vieil Caton[13] n'approuvast pas le proverbe déjà usité de son tems,
+qu'on se devoit rendre vieil de bonne heure, afin de l'estre longtems,
+ce qui semble donner de l'avantage à l'âge avancé sur celui qui l'a
+précédé; il est pourtant vrai que ses devanciers et ceux qui ont vescu
+depuis luy, se sont déclarez pour le proverbe contre le sentiment de
+Caton. J'avoue que la jeunesse a des emportemens qu'on ne sçauroit assez
+condamner, ce qui a fait qu'Aristote n'a pas feint d'escrire[14], que
+contrevenant au précepte du sage Chilon, les jeunes gens font toutes
+choses avec excès, _omnia nimis agunt_. La modération des vieillards a
+quelque avantage pour ce regard, quoique Saint Basile[15] ait prononcé
+contre elle, qu'elle estoit plutost une impuissance de continuer les
+désordres de la jeunesse, qu'une vraie tempérance: _Temperantia in
+senectute, non temperantia est, sed lasciviendi impotentia_. C'est une
+triste chose d'avoir recours à la Fable, pour dire que les Cygnes blancs
+qui tirent le char de Vénus, signifient qu'elle n'est pas ennemie des
+testes blanches, qui peuvent encore se faire agréer. On dit de mesme à
+l'avantage des femmes qui sont avancées dans l'âge, qu'il y a des
+animaux qui mesprisent les jeunes femelles, et leur préfèrent les
+vieilles. Aristote l'asseure en ces termes[16]: _Arietes primum
+vetustiores oves ineunt, novellas enim minus persequuntur._ Pour moi qui
+me suis assez déclaré là-dessus, devant que j'eusse passé la grande
+année climactérique, je fais peu de cas de toutes ces observations, et
+je trouve bien plus considérable la belle et élégante description que
+nous fait Juvénal, dans sa dixième Satyre, des imperfections de la
+vieillesse, qui me font souscrire au mot de Sénèque le Tragique,
+
+ _Rarum est felix idemque senex_.
+
+L'honneur que beaucoup de Nations ont déféré au grand âge, a eu ses
+raisons: mais comme s'escrie Ausone sur cela,
+
+ _Quid refert? Cornix an ideo ante Cygnum?_
+
+Les ténèbres sont plus anciennes que la lumière, qui voudroit les luy
+préférer pour cela? Je me suis trouvé il y a peu de jours avec un
+Macrobie si impertinent, qu'il me confirma dans l'opinion où j'ay
+toujours esté, qu'on peut retourner en enfance par caducité, et devenir
+comme celuy dont je parle, _Senex bis puer, ter fatuus, quater
+improbus_. D'ailleurs, il n'y a rien de plus misérable qu'un vieillard,
+qui n'a rien dont il se puisse vanter, que d'avoir esprouvé une
+infinité d'adversitez, et de s'estre veu comme il est encore, semblable
+à la Fourmi de Virgile,
+
+ ... _Inopi metuens Formica senectæ_
+
+ce qui plonge dans une infâme avarice, parce que, selon le dire des
+Italiens, _quanto più l'uccello è vecchio, tanto più mal volontieri
+lascia la piuma_. Si le nom de Sénateurs a esté honorable à Rome à cause
+de leurs longues années, _quod seniores_; et si celuy de Seigneur en
+France procède d'une mesme origine, il ne faut pas laisser de tomber
+d'accord, qu'il n'y a que les belles actions, au cas que nous ayons esté
+assez heureux pour en produire, qui nous puissent rendre dans la
+vieillesse plus considérables que les jeunes gens. C'est le fondement de
+ce beau mot d'Ovide escrivant à Livia sur la mort du jeune Drusus son
+fils:
+
+ _Acta senem faciunt, hæc numeranda tibi._
+
+Le reste qui accompagne nostre caducité, semble estre plutost digne de
+compassion qu'autrement.
+
+
+
+
+DIXIÈME SOLILOQUE
+
+
+Quoi qu'il en soit, nos jours estant comtez au Ciel de toute éternité,
+selon nostre plus commune croiance, je ne voy pas bien le fondement des
+honneurs qu'on rend à ceux qui ont veu rouler plus longtems sur leurs
+testes les sphères d'en-haut, que le reste des autres hommes, non plus
+que tout ce qui leur arrive; cela dépendant d'un mesme principe, sans
+qu'ils y aient pu rien contribuer.
+
+ _Ventidius quid enim, quid Tullius, anne aliud quam Sidus, et
+ occulti miranda potentia fati[17]?_
+
+Car toutes nos destinées, dont les Anciens ont tant parlé, dépendoient
+selon eux des corps supérieurs, et du différent aspect des Astres: ce
+qu'observent encore aujourd'huy nos faiseurs d'horoscopes, et tous ceux
+qui défèrent aveuglément à l'Astrologie Judiciaire. Or tout est si
+frivole, et si incertain dans cette prétendue science, que le nombre des
+Cieux n'y est pas constant, assez de Philosophes aiant présupposé que
+les Astres y estoient comme les oiseaux en l'air, et les poissons dans
+l'eau. Il n'y a eu que les Juifs qui aient bien asseuré qu'il y avoit
+dix Cieux, de sorte qu'en leur langue le Ciel n'a point de singulier, et
+n'est jamais emploié qu'au pluriel. Selon leurs Rabins les dix courtines
+du Tabernacle de leur temple, signifioient ces dix Cieux; et le passage
+du texte sacré, qui dit, _opera digitorum tuorum sunt coeli_, témoigne
+que nos deux mains n'aiant que dix doigts, le nombre des Cieux n'est ni
+moindre, ni plus grand que celui-là. Quant aux Astres, et aux Estoiles,
+Platon les establit dans son _Épinomis_ pour des Dieux visibles, ou du
+moins pour leurs images que nous devons respecter. L'ordre, selon luy,
+que les Planètes conservent entre elles, monstre qu'elles sont animées.
+Et Ovide, conformément à cette opinion commune, n'a pas manqué de mettre
+ces Animaux au Ciel dans le premier livre de ses Métamorphoses,
+
+ _Neu regio foret ulla suis animalibus orba,
+ Astra tenent coeleste solum, formæque Deorum_.
+
+Le Soleil estant le principal d'entre eux, Apollon estoit nommé [Grec:
+episkopos], ou surveillant, par les Grecs, comme il se peut voir dans
+Phornutus. Tant y a qu'à cause que les premiers Pères de l'Église
+déféroient plus à l'Escole de Platon qu'à celle des autres Philosophes,
+ils admettoient l'animation des Cieux, et des Estoiles; et l'on comte
+entre les erreurs d'Origène celle d'avoir creu ces mesmes Estoiles
+capables du vice et de la vertu. Y a-t-il un Art plus ridicule que celuy
+de la Judiciaire, quoiqu'aient pu faire ses suppos, qui ont toujours
+tasché de rendre leurs prédictions apparemment véritables par des
+interprétations qui font pitié à tous ceux qui en considèrent
+l'absurdité? J'en ai assez produit d'exemples dans quelques écrits
+imprimez, je veux seulement me remettre ici en mémoire celuy qui regarde
+le Poëte Eschile. On luy avoit prédit par l'inspection du Ciel qu'il
+mourroit de la cheute d'une maison, et l'on voulut que la Tortue qui
+porte toujours sa maison, et qui luy écrasa sa teste chauve, eust esté
+désignée par la prédiction. Comment l'Astrologie auroit-elle quelque
+chose de constant, et où l'on se doive arrester, puisque ses
+Professeurs se contrarient les uns les autres, et bastissent sur des
+fondemens différens? Le Père Semedo observe que les Chinois qui
+n'establissent que vingt-huit constellations, ont néansmoins un bien
+plus grand nombre d'Estoiles que nous n'en reconnoissons. Si est-ce que
+le Père Adam, Astrologue Roial, y fonde ses jugemens sur les mesmes
+aphorismes que suivent les Européens. Au fond si le mouvement de la
+Terre est présupposé, comme le Cardinal Nicolas de Cusa l'a établi[18],
+et quatre-vingts ans depuis luy Copernic, suivi d'une infinité d'autres;
+que pouvons-nous recueillir de toutes les maximes des Anciens, qui doive
+satisfaire un esprit solide au sujet dont nous parlons? Aussi
+voions-nous que les plus grands hommes se sont repentis d'avoir déféré
+à la vanité de cette profession. Cardan avoue[19] que la connoissance
+qu'il avoit de l'Astrologie, luy fut fort préjudiciable, parce qu'il
+croioit suivant ses plus constantes maximes, ne devoir pas vivre plus de
+quarante ans, et nous sçavons que sa vie a esté de soixante et quinze
+moins trois jours. Mathieu Paris fait un conte ridicule à ce propos de
+l'Empereur Fridéric second, qu'entesté de la vanité de cette science
+trompeuse, il s'abstint la première nuit de ses nopces de toucher sa
+femme Isabelle, fille d'Angleterre, que le matin ne fust venu, et cela
+par le conseil de quelques Astrologues, _donec competens hora ei ab
+Astrologis nunciaretur_. Et Scaliger le père escrit dans sa _Poétique_,
+que rien ne peut tant fortifier l'opinion impie d'Épicure touchant la
+création fortuite du monde par le concours et assemblage hazardeux des
+Atomes, que l'inégale et téméraire disposition des Astres sur nos
+testes, où ils ne font aucune figure ni arrangement qui semble
+raisonnable. Car les figures qu'on leur fait représenter sont toutes
+imaginaires, et à peine y voit-on un triangle assez imparfait sous le
+nom du Delta ou Deltoton, non plus que de ligne bien droite, si vous
+exceptez celle du baudrier d'Orion, qui multipliée sert à mesurer toute
+l'étendue du Ciel. Le Chancelier Bacon[20] a fait déjà cette remarque,
+et que rien ne se meut là-haut par des cercles parfaits. Le mespris ou
+j'ay toujours esté des prédictions Astrologiques, m'a transporté plus
+que je ne pensois, adjoustant ceci à ce que j'en ai escrit ailleurs.
+
+
+
+
+ONZIÈME SOLILOQUE
+
+
+Ce peu que je viens d'observer touchant la Judiciaire me fait penser à
+l'opinion que les premiers Philosophes Grecs ont eue de Dieu, et de la
+Nature, qu'ils ont souvent confondus. Cicéron[21] tient que Straton de
+Lampsaque ne reconnoissoit que la dernière, puisqu'il n'y avoit point
+d'effets qu'il ne luy attribuast, sans en rapporter aucun à Dieu,
+_Lampsacenus Strato omnia effecta Naturæ, nulla Diis tribuebat_. Et
+mesme cet Orateur Romain appelle ailleurs[22] la raison naturelle, une
+loi divine et humaine: _Naturæ ratio, quæ est lex divina et humana_.
+Platon et Aristote ont eu d'autres pensées, et ce dernier remarque au
+sixième Livre de sa _Métaphysique_, qu'à n'admettre point d'autres
+substances que les matérielles, selon qu'en usoient ses devanciers, la
+Physique seroit la première Philosophie, et non pas celle qui suit et
+est au-delà, ce qui luy a fait donner le nom de Métaphysique. Mais en
+vérité les deux Mondes de Platon, l'un sensible, et l'autre intelligible
+où habite la Vérité, sont des viandes bien creuses; de mesme que les
+nombres qui composoient la Nature selon Pythagore. Les deux matières
+d'Aristote, l'une sensible aussi, et l'autre intelligible qui enveloppe
+les Mathématiques, ne sont pas moins chimériques à ceux qui veulent
+philosopher, aussi bien que naviger seurement, et toujours terre à
+terre, de peur de s'égarer. Ceux-là s'empescheront toujours d'employer
+dans la Physique des termes nouveaux et surnaturels, comme quelques-uns
+ont voulu faire depuis peu. Mais il y a des esprits qui croient n'avoir
+jamais bien rencontré, si contrariant les autres, ils ne suivent une
+route différente de la leur; semblables à l'Oiseau Merops qui vole au
+rebours des autres, avançant toujours vers sa queue: _Merops, avium
+sola, retrorsus ac versus caudam fertur_, dit Élien dans son histoire
+des animaux. Ainsi aux choses mesme d'aussi peu de conséquence, que
+celles dont nous venons de parler sont importantes, on ne trouve que
+diversité d'opinions. Pline veut que les Oiseaux nous aient enseigné
+l'usage du gouvernail d'un vaisseau. Sénèque et Possidonius l'attribuent
+aux Poissons dans le mouvement de leur queue. Et cette inclination
+naturelle à la nouveauté contentieuse, autant que d'autres raisons
+morales qu'on pourroit rapporter, ont engendré enfin l'animosité qui
+s'observe entre quelques Nations, dont je vais dire un mot après ceux
+qui l'ont observée devant moi. Il y a une antipathie physique, ce
+semble, entre l'Alleman et le Polonois, le Suédois et le Danois,
+l'Anglois et l'Escossois, le Galois ou habitant du païs de Gales, et
+l'Irlandois. Le Portugais ne s'accorde pas mieux avec le Castillan, non
+plus qu'autrefois le Parisien avec le Norman, et le Génois avec le
+Vénitien, ou l'Arragonois. Les Arabes sont toujours en différend avec
+les Abyssins, les Turcs avec les Persans, les Mogoles avec les Jusbegs,
+les Chinois avec les Japonois, les Moscovites avec les Tartares. Nos
+anciens Gaulois estoient si haïs des Romains, qu'ils n'exemtoient de la
+guerre leurs sacrificateurs, que quand il faloit aller au combat contre
+les Gaulois, _in Gallico tumultu_: ce que Plutarque a remarqué dans
+la vie de Camillus. Je laisse l'injustice des Historiens d'Italie contre
+nostre Nation, pour considérer simplement l'impertinence de Pétrarque,
+d'ailleurs fort à priser, quand il veut que la férocité seule de nos
+moeurs nous ait imposé le nom de François, _a feritate morum Francos
+dictos_. Mais quitons un sujet par trop odieux.
+
+
+
+
+DOUZIÈME SOLILOQUE
+
+
+Cette grande discordance des Nations fait voir entre autres choses,
+qu'il n'y a point, à le bien prendre, de communes notions parmi les
+hommes, qui pensent tous si diversement et avec une opiniastreté si
+voisine de la haine, que Théognis a eu raison d'appeller dès son tems
+l'Opinion un de nos plus grands maux,
+
+ [Grec: Doxa men anthrôpousi kakon mega],
+ _Opinio quidem hominibus magnum malum est_.
+
+Je ne sçai point de meilleure résolution à prendre là-dessus, que de
+suivre le conseil que Saint Paul donne à Timothée, [Grec: mê
+logomachein], de ne contester jamais avec des paroles ordinairement
+inutiles, et qu'il nomme fort bien [Grec: kenophônias], _inaniloquia_. A
+moins de déférer à cet avis salutaire, il n'y a rien de plus tumultueux
+que nostre vie, parce que tout ce que contient la Nature est sujet à
+controverse, qui s'étend mesme plus loin dans cette considération
+d'Aristote[23], _opinabile latius patere quam ens, quia et quod est, et
+quod non est, opinabile est_. Certes c'est une chose pitoiable de voir
+d'un oeil exemt de prévention, comme chacun prend les choses à sa mode,
+et comme il n'y a presque personne qui n'aime mieux reprendre Dieu, et
+la Nature, que de reconnoistre ingénuement l'ignorance où il est. J'use
+de cette pensée après Cicéron au livre cinquième de ses Questions
+Tusculanes, _rerum naturam, quam errorem nostrum damnare malumus_. Mais
+quoi, il vaut mieux imiter là-dessus Démocrite, qu'Héraclite, si nous en
+croions Sénèque[24], à cause que selon luy _humanius est deridere vitam,
+quam deplorare_; bien qu'il avoue qu'on se peut plus à propos abstenir
+de l'un et de l'autre. Quoi qu'il en soit, la maxime qu'il establit
+ailleurs, de tenir toujours pour très-mauvais ce que le peuple approuve,
+nous est confirmée par le _tolle, tolle, crucifige_ des Juifs, qui
+montre bien que la voix du peuple n'est pas toujours la voix de Dieu; de
+sorte qu'il n'y a guères d'âmes philosophiques qui ne disent avec le
+mesme Sénèque[25], _argumentum pessimi turba est_. L'Orateur Romain que
+j'ai déjà cité, et que je citerai toujours très-volontiers en de
+semblables matières, tesmoigne encore ce sentiment en ces termes[26]:
+_Philosophia paucis est contenta judicibus, multitudinem consulto ipsa
+fugiens, eique ipsi et suspecta et invisa._ C'est une merveille que sa
+profession d'Éloquence, d'où il retiroit sa principale recommandation,
+luy ait permis de reconnoistre si franchement cette vérité, parce
+qu'elle paroist absolument contraire au bien-dire des Orateurs, qui est
+une faculté populaire, et qui ne vise qu'à obtenir l'approbation d'un
+grand nombre d'auditeurs. Ce qui m'étonne davantage, c'est que cela
+vienne de celuy qui avoit, dès le premier livre de ces _Questions
+Tusculanes_, voulu prouver l'existence des Dieux, et l'immortalité de
+nos Ames, par cette considération, qu'une opinion générale peut estre
+prise pour la propre voix de la Nature, _omnium consensus Naturæ vox
+est_, n'y aiant rien de plus opposé que le sont ces textes l'un à
+l'autre, par des axiomes tout-à-fait différens. Il ne faut pas néanmoins
+le blasmer là-dessus. Le changement d'avis, et la diversité d'opinion
+selon le sujet qu'on traite, n'est condamnable ni en luy, ni en tous
+ceux qui philosophant académiquement ne se rendent jamais esclaves de
+leurs premiers sentimens. Je veux me souvenir en sa faveur de ce que les
+Anciens faisoient Neptune, sous le nom du Dieu Consus, auteur de tous
+les bons avis. Or ils donnoient apparemment à entendre par là, que
+comme la Mer que ce Dieu gouvernoit, change de face à tous momens, il
+n'estoit pas honteux ni mauvais de prendre des avis différens, selon la
+diversité des tems et des sujets qui obligent à le faire.
+
+
+
+
+TREZIÈME SOLILOQUE
+
+
+Entre les choses dont la Noblesse et le Peuple sont le mieux d'accord,
+c'est d'amasser du bien si faire se peut, et de fuir la pauvreté. Les
+Philosophes[27] considèrent que la vertu ne s'acquiert pas avec les
+biens; mais qu'au contraire, c'est assez souvent la vertu qui nous fait
+obtenir des biens. Et pour le regard de la pauvreté, l'Ecclésiastique ne
+laisse rien à dire pour l'esviter, quand il asseure qu'il vaut mieux
+mourir, que d'y tomber: _Fili, in tempore viæ tuæ ne indigeas, melius
+est enim mori, quant indigere_. C'est pourquoi nous voions que tout le
+monde veut devenir riche en quelque manière que ce soit,
+
+ _Unde habeat quærit nemo, sed oportet habere_.
+
+L'homme le plus vertueux, le mieux sensé, et de la plus haute
+extraction, s'il est mal vestu, et que ses habits soient percez au
+coude, n'oseroit parler en bonne compagnie, au péril qu'il courroit
+d'estre moqué au mesme tems qu'on applaudit aux discours impertinens
+d'un fat, qui a les rieurs de son costé, parce qu'il s'est richement
+paré.
+
+ _Et genus, et virtus, nisi cum re vilior alga est_[28].
+
+Car cette Res des Latins qui se trouve dans l'opulance, donne des amis
+et des fauteurs partout, _Res amicos invenit_, comme le fait si
+à-propos remarquer ce vieillard Antipho dans le _Stichon_ de Plaute[29].
+C'est ici un lieu trop commun parmi les sçavans, et trop facile à estre
+amplifié, pour s'y arrester davantage. Mais il n'a pas esté moins aisé,
+à ceux qui l'ont voulu contredire, de prendre le parti, sinon d'une
+extrême indigence, au moins d'une tolérable et honneste pauvreté.
+_Culmen liberos tegit_, ont-ils dit après Sénèque, _sub marmore atque
+auro servitus habitat_. Un peu de nécessité aiguise l'esprit; elle a ses
+gaietez plus parfaites souvent, et plus fidelles, que ne les a
+l'abondance. Et Dieu soit loué qu'il y ait des jours dans la vie, où le
+riche porte envie à la condition du pauvre! En vérité quelqu'un n'a pas
+mal rencontré d'escrire, qu'on voit la pluspart des grands richars
+tenir dans leurs coffres le rachat des captifs, la liberté des
+prisonniers, la santé des malades, la joie des affligez, et la vie des
+languissans, sans qu'on puisse reprocher une telle malédiction à ceux
+que la Fortune a moins favorisez. Je me trompe de parler ainsi de cette
+Déesse aveugle. Le Bien, la Noblesse, et la Science mesme, sont des dons
+du Ciel, qui les jette parfois, dit Epictète, comme l'on fait des noix
+et des figues aux enfans, sans qu'il faille se battre comme eux à qui en
+aura le plus, quoiqu'il soit permis de s'en prévaloir quand ils se
+présentent à vous, et qu'on le peut faire civilement. En effet le Chef
+des Gymnosophistes Mandanis ne pouvoit prononcer un plus bel axiome, que
+celuy que nous lisons de luy dans Strabon, qu'il n'y a point de maison
+plus à estimer, que celle qui se contente de peu, se passant de ce dont
+les autres abondent. Car on peut soustenir qu'il est mesme parfois
+avantageux, de diminuer ses richesses, pour devenir plus riche, et
+d'imiter le bon vigneron, qui coupe la vigne pour la faire mieux
+produire. La pensée de Pline est excellente là-dessus dans la Préface du
+quatorzième Livre de son _Histoire naturelle_, que les Sciences et les
+Arts Libéraux sont tombez de la liberté qui leur avoit donné le nom,
+dans la servitude, en ce qu'autrefois les plus accommodez des biens de
+Fortune, se plaisoient à cultiver leurs esprits, chose que l'opulence a
+depuis empeschée, _rerum amplitudo damno fuit_. Car il est arrivé que
+les hommes seuls qui se sont veus réduits à la pauvreté et à la
+servitude, ont fait valoir les Arts et les Sciences, parce qu'ils
+n'avoient que ce seul moyen pour se faire considérer, et pour subsister:
+_Quadam sterilitate fortunæ necesse erat animi bona exercere._ C'est
+ainsi que parle Pline, et qu'on balance toutes choses.
+
+ * * * * *
+
+_Rogatus Antisthenes quidnam ex philosophia lucratus esset, mecum, ait,
+colloqui posse_, [Grec: to dynastai heautô homilein].
+
+ * * * * *
+
+_Qui plura novit, eum majora sequuntur dubia._ Arist.
+
+
+
+
+_Extrait du Privilége_
+
+
+PAR Lettres de Privilége du Roy, en datte du 9 Mars 1651, signées
+CONRART, il est permis à Monsieur DE LA MOTHE LE VAYER, Conseiller du
+Roy en ses Conseils, de faire imprimer, vendre, et débiter _tous les
+Traitez_, _Lettres_, _Opuscules_, _et autres pièces de sa composition_,
+par tel Imprimeur ou Libraire qu'il voudra choisir, conjointement ou
+séparément, en un ou plusieurs volumes, en telles marges, en tels
+caractères, et autant de fois que bon luy semblera, durant l'espace de
+vingt ans: Et défenses sont faites à toutes personnes, d'imprimer,
+vendre, ni débiter aucun de ces Traitez, et Opuscules, sans son
+consentement, ou de ceux qui auront droit de luy, sur peine de trois
+mille livres d'amende, et autre plus grande, ainsi qu'il est plus
+amplement spécifié par lesdites Lettres.
+
+
+
+
+ _Achevé d'imprimer_
+
+ SUR LES PRESSES DE MOTTEROZ
+
+ TYPOGRAPHE
+
+ A PARIS, RUE DU DRAGON, 31
+
+
+ _Le 29 Janvier 1875_
+
+
+
+
+NOTES:
+
+[1] Paris, _Louis Billaine, 1670_, petit in-12.
+
+[2] Page 8.
+
+[3] Ep. I. C. 2.
+
+[4] L. I. ode 34.
+
+[5] In defensorio, C. 27. circa fin.
+
+[6] Act. 2. SC. 26.
+
+[7] Baron. tom. II.
+
+[8] Ep. 88.
+
+[9] Ep. 2. C. I.
+
+[10] Prov. C. 13. et 17.
+
+[11] Fast. l. I.
+
+[12] Sen. ep. ult.
+
+[13] Cic. lib. de Senect.
+
+[14] Rhet. l. 2. v. 12.
+
+[15] Conc. 8. de Poen.
+
+[16] De hist. anim. l. 5. C. 14.
+
+[17] Juven. sat. 7.
+
+[18] _De docta ignor._ l. 2. C. 12.
+
+[19] Lib. _de Vita propria_, C. 10.
+
+[20] De augm. scient. p. 166.
+
+[21] _Qu. Academ._ l. 4.
+
+[22] _De Offic._ l. 3.
+
+[23] _Top._ l. 4. C. 15.
+
+[24] _De Tranq._ I. C. 15.
+
+[25] _De vita beata_, C. 2.
+
+[26] _Tusc. qu._ l. 2.
+
+[27] _Arist. Polit._ l. 7. C. I.
+
+[28] Horat. l. I. Sat. 6.
+
+[29] Act. 4. SC. I.
+
+
+
+
+Note de Transcription:
+
+Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
+L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Soliloques sceptiques, by
+François de La Mothe Le Vayer
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 40625 ***
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-Project Gutenberg's Soliloques sceptiques, by François de La Mothe Le Vayer
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
-almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
-re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
-with this eBook or online at www.gutenberg.org
-
-
-Title: Soliloques sceptiques
-
-Author: François de La Mothe Le Vayer
-
-Editor: Isidore Liseux
-
-Release Date: August 30, 2012 [EBook #40625]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK SOLILOQUES SCEPTIQUES ***
-
-
-
-
-Produced by Laurent Vogel, Eleni Christofaki and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-book was produced from scanned images of public domain
-material from the Google Print project.)
-
-
-
-
-
-
-
-
-
- SOLILOQUES SCEPTIQUES
-
-
-
-
-[Illustration]
-
-
-
-
- SOLILOQUES SCEPTIQUES
-
- par
-
- LA MOTHE LE VAYER,
-
- _Réimprimé sur l'édition unique de 1670_
-
- [Illustration: SCIENTIA DUCE]
-
- PARIS
-
- _Isidore LISEUX, 5, Rue Scribe_
-
- _1875_
-
-
-
-
-Ce petit ouvrage ne se trouve pas dans les collections des Oeuvres de
-La Mothe Le Vayer, notamment dans celle de 1669 (15 vol. in-12); il ne
-fut publié que l'année suivante[1], en même temps que l'_Hexaméron
-rustique_, également exclu de ces collections. L'auteur avait alors 82
-ans.
-
-C'était un sage à la manière antique, et nous ne pouvions mieux choisir
-que ces pages pour donner une idée de sa philosophie. Elles montrent
-comment le scepticisme absolu en toutes matières, religions, morale,
-esthétique, histoire, se concilie aisément avec la soumission aux
-mystères du Christianisme. Il n'y a, pour cela, qu'à être de son temps
-et de son pays. On a un salon rempli d'idoles en or, en marbre, en
-plâtre: au milieu, ce «grand Dieu pendu» dont parle Bossuet. Livré aux
-seules lumières de la science, on hésite: l'embarras est grand, le choix
-difficile; mais, encore une fois, on est de son époque, et l'on se fait
-pardonner ses doutes en déclarant, avec Saint Paul, qu'on ne sait rien,
-«sinon Jésus-Christ crucifié»[2].
-
-Ainsi l'on vit, tranquille et honoré, l'espace de quatre-vingt-quatre
-ans; ainsi l'on est précepteur de Louis XIV, et, plus heureux que
-certain philosophe de nos jours, on a pour collègues à l'Académie
-Française des évêques, Bossuet lui-même, qui ne s'offensent pas de
-collaborer avec vous à un dictionnaire, parce que vous avez l'audace de
-penser et d'écrire librement.
-
- I. L.
-
-
-
-
-[Décoration]
-
-_AU LECTEUR_
-
-
-_Ne vous estonnez pas que je me serve du mot de Soliloques, peu connu
-dans nostre langue; il ne l'est guères davantage dans la Latine où Saint
-Augustin l'a emploié; et tous ceux qui ont traduit ses oeuvres en
-François, n'ont pas fait difficulté de le retenir: c'est un entretien
-secret avec soi-mesme, qui respond aucunement aux à parte si fréquens
-sur le Théâtre des Italiens, et que le nostre, aussi bien que celui des
-Espagnols, et des Anglais, n'ont pas rejetté. Je sçai bien qu'on les a
-condamnez comme ridicules, veu le peu d'apparence qui se trouve à
-présupposer, qu'un Acteur puisse prononcer tout bas, sans estre entendu
-de celui qui n'est qu'à deux pas de lui, ce que tous les Auditeurs du
-parterre, pour esloignez qu'ils soient, doivent entendre. Mais puisque
-tout ce que les Théâtres des Grecs et des Latins ont representé, aussi
-bien que les nostres par imitation, n'est que fable, et une pure
-imposition ou mensonge; pourquoi n'admettra-t-on pas une chose de si peu
-de conséquence, à cause qu'elle n'est pas vraisemblable? On oblige bien
-les Spectateurs à prendre un chasteau de carte pour l'Acrocorinthe, ou
-quelque autre forteresse semblable; et un petit coin du lieu où se joue
-la Comédie, pour tout le païs Attique. Pourquoi, encore un coup,
-feraient-ils difficulté de se laisser tromper par un_ à parte,
-_prononcé d'une voix contrainte, comme l'on fait, nonobstant que cela
-choque les sens, de la façon que nous l'avons remarqué? En vérité
-l'apparence est moindre, et le raisonnement se trouve beaucoup plus
-offensé aux premières tromperies, et autres pareilles dont le Théâtre
-est continuellement rempli, qu'aux à parte qui sont rares, et qui ne
-durent qu'un moment. J'ai assez d'années pour escrire qu'autrefois ces
-façons de parler estoient en usage:_ j'ai dit à part-moi, _et_ il a dit
-à part-soi, _dont l'on ne se sert plus, et qui respondent aux à parte
-des Italiens. Mais pour revenir aux Soliloques, il ne s'est pas trouvé
-moins de personnes qui les ont voulu généralement censurer, que de
-celles dont nous venons de parler qui ont condamné les à parte; et les
-Italiens mesme, nonobstant la pratique de leur Théâtre, n'ont pas laissé
-de prononcer en commun proverbe_ il parlar solo, è da pazzo, _comme s'il
-n'y avait que des fous qui parlassent à eux-mesmes. Si est-ce que
-l'exemple des Pythagoriciens dans leurs entretiens secrets, et leur
-examen journalier de conscience, que Sénèque pratiquoit tout les soirs à
-leur exemple, me font estre d'un avis bien différent. Ce grand
-Précepteur de la Morale de son siècle nous représente dans le sixième
-livre de la Cholère, qu'il addresse à Novatus, au chapitre
-trente-sixième, comme à l'exemple du Philosophe Sextius, il
-s'interrogeoit lui-mesme tous les soirs, et s'addressant à son âme, lui
-demandoit compte de ce qui s'estoit passé durant la journée:_ quotidie,
-_dit-il_, apud me causam dico; _repassant sur ses fautes dans le secret
-du lict, que sa femme Pauline faite à ce mystère ne troubloit jamais: il
-ne se les pardonnoit qu'à la charge de n'y plus retomber, et se
-prononçoit, en forme de jugement, ces propres termes:_ Vide ne istud
-amplius facias, nunc tibi ignosco. _De tels Soliloques, et ceux du
-Docteur de la Grâce, m'empescheront bien de les condamner, comme
-plusieurs ont fait. Mais puisqu'il n'y a rien de plus naturel, ni aussi
-de plus ordinaire aux hommes, que de se tromper, pardonnons aux autres
-leurs erreurs, afin qu'on excuse les nostres._
-
-
-
-
-[Décoration]
-
-SOLILOQUES _SCEPTIQUES_
-
-
-PREMIER SOLILOQUE
-
-
-Le plus important précepte de la science, est de sçavoir qu'il y a des
-choses qui ne méritent pas d'estre sceues; ce que Quintilien a dit
-particulièrement de quelques notions grammaticales. Mais il y en a
-d'autres qu'on peut dire estre absolument hors de la portée de nostre
-esprit, qui est trop profondément plongé dans la matière, pour bien
-reconnoistre ce qui en est dégagé. Cependant c'est une des principales,
-et des plus ordinaires maladies de l'homme, d'estre travaillé d'une
-curiosité inquiète pour des choses qu'il ne peut sçavoir, et qu'il lui
-est vraisemblablement plus avantageux d'ignorer, que d'en prendre
-connoissance, puisque Dieu a limité la sphère d'activité de son âme, qui
-ne peut pas pénétrer jusques-là. Ainsi l'on peut soustenir que c'est une
-espèce d'intempérance très-pernicieuse, de vouloir sçavoir plus qu'il ne
-faut, et que le Ciel ne nous le permet, _plus velle scire quant sit
-satis, intemperantiæ genus est_, comme un Payen mesme l'a reconnu. Saint
-Augustin rapporte au septième livre de la _Cité de Dieu_ la mesme pensée
-expliquée par Varron en termes différens, quand ce sçavant Romain
-déclare que s'il parle des choses Divines, c'est à la façon de
-Xénophanes Colophonien, qui protestoit que ce qu'il en escrivoit,
-n'estoit pas pour le faire passer comme une chose certaine, mais
-seulement comme une pensée douteuse qu'il en avoit; l'homme ne pouvant
-posséder là-dessus que des opinions incertaines, parce que la
-connoissance asseurée en est réservée à Dieu seul. _Quid putem, non quid
-contendam, ponam; hominis enim est hæc opinari, Dei scire._ Cela me fait
-remarquer avec estime la prudence du Mofti des Turcs, qui est à peu près
-parmi eux, et dans leur Religion, ce qu'est parmi nous le souverain
-Pontife. Il ne rend jamais de jugement sur ce qui lui est proposé, et ne
-prononce point sa sentence, qui s'appelle en sa langue _Festa_, sans
-adjouter à la fin: _Dieu le sçait mieux_. Certes, tout bien considéré,
-je me confirme dans cette doctrine, que hors les véritez révélées
-d'en-haut, et que la vraie Religion nous enseigne, l'on peut sans crime
-demeurer irrésolu, et sans rien déterminer sur tout le reste. Je vois
-tous les hommes ainsi faits, qu'ils se moquent, en suivant leurs
-fantaisies, les uns des autres, au mesme tems qu'ils pensent tous avoir
-raison. Mais pour moi, je ne veux pas me laisser emporter par le torrent
-de la multitude. _Non posso accommodarmi a cantare, e far concerto, con
-quasi tutti gli altri huomini, il questo particulare_, comme parle cet
-Italien.
-
-
-
-
-SECOND SOLILOQUE
-
-
-J'avoue que le désir d'apprendre et de sçavoir est naturel à l'homme,
-_omnes homines scire desiderant_, dit le maistre de l'Eschole. Mais
-j'adjouste à cet axiôme, que ce mesme désir ne nous distingue pas moins
-des autres animaux, que la raison, dont nous faisons nostre préciput;
-lorsque nous les nommons tous desraisonnables, comme s'il n'y avoit que
-l'homme qui sceust bien discourir, et tirer de bonnes et raisonnables
-conséquences. Si est-ce que ceux qui ont pris la pene d'observer ces
-mesmes animaux, ont apperceu en beaucoup d'entre eux des estincelles
-d'une raison que nous avons voulu nommer imparfaite, bien que Galien, et
-assez d'autres Philosophes n'aient pas fait difficulté de prononcer,
-qu'elle ne diffère de la nostre que selon le plus et le moins, qui par
-la doctrine des Colléges ne change point l'espèce, _plus et minus non
-mutant speciem_. Il n'en est pas de mesme de ce désir ardent de
-s'instruire, tout particulier à l'homme; sans qu'il se remarque aucun
-véritable signe d'une pareille envie aux animaux. Au lieu donc de
-définir l'homme un animal raisonnable, je trouverois moins
-d'inconvénient à le nommer un animal désireux de sçavoir, et je
-penserois former par ces termes une plus juste définition. Mais si la
-Nature n'imprime point dans nos âmes de vains désirs, et qui ne puissent
-réussir, comme quelques-uns l'ont soustenu, il s'ensuivroit que la
-science nous seroit comme naturelle, et que nous pourrions tous
-l'acquérir; ce qui n'est peut-estre pas vrai, l'ignorance, selon
-beaucoup des plus ingénus Philosophes, paroissant estre bien plutost de
-l'appennage de nostre humanité, que la science, comme je m'en suis
-souvent assez expliqué ailleurs. En vérité, si nous y prenons garde de
-près, et si nous voulons reconnoistre franchement ce qui en est,
-l'homme n'est pas capable de sçavoir la raison d'autre chose, que de ce
-qu'il exécute à sa mode, ni comprendre d'autres sciences, que celles
-dont il fait soi-mesme les principes; ce qui se peut facilement prouver
-en considérant de bonne sorte les Mathématiques. O la belle maxime
-d'État, qui fait, ce semble, subsister cette grande Monarchie de
-Moscovie! d'estre dans l'ignorance de ce que nous appellons les belles
-lettres, selon que toutes les relations qui en parlent le font voir.
-Hors ce que l'auteur de nostre estre nous a révélé, et que la Foi
-Chrétienne nous oblige de tenir pour très-certain, il n'y a rien que
-l'esprit humain ne rende douteux et problématique. C'est ce qui a fait
-dire si excellemment à Saint Paul écrivant aux Corinthiens[3], qu'il ne
-sçavoit rien sinon JÉSUS-CHRIST crucifié.
-
-
-
-
-TROISIÈME SOLILOQUE
-
-
-Je ne puis que je n'approuve beaucoup l'interprétation mystérieuse de
-quelques Pères, qui ont pris ce que rapporte Ezéchiel de certaines eaux
-qu'on passe aisément lorsqu'on n'en a que jusques aux talons, et mesme
-que jusques aux genous et jusques aux reins; mais qu'il n'est pas
-possible de traverser sans se perdre, si l'on pense pénétrer plus avant.
-Ils croient que le Prophète veut signifier ce qui arrive aux personnes
-curieuses et téméraires, qui peuvent bien prendre quelque connoissance
-d'abord des choses humaines, et mesme pénétrer jusques à de certaines
-petites notions des Divines; mais qui se perdent indubitablement, s'ils
-pensent aller plus avant, et s'informer également de celles que Dieu a
-mises au-dessus de la capacité de nostre esprit, _hæc nos Deus mirari
-voluit, scire noluit_. C'est-là qu'il faut dire ce que les Turcs
-prononcent sur tout ce qui leur paroist douteux, _Allah bilut_, Dieu le
-sçait. Nostre raison qui nous rend si glorieux, est enfin contrainte
-d'avouer dans sa plus haute élévation, qu'il y a une infinité de choses
-qui la surpassent, et qu'il n'y a rien de si conforme à elle-mesme, si
-elle est juste et bien réglée, que de désavouer ses plus subtils
-discours en tout ce qui concerne la Foi, où elle ne sçauroit trop
-s'humilier, ni trop reconnoistre sa foiblesse, ou, pour mieux dire, son
-aveuglement. Certes, Saint Augustin a eu grand sujet d'escrire dans la
-_Cité de Dieu_, qu'à l'égard de la Morale mesme, il valoit beaucoup
-mieux tenir ses préceptes de la Foi, que de nostre raison humaine, qui
-varie sans cesse, et qui n'est constante que dans son inconstance. Elle
-ne peut faire ses opérations, qu'elle ne s'appuie sur ce que nos sens
-lui suggèrent; et nous sommes enfin contraints d'avouer que ces mesmes
-sens, et nostre raison, s'entre-abusent à qui mieux mieux. En
-voulez-vous une plus forte preuve, que de considérer comme ce qui est
-juste et approuvé en France, est réputé mauvais et improuvé, je ne dirai
-pas, à la Chine, ni au Japon, mais parmi nos plus proches voisins?
-Estrange et ridicule Morale, que les Alpes et les Pyrénées diversifient,
-ou un filet d'eau, tel que celui qui nous sépare de l'Angleterre, et
-celui qui divise l'Espagne d'une Province d'Afrique qui lui est
-opposée!
-
-
-
-
-QUATRIÈME SOLILOQUE
-
-
-Il n'y a personne qui ne ressente je ne sçai quoi de pénible dans son
-esprit, lorsqu'il commence à raisonner sur les choses du Ciel, où il ne
-trouve pas que sa Logique et ses principes s'accordent avec ce qu'il
-avoit receu pour bon aveuglement jusques-là, sans rien examiner. Horace
-exprime cela dans une de ses Odes[4] en ces termes:
-
- _Parcus Deorum cultor et infrequens,
- Insanientis dum sapientiæ
- Consultus erro, nunc retrorsum
- Vela dare, atque iterare cursus
- Cogor relictos._
-
-La secte de Démocrite, la Cyrénaïque, et celle d'Épicure, lui avoient
-donné de mauvaises opinions de la Providence, comme si les choses
-d'ici-bas estoient indifférentes à Dieu, parce qu'elles paroissoient à
-ces philosophes indignes de son occupation. La syndérèse et un remors de
-conscience fait qu'Horace nomme à bon droit cette pensée _insanientem
-sapientiam_, une folle sagesse. Et Lucrèce, plus ancien que lui,
-appréhendoit de parler mal des choses divines, sur ces mesmes fondemens
-contraires à toute sorte de Religions: ce qui lui fait dire à son
-Lecteur:
-
- _Illud in his rebus vereor ne forte rearis
- Impia te rationis inire elementa, viamque
- Endogredi sceleris._
-
-Tout le monde est touché de cette crainte, si Dieu ne l'a tout-à-fait
-abandonné à un sens reprouvé. Il n'y a que la Foi qui, dans la vraie
-Religion, nous empesche de déférer aux tentations que l'ennemi de
-nostre repos et de nostre salut nous suggère sur ce qui regarde le Ciel.
-Il a bientost séduit les plus grossiers, parce que, selon le mot de
-l'Ecclésiastique, les simples se rendent aux premières apparences
-trompeuses d'un dangereux discours, et sont aussi faciles à persuader,
-qu'un enfant est aisément fait pleurer: _a facie verbi parturit fatuus,
-tanquam gemitus partus infantis_. Certes l'on se doit bien garder de
-soumettre les véritez constantes de la vraie Religion, qui nous ont esté
-révélées d'en-haut, au raisonnement humain, parce que si vous pensez
-accommoder la foi au discours qu'on peut former sur ce qu'elle enseigne,
-chacun prétendra avoir droit d'en penser à sa mode, n'y aiant rien de si
-divers que l'esprit de l'homme; et ainsi cette foi ne sera plus une
-comme elle doit estre. Il faut avaler sans mascher ce qu'elle prescrit,
-comme une médecine salutaire qui guérit au dedans si on ne la rejette
-point, ce qui arrive à ceux qui la veulent trop savourer. Si vous voulez
-l'accorder de tout point avec les sciences humaines, vous la ruinez
-absolument, parce que selon le mot de l'Eschole, _posita scientia
-tollitur fides, sicut posita fruitione tollitur spes_. En effet on ne
-croit pas les choses qu'on sçait, ce qui donna lieu à Pomponace de se
-délivrer des mains de l'Inquisition où il estoit, pour avoir dit
-nettement dans sa chaire de Professeur en Philosophie, qu'il ne croioit
-pas l'immortalité de l'âme. Ne pouvant pas nier d'avoir ainsi parlé, à
-cause qu'on lui produisoit des tesmoins irréprochables, il s'avisa
-d'interpréter son dire en l'avouant, avec cette solution, qu'il sçavoit
-et enseignoit démonstrativement que nos âmes estoient immortelles; ce
-qui faisoit qu'il ne tenoit pas cela de la foi, par cette raison
-d'Albert le Grand, emploiée mesme par lui contre Augustinus Niphus[5],
-_quod credita cum scitis non conveniunt, et principia fidei cum
-principiis naturalibus_. Un serviteur nommé Chalinus se sert de cette
-raison dans la _Cassine_ de Plaute[6], avec ces propres termes: _At pol
-ego haud credo, sed certo scio_; voulant dire qu'on ne croit pas les
-choses que l'on sçait. Aussi y a-t-il grande différence entre sçavoir,
-et croire, selon que Saint-Thomas définit ce dernier: _Credere est actus
-intellectus assentientis divinæ voluntati, ex imperio voluntatis a Deo
-motæ per gratiam_. La foi donc qui règle nostre créance, est tout
-autrement seure que la science humaine, où tout est incertain; d'où
-vient la détermination du Concile de Nicée[7], _Dubius in fide,
-infidelis est_. On ne sçauroit sans crime suspendre tant soit peu sa
-créance en ce qui touche la foi, ni révoquer en doute le moindre de ses
-articles sans pécher.
-
-
-
-
-CINQUIÈME SOLILOQUE
-
-
-Mais n'est-il point à craindre, qu'establissant ainsi le doute partout,
-excepté aux choses qui regardent nostre salut, et qui nous ont esté
-révélées d'en-haut selon que l'Église nous l'enseigne, toute la société
-civile n'en souffre beaucoup, parce que ne restant plus rien au surplus
-dans la nature que de problématique parmi les hommes, selon que leur
-esprit est ingénieux à défendre opiniastrément ce qu'il s'est une fois
-imaginé, ils vivront dans des contestations perpétuelles? Car personne
-n'ignore le mot de Protagore, que tout peut estre disputé, _de omni re
-in utramque partem disputari posse ex æquo, et de hac ipsa, an omnis res
-in utramque partem disputabilis sit_. Combien de grands personnages y
-a-t-il eu, que Sénèque nomme dans une de ses Épistres[8], qui ont esté
-du mesme sentiment, Nausiphane, Parménide, Zénon Élate, avec une
-infinité de sectes entières qu'il cite, dont l'Eschole présupposoit le
-mesme sentiment. Si l'on dit que Platon, et assez d'autres excellens
-Philosophes ont esté d'une opinion contraire, c'est ce qui peut donner
-le plus d'inquiétude, s'il est soustenable qu'on doive croire chacun en
-son art, puisqu'ils ont esté tous d'une mesme profession, qui alloit à
-rechercher curieusement la vérité. Outre cela Aristote, le plus grand
-Dogmatique de tous, et le plus affirmatif, nie cette proposition au
-troisieme livre de ses _Politiques_, chapitre onzième, où il establit
-pour constant, qu'en toute sorte d'arts, ceux qui les ignorent, jugent
-mieux de ce que ces mesmes arts produisent, que les meilleurs Artisans
-qui travaillent avec toute sorte d'industrie. Ainsi, dit-il, un père de
-famille juge avec plus de discernement de la disposition commode d'une
-maison, que son Architecte. Un Pilote reconnoist mieux si le gouvernail
-de son vaisseau est bien fabriqué, que celui qui l'a fait. Et les
-convives dans un festin portent meilleur jugement de l'apprest des
-viandes qui s'y trouvent, que le Cuisinier qui les a assaisonnées. Il
-passe jusques-là que les Musiciens, ni les Poëtes ne sont pas les plus
-capables juges de leurs ouvrages. Ne tenons donc pas pour indubitable,
-que chacun doive toujours estre cru, et prononcer définitivement dans sa
-profession.
-
-
-
-
-SIXIÈME SOLILOQUE
-
-
-L'opinion a esté fort bien nommée par Héraclite [Grec: hieran noson],
-_sacrum morbum_; c'est une maladie populaire, une épilepsie qui mérite
-ce nom, puisqu'elle occupe et infecte la plus noble et la plus sacrée
-partie de l'homme, qui est l'âme, _quod sanctissimam hominis partem, hoc
-est, animæ rationalis domicilium præcipue infestet_. Elle le fait avec
-tant d'attachement et de fermeté, qu'elle a donné lieu au mot
-d'Opiniastreté, qui est un mal d'obstination presque insurmontable. Mais
-il ne faut pas croire, que sous cette appellation de peuple, il n'y ait
-que la plus vile partie des Communautez de comprise. Le vulgaire,
-puisqu'on se sert encore de ce terme pour désigner des gens de la plus
-basse estoffe, est souvent toute autre chose que ce que l'on pense. La
-pourpre, et le cordon bleu, en font parfois partie, quoique ceux qui
-s'en parent indignement, se croient estre beaucoup au dessus. Tant y a
-que quand la pluspart du monde a une fois épousé une opinion, pour
-absurde qu'elle soit, et que parlant comme l'on fait au delà des Alpes,
-_il Mondo è infinocchiato d'una opinione_, sa fausseté ne la fait guères
-quiter; au contraire l'on se roidit souvent d'autant plus à la
-maintenir, qu'elle est desraisonnable et absolument opposée à la
-vérité, qui n'est ni escoutée ni comprise par la folle et ignorante
-multitude: outre qu'on s'imagine qu'il y a plus d'adresse à maintenir le
-faux que le vrai. La pitié est que cet entestement est fort contagieux,
-et qu'il fait trébucher les uns sur les autres dans la foule ceux qui en
-sont touchez, sans qu'ils sentent leur mal, croiant toujours au
-contraire n'avoir que de très-bonnes pensées. Or ce n'est pas le moien
-de guérir leur infirmité d'establir l'incertitude de toutes choses,
-puisque s'il n'y a rien que de douteux, ils sont excusables de ne quiter
-pas leurs fantaisies erronnées, pour en prendre d'autres qui ne valent
-pas mieux. Ainsi le meilleur sera de laisser le monde en l'estat qu'il
-est, et de suivre le précepte que Saint Paul donne à Timothée[9], de ne
-s'eschauffer point en des disputes fascheuses, _non contendere verbis_,
-[Grec: mê logomachein], comme estant une chose inutile. Si vous croiez
-avoir raison contre un antagoniste qui la mesprise, ou qui ne l'entend
-pas, cédez-lui la victoire en riant, comme je l'ai veu faire avec
-adresse, _porrige herbam, sed ut bestiæ_. En vérité celui-là avoit
-quelque sujet, ce semble, de soustenir que la raison estoit contre
-l'ordre de nature, veu que les hommes raisonnables ne lui paroissoient
-pas moins rares, que les monstres. Quoi qu'il en soit, la sentence
-d'Aristote n'est pas ici peu considérable, encore qu'il ne l'ait pas
-toujours suivie, _stultas opiniones admodum destruere stultissimum est_.
-Il faut pardonner avec mespris à des syncopes de raison, et des béveues
-spirituelles ou d'entendement, à qui les Grecs ont donné le nom de
-[Grec: parorama], et que nous remarquons parfois en ceux avec qui nous
-contestons, soit de vive voix, soit par écrit, puisqu'en tout cas on ne
-sçauroit trop déférer à l'aphorisme de ce sçavant Père de l'Église,
-_melius est dubitare de occultis quam litigare de incertis_. Nous ne
-nous repentirons jamais de nous y estre tenus.
-
-
-
-
-SEPTIÈME SOLILOQUE
-
-
-Quelques-uns pourroient penser là-dessus, qu'il est plus à-propos de
-garder un perpétuel silence, que de l'expliquer en quelque façon que ce
-soit, puisqu'on ne peut rien dire de solide, toutes choses aiant deux
-anses, et pouvant estres prises diversement comme incertaines et
-problématiques. J'avoue que le silence tient lieu souvent de nourriture
-à l'âme, estant pour cette considération très-recommandable, quoi qu'il
-faille aussi tomber d'accord qu'il est parfois l'asyle et le refuge
-d'une parfaite ignorance, qui se cache sous son ombre. D'ailleurs
-généralement parlant, l'avantage du silence est tout visible, en ce que
-celuy qui parle se vuide, et que celuy qui écoute se remplit. J'ai fait
-plus d'une fois cette réflexion dont je me veus souvenir ici, que l'Écho
-mesme, toute babillarde fille qu'elle est dans la fable, nous fait leçon
-du péril qu'il y a de communiquer à d'autres des pensées d'importance,
-veu qu'estant une fois sorties de chez nous, les pierres, et les rochers
-ne s'en peuvent taire, et les redisent. Le silence de cinq ans des
-Pythagoriciens, et celuy des Cardinaux qui n'oseroient parler, et sont
-comme muets, jusques à ce que le Pape leur ouvre la bouche, peuvent
-servir d'instruction là-dessus. C'est ce qui fait prononcer
-proverbialement aux Espagnols, _callar_, _y obrar_, _por la tierra_, _y
-por la mar_; et les Arabes ont cet adage qui va au mesme sens, _duobus
-modis pereunt homines, abundantia opum, et abundantia sermonis_; au lieu
-que selon Salomon[10], _qui custodit os suum, custodit animam suam_, et
-que suivant sa doctrine, _stultus quoque si tacuit, sapiens reputabitur,
-et si compresserit labia sua, intelligens_. Si est-ce qu'outre qu'il y a
-des silences trompeurs et dissimulez, on peut soustenir qu'on ne
-sçauroit juger des hommes que par leurs actions, et par leurs discours.
-Parle, disoit un ancien, si tu veux que je te connoisse, _loquere, ut te
-videam_. En effet l'action, qui comprend la parole, est la mesure de
-l'estre, et les choses ne sont, à le bien prendre, qu'autant qu'elles
-agissent, et qu'elles se font connoistre de l'une ou de l'autre manière,
-en faisant ou en parlant. Cependant comme l'inaction et la fainéantise,
-qu'Amasis vouloit estre punie de mort, est nommée par les Italiens le
-vice des honnestes gens, et que selon eux, _il lavorar è mestier da
-buoi_; le silence de mesme a ses partisans qui en font leur capital, et
-d'autres qui ne le peuvent souffrir, parce, disent-ils, qu'un oiseau
-muet ne fait point d'augure, _ave muda non haze aguero_, c'est
-l'Espagnol qui parle ainsi. Certes il n'y a point de médaille qui n'ait
-un revers, ni de si beau précepte de morale, qui ne soit diversement
-envisagé.
-
-
-
-
-HUITIÈME SOLILOQUE
-
-
-La beauté, qui passe pour la plus aimable chose qui se puisse voir, et
-qui appelle tout le monde à soi, [Grec: kalon para to kalein], nous
-fournira un bel exemple de ce divers envisagement. Les charmes de la
-beauté sont tels, qu'elle se rend maistresse des sages les plus modérez,
-et des conquérans les plus invincibles. C'est ce qui la fit nommer à
-Socrate, une tyrannie de peu de temps; ce qui obligea Platon de
-soustenir qu'il n'y avoit rien de beau, qui ne fust encore bon; et ce
-qui a contraint Aristote d'écrire que cette beauté portoit avec elle
-plus de recommandation, que quelque lettre de faveur qu'on pust obtenir,
-[Grec: pantos epistoliou systatikoteron]. Et véritablement elle donna
-lieu aux premières Monarchies du siècle d'or, les peuples obéissant
-volontairement: de sorte qu'alors on ne voioit point de rebelles qui ne
-fussent aveugles. Encore aujourd'huy toutes les conditions de la vie
-cherchent dans la beauté ce qui les doit faire estimer. Le Soldat met sa
-gloire à posséder un beau cheval, et des armes bien polies. Un Peintre
-n'est en réputation, que par la beauté de ses tableaux; ni un Orateur
-que par celle de ses périodes. Or ce n'est pas merveille que nostre
-humanité considère si fort un agréable aspect, veu que la beauté du
-corps qui se voit, est ordinairement l'image de l'esprit qui l'informe;
-les perfections internes engendrant les externes, jusques aux
-pierreries, dont l'éclat procède de la juste mixtion des éléments au
-dedans. Cependant à cause de l'infidelle compagnie qui se trouve entre
-la vertu et la beauté, _raram facit mixturam cum sapientia forma_,
-beaucoup de gens ont dressé de grandes invectives contre la dernière,
-qui se fait principalement estimer lors que le sexe feminin s'en peut
-prévaloir. Car pour les hommes ils doivent prendre ailleurs leur
-avantage; ce qui a fait dire à l'Ecclésiastique: _Non laudes virum in
-facie sua, nec spernas hominem in visu suo_. Et la réflexion de Galien
-me semble fort juste, qu'Homère n'ayant parlé qu'une fois de Nirée comme
-du plus beau des Princes Grecs, il a voulu donner à comprendre que les
-beaux hommes ne sont presque bons à rien. C'est contre les belles Dames
-que la Satyre s'exerce ici, comme s'il n'y avoit que les laides qui
-pussent se garantir du vice, _casta quam nemo rogavit_. Encore
-voudroit-on rendre injustement la pudicité de celles-cy mesprisable,
-par cette mauvaise raison, que leur âme n'a pas toujours esté chaste,
-dans une volonté corrompue: _Quæ malam faciem habent sæpius pudicæ sunt,
-non animus illis deest, sed corruptor_, comme en parle Sénèque dans une
-de ses Controverses. Je me souviens de la raillerie de celuy qui disoit
-d'une fille peu aimable, que Dieu pour la sauver avoit mis son âme en
-sauveté, dans un corps que personne ne pouvoit aimer. On ne sçauroit
-nier à l'égard des belles, que leur humeur superbe ne les fasse parfois
-haïr. Car comme l'avoue Ovide, leur plus grand amy[11],
-
- _Fastus inest pulchris, sequiturque superbia formam_.
-
-Et néantmoins l'on peut dire à la plus agréable de toutes, _quid excolis
-formam? cum omnia feceris, a multis animalibus decore vinceris_[12].
-
-Il est impossible, dit Diodore Sicilien, d'avoir jamais autant de
-beauté, que cet animal à qui elle a fait donner le nom de _Cepus_,
-[Grec: kêpos], parce que la veue de tous les jardins ne peut réjouir ni
-satisfaire comme la sienne. Ce sont néantmoins des beautez d'un ordre si
-différent, que j'ay de la pene à souffrir cette comparaison.
-
-
-
-
-NEUVIÈME SOLILOQUE
-
-
-Si la Beauté a eu des adversaires qui l'ont mesprisée, ce n'est pas
-merveille que quelques-uns aient pris plaisir à préférer une caduque
-vieillesse aux impétuositez d'une bouillante jeunesse. Car quoique le
-vieil Caton[13] n'approuvast pas le proverbe déjà usité de son tems,
-qu'on se devoit rendre vieil de bonne heure, afin de l'estre longtems,
-ce qui semble donner de l'avantage à l'âge avancé sur celui qui l'a
-précédé; il est pourtant vrai que ses devanciers et ceux qui ont vescu
-depuis luy, se sont déclarez pour le proverbe contre le sentiment de
-Caton. J'avoue que la jeunesse a des emportemens qu'on ne sçauroit assez
-condamner, ce qui a fait qu'Aristote n'a pas feint d'escrire[14], que
-contrevenant au précepte du sage Chilon, les jeunes gens font toutes
-choses avec excès, _omnia nimis agunt_. La modération des vieillards a
-quelque avantage pour ce regard, quoique Saint Basile[15] ait prononcé
-contre elle, qu'elle estoit plutost une impuissance de continuer les
-désordres de la jeunesse, qu'une vraie tempérance: _Temperantia in
-senectute, non temperantia est, sed lasciviendi impotentia_. C'est une
-triste chose d'avoir recours à la Fable, pour dire que les Cygnes blancs
-qui tirent le char de Vénus, signifient qu'elle n'est pas ennemie des
-testes blanches, qui peuvent encore se faire agréer. On dit de mesme à
-l'avantage des femmes qui sont avancées dans l'âge, qu'il y a des
-animaux qui mesprisent les jeunes femelles, et leur préfèrent les
-vieilles. Aristote l'asseure en ces termes[16]: _Arietes primum
-vetustiores oves ineunt, novellas enim minus persequuntur._ Pour moi qui
-me suis assez déclaré là-dessus, devant que j'eusse passé la grande
-année climactérique, je fais peu de cas de toutes ces observations, et
-je trouve bien plus considérable la belle et élégante description que
-nous fait Juvénal, dans sa dixième Satyre, des imperfections de la
-vieillesse, qui me font souscrire au mot de Sénèque le Tragique,
-
- _Rarum est felix idemque senex_.
-
-L'honneur que beaucoup de Nations ont déféré au grand âge, a eu ses
-raisons: mais comme s'escrie Ausone sur cela,
-
- _Quid refert? Cornix an ideo ante Cygnum?_
-
-Les ténèbres sont plus anciennes que la lumière, qui voudroit les luy
-préférer pour cela? Je me suis trouvé il y a peu de jours avec un
-Macrobie si impertinent, qu'il me confirma dans l'opinion où j'ay
-toujours esté, qu'on peut retourner en enfance par caducité, et devenir
-comme celuy dont je parle, _Senex bis puer, ter fatuus, quater
-improbus_. D'ailleurs, il n'y a rien de plus misérable qu'un vieillard,
-qui n'a rien dont il se puisse vanter, que d'avoir esprouvé une
-infinité d'adversitez, et de s'estre veu comme il est encore, semblable
-à la Fourmi de Virgile,
-
- ... _Inopi metuens Formica senectæ_
-
-ce qui plonge dans une infâme avarice, parce que, selon le dire des
-Italiens, _quanto più l'uccello è vecchio, tanto più mal volontieri
-lascia la piuma_. Si le nom de Sénateurs a esté honorable à Rome à cause
-de leurs longues années, _quod seniores_; et si celuy de Seigneur en
-France procède d'une mesme origine, il ne faut pas laisser de tomber
-d'accord, qu'il n'y a que les belles actions, au cas que nous ayons esté
-assez heureux pour en produire, qui nous puissent rendre dans la
-vieillesse plus considérables que les jeunes gens. C'est le fondement de
-ce beau mot d'Ovide escrivant à Livia sur la mort du jeune Drusus son
-fils:
-
- _Acta senem faciunt, hæc numeranda tibi._
-
-Le reste qui accompagne nostre caducité, semble estre plutost digne de
-compassion qu'autrement.
-
-
-
-
-DIXIÈME SOLILOQUE
-
-
-Quoi qu'il en soit, nos jours estant comtez au Ciel de toute éternité,
-selon nostre plus commune croiance, je ne voy pas bien le fondement des
-honneurs qu'on rend à ceux qui ont veu rouler plus longtems sur leurs
-testes les sphères d'en-haut, que le reste des autres hommes, non plus
-que tout ce qui leur arrive; cela dépendant d'un mesme principe, sans
-qu'ils y aient pu rien contribuer.
-
- _Ventidius quid enim, quid Tullius, anne aliud quam Sidus, et
- occulti miranda potentia fati[17]?_
-
-Car toutes nos destinées, dont les Anciens ont tant parlé, dépendoient
-selon eux des corps supérieurs, et du différent aspect des Astres: ce
-qu'observent encore aujourd'huy nos faiseurs d'horoscopes, et tous ceux
-qui défèrent aveuglément à l'Astrologie Judiciaire. Or tout est si
-frivole, et si incertain dans cette prétendue science, que le nombre des
-Cieux n'y est pas constant, assez de Philosophes aiant présupposé que
-les Astres y estoient comme les oiseaux en l'air, et les poissons dans
-l'eau. Il n'y a eu que les Juifs qui aient bien asseuré qu'il y avoit
-dix Cieux, de sorte qu'en leur langue le Ciel n'a point de singulier, et
-n'est jamais emploié qu'au pluriel. Selon leurs Rabins les dix courtines
-du Tabernacle de leur temple, signifioient ces dix Cieux; et le passage
-du texte sacré, qui dit, _opera digitorum tuorum sunt coeli_, témoigne
-que nos deux mains n'aiant que dix doigts, le nombre des Cieux n'est ni
-moindre, ni plus grand que celui-là. Quant aux Astres, et aux Estoiles,
-Platon les establit dans son _Épinomis_ pour des Dieux visibles, ou du
-moins pour leurs images que nous devons respecter. L'ordre, selon luy,
-que les Planètes conservent entre elles, monstre qu'elles sont animées.
-Et Ovide, conformément à cette opinion commune, n'a pas manqué de mettre
-ces Animaux au Ciel dans le premier livre de ses Métamorphoses,
-
- _Neu regio foret ulla suis animalibus orba,
- Astra tenent coeleste solum, formæque Deorum_.
-
-Le Soleil estant le principal d'entre eux, Apollon estoit nommé [Grec:
-episkopos], ou surveillant, par les Grecs, comme il se peut voir dans
-Phornutus. Tant y a qu'à cause que les premiers Pères de l'Église
-déféroient plus à l'Escole de Platon qu'à celle des autres Philosophes,
-ils admettoient l'animation des Cieux, et des Estoiles; et l'on comte
-entre les erreurs d'Origène celle d'avoir creu ces mesmes Estoiles
-capables du vice et de la vertu. Y a-t-il un Art plus ridicule que celuy
-de la Judiciaire, quoiqu'aient pu faire ses suppos, qui ont toujours
-tasché de rendre leurs prédictions apparemment véritables par des
-interprétations qui font pitié à tous ceux qui en considèrent
-l'absurdité? J'en ai assez produit d'exemples dans quelques écrits
-imprimez, je veux seulement me remettre ici en mémoire celuy qui regarde
-le Poëte Eschile. On luy avoit prédit par l'inspection du Ciel qu'il
-mourroit de la cheute d'une maison, et l'on voulut que la Tortue qui
-porte toujours sa maison, et qui luy écrasa sa teste chauve, eust esté
-désignée par la prédiction. Comment l'Astrologie auroit-elle quelque
-chose de constant, et où l'on se doive arrester, puisque ses
-Professeurs se contrarient les uns les autres, et bastissent sur des
-fondemens différens? Le Père Semedo observe que les Chinois qui
-n'establissent que vingt-huit constellations, ont néansmoins un bien
-plus grand nombre d'Estoiles que nous n'en reconnoissons. Si est-ce que
-le Père Adam, Astrologue Roial, y fonde ses jugemens sur les mesmes
-aphorismes que suivent les Européens. Au fond si le mouvement de la
-Terre est présupposé, comme le Cardinal Nicolas de Cusa l'a établi[18],
-et quatre-vingts ans depuis luy Copernic, suivi d'une infinité d'autres;
-que pouvons-nous recueillir de toutes les maximes des Anciens, qui doive
-satisfaire un esprit solide au sujet dont nous parlons? Aussi
-voions-nous que les plus grands hommes se sont repentis d'avoir déféré
-à la vanité de cette profession. Cardan avoue[19] que la connoissance
-qu'il avoit de l'Astrologie, luy fut fort préjudiciable, parce qu'il
-croioit suivant ses plus constantes maximes, ne devoir pas vivre plus de
-quarante ans, et nous sçavons que sa vie a esté de soixante et quinze
-moins trois jours. Mathieu Paris fait un conte ridicule à ce propos de
-l'Empereur Fridéric second, qu'entesté de la vanité de cette science
-trompeuse, il s'abstint la première nuit de ses nopces de toucher sa
-femme Isabelle, fille d'Angleterre, que le matin ne fust venu, et cela
-par le conseil de quelques Astrologues, _donec competens hora ei ab
-Astrologis nunciaretur_. Et Scaliger le père escrit dans sa _Poétique_,
-que rien ne peut tant fortifier l'opinion impie d'Épicure touchant la
-création fortuite du monde par le concours et assemblage hazardeux des
-Atomes, que l'inégale et téméraire disposition des Astres sur nos
-testes, où ils ne font aucune figure ni arrangement qui semble
-raisonnable. Car les figures qu'on leur fait représenter sont toutes
-imaginaires, et à peine y voit-on un triangle assez imparfait sous le
-nom du Delta ou Deltoton, non plus que de ligne bien droite, si vous
-exceptez celle du baudrier d'Orion, qui multipliée sert à mesurer toute
-l'étendue du Ciel. Le Chancelier Bacon[20] a fait déjà cette remarque,
-et que rien ne se meut là-haut par des cercles parfaits. Le mespris ou
-j'ay toujours esté des prédictions Astrologiques, m'a transporté plus
-que je ne pensois, adjoustant ceci à ce que j'en ai escrit ailleurs.
-
-
-
-
-ONZIÈME SOLILOQUE
-
-
-Ce peu que je viens d'observer touchant la Judiciaire me fait penser à
-l'opinion que les premiers Philosophes Grecs ont eue de Dieu, et de la
-Nature, qu'ils ont souvent confondus. Cicéron[21] tient que Straton de
-Lampsaque ne reconnoissoit que la dernière, puisqu'il n'y avoit point
-d'effets qu'il ne luy attribuast, sans en rapporter aucun à Dieu,
-_Lampsacenus Strato omnia effecta Naturæ, nulla Diis tribuebat_. Et
-mesme cet Orateur Romain appelle ailleurs[22] la raison naturelle, une
-loi divine et humaine: _Naturæ ratio, quæ est lex divina et humana_.
-Platon et Aristote ont eu d'autres pensées, et ce dernier remarque au
-sixième Livre de sa _Métaphysique_, qu'à n'admettre point d'autres
-substances que les matérielles, selon qu'en usoient ses devanciers, la
-Physique seroit la première Philosophie, et non pas celle qui suit et
-est au-delà, ce qui luy a fait donner le nom de Métaphysique. Mais en
-vérité les deux Mondes de Platon, l'un sensible, et l'autre intelligible
-où habite la Vérité, sont des viandes bien creuses; de mesme que les
-nombres qui composoient la Nature selon Pythagore. Les deux matières
-d'Aristote, l'une sensible aussi, et l'autre intelligible qui enveloppe
-les Mathématiques, ne sont pas moins chimériques à ceux qui veulent
-philosopher, aussi bien que naviger seurement, et toujours terre à
-terre, de peur de s'égarer. Ceux-là s'empescheront toujours d'employer
-dans la Physique des termes nouveaux et surnaturels, comme quelques-uns
-ont voulu faire depuis peu. Mais il y a des esprits qui croient n'avoir
-jamais bien rencontré, si contrariant les autres, ils ne suivent une
-route différente de la leur; semblables à l'Oiseau Merops qui vole au
-rebours des autres, avançant toujours vers sa queue: _Merops, avium
-sola, retrorsus ac versus caudam fertur_, dit Élien dans son histoire
-des animaux. Ainsi aux choses mesme d'aussi peu de conséquence, que
-celles dont nous venons de parler sont importantes, on ne trouve que
-diversité d'opinions. Pline veut que les Oiseaux nous aient enseigné
-l'usage du gouvernail d'un vaisseau. Sénèque et Possidonius l'attribuent
-aux Poissons dans le mouvement de leur queue. Et cette inclination
-naturelle à la nouveauté contentieuse, autant que d'autres raisons
-morales qu'on pourroit rapporter, ont engendré enfin l'animosité qui
-s'observe entre quelques Nations, dont je vais dire un mot après ceux
-qui l'ont observée devant moi. Il y a une antipathie physique, ce
-semble, entre l'Alleman et le Polonois, le Suédois et le Danois,
-l'Anglois et l'Escossois, le Galois ou habitant du païs de Gales, et
-l'Irlandois. Le Portugais ne s'accorde pas mieux avec le Castillan, non
-plus qu'autrefois le Parisien avec le Norman, et le Génois avec le
-Vénitien, ou l'Arragonois. Les Arabes sont toujours en différend avec
-les Abyssins, les Turcs avec les Persans, les Mogoles avec les Jusbegs,
-les Chinois avec les Japonois, les Moscovites avec les Tartares. Nos
-anciens Gaulois estoient si haïs des Romains, qu'ils n'exemtoient de la
-guerre leurs sacrificateurs, que quand il faloit aller au combat contre
-les Gaulois, _in Gallico tumultu_: ce que Plutarque a remarqué dans
-la vie de Camillus. Je laisse l'injustice des Historiens d'Italie contre
-nostre Nation, pour considérer simplement l'impertinence de Pétrarque,
-d'ailleurs fort à priser, quand il veut que la férocité seule de nos
-moeurs nous ait imposé le nom de François, _a feritate morum Francos
-dictos_. Mais quitons un sujet par trop odieux.
-
-
-
-
-DOUZIÈME SOLILOQUE
-
-
-Cette grande discordance des Nations fait voir entre autres choses,
-qu'il n'y a point, à le bien prendre, de communes notions parmi les
-hommes, qui pensent tous si diversement et avec une opiniastreté si
-voisine de la haine, que Théognis a eu raison d'appeller dès son tems
-l'Opinion un de nos plus grands maux,
-
- [Grec: Doxa men anthrôpousi kakon mega],
- _Opinio quidem hominibus magnum malum est_.
-
-Je ne sçai point de meilleure résolution à prendre là-dessus, que de
-suivre le conseil que Saint Paul donne à Timothée, [Grec: mê
-logomachein], de ne contester jamais avec des paroles ordinairement
-inutiles, et qu'il nomme fort bien [Grec: kenophônias], _inaniloquia_. A
-moins de déférer à cet avis salutaire, il n'y a rien de plus tumultueux
-que nostre vie, parce que tout ce que contient la Nature est sujet à
-controverse, qui s'étend mesme plus loin dans cette considération
-d'Aristote[23], _opinabile latius patere quam ens, quia et quod est, et
-quod non est, opinabile est_. Certes c'est une chose pitoiable de voir
-d'un oeil exemt de prévention, comme chacun prend les choses à sa mode,
-et comme il n'y a presque personne qui n'aime mieux reprendre Dieu, et
-la Nature, que de reconnoistre ingénuement l'ignorance où il est. J'use
-de cette pensée après Cicéron au livre cinquième de ses Questions
-Tusculanes, _rerum naturam, quam errorem nostrum damnare malumus_. Mais
-quoi, il vaut mieux imiter là-dessus Démocrite, qu'Héraclite, si nous en
-croions Sénèque[24], à cause que selon luy _humanius est deridere vitam,
-quam deplorare_; bien qu'il avoue qu'on se peut plus à propos abstenir
-de l'un et de l'autre. Quoi qu'il en soit, la maxime qu'il establit
-ailleurs, de tenir toujours pour très-mauvais ce que le peuple approuve,
-nous est confirmée par le _tolle, tolle, crucifige_ des Juifs, qui
-montre bien que la voix du peuple n'est pas toujours la voix de Dieu; de
-sorte qu'il n'y a guères d'âmes philosophiques qui ne disent avec le
-mesme Sénèque[25], _argumentum pessimi turba est_. L'Orateur Romain que
-j'ai déjà cité, et que je citerai toujours très-volontiers en de
-semblables matières, tesmoigne encore ce sentiment en ces termes[26]:
-_Philosophia paucis est contenta judicibus, multitudinem consulto ipsa
-fugiens, eique ipsi et suspecta et invisa._ C'est une merveille que sa
-profession d'Éloquence, d'où il retiroit sa principale recommandation,
-luy ait permis de reconnoistre si franchement cette vérité, parce
-qu'elle paroist absolument contraire au bien-dire des Orateurs, qui est
-une faculté populaire, et qui ne vise qu'à obtenir l'approbation d'un
-grand nombre d'auditeurs. Ce qui m'étonne davantage, c'est que cela
-vienne de celuy qui avoit, dès le premier livre de ces _Questions
-Tusculanes_, voulu prouver l'existence des Dieux, et l'immortalité de
-nos Ames, par cette considération, qu'une opinion générale peut estre
-prise pour la propre voix de la Nature, _omnium consensus Naturæ vox
-est_, n'y aiant rien de plus opposé que le sont ces textes l'un à
-l'autre, par des axiomes tout-à-fait différens. Il ne faut pas néanmoins
-le blasmer là-dessus. Le changement d'avis, et la diversité d'opinion
-selon le sujet qu'on traite, n'est condamnable ni en luy, ni en tous
-ceux qui philosophant académiquement ne se rendent jamais esclaves de
-leurs premiers sentimens. Je veux me souvenir en sa faveur de ce que les
-Anciens faisoient Neptune, sous le nom du Dieu Consus, auteur de tous
-les bons avis. Or ils donnoient apparemment à entendre par là, que
-comme la Mer que ce Dieu gouvernoit, change de face à tous momens, il
-n'estoit pas honteux ni mauvais de prendre des avis différens, selon la
-diversité des tems et des sujets qui obligent à le faire.
-
-
-
-
-TREZIÈME SOLILOQUE
-
-
-Entre les choses dont la Noblesse et le Peuple sont le mieux d'accord,
-c'est d'amasser du bien si faire se peut, et de fuir la pauvreté. Les
-Philosophes[27] considèrent que la vertu ne s'acquiert pas avec les
-biens; mais qu'au contraire, c'est assez souvent la vertu qui nous fait
-obtenir des biens. Et pour le regard de la pauvreté, l'Ecclésiastique ne
-laisse rien à dire pour l'esviter, quand il asseure qu'il vaut mieux
-mourir, que d'y tomber: _Fili, in tempore viæ tuæ ne indigeas, melius
-est enim mori, quant indigere_. C'est pourquoi nous voions que tout le
-monde veut devenir riche en quelque manière que ce soit,
-
- _Unde habeat quærit nemo, sed oportet habere_.
-
-L'homme le plus vertueux, le mieux sensé, et de la plus haute
-extraction, s'il est mal vestu, et que ses habits soient percez au
-coude, n'oseroit parler en bonne compagnie, au péril qu'il courroit
-d'estre moqué au mesme tems qu'on applaudit aux discours impertinens
-d'un fat, qui a les rieurs de son costé, parce qu'il s'est richement
-paré.
-
- _Et genus, et virtus, nisi cum re vilior alga est_[28].
-
-Car cette Res des Latins qui se trouve dans l'opulance, donne des amis
-et des fauteurs partout, _Res amicos invenit_, comme le fait si
-à-propos remarquer ce vieillard Antipho dans le _Stichon_ de Plaute[29].
-C'est ici un lieu trop commun parmi les sçavans, et trop facile à estre
-amplifié, pour s'y arrester davantage. Mais il n'a pas esté moins aisé,
-à ceux qui l'ont voulu contredire, de prendre le parti, sinon d'une
-extrême indigence, au moins d'une tolérable et honneste pauvreté.
-_Culmen liberos tegit_, ont-ils dit après Sénèque, _sub marmore atque
-auro servitus habitat_. Un peu de nécessité aiguise l'esprit; elle a ses
-gaietez plus parfaites souvent, et plus fidelles, que ne les a
-l'abondance. Et Dieu soit loué qu'il y ait des jours dans la vie, où le
-riche porte envie à la condition du pauvre! En vérité quelqu'un n'a pas
-mal rencontré d'escrire, qu'on voit la pluspart des grands richars
-tenir dans leurs coffres le rachat des captifs, la liberté des
-prisonniers, la santé des malades, la joie des affligez, et la vie des
-languissans, sans qu'on puisse reprocher une telle malédiction à ceux
-que la Fortune a moins favorisez. Je me trompe de parler ainsi de cette
-Déesse aveugle. Le Bien, la Noblesse, et la Science mesme, sont des dons
-du Ciel, qui les jette parfois, dit Epictète, comme l'on fait des noix
-et des figues aux enfans, sans qu'il faille se battre comme eux à qui en
-aura le plus, quoiqu'il soit permis de s'en prévaloir quand ils se
-présentent à vous, et qu'on le peut faire civilement. En effet le Chef
-des Gymnosophistes Mandanis ne pouvoit prononcer un plus bel axiome, que
-celuy que nous lisons de luy dans Strabon, qu'il n'y a point de maison
-plus à estimer, que celle qui se contente de peu, se passant de ce dont
-les autres abondent. Car on peut soustenir qu'il est mesme parfois
-avantageux, de diminuer ses richesses, pour devenir plus riche, et
-d'imiter le bon vigneron, qui coupe la vigne pour la faire mieux
-produire. La pensée de Pline est excellente là-dessus dans la Préface du
-quatorzième Livre de son _Histoire naturelle_, que les Sciences et les
-Arts Libéraux sont tombez de la liberté qui leur avoit donné le nom,
-dans la servitude, en ce qu'autrefois les plus accommodez des biens de
-Fortune, se plaisoient à cultiver leurs esprits, chose que l'opulence a
-depuis empeschée, _rerum amplitudo damno fuit_. Car il est arrivé que
-les hommes seuls qui se sont veus réduits à la pauvreté et à la
-servitude, ont fait valoir les Arts et les Sciences, parce qu'ils
-n'avoient que ce seul moyen pour se faire considérer, et pour subsister:
-_Quadam sterilitate fortunæ necesse erat animi bona exercere._ C'est
-ainsi que parle Pline, et qu'on balance toutes choses.
-
- * * * * *
-
-_Rogatus Antisthenes quidnam ex philosophia lucratus esset, mecum, ait,
-colloqui posse_, [Grec: to dynastai heautô homilein].
-
- * * * * *
-
-_Qui plura novit, eum majora sequuntur dubia._ Arist.
-
-
-
-
-_Extrait du Privilége_
-
-
-PAR Lettres de Privilége du Roy, en datte du 9 Mars 1651, signées
-CONRART, il est permis à Monsieur DE LA MOTHE LE VAYER, Conseiller du
-Roy en ses Conseils, de faire imprimer, vendre, et débiter _tous les
-Traitez_, _Lettres_, _Opuscules_, _et autres pièces de sa composition_,
-par tel Imprimeur ou Libraire qu'il voudra choisir, conjointement ou
-séparément, en un ou plusieurs volumes, en telles marges, en tels
-caractères, et autant de fois que bon luy semblera, durant l'espace de
-vingt ans: Et défenses sont faites à toutes personnes, d'imprimer,
-vendre, ni débiter aucun de ces Traitez, et Opuscules, sans son
-consentement, ou de ceux qui auront droit de luy, sur peine de trois
-mille livres d'amende, et autre plus grande, ainsi qu'il est plus
-amplement spécifié par lesdites Lettres.
-
-
-
-
- _Achevé d'imprimer_
-
- SUR LES PRESSES DE MOTTEROZ
-
- TYPOGRAPHE
-
- A PARIS, RUE DU DRAGON, 31
-
-
- _Le 29 Janvier 1875_
-
-
-
-
-NOTES:
-
-[1] Paris, _Louis Billaine, 1670_, petit in-12.
-
-[2] Page 8.
-
-[3] Ep. I. C. 2.
-
-[4] L. I. ode 34.
-
-[5] In defensorio, C. 27. circa fin.
-
-[6] Act. 2. SC. 26.
-
-[7] Baron. tom. II.
-
-[8] Ep. 88.
-
-[9] Ep. 2. C. I.
-
-[10] Prov. C. 13. et 17.
-
-[11] Fast. l. I.
-
-[12] Sen. ep. ult.
-
-[13] Cic. lib. de Senect.
-
-[14] Rhet. l. 2. v. 12.
-
-[15] Conc. 8. de Poen.
-
-[16] De hist. anim. l. 5. C. 14.
-
-[17] Juven. sat. 7.
-
-[18] _De docta ignor._ l. 2. C. 12.
-
-[19] Lib. _de Vita propria_, C. 10.
-
-[20] De augm. scient. p. 166.
-
-[21] _Qu. Academ._ l. 4.
-
-[22] _De Offic._ l. 3.
-
-[23] _Top._ l. 4. C. 15.
-
-[24] _De Tranq._ I. C. 15.
-
-[25] _De vita beata_, C. 2.
-
-[26] _Tusc. qu._ l. 2.
-
-[27] _Arist. Polit._ l. 7. C. I.
-
-[28] Horat. l. I. Sat. 6.
-
-[29] Act. 4. SC. I.
-
-
-
-
-Note de Transcription:
-
-Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
-L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Soliloques sceptiques, by
-François de La Mothe Le Vayer
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK SOLILOQUES SCEPTIQUES ***
-
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-and the Foundation information page at www.gutenberg.org
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-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
-Foundation
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-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
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@@ -3,10 +3,10 @@
<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" xml:lang="fr" lang="fr">
<head>
- <meta http-equiv="Content-Type" content="text/html;charset=iso-8859-1" />
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- The Project Gutenberg eBook of Soliloques Sceptiques, by François de La Mothe Le Vayer.
+ The Project Gutenberg eBook of Soliloques Sceptiques, by François de La Mothe Le Vayer.
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<body>
-
-
-<pre>
-
-Project Gutenberg's Soliloques sceptiques, by François de La Mothe Le Vayer
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
-almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
-re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
-with this eBook or online at www.gutenberg.org
-
-
-Title: Soliloques sceptiques
-
-Author: François de La Mothe Le Vayer
-
-Editor: Isidore Liseux
-
-Release Date: August 30, 2012 [EBook #40625]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK SOLILOQUES SCEPTIQUES ***
-
-
-
-
-Produced by Laurent Vogel, Eleni Christofaki and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-book was produced from scanned images of public domain
-material from the Google Print project.)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
-
+<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 40625 ***</div>
<h1><span class="big">
SOLILOQUES</span><br />
@@ -150,7 +110,7 @@ SCEPTIQUES</h1>
<p class="center">par</p>
<p class="title"><span class="big">LA MOTHE LE VAYER</span>,</p>
-<p class="center"><i>Réimprimé sur l'édition unique</i><br />
+<p class="center"><i>Réimprimé sur l'édition unique</i><br />
<i>de 1670</i></p>
<div class="figcenter">
<img src="images/illu-003a.jpg" width="200" height="285" alt="scientia duce" title="scientia duce" />
@@ -166,39 +126,39 @@ SCEPTIQUES</h1>
<p>Ce petit ouvrage ne se trouve pas dans
les collections des &#338;uvres de La Mothe
Le Vayer, notamment dans celle de 1669
-(15 vol. in-12); il ne fut publié que l'année
-suivante<a name="FNanchor_1_1" id="FNanchor_1_1"></a><a href="#Footnote_1_1" class="fnanchor">[1]</a>, en même temps que l'<i>Hexaméron
-rustique</i>, également exclu de ces
+(15 vol. in-12); il ne fut publié que l'année
+suivante<a name="FNanchor_1_1" id="FNanchor_1_1"></a><a href="#Footnote_1_1" class="fnanchor">[1]</a>, en même temps que l'<i>Hexaméron
+rustique</i>, également exclu de ces
collections. L'auteur avait alors 82 ans.</p>
-<p>C'était un sage à la manière antique, et
+<p>C'était un sage à la manière antique, et
nous ne pouvions mieux choisir que ces
-pages pour donner une idée de sa philosophie.
+pages pour donner une idée de sa philosophie.
Elles montrent comment le scepticisme
-absolu en toutes matières, religions,
-morale, esthétique, histoire, se concilie
-aisément avec la soumission aux mystères
-du Christianisme. Il n'y a, pour cela, qu'à
-être de son temps et de son pays. On a un
+absolu en toutes matières, religions,
+morale, esthétique, histoire, se concilie
+aisément avec la soumission aux mystères
+du Christianisme. Il n'y a, pour cela, qu'à
+être de son temps et de son pays. On a un
<span class="pagenum"><a name="Page_vi" id="Page_vi">vi</a></span>salon rempli d'idoles en or, en marbre,
-en plâtre: au milieu, ce «grand Dieu
-pendu» dont parle Bossuet. Livré aux
-seules lumières de la science, on hésite:
+en plâtre: au milieu, ce «grand Dieu
+pendu» dont parle Bossuet. Livré aux
+seules lumières de la science, on hésite:
l'embarras est grand, le choix difficile;
mais, encore une fois, on est de son
-époque, et l'on se fait pardonner ses doutes
-en déclarant, avec Saint Paul, qu'on ne
-sait rien, «sinon Jésus-Christ crucifié»<a name="FNanchor_2_2" id="FNanchor_2_2"></a><a href="#Footnote_2_2" class="fnanchor">[2]</a>.</p>
+époque, et l'on se fait pardonner ses doutes
+en déclarant, avec Saint Paul, qu'on ne
+sait rien, «sinon Jésus-Christ crucifié»<a name="FNanchor_2_2" id="FNanchor_2_2"></a><a href="#Footnote_2_2" class="fnanchor">[2]</a>.</p>
-<p>Ainsi l'on vit, tranquille et honoré, l'espace
+<p>Ainsi l'on vit, tranquille et honoré, l'espace
de quatre-vingt-quatre ans; ainsi l'on
-est précepteur de Louis XIV, et, plus heureux
+est précepteur de Louis XIV, et, plus heureux
que certain philosophe de nos jours,
-on a pour collègues à l'Académie Française
-des évêques, Bossuet lui-même, qui ne
-s'offensent pas de collaborer avec vous à
+on a pour collègues à l'Académie Française
+des évêques, Bossuet lui-même, qui ne
+s'offensent pas de collaborer avec vous à
un dictionnaire, parce que vous avez l'audace
-de penser et d'écrire librement.</p>
+de penser et d'écrire librement.</p>
<p class="right">
I. L.</p>
@@ -218,78 +178,78 @@ width="126" height="128" alt="N" title="N" />
<i>e vous estonnez pas que je me serve
du mot de Soliloques, peu connu
dans nostre langue; il ne l'est
-guères davantage dans la Latine où Saint
-Augustin l'a emploié; et tous ceux qui ont
-traduit ses &#339;uvres en François, n'ont pas
-fait difficulté de le retenir: c'est un entretien
+guères davantage dans la Latine où Saint
+Augustin l'a emploié; et tous ceux qui ont
+traduit ses &#339;uvres en François, n'ont pas
+fait difficulté de le retenir: c'est un entretien
secret avec soi-mesme, qui respond aucunement
-<span class="pagenum"><a name="Page_viii" id="Page_viii">viii</a></span>aux à parte si fréquens sur le
-Théâtre des Italiens, et que le nostre, aussi
+<span class="pagenum"><a name="Page_viii" id="Page_viii">viii</a></span>aux à parte si fréquens sur le
+Théâtre des Italiens, et que le nostre, aussi
bien que celui des Espagnols, et des Anglais,
-n'ont pas rejetté. Je sçai bien qu'on les a
+n'ont pas rejetté. Je sçai bien qu'on les a
condamnez comme ridicules, veu le peu d'apparence
-qui se trouve à présupposer, qu'un
+qui se trouve à présupposer, qu'un
Acteur puisse prononcer tout bas, sans estre
-entendu de celui qui n'est qu'à deux pas de
+entendu de celui qui n'est qu'à deux pas de
lui, ce que tous les Auditeurs du parterre,
pour esloignez qu'ils soient, doivent entendre.
-Mais puisque tout ce que les Théâtres
-des Grecs et des Latins ont representé, aussi
+Mais puisque tout ce que les Théâtres
+des Grecs et des Latins ont representé, aussi
bien que les nostres par imitation, n'est que
fable, et une pure imposition ou mensonge;
pourquoi n'admettra-t-on pas une chose de
-si peu de conséquence, à cause qu'elle n'est
+si peu de conséquence, à cause qu'elle n'est
pas vraisemblable? On oblige bien les Spectateurs
-à prendre un chasteau de carte pour
+à prendre un chasteau de carte pour
l'Acrocorinthe, ou quelque autre forteresse
-semblable; et un petit coin du lieu où se
-joue la Comédie, pour tout le païs Attique.
-Pourquoi, encore un coup, feraient-ils difficulté
-de se laisser tromper par un</i> à parte,
-<span class="pagenum"><a name="Page_ix" id="Page_ix">ix</a></span><i>prononcé d'une voix contrainte, comme l'on
+semblable; et un petit coin du lieu où se
+joue la Comédie, pour tout le païs Attique.
+Pourquoi, encore un coup, feraient-ils difficulté
+de se laisser tromper par un</i> à parte,
+<span class="pagenum"><a name="Page_ix" id="Page_ix">ix</a></span><i>prononcé d'une voix contrainte, comme l'on
fait, nonobstant que cela choque les sens, de
-la façon que nous l'avons remarqué? En vérité
+la façon que nous l'avons remarqué? En vérité
l'apparence est moindre, et le raisonnement
-se trouve beaucoup plus offensé aux
-premières tromperies, et autres pareilles
-dont le Théâtre est continuellement rempli,
-qu'aux à parte qui sont rares, et qui ne
-durent qu'un moment. J'ai assez d'années
-pour escrire qu'autrefois ces façons de parler
-estoient en usage:</i> j'ai dit à part-moi, <i>et</i>
-il a dit à part-soi, <i>dont l'on ne se sert plus,
-et qui respondent aux à parte des Italiens.
+se trouve beaucoup plus offensé aux
+premières tromperies, et autres pareilles
+dont le Théâtre est continuellement rempli,
+qu'aux à parte qui sont rares, et qui ne
+durent qu'un moment. J'ai assez d'années
+pour escrire qu'autrefois ces façons de parler
+estoient en usage:</i> j'ai dit à part-moi, <i>et</i>
+il a dit à part-soi, <i>dont l'on ne se sert plus,
+et qui respondent aux à parte des Italiens.
Mais pour revenir aux Soliloques, il ne
-s'est pas trouvé moins de personnes qui les
-ont voulu généralement censurer, que de
+s'est pas trouvé moins de personnes qui les
+ont voulu généralement censurer, que de
celles dont nous venons de parler qui ont
-condamné les à parte; et les Italiens mesme,
-nonobstant la pratique de leur Théâtre,
-n'ont pas laissé de prononcer en commun
-proverbe</i> il parlar solo, è da pazzo, <i>comme
-s'il n'y avait que des fous qui parlassent à
+condamné les à parte; et les Italiens mesme,
+nonobstant la pratique de leur Théâtre,
+n'ont pas laissé de prononcer en commun
+proverbe</i> il parlar solo, è da pazzo, <i>comme
+s'il n'y avait que des fous qui parlassent à
eux-mesmes. Si est-ce que l'exemple des
<span class="pagenum"><a name="Page_x" id="Page_x">x</a></span>Pythagoriciens dans leurs entretiens secrets,
et leur examen journalier de conscience,
-que Sénèque pratiquoit tout les soirs
-à leur exemple, me font estre d'un avis bien
-différent. Ce grand Précepteur de la Morale
-de son siècle nous représente dans le sixième
-livre de la Cholère, qu'il addresse à Novatus,
-au chapitre trente-sixième, comme à
+que Sénèque pratiquoit tout les soirs
+à leur exemple, me font estre d'un avis bien
+différent. Ce grand Précepteur de la Morale
+de son siècle nous représente dans le sixième
+livre de la Cholère, qu'il addresse à Novatus,
+au chapitre trente-sixième, comme à
l'exemple du Philosophe Sextius, il s'interrogeoit
lui-mesme tous les soirs, et s'addressant
-à son âme, lui demandoit compte
-de ce qui s'estoit passé durant la journée:</i>
+à son âme, lui demandoit compte
+de ce qui s'estoit passé durant la journée:</i>
quotidie, <i>dit-il</i>, apud me causam dico;
<i>repassant sur ses fautes dans le secret du
-lict, que sa femme Pauline faite à ce mystère
+lict, que sa femme Pauline faite à ce mystère
ne troubloit jamais: il ne se les pardonnoit
-qu'à la charge de n'y plus retomber,
-et se prononçoit, en forme de jugement, ces
+qu'à la charge de n'y plus retomber,
+et se prononçoit, en forme de jugement, ces
propres termes:</i> Vide ne istud amplius
facias, nunc tibi ignosco. <i>De tels Soliloques,
-et ceux du Docteur de la Grâce, m'empescheront
+et ceux du Docteur de la Grâce, m'empescheront
bien de les condamner, comme
plusieurs ont fait. Mais puisqu'il n'y a
<span class="pagenum"><a name="Page_xi" id="Page_xi">xi</a></span>rien de plus naturel, ni aussi de plus ordinaire
@@ -309,66 +269,66 @@ qu'on excuse les nostres.</i></p>
<h2>PREMIER SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
<p class="noi"><img src="images/013letter.jpg" class="floatl"
-width="117" height="133" alt="L" title="L" /><span class="hidden">L</span>e plus important précepte de
-la science, est de sçavoir qu'il
-y a des choses qui ne méritent pas
+width="117" height="133" alt="L" title="L" /><span class="hidden">L</span>e plus important précepte de
+la science, est de sçavoir qu'il
+y a des choses qui ne méritent pas
d'estre sceues; ce que Quintilien a dit
-particulièrement de quelques notions
+particulièrement de quelques notions
grammaticales. Mais il y en a d'autres
qu'on peut dire estre absolument
-hors de la portée de nostre esprit,
-qui est trop profondément plongé
-dans la matière, pour bien reconnoistre
-<span class="pagenum"><a name="Page_2" id="Page_2">2</a></span>ce qui en est dégagé. Cependant
+hors de la portée de nostre esprit,
+qui est trop profondément plongé
+dans la matière, pour bien reconnoistre
+<span class="pagenum"><a name="Page_2" id="Page_2">2</a></span>ce qui en est dégagé. Cependant
c'est une des principales, et des
plus ordinaires maladies de l'homme,
-d'estre travaillé d'une curiosité inquiète
+d'estre travaillé d'une curiosité inquiète
pour des choses qu'il ne peut
-sçavoir, et qu'il lui est vraisemblablement
+sçavoir, et qu'il lui est vraisemblablement
plus avantageux d'ignorer, que
d'en prendre connoissance, puisque
-Dieu a limité la sphère d'activité de
-son âme, qui ne peut pas pénétrer
-jusques-là. Ainsi l'on peut soustenir
-que c'est une espèce d'intempérance
-très-pernicieuse, de vouloir sçavoir
+Dieu a limité la sphère d'activité de
+son âme, qui ne peut pas pénétrer
+jusques-là. Ainsi l'on peut soustenir
+que c'est une espèce d'intempérance
+très-pernicieuse, de vouloir sçavoir
plus qu'il ne faut, et que le Ciel ne
nous le permet, <i>plus velle scire
-quant sit satis, intemperantiæ genus
+quant sit satis, intemperantiæ genus
est</i>, comme un Payen mesme l'a reconnu.
Saint Augustin rapporte au
-septième livre de la <i>Cité de Dieu</i> la
-mesme pensée expliquée par Varron
-en termes différens, quand ce sçavant
-Romain déclare que s'il parle des
-choses Divines, c'est à la façon de
-<span class="pagenum"><a name="Page_3" id="Page_3">3</a></span>Xénophanes Colophonien, qui protestoit
+septième livre de la <i>Cité de Dieu</i> la
+mesme pensée expliquée par Varron
+en termes différens, quand ce sçavant
+Romain déclare que s'il parle des
+choses Divines, c'est à la façon de
+<span class="pagenum"><a name="Page_3" id="Page_3">3</a></span>Xénophanes Colophonien, qui protestoit
que ce qu'il en escrivoit, n'estoit
pas pour le faire passer comme
une chose certaine, mais seulement
-comme une pensée douteuse qu'il en
-avoit; l'homme ne pouvant posséder
-là-dessus que des opinions incertaines,
-parce que la connoissance asseurée
-en est réservée à Dieu seul.
+comme une pensée douteuse qu'il en
+avoit; l'homme ne pouvant posséder
+là-dessus que des opinions incertaines,
+parce que la connoissance asseurée
+en est réservée à Dieu seul.
<i>Quid putem, non quid contendam,
-ponam; hominis enim est hæc opinari,
+ponam; hominis enim est hæc opinari,
Dei scire.</i> Cela me fait remarquer
avec estime la prudence du
-Mofti des Turcs, qui est à peu près
+Mofti des Turcs, qui est à peu près
parmi eux, et dans leur Religion, ce
qu'est parmi nous le souverain Pontife.
Il ne rend jamais de jugement
-sur ce qui lui est proposé, et ne prononce
+sur ce qui lui est proposé, et ne prononce
point sa sentence, qui s'appelle
-en sa langue <i>Festa</i>, sans adjouter à
-la fin: <i>Dieu le sçait mieux</i>. Certes,
-tout bien considéré, je me confirme
-dans cette doctrine, que hors les véritez
-<span class="pagenum"><a name="Page_4" id="Page_4">4</a></span>révélées d'en-haut, et que la
+en sa langue <i>Festa</i>, sans adjouter à
+la fin: <i>Dieu le sçait mieux</i>. Certes,
+tout bien considéré, je me confirme
+dans cette doctrine, que hors les véritez
+<span class="pagenum"><a name="Page_4" id="Page_4">4</a></span>révélées d'en-haut, et que la
vraie Religion nous enseigne, l'on
-peut sans crime demeurer irrésolu,
-et sans rien déterminer sur tout le
+peut sans crime demeurer irrésolu,
+et sans rien déterminer sur tout le
reste. Je vois tous les hommes ainsi
faits, qu'ils se moquent, en suivant
leurs fantaisies, les uns des autres, au
@@ -386,18 +346,18 @@ parle cet Italien.</p>
<hr class="first" />
<h2>SECOND SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
-<p>J'avoue que le désir d'apprendre et
-de sçavoir est naturel à l'homme,
+<p>J'avoue que le désir d'apprendre et
+de sçavoir est naturel à l'homme,
<span class="pagenum"><a name="Page_5" id="Page_5">5</a></span><i>omnes homines scire desiderant</i>, dit
le maistre de l'Eschole. Mais j'adjouste
-à cet axiôme, que ce mesme
-désir ne nous distingue pas moins des
+à cet axiôme, que ce mesme
+désir ne nous distingue pas moins des
autres animaux, que la raison, dont
-nous faisons nostre préciput; lorsque
+nous faisons nostre préciput; lorsque
nous les nommons tous desraisonnables,
comme s'il n'y avoit que
l'homme qui sceust bien discourir, et
-tirer de bonnes et raisonnables conséquences.
+tirer de bonnes et raisonnables conséquences.
Si est-ce que ceux qui ont
pris la pene d'observer ces mesmes
animaux, ont apperceu en beaucoup
@@ -405,168 +365,168 @@ d'entre eux des estincelles d'une raison
que nous avons voulu nommer
imparfaite, bien que Galien, et assez
d'autres Philosophes n'aient pas fait
-difficulté de prononcer, qu'elle ne
-diffère de la nostre que selon le plus
+difficulté de prononcer, qu'elle ne
+diffère de la nostre que selon le plus
et le moins, qui par la doctrine des
-Colléges ne change point l'espèce,
+Colléges ne change point l'espèce,
<i>plus et minus non mutant speciem</i>.
-Il n'en est pas de mesme de ce désir
+Il n'en est pas de mesme de ce désir
<span class="pagenum"><a name="Page_6" id="Page_6">6</a></span>ardent de s'instruire, tout particulier
-à l'homme; sans qu'il se remarque
-aucun véritable signe d'une pareille
+à l'homme; sans qu'il se remarque
+aucun véritable signe d'une pareille
envie aux animaux. Au lieu donc de
-définir l'homme un animal raisonnable,
-je trouverois moins d'inconvénient
-à le nommer un animal désireux
-de sçavoir, et je penserois former
-par ces termes une plus juste définition.
+définir l'homme un animal raisonnable,
+je trouverois moins d'inconvénient
+à le nommer un animal désireux
+de sçavoir, et je penserois former
+par ces termes une plus juste définition.
Mais si la Nature n'imprime
-point dans nos âmes de vains désirs,
-et qui ne puissent réussir, comme
+point dans nos âmes de vains désirs,
+et qui ne puissent réussir, comme
quelques-uns l'ont soustenu, il s'ensuivroit
que la science nous seroit
comme naturelle, et que nous pourrions
-tous l'acquérir; ce qui n'est
+tous l'acquérir; ce qui n'est
peut-estre pas vrai, l'ignorance, selon
-beaucoup des plus ingénus Philosophes,
+beaucoup des plus ingénus Philosophes,
paroissant estre bien plutost de
-l'appennage de nostre humanité, que
+l'appennage de nostre humanité, que
la science, comme je m'en suis souvent
-assez expliqué ailleurs. En vérité,
-si nous y prenons garde de près, et
+assez expliqué ailleurs. En vérité,
+si nous y prenons garde de près, et
<span class="pagenum"><a name="Page_7" id="Page_7">7</a></span>si nous voulons reconnoistre franchement
ce qui en est, l'homme n'est
-pas capable de sçavoir la raison d'autre
-chose, que de ce qu'il exécute à sa
+pas capable de sçavoir la raison d'autre
+chose, que de ce qu'il exécute à sa
mode, ni comprendre d'autres sciences,
que celles dont il fait soi-mesme
les principes; ce qui se peut facilement
-prouver en considérant de bonne
-sorte les Mathématiques. O la belle
-maxime d'État, qui fait, ce semble,
+prouver en considérant de bonne
+sorte les Mathématiques. O la belle
+maxime d'État, qui fait, ce semble,
subsister cette grande Monarchie de
Moscovie! d'estre dans l'ignorance de
ce que nous appellons les belles lettres,
selon que toutes les relations qui
en parlent le font voir. Hors ce que
-l'auteur de nostre estre nous a révélé,
-et que la Foi Chrétienne nous oblige
-de tenir pour très-certain, il n'y a
+l'auteur de nostre estre nous a révélé,
+et que la Foi Chrétienne nous oblige
+de tenir pour très-certain, il n'y a
rien que l'esprit humain ne rende
-douteux et problématique. C'est ce qui
-a fait dire si excellemment à Saint
-Paul écrivant aux Corinthiens<a name="FNanchor_3_3" id="FNanchor_3_3"></a><a href="#Footnote_3_3" class="fnanchor">[3]</a>,
-<span class="pagenum"><a name="Page_8" id="Page_8">8</a></span>qu'il ne sçavoit rien sinon JÉSUS-CHRIST
-crucifié.</p>
+douteux et problématique. C'est ce qui
+a fait dire si excellemment à Saint
+Paul écrivant aux Corinthiens<a name="FNanchor_3_3" id="FNanchor_3_3"></a><a href="#Footnote_3_3" class="fnanchor">[3]</a>,
+<span class="pagenum"><a name="Page_8" id="Page_8">8</a></span>qu'il ne sçavoit rien sinon JÉSUS-CHRIST
+crucifié.</p>
<p class="bb">&nbsp;</p>
<hr class="first" />
-<h2>TROISIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>TROISIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
<p>Je ne puis que je n'approuve beaucoup
-l'interprétation mystérieuse de
-quelques Pères, qui ont pris ce que
-rapporte Ezéchiel de certaines eaux
-qu'on passe aisément lorsqu'on n'en
+l'interprétation mystérieuse de
+quelques Pères, qui ont pris ce que
+rapporte Ezéchiel de certaines eaux
+qu'on passe aisément lorsqu'on n'en
a que jusques aux talons, et mesme
que jusques aux genous et jusques
aux reins; mais qu'il n'est pas possible
de traverser sans se perdre, si
-l'on pense pénétrer plus avant. Ils
-croient que le Prophète veut signifier
+l'on pense pénétrer plus avant. Ils
+croient que le Prophète veut signifier
ce qui arrive aux personnes curieuses
-et téméraires, qui peuvent
+et téméraires, qui peuvent
bien prendre quelque connoissance
<span class="pagenum"><a name="Page_9" id="Page_9">9</a></span>d'abord des choses humaines, et
-mesme pénétrer jusques à de certaines
+mesme pénétrer jusques à de certaines
petites notions des Divines; mais
qui se perdent indubitablement, s'ils
pensent aller plus avant, et s'informer
-également de celles que Dieu a mises
-au-dessus de la capacité de nostre esprit,
-<i>hæc nos Deus mirari voluit,
-scire noluit</i>. C'est-là qu'il faut dire
+également de celles que Dieu a mises
+au-dessus de la capacité de nostre esprit,
+<i>hæc nos Deus mirari voluit,
+scire noluit</i>. C'est-là qu'il faut dire
ce que les Turcs prononcent sur tout
ce qui leur paroist douteux, <i>Allah
-bilut</i>, Dieu le sçait. Nostre raison qui
+bilut</i>, Dieu le sçait. Nostre raison qui
nous rend si glorieux, est enfin contrainte
d'avouer dans sa plus haute
-élévation, qu'il y a une infinité de
+élévation, qu'il y a une infinité de
choses qui la surpassent, et qu'il n'y a
-rien de si conforme à elle-mesme, si
-elle est juste et bien réglée, que de
-désavouer ses plus subtils discours
-en tout ce qui concerne la Foi, où
-elle ne sçauroit trop s'humilier, ni
+rien de si conforme à elle-mesme, si
+elle est juste et bien réglée, que de
+désavouer ses plus subtils discours
+en tout ce qui concerne la Foi, où
+elle ne sçauroit trop s'humilier, ni
trop reconnoistre sa foiblesse, ou,
pour mieux dire, son aveuglement.
<span class="pagenum"><a name="Page_10" id="Page_10">10</a></span>Certes, Saint Augustin a eu grand
-sujet d'escrire dans la <i>Cité de Dieu</i>,
-qu'à l'égard de la Morale mesme, il
-valoit beaucoup mieux tenir ses préceptes
+sujet d'escrire dans la <i>Cité de Dieu</i>,
+qu'à l'égard de la Morale mesme, il
+valoit beaucoup mieux tenir ses préceptes
de la Foi, que de nostre raison
humaine, qui varie sans cesse, et
qui n'est constante que dans son inconstance.
-Elle ne peut faire ses opérations,
+Elle ne peut faire ses opérations,
qu'elle ne s'appuie sur ce
-que nos sens lui suggèrent; et nous
+que nos sens lui suggèrent; et nous
sommes enfin contraints d'avouer que
ces mesmes sens, et nostre raison,
-s'entre-abusent à qui mieux mieux.
+s'entre-abusent à qui mieux mieux.
En voulez-vous une plus forte preuve,
-que de considérer comme ce qui est
-juste et approuvé en France, est réputé
-mauvais et improuvé, je ne dirai
-pas, à la Chine, ni au Japon, mais
+que de considérer comme ce qui est
+juste et approuvé en France, est réputé
+mauvais et improuvé, je ne dirai
+pas, à la Chine, ni au Japon, mais
parmi nos plus proches voisins?
Estrange et ridicule Morale, que les
-Alpes et les Pyrénées diversifient, ou
+Alpes et les Pyrénées diversifient, ou
un filet d'eau, tel que celui qui nous
-sépare de l'Angleterre, et celui qui divise
+sépare de l'Angleterre, et celui qui divise
<span class="pagenum"><a name="Page_11" id="Page_11">11</a></span>l'Espagne d'une Province d'Afrique
-qui lui est opposée!</p>
+qui lui est opposée!</p>
<p class="bb">&nbsp;</p>
<hr class="first" />
-<h2>QUATRIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>QUATRIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
<p>Il n'y a personne qui ne ressente je
-ne sçai quoi de pénible dans son esprit,
-lorsqu'il commence à raisonner
-sur les choses du Ciel, où il ne trouve
+ne sçai quoi de pénible dans son esprit,
+lorsqu'il commence à raisonner
+sur les choses du Ciel, où il ne trouve
pas que sa Logique et ses principes
s'accordent avec ce qu'il avoit receu
-pour bon aveuglement jusques-là,
+pour bon aveuglement jusques-là,
sans rien examiner. Horace exprime
cela dans une de ses Odes<a name="FNanchor_4_4" id="FNanchor_4_4"></a><a href="#Footnote_4_4" class="fnanchor">[4]</a> en ces
termes:</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
<span class="i0"><i>Parcus Deorum cultor et infrequens,</i><br /></span>
-<span class="i0"><i>Insanientis dum sapientiæ</i><br /></span>
+<span class="i0"><i>Insanientis dum sapientiæ</i><br /></span>
<span class="i2"><i>Consultus erro, nunc retrorsum</i><br /></span>
<span class="i3"><i>Vela dare, atque iterare cursus</i><br /></span>
<span class="i0"><i>Cogor relictos.</i><br /></span>
</div></div>
-<p><span class="pagenum"><a name="Page_12" id="Page_12">12</a></span></p><p>La secte de Démocrite, la Cyrénaïque,
-et celle d'Épicure, lui avoient
-donné de mauvaises opinions de la
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_12" id="Page_12">12</a></span></p><p>La secte de Démocrite, la Cyrénaïque,
+et celle d'Épicure, lui avoient
+donné de mauvaises opinions de la
Providence, comme si les choses
-d'ici-bas estoient indifférentes à Dieu,
-parce qu'elles paroissoient à ces philosophes
+d'ici-bas estoient indifférentes à Dieu,
+parce qu'elles paroissoient à ces philosophes
indignes de son occupation.
-La syndérèse et un remors de conscience
-fait qu'Horace nomme à bon
-droit cette pensée <i>insanientem sapientiam</i>,
-une folle sagesse. Et Lucrèce,
-plus ancien que lui, appréhendoit
+La syndérèse et un remors de conscience
+fait qu'Horace nomme à bon
+droit cette pensée <i>insanientem sapientiam</i>,
+une folle sagesse. Et Lucrèce,
+plus ancien que lui, appréhendoit
de parler mal des choses divines,
sur ces mesmes fondemens contraires
-à toute sorte de Religions: ce qui lui
-fait dire à son Lecteur:</p>
+à toute sorte de Religions: ce qui lui
+fait dire à son Lecteur:</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
<span class="i0"><i>Illud in his rebus vereor ne forte rearis</i><br /></span>
@@ -574,38 +534,38 @@ fait dire à son Lecteur:</p>
<span class="i0"><i>Endogredi sceleris.</i><br /></span>
</div></div>
-<p>Tout le monde est touché de cette
-crainte, si Dieu ne l'a tout-à-fait abandonné
-à un sens reprouvé. Il n'y a
+<p>Tout le monde est touché de cette
+crainte, si Dieu ne l'a tout-à-fait abandonné
+à un sens reprouvé. Il n'y a
que la Foi qui, dans la vraie Religion,
-<span class="pagenum"><a name="Page_13" id="Page_13">13</a></span>nous empesche de déférer aux
+<span class="pagenum"><a name="Page_13" id="Page_13">13</a></span>nous empesche de déférer aux
tentations que l'ennemi de nostre repos
-et de nostre salut nous suggère
+et de nostre salut nous suggère
sur ce qui regarde le Ciel. Il a bientost
-séduit les plus grossiers, parce
-que, selon le mot de l'Ecclésiastique,
-les simples se rendent aux premières
+séduit les plus grossiers, parce
+que, selon le mot de l'Ecclésiastique,
+les simples se rendent aux premières
apparences trompeuses d'un dangereux
-discours, et sont aussi faciles à
-persuader, qu'un enfant est aisément
+discours, et sont aussi faciles à
+persuader, qu'un enfant est aisément
fait pleurer: <i>a facie verbi parturit
fatuus, tanquam gemitus partus
infantis</i>. Certes l'on se doit bien
-garder de soumettre les véritez constantes
+garder de soumettre les véritez constantes
de la vraie Religion, qui nous
-ont esté révélées d'en-haut, au raisonnement
+ont esté révélées d'en-haut, au raisonnement
humain, parce que si vous
pensez accommoder la foi au discours
qu'on peut former sur ce qu'elle enseigne,
-chacun prétendra avoir droit
-d'en penser à sa mode, n'y aiant rien
+chacun prétendra avoir droit
+d'en penser à sa mode, n'y aiant rien
de si divers que l'esprit de l'homme;
et ainsi cette foi ne sera plus une
<span class="pagenum"><a name="Page_14" id="Page_14">14</a></span>comme elle doit estre. Il faut avaler
sans mascher ce qu'elle prescrit,
-comme une médecine salutaire qui
-guérit au dedans si on ne la rejette
-point, ce qui arrive à ceux qui la veulent
+comme une médecine salutaire qui
+guérit au dedans si on ne la rejette
+point, ce qui arrive à ceux qui la veulent
trop savourer. Si vous voulez
l'accorder de tout point avec les
sciences humaines, vous la ruinez absolument,
@@ -613,138 +573,138 @@ parce que selon le mot de
l'Eschole, <i>posita scientia tollitur
fides, sicut posita fruitione tollitur
spes</i>. En effet on ne croit pas les choses
-qu'on sçait, ce qui donna lieu à
-Pomponace de se délivrer des mains
-de l'Inquisition où il estoit, pour
+qu'on sçait, ce qui donna lieu à
+Pomponace de se délivrer des mains
+de l'Inquisition où il estoit, pour
avoir dit nettement dans sa chaire
de Professeur en Philosophie, qu'il
-ne croioit pas l'immortalité de l'âme.
+ne croioit pas l'immortalité de l'âme.
Ne pouvant pas nier d'avoir ainsi
-parlé, à cause qu'on lui produisoit
-des tesmoins irréprochables, il s'avisa
-d'interpréter son dire en l'avouant,
-avec cette solution, qu'il sçavoit et
-<span class="pagenum"><a name="Page_15" id="Page_15">15</a></span>enseignoit démonstrativement que
-nos âmes estoient immortelles; ce qui
+parlé, à cause qu'on lui produisoit
+des tesmoins irréprochables, il s'avisa
+d'interpréter son dire en l'avouant,
+avec cette solution, qu'il sçavoit et
+<span class="pagenum"><a name="Page_15" id="Page_15">15</a></span>enseignoit démonstrativement que
+nos âmes estoient immortelles; ce qui
faisoit qu'il ne tenoit pas cela de la
foi, par cette raison d'Albert le Grand,
-emploiée mesme par lui contre Augustinus
+emploiée mesme par lui contre Augustinus
Niphus<a name="FNanchor_5_5" id="FNanchor_5_5"></a><a href="#Footnote_5_5" class="fnanchor">[5]</a>, <i>quod credita
cum scitis non conveniunt, et principia
fidei cum principiis naturalibus</i>.
-Un serviteur nommé Chalinus
+Un serviteur nommé Chalinus
se sert de cette raison dans la <i>Cassine</i>
de Plaute<a name="FNanchor_6_6" id="FNanchor_6_6"></a><a href="#Footnote_6_6" class="fnanchor">[6]</a>, avec ces propres termes:
<i>At pol ego haud credo, sed
certo scio</i>; voulant dire qu'on ne
-croit pas les choses que l'on sçait.
-Aussi y a-t-il grande différence entre
-sçavoir, et croire, selon que Saint-Thomas
-définit ce dernier: <i>Credere
-est actus intellectus assentientis divinæ
+croit pas les choses que l'on sçait.
+Aussi y a-t-il grande différence entre
+sçavoir, et croire, selon que Saint-Thomas
+définit ce dernier: <i>Credere
+est actus intellectus assentientis divinæ
voluntati, ex imperio voluntatis
-a Deo motæ per gratiam</i>. La
-foi donc qui règle nostre créance, est
+a Deo motæ per gratiam</i>. La
+foi donc qui règle nostre créance, est
<span class="pagenum"><a name="Page_16" id="Page_16">16</a></span>tout autrement seure que la science
-humaine, où tout est incertain; d'où
-vient la détermination du Concile de
-Nicée<a name="FNanchor_7_7" id="FNanchor_7_7"></a><a href="#Footnote_7_7" class="fnanchor">[7]</a>, <i>Dubius in fide, infidelis
-est</i>. On ne sçauroit sans crime suspendre
-tant soit peu sa créance en ce
-qui touche la foi, ni révoquer en
+humaine, où tout est incertain; d'où
+vient la détermination du Concile de
+Nicée<a name="FNanchor_7_7" id="FNanchor_7_7"></a><a href="#Footnote_7_7" class="fnanchor">[7]</a>, <i>Dubius in fide, infidelis
+est</i>. On ne sçauroit sans crime suspendre
+tant soit peu sa créance en ce
+qui touche la foi, ni révoquer en
doute le moindre de ses articles sans
-pécher.</p>
+pécher.</p>
<p class="bb">&nbsp;</p>
<hr class="first" />
-<h2>CINQUIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>CINQUIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
-<p>Mais n'est-il point à craindre,
+<p>Mais n'est-il point à craindre,
qu'establissant ainsi le doute partout,
-excepté aux choses qui regardent nostre
-salut, et qui nous ont esté révélées
-d'en-haut selon que l'Église nous l'enseigne,
-toute la société civile n'en
+excepté aux choses qui regardent nostre
+salut, et qui nous ont esté révélées
+d'en-haut selon que l'Église nous l'enseigne,
+toute la société civile n'en
souffre beaucoup, parce que ne restant
<span class="pagenum"><a name="Page_17" id="Page_17">17</a></span>plus rien au surplus dans la nature
-que de problématique parmi les
-hommes, selon que leur esprit est ingénieux
-à défendre opiniastrément ce
-qu'il s'est une fois imaginé, ils vivront
-dans des contestations perpétuelles?
+que de problématique parmi les
+hommes, selon que leur esprit est ingénieux
+à défendre opiniastrément ce
+qu'il s'est une fois imaginé, ils vivront
+dans des contestations perpétuelles?
Car personne n'ignore le mot de Protagore,
-que tout peut estre disputé,
+que tout peut estre disputé,
<i>de omni re in utramque partem disputari
-posse ex æquo, et de hac ipsa,
+posse ex æquo, et de hac ipsa,
an omnis res in utramque partem
disputabilis sit</i>. Combien de grands
-personnages y a-t-il eu, que Sénèque
-nomme dans une de ses Épistres<a name="FNanchor_8_8" id="FNanchor_8_8"></a><a href="#Footnote_8_8" class="fnanchor">[8]</a>,
-qui ont esté du mesme sentiment, Nausiphane,
-Parménide, Zénon Élate,
-avec une infinité de sectes entières
-qu'il cite, dont l'Eschole présupposoit
+personnages y a-t-il eu, que Sénèque
+nomme dans une de ses Épistres<a name="FNanchor_8_8" id="FNanchor_8_8"></a><a href="#Footnote_8_8" class="fnanchor">[8]</a>,
+qui ont esté du mesme sentiment, Nausiphane,
+Parménide, Zénon Élate,
+avec une infinité de sectes entières
+qu'il cite, dont l'Eschole présupposoit
le mesme sentiment. Si l'on
dit que Platon, et assez d'autres excellens
-Philosophes ont esté d'une
+Philosophes ont esté d'une
opinion contraire, c'est ce qui peut
-<span class="pagenum"><a name="Page_18" id="Page_18">18</a></span>donner le plus d'inquiétude, s'il est
+<span class="pagenum"><a name="Page_18" id="Page_18">18</a></span>donner le plus d'inquiétude, s'il est
soustenable qu'on doive croire chacun
-en son art, puisqu'ils ont esté tous
-d'une mesme profession, qui alloit à
-rechercher curieusement la vérité. Outre
+en son art, puisqu'ils ont esté tous
+d'une mesme profession, qui alloit à
+rechercher curieusement la vérité. Outre
cela Aristote, le plus grand Dogmatique
de tous, et le plus affirmatif,
nie cette proposition au troisieme livre
-de ses <i>Politiques</i>, chapitre onzième,
-où il establit pour constant,
+de ses <i>Politiques</i>, chapitre onzième,
+où il establit pour constant,
qu'en toute sorte d'arts, ceux qui les
ignorent, jugent mieux de ce que ces
mesmes arts produisent, que les meilleurs
Artisans qui travaillent avec
toute sorte d'industrie. Ainsi, dit-il,
-un père de famille juge avec plus de
+un père de famille juge avec plus de
discernement de la disposition commode
d'une maison, que son Architecte.
Un Pilote reconnoist mieux si
le gouvernail de son vaisseau est bien
-fabriqué, que celui qui l'a fait. Et les
+fabriqué, que celui qui l'a fait. Et les
convives dans un festin portent meilleur
jugement de l'apprest des viandes
<span class="pagenum"><a name="Page_19" id="Page_19">19</a></span>qui s'y trouvent, que le Cuisinier qui
-les a assaisonnées. Il passe jusques-là
-que les Musiciens, ni les Poëtes ne
+les a assaisonnées. Il passe jusques-là
+que les Musiciens, ni les Poëtes ne
sont pas les plus capables juges de
leurs ouvrages. Ne tenons donc pas
pour indubitable, que chacun doive
-toujours estre cru, et prononcer définitivement
+toujours estre cru, et prononcer définitivement
dans sa profession.</p>
<p class="bb">&nbsp;</p>
<hr class="first" />
-<h2>SIXIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>SIXIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
-<p>L'opinion a esté fort bien nommée
-par Héraclite <span lang="el" title="Grec: hieran noson">&#7985;&#949;&#961;&#8048;&#957; &#957;&#8057;&#963;&#959;&#957;</span>, <i>sacrum
+<p>L'opinion a esté fort bien nommée
+par Héraclite <span lang="el" title="Grec: hieran noson">&#7985;&#949;&#961;&#8048;&#957; &#957;&#8057;&#963;&#959;&#957;</span>, <i>sacrum
morbum</i>; c'est une maladie populaire,
-une épilepsie qui mérite ce nom,
+une épilepsie qui mérite ce nom,
puisqu'elle occupe et infecte la plus
-noble et la plus sacrée partie de
-l'homme, qui est l'âme, <i>quod sanctissimam
+noble et la plus sacrée partie de
+l'homme, qui est l'âme, <i>quod sanctissimam
hominis partem, hoc est,
-animæ rationalis domicilium præcipue
+animæ rationalis domicilium præcipue
infestet</i>. Elle le fait avec tant
-<span class="pagenum"><a name="Page_20" id="Page_20">20</a></span>d'attachement et de fermeté, qu'elle a
-donné lieu au mot d'Opiniastreté, qui
+<span class="pagenum"><a name="Page_20" id="Page_20">20</a></span>d'attachement et de fermeté, qu'elle a
+donné lieu au mot d'Opiniastreté, qui
est un mal d'obstination presque insurmontable.
Mais il ne faut pas
croire, que sous cette appellation de
peuple, il n'y ait que la plus vile partie
des Communautez de comprise. Le
vulgaire, puisqu'on se sert encore de
-ce terme pour désigner des gens de la
+ce terme pour désigner des gens de la
plus basse estoffe, est souvent toute
autre chose que ce que l'on pense. La
pourpre, et le cordon bleu, en font
@@ -752,63 +712,63 @@ parfois partie, quoique ceux qui s'en
parent indignement, se croient estre
beaucoup au dessus. Tant y a que
quand la pluspart du monde a une fois
-épousé une opinion, pour absurde
+épousé une opinion, pour absurde
qu'elle soit, et que parlant comme l'on
-fait au delà des Alpes, <i>il Mondo è infinocchiato
-d'una opinione</i>, sa fausseté
-ne la fait guères quiter; au contraire
+fait au delà des Alpes, <i>il Mondo è infinocchiato
+d'una opinione</i>, sa fausseté
+ne la fait guères quiter; au contraire
l'on se roidit souvent d'autant
-plus à la maintenir, qu'elle est desraisonnable
-<span class="pagenum"><a name="Page_21" id="Page_21">21</a></span>et absolument opposée à la
-vérité, qui n'est ni escoutée ni comprise
+plus à la maintenir, qu'elle est desraisonnable
+<span class="pagenum"><a name="Page_21" id="Page_21">21</a></span>et absolument opposée à la
+vérité, qui n'est ni escoutée ni comprise
par la folle et ignorante multitude:
outre qu'on s'imagine qu'il y a
-plus d'adresse à maintenir le faux
-que le vrai. La pitié est que cet entestement
+plus d'adresse à maintenir le faux
+que le vrai. La pitié est que cet entestement
est fort contagieux, et qu'il
-fait trébucher les uns sur les autres
+fait trébucher les uns sur les autres
dans la foule ceux qui en sont touchez,
sans qu'ils sentent leur mal,
croiant toujours au contraire n'avoir
-que de très-bonnes pensées. Or ce
-n'est pas le moien de guérir leur infirmité
+que de très-bonnes pensées. Or ce
+n'est pas le moien de guérir leur infirmité
d'establir l'incertitude de toutes
choses, puisque s'il n'y a rien que
de douteux, ils sont excusables de ne
-quiter pas leurs fantaisies erronnées,
+quiter pas leurs fantaisies erronnées,
pour en prendre d'autres qui ne valent
pas mieux. Ainsi le meilleur
sera de laisser le monde en l'estat
-qu'il est, et de suivre le précepte que
-Saint Paul donne à Timothée<a name="FNanchor_9_9" id="FNanchor_9_9"></a><a href="#Footnote_9_9" class="fnanchor">[9]</a>, de
+qu'il est, et de suivre le précepte que
+Saint Paul donne à Timothée<a name="FNanchor_9_9" id="FNanchor_9_9"></a><a href="#Footnote_9_9" class="fnanchor">[9]</a>, de
<span class="pagenum"><a name="Page_22" id="Page_22">22</a></span>ne s'eschauffer point en des disputes
-fascheuses, <i>non contendere verbis</i>, <span lang="el" title="Grec: mê
+fascheuses, <i>non contendere verbis</i>, <span lang="el" title="Grec: mê
logomachein">&#956;&#8052; &#955;&#959;&#947;&#959;&#956;&#945;&#967;&#949;&#8150;&#957;</span>, comme estant une chose
inutile. Si vous croiez avoir raison
contre un antagoniste qui la mesprise,
-ou qui ne l'entend pas, cédez-lui la
+ou qui ne l'entend pas, cédez-lui la
victoire en riant, comme je l'ai veu
faire avec adresse, <i>porrige herbam,
-sed ut bestiæ</i>. En vérité celui-là avoit
+sed ut bestiæ</i>. En vérité celui-là avoit
quelque sujet, ce semble, de soustenir
que la raison estoit contre l'ordre
de nature, veu que les hommes raisonnables
ne lui paroissoient pas
moins rares, que les monstres. Quoi
qu'il en soit, la sentence d'Aristote
-n'est pas ici peu considérable, encore
+n'est pas ici peu considérable, encore
qu'il ne l'ait pas toujours suivie, <i>stultas
opiniones admodum destruere
stultissimum est</i>. Il faut pardonner
-avec mespris à des syncopes de raison,
-et des béveues spirituelles ou
-d'entendement, à qui les Grecs ont
-donné le nom de <span lang="el" title="Grec: parorama">&#960;&#945;&#961;&#8057;&#961;&#945;&#956;&#945;</span>, et que
+avec mespris à des syncopes de raison,
+et des béveues spirituelles ou
+d'entendement, à qui les Grecs ont
+donné le nom de <span lang="el" title="Grec: parorama">&#960;&#945;&#961;&#8057;&#961;&#945;&#956;&#945;</span>, et que
<span class="pagenum"><a name="Page_23" id="Page_23">23</a></span>nous remarquons parfois en ceux
avec qui nous contestons, soit de vive
-voix, soit par écrit, puisqu'en tout cas
-on ne sçauroit trop déférer à l'aphorisme
-de ce sçavant Père de l'Église,
+voix, soit par écrit, puisqu'en tout cas
+on ne sçauroit trop déférer à l'aphorisme
+de ce sçavant Père de l'Église,
<i>melius est dubitare de occultis
quam litigare de incertis</i>. Nous ne
nous repentirons jamais de nous y
@@ -816,42 +776,42 @@ estre tenus.</p>
<p class="bb">&nbsp;</p>
<hr class="first" />
-<h2>SEPTIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>SEPTIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
-<p>Quelques-uns pourroient penser là-dessus,
-qu'il est plus à-propos de garder
-un perpétuel silence, que de l'expliquer
-en quelque façon que ce soit,
+<p>Quelques-uns pourroient penser là-dessus,
+qu'il est plus à-propos de garder
+un perpétuel silence, que de l'expliquer
+en quelque façon que ce soit,
puisqu'on ne peut rien dire de solide,
toutes choses aiant deux anses, et
pouvant estres prises diversement
-comme incertaines et problématiques.
+comme incertaines et problématiques.
<span class="pagenum"><a name="Page_24" id="Page_24">24</a></span>J'avoue que le silence tient lieu souvent
-de nourriture à l'âme, estant pour
-cette considération très-recommandable,
+de nourriture à l'âme, estant pour
+cette considération très-recommandable,
quoi qu'il faille aussi tomber d'accord
qu'il est parfois l'asyle et le refuge
d'une parfaite ignorance, qui se
-cache sous son ombre. D'ailleurs généralement
+cache sous son ombre. D'ailleurs généralement
parlant, l'avantage du
silence est tout visible, en ce que celuy
qui parle se vuide, et que celuy qui
-écoute se remplit. J'ai fait plus d'une
-fois cette réflexion dont je me veus
-souvenir ici, que l'Écho mesme, toute
+écoute se remplit. J'ai fait plus d'une
+fois cette réflexion dont je me veus
+souvenir ici, que l'Écho mesme, toute
babillarde fille qu'elle est dans la fable,
-nous fait leçon du péril qu'il y a
-de communiquer à d'autres des pensées
+nous fait leçon du péril qu'il y a
+de communiquer à d'autres des pensées
d'importance, veu qu'estant une
fois sorties de chez nous, les pierres,
et les rochers ne s'en peuvent taire, et
les redisent. Le silence de cinq ans
des Pythagoriciens, et celuy des Cardinaux
qui n'oseroient parler, et sont
-comme muets, jusques à ce que le
+comme muets, jusques à ce que le
<span class="pagenum"><a name="Page_25" id="Page_25">25</a></span>Pape leur ouvre la bouche, peuvent
-servir d'instruction là-dessus. C'est
+servir d'instruction là-dessus. C'est
ce qui fait prononcer proverbialement
aux Espagnols, <i>callar</i>, <i>y obrar</i>, <i>por
la tierra</i>, <i>y por la mar</i>; et les Arabes
@@ -866,199 +826,199 @@ tacuit, sapiens reputabitur, et si
compresserit labia sua, intelligens</i>.
Si est-ce qu'outre qu'il y a des silences
trompeurs et dissimulez, on peut
-soustenir qu'on ne sçauroit juger des
+soustenir qu'on ne sçauroit juger des
hommes que par leurs actions, et par
leurs discours. Parle, disoit un ancien,
si tu veux que je te connoisse,
<i>loquere, ut te videam</i>. En effet l'action,
qui comprend la parole, est la
<span class="pagenum"><a name="Page_26" id="Page_26">26</a></span>mesure de l'estre, et les choses ne
-sont, à le bien prendre, qu'autant
+sont, à le bien prendre, qu'autant
qu'elles agissent, et qu'elles se font
-connoistre de l'une ou de l'autre manière,
+connoistre de l'une ou de l'autre manière,
en faisant ou en parlant. Cependant
-comme l'inaction et la fainéantise,
+comme l'inaction et la fainéantise,
qu'Amasis vouloit estre punie
-de mort, est nommée par les Italiens
+de mort, est nommée par les Italiens
le vice des honnestes gens, et
-que selon eux, <i>il lavorar è mestier
+que selon eux, <i>il lavorar è mestier
da buoi</i>; le silence de mesme a ses
partisans qui en font leur capital, et
d'autres qui ne le peuvent souffrir,
parce, disent-ils, qu'un oiseau muet
ne fait point d'augure, <i>ave muda non
haze aguero</i>, c'est l'Espagnol qui parle
-ainsi. Certes il n'y a point de médaille
+ainsi. Certes il n'y a point de médaille
qui n'ait un revers, ni de si
-beau précepte de morale, qui ne soit
-diversement envisagé.</p>
+beau précepte de morale, qui ne soit
+diversement envisagé.</p>
<p class="bb">&nbsp;</p>
<hr class="first" />
-<h2>HUITIÈME SOLILOQUE<span class="pagenum"><a name="Page_27" id="Page_27">27</a></span></h2>
+<h2>HUITIÈME SOLILOQUE<span class="pagenum"><a name="Page_27" id="Page_27">27</a></span></h2>
<hr class="small" />
-<p>La beauté, qui passe pour la plus
+<p>La beauté, qui passe pour la plus
aimable chose qui se puisse voir, et
-qui appelle tout le monde à soi,
+qui appelle tout le monde à soi,
<span lang="el" title="Grec: kalon para to kalein"> &#954;&#945;&#955;&#8056;&#957; &#960;&#945;&#961;&#8048; &#964;&#8056; &#954;&#945;&#955;&#949;&#8150;&#957;</span>, nous fournira
un bel exemple de ce divers envisagement.
-Les charmes de la beauté
+Les charmes de la beauté
sont tels, qu'elle se rend maistresse
-des sages les plus modérez, et des
-conquérans les plus invincibles. C'est
-ce qui la fit nommer à Socrate, une
+des sages les plus modérez, et des
+conquérans les plus invincibles. C'est
+ce qui la fit nommer à Socrate, une
tyrannie de peu de temps; ce qui
obligea Platon de soustenir qu'il n'y
avoit rien de beau, qui ne fust encore
bon; et ce qui a contraint Aristote
-d'écrire que cette beauté portoit avec
+d'écrire que cette beauté portoit avec
elle plus de recommandation, que
quelque lettre de faveur qu'on pust
obtenir, <span lang="el" title="Grec: pantos epistoliou systatikoteron">&#960;&#945;&#957;&#964;&#8056;&#962; &#7952;&#960;&#953;&#963;&#964;&#959;&#955;&#8055;&#959;&#965; &#963;&#965;&#963;&#964;&#945;&#964;&#953;&#954;&#8057;&#964;&#949;&#961;&#959;&#957;</span>.
-<span class="pagenum"><a name="Page_28" id="Page_28">28</a></span>Et véritablement elle donna
-lieu aux premières Monarchies du
-siècle d'or, les peuples obéissant volontairement:
+<span class="pagenum"><a name="Page_28" id="Page_28">28</a></span>Et véritablement elle donna
+lieu aux premières Monarchies du
+siècle d'or, les peuples obéissant volontairement:
de sorte qu'alors on ne
voioit point de rebelles qui ne fussent
aveugles. Encore aujourd'huy toutes
les conditions de la vie cherchent dans
-la beauté ce qui les doit faire estimer.
-Le Soldat met sa gloire à posséder
+la beauté ce qui les doit faire estimer.
+Le Soldat met sa gloire à posséder
un beau cheval, et des armes bien polies.
-Un Peintre n'est en réputation,
-que par la beauté de ses tableaux; ni
-un Orateur que par celle de ses périodes.
+Un Peintre n'est en réputation,
+que par la beauté de ses tableaux; ni
+un Orateur que par celle de ses périodes.
Or ce n'est pas merveille que
-nostre humanité considère si fort un
-agréable aspect, veu que la beauté du
+nostre humanité considère si fort un
+agréable aspect, veu que la beauté du
corps qui se voit, est ordinairement
l'image de l'esprit qui l'informe; les
perfections internes engendrant les
externes, jusques aux pierreries, dont
-l'éclat procède de la juste mixtion
-des éléments au dedans. Cependant à
+l'éclat procède de la juste mixtion
+des éléments au dedans. Cependant à
cause de l'infidelle compagnie qui se
-<span class="pagenum"><a name="Page_29" id="Page_29">29</a></span>trouve entre la vertu et la beauté, <i>raram
+<span class="pagenum"><a name="Page_29" id="Page_29">29</a></span>trouve entre la vertu et la beauté, <i>raram
facit mixturam cum sapientia
-forma</i>, beaucoup de gens ont dressé
-de grandes invectives contre la dernière,
+forma</i>, beaucoup de gens ont dressé
+de grandes invectives contre la dernière,
qui se fait principalement estimer
lors que le sexe feminin s'en peut
-prévaloir. Car pour les hommes ils
+prévaloir. Car pour les hommes ils
doivent prendre ailleurs leur avantage;
-ce qui a fait dire à l'Ecclésiastique:
+ce qui a fait dire à l'Ecclésiastique:
<i>Non laudes virum in facie
sua, nec spernas hominem in visu
-suo</i>. Et la réflexion de Galien me
-semble fort juste, qu'Homère n'ayant
-parlé qu'une fois de Nirée comme du
+suo</i>. Et la réflexion de Galien me
+semble fort juste, qu'Homère n'ayant
+parlé qu'une fois de Nirée comme du
plus beau des Princes Grecs, il a
-voulu donner à comprendre que les
+voulu donner à comprendre que les
beaux hommes ne sont presque bons
-à rien. C'est contre les belles Dames
+à rien. C'est contre les belles Dames
que la Satyre s'exerce ici, comme s'il
n'y avoit que les laides qui pussent se
garantir du vice, <i>casta quam nemo
rogavit</i>. Encore voudroit-on rendre
-injustement la pudicité de celles-cy
+injustement la pudicité de celles-cy
<span class="pagenum"><a name="Page_30" id="Page_30">30</a></span>mesprisable, par cette mauvaise raison,
-que leur âme n'a pas toujours
-esté chaste, dans une volonté corrompue:
-<i>Quæ malam faciem habent sæpius
-pudicæ sunt, non animus illis
+que leur âme n'a pas toujours
+esté chaste, dans une volonté corrompue:
+<i>Quæ malam faciem habent sæpius
+pudicæ sunt, non animus illis
deest, sed corruptor</i>, comme en parle
-Sénèque dans une de ses Controverses.
+Sénèque dans une de ses Controverses.
Je me souviens de la raillerie de
celuy qui disoit d'une fille peu aimable,
que Dieu pour la sauver avoit mis
-son âme en sauveté, dans un corps
+son âme en sauveté, dans un corps
que personne ne pouvoit aimer. On
-ne sçauroit nier à l'égard des belles,
+ne sçauroit nier à l'égard des belles,
que leur humeur superbe ne les fasse
-parfois haïr. Car comme l'avoue
+parfois haïr. Car comme l'avoue
Ovide, leur plus grand amy<a name="FNanchor_11_11" id="FNanchor_11_11"></a><a href="#Footnote_11_11" class="fnanchor">[11]</a>,</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
<span class="i0"><i>Fastus inest pulchris, sequiturque superbia formam</i>.<br /></span>
</div></div>
-<p class="noi">Et néantmoins l'on peut dire à la
-plus agréable de toutes, <i>quid excolis
+<p class="noi">Et néantmoins l'on peut dire à la
+plus agréable de toutes, <i>quid excolis
formam? cum omnia feceris, a multis
animalibus decore vinceris</i><a name="FNanchor_12_12" id="FNanchor_12_12"></a><a href="#Footnote_12_12" class="fnanchor">[12]</a>.</p>
<p class="noi"><span class="pagenum"><a name="Page_31" id="Page_31">31</a></span>Il est impossible, dit Diodore Sicilien,
-d'avoir jamais autant de beauté, que
-cet animal à qui elle a fait donner le
-nom de <i>Cepus</i>, <span lang="el" title="Grec: kêpos"> &#954;&#8134;&#960;&#959;&#962;</span>, parce que la
-veue de tous les jardins ne peut réjouir
+d'avoir jamais autant de beauté, que
+cet animal à qui elle a fait donner le
+nom de <i>Cepus</i>, <span lang="el" title="Grec: kêpos"> &#954;&#8134;&#960;&#959;&#962;</span>, parce que la
+veue de tous les jardins ne peut réjouir
ni satisfaire comme la sienne.
-Ce sont néantmoins des beautez d'un
-ordre si différent, que j'ay de la pene
-à souffrir cette comparaison.</p>
+Ce sont néantmoins des beautez d'un
+ordre si différent, que j'ay de la pene
+à souffrir cette comparaison.</p>
<p class="bb">&nbsp;</p>
<hr class="first" />
-<h2>NEUVIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>NEUVIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
-<p>Si la Beauté a eu des adversaires
-qui l'ont mesprisée, ce n'est pas merveille
+<p>Si la Beauté a eu des adversaires
+qui l'ont mesprisée, ce n'est pas merveille
que quelques-uns aient pris
-plaisir à préférer une caduque vieillesse
-aux impétuositez d'une bouillante
+plaisir à préférer une caduque vieillesse
+aux impétuositez d'une bouillante
jeunesse. Car quoique le vieil
Caton<a name="FNanchor_13_13" id="FNanchor_13_13"></a><a href="#Footnote_13_13" class="fnanchor">[13]</a> n'approuvast pas le proverbe
-déjà usité de son tems, qu'on
+déjà usité de son tems, qu'on
<span class="pagenum"><a name="Page_32" id="Page_32">32</a></span>se devoit rendre vieil de bonne heure,
afin de l'estre longtems, ce qui semble
-donner de l'avantage à l'âge
-avancé sur celui qui l'a précédé; il
+donner de l'avantage à l'âge
+avancé sur celui qui l'a précédé; il
est pourtant vrai que ses devanciers
et ceux qui ont vescu depuis luy, se
-sont déclarez pour le proverbe contre
+sont déclarez pour le proverbe contre
le sentiment de Caton. J'avoue que
la jeunesse a des emportemens qu'on
-ne sçauroit assez condamner, ce qui a
+ne sçauroit assez condamner, ce qui a
fait qu'Aristote n'a pas feint d'escrire<a name="FNanchor_14_14" id="FNanchor_14_14"></a><a href="#Footnote_14_14" class="fnanchor">[14]</a>,
-que contrevenant au précepte
+que contrevenant au précepte
du sage Chilon, les jeunes gens font
-toutes choses avec excès, <i>omnia nimis
-agunt</i>. La modération des vieillards
+toutes choses avec excès, <i>omnia nimis
+agunt</i>. La modération des vieillards
a quelque avantage pour ce regard,
quoique Saint Basile<a name="FNanchor_15_15" id="FNanchor_15_15"></a><a href="#Footnote_15_15" class="fnanchor">[15]</a> ait
-prononcé contre elle, qu'elle estoit
+prononcé contre elle, qu'elle estoit
plutost une impuissance de continuer
-les désordres de la jeunesse, qu'une
-vraie tempérance: <i>Temperantia in
+les désordres de la jeunesse, qu'une
+vraie tempérance: <i>Temperantia in
<span class="pagenum"><a name="Page_33" id="Page_33">33</a></span>senectute, non temperantia est, sed
lasciviendi impotentia</i>. C'est une
-triste chose d'avoir recours à la Fable,
+triste chose d'avoir recours à la Fable,
pour dire que les Cygnes blancs
-qui tirent le char de Vénus, signifient
+qui tirent le char de Vénus, signifient
qu'elle n'est pas ennemie des testes
blanches, qui peuvent encore se faire
-agréer. On dit de mesme à l'avantage
-des femmes qui sont avancées dans
-l'âge, qu'il y a des animaux qui mesprisent
+agréer. On dit de mesme à l'avantage
+des femmes qui sont avancées dans
+l'âge, qu'il y a des animaux qui mesprisent
les jeunes femelles, et leur
-préfèrent les vieilles. Aristote l'asseure
+préfèrent les vieilles. Aristote l'asseure
en ces termes<a name="FNanchor_16_16" id="FNanchor_16_16"></a><a href="#Footnote_16_16" class="fnanchor">[16]</a>: <i>Arietes primum
vetustiores oves ineunt, novellas
enim minus persequuntur.</i>
-Pour moi qui me suis assez déclaré
-là-dessus, devant que j'eusse passé la
-grande année climactérique, je fais
+Pour moi qui me suis assez déclaré
+là-dessus, devant que j'eusse passé la
+grande année climactérique, je fais
peu de cas de toutes ces observations,
-et je trouve bien plus considérable la
-belle et élégante description que nous
-fait Juvénal, dans sa dixième Satyre,
+et je trouve bien plus considérable la
+belle et élégante description que nous
+fait Juvénal, dans sa dixième Satyre,
<span class="pagenum"><a name="Page_34" id="Page_34">34</a></span>des imperfections de la vieillesse, qui
-me font souscrire au mot de Sénèque
+me font souscrire au mot de Sénèque
le Tragique,</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
@@ -1066,7 +1026,7 @@ le Tragique,</p>
</div></div>
<p class="noi">L'honneur que beaucoup de Nations
-ont déféré au grand âge, a eu ses raisons:
+ont déféré au grand âge, a eu ses raisons:
mais comme s'escrie Ausone
sur cela,</p>
@@ -1074,312 +1034,312 @@ sur cela,</p>
<span class="i0"><i>Quid refert? Cornix an ideo ante Cygnum?</i><br /></span>
</div></div>
-<p class="noi">Les ténèbres sont plus anciennes que
-la lumière, qui voudroit les luy préférer
-pour cela? Je me suis trouvé il
+<p class="noi">Les ténèbres sont plus anciennes que
+la lumière, qui voudroit les luy préférer
+pour cela? Je me suis trouvé il
y a peu de jours avec un Macrobie
si impertinent, qu'il me confirma
-dans l'opinion où j'ay toujours esté,
+dans l'opinion où j'ay toujours esté,
qu'on peut retourner en enfance par
-caducité, et devenir comme celuy
+caducité, et devenir comme celuy
dont je parle, <i>Senex bis puer, ter
fatuus, quater improbus</i>. D'ailleurs,
-il n'y a rien de plus misérable
+il n'y a rien de plus misérable
qu'un vieillard, qui n'a rien dont il
-se puisse vanter, que d'avoir esprouvé
-<span class="pagenum"><a name="Page_35" id="Page_35">35</a></span>une infinité d'adversitez, et de s'estre
+se puisse vanter, que d'avoir esprouvé
+<span class="pagenum"><a name="Page_35" id="Page_35">35</a></span>une infinité d'adversitez, et de s'estre
veu comme il est encore, semblable
-à la Fourmi de Virgile,</p>
+à la Fourmi de Virgile,</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
-<span class="i0">... <i>Inopi metuens Formica senectæ</i><br /></span>
+<span class="i0">... <i>Inopi metuens Formica senectæ</i><br /></span>
</div></div>
-<p class="noi">ce qui plonge dans une infâme avarice,
+<p class="noi">ce qui plonge dans une infâme avarice,
parce que, selon le dire des Italiens,
-<i>quanto più l'uccello è vecchio,
-tanto più mal volontieri lascia la
-piuma</i>. Si le nom de Sénateurs a esté
-honorable à Rome à cause de leurs
-longues années, <i>quod seniores</i>; et si
-celuy de Seigneur en France procède
+<i>quanto più l'uccello è vecchio,
+tanto più mal volontieri lascia la
+piuma</i>. Si le nom de Sénateurs a esté
+honorable à Rome à cause de leurs
+longues années, <i>quod seniores</i>; et si
+celuy de Seigneur en France procède
d'une mesme origine, il ne faut pas
laisser de tomber d'accord, qu'il n'y
a que les belles actions, au cas que
-nous ayons esté assez heureux pour
+nous ayons esté assez heureux pour
en produire, qui nous puissent rendre
-dans la vieillesse plus considérables
+dans la vieillesse plus considérables
que les jeunes gens. C'est le fondement
de ce beau mot d'Ovide escrivant
-à Livia sur la mort du jeune
+à Livia sur la mort du jeune
Drusus son fils:</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
-<span class="i0"><i>Acta senem faciunt, hæc numeranda tibi.</i><br /></span>
+<span class="i0"><i>Acta senem faciunt, hæc numeranda tibi.</i><br /></span>
</div></div>
-<p class="noi"><span class="pagenum"><a name="Page_36" id="Page_36">36</a></span>Le reste qui accompagne nostre caducité,
+<p class="noi"><span class="pagenum"><a name="Page_36" id="Page_36">36</a></span>Le reste qui accompagne nostre caducité,
semble estre plutost digne de
compassion qu'autrement.</p>
<p class="bb">&nbsp;</p>
<hr class="first" />
-<h2>DIXIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>DIXIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
<p>Quoi qu'il en soit, nos jours estant
-comtez au Ciel de toute éternité, selon
+comtez au Ciel de toute éternité, selon
nostre plus commune croiance, je ne
voy pas bien le fondement des honneurs
-qu'on rend à ceux qui ont veu
+qu'on rend à ceux qui ont veu
rouler plus longtems sur leurs testes
-les sphères d'en-haut, que le reste des
+les sphères d'en-haut, que le reste des
autres hommes, non plus que tout ce
-qui leur arrive; cela dépendant d'un
+qui leur arrive; cela dépendant d'un
mesme principe, sans qu'ils y aient
pu rien contribuer.</p>
<div class="blockquot"><p class="noi"><i>Ventidius quid enim, quid Tullius, anne aliud quam
Sidus, et occulti miranda potentia fati<a name="FNanchor_17_17" id="FNanchor_17_17"></a><a href="#Footnote_17_17" class="fnanchor">[17]</a>?</i></p></div>
-<p class="noi"><span class="pagenum"><a name="Page_37" id="Page_37">37</a></span>Car toutes nos destinées, dont les
-Anciens ont tant parlé, dépendoient
-selon eux des corps supérieurs, et du
-différent aspect des Astres: ce qu'observent
+<p class="noi"><span class="pagenum"><a name="Page_37" id="Page_37">37</a></span>Car toutes nos destinées, dont les
+Anciens ont tant parlé, dépendoient
+selon eux des corps supérieurs, et du
+différent aspect des Astres: ce qu'observent
encore aujourd'huy nos faiseurs
d'horoscopes, et tous ceux qui
-défèrent aveuglément à l'Astrologie
+défèrent aveuglément à l'Astrologie
Judiciaire. Or tout est si frivole, et si
-incertain dans cette prétendue science,
+incertain dans cette prétendue science,
que le nombre des Cieux n'y est pas
constant, assez de Philosophes aiant
-présupposé que les Astres y estoient
+présupposé que les Astres y estoient
comme les oiseaux en l'air, et les
poissons dans l'eau. Il n'y a eu que
-les Juifs qui aient bien asseuré qu'il y
+les Juifs qui aient bien asseuré qu'il y
avoit dix Cieux, de sorte qu'en leur
langue le Ciel n'a point de singulier,
-et n'est jamais emploié qu'au pluriel.
+et n'est jamais emploié qu'au pluriel.
Selon leurs Rabins les dix courtines
du Tabernacle de leur temple, signifioient
ces dix Cieux; et le passage du
-texte sacré, qui dit, <i>opera digitorum
-tuorum sunt c&#339;li</i>, témoigne que nos
+texte sacré, qui dit, <i>opera digitorum
+tuorum sunt c&#339;li</i>, témoigne que nos
<span class="pagenum"><a name="Page_38" id="Page_38">38</a></span>deux mains n'aiant que dix doigts, le
nombre des Cieux n'est ni moindre,
-ni plus grand que celui-là. Quant aux
+ni plus grand que celui-là. Quant aux
Astres, et aux Estoiles, Platon les
-establit dans son <i>Épinomis</i> pour des
+establit dans son <i>Épinomis</i> pour des
Dieux visibles, ou du moins pour
leurs images que nous devons respecter.
-L'ordre, selon luy, que les Planètes
+L'ordre, selon luy, que les Planètes
conservent entre elles, monstre
-qu'elles sont animées. Et Ovide, conformément
-à cette opinion commune,
-n'a pas manqué de mettre ces Animaux
+qu'elles sont animées. Et Ovide, conformément
+à cette opinion commune,
+n'a pas manqué de mettre ces Animaux
au Ciel dans le premier livre de
-ses Métamorphoses,</p>
+ses Métamorphoses,</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
<span class="i0"><i>Neu regio foret ulla suis animalibus orba,</i><br /></span>
-<span class="i0"><i>Astra tenent c&#339;leste solum, formæque Deorum</i>.<br /></span>
+<span class="i0"><i>Astra tenent c&#339;leste solum, formæque Deorum</i>.<br /></span>
</div></div>
<p>Le Soleil estant le principal d'entre
-eux, Apollon estoit nommé <span lang="el" title="Grec: episkopos">&#7952;&#960;&#8055;&#963;&#954;&#959;&#960;&#959;&#962;</span>,
+eux, Apollon estoit nommé <span lang="el" title="Grec: episkopos">&#7952;&#960;&#8055;&#963;&#954;&#959;&#960;&#959;&#962;</span>,
ou surveillant, par les Grecs, comme
il se peut voir dans Phornutus. Tant
-y a qu'à cause que les premiers Pères
-de l'Église déféroient plus à l'Escole
-de Platon qu'à celle des autres Philosophes,
+y a qu'à cause que les premiers Pères
+de l'Église déféroient plus à l'Escole
+de Platon qu'à celle des autres Philosophes,
<span class="pagenum"><a name="Page_39" id="Page_39">39</a></span>ils admettoient l'animation
des Cieux, et des Estoiles; et l'on
-comte entre les erreurs d'Origène celle
+comte entre les erreurs d'Origène celle
d'avoir creu ces mesmes Estoiles capables
du vice et de la vertu. Y a-t-il
un Art plus ridicule que celuy de la
Judiciaire, quoiqu'aient pu faire ses
-suppos, qui ont toujours tasché de
-rendre leurs prédictions apparemment
-véritables par des interprétations
-qui font pitié à tous ceux qui en
-considèrent l'absurdité? J'en ai assez
-produit d'exemples dans quelques écrits
+suppos, qui ont toujours tasché de
+rendre leurs prédictions apparemment
+véritables par des interprétations
+qui font pitié à tous ceux qui en
+considèrent l'absurdité? J'en ai assez
+produit d'exemples dans quelques écrits
imprimez, je veux seulement me remettre
-ici en mémoire celuy qui regarde
-le Poëte Eschile. On luy avoit
-prédit par l'inspection du Ciel qu'il
+ici en mémoire celuy qui regarde
+le Poëte Eschile. On luy avoit
+prédit par l'inspection du Ciel qu'il
mourroit de la cheute d'une maison,
et l'on voulut que la Tortue qui porte
-toujours sa maison, et qui luy écrasa
-sa teste chauve, eust esté désignée par
-la prédiction. Comment l'Astrologie
+toujours sa maison, et qui luy écrasa
+sa teste chauve, eust esté désignée par
+la prédiction. Comment l'Astrologie
auroit-elle quelque chose de constant,
-<span class="pagenum"><a name="Page_40" id="Page_40">40</a></span>et où l'on se doive arrester, puisque
+<span class="pagenum"><a name="Page_40" id="Page_40">40</a></span>et où l'on se doive arrester, puisque
ses Professeurs se contrarient les uns
les autres, et bastissent sur des fondemens
-différens? Le Père Semedo observe
+différens? Le Père Semedo observe
que les Chinois qui n'establissent
que vingt-huit constellations,
-ont néansmoins un bien plus grand
+ont néansmoins un bien plus grand
nombre d'Estoiles que nous n'en reconnoissons.
-Si est-ce que le Père
+Si est-ce que le Père
Adam, Astrologue Roial, y fonde ses
jugemens sur les mesmes aphorismes
-que suivent les Européens. Au fond
-si le mouvement de la Terre est présupposé,
+que suivent les Européens. Au fond
+si le mouvement de la Terre est présupposé,
comme le Cardinal Nicolas
-de Cusa l'a établi<a name="FNanchor_18_18" id="FNanchor_18_18"></a><a href="#Footnote_18_18" class="fnanchor">[18]</a>, et quatre-vingts
+de Cusa l'a établi<a name="FNanchor_18_18" id="FNanchor_18_18"></a><a href="#Footnote_18_18" class="fnanchor">[18]</a>, et quatre-vingts
ans depuis luy Copernic, suivi d'une
-infinité d'autres; que pouvons-nous
+infinité d'autres; que pouvons-nous
recueillir de toutes les maximes des
Anciens, qui doive satisfaire un esprit
solide au sujet dont nous parlons?
Aussi voions-nous que les plus grands
-hommes se sont repentis d'avoir déféré
-<span class="pagenum"><a name="Page_41" id="Page_41">41</a></span>à la vanité de cette profession.
+hommes se sont repentis d'avoir déféré
+<span class="pagenum"><a name="Page_41" id="Page_41">41</a></span>à la vanité de cette profession.
Cardan avoue<a name="FNanchor_19_19" id="FNanchor_19_19"></a><a href="#Footnote_19_19" class="fnanchor">[19]</a> que la connoissance
qu'il avoit de l'Astrologie, luy fut
-fort préjudiciable, parce qu'il croioit
+fort préjudiciable, parce qu'il croioit
suivant ses plus constantes maximes,
ne devoir pas vivre plus de quarante
-ans, et nous sçavons que sa vie a esté
+ans, et nous sçavons que sa vie a esté
de soixante et quinze moins trois jours.
-Mathieu Paris fait un conte ridicule à
-ce propos de l'Empereur Fridéric second,
-qu'entesté de la vanité de cette
-science trompeuse, il s'abstint la première
+Mathieu Paris fait un conte ridicule à
+ce propos de l'Empereur Fridéric second,
+qu'entesté de la vanité de cette
+science trompeuse, il s'abstint la première
nuit de ses nopces de toucher sa
femme Isabelle, fille d'Angleterre, que
le matin ne fust venu, et cela par le
conseil de quelques Astrologues, <i>donec
competens hora ei ab Astrologis
-nunciaretur</i>. Et Scaliger le père escrit
-dans sa <i>Poétique</i>, que rien ne peut
-tant fortifier l'opinion impie d'Épicure
-touchant la création fortuite du
+nunciaretur</i>. Et Scaliger le père escrit
+dans sa <i>Poétique</i>, que rien ne peut
+tant fortifier l'opinion impie d'Épicure
+touchant la création fortuite du
monde par le concours et assemblage
-<span class="pagenum"><a name="Page_42" id="Page_42">42</a></span>hazardeux des Atomes, que l'inégale
-et téméraire disposition des Astres
-sur nos testes, où ils ne font aucune
+<span class="pagenum"><a name="Page_42" id="Page_42">42</a></span>hazardeux des Atomes, que l'inégale
+et téméraire disposition des Astres
+sur nos testes, où ils ne font aucune
figure ni arrangement qui semble raisonnable.
Car les figures qu'on leur
-fait représenter sont toutes imaginaires,
-et à peine y voit-on un triangle
+fait représenter sont toutes imaginaires,
+et à peine y voit-on un triangle
assez imparfait sous le nom du Delta
ou Deltoton, non plus que de ligne
bien droite, si vous exceptez celle du
-baudrier d'Orion, qui multipliée sert
-à mesurer toute l'étendue du Ciel. Le
-Chancelier Bacon<a name="FNanchor_20_20" id="FNanchor_20_20"></a><a href="#Footnote_20_20" class="fnanchor">[20]</a> a fait déjà cette
+baudrier d'Orion, qui multipliée sert
+à mesurer toute l'étendue du Ciel. Le
+Chancelier Bacon<a name="FNanchor_20_20" id="FNanchor_20_20"></a><a href="#Footnote_20_20" class="fnanchor">[20]</a> a fait déjà cette
remarque, et que rien ne se meut
-là-haut par des cercles parfaits. Le
-mespris ou j'ay toujours esté des prédictions
-Astrologiques, m'a transporté
+là-haut par des cercles parfaits. Le
+mespris ou j'ay toujours esté des prédictions
+Astrologiques, m'a transporté
plus que je ne pensois, adjoustant
-ceci à ce que j'en ai escrit
+ceci à ce que j'en ai escrit
ailleurs.</p>
<p class="bb">&nbsp;<span class="pagenum"><a name="Page_43" id="Page_43">43</a></span></p>
<hr class="first" />
-<h2>ONZIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>ONZIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
<p>Ce peu que je viens d'observer touchant
-la Judiciaire me fait penser à
+la Judiciaire me fait penser à
l'opinion que les premiers Philosophes
Grecs ont eue de Dieu, et de la Nature,
qu'ils ont souvent confondus.
-Cicéron<a name="FNanchor_21_21" id="FNanchor_21_21"></a><a href="#Footnote_21_21" class="fnanchor">[21]</a> tient que Straton de
+Cicéron<a name="FNanchor_21_21" id="FNanchor_21_21"></a><a href="#Footnote_21_21" class="fnanchor">[21]</a> tient que Straton de
Lampsaque ne reconnoissoit que la
-dernière, puisqu'il n'y avoit point
+dernière, puisqu'il n'y avoit point
d'effets qu'il ne luy attribuast, sans
-en rapporter aucun à Dieu, <i>Lampsacenus
-Strato omnia effecta Naturæ,
+en rapporter aucun à Dieu, <i>Lampsacenus
+Strato omnia effecta Naturæ,
nulla Diis tribuebat</i>. Et mesme cet
Orateur Romain appelle ailleurs<a name="FNanchor_22_22" id="FNanchor_22_22"></a><a href="#Footnote_22_22" class="fnanchor">[22]</a>
la raison naturelle, une loi divine et
-humaine: <i>Naturæ ratio, quæ est lex
+humaine: <i>Naturæ ratio, quæ est lex
divina et humana</i>. Platon et Aristote
-<span class="pagenum"><a name="Page_44" id="Page_44">44</a></span>ont eu d'autres pensées, et ce dernier
-remarque au sixième Livre de sa
-<i>Métaphysique</i>, qu'à n'admettre point
-d'autres substances que les matérielles,
+<span class="pagenum"><a name="Page_44" id="Page_44">44</a></span>ont eu d'autres pensées, et ce dernier
+remarque au sixième Livre de sa
+<i>Métaphysique</i>, qu'à n'admettre point
+d'autres substances que les matérielles,
selon qu'en usoient ses devanciers,
-la Physique seroit la première
+la Physique seroit la première
Philosophie, et non pas celle qui suit
-et est au-delà, ce qui luy a fait donner
-le nom de Métaphysique. Mais en
-vérité les deux Mondes de Platon,
-l'un sensible, et l'autre intelligible où
-habite la Vérité, sont des viandes
+et est au-delà, ce qui luy a fait donner
+le nom de Métaphysique. Mais en
+vérité les deux Mondes de Platon,
+l'un sensible, et l'autre intelligible où
+habite la Vérité, sont des viandes
bien creuses; de mesme que les
nombres qui composoient la Nature
-selon Pythagore. Les deux matières
+selon Pythagore. Les deux matières
d'Aristote, l'une sensible aussi, et
l'autre intelligible qui enveloppe les
-Mathématiques, ne sont pas moins
-chimériques à ceux qui veulent philosopher,
+Mathématiques, ne sont pas moins
+chimériques à ceux qui veulent philosopher,
aussi bien que naviger seurement,
-et toujours terre à terre, de
-peur de s'égarer. Ceux-là s'empescheront
+et toujours terre à terre, de
+peur de s'égarer. Ceux-là s'empescheront
toujours d'employer dans la Physique
<span class="pagenum"><a name="Page_45" id="Page_45">45</a></span>des termes nouveaux et surnaturels,
comme quelques-uns ont voulu
faire depuis peu. Mais il y a des
esprits qui croient n'avoir jamais bien
-rencontré, si contrariant les autres,
-ils ne suivent une route différente de
-la leur; semblables à l'Oiseau Merops
-qui vole au rebours des autres, avançant
+rencontré, si contrariant les autres,
+ils ne suivent une route différente de
+la leur; semblables à l'Oiseau Merops
+qui vole au rebours des autres, avançant
toujours vers sa queue: <i>Merops,
avium sola, retrorsus ac versus caudam
-fertur</i>, dit Élien dans son histoire
+fertur</i>, dit Élien dans son histoire
des animaux. Ainsi aux choses
-mesme d'aussi peu de conséquence,
+mesme d'aussi peu de conséquence,
que celles dont nous venons de parler
sont importantes, on ne trouve que
-diversité d'opinions. Pline veut que
-les Oiseaux nous aient enseigné l'usage
-du gouvernail d'un vaisseau. Sénèque
+diversité d'opinions. Pline veut que
+les Oiseaux nous aient enseigné l'usage
+du gouvernail d'un vaisseau. Sénèque
et Possidonius l'attribuent aux Poissons
dans le mouvement de leur
-queue. Et cette inclination naturelle à
-la nouveauté contentieuse, autant que
+queue. Et cette inclination naturelle à
+la nouveauté contentieuse, autant que
d'autres raisons morales qu'on pourroit
-<span class="pagenum"><a name="Page_46" id="Page_46">46</a></span>rapporter, ont engendré enfin
-l'animosité qui s'observe entre quelques
+<span class="pagenum"><a name="Page_46" id="Page_46">46</a></span>rapporter, ont engendré enfin
+l'animosité qui s'observe entre quelques
Nations, dont je vais dire un
-mot après ceux qui l'ont observée devant
+mot après ceux qui l'ont observée devant
moi. Il y a une antipathie physique,
ce semble, entre l'Alleman et
-le Polonois, le Suédois et le Danois,
+le Polonois, le Suédois et le Danois,
l'Anglois et l'Escossois, le Galois ou
-habitant du païs de Gales, et l'Irlandois.
+habitant du païs de Gales, et l'Irlandois.
Le Portugais ne s'accorde pas
mieux avec le Castillan, non plus
qu'autrefois le Parisien avec le Norman,
-et le Génois avec le Vénitien,
+et le Génois avec le Vénitien,
ou l'Arragonois. Les Arabes sont toujours
-en différend avec les Abyssins,
+en différend avec les Abyssins,
les Turcs avec les Persans, les
Mogoles avec les Jusbegs, les Chinois
avec les Japonois, les Moscovites avec
les Tartares. Nos anciens Gaulois
-estoient si haïs des Romains, qu'ils
+estoient si haïs des Romains, qu'ils
n'exemtoient de la guerre leurs sacrificateurs,
que quand il faloit aller au
combat contre les Gaulois, <i>in Gallico</i>
-<span class="pagenum"><a name="Page_47" id="Page_47">47</a></span><i>tumultu</i>: ce que Plutarque a remarqué
+<span class="pagenum"><a name="Page_47" id="Page_47">47</a></span><i>tumultu</i>: ce que Plutarque a remarqué
dans la vie de Camillus. Je laisse
l'injustice des Historiens d'Italie contre
-nostre Nation, pour considérer simplement
-l'impertinence de Pétrarque,
-d'ailleurs fort à priser, quand il veut
-que la férocité seule de nos m&#339;urs
-nous ait imposé le nom de François, <i>a
+nostre Nation, pour considérer simplement
+l'impertinence de Pétrarque,
+d'ailleurs fort à priser, quand il veut
+que la férocité seule de nos m&#339;urs
+nous ait imposé le nom de François, <i>a
feritate morum Francos dictos</i>.
Mais quitons un sujet par trop odieux.</p>
@@ -1387,152 +1347,152 @@ Mais quitons un sujet par trop odieux.</p>
<hr class="first" />
-<h2>DOUZIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>DOUZIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
<p>Cette grande discordance des Nations
fait voir entre autres choses, qu'il
-n'y a point, à le bien prendre, de communes
+n'y a point, à le bien prendre, de communes
notions parmi les hommes,
qui pensent tous si diversement et
-avec une opiniastreté si voisine de la
-haine, que Théognis a eu raison d'appeller
-<span class="pagenum"><a name="Page_48" id="Page_48">48</a></span>dès son tems l'Opinion un de
+avec une opiniastreté si voisine de la
+haine, que Théognis a eu raison d'appeller
+<span class="pagenum"><a name="Page_48" id="Page_48">48</a></span>dès son tems l'Opinion un de
nos plus grands maux,</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
-<span class="i0"><span lang="el" title="Grec: Doxa men anthrôpousi kakon mega">&#916;&#8057;&#958;&#945; &#956;&#8050;&#957; &#7936;&#957;&#952;&#961;&#8061;&#960;&#959;&#965;&#963;&#953; &#954;&#945;&#954;&#8056;&#957; &#956;&#949;&#947;&#945;</span>,<br /></span>
+<span class="i0"><span lang="el" title="Grec: Doxa men anthrôpousi kakon mega">&#916;&#8057;&#958;&#945; &#956;&#8050;&#957; &#7936;&#957;&#952;&#961;&#8061;&#960;&#959;&#965;&#963;&#953; &#954;&#945;&#954;&#8056;&#957; &#956;&#949;&#947;&#945;</span>,<br /></span>
<span class="i0"><i>Opinio quidem hominibus magnum malum est.</i><br /></span>
</div></div>
-<p>Je ne sçai point de meilleure résolution
-à prendre là-dessus, que de
+<p>Je ne sçai point de meilleure résolution
+à prendre là-dessus, que de
suivre le conseil que Saint Paul donne
-à Timothée, <span lang="el" title="Grec: mê logomachein">&#956;&#8052; &#955;&#959;&#947;&#959;&#956;&#945;&#967;&#949;&#8150;&#957;</span>, de ne contester
+à Timothée, <span lang="el" title="Grec: mê logomachein">&#956;&#8052; &#955;&#959;&#947;&#959;&#956;&#945;&#967;&#949;&#8150;&#957;</span>, de ne contester
jamais avec des paroles ordinairement
inutiles, et qu'il nomme
-fort bien <span lang="el" title="Grec: kenophônias">&#954;&#949;&#957;&#959;&#966;&#969;&#957;&#953;&#945;&#962;</span>, <i>inaniloquia</i>. A
-moins de déférer à cet avis salutaire,
+fort bien <span lang="el" title="Grec: kenophônias">&#954;&#949;&#957;&#959;&#966;&#969;&#957;&#953;&#945;&#962;</span>, <i>inaniloquia</i>. A
+moins de déférer à cet avis salutaire,
il n'y a rien de plus tumultueux que
nostre vie, parce que tout ce que contient
-la Nature est sujet à controverse,
-qui s'étend mesme plus loin dans cette
-considération d'Aristote<a name="FNanchor_23_23" id="FNanchor_23_23"></a><a href="#Footnote_23_23" class="fnanchor">[23]</a>, <i>opinabile
+la Nature est sujet à controverse,
+qui s'étend mesme plus loin dans cette
+considération d'Aristote<a name="FNanchor_23_23" id="FNanchor_23_23"></a><a href="#Footnote_23_23" class="fnanchor">[23]</a>, <i>opinabile
latius patere quam ens, quia et quod
est, et quod non est, opinabile est</i>.
Certes c'est une chose pitoiable de
-voir d'un &#339;il exemt de prévention,
-comme chacun prend les choses à sa
+voir d'un &#339;il exemt de prévention,
+comme chacun prend les choses à sa
<span class="pagenum"><a name="Page_49" id="Page_49">49</a></span>mode, et comme il n'y a presque
personne qui n'aime mieux reprendre
Dieu, et la Nature, que de reconnoistre
-ingénuement l'ignorance où il est.
-J'use de cette pensée après Cicéron
-au livre cinquième de ses Questions
+ingénuement l'ignorance où il est.
+J'use de cette pensée après Cicéron
+au livre cinquième de ses Questions
Tusculanes, <i>rerum naturam, quam
errorem nostrum damnare malumus</i>.
Mais quoi, il vaut mieux imiter
-là-dessus Démocrite, qu'Héraclite,
-si nous en croions Sénèque<a name="FNanchor_24_24" id="FNanchor_24_24"></a><a href="#Footnote_24_24" class="fnanchor">[24]</a>, à cause
+là-dessus Démocrite, qu'Héraclite,
+si nous en croions Sénèque<a name="FNanchor_24_24" id="FNanchor_24_24"></a><a href="#Footnote_24_24" class="fnanchor">[24]</a>, à cause
que selon luy <i>humanius est deridere
vitam, quam deplorare</i>; bien qu'il
-avoue qu'on se peut plus à propos
+avoue qu'on se peut plus à propos
abstenir de l'un et de l'autre. Quoi
qu'il en soit, la maxime qu'il establit
-ailleurs, de tenir toujours pour très-mauvais
+ailleurs, de tenir toujours pour très-mauvais
ce que le peuple approuve,
-nous est confirmée par le <i>tolle, tolle,
+nous est confirmée par le <i>tolle, tolle,
crucifige</i> des Juifs, qui montre bien
que la voix du peuple n'est pas toujours
la voix de Dieu; de sorte qu'il
-<span class="pagenum"><a name="Page_50" id="Page_50">50</a></span>n'y a guères d'âmes philosophiques
-qui ne disent avec le mesme Sénèque<a name="FNanchor_25_25" id="FNanchor_25_25"></a><a href="#Footnote_25_25" class="fnanchor">[25]</a>,
+<span class="pagenum"><a name="Page_50" id="Page_50">50</a></span>n'y a guères d'âmes philosophiques
+qui ne disent avec le mesme Sénèque<a name="FNanchor_25_25" id="FNanchor_25_25"></a><a href="#Footnote_25_25" class="fnanchor">[25]</a>,
<i>argumentum pessimi turba
-est</i>. L'Orateur Romain que j'ai déjà
-cité, et que je citerai toujours très-volontiers
-en de semblables matières,
+est</i>. L'Orateur Romain que j'ai déjà
+cité, et que je citerai toujours très-volontiers
+en de semblables matières,
tesmoigne encore ce sentiment en
ces termes<a name="FNanchor_26_26" id="FNanchor_26_26"></a><a href="#Footnote_26_26" class="fnanchor">[26]</a>: <i>Philosophia paucis
est contenta judicibus, multitudinem
consulto ipsa fugiens, eique
ipsi et suspecta et invisa.</i> C'est
une merveille que sa profession
-d'Éloquence, d'où il retiroit sa
+d'Éloquence, d'où il retiroit sa
principale recommandation, luy ait
permis de reconnoistre si franchement
-cette vérité, parce qu'elle paroist absolument
+cette vérité, parce qu'elle paroist absolument
contraire au bien-dire des
-Orateurs, qui est une faculté populaire,
-et qui ne vise qu'à obtenir l'approbation
+Orateurs, qui est une faculté populaire,
+et qui ne vise qu'à obtenir l'approbation
d'un grand nombre d'auditeurs.
-Ce qui m'étonne davantage,
+Ce qui m'étonne davantage,
<span class="pagenum"><a name="Page_51" id="Page_51">51</a></span>c'est que cela vienne de celuy qui
-avoit, dès le premier livre de ces
+avoit, dès le premier livre de ces
<i>Questions Tusculanes</i>, voulu prouver
-l'existence des Dieux, et l'immortalité
-de nos Ames, par cette considération,
-qu'une opinion générale
+l'existence des Dieux, et l'immortalité
+de nos Ames, par cette considération,
+qu'une opinion générale
peut estre prise pour la propre voix
-de la Nature, <i>omnium consensus Naturæ
+de la Nature, <i>omnium consensus Naturæ
vox est</i>, n'y aiant rien de plus
-opposé que le sont ces textes l'un à
-l'autre, par des axiomes tout-à-fait
-différens. Il ne faut pas néanmoins le
-blasmer là-dessus. Le changement d'avis,
-et la diversité d'opinion selon le
+opposé que le sont ces textes l'un à
+l'autre, par des axiomes tout-à-fait
+différens. Il ne faut pas néanmoins le
+blasmer là-dessus. Le changement d'avis,
+et la diversité d'opinion selon le
sujet qu'on traite, n'est condamnable
ni en luy, ni en tous ceux qui philosophant
-académiquement ne se rendent
+académiquement ne se rendent
jamais esclaves de leurs premiers sentimens.
Je veux me souvenir en sa
faveur de ce que les Anciens faisoient
Neptune, sous le nom du Dieu Consus,
auteur de tous les bons avis. Or
-ils donnoient apparemment à entendre
-<span class="pagenum"><a name="Page_52" id="Page_52">52</a></span>par là, que comme la Mer que ce
-Dieu gouvernoit, change de face à
+ils donnoient apparemment à entendre
+<span class="pagenum"><a name="Page_52" id="Page_52">52</a></span>par là, que comme la Mer que ce
+Dieu gouvernoit, change de face à
tous momens, il n'estoit pas honteux
-ni mauvais de prendre des avis différens,
-selon la diversité des tems et
-des sujets qui obligent à le faire.</p>
+ni mauvais de prendre des avis différens,
+selon la diversité des tems et
+des sujets qui obligent à le faire.</p>
<p class="bb">&nbsp;</p>
<hr class="first" />
-<h2>TREZIÈME SOLILOQUE</h2>
+<h2>TREZIÈME SOLILOQUE</h2>
<hr class="small" />
<p>Entre les choses dont la Noblesse et
le Peuple sont le mieux d'accord, c'est
d'amasser du bien si faire se peut, et de
-fuir la pauvreté. Les Philosophes<a name="FNanchor_27_27" id="FNanchor_27_27"></a><a href="#Footnote_27_27" class="fnanchor">[27]</a>
-considèrent que la vertu ne s'acquiert
+fuir la pauvreté. Les Philosophes<a name="FNanchor_27_27" id="FNanchor_27_27"></a><a href="#Footnote_27_27" class="fnanchor">[27]</a>
+considèrent que la vertu ne s'acquiert
pas avec les biens; mais qu'au contraire,
c'est assez souvent la vertu qui
nous fait obtenir des biens. Et pour le
-regard de la pauvreté, l'Ecclésiastique
-ne laisse rien à dire pour l'esviter,
+regard de la pauvreté, l'Ecclésiastique
+ne laisse rien à dire pour l'esviter,
<span class="pagenum"><a name="Page_53" id="Page_53">53</a></span>quand il asseure qu'il vaut
mieux mourir, que d'y tomber: <i>Fili,
-in tempore viæ tuæ ne indigeas,
+in tempore viæ tuæ ne indigeas,
melius est enim mori, quant indigere</i>.
C'est pourquoi nous voions que
tout le monde veut devenir riche en
-quelque manière que ce soit,</p>
+quelque manière que ce soit,</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
-<span class="i0"><i>Unde habeat quærit nemo, sed oportet habere.</i><br /></span>
+<span class="i0"><i>Unde habeat quærit nemo, sed oportet habere.</i><br /></span>
</div></div>
<p>L'homme le plus vertueux, le mieux
-sensé, et de la plus haute extraction,
+sensé, et de la plus haute extraction,
s'il est mal vestu, et que ses habits
soient percez au coude, n'oseroit parler
-en bonne compagnie, au péril
-qu'il courroit d'estre moqué au mesme
+en bonne compagnie, au péril
+qu'il courroit d'estre moqué au mesme
tems qu'on applaudit aux discours
impertinens d'un fat, qui a les rieurs
-de son costé, parce qu'il s'est richement
-paré.</p>
+de son costé, parce qu'il s'est richement
+paré.</p>
<div class="poem"><div class="stanza">
<span class="i0"><i>Et genus, et virtus, nisi cum re vilior alga est</i><a name="FNanchor_28_28" id="FNanchor_28_28"></a><a href="#Footnote_28_28" class="fnanchor">[28]</a>.<br /></span>
@@ -1541,73 +1501,73 @@ paré.</p>
<p>Car cette Res des Latins qui se
trouve dans l'opulance, donne des amis
<span class="pagenum"><a name="Page_54" id="Page_54">54</a></span>et des fauteurs partout, <i>Res amicos
-invenit</i>, comme le fait si à-propos
+invenit</i>, comme le fait si à-propos
remarquer ce vieillard Antipho dans
le <i>Stichon</i> de Plaute<a name="FNanchor_29_29" id="FNanchor_29_29"></a><a href="#Footnote_29_29" class="fnanchor">[29]</a>. C'est ici un
-lieu trop commun parmi les sçavans,
-et trop facile à estre amplifié, pour
+lieu trop commun parmi les sçavans,
+et trop facile à estre amplifié, pour
s'y arrester davantage. Mais il n'a
-pas esté moins aisé, à ceux qui l'ont
+pas esté moins aisé, à ceux qui l'ont
voulu contredire, de prendre le parti,
-sinon d'une extrême indigence, au
-moins d'une tolérable et honneste
-pauvreté. <i>Culmen liberos tegit</i>, ont-ils
-dit après Sénèque, <i>sub marmore
+sinon d'une extrême indigence, au
+moins d'une tolérable et honneste
+pauvreté. <i>Culmen liberos tegit</i>, ont-ils
+dit après Sénèque, <i>sub marmore
atque auro servitus habitat</i>. Un peu
-de nécessité aiguise l'esprit; elle a ses
+de nécessité aiguise l'esprit; elle a ses
gaietez plus parfaites souvent, et plus
fidelles, que ne les a l'abondance. Et
-Dieu soit loué qu'il y ait des jours
-dans la vie, où le riche porte envie à
-la condition du pauvre! En vérité
-quelqu'un n'a pas mal rencontré d'escrire,
+Dieu soit loué qu'il y ait des jours
+dans la vie, où le riche porte envie à
+la condition du pauvre! En vérité
+quelqu'un n'a pas mal rencontré d'escrire,
<span class="pagenum"><a name="Page_55" id="Page_55">55</a></span>qu'on voit la pluspart des grands
richars tenir dans leurs coffres le rachat
-des captifs, la liberté des prisonniers,
-la santé des malades, la joie
+des captifs, la liberté des prisonniers,
+la santé des malades, la joie
des affligez, et la vie des languissans,
sans qu'on puisse reprocher une telle
-malédiction à ceux que la Fortune a
+malédiction à ceux que la Fortune a
moins favorisez. Je me trompe de
-parler ainsi de cette Déesse aveugle.
+parler ainsi de cette Déesse aveugle.
Le Bien, la Noblesse, et la Science
mesme, sont des dons du Ciel, qui
-les jette parfois, dit Epictète, comme
+les jette parfois, dit Epictète, comme
l'on fait des noix et des figues aux enfans,
sans qu'il faille se battre comme
-eux à qui en aura le plus, quoiqu'il
-soit permis de s'en prévaloir quand ils
-se présentent à vous, et qu'on le peut
+eux à qui en aura le plus, quoiqu'il
+soit permis de s'en prévaloir quand ils
+se présentent à vous, et qu'on le peut
faire civilement. En effet le Chef des
Gymnosophistes Mandanis ne pouvoit
prononcer un plus bel axiome,
que celuy que nous lisons de luy
dans Strabon, qu'il n'y a point de
-maison plus à estimer, que celle qui se
+maison plus à estimer, que celle qui se
<span class="pagenum"><a name="Page_56" id="Page_56">56</a></span>contente de peu, se passant de ce dont
les autres abondent. Car on peut soustenir
qu'il est mesme parfois avantageux,
de diminuer ses richesses, pour
devenir plus riche, et d'imiter le bon
vigneron, qui coupe la vigne pour la
-faire mieux produire. La pensée de
-Pline est excellente là-dessus dans la
-Préface du quatorzième Livre de son
+faire mieux produire. La pensée de
+Pline est excellente là-dessus dans la
+Préface du quatorzième Livre de son
<i>Histoire naturelle</i>, que les Sciences
-et les Arts Libéraux sont tombez de
-la liberté qui leur avoit donné le nom,
+et les Arts Libéraux sont tombez de
+la liberté qui leur avoit donné le nom,
dans la servitude, en ce qu'autrefois
les plus accommodez des biens de
-Fortune, se plaisoient à cultiver leurs
+Fortune, se plaisoient à cultiver leurs
esprits, chose que l'opulence a depuis
-empeschée, <i>rerum amplitudo damno
-fuit</i>. Car il est arrivé que les hommes
-seuls qui se sont veus réduits à la pauvreté
-et à la servitude, ont fait valoir
+empeschée, <i>rerum amplitudo damno
+fuit</i>. Car il est arrivé que les hommes
+seuls qui se sont veus réduits à la pauvreté
+et à la servitude, ont fait valoir
les Arts et les Sciences, parce qu'ils
n'avoient que ce seul moyen pour se
-faire considérer, et pour subsister:
-<span class="pagenum"><a name="Page_57" id="Page_57">57</a></span><i>Quadam sterilitate fortunæ necesse
+faire considérer, et pour subsister:
+<span class="pagenum"><a name="Page_57" id="Page_57">57</a></span><i>Quadam sterilitate fortunæ necesse
erat animi bona exercere.</i> C'est ainsi
que parle Pline, et qu'on balance
toutes choses.</p>
@@ -1616,7 +1576,7 @@ toutes choses.</p>
<p><i>Rogatus Antisthenes quidnam ex
philosophia lucratus esset, mecum,
-ait, colloqui posse</i>, <span lang="el" title="Grec: to dynastai heautô
+ait, colloqui posse</i>, <span lang="el" title="Grec: to dynastai heautô
homilein">&#964;&#8056; &#948;&#8059;&#957;&#945;&#963;&#964;&#945;&#953; &#7953;&#945;&#965;&#964;&#8183; &#8001;&#956;&#953;&#955;&#949;&#8150;&#957;</span>.</p>
<hr class="small" />
@@ -1625,31 +1585,31 @@ homilein">&#964;&#8056; &#948;&#8059;&#957;&#945;&#963;&#964;&#945;&#953; &#7953
dubia.</i> Arist.</p>
<hr class="l65" />
-<h2><i>Extrait du Privilége</i></h2>
+<h2><i>Extrait du Privilége</i></h2>
<div class="noi">
-<p class="chapstart">PAR Lettres de Privilége du Roy, en
-datte du 9 Mars 1651, signées <span class="smcap">Conrart</span>,
-il est permis à Monsieur <span class="smcap">de la Mothe
+<p class="chapstart">PAR Lettres de Privilége du Roy, en
+datte du 9 Mars 1651, signées <span class="smcap">Conrart</span>,
+il est permis à Monsieur <span class="smcap">de la Mothe
le Vayer</span>, Conseiller du Roy en ses Conseils,
-de faire imprimer, vendre, et débiter
+de faire imprimer, vendre, et débiter
<i>tous les Traitez</i>, <i>Lettres</i>, <i>Opuscules</i>, <i>et
-autres pièces de sa composition</i>, par tel
+autres pièces de sa composition</i>, par tel
Imprimeur ou Libraire qu'il voudra choisir,
-conjointement ou séparément, en un
+conjointement ou séparément, en un
ou plusieurs volumes, en telles marges, en
-tels caractères, et autant de fois que bon
+tels caractères, et autant de fois que bon
luy semblera, durant l'espace de vingt ans:
-Et défenses sont faites à toutes personnes,
-d'imprimer, vendre, ni débiter aucun de
+Et défenses sont faites à toutes personnes,
+d'imprimer, vendre, ni débiter aucun de
ces Traitez, et Opuscules, sans son consentement,
ou de ceux qui auront droit
de luy, sur peine de trois mille livres d'amende,
et autre plus grande, ainsi qu'il
-est plus amplement spécifié par lesdites
+est plus amplement spécifié par lesdites
Lettres.</p></div>
<hr class="l65" />
<p class="center">
-<i>Achevé d'imprimer</i><br />
+<i>Achevé d'imprimer</i><br />
<br />
SUR LES PRESSES DE MOTTEROZ</p>
<hr class="first" />
@@ -1722,387 +1682,9 @@ A PARIS, RUE DU DRAGON, 31</span></p><hr class="first" />
<div class='tnote'>
<h3>Note de Transcription:</h3>
-<p>Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
-L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.</p></div>
-
-
-
-
-
-
-
-
-<pre>
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Soliloques sceptiques, by
-François de La Mothe Le Vayer
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK SOLILOQUES SCEPTIQUES ***
-
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-To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
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-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
-Foundation
-
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
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-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
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-Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
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-
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-works.
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-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
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+<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 40625 ***</div>
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