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Michelet + +Author: Martin Luther + Jules Michelet + +Release Date: January 7, 2014 [EBook #44617] + +Language: French + +Character set encoding: UTF-8 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES DE LUTHER *** + + + + +Produced by Laurent Vogel, Pierre Timmermans, Hans Pieterse +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + + + + + + Au lecteur. + + Ce livre électronique reproduit intégralement le texte + original. Les erreurs signalées par l'auteur (voir Errata) ont + été corrigées. Quelques erreurs typographiques ont également + été corrigées; la liste de ces corrections se trouve à la + fin du texte. La ponctuation a été tacitement corrigée par + endroits. + + Les notes de bas de page ont été renumérotées de 1 à 11. 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HACHETTE, + Libraire de l'Université de France, + RUE PIERRE-SARRAZIN, 12. + + 1837 + + + + +MÉMOIRES + +DE LUTHER + + +LIVRE III. + +1529-1546. + + + + +CHAPITRE PREMIER. + +1529-1532. + + Les Turcs. Danger de l'Allemagne.—Augsbourg, Smalkalde. Danger + du protestantisme. + + +Luther fut tiré de son abattement et ramené à la vie active par les +dangers qui menaçaient la Réforme et l'Allemagne. Lorsque ce _fléau de +Dieu_, qu'il attendait avec résignation comme le signe du Jugement, +fondit en effet sur l'Allemagne, lorsque les Turcs[a1] vinrent camper +devant Vienne, Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, et fit +un livre contre les Turcs, qu'il dédia au landgrave de Hesse. Le 9 +octobre 1528 il écrivit à ce prince, pour lui exposer les motifs qui +l'avaient décidé à composer ce livre. «Je ne puis me taire, dit-il; +il est malheureusement parmi nous des prédicateurs qui font croire au +peuple qu'on ne doit point s'occuper de la guerre des Turcs; il y en a +même d'assez extravagans pour prétendre, qu'en toutes circonstances, +il est défendu aux chrétiens d'avoir recours aux armes temporelles. +D'autres encore, qui regardant le peuple allemand comme un peuple de +brutes incorrigibles, vont jusqu'à désirer qu'il tombe au pouvoir des +Turcs. Ces folies, ces horribles malices, sont imputées à Luther et +à l'Évangile, comme, il y a trois ans, la révolte des paysans, et en +général tout le mal qui arrive dans le monde. Il est donc urgent que +j'écrive à ce sujet, tant pour confondre les calomniateurs, que pour +éclairer les consciences innocentes sur ce qu'il faut faire contre le +Turc...» + +«Nous avons appris hier que le Turc est parti de Vienne pour la +Hongrie, par un grand miracle de Dieu. Car après avoir livré +inutilement le vingtième assaut, il a ouvert la brèche par une mine en +trois endroits. Mais rien n'a pu ramener son armée à l'attaque, Dieu +l'avait frappée de terreur; ils aimaient mieux se laisser égorger +par leurs chefs que de tenter ce dernier assaut. On croit qu'il s'est +retiré ainsi de peur des bombardes et de notre future armée; d'autres +en jugent autrement. Dieu a manifestement combattu pour nous cette +année. Le Turc a perdu vingt-six mille hommes, et il a péri trois mille +des nôtres dans les sorties. J'ai voulu te communiquer ces nouvelles, +afin que nous rendions grâces et que nous priions ensemble. Car le +Turc, devenu notre voisin, ne nous laissera pas éternellement la paix.» +(27 octobre 1529.) + +L'Allemagne était sauvée, mais le protestantisme allemand n'en était +que plus en péril. L'irritation des deux partis avait été portée au +comble par un événement antérieur à l'invasion de Soliman. Si l'on +en croit le biographe catholique de Luther, Cochlæus, que nous avons +déjà cité, le chancelier du duc George, Otto Pack, supposa une ligue +des princes catholiques contre l'électeur de Saxe et le landgrave de +Hesse[r1]; il apposa à ce prétendu projet le sceau du duc George, puis +livra ces fausses lettres au Landgrave qui, se croyant menacé, leva +une armée et s'unit étroitement à l'Électeur[a2]. + + [r1] Cochlæus, 171. + +Les catholiques et surtout le duc George[a3] se défendirent vivement +d'avoir jamais songé à menacer l'indépendance religieuse des princes +luthériens; ils rejetèrent tout sur le chancelier qui n'avait fait +peut-être que divulguer les secrets desseins de son maître. «Le docteur +Pack[a4], captif volontaire du Landgrave, à ce que je pense, est +jusqu'à présent accusé d'avoir formé cette alliance des princes. Il +prétend se tirer d'affaire à son honneur, et fasse Dieu que cette trame +retombe sur la tête du rustre qui en est, je crois, l'auteur, sur celle +de notre grand adversaire, tu sais de qui je parle (le duc George de +Saxe).» (14 juillet 1528.) + +«Cette ligue des princes impies, qu'ils nient cependant, tu vois quels +troubles elle a excités; pour moi, je prends la froide excuse du duc +George pour un aveu[r2]. Dieu confondra ce fou enragé, ce Moab qui dresse +sa superbe au-dessus de ses forces. Nous prierons contre ces homicides; +assez d'indulgence. S'ils ourdissent encore quelque projet, nous +invoquerons Dieu, puis nous appellerons les princes pour qu'ils soient +perdus sans miséricorde.» + + [r2] Ukert, 216. + +Bien que tous les princes eussent déclaré ces lettres fausses, les +évêques de Mayence, Bamberg, etc., furent tenus de payer cent mille +écus d'or, comme indemnité des armemens qu'avaient faits les princes +luthériens. Ceux-ci ne demandaient pas mieux que de commencer la +guerre. Ils se comptaient et sentaient leurs forces. Le grand-maître +de l'ordre Teutonique avait sécularisé la Prusse[a5], les ducs de +Mecklembourg et de Brunswick, encouragés par ce grand événement, +avaient appelé des prédicateurs luthériens (1525). La Réforme dominait +dans le nord de l'Allemagne. En Suisse et sur le Rhin, les Zwingliens, +chaque jour plus nombreux, cherchaient à se rapprocher de Luther. +Enfin au sud et à l'est, les Turcs, maîtres de Bude et de la Hongrie, +menaçaient toujours l'Autriche et tenaient en échec l'Empereur. A +son défaut le duc George de Saxe, et les puissans évêques du nord, +s'étaient constitués les adversaires de la Réforme. Une violente +polémique s'était engagée depuis long-temps entre ce prince et Luther. +Le duc écrivait à celui-ci[r3]: «Tu crains que nous n'ayons commerce +avec les hypocrites, la présente te fera voir ce qui en est. Si nous +dissimulons dans cette lettre, tu pourras dire de nous tout ce que tu +voudras; sinon, il faudra chercher les hypocrites là où l'on t'appelle +un prophète, un Daniel, l'apôtre de l'Allemagne, l'évangéliste... Tu +t'imagines peut-être que tu es envoyé de Dieu vers nous, comme ces +prophètes à qui Dieu donna mission de convertir les princes et les +puissans. Moïse fut envoyé à Pharaon, Samuel à Saül, Nathan à David, +Isaïe à Ezéchias, saint Jean-Baptiste à Hérode, nous le savons. Mais +parmi tous ces prophètes nous ne trouvons pas un seul apostat. Ils ont +tous été gens constans dans leur doctrine, hommes sincères et pieux, +sans orgueil, sans avarice, amis de la chasteté... + + [r3] Luther Werke, t. IX, 231. + +»Nous ne faisons pas non plus grand cas de tes prières ni de celles des +tiens; nous savons que Dieu hait l'assemblée de tes apostats... Dieu a +puni par nous Münzer de sa perversité; il pourra bien en faire autant +de Luther, et nous ne refuserons pas d'être encore en ceci, son indigne +instrument... + +»Non, reviens plutôt, Luther, ne te laisse pas mener plus long-temps +par l'esprit qui séduisit l'apostat Sergius: l'Église chrétienne ne +ferme pas son sein au pécheur repentant... Si c'est l'orgueil qui t'a +perdu, regarde ce fier manichéen, saint Augustin, ton maître, dont tu +as juré d'observer la règle: reviens comme lui, reviens à ta fidélité +et à tes sermens, sois comme lui une lumière de la Chrétienté... Voilà +les conseils que nous avons à te donner pour le nouvel an. Si tu t'y +conformes, tu en seras éternellement récompensé de Dieu et nous ferons +tout ce qui est en notre pouvoir pour obtenir ta grâce de l'Empereur.» +(28 décembre 1525.) + +_Mémoire_ de Luther contre le duc George[a6] qui avait intercepté +une de ses lettres, 1529[r4]... «Quant aux belles dénominations que le duc +George me donne, misérable, scélérat, parjure et sans honneur, je +n'ai qu'à l'en remercier; ce sont là les émeraudes, les rubis et les +diamans dont les princes doivent m'orner en retour de l'honneur et +de la puissance que l'autorité temporelle tire de la restauration de +l'Évangile...» + + [r4] _Ibid._ t. IX, 297. + +«... Ne dirait-on pas que le duc George ne connaît pas de supérieur? +Moi, hobereau des hobereaux, dit-il, je suis seul maître et prince, +je suis au-dessus de tous les princes de l'Allemagne, au-dessus de +l'Empire, de ses lois et de ses usages. C'est moi que l'on doit +craindre, à moi seul que l'on doit obéir; ma volonté doit faire loi en +dépit de quiconque pensera et parlera autrement.—Amis, où s'arrêtera +la superbe de ce Moab[a7]? Il ne lui reste plus qu'à escalader le ciel, à +espionner, punir les lettres et les pensées jusque dans le sanctuaire +de Dieu même. Voilà notre petit prince, et avec cela il veut être +glorifié, respecté, adoré! à la bonne heure, grand merci!» + +En 1529, l'année même du traité de Cambrai et du siége de Vienne par +Soliman, l'Empereur avait convoqué une diète à Spire[a8]. (15 mars.) On y +décida que les états de l'Empire devaient continuer d'obéir au décret +lancé contre Luther en 1524, et que toute innovation demeurerait +interdite jusqu'à la convocation d'un concile général. C'est alors que +le parti de la Réforme éclata[a9]. L'électeur de Saxe, le margrave de +Brandebourg, le landgrave de Hesse, les ducs de Lunebourg, le prince +d'Anhalt, et avec eux les députés de quatorze villes impériales, firent +contre le décret de la diète une protestation solennelle, le déclarant +injuste et impie. Ils en gardèrent le nom de _protestans_. + +Le landgrave de Hesse sentait la nécessité de réunir toutes les sectes +dissidentes pour en former un parti redoutable aux catholiques de +l'Allemagne; il essaya de réconcilier Luther avec les sacramentaires[a10]. +Luther prévoyait bien l'inutilité de cette tentative. + +«Le landgrave de Hesse nous a convoqués à Marbourg pour la +Saint-Michel, afin de tenter un accord entre nous et les +sacramentaires... Je n'en attendais rien de bon; tout est plein +d'embûches, je le vois bien. Je crains que la victoire ne leur reste, +comme au siècle d'Arius. On a toujours vu de pareilles assemblées être +plus nuisibles qu'utiles... Ce jeune homme de Hesse est inquiet et +plein de pensées qui fermentent. Le Seigneur nous a sauvés, dans ces +deux dernières années, de deux grands incendies qui auraient embrasé +toute l'Allemagne.» (2 août 1529.) + +«Nous avons reçu du landgrave une magnifique et splendide hospitalité. +Il y avait là Œcolampade, Zwingli, Bucer, etc. Tous demandaient la +paix avec une humilité extraordinaire. La conférence a duré deux jours; +j'ai répondu à Œcolampade et à Zwingli en leur opposant ce passage: +_Hoc est corpus meum_; j'ai réfuté toutes leurs objections. En somme, +ce sont des gens ignorans et incapables de soutenir une discussion.» +(12 octobre 1529.) + +«Je me réjouis, mon cher Amsdorf, de te voir te réjouir de notre synode +de Marbourg; la chose est petite en apparence, mais au fond très +importante. Les prières des gens pieux ont fait que nous les voyons +confondus, morfondus, humiliés.» + +«Toute l'argumentation de Zwingli se réduisait à ceci: que le corps ne +peut être sans lieu ni dimension. Œcolampade soutenait que les Pères +appelaient le pain un signe, que ce n'était donc pas le corps même... +Ils nous suppliaient de leur donner le nom de frères. Zwingli le +demandait au Landgrave en pleurant. Il n'y a aucun lieu sur la terre, +disait-il, où j'aimerais mieux passer ma vie qu'à Wittemberg... Nous +ne leur avons pas accordé ce nom de frères, mais seulement ce que la +charité nous oblige à donner même à nos ennemis... Ils se sont en tout +point conduits avec une incroyable humilité et douceur. C'était, comme +il est visible aujourd'hui, pour nous amener à une feinte concorde, +pour nous faire les partisans, les patrons de leurs erreurs... O rusé +Satan! mais Christ qui nous a sauvés est plus habile que toi. Je ne +m'étonne plus maintenant de leurs impudens mensonges. Je vois qu'ils ne +peuvent faire autrement, et je me glorifie de leur chute.» (1er juin +1530.) + +Cette guerre théologique de l'Allemagne remplit les intermèdes de la +grande guerre européenne que Charles-Quint soutenait contre François +Ier et contre les Turcs. Mais dans les crises les plus violentes de +celle-ci, l'autre se ralentit à peine. C'est un imposant spectacle +que celui de l'Allemagne absorbée dans la pensée religieuse, et près +d'oublier la ruine prochaine dont semblaient la menacer les plus +formidables ennemis. Pendant que les Turcs franchissaient toutes les +anciennes barrières et que Soliman répandait ses Tartares au-delà de +Vienne, l'Allemagne disputait sur la transsubstantiation et sur le +libre arbitre. Ses guerriers les plus illustres siégeaient dans les +diètes et interrogeaient les docteurs. Tel était le flegme intrépide de +cette grande nation, telle sa confiance dans sa force et dans sa masse. + +La guerre des Turcs et celle des Français, la prise de Rome et la +défense de Vienne, occupaient tellement Charles-Quint et Ferdinand, que +les protestans avaient obtenu la tolérance jusqu'au prochain concile. +Mais en 1530, Charles-Quint, voyant la France abattue, l'Italie +asservie, Soliman repoussé, entreprit de juger le grand procès de la +Réforme. Les deux partis comparurent à Augsbourg. Les sectateurs de +Luther, désignés par le nom général de _protestans_, voulurent se +distinguer de tous les autres ennemis de Rome, dont les excès auraient +calomnié leur cause, des zwingliens républicains de la Suisse, odieux +aux princes et à la noblesse, des anabaptistes surtout, proscrits comme +ennemis de l'ordre et de la société. Luther, sur qui pesait encore la +sentence prononcée à Worms, qui le déclarait hérétique, ne put s'y +rendre; il fut remplacé par le savant et pacifique Mélanchton, esprit +doux et timide comme Érasme, dont il restait l'ami malgré Luther. + +L'Électeur amena du moins celui-ci le plus près possible d'Augsbourg, +dans la forteresse de Cobourg.[a11][a12] De là Luther pouvait +entretenir avec les ministres protestans, une active et facile +correspondance. Le 22 avril il écrit à Mélanchton: «Je suis enfin +arrivé à mon Sinaï, cher Philippe, mais de ce Sinaï je ferai une Sion, +et j'y élèverai trois tabernacles, l'un au psalmiste, l'autre aux +prophètes, l'autre enfin à Ésope (dont il traduisait alors les fables). +Rien ne manque pour que ma solitude soit complète. J'ai une vaste +maison, qui domine le château, et les clés de toutes les chambres. A +peine y a-t-il trente personnes dans toute la forteresse, encore douze +sont des veilleurs de nuit, et deux autres des sentinelles toujours +postées sur les tours.» (22 avril.) + +_A Spalatin_ (9 mai): «Vous allez à Augsbourg, sans avoir pris les +auspices, et ne sachant quand ils vous permettront de commencer. +Moi, je suis déjà au milieu des comices, en présence de magnanimes +souverains, devant des rois, des ducs, des grands, des nobles, +qui confèrent avec gravité sur les affaires de l'état, et d'une +voix infatigable remplissent l'air de leurs décrets et de leurs +prédications. Ils ne siégent point enfermés dans ces antres et ces +royales cavernes que vous appelez des palais, mais sous le soleil; +ils ont le ciel pour tente, pour tapis riche et varié, la verdure des +arbres sous lesquels ils sont en liberté, pour enceinte, la terre +jusqu'à ses dernières limites. Ce luxe stupide de l'or et de la soie +leur fait horreur; tous, ils ont mêmes couleurs, même visage. Ils sont +tous également noirs, tous font la même musique, et dans ce chant sur +une seule note, l'on n'entend que l'agréable dissonnance de la voix des +jeunes se mêlant à celle des vieux. Nulle part je n'ai vu ni entendu +parler de leur Empereur; ils méprisent souverainement ce quadrupède +qui sert à nos chevaliers; ils ont quelque chose de meilleur, avec +quoi ils peuvent se moquer de la furie des canons. Autant que j'ai pu +comprendre leurs décrets, grâce à un interprète, ils ont décidé, à +l'unanimité, de faire la guerre, pendant toute cette année, à l'orge, +au blé et à la farine, enfin à ce qu'il y a de mieux parmi les fruits +et les graines. Et il est à craindre qu'ils ne soient presque partout +vainqueurs, car c'est une race de guerriers adroits et rusés, également +habiles à butiner par force ou surprise. Moi, oisif spectateur, j'ai +assisté avec grande satisfaction à leurs comices. L'espoir où je suis +des victoires que leur courage leur donnera sur le blé et l'orge, +ou sur tout autre ennemi, m'a rendu le fidèle et sincère ami de ces +_patres patriæ_, de ces sauveurs de la république. Et si par des +vœux je puis les servir, je demande au ciel que délivrés de l'odieux +nom de corbeaux, etc. Tout cela n'est qu'une plaisanterie, mais une +plaisanterie sérieuse et nécessaire pour repousser les pensées qui +m'accablent, si toutefois elle les repousse.» (9 mai.) + +«Les nobles seigneurs qui forment nos comices courent ou plutôt +naviguent à travers les airs[a13]. Le matin, de bonne heure, ils s'en +vont en guerre, armés de leurs becs invincibles, et tandis qu'ils +pillent, ravagent et dévorent, je suis délivré pour quelque temps de +leurs éternels chants de victoire. Le soir, ils reviennent triomphans; +la fatigue ferme leurs yeux, mais leur sommeil est doux et léger +comme celui d'un vainqueur. Il y a quelques jours j'ai pénétré dans +leur palais pour voir la pompe de leur empire. Les malheureux eurent +grand'peur; ils s'imaginaient que je venais détruire leur industrie. Ce +fut un bruit, une frayeur, des visages consternés!!! Quand je vis que +moi seul je faisais trembler tant d'Achilles et d'Hectors, je battis +des mains, je jetai mon chapeau en l'air, pensant que j'étais bien +assez vengé si je pouvais me moquer d'eux. Tout ceci n'est point un +simple jeu, c'est une allégorie, un présage de ce qui arrivera. Ainsi +devant la parole de Dieu l'on verra trembler toutes ces harpies qui +sont maintenant à Augsbourg, criant et romanisant.» (19 juin.) + +Mélanchton transformé à Augsbourg en chef de parti, ayant à batailler +chaque jour avec les légats, les princes, l'Empereur, se trouvait fort +mal de cette vie active qu'on lui avait imposée. Plusieurs fois il fit +part de ses peines à Luther, qui, pour toute consolation, le tançait +rudement[a14]: + +«Vous me parlez de vos travaux, de vos périls, de vos larmes, et moi, +suis-je donc assis sur des roses? est-ce que je ne porte pas une part +de votre fardeau? Ah! plût au ciel que ma cause fût telle qu'elle +permît les larmes!» (29 juin 1530.) + +«Dieu récompense selon ses œuvres le tyran de Salzbourg qui te fait +tant de mal! Il méritait de toi une autre réponse, telle que je la lui +aurais faite peut-être, telle qu'il n'en a jamais entendu de semblable. +Il faudra qu'ils entendent, je le crains, cette parole de Jules César: +_Ils l'ont voulu_... + +»Tout ce que j'écris est inutile, parce que tu veux, selon ta +philosophie, gouverner toutes ces choses avec ta raison, c'est-à-dire +déraisonner avec la raison. Va, continue de te tuer à cette chose, sans +voir que ta main ni ton esprit ne peuvent la saisir, qu'elle ne veut +pas de tes soins.» (30 juin 1530.) + +«Dieu a mis cette cause dans un certain lieu que ne connaissait point +ta rhétorique ni ta philosophie. Ce lieu, on l'appelle la foi; là +toutes choses sont inaccessibles à la vue; quiconque veut les rendre +visibles, apparentes et compréhensibles, celui-là ne gagne pour prix +de son travail que des peines et des larmes, comme tu en as gagné. +Dieu a dit qu'il habitait dans les nues, qu'il était assis dans les +ténèbres. Si Moïse avait cherché un moyen d'éviter l'armée de Pharaon, +Israël serait peut-être encore en Égypte... Si nous n'avons pas la +foi, pourquoi ne pas chercher consolation dans la foi d'autrui; car +il y en a nécessairement qui croient, si nous ne croyons pas? Ou bien, +faut-il dire que le Christ nous a abandonnés, avant la consommation des +siècles? S'il n'est pas avec nous, où est-il en ce monde, je vous le +demande? Si nous ne sommes point l'Église ou une partie de l'Église, où +est l'Église? Est-ce Ferdinand, le duc de Bavière, le pape, le Turc et +leurs semblables? Si nous n'avons la parole de Dieu, qui donc l'aura? +Toi, tu ne comprends point toutes ces choses; car Satan te travaille +et te rend faible. Puisse le Christ te guérir! c'est ma sincère et +continuelle prière.» (29 juin.) + +«Ma santé est faible... Mais je méprise cet ange de Satan qui vient +souffleter ma chair. Si je ne puis lire ni écrire, au moins je puis +penser et prier, et même me quereller avec le diable; ensuite dormir, +paresser, jouer et chanter. Quant à toi, mon cher Philippe, ne te +macère point pour cette affaire qui n'est point en ta main, mais en +celle d'Un plus puissant à qui personne ne pourra l'enlever.» (31 +juillet.) + +Mélanchton croyait qu'il était possible de rapprocher les deux partis; +Luther comprit de bonne heure qu'ils étaient irréconciliables. Dans le +commencement de la Réforme, il avait souvent réclamé les conférences +et les disputes publiques; il lui fallait alors tout tenter, avant +d'abandonner l'espérance de conserver l'unité chrétienne; mais sur +la fin de sa vie, dès le temps même de la diète d'Augsbourg, il se +prononçait contre tous ces combats de parole, où le vaincu ne veut +jamais avouer sa défaite. + +(26 août 1530.) «Je suis contre toute tentative faite pour accorder +les deux doctrines; car c'est chose impossible, à moins que le pape ne +veuille abolir sa papauté. C'est assez pour nous d'avoir rendu raison +de notre croyance et de demander la paix. Pourquoi espérer de les +convertir à la vérité?» + +_A Spalatin._ (26 août 1530.) «J'apprends que vous avez entrepris une +œuvre admirable, de mettre d'accord Luther et le pape. Mais le pape ne +le veut pas, et Luther s'y refuse; prenez garde d'y perdre votre temps +et vos peines. Si vous en venez à bout, pour suivre votre exemple, je +vous promets de réconcilier Christ et Bélial.» + +Dans une lettre du 21 juillet il écrivait à Mélanchton: «Vous verrez si +j'étais un vrai prophète quand je répétais sans cesse qu'il n'y avait +point d'accord possible entre les deux doctrines, et que ce serait +assez pour nous d'obtenir la paix publique.» + +Ces prophéties ne furent pas écoutées; les conférences eurent lieu, +et l'on demanda aux protestans une profession de foi. Mélanchton la +rédigea, en prenant l'avis de Luther sur les points les plus importans. + +A Mélanchton. «J'ai reçu votre apologie, et je m'étonne que vous me +demandiez ce qu'il faut céder aux papistes. Pour ce qui est du prince, +et de ce qu'il faut lui accorder si quelque danger le menace, c'est une +autre question. Quant à moi, il a été fait dans cette apologie plus +de concessions qu'il n'était convenable; et s'ils les rejettent, je +ne vois pas que je puisse aller plus loin, à moins que leurs raisons +et leurs livres ne me paraissent meilleurs qu'ils ne m'ont semblé +jusqu'à cette heure. J'emploie les jours et les nuits à cette affaire, +réfléchissant, interprétant, discutant, parcourant toute l'Écriture; +chaque jour augmente ma certitude et me confirme dans ma doctrine.» + +(20 septembre 1530.) «Nos adversaires ne nous cèdent pas un poil; et +nous, il ne faut pas seulement que nous leur cédions le canon, les +messes, la communion sous une espèce, la juridiction accoutumée; mais +encore il faudrait avouer que leurs doctrines, leurs persécutions, tout +ce qu'ils ont fait ou pensé, a été juste et légitime, et que c'est à +tort que nous les avons accusés. C'est-à-dire qu'ils veulent que notre +propre témoignage les justifie et nous condamne. Ce n'est pas là +simplement nous rétracter, mais nous maudire trois fois nous-mêmes.» + +«... Je n'aime pas que dans cette cause vous vous appuyiez de mes +opinions. Je ne veux être ni paraître votre chef; quand même l'on +interpréterait cela à bien, je ne veux pas de ce nom. Si ce n'est point +votre propre cause, je ne veux pas qu'on dise que c'est la mienne, et +que je vous l'ai imposée. Je la défendrai moi-même, s'il n'y a que moi +qui la soutienne.» + +Deux jours avant, il avait écrit à Mélanchton: «Si j'apprends que les +choses vont mal de votre côté, j'aurai peine à m'empêcher d'aller voir +cette formidable rangée des dents de Satan.» Et quelque temps après: +«J'aurais voulu être la victime sacrifiée par ce dernier concile, +comme Jean Huss a été à Constance celle du dernier jour de la fortune +papale.»[a15] (21 juillet 1530.) + +La profession de foi des protestans fut présentée à la diète[a16] et «lue +par ordre de César devant tout l'Empire, c'est-à-dire devant tous +les princes et les états de l'Empire. C'est une grande joie pour +moi d'avoir vécu jusqu'à cette heure, que je voie Christ prêché par +ses confesseurs devant une telle assemblée, et dans une si belle +confession.» (6 juillet.) + +Cette confession était signée de cinq électeurs, trente princes +ecclésiastiques, vingt-trois princes séculiers, vingt-deux abbés, +trente-deux comtes et barons, trente-neuf villes libres et impériales. +«Le prince électeur de Saxe, le margrave George de Brandebourg, Jean +Frédéric-le-Jeune, landgrave de Hesse; Ernest et François, ducs de +Lunebourg; le prince Wolfgang de Anhalt; les villes de Nuremberg et de +Reutlingen, ont signé la confession..... Beaucoup d'évêques inclinent à +la paix, sans s'inquiéter des sophismes d'Eck et de Faber. L'archevêque +de Mayence est très porté pour la paix[a17]; de même le duc Henri de +Brunswick, qui a invité familièrement Mélanchton à dîner, l'assurant +qu'il ne pouvait nier les articles touchant les deux espèces, le +mariage des prêtres, et l'inutilité d'établir des différences entre les +choses qui servent à la nourriture. Les nôtres avouent que personne +ne s'est montré plus conciliant dans toutes les conférences que +l'Empereur. Il a reçu notre prince non-seulement avec bonté, mais avec +respect.» (6 juillet.) + +L'évêque d'Augsbourg, le confesseur même de Charles-Quint, étaient +favorablement disposés pour les luthériens. L'Espagnol disait à +Mélanchton qu'il s'étonnait qu'en Allemagne on contestât la +doctrine de Luther sur la foi, que lui il avait toujours pensé de même +sur ce point (relation de Spalatin sur la diète d'Augsbourg)[r5]. + + [r5] _Ibid._ t. IX, 414. + +Quoi qu'en dise ici Luther des douces dispositions de Charles-Quint, +il termina les discussions en sommant les réformés de renoncer à leurs +erreurs sous peine d'être mis au ban de l'Empire. Il sembla même prêt à +employer la violence et fit un instant fermer les portes d'Augsbourg. + +«Si l'Empereur veut faire un édit, qu'il le fasse; après Worms aussi il +en fit un[a18]. Écoutons l'Empereur puisqu'il est l'Empereur, rien de plus. +Que nous importe ce rustre qui veut se poser comme Empereur (il parle +du duc George)?» (15 juillet 1530.) + +«Notre cause se défendra mieux de la violence et des menaces, que de +ces ruses sataniques que j'ai craintes, surtout jusqu'à ce jour... +Qu'ils nous rendent Léonard[a19], Keiser et tant d'autres, qu'ils ont si +injustement fait mourir[a20]. Qu'ils nous rendent tant d'âmes perdues par +leur doctrine impie; qu'ils rendent toutes ces richesses qu'ils ont +prises avec leurs trompeuses indulgences et leurs fraudes de toute +espèce. Qu'ils rendent à Dieu sa gloire violée par tant de blasphèmes; +qu'ils rétablissent dans les personnes et dans les mœurs, la pureté +ecclésiastique, si honteusement souillée. Que dirais-je encore? Alors +nous aussi nous pourrons parler _de possessorio_.» (13 juillet.) + +«L'Empereur va ordonner simplement que toutes choses soient rétablies +en leur état, que le règne du pape recommence, ce qui excitera, je le +crains, de grands troubles pour la ruine des prêtres et des clercs. +Les villes les plus puissantes, Nuremberg, Ulm, Augsbourg, Francfort, +Strasbourg et douze autres, rejettent ouvertement le décret impérial, +et font cause commune avec nos princes. Tu as entendu parler de +l'inondation de Rome, de celle de Flandre et de Brabant. Ce sont des +signes envoyés de Dieu, mais les impies ne peuvent les comprendre. Tu +sais encore la vision des moines de Spire. Brentius m'écrit qu'à Bade +on a vu dans les airs une armée nombreuse, et sur le flanc de cette +armée un soldat qui brandissait une lance d'un air triomphant, et qui +passa la montagne voisine et le Rhin.» (5 décembre.) + +La diète fut à peine dissoute, que les princes protestans se +rassemblèrent à Smalkalde et y conclurent une ligue défensive, +par laquelle ils devaient former un même corps (31 décembre). Ils +protestèrent contre l'élection de Ferdinand au titre de roi des +Romains. On se prépara à combattre[a21]; les contingens furent fixés: +on s'adressa aux rois de France, d'Angleterre et de Danemark. Luther +fut accusé d'avoir poussé les protestans à prendre cette attitude +hostile[a22]. + +«Je n'ai point conseillé, comme on l'a dit, la résistance à +l'Empereur[a23]. Voici mon avis comme théologien[a24]: Si les juristes +montrent par leurs lois que cela est permis, moi je leur permettrai +de suivre leurs lois. Si l'Empereur a établi dans ses lois, qu'en +pareil cas on peut lui résister, qu'il souffre de la loi que lui-même a +faite... Le prince est une personne politique; s'il agit comme prince, +il n'agit pas comme chrétien, car le chrétien n'est ni prince, ni +homme, ni femme, ni aucune personne de ce monde. Si donc il est permis +au prince, comme prince, de résister à César, qu'il le fasse selon son +jugement et sa conscience. Quant au chrétien, rien ne lui est permis; +il est mort au monde.» (15 janvier 1531.) + +En 1531, Luther écrit un mémoire contre un petit livre anonyme +imprimé à Dresde, dans lequel on reprochait aux protestans de s'armer +en secret et de vouloir surprendre les catholiques, pendant que ceux-ci +ne songeaient, disait-on, qu'à la paix et à la concorde[r6]. + + [r6] _Ibid._ t. IX, 459. + +«... On cache soigneusement d'où ce livre vient, personne ne doit le +savoir. Eh bien! je le veux donc ignorer aussi. Je veux avoir le rhume +pour cette fois et ne pas _sentir_ le maladroit pédant. Cependant +j'essaierai toujours mon savoir-faire et je frapperai hardiment sur le +sac: si les coups tombent sur l'âne qui s'y trouve, ce ne sera pas ma +faute; ce n'est pas à lui, c'est au sac, que j'en voulais. + +»Qu'il soit vrai ou non que les luthériens se préparent et se +rassemblent, cela ne me regarde pas, ce n'est pas moi qui le leur ai +ordonné ni conseillé; je ne sais pas ce qu'ils font ou ce qu'ils ne +font pas; mais puisque les papistes annoncent par ce livre qu'ils +croient à ces armemens, j'accueille ce bruit avec plaisir et je me +réjouis de leurs illusions et de leurs alarmes; j'augmenterais même +volontiers ces illusions, si je le pouvais, rien que pour les faire +mourir de peur. Si Caïn tue Abel, si Anne et Caïphe persécutent Jésus, +il est juste qu'ils en soient punis. Qu'ils vivent dans les transes, +qu'ils tremblent au bruit d'une feuille, qu'ils voient partout le +fantôme de l'insurrection et de la mort, rien de plus équitable. + +»... N'est-il pas vrai, imposteurs, que lorsqu'à Augsbourg les nôtres +présentèrent leur confession de foi, un papiste a dit: Ils nous donnent +là un livre écrit avec de l'encre; je voudrais, moi, qu'on leur +répondît avec du sang? + +»N'est-il pas vrai que l'électeur de Brandebourg et le duc George de +Saxe, ont promis à l'Empereur de fournir cinq mille chevaux contre les +luthériens? + +»N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de prêtres et de seigneurs +ont parié qu'avant la Saint-Michel, c'en serait fait de tous les +luthériens? + +»N'est-il pas vrai que l'électeur de Brandebourg a déclaré publiquement +que l'Empereur et tout l'Empire s'emploieraient corps et biens pour +arriver à ce but?... + +»Croyez-vous que l'on ne connaisse pas votre édit? que l'on ignore +que par cet édit toutes les épées de l'Empire sont aiguisées et +dégainées, toutes les arquebuses chargées, toute la cavalerie lancée, +pour fondre sur l'électeur de Saxe et son parti, pour tout mettre à +feu et à sang, tout remplir de pleurs et de désolation? voilà votre +édit, voilà vos entreprises meurtrières scellées de votre sceau et +de vos armes, et vous voulez que l'on appelle cela de la paix, vous +osez accuser les luthériens de troubler le bon accord? O impudence, ô +hypocrisie sans bornes!... Mais je vous entends: vous voudriez que les +nôtres ne s'apprêtassent point à la guerre dont leurs ennemis mortels +les menacent depuis si long-temps, mais qu'ils se laissassent égorger +sans crier ni se défendre, comme des brebis à l'abattoir. Grand merci, +mes bonnes gens! Moi, prédicateur, je dois endurer cela, je le sais +bien, et ceux à qui cette grâce est donnée doivent l'endurer également. +Mais que tous les autres en feront de même, je ne puis le garantir aux +tyrans. Si je donnais publiquement ce conseil aux nôtres, les tyrans +s'en prévaudraient, et je ne veux point leur ôter la peur qu'ils ont +de notre résistance. Ont-ils envie de gagner leurs éperons en nous +massacrant? qu'ils les gagnent donc avec péril comme il convient à de +braves chevaliers. Égorgeurs de leur métier, qu'ils s'attendent du +moins à être reçus comme des égorgeurs... + +».... Que l'on m'accuse, ou non, d'être trop violent, je ne m'en soucie +plus[a25]. Je veux que ce soit ma gloire et mon honneur désormais, +que l'on dise de moi comme je tempête et sévis contre les papistes. +Voilà plus de dix ans que je m'humilie et que je donne de bonnes +paroles. A quoi tant de supplications ont-elles servi? A empirer le +mal. Ces rustres n'en sont que plus fiers.—Eh bien! puisqu'ils sont +incorrigibles, puisqu'il n'y a plus espoir d'ébranler leurs infernales +résolutions par la bonté, je romps avec eux, je les poursuivrai de mes +imprécations, sans fin ni repos, jusqu'à ma tombe[a26]. Ils n'auront +plus jamais une bonne parole de moi; je veux qu'on les enterre au bruit +de mes foudres et de mes éclairs. + +»Je ne puis plus prier sans maudire. Si je dis, _Que ton nom soit +sanctifié_, il faut que j'ajoute: Maudit soit le nom des papistes et de +tous ceux qui te blasphèment! Si je dis, _Que ton royaume arrive_, je +dois ajouter: Maudits soient la papauté et tous les royaumes qui sont +opposés au tien! Si je dis, _Que ta volonté soit faite_, je dis encore: +Maudits soient et périssent les desseins des papistes et de tous ceux +qui te combattent!... Ainsi je prie ardemment tous les jours, et avec +moi tous les vrais fidèles de Jésus-Christ... Cependant je garde encore +à tout le monde un cœur bon et aimant, et mes plus grands ennemis +eux-mêmes le savent bien. + +»Souvent la nuit, quand je ne puis dormir, je cherche dans mon lit, +avec douleur et anxiété, comment on pourrait encore déterminer les +papistes à la pénitence avant le jugement terrible qui les menace. Mais +il semble que cela ne doit pas être. Ils repoussent toute pénitence +et demandent à grands cris notre sang. L'évêque de Saltzbourg a dit +à maître Philippe, à la diète d'Augsbourg: «Pourquoi disputer si +long-temps? Nous savons bien que vous avez raison.» Et un autre jour: +«Vous ne voulez pas céder, nous non plus, il faut donc qu'un parti +extermine l'autre. Vous êtes le petit et nous le grand: nous verrons +qui aura le dessus.» Jamais je n'aurais cru qu'on pût dire de telles +paroles.» + + + + +CHAPITRE II. + +1534-1536. + + Anabaptistes de Munster[a27]. + + +Pendant que les deux grandes ligues des princes sont en présence, +et semblent se défier, un tiers s'élève entre deux, pour l'effroi +commun des deux partis. Cette fois, c'est encore le peuple, comme dans +la guerre des paysans, mais un peuple organisé, maître d'une riche +cité. La _jacquerie_ du Nord, plus systématique que celle du Midi, +produit l'idéal de la démagogie allemande du seizième siècle, une +royauté biblique, un David populaire, un messie artisan. Le mystique +compagnonnage allemand intronise un tailleur. + +L'entreprise du tailleur fut hardie, mais non absurde. L'anabaptisme +avait de grandes forces. Il n'éclata que dans Munster; mais il était +répandu dans la Westphalie, dans le Brabant, la Gueldre, la Hollande, +la Frise, et tout le littoral de la Baltique jusqu'en Livonie. + +Les Anabaptistes formulèrent la malédiction que les paysans vaincus +avaient jetée sur Luther. Ils détestèrent en lui l'ami de la noblesse, +le soutien de l'autorité civile, le _remora_ de la Réforme. «Quatre +prophètes, deux vrais et deux faux; les vrais sont David et Jean de +Leyde; les faux, le pape et Luther, mais Luther est pire que le pape.» + + +_Comment l'Évangile a d'abord pris naissance à Munster, et comment il y +a fini après la destruction des anabaptistes[r7]. Histoire véritable +et bien digne d'être lue et conservée dans la mémoire (car l'esprit des +anabaptistes de Munster vit encore), décrite par Henricus Dorpius de +cette ville._ Nous nous contenterons de donner un extrait de ce prolixe +récit: + + [r7] _Ibid._ t. II, 391, 199. + +La réforme commença à Munster en 1532, par Rothmann, prédicateur +luthérien ou zwinglien. Elle y eut un si grand succès, que l'évêque +cédant à l'intercession du landgrave de Hesse, accorda aux évangéliques +six de ses églises. Plus tard, un garçon tailleur, Jean de Leyde, y +apporta la doctrine des anabaptistes, et la propagea dans quelques +familles. Il fut aidé dans son œuvre par un prédicateur nommé +Hermann Stapraeda, de Moersa, anabaptiste comme lui. Bientôt leurs +assemblées secrètes devinrent si nombreuses, que les catholiques et les +réformés en furent également alarmés, et chassèrent les anabaptistes +de la ville. Mais ceux-ci revinrent plus hardis; ils intimidèrent le +conseil, et l'obligèrent de fixer un jour où il y aurait discussion +publique dans la maison commune, sur le baptême des enfans. Dans +cette discussion, le pasteur Rothmann passa du côté des anabaptistes, +et devint lui-même un de leurs chefs... Un jour, un autre de leurs +prédicateurs se met à courir dans les rues, en criant: «Faites +pénitence, faites pénitence, amendez-vous, faites-vous baptiser, ou +Dieu va vous punir!» Soit crainte, soit zèle religieux, beaucoup de +gens qui entendirent ces cris, se hâtèrent de demander le baptême. +Alors les anabaptistes remplissent le marché en criant: «Sus aux +païens qui ne veulent pas du baptême!» Ils s'emparent des canons, des +munitions, de la maison de ville, et maltraitent les catholiques et +les luthériens qu'ils rencontrent. Ceux-ci se forment en nombre et +attaquent les anabaptistes à leur tour. Après divers combats sans +résultat, les deux partis éprouvèrent le besoin de se rapprocher, et +convinrent que chacun serait libre de professer sa croyance. Mais les +anabaptistes n'observèrent point ce traité; ils écrivirent sous main +à tous ceux de leur secte qui étaient dans les villes voisines pour +les faire venir à Munster. «Quittez ce que vous avez, écrivaient-ils; +maisons, femmes, enfans, laissez tout pour venir à nous. Tout ce que +vous aurez abandonné, vous sera rendu au décuple...» Quand les riches +s'aperçurent que la ville se remplissait d'étrangers, ils en sortirent +comme ils purent, n'y laissant de leur parti que les gens du bas +peuple. (carême de l'année 1534.) + +Les anabaptistes, enhardis par leur départ et par les renforts qui leur +étaient arrivés, déposèrent aussitôt le conseil de ville qui était +luthérien, et en composèrent un d'hommes de leur parti. + +Quelques jours plus tard, ils pillèrent les églises et les couvens, et +coururent la ville en tumulte, armés de hallebardes, d'arquebuses et de +bâtons, criant comme des furieux: «Faites pénitence, faites pénitence!» +et après: «Hors la ville, impies! hors la ville, ou l'on vous assomme!» +Ainsi ils chassèrent sans pitié tout ce qui n'était pas des leurs. +Ni vieillard ni femme enceinte, ne fut excepté. Un grand nombre de +ces pauvres fugitifs tombèrent entre les mains de l'évêque, qui se +préparait à assiéger la ville. Sans avoir égard à ce qu'ils n'étaient +point du parti des anabaptistes, il les fit emprisonner; beaucoup +d'entre eux furent même cruellement mis à mort. + +Les anabaptistes étant maîtres de la ville, leur prophète suprême, Jean +de Matthiesen, ordonna que tout le monde mît son avoir en commun, sans +rien céler, sous peine de la vie. Le peuple eut peur et obéit. Les +biens des fugitifs furent saisis de même. Ce prophète décida encore +que l'on ne garderait aucun autre livre que la Bible et le Nouveau +Testament. Tous les autres qu'on put trouver furent brûlés dans la cour +de la cathédrale. Ainsi le voulait le Père du ciel, disait le prophète. +On en brûla au moins pour vingt mille florins. + +Un maréchal ferrant ayant parlé injurieusement des prophètes, toute la +commune est assemblée sur le marché, et Jean Matthiesen le tue d'un +coup de feu. Peu après, ce prophète court tout seul hors la ville, une +hallebarde à la main, criant que le Père lui a ordonné de repousser les +ennemis. Il avait à peine passé la porte qu'il fut tué. + +Jean de Leyde lui succéda comme prophète suprême, et il épousa sa +veuve. Il releva le courage du peuple abattu par la mort de son +prédécesseur. A la Pentecôte, l'évêque fit donner l'assaut, mais il +fut repoussé avec grande perte. Jean de Leyde nomma douze fidèles +(parmi lesquels se trouvaient trois nobles) pour être les anciens dans +Israël... Il déclara aussi que Dieu lui avait révélé des doctrines +nouvelles sur le mariage; il discuta avec les prédicateurs, qui, +enfin, se rangèrent à son avis et prêchèrent trois jours de suite +sur la pluralité des femmes. Un assez grand nombre d'habitans se +déclarèrent contre la nouvelle doctrine, et firent même prisonniers les +prédicateurs avec l'un des prophètes; mais bientôt ils furent obligés +de les relâcher, et quarante-neuf d'entre eux périrent. + +A la Saint-Jean de l'année 1534, un nouveau prophète, auparavant +orfèvre à Warendorff, assembla le peuple, et lui annonça qu'il avait eu +une révélation d'après laquelle Jean de Leyde devait régner sur toute +la terre, et occuper le trône de David jusqu'au temps où Dieu le Père +viendrait lui redemander le gouvernement... Les douze anciens furent +déposés et Jean de Leyde proclamé roi. + +Plus les anabaptistes prenaient de femmes, plus l'esprit de libertinage +augmentait parmi eux; ils commirent d'horribles excès sur des jeunes +filles de dix, douze et quatorze ans. Ces violences barbares, et les +maux du siége irritèrent une partie du peuple. Plusieurs soupçonnaient +Jean de Leyde d'imposture et songeaient à le livrer à l'évêque. Le roi +redoubla de vigilance et nomma douze ducs chargés de maintenir la ville +dans la soumission (jour des Rois 1535). Il promit à ces douze chefs +qu'ils régneraient à la place de tous les princes de la terre, et il +leur distribua d'avance des électorats et des principautés. Le «noble +landgrave de Hesse» est seul excepté de la proscription; ils espèrent, +disent-ils, qu'il deviendra leur frère... Le roi désigna le jour de +Pâques comme l'époque où la ville serait délivrée. + +... L'une des reines ayant dit à ses compagnes qu'elle ne croyait pas +conforme à la volonté de Dieu qu'on laissât ainsi le pauvre peuple +mourir de misère et de faim, le roi la conduisit au marché avec ses +autres femmes, lui ordonna de s'agenouiller au milieu de ses compagnes +prosternées comme elle, et lui trancha la tête. Les autres reines +chantèrent: _Gloire à Dieu au haut des cieux!_ et tout le peuple se +mit à danser autour. Cependant il n'avait plus à manger que du pain +et du sel! Vers la fin du siége, la famine fut si grande que l'on y +distribuait régulièrement la chair des morts; on n'exceptait que ceux +qui avaient eu des maladies contagieuses. A la Saint-Jean de l'année +1535, l'évêque apprit d'un transfuge, le moyen d'attaquer la ville avec +avantage. Elle fut prise le jour même de la Saint-Jean, et, après une +résistance opiniâtre, les anabaptistes furent massacrés. Le roi, ainsi +que son vicaire et son lieutenant, fut emmené entre deux chevaux, une +chaîne double au cou, la tête et les pieds nus... L'évêque l'interpella +durement sur l'horrible désastre dont il était cause; il lui répondit: +«François de Waldeck (c'était son nom), si les choses avaient été à mon +gré, ils seraient tous morts de faim, avant que je t'eusse livré la +ville.» + +Nous trouvons beaucoup d'autres détails intéressans dans une pièce +insérée au second volume des œuvres allemandes de Luther (édition +de Witt.) sous le titre suivant: _Nouvelle sur les anabaptistes de +Munster_[r8]. + + [r8] _Ibid._ t. II, 328. + +«... Huit jours après que l'assaut a été repoussé par les anabaptistes, +le roi a commencé son règne en s'entourant d'une cour complète, à +l'égal d'un prince séculier. Il a institué des maîtres de cérémonies, +des maréchaux, des huissiers, des maîtres de cuisine, des fourriers, +des chanceliers, des orateurs (_redner_), des serviteurs pour la table, +des échansons, etc. + +»Une de ses femmes a été élevée au rang de reine, et elle a également +sa cour à elle. C'est une belle et noble femme de Hollande, mariée +auparavant à un autre prophète qui a été tué devant Munster et de qui +elle est encore enceinte. + +»Le roi a en outre trente et un chevaux couverts de draps d'or. Il +s'est fait faire des habits précieux en or et en argent avec les +ornemens de l'église. Son écuyer est paré comme lui de vêtemens +superbes pris de ces ornemens, et il porte en outre des bagues d'or; de +même la reine avec ses vierges et ses femmes. + +»Lorsque le roi, dans sa majesté, traverse la ville à cheval, des pages +l'accompagnent: l'un porte à son côté droit la couronne et la Bible, +l'autre une épée nue. L'un d'eux est le fils de l'évêque de Munster. Il +est prisonnier et il sert le roi dans sa chambre. + +»Le roi a de même dans sa triple couronne surmontée d'une chaîne d'or +et de pierreries, la figure du monde percée d'une épée d'or et d'une +épée d'argent. Au milieu du pommeau des deux épées se trouve une petite +croix sur laquelle est écrit: _Un roi de la justice sur le monde_. La +reine porte les mêmes ornemens. + +»En cet appareil le roi se rend trois fois par semaine au marché, où +il monte sur un siége élevé qu'on a fait exprès. Le lieutenant du roi, +nommé Knipperdolling, se tient une marche plus bas, puis viennent les +conseillers. Celui qui a affaire au roi s'incline deux fois, se laisse +tomber à terre à la troisième, et expose ensuite ce qu'il a à dire. + +»Un mardi ils ont célébré la sainte Cène dans la _cour du dôme_; ils +étaient à table au nombre de près de quatre mille deux cents. Trois +plats furent servis: à savoir du bouilli, du jambon et du rôti; le roi +et ses femmes et tous leurs domestiques servirent les convives. + +»Après le repas, le roi et la reine prirent du gâteau de froment, +le rompirent et en donnèrent aux autres, disant: «Prenez, mangez et +annoncez la mort du Seigneur.» De même ils prirent une cruche de vin, +disant: «Prenez, buvez-en tous et annoncez la mort du Seigneur.» + +»Les convives rompirent de même des gâteaux, et se les présentèrent +les uns aux autres en prononçant ces paroles: «Frère et sœur, prends +et mange. De même que Jésus-Christ s'est dévoué pour moi, de même je +veux me dévouer pour toi; et de même que dans ce gâteau les grains de +froment sont joints, et que les raisins ont été unis pour former ce +vin, de même nous aussi nous sommes unis.» Ils s'exhortaient en même +temps à ne rien dire de frivole, ni qui fût contraire à la loi du +Seigneur. Ensuite ils remercièrent Dieu, d'abord par des prières, et +puis par des cantiques, surtout par le cantique: _Gloire à Dieu au +haut des cieux!_ Le roi et ses femmes, avec leurs serviteurs, se mirent +à table également, ainsi que ceux qui revenaient de la garde. + +»Quand tout fut fini, le roi demanda à l'assemblée s'ils étaient tous +disposés à faire et à souffrir la volonté du Père. Ils répondirent +tous: _Oui_. Puis le prophète Jean de Warendorff se leva, et dit: «Que +Dieu lui avait ordonné d'envoyer quelques-uns d'entre eux pour annoncer +les miracles dont ils avaient été témoins.» Le même prophète ajouta +que, selon l'ordre de Dieu, ceux qu'il nommerait devaient se rendre +dans quatre villes de l'Empire, et y prêcher... On donna à chacun un +fenin d'or de la valeur de neuf florins avec de la monnaie ordinaire +pour le voyage, et ils partirent le soir même. + +»La veille de Saint-Gall, ils parurent dans les villes désignées, +faisant grand bruit, et criant: «Convertissez-vous et faites pénitence, +car la miséricorde du Père est à sa fin. La cognée frappe déjà la +racine de l'arbre. Que votre ville accepte la paix, ou elle va périr.» +Arrivés devant le conseil des quatre villes, ils étendirent leurs +manteaux par terre, et y jetèrent les susdites pièces d'or, en disant: +«Nous sommes envoyés par le Père pour vous annoncer la paix. Si vous +l'acceptez, mettez tout votre bien en commun; si vous ne voulez pas +faire cela, nous protesterons devant Dieu avec cette pièce d'or, +et nous prouverons par elle que vous avez rejeté la paix qu'il vous +envoyait. Il est arrivé maintenant, le temps annoncé par tous les +prophètes, ce temps où Dieu ne voudra plus souffrir sur la terre que +la justice; et quand le roi aura fait régner la justice sur toute la +face de la terre, alors Jésus-Christ remettra le gouvernement entre les +mains du Père.» + +»Alors ils furent mis en prison et questionnés sur leur croyance, leur +vie, etc... (Suit l'interrogatoire.) ... Ils disaient qu'il y avait +quatre prophètes, deux vrais, et deux faux; que les vrais, c'étaient +David et Jean de Leyde, et les faux, le pape et Luther. «Luther, +disaient-ils, est pire encore que le pape.» Ils tiennent aussi pour +damnés tous les autres anabaptistes, quelque part qu'ils se trouvent. + +»... Dans Munster, disaient-ils, les hommes ont communément cinq, six, +sept ou huit femmes, selon leur bon plaisir[1]. Mais chacun est obligé +d'habiter d'abord avec l'une d'entre elles, jusqu'à ce qu'elle soit +enceinte. Ensuite, il peut faire comme il lui plaît. Toutes les jeunes +filles qui ont passé douze ans doivent se marier... + + [1] L'un des interrogés dit que le roi en avait cinq. D'après + une autre relation, le nombre en serait monté à la fin jusqu'à + dix-sept. + +»... Ils détruisent les églises et toutes maisons consacrées à Dieu... + +»... Ils attendent à Munster des gens de Groningue et d'autres contrées +de la Hollande. Eux venus, le roi se lèvera avec toutes ses forces, et +subjuguera la terre entière. + +»Ils tiennent aussi qu'il est impossible de bien comprendre l'Écriture +sans que des prophètes l'aient expliquée. Quand on discute avec eux +et qu'ils en viennent à ne pouvoir justifier leur entreprise par +l'Écriture, ils disent que le Père ne leur donne pas de s'expliquer +là-dessus. D'autres répondent: Le prophète l'a dit par l'ordre de Dieu. + +»Il ne s'en trouva aucun qui voulût se rétracter, ni qui acceptât sa +grâce à ce prix. Ils chantaient et remerciaient Dieu qui les avait +jugés dignes de souffrir pour son nom.» + +Les anabaptistes sommés par le landgrave de Hesse de se justifier +relativement au roi qu'ils s'étaient donné, lui répondirent (janvier +1535)[r9]: «Que les temps de la restitution annoncés par les livres +saints étaient arrivés, que l'Évangile leur avait ouvert la prison de +Babylone, et qu'il fallait à présent rendre aux Babyloniens selon leurs +œuvres; qu'une lecture attentive des prophètes, de l'Apocalypse, +etc., montrerait évidemment au Landgrave si c'était d'eux-mêmes qu'ils +avaient institué un roi, ou bien par l'ordre de Dieu, etc.» + + [r9] _Ibid._ t. II, 365. + +Suit la convention qui fut arrêtée l'an 1533, entre l'évêque de +Munster et cette ville par l'entremise des conseillers du Landgrave: +... Les anabaptistes envoyèrent au landgrave de Hesse leur livre _De +restitutione_. Il le lut avec indignation et ordonna à ses théologiens +d'y répondre et d'opposer particulièrement aux anabaptistes neuf +articles qu'il désigna. Dans ces articles il leur reproche entre autres +choses: 1º de faire consister la justice non pas dans la foi seule, +mais dans la foi et les œuvres ensemble; 2º d'accuser injustement +Luther de n'avoir jamais enseigné les bonnes œuvres; 3º de défendre le +libre arbitre. + +Dans le livre _De restitutione_, les anabaptistes divisaient toute +l'histoire du monde en trois parties principales. «Le premier monde, +disent-ils, celui qui exista jusqu'à Noé, fut submergé par les eaux. Le +second, celui dans lequel nous-mêmes nous vivons encore, sera fondu et +purifié par le feu. Le troisième sera un nouveau ciel et une nouvelle +terre, habités par la justice. C'est ce que Dieu a désigné par l'arche +sainte dans laquelle il y avait le vestibule, le sanctuaire et le +saint des saints... La venue du troisième monde sera précédée d'une +restitution et d'un châtiment universels. Les méchans seront tués, +le règne de la justice préparé, les ennemis du Christ jetés à bas, et +toutes choses restituées. C'est ce temps qui commence maintenant.» + +_Entretien ou discussion qu'Antoine Corvinus et Jean Kymeus ont eue à +Béverger avec Jean de Leyde, le roi de Munster[r10]._—«Quand le roi +entra dans notre chambre avec l'escorte qui l'avait tiré de sa prison, +nous le saluâmes d'une manière amicale et l'invitâmes à s'asseoir près +du feu. Nous lui demandâmes comment il se portait et s'il souffrait +dans sa prison. Il répondit qu'il souffrait du froid et se sentait +mal au cœur, mais qu'il devait tout endurer avec patience, puisque +Dieu avait ainsi disposé de lui. Peu-à-peu, toujours en lui parlant +amicalement, car on ne pouvait rien obtenir de lui d'une autre manière, +nous arrivâmes à parler de son royaume et de sa doctrine, de la manière +qu'il suit: + + [r10] _Ibid._ t. II, 376. + +PREMIER POINT DE L'INTERROGATOIRE.—_Les ministres._ «Cher Jean, +nous entendons dire de votre gouvernement des choses extraordinaires +et horribles. Si elles sont telles qu'on le dit, et malheureusement +cela n'est que trop vrai, nous ne pouvons concevoir comment il vous +est possible de justifier une semblable entreprise par la sainte +Écriture...» + +_Le roi._ «Ce que nous avons fait et enseigné, nous l'avons fait +et enseigné avec bon droit, et nous pouvons justifier toute notre +entreprise, nos actions et notre doctrine devant Dieu et à qui il +appartient.» + +_Les ministres_ lui objectent que dans l'Écriture il n'était question +que d'un règne spirituel de Jésus-Christ: «Mon royaume n'est pas de ce +monde,» a-t-il dit lui-même. + +_Le roi._ «J'entends très bien ce que vous dites du royaume spirituel +de Jésus-Christ et je n'attaque nullement les passages que vous citez. +Mais vous devez savoir distinguer le royaume spirituel de Jésus-Christ, +lequel se rapporte aux temps de la souffrance, et duquel après tout ni +vous ni Luther vous n'avez une juste idée, et l'autre royaume, celui +qui, après la résurrection, sera établi dans ce monde pendant mille +ans. Tous les versets qui traitent du royaume spirituel de Jésus-Christ +ont rapport au temps de la souffrance, mais ceux qui se trouvent dans +les prophètes et dans l'Apocalypse et qui traitent du royaume temporel, +doivent être rapportés au temps de la gloire et de la puissance que +Jésus-Christ aura dans le monde avec les siens. + +»Notre royaume de Munster a été une image de ce royaume temporel du +Christ; vous savez que Dieu annonce et désigne beaucoup de choses par +des figures. Nous avions cru que notre royaume durerait jusqu'à la +venue du Seigneur, mais nous voyons à présent qu'en ce point notre +entendement a failli et que nos prophètes ne l'ont pas bien compris +eux-mêmes. Dieu nous en a, dans la prison, ouvert et révélé la +véritable intelligence... + +»Je n'ignore pas que vous rapportez communément au royaume spirituel du +Christ ces passages et d'autres semblables, qui pourtant doivent, sans +aucun doute, être entendus du royaume temporel. Mais qu'est-ce que ces +interprétations spirituelles, et à quoi servent-elles, si rien ne doit +se réaliser un jour?... Dieu a créé le monde principalement pour se +complaire dans les hommes auxquels il a donné un reflet de sa force et +de sa puissance.» + +_Les ministres_ «... Et comment vous justifierez-vous quand Dieu vous +dira au jugement dernier: Qui t'a fait roi? Qui t'a ordonné de répandre +dans le monde de si effroyables erreurs, au grand détriment de ma +parole?» + +_Le roi._ «Je répondrai: Les prophètes de Munster me l'ont ordonné +comme étant votre volonté divine, en preuve de quoi ils m'ont donné en +gage leur corps et leur âme.» + +_Les ministres_ lui demandent ce qu'il en est des révélations divines +qu'il aurait eues, dit-on, au sujet de son élévation à la royauté. + +_Le roi._ «Je n'ai pas eu de révélation à ce sujet, seulement il m'est +venu des pensées, comme s'il devait y avoir un roi à Munster, et que +moi je dusse être ce roi. Ces pensées m'ébranlèrent et m'affligèrent +profondément. Je priais Dieu de vouloir bien prendre en considération +mon inhabileté, et de ne point me charger d'un tel fardeau. Au cas où +il ne voudrait pas m'épargner cette peine, je le priais de me faire +désigner par des prophètes dignes de foi et en possession de sa parole. +Je m'en tins là et n'en dis rien à personne. Mais quinze jours après un +prophète se leva au milieu de la commune et s'écria que Dieu lui avait +signifié que Jean de Leyde devait être roi. Il annonça la même chose au +conseil, qui aussitôt se conforma à ce qu'il disait, se démit de son +pouvoir et me proclama roi avec toute la commune. Il me remit aussi le +glaive de la justice. C'est ainsi que je suis devenu roi.» + +DEUXIÈME ARTICLE.—_Le roi._ «... Nous ne nous sommes opposés à +l'autorité que parce qu'elle voulait nous interdire notre baptême et la +parole de Dieu. Nous avons résisté à la violence. Vous prétendez que +nous avons agi injustement en cela, mais saint Pierre ne dit-il pas +qu'on doit obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes?... Vous ne réprouveriez +pas tout ce que nous avons fait, si vous saviez comment les choses se +sont passées...» + +_Les ministres._ «Parez et justifiez vos actes, comme vous voudrez, +vous n'en serez pas moins éternellement des rebelles, coupables du +crime de lèse-majesté. Le chrétien doit souffrir et ne point résister +au méchant. Quand même tout le conseil se fût rangé de votre parti +(ce qui n'a pas eu lieu), vous auriez dû supporter la violence plutôt +que de commencer un schisme, une sédition, une tyrannie pareils, +contrairement à la parole de Dieu, à la majesté de l'Empereur, à la +dignité royale, à celle de l'électorat et des princes et états de +l'Empire.» + +_Le roi._ «Nous savons ce que nous avons fait: Que Dieu soit notre +juge.» + +_Les ministres._ «Nous aussi, nous savons sur quoi est fondé ce que +nous disons. Que Dieu soit notre juge aussi.» + +TROISIÈME ARTICLE.—_Le roi._ «... Nous avons été assiégés et détruits +à cause de la parole divine; c'est pour elle que nous avons souffert +la faim et tous les maux, que nous avons perdu les nôtres, et que nous +sommes tombés dans une si lamentable calamité! Ceux d'entre nous qui +sont encore en vie, mourront sans résistance et sans plainte, comme +l'agneau qu'on immole...» + +CINQUIÈME ARTICLE.—Le roi dit qu'il a long-temps été de l'avis de +Zwingli, mais qu'il est revenu à croire en la transsubstantiation. +Seulement il n'accorde pas à ses interlocuteurs que celle-ci s'opère +aussi dans celui qui n'a pas la foi. + +SIXIÈME ARTICLE.—_Les ministres._ «... Que voulez-vous donc faire +de Jésus-Christ, s'il n'a pas reçu chair et sang de sa mère Marie? +Voulez-vous qu'il soit un fantôme, un spectre? Il serait besoin +que notre Urbanus Regius fît imprimer un second livre pour vous +faire comprendre votre langue natale[2], sans cela vos têtes d'ânes +résisteront toujours à l'instruction.» + + [2] Ceci se rapporte à l'interprétation du mot: né, _geboren_. + +_Le roi._ «Si vous saviez quelle consolation infinie est renfermée dans +cette connaissance que Jésus-Christ, Dieu et fils du Dieu vivant, s'est +fait homme et a versé son sang, non pas celui de Marie, pour racheter +nos péchés (lui qui est pur de toute faute), vous ne parleriez pas +comme vous faites et vous ne trouveriez pas notre opinion si mauvaise.» + +SEPTIÈME ARTICLE sur la polygamie.—Le roi oppose aux ministres +l'exemple des patriarches. Les ministres se retranchent derrière +l'usage généralement établi dans les temps modernes, et déclarent +que le mariage est _res politica_. Le roi dit qu'il vaut mieux avoir +beaucoup d'épouses, que beaucoup de prostituées, et termine cet +entretien, comme le second, par ces mots: «Que Dieu soit notre juge.» + +Quoique rédigé par les prédicateurs, l'effet de cette discussion ne +leur est pas favorable. On ne peut s'empêcher d'admirer la fermeté, +le bon sens, et la modeste simplicité du roi de Munster, qui ressort +encore par la dureté pédantesque de ses interlocuteurs. + +Corvinus et Kymeus au lecteur chrétien:—«Nous avons représenté notre +entretien avec le roi à-peu-près mot pour mot, sans passer un seul de +ses argumens; seulement nous les avons mis en notre langage et posés +plus convenablement qu'il ne le faisait... Environ huit jours après, +il envoya vers nous pour nous prier de venir encore une fois traiter +avec lui... Nous discutâmes de nouveau pendant deux jours; il se trouva +plus docile que la première fois, mais nous n'avons vu en cela que le +désir de sauver sa vie. Il déclara de son propre mouvement que si on le +prenait en grâce, il voulait avec le secours de Melchior Hoffmann et +de ses reines, exhorter tous les anabaptistes, qui sont très nombreux, +selon lui, dans la Hollande, le Brabant, l'Angleterre et la Frise, à +se taire désormais, à obéir, et même à faire baptiser leurs enfans, +jusqu'à ce que l'autorité s'arrangeât avec eux sur les affaires de +religion.» ... Suit la nouvelle confession de foi de Jean de Leyde, par +laquelle il modifie quelques points de la première. En exhortant les +anabaptistes à l'obéissance, il n'entend qu'une obéissance extérieure. +Il ne cède point sur le fond des doctrines, et veut qu'on laisse les +consciences libres. Quant à l'eucharistie, il déclare que tous ses +confrères sont zwingliens sur ce point, et que lui-même il l'avait +toujours été, mais que dans sa prison Dieu lui a fait connaître ses +erreurs. Cette confession est signée en hollandais: _Moi, Jean de +Leyde, signé de ma propre main_. + +Le 19 janvier 1536, Jean de Leyde, ainsi que Knipperdolling et +Krechting, son vicaire et son lieutenant, furent tirés de leurs +cachots[r11]. Le lendemain, l'évêque leur envoya son chapelain pour +conférer avec chacun d'eux séparément, sur leurs croyances et sur +les actes qu'ils avaient commis. Le roi témoigna du repentir et se +rétracta, mais les deux autres persistèrent et ne s'avouèrent coupables +en rien... Le 22 au matin, toutes les portes de Munster furent fermées; +on ne laissa plus entrer ni sortir, et vers les huit heures, le roi, +dépouillé jusqu'à la ceinture, fut conduit sur un échafaud dressé dans +le marché. Deux cents fantassins et trois cents cavaliers se tenaient +auprès. L'affluence du peuple était extrême. Il fut attaché à un +poteau, et deux bourreaux le déchirèrent tour-à-tour avec des tenailles +ardentes. Enfin l'un d'eux lui plongea un couteau dans la poitrine, et +termina ainsi l'exécution qui durait depuis une heure. + + [r11] _Ibid._ t. II, 400. + +«Aux trois premiers coups de tenailles le roi ne laissa entendre aucun +cri, mais après il s'écria sans cesse, les yeux tournés au ciel: _O +mon Père, ayez pitié de moi!_ et il pria Dieu avec ardeur, pour la +rémission de ses péchés. Quand il se sentit défaillir, il dit: _O mon +Père, je remets mon esprit entre tes mains!_ et il expira.» + +«Le cadavre fut jeté sur une claie et traîné devant la tour de +Saint-Lambert, où étaient préparés trois paniers de fer. Arrivé là, on +l'attacha avec des chaînes dans l'un de ces paniers, et les paysans le +hissèrent au haut de la tour, où il fut suspendu à un crochet.»—Le +supplice de Knipperdolling et de Krechting fut le même que celui du +roi. Ils persistèrent jusqu'à la fin dans tout ce qu'ils avaient dit. +«Pendant l'exécution ils n'invoquèrent que le Père, sans faire mention +du Christ, comme c'était l'usage de leur secte. Ni l'un ni l'autre, +ne dit rien de remarquable: peut-être leur silence était-il la suite +des tourmens qu'ils avaient endurés dans la prison, car ils semblaient +déjà plus morts que vifs. Leurs corps furent mis dans les deux autres +paniers de fer, et hissés par les paysans, l'un à la droite, l'autre +à la gauche du roi, mais plus bas de la hauteur d'un homme. Alors on +rouvrit les portes de la ville, et il y entra une grande foule de gens +venus trop tard pour voir l'exécution[a28].» + +_Préface de Luther aux Nouvelles, sur les affaires de Munster[r12]._ +«Ah! que dois-je, et comment dois-je écrire contre ou sur ces pauvres +gens de Munster! N'est-il pas visible que le diable y règne en +personne, ou plutôt qu'il y a là toute une bande de diables? + + [r12] _Ibid._ t. II, 332. + +»Reconnaissons pourtant ici la grâce et la miséricorde infinies de +Dieu. Après que l'Allemagne, par tant de blasphèmes, par le sang +de tant d'innocens, a mérité une si rude férule, le père de toute +miséricorde ne permet pas encore au diable de frapper son vrai coup, il +nous avertit d'abord paternellement par ce jeu grossier que Satan fait +à Munster. La puissance de Dieu contraint l'esprit aux cent ruses à s'y +prendre d'abord avec gaucherie et maladresse, afin de nous laisser le +temps d'échapper par la pénitence, aux coups mieux calculés qu'il nous +réservait. + +»En effet, l'esprit qui veut tromper le monde ne doit pas commencer par +prendre des femmes, par étendre la main vers les honneurs et le glaive +royal, ou bien par égorger les gens; ceci est trop grossier. Chacun +s'aperçoit que cet esprit ne veut autre chose que s'élever lui-même et +opprimer les autres. Ce qu'il faut pour tromper, c'est de mettre un +habit gris, de prendre un air triste et piteux, de pencher la tête, +de refuser l'argent, de ne pas manger de viande; de fuir les femmes à +l'égal du poison, de repousser comme damnable tout pouvoir temporel, de +rejeter le glaive; puis de se baisser tout doucement vers la couronne, +le glaive et les clés, pour les ramasser et s'en saisir furtivement. +Voilà qui pourrait réussir, voilà qui tromperait même les sages, les +hommes tournés au spirituel. Ce serait là un beau diable, à plumes plus +belles que plumes de paon et de faisan. + +»Mais saisir la couronne si impudemment, prendre non-seulement une +femme, mais autant de femmes que dit le caprice et le plaisir. Ah! +c'est le fait d'un diablotin écolier, d'un diable à l'A B C; ou bien +c'est le véritable Satan, le Satan docte et habile, mais garrotté +par la main de Dieu de chaînes si puissantes qu'il n'a pu agir plus +adroitement. C'est pour nous menacer tous et nous exhorter à craindre +ses châtimens, avant qu'il ne laisse le champ libre à un diable savant +qui nous attaquerait, non plus avec l'A B C, mais avec le véritable +texte, le texte difficile. S'il fait de telles choses comme diablotin +à l'école, que ne pourrait-il faire comme diable raisonnable, sage, +savant, légiste, théologien? + +»... Lorsque Dieu est en colère et qu'il nous prive de sa parole, nulle +tromperie du diable n'est trop grossière. Les commencemens de Mahomet +aussi furent grossiers; cependant, Dieu n'y mettant obstacle, il en est +sorti un empire damnable et infâme, comme tout le monde sait. Si Dieu +ne nous eût pas été en aide contre Münzer, il se fût élevé par lui un +empire turc, comme celui de Mahomet. En somme: nulle étincelle n'est si +petite, que Dieu y laissant souffler le diable, il n'en puisse sortir +un feu qui dévore le monde, et que personne n'éteigne. La meilleure +arme contre le diable c'est le glaive de l'esprit, la parole de Dieu; +le diable est un esprit et il se moque des cuirasses, des chevaux et +des cavaliers. + +»Mais nos seigneurs évêques et princes, ne veulent pas souffrir que +l'on prêche l'Évangile, et que, par la parole divine, l'on arrache +les âmes au diable; ils pensent qu'il suffit d'égorger. De cette +manière ils prennent au diable les corps, ils lui laissent les âmes; +ils réussiront comme les Juifs, qui croyaient exterminer Christ en le +crucifiant..... + +»..... Ceux de Munster, entre autres blasphèmes, parlent de la +naissance de Jésus-Christ, comme s'il ne venait pas (c'est leur +langage) de la semence de Marie et que cependant il fût de la semence +de David. Mais ils ne s'expliquent pas clairement. Le diable garde la +bouillie ardente dans la bouche et ne fait que grommeler: _mum, mum_, +voulant probablement dire pis. Toutefois ce que l'on comprend, c'est +que, d'après eux, la semence ou la chair de Marie ne pourrait pas nous +racheter. Eh bien! diable, grommèle et crache tant que tu voudras, le +seul petit mot: _né_, renverse tout cela. Dans toutes les langues, +sur toute la terre, on appelle _né_ l'enfant de chair et de sang qui +sort des entrailles de la femme, et non autre chose. Or l'Écriture dit +partout que Jésus-Christ est _né_ de sa mère Marie, qu'il est son fils +premier né: ainsi Isaïe, Gabriel, et ailleurs: «Tu seras enceinte en +ton corps,» etc. Mon cher, _être enceinte_ ne signifie pas: être un +tuyau par lequel il coule de l'eau (selon les blasphèmes de Manichée); +mais cela veut dire qu'un enfant est pris de la chair et du sang de sa +mère, qu'il est nourri en elle, qu'il y prend croissance, qu'il est à +la fin mis au monde. + +»L'autre proposition de ces gens, celle par laquelle ils condamnent +le baptême des enfans et en font une chose païenne, est de même assez +grossière. Ils regardent comme mauvais tout ce que les impies ont et +donnent. Pourquoi donc alors ne tiennent-ils pas pour mauvais l'or, +l'argent et les autres biens qu'ils ont pris aux impies dans Munster. +Ils devraient faire de l'or et de l'argent tout neuf..... + +»Leur méchant royaume est si visiblement un royaume de grossière +imposture et de révolte qu'il n'est pas besoin d'en parler. J'en ai +déjà trop dit: Je m'arrête.»[a29] + + + + +CHAPITRE III. + +1536-1545. + + Dernières années de la vie de Luther.—Polygamie du landgrave + de Hesse, etc. + + +Les catholiques et les protestans réunis un instant contre les +anabaptistes, n'en furent ensuite que plus ennemis[a30]. On parlait +toujours d'un concile général; personne n'en voulait sérieusement. Le +pape le redoutait, les protestans le récusaient d'avance. + +«On m'écrit de la diète, que l'Empereur presse les nôtres de consentir +à un concile, et qu'il se courrouce de leur refus. Je ne comprends pas +ces monstruosités. Le pape nie que des hérétiques comme nous puissent +avoir place à un concile: l'Empereur veut que nous consentions au +concile et à ses décrets. C'est peut-être Dieu qui les rend fous... +Mais voici sans doute leur folle combinaison. Comme jusqu'à présent +ils n'ont pu, sous le nom du pape, de l'Église, de l'Empereur, des +diètes, rendre redoutable leur mauvaise cause, ils pensent maintenant +à se couvrir du nom de concile afin de pouvoir crier contre nous: que +nous sommes des gens tellement perdus et désespérés que nous ne voulons +écouter ni le pape, ni l'Église, ni l'Empereur, ni l'Empire, ni le +concile même que nous avons tant de fois demandé. Voyez l'habileté de +Satan contre ce pauvre sot de Dieu, qui aura sans doute de la peine +à se tirer de piéges si bien dressés?... Non, c'est le Seigneur, qui +se jouera de ceux qui se jouent de lui. S'il nous faut consentir à un +concile ainsi disposé pour nous, pourquoi, il y a vingt-cinq ans, ne +nous sommes-nous pas soumis au pape, seigneur des conciles, et à toutes +ses bulles?» (9 juillet 1545.) + +Ce concile aurait pu resserrer l'unité de la hiérarchie catholique, +mais non rétablir celle de l'Église. Les armes devaient seules +décider[a31]. Déjà les protestans avaient chassé les Autrichiens du +Wurtemberg. Ils dépouillaient Henri de Brunswick, qui exécutait à +son profit les arrêts de la chambre impériale. Ils encourageaient +l'archevêque de Cologne à imiter l'exemple d'Albert de Brandebourg, en +sécularisant son archevêché, ce qui leur eût donné la majorité dans +le conseil électoral. Cependant il y eut encore quelques tentatives +de conciliation. Des conférences s'ouvrirent à Worms et à Ratisbonne +(1540—1541)[a32]. Elles furent aussi inutiles que celles qui les +avaient précédées. Luther ne s'y trouva point et donna même peu +d'attention à ces disputes qui de jour en jour prenaient un caractère +plus politique que religieux. + +«Il ne m'est rien venu de Worms, si ce n'est ce que m'écrit Mélanchton, +qu'il s'y est réuni une telle multitude de doctes personnages de +France, d'Italie, d'Espagne et d'Allemagne, que dans aucun synode +pontifical on n'en pourra jamais voir un aussi grand nombre.» (27 +novembre 1540.) + +«J'ai reçu des nouvelles de Worms. Les nôtres procèdent avec force et +sagesse, nos adversaires, comme gens sots et ineptes, n'usent que de +ruses et de mensonges. On croirait voir Satan lui-même, quand se lève +l'aurore, courir çà et là cherchant, sans pouvoir trouver, quelque +sombre repaire pour échapper à cette lumière qui le poursuit.» (9 +janvier 1541.) + +Après une nouvelle conférence de théologiens des deux partis, on +voulut avoir l'opinion de Luther sur dix articles dont on était +convenu. «Notre prince apprenant que l'on venait directement à moi sans +s'adresser à lui, accourut avec Pontanus, et tous deux arrangèrent la +réponse à leur façon[a33].» + +Quelques années auparavant, cette intervention du prince aurait soulevé +l'indignation de Luther. Ici il en parle sans colère, le dégoût et la +lassitude commencent à s'emparer de lui. Il voit bien qu'en travaillant +à rétablir l'Évangile dans sa pureté primitive, il n'a fait que fournir +aux puissans du siècle les moyens de satisfaire leurs ambitions +terrestres, et qu'ils font chaque jour bon marché de son Christ. + +«Notre excellent prince m'a donné à lire les conditions qu'il veut +proposer pour avoir la paix avec l'Empereur et nos adversaires. Je vois +qu'ils regardent toute cette affaire comme une comédie qui se joue +entre eux, tandis que c'est une tragédie entre Dieu et Satan, où Satan +triomphe et où Dieu est humilié[a34]. Mais viendra la catastrophe où le +Tout-Puissant, auteur de cette tragédie, nous donnera la victoire. Je +suis indigné qu'on se joue ainsi de si grandes choses[a35].» (4 avril +1541.) + + +Nous avons vu de bonne heure dans quelle triste dépendance la Réforme +s'était trouvée à l'égard des princes qui la protégeaient; Luther eut +le temps de voir les conséquences où cette dépendance devait aboutir. +Ces princes, c'étaient des hommes; il fallut les servir, non-seulement +comme princes, mais comme hommes, dans leurs caprices, dans les besoins +de leur humanité. De là, des concessions qui sans être contraires aux +principes de la Réforme, semblèrent peu honorables aux réformateurs. + +Le chef le plus belliqueux du parti protestant, l'impétueux et +colérique landgrave de Hesse, fit représenter à Luther et aux ministres +que sa santé ne lui permettait pas de se contenter d'une femme. Les +instructions qu'il donna à Bucer[r13] pour négocier cette affaire +avec les théologiens de Wittemberg, sont un curieux mélange de +sensualité, de craintes religieuses et de naïveté hardie. + + [r13] Bossuet en a donné le texte dans son histoire des + _Variations de l'Église protestante_.—t. I, 328, 199. + +«Depuis mon mariage, écrit-il, je vis dans l'adultère et la +fornication; et comme je ne veux point abandonner cette vie, je ne puis +m'approcher de la Sainte-Table; car saint Paul a dit que l'adultère ne +possèdera pas le royaume des cieux.» Il énumère ensuite les raisons +qui le forcent à vivre ainsi. «Ma femme, dit-il, n'est ni belle, ni +aimable; elle sent mauvais, elle boit, et mes chambellans savent bien +comment elle se comporte alors, etc.»—Je suis d'une forte complexion, +les médecins peuvent le témoigner, souvent je vais aux diètes +impériales. «_Ubi lautè vivitur et corpus curatur; quomodo me ibi +gerere queam absque uxore, cùm non semper magnum gynæceum mecum ducere +possim?..._» Comment puis-je punir la fornication et les autres crimes, +lorsque moi-même je m'en rends coupable, lorsque tous pourraient me +dire: Maître, commence par toi... Si nous prenions les armes pour la +cause de l'Évangile, je ne le ferais qu'avec une conscience troublée, +car je me dirais: Si tu meurs en cette guerre, tu vas au démon... J'ai +lu avec soin l'Ancien et le Nouveau Testament, et je n'y ai trouvé +d'autre remède que de prendre une seconde femme, car je ne puis, ni +ne veux changer la vie que je mène. Je l'atteste par-devant Dieu, ce +qu'Abraham, Jacob, David, Lamech et Salomon ont fait, pourquoi ne le +puis-je faire?» Cette question de la polygamie avait été agitée déjà +dans les premières années du protestantisme; on la trouvait partout +dans l'Écriture à laquelle la Réforme disait vouloir ramener le +monde. Les réformateurs considéraient d'ailleurs le mariage _ut res +politica_, et sujette aux réglemens du prince. En présence de cette +question, Luther recula d'abord; la chose lui répugnait, mais il +n'osait condamner l'Ancien Testament. D'ailleurs la doctrine que le +Landgrave invoquait, était précisément celle que Luther avait adoptée +en principe dès les commencemens de la Réforme, quoiqu'il ne conseillât +pas de la pratiquer; il avait écrit en 1524: «Il faut que le mari +soit certain par sa propre conscience et par la parole de Dieu, que +la polygamie lui est permise. ..... Pour moi, j'avoue que je ne puis +mettre d'opposition à ce qu'on épouse plusieurs femmes, et que cela +ne répugne pas à l'Écriture sainte. Cependant je ne voudrais pas que +cet exemple s'introduisît parmi les chrétiens, à qui il convient de +s'abstenir même de ce qui est permis, pour éviter le scandale et pour +maintenir l'_honestas_ que saint Paul exige en toute occasion. Il est +tout-à-fait indigne d'un chrétien de courir avec tant d'ardeur pour +son propre avantage jusqu'aux dernières limites de la liberté, et de +négliger pourtant les choses les plus vulgaires et les plus nécessaires +de la charité. Aussi je n'ai point voulu, dans mon sermon, ouvrir cette +fenêtre.» (13 janvier 1524.) + +«La polygamie permise autrefois aux Juifs et aux gentils, ne peut, +d'après la foi, exister chez les chrétiens si ce n'est dans un cas +d'absolue nécessité, comme quand on est obligé de se séparer de sa +femme lépreuse, etc. Tu diras donc à ces hommes de chair que s'ils +veulent être chrétiens, il leur faut maîtriser la chair et ne point lui +lâcher la bride. S'ils veulent être gentils, qu'ils le soient, mais à +leurs risques et périls.» (21 mars 1527.) + +Un jour Luther demanda au docteur Basilius si, d'après les lois, le +mari dont la femme aurait quelque maladie incurable, et serait, pour +ainsi dire, plus morte que vivante, pourrait être autorisé à prendre +une concubine. Le docteur Basilius ayant répondu que dans certains +cas, cette permission serait probablement accordée, Luther dit: «C'est +là une chose dangereuse, car si l'on admet les cas de maladie, l'on +pourrait venir chaque jour inventer de nouvelles raisons de dissoudre +les mariages.» (1539). + +Le message du Landgrave jeta Luther dans un grand embarras. Tout ce +qu'il y avait de théologiens protestans à Wittemberg, se réunit pour +dresser une réponse; on résolut de composer avec ce prince. On lui +accorda le double mariage, mais à condition que sa seconde femme ne +serait point reconnue publiquement. «Votre Altesse comprend assez +d'elle-même la différence qu'il y a d'établir une loi universelle ou +d'user de dispense en un cas particulier pour de pressantes raisons. +Nous ne pouvons introduire publiquement et sanctionner comme par une +loi la permission d'épouser plusieurs femmes... Nous prions Votre +Altesse de considérer dans quel danger serait un homme convaincu +d'avoir introduit en Allemagne une telle loi, qui diviserait les +familles et les engagerait en des procès éternels..... Votre Altesse +est d'une complexion faible, elle dort peu; de grands ménagemens lui +sont nécessaires... Le grand Scanderbeg exhortait souvent ses soldats +à la chasteté, disant qu'il n'y avait rien de si nuisible à leur +profession que le plaisir de l'amour... Qu'il plaise donc à Votre +Altesse d'examiner sérieusement les considérations du scandale, des +travaux, des soins, des chagrins et des infirmités qui lui ont été +représentées... Si cependant Votre Altesse est entièrement résolue +d'épouser une seconde femme, nous jugeons qu'elle doit le faire +secrètement... Fait à Wittemberg, après la fête de saint Nicolas, de +l'an 1539[a36]. Martin LUTHER, Philippe MELANCHTON, Martin BUCER, +Antoine CORVIN, ADAM, Jean LENING, Justin WINTFERT, Dyonisius +MELANTHER.» + +C'était une chose dure que de forcer Luther qui, comme théologien et +père de famille, tenait à la sainteté du mariage, de déclarer qu'en +vertu de l'Ancien Testament, deux femmes pouvaient s'asseoir avec leurs +jalousies et leurs haines au même foyer domestique. Cette croix, il +la sentit douloureusement. «Quant à l'affaire _macédonique_, ne t'en +afflige pas trop, puisque les choses en sont venues au point que ni +joie ni tristesse n'y peuvent rien. Pourquoi nous tuer nous-mêmes? +pourquoi souffrir que la tristesse nous ôte la pensée de celui qui a +vaincu toutes les morts et toutes les tristesses? Celui qui a vaincu le +diable et jugé le prince de ce monde, n'a-t-il pas en même temps jugé +et vaincu ce scandale?... A leurs yeux, nos vertus sont des vices quand +nous n'adorons point Satan avec eux. Que Satan triomphe donc, et n'en +concevons ni chagrin, ni tristesse; mais réjouissons-nous en Christ, +qui brisera les efforts de tous nos ennemis.» (18 juin 1540). + +Il semble qu'il ait espéré, pour éviter ce scandale, l'intervention de +l'Empereur. + +«Si César et l'Empire le voulaient, comme ils seront forcés de le +vouloir, ils feraient bientôt cesser par un édit ce scandale, afin que +cela ne puisse devenir pour l'avenir un droit ou un exemple.» + +Depuis cette époque, les lettres de Luther, comme celles de Mélanchton, +sont pleines de dégoût et de tristesse[a37]. + +Quelqu'un demandant à Luther de l'appuyer par une lettre près de la +cour de Dresde, Luther lui répond qu'il a perdu tout crédit, toute +influence. Dans les lettres précédentes, il se trouve parfois des +expressions amères contre cette cour. _Mundana illa caula._ + +«J'assisterai à tes noces, mon cher Lauterbach, mais en esprit et par +la prière. Car que j'y aille de corps, ce n'est pas seulement la +multitude des affaires qui m'en empêche, mais le danger d'offenser ces +mamelucks et la reine de ce royaume (la duchesse Catherine de Saxe?); +car qui n'est offensé de la folie de Luther?» + +«Tu me demandes, mon cher Jonas, de t'écrire de temps à autre quelques +mots de consolation. Mais c'est moi plus que personne qui ai besoin +que tes lettres viennent rendre quelque vie à mon esprit, moi qui +comme Loth ai tant à souffrir au milieu de cette infâme et satanique +ingratitude, de cet horrible mépris de la parole du Seigneur. Il faut +que je voie Satan posséder les cœurs de ceux qui croient qu'à eux +seuls sont réservées les premières places dans le royaume de Christ!» + +Les protestans commençaient déjà à se relâcher de leur sévérité. On +rouvrait les maisons de débauches. Il vaudrait mieux, dit Luther, ne +pas avoir chassé Satan que de le ramener en plus grande force. (13 +septembre 1540.) + +«Le pape, l'Empereur, le Français, Ferdinand, ont envoyé auprès du +Turc, pour demander la paix, une ambassade magnifique chargée de riches +présens. Et ce qu'il y a de plus beau, c'est que pour ne pas blesser +les yeux des Turcs, ils ont tous quitté le costume de leur pays, et se +sont parés de longues robes à la mode turque... J'espère que ce sont +les signes bienheureux de la fin imminente de toutes choses.» (17 +juillet 1745.) + +_A Jonas._ «Je te dis à l'oreille que j'ai de grands soupçons qu'on +nous enverra seuls, nous autres luthériens, à la guerre contre le Turc. +Le roi Ferdinand a enlevé de Bohême l'argent de la guerre, et a défendu +qu'on fît partir un seul soldat. L'Empereur ne fait rien. Et si c'était +leur dessein que nous fussions exterminés par le Turc?» (29 décembre +1542.) + +«Rien de nouveau ici, sinon que le margrave de Brandebourg se fait une +mauvaise réputation par tout le monde au sujet de la guerre de Hongrie. +Ferdinand n'en a pas une meilleure. Je vois un concours de tant de +motifs et de très vraisemblables, que je ne puis m'empêcher de croire +que tout cela indique une horrible et funeste trahison.» (26 janvier +1542.) + +«Je le demande, qu'arrivera-t-il enfin de cette horrible trahison des +princes et des rois?» (16 décembre 1543.) + +«Puisse Dieu nous venger des incendiaires (presque tous les mois il +parle d'incendies qui ont lieu à Wittemberg)! Satan a trouvé un nouveau +moyen de nous tuer. On jette du poison dans le vin, du plâtre dans le +lait[a38]. A Iéna, douze personnes ont été empoisonnées dans du vin. +Peut-être sont-elles mortes seulement pour avoir trop bu. Cependant +on assure qu'à Magdebourg et à Northuse, on a trouvé des marchands +vendant du lait empoisonné.» (avril 1541.) Dans une des lettres +suivantes, il fait mention d'une histoire d'hosties empoisonnées.—A +Amsdorf, à l'occasion de la peste de Magdebourg. «Ce que tu me mandes +de la frayeur que l'on a aujourd'hui de la peste, j'en ai fait aussi +l'épreuve il y a quelques années; et je m'étonne de voir que, plus se +répand la prédication de la vie en Jésus-Christ, plus augmente dans le +peuple la peur de la mort, soit qu'auparavant, sous le règne du pape, +un faux espoir de vie diminuât pour eux la crainte de la mort, et que +maintenant la véritable espérance de vie étant mise devant leurs yeux, +ils sentent combien la nature est faible pour croire au vainqueur de +la mort, soit que Dieu nous tente par ces faiblesses et laisse prendre +à Satan, au milieu de cette frayeur, plus de hardiesse et de force. +Tant que nous avons vécu dans la foi du pape, nous étions comme des +gens ivres, endormis ou fous, prenant la mort pour la vie, c'est-à-dire +ignorant ce que c'est que la mort et la colère de Dieu. Maintenant que +la lumière a brillé et que la colère de Dieu nous est mieux connue, la +nature est sortie du sommeil et de la folie. De là vient qu'ils ont +plus de peur qu'autrefois... J'ajoute et j'applique ici ce passage +du psaume LXXI: _Ne me rejetez pas dans le temps de ma vieillesse; +lorsque ma force succombera, ne m'abandonnez pas_. Car je pense que ce +temps suprême est la vieillesse du Christ et le temps de l'abattement, +c'est-à-dire que c'est le grand et dernier assaut du diable, comme +David, dans ses derniers jours, affaibli par l'âge, eût été tué par +le géant, si Abisaï ne fût venu à son aide... J'ai appris presque +toute cette année à chanter avec saint Paul: _Quasi mortui et ecce +vivimus_. Et ailleurs: _Per gloriam vestram quotidiè morior_. Et quand +il dit aux Corinthiens, _In mortibus frequenter_, ce n'a pas été chez +lui spéculation ou méditation sur la mort, mais sentiment de la mort +elle-même, comme s'il n'y avait plus d'espérance de vie.» (20 novembre +1538.) + +«J'espère qu'au milieu du déchirement du monde, le Christ va hâter son +jour et fera écrouler l'univers, _Ut fractus illabatur orbis_.» (12 +février 1538.) + + + + +LIVRE IV. + +1530-1546. + + + + +CHAPITRE PREMIER. + + Conversations de Luther.—La famille[a39], la femme[a40], + les enfans. La nature. + + +Arrêtons-nous dans cette triste histoire des dernières années de +la vie publique. Réfugions-nous, comme Luther, dans la vie privée; +asseyons-nous à sa table, à côté de sa femme, au milieu de ses enfans +et de ses amis; écoutons les paroles graves du pieux et tendre père de +famille[a41]. + + +«Celui qui insulte les prédicateurs et les femmes ne réussira pas +bien[r14]. C'est des femmes que viennent les enfans par quoi se +maintient le gouvernement de la famille et de l'état. Qui les méprise, +méprise Dieu et les hommes. + + [r14] Tischr. 241. + +»Le droit saxon est trop dur, lorsqu'il donne seulement à la veuve un +siége et une quenouille[r15]. Par le premier mot, il faut entendre +la maison; par le second, l'entretien, la subsistance. On paie bien un +valet. Que dis-je? on donne plus à un mendiant. + + [r15] _Ibid._ 315 _bis_. + +»Il n'y a point de doute que les femmes en mal d'enfant, qui meurent +dans la foi, sont sauvées, parce qu'elles meurent dans la charge et la +fonction pour laquelle Dieu les a créées[r16]. + + [r16] _Ibid._ 116. + +»C'est l'usage dans les Pays-Bas, que chaque nouveau et jeune prêtre se +choisisse une petite fille qu'il tient pour sa fiancée, et cela, pour +honorer le saint état du mariage.» + +On disait à Luther[r17]: Si un prédicateur chrétien doit souffrir la +prison et la persécution pour l'amour de la parole, ne doit-il pas, +à plus forte raison, se passer du mariage? Il répondit à cela: «Il +est plus facile de supporter la prison que de brûler: je l'ai éprouvé +moi-même. Plus je macérais mon corps, plus je tâchais de le dompter, +et plus je brûlais. Quand on aurait le don de rester chaste dans le +célibat, on doit encore se marier pour faire dépit au pape... Si +j'étais mort à l'improviste, j'aurais voulu pour honorer le mariage, +faire venir à mon lit de mort une pieuse fille que j'aurais prise comme +épouse, et à laquelle j'aurais donné deux gobelets d'argent pour don de +noces et présent de lendemain (morgengabe).» + + [r17] _Ibid._ 312 _bis_. + +Lettre à un ami qui lui demande conseil pour se marier[r18]: «Si tu +brûles, il faut prendre femme... Tu voudrais bien en avoir une, belle, +pieuse et riche. Très bien, mon cher; on t'en donnera une en peinture, +avec des joues roses et des jambes blanches. Ce sont aussi les plus +pieuses; mais elles ne valent rien pour la cuisine ni pour le lit... Se +lever de bonne heure et se marier jeune, personne ne s'en repentira. + + [r18] _Ibid._ 313 _bis_. + +»Il n'est guère plus possible de se passer de femme que de boire ou de +manger[r19]. Conçu, nourri, porté dans le corps des femmes, notre +chair est à elles dans sa plus grande partie, et il nous est impossible +de nous en séparer tout-à-fait. + + [r19] _Ibid._ 315 _bis_. + +»Si j'avais voulu faire l'amour, il y a treize ans, j'aurais pris Ave +Schonfeldin, qui est aujourd'hui au docteur Basilius, le médecin de +Prusse. Je n'aimais pas alors ma Catherine; je la soupçonnais d'être +fière et hautaine; mais il a plu ainsi à Dieu; il a voulu que j'eusse +pitié d'elle, et cela m'a fort bien tourné; Dieu soit loué! + +»La plus grande grâce de Dieu est d'avoir un bon et pieux époux, avec +qui vous viviez en paix, à qui vous puissiez confier tout ce que vous +avez, même votre corps et votre vie, et avec qui vous ayez de petits +enfans[r20]. Catherine, tu as un homme pieux qui t'aime, tu es une +impératrice. Grâce soit rendue à Dieu!» + + [r20] _Ibid._ 313. + +Quelqu'un excusait ceux qui courent après les filles, le docteur Luther +répondit: «Qu'ils sachent que c'est mépriser le sexe féminin. Ils +abusent des femmes qui n'ont pas été créées pour cela. C'est une grande +chose qu'une jeune fille puisse toujours être aimée; le diable le +permet rarement... Elle disait bien, mon hôtesse d'Eisenach, quand j'y +étais aux écoles: _Il n'est sur terre chose plus douce que d'être aimé +d'une femme_.» + +«Au jour de la Saint-Martin, anniversaire de la naissance du +docteur Martin Luther, maître Ambrosius Brend vint lui demander sa +nièce...[r21] Un jour qu'il les surprit dans un entretien secret, il +se mit à rire, et dit: «Je ne m'étonne pas qu'un fiancé ait tant à dire +à sa fiancée; pourraient-ils se lasser jamais? Mais on ne doit point +les gêner; ils ont privilége par dessus Droit et Coutume.»—En la lui +accordant, il dit ces paroles: «Monsieur et cher ami, je vous présente +cette jeune fille telle que Dieu me l'a donnée dans sa bonté. Je la +remets entre vos mains; Dieu vous bénisse, de sorte que votre union +soit sainte et heureuse!» + + [r21] _Ibid._ 316 _bis_. + +Le docteur Martin Luther était à la noce de la fille de Jean +Luffte[r22]. Après le souper, il conduisit la mariée au lit, et dit +à l'époux, que d'après le commun usage il devait être le maître dans +la maison... quand la femme n'y était pas; et pour signe, il ôta un +soulier à l'époux et le mit sur le ciel du lit, afin qu'il prît ainsi +la domination et le gouvernement. + + [r22] _Ibid._ 320. + +«Fais comme moi, cher compagnon, quand je voulus prendre ma Catherine, +je priai notre Seigneur, mais je priai sérieusement. Fais-en autant, tu +n'as pas encore sérieusement prié.» + +En 1541, Luther fut un jour extrêmement gai et enjoué à table[r23]. +«Ne vous scandalisez pas de me voir de si bonne humeur, dit-il à ses +amis, j'ai reçu aujourd'hui beaucoup de mauvaises nouvelles et je viens +de lire une lettre très violente contre moi. Nos affaires vont bien, +puisque le diable tempête si fort.» + + [r23] _Ibid._ 264 _bis_. + +Il riait du bavardage de sa femme, et lui demandait si, avant de +prêcher si bien, elle avait dit un _Pater_. Si elle l'eût fait, Dieu +lui aurait sans doute défendu de prêcher. + +«Si je devais encore faire l'amour, je voudrais me tailler dans la +pierre une femme obéissante; sans cela je désespère d'en trouver. + +»La première année du mariage, on a d'étranges pensées[r24]. Si on +est à table, on se dit: Auparavant tu étais seul; aujourd'hui tu es à +deux (_Selbander_). Au lit, si l'on s'éveille, on voit une autre tête +à côté de soi. Dans la première année, ma Catherine se tenait assise à +côté de moi quand j'étudiais, et comme elle ne savait que dire, elle me +demandait: «Seigneur docteur, en Prusse, le maître-d'hôtel n'est-il pas +frère du margrave?» + + [r24] _Ibid._ 313 _bis_. + +»Il ne faut pas mettre d'intervalle entre les fiançailles et les +noces... Les amis mettent des obstacles, comme il m'est arrivé avec +maître Philippe et pour le mariage d'Eisleben (Agricola). Tous mes +meilleurs amis criaient: Point celle-là, mais une autre.» + +Lucas Cranach l'aîné avait fait le portrait de la femme de +Luther[r25]. Lorsque le tableau fut suspendu à la muraille et que le +docteur le vit: «Je veux, dit-il, faire peindre aussi un homme, envoyer +à Mantoue les deux portraits pour le concile, et demander aux saints +pères s'ils n'aimeraient pas mieux l'état du mariage, que le célibat +des ecclésiastiques.» + + [r25] _Ibid._ 314. + +«... Un signe certain que Dieu est ennemi de la papauté, c'est qu'il +lui a refusé cette bénédiction du fruit corporel (la génération des +enfans...). + +»Quand Ève fut amenée devant Adam, il devint plein du Saint-Esprit +et lui donna le plus beau, le plus glorieux des noms; il l'appela +_Eva_, c'est-à-dire la mère de tous les vivans; il ne l'appela point +sa femme, mais la mère, la mère de tous les vivans. C'est là la gloire +et l'ornement le plus précieux de la femme: elle est _Fons omnium +viventium_, la source de toute vie humaine. Cette parole est brève, +mais ni Démosthènes ni Cicéron n'aurait pu dire ainsi. C'est le +Saint-Esprit lui-même qui parle ici par notre premier père, et comme il +a fait un si noble éloge du mariage, il est juste que nous couvrions et +cachions ce qu'il y a de fragile dans la femme[a42]. Jésus-Christ, le +fils de Dieu, n'a pas non plus méprisé le mariage; il est lui-même né +d'une femme, ce qui est un grand éloge du mariage.» + +«On trouve l'image du mariage dans toutes les créatures, non-seulement +dans les animaux de la terre, de l'air et des eaux, mais encore dans +les arbres et les pierres[r26]. Tout le monde sait qu'il est des +arbres, tels que le pommier et le poirier, qui sont comme mari et +femme, qui se demandent réciproquement, et qui prospèrent mieux quand +ils sont plantés ensemble. Parmi les pierres on remarque la même chose, +surtout dans les pierres précieuses, le corail, l'émeraude et autres. +Le ciel est aussi le mari de la terre. Il la vivifie par la chaleur du +soleil, la pluie et le vent, et lui fait ainsi porter toutes sortes de +plantes et de fruits.» + + [r26] _Ibid._ 312 _bis_. + +Les petits enfans du docteur se tenaient debout devant la table[r27], +en regardant avec bien de l'attention les pêches qui étaient servies; +le docteur se mit à dire: «Qui veut voir l'image d'une âme qui jouit +dans l'espérance, la trouvera bien ici. Ah! si nous pouvions attendre +avec autant de joie la vie à venir!» + + [r27] _Ibid._ 42 _bis_. + +On amena au docteur sa petite fille Magdalena[r28], pour qu'elle +chantât à son cousin le chant qui commence ainsi: _Le pape invoque +l'Empereur et les rois, etc._ Mais elle ne le voulut point, quoique +sa mère l'en priât fort. Le docteur dit à ce sujet: «Rien de bien par +force. Sans la grâce, il ne résulte rien de bon des œuvres de la loi.» + + [r28] _Ibid._ 124. + +«_Servez le Seigneur avec crainte et réjouissez-vous avec +tremblement[r29]._ Il n'y a pas là, pour moi, de contradiction. C'est +ce que mon petit Jean fait à l'égard de son père. Mais je ne puis en +faire autant à l'égard de Dieu. Si je suis à ma table, et que j'écrive +ou que je fasse autre chose, Jean me chante une petite chanson; s'il +chante trop haut et que je l'avertisse, il continue, mais en lui-même +et avec quelque crainte. Dieu veut aussi que nous soyons toujours +gais, mais d'une gaîté mêlée de crainte et de réserve.» + + [r29] _Ibid._ 10 _bis_. + +Au premier jour de l'an[r30], un petit enfant du docteur pleurait et +criait, au point que personne ne pouvait le calmer: le docteur avec +sa femme en fut triste et chagriné une grande heure, ensuite il dit: +«Tels sont les désagrémens et les charges du mariage... C'est pour cela +qu'aucun des Pères n'a rien écrit de remarquablement bon à ce sujet. +Jérôme a parlé assez salement, je dirais presque anti-chrétiennement, +du mariage, etc. Au contraire saint Augustin...» + + [r30] _Ibid._ 314 _bis_. + +Après qu'il eut joué avec sa petite Magdalena[r31], sa femme lui +donna le plus jeune de ses enfans, et il dit: «Je voudrais être mort à +l'âge de cet enfant; j'aurais bien renoncé à tout l'honneur que j'ai +et que je puis obtenir encore en ce monde.» Et comme l'enfant l'eut +sali, il dit: «Oh! combien notre Seigneur doit en souffrir de nous plus +qu'une mère de son enfant!» + + [r31] _Ibid._ 47. + +Il disait à son petit enfant[r32]: «Tu es l'innocent petit fou de +notre Seigneur, sous la grâce et non sous la loi. Tu es sans crainte, +sans inquiétude; tout ce que tu fais est bien fait.» + + [r32] _Ibid._ 49 _bis_. + +«Les enfans sont les plus heureux[r33]. Nous autres vieux fous nous +nous tourmentons et nous affligeons par nos éternelles disputes sur +la parole. «Est-ce vrai? Est-ce possible? Comment est-ce possible?» +nous demandons-nous sans cesse... Les enfans, dans la simplicité et la +pureté de leur foi, ont la certitude et ne doutent en rien de ce qui +fait leur salut... Pour être sauvés, nous devons, à leur exemple, nous +en remettre à la simple parole. Mais le diable, pour nous empêcher, +nous jette sans cesse quelque chose en travers. C'est pourquoi le mieux +c'est de mourir sans différer et de nous en aller vite sous terre.» + + [r33] _Ibid._ 134. + +Une autre fois que son petit enfant Martin prenait le sein de sa mère, +le docteur dit[r34]: «Cet enfant, et tout ce qui m'appartient, est +haï du pape et du duc George, haï de leurs partisans, haï des diables. +Cependant tous ces ennemis n'inquiètent guère le cher enfant, il ne +s'inquiète pas de ce que tant et de si puissans seigneurs lui en +veulent, il suce gaîment la mamelle, regarde autour de lui en riant +tout haut, et les laisse gronder tant qu'ils veulent.» + + [r34] _Ibid._ 134 _bis_. + +Comme maître Spalatin et maître Lenhart Beier, pasteur de Zwickaw, +étaient chez le docteur Martin Luther[r35], il jouait bonnement avec +son petit enfant Martin, qui babillait et caressait tendrement sa +poupée. Le docteur dit: «Telles étaient nos pensées dans le Paradis, +simples et naïves; innocentes, sans méchanceté ni hypocrisie; nous +eussions été véritablement comme cet enfant quand il parle de Dieu et +qu'il en est si sûr.» + + [r35] _Ibid._ 45 _bis_. + +«Quels ont dû être les sentimens d'Abraham, lorsqu'il a consenti à +sacrifier et égorger son fils unique[r36]? Il n'en aura rien dit à +Sara. La chose lui eût trop coûté. Vraiment, je disputerais avec Dieu, +s'il m'imposait et m'ordonnait une telle chose.» Alors la femme du +docteur prit la parole et dit: «Je ne puis croire que Dieu demande à +personne qu'il égorge son enfant.» + + [r36] _Ibid._ 47. + +«Ah, combien mon cœur soupirait après les miens, lorsque j'étais +malade à la mort dans mon séjour à Smalkalde. Je croyais que je ne +reverrais plus ma femme ni mes petits enfans[a43]; que cette séparation +me faisait de mal!... Il n'est personne assez dégagé de la chair pour +ne pas sentir ce penchant de la nature. C'est une grande chose que le +lien et la société qui unissent l'homme et la femme!» + +Il est touchant de voir comme tout ramenait Luther à des réflexions +pieuses sur la bonté de Dieu, sur l'état de l'homme avant sa chute, +sur la vie à venir[r37]. Ainsi une belle branche chargée de cerises +que le docteur Jonas met sur table, la joie de sa femme qui sert des +poissons du petit étang de leur jardin, la simple vue d'une rose, etc. +Le 9 avril 1539, le docteur se trouvait dans son jardin et regardait +attentivement les arbres tout brillans de fleurs et de verdure[r38]. +Il dit avec admiration: «Gloire à Dieu qui de la créature morte fait +ainsi sortir la vie au printemps. Voyez ces rameaux, comme ils sont +forts et gracieux; ils sont déjà tout gros de fruits. Voilà une belle +image de la résurrection des hommes. L'hiver est la mort et l'été la +résurrection. Alors tout revit, tout est verdoyant.» + + [r37] _Ibid._ 42-43 _passim_. + + [r38] _Ibid._ 363. + +«Philippe et moi, nous sommes accablés d'affaires et d'embarras. Moi +qui suis vieux et _emeritus_, j'aimerais mieux maintenant prendre un +plaisir de vieillard dans les jardins, à contempler les merveilles +de Dieu dans les arbres, les fleurs, les herbes, les oiseaux, etc.; +c'est ce plaisir et ce loisir qui me reviendraient, si mes péchés ne +m'avaient mérité d'en être privé par ces affaires importunes et souvent +inutiles.» (8 avril 1538.) + +Le 18 avril 1539, sur le soir, il y eut un orage très fort, suivi +d'une pluie bienfaisante qui rendit la verdure à la terre et aux +arbres[r39]. Le docteur Martin dit en regardant le ciel: «Voilà +un beau temps! Tu nous l'accordes, ô mon Dieu! à nous qui sommes si +ingrats, si pleins de méchanceté et d'avarice. Tu es un Dieu de bonté. +Ce n'est pas là une œuvre de Satan; non, c'est un tonnerre bienfaisant +qui ébranle la terre et l'ouvre pour lui faire porter des fruits et +répandre un parfum semblable à celui que répand la prière du chrétien +pieux.» + + [r39] _Ibid._ 423. + +Un autre jour, sur la route de Leipzig, le docteur voyant la plaine +couverte de blés superbes, se mit à prier avec ferveur; il disait: «O +Dieu de bonté, tu nous donnes une année heureuse! Ce n'est pas à cause +de notre piété; c'est pour glorifier ton saint nom. Fais, ô mon Dieu, +que nous nous amendions et que nous croissions dans ta parole! Tout +en toi est miracle. Ta voix fait sortir de la terre, et même du sable +aride, ces plantes et ces épis si beaux qui réjouissent la vue. O mon +père, donne à tous tes enfans leur pain quotidien!» + +«Supportons les difficultés qui accompagnent nos fonctions, avec +égalité d'âme, et attendons secours du Christ[r40]. Considère, dans +ces violettes et ces pensées que tu foules en te promenant sur la +lisière de nos jardins, un emblème de notre condition. Nous consolons +le peuple (?) lorsque nous remplissons l'Église; il y a là la robe +de pourpre, la couleur des afflictions, mais au fond la fleur d'or +rappelle la foi qui ne se flétrit pas.» + + [r40] Lettre V, 726. + +Un soir le docteur Martin Luther voyait un petit oiseau perché sur +un arbre et s'y posant pour passer la nuit[r41]; il dit: «Ce petit +oiseau a choisi son abri et va dormir bien paisiblement; il ne +s'inquiète pas, il ne songe point au gîte du lendemain; il se tient +bien tranquille sur sa petite branche, et laisse Dieu songer pour lui.» + + [r41] Tischr. 43 _bis_. + +Vers le soir, vinrent deux oiseaux qui faisaient un nid dans le jardin +du docteur[r42]. Ils étaient souvent effrayés dans leur vol par ceux +qui passaient. Il se mit à dire: «Ah! cher petit oiseau, ne fuis point, +je te souhaite du bien de tout mon cœur; si tu pouvais seulement me +croire! C'est ainsi que nous refusons de nous confier en Dieu, qui bien +loin de vouloir notre perte, a donné pour nous son propre fils.»[a44] + + [r42] _Ibid._ 24 _bis_. + + + + +CHAPITRE II. + + La Bible.—Les Pères.—Les Scolastiques.—Le Pape.—Les + Conciles. + + +Le docteur Martin Luther avait écrit avec de la craie, sur le mur qui +se trouvait derrière son poêle, les paroles suivantes (Luc, XVI): «Qui +est fidèle dans la plus petite chose, sera fidèle dans la plus grande. +Qui est infidèle dans le petit sera infidèle dans le grand.» + +«Le petit enfant Jésus (il le montrait peint sur la muraille), dort +encore dans les bras de Marie, sa mère[r43]. Il se réveillera un jour +et nous demandera compte de ce que nous avons fait.» + + [r43] Tischred. 32, verso. + +Luther se faisant un jour couper les cheveux et faire la barbe en +présence du docteur Jonas, dit à celui-ci: «Le péché originel est en +nous comme la barbe. On la coupe aujourd'hui, nous avons le visage +frais, et demain elle repousse et ne cesse de pousser jusqu'à ce que +nous soyons sous terre. De même le péché originel ne peut être extirpé +en nous; il remue tant que nous vivons. Néanmoins nous devons lui +résister de toutes nos forces et le couper sans relâche.» + +«La nature humaine est si corrompue qu'elle n'éprouve pas même le +désir des choses célestes. Elle est comme l'enfant nouveau-né à qui +l'on aurait beau promettre tous les trésors et tous les plaisirs de la +terre: il n'en a nul souci et ne connaît que le sein de sa mère. De +même, quand l'Évangile nous parle de la vie éternelle que Jésus-Christ +nous a promise, nous sommes sourds à ses paroles divines, nous nous +engourdissons dans la chair, et nous n'avons que des pensées frivoles +et périssables. La nature humaine n'a pas l'intelligence, pas même le +sentiment, de ce mal mortel qui l'accable.» + +«Dans les choses divines, le Père est la _grammaire_, car il donne +les mots, il est la source d'où coulent les bonnes, pures et belles +paroles que l'on peut prononcer[r44]. Le Fils est la _dialectique_: +il donne la disposition, la manière de placer les choses dans un bel +ordre, de sorte qu'elles suivent et résultent les unes des autres. Le +Saint-Esprit est la _rhétorique_: Il sait bien exposer, pousser les +choses et les étendre, donner la vie et la force, de manière à faire +impression et saisir les cœurs. + + [r44] _Ibid._ 69. + +»La Trinité se retrouve dans toute la création. Dans le soleil, il y a +la substance, l'éclat et la chaleur; dans les fleuves, la substance, +le cours et la puissance. De même dans les arts. Dans l'astronomie, +le mouvement, la lumière et l'influence; dans la musique, les trois +notes _re_, _mi_, _fa_, etc. Les scolastiques ont négligé ces signes +importans, pour s'attacher à des niaiseries. + +»Le décalogue est la _doctrina doctrinarum_[a45], le symbole +l'_historia historiarum_, le pater _oratio orationum_, les sacremens +_ceremoniæ ceremoniarum_[r45].» + + [r45] _Ibid._ 112, verso. + +On demandait au docteur Martin Luther si pendant la domination du pape, +les gens qui n'ont pas connu cette doctrine de l'Évangile que nous +avons aujourd'hui, grâce à Dieu, avaient pu être sauvés[r46]. Il +répondit: «Je n'en sais rien; à moins que je ne pense que le baptême +a pu produire cet effet. J'ai vu beaucoup de moines auxquels on a +présenté la croix de Christ à leur lit de mort, comme c'était alors +l'usage. Ils peuvent avoir été sauvés par leur foi en ses mérites et +ses souffrances. + + [r46] _Ibid._ 362. + +»Cicéron est bien supérieur à Aristote dans sa morale[r47]. Cicéron +était un homme sage et laborieux qui a beaucoup fait et beaucoup +souffert. J'espère que notre Seigneur sera clément pour lui et pour +ceux qui lui ressemblent, quoiqu'il ne nous appartienne pas d'en parler +avec certitude. Que Dieu ne puisse faire des exceptions et établir une +distinction entre les païens, c'est ce qu'on ne pourrait dire. Il y +aura un nouveau ciel et une nouvelle terre bien plus larges et plus +vastes que ceux d'aujourd'hui[a46].» + + [r47] _Ibid._ 425. + +On demandait à Luther si l'offensé devait aller jusqu'à demander pardon +à l'offenseur[r48]. Il répondit: «Non, Jésus-Christ ne l'a pas fait +lui-même, il ne l'a pas commandé. Il suffit qu'on pardonne les offenses +dans son cœur, qu'on les pardonne, publiquement, s'il y a lieu, et +qu'on prie pour celui qui les a commises. J'étais moi-même allé une +fois demander pardon à deux personnes qui m'avaient offensé, M. E. et +D. H. S. (maître Eisleben [Agricola] et le docteur Jérôme Schurf?); +mais par hasard ni l'un ni l'autre ne fut chez lui, et depuis je n'y +suis pas retourné. Je remercie Dieu maintenant qu'il ne m'ait point +permis de faire comme je voulais.» + + [r48] _Ibid._ 106. + +Le docteur Martin Luther soupirait un jour en pensant aux perturbateurs +et aux sectaires qui méprisaient la parole de Dieu[r49]. «Ah! +disait-il, si j'étais un grand poète, je voudrais écrire un chant, un +poème magnifique sur l'utilité et l'efficacité de la parole divine. +Sans elle..... Pendant plusieurs années je lisais la Bible deux fois +par an; c'est un grand et puissant arbre dont chaque parole est un +rameau, je les ai secoués tous, tant j'étais curieux de savoir ce que +chaque branche portait, ce qu'elle pouvait donner, et j'en faisais +tomber chaque fois une couple de poires ou de pommes. + + [r49] _Ibid._ 11, verso. + +»Autrefois sous la papauté, on faisait des pélerinages[a47] pour +visiter les saints[r50][a48]. On allait à Rome, à Jérusalem, à +Saint-Jacques de Compostelle, pour l'expiation de ses péchés. +Aujourd'hui nous pouvons faire des pélerinages chrétiens dans la foi. +Quand nous lisons avec soin les prophètes[a49], les psaumes et les +évangiles, nous allons, non pas par la ville sainte, mais par nos +pensées et nos cœurs, jusqu'à Dieu. C'est là visiter la véritable +terre promise et le paradis de la vie éternelle.» + + [r50] _Ibid._ 311. + +«Que sont les saints en comparaison du Christ[r51]? rien de plus que +les petites gouttes de la rosée des nuits sur la tête de l'Époux et +dans les boucles de sa chevelure.» + + [r51] Cochlæus, Vie de Luther, 226. + +Luther n'aimait pas qu'on insistât sur les miracles. Il regardait ce +genre de preuves comme secondaire. «Les preuves convaincantes sont +dans la parole de Dieu. Nos adversaires lisent la Bible traduite +beaucoup plus que les nôtres. Je crois que le duc George l'a lue avec +plus de soin que tous ceux de la noblesse qui tiennent pour nous. Il +dit à quelqu'un: «Pourvu que le moine achève de traduire la Bible, il +peut partir ensuite quand il voudra.» + +Le docteur Luther disait que Mélanchton l'avait forcé de traduire le +Nouveau Testament. + +«Que nos adversaires s'emportent et fassent rage[r52]. Dieu n'a pas +opposé un mur de pierre aux vagues de la mer, ni une montagne d'acier. +Il a suffi d'un rivage, d'une digue de sable. + + [r52] Tischred. 447. + +»J'ai beaucoup lu la Bible dans ma jeunesse pendant que j'étais moine. +Mais cela ne servait à rien, je faisais simplement du Christ un Moïse. +Maintenant nous l'avons retrouvé, ce cher Christ. Rendons grâce et +tenons-nous-y ferme, et souffrons pour lui ce que nous devons souffrir. + +»Pourquoi enseigne-t-on et observe-t-on les dix commandemens[r53]? +C'est que les lois naturelles ne se trouvent nulle part si bien +rangées et décrites que dans Moïse. Je voudrais même qu'on lui fît +d'autres emprunts dans les choses temporelles, telles que les lois sur +la _lettre de divorce_, le jubilé, l'année d'affranchissement, les +dîmes, etc. Le monde en serait mieux gouverné... C'est ainsi que les +Romains ont pris leurs Douze Tables chez les Grecs... Quant au sabbat +ou dimanche, ce n'est pas une nécessité de l'observer, et si nous +l'observons, nous devons le faire, non pas à cause du commandement de +Moïse, mais parce que la nature aussi nous enseigne à nous donner de +temps en temps un jour de repos, afin qu'hommes et animaux reprennent +des forces, et que l'on aille entendre le sermon et la parole de Dieu.» + + [r53] Luth. Werke, t. II, 16. + +«Puisque, dans ce siècle, on commence à restituer toutes choses, comme +si déjà c'était le jour de la restauration universelle, il m'est venu +dans l'esprit d'essayer si on ne pourrait pas aussi restituer Moïse et +rappeler les rivières à leur source. J'ai eu soin d'abord de traiter +toutes choses le plus simplement du monde, et de ne pas me laisser +entraîner aux explications mystiques, comme on les appelle... Je ne +vois pas d'autre raison pour que Dieu ait voulu former le peuple +juif par ces cérémonies, sinon qu'il a vu le penchant du peuple à se +laisser prendre à ces choses extérieures. Afin que ce ne fussent pas +des fantômes vides et de purs simulacres, il a ajouté sa parole pour y +mettre du poids et de la substance, de sorte qu'elles devinssent choses +sérieuses et graves. + +»J'ai ajouté à chaque chapitre de courtes allégories, non que j'en +tienne beaucoup de compte, mais afin de prévenir la manie de plusieurs +à traiter l'allégorie. Ainsi, dans Jérôme, Origène et autres anciens +écrivains, nous voyons une malheureuse et stérile habitude d'imaginer +des allégories qui ramènent tout à la morale et aux œuvres, tandis +qu'il faudrait tout ramener à la parole et à la foi.» (avril 1525.) + +«Le _Pater noster_ est ma prière[r54]; c'est celle que je dis, et j'y +mêle en même temps quelque chose des Psaumes pour que les faux docteurs +soient confondus et couverts de honte[a50]. Le _Pater_ n'a aucune +prière qui lui soit comparable; je l'aime mieux qu'aucun psaume[3].» + + [r54] Tischreden, 153. + + [3] C'est aussi ce que dit Montaigne dans ses _Essais_. + +«J'avoue franchement que j'ignore si je possède ou non le sens légitime +des psaumes, bien que je ne doute pas de la vérité de celui que je +donne.—L'un se trompe en quelques endroits, l'autre en plusieurs; je +vois des choses que n'a pas vues saint Augustin; et d'autres, je le +sais, verront bien des choses que je ne vois pas. + +»Qui oserait prétendre que personne ait complètement entendu un +seul psaume? Notre vie est un commencement et un progrès, et non +une consommation; celui-là est le meilleur, qui approche le plus de +l'esprit. Il y a des degrés dans la vie et l'action, pourquoi n'y +en aurait-il pas dans l'intelligence? L'Apôtre dit que nous nous +transformons de lumière en lumière.» + +Du _Nouveau Testament_. «L'Évangile de saint Jean est le vrai et pur +Évangile, l'Évangile principal, parce qu'il renferme le plus de paroles +de Jésus-Christ[r55]. De même, les épîtres de saint Paul et de saint +Pierre sont bien au-dessus des évangiles de saint Mathieu, de saint +Marc et de saint Luc. En somme, l'évangile de saint Jean et sa première +épître, les épîtres de saint Paul, notamment celles aux Romains, aux +Galates, aux Éphésiens, et la première de saint Pierre, voilà les +livres qui te montrent Jésus-Christ, et qui t'enseignent tout ce qu'il +t'est nécessaire et utile de savoir, quand même tu ne verrais jamais +d'autre livre.» + + [r55] Ukert, 18. + +Il ne regardait comme apostoliques ni l'épître aux Hébreux, ni celle de +saint Jacques. Il s'exprime de la manière suivante sur celle de saint +Jude: «Personne ne peut nier que cette épître ne soit un extrait ou une +copie de la seconde épître de saint Pierre; les mots sont presque les +mêmes. Jude y parle des apôtres comme leur disciple, et comme après +leur mort. Il cite des versets et des événemens qu'on ne trouve nulle +part dans l'Écriture.» + +L'opinion de Luther sur l'Apocalypse est remarquable: «Que chacun, +dit-il, juge de ce livre d'après ses lumières et son sens particulier. +Je ne prétends imposer à personne mon opinion: je dis tout simplement +ce que j'en pense. Je ne le regarde ni comme apostolique, ni comme +prophétique...» Et ailleurs: «Beaucoup de Pères ont rejeté ce livre, +et chacun peut en penser ce que son esprit lui inspirera. Pour moi, je +ne puis me faire à cet ouvrage. Une seule raison suffirait pour m'en +détourner: c'est que Jésus-Christ n'y est adoré ni enseigné tel que +nous le connaissons.» + +Des _Pères_[a51]. «On peut lire Jérôme pour l'étude de l'histoire: +quant à la foi et à la bonne vraie religion et doctrine, il n'y en a +pas un mot dans ses écrits. J'ai déjà proscrit Origène. Chrysostôme n'a +point d'autorité chez moi. Basile n'est qu'un moine; je n'en donnerais +pas un cheveu. L'apologie de Philippe Mélanchton est au-dessus des +écrits de tous les docteurs de l'Église, sans excepter Augustin. +Hilaire et Théophylacte sont bons. Ambroise aussi; il marche bien sur +l'article le plus essentiel, le pardon des péchés[r56]. + + [r56] Tischreden, 383. + +»Bernard est au-dessus de tous les docteurs dans ses prédications; +mais, quand il dispute, il devient un tout autre homme; alors il +accorde trop à la loi et au libre arbitre. + +»Bonaventure est le meilleur des théologiens scolastiques. + +»Parmi les Pères, Augustin a sans contredit la première place, Ambroise +la seconde, Bernard la troisième. Tertullien est un vrai Carlostad. +Cyrille a les meilleures sentences. Cyprien le martyr est un faible +théologien. Théophylacte est le meilleur interprète de saint Paul.» + +(Pour prouver que l'antiquité n'ajoute pas à l'autorité): «Nous voyons +combien saint Paul se plaint avec douleur des Corinthiens et des +Galates. Parmi les apôtres mêmes, le Christ trouva un traître dans +Judas. + +»Les livres que les Pères ont écrits sur la Bible n'ont jamais rien de +concluant; ils laissent le lecteur suspendu entre le ciel et la terre. +Lisez Chrysostôme, le meilleur rhéteur et parleur de tous.» + +Il remarque que les Pères ne disaient rien de la justification par +la grâce pendant leur vie, mais y croyaient à leur mort. Cela était +plus prudent pour ne point encourager le mysticisme, ni décourager les +bonnes œuvres. + +«Les chers Pères ont mieux vécu qu'écrit.» + +Il fait l'éloge de l'histoire de saint Épiphane et des poésies de +Prudence. + +«Augustin et Hilaire, entre tous, ont écrit avec le plus de clarté et +de vérité; les autres doivent être lus _cum judicio_. + +»Ambroise a été mêlé aux affaires du monde, comme nous le sommes +aujourd'hui. Nous sommes obligés de nous occuper au consistoire +d'affaires de mariage plus que de la parole de Dieu... + +»On a nommé Bonaventure le séraphique, Thomas l'angélique, Scot le +subtil; Martin Luther sera nommé l'archi-hérétique.» + +Saint Augustin était peint dans un livre avec un capuchon de moine. +Luther dit, en voyant cette image[r57]: «Ils font tort au saint +homme, car il a mené une vie commune, comme tout autre homme du pays; +il se servait de cuillers et de tasses d'argent; il n'a pas mené une +vie à part comme les moines. + + [r57] _Ibid._ 98. + +»Macaire, Antoine, Benoît, ont fait un grand et remarquable tort à +l'Église avec leur moinerie; et je crois que dans le ciel ils seront +placés bien plus bas qu'un citoyen, père de famille, pieux et craignant +Dieu. + +»Saint Augustin me plaît plus que tous les autres. Il a enseigné une +pure doctrine, et soumis ses livres, avec l'humilité chrétienne, à la +sainte Écriture... Augustin est favorable au mariage; il parle bien +des évêques qui étaient les pasteurs d'alors, mais le temps et les +disputes des Pélagiens l'ont aigri et lui ont fait mal... S'il eût vu +le scandale de la papauté, il ne l'eût certes pas souffert. + +»Saint Augustin est le premier père de l'Église qui ait traité du péché +originel.» + +Après avoir parlé de saint Augustin, Luther ajoute: «Mais depuis que +j'ai compris Paul par la grâce de Dieu, je n'ai pu estimer aucun +docteur; ils sont devenus tout-à-fait petits à mes yeux. + +»Je ne connais aucun des Pères dont je sois si ennemi que de saint +Jérôme. Il n'écrit que sur le jeûne, les alimens, la virginité, etc. Il +n'enseigne rien sur la foi, etc. Le docteur Staupitz avait coutume de +dire: Je voudrais bien savoir comment Jérôme a pu être sauvé?» + + +«Les nominaux sont dans les hautes écoles une secte à laquelle j'ai +aussi appartenu[r58]. Ils tiennent contre les thomistes, scotistes et +albertistes. Ils s'appellent eux-mêmes occamistes. C'est la secte la +plus nouvelle de toutes, et aujourd'hui la plus puissante, nommément à +Paris.» + + [r58] _Ibid._ 384. + +Luther fait cas du _Maître des sentences_ de Pierre Lombard; mais il +trouve qu'en général les scolastiques donnaient trop peu à la grâce, +trop au libre arbitre[a52]. + +«Gerson seul, entre tous les docteurs, a fait mention des tentations +spirituelles. Tous les autres, Grégoire de Nazianze, Augustin, Scot, +Thomas, Richard, Occam, n'ont senti que les tentations corporelles. Le +seul Gerson a écrit sur le découragement. L'Église, à mesure qu'elle +est plus ancienne, doit éprouver de telles tentations spirituelles. +Nous sommes dans cet âge de l'église. + +»Guillaume de Paris a aussi éprouvé quelque chose de ces tentations +spirituelles. Mais les scolastiques ne sont jamais parvenus à la +connaissance du catéchisme. Le seul Gerson sert à rassurer et relever +les consciences... Il a sauvé beaucoup de pauvres âmes du désespoir, +en amoindrissant et exténuant la loi, de manière toutefois que la loi +subsistât.—Mais Christ ne perce point le tonneau, il le défonce. Il +dit: «Tu ne dois point te confier dans la loi ni te reposer sur elle, +mais sur moi, sur le Christ. Si tu n'es pas bon, je le suis.» + +«Le docteur Staupitz nous parlait un jour d'André Zacharias qui, à +ce qu'on prétend, a vaincu Jean Huss dans la dispute[r59]. Il nous +racontait que le docteur Proles, de Gotha, voyant dans un couvent +Zacharias peint avec une rose à son bonnet, dit à ce sujet: Dieu me +garde de porter une telle rose, car il a vaincu Jean Huss injustement, +et au moyen d'une bible falsifiée. Il y a dans le XXXIVe chapitre +d'Ézéchiel: _C'est moi qui vais visiter et punir mes pasteurs_; mais on +y avait ajouté ces mots: _et non point le peuple_; ceux du concile lui +montrèrent ce texte dans sa propre bible falsifiée comme les autres, et +conclurent ainsi: Tu vois que tu ne dois point punir le pape, que Dieu +s'en charge lui-même. Ainsi le saint homme a été condamné et brûlé. + + [r59] _Ibid._ 385. + +»Maître Jean Agricola lisait un écrit de Jean Huss, plein d'esprit, +de résignation et de ferveur, où l'on voyait comme dans sa prison il +souffrait le martyre des douleurs de la pierre, et se voyait rebuté par +l'empereur Sigismond. Le docteur Luther admirait tant d'esprit et de +courage... C'est bien injustement, disait-il, que nous sommes appelés +hérétiques, Jean Huss et moi... + +»Jean Huss est mort, non comme un anabaptiste, mais comme un +chrétien[r60]. On voit en lui la faiblesse chrétienne; mais en même +temps s'éveille dans son âme la force de Dieu qui le relève. Le combat +de la chair et de l'esprit, dans le Christ et dans Huss, est doux et +aimable à voir... Constance est aujourd'hui une pauvre misérable ville. +Je crois que Dieu l'a punie... Jean Huss a été brûlé; et moi aussi, +je pense que je serai tué, s'il plaît à Dieu. Il a arraché quelques +épines de la vigne du Christ, en attaquant seulement les scandales de +la papauté. Mais moi, docteur Martin Luther, je suis venu dans un champ +déjà noir et bien labouré, j'ai attaqué la doctrine du pape, et l'ai +terrassé. + + [r60] _Ibid._ 386. + +»Jean Huss était la semence qui doit mourir et être enfoncée dans la +terre, pour sortir ensuite, et croître avec force[r61].» + + [r61] _Ibid._ 127. + +Luther improvisa un jour à table le vers suivant: + + Pestis eram vivens, moriens ero mors tua, Papa. + +«La tête de l'Anti-Christ, c'est à la fois le pape et le Turc[r62]. +Le pape en est l'esprit, le Turc la chair. + + [r62] _Ibid._ 241. + +»C'est ma pauvre et infirme condition (pour ne point parler de la +justice de ma cause) qui a fait le malheur du pape[r63]. «Si j'ai +défendu ma doctrine contre tant de rois et d'empereurs, se disait-il, +comment craindrais-je un simple moine?» S'il m'avait estimé un ennemi +dangereux, il aurait pu m'étouffer dès l'origine. + + [r63] _Ibid._ 249. + +»J'avoue que j'ai souvent été trop violent, mais jamais à l'égard de la +papauté. Il devrait y avoir contre celle-ci une langue à part dont tous +les mots fussent des coups de foudre. + +»Les papistes sont confondus et vaincus par les témoignages de +l'Écriture[r64]. Dieu merci, je connais leur erreur sous toutes ses +faces, de l'_alpha_ à l'_oméga_. Cependant aujourd'hui même qu'ils +avouent que l'Écriture est contre eux, la splendeur et la majesté +du pape m'éblouissent quelquefois et c'est avec tremblement que je +l'attaque... + + [r64] _Ibid._ 255. + +»Le pape se dit: «Céderais-je à un moine qui veut me dépouiller de ma +couronne et de ma majesté? Bien fou qui céderait[r65].» Je donnerais +mes deux mains pour croire en Jésus-Christ aussi fermement, aussi +sûrement, que le pape croit que Jésus-Christ n'est rien. + + [r65] _Ibid._ 259. + +»D'autres ont attaqué les mœurs des papes, comme Érasme et Jean +Huss[r66]. Mais moi, j'ai renversé les deux piliers sur lesquels +reposait la papauté: les vœux et les messes particulières.» + + [r66] _Ibid._ 192. + + +_Des Conciles._—«Les conciles ne doivent point ordonner de la foi, +mais de la discipline[r67].» + + [r67] _Ibid._ 371-76. + +Le docteur Martin Luther levait un jour les yeux vers le ciel; il +soupira, et dit: «Ah! un concile général, libre, et vraiment chrétien! +Dieu saura bien le faire; la chose est sienne; il connaît et il a dans +sa main tous les conseils les plus secrets.» + +»Lorsque Pierre-Paul Vergerius, légat du pape, vint à Wittemberg, l'an +1533, et que je montai au château où il était, il nous cita, et nous +somma d'aller au concile. J'irai, lui dis-je, et j'ajoutai: Vous autres +papistes, vous travaillez inutilement. Si vous tenez un concile, vous +n'y traitez point des sacremens, de la justification par la foi, des +bonnes œuvres, mais seulement de babioles et d'enfantillage, comme de +fixer la longueur des habits, ou la largeur des ceintures des prêtres, +ou la dimension de la tonsure, etc. Il se détourna de moi, appuya sa +tête sur sa main, et dit à son compagnon: «Celui-ci touche vraiment le +fond des choses, etc.» + +On demandait quand le pape convoquerait le concile. «Il me semble, +dit le docteur Martin Luther, qu'il n'en sera rien avant le jugement +dernier. C'est alors que notre Seigneur Dieu tiendra lui-même un +concile.» + +Luther conseillait de ne point refuser d'aller au concile, mais +d'exiger qu'il fût libre; «si on le refuse, il n'y a pas de meilleure +excuse pour nous.» + + +_Des biens ecclésiastiques[a53]._ Luther voudrait qu'ils fussent +appliqués à l'entretien des écoles et des pauvres théologiens[r68]. +Il déplore la spoliation des églises. Il prédit que les princes vont +bientôt se disputer les dépouilles des églises. «Le pape prodigue +maintenant les biens ecclésiastiques aux princes catholiques pour se +faire des amis et des alliés. + + [r68] _Ibid._ 380. + +»Ce ne sont point tant nos princes de la confession d'Augsbourg qui +pillent les biens ecclésiastiques, c'est plutôt Ferdinand, l'Empereur, +et l'archevêque de Mayence. Ferdinand a rançonné tous les monastères. +Les Bavarois sont les plus grands voleurs des biens ecclésiastiques; +ils ont de riches abbayes. Mon gracieux seigneur et le Landgrave n'ont +que de pauvres monastères d'ordres mendians. On voulait à la diète, +mettre les monastères à la disposition de l'Empereur, qui y aurait +établi ses gouvernemens militaires. Je donnai le conseil suivant: +_Il faut auparavant réunir tous les monastères en un même lieu. Qui +voudrait souffrir dans sa terre les gens de l'Empereur?_ Tout cela a +été poussé par l'archevêque de Mayence.» + +Dans la réponse à la lettre où le roi de Danemarck lui demandait +ses conseils, Luther désapprouve l'article de la réunion des biens +ecclésiastiques à la couronne. «Voyez, dit-il, au contraire notre +prince Jean Frédéric, comme il applique les biens de l'Église à +l'entretien des pasteurs et des professeurs.» + +«Le proverbe a raison: _Biens de prêtres ne profitent pas_ (pfaffengut +raffengut)[r69]. Burchard Hund, conseiller de l'électeur de Saxe, Jean, +avait coutume de dire: Nous autres de la noblesse, nous avons réuni les +biens des cloîtres à nos biens nobles, et les biens des cloîtres ont +dévoré les biens nobles, de sorte que nous n'avons plus ni les uns ni +les autres.» Luther ajoute la fable du renard qui venge ses petits en +brûlant l'arbre et les petits de l'aigle. + + [r69] _Ibid._ 60. + +Un ancien précepteur du fils de Ferdinand, roi des Romains, nommé +Severus, contait à Luther l'histoire du chien qui défendait la viande +et qui pourtant, quand les autres la lui arrachaient, en prenait sa +part. C'est ce que fait maintenant l'Empereur, dit Luther, pour les +biens ecclésiastiques (Utrecht et Liége). + + +_Des cardinaux et des évêques[a54]._ «En Italie, en France, en +Angleterre, en Espagne, les évêques sont ordinairement les conseillers +des rois; c'est qu'ils sont pauvres[r70]. Mais en Allemagne où ils sont +riches, puissans, et où ils ont une grande considération, les évêques +gouvernent en leur propre nom. + + [r70] _Ibid._ 275. + +»Je veux mettre tous mes soins pour que les canonicats et les petits +évêchés subsistent, de sorte qu'on puisse avec ce revenu établir des +prédicateurs et des pasteurs dans les villes. Les grands évêchés seront +sécularisés.» + +Le jour de l'Ascension le docteur Martin Luther dîna avec l'électeur +de Saxe, et l'on résolut que les évêques conserveraient leur autorité, +à condition qu'ils abjureraient le pape. «Nos gens les examineront, et +les ordonneront, par l'imposition des mains. C'est ainsi que je suis +évêque à présent.» + +Dans les disputes d'Heidelberg, on demandait d'où venaient les +moines[r71]. Réponse: «Dieu ayant fait le prêtre, le diable voulut +l'imiter; mais il fit la tonsure trop grande, de là les moines. + + [r71] _Ibid._ 271. + +»La moinerie ne se rétablira point aussi long-temps que l'article de la +justification restera pur[r72]. + + [r72] _Ibid._ 272. + +»Autrefois les moines étaient en si grande considération que le pape +les redoutait plus que les rois et les évêques. Car ils avaient le +commun peuple dans leurs mains. Les moines étaient les meilleurs +oiseleurs du pape[a55]. Le roi d'Angleterre a beau ne plus reconnaître +le pape pour le chef suprême de la chrétienté. Il ne fait rien que +tourmenter le corps, en fortifiant l'âme de la papauté.» (Henri VIII +n'avait pas encore supprimé les monastères.) + + + + +CHAPITRE III. + + Des écoles et universités, et des arts libéraux. + + +«On doit tirer des écoles des pasteurs qui édifient et soutiennent +l'Église. Des écoles et des pasteurs, cela vaut mieux que des conciles, +comme je l'ai dit déjà. + +»J'espère que si le monde dure encore, les universités d'Erfurth et de +Leipzig se relèveront et prendront des forces, pourvu qu'elles adoptent +la saine théologie, à quoi elles semblent déjà disposées. Mais il +faut que quelques-uns s'endorment auparavant.—Je m'étonnais d'abord +qu'une université eût été fondée ici, à Wittemberg.—Erfurth est situé +au mieux pour cela: là il doit y avoir une ville, quand même celle +qui existe serait brûlée, ce que Dieu veuille empêcher. L'université +d'Erfurth était jadis si renommée, que toutes les autres en comparaison +étaient considérées comme de petites écoles. Maintenant cette gloire et +cette majesté ont disparu, et l'université d'Erfurth est tout-à-fait +morte. + +»Autrefois, on avançait les maîtres, on les honorait; on portait devant +eux des flambeaux. Je trouve qu'il n'y a jamais eu en ce monde de joie +comparable à celle-là. C'était aussi une grande fête quand on faisait +des docteurs. On allait à cheval autour de la ville; on s'habillait +avec plus de soin, on se parait. Tout cela ne se fait plus, mais je +voudrais bien que l'on fît revivre ces bonnes coutumes. + +»Malheur à l'Allemagne qui néglige les écoles, qui les méprise et les +laisse tomber! Malheur à l'archevêque de Mayence et d'Erfurth qui +pourrait d'un mot relever les universités de ces deux villes, et qui +les laisse désolées et désertes! Un seul coin de l'Allemagne, celui +où nous sommes, fleurit encore, grâce à Dieu, par la pureté de la +doctrine et la culture des arts libéraux[a56]. Les papistes voudront +rebâtir l'étable, lorsque le loup aura mangé les brebis.—La faute en +est à l'évêque de Mayence, c'est un fléau pour les écoles et pour toute +l'Allemagne. Aussi en est-il déjà justement puni. Il a sur son visage +une couleur de mort, comme de la boue mêlée de sang. + +»C'est à Paris, en France, que se trouve la plus célèbre et la plus +excellente école. Il y a une foule d'étudians, dans les vingt mille +et au-delà. Les théologiens y ont à eux le lieu le plus agréable de +la ville, une rue particulière fermée de portes aux deux bouts; on +l'appelle la _Sorbonne_. Peut-être, à ce que j'imagine, tire-t-elle ce +nom de ces fruits de cormiers (_sorbus_) qui viennent sur les bords +de la mer Morte, et qui présentent au dehors une agréable apparence; +ouvrez-les, ce n'est que cendres au-dedans. Telle est l'université de +Paris, elle présente une grande foule, mais elle est la mère de bien +des erreurs. S'ils disputent, ils crient comme des paysans ivres, en +latin, en français. Enfin on frappe des pieds pour les faire taire. Ils +ne font point de docteurs en théologie à moins qu'on n'étudie dix ans +dans leur sophistique et futile dialectique. Le répondant doit siéger +un jour entier et soutenir la dispute contre tout venant, de six heures +du matin à six heures du soir. + +»A Bourges en France, dans les promotions publiques de docteurs en +théologie qui se font dans l'église métropolitaine, on leur donne à +chacun un filet, apparemment pour qu'ils s'en servent à prendre les +gens. + +»Nous avons, grâce à Dieu, des universités qui ont embrassé la parole +de Dieu. Il y a encore beaucoup de belles écoles particulières qui +se disposent bien, telles que Zwickaw, Torgaw, Wittemberg, Gotha, +Eisenach, Deventer, etc. + + +_Extrait du traité de Luther sur l'éducation._—L'éducation domestique +est insuffisante.—Il faut que les magistrats veillent à l'instruction +des enfans. Établir des écoles est un de leurs principaux soins. +Les fonctions publiques ne doivent même être confiées qu'aux plus +doctes.—Importance de l'étude des langues. Le diable redoute cette +étude, et cherche à l'éteindre. N'est-ce pas par elle que nous avons +retrouvé la vraie doctrine? La première chose que Christ ait donnée à +ses apôtres, c'est le don des langues.—Luther se plaint de ce que, +dans les monastères, on ne sait plus le latin, à peine l'allemand. + +«Pour moi, si j'ai jamais des enfans, et que ma fortune me le permette, +je veux qu'ils deviennent habiles dans les langues et dans l'histoire; +qu'ils apprennent même la musique et les mathématiques.» Suit un éloge +des poètes et des historiens. + +Qu'on envoie au moins les enfans une heure ou deux par jour à l'école; +qu'ils emploient le reste à soigner la maison et à apprendre quelque +métier. + +Il doit aussi y avoir des écoles pour les filles.—On devrait fonder +des bibliothèques publiques. D'abord des livres de théologie, latins, +grecs, hébreux, allemands, puis des livres pour apprendre la langue, +tels que les orateurs, les poètes, peu importe qu'ils soient chrétiens +ou païens; les livres qui traitent des arts libéraux et des arts +mécaniques; les livres de jurisprudence et de médecine; les annales, +les chroniques, les histoires, dans la langue où elles ont été écrites, +doivent tenir la première place dans une bibliothèque, etc.» + + +_Des langues._—«Les Grecs, comparés aux Hébreux, ont bien de bonnes et +agréables paroles, mais n'ont point de _sentences_. La langue hébraïque +est la plus riche; elle ne mendie point, comme le grec, le latin et +l'allemand. Elle n'a pas besoin de recourir aux mots composés. + +»Les Hébreux boivent à la source, les Grecs au ruisseau, les Latins au +bourbier.» + +«J'ai peu d'usage de la langue latine, élevé, comme je le fus, dans la +barbarie des doctrines scolastiques.» (12 novembre 1544.) + +«Je ne suis point de dialecte particulier en allemand. J'emploie +la langue commune, de manière à être entendu dans la haute et dans +la basse Allemagne. Je parle d'après la chancellerie de Saxe, que +tous suivent, en Allemagne, dans leurs actes publics, rois, princes, +villes impériales. Aussi, est-ce le langage le plus commun. L'empereur +Maximilien et l'électeur Frédéric de Saxe ont ainsi ramené les +dialectes allemands à une langue certaine. La langue des Marches est +encore plus douce que celle de Saxe.» + + +_De la grammaire._—«Autre chose est la grammaire, autre chose est la +langue hébraïque. La langue hébraïque, puis la grammaire positive, a +péri en grande partie chez les Juifs; elle est tombée avec la chose +même, et avec l'intelligence, comme dit Isaïe (XXIX). Il ne faut donc +rien accorder aux rabbins dans les choses sacrées; ils torturent et +violentent les étymologies et les constructions, parce qu'ils veulent +forcer la chose par les mots, soumettre la chose aux mots, tandis que +ce sont les choses qui doivent commander. + +»On voit de semblables débats entre les Cicéroniens et les autres +Latinistes. Pour moi, je ne suis ni latin, ni grammairien, encore moins +cicéronien; cependant, j'approuve ceux qui aiment mieux prétendre à ce +dernier nom. De même, dans la littérature sacrée, j'aimerais à être +simplement mosaïque, davidique ou isaïque, s'il se pouvait, plutôt +qu'un Hébreu kumique, ou semblable à tout autre rabbin.» (1537.) + +«Je regrette de n'avoir pas plus de temps à donner à l'étude des poètes +et des rhéteurs[a57]: j'avais acheté un Homère pour devenir Grec.» (29 mars +1523.) + +«Si je devais écrire sur la dialectique, j'exprimerais tout en +allemand; je rejetterais tous ces mots étrangers: _propositio_, +_syllogismus_, _enthymema_, _exemplum_... + +»Ceux qui introduisent de nouveaux mots, doivent aussi introduire +de nouvelles choses, comme Scot avec sa _réalité_, son _hiccité_; +comme les anabaptistes et les prédicateurs de troubles, avec leurs +_besprengung_, _entgrobung_, _gelassenheit_. Qu'on se garde donc de +tous ceux qui s'étudient à trouver des mots nouveaux et inusités.» + +Luther citait la fable de la cour du lion, et disait, «qu'après la +Bible, il ne connaissait pas de meilleur livre que les _Fables d'Ésope_ +et les écrits de Caton; de même que Donat lui semblait le meilleur +grammairien. Ce n'est point un seul homme qui a fait ces fables; +beaucoup de grands esprits y ont travaillé à chaque époque du monde[a58].» + + +_Des savans._—«Avant peu d'années, on manquera entièrement de savans. +On aurait beau creuser pour en déterrer, rien ne servira; on pèche trop +contre Dieu.» + +_A un ami_: «Ne te laisse pas aller à la crainte que l'Allemagne ne +devienne plus barbare qu'elle ne l'a jamais été, par la chute des +lettres que causerait notre théologie.» (29 mars 1523.) + + + + +CHAPITRE IV. + + Drames.—Musique.—Astrologie.—Imprimerie.—Banque, etc. + + +_Des représentations théâtrales._—Luther ne désapprouve point un +maître d'école qui jouait les comédies de Térence. Il énumère les +diverses utilités de la comédie. Si on s'abstenait de la comédie, parce +qu'il s'agit souvent d'amour, on n'oserait non plus lire la Bible. + +«—Notre cher Joachim m'a demandé mon jugement sur ces représentations +d'histoires saintes, que blâment plusieurs de vos ministres. Voici, +en peu de mots, mon opinion. Il a été commandé à tous les hommes de +répandre et de propager le Verbe de Dieu, par tous les moyens, non pas +seulement par la parole, mais par écritures, peintures, sculptures, +psaumes, chansons, instrumens de musique, comme dit le psaume: _Laudate +eum in tympano et choro, laudate eum chordis et organo_. Et Moïse dit: +_Ligabis ea quasi signum in manu tuâ, eruntque et movebuntur inter +oculos tuos, scribesque ea in limine et ostiis domûs tuæ_. Moïse veut +que la parole se meuve devant les yeux, et comment cela se pourrait-il +faire mieux et plus clairement que par des représentations semblables, +mais graves et modestes, et non par des farces, comme autrefois +sous la papauté? De tels spectacles frappent les yeux du peuple, et +l'émeuvent souvent bien plus que des prédications publiques. Je sais +que dans la basse Allemagne, où l'on a interdit la profession publique +de l'Évangile, des drames, tirés de la Loi et de l'Évangile, en ont +converti un grand nombre.» (5 avril 1543.) + + +_De la musique._—«La musique est un des plus beaux et des plus +magnifiques présens de Dieu. Satan en est l'ennemi. Par elle on +repousse bien des tentations et de mauvaises pensées. Le diable ne +tient pas contre. + +»Quelques-uns de la noblesse, et des courtisans, pensent que mon +gracieux seigneur pourrait épargner en musique trois mille florins par +an; et l'on dépense, en choses inutiles, trente mille florins. + +»Le duc George, le landgrave de Hesse, et l'électeur de Saxe, +Jean-Frédéric, entretenaient des chanteurs et des musiciens. +Aujourd'hui, c'est le duc de Bavière, l'empereur Ferdinand et +l'empereur Charles.» + +En 1538, 17 décembre, Luther ayant des musiciens pour hôtes, et les +ayant entendus, dit avec admiration: «Si notre Seigneur nous accorde de +si nobles dons dans cette vie même, qui n'est qu'ordure et misère, que +sera-ce donc dans la vie éternelle? En voici un commencement. + +»Chanter est le meilleur exercice[a59]. Il n'a rien à voir avec le +monde... Aussi je me réjouis de ce que Dieu a refusé aux paysans (_sans +doute aux paysans révoltés_), un don et une consolation si grande; ils +n'entendent point la musique, et n'écoutent point la parole.» + +Il disait un jour à un joueur de harpe: «Mon ami, joue-moi un air, +comme faisait David. Je crois que, s'il revenait aujourd'hui, il serait +bien étonné de trouver les gens si habiles. + +»Comment se fait-il pourtant que nous ayons tant de belles choses dans +le genre mondain, et que, dans le spirituel, nous n'ayons rien que de +froid et de mauvais (et il répétait quelques chansons allemandes). Pour +ceux qui méprisent la musique, comme font tous les rêveurs et les +mystiques; je ne puis m'accorder avec eux. + +»... Je demanderai au prince qu'avec cet argent il établisse une +musique.» (avril 1541.) + +Le 4 octobre 1530, il écrit à Ludovic Senfel, musicien de la cour de +Bavière, pour lui demander de lui mettre en musique le: _In pace in id +ipsum_. «L'amour de la musique m'a fait surmonter la crainte d'être +repoussé, lorsque vous verrez un nom qui vous est sans doute odieux. +Ce même amour me donne aussi l'espérance que mes lettres ne vous +attireront aucun désagrément. Qui pourrait, fût-il le Turc, vous en +faire un sujet de reproches?... Après la théologie, il n'y a aucun art +que l'on puisse mettre à côté de la musique.» + +Luther recommande à son ami Amsdorf, un peintre nommé Sébastien, +et ajoute: «Je ne sais si vous aurez besoin de lui. Je désirerais +cependant que ton habitation fût plus ornée et plus élégante, à +cause de la chair à qui reviennent aussi quelques soins et quelques +recréations, lorsqu'elles sont sans péché et sans faute.» (6 février +1542.) + + +_Peinture[a60]._—Les pamphlets de Luther contre le pape, étaient +presque toujours accompagnés de gravures symboliques.—«Quant à +ces trois furies, dit-il, dans l'explication d'une de ces gravures +satiriques, je n'avais autre chose dans l'esprit, lorsque j'en faisais +l'application au pape, que d'exprimer l'atrocité de l'abomination +papale par ces expressions les plus énergiques, les plus atroces de la +langue latine; car les Latins ignorent ce que c'est que Satan ou le +diable, comme l'ignorent aussi les Grecs et toutes les nations.» (8 mai +1545.) + +C'était Lucas Cranach qui en avait fait les figures.—Luther écrit: +«Maître Lucas est un peintre peu délicat. Il pouvait épargner le sexe +féminin en considération de nos mères et de l'œuvre de Dieu. Il +pouvait peindre d'autres formes plus dignes du pape, je veux dire plus +diaboliques.» (3 juin 1545.) + +«Je ferai tous mes efforts, si je vis, pour que le peintre Lucas +substitue à cette peinture obscène une image plus honnête.» (15 juin.) + +Luther professait pour Albert Dürer une grande admiration. Lorsqu'il +apprit sa mort, il écrivit: «Il est douloureux sans doute de l'avoir +perdu. Rejouissons-nous cependant de ce que Christ, par une fin si +heureuse, l'a tiré de cette terre de misères et de troubles, qui, +peut-être bientôt, sera déchirée par des troubles plus grands encore. +Dieu n'a pas voulu que celui qui était né pour un siècle heureux, vît +de si tristes choses; qu'il repose en paix avec ses pères.» (avril +1528.) + + +_De l'astronomie et de l'astrologie._—«Il est vrai que les astrologues +peuvent prédire l'avenir aux impies, et leur annoncer la mort qui les +attend, car le diable sait les pensées des impies, et il les a en sa +puissance.» + +On fit mention d'un nouvel astronome, qui voulait prouver que c'est +la terre qui tourne, et non point le firmament, le soleil et la lune; +il en est de même, disait-il, pour les habitans de la terre que pour +ceux qui sont dans un chariot ou dans un vaisseau, et qui croient +voir le rivage ou les arbres fuir derrière eux[4]. «Ainsi va le monde +aujourd'hui; quiconque veut être habile, ne doit pas se contenter de +ce que font et savent les autres. Le sot veut changer tout l'art de +l'astronomie; mais, comme le dit la sainte Écriture, Josué commanda au +soleil de s'arrêter, et non à la terre.» + + [4] Sans doute Copernic qui termina vers 1530 son livre + _De orbium cœlestium revolutionibus_, imprimé, en 1543, à + Nuremberg, avec une dédicace au pape Paul III. Dès 1540, une + lettre de son disciple Rheticus fit connaître le nouveau + système. + +«Les astrologues ont tort d'attribuer aux étoiles la mauvaise influence +qui appartient en effet aux comètes. + +»Maître Philippe tient fort à cela, mais il n'a jamais pu me +persuader. Il prétend que l'art est réel, mais qu'il n'y a point de +maître qui s'y entende.» + +Comme on montrait un horoscope au docteur Luther, il dit: «C'est une +belle et agréable imagination, et qui plaît à la raison. On va bien +régulièrement d'une ligne à l'autre... Il en est de l'astrologie comme +de l'art des sophistes, _de decem prædicamentis realiter distinctis_; +tout est faux et artificiel; mais dans cette œuvre vaine et fictive, +il y a un admirable ensemble; dans tant de siècles et parmi tant de +sectes, thomistes, albertistes, scotistes, ils sont restés fidèles aux +mêmes règles. + +»La science, qui a pour objet la matière, est incertaine. Car la +matière est sans forme, et dépourvue de qualités et propriétés. Or, +l'astrologie a pour objet la matière, etc. + +»Ils avaient dit qu'il y aurait un déluge en 1524, et la chose n'arriva +qu'en 1525, époque du soulèvement des paysans. Déjà le bourgmestre +Hendorf avait fait monter au haut de sa maison un quart de bière pour y +attendre le déluge.» + +Maître Philippe disait que l'empereur Charles devait vivre jusqu'à +quatre-vingt-quatre ans; le docteur Luther répondit: «Le monde ne +durera pas si long-temps. Ézéchiel y est contraire. Si nous chassons +le Turc, la prophétie de Daniel est accomplie, et certainement le jour +du jugement est à la porte.» + +Une grande étoile rouge, qui avait paru dans le ciel, et qui forma +ensuite une croix en 1516, reparut plus tard; «mais alors, dit Luther, +la croix parut brisée; car l'Évangile était obscurci par les sectes +et les révoltes. Je ne trouve rien de certain dans de tels signes; ce +sont communément des signes diaboliques et trompeurs. Nous en avons vu +beaucoup ces quinze dernières années.» + + +_Imprimerie._—«L'imprimerie est le dernier et suprême don, le _summum +et postremum donum_, par lequel Dieu avance les choses de l'Évangile. +C'est la dernière flamme qui luit avant l'extinction du monde. Grâce à +Dieu, elle est venue à la fin. _Sancti patres dormientes desiderârunt +videre hunc diem revelati Evangelii._» + +Comme on lui montrait un écrit des Fugger, orné de lettres d'une forme +bizarre, que personne ne pouvait le lire, il dit: «C'est une invention +d'hommes habiles et prévoyans. Mais c'est la marque d'une époque bien +corrompue. Nous lisons que Jules César employait de pareilles lettres. +On dit que l'Empereur, se défiant de ses secrétaires, les fait écrire, +dans les affaires les plus importantes, de deux manières qui se +contredisent; et ils ne savent point auxquels des deux écrits il doit +mettre son sceau.» + + +_Banque[a61]._—«Un cardinal, évêque de Brixen, étant mort fort riche à +Rome, on ne trouva point d'argent chez lui, mais seulement un petit +billet dans sa manche. Le pape Jules II se douta bien que c'était +une lettre de change; il envoya sur-le-champ chercher le facteur +des Fugger, à Rome, et lui demanda s'il ne connaissait point cet +écrit? Oui, répondit-il, c'est la reconnaissance de ce que Fugger et +compagnie doivent au cardinal; cela fait trois cent mille florins. Le +pape demanda s'il pouvait lui payer tout cet argent. A toute heure, +répondit l'autre. Le pape fit venir ensuite les cardinaux de France et +d'Angleterre, et leur demanda si leurs rois pourraient trouver en une +heure trois tonnes d'or? Ils répondirent que non. Eh bien! dit-il, un +bourgeois d'Augsbourg peut le faire. + +»Fugger devant un jour donner au conseil d'Augsbourg l'estimation de +ses biens, il répondit qu'il ne savait pas ce qu'il avait, car son +argent était dans tout le monde, en Turquie, en Grèce, à Alexandrie, +en France, en Portugal, en Angleterre, en Pologne, etc., mais qu'il +pouvait bien donner l'estimation de ce qu'il avait à Augsbourg.»[a62] + + + + +CHAPITRE V. + + De la prédication.—Style de Luther.—Il avoue la violence de + son caractère. + + +«Oh combien je tremblais lorsque, pour la première fois, il me fallut +monter en chaire[r73]! mais on me forçait de prêcher. Il fallait +d'abord prêcher les frères...» + + [r73] _Ibid._ 181. + +«J'ai bien, sous ce même poirier où nous sommes, opposé au docteur +Staupitz quinze argumens contre ma vocation à la prédication. Je lui +dis enfin: «Seigneur docteur Staupitz, vous voulez me tuer; je ne +vivrai pas trois mois.» Il me répondit: «Eh bien! notre Seigneur a de +grandes affaires; on a besoin de gens habiles là-haut.» + +»Je n'apporte guère de zèle et d'ardeur à la distribution de mes +œuvres en tomes; j'ai une faim de Saturne, je les voudrais tous +dévorer. Car il n'y a pas un de mes livres dont je sois satisfait, si +ce n'est peut-être le _Traité du serf arbitre_ et le _Catéchisme_.» (9 +juillet 1537.) + +«Je n'aime pas que Philippe assiste à mes leçons ou prédications, mais +je mets la croix devant moi, et je me dis: Philippe, Jonas, Pomer, tous +les autres, ne font rien à la chose; et je m'imagine alors qu'il ne +s'est assis dans la chaire personne de plus habile que moi[r74].» + + [r74] _Ibid._ 197. + +Le docteur Jonas lui disait: «Seigneur docteur, je ne puis du tout vous +suivre dans la prédication[r75].»—Le docteur Luther répondit: «Je ne +le puis moi-même, car souvent c'est ma propre personne ou quelque chose +de particulier qui me donne l'occasion d'un sermon, selon le temps, +les circonstances, les auditeurs. Si j'étais plus jeune, je voudrais +retrancher beaucoup dans mes prédications, car j'y ai mis trop de +paroles.» + + [r75] _Ibid._ 113. + +«Je veux que l'on enseigne bien au peuple le Catéchisme; je me fonde +sur lui dans tous mes sermons, et je prêche aussi simplement que +possible[r76]. Je veux que les hommes du commun, les enfans, les +domestiques, me comprennent. Ce n'est point pour les savans que l'on +monte en chaire; ils ont les livres.» + + [r76] _Ibid._ 116. + +Le docteur Erasmus Alberus, prêt à partir pour la Marche, demandait +au docteur Luther comment il fallait prêcher devant le prince[r77]. +«Tes prédications, dit-il, doivent s'adresser, non aux princes, mais +au simple et grossier peuple. Si, dans les miennes, je songeais à +Mélanchton et aux autres docteurs, je ne ferais rien de bon; mais je +prêche tout simplement pour les ignorans, et cela plaît à tous. Si je +sais du grec, de l'hébreu, du latin, je le réserve pour nos réunions +de savans. Alors nous en disons de si subtiles que Dieu même en est +étonné.» + + [r77] _Ibid._ 184. + +«Albert Dürer, le fameux peintre de Nuremberg, avait coutume de dire +qu'il ne prenait aucun plaisir aux peintures chargées de couleurs, mais +à celles qui étaient faites avec le plus de simplicité. J'en dis autant +des prédications[r78].» + + [r78] _Ibid._ 425. + +«Oh que j'eusse été heureux, lorsque j'étais au cloître d'Erfurt, si +j'avais pu une fois, une seule fois, entendre prêcher un pauvre petit +mot sur l'Évangile ou sur le moindre des psaumes[r79]!» + + [r79] Luth. Werke, t. IX, 245. + +«Rien n'est plus agréable et plus utile au commun des auditeurs, que de +prêcher la loi et les exemples[r80]. Les prédications sur la Grâce +et sur l'article de la justification sont froides pour leurs oreilles.» + + [r80] Tischreden, 182. + +Parmi les qualités que Luther exige d'un prédicateur, il veut qu'il +soit beau de sa personne, et tel que les bonnes femmes et les petites +filles puissent l'aimer[r81]. + + [r81] _Ibid._ 183. + +Dans le _Traité sur les vœux monastiques_, Luther demande +pardon au lecteur de dire bien des choses qu'on a coutume de +taire[r82].—«Pourquoi n'oser dire ce que le Saint-Esprit, pour +instruire les hommes, a dicté à Moïse? Mais nous voulons que nos +oreilles soient plus pures que la bouche du Saint-Esprit.» + + [r82] Seckendorf, livre I, 202. + +_A J. Brentius._ «Je ne veux point te flatter, je ne te trompe pas, je +ne me trompe pas moi-même, quand je dis que je préfère tes écrits aux +miens. Ce n'est point Brentius que je loue, mais l'Esprit saint, qui +en toi est plus doux, plus tranquille; tes paroles coulent plus pures, +plus limpides. Mon style, à moi, inhabile et inculte, vomit un déluge, +un chaos de paroles; turbulent et impétueux comme un lutteur toujours +aux prises avec mille monstres qui se succèdent; et si j'ose comparer +de petites choses aux grandes, il me semble qu'il m'a été donné quelque +chose de ce quadruple esprit d'Élie, rapide comme le vent, dévorant +comme le feu, qui renverse les montagnes et brise les pierres; à toi, +au contraire, le doux murmure de la brise légère et rafraîchissante. +Une chose me console, c'est que le divin père de famille a besoin, dans +cette famille immense, de l'un et de l'autre serviteur, du dur contre +les durs, de l'âpre contre les âpres, comme d'un mauvais coin contre de +mauvais nœuds. Pour purger l'air et rendre la terre plus fertile, ce +n'est point assez de la pluie qui arrose et pénètre, il faut encore les +éclats de la foudre.» (20 août 1530.) + +«Je suis loin de me croire sans défaut; mais je puis au moins me +glorifier avec saint Paul, de ne pouvoir être accusé d'hypocrisie et +d'avoir toujours dit la vérité, peut-être, il est vrai, un peu trop +rudement. Mais j'aime mieux pécher par la dureté de mes paroles, en +jetant la vérité dans le monde, que de la retenir honteusement captive. +Si les grands seigneurs s'en trouvent blessés, qu'ils se mêlent de +leurs affaires sans plus se soucier des miennes et de nos doctrines. +Est-ce que je leur ai fait quelque tort, quelque injustice? Si je +pèche, ce sera à Dieu de me pardonner.» (5 février 1522.) + +_A Spalatin._ «Je ne puis nier que je ne sois plus violent qu'il ne +faudrait[a63]; mais ils le savaient, c'était à eux de ne pas irriter le +dogue. Tu peux savoir par toi-même combien c'est une chose difficile +que de modérer son feu et de contenir sa plume. Et voilà pourquoi j'ai +toujours haï de paraître en public; mais plus je le hais, plus j'y suis +forcé malgré moi.» (février 1520.) + +Le docteur Luther disait souvent[r83]: «J'ai trois mauvais chiens, +_ingratitudinem, superbiam et invidiam_ (l'ingratitude, l'orgueil et +l'envie). Celui qu'ils mordent est bien mordu.» + + [r83] Tischreden, 105. + +«Si je meurs, les papistes verront quel adversaire ils ont eu en +moi[r84]. D'autres prédicateurs n'auront pas la même mesure, la même +modération. On l'a déjà éprouvé avec Münzer, avec Carlostad, Zwingli et +les anabaptistes.» + + [r84] _Ibid._ 356. + +«Dans la colère mon tempérament se retrempe, mon esprit s'aiguise, et +toutes les tentations, tous les ennuis se dissipent. Je n'écris et ne +parle jamais mieux qu'en colère[r85].» + + [r85] _Ibid._ 145. + +_A Michel Marx._ «Tu ne saurais croire combien j'aime à voir mes +adversaires s'élever chaque jour davantage contre moi. Je ne suis +jamais plus superbe et plus audacieux que lorsque j'apprends que je +leur déplais. Docteurs, évêques, princes, que m'importe? Il est écrit: +_Tremuerunt gentes et populi meditati sunt inania. Adstiterunt reges +terræ, et principes convenerunt in unum adversùs Deum et adversùs +Christum ejus._ + +»J'ai un tel dédain pour ces satans, que si je n'étais retenu ici, +j'irais tout droit à Rome, en haine du diable et de toutes ces furies.» + +«Il faut que j'aie de la patience avec le pape, avec mes disciples, +avec mes domestiques, avec Catherine de Bora, avec tout le monde, et ma +vie n'est autre chose que de la patience.» + + + + +LIVRE V. + + + + +CHAPITRE PREMIER. + + Mort du père de Luther, de sa fille, etc. + + +«Il n'est pas d'alliance ni de société plus belle, plus douce et +plus heureuse, qu'un bon mariage[r86]. C'est une joie de voir deux +époux vivre unis et en paix. Mais aussi, rien n'est plus amer et plus +douloureux que quand ce lien se déchire. Après cela vient la mort des +enfans. Cette dernière douleur je la connais, hélas!» + + [r86] _Ibid._ 331. + +—«Je suis triste en t'écrivant, car j'ai reçu la nouvelle de la mort +de mon père, ce vieux Luther, si bon et si aimé. Et bien que par moi +il ait eu un si facile et si pieux passage en Christ, et que, délivré +des monstres d'ici-bas, il repose dans la paix éternelle, cependant mes +entrailles se sont émues, car c'est par lui que Dieu m'a fait naître et +m'a élevé.»—Dans une lettre du même jour à Mélanchton: «... Je succède +à son nom; voici maintenant que je suis pour ma famille le vieux +Luther. C'est mon tour, c'est mon droit de le suivre par la mort dans +ce royaume que Christ nous a promis à nous tous qui, à cause de lui, +sommes les plus misérables des hommes, et l'opprobre du monde... Je me +réjouis cependant qu'il ait vécu dans ce temps, et qu'il ait pu voir la +lumière de la vérité. Dieu soit béni dans tous ses actes, dans tous ses +desseins!» (5 juin 1530.) + +«La nouvelle étant venue de Freyberg que maître Hausman était mort, +nous la cachâmes au docteur Luther, et lui dîmes d'abord qu'il était +malade, puis qu'il était au lit, puis qu'il s'était bien doucement +endormi dans le Christ[r87]. Le docteur se mit à pleurer bien fort, +et dit: «Voici des temps bien périlleux; Dieu balaie son aire et sa +grange. Je le prie de ne pas laisser vivre long-temps après ma mort +ma femme et mes enfans.» Il resta assis tout le jour; il pleurait +et s'affligeait. Il était avec le docteur Jonas, maître Philippe +(Mélanchton), maître Joachim Camerarius, et Gaspard de Keckeritz, et, +au milieu d'eux, il était assis, tout affligé et en larmes.» (1538.) + + [r87] _Ibid._ 274. + +«Lorsqu'il perdit sa fille Magdalena, âgée de quatorze ans, la femme du +docteur pleurait et se lamentait. Il lui dit: «Chère Catherine, songe +pourtant où elle est allée. Elle a certes fait un heureux voyage. La +chair saigne, sans doute, c'est sa nature; mais l'esprit vit et se +trouve selon ses souhaits. Les enfans ne disputent point; comme on leur +dit, ils croient. Chez les enfans tout est simple. Ils meurent sans +chagrin ni angoisses, sans disputes, sans tentations de la mort, sans +douleur corporelle, tout comme s'ils s'endormaient.» + +»Comme sa fille était fort malade, il disait: «Je l'aime bien! Mais, ô +mon Dieu! si c'est ta volonté de la prendre d'ici, je veux la savoir +sans regret auprès de toi.» Et comme elle était au lit, il lui disait: +«Ma chère petite fille, ma petite Madeleine, tu resterais volontiers +ici auprès de ton père, et tu irais pourtant volontiers aussi à ton +autre père.» Elle répondit: «Oui, mon cher père, comme Dieu voudra.» +«Chère petite fille! ajouta-t-il, l'esprit veut, mais la chair est +faible.» Il se promena en long et en large et dit: «Oui, je l'ai aimée +bien fort. Si la chair est si forte, que sera-ce donc de l'esprit.» + +»Il disait entre autres choses: «Dieu n'a pas donné depuis mille ans à +aucun évêque d'aussi grands dons qu'à moi; car on doit se glorifier des +dons de Dieu. Eh! bien, je suis en colère contre moi-même de ce que je +ne puis m'en réjouir de cœur, ni rendre grâce; je chante bien de temps +en temps à notre Seigneur un petit cantique, et le remercie un peu. + +»Eh bien! que nous vivions ou que nous mourions, _Domini sumus_ au +génitif ou au nominatif. Allons, seigneur docteur, tenez ferme.» + +»La nuit qui précéda la mort de Magdalena, la femme du docteur avait eu +un songe; il lui semblait voir deux beaux jeunes garçons bien parés, +qui voulaient prendre sa fille et la mener à la noce[r88]. Lorsque +Philippe Mélanchton vint le matin dans le cloître, et demanda à la +dame: «Que faites-vous de votre fille?» elle lui raconta son rêve. Il +en fut bien effrayé, et dit aux autres: «Les jeunes garçons sont les +saints anges qui vont venir pour mener la vierge à la véritable noce du +royaume céleste.» Et en effet le même jour elle mourut. + + [r88] _Ibid._ 360. + +»Lorsque la petite Magdalena était à l'agonie et allait mourir, le père +tomba à genoux devant son lit, pleura amèrement, et pria Dieu qu'il +voulût bien la sauver. Elle expira et s'endormit dans les bras de son +père. La mère était bien dans la même chambre, mais plus loin du lit, à +cause de son affliction. Le docteur répétait souvent: «Que la volonté +de Dieu soit faite! ma fille a encore un père dans le ciel.» Alors +maître Philippe se mit à dire: «L'amour des parens est une image de la +divinité imprimée au cœur des hommes. Dieu n'aime pas moins le genre +humain que les parens leurs enfans.» Lorsqu'on la mit dans la bière, le +père dit: «Pauvre chère petite Madeleine, te voilà bien maintenant?» +Il la regarda ainsi étendue, et dit: «O cher enfant, tu ressusciteras, +tu brilleras comme une étoile! Oui, comme le soleil!... Je suis joyeux +en esprit, mais dans la chair je suis bien triste. C'est une chose +merveilleuse de savoir qu'elle est certainement en paix, qu'elle est +bien, et cependant d'être si triste.» + +»Et lorsque le peuple vint pour aider à emporter le corps, et que, +selon le commun usage, ils lui disaient qu'ils prenaient part à son +malheur, il leur dit: «Ne vous chagrinez pas, j'ai envoyé une sainte +au ciel. Oh! puissions-nous avoir une telle mort! Une telle mort, je +l'accepterais sur l'heure!»—Lorsque l'on chanta: Seigneur, qu'il ne +vous souvienne pas de nos anciens péchés! il ajouta: «Non-seulement des +anciens, mais de ceux d'aujourd'hui. Car nous sommes avides, usuriers, +etc.; le scandale de la messe existe encore dans le monde!» + +»Au retour, il disait entre autres choses: «On doit s'inquiéter du sort +de ses enfans, et surtout des pauvres filles. Je ne plains pas les +garçons; un garçon vit partout pourvu qu'il sache travailler. Mais le +pauvre petit peuple des filles doit chercher sa vie un bâton à la main. +Un garçon peut aller aux écoles, et devenir un habile garçon (ein +feiner man). Une petite fille ne peut en faire autant. Elle +tourne facilement au scandale et devient grosse. Aussi je donne bien +volontiers celle-ci à notre Seigneur.» + +_A Jonas._ «La renommée t'aura, je pense, informé de la renaissance de +ma fille Madeleine au royaume du Christ; et bien que moi et ma femme +nous dussions ne songer qu'à rendre de joyeuses actions de grâces pour +un si heureux passage et une fin si désirable, par où elle a échappé +à la puissance de la chair, du monde, du Turc et du Diable, cependant +la force τῆς στοργῆς est si grande que je ne puis le supporter sans +sanglots, sans gémissement, disons mieux, sans une véritable mort du +cœur. Dans le plus profond de mon cœur sont encore gravés ses traits, +ses paroles, ses gestes, pendant sa vie et sur son lit de mort; mon +obéissante et respectueuse fille! La mort même du Christ (et que +sont toutes les morts en comparaison?) ne peut me l'arracher de la +pensée, comme elle le devrait.... Elle était, comme tu sais, douce de +caractère, aimable et pleine de tendresse.» (23 septembre 1542.) + + + + +CHAPITRE II. + + De l'équité, de la Loi.—Opposition du théologien et du juriste. + + +«Il vaut mieux se gouverner _d'après la raison naturelle que d'après +la loi écrite_, car la raison est l'âme et la reine de la loi[r89]. +Mais où sont les gens qui ont une telle intelligence? on en peut à +peine trouver un par siècle. Notre gracieux seigneur, l'électeur +Frédéric, était un tel homme. Il y a eu encore son conseiller le +seigneur Fabian de Feilitsch, un laïc, qui n'avait point étudié et +qui répondait sur _apices et medullam juris_ mieux que les juristes +d'après leurs livres.—Maître Philippe Mélanchton enseigne les arts +libéraux, de manière qu'il en tire moins de lumière qu'il ne leur en +prête lui-même. Moi aussi, je porte mon art dans les livres, je ne +l'en tire point. Celui qui voudrait imiter les quatre hommes dont je +viens de parler, ferait aussi bien d'y renoncer; il faut plutôt qu'il +apprenne et qu'il écoute. De tels prodiges sont rares. La loi écrite +est pour le peuple et l'homme du commun. La raison naturelle et la +haute intelligence sont pour les hommes dont j'ai parlé.» + + [r89] _Ibid._ 347. + +«Il y a un éternel combat entre les juristes et les théologiens; c'est +la même opposition qu'entre la loi et la grâce.» + +«Le droit est une belle fiancée, pourvu qu'elle reste dans son lit +nuptial[r90]. Si elle monte dans un autre lit et veut gouverner la +théologie, c'est une grande p...... Le droit doit ôter sa barrette +devant la théologie.» + + [r90] _Ibid._ + +_A Mélanchton._ «Je pense comme autrefois sur le droit du glaive; je +pense avec toi que l'Évangile n'a rien enseigné ni conseillé sur ce +droit, et que cela ne devait être en aucune façon, parce que l'Évangile +est la loi des volontés et des libertés, qui n'ont rien à faire avec +le glaive ou le droit du glaive. Mais ce droit n'y est pas aboli, il y +est même confirmé et recommandé; ce qui n'a lieu pour aucune des choses +simplement permises.» + +«Avant moi, il n'y a aucun juriste qui ait su ce qu'est le droit, +relativement à Dieu[r91]. Ce qu'ils ont, ils l'ont de moi. Il n'est +point mis dans l'Évangile que l'on doive adorer les juristes. Si notre +Seigneur Dieu veut juger, que lui importent les juristes? Pour ce qui +regarde le monde, je les laisse maîtres. Mais dans les choses de Dieu +ils doivent être sous moi. Mon psaume à moi, c'est celui-ci: _Rois +soyez châtiés_, etc. S'il faut qu'un des deux périsse, périsse le +droit, règne le Christ! + + [r91] _Ibid._ 402. + +»_Principes convenerunt in unum._ David le dit lui-même, _contre son +fils se dresseront la puissance, la sagesse, la multitude du monde, et +il doit être seul contre beaucoup, insensé contre les sages, impuissant +contre les puissans_. Certes, c'est là une merveilleuse conduite des +choses. Notre Seigneur Dieu ne manque de rien que de gens sages, mais +derrière sonne le terrible _Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui +judicatis terram_ (Comprenez maintenant, ô rois; instruisez-vous, juges +de la terre). + +»Si les juristes ne prient point pour le pardon de leurs péchés et +n'acceptent point l'Évangile, je veux les confondre, de sorte qu'ils +ne sachent plus comment se tirer d'affaire. Je n'entends rien au +droit, mais je suis seigneur du droit dans les choses qui touchent la +conscience. + +»Nous sommes redevables aux juristes d'avoir enseigné et d'enseigner +au monde tant d'équivoques, de chicanes, de calomnies, que le langage +est devenu plus confus que dans une Babel. Ici, nul ne peut comprendre +l'autre, là, nul ne veut comprendre. O sycophantes, ô sophistes, pestes +du genre humain. Je t'écris tout en colère, et je ne sais si, de +sang-froid, j'enseignerais mieux.» (6 février 1546.) + +La veille d'un jour où on allait faire un docteur en droit, Luther +disait: «Demain on fera une nouvelle vipère contre les théologiens.» + +«On a raison de dire: _un bon juriste est un mauvais chrétien_. En +effet, le juriste estime et vante la justice des œuvres, comme si +c'était par là qu'on est juste devant Dieu. S'il devient chrétien, il +est considéré parmi les juristes comme un animal monstrueux, il faut +qu'il mendie son pain, les autres le regardent comme séditieux. + +»Qu'on frappe la conscience des juristes, ils ne savent ce qu'ils +doivent faire. Münzer les attaquait avec l'épée; c'était un fou. + +»Si j'étudiais seulement deux ans en droit, je voudrais devenir plus +savant que le docteur C.; car je parlerais des choses, selon qu'elle +sont véritablement justes ou injustes. Mais lui, il chicane sur les +mots. + +»La doctrine des juristes n'est rien qu'un _nisi_, un _excepté_. La +théologie ne procède pas ainsi, elle a un ferme fondement. + +»L'autorité des théologiens consiste en ce qu'ils peuvent obscurcir +les universaux, et tout ce qui s'y rapporte. Ils peuvent élever et +abaisser. Si la Parole se fait entendre, Moïse et l'Empereur doivent +céder. + +»Le droit et les lois des Perses et des Grecs sont tombés en désuétude +et abolis. Le droit romain ou impérial ne tient plus qu'à un fil[a64]. +Car si un empire ou un royaume tombe, ses lois et ordonnances doivent +tomber aussi. + +»Je laisse le cordonnier, le tailleur, le juriste pour ce qu'ils sont. +Mais qu'ils n'attaquent point ma chaire!... + +»Beaucoup de gens croient que la théologie qui est révélée aujourd'hui, +n'est rien. Si cela a lieu de notre vivant, que sera-ce après notre +mort? En récompense beaucoup d'entre nous sont gros de cette pensée +dont ils accoucheront plus tard, que le droit n'est rien. + +_Sermon contre les juristes, prêché le jour des Rois._ «Voilà comme +agissent nos fiers juristes et chevaliers ès-lois de Wittemberg... Ils +ne lisent point nos livres, les appellent catoniques (pour canoniques), +ne s'inquiètent pas de notre Seigneur, et ne visitent point nos +églises[r92]. Eh bien! puisqu'ils ne reconnaissent point le docteur +Pomer pour évêque de Wittemberg, ni moi pour prédicateur de cette +église, je ne les compte plus dans mon troupeau. + + [r92] _Ibid._ 403. + +»Mais, disent-ils, vous allez contre le droit impérial. J'emm...e ce +droit qui fait tort au pauvre homme.» + +Suit un dialogue du juriste avec le plaideur à qui il promet pour dix +thalers de faire traîner une affaire dix ans... «Bonnes et pieuses gens +comme Reinicke Fuchs, dans le poème du Renard...» + +«Bon peuple, veuillez agréer les motifs pour lesquels je veux être +impitoyable envers les juristes[r93]... Ils vantent le droit +canonique, la m...e du pape, et le représentent comme une chose +magnifique, lorsque nous l'avons, avec tant de peine, repoussé et +chassé de nos églises... Je te le conseille, juriste, laisse dormir le +vieux dogue[a65]. Une fois éveillé, tu ne le ramènerais pas aisément à +la loge. + + [r93] _Ibid._ 407. + +»Les juristes se plaignent fort, et m'en veulent. Qu'y puis-je faire? +Si je ne devais pas rendre compte de leurs âmes, je ne les châtierais +point.» Il déclare pourtant ensuite[a66] qu'il n'a point parlé des +juristes pieux.[a67] + + + + +CHAPITRE III. + + La Foi, la Loi. + + +_A Gerbellius_: «Dans cette cohue de scandales, ne te démens pas +toi-même. Je te la rends pour te soutenir, l'épouse (la foi) que tu +m'as montrée jadis; je te la rends vierge et sans tache. Mais ce qu'il +y a en elle d'admirable et d'inouï, c'est qu'elle désire et attire une +infinité de rivaux, et qu'elle est d'autant plus chaste qu'elle est +l'épouse d'un plus grand nombre. + + * * * * * + +»Notre rival, Philippe Mélanchton, te salue. Adieu, sois heureux avec +la fiancée de ta jeunesse.» (23 janvier 1523). + +_A Mélanchton._ «Sois pécheur, et pèche fortement, mais aie encore +plus forte confiance, et réjouis-toi en Christ, qui est le vainqueur +du péché, de la mort et du monde. Il faut pécher, tant que nous +sommes ici. Cette vie n'est point le séjour de la justice; non, nous +attendons, comme dit Pierre, les cieux nouveaux et la terre nouvelle où +la justice habite.....» + +«Prie grandement; car tu es un grand pécheur.» + +«Je suis maintenant tout-à-fait dans la doctrine de la rémission des +péchés[r94]. Je n'accorde rien à la Loi ni à tous les Diables. Celui +qui peut croire en son cœur à la rémission des péchés, celui-là est +sauvé.» + + [r94] _Ibid._ 102. + +«De même qu'il est impossible de rencontrer dans la nature le point +_mathématique_, _indivisible_, de même l'on ne trouve nulle part la +justice telle que la Loi la demande. Personne ne peut satisfaire à +la Loi entièrement, et les juristes eux-mêmes, malgré tout leur art, +sont bien souvent obligés de recourir à la rémission des péchés, car +ils n'atteignent pas toujours le but, et quand ils ont rendu un faux +jugement, et que le Diable leur tourmente la conscience, ni Barthole, +ni Baldus, ni tous leurs autres docteurs ne leur servent de rien. Pour +résister, ils sont forcés de se couvrir de l'ἐπιείκεια, +c'est-à-dire de la rémission des péchés. Ils font leur possible pour +bien juger, et après cela il ne leur reste plus qu'à dire: «Si j'ai +mal jugé, ô mon Dieu, pardonne-le-moi.»—C'est la théologie seule qui +possède le point mathématique, elle ne tâtonne pas, elle a le Verbe +même de Dieu. Elle dit: «Il n'est qu'une justice, Jésus-Christ. Qui vit +en lui, celui-là est juste.» + +»La Loi sans doute est nécessaire, mais non pour la béatitude, car +personne ne peut l'accomplir; mais le pardon des péchés la consomme et +l'accomplit[r95]. + + [r95] _Ibid._ 128. + +»La Loi est un vrai labyrinthe qui ne peut que brouiller les +consciences, et la justice de la Loi est un minotaure, c'est-à-dire une +pure fiction qui ne nous conduit point à la béatitude, mais nous attire +en enfer.» + +_Addition de Luther à une lettre de Mélanchton sur la Grâce et la +Loi..._—«Pour me délivrer entièrement de la vue de la loi et des +œuvres, je ne me contente pas même de voir en Jésus-Christ mon maître, +mon docteur et mon donateur, je veux qu'il soit lui-même ma doctrine et +mon don, de telle sorte, qu'en lui je possède toute chose[r96]. Il +dit: «Je suis le chemin, la vérité et la vie,» non pas: «Je te montre +ou je te donne le chemin, la vérité et la vie,» comme s'il opérait +seulement ceci en moi, et que lui-même il fût néanmoins en dehors de +moi...»—«Il n'est qu'un seul point dans toute la théologie: vraie foi +et confiance en Jésus-Christ[r97]. Cet article contient tous les +autres.—«Notre foi est un soupir inexprimable.» Et ailleurs: «Nous +sommes nos propres geôliers. (C'est-à-dire que nous nous enfermons dans +nos œuvres, au lieu de nous élancer dans la foi[r98].) + + [r96] Tischreden, 133. + + [r97] _Ibid._ 140. + + [r98] _Ibid._ 147. + +»Le diable veut seulement une justice _active_, une justice que +nous fassions nous-mêmes en nous, tandis que nous n'en avons qu'une +_passive_ et étrangère qu'il ne veut point nous laisser[r99]. Si +nous étions bornés à l'_active_, nous serions perdus, car elle est +défectueuse dans tous les hommes.» + + [r99] _Ibid._ 142. + +Un docteur anglais, Antonius Barns, demandait au docteur Luther si les +chrétiens, justifiés par la foi en Christ, méritaient quelque chose +pour les œuvres qui venaient ensuite[r100]. Car cette question était +souvent agitée en Angleterre. Réponse: 1º Nous sommes encore pécheurs +après la justification; 2º Dieu promet récompense à ceux qui font bien. +Les œuvres ne méritent point le ciel, mais elles ornent la foi qui +nous justifie. Dieu ne couronne que les dons mêmes qu'il nous a faits. + + [r100] _Ibid._ 144. + +FIDELIS ANIMÆ VOX AD CHRISTUM. _Ego sum tuum peccatum, tu mea justitia; +triumpho igitur securus_, etc. + +«Pour résister au désespoir, il ne suffit pas d'avoir de vains mots +sur la langue, ni une vaine et faible opinion; mais il faut qu'on +relève la tête, que l'on prenne une âme ferme et que l'on se confie +en Christ contre le péché, la mort, l'enfer, la Loi et la mauvaise +conscience[r101].» + + [r101] _Ibid._ 124. + +«Quand la Loi t'accuse et te reproche tes fautes, ta conscience te +dit: Oui, Dieu a donné la Loi et commandé de l'observer sous peine +de damnation éternelle; il faut donc que tu sois damné. A cela tu +répondras: Je sais bien que Dieu a donné la Loi, mais il a aussi donné +par son fils l'Évangile qui dit: Celui qui aura reçu le baptême et qui +croira, sera sauvé. Cet Évangile est plus grand que toute la Loi, car +la Loi est terrestre et nous a été transmise par un homme; l'Évangile +est céleste et nous a été apporté par le Fils de Dieu.—N'importe, dit +la conscience, tu as péché et transgressé le commandement de Dieu; donc +tu seras damné.—_Réponse_: Je sais fort bien que j'ai péché, mais +l'Évangile m'affranchit de mes péchés, parce que je crois en Jésus, et +cet Évangile est élevé au-dessus de la Loi autant que le ciel l'est +au-dessus de la terre. C'est pourquoi le corps doit rester sur la +terre et porter le fardeau de la Loi, mais la conscience monter, avec +Isaac, sur la montagne, et s'attacher à l'Évangile, qui promet la vie +éternelle à ceux qui croient en Jésus-Christ.—N'importe, dit encore la +conscience, tu iras en enfer; tu n'as pas observé la Loi.—_Réponse_: +Oui, si le ciel ne venait à mon secours; mais il est venu à mon +secours, il s'est ouvert pour moi; le Seigneur a dit: Celui qui sera +baptisé et qui croira, sera sauvé.» + +«Dieu dit à Moïse: Tu verras mon dos, mais non point mon +visage[r102]. Le dos c'est la Loi, le visage c'est l'Évangile.» + + [r102] _Ibid._ 125. + +«La Loi ne souffre pas la Grâce, et à son tour la Grâce ne souffre pas +la Loi. La Loi est donnée seulement aux orgueilleux, aux arrogans, à la +noblesse, aux paysans, aux hypocrites et à ceux qui ont mis leur amour +et leur plaisir dans la multitude des lois. Mais la Grâce est promise +aux pauvres cœurs souffrans, aux humbles, aux affligés; c'est eux que +regarde le pardon des péchés. A la Grâce appartiennent maître Nicolas +Hausmann, Cordatus, Philippe (Mélanchton) et moi.» + +«Il n'y a point d'auteur, excepté saint Paul, qui ait écrit d'une +manière complète et parfaite sur la Loi, car c'est la mort de toute +raison de juger la Loi: l'esprit en est le seul juge.» (15 août 1530.) + +«La bonne et véritable théologie consiste dans la pratique, l'usage et +l'exercice. Sa base et son fondement, c'est le Christ, dont on comprend +avec la foi, la passion, la mort et la résurrection. Ils se font +aujourd'hui, pour eux, une _théologie spéculative_ d'après la raison. +Cette _théologie spéculative_ appartient au diable dans l'enfer. Ainsi +Zwingle et les sacramentaires _spéculent_ que le corps du Christ est +dans le pain, mais seulement dans le sens spirituel. C'est aussi la +théologie d'Origène. David n'agit pas ainsi, mais il reconnaît ses +péchés et dit: _Miserere mei Domine!_» + +«J'ai vu naguère deux signes au ciel. Je regardais par la fenêtre au +milieu de la nuit, et je vis les étoiles et toute la voûte majestueuse +de Dieu se soutenir sans que je pusse apercevoir les colonnes sur +lesquelles le Maître avait appuyé cette voûte. Cependant elle ne +s'écroulait pas. Il y en a maintenant qui cherchent ces colonnes et +qui voudraient les toucher de leurs mains. Mais comme ils n'y peuvent +arriver, ils tremblent, se lamentent, et craignent que le ciel ne +tombe. Ils pourraient les toucher que le ciel n'en bougerait pas. + +»Plus tard je vis de gros nuages, tout chargés, qui flottaient sur ma +tête comme un océan. Je n'apercevais nul appui qui les pût soutenir. +Néanmoins, ils ne tombaient pas, mais nous saluaient tristement et +passaient. Et comme ils passaient, je distinguai dessous la courbe +qui les avait soutenus, un délicieux arc-en-ciel. Mince il était +sans doute, bien délicat, et l'on devait trembler pour lui en voyant +la masse des nuages. Cependant cette ligne aérienne suffisait pour +porter cette charge et nous protéger. Nous en voyons toutefois qui +craignent le poids du nuage, et ne se fient pas au léger soutien; ils +voudraient bien en éprouver la force, et, ne le pouvant, ils craignent +que les nuages ne fondent et ne nous abîment de leurs flots..... Notre +arc-en-ciel est faible, leurs nuages sont lourds. Mais la fin jugera de +la force de l'arc. _Sed in fine videbitur cujus toni._»[a68] (août 1530.) + + + + +CHAPITRE IV. + + Des novateurs: Mystiques, etc. + + +«Le comment nous réussit mal, c'est la cause de la ruine d'Adam. + +»Je crains deux choses: l'épicuréisme et l'enthousiasme, deux sectes +qui doivent régner encore. + +»Otez le décalogue, il n'y a plus d'hérésie. L'Écriture sainte est le +livre de tous les hérétiques[a69].» + +Luther nommait les esprits séditieux et présomptueux, «des saints +précoces qui, avant la maturité, étaient piqués des vers et au moindre +vent tombaient de l'arbre. Les rêveurs (schwermer) sont comme les +papillons. D'abord c'est une chenille qui se pend à un mur, s'y fait +une petite maison, éclot à la chaleur du soleil, et s'envole en +papillon. Le papillon meurt sur un arbre et laisse une longue traînée +d'œufs.» + +Le docteur Martin Luther disait au sujet des faux frères et hérétiques +qui se séparent de nous, qu'il fallait les laisser faire et ne pas s'en +inquiéter; s'ils ne nous écoutent point, nous les enverrons avec tous +leurs beaux semblans en enfer[r103]. + + [r103] _Ibid._ 292. + +«Quand je commençai à écrire contre les indulgences, je fus pendant +trois ans tout seul, et personne ne me tendait la main[r104]. +Aujourd'hui ils veulent tous triompher. J'aurais bien assez de mal +avec mes ennemis sans celui que me font mes bons petits frères. Mais +qui peut résister à tous? ce sont des jeunes gens tout frais, qui +n'ont rien fait jusqu'ici; moi je suis vieux maintenant, et j'ai eu de +grandes peines, de grands travaux. Osiander peut faire le fier; il a du +bon temps; il a deux prédications à faire par semaine et quatre cents +florins par an.» + + [r104] _Ibid._ 193. + +«En 1521, il vint chez moi l'un de ceux de Zwickau, du nom de Marcus, +assez affable dans ses manières, mais frivole dans ses opinions et dans +sa vie[r105]. Il voulait conférer avec moi au sujet de sa doctrine. +Comme il ne parlait que de choses étrangères à l'Écriture, je lui dis +que je ne reconnaissais que la parole de Dieu, et que, s'il voulait +établir autre chose, il devait au moins prouver sa mission par des +miracles. Il me répondit: «Des miracles? ah! vous en verrez dans sept +ans. Dieu même ne pourrait m'enlever ma foi.» Il dit aussi: «Je vois de +suite si quelqu'un est élu ou non.»—Après qu'il m'eut beaucoup parlé +du _talent_ qu'il ne fallait pas enfouir, du _dégrossissement_, de +l'_ennui_, de l'_attente_, je lui demandai qui comprenait cette langue. +Il me répondit qu'il ne prêchait que devant les disciples croyans et +habiles. Comment vois-tu qu'ils sont habiles? lui dis-je.—Je n'ai qu'à +les regarder, répondit-il, pour voir leur _talent_.—Quel _talent_, mon +ami, trouves-tu en moi par exemple?—Vous êtes encore au premier degré +de la mobilité, me répondit-il, mais il viendra un temps où vous serez +au premier de l'immobilité comme moi.—Sur ce, je lui citai plusieurs +textes de l'Écriture et nous nous séparâmes. Quelque temps après, il +m'écrivit une lettre très amicale, pleine d'exhortations; mais je lui +répondis: Adieu, cher Marcus. + + [r105] _Ibid._ 282. + +»Plus tard, il vint chez moi un tourneur qui se disait aussi prophète. +Il me rencontra au moment où je sortais de ma maison, et me dit +d'un ton hardi: «Monsieur le docteur, je vous apporte un message +de mon Père.—Qui est donc ton père? lui dis-je.—Jésus-Christ, +répondit-il.—C'est notre père commun, lui dis-je; que t'a-t-il ordonné +de m'annoncer?—Je dois vous annoncer, de la part de mon père, que Dieu +est irrité contre le monde.—Qui te l'a dit?—Hier, en sortant par la +porte de Koswick, j'ai vu dans l'air un petit nuage de feu; cela prouve +évidemment que Dieu est irrité[a70].» Il me parla encore d'un autre +signe. «Au milieu d'un sommeil profond, dit-il, j'ai vu des ivrognes +assis à table, qui disaient: Buvons, buvons; et la main de Dieu était +au-dessus d'eux. Soudain l'un d'eux me versa de la bière sur la tête et +je m'éveillai.»—Écoute, mon ami, lui dis-je alors, ne plaisante pas +ainsi avec le nom et les ordres de Dieu; et je le réprimandai vivement. +Quand il vit dans quelles dispositions j'étais à son égard, il s'en +alla tout en colère et murmurant: «Sans doute quiconque ne pense pas +comme Luther est un fou.» + +»Une autre fois encore, j'eus affaire à un homme des Pays-Bas. Il +voulait disputer avec moi _jusqu'au feu inclusivement_, disait-il. +Quand je vis son ignorance, je lui dis: «Ne vaudrait-il pas mieux que +nous disputassions sur quelques canettes de bière?» Ce mot le fâcha, +et il s'en alla. Le diable est un esprit orgueilleux; il ne saurait +souffrir qu'on le méprise.» + +Maître Stiefel vint à Wittemberg, parla secrètement avec le docteur +Luther, et lui montra son opinion en vingt articles, sur le jugement +dernier[r106]. Il pensait que le jugement aurait lieu le jour de +saint Luc. On lui dit de se tenir tranquille et de n'en point parler; +ce qui le chagrina fort. «Cher seigneur docteur, dit-il, je m'étonne +que vous me défendiez de prêcher ceci, et que vous ne vouliez pas me +croire. Il est cependant sûr que je dois en parler, quoique je ne le +fasse point volontiers.» Le docteur Luther lui répliqua: «Cher maître, +vous avez bien pu vous taire dix ans sur ce sujet, pendant le règne +de la papauté; tenez-vous encore tranquille pour le peu de temps qui +reste.—Mais ce matin même, comme je me mettais en marche de bonne +heure, j'ai vu un arc-en-ciel très beau, et j'ai pensé à la venue du +Christ.—Non, il n'y aura point alors d'arc-en-ciel; d'un même coup le +feu du tonnerre consumera toute créature. Un fort et puissant son de +trompette nous réveillera tous. Ce n'est pas avec le son du chalumeau +que l'on se fera entendre sur-le-champ à ceux qui sont dans la tombe.» +(1533.) + + [r106] _Ibid._ 367. + +«Michel Stiefel croit être le septième ange qui annonce le dernier +jour[a71]; il donne ses livres et ses meubles, comme s'il n'en avait +plus besoin. + +»Bileas est certainement damné, quoiqu'il ait eu de bien grandes +révélations, pas moindres que celles de Daniel; car il embrasse +aussi les quatre empires[r107]. C'est un terrible exemple pour les +orgueilleux. Oh! humilions-nous.» + + [r107] _Ibid._ 192. + +»Le docteur Jeckel est un compagnon de l'espèce de Eisleben +(Agricola)[r108]. Il faisait la cour à ma nièce Anna; mais je lui +dis: «Cela ne doit point se faire, dans toute l'éternité!» Et à la +petite fille: «Si tu veux l'avoir, ôte-toi pour toujours de devant mes +yeux; je ne veux plus te voir ni t'entendre.» + + [r108] _Ibid._ 287. + +Le duc Henri de Saxe étant venu à Wittemberg, le docteur Martin Luther +lui parla deux fois contre le docteur Jeckel, et exhorta le prince à +songer aux maux de l'Église. Jeckel avait prêché la doctrine suivante: +«Fais ce que tu veux, crois seulement, tu seras sauvé.—Il faudrait +dire: Quand tu seras _rené_, et devenu un nouvel homme, fais alors +ce qui se présente à toi. Les sots ne savent point ce que c'est que +la foi...» Un pasteur de Torgau vint se plaindre au docteur Luther +de l'insolence et de l'hypocrisie du docteur Jeckel, qui, par ses +ruses, avait attiré à lui tous ceux de la noblesse, du conseil, et le +prince même. Le docteur l'ayant entendu, frémit, soupira, se tut, et +se mit en prière; et le même jour, il ordonna qu'on exigeât d'Eisleben +(Agricola), qu'il fît une rétractation publique, ou qu'il fût +publiquement confondu. + +«Le docteur Luther faisant reproche à Jeckel de ce qu'ayant si peu +d'expérience, étant si peu exercé dans la dialectique et la rhétorique, +il osait entreprendre de telles choses contre ses maîtres et +précepteurs, il répondit[r109]: «Je dois craindre Dieu plus que mes +précepteurs; j'ai un Dieu aussi bien que vous...» Le docteur Jeckel se +mit ensuite à table pour souper; il avait l'air sombre; et le docteur +Luther se curait les dents, ainsi que les convives venus de Freyberg. +Alors Luther se mit à dire: «Si j'avais rendu la cour aussi pieuse +que vous le monde, j'aurais bien travaillé, etc.» Et Jeckel se tenait +toujours avec un air sombre, les yeux baissés, montrant, par cette +contenance, ce qu'il avait en esprit. Enfin Luther se leva, et voulut +sortir; Jeckel aurait encore bien voulu s'expliquer et discuter avec +lui; mais le docteur ne voulut plus lui parler.» + + [r109] _Ibid._ 290. + +_Des Antinomiens, et particulièrement d'Eisleben +(Agricola)[r110]._—«Ah! combien cela fait mal, quand on perd un bon +ami qu'on aimait beaucoup! J'ai eu cet homme-là à ma table; il a été +mon bon compagnon, il riait avec moi, il était gai... et voilà qu'il +se met contre moi!... Cela n'est point à souffrir. Rejeter la loi sans +laquelle il n'y a ni église, ni gouvernement, cela ne s'appelle pas +percer le tonneau, mais le défoncer.... C'est le moment de combattre... +Puis-je le voir s'enorgueillir pendant ma vie, et vouloir gouverner?... +Il ne suffit pas qu'il dise, pour s'excuser, qu'il n'a parlé que du +docteur Creuziger et de maître Roerer. Le Catéchisme, l'Explication +du décalogue et la Confession d'Augsbourg, sont miens, et non point à +Creuziger ou à Roerer... Il veut enseigner la pénitence par l'amour +de la justice. Ainsi, il ne prêche qu'aux hommes justes et pieux +la révélation du courroux divin. Il ne prêche pas pour les impies. +Cependant saint Paul dit: _La Loi est donnée aux injustes_. En somme, +en ôtant la Loi, il ôte aussi l'Évangile; il tire notre croyance du +ferme appui de la conscience, pour la soumettre aux caprices de la +chair. + + [r110] _Ibid._ 287. + +»Qui aurait pensé à la secte des antinomiens[r111]?... J'ai surmonté +trois cruels orages: Münzer, les sacramentaires et les anabaptistes. Il +faudra donc écrire sans fin! Je ne désire pas vivre long-temps, car il +n'y a plus de paix à espérer.» (1538.) + + [r111] _Ibid._ 288. + +Le docteur Luther ordonna à maître Ambroise Bernd d'apprendre aux +professeurs de l'université à ne point être factieux, à ne point +préparer de schisme, et il défendit que maître Eisleben fût élu +doyen... «Dites cela à vos facultistes, et s'ils n'en font rien, je +prêcherai contre eux.» (1539.) + +Le dernier jour de novembre, Luther était en joie et en gaîté avec ses +cousins, son frère, sa sœur, et quelques bons amis de Mansfeld. On +fit mention de maître Grickel, et ils le priaient pour lui. Le docteur +répondit: «J'ai tenu cet homme-là pour mon plus fidèle ami; mais il +m'a trompé par ses ruses, j'écrirai bientôt contre lui; qu'il y prenne +garde; il n'y a en lui aucune pénitence.» (1538.) + +«J'ai eu tant de confiance en cet homme-là (Eisleben), que, lorsque +j'allai à Smalkalde, en 1537, je lui recommandai ma chaire, mon Église, +ma femme, mes enfans, ma maison, tout ce que j'avais de secret[r112].» + + [r112] _Ibid._ 291. + +Le dernier jour de janvier, 1539, au soir, le docteur Luther lut les +propositions qu'Eisleben allait soutenir contre lui; il y avait mis je +ne sais quelles absurdités de Saül et de Jonathas (J'ai mangé un peu +de miel et c'est pour cela que je meurs). «Jonathas, dit Luther, c'est +maître Eisleben qui mange le miel et prêche l'Évangile; Saül, c'est +Luther... Ah! Eisleben, es-tu donc un tel... Oh! Dieu te pardonne ton +amertume!» + +«Si la Loi est ainsi renvoyée de l'Église au conseil, à l'autorité +civile, celle-ci dira à son tour: Nous sommes aussi de fidèles +chrétiens, la Loi ne nous regarde point. Le bourreau finira par en +dire autant. Il n'y aura plus que grâce, douceur, et bientôt caprices +effrénés et scélératesse. Ainsi commença Münzer.» + +En 1540, Luther donna un repas auquel assistèrent les principaux +membres de l'Université[r113]. Vers la fin du repas, quand tout le +monde fut en belle humeur, un verre à cercles de couleurs fut apporté. +Luther y versa du vin et le vida à la santé des convives. Ceux-ci lui +rendirent son salut en vidant le verre chacun à son tour, à la santé de +leur hôte. Quand ce fut le tour de maître Eisleben, Luther lui présenta +le verre en disant: «Mon cher, ce qui, dans ce verre, est au-dessus du +premier cercle, ce sont les dix commandemens; de là jusqu'au second, +c'est le _credo_; jusqu'au troisième c'est le _pater noster_; le +catéchisme est au fond.» Puis il le vida lui-même, le fit remplir de +nouveau et le donna à maître Eisleben. Celui-ci n'alla point au-delà du +premier cercle, il remit le verre sur la table et ne le put regarder +sans une espèce d'horreur. Luther le vit, et il dit aux convives: «Je +savais bien que maître Eisleben ne boirait qu'aux Commandemens, et +qu'il laisserait le _credo_, le _pater noster_ et le catéchisme.» + + [r113] _Ibid._ 129. + +Maître Jobst étant à la table de Luther, lui montra des propositions +d'après lesquelles on ne devait point prêcher la Loi, puisque ce n'est +pas elle qui nous justifie[r114]. Luther s'emporta et dit: «Faut-il +que les nôtres commencent de telles choses, même de notre vivant. +Ah! combien nous devons honorer maître Philippe (Mélanchton), qui +enseigne avec clarté et vérité l'usage et l'utilité de la Loi. Elle se +vérifie, la prophétie du comte Albert de Mansfeld qui m'écrivait: _Il +y a derrière cette doctrine un Münzer_. En effet celui qui détruit la +doctrine de la Loi, détruit en même temps _politicam et œconomiam_. +Si l'on met la Loi en dehors de l'Église, il n'y aura plus de péché +reconnu dans le monde: car l'Évangile ne définit et ne punit le péché +qu'en recourant à la Loi.» (1541.) + + [r114] _Ibid._ 124. + +«Si, au commencement, j'ai dans ma doctrine parlé et écrit si durement +contre la Loi, cela est venu de ce que l'Église chrétienne était +chargée de superstitions, sous lesquelles Christ était tout-à-fait +obscurci et enterré[r115]. Je voulais sauver et affranchir de cette +tyrannie de la conscience les âmes pieuses et craignant Dieu. Mais je +n'ai jamais rejeté la Loi...»[a72] + + [r115] _Ibid._ 125. + + + + +CHAPITRE V. + + Tentations: Regrets et doutes des amis, de la femme; Doutes de + Luther lui-même. + + +Maître Philippe Mélanchton dit un jour la fable suivante à la table du +docteur Martin Luther[r116]: «Un homme avait pris un petit oiseau, et +le petit oiseau aurait bien voulu être libre, et il disait à l'homme: +O mon bon ami, lâche-moi, je te montrerai une belle perle qui vaut +bien des milliers de florins! Tu me trompes, dit l'homme. Oh non! +aie confiance, viens avec moi, je vais te la montrer. L'homme lâche +l'oiseau, qui se perche sur un arbre et lui chante: _Crede parùm, tua +serva, et quæ periêre, relinque_ (ne te confie pas trop, garde bien le +tien, laisse ce qui est perdu sans retour). C'était en effet une belle +perle qu'il lui laissait.» + + [r116] _Ibid._ 445. + +«Philippe me demandait une fois que je voulusse lui tirer de la Bible +une devise, mais telle qu'il ne s'en lassât point[r117]. On ne peut +rien donner à l'homme dont il ne se lasse.» + + [r117] _Ibid._ 29. + +«Si Philippe n'eût pas été si affligé par les tentations, il aurait des +idées et des opinions singulières[r118].» + + [r118] _Ibid._ 195. + +Le paradis de Luther est très grossier. Il croit que, dans le nouveau +ciel et la nouvelle terre, il y aura aussi des animaux utiles[r119]. +«Je pense souvent à la vie éternelle et aux joies que l'on doit y +trouver, mais je ne puis comprendre à quoi nous y passerons le temps, +car il n'y aura aucun changement, aucun travail, ni boire, ni manger, +ni affaire; mais je pense que nous aurons assez d'objets à contempler. +Sur cela, Philippe Mélanchton dit très bien: Maître, montrez-nous le +Père; cela nous suffit.» + + [r119] _Ibid._ 305. + +«Les paysans ne sont pas dignes de tant de fruits que porte la +terre[r120]. Je remercie plus notre Seigneur pour un arbre que +tous les paysans pour tous leurs champs. Ah! _domine doctor_, dit +Mélanchton, exceptez-en quelques-uns, tels qu'Adam, Noë, Abraham, +Isaac.» + + [r120] _Ibid._ 52. + +«Le docteur Jonas disait à souper: Ah! comme saint Paul parle +magnifiquement de sa mort. Je ne puis pourtant le croire[r121].—Il +me semble aussi, dit le docteur Luther, que saint Paul lui-même ne +pouvait penser sur cette matière avec autant de force qu'il parlait; +moi-même, malheureusement, je ne puis sur cet article croire aussi +fortement que prêcher, parler et écrire, aussi fortement que d'autres +gens s'imaginent que je crois. Et il ne serait peut-être pas bon que +nous fissions tout ce que Dieu commande, car c'en serait fait de sa +divinité; il se trouverait menteur, et ne pourrait rester véridique +dans ses paroles.» + + [r121] _Ibid._ 137. + +«Un méchant et horrible livre contre la sainte Trinité ayant été publié +par l'impression, en 1532, le docteur Martin Luther dit[r122]: «Ces +esprits chimériques ne croient pas que d'autres gens aient eu aussi des +tentations sur cet article. Mais pourquoi opposer ma pensée à la parole +de Dieu et au Saint-Esprit (_opponere meam cogitationem verbo Dei, et +spiritui sancto_)? Cette opposition ne soutient pas l'examen.» + + [r122] _Ibid._ 70. + +La femme du docteur lui disait[r123]: «Seigneur docteur, d'où vient +que sous la papauté nous priions si souvent et avec tant de ferveur, +tandis qu'aujourd'hui notre prière est tout-à-fait froide, et nous +prions rarement?» Le docteur répondit: «Le diable pousse sans cesse +ses serviteurs à pratiquer diligemment son culte.» + + [r123] _Ibid._ 150. + +Le docteur Martin Luther exhortait sa femme à lire et écouter avec soin +la parole de Dieu, particulièrement le psautier[r124]. Elle répondit +qu'elle l'écoutait suffisamment, et en lisait chaque jour; qu'elle +pourrait même, s'il plaisait à Dieu, en répéter beaucoup de choses. +Le docteur soupira et dit: «Ainsi commence le dégoût de la parole de +Dieu. C'est le signe d'un mal futur. Il viendra de nouveaux livres, et +la sainte Écriture sera méprisée, jetée dans un coin, et comme on dit: +sous la table.» + + [r124] _Ibid._ + +Luther demandait à sa femme si elle aussi croyait qu'elle fût sainte? +Elle s'en étonna, et dit: «Comment puis-je être sainte, je suis une +grande pécheresse.» Il dit alors: «Voyez pourtant l'horreur de la +doctrine papale, comme elle a blessé les cœurs et préoccupé tout +l'homme intérieur. Ils ne sont plus capables de rien voir, hors la +piété et la sainteté personnelle et extérieure des œuvres que l'homme +même fait pour soi.» + +«Le _Pater noster_ et la foi, me rassurent contre le diable[r125]. +Ma petite Madeleine et mon petit Jean prient en outre pour moi, ainsi +que beaucoup d'autres chrétiens... J'aime ma Catherine, je l'aime plus +que moi-même, car je voudrais mourir plutôt que de lui voir arriver du +mal à elle et à ses enfans; j'aime aussi mon Seigneur Jésus-Christ qui, +par pure miséricorde, a versé son sang pour moi; mais ma foi devrait +être beaucoup plus grande et plus vive. O mon Dieu! ne juge point ton +serviteur[r126]!» + + [r125] _Ibid._ 135. + + [r126] _Ibid._ 140. + +«Ce qui ne contribue pas peu à affliger et tenter les cœurs, c'est que +Dieu semble capricieux et changeant. Il a donné à Adam des promesses et +des cérémonies, et cela a fini avec l'arc-en-ciel et l'arche de Noé. +Il a donné à Abraham la circoncision, à Moïse des signes miraculeux, à +son peuple la Loi; mais au Christ, et par le Christ, l'Évangile, qui +est considéré comme annulant tout cela. Et voilà que les Turcs effacent +cette voix divine, et disent: Votre loi durera bien quelque temps, mais +elle finira par être changée.» (Luther n'ajoute aucune réflexion.) + + + + +CHAPITRE VI. + + Le diable.—Tentations. + + +«Une fois, dans notre cloître à Wittemberg, j'ai entendu distinctement +le bruit que faisait le diable. Comme je commençais à lire le psautier, +après avoir chanté matines, que j'étais assis, que j'étudiais et que +j'écrivais pour ma leçon, le diable vint et fit trois fois du bruit +derrière mon poêle, comme s'il en eût traîné un boisseau. Enfin, comme +il ne voulait point finir, je rassemblai mes petits livres et allai me +mettre au lit... Je l'entendis encore une nuit au-dessus de ma chambre +dans le cloître; mais comme je remarquai que c'était le diable, je n'y +fis pas attention et me rendormis.» + +«Une jeune fille qui était l'amie du vieil économe à Wittemberg, se +trouvant malade, il se présenta à elle une vision comme si c'eût été +le Christ sous une forme belle et magnifique; elle y crut et se mit à +prier cette figure[r127]. On envoya en hâte au cloître chercher le +docteur Luther. Lorsqu'il eût vu la figure, qui n'était qu'un jeu et +une singerie du diable, il exhorta la fille à ne pas se laisser duper +ainsi. En effet, dès qu'elle eut craché au visage du fantôme, le diable +disparut, la figure se changea en un grand serpent qui courut à la +fille et la mordit à l'oreille, de sorte que le sang coula. Le serpent +s'évanouit bientôt. Le docteur Luther vit la chose de ses propres yeux, +avec beaucoup d'autres personnes.» (L'éditeur des Conversations ne dit +point tenir cette histoire de Luther.) + + [r127] _Ibid._ 92, verso. + +Un pasteur des environs de Torgau se plaignait à Luther que le +diable faisait la nuit, un bruit, un tumulte et un renversement +extraordinaires dans sa maison, qu'il lui cassait ses pots et sa +vaisselle de bois, lui jetait les morceaux à la tête, et riait ensuite. +Il faisait ce manége depuis un an, et ni sa femme, ni ses enfans ne +voulaient plus rester dans la maison[r128]. Luther dit au pasteur: +«Cher frère, sois fort dans le Seigneur, ne cède point à ce meurtrier +de diable. Si l'on n'a point invité et attiré cet hôte chez soi par +ses péchés, on peut lui dire: _Ego auctoritate divinâ hic sum pater +familias et vocatione cœlesti pastor ecclesiæ_; mais toi, diable, tu +te glisses dans cette maison comme un voleur et un meurtrier. Pourquoi +ne restes-tu pas dans le ciel? Qui t'a invité ici?» + + [r128] _Ibid._ 208. + +_Sur une possédée._ «Puisque ce diable est un esprit jovial, et +qu'il se moque de nous tout à son aise, il nous faut d'abord prier +sérieusement pour la jeune fille qui souffre ainsi à cause de nos +péchés. Ensuite il faut mépriser cet esprit et s'en rire, mais ne +pas aller l'éprouver par des exorcismes et autres choses sérieuses, +parce que la superbe diabolique se rit de tout cela. Persévérons dans +la prière pour la jeune fille et dans le mépris pour le diable, et +enfin, avec la grâce du Christ, il se retirera. Il serait bon aussi +que les princes voulussent réformer leurs vices, dans lesquels cet +esprit malin nous montre qu'il triomphe. Je te prie, puisque c'est une +chose digne d'être publiée, de t'informer exactement de toutes les +circonstances; pour écarter toute fraude, assure-toi si les pièces +d'or que cette fille avale sont de vraies pièces d'or, et de bon aloi. +Car j'ai été jusqu'à présent obsédé de tant de fourberies, de ruses, +de machinations, de mensonges, d'artifices, que je ne me prête plus +aisément à rien croire que je n'aie vu faire et dire.» (5 août 1536.) + +«Que ce pasteur n'ait pas la conscience troublée de ce qu'il a enseveli +cette femme qui s'était tuée elle-même, si toutefois elle s'est tuée. +Je connais beaucoup d'exemples semblables, mais je juge ordinairement +que les gens ont été tués simplement et immédiatement par le diable, +comme un voyageur est tué par un brigand. Car, lorsqu'il est évident +que le suicide n'a pu avoir lieu naturellement, quand il s'agit d'une +corde, d'une ceinture ou (comme dans le cas dont tu me parles) d'un +voile pendant et sans nœud, qui ne tuerait pas même une mouche, il +faut croire, selon moi, que c'est le diable qui fascine les hommes et +leur fait croire qu'ils font toute autre chose, par exemple une prière; +et cependant le diable les tue. Néanmoins le magistrat fait bien de +punir avec la même sévérité, de peur que Satan ne prenne courage pour +s'introduire. Le monde mérite bien de tels avertissemens, puisqu'il +épicurise et pense que le démon n'est rien.» (1er décembre 1544.) + +«Satan a voulu tuer notre prieur, en jetant sur lui un pan de mur. Mais +Dieu l'a miraculeusement sauvé.» (4 juillet 1524.) + +«Les fous, les boiteux, les aveugles, les muets sont des hommes +chez qui les démons se sont établis. Les médecins qui traitent ces +infirmités, comme ayant des causes naturelles, sont des ignorans qui ne +connaissent point toute la puissance du démon.» (14 juillet 1528.) + +»Il y a des lieux dans beaucoup de pays, où habitent les +diables[r129]. La Prusse a grand nombre de mauvais esprits. En +Suisse, non loin de Lucerne, sur une haute montagne, il y a un lac +qu'on appelle l'étang de Pilate; le diable y est établi d'une manière +terrible. Dans mon pays, il y a un étang situé de même. Si l'on y +jette une pierre, il s'élève un grand orage, et tout le pays tremble à +l'entour. C'est une habitation de diables qui y sont prisonniers. + + [r129] _Ibid._ 212. + +»Le diable a emporté à Sussen, le jour du vendredi saint, trois écuyers +qui s'étaient voués à lui.»(1538.) + +Un jour de grand orage, Luther disait: «C'est le diable qui fait ce +temps-là; les vents ne sont autre chose que de bons ou de mauvais +esprits. Le diable respire et souffle[r130].» + + [r130] _Ibid._ 219. + +Deux nobles avaient juré de se tuer l'un l'autre (du temps de +Maximilien). Le diable ayant tué l'un d'eux dans son lit avec l'épée +de l'autre, le survivant fut amené sur la place publique. On enleva +la terre couverte par son ombre, et on le bannit du pays. C'est ce +qui s'appelle _mors civilis_. Le docteur Grégoire Bruck, chancelier de +Saxe, fit ce récit à Luther. + +Suivent deux histoires de gens avertis d'avance qu'ils seraient +emportés par le diable, et qui, _quoiqu'ils eussent reçu le saint +sacrement, et qu'ils fussent gardés avec des cierges par leurs amis_ +en prières, n'en furent pas moins emportés au jour et à l'heure +marqués[r131]. «Il a bien crucifié notre Seigneur lui-même. Mais, +pourvu qu'il n'emporte pas l'âme, tout va bien.» + + [r131] _Ibid._ 214. + +«Le diable promène les gens dans leur sommeil de côté et d'autre, de +sorte qu'ils font toute chose comme s'ils veillaient[r132]. Autrefois +les papistes, comme gens superstitieux, disaient que de tels hommes +devaient ne pas avoir été bien baptisés, ou qu'ils l'avaient peut-être +été par un prêtre ivre.» + + [r132] _Ibid._ 213. + +«Aux Pays-Bas et en Saxe, un chien monstrueux sent les gens qui doivent +mourir, et rôde autour[r133]... + + [r133] _Ibid._ 221. + +»Les moines conduisaient chez eux un possédé[r134]. Le diable qui +était en lui, dit aux moines: «O mon peuple, que t'ai-je fait!» _Popule +meus, quid feci tibi?_» + + [r134] _Ibid._ 222. + +On racontait à la table de Luther qu'un jour, dans une cavalcade de +gentilshommes, l'un d'eux s'était écrié en piquant des deux: «Au diable +le dernier!» Comme il avait deux chevaux, il en lâcha un; et celui-ci, +restant le dernier, le diable l'emporta avec lui dans les airs[r135]. +Luther dit à cette occasion: «Il ne faut pas convier Satan à notre +table. Il vient sans avoir été prié. Tout est plein de diables autour +de nous; nous-mêmes, qui veillons et qui prions journellement, nous +avons assez affaire à lui.» + + [r135] _Ibid._ 205. + +«Un vieux curé, faisant un jour sa prière, entendit derrière lui le +diable qui voulait l'en empêcher, et qui grognait comme aurait fait +tout un troupeau de porcs[r136]. Le vieux curé, sans se laisser +effrayer, se retourna et lui dit: «Maître diable, il t'est bien advenu +ce que tu méritais; tu étais un bel ange, et te voilà maintenant un +vilain porc.» Aussitôt les grognemens cessèrent, car le diable ne peut +souffrir qu'on le méprise... La foi le rend faible comme un enfant.» + + [r136] _Ibid._ 205. + +«Le diable redoute la parole de Dieu. Il ne la peut mordre; il s'y +ébrèche les dents.» + +«Un jeune vaurien, sauvage et emporté, buvait un jour avec quelques +compagnons dans un cabaret. Quand il n'eut plus d'argent, il dit +que s'il se trouvait quelqu'un qui lui payât un bon écot, il lui +vendrait son âme. Peu après, un homme entra dans le cabaret, se mit à +boire avec le vaurien, et lui demanda s'il était véritablement prêt +à vendre son âme. Celui-ci répondit hardiment oui, et l'homme lui +paya à boire toute la journée. Sur le soir, quand le garçon fut ivre, +l'inconnu dit aux autres qui étaient dans le cabaret: «Messieurs, qu'en +pensez-vous? si quelqu'un achète un cheval, la selle et la bride ne lui +appartiennent-elles pas aussi?» Les assistans s'effrayèrent beaucoup à +ces mots, et ne voulurent d'abord pas répondre, mais, comme l'étranger +les pressait, ils dirent à la fin: «Oui, la selle et la bride sont +aussi à lui.» Aussitôt le diable (car c'était lui), saisit le mauvais +sujet et l'emporta avec lui à travers le plafond, de sorte que l'on n'a +jamais su ce qu'il est devenu.» + +Une autre fois, Luther raconta l'histoire d'un soldat, qui avait déposé +de l'argent chez son hôte, dans le Brandebourg[r137]. Cet hôte, +quand le soldat lui redemanda son argent, nia d'avoir rien reçu. Le +soldat furieux se jeta sur lui, et le maltraita, mais le fourbe le fit +arrêter par la justice et l'accusa d'avoir violé la _paix domestique_ +(_hausfriede_). Pendant que le soldat était en prison, le diable vint +chez lui et lui dit: «Demain tu seras condamné à mort et exécuté. Si tu +me vends ton corps et ton âme, je te délivre.» Le soldat n'y consentit +point. Alors le diable lui dit: «Si tu ne veux pas, écoute au moins +le conseil que je te donne. Demain, quand tu seras devant les juges, +je me tiendrai près de toi, en bonnet bleu avec une plume blanche. +Demande alors aux juges qu'ils me laissent plaider ta cause, et je te +tirerai de là. Le lendemain, le soldat suivit le conseil du diable, et +comme l'hôte persistait à nier, l'avocat en bonnet bleu lui dit: «Mon +ami, comment peux-tu ainsi te parjurer? L'argent du soldat se trouve +dans ton lit, sous le traversin. Seigneurs échevins, envoyez-y et vous +verrez que je dis vrai.» Quand l'hôte entendit cela, il s'écria avec un +gros jurement: «Si j'ai reçu l'argent, je veux que le diable m'enlève +sur l'heure.» Mais les sergens envoyés à l'auberge trouvèrent l'argent +à la place indiquée, et l'apportèrent devant le tribunal. Alors l'homme +au bonnet bleu dit en ricanant: «Je savais bien que j'aurais l'un +des deux, le soldat ou l'aubergiste.» Il tordit le cou à celui-ci et +l'emporta dans les airs.—Luther, ayant conté l'histoire, ajouta qu'il +n'aimait pas qu'on jurât par le diable, comme faisaient beaucoup de +gens, «car, disait-il, le mauvais drôle n'est pas loin; l'on n'a pas +besoin de le peindre sur les murs pour qu'il soit présent.» + + [r137] _Ibid._ 205. + +«Il y avait à Erfurth deux étudians, dont l'un aimait si fort une jeune +fille, qu'il en serait devenu bientôt fou[r138]. L'autre, qui était +sorcier, sans que son camarade en sût rien, lui dit: «Si tu promets de +ne point lui donner un baiser et de ne point la prendre dans tes bras, +je ferai en sorte qu'elle vienne te trouver. Il la fit venir en effet. +L'amant, qui était un beau jeune homme, la reçut avec tant d'amour, et +il lui parlait si vivement, que le sorcier craignait toujours qu'il ne +l'embrassât; enfin il ne put se contenir. A l'instant même elle tomba +et mourut. Quand ils la virent morte, ils eurent grand'peur, et le +sorcier dit: «Employons notre dernière ressource.» Il fit si bien, que +le diable la reporta chez elle, et qu'elle continua de faire tout ce +qu'elle faisait auparavant dans la maison; mais elle était fort pâle et +ne parlait point. Au bout de trois jours, les parens allèrent trouver +les théologiens, et leur demandèrent ce qu'il fallait faire. A peine +ceux-ci eurent-ils parlé fortement à la fille, que le diable se retira +d'elle; le cadavre tomba raide avec une grande puanteur[a73].» + + [r138] _Ibid._ 215. + +«Le docteur Luc Gauric, le sorcier que vous avez fait venir d'Italie, +m'a souvent avoué que son maître conversait avec le diable[r139].» + + [r139] _Ibid._ 216. + +«Le diable peut se changer en homme ou en femme pour tromper, de telle +manière qu'on croit être couché avec une femme en chair et en os, et +qu'il n'en est rien; car, suivant le mot de saint Paul, le diable est +bien fort avec les fils de l'impiété[r140]. Comme il en résulte +souvent des enfans ou des diables, ces exemples sont effrayans et +horribles. C'est ainsi que ce qu'on appelle le _nix_, attire dans l'eau +les vierges ou les femmes pour créer des diablotins. Le diable peut +aussi dérober des enfans; quelquefois dans les six premières semaines +de leur naissance, il enlève à leur mère ces pauvres créatures pour en +substituer à leur place d'autres, nommés _supposititii_, et par les +Saxons, _kilkropff_. + + [r140] _Ibid._ 216. + +«Il y a huit ans, j'ai vu et touché moi-même à Dessau un enfant qui +n'avait pas de parens, et qui venait du diable. Il avait douze ans, et +était tout-à-fait conformé comme un enfant ordinaire. Il ne faisait que +manger, et mangeait autant que quatre paysans ou batteurs en grange. Il +faisait aussi tous ses besoins. Mais quand on le touchait, il criait +comme un possédé; s'il arrivait quelque accident malheureux dans la +maison, il s'en réjouissait et riait; si, au contraire tout allait +bien, il pleurait continuellement. Je dis aux princes d'Anhalt avec +qui j'étais: Si j'avais à commander ici, je ferais jeter cet enfant +dans la Moldau, au risque de m'en faire le meurtrier. Mais l'électeur +de Saxe et les princes n'étaient pas de mon opinion. Je leur dis +alors de faire prier Dieu dans l'église pour qu'il enlevât le démon. +On répéta ces prières tous les jours pendant une année, et après ce +temps l'enfant mourut.» Quand le docteur eut raconté cette histoire, +quelqu'un lui demanda pourquoi il aurait voulu jeter cet enfant à +l'eau. C'est, répondit-il, que les enfans de cette espèce ne sont autre +chose, à mon sens, qu'une masse de chair, sans âme. Le diable est +bien capable de produire de ces choses; tout ainsi qu'il anéantit les +facultés des hommes, quand il les possède corporellement, de manière à +leur enlever la raison et à les rendre sourds et aveugles pour quelque +temps, de même il habite dans ces masses de chair et est lui-même +leur âme.—Il faut que le diable soit bien puissant pour tenir ainsi +nos esprits prisonniers. Origène, ce me semble, n'a pas assez compris +cette puissance; autrement il n'aurait point pensé que le diable pourra +obtenir grâce au Jugement dernier. Quel horrible péché de se révolter +ainsi sciemment contre son Dieu, son créateur! + +»En Saxe, près de Halberstadt, il y avait un homme qui avait un +_kilkropff_. Cet enfant pouvait épuiser sa mère et cinq autres femmes +en les tétant, et il dévorait outre cela tout ce qu'on lui présentait. +On donna à l'homme le conseil de faire un pélerinage à Holckelstadt, +de vouer son _kilkropff_ à la Vierge Marie, et de le faire bercer en +cet endroit. L'homme suivit cet avis, et il emporta son enfant dans +un panier; mais, en passant sur un pont, un autre diable, qui était +dans la rivière, se mit à crier: _Kilkropff! kilkropff!_ L'enfant, qui +était dans le panier, et qui n'avait jamais encore prononcé un seul +mot, répondit: Oh! oh! oh! Le diable de la rivière lui demanda ensuite: +Où vas-tu? L'enfant du panier répondit: Je m'en vais à Holckelstadt, à +notre Mère bien-aimée, pour me faire bercer. Le paysan, très effrayé, +jeta l'enfant et le panier dans la rivière; sur quoi les deux diables +se mirent à s'envoler ensemble. Ils crièrent: Oh! oh! oh! firent +quelques cabrioles l'un par-dessus l'autre et s'évanouirent.» + +Luther, en sortant un dimanche de l'église du château où il avait +prêché, rencontra un landsknecht qui s'adressa à lui, se plaignant des +tentations continuelles qu'il avait à essuyer de la part du diable, +disant qu'il venait souvent à lui et le menaçait de l'enlever dans les +airs. Pendant qu'il parlait ainsi, le docteur Pomer, qui passait par +ce chemin, s'approcha aussi de lui et aida Luther à le consoler. «Ne +désespérez pas, lui disaient-ils, car malgré ces tentations du diable, +vous n'êtes point à lui. Notre Seigneur Jésus-Christ a aussi été tenté +par lui, mais il l'a surmonté par la parole de Dieu. Défendez-vous de +même par la parole de Dieu et par la prière.» Luther ajouta: «Si le +diable te tourmente et te menace de t'emmener, réponds-lui: «Je suis +à Jésus-Christ, qui est mon Seigneur; c'est en lui que je crois, et +c'est auprès de lui que je serai un jour. Il a dit lui-même qu'aucune +puissance ne pourra enlever les chrétiens de sa main.» Pense plutôt +à Dieu qui est au ciel qu'au diable, et cesse de t'effrayer de ses +ruses. Je sais bien qu'il serait fort aise de t'enlever, mais il ne le +peut. Il est comme le voleur qui voudrait bien mettre la main sur le +coffre-fort du riche; la volonté ne lui manque pas, mais le pouvoir. +De même Dieu ne permettra pas au diable de te faire du mal. Écoute +fidèlement la parole divine, prie avec ferveur, travaille, ne sois pas +trop souvent seul, et tu verras que Dieu te délivrera de Satan et te +conservera dans son troupeau.» + +Un jeune ouvrier, maréchal ferrant de son état, prétendait être +poursuivi par un spectre à travers toutes les rues de la ville. +Luther le fit venir chez lui et l'interrogea en présence de plusieurs +personnes doctes. Le jeune homme disait que le spectre qui le +poursuivait lui avait reproché comme un sacrilége d'avoir communié sous +les deux espèces, et qu'il lui avait dit: «Si tu retournes dans la +maison de ton maître, je te tords le cou.» C'est pourquoi il n'était +pas rentré depuis plusieurs jours. Le docteur, après l'avoir beaucoup +interrogé, lui dit: «Prends garde, mon ami, de ne pas mentir. Crains +Dieu, écoute sa parole avec attention; retourne chez ton maître, fais +ton travail, et si Satan revient, dis-lui: «Je ne veux pas t'obéir. +Je n'obéirai qu'à Dieu qui m'a appelé à ce métier: je resterai ici à +mon travail, et un ange même viendrait, que je ne m'en laisserais pas +détourner.» + +Le docteur Luther, devenu plus âgé, éprouva peu de tentations de la +part des hommes; mais le diable, comme il le reconnaît lui-même, +allait promener avec lui dans le dortoir du cloître; il le vexait +et le tentait. Il avait un ou deux diables qui l'épiaient, et s'ils +ne pouvaient parvenir au cœur, ils saisissaient la tête et la +tourmentaient[r141][a74]. + + [r141] _Ibid._ 222. + +«... Cela m'est arrivé souvent[r142]. Quand je tenais un couteau +dans les mains, il me venait de mauvaises pensées; souvent je ne +pouvais prier, et le diable me chassait de la chambre. Car nous autres +nous avons affaire aux grands diables qui sont docteurs en théologie. +Les Turcs et les papistes ont de petits diablotins qui ne sont point +théologiens, mais seulement juristes. + + [r142] _Ibid._ 220. + +»Je sais, grâce à Dieu, que ma cause est bonne et divine; si Christ +n'est point dans le ciel et Seigneur du monde, alors mon affaire est +mauvaise[r143]. Cependant le diable me serre souvent de si près dans +la dispute, qu'il m'en vient la sueur. Il est éternellement irrité, +je le sens bien, je le comprends. Il couche avec moi plus près que ma +Catherine. Il me donne plus de trouble qu'elle de joie... Il me pousse +quelquefois: La Loi, dit-il, est aussi la parole de Dieu; pourquoi +l'opposer toujours à l'Évangile?—«Oui, dis-je à mon tour; mais elle +est aussi loin de l'Évangile que le ciel l'est de la terre, etc.» + + [r143] _Ibid._ 224. + +»Le diable n'est pas, à la vérité, un docteur qui a pris ses +grades[a75], mais du reste il est bien savant, bien expérimenté[r144]. +Il n'a pourtant fait son métier que depuis six mille ans. Si le diable +est sorti quelquefois des possédés, lorsqu'il était conjuré par les +moines et les prêtres papistes, en laissant après lui quelque signe, un +carreau cassé, une fenêtre brisée, un pan de mur ouvert, c'était pour +faire croire aux gens qu'il avait quitté le corps, mais en effet pour +posséder l'esprit, pour les confirmer dans leurs superstitions.» + + [r144] _Ibid._ 202. + +Au mois de janvier 1532, Luther tomba dangereusement malade. Le médecin +le crut menacé d'une attaque d'apoplexie[r145]. Mélanchton et Rorer, +assis près de son lit, ayant parlé de la joie que la nouvelle de sa +mort causerait sans doute aux papistes, il leur dit avec assurance: «Je +ne mourrai pas encore, je le sais certainement. Dieu ne confirmera +point à présent l'abominable papisme par ma mort. Il ne voudra point +après celle de Zwingli et d'Œcolampade, accorder aux papistes un +nouveau sujet de triomphe. Satan, il est vrai, ne songe qu'à me +tuer; il ne me quitte d'un pas. Mais ce n'est pas sa volonté qui +s'accomplira: ce sera celle du Seigneur.» + + [r145] Ukert, t. I, 320. + +«Ma maladie, qui consiste dans des vertiges et autres choses, n'est +point naturelle; ce que je puis prendre ou faire ne me sert à rien, +quoique j'observe avec soin les conseils de mon médecin[r146].» + + [r146] Tischreden, 210. + +En 1536, il maria à Torgau le duc Philippe de Poméranie à la sœur de +l'Électeur[r147]. Au milieu de la cérémonie, l'anneau nuptial échappa +de sa main et roula par terre. Il eut un mouvement de terreur, mais se +rassura aussitôt en disant: «Écoute, diable, cela ne te regarde pas, +c'est peine perdue,» et il continua de prononcer les paroles de la +bénédiction. + + [r147] Ukert, t. I, 322. + +Pendant que le docteur Luther causait à table avec quelques-uns, sa +femme sortit et tomba en défaillance[r148]. Lorsqu'elle revint à +elle, le docteur lui demanda quelles pensées elle avait eues. Elle +raconta comme elle avait éprouvé des tentations toutes particulières +qui sont les signes certains de la mort, et qui frappent au cœur +plus sûrement qu'une balle ou une flèche... «Celui qui éprouve de +telles tentations, dit-il, je lui donnerai un bon conseil, c'est de +penser à quelque chose de gai, de boire un bon coup, de jouer et de +prendre quelque passe-temps, ou bien de s'attacher à quelque occupation +honorable. Mais le meilleur remède, c'est de croire en Jésus-Christ.» + + [r148] Tischreden, 229. + +«Quand le diable me trouve oisif et que je ne pense point à la parole +de Dieu, alors il me fait venir un scrupule, comme si je n'avais pas +bien enseigné, comme si c'était moi qui eusse renversé et détruit +les autorités, et causé par ma doctrine tant de scandales et de +troubles[r149]. Mais quand je ressaisis la parole de Dieu, alors j'ai +gagné la partie. Je me défends contre le diable et je dis: Qu'importe +à Dieu tout le monde, quelque grand qu'il puisse être? Il en a établi +son Fils seigneur et roi. Si le monde veut le renverser du trône, +Dieu le bouleversera et le mettra en cendre; car il dit lui-même: +«C'est mon fils, vous devez l'écouter.» Maintenant, ô rois, apprenez; +disciplinez-vous, juges de la terre (l'_erudimini_ de la Vulgate est +moins fort). + + [r149] _Ibid._ 8. + +»Le diable s'efforce surtout de nous arracher du cœur l'article de la +rémission des péchés. _Quoi!_ dit-il, _vous prêchez ce qu'aucun homme +n'a enseigné dans tant de siècles! si cela déplaisait à Dieu?_... + +»La nuit, quand je me réveille, le diable vient bientôt, dispute avec +moi et me donne d'étranges pensées, jusqu'à ce que je m'anime et que je +lui dise: Baise mon c..! Dieu n'est pas irrité comme tu le dis[r150]. + + [r150] _Ibid._ 218. + +»Aujourd'hui, comme je m'éveillai, le diable vint, voulut disputer, +et il me disait: «Tu es un pécheur[r151].»—Je répliquai: Dis-moi +quelque chose de nouveau, démon; je savais déjà cela... J'ai assez +de péchés réels, sans ceux que tu inventes...—Il insistait encore: +«Qu'as-tu fait des cloîtres dans ce monde?»—A quoi je répondis: Que +t'importe? Tu vois bien que ton culte sacrilége subsiste toujours.» + + [r151] _Ibid._ 220. + +Un jour que l'on parlait à souper du sorcier Faust, Luther dit +sérieusement[r152]: «Le diable n'emploie pas contre moi le secours +des enchanteurs. S'il pouvait me nuire par là, il l'aurait fait depuis +long-temps. Il m'a déjà souvent tenu par la tête; mais il a pourtant +fallu qu'il me laissât aller. J'ai bien éprouvé quel compagnon c'est +que le diable; il m'a souvent serré de si près que je ne savais si +j'étais mort ou vivant. Quelquefois il m'a jeté dans le désespoir au +point que j'ignorais même s'il y avait un Dieu, et que je doutais +complètement de notre cher Seigneur. Mais avec la parole de Dieu, etc. + + [r152] _Ibid._ 12. + +»Le diable me fait regarder la loi, le péché et la mort. Il me présente +cette trinité, et s'en sert pour me tourmenter[r153]. + + [r153] _Ibid._ 220. + +»Le diable nous a juré la mort, mais il mordra dans une noix +creuse[r154]. + + [r154] _Ibid._ 362. + +»La tentation de la chair est petite chose; la moindre femme dans +la maison peut guérir cette maladie[r155]. Eustochia aurait guéri +saint Jérôme. Mais Dieu nous garde des grandes tentations qui touchent +l'éternité! Alors on ne sait point si Dieu est le diable, ou si le +diable est Dieu. Ces tentations ne sont point passagères. + + [r155] _Ibid._ 318. + +»Si je tombe en pensées qui ne touchent que le monde ou la maison, je +prends un psaume ou quelques mots de Saint-Paul, et je dors par-dessus; +mais celles qui viennent du diable me coûtent davantage; je ne puis +m'en tirer qu'avec quelque bonne farce[r156]. + + [r156] _Ibid._ 226. + +»Le grain d'orge a beaucoup à souffrir des hommes[5]. D'abord on le +jette dans la terre pour qu'il y pourrisse; ensuite, quand il est mûr, +on le coupe, on le bat en grange et on le sèche, on le fait cuire pour +en tirer de la bière, et le faire avaler aux ivrognes[r157]. Le +lin est aussi martyr à sa manière. Quand il est mûr, on l'arrache, +on le rouit, on le sèche, on le bat, on le teille, on le sérance, on +le file, on le tisse, on en fabrique de la toile pour en faire des +chemises, des souquenilles, etc. Quand celles-ci sont déchirées, l'on +en fait des torchons, ou l'on y met des emplâtres pour être appliquées +sur les plaies, les abcès; l'on en fait des mèches, ou bien on les +vend au papetier qui les broie, les dissout, et en fait du papier. Ce +papier sert à écrire, à imprimer, à faire des jeux de cartes; enfin il +est déchiré et employé aux plus vils usages. Ces plantes, ainsi que +d'autres créatures qui nous sont très utiles, ont beaucoup à souffrir; +les chrétiens bons et pieux ont de même beaucoup à endurer des méchans +et des impies.» + + [5] Voyez la belle ballade anglaise sur le martyre de + _Barleycorn_. + + [r157] _Ibid._ 216. + +«Quand le diable vient me trouver la nuit, je lui tiens ce +discours[r158]: Diable, je dois dormir maintenant; car c'est le +commandement et l'ordre de Dieu que nous travaillions le jour, et que +nous dormions la nuit. S'il m'accuse d'être un pécheur, je lui dis pour +lui faire dépit: _Sancte Satane, ora pro me!_ ou bien: _Medice, cura te +ipsum_.» + + [r158] _Ibid._ 227. + +«Si vous prêchez celui qui est tenté, il vous faut tuer Moïse et le +lapider. Si au contraire il revient à lui et oublie la tentation, qu'on +lui prêche la loi. _Alioqui afflicto non est addenda afflictio._ + +»... La meilleure manière de chasser le diable, si on ne peut le faire +avec les paroles de la sainte Écriture, c'est de lui adresser des mots +piquans et pleins de moquerie.» + +«On peut consoler les gens affligés de tentations en leur donnant à +manger et à boire; mais le remède ne réussirait pas pour tous, surtout +pour les jeunes gens[r159]. Pour moi qui suis vieux, un bon coup +pourrait chasser les tentations et me faire dormir un somme.» + + [r159] _Ibid._ 231. + +«La meilleure médecine contre les tentations, c'est de parler d'autre +chose, de Marcolphe, d'Eulenspiegel, et d'autres farces de ce genre, +etc.—Le diable est un esprit triste, la musique le fait fuir bien +loin[r160].» + + [r160] _Ibid._ 238. + + +Le morceau important qu'on va lire est en quelque sorte le récit de la +guerre opiniâtre que Satan aurait faite à Luther pendant toute sa vie. + +_Préface du docteur Martin Luther, écrite par lui avant sa +mort[r161]._—«Quiconque lira avec attention l'histoire ecclésiastique, +les livres des saints Pères, et particulièrement la Bible, verra +clairement que depuis le commencement de l'Église les choses se sont +toujours passées de la même manière. Toutes les fois que la Parole +s'était fait entendre et que Dieu s'était rassemblé un petit troupeau, +le diable s'est bien vite aperçu de la lumière divine, et s'est mis +à siffler, souffler, tempêter de tous les coins, essayant de toutes +ses forces s'il pourrait l'éteindre. On avait beau boucher un ou deux +trous, il en trouvait un autre, soufflait toujours et faisait rage. Il +n'y a encore eu aucune fin à cela, et il n'y en n'aura pas jusqu'au +jour du Jugement. + + [r161] Luth. Werke, t. II, 1. + +»Je tiens qu'à moi seul (pour ne point parler des anciens) j'ai essuyé +plus de vingt ouragans, vingt assauts du diable. D'abord j'ai eu contre +moi les papistes. Tout le monde, je crois, sait à peu près combien de +tempêtes, de bulles et de livres le diable a lâchés par eux contre moi, +de quelle façon lamentable ils m'ont déchiré, dévoré, mis à rien. Il +est vrai que moi-même je soufflais quelque peu contre eux; mais cela ne +servait de rien; les enragés soufflaient encore plus, et vomissaient +feu et flammes. Il en a été ainsi jusqu'à ce jour sans interruption. + +»J'avais un instant cessé de craindre cette tempête du diable, +lorsqu'il se fit jour par un nouveau trou, par Münzer et sa révolte +qui faillit m'éteindre la lumière. Le Christ bouche encore ce trou-là, +et le voilà qui par Carlostad casse des carreaux à ma fenêtre, le +voilà qui mugit et tourbillonne, au point de me faire croire qu'il +allait emporter lumière, cire et mèche à la fois. Mais Dieu fut en +aide à sa pauvre lumière; il ne permit point qu'elle fût éteinte. +Alors vinrent les sacramentaires et les anabaptistes, qui brisèrent +portes et fenêtres pour en finir de cette lumière, et qui la mirent de +nouveau dans le plus grand danger. Dieu merci, leur volonté fut trompée +également. + +»D'autres encore ont tempêté contre les anciens maîtres, contre le pape +et contre Luther à la fois, tels que Servet, Campanus..... Quant à ceux +enfin qui ne m'ont point assailli publiquement par des livres imprimés, +mais dont il m'a fallu essuyer en particulier les écrits et discours +remplis de venin, je ne les mettrai pas ici en ligne de compte. Il +me suffit de montrer que j'ai dû apprendre par expérience (je n'en +voulais pas croire les histoires) que l'Église, pour l'amour de sa +chère Parole, de sa bienheureuse lumière, ne peut avoir de repos, mais +qu'elle doit attendre incessamment de nouvelles tempêtes du diable, +comme cela s'est vu depuis le commencement. + +»Et quand je devrais vivre encore cent ans, quand j'aurais apaisé les +tempêtes d'autrefois et d'aujourd'hui, quand je pourrais encore apaiser +celles qui viendront, je vois clairement que cela ne donnerait pas +le repos à nos descendans, aussi long-temps que le diable vivra et +régnera. C'est pourquoi je prie Dieu de m'accorder une petite heure +d'état de grâce; je ne demande pas de rester en vie plus long-temps. + +»Vous qui viendrez après nous, priez Dieu aussi avec ferveur, pratiquez +assidument sa parole, conservez bien la pauvre chandelle de Dieu; car +le diable ne dort ni ne chôme, et il ne mourra pas non plus avant le +jugement dernier. Toi et moi, nous mourrons, et quand nous serons +morts, lui il n'en restera pas moins tel qu'il a toujours été, toujours +tempêtant contre l'Évangile... + +»Je le vois de loin qui gonfle ses joues à en devenir tout rouge, qui +souffle et qui fait fureur; mais notre Seigneur Jésus-Christ, qui, dès +le commencement, lui a donné un coup de poing sur cette joue gonflée, +le combat maintenant encore, et le combattra toujours. Il ne peut pas +en avoir menti, quand il dit: «Je serai auprès de vous jusqu'à la fin +du monde,» et «Les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre mon +Église;» et dans saint Jean: «Mes brebis ne périront jamais; personne +ne les arrachera de ma main»; et dans saint Mathieu, X: «Tous les +cheveux de votre tête sont comptés; c'est pourquoi ne craignez pas ceux +qui tuent le corps.» + +«Néanmoins, il nous est commandé de veiller et de garder sa lumière +tant qu'il est en nous. Il est dit: «_Vigilate_; le diable est un lion +rugissant qui tourne autour et qui veut nous dévorer.» Tel il était +quand saint Pierre disait cela, et tel il sera encore jusqu'à la fin du +monde.....» + +(Luther revient ensuite à parler du secours de Dieu sans lequel tous +nos efforts seraient vains, et il continue ainsi:) «Toi et moi nous +n'étions rien il y a mille ans, et cependant l'Église a été sauvée sans +nous: elle l'a été par celui de qui il est dit: _Heri et hodiè_. De +même à présent ce n'est pas nous qui conservons l'Église, car nous ne +pouvons atteindre le diable qui est dans le pape, les séditieux et les +mauvaises gens; elle périrait sous nos yeux, et nous-mêmes avec elle, +n'était quelqu'autre qui conserve tout. Il nous faut laisser faire +celui de qui nous lisons: _Qui erit, ut hodiè_..... + +»C'est une chose lamentable de voir notre orgueil et notre audace +après les terribles et honteux exemples de ceux qui, dans leur vanité, +avaient cru que l'Église était bâtie sur eux. Comment a fini ce Münzer +(pour ne parler que de ce temps), lui qui pensait que l'Église ne +pouvait exister s'il n'était là pour la porter et la gouverner? Et +tout récemment encore, les anabaptistes n'ont-ils pas été pour nous +un avertissement assez terrible pour nous rappeler combien un diable +plus subtil encore est près de nous, combien nos belles pensées sont +dangereuses, et comme il est nécessaire (selon le conseil d'Isaïe) que +nous regardions dans nos mains quand nous ramassons quelque chose, pour +voir si c'est Dieu ou une idole, si c'est de l'or ou de l'argile? + +»Mais tous ces avertissemens sont perdus; nous vivons en pleine +sécurité. Oui, sans doute le diable est loin de nous; nous n'avons rien +de cette chair, qui était même en saint Paul, et dont il ne pouvait +se défendre malgré tous ses efforts (Rom. VII). Nous, nous sommes des +héros, nous n'avons pas à nous mettre en peine de la chair et de la +pensée; nous sommes de purs esprits, nous tenons captifs la chair et +le diable à la fois, et tout ce qui nous vient dans la tête, c'est +immanquablement inspiration du Saint-Esprit; aussi cela tourne-t-il si +bien à la fin que le cheval et le cavalier se cassent le cou. + +»Les papistes, je le sais, me diront ici: «Eh bien! tu le vois; c'est +toi-même qui te plains des troubles et des séditions? Qui en est +cause, si ce n'est toi et ta doctrine?» Voilà le bel artifice par +lequel ils pensent renverser de fond en comble la doctrine de Luther. +Il n'importe! Qu'ils calomnient, qu'ils mentent tant qu'ils voudront; +il faudra bien qu'ils se taisent. D'après ce grand argument, tous les +prophètes auraient été également des hérétiques et des séditieux, +car ils furent tenus pour tels par leur propre peuple; comme tels ils +furent persécutés, et la plupart mis à mort. + +»Jésus-Christ lui-même, notre Seigneur, fut obligé de s'entendre dire +par les Juifs, et en particulier par les pontifes, les pharisiens, +les scribes, etc., par ceux qui étaient les plus hauts en pouvoir, +qu'il avait le diable en lui, qu'il chassait les diables par d'autres +diables, qu'il était un samaritain, le compagnon des publicains et des +pécheurs. Il fut même à la fin condamné à mourir sur la croix comme +blasphémateur et séditieux. «Lequel d'entre les prophètes, disait saint +Étienne aux Juifs qui allaient le lapider, lequel vos pères n'ont-ils +pas persécuté et tué? Et vous, leurs descendans, vous avez vendu et tué +le juste dont ces prophètes avaient annoncé la venue.» + +»Les apôtres et les disciples n'ont pas été plus heureux que leur +maître; les prédictions qu'il leur avait faites se sont accomplies... + +»S'il en est ainsi, et l'Écriture en fait foi, pourquoi donc nous +étonner de ce que nous aussi qui, dans ces temps terribles, prêchons +Jésus-Christ et nous reconnaissons pour ses fidèles, nous soyons, à son +exemple, persécutés et condamnés comme hérétiques, comme séditieux? +Que sommes-nous à côté de ces génies sublimes, éclairés par le +Saint-Esprit, ornés de tant de dons admirables, et doués d'une foi si +forte? + +»N'ayons donc pas honte des calomnies et des outrages dont nos +adversaires nous poursuivent. Que tout cela ne nous effraie point. +Mais regardons comme notre plus grande gloire de recevoir du monde le +même salaire que dès le commencement tous les saints en ont reçu pour +leurs fidèles services. Réjouissons-nous en Dieu de ce que nous aussi, +pauvres pécheurs et gens méprisés, nous avons été jugés dignes de +souffrir l'ignominie pour le nom du Christ... + +»Les papistes, avec leur grand argument, ressemblent à un homme qui +dirait que si Dieu n'avait pas créé de bons anges, il n'y aurait pas eu +de diables; car c'est des bons anges que ceux-ci sont venus. De même, +Adam accusa Dieu de lui avoir donné une femme, car si Dieu n'avait +pas créé Adam et Ève, ils n'auraient pas péché. Il résulterait de ce +beau raisonnement que Dieu seul fût pécheur, et qu'Adam et ses enfans +fussent tous purs, pieux et saints.» + +«Il est sorti de la doctrine de Luther beaucoup d'esprits de trouble et +de révolte, disent-ils. Donc la doctrine de Luther vient du diable.» +Mais saint Jean dit aussi (I, 2.): «Ils sont sortis d'entre nous, mais +ils n'étaient point des nôtres.» Judas était parmi les disciples de +Jésus-Christ; donc (d'après leur argument), Jésus-Christ est un diable. +Jamais hérétique n'est sorti d'entre les païens; ils sont tous venus de +la sainte Église chrétienne; l'Église serait donc l'ouvrage du diable. + +»Il en fut de même de la Bible sous le pape; on l'appelait publiquement +un livre d'hérétiques, et on l'accusait de prêter appui aux opinions +les plus condamnables. Encore aujourd'hui ils crient: «L'Église, +l'Église, contre et par-dessus la Bible!» Emser, l'homme sage, ne sut +même trop dire s'il était bon que la Bible fût traduite en allemand; +peut-être ne savait-il pas non plus s'il était bon qu'elle eût été +jamais écrite en hébreu, en grec ou en latin; elle et l'Église ne sont +pas en trop bon accord. + +»Si donc la Bible, le livre et la parole du Saint-Esprit, a de telles +choses à endurer d'eux, pourquoi nous, ne supporterions-nous pas à plus +forte raison qu'ils nous imputent toutes les hérésies et les séditions +qui éclatent? L'araignée tire son poison de la belle et aimable rose où +l'abeille ne trouve que miel; est-ce la faute de la fleur, si son miel +devient du poison dans l'araignée? + +»C'est, comme dit le proverbe: «Chien qu'on veut battre a mangé du +cuir», ou, comme dit finement Ésope: «La brebis que le loup veut +manger a troublé l'eau, quoiqu'elle soit au bas du courant.» Eux, qui +ont rempli l'Église d'erreur et de sang, de mensonge et de meurtre, +ce ne sont pas eux qui ont troublé l'eau. Nous, nous résistons aux +séditions et aux erreurs des hérétiques, et c'est nous qui l'avons +troublée. Eh bien! loup, mange, mange, mon ami, et qu'un os te reste +au travers du gosier... Ils ne peuvent faire autrement; tel est le +monde et son Dieu. S'ils ont appelé Belzébut le maître de la maison, +traiteront-ils mieux les serviteurs? Et si la sainte Écriture est +appelée un livre d'hérétiques, comment nos livres pourraient-ils être +honorés? Le Dieu vivant est notre juge à nous tous; il mettra un jour +tout cela au clair, si nous devons en croire ce livre d'hérétiques, +qu'on appelle la sainte Écriture, qui tant de fois en a témoigné. + +»Veuille Jésus-Christ, notre Dieu bien-aimé et le gardien de nos âmes +qu'il a rachetées par son sang précieux, conserver son petit troupeau +fidèle à sa sainte parole, afin qu'il augmente et croisse en grâce, en +lumière, en foi. Puisse-t-il daigner le soutenir contre les tentations +de Satan et du monde, et prendre enfin en pitié ses gémissemens +profonds et l'attente pleine d'angoisses dans laquelle il soupire vers +l'heureux jour de la glorieuse venue de son Sauveur, en sorte que +les fureurs et les morsures meurtrières des serpens cessent enfin, et +que pour les enfans de Dieu commence la révélation de la liberté et +béatitude qu'ils espèrent et qu'ils attendent en patience. Amen. Amen.» + + + + +CHAPITRE VII. + + Maladies.—Désir de la mort et du jugement.—Mort, 1546. + + +«Le mal de dents et le mal d'oreilles sont bien cruels; j'aimerais +mieux la peste et le mal français[r162]. Lorsque j'étais à Cobourg, +en 1530, je souffrais d'un bruit et d'un sifflement dans les oreilles: +c'était comme du vent qui me sortait de la tête... Le diable est pour +quelque chose là-dedans. + + [r162] Tischreden, 356. + +»Il faut manger et boire du vin quand on est malade.» Il se traita +ainsi à Smalkalde, en 1537. + +Un homme se plaignait de la gale; Luther lui dit[r163]: «Je voudrais +bien changer avec vous; je vous donnerais dix florins de retour. +Vous ne savez pas combien c'est une chose pénible que le vertige. +Aujourd'hui je ne puis lire de suite une lettre entière, pas même deux +ou trois lignes du Psautier. Le bourdonnement recommence dans les +oreilles, au point que souvent je suis près de tomber sur mon banc. La +gale, au contraire, est chose utile, etc.» + + [r163] _Ibid._ 357. + +Après avoir prêché à Smalkalde, et dîné ensuite, il éprouva les +douleurs de la pierre[a76], et pria avec ardeur[r164]: «O mon Dieu, mon +seigneur Jésus! tu sais avec quel zèle j'ai enseigné ta parole. _Si +est pro gloriâ nominis tui_, viens à mon secours; sinon, ferme-moi les +yeux. _Ego moriar inimicus inimicis tuis._ Je meurs dans la haine de ce +scélérat de pape, qui s'est élevé au-dessus du Christ.» Et il composa à +l'instant, sur ce sujet, quatre vers latins. + + [r164] _Ibid._ 362. + +«Ma tête est si variable et si faible que je ne puis rien écrire ni +lire, surtout à jeun.» (9 février 1543. Voyez aussi le 16 août.) + +«Je suis faible et fatigué de vivre, et je songe à dire adieu au monde, +qui est maintenant tout au malin. Que le Seigneur m'accorde une bonne +heure et un heureux passage. Amen.» (14 mars.) + +_A Amsdorf._—«Je t'écris après souper, car à jeun je ne puis sans +danger jeter les yeux sur un livre; je m'étonne fort de cette maladie, +et ne sais si c'est un soufflet de Satan ou si ce n'est que faiblesse +de nature.» (18 août 1543.) + +«Je crois que ma véritable maladie, c'est la vieillesse, ensuite la +violence des travaux et des pensées, mais surtout les coups de Satan; +c'est ce dont toute la médecine du monde ne me guérira pas[a77].» (7 +novembre 1543.) + +_A Spalatin._—«Je t'avoue que, dans toute ma vie et dans toutes les +affaires de l'Évangile, je n'ai jamais eu d'année plus troublée que +celle qui vient de finir. J'ai une terrible affaire avec les juristes, +au sujet des mariages clandestins; ceux que j'avais cru devoir être +de fidèles amis de l'Évangile, je trouve en eux des ennemis cruels. +Penses-tu que ce ne soit pas pour moi un supplice, je te le demande, +mon cher Spalatin?» (30 janvier 1544.) + +«Je suis paresseux, fatigué, froid, c'est-à-dire vieux et inutile. J'ai +achevé ma route; reste seulement que le Seigneur me réunisse à mes +pères, et rende à la pourriture et aux vers ce qui leur appartient. +Me voilà rassasié de vie, si cela peut s'appeler de la vie. Prie +pour moi, afin que l'heure de mon passage soit agréable à Dieu, et à +moi salutaire. Je ne m'occupe plus de l'Empereur et de l'Empire, que +pour les recommander à Dieu dans mes prières. Le monde me semble être +venu à sa dernière heure et avoir vieilli comme un vêtement, selon +l'expression du psalmiste; voici l'heure qu'il en faut changer.» (5 +décembre 1544.) + +«Si j'avais su au commencement que les hommes fussent si ennemis de +la parole de Dieu, je me serais tu certainement et tenu tranquille. +J'imaginais qu'ils ne péchaient que par ignorance[r165].» + + [r165] _Ibid._ 6. + +Il disait une fois[r166]: «La noblesse, les bourgeois, les paysans, +je dirais presque tout homme, pense connaître beaucoup mieux l'Évangile +que le docteur Luther ou que saint Paul même. Ils méprisent les +pasteurs, ou plutôt le Seigneur et Maître des pasteurs... + + [r166] _Ibid._ 5. + +»Les nobles veulent gouverner, et cependant ils ne peuvent rien +comprendre. Le pape sait et peut gouverner par le fait. Le plus petit +papiste est plus capable de gouverner que dix des nobles qui sont à la +cour, ne leur en déplaise.» + +On disait un jour à Luther que, dans l'évêché de Wurtzbourg, il y avait +six cents riches cures qui étaient vacantes[r167].—«Il ne résultera +rien de bon de tout cela, dit-il. Il en sera de même chez nous, si +nous continuons de mépriser la parole de Dieu et ses serviteurs... Si +je voulais devenir riche, je n'aurais qu'à ne point prêcher... Les +visiteurs ecclésiastiques demandaient aux paysans pourquoi ils ne +voulaient point nourrir leurs pasteurs? eux qui pourtant entretenaient +des gardeurs de vaches et de porcs. «Oh! répondirent-ils, nous avons +besoin d'un berger; nous ne pourrions pas nous en passer.» Ils +croyaient pouvoir se passer de pasteurs.» + + [r167] _Ibid._ 5, verso. + +Luther prêcha dans sa maison, pour ses enfans et tous les siens, le +dimanche, pendant six mois, mais il ne prêchait point dans l'église. +«Je le fais, dit-il au docteur Jonas, pour acquitter ma conscience et +remplir mon devoir de père de famille. Mais je sais et je vois bien que +la parole de Dieu ne sera pas plus considérée ici que dans l'église. + +»C'est vous qui prêcherez après moi, docteur Jonas, songez-y et +acquittez-vous-en bien[r168].» + + [r168] _Ibid._ 195, verso. + +Il sortit un jour de l'église, indigné de ce que l'on causait[r169]. +(1545.) + + [r169] _Ibid._ 189, verso. + +Le 16 février 1546, Luther disait qu'Aristote n'avait écrit aucun +meilleur livre que le cinquième des _Ethica_; qu'il y donnait cette +belle définition: _Quod justitia sit virtus consistens in mediocritate, +pro ut sapiens eam determinat_[r170]. [Cet éloge de la modération est +très remarquable dans la dernière année de Luther.] + + [r170] _Ibid._ 414. + +Le chancelier du comte de Mansfeld qui revenait de la diète de +Francfort, dit à la table de Luther, à Eisleben, que l'Empereur et +le pape procédaient brusquement contre l'évêque de Cologne, Herman; +et songeaient à le chasser de son électorat[r171]. Alors il parla +ainsi: «Ils ont perdu la partie; ils ne peuvent rien faire contre nous +avec la parole de Dieu et la sainte Écriture; _ergo volunt sapientiâ, +violentiâ, astutiâ, practicâ, dolo, vi et armis pugnare_. Que dit à +cela notre Seigneur? Il voit bien qu'il est un pauvre écolier, et il +dit: Qu'allons-nous devenir mon fils et moi?... Pour moi, quand ils me +tueraient, il faut auparavant qu'ils mangent ce que... J'ai un grand +avantage; mon seigneur s'appelle _Schefflemini_; c'est lui qui dit: +_Ego suscitabo vos in novissimo die_; et il dira alors: Docteur Martin, +docteur Jonas, seigneur Michel Cœlius, venez à moi; et il vous nommera +tous par vos noms, comme le Seigneur Christ dit dans saint Jean: _Et +vocat eos nominatim_. Eh bien! soyez donc sans peur. + + [r171] _Ibid._ 19. + +»Dieu a un beau jeu de cartes qui n'est composé que de rois, de +princes, etc.[r172] Il bat les cartes, par exemple le pape avec +Luther; et ensuite il fait comme les enfans, qui, après avoir tenu +quelque temps les cartes en vain, se lassent du jeu, et les jettent +sous la table.» + + [r172] _Ibid._ 32, verso. + +«Le monde est comme un paysan ivre[r173]. Si on le remet en selle +d'un côté, il tombe de l'autre. On ne peut le secourir de quelque façon +qu'on s'y prenne. Le monde veut appartenir au diable.» + + [r173] _Ibid._ 448, verso. + +Luther disait souvent que s'il mourait dans son lit, ce serait une +grande honte pour le pape[r174]. «Vous tous, pape, diable, rois, +princes et seigneurs, vous devez être ennemis de Luther, et cependant +vous ne pouvez lui faire mal. Il n'en a pas été de même pour Jean Huss. +Je tiens que depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme que le monde +haït plus que moi. Je suis aussi ennemi du monde; je ne sais rien _in +totâ vitâ_ à quoi j'aie plaisir; je suis tout-à-fait fatigué de vivre. +Que notre Seigneur vienne donc vite, et m'emmène. Qu'il vienne surtout +avec son jugement dernier, je tendrai le cou; qu'il lance le tonnerre +et que je repose...» Ensuite, il se console de l'ingratitude du monde, +par l'exemple de Moïse, de Samuel, de saint Paul, du Christ. + + [r174] _Ibid._ 449. + +Un des convives dit que si le monde subsistait cinquante ans, il +viendrait encore bien des choses[r175]. Luther répondit: «A Dieu ne +plaise! ce serait pis que par le passé. Il s'élèverait encore bien des +sectes qui sont aujourd'hui cachées dans le cœur des hommes. Vienne +donc le Seigneur! qu'il coupe court à tout cela avec le jugement +dernier; car il n'y a plus d'amélioration. + + [r175] _Ibid._ 295. + +»Il fera si mauvais à vivre sur la terre, que l'on criera de tous +les coins du monde: Bon Dieu! viens avec le jugement dernier[r176].» Et +comme il tenait en main un chapelet d'agates blanches, il ajouta: «O +Dieu! veuille que ce jour vienne bientôt. Je mangerais aujourd'hui ce +chapelet pour que ce fût demain.» + + [r176] _Ibid._ 15. + +On parlait à sa table, des éclipses et de leur peu d'influence sur +la mort des rois et des grands[r177]. Le docteur répondit: «Il est +vrai, les éclipses ne veulent plus produire d'effet; je pense que notre +Seigneur en viendra bientôt aux effets véritables, et que le Jugement +en finira bientôt avec tout cela. C'est ce que je rêvais l'autre jour, +comme je m'étais mis à dormir après midi, et je disais déjà: _In pace +in id ipsum requiescam seu dormiam_. Il faut bien que le Jugement +arrive; car, que l'église papale se réforme, c'est chose impossible; +le Turc et les juifs ne se corrigeront pas non plus. Il n'y a aucune +amélioration dans l'Empire; voilà maintenant trente ans qu'on assemble +toujours les diètes sans décider rien... Je pense souvent, quand je +réfléchis en me promenant, à ce que je dois demander dans mes prières +pour la diète. L'évêque de Mayence ne vaut rien, le pape est perdu. Je +ne vois d'autre remède que de dire: Notre Père, que votre règne arrive! + + [r177] _Ibid._ 304. verso. + +»Pauvres gens que nous sommes! nous ne gagnons notre pain que par nos +péchés[r178]. Jusqu'à sept ans, nous ne faisons rien que manger, +boire, jouer et dormir. De là jusqu'à vingt et un ans, nous allons +aux écoles trois ou quatre heures par jour; nous suivons nos caprices, +nous courons, nous allons boire. C'est alors seulement que nous +commençons à travailler. Vers la cinquantaine, nous avons fini, nous +redevenons enfans. Ajoutez que nous dormons la moitié de notre vie. Fi +de nous! sur notre vie, nous ne donnons pas même la dîme à Dieu; et +nous croirions avec nos bonnes œuvres mériter le ciel! Qu'ai-je fait, +moi? J'ai babillé deux heures, mangé pendant trois, resté oisif pendant +quatre. _Ah! Domine, ne intres in judicium cum servo tuo._» + + [r178] _Ibid._ 46. + +Après avoir détaillé toutes ses souffrances à Mélanchton: «Plaise à +Christ d'enlever mon âme dans la paix du Seigneur. Par la grâce de +Dieu, je suis prêt et désireux de partir. J'ai vécu et achevé la course +que Dieu m'avait marquée... Que mon âme fatiguée de si longue route, +monte maintenant au ciel.» (18 avril 1541.) + +«Je n'ai pas le temps de beaucoup écrire, mon cher Probst, car je suis +accablé par l'âge et les fatigues, _alt, kalt, ungestalt_, comme on +dit; cependant le repos ne m'est pas encore permis, obsédé comme je +le suis par tant de raisons, tant de nécessités d'écrire. J'en sais +plus que toi sur les fatalités de ce siècle. Le monde menace ruine: +cela est certain, tant le diable se déchaîne, tant le monde s'abrutit. +Il ne reste qu'une seule consolation, c'est que ce jour est proche. +On est rassasié de la parole de Dieu, le monde en prend un singulier +dégoût. Il s'élève moins de faux prophètes. Pourquoi susciterait-on +de nouvelles hérésies, quand on a pour la parole un mépris épicurien? +L'Allemagne a été, et elle ne sera jamais ce qu'elle a été. La noblesse +ne pense qu'à demander, les villes ne songent qu'à elles-mêmes (et avec +raison); voilà le royaume divisé avec soi-même, qui a dû tenir tête +à cette armée de démons déchaînée dans l'armée turque. Nous ne nous +soucions guère de savoir si Dieu est pour nous ou contre nous; nous +devons triompher par notre propre force des Turcs et des démons, et de +Dieu et de toutes choses. Tant est grande la confiance et la sécurité +insensées de l'Allemagne expirante! Et cependant nous autres que +ferons-nous ici? Les plaintes sont vaines, les pleurs sont vains. Il ne +vous reste qu'à dire cette prière: Que ta volonté soit faite.» (26 mars +1542.[6]) + + [6] Il semble qu'on retrouve ces tristes pensées dans le beau + portrait de Luther mort, qui se trouve dans la collection du + libraire Zimmer à Heidelberg; ce portrait exprime aussi la + continuation d'un long effort. + +«Je vois chez tout le monde une cupidité indomptable, et c'est un des +signes qui me persuade que le dernier jour est proche; il semble que +le monde dans sa vieillesse et son dernier paroxisme, tombe en délire, +comme il arrive quelquefois aux mourans.» (8 mars 1544.) + +«Je crois que nous sommes cette trompette suprême qui prépare et +devance la venue du Christ. Ainsi, quelque faibles que nous soyons, +quelque petit son que nous fassions entendre devant le monde, nous +sonnons fort dans l'assemblée des anges du ciel, qui reprendront après +nous et se chargeront d'achever. Amen.» (6 août 1545.) + +Dans les dernières années de sa vie, ses ennemis répandirent plusieurs +fois le bruit de sa mort. Ils y ajoutèrent les circonstances les +plus extraordinaires et les plus tragiques. Pour les réfuter, Luther +fit imprimer en 1545, en allemand et en italien, un écrit intitulé: +_Mensonges des Welches sur la mort du docteur Martin Luther_. + +«Je l'ai dit d'avance au docteur Pomer[r179]: celui qui après ma mort +méprisera l'autorité de cette école et de cette église, celui-là sera +un hérétique et un pervers. Car c'est d'abord ici que Dieu a purifié sa +parole et l'a de nouveau révélée... Qui pouvait quelque chose, il y a +vingt-cinq ans? Qui était de mon côté, il y a vingt et un ans? + + [r179] _Ibid._ 416. + +»Je compte souvent et j'approche de plus en plus des quarante années au +bout desquelles, je pense, tout ceci doit prendre fin. Saint Paul n'a +prêché que quarante ans. De même le prophète Jérémie et saint Augustin. +Et lorsque furent écoulées les quarante années pendant lesquelles on +avait prêché la parole de Dieu, elle a cessé de se faire entendre, et +une grande calamité est venue ensuite.» + +La vieille Électrice, à la table de laquelle il se trouvait, lui +souhaitait quarante ans de vie[r180]. «Je ne voudrais point du +paradis, dit-il, à condition de vivre quarante ans.... Je ne consulte +pas les médecins. Ils ont arrangé que je devais vivre encore un an; je +ne veux point rendre ma vie triste, mais, au nom de Dieu, manger et +boire ce qu'il me plaît. + + [r180] _Ibid._ 361-2. + +»Je voudrais que nos adversaires me tuassent, car ma mort serait plus +utile à l'église que ma vie[r181].» + + [r181] _Ibid._ 147. + +16 février 1546[r182]: Comme on parlait beaucoup de mort et de +maladie à la table de Luther, pendant son dernier voyage à Eisleben, il +dit: «Si je retourne à Wittemberg, je me mettrai dans la bière et je +donnerai à manger aux vers un docteur bien gras.» Deux jours après il +mourut à Eisleben. + + [r182] _Ibid._ 362. + +Impromptu de Luther sur la fragilité de la vie[r183]. + + Dat vitrum vitro Jonæ (vitrum ipse) Lutherus, + Se similem ut fragili noscat uterque vitro. + + [r183] _Ibid._ 358. + +Nous laissons ces vers en latin, ils auraient perdu leur mérite dans +une traduction. + +Billet écrit par Luther à Eisleben, deux jours avant sa mort: «Personne +ne comprendra Virgile dans les _Bucoliques_, s'il n'a été cinq ans +pasteur. + +»Personne ne comprendra Virgile dans les _Géorgiques_, s'il n'a été +cinq ans laboureur. + +»Personne ne peut comprendre Cicéron dans ses _Lettres_, s'il n'a été +durant vingt ans mêlé aux affaires d'un grand état. + +»Que personne ne croie avoir assez goûté des saintes Écritures, s'il +n'a pendant cent années gouverné les églises, avec les prophètes Élie +et Élisée, avec Jean-Baptiste, Christ et les apôtres. + + »Hanc tu ne divinam Æneida tenta, + »Sed vestigia pronus adora. + +»Nous sommes de pauvres mendians. Hoc est verum, 16 februarii, anno +1546.» + +«Prédiction du révérend père le docteur Martin Luther, écrite de sa +propre main, et trouvée après sa mort dans sa bibliothèque, par ceux +que le très illustre électeur de Saxe, Jean Frédéric Ier, avait chargé +de la fouiller[r184]. + + [r184] Opera latina, Iena, 1612, Ier vol. après la table des matières. + +«Le temps est arrivé auquel, selon l'ancienne prédiction, doivent +venir après la révélation de l'Antichrist, des hommes qui vivraient +sans Dieu, chacun selon ses désirs et ses illusions. Le pape était +un dieu au-dessus de Dieu, et maintenant tous veulent se passer de +Dieu, surtout les papistes. Les nôtres, maintenant qu'ils sont libres +des lois du pape, veulent encore l'être de la loi de Dieu, ne suivre +que des mobiles politiques, et ne les suivre encore que selon leurs +caprices.—Nous nous figurons qu'ils sont bien loin ceux dont on a +prédit de telles choses; ils ne sont autres que nous-mêmes.—Il y en a +parmi ceux-ci, qui désirant le jour de l'homme, ont commencé à chasser +de l'Église le décalogue et la Loi. Parmi eux se trouvent maître +Eisleben (Agricola), contre lequel, etc.—Je ne suis pas inquiet des +papistes; ils flattent le pape par haine pour nous, et pour devenir +puissans, jusqu'à ce qu'ils soient formidables au pauvre pape.... Je +sens une grande consolation, quand je vois les adulateurs du pape lui +tendre des embûches plus terribles que moi-même, qui suis son ennemi +déclaré. Il en est de même chez nous: les nôtres me donnent plus +d'affaires et de périls que toute la papauté, qui désormais ne pourra +rien contre nous. Tant il est vrai que si un empire doit se détruire, +c'est plutôt par ses propres forces. Celui de Rome + + Mole ruit suâ.... + ... Corpus magnum populumque potentem + In sua victrici conversum viscera dextrâ.» + +Vers la fin de sa vie, Luther prit en dégoût le séjour de Wittemberg. +Il écrivit à sa femme, en juillet 1545, de Leipzig où il se trouvait: +«Grâce et paix, chère Catherine! Notre Jean te racontera comment nous +sommes arrivés. Ernst de Schonfeld nous a très bien reçus à Lobnitz, +et notre ami Scherle encore mieux ici. Je voudrais bien m'arranger de +manière à ne plus avoir besoin de retourner à Wittemberg. Mon cœur +s'est refroidi pour cette ville, et je n'aime plus à y rester. Je +voudrais que tu vendisses la petite maison, avec la cour et le jardin; +je rendrais à mon gracieux seigneur la grande maison dont il m'a fait +présent, et nous nous établirions à Zeilsdorf. Avec ce que je reçois +pour salaire, nous pourrions mettre notre terre en bon état, car je +pense bien que mon seigneur ne refusera pas de me le continuer, du +moins pour cette année, que je crois fermement devoir être la dernière +de ma vie. Wittemberg est devenu une véritable Sodome, et je ne veux +pas y retourner. Après-demain je me rendrai à Mersebourg, où le comte +George m'a vivement prié de venir. J'aimerais mieux passer ainsi ma +vie sur les grandes routes, ou à mendier mon pain, que de tourmenter +mes pauvres derniers jours par la vue des scandales de Wittemberg, où +toutes mes peines et toutes mes sueurs sont perdues. Tu peux faire +savoir ceci à Philippe et à Pomer, que je prie de bénir la ville en mon +nom. Pour moi, je ne peux plus y vivre.» + +Il ne fallut rien moins que les instantes prières de ses amis, de toute +l'académie et de l'Électeur, pour le faire renoncer à cette résolution. +Il revint à Wittemberg le 18 août. + +Luther ne put mourir tranquille; ses derniers jours furent employés à +la tâche pénible de réconcilier les comtes de Mansfeld, dont il était +né le sujet[a78]. «Huit jours de plus ou de moins, écrit-il au comte +Albrecht, en lui promettant de se rendre à Eisleben, huit jours de +plus ou de moins, ne m'arrêteront pas, quoique je sois bien occupé +d'ailleurs. Je pourrai me coucher dans le cercueil avec joie, quand +j'aurai vu auparavant mes chers seigneurs se réconcilier et redevenir +amis.» (6 décembre 1545.) + +(De Eisleben.) «_A la très savante et très profonde dame Catherine +Luther, ma gracieuse épouse._ Chère Catherine! nous sommes bien +tourmentés ici, et nous ne serions pas fâchés de pouvoir retourner chez +nous. Cependant il nous faudra, je pense, rester encore une huitaine +de jours. Tu peux dire à maître Philippe qu'il ne fera pas mal de +corriger sa _postille_ sur l'Évangile, car, en l'écrivant, il ne savait +guère pourquoi le Seigneur, dans l'Évangile, appelle les richesses +des épines. C'est ici l'école où l'on apprend ces choses. La sainte +Écriture menace partout les épines du feu éternel, cela m'effraie et me +rend de la patience, car je dois faire tous mes efforts, Dieu aidant, +pour mener la chose à bonne fin...» (6 février 1546.) + +«_A la gracieuse dame Catherine Luther, ma chère épouse, qui se +tourmente beaucoup trop._ Grâce et paix dans le Seigneur. Chère +Catherine! tu devrais lire saint Jean et ce que le Catéchisme dit de +la confiance que nous devons avoir en Dieu. Tu te tourmentes vraiment +comme si Dieu n'était pas tout-puissant, et qu'il ne pût produire de +nouveaux docteurs Martin par dixaines, si l'ancien se noyait dans la +Saale ou périssait d'une autre manière. J'ai Quelqu'un qui a soin de +moi, mieux que toi et les anges vous ne pourriez jamais faire. Il +est assis à la droite du Père tout-puissant. Tranquillise-toi donc. +Amen... J'avais aujourd'hui l'intention de partir _in irâ meâ_; mais le +malheur où je vois mon pays natal, m'a encore retenu. Le croirais-tu? +je suis devenu légiste? Cependant cela ne servira pas à grand'chose. +Il vaudrait mieux qu'ils me laissassent théologien. Il serait grand +besoin pour eux d'humilier leur superbe. Ils parlent et agissent comme +s'ils étaient des dieux, mais je crains bien qu'ils ne deviennent des +diables, s'ils continuent ainsi. Lucifer aussi a été précipité par son +orgueil, etc... Fais voir cette lettre à Philippe, je n'ai pas eu le +temps de lui écrire séparément.» (7 février 1546.) + +«_A ma douce et chère épouse, Catherine Luther de Bora._ Grâce et paix +dans le Seigneur. Chère Catherine! Nous espérons retourner chez vous +cette semaine, si Dieu le veut. Il a montré la puissance de sa grâce +dans cette affaire. Les seigneurs se sont accordés sur tous les points, +à l'exception de deux ou trois, entre autres sur la réconciliation des +deux frères, les comtes Gebhard et Albrecht. Je dînerai aujourd'hui +avec eux, et je tâcherai de les faire redevenir frères. Ils ont écrit +l'un contre l'autre avec beaucoup d'amertume, et ne se sont encore +rien dit pendant les conférences.—Du reste, nos jeunes seigneurs sont +pleins de gaîté; ils vont en traîneaux avec les dames, et font sonner +les clochettes de leurs chevaux. Dieu a exaucé nos prières. + +»Je t'envoie des truites, dont la comtesse Albrecht m'a fait +présent. Cette dame est bien heureuse de voir renaître la paix dans +sa famille... Le bruit court ici que l'Empereur s'avance vers la +Westphalie, et que le Français enrôle des landsknechts, de même +que le Landgrave, etc. Laissons-les dire et forger des nouvelles: +nous attendrons ce que Dieu voudra faire. Je te recommande à sa +protection.—Martin LUTHER.» (14 février 1546.) + +Luther était arrivé le 28 janvier à Eisleben, et quoique déjà malade, +il assista aux conférences jusqu'au 17 février. Il prêcha aussi quatre +fois, et révisa le réglement ecclésiastique du comté de Mansfeld. Le +17, il fut si malade que les comtes le prièrent de ne pas sortir. Au +souper, il parla beaucoup de sa mort prochaine, et quelqu'un lui ayant +demandé si nous nous reconnaîtrions les uns les autres dans l'autre +monde, il répondit qu'il le pensait. En rentrant dans sa chambre avec +maître Cœlius et ses deux fils, il s'approcha de la croisée et y resta +long-temps en prières. Ensuite il dit à Aurifaber qui venait d'arriver: +«Je me sens bien faible, et mes douleurs augmentent.» On lui donna un +médicament, et on tâcha de le réchauffer par des frictions. Il adressa +quelques mots au comte Albrecht, qui était venu aussi, et se mit sur +un lit de repos en disant: «Si je pouvais seulement sommeiller une +petite demi-heure, je crois que cela me soulagerait.» Il s'endormit +en effet, et ne se réveilla qu'une heure et demie après, vers onze +heures. En se réveillant, il dit aux assistans: «Vous voilà encore +assis à côté de moi, ne voulez-vous pas aller reposer vous-mêmes?» Il +se remit alors à prier, et dit avec ferveur: _In manus tuas commendo +spiritum meum; redemisti me, Domine, Deus veritatis_. Il dit aussi aux +assistans: «Priez tous, mes amis, pour l'Évangile de notre Seigneur, +pour que son règne s'étende, car le concile de Trente et le pape le +menacent grandement.» Il dormit ensuite jusque vers une heure, et quand +il se réveilla, le docteur Jonas lui demanda comment il se trouvait. «O +mon Dieu! répondit-il, je me sens bien mal. Mon cher Jonas, je pense +que je resterai ici, à Eisleben, où je suis né.» Il marcha pourtant +un peu dans la chambre et se remit sur son lit de repos, où on le +couvrit de coussins. Deux médecins et le comte avec sa femme arrivèrent +ensuite. Luther leur dit: «Je meurs, je resterai ici, à Eisleben;» et +le docteur Jonas lui ayant exprimé l'espoir que la transpiration le +soulagerait peut-être, il répondit: «Non, cher Jonas, c'est une sueur +froide et sèche, le mal augmente.» Il se remit alors à prier, et dit: +«O mon père! Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, toi le père de toute +consolation, je te remercie de m'avoir révélé ton fils bien-aimé, en +qui je crois, que j'ai prêché et reconnu, que j'ai aimé et célébré, +et que le pape et les impies persécutent. Je te recommande mon âme, ô +mon Seigneur Jésus-Christ! Je quitterai ce corps terrestre, je vais +être enlevé de cette vie, mais je sais que je resterai éternellement +auprès de toi.» Il répéta encore trois fois: _In manus tuas commendo +spiritum meum; redemisti me, Domine veritatis_. Soudain il ferma les +yeux, et tomba évanoui. Le comte Albrecht et sa femme, ainsi que les +médecins, lui prodiguèrent leurs secours pour le rendre à la vie. Ils +n'y parvinrent qu'avec peine. Le docteur Jonas lui dit alors: «Révérend +père, mourez-vous avec constance dans la foi que vous avez enseignée?» +Il répondit par un oui distinct, et se rendormit. Bientôt il pâlit, +devint froid, respira encore une fois profondément, et mourut. + +Son corps fut transféré dans un cercueil d'étain, à Wittemberg, où +il fut inhumé le 22 février avec les plus grands honneurs. Il repose +dans l'église du château, au pied de la chaire. (Ukert I, p. 327, sqq. +_Extrait de la relation de Jonas et de Cœlius._) + +_Testament de Luther, daté du 6 janvier 1542._—Je soussigné, Martin +Luther, docteur, reconnais avoir, par les présentes, donné comme +douaire à ma chère et fidèle épouse Catherine, pour qu'elle en jouisse +toute sa vie, comme bon lui semblera: la terre de Zeilsdorf, telle que +je l'ai achetée et fait disposer depuis; la maison _Brun_ que j'ai +achetée sous le nom de Wolf; les gobelets et autres choses précieuses, +telles que bagues, chaînes, médailles en or et en argent, de la valeur +de mille florins environ. + +»J'ai fait ceci, premièrement parce qu'elle a toujours été ma pieuse +et fidèle épouse, qui m'a aimé tendrement, et qui, par la bénédiction +du ciel, m'a donné et élevé cinq enfans heureusement encore en vie. +Secondement, pour qu'elle se charge de mes dettes, montant à quatre +cent cinquante florins environ, au cas où je ne pourrais les acquitter +avant ma mort. Troisièmement, et surtout, parce que je ne veux pas +qu'elle soit dans la dépendance de ses enfans, mais plutôt que les +enfans dépendent d'elle, l'honorent et lui soient soumis, comme Dieu +l'a commandé; car j'ai vu bien souvent comme le Diable excite les +enfans, même les enfans pieux, à désobéir à ce commandement, surtout +quand les mères sont veuves, que les fils ont des épouses, et les +filles des maris. Je pense, au reste, que la mère sera la meilleure +tutrice de ses enfans, et qu'elle ne fera pas usage de ce douaire au +détriment de ceux qui sont sa chair et son sang, de ceux qu'elle a +portés sous son cœur. + +»Quoi qu'il puisse advenir d'elle après ma mort (car je ne puis limiter +les desseins de Dieu), j'ai cette confiance qu'elle se conduira +toujours comme une bonne mère envers ses enfans, et qu'elle partagera +consciencieusement avec eux ce qu'elle possèdera. + +»En même temps, je prie tous mes amis d'être témoins de la vérité et +de défendre ma chère Catherine, s'il allait arriver, comme il serait +possible, que de mauvaises langues l'accusassent de garder pour elle +quelque somme d'argent cachée, et de ne pas en faire part aux enfans. +Je certifie que nous n'avons ni argent comptant, ni trésor d'aucune +espèce. En cela rien d'étonnant, si l'on veut considérer que nous +n'avons eu d'autre revenu que mon salaire et quelques présens, et que +cependant nous avons bâti, et porté les charges d'un grand ménage. Je +regarde même comme une grâce particulière de Dieu, et je l'en remercie +sans cesse, que nous ayons pu y suffire, et que nos dettes ne soient +pas plus considérables........ + +»Je prie aussi mon gracieux seigneur, le duc Jean-Frédéric, électeur, +de vouloir bien confirmer et maintenir le présent acte, quoiqu'il +ne soit pas fait dans la forme demandée par les gens de loi. Martin +LUTHER. _Signé_ MÉLANCHTON, CRUCIGER et BUGENHAGEN, comme témoins.»[a79] + + + + +ADDITIONS + +ET + +ÉCLAIRCISSEMENS. + + + [a1] Page 1, ligne 7.—_Les Turcs..._ + +Luther crut voir d'abord dans les Turcs un secours que Dieu lui +envoyait. «Ce sont, dit-il, les ministres de la colère divine, 1526. +(_Prœliari adversus Turcas, est repugnare Deo, visitanti iniquitates +nostras per illos._)»—Il ne voulait point que les protestans +s'armassent contre eux pour défendre les papistes, «car ceux-ci ne +valent pas mieux que les Turcs.» + +Il dit dans la préface qu'il mit à un livre du docteur Jonas, que +les Turcs égalent les papistes, ou les surpassent plutôt, dans les +choses que ceux-ci regardent comme essentielles au salut, tels que +les aumônes, les jeûnes, les macérations, les pélerinages, la vie +monastique, les cérémonies et les autres œuvres extérieures, et que +c'est pour cette raison que les papistes ne parlent pas du culte des +mahométans. Il prend occasion de ceci pour élever au-dessus de ces +pratiques mahométanes ou «romanistes, la religion pure du cœur et de +l'esprit, enseignée par l'Évangile.» + + +Ailleurs, il fait un parallèle entre le pape et le Turc, et conclut +ainsi: «S'il faut combattre le Turc, il faut aussi combattre le +pape.»—Cependant quand il vit les Turcs menacer sérieusement +l'indépendance de l'Allemagne, il exprima plusieurs fois le désir +qu'on entretînt une armée permanente sur les frontières de la Turquie, +et répéta souvent que tout ce qui portait le nom de chrétien devait +implorer Dieu pour le succès des armes de l'Empereur contre les +infidèles. + +Luther exhorta l'Électeur, dans une lettre du 29 mai 1538, à prendre +part à la guerre qui se préparait contre les Turcs. Il l'engagea à +oublier les querelles intestines de l'Allemagne, pour tourner ses +armes contre l'ennemi commun. + +Un homme digne de foi, qui avait été en ambassade chez les Turcs, +dit un jour à Luther que le sultan lui avait demandé quel homme +était Luther, et de quel âge, et qu'ayant appris qu'il avait environ +quarante-huit ans, il disait: Je voudrais qu'il ne fût pas si âgé; il a +en moi un gracieux seigneur, dites-le-lui bien. «Que Dieu me préserve +de ce gracieux seigneur, s'écria Luther, en faisant le signe de la +croix.» (Tischreden, p. 432, verso.) + + + [a2] Page 3, ligne 25.—_Le Landgrave... se croyant menacé, + leva une armée..._ + +Luther, dans une lettre au chancelier Brück, dit, en parlant des +préparatifs de guerre du Landgrave: «Une pareille agression de la +part des nôtres, serait la plus grande honte pour l'Évangile. Ce ne +serait point une révolte de paysans, mais une révolte de princes, +qui préparerait à l'Allemagne les maux les plus terribles. Satan ne +désire rien autant.» (mai 1528.) Il écrivit plusieurs lettres dans le +même sens à l'Électeur.—Cependant il est quelquefois tenté de lâcher +lui-même la bride au Landgrave. Ayant lu une lettre de Mélanchton, +qui était au _Colloque_, il dit: «Ce que Philippe écrit, cela a des +pieds et des mains, de l'autorité et de la gravité. Il dit des choses +importantes en peu de mots; je conclus de sa lettre que nous avons +la guerre....... Le lâche de Mayence fait tout le mal. Ils devraient +nous donner une prompte réponse. Si j'étais le Landgrave, je tomberais +dessus, je périrais ou je les exterminerais, puisque dans une affaire +si juste, ils ne veulent pas nous donner la paix.» (Tischreden, p. 151.) + + + [a3] Page 26, ligne 3.—_Le duc George..._ + +Ce prince se montra de bonne heure opposé à la Réforme. Dès l'année +1525 (22 décembre), Luther avait écrit au duc pour le prier instamment +de renoncer à ses persécutions contre la nouvelle doctrine. «... Je me +jette à vos pieds pour vous supplier de cesser enfin vos entreprises +impies. Non que je craigne le préjudice qui en pourrait résulter pour +moi, car je n'ai plus qu'à perdre ce misérable corps de chair que +dans tous les cas la terre va bientôt recevoir. Si je recherchais +mon avantage, je ne devrais rien tant désirer que la persécution. On +a vu comme elle m'a servi jusqu'ici au-delà de toute attente. Si je +prenais plaisir à rendre votre Grâce malheureuse, je l'exciterais de +toutes mes forces à continuer ses violences; mais c'est mon devoir de +songer au salut de votre Grâce et de la supplier à genoux de cesser ses +criminelles offenses envers Dieu et sa parole...» + + + [a4] Page 4, ligne 3.—_Le docteur Pack..._ + +«Mon cher Amsdorf, voici Otton Pack, pauvre exilé que j'offre à ta +miséricorde; il sera plus en sûreté à Magdebourg que chez moi; je +craindrais que le duc George ne me forçât de le remettre entre ses +mains.» (29 juillet 1529.) + + + [a5] Page 5, ligne 1.—_Le grand-maître de l'ordre Teutonique + avait sécularisé la Prusse..._ + +«Lorsque je parlai la première fois au prince Albert, comme il me +consultait sur la règle de son ordre, je lui conseillai de mépriser +cette règle stupide et confuse, de prendre femme et de réduire la +Prusse à une forme politique, en principauté ou en duché. Philippe, +partageait cette opinion, et donnait le même conseil... Cela pourrait +s'exécuter aisément, si le peuple de Prusse et les grands unissaient +leurs prières pour qu'il osât l'entreprendre; il aurait ainsi un motif +nécessaire et puissant de faire ce qu'il désire.... C'est à toi avec +Speratus, Amandus et les autres ministres, d'y amener le peuple, de +l'enflammer, de l'animer pour qu'il invoque la main de Dieu, afin qu'au +lieu de cette abominable principauté hermaphrodite, qui n'est ni laïque +ni ecclésiastique, il désire et réclame une principauté véritable.—Je +voudrais persuader la même chose à l'évêque ***; lui aussi, il cèderait +à nos raisons, si le peuple le pressait de ses prières.» (4 juillet +1524.) + +Il y avait six mois alors que cet évêque prêchait ouvertement la +réforme. «Ainsi, écrivait Luther en avril 1525, pendant le fort de +la guerre des paysans, l'Évangile court à pleine course et à pleines +voiles en Prusse, où il n'était pas appelé, tandis que dans la haute et +basse Allemagne, où il est venu et entré de lui-même, on le blasphème +avec fureur.» (T. II, p. 649.) + + + [a6] Page 6, ligne 25.—_Le duc George..._ + +«Prie avec moi le Dieu de miséricorde, pour qu'il convertisse le duc +George à son Évangile, ou que, s'il n'en est pas digne, il soit tiré de +ce monde.» (27 mars 1526.) + +Luther écrivit à l'Électeur, au sujet de ses querelles avec le duc +George (31 décembre 1528): «... Je prie votre Grâce électorale de +m'abandonner entièrement à la décision des juges, au cas où le duc +George le demanderait, car il est de mon devoir d'exposer ma tête +plutôt que de faire éprouver le moindre préjudice à votre Grâce. +Jésus-Christ, je l'espère, me donnera les forces nécessaires pour +résister tout seul à Satan.» + + + [a7] Page 7, ligne 14.—_Où s'arrêtera la superbe de ce Moab..._ + +Le duc George était, après tout, un persécuteur assez débonnaire. +Ayant chassé de Leipzig quatre-vingts luthériens, il leur accorda la +permission de garder leurs maisons, d'y laisser leurs femmes et leurs +enfans, et même d'y venir trois fois par an au temps des foires.—Dans +une autre circonstance, Luther ayant conseillé aux protestans de +Leipzig de résister aux ordres de leur duc, celui-ci se contenta de +prier l'électeur de Saxe d'interdire à Luther toute communication avec +ses sujets. (Cochlæus, p. 230.) + + + [a8] Page 7, ligne 23.—_Diète à Spire..._ + +Quelque temps après cette diète, Luther écrivit la consultation +suivante: «D'abord il serait bon que notre parti, à l'exclusion des +zwingliens, parlât pour lui seul. + +»En second lieu, qu'on écrivît à l'Empereur, et que les bienfaits +du prince (l'électeur de Saxe), envers l'Église et l'État, fussent +amplifiés, célébrés, etc. Il faudrait rappeler: 1º Qu'il a fait +enseigner, de la manière la plus pure, le Christ et sa foi, comme on ne +l'a jamais enseigné depuis mille ans; qu'il a aboli une foule d'abus et +de monstruosités nuisibles à l'Église et à l'État, comme les marchés de +messes, les abus des indulgences, les violences de l'excommunication, +et tant d'autres choses qui leur ont paru à eux-mêmes intolérables, et +dont la noblesse a exigé l'abolition à Worms. + +»2º Qu'il a résisté aux séditieux, à ceux qui violaient les images et +les églises. + +»3º Que la dignité impériale a été par lui honorée, glorifiée, +réformée, plus qu'on ne l'avait fait en plusieurs siècles. + +»4º Que nous avons fait et supporté les plus grandes choses contre les +partisans de Münzer, pour sauver la majesté et la paix publique. + +»5º Que c'est nous, et non d'autres, qui avons réprimé les +sacramentaires; que sans nous les papistes eussent été écrasés. + +»6º Que nous avons de même réprimé les anabaptistes. + +»7º Qu'en outre, nous avons étouffé les mauvais germes que de méchantes +gens avaient répandus en divers endroits sur la sainte Trinité, sur la +foi du Christ, etc. Je parle d'Érasme, d'Egranus et de leurs pareils.» +(mai 1529.) + + + [a9] Page 7, ligne 28.—_Le parti de la Réforme éclata..._ + +Luther essaya encore de retenir les siens; le 22 mai 1529, il écrivit +à l'Électeur pour le dissuader d'entrer dans aucune ligue contre +l'Empereur, et l'exhorter à s'en remettre à la protection divine. Dans +une lettre à Agricola, il approuva la conduite prudente de l'Électeur +à l'égard de l'Empereur: «Notre prince a bien fait de reconnaître un +seigneur dans une ville étrangère, et de n'avoir point cherché à être +le maître, comme il aurait pu le faire. Christ a dit: _Si vous êtes +persécuté dans une ville, fuyez dans une autre_; et encore: _Sortez de +cette maison_. Ainsi je pense que notre prince, comme un membre qui ne +peut se séparer du corps, ne devait point rompre avec César. Mais par +son silence il a comme fui dans une autre ville, il est sorti de cette +maison.» (30 juin 1530.) + + + [a10] Page 8, ligne 11.—_Le Landgrave essaya de réconcilier + Luther et les sacramentaires..._ + +Au landgrave de Hesse. «Grâce et paix en Jésus-Christ. Sérénissime +seigneur! j'ai reçu la lettre par laquelle votre Altesse veut bien +m'engager à me rendre à Marbourg, pour conférer avec Œcolampade et les +siens, au sujet de nos opinions sur le saint Sacrement. Je ne saurais +cacher à votre Altesse que je mets peu d'espoir dans une pareille +conférence, et que je doute qu'on en voie sortir la paix et l'union. +Néanmoins il faut rendre grâce à votre Altesse, de la sollicitude +qu'elle montre en cette affaire, et je suis disposé, pour ma part, à +me rendre au lieu désigné, bien que je regarde cette démarche comme +inutile. Je ne veux pas laisser non plus à nos adversaires la gloire de +pouvoir dire qu'ils aiment plus que nous la paix et la concorde. Mais +je vous prie humblement, gracieux prince et seigneur, de vouloir bien, +avant que nous nous réunissions, vous informer s'ils sont disposés à +céder quelque point de leurs doctrines, autrement je craindrais fort +que le mal ne fît qu'empirer par cette conférence, et que le résultat +ne fût précisément le contraire de ce que votre Altesse recherche si +loyalement et si sérieusement. A quoi servirait-il de se réunir et de +discuter, si les deux parties arrivaient avec la résolution de ne céder +en quoi que ce fût?...» (23 juin 1529.) + +Dans une consultation qui nous reste sur le même sujet, et que l'on +attribue généralement à Luther, il exprime le désir que quelques +papistes, «hommes graves et instruits,» assistent à la conférence comme +témoins. + +A sa femme. «Grâce et paix en Jésus-Christ. Cher seigneur Catherine! +Apprenez que notre conférence amicale de Marbourg est finie, et que +nous sommes d'accord en tout point, si ce n'est que nos adversaires +persistent à ne voir que du pain dans l'Eucharistie, et à n'admettre +qu'une présence spirituelle de Jésus-Christ. Aujourd'hui le Landgrave +nous parlera encore une fois, pour tâcher de nous unir ou de nous +porter du moins à nous reconnaître pour frères et membres du même +corps. Il y travaille avec ardeur. Nous leur accordons la paix et +la charité, mais nous ne voulons pas de ce nom de frères. Demain ou +après-demain, je pense, nous partirons pour nous rendre au Voigtland, +où l'Électeur nous a appelés. + +»Dis à Pommer que les meilleurs argumens de Zwingli ont été: _Que le +corps ne peut exister sans espace, et que, par conséquent, le corps +du Christ n'est pas dans le pain_, et le meilleur d'Œcolampade: +_Que le saint Sacrement est un signe du corps du Christ_. Dieu les a +vraiment aveuglés; ils n'ont su que nous répondre.—Adieu. Le messager +me presse. Priez pour nous. Nous sommes bien portans et vivons comme +les princes. Embrasse pour moi Leinette (Madeleine) et le petit Jean. +Le jour de saint François. Votre dévoué serviteur, Martin LUTHER.» (4 +octobre 1529.) + +Luther écrivit au landgrave de Hesse dans une autre lettre (20 mai +1530), au sujet de ses tentatives de conciliation: «... J'ai supporté +de si grands dangers et de si longs tourmens pour ma doctrine, que +certes j'ai lieu de désirer de n'avoir pas travaillé en vain. Ce n'est +donc point par haine ou par orgueil que je leur résiste; il y a bien +long-temps que j'aurais adopté leur doctrine, Dieu, mon Seigneur, le +sait, s'ils avaient pu m'en montrer la vérité; mais les raisons qu'ils +donnent sont trop faibles pour que j'y puisse engager ma conscience...» + + + [a11] Page 11, ligne 18.—_L'Électeur amena..._ + +Il partit de Torgaw le 3 avril, et arriva à Augsbourg le 2 mai. Sa +suite se composait de cent soixante chevaux. Les théologiens qu'il +avait avec lui furent Luther, Mélanchton, Jonas, Agricola, Spalatin +et Osiander. Luther, excommunié et mis au ban de l'Empire, resta à +Cobourg. (Ukert, t. I, p. 232.) + + + [a12] Page 11, ligne 19.—_L'Électeur amena Luther le plus près + possible d'Augsbourg._ + +«Je suis sur les confins de la Saxe, à moitié chemin entre Wittemberg +et Augsbourg. Il y aurait eu trop de danger pour moi dans cette +dernière ville.» (juin 1530.) + + + [a13] Page 13, ligne 22.—_Les nobles seigneurs qui forment nos + comices..._ + +«Ma résidence est maintenant au milieu des nuages, dans l'empire des +oiseaux. Sans parler de la foule des autres oiseaux, dont les chants +confus feraient taire une tempête, il y a près d'ici un certain bois +tout peuplé, de la première à la dernière branche, de corbeaux et de +corneilles. Du matin au soir, et quelquefois pendant toute la nuit, +il y a là une crierie si infatigable, si incessante, que je doute +qu'en aucun lieu du monde tant d'oiseaux se soient jamais réunis. Pas +un qui se repose un instant; bon gré mal gré, il faut les entendre, +vieux et jeunes, mères et filles, glorifier à qui mieux mieux, par +leurs croassemens, le nom de corbeaux. Peut-être, par ces chants si +harmonieux, veulent-ils faire descendre doucement le sommeil sur mes +paupières; avec la grâce de Dieu, j'en ferai cette nuit l'expérience. +C'est une noble race d'oiseaux, et, comme tu le sais, fort utiles +au monde. Il me semble, en les voyant, que j'ai sous les yeux toute +l'armée des sophistes et des Cochleistes, réunis de toutes les parties +du monde, afin que j'apprécie mieux leur sagesse et leur doux langage, +et que je voie à mon aise ce qu'ils sont et ce qu'ils peuvent pour +le monde de l'esprit et pour le monde de la chair. Jusqu'à ce jour, +personne n'a entendu philomèle, et cependant le coucou, qui annonce et +accompagne son chant, s'enorgueillit magnifiquement dans la gloire de +sa voix. De la résidence des corbeaux.» (22 avril 1530.) + + + [a14] Page 14, ligne 23.—_Luther le tançait rudement..._ + +Quelquefois cependant il compâtit à ses douleurs. «Vous avez confessé +Christ, offert la paix, obéi à César, souffert les injures, épuisé les +blasphèmes. Vous n'avez point rendu le mal pour le mal; enfin vous +avez dignement travaillé à la sainte œuvre de Dieu, comme il convient +à des saints; réjouissez-vous donc dans le Seigneur. Assez long-temps +vous avez été contristés par le monde. Regardez et levez la tête, votre +rédemption approche. Je vous canoniserai comme de fidèles membres de +Christ; que faut-il de plus à votre gloire?» (15 septembre 1530.) + + + [a15] Page 19, ligne 15.—_J'aurais voulu être la victime + sacrifiée par ce dernier concile, comme Jean Huss..._ + +«Plaise à Dieu que nous soyons dignes d'être brûlés ou égorgés par lui +(par le pape.) Cependant si nous ne méritons pas de rendre témoignage +par notre sang, implorons du moins Dieu pour qu'il nous accorde cette +grâce de témoigner par notre vie et nos paroles que Jésus-Christ est +seul notre Seigneur, et que nous l'adorerons dans tous les siècles des +siècles. Amen.» (T. II des œuvres latines, p. 270.) + + + [a16] Page 19, ligne 19.—_La profession de foi des + protestans..._ + +«A la diète d'Augsbourg, le duc Guillaume de Bavière, qui était fort +opposé à la doctrine évangélique, ayant dit au docteur Eck: «Peut-on +renverser cette opinion par l'Écriture sainte?» «Non, dit-il, mais par +les Pères.» L'évêque de Mayence se mit à dire: «Voyez! nos théologiens +nous défendent joliment! Les luthériens montrent leur opinion dans +l'Écriture, et nous la nôtre hors de l'Écriture.» Le même évêque disait +alors: «Les luthériens ont un article auquel on ne peut contredire, +quand même tous les autres ne vaudraient rien; c'est celui du mariage.» +(Tischreden, p. 99.) + + + [a17] Page 20, ligne 10.—_L'archevêque de Mayence est très + porté pour la paix..._ + +Luther, pour l'exhorter à montrer des sentimens pacifiques, lui avait +écrit une lettre qui se terminait ainsi: «Je ne puis cesser de penser à +la pauvre Allemagne, si malheureuse, si abandonnée, si méprisée, vendue +à tant de traîtres en même temps. C'est ma chère patrie; je désirerais +tant la voir heureuse!» (6 juillet 1530, de Cobourg.) + + + [a18] Page 21, ligne 7.—_Si l'Empereur veut faire un édit, + qu'il le fasse; après Worms aussi il en fit un..._ + +Luther a conscience de sa force. «Si j'étais tué par les papistes, +ma mort protégerait nos descendans, et ces bêtes féroces en seraient +peut-être plus cruellement punies que je ne voudrais moi-même. Car, il +y a quelqu'un qui dira un jour: _Où est ton frère Abel?_ Et celui-là +les marquera au front, et ils erreront fugitifs par toute la terre... +Notre race est maintenant sous la protection du Seigneur, puisqu'il est +écrit: Je ferai miséricorde jusqu'à la millième génération à ceux qui +m'ont aimé. Et moi je crois à ces paroles.» (30 juin 1530.) + +«Si j'étais tué dans une émeute papiste, j'emmènerais à ma suite +un grand nombre d'évêques, de prêtres, de moines, si bien que tous +diraient: «Le docteur Martin Luther est conduit au sépulcre avec une +grande procession; certes, c'est un grand docteur, au-dessus de tous +évêques, prêtres, moines; aussi faut-il qu'à son enterrement, ils +aillent avec lui, étendus sur le dos.» C'est ainsi que nous ferions +ensemble notre dernier voyage.» (1531. Cochlæus, p. 211. Extrait du +livre de Luther intitulé: _Avis aux Allemands_.) + +Les catholiques, lui disait-on, vous reprochent plusieurs fausses +interprétations dans votre traduction de l'Écriture. Il répondit: «Ils +ont encore de trop longues oreilles, et leur _hihan! hihan!_ est trop +faible pour juger une traduction du latin en allemand... Dis-leur que +le docteur Martin Luther veut qu'il en soit ainsi, et qu'un papiste et +un âne c'est la même chose. + + _Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas._ + +(Passage cité par Cochlæus, 201, verso.) + + + [a19] Page 21, ligne 15.—_Qu'ils nous rendent Léonard + Keiser..._ + +«Non-seulement le titre de roi, mais celui de César lui est bien +mérité, puisqu'il a vaincu celui dont le pouvoir ne trouve point +d'égal sur la terre. Ce n'est pas seulement un prêtre, c'est un +souverain pontife et un véritable pape, celui qui a offert ainsi son +corps en sacrifice à Dieu. Avec juste raison l'appelait-on Léonhard, +c'est-à-dire force du lion; c'était un lion fort et intrépide.» (22 +octobre 1527.) + +_A Hausmann._ «Je pense que tu auras vu l'histoire de Gaspard Tauber, +le nouveau martyr de Vienne, qui a été décapité et brûlé dans cette +ville pour la parole de Dieu. Il en est arrivé autant à un libraire de +Bude, en Hongrie, qu'on a brûlé au milieu de ses livres.» (12 novembre +1524.) + +Il y avait à Vienne des partisans de la nouvelle doctrine. +«Lorsqu'après la diète d'Augsbourg le cardinal Campeggio entra dans +la ville avec le roi Ferdinand, on habilla un petit homme de bois en +cardinal, on lui attacha au cou des indulgences et le sceau du pape, et +on le mit sur un chien qui avait à la queue une vessie de porc pleine +de pois. On fit courir ce chien à travers toutes les rues.» (Tischr., +p. 251.) + + + [a20] Page 21, ligne 16.—_Qu'ils nous rendent Keiser et tant + d'autres qu'ils ont fait injustement mourir..._ + +Si l'on en croyait Cochlæus, Luther se serait montré persécuteur à son +tour. En 1532, un luthérien s'étant éloigné de ses opinions, Luther le +fit enlever et conduire à Wittemberg, où il fut emprisonné; un procès +fut commencé. Comme on ne trouva pas de charges suffisantes, il fallut +le relâcher. Mais il fut toujours depuis sourdement persécuté par les +luthériens. (Cochlæus, p. 218.) + + + [a21] Page 22, ligne 22.—_On se prépare à combattre..._ + +Cependant on craignait tant de part et d'autre l'issue de la lutte, +que, contre toute probabilité, la paix se maintint. «J'admire ce +miracle de Dieu, que tant de menaces soient allées en fumée. Tout le +monde en effet croyait qu'au printemps éclaterait en Allemagne une +guerre atroce.» (juin 1531.) + +La crainte d'un nouveau soulèvement des paysans contribuait à +entretenir les intentions pacifiques des princes. «Les paysans, écrit +Luther, recommencent à s'assembler. Une soixantaine d'entre eux ont +cherché à surprendre la nuit le château de Hohenstein. Tu vois que +malgré la présence de l'Empereur, il faut prendre des précautions +contre cette révolte; que serait-ce si les papistes commençaient la +guerre?» (19 juillet 1530.) + + + [a22] Page 22, ligne 25.—_Luther fut accusé d'avoir poussé les + protestans à prendre cette attitude hostile..._ + +Bien loin de là, il avait dès 1529 dissuadé l'Électeur d'entrer dans +aucune ligue dirigée contre l'Empereur... «Nous ne saurions approuver +une pareille alliance; s'il en résultait quelque malheur, peut-être +même la guerre ouverte, tout retomberait sur notre conscience, et nous +aimerions mieux être dix fois morts que d'avoir à nous reprocher du +sang versé pour l'Évangile. Nous sommes ceux qui devons souffrir, comme +dit le prophète, ceux qui ne doivent pas se venger eux-mêmes, mais +tout remettre entre les mains de Dieu... Je supplie donc humblement +votre Grâce électorale de ne pas se laisser abattre par ce danger. +Nous allons élever nos prières à Dieu; mais nos mains doivent rester +pures de sang et de crime. S'il arrivait (contre mon opinion) que +l'Empereur allât jusqu'à me réclamer moi ou mes amis, nous irions, +sous la protection de Dieu, comparaître devant lui, plutôt que de +causer préjudice à votre Grâce électorale, comme je l'ai plusieurs +fois déclaré à votre auguste frère, feu l'électeur Frédéric....» (18 +novembre 1529.) + + + [a23] Page 22, ligne 28.—_Résistance à l'Empereur..._ + +Dans le livre des _Propos de table_ (p. 397, verso et suiv.) Luther +parle plus explicitement: «Ce n'est point pour la religion que l'on +combattra. L'Empereur a pris les évêchés d'Utrecht et de Liége; il a +offert au duc de Brunswick de lui laisser prendre Hildesheim. Il est +affamé et altéré des biens ecclésiastiques; il les dévore. Nos princes +ne le souffriront pas; ils voudront manger avec lui. Alors on en +viendra à se prendre aux bonnets.» (1530.) + +«J'ai souvent été interrogé par mon gracieux seigneur, sur la question +de savoir ce que je ferais si un voleur de grand chemin, un meurtrier, +venait m'attaquer. Je résisterais, dans l'intérêt du prince dont je +suis sujet et serviteur; je puis tuer le voleur, mettre le couteau +sur lui, et même ensuite recevoir les sacremens. Mais si c'est pour +la parole de Dieu, et comme prédicateur, que l'on m'attaque, je dois +souffrir et recommander la vengeance à Dieu. Aussi je ne prends point +de couteau en chaire, mais sur la route. Les anabaptistes sont des +coquins désespérés, ils ne portent aucune arme et se vantent d'une +grande patience.» + +(1536.) «Comme je parlais pour la paix, le landgrave de Hesse me +disait: Seigneur docteur, vous conseillez très bien; mais quoi? Si nous +ne suivons pas vos conseils?» + +(1539.) Luther répond sur la question du droit de résistance «que, +selon le droit public, le droit naturel et la raison, la résistance +à l'autorité injuste est permise. Il n'y a de difficulté que dans le +domaine de la théologie. + +»La question n'eût pas été difficile à résoudre au temps des apôtres, +car toutes les autorités étaient alors païennes et non chrétiennes. +Mais maintenant que tous les princes sont chrétiens ou prétendent +l'être, il est difficile de conclure, car un prince et un chrétien sont +les plus proches parens.—Qu'un chrétien puisse se défendre contre +l'autorité, il y a là matière à de grandes réflexions.—... Au fond, +c'est au pape que j'arrache l'épée, et non à l'Empereur.» + +Il résume ainsi lui-même les argumens qu'il eût pu adresser aux +Allemands, s'il eût fait une exhortation à la résistance: + +«1. L'Empereur n'a ni droit ni puissance pour ordonner cela; c'est +chose certaine, s'il l'ordonne, on ne doit point lui obéir. 2. Ce +n'est pas moi qui excite le trouble, je l'empêche et je m'y oppose. +Qu'ils voient s'ils n'en sont pas les auteurs, lorsqu'ils ordonnent ce +qui est contre Dieu. 3. Ne badinez pas tant. Si vous faites boire le +fou (narren Luprian), prenez garde qu'il ne vous crache au visage. Il +est, d'ailleurs, assez altéré, et ne demande pas mieux que de boire +son soûl. 4. Eh bien! vous voulez combattre; courbez vos têtes pour +recevoir la bénédiction. Ayez bon succès! Dieu vous donne joyeuse +victoire! Moi, docteur Martin Luther, votre apôtre, je vous ai parlé, +je vous ai avertis, comme c'était mon devoir!» + +Il dit encore ailleurs: «Vous méprisez ma doctrine. Vous voulez prendre +le Luther dans ses paroles, comme faisaient les Pharisiens au Christ. +Mais si je voulais (je ne le veux point), j'aurais une glose pour +vous embarrasser; je dirais que cette résistance n'est point contre +l'Empereur, mais contre Dieu. D'un autre côté: qu'un politique, un +citoyen, un sujet, n'est pas un chrétien, que ce n'a pas été la pensée +de Christ de détruire les droits, la police et le gouvernement du +monde. Rends à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César. +N'obéis point dans ce qui est contre Dieu et sa parole. + +»Je condamne la révolte au péril de mon corps, de ma vie, de mon +honneur et de mes biens. Je voudrais bien vous arrêter et vous retenir. +Si vous commencez, je me tairai et périrai avec vous. Vous irez en +enfer au nom de tous les diables, et moi au ciel au nom du Christ. Ils +veulent abuser de notre doctrine, mais ils verront du moins qu'elle +n'est point erronée en soi. + +»... Tuer un tyran n'est pas chose permise à l'homme qui n'est dans +aucune fonction publique, car le cinquième commandement dit: Tu ne +dois pas tuer. Mais si je surprends un homme près de ma femme ou de +ma fille, quoiqu'il ne soit point un tyran, je pourrai fort bien le +tuer. _Item_, s'il prend par force à celui-ci sa femme, à l'autre sa +fille, au troisième ses terres et ses biens, que les bourgeois et +sujets s'assemblent, ne sachant plus comment supporter sa violence et +sa tyrannie, ils pourront le tuer, comme tout autre meurtrier ou voleur +de grand chemin.» (Tischr., p. 397, verso, sqq.) + +»Le bon et vraiment noble seigneur Gaspard de Kokritz m'a demandé, mon +cher Jean, que je t'écrivisse mon jugement sur le cas où César voudrait +faire la guerre à nos princes, au sujet de l'Évangile. Serait-il alors +permis aux nôtres de résister et de se défendre? J'avais déjà écrit +mon opinion sur ce sujet, du vivant du duc Jean. Aujourd'hui il est un +peu tard pour me demander mon avis, puisqu'il a été décidé parmi les +princes qu'ils peuvent et veulent résister et se défendre, et qu'on +ne s'en tiendra pas à mon dire... Ne fortifie pas le bras des impies +contre nos princes; laisse le champ libre à la colère et au jugement de +Dieu; ils l'ont cherché jusqu'à ce jour avec fureur, avec rire et avec +joie. Cependant intimide les nôtres par cet exemple, que les Machabées +ne suivirent pas ceux qui voulaient se défendre contre Antiochus, mais +que dans la simplicité de leur cœur ils se laissèrent plutôt tuer.» +(8 février 1539.) + +Dans son livre _De seculari potestate_, dédié au duc de Saxe, il dit: +«En Misnie, en Bavière et en d'autres lieux, les tyrans ont promulgué +un édit pour qu'on ait à livrer partout aux magistrats les Nouveaux +Testamens. Si les sujets obéissent à l'édit, ce n'est pas un livre, +qu'ils remettent au péril de leur salut, c'est Christ lui-même qu'ils +livrent aux mains d'Hérode. Cependant, si on veut les enlever par +la violence, il faut le souffrir; on ne doit point résister à la +témérité.—Les princes sont du monde, et le monde est ennemi de Dieu.» + +«On ne doit pas obéir à César s'il veut faire la guerre à notre parti. +Le Turc n'attaque pas son Alcoran, l'Empereur ne doit pas davantage +attaquer son Évangile.» (Cochlæus, p. 210.) + + + [a24] Page 22, ligne 30.—_Voici mon avis..._ + +L'Électeur avait demandé à Luther s'il serait permis de résister à +l'Empereur les armes à la main. Luther répondit négativement, en +ajoutant seulement: «Si cependant l'Empereur, non content d'être +le maître des états des princes, allait jusqu'à exiger d'eux de +persécuter, de mettre à mort, ou de chasser leurs sujets pour la +cause de l'Évangile, les princes convaincus que ce serait agir contre +la volonté de Dieu, devront lui refuser l'obéissance; autrement ils +violeraient leur foi et se rendraient complices du crime. Il suffit +qu'ils laissent faire l'Empereur, qui aura à en rendre compte, et +qu'ils ne défendent pas leurs sujets contre lui.» Plus loin il dit, +en parlant de la guerre civile: «Quel carnage et quelles lamentations +couvriraient alors la terre allemande! Un prince devrait mieux aimer +perdre trois fois ses états, ou mourir trois fois, que d'être la cause +de si horribles bouleversemens, ou seulement d'y consentir. Quelle +conscience pourrait le supporter! Le diable verrait cela avec plaisir; +Dieu veuille nous en préserver à jamais!» (6 mars 1530.) + + + [a25] Page 26, ligne 8.—_Que l'on m'accuse ou non d'être trop + violent..._ + +L'Électeur avait réprimandé Luther au sujet de deux écrits +(_Avertissement à ses chers Allemands_, et _Gloses sur le prétendu +édit impérial_) qu'il trouvait trop violens. Luther lui répondit +(16 avril 1531) qu'il n'avait fait que repousser les attaques plus +violentes encore de ses ennemis, et qu'il serait injuste de lui imposer +silence lorsqu'on laissait tout dire à ses adversaires... «Il m'a +été impossible de me taire plus long-temps dans cette affaire qui me +concerne plus que tout autre. Si je gardais le silence devant une telle +condamnation publique de ma doctrine, ne serait-ce pas l'abandonner, la +renier? Plutôt que de le souffrir, je braverais la colère de tous les +diables, celle du monde entier, sans parler de celle des conseillers +impériaux.—On dit que mes deux écrits sont tranchans et bien affilés; +l'on a raison: je ne les ai pas non plus faits pour être doux; le seul +regret que j'aie c'est qu'ils ne soient pas plus tranchans encore. Si +l'on considère la violence de mes adversaires, l'on sera forcé d'avouer +que j'ai été trop bénin... Tout le monde crie contre nous; l'on +vocifère les calomnies les plus odieuses; et moi, pauvre homme, j'élève +la voix à mon tour, et voilà que personne n'aura crié que Luther... En +somme, tout ce que nous disons et faisons est injuste, quand même nous +ressusciterions les morts; tout ce qu'ils font, eux, est juste, quand +même ils noieraient l'Allemagne dans les larmes et dans le sang.» + + + [a26] Page 26, ligne 16.—_Eh bien! puisqu'ils sont + incorrigibles..... je romps avec eux._ ... + +«Toujours jusqu'à présent (1534), particulièrement à la diète +d'Augsbourg, nous avons humblement offert au pape et aux évêques de +recevoir d'eux la consécration et l'autorité spirituelle, et de les +aider à conserver ce droit; ils nous ont toujours repoussés. Et s'il +arrive un jour, pour la consécration sacerdotale, ce qui est arrivé +pour les indulgences, à qui sera la faute. J'ai offert aussi de me +taire sur les indulgences si l'on voulait se taire sur ce que j'avais +écrit; ils n'ont pas voulu, et aujourd'hui il n'y a plus assez de +mépris par tout le monde pour les indulgences; indulgences, lettres +papales, sceaux brisés gisent à terre. Ainsi disparaîtra le pouvoir de +consacrer et le chrême et les tonsures, de sorte qu'on ne reconnaîtra +plus où est l'évêque, où est le prêtre.» (Cochlæus, p. 245, extrait du +_De angulari missâ_, Luth., op. lat., VII, p. 220.) + + + [a27] Page 28, ligne 3.—_Anabaptistes._ + +Il y avait déjà long-temps qu'ils remuaient en Allemagne. «Nous avons +ici une nouvelle espèce de prophètes, venus d'Anvers, qui prétendent +que l'Esprit saint n'est autre chose que le génie et la raison +naturelle. (27 mars 1525.) + +»Il n'y a rien de nouveau, sinon que l'on dit que les anabaptistes +augmentent et se répandent de tous côtés. (28 décembre 1527.) + +»La nouvelle secte des anabaptistes fait d'étonnans progrès; ce sont +des gens qui mènent une vie d'excellente apparence, et qui meurent avec +grande audace par l'eau ou par le feu. (31 décembre 1527.) + +»Il y a beaucoup de troubles en Bavière.... il ne me semble pas à +propos que tu les livres aux magistrats; ils se livreront eux-mêmes, et +alors le conseil les bannira de la ville. Je vois partout la tradition +de Münzer, sur la perdition future des impies et le règne des justes +sur la terre. C'est ce que prophétise Cellarius dans un livre qu'il +vient de publier; cet esprit est un esprit de révolte. (27 janvier +1528.)» + +Le 12 mai 1528 il écrit à Link: «Tu as vu, je pense, mon +_Antischwermerum_ et ma dissertation sur la bigamie des évêques. Le +courage des anabaptistes mourans, ressemble à celui des donatistes +dont parle Augustin, ou à la fureur des juifs dans Jérusalem dévastée. +Les saints martyrs, comme notre Léonard Keiser, meurent avec crainte, +humilité, et en priant pour leurs bourreaux; l'opiniâtreté de ceux-ci +au contraire, lorsqu'ils vont à la mort, semble augmenter avec +l'indignation de leurs ennemis.» + + + [a28] Page 51, ligne 2.—_Exécution..._ + +_Extrait d'un ancien livre de chant des anabaptistes._ «Les paroles +d'Algérius sont des miracles: «Ici, dit-il, les autres gémissent et +pleurent, et moi j'y ressens de la joie. Dans ma prison, l'armée du +ciel m'apparaît; je ne sais combien de martyrs habitent avec moi tous +les jours. Dans la joie, dans les délices, dans l'extase de la grâce, +je vois le Seigneur sur son trône.» + +»Mais ta patrie, lui disaient-ils, tes amis, tes parens, ta profession, +peux-tu les quitter volontiers? Il dit aux envoyés: «Nul homme ne me +bannit de ma patrie; elle est aux pieds du trône céleste, là où mes +ennemis deviendront mes amis pour chanter le même cantique. + +»Médecins, artistes, ouvriers, ne peuvent ici-bas réussir; qui ne +reconnaît la force de Dieu, n'a qu'une force aveugle.» Les juges +furieux le menacèrent du feu. «Dans la puissance des flammes, dit +Algérius, vous reconnaîtrez la mienne.» (Wunderhorn, t. I.) + + + [a29] Page 55.—_Fin du chapitre..._ + +Les passages suivans de Ruchat (Réformation de la Suisse), font bien +connaître le bizarre enthousiasme des anabaptistes. «L'an 1529, neuf +anabaptistes furent saisis à Bâle, et mis en prison. On les fit venir +devant le sénat, et on appela aussi les ministres pour conférer avec +eux. D'abord Œcolampade leur expliqua en deux mots le symbole des +apôtres et celui de saint _Athanase_, et leur représenta que c'était +là la véritable et indubitable foi chrétienne, que Jésus-Christ et ses +apôtres avaient prêchée. Ensuite le bourgmeistre, Adelbert Meyer, dit +aux anabaptistes, qu'ils venaient d'entendre une bonne explication de +la foi chrétienne, et que, «puisqu'ils se plaignaient des ministres, +ils devaient présentement parler à cœur ouvert et exposer hardiment +ce qui leur faisait de la peine.» Mais il n'y en eut pas un seul qui +lui répondît un mot, ils se contentèrent de se regarder les uns les +autres. Alors le premier huissier de la chambre dit à l'un d'eux, +qui était tourneur de sa profession: «D'où vient que tu ne parles +pas présentement, après avoir tant jasé ailleurs, dans la rue, dans +les boutiques, et dans la prison?» Comme ils gardaient encore le +silence, Marc Hedelin, chef des tribus, s'adressa au principal de ces +gens-là, et lui dit: «Que réponds-tu, frère, à ce qui t'a été proposé?» +L'anabaptiste lui répondit: «Je ne vous reconnais point pour frère.» +«Comment?» lui dit ce seigneur. «Parce, dit l'autre, que vous n'êtes +point chrétien. Amendez-vous premièrement, corrigez-vous, et quittez la +magistrature.» «En quoi penses-tu donc, lui dit Hedelin, que je pèche +tant?» «Vous le savez bien,» lui répondit l'anabaptiste. + +»Le bourgmeistre prit la parole, lui ordonna de répondre avec modestie +et avec douceur, et le pressa vivement de parler sur la question dont +il s'agissait. Sur quoi il répondit: «Qu'il ne croyait pas qu'un +chrétien pût être dans une magistrature mondaine, parce que celui qui +combat avec l'épée, périra par l'épée: Que le baptême des enfans est du +diable, et une invention du pape; on doit baptiser les adultes, et non +les petits enfans, selon l'ordre de Jésus-Christ.» + +»Œcolampade entreprit de le réfuter, avec toute la douceur possible, +et de lui faire voir, que les passages qu'il avait cités, avaient un +autre sens, comme tous les anciens docteurs en faisaient foi. «Mes +chers amis, dit-il, vous n'entendez pas l'Écriture sainte et vous +la maniez fort grossièrement.» Et comme il allait leur montrer le +véritable sens de ces passages, l'un d'entre eux, qui était meunier, +l'interrompit, le traitant de séducteur, qui caquetait beaucoup, +et dit: «Que ce qu'il avait là allégué contre eux, ne faisait rien +au sujet. Qu'ils avaient entre les mains la pure et propre parole +de Dieu, et qu'ils voulaient s'y attacher toute leur vie, que le +Saint-Esprit parlait maintenant par lui. Il s'excusait en même temps +de ne pas parler éloquemment, disant qu'il n'avait pas étudié, qu'il +n'avait été dans aucune université, et que dès sa jeunesse il avait haï +la sagesse humaine, qui est pleine de tromperies. Qu'il connaissait +bien la ruse des scribes, qui cherchaient perpétuellement à offusquer +les yeux des simples.» Après quoi il se mit à crier et à pleurer, +disant: «Qu'après avoir ouï la parole de Dieu, il avait renoncé à sa +vie déréglée; et que maintenant que par le baptême il avait reçu le +pardon de ses péchés, il était persécuté de chacun, au lieu que dans +le temps qu'il était plongé dans toutes sortes de vices, personne ne +l'avait châtié, ni mis en prison, comme on faisait présentement. Qu'on +l'avait enfermé dans la tour, comme un meurtrier; quel était donc son +crime? etc. La conférence ayant duré jusqu'à l'heure du dîner, le sénat +se leva. + +»Après dîner, le sénat s'étant rassemblé, les ministres entrèrent en +conférence avec les anabaptistes, au sujet de la magistrature. Et +comme l'un d'eux eut donné des réponses assez satisfaisantes sur les +questions qu'on lui avait proposées, cela fit chagrin aux autres, +de ce qu'il n'était pas ferme dans leur doctrine. C'est pourquoi +ils l'interrompirent. «Laisse-nous parler, lui dirent-ils, nous qui +entendons mieux l'Écriture; nous pourrons mieux répondre sur ces +articles, que toi, qui es encore un novice, et qui n'es pas capable de +défendre notre foi contre les renards.» Alors le tourneur entrant en +dispute, soutint que saint Paul (_Rom. XIII_) parlant des puissances +supérieures, n'entend point les magistrats, mais les supérieurs +ecclésiastiques. Œcolampade lui nia cela, et lui demanda en quel +endroit de la Bible il le trouvait, et comment il le prouverait? +L'autre lui dit: «Feuilletez aussi tout l'Ancien et le Nouveau +Testament, et vous y trouverez que vous devez recevoir une pension; +vous avez meilleur temps que moi, qui suis obligé de me nourrir du +travail de mes mains, pour n'être à charge à personne.» Cette saillie +fit un peu rire les assistans. Œcolampade leur dit: «Messieurs, il +n'est pas temps maintenant de rire: si je reçois de l'Église mon +entretien et ma nourriture, je puis prouver par l'Écriture, que cela +est raisonnable: ainsi ce sont là des discours séditieux. Priez plutôt +pour la gloire du Seigneur, afin que Dieu amollisse leurs cœurs +endurcis et les éclaire.» + +«Après plusieurs autres discours, comme le temps de se lever +approchait, il y en eut un, qui n'avait rien dit de tout le jour, +qui se mit à hurler et à pleurer. «Le dernier jour est à la porte, +disait-il, amendez-vous, la cognée est déjà mise à l'arbre; ne +noircissez donc pas notre doctrine sur le baptême. Je vous en prie, +pour l'amour de Jésus-Christ, ne persécutez pas les gens de bien. +Certainement le juste juge viendra bientôt, et fera périr tous les +méchans.» + +«Le bourgmeistre l'interrompit pour lui dire qu'on n'avait pas besoin +de cette lamentation; qu'il devait raisonner sur les articles dont il +était question. Il voulut continuer sur le même ton, mais on ne le lui +permit pas. Enfin le bourgmeistre justifia la conduite du sénat, à +l'égard des anabaptistes: il représenta qu'on les avait arrêtés, non +pas à cause de l'Évangile, ni à cause de leur bonne conduite, mais à +cause de leurs déréglemens, de leur parjure et de leur sédition. Que +l'un d'eux avait commis un meurtre; un autre avait enseigné qu'on ne +doit point payer les dîmes: un troisième avait excité des troubles, +etc. Que c'était pour ces crimes qu'on les avait saisis, jusqu'à ce +qu'on eût décidé quel traitement on leur ferait, etc. + +»Dans ce moment, l'un d'entre eux se mit à crier: «Mes frères, ne +résistez point au méchant. Quand même l'ennemi serait devant votre +porte, ne la fermez pas. Laissez-les venir, ils ne peuvent rien faire +contre nous, sans la volonté du Père, puisque nos cheveux sont comptés. +Je dis bien plus: il ne faut pas même résister à un brigand dans un +bois. Ne croyez-vous pas que Dieu ait soin de vous?» On lui imposa +silence. (Ruchat, _Réforme suisse_, II, p. 498.) + +_Autre dispute._—«Le ministre zwinglien leur parla amiablement et +avec douceur, leur remontrant que, s'ils enseignaient la vérité, ils +avaient tort de se séparer de l'Église, et de prêcher dans les bois, +et dans d'autres lieux écartés. Ensuite il leur exposa en peu de mots +la doctrine de l'Église. Un des anabaptistes l'interrompit, pour lui +dire: «Nous avons reçu le Saint-Esprit par le baptême, nous n'avons +pas besoin d'instruction.» Un des seigneurs députés leur dit: «Nous +avons ordre de vous dire, qu'on veut bien vous laisser aller sans autre +châtiment, pourvu que vous quittiez le pays et que vous promettiez +de n'y plus revenir, à moins que vous ne vous amendiez.» L'un des +anabaptistes lui répondit: «Quel ordre est-ce-là? le magistrat n'est +point maître de la terre pour nous ordonner de sortir ou d'aller +ailleurs. Dieu a dit: Habite le pays. Je veux obéir à ce commandement, +et demeurer dans le pays où je suis né, où j'ai été élevé, et personne +n'a le droit de s'y opposer.» Mais on lui fit bientôt éprouver le +contraire. (Ruchat, t. III, p. 102.) + +«On vit à Bâle un anabaptiste nommé _Conrad in Gassen_, qui proférait +des blasphèmes étranges, par exemple: «Que Jésus-Christ n'était point +notre Rédempteur; qu'il n'était point Dieu, et qu'il n'était point +né d'une Vierge.» Il ne faisait aucun cas de la prière, et comme on +lui représentait que Jésus-Christ avait prié sur la montagne des +Oliviers, il répondait avec une brutale insolence: «Qui est-ce qui l'a +ouï?» Comme il était incorrigible, il fut condamné à avoir la tête +tranchée.—Cet impie fanatique me fait souvenir d'un autre de nos +jours, qui a séduit certaines personnes de notre voisinage, il y a +quelques années, en leur persuadant qu'il ne fallait user ni de pain +ni de vin. Et comme on lui objectait un jour à Genève, que le premier +miracle de Jésus-Christ avait été de changer l'eau en vin, il répondit: +«Que Jésus-Christ était encore jeune dans ce temps-là, et que c'était +une petite faute qu'il fallait lui pardonner.» (Ruchat, _Réforme +suisse_, t. III, p. 104.) + +La Réforme, née dans la Saxe, avait promptement gagné les bords du +Rhin, et était allée, remontant le fleuve, s'associer dans la Suisse au +rationalisme vaudois; elle osa même passer dans la catholique Italie. +Mélanchton, qui entretenait correspondance habituelle avec Bembo et +Sadolet, tous deux secrétaires apostoliques, fut d'abord beaucoup plus +connu que Luther des érudits italiens. C'est à lui qu'on rapportait la +gloire des premières attaques contre Rome. Mais la réputation de Luther +grandissant avec l'importance de sa réforme, il apparut bientôt aux +Italiens comme le chef du parti protestant. C'est à ce titre qu'Altieri +lui écrit en 1542 au nom des églises protestantes du nord-est de +l'Italie: + +«Au très excellent et très intègre docteur et maître dans les saintes +Écritures, le seigneur Martin Luther, notre chef (princeps) et notre +frère en Christ, les frères de l'église de Venise, Vicence et Trévise. + +»Nous avouons humblement notre faute et notre ingratitude, pour avoir +tardé si long-temps à reconnaître ce que nous te devions à toi qui nous +as ouvert la voie du salut... Nous sommes exposés à toute la rage de +l'Antichrist, et sa cruauté augmente de jour en jour contre les élus +de Dieu... Errans, dispersés, nous attendons que vienne le fort du +Seigneur... Vous que Dieu a placé à la garde de son troupeau, jusqu'à +sa venue, veillez, nous vous en supplions, chassez les loups qui nous +dévorent... Sollicitez les sérénissimes princes de l'Allemagne qui +suivent l'Évangile, d'écrire pour nous au sénat de Venise, afin de +modérer et de suspendre les mesures violentes que l'on prend contre le +troupeau du Seigneur, à la suggestion des ministres du pape.... Vous +savez quel accroissement ont pris ici vos églises; combien est large +la porte ouverte à l'Évangile... travaillez donc encore pour la cause +commune.» (Seckendorf, lib. III, p. 401.) + +Charles-Quint contribua lui-même à répandre dans la péninsule le nom et +les doctrines de Luther, en appelant sans cesse dans cette contrée de +nouvelles bandes de landsknechts, parmi lesquels se trouvaient beaucoup +de protestans. On sait que George Frundsberg, le chef des troupes +allemandes du connétable de Bourbon, jurait d'étrangler le pape avec la +chaîne d'or qu'il portait au cou.—L'auteur d'une histoire luthérienne +rapporte qu'un de ces Allemands se vantait de manger bientôt un morceau +du pape (_ut ex corpore papæ frustum devoret_). Il ajoute qu'après +la prise de Rome plusieurs hommes d'armes changèrent une chapelle en +écurie, et firent des bulles du pape une litière pour leurs chevaux, +puis, se revêtant d'habits sacerdotaux, ils proclamèrent pape un +landsknecht qui, dans son consistoire, déclara faire abandon de la +papauté à Luther. (Cochlæus, p. 156).—Luther fut même solennellement +proclamé. «Un certain nombre de soldats allemands s'assemblèrent un +jour dans les rues de Rome, montés sur des chevaux et des mules. Un +d'eux, nommé Grunwald, remarquable par sa taille, s'habilla comme le +pape, se mit sur la tête une triple couronne, et monta sur une mule +richement caparaçonnée; d'autres s'étaient habillés en cardinaux, avec +une mitre sur la tête, et vêtus d'écarlate ou de blanc, suivant les +personnages qu'ils représentaient. Ils se mirent ainsi en marche au +bruit des tambours et des fifres, entourés d'une foule innombrable, +et avec toute la pompe usitée dans les processions pontificales. +Lorsqu'ils passaient devant quelques maisons où se trouvait un +cardinal, Grunwald bénissait le peuple. Il descendit ensuite de sa +mule, et les soldats, le plaçant sur un siége, le portèrent sur leurs +épaules. Arrivé au château Saint-Ange, il prend alors une large coupe +et boit à la santé de Clément, et ceux qui l'environnent suivent son +exemple. Il prête ensuite serment à ses cardinaux, et ajoute qu'il les +engage à rendre hommage à l'Empereur comme à leur légitime et unique +souverain; il leur fait promettre qu'ils ne troubleront plus la paix +de l'Empire par leurs intrigues, mais que, suivant les préceptes de +l'Écriture et l'exemple de Jésus-Christ et des apôtres, ils demeureront +soumis au pouvoir civil. Après une harangue dans laquelle il récapitula +les guerres, les parricides et les sacriléges des papes, le prétendu +pontife promit solennellement de transférer, par voie de testament, +son autorité et sa puissance à Martin Luther. Lui seul, disait-il, +pouvait abolir tous ces abus et réparer la barque de saint Pierre, de +sorte qu'elle ne fût plus le jouet des vents et des flots. Élevant +alors la voix, il dit aux assistans: «Que tous ceux qui sont de cet +avis, le fassent connaître en levant la main.» Aussitôt la multitude +des soldats leva la main en s'écriant: «_Vive le pape Luther!_» Toute +cette scène se passait sous les yeux de Clément VII. (Macree, Réf. en +Italie, p. 66-7.) + +Les ouvrages de Zwingli étant écrits en langue latine, circulaient plus +facilement en Italie que ceux des réformateurs du nord de l'Allemagne, +qui n'écrivaient point toujours dans la langue savante et universelle. +Cette circonstance est sans doute une des causes du caractère que prit +la réforme italienne, particulièrement dans l'académie de Vicence, +où naquit le socinianisme. Cependant les livres de Luther passèrent +de bonne heure les Alpes. Le 14 février 1519, le premier magistrat +lui écrit: «Blaise Salmonius, libraire de Leipzig, m'a présenté +quelques-uns de vos traités; comme ils ont eu l'approbation des +savans, je les ai livrés à l'impression, et j'en ai envoyé six cents +exemplaires en France et en Espagne. Ils se vendent à Paris, et mes +amis m'assurent que même, dans la Sorbonne, il y a des gens qui les +lisent et les approuvent. Des savans de ce pays désiraient aussi depuis +long-temps voir traiter la théologie avec indépendance. Calvi, libraire +de Pavie, s'est chargé de faire passer une grande partie de l'édition +en Italie. Il nous promet même un envoi de toutes les épigrammes +composées en votre honneur par les savans de son pays. Telle est la +faveur que votre courage et votre habileté ont attirée sur vous et sur +la cause de Christ.» + +Le 19 septembre 1520, Burchard Schenk écrit de Venise à Spalatin: +«J'ai lu ce que vous me mandez du seigneur Martin Luther; il y a déjà +long-temps que sa réputation est arrivée jusqu'à nous, mais on dit par +la ville qu'il se garde du pape! Il y a deux mois, dix de ses livres +furent apportés dans notre ville, et aussitôt vendus... Que Dieu le +conduise dans la voie de la vérité et de la charité.» (Seckendorf, p. +115.) + +Quelques ouvrages de Luther pénétrèrent même dans Rome, et jusque +dans le Vatican, sous la sauve-garde de quelque pieux personnage +dont le nom remplaçait en tête du livre celui de l'auteur hérétique. +C'est ainsi que plusieurs cardinaux eurent à se repentir d'avoir loué +hautement le _Commentaire sur l'Épître aux Romains_, et le _Traité sur +la justification_ d'un certain cardinal Fregoso, qui n'était autre que +Luther. Il en advint de même pour les _Lieux communs_ de Mélanchton. +(Maccree, Réforme italienne, p. 39.) + +«Je m'occupe, dit Bucer dans une lettre à Zwingli, d'une interprétation +des psaumes. Les instances de nos frères de la France et de l'Allemagne +intérieure, me décident à les publier sous un nom étranger, afin +que les libraires puissent les vendre. Car c'est un crime capital +d'introduire dans ces deux pays des livres qui portent nos noms. Je me +donnerai donc pour un Français, et je ferai paraître mon livre sous le +nom d'Aretius Felinus.»—Il dédia ce livre au Dauphin. (Lugduni +iii idus julii anno MDXXIX.) + + + [a30] Page 56, ligne 5.—_Les catholiques et les protestans + réunis un instant contre les anabaptistes..._ + +Pour repousser les reproches des catholiques qui attribuaient aux +prédicateurs protestans la révolte des anabaptistes, les Réformés +de toutes les sectes cherchèrent encore une fois à se réunir. Une +conférence eut lieu à Wittemberg (1536). Bucer, Capiton et plusieurs +autres s'y rendirent au mois de mai, pour conférer avec les théologiens +saxons. La conférence dura du 22 au 25, jour où fut signée la _Formule +de concorde_ rédigée par Mélanchton. Le 28, Luther et Bucer prêchèrent +à Wittemberg, et proclamèrent l'union qui venait de se conclure entre +les deux partis. (Ukert, I, 307.) + +Avant de signer la formule de concorde, Luther voulut qu'elle fût +approuvée explicitement par les réformés de la Suisse, «de peur, +dit-il, que par des réticences, cette _Concorde_ ne donne lieu dans la +suite à des discordes encore plus fâcheuses.» (janvier 1535.) Cette +approbation fut donnée. «Les Suisses, écrit-il au duc Albert de Prusse, +les Suisses, qui jusqu'ici n'étaient pas d'accord avec nous sur la +question du saint Sacrement, sont en bon chemin; Dieu veuille ne pas +nous abandonner! Bâle, Strasbourg, Augsbourg, Berne et plusieurs autres +villes, se sont rangées de notre côté. Nous les recevons comme frères, +et nous espérons que Dieu finira le scandale, non pas à cause de nous, +car nous ne l'avons pas mérité, mais pour glorifier son nom et faire +dépit à cet abominable pape. La nouvelle a beaucoup effrayé ceux de +Rome. Ils sont dans la terreur et n'osent assembler un concile.» (6 mai +1538.) + +Dans le même temps, des négociations étaient entamées avec Henri, +duc de Brunswick, pour le rattacher aux doctrines luthériennes, mais +elles restèrent sans résultat.—Le 23 octobre 1539, Luther écrivit +à l'Électeur pour lui annoncer que les négociations avec les envoyés +du roi d'Angleterre étaient également infructueuses. La lettre est +signée de Luther, de Mélanchton, et de plusieurs autres théologiens de +Wittemberg. + + + [a31] Page 57, ligne 25.—_Les armes seules pouvaient + décider..._ + +«Le docteur Jean Pommer m'a dit une fois qu'à Lubeck, dans la maison +de ville, on avait trouvé dans une vieille chronique, une prophétie +d'après laquelle en l'an 1550, il s'élèverait dans l'Allemagne un grand +tumulte à cause de la religion; et que, lorsque l'Empereur s'en serait +mêlé, il perdrait tout ce qu'il avait. Mais je ne crois point que +l'Empereur commence la guerre pour la cause du pape; la guerre coûte +trop d'argent.» + +L'éditeur Aurifaber ajoute que Charles-Quint, dans sa retraite de +Saint-Just, avait fait tendre les murs d'une vingtaine de tapisseries +qui représentaient les principales actions de son règne; qu'il aimait +à se promener en les regardant, et que, lorsqu'il s'arrêtait devant +celle qui représentait la prise de l'électeur de Saxe à Muhlberg, il +soupirait et disait: «Si je l'eusse laissé tel qu'il était, je serais +resté tel que j'étais.» (Tischred., p. 6.)—Ce mot que l'éditeur a +l'air de ne pas comprendre, peut-être à dessein, est fort raisonnable; +car rien ne fut plus funeste à Charles-Quint que d'avoir donné +l'électorat au jeune Maurice. + + + [a32] Page 58, ligne 7.—_Ratisbonne..._ + +«Je veux devancer tes lettres et te prédire ce qui se passe à +Ratisbonne même. Tu as été appelé par l'Empereur, il t'a dit de songer +aux conditions de la paix. Toi, tu lui as répondu en latin, tu as +fait tout ce que tu as pu, mais tu es resté au-dessous d'un si grand +sujet. Eck, selon son habitude, a vociféré: «Très gracieux Empereur, je +prétends prouver que nous avons raison et que le pape est la tête de +l'Église.» Voilà votre histoire.» (25 juin 1541.) + + + [a33] Page 59, ligne 3.—_Notre prince... accourut avec + Pontanus et tous deux arrangèrent la réponse à leur façon..._ + +La cour cherchait à exercer une sorte de contrôle, de haute +surveillance sur les ouvrages même de Luther. En 1531, il avait écrit +un livre intitulé: _Contre l'hypocrite de Dresde_, sans en avoir fait +part à l'Électeur; il lui fallut s'en excuser auprès du chancelier +Brück. + +«... Si mes petits ouvrages, dit-il, étaient envoyés à la cour, avant +de paraître, ils y rencontreraient tant de critiques et de censures +qu'ils ne paraîtraient jamais, et, s'ils paraissaient, nos ennemis +soupçonneraient chaque fois une foule de gens d'y avoir pris part. +De cette manière, l'on sait et l'on voit qu'ils sont tout uniment de +Luther; et c'est à lui seul de s'en justifier.» + +Dans une autre circonstance plus sérieuse, il eut encore à lutter +contre l'intervention de la cour. Albert, archevêque de Mayence, avait +fait mettre à mort l'un de ses officiers, nommé Schanz, contrairement +aux lois, et à en croire la voix publique, par haine personnelle. +Luther lui adressa à cette occasion deux lettres pleines d'indignation. +Il commençait ainsi la première (31 juillet 1535): «Je ne vous écris +plus, cardinal, dans l'espoir de changer votre cœur profondément +perverti. C'est une pensée à laquelle j'ai renoncé. Je vous écris +pour satisfaire à ma conscience devant Dieu et les hommes, et ne +pas approuver, par mon silence, l'acte horrible que vous venez de +commettre.» Dans ce qui suit, il l'appelle cardinal d'enfer, et le +menace du bourreau éternel qui viendra lui demander compte du sang +versé. Dans la seconde lettre (mars 1536), il dit: «L'écrit ci-joint +vous fera voir que le sang de Schanz ne se tait pas en Allemagne comme +dans les appartemens de votre Grâce électorale, au milieu de vos +courtisans. Abel vit en Dieu et son sang crie contre les meurtriers!... +J'ai reconnu par la lettre de votre Grâce à Antoine Schanz que vous +allez jusqu'à accuser sa famille d'être cause de sa mort. J'ai vu et +entendu raconter mainte scélératesse de cardinal, mais je n'aurais +jamais cru que vous fussiez une si cruelle et impudente vipère pour +railler encore les malheureux, après cette abominable, cette infernale +action!... J'ai recueilli les derniers cris de Schanz, au moment de sa +détresse, ses dernières protestations contre la violence, lorsque votre +Sainteté lui fit arracher les dents pour tirer de lui un faux aveu; +je publierai ces paroles, et Dieu aidant, votre Sainteté dansera une +danse qu'elle n'a jamais dansée!... Si Caïn sait dire: _Suis-je fait +pour garder mon frère?_ Dieu sait aussi lui répondre: _Sois maudit sur +la terre..._ Je vous recommande à Dieu, dit-il à la fin de la lettre, +si toutefois le chapeau de sang (le chapeau rouge de cardinal) vous +laisse désirer de lui être recommandé.» + +L'électeur de Saxe et le duc Albert de Prusse, parens du cardinal, +trouvèrent trop violent l'écrit dont Luther parlait dans cette lettre. +Ils lui firent dire qu'il attaquait l'honneur de la famille dans la +personne de l'archevêque, et lui commandèrent d'user de ménagemens. +Luther n'en publia pas moins son écrit quelque temps après. + + + [a34] Page 59, ligne 18.—_Ils regardent toute cette affaire + comme une comédie..._ + +Dès le commencement des conférences, Luther avait prévu qu'elles ne +mèneraient à rien. Il se défiait même de la fermeté de Bucer et du +landgrave de Hesse. Il dit dans une lettre au chancelier Brück: «Je +crains que le Landgrave ne se laisse entraîner trop loin par les +papistes, et qu'il ne veuille nous entraîner avec lui. Mais il nous a +déjà suffisamment tiraillés et je ne me laisserai plus mener par lui. +Je reprendrais plutôt tout le fardeau sur mes épaules, et je marcherais +seul, à mes risques et périls, comme dans le commencement. Nous savons +que c'est la cause de Dieu; c'est lui qui nous a suscités, qui nous a +conduits jusqu'ici, il saura bien faire triompher sa cause. Ceux qui ne +voudront pas nous suivre, n'ont qu'à rester en arrière. Ni l'Empereur, +ni le Turc, ni tous les Démons ensemble, ne pourront rien contre cette +cause, quoi qu'il en puisse advenir de nous et de ce corps mortel.—Je +m'indigne qu'ils traitent ces affaires comme des affaires mondaines, +des affaires d'Empereur, de Turcs, de princes, dans lesquelles on +puisse transiger à volonté, avancer ou reculer. C'est une cause dans +laquelle Dieu et Satan combattent avec tous leurs anges. Ceux qui ne le +croient pas, ne peuvent pas la défendre.» (avril 1541.) + + + [a35] Page 59, ligne 24.—_Je suis indigné qu'on se joue ainsi + de si grandes choses..._ + +«Je vais à Haguenau; je verrai de près ce formidable Syrien, ce +Behemoth dont se rit, au psaume II, l'habitant du ciel... Mais ils ne +comprendront point ce rire, jusqu'au moment où finira ce chant funèbre: +Vous périrez dans la route, quand se lèvera sa colère, parce qu'ils +ont refusé un baiser au Fils (peribitis in viâ, cum exarserit +ira ejus, quia Filium nolunt osculari).—Amen, amen, que cela +arrive. Ils l'ont mérité, ils l'ont voulu.» (2 juillet 1540.) + + + [a36] Page 64, ligne 15.—_Fait à Wittemberg..._ + +On trouve dans les _Propos de table_, p. 320: + +«Le mariage secret des princes et des grands seigneurs est un vrai +mariage, devant Dieu; il n'est pas sans analogie avec le concubinat +des patriarches.» (Ceci expliquerait la consultation en faveur du +Landgrave.) + + + [a37] Page 65, ligne 19.—_Depuis cette époque, les lettres de + Luther, comme celles de Mélanchton, sont pleines de dégoût et + de tristesse._ + +«L'ingratitude des hommes, c'est le cachet d'une bonne œuvre; si nos +efforts plaisaient au monde, à coup sûr ils ne seraient point agréables +à Dieu.» (6 août 1539.) + +«La tristesse et la mélancolie viennent de Satan; c'est pour moi une +chose sûre. Dieu n'afflige, ni n'effraie, ni ne tue; il est le Dieu +des vivans. Il a envoyé son fils unique, pour que nous vivions par +lui, pour qu'il surmonte la mort. C'est pourquoi l'Écriture dit: Soyez +contens et joyeux, etc.» (Tischreden, p. 205, verso.) + +_Sur la tristesse._—«Vous ne pouvez empêcher, disait un sage, que les +oiseaux ne volent au-dessus de votre tête; mais vous empêcherez qu'ils +ne fassent leurs nids dans vos cheveux.» (19 juin 1530.) + +Jean de Stockhausen avait demandé à Luther des remèdes contre les +tentations spirituelles et la mélancolie. Luther lui conseilla dans +une lettre d'éviter la solitude et de fortifier sa volonté par une vie +active, laborieuse. Il lui recommanda, outre la prière, la lecture du +livre de Gerson: _De cogitationibus blasphemiæ_. (27 novembre 1532.) + +Il donna des conseils semblables au jeune prince Joachim d'Anhalt, +«La gaîté, dit-il, et le bon courage (en tout bien et tout honneur) +sont la meilleure médecine des jeunes gens, disons mieux, de tous les +hommes. Moi-même qui ai passé ma vie dans la tristesse et les pensées +sombres, j'accepte aujourd'hui la joie partout où elle se présente, +je la recherche même. La joie criminelle vient de Satan, il est vrai, +mais la joie qu'on trouve dans le commerce d'hommes honnêtes et pieux, +celle-là plaît au Seigneur..... Montez à cheval, allez à la chasse avec +vos amis, amusez-vous avec eux. La solitude et la mélancolie sont un +poison; c'est la mort des hommes, et surtout des hommes jeunes.» (26 +juin 1534.) + +Mélanchton raconta un jour à la table de Luther la fable suivante: +«Un paysan traversant une forêt, rencontra une caverne où se trouvait +un serpent. Une grande pierre roulée devant, empêchait l'animal d'en +sortir. Il supplia le paysan d'enlever la pierre, lui promettant la +plus belle récompense. Le paysan se laissa tenter, délivra le serpent, +et lui demanda le prix de sa peine. A quoi le serpent répondit qu'il +allait lui donner la récompense que le monde donne à ses bienfaiteurs, +qu'il allait le tuer. Tout ce que le paysan put obtenir par ses +supplications, fut qu'ils remettraient leur différend au jugement du +premier animal qu'ils rencontreraient. Ce fut d'abord un vieux cheval +qui n'avait plus que la peau et les os. Pour toute réponse, il dit: +«J'ai consumé tout ce que j'avais de force au service de l'homme; pour +récompense, il va me tuer, m'écorcher.» Ils rencontrèrent ensuite un +vieux chien que son maître venait de rouer de coups; ce nouvel arbitre +donna même décision. Le serpent voulait alors tuer son bienfaiteur. +Celui-ci obtint qu'ils prendraient un nouveau juge, et que la sentence +de ce dernier serait décisive. Après avoir marché quelques pas, ils +virent venir à eux un renard. Dès que le paysan l'aperçut, il invoqua +son secours, et lui promit tous ses poulets, s'il rendait une décision +favorable. Le renard ayant entendu les parties, dit qu'avant de +prononcer, il fallait remettre toutes choses dans leur premier état; +que le serpent devait retourner dans la caverne pour entendre le +jugement. Le serpent consentit, et, dès qu'il y fut, le paysan boucha +le trou de son mieux. Le renard vint la nuit suivante prendre les +poulets qui lui étaient promis; mais la femme et les valets du paysan +le tuèrent.» Mélanchton ayant fini ce conte, le docteur dit: «Voilà +bien l'image de ce qu'on voit dans le monde. Celui que vous avez sauvé +de la potence vous fait pendre. Si je n'avais d'autre exemple, je +n'aurais qu'à penser à Jésus-Christ qui, après avoir racheté le monde +entier du péché, de la mort, du diable et de l'enfer, fut crucifié par +les siens mêmes.» (Tischreden, p. 56.) + +Les plaisanteries, les jeux de mots qui se rencontrent si souvent +dans les lettres des années précédentes, ont disparu dans celles-ci; +la correspondance de Luther devient triste; c'est à peine si on le +voit sourire une seule fois; le récit grotesque d'une expédition +militaire de quelques bourgeois contre des brigands, peut tout au plus +le dérider: «Voici encore une nouvelle victoire de Kohlhase (fameux +brigand dont la vie est racontée dans un curieux roman historique); il +a pris et enlevé un riche meunier. Sitôt que nous avons su la chose, +nous nous sommes courageusement précipités à travers les campagnes, +pas trop loin cependant de nos murailles, et comme il convient à des +saints Christophes en peinture ou à des saints Georges de bois, nous +avons effrayé les nuées de quelques coups de fusil... Nous avons fait +transporter dans la ville nos bois, nos arbres, de peur que, la nuit, +Kohlhase n'en fasse un pont pour passer nos petits fossés. Nous sommes +tous des Hectors et des Achilles, ne craignant personne, bien que nous +soyons seuls et sans ennemis.» + + + [a38] Page 67, ligne 25.—_Poison..._ + +En 1541, un bourgeois de Wittemberg, nommé Clémann Schober, suivit +Luther l'arquebuse à la main, dans l'intention probable de le tuer. Il +fut arrêté et puni. (Ukert I, 323.) + + + [a39] Page 71, ligne 4.—_Famille..._ + +_A Marc Cordel._ «Comme nous en sommes convenus, mon cher Marc, je +t'envoie mon fils Jean, afin que tu l'emploies à exercer des enfans +dans la grammaire et la musique, et en même temps, pour que tu +surveilles et corriges ses mœurs... Si tes soins prospèrent pour ce +fils, tu en auras, de mon vivant, deux autres... Je suis en travail +de théologiens, mais je veux enfanter aussi des grammairiens et des +musiciens.» (26 août 1542.) + +Le docteur Jonas avait dit un jour que la malédiction de Dieu sur les +enfans désobéissans, s'était accomplie dans la famille de Luther; le +jeune homme dont il parlait était toujours malade et souffrant. Le +docteur Luther ajouta «C'est la punition due à sa désobéissance. Il +m'a presque tué une fois, et, depuis ce temps, j'ai perdu toutes les +forces de mon corps. Grâce à lui, j'ai compris le passage où saint Paul +parle des enfans qui tuent leurs parens, non par l'épée, mais par la +désobéissance. Ils ne vivent guère, et n'ont pas de bonheur... O mon +Dieu! que le monde est impie, et dans quels temps nous vivons! Ce sont +les temps dont Jésus-Christ a dit: «Quand le fils de l'homme viendra, +croyez-vous qu'il trouvera de la foi et de la charité?» Heureux ceux +qui meurent avant de voir des temps pareils.» (Tischreden, p. 48.) + + + [a40] Page 71, ligne 4.—_La femme..._ + +«La femme est le plus précieux des trésors. Elle est pleine de grâces +et de vertus; elle garde la foi.» + +—«Le premier amour est violent, il nous enivre et nous enlève la +raison. L'ivresse passée, les âmes pieuses conservent l'amour honnête; +les impies n'en conservent rien.» + +—«Mon doux Seigneur! si c'est ta volonté sainte que je vive sans +femme, soutiens-moi contre les tentations; sinon, veuille m'accorder +une bonne et pieuse jeune fille, avec laquelle je passe doucement +ma vie, que j'aime et dont je sois aimé en retour.» (Tischreden, p. +329-31.) + + + [a41] Page 71, ligne 8.—_Asseyons-nous à sa table..._ + +Il y était toujours entouré de ses enfans et de ses amis, Mélanchton, +Jonas, Aurifaber, etc., qui l'avaient soutenu dans ses travaux. +Une place à cette table était chose enviée.—«J'aurais volontiers, +écrit-il à Gaspard Muller, reçu Kégel au nombre de mes pensionnaires, +pour différentes raisons; mais le jeune Porse de Jéna allant bientôt +revenir, la table sera pleine, et je ne puis pourtant congédier mes +anciens et fidèles compagnons. Si cependant il se trouve plus tard une +place vacante, comme cela pourrait arriver après Pâques, je ferai avec +plaisir ce que vous désirez, à moins que _le seigneur_ Catherine, ce +que je ne pense pas, ne veuille nous refuser sa grâce.» (19 janvier +1536.) _Dominus Ketha_, c'était le nom qu'il donnait souvent à sa +femme. Il commence ainsi une lettre qu'il lui écrit le 26 juillet 1540: +«A la riche et noble dame de Zeilsdorf[7], madame la _doctoresse_ +Catherine Luther, domiciliée à Wittemberg, quelquefois se promenant à +Zeilsdorf, ma bien-aimée épouse.» + + [7] Nom d'un village près duquel Luther possédait une petite + terre. + + + [a42] Page 77, ligne 8.—_Mariage..._ + +«Le mariage, que l'autorité approuve et qui n'est point contre la +parole de Dieu, est un bon mariage, quel que soit le degré de parenté.» +(Tischreden, page 321.) + +Il blâmait fort les juristes qui, «contre leur propre conscience, +contre le droit naturel, divin et impérial, maintenaient comme valables +les promesses secrètes de mariage. On doit laisser chacun s'arranger +avec sa conscience. On ne peut forcer personne à l'amour. + +«Les dots, présens de lendemain, biens, héritages, etc., ne regardent +que l'autorité. Je veux les lui renvoyer, afin qu'elle en charge +ses gens, ou qu'elle décide elle-même. Nous sommes pasteurs des +consciences, non des corps ou des biens.» (Tischreden, p. 315) + +Consulté dans un cas d'adultère, il dit: «On doit les citer et ensuite +les séparer. De tels cas regardent proprement l'autorité, car le +mariage est une chose temporelle. Il n'intéresse l'Église qu'en ce qui +touche la conscience.» (Tischreden, p. 322.) + +L'an 1539, 1er février, il disait: «Quoique les affaires relatives aux +mariages nous obligent tous les jours d'étudier, de lire, de prêcher, +d'écrire et de prier, je me réjouis que les consistoires soient +établis, surtout pour ce genre d'affaires... On trouve beaucoup de +parens, particulièrement des beaux-pères qui, sans raison, défendent +le mariage à leurs enfans. L'autorité et les pasteurs doivent y voir, +et favoriser les mariages, même contre la volonté des parens, selon +les diverses occurrences... Les enfans doivent citer à leurs parens +l'exemple de Samson. Nous ne sommes plus au temps de la papauté, où +l'on suivait la loi contre l'équité.» (Tischreden, p. 322.) + + + [a43] Page 81, ligne 12.—_Ma femme et mes petits enfans..._ + +Durant la diète d'Augsbourg, il écrivit à son fils Jean: «Grâce et paix +à toi, en Jésus-Christ, mon cher petit enfant. Je vois avec plaisir +que tu apprends bien et que tu pries sans distraction. Continue, mon +enfant, et, quand je reviendrai à la maison, je te rapporterai quelque +belle chose. + +»Je sais un beau et riant jardin, tout plein d'enfans en robes d'or, +qui vont jouant sous les arbres avec de belles pommes, des poires, +des cerises, des noisettes et des prunes; ils chantent, ils sautent, +et sont tout joyeux; ils ont aussi de jolis petits chevaux avec des +brides d'or et des selles d'argent. En passant devant ce jardin, je +demandais à l'homme à qui il appartient, quels étaient ces enfans? Il +me répondit: «Ce sont ceux qui aiment à prier, à apprendre, et qui sont +pieux.» Je lui dis alors: «Cher ami, j'ai aussi un enfant, c'est le +petit Jean Luther; ne pourrait-il pas aussi venir dans ce jardin manger +de ces belles pommes et de ces belles poires, monter sur ces jolis +petits chevaux, et jouer avec les autres enfans?» L'homme me répondit: +«S'il est bien sage, s'il prie et apprend volontiers, il pourra aussi +venir, le petit Philippe et le petit Jacques avec lui; ils trouveront +ici des fifres, des timbales et autres beaux instrumens pour faire +de la musique; ils danseront et tireront avec de petites arbalètes.» +En parlant ainsi, l'homme me montra, au milieu du jardin, une belle +prairie pour danser, où l'on voyait suspendus les fifres, les timbales, +et les petites arbalètes. Mais il était encore matin, les enfans +n'avaient pas dîné, et je ne pouvais attendre que la danse commençât. +Je dis alors à l'homme: «Cher seigneur, je vais vite écrire à mon cher +petit Jean, afin qu'il soit bien sage, qu'il prie et qu'il apprenne, +pour venir aussi dans ce jardin; mais il a une tante Madeleine qu'il +aime beaucoup, pourra-t-il l'amener avec lui?» L'homme me répondit: +«Oui, ils pourront venir ensemble, faites-le-lui savoir.» Sois donc +bien sage, mon cher enfant; dis à Philippe et à Jacques de l'être +aussi, et vous viendrez tous ensemble jouer dans ce beau jardin.—Je +te recommande à la protection de Dieu. Salue de ma part la tante +Madeleine, et donne-lui un baiser pour moi. Ton père qui te chérit. +Martin LUTHER.» (19 juin 1530.) + + + [a44] Page 84.—_Fin du chapitre..._ + +«Dieu sait tous les métiers mieux que personne. Comme tailleur, il fait +au cerf une robe qui lui sert neuf cents ans sans se déchirer. Comme +cordonnier, il lui donne une chaussure qui dure encore plus long-temps +que lui. Et ne s'entend-il pas à la cuisine, lui qui par le feu du +soleil fait tout cuire et tout mûrir. Si notre Seigneur vendait les +biens qu'il donne, il en ferait passablement d'argent; mais parce qu'il +les donne gratis, on n'en tient pas compte.» (Tischr., p. 27.) + +Ce passage bizarre et un assez grand nombre d'autres, nous montrent +dans Luther le modèle probable d'Abraham de Sancta Clara. Au +dix-septième siècle, on n'imitait plus que les défauts de Luther. + + + [a45] Page 87, ligne 15.—_Le décalogue..._ + +«Me voilà devenu disciple du décalogue. Je commence à comprendre que le +décalogue est la dialectique de l'Évangile, et l'Évangile la rhétorique +du décalogue; Christ a tout ce qui est de Moïse, mais Moïse n'a pas +tout ce qui est de Christ.» (20 juin 1530.) + + + [a46] Page 88, ligne 9.—_Il y aura un nouveau ciel, une + nouvelle terre..._ + +«Le grincement de _dents dont parle l'Évangile_, c'est la dernière +peine qui suivra une mauvaise conscience, la désolante certitude d'être +à jamais séparé de Dieu.» (Tischr., p. 366.) Ainsi Luther semble avoir +une idée plus spirituelle de l'enfer que du paradis. + + + [a47] Page 89, ligne 10.—_Autrefois on faisait des + pélerinages..._ + +A Jean de Sternberg, en lui dédiant la traduction du psaume CXVII: «... +Si je vous ai nommé en tête de ce petit travail, ce n'a pas seulement +été pour attirer l'attention des gens qui méprisent tout art et tout +savoir, mais aussi pour témoigner qu'il y a encore des gens pieux parmi +la noblesse. La plupart des nobles sont aujourd'hui si insolens et si +dépravés, qu'ils excitent la colère du pauvre homme... S'ils voulaient +être respectés, ils devraient avant tout respecter eux-mêmes Dieu +et sa parole. Qu'ils continuent de vivre ainsi dans l'orgueil, dans +l'insolence, dans le mépris de toute vertu, et ils ne seront bientôt +plus que des paysans; ils le sont déjà, quoiqu'ils portent encore le +nom de nobles et le chapeau à plumes... Ils devraient cependant se +souvenir de Münzer... + +»... Je souhaite que ce petit livre, et d'autres qui lui ressemblent, +touchent votre cœur, et que vous y fassiez un pélerinage plus utile au +salut, que celui que vous avez fait autrefois à Jérusalem. Non que je +méprise ces pélerinages; j'en ferais moi-même bien volontiers, si je +pouvais, et j'aime toujours à en entendre parler; mais je veux dire +que nous ne les faisions pas dans un bon esprit. Quand j'allai à Rome, +je courus comme un fou à travers toutes les églises, tous les couvens; +je crus tout ce que les imposteurs y avaient jamais inventé. J'y dis +une dizaine de messes, et je regrettais presque que mon père et ma mère +fussent encore en vie. J'aurais tant aimé à les tirer du purgatoire +par ces messes et autres bonnes œuvres! On dit à Rome ce proverbe: +Heureuse la mère dont le fils dit la messe la veille de la Saint-Jean! +Que j'aurais été aise de sauver ma mère! + +»Nous faisions ainsi, ne sachant pas mieux; le pape tolère ces +mensonges. Aujourd'hui, Dieu merci, nous avons les évangiles, +les psaumes, et autres paroles de Dieu; nous pouvons y faire des +pélerinages plus utiles, y visiter et contempler la véritable terre +promise, la vraie Jérusalem, le vrai paradis. Nous n'y marchons pas sur +les tombeaux des saints et sur leurs dépouilles mortelles, mais dans +leurs cœurs, dans leurs pensées et leur esprit...» (Cobourg, 29 août +1530.) + + + [a48] Page 89, ligne 13.—_Pour visiter les saints._ + +«Les saints ont souvent péché, souvent erré. Quelle fureur de +nous donner toujours leurs actes et leurs paroles pour des règles +infaillibles! Qu'ils sachent, ces sophistes insensés, ces pontifes +ignares, ces prêtres impies, ces moines sacriléges, et le pape avec +toute sa sequelle.... que nous n'avons pas été baptisés au nom +d'Augustin, de Bernard, de Grégoire, au nom de Pierre ni de Paul, au +nom de la bienfaisante faculté théologique de la Sodome (Sorbonne) de +Paris, de la Gomorrhe de Louvain, mais au nom du seul Jésus-Christ +notre maître.» (_De abrogandâ missâ privatâ._ Op. lat. Lutheri, Witt., +II, 245.) + +«Les véritables saints, ce sont toutes les autorités, tous les +serviteurs de l'Église, tous les parens, tous les enfans qui croient en +Jésus-Christ, qui ne commettent point de péché, et qui accomplissent, +chacun dans sa condition, les devoirs que Dieu leur impose.» +(Tischreden, 134, verso.) + +Luther croit peu aux légendes des saints, et déteste surtout celles des +anachorètes. «... Si l'on a fait quelque excès du côté du boire ou du +manger, on peut l'expier avec le jeûne et la maladie...» + +«La légende de saint Christophe est une belle poésie chrétienne. Les +Grecs qui étaient des gens doctes, sages et ingénieux, ont voulu +montrer ce que doit être un chrétien (_christoforos_, qui porte le +Christ). Il en est de même du chevalier saint George. La légende de +sainte Catherine est contraire à toute l'histoire romaine, etc.» + + + [a49] Page 89, ligne 16.—_Les prophètes._ + +«Je sue sang et eau pour donner les prophètes en langue vulgaire. Bon +Dieu! quel travail! comme ces écrivains juifs ont de la peine à parler +allemand. Ils ne veulent pas abandonner leur hébreu pour notre langue +barbare. C'est comme si Philomèle, perdant sa gracieuse mélodie, était +obligée de chanter toujours avec le coucou une même note monotone.» +(14 juin 1528.)—Il dit ailleurs qu'en traduisant la Bible, il mettait +souvent plusieurs semaines à chercher le sens d'un mot. (Ukert, II, p. +337.) + +A Jean Frédéric, duc de Saxe, en lui envoyant sa traduction du prophète +Daniel. «... Les historiens racontent avec éloge que le grand Alexandre +portait toujours Homère sur lui et le mettait même la nuit sous sa +tête: combien serait-il plus juste que le même honneur, ou un plus +grand encore, fût rendu à Daniel par tous les rois et princes de la +terre! Ils ne devraient pas le mettre sous leur tête, mais le déposer +dans leur cœur, car il enseigne des choses bien plus hautes.» (février +ou mars 1530.) + + + [a50] Page 92, ligne 10.—_Psaumes..._ + +A l'abbé Frédéric, de Nuremberg, en lui dédiant la traduction du psaume +CXVIII: «... C'est mon psaume à moi, mon psaume de prédilection. Je +les aime bien tous; j'aime toute l'Écriture sainte, qui est toute ma +consolation et ma vie; cependant je me suis attaché particulièrement +à ce psaume, et j'ai en vérité le droit de l'appeler mien. Il a aussi +bien mérité de moi; il m'a sauvé de mainte grande nécessité d'où ni +Empereur, ni rois, ni sages, ni saints, n'eussent pu me tirer. C'est +mon ami, qui m'est plus cher que tous les honneurs, toute la puissance +de la terre. Je ne le donnerais pas en échange, si l'on m'offrait tout +cela. + +»Mais, dira-t-on, ce psaume est commun à tous; personne n'a le droit +de le dire sien. Oui, mais le Christ est bien aussi commun à tous, et +pourtant le Christ est mien. Je ne suis pas jaloux de ma propriété; je +voudrais la mettre en commun avec le monde entier... Et plût à Dieu que +tous les hommes revendiquassent ce psaume comme étant à eux! Ce serait +la querelle la plus touchante, la plus agréable à Dieu, une querelle +d'union et de charité parfaite.» (Cobourg, 1er juillet 1530.) + + + [a51] Page 94, ligne 12.—_Des Pères..._ + +Dès le commencement de l'année 1519, il écrivait à Jérôme Düngersheim +une lettre remarquable sur l'importance et l'autorité des Pères de +l'Église. «L'évêque de Rome est au-dessus de tous par sa dignité. C'est +à lui qu'il faut s'adresser dans les cas difficiles et dans les grandes +nécessités. J'avoue cependant que je ne saurais défendre contre les +Grecs cette suprématie que je lui accorde. + +»Si je reconnaissais au pape le pouvoir de tout faire dans l'Église, +je devrais, comme conséquence de cette doctrine, traiter d'hérétiques, +Jérôme, Augustin, Athanase, Cyprien, Grégoire et tous les évêques +d'Orient qui ne furent pas établis par lui ni sous lui. Le concile +de Nicée ne fut pas réuni par son autorité; il n'y présida ni par +lui-même, ni par un légat. Que dirai-je des décrets de ce concile? Les +connaît-on bien? Sait-on lesquels d'entre eux il faut reconnaître?... +C'est votre coutume à toi et à Eck, d'accepter les paroles de tout +le monde, de modifier l'Écriture par les Pères, comme s'il fallait +plutôt croire en eux. Pour moi, je fais tout autrement. Comme Augustin +et saint Bernard, en respectant toutes les autorités, je remonte des +ruisseaux jusqu'au fleuve qui leur donne naissance.»—Suivent plusieurs +exemples des erreurs dans lesquelles les Pères sont tombés. Luther +les critique en philologue, montrant qu'ils n'ont pas compris le +texte hébreu. «De combien d'autorités Jérôme n'abuse-t-il pas contre +Jovinien? Augustin contre Pélage?—Ainsi Augustin dit que ce verset de +la Genèse: Faisons l'homme à notre image, est une preuve de la Trinité, +mais il y a dans le texte hébreu: Je ferai l'homme, etc.—Le Maître +des sentences a donné un bien funeste exemple en s'efforçant de faire +accorder les paroles de tous les Pères. Il résulte de là que nous +devenons la risée des hérétiques, quand nous nous présentons devant eux +avec ces phrases obscures ou à double sens. Eck se fait le champion de +toutes les opinions diverses et contraires. C'est là-dessus que roulera +notre dispute.» (1519.) + +—«J'admire toujours comment après les apôtres, Jérôme a pu mériter le +nom de Docteur de l'Église, Origène celui de Maître des Églises... On +ne pourrait faire un seul chrétien avec leurs livres... tant ils sont +séduits par la pompe des œuvres. Augustin lui-même ne vaudrait pas +davantage, si les Pélagiens ne l'avaient rudement exercé, et contraint +de défendre la foi.» (26 août 1530.) + +—«Celui qui a osé comparer le monachat au baptême était complètement +fou; c'était plutôt une bûche qu'une bête. Eh! quoi, crois-tu donc +Jérôme, lorsqu'il parle d'une manière si impie contre Dieu, lorsqu'il +veut qu'immédiatement après soi-même, ce soient ses parens que l'on +considère le plus? Écouteras-tu Jérôme, tant de fois dans l'erreur, +tant de fois dans le péché? croiras-tu un homme enfin, plutôt que +Dieu lui-même? Va donc, et crois avec Jérôme qu'il faut passer sur le +corps à ses parens pour fuir au désert.» (Lettre à Severinus, moine +autrichien; 6 octobre 1527.) + + + [a52] Page 97, ligne 19.—_Les Scolastiques..._ + +Grégoire de Rimini a convaincu les scolastiques d'une doctrine pire +que celle des pélagiens... Car bien que les pélagiens pensent que l'on +peut faire une bonne œuvre sans la grâce, ils n'affirment pas qu'on +puisse sans la grâce obtenir le ciel. Les scolastiques parlent comme +Pélage, lorsqu'ils enseignent que sans la grâce on peut faire une +bonne œuvre, et non une œuvre méritoire. Mais ils enchérissent sur +les pélagiens, en ajoutant que l'homme a l'inspiration de la droite +raison naturelle à laquelle la volonté peut se conformer naturellement, +tandis que les pélagiens avouent que l'homme est aidé par la loi de +Dieu. (1519.) + + + [a53] Page 102, ligne 14.—_Biens ecclésiastiques..._ + +Luther écrivit au roi de Danemarck (2 décembre 1536), pour approuver la +suppression de l'épiscopat, et pour engager ce prince à faire un bon +usage des biens ecclésiastiques, c'est-à-dire (comme il l'écrivait le +18 juillet 1529 au margrave George de Brandebourg), à les appliquer à +des fondations d'écoles et d'universités. + +«L'Empereur dissimule, et cependant il prend, il dévore les évêchés, +Utrecht, Liége, etc. Ceux de la noblesse devraient y prendre garde. Je +me suis durement travaillé pour que les fondations ecclésiastiques et +les possessions des princes abbés ne fussent point dispersées, mais +conservées aux pauvres de la noblesse. Malheureusement cela n'aura pas +lieu.» (Tischreden, p. 351.) + + + [a54] Page 104, ligne 7.—_Des cardinaux et évêques..._ + +«Maître Philippe louait devant le docteur Luther la haute intelligence +et l'esprit rapide du cardinal, évêque de Saltzbourg, Mathieu Lang. Il +disait qu'en 1530, il s'était trouvé six heures avec lui à Augsbourg, +et qu'ils avaient causé de la religion. Le cardinal lui avait dit à la +fin: «Mon cher _domine Philippe_, nous autres prêtres, nous n'avons +encore jamais rien valu. Nous savons bien que votre doctrine est bonne; +mais ignorez-vous donc que jusqu'ici on n'a jamais rien pu gagner sur +les prêtres? Ce n'est pas vous qui commencerez.» «Ce cardinal était +fils d'un messager d'Augsbourg. Son père était d'une bonne et ancienne +famille, mais réduit à l'état de serviteur par sa pauvreté.—Ce fut +le premier cardinal qu'il y ait eu en Allemagne. Appuyé par sa sœur, +il se fit connaître à la cour de Maximilien, fut ensuite envoyé à +Rome auprès du pape, et plus tard nommé coadjuteur de l'évêché de +Salzbourg.» (Tischreden, p. 272.) + +«J'ai, jusqu'ici, prié pour cet évêque, _categoricè, affirmativè, +positivè_, de cœur, pour que Dieu voulût le convertir. J'ai essayé +aussi par écrit de l'amener à la pénitence. Maintenant je prie pour +lui _hypotheticè_ et _desperabundè_... Celui-là n'est point _frater +ignorantiæ, sed malitiæ_. + +»Il m'a souvent écrit amicalement, et m'a fait espérer qu'il prendrait +femme, comme je lui en avais donné le conseil par écrit. + +»Il s'est moqué de nous jusqu'à la diète d'Augsbourg. Là, j'ai appris à +le connaître. Cependant il veut encore être mon ami au point qu'il me +réclame pour arbitre dans l'affaire de...» (Tischreden, p. 274.) + +«A la diète d'Augsbourg, l'évêque de Saltzbourg disait: «Il y a quatre +moyens pour réconcilier les deux partis: ou que nous cédions ou qu'ils +cèdent; or, ni les uns ni les autres n'en veulent rien faire; ou bien +encore, il faut que l'on oblige d'autorité un des partis à céder, et +comme il en doit résulter un grand soulèvement, reste le quatrième +moyen, savoir: qu'un parti extermine l'autre, et que le plus fort mette +le plus faible dans le sac.» Voilà de beaux plans d'unité pour un +évêque chrétien.» (Ibidem, p. 19.) + + + [a55] Page 105, ligne 8.—_Moines..._ + +«Les seuls mendians sont divisés en sept partis ou ordres, et les +mineurs à leur tour en sept espèces de mineurs. Toutes ces sectes, le +très saint père les nourrit et les entretient lui-même, tant il a peur +qu'elles ne viennent à s'unir.» (Lettre à la diète de Prague, 15 juillet +1522.) + + + [a56] Page 107, ligne 22.—_Un seul coin de l'Allemagne, + celui où nous sommes, fleurit encore par la culture des arts + libéraux..._ + +Luther écrivit à l'Électeur, le 20 mai 1530, pour relever son courage +et le consoler des chagrins que lui causait la Réforme: «Voyez comme +Dieu a fait éclater sa grâce et sa bonté dans les états de votre +Altesse! n'est-ce pas là que son Évangile a le plus de ministres pieux +et fidèles, ceux qui l'enseignent avec le plus de pureté, de zèle et de +fruit? Vous voyez grandir autour de vous toute une jeunesse aimable, de +bonnes mœurs et qui sera bientôt savante dans la sainte Écriture. Cela +me ravit le cœur de voir nos jeunes enfans, garçons et petites filles, +connaître mieux aujourd'hui Dieu et le Christ, avoir une foi plus pure +et savoir mieux prier, qu'autrefois toutes les écoles épiscopales et +les couvens les plus célèbres. + +»Cette jeunesse vous a été accordée comme un signe de faveur et de +miséricorde divine. Dieu vous dit en quelque sorte: Cher duc Jean, je +te confie mon plus précieux trésor; sois le père de ces enfans. Je veux +que tu les gouvernes, que tu les protéges; sois le jardinier de mon +paradis, etc.» + +Le duc ne paraît pas avoir tenu grand compte de cette recommandation, +car Luther dit dans plusieurs de ses lettres qu'il y avait à Wittemberg +grand nombre d'étudians qui ne vivaient guère que de pain et d'eau. + + + [a57] Page 112, ligne 4.—_Je regrette de n'avoir pas plus de + temps à donner à l'étude des poètes et des orateurs...._ + +_A Wenceslas Link de Nuremberg._ «Si cela ne vous donne pas trop de +peines, mon cher Wenceslas, je vous prie de faire rassembler pour moi +tous les dessins, livres, cantiques, chants de Meistersanger et bouts +rimés, qui auront été composés en allemand et imprimés cette année chez +vous; envoyez-en autant que vous en pourrez trouver. Je désirerais +vivement les avoir. Nous savons ici composer des ouvrages latins; mais +pour les livres allemands, nous ne sommes que des apprentis. Toutefois, +avec l'ardeur que nous y mettons, j'espère que nous réussirons bientôt +de manière à vous satisfaire.» (20 mars 1536.) + + + [a58] Page 112, ligne 23.—_Ce n'est point un seul homme qui a + fait ces fables..._ + +En 1530, Luther traduisit un choix des fables d'Ésope. Dans la préface +il dit qu'il n'y a peut-être jamais eu d'homme de ce nom, et que ces +fables ont vraisemblablement été recueillies de la bouche du peuple. +(Luth. Werke IX, 455.) + + + [a59] Page 116, ligne 13.—_Chanter est le meilleur exercice..._ + +Heine, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834: «Ce qui n'est pas moins +curieux et significatif que ces écrits en prose, ce sont les poésies +de Luther, ces chansons qui lui ont échappé dans le combat et dans la +nécessité. On dirait une fleur qui a poussé entre les pierres, un rayon +de la lune qui éclaire une mer irritée. Luther aimait la musique, il a +même écrit un traité sur cet art, aussi ses chansons sont-elles très +mélodieuses. Sous ce rapport, il a aussi mérité son surnom de Cygne +d'Eisleben. Mais il n'était rien moins qu'un doux cygne dans certains +chants où il ranime le courage des siens, et s'exalte lui-même jusqu'à +la plus sauvage ardeur. Le chant avec lequel il entra à Worms, suivi +de ses compagnons, était un véritable chant de guerre. La vieille +cathédrale trembla à ces sons nouveaux, et les corbeaux furent +effrayés dans leurs nids obscurs, à la cime des tours. Cet hymne, la +Marseillaise de la réforme, a conservé jusqu'à ce jour sa puissance +énergique, et peut-être entonnerons-nous bientôt dans des combats +semblables ces vieilles paroles retentissantes et bardées de fer:» + + Notre Dieu est une forteresse, + Une épée et une bonne armure; + Il nous délivrera de tous les dangers + Qui nous menacent à présent. + Le vieux méchant démon + Nous en veut aujourd'hui sérieusement, + Il est armé de pouvoir et de ruse, + Il n'a pas son pareil au monde. + + Votre puissance ne fera rien, + Vous verrez bientôt votre perte; + L'homme de vérité combat pour nous, + Dieu lui-même l'a choisi. + Veux-tu savoir son nom? + C'est Jésus-Christ, + Le seigneur Sabaoth. + Il n'est pas d'autre Dieu que lui, + Il gardera le champ, il donnera la victoire. + + Si le monde était plein de démons, + Et s'ils voulaient nous dévorer, + Ne nous mettons pas trop en peine, + Notre entreprise réussira cependant. + Le prince de ce monde, + Bien qu'il nous fasse la grimace, + Ne nous fera pas de mal. + Il est condamné, + Un seul mot le renverse. + + Ils nous laisseront la parole, + Et nous ne dirons pas merci pour cela: + La parole est parmi nous + Avec son esprit et ses dons. + Qu'ils nous prennent notre corps, + Nos biens, l'honneur, nos enfans. + Laissez-les faire, + Ils ne gagneront rien à cela; + A nous restera l'empire. + + + [a60] Page 117, ligne 25.—_Peinture..._ + +«Le docteur parla un jour de l'habileté et du talent des peintres +italiens. «Ils savent imiter la nature si parfaitement, dit-il, +qu'indépendamment de la couleur et de la forme convenables, ils +expriment encore les gestes et les sentimens de manière à faire croire +que leurs tableaux sont choses vivantes.—La Flandre suit la trace de +l'Italie. Ceux des Pays-Bas, et surtout les Flamands ont l'esprit +éveillé, ils ont aussi de la facilité pour apprendre les langues +étrangères. C'est un proverbe que si l'on portait un Flamand dans un +sac à travers l'Italie ou la France, il n'en apprendrait pas moins la +langue du pays.» (Tischreden, p. 424 verso.) + + + [a61] Page 122, ligne 3.—_Banque..._ + +Il dit dans son traité _de Usuris_: «J'appelle usuriers ceux qui +prêtent à cinq et six pour cent. L'Écriture défend le prêt à intérêt; +on doit prêter de l'argent comme on prête un vase à son voisin. Les +lois civiles même défendent l'usure. Ce n'est pas faire acte de charité +que d'échanger une chose avec quelqu'un en gagnant sur l'échange; c'est +voler. Un usurier est un voleur digne de la potence. Aujourd'hui, à +Leipsig, celui qui prête cent florins en reçoit au bout d'une seule +année quarante pour l'intérêt de son argent.—On ne doit pas observer +les promesses faites aux usuriers; ils ne peuvent être admis aux +sacremens ni ensevelis en terre sainte.—Voici le dernier conseil que +j'aie à donner aux usuriers; ils veulent de l'argent, de l'or; eh bien! +qu'ils s'adressent à quelqu'un qui ne leur donnera pas dix ou vingt +pour cent, mais cent pour dix. Celui-là a de quoi satisfaire à leur +avidité; ses trésors sont inépuisables; il peut donner sans s'appauvrir +(Oper. lat. Luth. Witt. t. VII, p. 419-37.) + +Le docteur Henning proposait cette question à Luther: «Si j'avais +amassé de l'argent, que je ne voulusse pas en disposer, et qu'un homme +vînt me prier de le lui prêter; pourrais-je en bonne conscience lui +répondre: Je n'ai point d'argent?—Oui, dit Luther, on peut le faire +en conscience. C'est comme si on disait: Je n'ai point d'argent dont +je veuille disposer... Christ, en ordonnant de donner, ne dit pas de +donner à tous les prodigues et dissipateurs... Dans cette ville, il +n'y a personne de plus nécessiteux que les étudians. La pauvreté y est +grande à la vérité, mais la paresse encore plus... Je ne veux point +ôter le pain de la bouche à ma femme et à mes enfans pour donner à ceux +à qui rien ne profite (Tischred. p. 64). + + + [a62] Page 122, à la fin du chapitre IV. + +On peut attacher à la fin de ce chapitre diverses paroles de Luther sur +les papes, les rois, les princes. + +«Il n'y a jamais eu de plus rusé trompeur sur la terre que le pape +Clément (Clément VII)[r185]. C'est qu'il était de Florence, etc.» + + [r185] Tischreden, 243. + +«Le pape Jules, deuxième du nom, était un homme excellent pour le +gouvernement et la guerre[r186]..... Lorsqu'il apprit que son armée +avait été battue à Ravenne, il blasphéma Dieu dans le ciel; il lui +disait: Au nom de mille diables, es-tu donc devenu si bon Français? +est-ce ainsi que tu protéges ton Église? Il tourna les yeux vers la +terre, et dit: Saints Suisses, priez pour nous! Et il envoya aussitôt +le cardinal de Saltzbourg, Mathieu Lang, pour traiter avec l'empereur +Maximilien.» + + [r186] _Ibid._ 242. + +«Si j'avais été de ce temps-là, on m'aurait fait venir à Paris avec +grand honneur, mais j'étais encore trop jeune et Dieu ne le voulait +point, de crainte que l'on ne pensât que c'était la puissance du roi de +France, etc.»[r187] + + [r187] _Ibid._ 243. + +«Le pape Jules II, un homme plein d'audace et d'habileté, un +vrai diable incarné, avait définitivement résolu de réformer les +Franciscains[r188]. Mais ils recoururent aux rois et aux princes, les +firent agir et envoyèrent au pape quatre-vingt mille couronnes. Le pape +dit: Comment résister à des gens si bien cuirassés?» + + [r188] _Ibid._ 269. + +«L'an 1532, l'astrologue Gauric raconta au margrave de Brandebourg, +Joachim, que, comme on faisait à Clément VII le reproche d'être bâtard, +il répondit: Et Jésus-Christ? Dès-lors le Margrave devint favorable à +Luther.»[r189] + + [r189] _Ibid._ 341. + +«Lorsque ceux de Bruges tenaient prisonnier l'empereur Maximilien, et +voulaient lui couper la tête, ils écrivirent au sénat de Venise pour +demander conseil[r190]. Les Vénitiens répondirent: _Homo mortuus +non facit guerram_... Les Vénitiens firent faire une farce contre +Maximilien. Le doge paraissait d'abord, puis venait le Français +qui avait une poche au côté; il y prenait des couronnes (pièces de +monnaie), et les couronnes débordaient la poche. Derrière venait +l'Empereur, peint en habit gris, avec un petit cor de chasse. Il avait +aussi une poche, mais quand il y mettait la main, les doigts passaient +à travers.—Les Florentins en firent autant. Ils représentèrent le +Français assis sur un siége percé, et.... de l'argent. L'empereur +Maximilien ramassait. Mais ils ont eu depuis une bonne leçon. Le +petit-fils de l'empereur Maximilien, l'empereur Charles, leur a bien +appris à vivre. Dieu applique volontiers aux orgueilleux le verset que +l'on chante au Magnificat: _Deposuit patentes de sede_.» + + [r190] _Ibid._ 448. + +«L'empereur Maximilien disait[r191]: Si on mettait du sang des +princes d'Autriche et de Bavière bouillir ensemble dans un pot, on le +verrait en même temps sauter dehors.» + + [r191] _Ibid._ 343. + +«On dit que l'empereur Maximilien partit un jour d'un éclat de rire; +il en avoua la cause le lendemain[r192]. Je riais, dit-il, de voir +que Dieu a confié le gouvernement spirituel à un ivrogne de prêtre, +comme le pape Jules, et le gouvernement temporel à un chasseur de +chamois, comme je suis.» + + [r192] _Ibid._ 184, verso. + +«Dans le château de Prague l'on voit toute la suite des _portraits des +rois_. Ferdinand est le dernier, et il n'y a plus de place. Il en est +de même dans la salle ronde du château de Wittemberg. Cela ne signifie +rien de bon. + +L'empereur Maximilien disait: «L'Empereur est bien le roi des rois, car +les princes de l'Empire font tout ce qu'ils veulent; le roi de France +est celui des ânes, les siens exécutent tout ce qu'il commande; le +roi d'Angleterre est le roi des hommes, car ils lui obéissent et ils +l'aiment.» + +«Maximilien demandait à un de ses secrétaires comment il fallait +traiter un serviteur qui le volait; et comme l'autre répondait qu'il +était juste de le pendre: Nous n'en ferons rien, dit l'Empereur en lui +frappant sur l'épaule, nous avons encore besoin de vos services.» + +«Après l'élection de l'empereur Charles, l'électeur de Saxe demanda au +seigneur Fabian de Feilitzsch, son conseiller, s'il lui plaisait qu'on +eût élu empereur le roi d'Espagne[r193]. Cet homme sage répondit: «Il +est bon que les corbeaux aient un vautour.» + + [r193] _Ibid._ 53. + +On lisait dans un vieux livre cette prophétie: «L'empereur Charles +soumettra toute l'Europe, réformera l'Église; sous lui, les ordres +mendians et les sectes seront anéantis.» + +«La nouvelle vint qu'Antonio de Leyva et André Doria avaient conseillé +à l'Empereur d'aller en personne contre le Turc et de ne point emmener +son frère; car, disaient-ils, il n'a point de bonheur[r194]. En +effet, Ferdinand est trop fin et trop réfléchi; il n'agit que par +conseil et délibération, jamais par impulsion divine.»—L'Empereur +devient malheureux; il ne sait pas profiter de l'occasion; il perd +aujourd'hui Milan. + + [r194] _Ibid._ 349. + +«Le roi de France aime les femmes[r195]... Au contraire, l'Empereur +passant par la France en 1544, trouva après un grand festin une belle +et noble vierge dans son lit, que le roi de France y avait fait +conduire. L'Empereur la renvoya honorablement chez ses parens. + + [r195] _Ibid._ 349, verso. + +»L'Empereur n'a appelé à son couronnement que des princes et seigneurs +italiens et espagnols, qui ont porté devant lui les drapeaux et les +armes des électeurs. J'avais touché cela dans un petit livre, mais +l'Électeur en a fait acheter tous les exemplaires. + +»Le roi de France dépense autant d'argent en trahison que pour ses +armées. Aussi, dans sa guerre contre le pape Jules et Venise, il a +dissipé vingt mille hommes avec quatre mille. + +»Tant que le Français a eu des hommes de guerre allemands, il a obtenu +la victoire. Ce sont en effet les meilleurs; ils se contentent de leur +solde et protégent le peuple. Aussi Antonio de Leyva conseilla, en +mourant, à l'Empereur de s'attacher ses soldats allemands; que s'il les +perdait, ce serait fait de lui; car ils tenaient tous ensemble comme un +seul homme.» + +Après la défaite de François Ier à Pavie, Luther écrivait: «Que le roi +de France soit de chair ou autre chose, je ne me réjouis pas de le voir +vaincu et pris. Vaincu, cela se peut souffrir, mais captif, c'est une +monstruosité... Peut-être l'heure du royaume de France est-elle venue, +comme cet autre le disait de Troie: _Venit summa dies et ineluctabile +fatum....._ Ce sont, à ce qu'il me semble, des signes qui annoncent +le dernier jour du monde. Ces signes sont plus graves qu'on ne serait +tenté de le croire... Il n'y a qu'une chose qui me fait plaisir, +c'est de voir frustrés les efforts de l'Anti-Christ, qui commençait à +s'appuyer sur le roi de France.» (mars 1525.) + +(Février 1537). «Le roi de France est persuadé que chez nous autres +luthériens, il n'y a plus ni mariage, ni autorité, ni église, ni rien +de tout ce qu'on regarde comme sacré. Son envoyé, le docteur Gervais, +nous l'a assuré positivement. Mais d'où vient cela? certainement de ce +qu'on ne laisse pénétrer en ce pays, non plus qu'en Italie, aucun écrit +des nôtres, et que le scélérat de Mayence, ainsi que ses pareils, y +envoient toutes les calomnies qui se débitent contre nous.» + +«Nous avons ici un Français, François Lambert, qui était il y a deux +ans prédicateur apostolique, comme on les appelle parmi les mineurs, et +qui vient de prendre pour femme une des nôtres: il espère mieux vivre +dans le voisinage de la France (à Strasbourg)... Il gagnera sa vie à +traduire en français mes ouvrages allemands.» (4 décembre 1523.) + +«Les rois de France et d'Angleterre sont luthériens pour prendre, point +pour donner. Ils ne cherchent point l'intérêt de Dieu, mais le leur. + +»Sept universités ont approuvé le divorce du roi d'Angleterre; mais +nous autres de Wittemberg et ceux de Louvain, nous avons soutenu le +contraire, eu égard aux circonstances particulières, à la longue +cohabitation, à l'existence d'une fille, etc.[r196] + + [r196] _Ibid._ 348. + +»Quelques-uns qui avaient reçu des écrits d'Angleterre annoncèrent +comment le roi s'était séparé de l'Évangile[r197]. Je suis charmé, +dit Luther, que nous soyons quitte de ce blasphémateur. J'ai seulement +regret de voir que Mélanchton ait adressé ses plus belles préfaces aux +plus méchantes gens. + + [r197] _Ibid._ 348, verso. + +»Le duc George de Saxe disait qu'il ne forcerait personne à communier +sous une espèce, mais que ceux qui voulaient le faire autrement, +devaient sortir du pays[r198]. + + [r198] _Ibid._ 265. + +»Lorsque le duc George déclara au duc Henri de Saxe, son frère, qu'il +ne lui laisserait ses états qu'à condition d'abandonner l'Évangile, il +répondit: «Par la vierge Marie (c'était le mot ordinaire de sa Grâce), +avant que je consente à renier mon Christ, j'irai avec ma Catherine, +un petit bâton à la main, mendier par le pays[r199].» Je voudrais +que l'Empereur fît pape le duc George; les évêques supporteraient sa +réforme encore moins que la mienne. Il réduirait l'évêque de Mayence à +quatorze chevaux, etc. + + [r199] _Ibid._ + +»Le duc George a sucé le sang bohémien avec le lait de sa mère, fille +du roi de Bohême, Casimir[r200]. Il aurait fini par s'arranger avec +l'électeur Frédéric pour frapper les évêques, les abbés, etc. Il est +de sa nature ennemi du clergé. Mais les lettres et les flatteries +de l'Empereur, du pape, des rois d'Angleterre et de France, l'ont +tellement enflé, que, etc... + + [r200] _Ibid._ 313, verso. + +»Lorsque le duc George voyait son fils Jean à l'agonie, il le consolait +en lui rappelant l'article de la justification par la foi en Christ, +et l'exhortait à ne regarder que le Sauveur, sans se reposer sur ses +œuvres ni sur l'invocation des saints[r201]. Alors, l'épouse du duc +Jean, sœur du landgrave Philippe de Hesse, dit au duc George: «Cher +seigneur et père, pourquoi ne laisse-t-on pas prêcher publiquement +cette doctrine dans le pays?»—«Ma chère fille, répondit-il, on la +doit enseigner seulement aux mourans, mais point aux gens en santé.» +(1537.)—Ce duc Jean avait été obligé par son père de jurer une haine +éternelle à la doctrine luthérienne, et il l'avait fait connaître au +docteur Luther par le vieux peintre Lucas Cranach.» + + [r201] _Ibid._ 142, verso. + +Leipsig était la capitale et la résidence du duc George. Aussi les +protestans, surveillés de près par le duc, n'y pouvaient faire de +nombreux prosélytes, et Luther en marque souvent son dépit par sa +colère contre cette ville. + +«Je hais, dit-il, ceux de Leipsig comme je ne hais rien sous le soleil, +tant il y a là d'orgueil, d'arrogance, de rapacité et d'usure. (15 mai +1540.) + +»Je hais cette Sodome (Leipsig), sentine des usures et de tous les +maux. Je n'y entrerais qu'autant qu'il le faut pour arracher Loth.» (26 +octobre 1539.) + +»L'électorat de Saxe est pauvre et rapporte peu. Si l'Électeur n'avait +pas la Misnie, il ne pourrait entretenir quarante chevaux; mais il +a des tributs de princes et seigneurs, des droits de sauf-conduit, +des douanes, des rentes, etc... Sa Grâce électorale a cédé, pour de +l'argent, les régales, entre autres le droit de grâce. + +»L'électeur Frédéric était économe[r202]. Il savait bien remplir ses +caves et ses greniers de grains et d'autres denrées. On compte neuf +châteaux qu'il a fait bâtir, et cependant il lui restait toujours assez +d'argent; c'est qu'il suivait le bon conseil que son fou lui avait +donné. Un jour, qu'il se plaignait de manquer d'argent, le fou lui dit: +Fais-toi percepteur. Il exigeait des comptes sévères de ses serviteurs. +Quand il venait dans un de ses châteaux, il mangeait, buvait, se +faisait donner du fourrage comme un hôte ordinaire, et payait tout +comptant. Par là il ôtait à ses gens l'occasion de s'excuser, en +disant: On a tant consommé de choses, quand le prince est venu! + + [r202] _Ibid._ 451, verso. + +»L'électeur Frédéric-le-Sage disait à Worms, en 1521: «Je ne trouve +point d'église romaine dans ma croyance; mais une commune église +chrétienne, je l'y trouve.» + +«Ce même prince avait, dit Mélanchton, près de Wittemberg un cerf +apprivoisé, qui, pendant bien des années, allait, au mois de septembre, +dans la forêt voisine, et revenait exactement en octobre. Lorsque +l'Électeur fut mort, le cerf partit et l'on ne le revit plus. + +»En 1525, l'électeur Jean de Saxe me demanda s'il devait accorder aux +paysans leurs douze articles[r203]. Je le détournai entièrement d'en +approuver un seul. + + [r203] _Ibid._ 152. + +»Le duc Jean disait en 1525, en apprenant la révolte des paysans: «Si +le Seigneur veut que je reste prince, que sa volonté soit faite, mais +je puis aussi être un autre homme.» + +Luther blâme la patience de ce prince, qui avait appris des moines, ses +confesseurs, à supporter la désobéissance de ses gens. + +Il disait à Luther: «Mon fils, le duc Ernest, m'a écrit une lettre +latine pour me demander à courir un cerf. Je veux qu'il étudie; il sera +toujours à même d'apprendre à laisser pendre deux jambes sur un cheval.» + +«Le même prince avait toujours pour sa garde six nobles jeunes garçons, +qui restaient dans sa chambre et qui lui lisaient la Bible six heures +par jour. Sa Grâce électorale s'endormait quelquefois, mais il n'en +citait pas moins à son réveil quelques belles paroles qu'il avait +remarquées et retenues.—Pendant la prédication il tenait près de lui +des écrivains, et lui-même de sa propre main recueillait les paroles +de la bouche du prédicateur. + +»Lorsque Ferdinand fut élu roi des Romains à Cologne, le jeune duc +Jean-Frédéric y fut envoyé pour protester de la part de son seigneur et +père. Dès qu'il eut exécuté ses ordres, il repartit au grand galop, et +comme il avait à peine passé la porte, on envoya des gens pour courir +après lui et le prendre. (1531.) + +»On dit que l'Empereur a fait entendre, après avoir lu notre +_Confession et apologie_, qu'il voulait que l'on enseignât et que l'on +prêchât dans le même sens par tout le monde[r204]. Le duc George +aurait dit aussi qu'il savait très bien qu'il y avait beaucoup d'abus +à réformer dans l'Église, mais qu'il ne voulait pas de cette réforme, +quand elle venait d'un moine défroqué. + + [r204] _Ibid._ 353. + +»La dernière fois que l'électeur Jean alla à la chasse, tout le gibier +lui échappait. Les bêtes ne voulaient plus le reconnaître pour maître, +c'était un présage de sa mort. (1532.) + +»Le duc Jean-Frédéric, qui a été si bien pillé et dépouillé par ceux de +la noblesse, a appris à ses dépens à les connaître. + +»L'électeur Jean-Frédéric est naturellement colère, mais il sait à +merveille dompter son courroux.—Il aime à bâtir et à boire; il est +vrai qu'un si grand corps doit tenir plus qu'un petit.—Il donne par +an mille florins pour l'université; pour le pasteur, deux cents, avec +soixante boisseaux de froment; de plus soixante florins à cause des +leçons publiques.» Il envoya une fois cinq cents florins à Luther sur +les fonds d'une abbaye pour marier quelque pauvre religieuse. + +»Quoique le docteur Jonas l'y engageât, Luther refusa de demander +à l'Électeur une nouvelle visitation des églises[r205]. «Il a +soixante-dix conseillers qui crient à le rendre sourd. Ils lui disent: +Quel bon conseil peut donner le scribe? contentons-nous de prier Dieu +qu'il dirige le cœur du prince.» + + [r205] _Ibid._ 354. + +_Du landgrave Philippe de Hesse._—«Le Landgrave est un pieux, +intelligent et joyeux seigneur; il maintient une bonne paix dans +sa terre, qui n'est que pierres et forêts; de sorte que les gens y +peuvent voyager et commercer sans crainte... Le Landgrave est un +guerrier, un Arminius, petit de sa personne, mais, etc. Il consulte +et suit aisément les bons conseils; la résolution une fois prise, il +exécute promptement.—L'Empereur lui a offert, pour lui faire quitter +l'Évangile, la possession paisible du comté de Katzenellenbogen, et +le duc George l'aurait fait à ce prix son héritier... Il a une tête +hessoise; il ne peut se reposer, il faut qu'il ait quelque chose à +faire... C'était une grande audace de vouloir, en 1528, envahir les +possessions des évêques; et ç'a été un acte plus grand d'avoir rétabli +le duc de Wurtemberg et chassé le roi Ferdinand de ce pays. Moi et +Mélanchton, nous fûmes appelés à cette occasion à Weimar, et nous +employâmes toute notre rhétorique à empêcher sa Grâce de rompre la paix +de l'Empire... Il en devint tout rouge et s'emporta. Cependant c'est +une âme tout-à-fait loyale. + +»Dans le colloque de Marbourg, en 1529, sa Grâce vint avec un petit +habit, de sorte que personne ne l'aurait reconnu pour le Landgrave; et +cependant, il était occupé de grandes pensées. Il consulta Mélanchton, +et lui dit: «Cher maître Philippe, dois-je souffrir que l'évêque de +Mayence me chasse par violence mes prédicateurs évangéliques?» Philippe +répondit: «Si la juridiction du lieu appartient à l'évêque de Mayence, +votre Grâce ne peut l'empêcher.» Permis à vous de conseiller, répondit +le Landgrave, mais je n'agirai pas moins.» + +»A la diète d'Augsbourg, en 1530, le landgrave dit publiquement aux +évêques: «Faites la paix, nous vous le demandons. Si vous ne la faites +point et qu'il me faille descendre de mes montagnes, j'en saisirai au +moins un ou deux.» + +»Dieu a jeté le Landgrave au milieu de l'Empire. Il a autour de lui +quatre électeurs et le duc de Brunswick; et il les fait tous trembler. +C'est que le commun peuple lui est attaché. Avant de rétablir le duc +de Wurtemberg, il était allé en France, et le roi de France lui avait +prêté beaucoup d'argent pour la guerre. + +»Si le Landgrave s'enflamme une fois...! C'est ce qui nous est arrivé, +à moi et à maître Philippe, lorsque nous le détournions humblement et +faiblement de la guerre; «Qu'arrivera-t-il si je souffre vos conseils +et si je n'agis point?»—C'est un miracle de Dieu. Le Landgrave est +un prince peu puissant, cependant on le redoute; c'est un héros. Il +a renvoyé les évêques au chœur... Les Saxons et ceux de la Hesse, +lorsqu'ils sont en selle, sont de vrais cavaliers. Les cavaliers des +hautes terres (du midi de l'Allemagne) ne sont que des danseurs. Dieu +nous conserve le Landgrave..... Dieu nous préserve de la guerre! les +gens de guerre sont des diables incarnés. Je ne parle pas seulement des +Espagnols, mais aussi des Allemands. + +»Après la diète de Francfort, en 1539, environ neuf mille soldats +d'élite furent rassemblés autour de Brême et de Lunebourg pour être +employés contre les états protestans[r206]. Mais l'électeur de Saxe +et le landgrave de Hesse leur firent parler par le chevalier Bernard +de Mila, leur donnèrent de l'argent comptant et les attirèrent à eux. +Ensuite mourut subitement le duc George, etc.» + + [r206] _Ibid._ 156. + +«Le _landgrave de Hesse_ et de Thuringe, Louis-le-Fameux, était un +seigneur dur et colérique. Il était tenu prisonnier par l'évêque de +Hall, il sauta par une fenêtre du haut du château et du rocher dans +la Sals, nagea, s'aida d'un tronc d'arbre et échappa. Il sévissait +toujours cruellement contre ses sujets. Sa femme s'avisa de lui servir +de la viande un vendredi saint, et comme il n'en voulait pas manger; +elle lui dit: «Cher seigneur, vous craignez ce péché, lorsque vous en +faites tous les jours de plus grands et de plus horribles.» Mais elle +fut obligée de s'enfuir et de quitter ses enfans. Au moment de son +départ, à minuit, elle baisa son enfant qui était encore au berceau, +le bénit, et, dans un transport d'amour maternel, elle le mordit à la +joue[8]. Accompagnée d'une jeune fille, elle descendit par une corde +du château de Wartbourg, tout le long du précipice. Son maître-d'hôtel +l'attendait avec un chariot, et la conduisit secrètement à +Francfort-sur-le-Mein.—Quand ce landgrave mourut, on l'affubla d'un +habit de moine, ce qui faisait beaucoup rire tous ses chevaliers. + + [8] Luther appelle _Louis_ ce landgrave, qui s'appelait + effectivement _Albert-le-Dénaturé_, et vivait en 1288. Sa + femme, Marguerite était fille de l'empereur Frédéric II; son + fils est Frédéric I, dit le _Mordu_. + +«En Italie, les hôpitaux sont bien pourvus, bien bâtis[r207]. On +y donne une bonne nourriture; il y a des serviteurs attentifs et de +savans médecins. Les lits et les habits sont très propres; l'intérieur +des bâtimens orné de belles peintures. Aussitôt qu'un malade y est +amené, on lui ôte ses habits en présence d'un notaire qui en dresse une +note et une description exacte pour qu'ils lui soient bien gardés. On +le revêt d'un sarreau blanc, on le met dans un lit bien fait et dans +des draps blancs; on ne tarde pas à lui amener deux médecins, et les +serviteurs viennent lui apporter à manger et à boire dans des verres +bien propres, qu'ils touchent du bout du doigt. Il vient aussi des +dames et matrones honorables qui se voilent pendant quelques jours pour +servir les pauvres, de sorte qu'on ne sait point qui elles sont, et +elles retournent ensuite chez elles.—J'ai vu aussi à Florence que les +hôpitaux étaient servis avec tous ces soins; de même les maisons des +enfans-trouvés, où les petits enfans sont nourris au mieux, élevés, +enseignés et instruits. Ils les ornent tous d'un costume uniforme, et +en prennent le plus grand soin. + + [r207] _Ibid._ 145. + +»Je ne manque point de drap, mais je ne puis me décider à me faire +faire des culottes[r208]. Les miennes ont été raccommodées quatre +fois, et le seront encore. Les tailleurs ne font rien de bon et +prennent trop cher. Cela va bien mieux en Italie; les tailleurs ont une +corporation particulière qui ne fait que des culottes. + + [r208] _Ibid._ 424. + +»En Espagne, pour les couches de l'impératrice, trente hommes se sont +fouettés jusqu'au sang, afin de lui obtenir un heureux enfantement, +deux même en sont morts, et cependant la mère ni le fœtus n'ont pu +être délivrés. Qu'a-t-on fait de plus chez les païens? (14 août 1539.) + +»En Italie et en France, les curés sont généralement des ânes[r209]. +Si on leur demande: _Quot sunt sacramenta?_ ils répondent: +_Tres_.—_Quæ?_ Réponse: Le goupillon, l'encensoir et la croix. + + [r209] _Ibid._ 281, verso. + +»En France, il y a eu tant de superstition, que les serfs et serviteurs +voulaient pour la plupart se faire moines[r210]. Il fallut que le roi +défendît la moinerie. La France est abîmée dans la superstition. Les +Italiens de même sont ou superstitieux ou épicuriens. C'est un propos +commun en Italie, quand ils vont à l'église de dire: Allons au préjugé +populaire. + + [r210] _Ibid._ 271, verso. + +»Lorsque je vis Rome, je tombai à genoux, levai les mains au ciel et +dis[r211]: Salut, sainte Rome, sanctifiée par les saints martyrs et +par leur sang qui y a été versé...; mais elle est maintenant déchirée, +_und der teufel hat den papst, seinen dreck, darauss geschissen_.—Cent +ans avant Jésus-Christ, Rome avait quatre millions de citoyens; peu +après, neuf millions; certes, cela devait faire un peuple, si toutefois +la chose est vraie.—A Venise, trois cent mille feux; à Erfurt, +dix-huit mille murs à feu (murs mitoyens); à Nuremberg, à peine la +moitié.—Rome n'est plus qu'une charogne et un tas de cendres..... Les +maisons sont aujourd'hui où étaient les toits de l'ancienne Rome; telle +est l'épaisseur des décombres, qu'il y en a la hauteur de deux lances +de landsknecht[9]. Rien n'y est à louer que le consistoire et la cour +de Rote, où les affaires sont instruites et jugées avec beaucoup de +justice. + + [r211] _Ibid._ 442. + + [9] Voyez le _Voyage de Montaigne_. + +Le docteur Staupitz avait entendu dire à Rome, en 1511, que d'après +une vieille prophétie, un ermite s'élèverait sous le pape Léon X, et +attaquerait la papauté; or, les augustins s'appellent aussi ermites. + +»Je ne voudrais pas, pour cent mille florins, ne pas avoir vu Rome; +je me serais toujours inquiété si je ne faisais pas injustice au +pape.»—Il répète trois fois ces paroles. + +«Il y avait en Italie un ordre particulier, qui s'appelait _les Frères +de l'ignorance_[r212]. Ils devaient jurer de ne rien savoir et de ne +vouloir rien apprendre. Tous les moines méritent le même nom.» + + [r212] _Ibid._ 269, verso. + +Un soir, à la table de Luther, il se trouvait un vieux prêtre qui +racontait beaucoup de choses de Rome[r213]. Il y était allé quatre +fois et y avait officié pendant deux ans. Quand on lui demanda +pourquoi il y était allé si souvent, il répondit: «La première fois +j'y cherchais un filou, la seconde je le trouvais, la troisième je +l'emportais avec moi, et la quatrième je l'y rapportais et le plaçais +derrière l'autel de Saint-Pierre.» + + [r213] _Ibid._ 442, verso. + +«Christoff Gross, qui avait été long-temps à Rome, trabant du pape, +parla beaucoup des pays par où l'on va vers la Terre-Sainte, de +l'Aragon et de la Biscaye[r214]. Ils ont pour signe du baptême une +petite cicatrice au nez, juste sous les yeux.» + + [r214] _Ibid._ 441, verso. + +«Les Écossais sont la nation la plus fière; beaucoup se sont réfugiés +en Allemagne, à Erfurth et à Wurtzbourg; ils n'admettent personne +comme moine dans leurs couvens. Les Écossais sont méprisés des autres +nations, comme les Samaritains par les Juifs.» + +«Les Anglais ont été chassés de France après leur défaite à Montlhéri, +entre Paris et Orléans[10].—Ils ne laissent personne à Calais, à moins +qu'il ne parle anglais dans tant d'heures.» + + [10] Il est inutile de relever les erreurs grossières dont + fourmille ce chapitre. + +«La peste règne toujours en Angleterre[r215].—L'Angleterre est un +morceau de l'Allemagne.—Les langues danoise et anglaise sont du saxon, +c'est-à-dire du véritable allemand, tandis que la langue de l'Allemagne +supérieure n'est point la vraie langue allemande.—La Souabe et la +Bavière sont hospitalières; au contraire la Saxe.—Luther préfère le +dialecte de la Hesse à tous les autres de l'Allemagne, parce que les +Hessois accentuent les mots comme s'ils chantaient.» + + [r215] _Ibid._ 440, verso. + + +_Diversité des langues._—«Supériorité de l'allemande: elle fait sentir +que les Allemands sont gens plus simples et plus vrais. Au contraire, +c'est un proverbe: les Français écrivent autrement qu'ils ne parlent, +et parlent autrement qu'ils ne pensent.—L'allemand se rapporte au +grec. Le latin est sec, il n'a pas de lettres doubles.—Finesse des +Saxons et bas Allemands; ils sont pires que les Italiens, quand ils +adoptent les idées de l'Italie.—Les habitations et l'aspect des +pays changent ordinairement dans l'espace d'un siècle. Il y a peu +d'années que la Hesse, la Franconie, la Westphalie, n'étaient qu'un +désert. Au contraire, autour de Halle, d'Halberstadt, et chez nous, +on fait jusqu'à trois milles sans trouver rien que bruyères, tandis +qu'autrefois il y avait des terres cultivées. Dieu aura ôté la +fertilité au pays, pour punir les habitans.» + +«Nous sommes de bons compagnons, nous autres Allemands, nous buvons, +nous mangeons, nous cassons nos vitres, nous perdons en une soirée +cent, mille florins ou plus, et nous oublions _le Turc_ qui, en trente +jours, peut être avec sa cavalerie légère à Wittemberg.» + + +«En France, chacun a son verre à table.—Les Français se préservent de +l'air; s'ils suent, ils se couvrent, s'approchent du feu, se mettent +au lit; sans cela ils auraient la fièvre. Deux personnes dansent à la +fois, les autres regardent; au contraire en Allemagne.—Les prêtres +d'Italie et de France ne savent pas même leur langue.» + + +«Dans mon voyage sur le Rhin, je voulus dire la messe, mais un +prêtre me dit[r216]: «Vous ne le pouvez: nous suivons ici le rit +ambroisien.» + + [r216] _Ibid._ 166. + +»George Fœgeler, chancelier du margrave, disait que dans la Bavière +il y avait plus de cent vingt-cinq cures vacantes, parce qu'on ne +pouvait trouver aucun ecclésiastique[r217]. + + [r217] _Ibid._ 184. + +»Dans la Bohême, il y a environ trois cents cures vacantes, de même +chez le duc George. + +»La Thuringe avait autrefois un sol très fertile en grain, +surtout autour d'Erfurt; mais maintenant elle est frappée de +malédiction[r218]. Le blé y est plus cher qu'à Wittemberg. C'est ce +que j'ai vu, il y a un an, lorsque j'étais à Smalkald; ils n'avaient +qu'un mauvais pain noir... Ils ont de telles vendanges qu'on pourrait +donner la pinte pour trois liards; si elles étaient moitié moins +bonnes, ils seraient très riches; mais maintenant ils donnent le vin +pour le tonneau. + + [r218] _Ibid._ 62. + +»L'électorat de Saxe a eu douze couvens de moines déchaux, mineurs, +cinq de prêcheurs, moines de saint Paul et carmélites, et quatre +d'augustins[r219]. Voilà seulement pour les moines mendians qui, +aujourd'hui se dissipent d'eux-mêmes.—Alors, un Anglais qui se +trouvait à table chez le docteur, se mit à dire qu'en Angleterre, +il n'y avait guère de milles carrés d'Allemagne, où l'on ne trouvât +trente-deux cloîtres de moines mendians. + + [r219] _Ibid._ 269. + +»Le vieil électeur de Brandebourg, Joachim, disait une fois au duc de +Saxe Frédéric[r220]: Comment pouvez-vous, vous autres princes de +Saxe, frapper de la monnaie si forte? Nous y avons gagné trois tonnes +d'or (en renvoyant une monnaie inférieure dans la Saxe). + + [r220] _Ibid._ 61, verso. + +La princesse de A. (Anhalt), venant à Wittemberg, se rendit chez +Luther, et insista vivement pour discuter avec lui, quoiqu'il fût +malade et que ce fût à une heure indue. Il s'excusa en lui disant: +«Noble dame, je suis rarement bien portant dans toute l'année; je +souffre presque toujours ou du corps ou de l'esprit.» Elle lui +répondit: «Je le sais, mais nous, nous ne pouvons pas non plus vivre +tous dans la piété.» Le docteur lui dit alors: «Vous autres de la +noblesse, cependant, vous devriez tous être pieux et irréprochables, +car vous êtes peu, vous formez un cercle étroit. Nous, gens du +commun et des basses classes, nous nous corrompons par la multitude; +nous sommes en grand nombre, il n'est donc pas étonnant qu'il y +ait si peu de gens pieux parmi nous. C'est chez vous, personnes +nobles et illustres, que nous devrions trouver des exemples de +piété, d'honnêteté, etc.» Et il continua de lui parler sur ce ton. +(Tischreden, p. 341, verso.) + +Luther avait dans sa maison et à sa table un Hongrois, nommé Mathias +de Vai. De retour en Hongrie, il y prêcha, et fut accusé par un +prédicateur papiste devant le moine George, frère du Vayvode, alors +gouverneur et régent à Bude. Le moine George fit apporter deux tonneaux +de poudre sur le marché, et dit: «Si l'un de vous deux prêche la bonne +doctrine, asseyez-vous dessus, j'y mettrai le feu; nous verrons lequel +des deux restera vivant.» Le papiste refusa, Mathias s'élança sur un +des tonneaux. Le papiste et les siens furent condamnés à payer quatre +cents florins de Hongrie, et à entretenir pendant un certain temps deux +cents hommes d'armes. Mathias eut la permission de prêcher l'Évangile. +(Tischr., p. 13.) + +Un seigneur hongrois, nommé Jean Huniade, se trouvant à Torgau, comme +ambassadeur du roi Ferdinand auprès de l'électeur Jean-Frédéric, pria +celui-ci de faire venir Luther pour qu'il pût le voir et lui parler. +Luther y vint; à table, l'ambassadeur dit qu'en Hongrie les prêtres +donnaient la communion tantôt sous une, tantôt sous deux espèces, +et qu'ils prétendaient que la chose était indifférente. «Révérend +père, ajouta-t-il, en s'adressant à Luther, me permettez-vous de vous +demander ce que vous pensez de ces prêtres?» Le docteur répondit +qu'il les regardait comme de méprisables hypocrites, «Car, dit-il, +s'ils étaient bien convaincus que la communion sous deux espèces est +d'institution divine, ils ne pourraient continuer de la donner sous une +seule.» + +Luther cacha le dépit que la question de l'ambassadeur lui avait causé, +et quelque temps après, il se tourna vers lui, en disant: «Seigneur, +j'ai répondu à ce que votre Grâce me demandait. Me permettra-t-elle de +lui faire une question à mon tour?» L'ambassadeur le lui permettant, +il continua: «Je suis étonné que vos pareils, les conseillers des rois +et des princes, qui savent bien que la doctrine de l'Évangile est la +véritable, ne laissent pas de la persécuter de toutes leurs forces. Me +pourriez-vous dire d'où cela vient?» A ces mots, André Pflug, l'un des +convives, voyant l'embarras du seigneur hongrois, interrompit Luther et +parla vivement d'autre chose, de sorte que le seigneur fut dispensé de +répondre. (Tischr., p. 148.) + + +Le chapitre des _Propos de table_ où se trouve réuni tout ce que Luther +a dit sur les Turcs, est fort curieux comme peinture des alarmes +qu'éprouvaient alors toutes les familles chrétiennes. Chaque mouvement +des barbares est marqué par un cri de terreur. C'est la même scène que +celle de Goetz de Berlichingen, où le chevalier ne pouvant agir, se +fait rendre compte par les siens du combat qui a lieu dans la plaine, +et qu'ils contemplent du haut d'une tour; c'est la même anxiété d'un +péril toujours croissant, et qu'on est dans l'impuissance d'éviter ou +de combattre. + +«Le Turc ira à Rome, et je n'en suis pas trop fâché, car il est écrit +dans le prophète Daniel, etc.[r221] Une fois le Turc à Rome, le +Jugement dernier n'est pas loin. + + [r221] _Ibid._ 432. + +»Le Christ a sauvé nos âmes; il faudra qu'il sauve aussi nos corps; car +le Turc va donner un bon coup à l'Allemagne[r222]. Je pense souvent à +tous les maux qui vont suivre, et il m'en vient la sueur... La femme du +docteur s'écria: Dieu nous préserve des Turcs! Non, reprit-il, il faut +bien qu'ils viennent et qu'ils nous secouent comme il faut. + + [r222] _Ibid._ 432. + +»Qui m'eût dit que je verrais en face l'un de l'autre les deux +empereurs, les rois du Midi et du Septentrion[r223]?... Oh! priez, +car nos gens de guerre sont trop présomptueux, ils comptent trop sur +leur force et sur leur nombre. Cela ne peut pas bien finir. Et il +ajoutait: Les chevaux allemands sont plus forts que ceux des Turcs; ils +peuvent les renverser; ceux-ci sont plus légers, mais plus petits. + + [r223] _Ibid._ 436. + +»Je ne compte point sur nos murs, ni sur nos arquebuses, mais sur le +_Pater noster_[r224]. C'est là ce qui battra les Turcs; le décalogue +n'y suffit pas.» + + [r224] _Ibid._ 436, verso. + +Luther dit qu'après avoir depuis long-temps désiré de connaître +l'Alcoran, il en trouva enfin une mauvaise version latine de 1300, +et qu'il la traduisit en allemand, afin de mieux faire connaître +l'imposture de Mahomet[r225]. Dans son «Instruction tirée de +l'Alcoran,» il prouve que ce n'est point Mahomet qui est l'Anti-Christ +(car l'imposture, dit-il, est trop visible en celui-ci), mais plutôt +le pape avec son hypocrisie.—«Il y a trois ans qu'un moine du pays +des Maures vint ici. Nous disputâmes avec lui par l'intermédiaire d'un +interprète, et comme il fut confondu en tous points par la Parole de +Dieu, il dit à la fin: «C'est là une bonne croyance.» + + [r226] _Ibid._ t. II. 402. + +Les juifs, à titre de juifs et d'usuriers, étaient fort mal avec Luther. + +«Nous ne devons pas souffrir les juifs parmi nous. On ne doit ni boire +ni manger avec eux.—Cependant, dit quelqu'un, il est écrit que les +juifs seront convertis avant le Jugement...—Et il est écrit aussi, dit +la femme de Luther, qu'il n'y aura qu'une bergerie et un berger.—Oui, +chère Catherine, dit le docteur. Mais cela s'est déjà accompli, lorsque +les païens ont embrassé l'Évangile.» (Tischr., p. 431.) + +«Si j'étais à la place des seigneurs de **, je ferais venir ensemble +tous les juifs, et je leur demanderais pourquoi ils appellent Christ +un fils de p..., et sainte Marie une coureuse. S'ils parvenaient à le +prouver, je leur donnerais cent florins; sinon je leur arracherais la +langue.» (Tischr., p. 431, verso.) + + + [a63] Page 127, ligne 24.—_Je ne puis nier que je ne sois + violent..._ + +Érasme disait: «Luther est insatiable d'injures et de violences; c'est +comme Oreste furieux.» (Erasm., Epist. non sobria Luther.) + + + [a64] Page 142, ligne 9.—_Le droit impérial ne tient plus qu'à + un fil..._ + +Cependant Luther le préférait encore au droit saxon. + +«Le docteur Luther parlant de la grande barbarie et dureté du droit +saxon, disait que les choses iraient au mieux si le droit impérial +était suivi dans tout l'Empire. Mais l'opinion s'est établie à la cour, +que le changement ne pouvait se faire sans grande confusion et grande +dévastation.» (Tischreden, page 412.) + + + [a65] Page 143, ligne 17.—_Je te le conseille, juriste, laisse + dormir le vieux dogue..._ + +Dans son avant-dernière lettre à Mélanchton (6 février 1546), il dit +en parlant des légistes: «O sycophantes, ô sophistes, ô peste du genre +humain!... Je t'écris en colère, mais je ne sais si, de sang froid, je +pourrais mieux dire.» + + + [a66] Page 143, ligne 24.—_Juristes pieux..._ + +Il souhaite qu'on améliore leur condition. + +«Les docteurs en droit gagnent trop peu et sont obligés de se faire +procureurs. En Italie, on donne à un juriste quatre cents ducats ou +plus par an; en Allemagne, ils n'en ont que cent. On devrait leur +assurer des pensions honorables, ainsi qu'aux bons et pieux pasteurs +et prédicateurs. Faute de cela, ils sont obligés pour nourrir leurs +femmes et leurs enfans, de s'occuper de l'agriculture et des soins +domestiques.» (Tischreden, page 414.) + + + [a67] Page 143.—_Fin du chapitre._ + +Au comte Albrecht de Mansfeld, au sujet d'une affaire de mariage: «Les +paysans, les gens grossiers qui ne recherchent que la liberté de la +chair, les légistes qui décident toujours contre la foi, m'ont rendu +si las, que j'ai rejeté décidément le fardeau des affaires de mariages, +et que j'ai dit à plusieurs de faire, au nom de tous les diables, ce +qu'il leur plaira: _Sinite mortuos sepelire mortuos_. Le monde veut le +pape! qu'il l'ait, s'il n'en peut être autrement. Tous les légistes +tiennent pour lui. Je ne sais vraiment si, moi mort, ils auront le +courage d'adjuger, à mes enfans, le nom de Luther et mes guenilles! Ils +jugent toujours d'après le droit papal. A qui la faute? A vous autres +seigneurs, qui les rendez trop fiers, qui les soutenez dans tout ce qui +leur plaît de décider, qui opprimez les pauvres théologiens, quelque +raison qu'ils puissent avoir...» (5 octobre 1536.) + +«Il faudrait dans un pays deux cents pasteurs contre un juriste. +Nous devrions, en attendant, changer en pasteurs les juristes et les +médecins. Vous verrez que cela viendra.» (Tischreden, page 4, verso.) + + + [a68] Page 151, _fin du chapitre_. + +Discussion confidentielle entre Mélanchton et Luther. (1536.) + +MÉLANCHTON trouve probable l'opinion de saint Augustin, qui soutient +«que nous sommes justifiés par la foi, par la rénovation,» et qui, sous +le mot de rénovation, comprend tous les dons et les vertus que nous +tenons de Dieu[11]. «Quelle est votre opinion? demanda-t-il à Luther. +Tenez-vous, avec saint Augustin, que les hommes sont justifiés par la +rénovation, ou bien par imputation divine?»—LUTHER répond: «Par la +pure miséricorde de Dieu.»—MÉLANCHTON propose de dire que l'homme +est justifié _principaliter_ par la foi, _et minùs principaliter_ +par les œuvres, en sorte que la foi rachète l'imperfection de +celles-ci.—LUTHER. «La miséricorde de Dieu est seule la vraie +justification. La justification par les œuvres n'est qu'extérieure; +elle ne peut nous délivrer ni du péché ni de la mort.»—MÉLANCHTON. Je +vous demande ce qui justifie saint Paul et le rend agréable à Dieu, +après sa régénération par l'eau et l'esprit?—LUTHER. «C'est uniquement +cette régénération même. Il est devenu juste et agréable à Dieu par +la foi, et par la foi il reste tel à jamais.»—MÉLANCHTON. Est-il +justifié par la seule miséricorde, ou bien l'est-il _principalement_ +par la miséricorde, et _moins principalement_ par ses vertus et +ses œuvres?—LUTHER. «Non pas. Ses vertus et ses œuvres ne sont +bonnes et pures que parce qu'elles sont de saint Paul, c'est-à-dire +d'un juste. Une œuvre plaît ou déplaît, est bonne ou mauvaise, à +cause de la personne qui la fait.»—MÉLANCHTON. Mais vous enseignez +vous-même que les bonnes œuvres sont nécessaires, et saint Paul qui +croit, et qui en même temps fait les œuvres, est agréable à Dieu +pour cela. S'il faisait autrement il lui déplairait.—LUTHER. «Les +œuvres sont nécessaires, il est vrai, mais c'est par une nécessité +sans contrainte, et toute autre que celle de la Loi. Il faut que le +soleil luise, c'est une nécessité également; cependant ce n'est pas +par suite d'une loi qu'il luit, mais bien par nature, par une qualité +inhérente et qui ne peut être changée: il est créé pour luire. De même +le juste, après la régénération, fait les œuvres, non pour obéir à +quelque loi ou contrainte, car il ne lui est pas donné de loi, mais +par une nécessité immuable.—Ce que vous dites de saint Paul, qui, +sans les œuvres, ne plairait pas à Dieu, est obscur et inexact, car +il est impossible qu'un croyant, c'est-à-dire un juste, ne fasse ce +qui est bien.»—MÉLANCHTON. Sadolet nous accuse de nous contredire +en enseignant que la foi seule justifie, et en admettant néanmoins +que les bonnes œuvres sont nécessaires.—LUTHER. «C'est que les faux +frères et les hypocrites, faisant semblant de croire, on leur demande +les œuvres pour confondre leur fourberie...»—MÉLANCHTON. Vous dites +que saint Paul est justifié par la seule miséricorde de Dieu. A cela +je réplique que si l'obéissance ne venait s'ajouter à la miséricorde +divine, il ne serait point sauvé, conformément à la parole (I. Cor. +IX): «Malheur à moi, si je ne prêchais pas l'Évangile!»—LUTHER. «Il +n'est besoin de rien ajouter à la foi; si elle est véritable, elle est +à elle seule efficace toujours et en tout point. Ce que les œuvres +valent, elles ne le valent que par la puissance et la gloire de la foi, +qui est, comme le soleil, resplendissante et rayonnante par nécessité +de nature.»—MÉLANCHTON. Dans saint Augustin, les œuvres sont incluses +en ces mots: _Solâ fide_.—LUTHER. «Quoi qu'il en soit, saint Augustin +fait assez voir qu'il est des nôtres, quand il dit: «Je suis effrayé, +il est vrai, mais je ne désespère pas, car je me souviens des plaies +du Seigneur.» Et ailleurs, dans ses Confessions: «Malheur aux hommes, +quelque bonne et louable que leur vie puisse être, s'ils ne sollicitent +la miséricorde de Dieu...»—MÉLANCHTON. Est-elle vraie, cette parole: +«La justice est nécessaire au salut?»—LUTHER. «Non pas dans ce sens, +que les œuvres produisent le salut, mais qu'elles sont les compagnes +inséparables de la foi qui justifie. C'est tout de même qu'il faudra +que je sois là en personne lorsque je serai sauvé.» + + [11] Mélanchton fait remarquer que saint Augustin n'exprime + pas cette opinion dans ses écrits de controverse. + +«J'en serai aussi,» dit l'autre qu'on menait pour être pendu, et qui +voyait les gens courir à toutes jambes vers le gibet... La foi qui +nous est donnée de Dieu régénère l'homme incessamment et lui fait +faire des œuvres nouvelles, mais ce ne sont pas les œuvres nouvelles +qui font que l'homme est régénéré... Les œuvres n'ont pas de justice +par elles-mêmes aux yeux de Dieu, quoiqu'elles ornent et glorifient +accidentellement l'homme qui les fait... En somme, les croyans sont +une création nouvelle, un arbre nouveau. Toutes ces manières de dire +usitées dans la Loi, telles que: «Le croyant _doit_ faire de bonnes +œuvres, ne nous conviennent donc plus. On ne dit pas: Le soleil _doit +luire_, un bon arbre _doit_ porter de bons fruits, trois et sept +_doivent_ faire dix. Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui +commande; le bon arbre porte de même ses bons fruits; trois et sept +ont de tout temps fait dix; il n'est pas besoin de le commander pour +l'avenir. + +Le passage suivant est plus exprès encore. «Je pense qu'il n'y a point +de qualité qui s'appelle foi ou amour, comme le disent les rêveurs et +les sophistes, mais je reporte cela entièrement au Christ, et je dis +_mea formalis justitia_ (la justice certaine, permanente, parfaite, +dans laquelle il n'y a ni manque, ni défaut; celle qui est comme elle +doit être devant Dieu), cette justice c'est le Christ, mon seigneur. +(Tischr., p. 133.) + +Ce passage est un de ceux qui font le plus fortement sentir le rapport +intime de la doctrine de Luther avec le système d'identification +absolue. On conçoit que la philosophie allemande ait abouti à Schelling +et à Hegel. + + + [a69] Page 152. + +Les papistes se moquaient beaucoup des quatre nouveaux Évangiles. Celui +de Luther, qui condamne les œuvres; celui de Kuntius, qui rebaptise +les adultes; celui d'Othon de Brunfels, qui ne regarde l'Écriture +que comme un pur récit cabalistique, _surda sine spiritu narratio_; +enfin, celui des mystiques (Cochlæus, p. 165.) Ils auraient pu y +joindre celui du docteur Paulus Ricius, médecin juif, qui fit paraître, +pendant la diète de Ratisbonne, un petit livre où Moïse et saint Paul +montraient, dans un dialogue, comment toutes les opinions religieuses +qui excitaient tant de disputes pouvaient être conciliées. + + + [a70] Page 155, ligne 6.—_J'ai vu dans l'air un petit nuage de + feu... Dieu est irrité..._ + +«La comète me donne à penser que quelque malheur menace l'Empereur et +Ferdinand. Elle a tourné sa queue d'abord vers le nord, puis vers le +sud, désignant ainsi les deux frères. (oct. 1531.) + + + [a71] Page 156, ligne 24.—_Michel Stiefel croit être le + septième ange..._ + +«Michel Stiefel, avec sa septième trompette, nous prophétise le jour du +jugement pour cette année, vers la Toussaint.» (26 août 1533.) + + + [a72] Page 162, _fin du chapitre_. + +Il se moque de l'importance donnée aux cérémonies extérieures dans +une lettre à George Duchholzer, ecclésiastique de Berlin, qui lui +avait demandé son avis sur la réforme récemment introduite dans le +Brandebourg: «..... Pour ce qui est de la chasuble, des processions et +autres choses extérieures que votre prince ne veut pas abolir, voici +mon conseil: S'il vous accorde de prêcher l'Évangile de Jésus-Christ +purement et sans additions humaines, d'administrer le baptême et la +communion tels que Christ les a institués, de supprimer l'adoration +des saints et les messes des morts, de renoncer à bénir l'eau, le +sel et les herbes, de ne plus porter les saints-sacremens dans les +processions, enfin s'il n'y fait chanter que des cantiques purs de +toute doctrine humaine: faites les cérémonies qu'il demande, à la garde +de Dieu, portez une croix d'or ou d'argent, une chape, une chasuble +de velours, de soie, de toile et tout ce que vous voudrez. Si votre +seigneur ne se contente pas d'une seule chape ou chasuble, mettez-en +trois, comme le grand prêtre Aaron qui mettait trois robes l'une sur +l'autre, toutes belles et magnifiques. Si sa Grâce électorale n'a pas +assez d'une seule procession que vous ferez avec chant et tintamarre, +faites-la sept fois, comme Josué et les enfans d'Israël allèrent sept +fois autour de Jéricho en criant et sonnant des trompettes. Et pour +peu que cela amuse sa Grâce électorale, elle n'a qu'à ouvrir elle-même +la marche, et danser devant les autres, au son des harpes, des +timbales et des sonnettes, comme fit David devant l'arche du Seigneur +à Jérusalem; je ne m'y oppose point. Ces choses, quand l'abus ne s'y +mêle point, n'ajoutent, n'ôtent rien à l'Évangile. Mais il faut se +garder d'en faire des nécessités, des chaînes pour la conscience. Si +seulement je pouvais en venir là avec le pape et ses adhérens, ah! +que je remercierais Dieu! Vraiment, si le pape me cédait ce point, il +pourrait me dire de porter je ne sais quoi, que je le porterais pour +lui faire plaisir..... Pardonnez-moi, mon cher ami, de vous répondre +si brièvement aujourd'hui; j'ai la tête si faible, qu'il m'en coûte +d'écrire...» (4 décembre 1539.) + + + [a73] Page 177, ligne 18.—_Elle tomba raide..._ + +«Une servante avait eu, pendant bien des années un invisible esprit +familier qui s'asseyait près d'elle au foyer, où elle lui avait fait +une petite place, s'entretenant avec lui pendant les longues nuits +d'hiver. Un jour la servante pria Heinzchen (elle nommait ainsi +l'esprit) de se laisser voir dans sa véritable forme. Mais Heinzchen +refusa de le faire. Enfin, après de longues instances, il y consentit, +et dit à la servante de descendre dans la cave, où il se montrerait. +La servante prit un flambeau, descendit dans le caveau, et là, dans un +tonneau ouvert, elle vit un enfant mort qui flottait au milieu de son +sang. Or, longues années auparavant, la servante avait mis secrètement +un enfant au monde, l'avait égorgé, et l'avait caché dans un tonneau.» +(Tischreden, page 222, trad. d'Henri Heine. Voy. son bel article sur +Luther, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834.) + + + [a74] Page 182, ligne 15.—_Ils saisissaient la tête..._ + +«L'ennemi de tout bien et de toute santé (le diable), chevauche +quelquefois à travers ma tête, de manière à me rendre incapable de lire +ou d'écrire la moindre des choses.» (28 mars 1532.) + + + [a75] Page 183, ligne 9.—_Le diable n'est pas, à la vérité, un + docteur qui a pris ses grades..._ + +«C'est une chose merveilleuse, dit Bossuet, de voir combien +sérieusement et vivement il décrit son réveil, comme en sursaut, au +milieu de la nuit, l'apparition manifeste du diable pour disputer +contre lui. La frayeur dont il fut saisi, sa sueur, son tremblement +et son horrible battement de cœur dans cette dispute; les pressans +argumens du démon qui ne laisse aucun repos à l'esprit; le son de sa +puissante voix; ses manières de disputer accablantes, où la question et +la réponse se font sentir à la fois. Je sentis alors, dit-il, comment +il arrive si souvent qu'on meure subitement vers le matin: c'est que le +diable peut tuer et étrangler les hommes, et sans tout cela, les mettre +si fort à l'étroit par ses disputes, qu'il y a de quoi en mourir, comme +je l'ai plusieurs fois expérimenté.» (_De abrogandâ missâ privatâ_, t. +VII, 222, trad. de Bossuet. Variations, II, p. 203.) + + + [a76] Page 201, ligne 8.—_Après avoir prêché à Smalkalde..._ + +Il écrivit à sa femme sur cette maladie: «... J'ai été comme mort; +je t'avais déjà recommandée, toi et nos enfans, à Dieu et à notre +Seigneur, dans la pensée que je ne vous reverrais plus; j'étais bien +ému en pensant à vous; je me voyais déjà dans la tombe. Les prières et +les larmes de gens pieux qui m'aiment, ont trouvé grâce devant Dieu. +Cette nuit a tué mon mal, me voilà comme rené...» (27 février 1537.) + +Luther éprouva une rechute dangereuse à Wittemberg. Obligé de rester +à Gotha, il se croyait près de la mort. Il dicta à Bugenhagen, qui +était avec lui, sa dernière volonté. Il déclara qu'il avait combattu la +papauté selon sa conscience, et demanda pardon à Mélanchton, à Jonas et +à Cruciger des offenses qu'il pouvait leur avoir faites. (Ukert, t. I, +p. 325.) + + + [a77] Page 202, ligne 2.—_Ma véritable maladie..._ + +Luther fut atteint de bonne heure de la pierre; cette maladie le +faisait cruellement souffrir. Il fut opéré le 27 février 1537. + +«Je commence à entrer en convalescence, avec la grâce de Dieu, je +rapprends à boire et à manger, quoique mes jambes, mes genoux, mes os +tremblent, et que je me porte à peine. (21 mars 1537.) + +»Je ne suis, même sans parler des maladies et de la vieillesse, qu'un +cadavre engourdi et froid.» (6 décembre 1537.) + + + [a78] Page 215, ligne 10.—_Les comtes de Mansfeld..._ + +Il avait essayé en vain de réconcilier les comtes de Mansfeld. «Si l'on +veut, dit-il, faire entrer dans une maison un arbre coupé, il ne faut +pas le prendre par la tête; toutes les branches l'arrêteraient à la +porte. Il faut le prendre par la racine, et les branches plieront pour +entrer. (Tischreden, p. 355.) + + + [a79] Page 222.—_A la fin du chapitre._ + +Nous réunissons ici plusieurs particularités relatives à Luther. + +Érasme dit de lui: «On loue unanimement les mœurs de cet homme; c'est +un grand témoignage que ses ennemis même n'y trouvent pas matière à la +calomnie.» (Ukert, t. II, page 5.) + +Luther aimait les plaisirs simples: il faisait souvent de la musique +avec ses commensaux et jouait aux quilles avec eux.—Mélanchton dit +de lui: «Quiconque l'aura connu et fréquenté familièrement, avouera +que c'était un excellent homme, doux et aimable en société, nullement +opiniâtre ni ami de la dispute. Joignez à cela la gravité qui convenait +à son caractère.—S'il montrait de la dureté en combattant les ennemis +de la vraie doctrine, ce n'était point malignité de nature, mais ardeur +et passion pour la vérité.» (Ukert, t. II, p. 12.) + + +«Bien qu'il ne fût ni d'une petite stature ni d'une complexion faible, +il était d'une extrême tempérance dans le boire et le manger. Je l'ai +vu étant en pleine santé, passer quatre jours entiers sans prendre +aucun aliment, et souvent se contenter, dans une journée entière, d'un +peu de pain et d'un hareng pour toute nourriture.» (_Vie de Luther_, +par Mélanchton.) + + +Mélanchton dit dans ses Œuvres posthumes: «Je l'ai souvent trouvé, +moi-même, pleurant à chaudes larmes, et priant Dieu ardemment pour le +salut de l'Église. Il consacrait, chaque jour, quelque temps à dire des +psaumes et à invoquer Dieu de toute la ferveur de son âme.» (Ukert, t. +II, p. 7.) + + +Luther dit de lui-même: «Si j'étais aussi éloquent et aussi riche en +paroles qu'Érasme, aussi bon helléniste que Joachim Camérarius, aussi +savant en hébreu que Forscherius, et aussi un peu plus jeune, ah! quels +travaux je ferais!» (Tischreden, p. 447.) + + +«Le licencié Amsdorf est naturellement théologien. Les docteur +Creuziger et Jonas le sont par art et réflexion. Mais moi et le docteur +Pomer, nous donnons peu de prise dans la dispute.» (Tischreden, p. 425.) + + +A Antoine Unruche, juge à Torgau «... Je vous remercie de tout mon +cœur, cher Antoine, d'avoir pris en main la cause de Marguerite Dorst, +et de n'avoir pas souffert que ces insolens hobereaux enlevassent à +la pauvre femme le peu qu'elle a. Vous savez que le docteur Martin +n'est pas seulement théologien et défenseur de la foi, mais aussi +le soutien du droit des pauvres gens qui viennent de tous côtés lui +demander ses conseils et son intercession auprès des autorités. Il sert +volontiers les pauvres, comme vous faites vous-même, vous et ceux qui +vous ressemblent. Tous les juges devraient être comme vous. Vous êtes +pieux, vous craignez Dieu, vous aimez sa parole; aussi Jésus-Christ ne +vous oubliera-t-il pas...» (12 juin 1538.) + + +Luther écrit à sa femme au sujet d'un vieux domestique qui allait +quitter sa maison: «Il faut congédier notre vieux Jean honorablement; +tu sais qu'il nous a toujours servis loyalement, avec zèle, et comme +il convenait à un serviteur chrétien. Combien n'avons-nous pas donné +à des vauriens, à des étudians ingrats, qui ont fait un mauvais usage +de notre argent? Il ne faut donc pas lésiner, dans cette occasion, à +l'égard d'un si honnête serviteur, chez lequel notre argent sera placé +d'une manière agréable à Dieu. Je sais bien que nous ne sommes pas +riches; je lui donnerais volontiers dix florins si je les avais; en +tous cas, ne lui en donne pas moins de cinq, car il n'est pas habillé. +Ce que tu pourras faire de plus, fais-le, je t'en prie. Il est vrai +que la caisse de la ville devrait bien aussi lui donner quelque chose, +parce qu'il a fait toutes sortes de services dans l'église; qu'ils +agissent comme ils voudront. Vois de quelle manière tu pourras avoir +cet argent. Nous avons un gobelet d'argent à mettre en gage. Dieu ne +nous abandonnera pas, j'en suis sûr. Adieu.» (17 février 1532.) + + +«Le prince m'a donné un anneau d'or; mais afin que je visse bien que +je n'étais pas né pour porter de l'or, l'anneau est aussitôt tombé de +mon doigt (car il est un peu trop large). J'ai dit: Tu n'es qu'un ver +de terre, et non un homme. Il fallait donner cet or à Faber, à Eckius; +pour toi, du plomb, une corde au cou te conviendraient davantage.» (15 +septembre 1530.) + + +L'Électeur, établissant une contribution pour la guerre des Turcs, +en avait fait exempter Luther. Il lui répondit qu'il acceptait cette +faveur pour ses deux maisons, dont l'une (l'ancien couvent) lui coûtait +beaucoup d'entretien sans rien rapporter, et dont l'autre n'était pas +payée encore. «Mais, continue-t-il, je prie votre Grâce électorale, +en toute soumission, de permettre que je contribue pour mes autres +biens. J'ai encore un jardin estimé à cinq cents florins, une terre à +quatre-vingt-dix, et un petit jardin qui en vaut vingt. J'aimerais bien +à faire comme les autres, à combattre le Turc de mes liards, à ne pas +être exclu de l'armée qui doit nous sauver. Il y en a déjà assez qui ne +donnent pas volontiers; je ne voudrais pas faire des envieux. Il vaut +mieux qu'on ne puisse se plaindre, et que l'on dise: Le docteur Martin +est aussi obligé de payer.» (26 mars 1542.) + + +A l'électeur Jean. «Grâce et paix en Jésus-Christ. Sérénissime +seigneur! j'ai long-temps différé de remercier votre Grâce des habits +qu'elle a bien voulu m'envoyer; je le fais par la présente de tout mon +cœur. Cependant je prie humblement votre Grâce de ne pas en croire +ceux qui me présentent comme dans le dénûment. Je ne suis déjà que trop +riche selon ma conscience; il ne me convient pas, à moi, prédicateur, +d'être dans l'abondance, je ne le souhaite ni ne le demande.—Les +faveurs répétées de votre Grâce commencent vraiment à m'effrayer. Je +n'aimerais pas à être de ceux à qui Jésus-Christ dit: Malheur à vous, +riches, parce que vous avez déjà reçu votre consolation! Je ne voudrais +pas non plus être à charge à votre Grâce, dont la bourse doit s'ouvrir +sans cesse pour tant d'objets importans. C'était donc déjà trop de +l'étoffe brune qu'elle m'a envoyée; mais, pour ne pas être ingrat, je +veux aussi porter en son honneur l'habit noir, quoique trop précieux +pour moi; si ce n'était un présent de votre Grâce électorale, je +n'aurais jamais voulu porter un pareil habit. + +»Je supplie en conséquence votre Grâce de vouloir bien dorénavant +attendre que je prenne la liberté de demander quelque chose. Autrement +cette prévenance de sa part m'ôterait le courage d'intercéder +auprès d'elle pour d'autres qui sont bien plus dignes de sa faveur. +Jésus-Christ récompensera votre âme généreuse: c'est la prière que je +fais de tout mon cœur. Amen.» (17 août 1529.) + + +Jean-le-Constant avait fait présent à Luther de l'ancien couvent +des Augustins à Wittemberg.—L'électeur Auguste le racheta de ses +héritiers, en 1564, pour le donner à l'université. (Ukert, t. I, p. +347.) + + +_Lieux habités par Luther et objets qu'on a conservés de lui._—La +maison dans laquelle Luther naquit n'existe plus; elle fut brûlée +en 1689.—A la Wartbourg, on montre encore sur le mur une tache +d'encre que Luther aurait faite en jetant son écritoire à la tête du +diable.—On a conservé aussi la cellule qu'il occupait au couvent de +Wittemberg, avec différens meubles qui lui appartenaient. Les murs de +cette cellule sont couverts de noms de visiteurs. On remarque celui de +Pierre-le-Grand écrit sur la porte.—A Cobourg, l'on voit la chambre +qu'il habitait pendant la diète d'Augsbourg (1530). + + +Luther portait au doigt une bague d'or, émaillée, sur laquelle on +voyait une petite tête de mort avec ces mots: _Mori sæpe cogita_; +autour du chaton était écrit: _O mors, ero mors tua_. Cette bague est +conservée à Dresde, ainsi qu'une médaille en argent dorée, que la femme +de Luther portait au cou. Dans cette médaille, un serpent se dresse +sur les corps des Israélites, avec ces mots: _Serpens exaltatus typus +Christi crucifixi_. Le revers présente Jésus-Christ sur la croix avec +cette légende: _Christus mortuus est pro peccatis nostris_. D'un côté +on lit encore: _D. Mart. Luter Caterinæ suæ dono. D. H. F._; et de +l'autre: _Quæ nata est anno 1499, 29 januarii_. + + +Il avait lui-même un cachet dont il a donné la description dans une +lettre à Lazare Spengler: «Grâce et paix en Jésus-Christ.—Cher +seigneur et ami! vous me dites que je vous ferais plaisir en vous +expliquant le sens de ce qu'on voit sur mon sceau. Je vais donc +vous indiquer ce que j'ai voulu y faire graver, comme symbole de ma +théologie. D'abord, il y a une croix noire avec un cœur au milieu. +Cette croix doit me rappeler que la foi au Crucifié nous sauve: qui +croit en lui de toute son âme est justifié. Cette croix est noire +pour indiquer la mortification, la douleur par laquelle le chrétien +doit passer. Le cœur néanmoins conserve sa couleur naturelle; car la +croix n'altère pas la nature, elle ne tue pas, elle vivifie. _Justus +fide vivit, sed fide crucifixi._ Le cœur est placé au milieu d'une +rose blanche, qui indique que la foi donne la consolation, la joie et +la paix; la rose est blanche et non rouge, parce que ce n'est point +la joie et la paix du monde, mais celle des esprits: le blanc est la +couleur des esprits, et de tous les anges. La rose est dans un champ +d'azur, pour montrer que cette joie dans l'esprit et dans la foi est un +commencement de la joie céleste qui nous attend; celle-ci y est déjà +comprise, elle existe déjà en espoir, mais le moment de la consommation +n'est pas encore venu. Dans ce champ vous voyez aussi un cercle +d'or. Il indique que la félicité dans le ciel durera éternellement, +et qu'elle est supérieure à toute autre joie, à tout autre bien, +comme l'or est le plus précieux des métaux.—Que Jésus-Christ, notre +seigneur, soit avec vous jusque dans la vie éternelle. Amen. De mon +désert de Cobourg, 8 juillet 1530.» + + +A Altenbourg, l'on a conservé long-temps un verre de table dans lequel +Luther avait bu la dernière fois qu'il visita son ami Spalatin. (Ukert, +t. I, page 245 et suiv.) + + + + +RENVOIS DU TOME TROISIÈME. + + Renvoi Page ligne + [r1] 3, 19. _Otto Pack._—Cochlæus, 171. + [r2] 4, 11. _Cette ligue._—Ukert, 216. + [r3] 5, 15. _Tu crains que._—Luther Werke, t. IX, 231. + [r4] 6, 24. _Mémoire de Luther._—_Ibid._ t. IX, 297. + [r5] 20, 23. _L'Espagnol disait._—_Ibid._ t. IX, 414. + [r6] 23, 14. _Luther écrit._—_Ibid._ t. IX, 459. + [r7] 29, 15. _Comment l'Évangile._—_Ibid._ t. II, 391, 199. + [r8] 35, 17. _Nouvelle sur les Anabaptistes._—_Ibid._ + t. II, 328. + [r9] 40, 20. _Les anabaptistes soumis._—_Ibid._ t. II, 365. + [r10] 42, 4. _Entretien._—_Ibid._ t. II, 376. + [r11] 49, 11. _Le 19 janvier._—_Ibid._ t. II, 400. + [r12] 51, 3. _Préface de Luther._—_Ibid._ t. II, 332. + [r13] 60, 14. _Les instructions._—Bossuet en a donné le texte + dans son histoire des _Variations de l'Église + protestante_.—t. I, 328, 199. + [r14] 72, 3. _Celui qui insulte._—Tischr. 241. + [r15] 72, 8. _Le droit saxon._—_Ibid._ 315 _bis_. + [r16] 72, 14. _Il n'y a point de doute._—_Ibid._ 116. + [r17] 72, 22. _On disait à Luther._—_Ibid._ 312 _bis_. + [r18] 73, 11. _Lettre à un ami._—_Ibid._ 313 _bis_. + [r19] 73, 20. _Il n'est guère plus possible._—_Ibid._ 315 _bis_. + [r20] 74, 4. _La plus grande grâce._—_Ibid._ 313. + [r21] 74, 20. _Au jour de la._—_Ibid._ 316 _bis_. + [r22] 75, 6. _Le docteur M._—_Ibid._ 320. + [r23] 75, 18. _En 1541._—_Ibid._ 264 _bis_. + [r24] 76, 4. _La première année._—_Ibid._ 313 _bis_. + [r25] 76, 19. _Lucas Cranach._—_Ibid._ 314. + [r26] 77, 19. _On trouve l'image._—_Ibid._ 312 _bis_. + [r27] 78, 6. _Les petits enfans._—_Ibid._ 42 _bis_. + [r28] 78, 3. _On amena._—_Ibid._ 124. + [r29] 78, 20. _Servez._—_Ibid._ 10 _bis_. + [r30] 79, 3. _Au premier jour._—_Ibid._ 314 _bis_. + [r31] 79, 13. _Après qu'il eut._—_Ibid._ 47. + [r32] 79, 21. _Il disait à son._—_Ibid._ 49 _bis_. + [r33] 79, 25. _Les enfans sont les plus heureux._—_Ibid._ 134. + [r34] 80, 10. _Une autre fois._—_Ibid._ 134 _bis_. + [r35] 80, 19. _Comme maître._—_Ibid._ 45 _bis_. + [r36] 81, 1. _Quels ont dû être._—_Ibid._ 47. + [r37] 81, 17. _Il est touchant._—_Ibid._ 42-43 _passim_. + [r38] 81, 24. _Le 9 avril 1539._—_Ibid._ 363. + [r39] 82, 16. _Le 18 avril._—_Ibid._ 423. + [r40] 83, 13. _Supportons._—Lettre V, 726. + [r41] 83, 22. _Un soir._—Tischr. 43 _bis_. + [r42] 84, 1. _Vers le soir._—_Ibid._ 24 _bis_. + [r43] 85, 10. _Le petit enfant._—Tischred. 32, verso. + [r44] 86, 23. _Dans les choses divines._—_Ibid._ 69. + [r45] 87, 14. _Le décalogue._—_Ibid._ 112, verso. + [r46] 87, 18. _On demandait au docteur._—_Ibid._ 362. + [r47] 88, 1. _Cicéron._—_Ibid._ 425. + [r48] 88, 12. _On demandait à Luther._—_Ibid._ 106. + [r49] 88, 25. _Le docteur soupirait._—_Ibid._ 11, verso. + [r50] 89, 11. _Autrefois._—_Ibid._ 311. + [r51] 89, 21. _Que sont les saints._—Cochlæus, Vie de Luther, + 226. + [r52] 90, 10. _Nos adversaires._—Tischred. 447. + [r53] 90, 18. _Pourquoi enseigne-t-on?_—Luth. Werke, t. II, 16. + [r54] 92, 8. _Le Pater noster._—Tischreden, 153. + [r55] 93, 3. _L'évangile de saint Jean._—Ukert, 18. + [r56] 95, 28. _Ambroise._—Tischreden, 383. + [r57] 96, 7. _Saint Augustin._—_Ibid._ 98. + [r58] 97, 11. _Les nominaux._—_Ibid._ 384. + [r59] 98, 15. _Le D. Staupitz._—_Ibid._ 385. + [r60] 99, 11. _Jean Huss._—_Ibid._ 386. + [r61] 99, 26. _Jean Huss était._—_Ibid._ 127. + [r62] 100, 4. _La tête de l'antichrist._—_Ibid._ 241. + [r63] 100, 6. _C'est ma pauvre condition._—_Ibid._ 249. + [r64] 100, 18. _Les papistes._—_Ibid._ 255. + [r65] 100, 28. _Le pape le dit._—_Ibid._ 259. + [r66] 101, 6. _D'autres ont attaqué les mœurs._—_Ibid._ 192. + [r67] 101, 10. _Des conciles._—_Ibid._ 371-76. + [r68] 102, 14. _Des biens ecclésiastiques._—_Ibid._ 380. + [r69] 103, 17. _Le proverbe a raison._—_Ibid._ 60. + [r70] 104, 7. _En Italie._—_Ibid._ 275. + [r71] 104, 26. _Dans les disputes._—_Ibid._ 271. + [r72] 105, 3. _La moinerie._—_Ibid._ 272. + [r73] 123, 4. _Oh! combien je tremblais._—_Ibid._ 181. + [r74] 124, 9. _Je n'aime pas que Philippe._—_Ibid._ 197. + [r75] 124, 14. _Le docteur Jonas lui disait._—_Ibid._ 113. + [r76] 124, 24. _Je veux que l'on enseigne._—_Ibid._ 116. + [r77] 125, 4. _Le docteur Erasmus Alberus._—_Ibid._ 184. + [r78] 125, 16. _Albert Dürer._—_Ibid._ 425. + [r79] 125, 20. _Oh! que j'eusse été heureux._—Luth. Werke, + t. IX, 245. + [r80] 125, 27. _Rien n'est plus agréable._—Tischreden, 182. + [r81] 126, 3. _Parmi les qualités._—_Ibid._ 183. + [r82] 126, 7. _Dans le traité._—Seckendorf, livre I, 202. + [r83] 128, 4. _Le docteur Luther disait._—Tischreden, 105. + [r84] 128, 8. _Si je meurs._—_Ibid._ 356. + [r85] 128, 13. _Dans la colère._—_Ibid._ 145. + [r86] 131, 4. _Il n'est pas d'alliance._—_Ibid._ 331. + [r87] 132, 19. _La nouvelle étant venue._—_Ibid._ 274. + [r88] 134, 12. _La nuit qui précéda la mort._—_Ibid._ 360. + [r89] 138, 3. _Il vaut mieux._—_Ibid._ 347. + [r90] 139, 13. _Le droit est une belle fiancée._—_Ibid._ 273. + [r91] 139, 28. _Avant moi, il n'y a eu._—_Ibid._ 402. + [r92] 142, 22. _Voilà comme agissent._—_Ibid._ 403. + [r93] 143, 12. _Bon peuple, veuillez agréer._—_Ibid._ 407. + [r94] 145, 11. _Je suis maintenant._—_Ibid._ 102. + [r95] 146, 8. _La loi sans doute._—_Ibid._ 128. + [r96] 146, 17. _Pour me délivrer entièrement._—Tischreden, 133. + [r97] 147, 1. _Il n'est qu'un seul point._—_Ibid._ 140. + [r98] 147. _Luther en parlant._—_Ibid._ 147. + [r99] 147, 8. _Le diable veut seulement._—_Ibid._ 142. + [r100] 147, 15. _Un docteur anglais._—_Ibid._ 144. + [r101] 148, 1. _Pour résister._—_Ibid._ 124. + [r102] 149, 8. _Dieu dit à Moïse._—_Ibid._ 125. + [r103] 153, 6. _Le docteur Martin Luther disait au + sujet._—_Ibid._ 292. + [r104] 153, 11. _Quand je commençai à écrire._—_Ibid._ 193. + [r105] 153, 22. _En 1521, il vint chez moi._—_Ibid._ 282. + [r106] 155, 27. _Maître Stiefel._—_Ibid._ 367. + [r107] 156, 26. _Bileas._—_Ibid._ 192. + [r108] 157, 4. _Le docteur Jeckel._—_Ibid._ 287. + [r109] 158, 1. _Le docteur Luther faisant reproche._—_Ibid._ 290. + [r110] 158, 19. _Des antinomiens._—_Ibid._ 287. + [r111] 159, 15. _Qui aurait pensé._—_Ibid._ 288. + [r112] 160, 8. _J'ai eu tant de confiance._—_Ibid._ 291. + [r113] 161, 1. _En 1540, Luther._—_Ibid._ 129. + [r114] 161, 22. _Maître Jobst._—_Ibid._ 124. + [r115] 162, 12. _Si au commencement._—_Ibid._ 125. + [r116] 163, 4. _Maître Philippe dit._—_Ibid._ 445. + [r117] 164, 4. _Philippe me demandait._—_Ibid._ 29. + [r118] 164, 8. _Si Philippe n'eût pas été._—_Ibid._ 195. + [r119] 164, 11. _Le Paradis de Luther._—_Ibid._ 305. + [r120] 164, 21. _Les paysans ne sont pas dignes._—_Ibid._ 52. + [r121] 164, 28. _Le docteur Jonas._—_Ibid._ 137. + [r122] 165, 14. _Un méchant et horrible._—_Ibid._ 70. + [r123] 165, 22. _La femme du docteur._—_Ibid._ 150. + [r124] 166, 2. _Le docteur exhortait sa femme._—_Ibid._ + [r125] 166, 22. _Le pater noster._—_Ibid._ 135. + [r126] 166, 25. _J'aime ma Catherine._—_Ibid._ 140. + [r127] 169, 3. _Une jeune fille._—_Ibid._ 92, verso. + [r128] 169, 9. _Un pasteur._—_Ibid._ 208. + [r129] 172, 5. _Il y a des lieux._—_Ibid._ 212. + [r130] 172, 18. _Un jour de grand orage._—_Ibid._ 219. + [r131] 173, 3. _Suivent deux histoires._—_Ibid._ 214. + [r132] 173, 11. _Le diable promène._—_Ibid._ 213. + [r133] 173, 18. _Aux Pays-Bas et en Saxe._—_Ibid._ 221. + [r134] 173, 21. _Les moines conduisaient._—_Ibid._ 222. + [r135] 173, 24. _On racontait à table._—_Ibid._ 205. + [r136] 174, 8. _Un vieux curé._—_Ibid._ 205. + [r137] 175, 14. _Une autre fois, Luther._—_Ibid._ 205. + [r138] 176, 23. _Il y avait à Erfurth._—_Ibid._ 215. + [r139] 177, 18. _Le docteur Luc Gauric._—_Ibid._ 216. + [r140] 177, 21. _Le diable peut se changer._—_Ibid._ 216. + [r141] 182, 9. _Le docteur Luther devenu plus âgé._—_Ibid._ 222. + [r142] 182, 16. _Cela m'est arrivé._—_Ibid._ 220. + [r143] 182, 23. _Je sais, grâce à Dieu._—_Ibid._ 224. + [r144] 183, 9. _Le Diable n'est pas._—_Ibid._ 202. + [r145] 183, 20. _Au mois de janvier 1532._—Ukert, t. I, 320. + [r146] 184, 8. _Ma maladie qui consiste._—Tischreden, 210. + [r147] 184, 13. _En 1536, il maria._—Ukert, t. I, 322. + [r148] 184, 20. _Pendant que le docteur Luther._—Tischreden, 229. + [r149] 185, 8. _Quand le diable me trouve._—_Ibid._ 8. + [r150] 186, 1. _La nuit, quand je me réveille._—_Ibid._ 218. + [r151] 186, 6. _Aujourd'hui comme je._—_Ibid._ 220. + [r152] 186, 15. _Un jour que l'on parlait à souper._—_Ibid._ 12. + [r153] 187, 1. _Le diable me fait regarder._—_Ibid._ 220. + [r154] 187, 4. _Le diable nous a juré._—_Ibid._ 362. + [r155] 187, 6. _La tentation de la chair._—_Ibid._ 318. + [r156] 187, 13. _Si je tombe._—_Ibid._ 226. + [r157] 187, 19. _Le grain d'orge a bien à souffrir._—_Ibid._ 216. + [r158] 188, 15. _Quand le diable vient._—_Ibid._ 227. + [r159] 189, 4. _On peut consoler._—_Ibid._ 231. + [r160] 189, 10. _La meilleure médecine._—_Ibid._ 238. + [r161] 189, 19. _Préface du docteur._—Luth. Werke, t. II, 1. + [r162] 200, 3. _Le mal de dents._—Tischreden, 356. + [r163] 200, 12. _Un homme se plaignait._—_Ibid._ 357. + [r164] 201, 8. _Après avoir prêché._—_Ibid._ 362. + [r165] 203, 3. _Si j'avais su._—_Ibid._ 6. + [r166] 203, 8. _On disait une fois._—_Ibid._ 5. + [r167] 203, 18. _On disait un jour._—_Ibid._ 5, verso. + [r168] 204, 13. _C'est vous qui._—_Ibid._ 195, verso. + [r169] 204, 15. _Il sortit un jour._—_Ibid._ 189, verso. + [r170] 204, 17. _Le 16 février._—_Ibid._ 414. + [r171] 204, 23. _Le chancelier du comte._—_Ibid._ 19. + [r172] 205, 16. _Dieu a un beau jeu._—_Ibid._ 32, verso. + [r173] 205, 22. _Le monde._—_Ibid._ 448, verso. + [r174] 205, 26. _Luther._—_Ibid._ 449. + [r175] 206, 15. _Un des convives._—_Ibid._ 295. + [r176] 206, 23. _Il sera si mauvais sujet._—_Ibid._ 15. + [r177] 207, 3. _On parlait à table._—_Ibid._ 304. verso. + [r178] 207, 23. _Pauvres gens._—_Ibid._ 46. + [r179] 210, 17. _Je l'ai dit d'avance._—_Ibid._ 416. + [r180] 211, 7. _La vieille électrice._—_Ibid._ 361-2. + [r181] 211, 15. _Je voudrais._—_Ibid._ 147. + [r182] 211, 18. _16 février 1546._—_Ibid._ 362. + [r183] 211, 25. _Impromptu de Luther sur la fragilité._—_Ibid._ + 358. + [r184] 212, 19. _Prédiction du Révérend._—Opera latina, Iena, + 1612, Ier vol. après la table des matières. + [r185] 303, 23. _Il n'y a jamais eu._—Tischreden, 243. + [r186] 304, 1. _Le Pape Jules IIe du nom._—_Ibid._ 242. + [r187] 304, 12. _Si j'avais été._—_Ibid._ 243. + [r188] 304, 17. _Le Pape Jules II, un homme._—_Ibid._ 269. + [r189] 304, 23. _L'an 1532._—_Ibid._ 341. + [r190] 305, 1. _Lorsque ceux de Bruges._—_Ibid._ 448. + [r191] 305, 27. _L'empereur Maximilien._—_Ibid._ 343. + [r192] 305, 22. _On dit que._—_Ibid._ 184, verso. + [r193] 306, 22. _Après l'élection._—_Ibid._ 53. + [r194] 307, 5. _La nouvelle vint._—_Ibid._ 349. + [r195] 307, 14. _Les rois de France._—_Ibid._ 349, verso. + [r196] 309, 17. _Sept universités._—_Ibid._ 348. + [r197] 309, 23. _Quelques-uns qui avaient._—_Ibid._ 348, verso. + [r198] 310, 3. _Le duc Georges._—_Ibid._ 265. + [r199] 310, 7. _Lorsque le duc George déclara._—_Ibid._ 156. + [r200] 310, 17. _Le duc George a sucé._—_Ibid._ 313, verso. + [r201] 310, 25. _Lorsque le duc George voyait._—_Ibid._ 142, + verso. + [r202] 312, 6. _L'électeur Frédéric._—_Ibid._ 451, verso. + [r203] 313, 3. _En 1525._—_Ibid._ 152. + [r204] 314, 8. _On dit que l'empereur._—_Ibid._ 353. + [r205] 315, 6. _Quoique le docteur Jonas._—_Ibid._ 354. + [r206] 317, 21. _Après la diète._—_Ibid._ 156. + [r207] 319, 4. _En Italie les hôpitaux._—_Ibid._ 145. + [r208] 320, 1. _Je ne manque point._—_Ibid._ 424. + [r209] 320, 14. _En Italie et en France._—_Ibid._ 281, verso. + [r210] 320, 18. _En France._—_Ibid._ 271, verso. + [r211] 320, 25. _Lorsque je vis Rome._—_Ibid._ 442. + [r212] 322, 1. _Il y avait en Italie._—_Ibid._ 269, verso. + [r213] 322, 6. _Un soir à la table._—_Ibid._ 442, verso. + [r214] 322, 15. _Christoff Gross._—_Ibid._ 441, verso. + [r215] 323, 4. _La peste règne toujours._—_Ibid._ 440, verso. + [r216] 324, 21. _Dans mon voyage._—_Ibid._ 166. + [r217] 324, 25. _George Siegeler._—_Ibid._ 184. + [r218] 325, 5. _La Thuringe._—_Ibid._ 62. + [r219] 325, 14. _L'électorat de Saxe._—_Ibid._ 269. + [r220] 325, 24. _Le vieil électeur._—_Ibid._ 61, verso. + [r221] 329. _Le Turc ira à Rome._—_Ibid._ 432. + [r222] 329, 7. _Le Christ a sauvé._—_Ibid._ 432. + [r223] 329, 15. _Qui m'eût dit._—_Ibid._ 436. + [r224] 329, 23. _Je ne compte point._—_Ibid._ 436, verso. + [r225] 329, 27. _Luther dit qu'après._ Luth. Werke,.—_Ibid._ + t. II. 402. + + +FIN DU TOME TROISIÈME. + + + + +TABLE DU TROISIÈME VOLUME. + + + LIVRE III.—1529-1546 1 + + CHAP. 1er. 1529-1532. Les Turcs.—Danger de + l'Allemagne.—Augsbourg, Smalkalde.—Danger + du protestantisme. 1 + + CHAP. II. 1534-1536. Anabaptistes de Münster. 28 + + CHAP. III. 1536-1545. Dernières années de la vie de + Luther.—Polygamie du landgrave de Hesse, etc. 56 + + + LIVRE IV.—1530-1546 71 + + CHAP. 1er. Conversations de Luther.—La famille, la femme, + les enfans.—La nature. 71 + + CHAP. II. La Bible.—Les Pères.—Les scolastiques.—Le pape. + Les conciles. 85 + + CHAP. III. Des écoles et universités et des arts libéraux. 100 + + CHAP. IV. Drames.—Musique.—Astrologie.—Imprimerie.—Banque, + etc. 114 + + CHAP. V. De la prédication.—Style de Luther.—Il avoue la + violence de son caractère. 123 + + + LIVRE V. 131 + + CHAP. 1er. Mort du père de Luther, de sa fille, etc. 131 + + CHAP. II. De l'équité, de la Loi.—Opposition du théologien + et du juriste. 138 + + CHAP. III. La foi; la loi. 144 + + CHAP. IV. Des novateurs.—Mystiques, etc. 152 + + CHAP. V. Tentations.—Regrets et doutes des amis, de la femme; + doutes de Luther lui-même. 163 + + CHAP. VI. Le diable.—Tentations. 168 + + CHAP. VII. Maladies.—Désir de la mort et du jugement.—Mort, + 1546. 200 + + Additions et Éclaircissemens. 223 + + Renvois. 353 + + +FIN DE LA TABLE DU TOME TROISIÈME. + + + + +ERRATA. + + + Page 2, ligne 12, au lieu de _regardent_, lisez _regardant_. + Page 9, ligne 21, au lieu de _le mieux_, lisez _mieux_. + Page 58, ligne 28, au lieu de _théologien_, lisez _théologiens_. + Page 252, ligne 17, au lieu de _digamie_, lisez _bigamie_. + Page 282, ligne 15, au lieu de _occurences_, lisez _occurrences_. + Page 287, ligne 10, au lieu de _heureux la mère_, lisez _heureuse + la mère_. + Page 308, ligne 10, au lieu de _de Pavie_, lisez _à Pavie_. + Page 316, ligne 1, au lieu de _ça été_, lisez _ç'a été_. + Page 317, ligne 20, au lieu de _parle parle_, lisez _parle_. + Page 327, ligne 22, au lieu de _demandez_, lisez _demander_. + Page 328, ligne 13, au lieu de _ambarras_, lisez _embarras_. + + + * * * * * + + + Corrections: + + Pages 3, 353, 355: «Cochlœus» remplacé par «Cochlæus». + Page 28: «compagnonage» remplacé par «compagnonnage» (Le + mystique compagnonnage allemand). + Page 36: «dor» par «d'or» (trente et un chevaux couverts de + draps d'or). + Page 37: «cent» par «cents» (près de quatre mille deux cents). + Page 75: «de de» par «de» (Ne vous scandalisez pas de me voir). + Page 139: «barette» par «barrette» (doit ôter sa barrette devant + la théologie). + Page 209: «rassassié» remplacé par «rassasié» (On est rassasié + de la parole de Dieu). + Page 222: «sufffire» par «suffire» (que nous ayons pu y suffire). + Page 258: «deux» par «d'eux» (Que l'un d'eux avait commis un + meurtre). + Page 315: «pomptement» par «promptement» (il exécute + promptement). + Page 339: «Brandbourg» par «Brandebourg» (récemment introduite + dans le Brandebourg). + Page 340: «tintamare» par «tintamarre» (avec chant et tintamarre). + Page 353 «RENVOIS DU TOME TROISIÈME»: il faut sans doute lire + «RENVOIS DU TOME DEUXIÈME». + Page 360 (renvoi nº 160): ajouté «_Ibid._» + Page 361 (renvoi nº 176): au lieu de «Il sera si mauvais» il faut + sans doute lire «Il fera si mauvais»; ajouté «_Ibid._» + Page 366 Table des matières: au lieu de «TROISIÈME VOLUME» et + «TOME TROISIÈME» il faut sans doute lire «DEUXIÈME + VOLUME» et «TOME DEUXIÈME». + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Mémoires De Luther Écrits Par Lui-Même, by +Martin Luther and Jules Michelet + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES DE LUTHER *** + +***** This file should be named 44617-0.txt or 44617-0.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/4/4/6/1/44617/ + +Produced by Laurent Vogel, Pierre Timmermans, Hans Pieterse +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For forty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. 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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme + traduits et mis en ordre par M. Michelet + +Author: Martin Luther + Jules Michelet + +Release Date: January 7, 2014 [EBook #44617] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MMOIRES DE LUTHER *** + + + + +Produced by Laurent Vogel, Pierre Timmermans, Hans Pieterse +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + + + + + + Au lecteur. + + Ce livre lectronique reproduit intgralement le texte + original. Les erreurs signales par l'auteur (voir Errata) ont + t corriges. Quelques erreurs typographiques ont galement + t corriges; la liste de ces corrections se trouve la + fin du texte. La ponctuation a t tacitement corrige par + endroits. + + La translittration de quelques mots en grec est indique par + +...+. + + Les notes de bas de page ont t renumrotes de 1 11. Les + Additions et claircissemens ont t numrots de a1 a79. + Les Renvois qui dans l'original sont regroups la fin du + livre, ont ici t numrots conscutivement de r1 r225 et + copis sous le paragraphe auquel ils se rapportent. Additions + et renvois ont t signals dans le texte. + + + + + MMOIRES + DE LUTHER + + + + + IMPRIMERIE DE DUCESSOIS, + Quai des Augustins, 55. + + + + + MMOIRES + + DE LUTHER + + + CRITS PAR LUI-MME, + + + TRADUITS ET MIS EN ORDRE + PAR M. MICHELET, + PROFESSEUR A L'COLE NORMALE, CHEF DE LA SECTION HISTORIQUE + AUX ARCHIVES DU ROYAUME, + + suivis d'un + Essai sur l'Histoire de la Religion, + ET DES BIOGRAPHIES + DE WICLEFF, JEAN HUSS, RASME, MLANCHTON, HUTTEN, + ET AUTRES + PRDCESSEURS ET CONTEMPORAINS + DE LUTHER. + + + TOME DEUXIME. + + + PARIS. + + CHEZ L. HACHETTE, + Libraire de l'Universit de France, + RUE PIERRE-SARRAZIN, 12. + + 1837 + + + + +MMOIRES + +DE LUTHER + + +LIVRE III. + +1529-1546. + + + + +CHAPITRE PREMIER. + +1529-1532. + + Les Turcs. Danger de l'Allemagne.--Augsbourg, Smalkalde. Danger + du protestantisme. + + +Luther fut tir de son abattement et ramen la vie active par les +dangers qui menaaient la Rforme et l'Allemagne. Lorsque ce _flau de +Dieu_, qu'il attendait avec rsignation comme le signe du Jugement, +fondit en effet sur l'Allemagne, lorsque les Turcs[a1] vinrent camper +devant Vienne, Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, et fit +un livre contre les Turcs, qu'il ddia au landgrave de Hesse. Le 9 +octobre 1528 il crivit ce prince, pour lui exposer les motifs qui +l'avaient dcid composer ce livre. Je ne puis me taire, dit-il; +il est malheureusement parmi nous des prdicateurs qui font croire au +peuple qu'on ne doit point s'occuper de la guerre des Turcs; il y en a +mme d'assez extravagans pour prtendre, qu'en toutes circonstances, +il est dfendu aux chrtiens d'avoir recours aux armes temporelles. +D'autres encore, qui regardant le peuple allemand comme un peuple de +brutes incorrigibles, vont jusqu' dsirer qu'il tombe au pouvoir des +Turcs. Ces folies, ces horribles malices, sont imputes Luther et + l'vangile, comme, il y a trois ans, la rvolte des paysans, et en +gnral tout le mal qui arrive dans le monde. Il est donc urgent que +j'crive ce sujet, tant pour confondre les calomniateurs, que pour +clairer les consciences innocentes sur ce qu'il faut faire contre le +Turc... + +Nous avons appris hier que le Turc est parti de Vienne pour la +Hongrie, par un grand miracle de Dieu. Car aprs avoir livr +inutilement le vingtime assaut, il a ouvert la brche par une mine en +trois endroits. Mais rien n'a pu ramener son arme l'attaque, Dieu +l'avait frappe de terreur; ils aimaient mieux se laisser gorger +par leurs chefs que de tenter ce dernier assaut. On croit qu'il s'est +retir ainsi de peur des bombardes et de notre future arme; d'autres +en jugent autrement. Dieu a manifestement combattu pour nous cette +anne. Le Turc a perdu vingt-six mille hommes, et il a pri trois mille +des ntres dans les sorties. J'ai voulu te communiquer ces nouvelles, +afin que nous rendions grces et que nous priions ensemble. Car le +Turc, devenu notre voisin, ne nous laissera pas ternellement la paix. +(27 octobre 1529.) + +L'Allemagne tait sauve, mais le protestantisme allemand n'en tait +que plus en pril. L'irritation des deux partis avait t porte au +comble par un vnement antrieur l'invasion de Soliman. Si l'on +en croit le biographe catholique de Luther, Cochlus, que nous avons +dj cit, le chancelier du duc George, Otto Pack, supposa une ligue +des princes catholiques contre l'lecteur de Saxe et le landgrave de +Hesse[r1]; il apposa ce prtendu projet le sceau du duc George, puis +livra ces fausses lettres au Landgrave qui, se croyant menac, leva +une arme et s'unit troitement l'lecteur[a2]. + + [r1] Cochlus, 171. + +Les catholiques et surtout le duc George[a3] se dfendirent vivement +d'avoir jamais song menacer l'indpendance religieuse des princes +luthriens; ils rejetrent tout sur le chancelier qui n'avait fait +peut-tre que divulguer les secrets desseins de son matre. Le docteur +Pack[a4], captif volontaire du Landgrave, ce que je pense, est +jusqu' prsent accus d'avoir form cette alliance des princes. Il +prtend se tirer d'affaire son honneur, et fasse Dieu que cette trame +retombe sur la tte du rustre qui en est, je crois, l'auteur, sur celle +de notre grand adversaire, tu sais de qui je parle (le duc George de +Saxe). (14 juillet 1528.) + +Cette ligue des princes impies, qu'ils nient cependant, tu vois quels +troubles elle a excits; pour moi, je prends la froide excuse du duc +George pour un aveu[r2]. Dieu confondra ce fou enrag, ce Moab qui dresse +sa superbe au-dessus de ses forces. Nous prierons contre ces homicides; +assez d'indulgence. S'ils ourdissent encore quelque projet, nous +invoquerons Dieu, puis nous appellerons les princes pour qu'ils soient +perdus sans misricorde. + + [r2] Ukert, 216. + +Bien que tous les princes eussent dclar ces lettres fausses, les +vques de Mayence, Bamberg, etc., furent tenus de payer cent mille +cus d'or, comme indemnit des armemens qu'avaient faits les princes +luthriens. Ceux-ci ne demandaient pas mieux que de commencer la +guerre. Ils se comptaient et sentaient leurs forces. Le grand-matre +de l'ordre Teutonique avait scularis la Prusse[a5], les ducs de +Mecklembourg et de Brunswick, encourags par ce grand vnement, +avaient appel des prdicateurs luthriens (1525). La Rforme dominait +dans le nord de l'Allemagne. En Suisse et sur le Rhin, les Zwingliens, +chaque jour plus nombreux, cherchaient se rapprocher de Luther. +Enfin au sud et l'est, les Turcs, matres de Bude et de la Hongrie, +menaaient toujours l'Autriche et tenaient en chec l'Empereur. A +son dfaut le duc George de Saxe, et les puissans vques du nord, +s'taient constitus les adversaires de la Rforme. Une violente +polmique s'tait engage depuis long-temps entre ce prince et Luther. +Le duc crivait celui-ci[r3]: Tu crains que nous n'ayons commerce +avec les hypocrites, la prsente te fera voir ce qui en est. Si nous +dissimulons dans cette lettre, tu pourras dire de nous tout ce que tu +voudras; sinon, il faudra chercher les hypocrites l o l'on t'appelle +un prophte, un Daniel, l'aptre de l'Allemagne, l'vangliste... Tu +t'imagines peut-tre que tu es envoy de Dieu vers nous, comme ces +prophtes qui Dieu donna mission de convertir les princes et les +puissans. Mose fut envoy Pharaon, Samuel Sal, Nathan David, +Isae Ezchias, saint Jean-Baptiste Hrode, nous le savons. Mais +parmi tous ces prophtes nous ne trouvons pas un seul apostat. Ils ont +tous t gens constans dans leur doctrine, hommes sincres et pieux, +sans orgueil, sans avarice, amis de la chastet... + + [r3] Luther Werke, t. IX, 231. + +Nous ne faisons pas non plus grand cas de tes prires ni de celles des +tiens; nous savons que Dieu hait l'assemble de tes apostats... Dieu a +puni par nous Mnzer de sa perversit; il pourra bien en faire autant +de Luther, et nous ne refuserons pas d'tre encore en ceci, son indigne +instrument... + +Non, reviens plutt, Luther, ne te laisse pas mener plus long-temps +par l'esprit qui sduisit l'apostat Sergius: l'glise chrtienne ne +ferme pas son sein au pcheur repentant... Si c'est l'orgueil qui t'a +perdu, regarde ce fier manichen, saint Augustin, ton matre, dont tu +as jur d'observer la rgle: reviens comme lui, reviens ta fidlit +et tes sermens, sois comme lui une lumire de la Chrtient... Voil +les conseils que nous avons te donner pour le nouvel an. Si tu t'y +conformes, tu en seras ternellement rcompens de Dieu et nous ferons +tout ce qui est en notre pouvoir pour obtenir ta grce de l'Empereur. +(28 dcembre 1525.) + +_Mmoire_ de Luther contre le duc George[a6] qui avait intercept +une de ses lettres, 1529[r4]... Quant aux belles dnominations que le duc +George me donne, misrable, sclrat, parjure et sans honneur, je +n'ai qu' l'en remercier; ce sont l les meraudes, les rubis et les +diamans dont les princes doivent m'orner en retour de l'honneur et +de la puissance que l'autorit temporelle tire de la restauration de +l'vangile... + + [r4] _Ibid._ t. IX, 297. + +... Ne dirait-on pas que le duc George ne connat pas de suprieur? +Moi, hobereau des hobereaux, dit-il, je suis seul matre et prince, +je suis au-dessus de tous les princes de l'Allemagne, au-dessus de +l'Empire, de ses lois et de ses usages. C'est moi que l'on doit +craindre, moi seul que l'on doit obir; ma volont doit faire loi en +dpit de quiconque pensera et parlera autrement.--Amis, o s'arrtera +la superbe de ce Moab[a7]? Il ne lui reste plus qu' escalader le ciel, +espionner, punir les lettres et les penses jusque dans le sanctuaire +de Dieu mme. Voil notre petit prince, et avec cela il veut tre +glorifi, respect, ador! la bonne heure, grand merci! + +En 1529, l'anne mme du trait de Cambrai et du sige de Vienne par +Soliman, l'Empereur avait convoqu une dite Spire[a8]. (15 mars.) On y +dcida que les tats de l'Empire devaient continuer d'obir au dcret +lanc contre Luther en 1524, et que toute innovation demeurerait +interdite jusqu' la convocation d'un concile gnral. C'est alors que +le parti de la Rforme clata[a9]. L'lecteur de Saxe, le margrave de +Brandebourg, le landgrave de Hesse, les ducs de Lunebourg, le prince +d'Anhalt, et avec eux les dputs de quatorze villes impriales, firent +contre le dcret de la dite une protestation solennelle, le dclarant +injuste et impie. Ils en gardrent le nom de _protestans_. + +Le landgrave de Hesse sentait la ncessit de runir toutes les sectes +dissidentes pour en former un parti redoutable aux catholiques de +l'Allemagne; il essaya de rconcilier Luther avec les sacramentaires[a10]. +Luther prvoyait bien l'inutilit de cette tentative. + +Le landgrave de Hesse nous a convoqus Marbourg pour la +Saint-Michel, afin de tenter un accord entre nous et les +sacramentaires... Je n'en attendais rien de bon; tout est plein +d'embches, je le vois bien. Je crains que la victoire ne leur reste, +comme au sicle d'Arius. On a toujours vu de pareilles assembles tre +plus nuisibles qu'utiles... Ce jeune homme de Hesse est inquiet et +plein de penses qui fermentent. Le Seigneur nous a sauvs, dans ces +deux dernires annes, de deux grands incendies qui auraient embras +toute l'Allemagne. (2 aot 1529.) + +Nous avons reu du landgrave une magnifique et splendide hospitalit. +Il y avait l OEcolampade, Zwingli, Bucer, etc. Tous demandaient la +paix avec une humilit extraordinaire. La confrence a dur deux jours; +j'ai rpondu OEcolampade et Zwingli en leur opposant ce passage: +_Hoc est corpus meum_; j'ai rfut toutes leurs objections. En somme, +ce sont des gens ignorans et incapables de soutenir une discussion. +(12 octobre 1529.) + +Je me rjouis, mon cher Amsdorf, de te voir te rjouir de notre synode +de Marbourg; la chose est petite en apparence, mais au fond trs +importante. Les prires des gens pieux ont fait que nous les voyons +confondus, morfondus, humilis. + +Toute l'argumentation de Zwingli se rduisait ceci: que le corps ne +peut tre sans lieu ni dimension. OEcolampade soutenait que les Pres +appelaient le pain un signe, que ce n'tait donc pas le corps mme... +Ils nous suppliaient de leur donner le nom de frres. Zwingli le +demandait au Landgrave en pleurant. Il n'y a aucun lieu sur la terre, +disait-il, o j'aimerais mieux passer ma vie qu' Wittemberg... Nous +ne leur avons pas accord ce nom de frres, mais seulement ce que la +charit nous oblige donner mme nos ennemis... Ils se sont en tout +point conduits avec une incroyable humilit et douceur. C'tait, comme +il est visible aujourd'hui, pour nous amener une feinte concorde, +pour nous faire les partisans, les patrons de leurs erreurs... O rus +Satan! mais Christ qui nous a sauvs est plus habile que toi. Je ne +m'tonne plus maintenant de leurs impudens mensonges. Je vois qu'ils ne +peuvent faire autrement, et je me glorifie de leur chute. (1er juin +1530.) + +Cette guerre thologique de l'Allemagne remplit les intermdes de la +grande guerre europenne que Charles-Quint soutenait contre Franois +Ier et contre les Turcs. Mais dans les crises les plus violentes de +celle-ci, l'autre se ralentit peine. C'est un imposant spectacle +que celui de l'Allemagne absorbe dans la pense religieuse, et prs +d'oublier la ruine prochaine dont semblaient la menacer les plus +formidables ennemis. Pendant que les Turcs franchissaient toutes les +anciennes barrires et que Soliman rpandait ses Tartares au-del de +Vienne, l'Allemagne disputait sur la transsubstantiation et sur le +libre arbitre. Ses guerriers les plus illustres sigeaient dans les +dites et interrogeaient les docteurs. Tel tait le flegme intrpide de +cette grande nation, telle sa confiance dans sa force et dans sa masse. + +La guerre des Turcs et celle des Franais, la prise de Rome et la +dfense de Vienne, occupaient tellement Charles-Quint et Ferdinand, que +les protestans avaient obtenu la tolrance jusqu'au prochain concile. +Mais en 1530, Charles-Quint, voyant la France abattue, l'Italie +asservie, Soliman repouss, entreprit de juger le grand procs de la +Rforme. Les deux partis comparurent Augsbourg. Les sectateurs de +Luther, dsigns par le nom gnral de _protestans_, voulurent se +distinguer de tous les autres ennemis de Rome, dont les excs auraient +calomni leur cause, des zwingliens rpublicains de la Suisse, odieux +aux princes et la noblesse, des anabaptistes surtout, proscrits comme +ennemis de l'ordre et de la socit. Luther, sur qui pesait encore la +sentence prononce Worms, qui le dclarait hrtique, ne put s'y +rendre; il fut remplac par le savant et pacifique Mlanchton, esprit +doux et timide comme rasme, dont il restait l'ami malgr Luther. + +L'lecteur amena du moins celui-ci le plus prs possible d'Augsbourg, +dans la forteresse de Cobourg.[a11][a12] De l Luther pouvait +entretenir avec les ministres protestans, une active et facile +correspondance. Le 22 avril il crit Mlanchton: Je suis enfin +arriv mon Sina, cher Philippe, mais de ce Sina je ferai une Sion, +et j'y lverai trois tabernacles, l'un au psalmiste, l'autre aux +prophtes, l'autre enfin sope (dont il traduisait alors les fables). +Rien ne manque pour que ma solitude soit complte. J'ai une vaste +maison, qui domine le chteau, et les cls de toutes les chambres. A +peine y a-t-il trente personnes dans toute la forteresse, encore douze +sont des veilleurs de nuit, et deux autres des sentinelles toujours +postes sur les tours. (22 avril.) + +_A Spalatin_ (9 mai): Vous allez Augsbourg, sans avoir pris les +auspices, et ne sachant quand ils vous permettront de commencer. +Moi, je suis dj au milieu des comices, en prsence de magnanimes +souverains, devant des rois, des ducs, des grands, des nobles, +qui confrent avec gravit sur les affaires de l'tat, et d'une +voix infatigable remplissent l'air de leurs dcrets et de leurs +prdications. Ils ne sigent point enferms dans ces antres et ces +royales cavernes que vous appelez des palais, mais sous le soleil; +ils ont le ciel pour tente, pour tapis riche et vari, la verdure des +arbres sous lesquels ils sont en libert, pour enceinte, la terre +jusqu' ses dernires limites. Ce luxe stupide de l'or et de la soie +leur fait horreur; tous, ils ont mmes couleurs, mme visage. Ils sont +tous galement noirs, tous font la mme musique, et dans ce chant sur +une seule note, l'on n'entend que l'agrable dissonnance de la voix des +jeunes se mlant celle des vieux. Nulle part je n'ai vu ni entendu +parler de leur Empereur; ils mprisent souverainement ce quadrupde +qui sert nos chevaliers; ils ont quelque chose de meilleur, avec +quoi ils peuvent se moquer de la furie des canons. Autant que j'ai pu +comprendre leurs dcrets, grce un interprte, ils ont dcid, +l'unanimit, de faire la guerre, pendant toute cette anne, l'orge, +au bl et la farine, enfin ce qu'il y a de mieux parmi les fruits +et les graines. Et il est craindre qu'ils ne soient presque partout +vainqueurs, car c'est une race de guerriers adroits et russ, galement +habiles butiner par force ou surprise. Moi, oisif spectateur, j'ai +assist avec grande satisfaction leurs comices. L'espoir o je suis +des victoires que leur courage leur donnera sur le bl et l'orge, +ou sur tout autre ennemi, m'a rendu le fidle et sincre ami de ces +_patres patri_, de ces sauveurs de la rpublique. Et si par des +voeux je puis les servir, je demande au ciel que dlivrs de l'odieux +nom de corbeaux, etc. Tout cela n'est qu'une plaisanterie, mais une +plaisanterie srieuse et ncessaire pour repousser les penses qui +m'accablent, si toutefois elle les repousse. (9 mai.) + +Les nobles seigneurs qui forment nos comices courent ou plutt +naviguent travers les airs[a13]. Le matin, de bonne heure, ils s'en +vont en guerre, arms de leurs becs invincibles, et tandis qu'ils +pillent, ravagent et dvorent, je suis dlivr pour quelque temps de +leurs ternels chants de victoire. Le soir, ils reviennent triomphans; +la fatigue ferme leurs yeux, mais leur sommeil est doux et lger +comme celui d'un vainqueur. Il y a quelques jours j'ai pntr dans +leur palais pour voir la pompe de leur empire. Les malheureux eurent +grand'peur; ils s'imaginaient que je venais dtruire leur industrie. Ce +fut un bruit, une frayeur, des visages consterns!!! Quand je vis que +moi seul je faisais trembler tant d'Achilles et d'Hectors, je battis +des mains, je jetai mon chapeau en l'air, pensant que j'tais bien +assez veng si je pouvais me moquer d'eux. Tout ceci n'est point un +simple jeu, c'est une allgorie, un prsage de ce qui arrivera. Ainsi +devant la parole de Dieu l'on verra trembler toutes ces harpies qui +sont maintenant Augsbourg, criant et romanisant. (19 juin.) + +Mlanchton transform Augsbourg en chef de parti, ayant batailler +chaque jour avec les lgats, les princes, l'Empereur, se trouvait fort +mal de cette vie active qu'on lui avait impose. Plusieurs fois il fit +part de ses peines Luther, qui, pour toute consolation, le tanait +rudement[a14]: + +Vous me parlez de vos travaux, de vos prils, de vos larmes, et moi, +suis-je donc assis sur des roses? est-ce que je ne porte pas une part +de votre fardeau? Ah! plt au ciel que ma cause ft telle qu'elle +permt les larmes! (29 juin 1530.) + +Dieu rcompense selon ses oeuvres le tyran de Salzbourg qui te fait +tant de mal! Il mritait de toi une autre rponse, telle que je la lui +aurais faite peut-tre, telle qu'il n'en a jamais entendu de semblable. +Il faudra qu'ils entendent, je le crains, cette parole de Jules Csar: +_Ils l'ont voulu_... + +Tout ce que j'cris est inutile, parce que tu veux, selon ta +philosophie, gouverner toutes ces choses avec ta raison, c'est--dire +draisonner avec la raison. Va, continue de te tuer cette chose, sans +voir que ta main ni ton esprit ne peuvent la saisir, qu'elle ne veut +pas de tes soins. (30 juin 1530.) + +Dieu a mis cette cause dans un certain lieu que ne connaissait point +ta rhtorique ni ta philosophie. Ce lieu, on l'appelle la foi; l +toutes choses sont inaccessibles la vue; quiconque veut les rendre +visibles, apparentes et comprhensibles, celui-l ne gagne pour prix +de son travail que des peines et des larmes, comme tu en as gagn. +Dieu a dit qu'il habitait dans les nues, qu'il tait assis dans les +tnbres. Si Mose avait cherch un moyen d'viter l'arme de Pharaon, +Isral serait peut-tre encore en gypte... Si nous n'avons pas la +foi, pourquoi ne pas chercher consolation dans la foi d'autrui; car +il y en a ncessairement qui croient, si nous ne croyons pas? Ou bien, +faut-il dire que le Christ nous a abandonns, avant la consommation des +sicles? S'il n'est pas avec nous, o est-il en ce monde, je vous le +demande? Si nous ne sommes point l'glise ou une partie de l'glise, o +est l'glise? Est-ce Ferdinand, le duc de Bavire, le pape, le Turc et +leurs semblables? Si nous n'avons la parole de Dieu, qui donc l'aura? +Toi, tu ne comprends point toutes ces choses; car Satan te travaille +et te rend faible. Puisse le Christ te gurir! c'est ma sincre et +continuelle prire. (29 juin.) + +Ma sant est faible... Mais je mprise cet ange de Satan qui vient +souffleter ma chair. Si je ne puis lire ni crire, au moins je puis +penser et prier, et mme me quereller avec le diable; ensuite dormir, +paresser, jouer et chanter. Quant toi, mon cher Philippe, ne te +macre point pour cette affaire qui n'est point en ta main, mais en +celle d'Un plus puissant qui personne ne pourra l'enlever. (31 +juillet.) + +Mlanchton croyait qu'il tait possible de rapprocher les deux partis; +Luther comprit de bonne heure qu'ils taient irrconciliables. Dans le +commencement de la Rforme, il avait souvent rclam les confrences +et les disputes publiques; il lui fallait alors tout tenter, avant +d'abandonner l'esprance de conserver l'unit chrtienne; mais sur +la fin de sa vie, ds le temps mme de la dite d'Augsbourg, il se +prononait contre tous ces combats de parole, o le vaincu ne veut +jamais avouer sa dfaite. + +(26 aot 1530.) Je suis contre toute tentative faite pour accorder +les deux doctrines; car c'est chose impossible, moins que le pape ne +veuille abolir sa papaut. C'est assez pour nous d'avoir rendu raison +de notre croyance et de demander la paix. Pourquoi esprer de les +convertir la vrit? + +_A Spalatin._ (26 aot 1530.) J'apprends que vous avez entrepris une +oeuvre admirable, de mettre d'accord Luther et le pape. Mais le pape ne +le veut pas, et Luther s'y refuse; prenez garde d'y perdre votre temps +et vos peines. Si vous en venez bout, pour suivre votre exemple, je +vous promets de rconcilier Christ et Blial. + +Dans une lettre du 21 juillet il crivait Mlanchton: Vous verrez si +j'tais un vrai prophte quand je rptais sans cesse qu'il n'y avait +point d'accord possible entre les deux doctrines, et que ce serait +assez pour nous d'obtenir la paix publique. + +Ces prophties ne furent pas coutes; les confrences eurent lieu, +et l'on demanda aux protestans une profession de foi. Mlanchton la +rdigea, en prenant l'avis de Luther sur les points les plus importans. + +A Mlanchton. J'ai reu votre apologie, et je m'tonne que vous me +demandiez ce qu'il faut cder aux papistes. Pour ce qui est du prince, +et de ce qu'il faut lui accorder si quelque danger le menace, c'est une +autre question. Quant moi, il a t fait dans cette apologie plus +de concessions qu'il n'tait convenable; et s'ils les rejettent, je +ne vois pas que je puisse aller plus loin, moins que leurs raisons +et leurs livres ne me paraissent meilleurs qu'ils ne m'ont sembl +jusqu' cette heure. J'emploie les jours et les nuits cette affaire, +rflchissant, interprtant, discutant, parcourant toute l'criture; +chaque jour augmente ma certitude et me confirme dans ma doctrine. + +(20 septembre 1530.) Nos adversaires ne nous cdent pas un poil; et +nous, il ne faut pas seulement que nous leur cdions le canon, les +messes, la communion sous une espce, la juridiction accoutume; mais +encore il faudrait avouer que leurs doctrines, leurs perscutions, tout +ce qu'ils ont fait ou pens, a t juste et lgitime, et que c'est +tort que nous les avons accuss. C'est--dire qu'ils veulent que notre +propre tmoignage les justifie et nous condamne. Ce n'est pas l +simplement nous rtracter, mais nous maudire trois fois nous-mmes. + +... Je n'aime pas que dans cette cause vous vous appuyiez de mes +opinions. Je ne veux tre ni paratre votre chef; quand mme l'on +interprterait cela bien, je ne veux pas de ce nom. Si ce n'est point +votre propre cause, je ne veux pas qu'on dise que c'est la mienne, et +que je vous l'ai impose. Je la dfendrai moi-mme, s'il n'y a que moi +qui la soutienne. + +Deux jours avant, il avait crit Mlanchton: Si j'apprends que les +choses vont mal de votre ct, j'aurai peine m'empcher d'aller voir +cette formidable range des dents de Satan. Et quelque temps aprs: +J'aurais voulu tre la victime sacrifie par ce dernier concile, +comme Jean Huss a t Constance celle du dernier jour de la fortune +papale.[a15] (21 juillet 1530.) + +La profession de foi des protestans fut prsente la dite[a16] et lue +par ordre de Csar devant tout l'Empire, c'est--dire devant tous +les princes et les tats de l'Empire. C'est une grande joie pour +moi d'avoir vcu jusqu' cette heure, que je voie Christ prch par +ses confesseurs devant une telle assemble, et dans une si belle +confession. (6 juillet.) + +Cette confession tait signe de cinq lecteurs, trente princes +ecclsiastiques, vingt-trois princes sculiers, vingt-deux abbs, +trente-deux comtes et barons, trente-neuf villes libres et impriales. +Le prince lecteur de Saxe, le margrave George de Brandebourg, Jean +Frdric-le-Jeune, landgrave de Hesse; Ernest et Franois, ducs de +Lunebourg; le prince Wolfgang de Anhalt; les villes de Nuremberg et de +Reutlingen, ont sign la confession..... Beaucoup d'vques inclinent +la paix, sans s'inquiter des sophismes d'Eck et de Faber. L'archevque +de Mayence est trs port pour la paix[a17]; de mme le duc Henri de +Brunswick, qui a invit familirement Mlanchton dner, l'assurant +qu'il ne pouvait nier les articles touchant les deux espces, le +mariage des prtres, et l'inutilit d'tablir des diffrences entre les +choses qui servent la nourriture. Les ntres avouent que personne +ne s'est montr plus conciliant dans toutes les confrences que +l'Empereur. Il a reu notre prince non-seulement avec bont, mais avec +respect. (6 juillet.) + +L'vque d'Augsbourg, le confesseur mme de Charles-Quint, taient +favorablement disposs pour les luthriens. L'Espagnol disait +Mlanchton qu'il s'tonnait qu'en Allemagne on contestt la +doctrine de Luther sur la foi, que lui il avait toujours pens de mme +sur ce point (relation de Spalatin sur la dite d'Augsbourg)[r5]. + + [r5] _Ibid._ t. IX, 414. + +Quoi qu'en dise ici Luther des douces dispositions de Charles-Quint, +il termina les discussions en sommant les rforms de renoncer leurs +erreurs sous peine d'tre mis au ban de l'Empire. Il sembla mme prt +employer la violence et fit un instant fermer les portes d'Augsbourg. + +Si l'Empereur veut faire un dit, qu'il le fasse; aprs Worms aussi il +en fit un[a18]. coutons l'Empereur puisqu'il est l'Empereur, rien de plus. +Que nous importe ce rustre qui veut se poser comme Empereur (il parle +du duc George)? (15 juillet 1530.) + +Notre cause se dfendra mieux de la violence et des menaces, que de +ces ruses sataniques que j'ai craintes, surtout jusqu' ce jour... +Qu'ils nous rendent Lonard[a19], Keiser et tant d'autres, qu'ils ont si +injustement fait mourir[a20]. Qu'ils nous rendent tant d'mes perdues par +leur doctrine impie; qu'ils rendent toutes ces richesses qu'ils ont +prises avec leurs trompeuses indulgences et leurs fraudes de toute +espce. Qu'ils rendent Dieu sa gloire viole par tant de blasphmes; +qu'ils rtablissent dans les personnes et dans les moeurs, la puret +ecclsiastique, si honteusement souille. Que dirais-je encore? Alors +nous aussi nous pourrons parler _de possessorio_. (13 juillet.) + +L'Empereur va ordonner simplement que toutes choses soient rtablies +en leur tat, que le rgne du pape recommence, ce qui excitera, je le +crains, de grands troubles pour la ruine des prtres et des clercs. +Les villes les plus puissantes, Nuremberg, Ulm, Augsbourg, Francfort, +Strasbourg et douze autres, rejettent ouvertement le dcret imprial, +et font cause commune avec nos princes. Tu as entendu parler de +l'inondation de Rome, de celle de Flandre et de Brabant. Ce sont des +signes envoys de Dieu, mais les impies ne peuvent les comprendre. Tu +sais encore la vision des moines de Spire. Brentius m'crit qu' Bade +on a vu dans les airs une arme nombreuse, et sur le flanc de cette +arme un soldat qui brandissait une lance d'un air triomphant, et qui +passa la montagne voisine et le Rhin. (5 dcembre.) + +La dite fut peine dissoute, que les princes protestans se +rassemblrent Smalkalde et y conclurent une ligue dfensive, +par laquelle ils devaient former un mme corps (31 dcembre). Ils +protestrent contre l'lection de Ferdinand au titre de roi des +Romains. On se prpara combattre[a21]; les contingens furent fixs: +on s'adressa aux rois de France, d'Angleterre et de Danemark. Luther +fut accus d'avoir pouss les protestans prendre cette attitude +hostile[a22]. + +Je n'ai point conseill, comme on l'a dit, la rsistance +l'Empereur[a23]. Voici mon avis comme thologien[a24]: Si les juristes +montrent par leurs lois que cela est permis, moi je leur permettrai +de suivre leurs lois. Si l'Empereur a tabli dans ses lois, qu'en +pareil cas on peut lui rsister, qu'il souffre de la loi que lui-mme a +faite... Le prince est une personne politique; s'il agit comme prince, +il n'agit pas comme chrtien, car le chrtien n'est ni prince, ni +homme, ni femme, ni aucune personne de ce monde. Si donc il est permis +au prince, comme prince, de rsister Csar, qu'il le fasse selon son +jugement et sa conscience. Quant au chrtien, rien ne lui est permis; +il est mort au monde. (15 janvier 1531.) + +En 1531, Luther crit un mmoire contre un petit livre anonyme +imprim Dresde, dans lequel on reprochait aux protestans de s'armer +en secret et de vouloir surprendre les catholiques, pendant que ceux-ci +ne songeaient, disait-on, qu' la paix et la concorde[r6]. + + [r6] _Ibid._ t. IX, 459. + +... On cache soigneusement d'o ce livre vient, personne ne doit le +savoir. Eh bien! je le veux donc ignorer aussi. Je veux avoir le rhume +pour cette fois et ne pas _sentir_ le maladroit pdant. Cependant +j'essaierai toujours mon savoir-faire et je frapperai hardiment sur le +sac: si les coups tombent sur l'ne qui s'y trouve, ce ne sera pas ma +faute; ce n'est pas lui, c'est au sac, que j'en voulais. + +Qu'il soit vrai ou non que les luthriens se prparent et se +rassemblent, cela ne me regarde pas, ce n'est pas moi qui le leur ai +ordonn ni conseill; je ne sais pas ce qu'ils font ou ce qu'ils ne +font pas; mais puisque les papistes annoncent par ce livre qu'ils +croient ces armemens, j'accueille ce bruit avec plaisir et je me +rjouis de leurs illusions et de leurs alarmes; j'augmenterais mme +volontiers ces illusions, si je le pouvais, rien que pour les faire +mourir de peur. Si Can tue Abel, si Anne et Caphe perscutent Jsus, +il est juste qu'ils en soient punis. Qu'ils vivent dans les transes, +qu'ils tremblent au bruit d'une feuille, qu'ils voient partout le +fantme de l'insurrection et de la mort, rien de plus quitable. + +... N'est-il pas vrai, imposteurs, que lorsqu' Augsbourg les ntres +prsentrent leur confession de foi, un papiste a dit: Ils nous donnent +l un livre crit avec de l'encre; je voudrais, moi, qu'on leur +rpondt avec du sang? + +N'est-il pas vrai que l'lecteur de Brandebourg et le duc George de +Saxe, ont promis l'Empereur de fournir cinq mille chevaux contre les +luthriens? + +N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de prtres et de seigneurs +ont pari qu'avant la Saint-Michel, c'en serait fait de tous les +luthriens? + +N'est-il pas vrai que l'lecteur de Brandebourg a dclar publiquement +que l'Empereur et tout l'Empire s'emploieraient corps et biens pour +arriver ce but?... + +Croyez-vous que l'on ne connaisse pas votre dit? que l'on ignore +que par cet dit toutes les pes de l'Empire sont aiguises et +dgaines, toutes les arquebuses charges, toute la cavalerie lance, +pour fondre sur l'lecteur de Saxe et son parti, pour tout mettre +feu et sang, tout remplir de pleurs et de dsolation? voil votre +dit, voil vos entreprises meurtrires scelles de votre sceau et +de vos armes, et vous voulez que l'on appelle cela de la paix, vous +osez accuser les luthriens de troubler le bon accord? O impudence, +hypocrisie sans bornes!... Mais je vous entends: vous voudriez que les +ntres ne s'apprtassent point la guerre dont leurs ennemis mortels +les menacent depuis si long-temps, mais qu'ils se laissassent gorger +sans crier ni se dfendre, comme des brebis l'abattoir. Grand merci, +mes bonnes gens! Moi, prdicateur, je dois endurer cela, je le sais +bien, et ceux qui cette grce est donne doivent l'endurer galement. +Mais que tous les autres en feront de mme, je ne puis le garantir aux +tyrans. Si je donnais publiquement ce conseil aux ntres, les tyrans +s'en prvaudraient, et je ne veux point leur ter la peur qu'ils ont +de notre rsistance. Ont-ils envie de gagner leurs perons en nous +massacrant? qu'ils les gagnent donc avec pril comme il convient de +braves chevaliers. gorgeurs de leur mtier, qu'ils s'attendent du +moins tre reus comme des gorgeurs... + +.... Que l'on m'accuse, ou non, d'tre trop violent, je ne m'en soucie +plus[a25]. Je veux que ce soit ma gloire et mon honneur dsormais, +que l'on dise de moi comme je tempte et svis contre les papistes. +Voil plus de dix ans que je m'humilie et que je donne de bonnes +paroles. A quoi tant de supplications ont-elles servi? A empirer le +mal. Ces rustres n'en sont que plus fiers.--Eh bien! puisqu'ils sont +incorrigibles, puisqu'il n'y a plus espoir d'branler leurs infernales +rsolutions par la bont, je romps avec eux, je les poursuivrai de mes +imprcations, sans fin ni repos, jusqu' ma tombe[a26]. Ils n'auront +plus jamais une bonne parole de moi; je veux qu'on les enterre au bruit +de mes foudres et de mes clairs. + +Je ne puis plus prier sans maudire. Si je dis, _Que ton nom soit +sanctifi_, il faut que j'ajoute: Maudit soit le nom des papistes et de +tous ceux qui te blasphment! Si je dis, _Que ton royaume arrive_, je +dois ajouter: Maudits soient la papaut et tous les royaumes qui sont +opposs au tien! Si je dis, _Que ta volont soit faite_, je dis encore: +Maudits soient et prissent les desseins des papistes et de tous ceux +qui te combattent!... Ainsi je prie ardemment tous les jours, et avec +moi tous les vrais fidles de Jsus-Christ... Cependant je garde encore + tout le monde un coeur bon et aimant, et mes plus grands ennemis +eux-mmes le savent bien. + +Souvent la nuit, quand je ne puis dormir, je cherche dans mon lit, +avec douleur et anxit, comment on pourrait encore dterminer les +papistes la pnitence avant le jugement terrible qui les menace. Mais +il semble que cela ne doit pas tre. Ils repoussent toute pnitence +et demandent grands cris notre sang. L'vque de Saltzbourg a dit + matre Philippe, la dite d'Augsbourg: Pourquoi disputer si +long-temps? Nous savons bien que vous avez raison. Et un autre jour: +Vous ne voulez pas cder, nous non plus, il faut donc qu'un parti +extermine l'autre. Vous tes le petit et nous le grand: nous verrons +qui aura le dessus. Jamais je n'aurais cru qu'on pt dire de telles +paroles. + + + + +CHAPITRE II. + +1534-1536. + + Anabaptistes de Munster[a27]. + + +Pendant que les deux grandes ligues des princes sont en prsence, +et semblent se dfier, un tiers s'lve entre deux, pour l'effroi +commun des deux partis. Cette fois, c'est encore le peuple, comme dans +la guerre des paysans, mais un peuple organis, matre d'une riche +cit. La _jacquerie_ du Nord, plus systmatique que celle du Midi, +produit l'idal de la dmagogie allemande du seizime sicle, une +royaut biblique, un David populaire, un messie artisan. Le mystique +compagnonnage allemand intronise un tailleur. + +L'entreprise du tailleur fut hardie, mais non absurde. L'anabaptisme +avait de grandes forces. Il n'clata que dans Munster; mais il tait +rpandu dans la Westphalie, dans le Brabant, la Gueldre, la Hollande, +la Frise, et tout le littoral de la Baltique jusqu'en Livonie. + +Les Anabaptistes formulrent la maldiction que les paysans vaincus +avaient jete sur Luther. Ils dtestrent en lui l'ami de la noblesse, +le soutien de l'autorit civile, le _remora_ de la Rforme. Quatre +prophtes, deux vrais et deux faux; les vrais sont David et Jean de +Leyde; les faux, le pape et Luther, mais Luther est pire que le pape. + + +_Comment l'vangile a d'abord pris naissance Munster, et comment il y +a fini aprs la destruction des anabaptistes[r7]. Histoire vritable +et bien digne d'tre lue et conserve dans la mmoire (car l'esprit des +anabaptistes de Munster vit encore), dcrite par Henricus Dorpius de +cette ville._ Nous nous contenterons de donner un extrait de ce prolixe +rcit: + + [r7] _Ibid._ t. II, 391, 199. + +La rforme commena Munster en 1532, par Rothmann, prdicateur +luthrien ou zwinglien. Elle y eut un si grand succs, que l'vque +cdant l'intercession du landgrave de Hesse, accorda aux vangliques +six de ses glises. Plus tard, un garon tailleur, Jean de Leyde, y +apporta la doctrine des anabaptistes, et la propagea dans quelques +familles. Il fut aid dans son oeuvre par un prdicateur nomm +Hermann Stapraeda, de Moersa, anabaptiste comme lui. Bientt leurs +assembles secrtes devinrent si nombreuses, que les catholiques et les +rforms en furent galement alarms, et chassrent les anabaptistes +de la ville. Mais ceux-ci revinrent plus hardis; ils intimidrent le +conseil, et l'obligrent de fixer un jour o il y aurait discussion +publique dans la maison commune, sur le baptme des enfans. Dans +cette discussion, le pasteur Rothmann passa du ct des anabaptistes, +et devint lui-mme un de leurs chefs... Un jour, un autre de leurs +prdicateurs se met courir dans les rues, en criant: Faites +pnitence, faites pnitence, amendez-vous, faites-vous baptiser, ou +Dieu va vous punir! Soit crainte, soit zle religieux, beaucoup de +gens qui entendirent ces cris, se htrent de demander le baptme. +Alors les anabaptistes remplissent le march en criant: Sus aux +paens qui ne veulent pas du baptme! Ils s'emparent des canons, des +munitions, de la maison de ville, et maltraitent les catholiques et +les luthriens qu'ils rencontrent. Ceux-ci se forment en nombre et +attaquent les anabaptistes leur tour. Aprs divers combats sans +rsultat, les deux partis prouvrent le besoin de se rapprocher, et +convinrent que chacun serait libre de professer sa croyance. Mais les +anabaptistes n'observrent point ce trait; ils crivirent sous main + tous ceux de leur secte qui taient dans les villes voisines pour +les faire venir Munster. Quittez ce que vous avez, crivaient-ils; +maisons, femmes, enfans, laissez tout pour venir nous. Tout ce que +vous aurez abandonn, vous sera rendu au dcuple... Quand les riches +s'aperurent que la ville se remplissait d'trangers, ils en sortirent +comme ils purent, n'y laissant de leur parti que les gens du bas +peuple. (carme de l'anne 1534.) + +Les anabaptistes, enhardis par leur dpart et par les renforts qui leur +taient arrivs, dposrent aussitt le conseil de ville qui tait +luthrien, et en composrent un d'hommes de leur parti. + +Quelques jours plus tard, ils pillrent les glises et les couvens, et +coururent la ville en tumulte, arms de hallebardes, d'arquebuses et de +btons, criant comme des furieux: Faites pnitence, faites pnitence! +et aprs: Hors la ville, impies! hors la ville, ou l'on vous assomme! +Ainsi ils chassrent sans piti tout ce qui n'tait pas des leurs. +Ni vieillard ni femme enceinte, ne fut except. Un grand nombre de +ces pauvres fugitifs tombrent entre les mains de l'vque, qui se +prparait assiger la ville. Sans avoir gard ce qu'ils n'taient +point du parti des anabaptistes, il les fit emprisonner; beaucoup +d'entre eux furent mme cruellement mis mort. + +Les anabaptistes tant matres de la ville, leur prophte suprme, Jean +de Matthiesen, ordonna que tout le monde mt son avoir en commun, sans +rien cler, sous peine de la vie. Le peuple eut peur et obit. Les +biens des fugitifs furent saisis de mme. Ce prophte dcida encore +que l'on ne garderait aucun autre livre que la Bible et le Nouveau +Testament. Tous les autres qu'on put trouver furent brls dans la cour +de la cathdrale. Ainsi le voulait le Pre du ciel, disait le prophte. +On en brla au moins pour vingt mille florins. + +Un marchal ferrant ayant parl injurieusement des prophtes, toute la +commune est assemble sur le march, et Jean Matthiesen le tue d'un +coup de feu. Peu aprs, ce prophte court tout seul hors la ville, une +hallebarde la main, criant que le Pre lui a ordonn de repousser les +ennemis. Il avait peine pass la porte qu'il fut tu. + +Jean de Leyde lui succda comme prophte suprme, et il pousa sa +veuve. Il releva le courage du peuple abattu par la mort de son +prdcesseur. A la Pentecte, l'vque fit donner l'assaut, mais il +fut repouss avec grande perte. Jean de Leyde nomma douze fidles +(parmi lesquels se trouvaient trois nobles) pour tre les anciens dans +Isral... Il dclara aussi que Dieu lui avait rvl des doctrines +nouvelles sur le mariage; il discuta avec les prdicateurs, qui, +enfin, se rangrent son avis et prchrent trois jours de suite +sur la pluralit des femmes. Un assez grand nombre d'habitans se +dclarrent contre la nouvelle doctrine, et firent mme prisonniers les +prdicateurs avec l'un des prophtes; mais bientt ils furent obligs +de les relcher, et quarante-neuf d'entre eux prirent. + +A la Saint-Jean de l'anne 1534, un nouveau prophte, auparavant +orfvre Warendorff, assembla le peuple, et lui annona qu'il avait eu +une rvlation d'aprs laquelle Jean de Leyde devait rgner sur toute +la terre, et occuper le trne de David jusqu'au temps o Dieu le Pre +viendrait lui redemander le gouvernement... Les douze anciens furent +dposs et Jean de Leyde proclam roi. + +Plus les anabaptistes prenaient de femmes, plus l'esprit de libertinage +augmentait parmi eux; ils commirent d'horribles excs sur des jeunes +filles de dix, douze et quatorze ans. Ces violences barbares, et les +maux du sige irritrent une partie du peuple. Plusieurs souponnaient +Jean de Leyde d'imposture et songeaient le livrer l'vque. Le roi +redoubla de vigilance et nomma douze ducs chargs de maintenir la ville +dans la soumission (jour des Rois 1535). Il promit ces douze chefs +qu'ils rgneraient la place de tous les princes de la terre, et il +leur distribua d'avance des lectorats et des principauts. Le noble +landgrave de Hesse est seul except de la proscription; ils esprent, +disent-ils, qu'il deviendra leur frre... Le roi dsigna le jour de +Pques comme l'poque o la ville serait dlivre. + +... L'une des reines ayant dit ses compagnes qu'elle ne croyait pas +conforme la volont de Dieu qu'on laisst ainsi le pauvre peuple +mourir de misre et de faim, le roi la conduisit au march avec ses +autres femmes, lui ordonna de s'agenouiller au milieu de ses compagnes +prosternes comme elle, et lui trancha la tte. Les autres reines +chantrent: _Gloire Dieu au haut des cieux!_ et tout le peuple se +mit danser autour. Cependant il n'avait plus manger que du pain +et du sel! Vers la fin du sige, la famine fut si grande que l'on y +distribuait rgulirement la chair des morts; on n'exceptait que ceux +qui avaient eu des maladies contagieuses. A la Saint-Jean de l'anne +1535, l'vque apprit d'un transfuge, le moyen d'attaquer la ville avec +avantage. Elle fut prise le jour mme de la Saint-Jean, et, aprs une +rsistance opinitre, les anabaptistes furent massacrs. Le roi, ainsi +que son vicaire et son lieutenant, fut emmen entre deux chevaux, une +chane double au cou, la tte et les pieds nus... L'vque l'interpella +durement sur l'horrible dsastre dont il tait cause; il lui rpondit: +Franois de Waldeck (c'tait son nom), si les choses avaient t mon +gr, ils seraient tous morts de faim, avant que je t'eusse livr la +ville. + +Nous trouvons beaucoup d'autres dtails intressans dans une pice +insre au second volume des oeuvres allemandes de Luther (dition +de Witt.) sous le titre suivant: _Nouvelle sur les anabaptistes de +Munster_[r8]. + + [r8] _Ibid._ t. II, 328. + +... Huit jours aprs que l'assaut a t repouss par les anabaptistes, +le roi a commenc son rgne en s'entourant d'une cour complte, +l'gal d'un prince sculier. Il a institu des matres de crmonies, +des marchaux, des huissiers, des matres de cuisine, des fourriers, +des chanceliers, des orateurs (_redner_), des serviteurs pour la table, +des chansons, etc. + +Une de ses femmes a t leve au rang de reine, et elle a galement +sa cour elle. C'est une belle et noble femme de Hollande, marie +auparavant un autre prophte qui a t tu devant Munster et de qui +elle est encore enceinte. + +Le roi a en outre trente et un chevaux couverts de draps d'or. Il +s'est fait faire des habits prcieux en or et en argent avec les +ornemens de l'glise. Son cuyer est par comme lui de vtemens +superbes pris de ces ornemens, et il porte en outre des bagues d'or; de +mme la reine avec ses vierges et ses femmes. + +Lorsque le roi, dans sa majest, traverse la ville cheval, des pages +l'accompagnent: l'un porte son ct droit la couronne et la Bible, +l'autre une pe nue. L'un d'eux est le fils de l'vque de Munster. Il +est prisonnier et il sert le roi dans sa chambre. + +Le roi a de mme dans sa triple couronne surmonte d'une chane d'or +et de pierreries, la figure du monde perce d'une pe d'or et d'une +pe d'argent. Au milieu du pommeau des deux pes se trouve une petite +croix sur laquelle est crit: _Un roi de la justice sur le monde_. La +reine porte les mmes ornemens. + +En cet appareil le roi se rend trois fois par semaine au march, o +il monte sur un sige lev qu'on a fait exprs. Le lieutenant du roi, +nomm Knipperdolling, se tient une marche plus bas, puis viennent les +conseillers. Celui qui a affaire au roi s'incline deux fois, se laisse +tomber terre la troisime, et expose ensuite ce qu'il a dire. + +Un mardi ils ont clbr la sainte Cne dans la _cour du dme_; ils +taient table au nombre de prs de quatre mille deux cents. Trois +plats furent servis: savoir du bouilli, du jambon et du rti; le roi +et ses femmes et tous leurs domestiques servirent les convives. + +Aprs le repas, le roi et la reine prirent du gteau de froment, +le rompirent et en donnrent aux autres, disant: Prenez, mangez et +annoncez la mort du Seigneur. De mme ils prirent une cruche de vin, +disant: Prenez, buvez-en tous et annoncez la mort du Seigneur. + +Les convives rompirent de mme des gteaux, et se les prsentrent +les uns aux autres en prononant ces paroles: Frre et soeur, prends +et mange. De mme que Jsus-Christ s'est dvou pour moi, de mme je +veux me dvouer pour toi; et de mme que dans ce gteau les grains de +froment sont joints, et que les raisins ont t unis pour former ce +vin, de mme nous aussi nous sommes unis. Ils s'exhortaient en mme +temps ne rien dire de frivole, ni qui ft contraire la loi du +Seigneur. Ensuite ils remercirent Dieu, d'abord par des prires, et +puis par des cantiques, surtout par le cantique: _Gloire Dieu au +haut des cieux!_ Le roi et ses femmes, avec leurs serviteurs, se mirent + table galement, ainsi que ceux qui revenaient de la garde. + +Quand tout fut fini, le roi demanda l'assemble s'ils taient tous +disposs faire et souffrir la volont du Pre. Ils rpondirent +tous: _Oui_. Puis le prophte Jean de Warendorff se leva, et dit: Que +Dieu lui avait ordonn d'envoyer quelques-uns d'entre eux pour annoncer +les miracles dont ils avaient t tmoins. Le mme prophte ajouta +que, selon l'ordre de Dieu, ceux qu'il nommerait devaient se rendre +dans quatre villes de l'Empire, et y prcher... On donna chacun un +fenin d'or de la valeur de neuf florins avec de la monnaie ordinaire +pour le voyage, et ils partirent le soir mme. + +La veille de Saint-Gall, ils parurent dans les villes dsignes, +faisant grand bruit, et criant: Convertissez-vous et faites pnitence, +car la misricorde du Pre est sa fin. La cogne frappe dj la +racine de l'arbre. Que votre ville accepte la paix, ou elle va prir. +Arrivs devant le conseil des quatre villes, ils tendirent leurs +manteaux par terre, et y jetrent les susdites pices d'or, en disant: +Nous sommes envoys par le Pre pour vous annoncer la paix. Si vous +l'acceptez, mettez tout votre bien en commun; si vous ne voulez pas +faire cela, nous protesterons devant Dieu avec cette pice d'or, +et nous prouverons par elle que vous avez rejet la paix qu'il vous +envoyait. Il est arriv maintenant, le temps annonc par tous les +prophtes, ce temps o Dieu ne voudra plus souffrir sur la terre que +la justice; et quand le roi aura fait rgner la justice sur toute la +face de la terre, alors Jsus-Christ remettra le gouvernement entre les +mains du Pre. + +Alors ils furent mis en prison et questionns sur leur croyance, leur +vie, etc... (Suit l'interrogatoire.) ... Ils disaient qu'il y avait +quatre prophtes, deux vrais, et deux faux; que les vrais, c'taient +David et Jean de Leyde, et les faux, le pape et Luther. Luther, +disaient-ils, est pire encore que le pape. Ils tiennent aussi pour +damns tous les autres anabaptistes, quelque part qu'ils se trouvent. + +... Dans Munster, disaient-ils, les hommes ont communment cinq, six, +sept ou huit femmes, selon leur bon plaisir[1]. Mais chacun est oblig +d'habiter d'abord avec l'une d'entre elles, jusqu' ce qu'elle soit +enceinte. Ensuite, il peut faire comme il lui plat. Toutes les jeunes +filles qui ont pass douze ans doivent se marier... + + [1] L'un des interrogs dit que le roi en avait cinq. D'aprs + une autre relation, le nombre en serait mont la fin jusqu' + dix-sept. + +... Ils dtruisent les glises et toutes maisons consacres Dieu... + +... Ils attendent Munster des gens de Groningue et d'autres contres +de la Hollande. Eux venus, le roi se lvera avec toutes ses forces, et +subjuguera la terre entire. + +Ils tiennent aussi qu'il est impossible de bien comprendre l'criture +sans que des prophtes l'aient explique. Quand on discute avec eux +et qu'ils en viennent ne pouvoir justifier leur entreprise par +l'criture, ils disent que le Pre ne leur donne pas de s'expliquer +l-dessus. D'autres rpondent: Le prophte l'a dit par l'ordre de Dieu. + +Il ne s'en trouva aucun qui voult se rtracter, ni qui acceptt sa +grce ce prix. Ils chantaient et remerciaient Dieu qui les avait +jugs dignes de souffrir pour son nom. + +Les anabaptistes somms par le landgrave de Hesse de se justifier +relativement au roi qu'ils s'taient donn, lui rpondirent (janvier +1535)[r9]: Que les temps de la restitution annoncs par les livres +saints taient arrivs, que l'vangile leur avait ouvert la prison de +Babylone, et qu'il fallait prsent rendre aux Babyloniens selon leurs +oeuvres; qu'une lecture attentive des prophtes, de l'Apocalypse, +etc., montrerait videmment au Landgrave si c'tait d'eux-mmes qu'ils +avaient institu un roi, ou bien par l'ordre de Dieu, etc. + + [r9] _Ibid._ t. II, 365. + +Suit la convention qui fut arrte l'an 1533, entre l'vque de +Munster et cette ville par l'entremise des conseillers du Landgrave: +... Les anabaptistes envoyrent au landgrave de Hesse leur livre _De +restitutione_. Il le lut avec indignation et ordonna ses thologiens +d'y rpondre et d'opposer particulirement aux anabaptistes neuf +articles qu'il dsigna. Dans ces articles il leur reproche entre autres +choses: 1 de faire consister la justice non pas dans la foi seule, +mais dans la foi et les oeuvres ensemble; 2 d'accuser injustement +Luther de n'avoir jamais enseign les bonnes oeuvres; 3 de dfendre le +libre arbitre. + +Dans le livre _De restitutione_, les anabaptistes divisaient toute +l'histoire du monde en trois parties principales. Le premier monde, +disent-ils, celui qui exista jusqu' No, fut submerg par les eaux. Le +second, celui dans lequel nous-mmes nous vivons encore, sera fondu et +purifi par le feu. Le troisime sera un nouveau ciel et une nouvelle +terre, habits par la justice. C'est ce que Dieu a dsign par l'arche +sainte dans laquelle il y avait le vestibule, le sanctuaire et le +saint des saints... La venue du troisime monde sera prcde d'une +restitution et d'un chtiment universels. Les mchans seront tus, +le rgne de la justice prpar, les ennemis du Christ jets bas, et +toutes choses restitues. C'est ce temps qui commence maintenant. + +_Entretien ou discussion qu'Antoine Corvinus et Jean Kymeus ont eue +Bverger avec Jean de Leyde, le roi de Munster[r10]._--Quand le roi +entra dans notre chambre avec l'escorte qui l'avait tir de sa prison, +nous le salumes d'une manire amicale et l'invitmes s'asseoir prs +du feu. Nous lui demandmes comment il se portait et s'il souffrait +dans sa prison. Il rpondit qu'il souffrait du froid et se sentait +mal au coeur, mais qu'il devait tout endurer avec patience, puisque +Dieu avait ainsi dispos de lui. Peu--peu, toujours en lui parlant +amicalement, car on ne pouvait rien obtenir de lui d'une autre manire, +nous arrivmes parler de son royaume et de sa doctrine, de la manire +qu'il suit: + + [r10] _Ibid._ t. II, 376. + +PREMIER POINT DE L'INTERROGATOIRE.--_Les ministres._ Cher Jean, +nous entendons dire de votre gouvernement des choses extraordinaires +et horribles. Si elles sont telles qu'on le dit, et malheureusement +cela n'est que trop vrai, nous ne pouvons concevoir comment il vous +est possible de justifier une semblable entreprise par la sainte +criture... + +_Le roi._ Ce que nous avons fait et enseign, nous l'avons fait +et enseign avec bon droit, et nous pouvons justifier toute notre +entreprise, nos actions et notre doctrine devant Dieu et qui il +appartient. + +_Les ministres_ lui objectent que dans l'criture il n'tait question +que d'un rgne spirituel de Jsus-Christ: Mon royaume n'est pas de ce +monde, a-t-il dit lui-mme. + +_Le roi._ J'entends trs bien ce que vous dites du royaume spirituel +de Jsus-Christ et je n'attaque nullement les passages que vous citez. +Mais vous devez savoir distinguer le royaume spirituel de Jsus-Christ, +lequel se rapporte aux temps de la souffrance, et duquel aprs tout ni +vous ni Luther vous n'avez une juste ide, et l'autre royaume, celui +qui, aprs la rsurrection, sera tabli dans ce monde pendant mille +ans. Tous les versets qui traitent du royaume spirituel de Jsus-Christ +ont rapport au temps de la souffrance, mais ceux qui se trouvent dans +les prophtes et dans l'Apocalypse et qui traitent du royaume temporel, +doivent tre rapports au temps de la gloire et de la puissance que +Jsus-Christ aura dans le monde avec les siens. + +Notre royaume de Munster a t une image de ce royaume temporel du +Christ; vous savez que Dieu annonce et dsigne beaucoup de choses par +des figures. Nous avions cru que notre royaume durerait jusqu' la +venue du Seigneur, mais nous voyons prsent qu'en ce point notre +entendement a failli et que nos prophtes ne l'ont pas bien compris +eux-mmes. Dieu nous en a, dans la prison, ouvert et rvl la +vritable intelligence... + +Je n'ignore pas que vous rapportez communment au royaume spirituel du +Christ ces passages et d'autres semblables, qui pourtant doivent, sans +aucun doute, tre entendus du royaume temporel. Mais qu'est-ce que ces +interprtations spirituelles, et quoi servent-elles, si rien ne doit +se raliser un jour?... Dieu a cr le monde principalement pour se +complaire dans les hommes auxquels il a donn un reflet de sa force et +de sa puissance. + +_Les ministres_ ... Et comment vous justifierez-vous quand Dieu vous +dira au jugement dernier: Qui t'a fait roi? Qui t'a ordonn de rpandre +dans le monde de si effroyables erreurs, au grand dtriment de ma +parole? + +_Le roi._ Je rpondrai: Les prophtes de Munster me l'ont ordonn +comme tant votre volont divine, en preuve de quoi ils m'ont donn en +gage leur corps et leur me. + +_Les ministres_ lui demandent ce qu'il en est des rvlations divines +qu'il aurait eues, dit-on, au sujet de son lvation la royaut. + +_Le roi._ Je n'ai pas eu de rvlation ce sujet, seulement il m'est +venu des penses, comme s'il devait y avoir un roi Munster, et que +moi je dusse tre ce roi. Ces penses m'branlrent et m'affligrent +profondment. Je priais Dieu de vouloir bien prendre en considration +mon inhabilet, et de ne point me charger d'un tel fardeau. Au cas o +il ne voudrait pas m'pargner cette peine, je le priais de me faire +dsigner par des prophtes dignes de foi et en possession de sa parole. +Je m'en tins l et n'en dis rien personne. Mais quinze jours aprs un +prophte se leva au milieu de la commune et s'cria que Dieu lui avait +signifi que Jean de Leyde devait tre roi. Il annona la mme chose au +conseil, qui aussitt se conforma ce qu'il disait, se dmit de son +pouvoir et me proclama roi avec toute la commune. Il me remit aussi le +glaive de la justice. C'est ainsi que je suis devenu roi. + +DEUXIME ARTICLE.--_Le roi._ ... Nous ne nous sommes opposs +l'autorit que parce qu'elle voulait nous interdire notre baptme et la +parole de Dieu. Nous avons rsist la violence. Vous prtendez que +nous avons agi injustement en cela, mais saint Pierre ne dit-il pas +qu'on doit obir Dieu plutt qu'aux hommes?... Vous ne rprouveriez +pas tout ce que nous avons fait, si vous saviez comment les choses se +sont passes... + +_Les ministres._ Parez et justifiez vos actes, comme vous voudrez, +vous n'en serez pas moins ternellement des rebelles, coupables du +crime de lse-majest. Le chrtien doit souffrir et ne point rsister +au mchant. Quand mme tout le conseil se ft rang de votre parti +(ce qui n'a pas eu lieu), vous auriez d supporter la violence plutt +que de commencer un schisme, une sdition, une tyrannie pareils, +contrairement la parole de Dieu, la majest de l'Empereur, la +dignit royale, celle de l'lectorat et des princes et tats de +l'Empire. + +_Le roi._ Nous savons ce que nous avons fait: Que Dieu soit notre +juge. + +_Les ministres._ Nous aussi, nous savons sur quoi est fond ce que +nous disons. Que Dieu soit notre juge aussi. + +TROISIME ARTICLE.--_Le roi._ ... Nous avons t assigs et dtruits + cause de la parole divine; c'est pour elle que nous avons souffert +la faim et tous les maux, que nous avons perdu les ntres, et que nous +sommes tombs dans une si lamentable calamit! Ceux d'entre nous qui +sont encore en vie, mourront sans rsistance et sans plainte, comme +l'agneau qu'on immole... + +CINQUIME ARTICLE.--Le roi dit qu'il a long-temps t de l'avis de +Zwingli, mais qu'il est revenu croire en la transsubstantiation. +Seulement il n'accorde pas ses interlocuteurs que celle-ci s'opre +aussi dans celui qui n'a pas la foi. + +SIXIME ARTICLE.--_Les ministres._ ... Que voulez-vous donc faire +de Jsus-Christ, s'il n'a pas reu chair et sang de sa mre Marie? +Voulez-vous qu'il soit un fantme, un spectre? Il serait besoin +que notre Urbanus Regius ft imprimer un second livre pour vous +faire comprendre votre langue natale[2], sans cela vos ttes d'nes +rsisteront toujours l'instruction. + + [2] Ceci se rapporte l'interprtation du mot: n, _geboren_. + +_Le roi._ Si vous saviez quelle consolation infinie est renferme dans +cette connaissance que Jsus-Christ, Dieu et fils du Dieu vivant, s'est +fait homme et a vers son sang, non pas celui de Marie, pour racheter +nos pchs (lui qui est pur de toute faute), vous ne parleriez pas +comme vous faites et vous ne trouveriez pas notre opinion si mauvaise. + +SEPTIME ARTICLE sur la polygamie.--Le roi oppose aux ministres +l'exemple des patriarches. Les ministres se retranchent derrire +l'usage gnralement tabli dans les temps modernes, et dclarent +que le mariage est _res politica_. Le roi dit qu'il vaut mieux avoir +beaucoup d'pouses, que beaucoup de prostitues, et termine cet +entretien, comme le second, par ces mots: Que Dieu soit notre juge. + +Quoique rdig par les prdicateurs, l'effet de cette discussion ne +leur est pas favorable. On ne peut s'empcher d'admirer la fermet, +le bon sens, et la modeste simplicit du roi de Munster, qui ressort +encore par la duret pdantesque de ses interlocuteurs. + +Corvinus et Kymeus au lecteur chrtien:--Nous avons reprsent notre +entretien avec le roi -peu-prs mot pour mot, sans passer un seul de +ses argumens; seulement nous les avons mis en notre langage et poss +plus convenablement qu'il ne le faisait... Environ huit jours aprs, +il envoya vers nous pour nous prier de venir encore une fois traiter +avec lui... Nous discutmes de nouveau pendant deux jours; il se trouva +plus docile que la premire fois, mais nous n'avons vu en cela que le +dsir de sauver sa vie. Il dclara de son propre mouvement que si on le +prenait en grce, il voulait avec le secours de Melchior Hoffmann et +de ses reines, exhorter tous les anabaptistes, qui sont trs nombreux, +selon lui, dans la Hollande, le Brabant, l'Angleterre et la Frise, +se taire dsormais, obir, et mme faire baptiser leurs enfans, +jusqu' ce que l'autorit s'arranget avec eux sur les affaires de +religion. ... Suit la nouvelle confession de foi de Jean de Leyde, par +laquelle il modifie quelques points de la premire. En exhortant les +anabaptistes l'obissance, il n'entend qu'une obissance extrieure. +Il ne cde point sur le fond des doctrines, et veut qu'on laisse les +consciences libres. Quant l'eucharistie, il dclare que tous ses +confrres sont zwingliens sur ce point, et que lui-mme il l'avait +toujours t, mais que dans sa prison Dieu lui a fait connatre ses +erreurs. Cette confession est signe en hollandais: _Moi, Jean de +Leyde, sign de ma propre main_. + +Le 19 janvier 1536, Jean de Leyde, ainsi que Knipperdolling et +Krechting, son vicaire et son lieutenant, furent tirs de leurs +cachots[r11]. Le lendemain, l'vque leur envoya son chapelain pour +confrer avec chacun d'eux sparment, sur leurs croyances et sur +les actes qu'ils avaient commis. Le roi tmoigna du repentir et se +rtracta, mais les deux autres persistrent et ne s'avourent coupables +en rien... Le 22 au matin, toutes les portes de Munster furent fermes; +on ne laissa plus entrer ni sortir, et vers les huit heures, le roi, +dpouill jusqu' la ceinture, fut conduit sur un chafaud dress dans +le march. Deux cents fantassins et trois cents cavaliers se tenaient +auprs. L'affluence du peuple tait extrme. Il fut attach un +poteau, et deux bourreaux le dchirrent tour--tour avec des tenailles +ardentes. Enfin l'un d'eux lui plongea un couteau dans la poitrine, et +termina ainsi l'excution qui durait depuis une heure. + + [r11] _Ibid._ t. II, 400. + +Aux trois premiers coups de tenailles le roi ne laissa entendre aucun +cri, mais aprs il s'cria sans cesse, les yeux tourns au ciel: _O +mon Pre, ayez piti de moi!_ et il pria Dieu avec ardeur, pour la +rmission de ses pchs. Quand il se sentit dfaillir, il dit: _O mon +Pre, je remets mon esprit entre tes mains!_ et il expira. + +Le cadavre fut jet sur une claie et tran devant la tour de +Saint-Lambert, o taient prpars trois paniers de fer. Arriv l, on +l'attacha avec des chanes dans l'un de ces paniers, et les paysans le +hissrent au haut de la tour, o il fut suspendu un crochet.--Le +supplice de Knipperdolling et de Krechting fut le mme que celui du +roi. Ils persistrent jusqu' la fin dans tout ce qu'ils avaient dit. +Pendant l'excution ils n'invoqurent que le Pre, sans faire mention +du Christ, comme c'tait l'usage de leur secte. Ni l'un ni l'autre, +ne dit rien de remarquable: peut-tre leur silence tait-il la suite +des tourmens qu'ils avaient endurs dans la prison, car ils semblaient +dj plus morts que vifs. Leurs corps furent mis dans les deux autres +paniers de fer, et hisss par les paysans, l'un la droite, l'autre + la gauche du roi, mais plus bas de la hauteur d'un homme. Alors on +rouvrit les portes de la ville, et il y entra une grande foule de gens +venus trop tard pour voir l'excution[a28]. + +_Prface de Luther aux Nouvelles, sur les affaires de Munster[r12]._ +Ah! que dois-je, et comment dois-je crire contre ou sur ces pauvres +gens de Munster! N'est-il pas visible que le diable y rgne en +personne, ou plutt qu'il y a l toute une bande de diables? + + [r12] _Ibid._ t. II, 332. + +Reconnaissons pourtant ici la grce et la misricorde infinies de +Dieu. Aprs que l'Allemagne, par tant de blasphmes, par le sang +de tant d'innocens, a mrit une si rude frule, le pre de toute +misricorde ne permet pas encore au diable de frapper son vrai coup, il +nous avertit d'abord paternellement par ce jeu grossier que Satan fait + Munster. La puissance de Dieu contraint l'esprit aux cent ruses s'y +prendre d'abord avec gaucherie et maladresse, afin de nous laisser le +temps d'chapper par la pnitence, aux coups mieux calculs qu'il nous +rservait. + +En effet, l'esprit qui veut tromper le monde ne doit pas commencer par +prendre des femmes, par tendre la main vers les honneurs et le glaive +royal, ou bien par gorger les gens; ceci est trop grossier. Chacun +s'aperoit que cet esprit ne veut autre chose que s'lever lui-mme et +opprimer les autres. Ce qu'il faut pour tromper, c'est de mettre un +habit gris, de prendre un air triste et piteux, de pencher la tte, +de refuser l'argent, de ne pas manger de viande; de fuir les femmes +l'gal du poison, de repousser comme damnable tout pouvoir temporel, de +rejeter le glaive; puis de se baisser tout doucement vers la couronne, +le glaive et les cls, pour les ramasser et s'en saisir furtivement. +Voil qui pourrait russir, voil qui tromperait mme les sages, les +hommes tourns au spirituel. Ce serait l un beau diable, plumes plus +belles que plumes de paon et de faisan. + +Mais saisir la couronne si impudemment, prendre non-seulement une +femme, mais autant de femmes que dit le caprice et le plaisir. Ah! +c'est le fait d'un diablotin colier, d'un diable l'A B C; ou bien +c'est le vritable Satan, le Satan docte et habile, mais garrott +par la main de Dieu de chanes si puissantes qu'il n'a pu agir plus +adroitement. C'est pour nous menacer tous et nous exhorter craindre +ses chtimens, avant qu'il ne laisse le champ libre un diable savant +qui nous attaquerait, non plus avec l'A B C, mais avec le vritable +texte, le texte difficile. S'il fait de telles choses comme diablotin + l'cole, que ne pourrait-il faire comme diable raisonnable, sage, +savant, lgiste, thologien? + +... Lorsque Dieu est en colre et qu'il nous prive de sa parole, nulle +tromperie du diable n'est trop grossire. Les commencemens de Mahomet +aussi furent grossiers; cependant, Dieu n'y mettant obstacle, il en est +sorti un empire damnable et infme, comme tout le monde sait. Si Dieu +ne nous et pas t en aide contre Mnzer, il se ft lev par lui un +empire turc, comme celui de Mahomet. En somme: nulle tincelle n'est si +petite, que Dieu y laissant souffler le diable, il n'en puisse sortir +un feu qui dvore le monde, et que personne n'teigne. La meilleure +arme contre le diable c'est le glaive de l'esprit, la parole de Dieu; +le diable est un esprit et il se moque des cuirasses, des chevaux et +des cavaliers. + +Mais nos seigneurs vques et princes, ne veulent pas souffrir que +l'on prche l'vangile, et que, par la parole divine, l'on arrache +les mes au diable; ils pensent qu'il suffit d'gorger. De cette +manire ils prennent au diable les corps, ils lui laissent les mes; +ils russiront comme les Juifs, qui croyaient exterminer Christ en le +crucifiant..... + +..... Ceux de Munster, entre autres blasphmes, parlent de la +naissance de Jsus-Christ, comme s'il ne venait pas (c'est leur +langage) de la semence de Marie et que cependant il ft de la semence +de David. Mais ils ne s'expliquent pas clairement. Le diable garde la +bouillie ardente dans la bouche et ne fait que grommeler: _mum, mum_, +voulant probablement dire pis. Toutefois ce que l'on comprend, c'est +que, d'aprs eux, la semence ou la chair de Marie ne pourrait pas nous +racheter. Eh bien! diable, grommle et crache tant que tu voudras, le +seul petit mot: _n_, renverse tout cela. Dans toutes les langues, +sur toute la terre, on appelle _n_ l'enfant de chair et de sang qui +sort des entrailles de la femme, et non autre chose. Or l'criture dit +partout que Jsus-Christ est _n_ de sa mre Marie, qu'il est son fils +premier n: ainsi Isae, Gabriel, et ailleurs: Tu seras enceinte en +ton corps, etc. Mon cher, _tre enceinte_ ne signifie pas: tre un +tuyau par lequel il coule de l'eau (selon les blasphmes de Maniche); +mais cela veut dire qu'un enfant est pris de la chair et du sang de sa +mre, qu'il est nourri en elle, qu'il y prend croissance, qu'il est +la fin mis au monde. + +L'autre proposition de ces gens, celle par laquelle ils condamnent +le baptme des enfans et en font une chose paenne, est de mme assez +grossire. Ils regardent comme mauvais tout ce que les impies ont et +donnent. Pourquoi donc alors ne tiennent-ils pas pour mauvais l'or, +l'argent et les autres biens qu'ils ont pris aux impies dans Munster. +Ils devraient faire de l'or et de l'argent tout neuf..... + +Leur mchant royaume est si visiblement un royaume de grossire +imposture et de rvolte qu'il n'est pas besoin d'en parler. J'en ai +dj trop dit: Je m'arrte.[a29] + + + + +CHAPITRE III. + +1536-1545. + + Dernires annes de la vie de Luther.--Polygamie du landgrave + de Hesse, etc. + + +Les catholiques et les protestans runis un instant contre les +anabaptistes, n'en furent ensuite que plus ennemis[a30]. On parlait +toujours d'un concile gnral; personne n'en voulait srieusement. Le +pape le redoutait, les protestans le rcusaient d'avance. + +On m'crit de la dite, que l'Empereur presse les ntres de consentir + un concile, et qu'il se courrouce de leur refus. Je ne comprends pas +ces monstruosits. Le pape nie que des hrtiques comme nous puissent +avoir place un concile: l'Empereur veut que nous consentions au +concile et ses dcrets. C'est peut-tre Dieu qui les rend fous... +Mais voici sans doute leur folle combinaison. Comme jusqu' prsent +ils n'ont pu, sous le nom du pape, de l'glise, de l'Empereur, des +dites, rendre redoutable leur mauvaise cause, ils pensent maintenant + se couvrir du nom de concile afin de pouvoir crier contre nous: que +nous sommes des gens tellement perdus et dsesprs que nous ne voulons +couter ni le pape, ni l'glise, ni l'Empereur, ni l'Empire, ni le +concile mme que nous avons tant de fois demand. Voyez l'habilet de +Satan contre ce pauvre sot de Dieu, qui aura sans doute de la peine + se tirer de piges si bien dresss?... Non, c'est le Seigneur, qui +se jouera de ceux qui se jouent de lui. S'il nous faut consentir un +concile ainsi dispos pour nous, pourquoi, il y a vingt-cinq ans, ne +nous sommes-nous pas soumis au pape, seigneur des conciles, et toutes +ses bulles? (9 juillet 1545.) + +Ce concile aurait pu resserrer l'unit de la hirarchie catholique, +mais non rtablir celle de l'glise. Les armes devaient seules +dcider[a31]. Dj les protestans avaient chass les Autrichiens du +Wurtemberg. Ils dpouillaient Henri de Brunswick, qui excutait +son profit les arrts de la chambre impriale. Ils encourageaient +l'archevque de Cologne imiter l'exemple d'Albert de Brandebourg, en +scularisant son archevch, ce qui leur et donn la majorit dans +le conseil lectoral. Cependant il y eut encore quelques tentatives +de conciliation. Des confrences s'ouvrirent Worms et Ratisbonne +(1540--1541)[a32]. Elles furent aussi inutiles que celles qui les +avaient prcdes. Luther ne s'y trouva point et donna mme peu +d'attention ces disputes qui de jour en jour prenaient un caractre +plus politique que religieux. + +Il ne m'est rien venu de Worms, si ce n'est ce que m'crit Mlanchton, +qu'il s'y est runi une telle multitude de doctes personnages de +France, d'Italie, d'Espagne et d'Allemagne, que dans aucun synode +pontifical on n'en pourra jamais voir un aussi grand nombre. (27 +novembre 1540.) + +J'ai reu des nouvelles de Worms. Les ntres procdent avec force et +sagesse, nos adversaires, comme gens sots et ineptes, n'usent que de +ruses et de mensonges. On croirait voir Satan lui-mme, quand se lve +l'aurore, courir et l cherchant, sans pouvoir trouver, quelque +sombre repaire pour chapper cette lumire qui le poursuit. (9 +janvier 1541.) + +Aprs une nouvelle confrence de thologiens des deux partis, on +voulut avoir l'opinion de Luther sur dix articles dont on tait +convenu. Notre prince apprenant que l'on venait directement moi sans +s'adresser lui, accourut avec Pontanus, et tous deux arrangrent la +rponse leur faon[a33]. + +Quelques annes auparavant, cette intervention du prince aurait soulev +l'indignation de Luther. Ici il en parle sans colre, le dgot et la +lassitude commencent s'emparer de lui. Il voit bien qu'en travaillant + rtablir l'vangile dans sa puret primitive, il n'a fait que fournir +aux puissans du sicle les moyens de satisfaire leurs ambitions +terrestres, et qu'ils font chaque jour bon march de son Christ. + +Notre excellent prince m'a donn lire les conditions qu'il veut +proposer pour avoir la paix avec l'Empereur et nos adversaires. Je vois +qu'ils regardent toute cette affaire comme une comdie qui se joue +entre eux, tandis que c'est une tragdie entre Dieu et Satan, o Satan +triomphe et o Dieu est humili[a34]. Mais viendra la catastrophe o le +Tout-Puissant, auteur de cette tragdie, nous donnera la victoire. Je +suis indign qu'on se joue ainsi de si grandes choses[a35]. (4 avril +1541.) + + +Nous avons vu de bonne heure dans quelle triste dpendance la Rforme +s'tait trouve l'gard des princes qui la protgeaient; Luther eut +le temps de voir les consquences o cette dpendance devait aboutir. +Ces princes, c'taient des hommes; il fallut les servir, non-seulement +comme princes, mais comme hommes, dans leurs caprices, dans les besoins +de leur humanit. De l, des concessions qui sans tre contraires aux +principes de la Rforme, semblrent peu honorables aux rformateurs. + +Le chef le plus belliqueux du parti protestant, l'imptueux et +colrique landgrave de Hesse, fit reprsenter Luther et aux ministres +que sa sant ne lui permettait pas de se contenter d'une femme. Les +instructions qu'il donna Bucer[r13] pour ngocier cette affaire +avec les thologiens de Wittemberg, sont un curieux mlange de +sensualit, de craintes religieuses et de navet hardie. + + [r13] Bossuet en a donn le texte dans son histoire des + _Variations de l'glise protestante_.--t. I, 328, 199. + +Depuis mon mariage, crit-il, je vis dans l'adultre et la +fornication; et comme je ne veux point abandonner cette vie, je ne puis +m'approcher de la Sainte-Table; car saint Paul a dit que l'adultre ne +possdera pas le royaume des cieux. Il numre ensuite les raisons +qui le forcent vivre ainsi. Ma femme, dit-il, n'est ni belle, ni +aimable; elle sent mauvais, elle boit, et mes chambellans savent bien +comment elle se comporte alors, etc.--Je suis d'une forte complexion, +les mdecins peuvent le tmoigner, souvent je vais aux dites +impriales. _Ubi laut vivitur et corpus curatur; quomodo me ibi +gerere queam absque uxore, cm non semper magnum gynceum mecum ducere +possim?..._ Comment puis-je punir la fornication et les autres crimes, +lorsque moi-mme je m'en rends coupable, lorsque tous pourraient me +dire: Matre, commence par toi... Si nous prenions les armes pour la +cause de l'vangile, je ne le ferais qu'avec une conscience trouble, +car je me dirais: Si tu meurs en cette guerre, tu vas au dmon... J'ai +lu avec soin l'Ancien et le Nouveau Testament, et je n'y ai trouv +d'autre remde que de prendre une seconde femme, car je ne puis, ni +ne veux changer la vie que je mne. Je l'atteste par-devant Dieu, ce +qu'Abraham, Jacob, David, Lamech et Salomon ont fait, pourquoi ne le +puis-je faire? Cette question de la polygamie avait t agite dj +dans les premires annes du protestantisme; on la trouvait partout +dans l'criture laquelle la Rforme disait vouloir ramener le +monde. Les rformateurs considraient d'ailleurs le mariage _ut res +politica_, et sujette aux rglemens du prince. En prsence de cette +question, Luther recula d'abord; la chose lui rpugnait, mais il +n'osait condamner l'Ancien Testament. D'ailleurs la doctrine que le +Landgrave invoquait, tait prcisment celle que Luther avait adopte +en principe ds les commencemens de la Rforme, quoiqu'il ne conseillt +pas de la pratiquer; il avait crit en 1524: Il faut que le mari +soit certain par sa propre conscience et par la parole de Dieu, que +la polygamie lui est permise. ..... Pour moi, j'avoue que je ne puis +mettre d'opposition ce qu'on pouse plusieurs femmes, et que cela +ne rpugne pas l'criture sainte. Cependant je ne voudrais pas que +cet exemple s'introduist parmi les chrtiens, qui il convient de +s'abstenir mme de ce qui est permis, pour viter le scandale et pour +maintenir l'_honestas_ que saint Paul exige en toute occasion. Il est +tout--fait indigne d'un chrtien de courir avec tant d'ardeur pour +son propre avantage jusqu'aux dernires limites de la libert, et de +ngliger pourtant les choses les plus vulgaires et les plus ncessaires +de la charit. Aussi je n'ai point voulu, dans mon sermon, ouvrir cette +fentre. (13 janvier 1524.) + +La polygamie permise autrefois aux Juifs et aux gentils, ne peut, +d'aprs la foi, exister chez les chrtiens si ce n'est dans un cas +d'absolue ncessit, comme quand on est oblig de se sparer de sa +femme lpreuse, etc. Tu diras donc ces hommes de chair que s'ils +veulent tre chrtiens, il leur faut matriser la chair et ne point lui +lcher la bride. S'ils veulent tre gentils, qu'ils le soient, mais +leurs risques et prils. (21 mars 1527.) + +Un jour Luther demanda au docteur Basilius si, d'aprs les lois, le +mari dont la femme aurait quelque maladie incurable, et serait, pour +ainsi dire, plus morte que vivante, pourrait tre autoris prendre +une concubine. Le docteur Basilius ayant rpondu que dans certains +cas, cette permission serait probablement accorde, Luther dit: C'est +l une chose dangereuse, car si l'on admet les cas de maladie, l'on +pourrait venir chaque jour inventer de nouvelles raisons de dissoudre +les mariages. (1539). + +Le message du Landgrave jeta Luther dans un grand embarras. Tout ce +qu'il y avait de thologiens protestans Wittemberg, se runit pour +dresser une rponse; on rsolut de composer avec ce prince. On lui +accorda le double mariage, mais condition que sa seconde femme ne +serait point reconnue publiquement. Votre Altesse comprend assez +d'elle-mme la diffrence qu'il y a d'tablir une loi universelle ou +d'user de dispense en un cas particulier pour de pressantes raisons. +Nous ne pouvons introduire publiquement et sanctionner comme par une +loi la permission d'pouser plusieurs femmes... Nous prions Votre +Altesse de considrer dans quel danger serait un homme convaincu +d'avoir introduit en Allemagne une telle loi, qui diviserait les +familles et les engagerait en des procs ternels..... Votre Altesse +est d'une complexion faible, elle dort peu; de grands mnagemens lui +sont ncessaires... Le grand Scanderbeg exhortait souvent ses soldats + la chastet, disant qu'il n'y avait rien de si nuisible leur +profession que le plaisir de l'amour... Qu'il plaise donc Votre +Altesse d'examiner srieusement les considrations du scandale, des +travaux, des soins, des chagrins et des infirmits qui lui ont t +reprsentes... Si cependant Votre Altesse est entirement rsolue +d'pouser une seconde femme, nous jugeons qu'elle doit le faire +secrtement... Fait Wittemberg, aprs la fte de saint Nicolas, de +l'an 1539[a36]. Martin LUTHER, Philippe MELANCHTON, Martin BUCER, +Antoine CORVIN, ADAM, Jean LENING, Justin WINTFERT, Dyonisius +MELANTHER. + +C'tait une chose dure que de forcer Luther qui, comme thologien et +pre de famille, tenait la saintet du mariage, de dclarer qu'en +vertu de l'Ancien Testament, deux femmes pouvaient s'asseoir avec leurs +jalousies et leurs haines au mme foyer domestique. Cette croix, il +la sentit douloureusement. Quant l'affaire _macdonique_, ne t'en +afflige pas trop, puisque les choses en sont venues au point que ni +joie ni tristesse n'y peuvent rien. Pourquoi nous tuer nous-mmes? +pourquoi souffrir que la tristesse nous te la pense de celui qui a +vaincu toutes les morts et toutes les tristesses? Celui qui a vaincu le +diable et jug le prince de ce monde, n'a-t-il pas en mme temps jug +et vaincu ce scandale?... A leurs yeux, nos vertus sont des vices quand +nous n'adorons point Satan avec eux. Que Satan triomphe donc, et n'en +concevons ni chagrin, ni tristesse; mais rjouissons-nous en Christ, +qui brisera les efforts de tous nos ennemis. (18 juin 1540). + +Il semble qu'il ait espr, pour viter ce scandale, l'intervention de +l'Empereur. + +Si Csar et l'Empire le voulaient, comme ils seront forcs de le +vouloir, ils feraient bientt cesser par un dit ce scandale, afin que +cela ne puisse devenir pour l'avenir un droit ou un exemple. + +Depuis cette poque, les lettres de Luther, comme celles de Mlanchton, +sont pleines de dgot et de tristesse[a37]. + +Quelqu'un demandant Luther de l'appuyer par une lettre prs de la +cour de Dresde, Luther lui rpond qu'il a perdu tout crdit, toute +influence. Dans les lettres prcdentes, il se trouve parfois des +expressions amres contre cette cour. _Mundana illa caula._ + +J'assisterai tes noces, mon cher Lauterbach, mais en esprit et par +la prire. Car que j'y aille de corps, ce n'est pas seulement la +multitude des affaires qui m'en empche, mais le danger d'offenser ces +mamelucks et la reine de ce royaume (la duchesse Catherine de Saxe?); +car qui n'est offens de la folie de Luther? + +Tu me demandes, mon cher Jonas, de t'crire de temps autre quelques +mots de consolation. Mais c'est moi plus que personne qui ai besoin +que tes lettres viennent rendre quelque vie mon esprit, moi qui +comme Loth ai tant souffrir au milieu de cette infme et satanique +ingratitude, de cet horrible mpris de la parole du Seigneur. Il faut +que je voie Satan possder les coeurs de ceux qui croient qu' eux +seuls sont rserves les premires places dans le royaume de Christ! + +Les protestans commenaient dj se relcher de leur svrit. On +rouvrait les maisons de dbauches. Il vaudrait mieux, dit Luther, ne +pas avoir chass Satan que de le ramener en plus grande force. (13 +septembre 1540.) + +Le pape, l'Empereur, le Franais, Ferdinand, ont envoy auprs du +Turc, pour demander la paix, une ambassade magnifique charge de riches +prsens. Et ce qu'il y a de plus beau, c'est que pour ne pas blesser +les yeux des Turcs, ils ont tous quitt le costume de leur pays, et se +sont pars de longues robes la mode turque... J'espre que ce sont +les signes bienheureux de la fin imminente de toutes choses. (17 +juillet 1745.) + +_A Jonas._ Je te dis l'oreille que j'ai de grands soupons qu'on +nous enverra seuls, nous autres luthriens, la guerre contre le Turc. +Le roi Ferdinand a enlev de Bohme l'argent de la guerre, et a dfendu +qu'on ft partir un seul soldat. L'Empereur ne fait rien. Et si c'tait +leur dessein que nous fussions extermins par le Turc? (29 dcembre +1542.) + +Rien de nouveau ici, sinon que le margrave de Brandebourg se fait une +mauvaise rputation par tout le monde au sujet de la guerre de Hongrie. +Ferdinand n'en a pas une meilleure. Je vois un concours de tant de +motifs et de trs vraisemblables, que je ne puis m'empcher de croire +que tout cela indique une horrible et funeste trahison. (26 janvier +1542.) + +Je le demande, qu'arrivera-t-il enfin de cette horrible trahison des +princes et des rois? (16 dcembre 1543.) + +Puisse Dieu nous venger des incendiaires (presque tous les mois il +parle d'incendies qui ont lieu Wittemberg)! Satan a trouv un nouveau +moyen de nous tuer. On jette du poison dans le vin, du pltre dans le +lait[a38]. A Ina, douze personnes ont t empoisonnes dans du vin. +Peut-tre sont-elles mortes seulement pour avoir trop bu. Cependant +on assure qu' Magdebourg et Northuse, on a trouv des marchands +vendant du lait empoisonn. (avril 1541.) Dans une des lettres +suivantes, il fait mention d'une histoire d'hosties empoisonnes.--A +Amsdorf, l'occasion de la peste de Magdebourg. Ce que tu me mandes +de la frayeur que l'on a aujourd'hui de la peste, j'en ai fait aussi +l'preuve il y a quelques annes; et je m'tonne de voir que, plus se +rpand la prdication de la vie en Jsus-Christ, plus augmente dans le +peuple la peur de la mort, soit qu'auparavant, sous le rgne du pape, +un faux espoir de vie diminut pour eux la crainte de la mort, et que +maintenant la vritable esprance de vie tant mise devant leurs yeux, +ils sentent combien la nature est faible pour croire au vainqueur de +la mort, soit que Dieu nous tente par ces faiblesses et laisse prendre + Satan, au milieu de cette frayeur, plus de hardiesse et de force. +Tant que nous avons vcu dans la foi du pape, nous tions comme des +gens ivres, endormis ou fous, prenant la mort pour la vie, c'est--dire +ignorant ce que c'est que la mort et la colre de Dieu. Maintenant que +la lumire a brill et que la colre de Dieu nous est mieux connue, la +nature est sortie du sommeil et de la folie. De l vient qu'ils ont +plus de peur qu'autrefois... J'ajoute et j'applique ici ce passage +du psaume LXXI: _Ne me rejetez pas dans le temps de ma vieillesse; +lorsque ma force succombera, ne m'abandonnez pas_. Car je pense que ce +temps suprme est la vieillesse du Christ et le temps de l'abattement, +c'est--dire que c'est le grand et dernier assaut du diable, comme +David, dans ses derniers jours, affaibli par l'ge, et t tu par +le gant, si Abisa ne ft venu son aide... J'ai appris presque +toute cette anne chanter avec saint Paul: _Quasi mortui et ecce +vivimus_. Et ailleurs: _Per gloriam vestram quotidi morior_. Et quand +il dit aux Corinthiens, _In mortibus frequenter_, ce n'a pas t chez +lui spculation ou mditation sur la mort, mais sentiment de la mort +elle-mme, comme s'il n'y avait plus d'esprance de vie. (20 novembre +1538.) + +J'espre qu'au milieu du dchirement du monde, le Christ va hter son +jour et fera crouler l'univers, _Ut fractus illabatur orbis_. (12 +fvrier 1538.) + + + + +LIVRE IV. + +1530-1546. + + + + +CHAPITRE PREMIER. + + Conversations de Luther.--La famille[a39], la femme[a40], + les enfans. La nature. + + +Arrtons-nous dans cette triste histoire des dernires annes de +la vie publique. Rfugions-nous, comme Luther, dans la vie prive; +asseyons-nous sa table, ct de sa femme, au milieu de ses enfans +et de ses amis; coutons les paroles graves du pieux et tendre pre de +famille[a41]. + + +Celui qui insulte les prdicateurs et les femmes ne russira pas +bien[r14]. C'est des femmes que viennent les enfans par quoi se +maintient le gouvernement de la famille et de l'tat. Qui les mprise, +mprise Dieu et les hommes. + + [r14] Tischr. 241. + +Le droit saxon est trop dur, lorsqu'il donne seulement la veuve un +sige et une quenouille[r15]. Par le premier mot, il faut entendre +la maison; par le second, l'entretien, la subsistance. On paie bien un +valet. Que dis-je? on donne plus un mendiant. + + [r15] _Ibid._ 315 _bis_. + +Il n'y a point de doute que les femmes en mal d'enfant, qui meurent +dans la foi, sont sauves, parce qu'elles meurent dans la charge et la +fonction pour laquelle Dieu les a cres[r16]. + + [r16] _Ibid._ 116. + +C'est l'usage dans les Pays-Bas, que chaque nouveau et jeune prtre se +choisisse une petite fille qu'il tient pour sa fiance, et cela, pour +honorer le saint tat du mariage. + +On disait Luther[r17]: Si un prdicateur chrtien doit souffrir la +prison et la perscution pour l'amour de la parole, ne doit-il pas, + plus forte raison, se passer du mariage? Il rpondit cela: Il +est plus facile de supporter la prison que de brler: je l'ai prouv +moi-mme. Plus je macrais mon corps, plus je tchais de le dompter, +et plus je brlais. Quand on aurait le don de rester chaste dans le +clibat, on doit encore se marier pour faire dpit au pape... Si +j'tais mort l'improviste, j'aurais voulu pour honorer le mariage, +faire venir mon lit de mort une pieuse fille que j'aurais prise comme +pouse, et laquelle j'aurais donn deux gobelets d'argent pour don de +noces et prsent de lendemain (morgengabe). + + [r17] _Ibid._ 312 _bis_. + +Lettre un ami qui lui demande conseil pour se marier[r18]: Si tu +brles, il faut prendre femme... Tu voudrais bien en avoir une, belle, +pieuse et riche. Trs bien, mon cher; on t'en donnera une en peinture, +avec des joues roses et des jambes blanches. Ce sont aussi les plus +pieuses; mais elles ne valent rien pour la cuisine ni pour le lit... Se +lever de bonne heure et se marier jeune, personne ne s'en repentira. + + [r18] _Ibid._ 313 _bis_. + +Il n'est gure plus possible de se passer de femme que de boire ou de +manger[r19]. Conu, nourri, port dans le corps des femmes, notre +chair est elles dans sa plus grande partie, et il nous est impossible +de nous en sparer tout--fait. + + [r19] _Ibid._ 315 _bis_. + +Si j'avais voulu faire l'amour, il y a treize ans, j'aurais pris Ave +Schonfeldin, qui est aujourd'hui au docteur Basilius, le mdecin de +Prusse. Je n'aimais pas alors ma Catherine; je la souponnais d'tre +fire et hautaine; mais il a plu ainsi Dieu; il a voulu que j'eusse +piti d'elle, et cela m'a fort bien tourn; Dieu soit lou! + +La plus grande grce de Dieu est d'avoir un bon et pieux poux, avec +qui vous viviez en paix, qui vous puissiez confier tout ce que vous +avez, mme votre corps et votre vie, et avec qui vous ayez de petits +enfans[r20]. Catherine, tu as un homme pieux qui t'aime, tu es une +impratrice. Grce soit rendue Dieu! + + [r20] _Ibid._ 313. + +Quelqu'un excusait ceux qui courent aprs les filles, le docteur Luther +rpondit: Qu'ils sachent que c'est mpriser le sexe fminin. Ils +abusent des femmes qui n'ont pas t cres pour cela. C'est une grande +chose qu'une jeune fille puisse toujours tre aime; le diable le +permet rarement... Elle disait bien, mon htesse d'Eisenach, quand j'y +tais aux coles: _Il n'est sur terre chose plus douce que d'tre aim +d'une femme_. + +Au jour de la Saint-Martin, anniversaire de la naissance du +docteur Martin Luther, matre Ambrosius Brend vint lui demander sa +nice...[r21] Un jour qu'il les surprit dans un entretien secret, il +se mit rire, et dit: Je ne m'tonne pas qu'un fianc ait tant dire + sa fiance; pourraient-ils se lasser jamais? Mais on ne doit point +les gner; ils ont privilge par dessus Droit et Coutume.--En la lui +accordant, il dit ces paroles: Monsieur et cher ami, je vous prsente +cette jeune fille telle que Dieu me l'a donne dans sa bont. Je la +remets entre vos mains; Dieu vous bnisse, de sorte que votre union +soit sainte et heureuse! + + [r21] _Ibid._ 316 _bis_. + +Le docteur Martin Luther tait la noce de la fille de Jean +Luffte[r22]. Aprs le souper, il conduisit la marie au lit, et dit + l'poux, que d'aprs le commun usage il devait tre le matre dans +la maison... quand la femme n'y tait pas; et pour signe, il ta un +soulier l'poux et le mit sur le ciel du lit, afin qu'il prt ainsi +la domination et le gouvernement. + + [r22] _Ibid._ 320. + +Fais comme moi, cher compagnon, quand je voulus prendre ma Catherine, +je priai notre Seigneur, mais je priai srieusement. Fais-en autant, tu +n'as pas encore srieusement pri. + +En 1541, Luther fut un jour extrmement gai et enjou table[r23]. +Ne vous scandalisez pas de me voir de si bonne humeur, dit-il ses +amis, j'ai reu aujourd'hui beaucoup de mauvaises nouvelles et je viens +de lire une lettre trs violente contre moi. Nos affaires vont bien, +puisque le diable tempte si fort. + + [r23] _Ibid._ 264 _bis_. + +Il riait du bavardage de sa femme, et lui demandait si, avant de +prcher si bien, elle avait dit un _Pater_. Si elle l'et fait, Dieu +lui aurait sans doute dfendu de prcher. + +Si je devais encore faire l'amour, je voudrais me tailler dans la +pierre une femme obissante; sans cela je dsespre d'en trouver. + +La premire anne du mariage, on a d'tranges penses[r24]. Si on +est table, on se dit: Auparavant tu tais seul; aujourd'hui tu es +deux (_Selbander_). Au lit, si l'on s'veille, on voit une autre tte + ct de soi. Dans la premire anne, ma Catherine se tenait assise +ct de moi quand j'tudiais, et comme elle ne savait que dire, elle me +demandait: Seigneur docteur, en Prusse, le matre-d'htel n'est-il pas +frre du margrave? + + [r24] _Ibid._ 313 _bis_. + +Il ne faut pas mettre d'intervalle entre les fianailles et les +noces... Les amis mettent des obstacles, comme il m'est arriv avec +matre Philippe et pour le mariage d'Eisleben (Agricola). Tous mes +meilleurs amis criaient: Point celle-l, mais une autre. + +Lucas Cranach l'an avait fait le portrait de la femme de +Luther[r25]. Lorsque le tableau fut suspendu la muraille et que le +docteur le vit: Je veux, dit-il, faire peindre aussi un homme, envoyer + Mantoue les deux portraits pour le concile, et demander aux saints +pres s'ils n'aimeraient pas mieux l'tat du mariage, que le clibat +des ecclsiastiques. + + [r25] _Ibid._ 314. + +... Un signe certain que Dieu est ennemi de la papaut, c'est qu'il +lui a refus cette bndiction du fruit corporel (la gnration des +enfans...). + +Quand ve fut amene devant Adam, il devint plein du Saint-Esprit +et lui donna le plus beau, le plus glorieux des noms; il l'appela +_Eva_, c'est--dire la mre de tous les vivans; il ne l'appela point +sa femme, mais la mre, la mre de tous les vivans. C'est l la gloire +et l'ornement le plus prcieux de la femme: elle est _Fons omnium +viventium_, la source de toute vie humaine. Cette parole est brve, +mais ni Dmosthnes ni Cicron n'aurait pu dire ainsi. C'est le +Saint-Esprit lui-mme qui parle ici par notre premier pre, et comme il +a fait un si noble loge du mariage, il est juste que nous couvrions et +cachions ce qu'il y a de fragile dans la femme[a42]. Jsus-Christ, le +fils de Dieu, n'a pas non plus mpris le mariage; il est lui-mme n +d'une femme, ce qui est un grand loge du mariage. + +On trouve l'image du mariage dans toutes les cratures, non-seulement +dans les animaux de la terre, de l'air et des eaux, mais encore dans +les arbres et les pierres[r26]. Tout le monde sait qu'il est des +arbres, tels que le pommier et le poirier, qui sont comme mari et +femme, qui se demandent rciproquement, et qui prosprent mieux quand +ils sont plants ensemble. Parmi les pierres on remarque la mme chose, +surtout dans les pierres prcieuses, le corail, l'meraude et autres. +Le ciel est aussi le mari de la terre. Il la vivifie par la chaleur du +soleil, la pluie et le vent, et lui fait ainsi porter toutes sortes de +plantes et de fruits. + + [r26] _Ibid._ 312 _bis_. + +Les petits enfans du docteur se tenaient debout devant la table[r27], +en regardant avec bien de l'attention les pches qui taient servies; +le docteur se mit dire: Qui veut voir l'image d'une me qui jouit +dans l'esprance, la trouvera bien ici. Ah! si nous pouvions attendre +avec autant de joie la vie venir! + + [r27] _Ibid._ 42 _bis_. + +On amena au docteur sa petite fille Magdalena[r28], pour qu'elle +chantt son cousin le chant qui commence ainsi: _Le pape invoque +l'Empereur et les rois, etc._ Mais elle ne le voulut point, quoique +sa mre l'en prit fort. Le docteur dit ce sujet: Rien de bien par +force. Sans la grce, il ne rsulte rien de bon des oeuvres de la loi. + + [r28] _Ibid._ 124. + +_Servez le Seigneur avec crainte et rjouissez-vous avec +tremblement[r29]._ Il n'y a pas l, pour moi, de contradiction. C'est +ce que mon petit Jean fait l'gard de son pre. Mais je ne puis en +faire autant l'gard de Dieu. Si je suis ma table, et que j'crive +ou que je fasse autre chose, Jean me chante une petite chanson; s'il +chante trop haut et que je l'avertisse, il continue, mais en lui-mme +et avec quelque crainte. Dieu veut aussi que nous soyons toujours +gais, mais d'une gat mle de crainte et de rserve. + + [r29] _Ibid._ 10 _bis_. + +Au premier jour de l'an[r30], un petit enfant du docteur pleurait et +criait, au point que personne ne pouvait le calmer: le docteur avec +sa femme en fut triste et chagrin une grande heure, ensuite il dit: +Tels sont les dsagrmens et les charges du mariage... C'est pour cela +qu'aucun des Pres n'a rien crit de remarquablement bon ce sujet. +Jrme a parl assez salement, je dirais presque anti-chrtiennement, +du mariage, etc. Au contraire saint Augustin... + + [r30] _Ibid._ 314 _bis_. + +Aprs qu'il eut jou avec sa petite Magdalena[r31], sa femme lui +donna le plus jeune de ses enfans, et il dit: Je voudrais tre mort +l'ge de cet enfant; j'aurais bien renonc tout l'honneur que j'ai +et que je puis obtenir encore en ce monde. Et comme l'enfant l'eut +sali, il dit: Oh! combien notre Seigneur doit en souffrir de nous plus +qu'une mre de son enfant! + + [r31] _Ibid._ 47. + +Il disait son petit enfant[r32]: Tu es l'innocent petit fou de +notre Seigneur, sous la grce et non sous la loi. Tu es sans crainte, +sans inquitude; tout ce que tu fais est bien fait. + + [r32] _Ibid._ 49 _bis_. + +Les enfans sont les plus heureux[r33]. Nous autres vieux fous nous +nous tourmentons et nous affligeons par nos ternelles disputes sur +la parole. Est-ce vrai? Est-ce possible? Comment est-ce possible? +nous demandons-nous sans cesse... Les enfans, dans la simplicit et la +puret de leur foi, ont la certitude et ne doutent en rien de ce qui +fait leur salut... Pour tre sauvs, nous devons, leur exemple, nous +en remettre la simple parole. Mais le diable, pour nous empcher, +nous jette sans cesse quelque chose en travers. C'est pourquoi le mieux +c'est de mourir sans diffrer et de nous en aller vite sous terre. + + [r33] _Ibid._ 134. + +Une autre fois que son petit enfant Martin prenait le sein de sa mre, +le docteur dit[r34]: Cet enfant, et tout ce qui m'appartient, est +ha du pape et du duc George, ha de leurs partisans, ha des diables. +Cependant tous ces ennemis n'inquitent gure le cher enfant, il ne +s'inquite pas de ce que tant et de si puissans seigneurs lui en +veulent, il suce gament la mamelle, regarde autour de lui en riant +tout haut, et les laisse gronder tant qu'ils veulent. + + [r34] _Ibid._ 134 _bis_. + +Comme matre Spalatin et matre Lenhart Beier, pasteur de Zwickaw, +taient chez le docteur Martin Luther[r35], il jouait bonnement avec +son petit enfant Martin, qui babillait et caressait tendrement sa +poupe. Le docteur dit: Telles taient nos penses dans le Paradis, +simples et naves; innocentes, sans mchancet ni hypocrisie; nous +eussions t vritablement comme cet enfant quand il parle de Dieu et +qu'il en est si sr. + + [r35] _Ibid._ 45 _bis_. + +Quels ont d tre les sentimens d'Abraham, lorsqu'il a consenti +sacrifier et gorger son fils unique[r36]? Il n'en aura rien dit +Sara. La chose lui et trop cot. Vraiment, je disputerais avec Dieu, +s'il m'imposait et m'ordonnait une telle chose. Alors la femme du +docteur prit la parole et dit: Je ne puis croire que Dieu demande +personne qu'il gorge son enfant. + + [r36] _Ibid._ 47. + +Ah, combien mon coeur soupirait aprs les miens, lorsque j'tais +malade la mort dans mon sjour Smalkalde. Je croyais que je ne +reverrais plus ma femme ni mes petits enfans[a43]; que cette sparation +me faisait de mal!... Il n'est personne assez dgag de la chair pour +ne pas sentir ce penchant de la nature. C'est une grande chose que le +lien et la socit qui unissent l'homme et la femme! + +Il est touchant de voir comme tout ramenait Luther des rflexions +pieuses sur la bont de Dieu, sur l'tat de l'homme avant sa chute, +sur la vie venir[r37]. Ainsi une belle branche charge de cerises +que le docteur Jonas met sur table, la joie de sa femme qui sert des +poissons du petit tang de leur jardin, la simple vue d'une rose, etc. +Le 9 avril 1539, le docteur se trouvait dans son jardin et regardait +attentivement les arbres tout brillans de fleurs et de verdure[r38]. +Il dit avec admiration: Gloire Dieu qui de la crature morte fait +ainsi sortir la vie au printemps. Voyez ces rameaux, comme ils sont +forts et gracieux; ils sont dj tout gros de fruits. Voil une belle +image de la rsurrection des hommes. L'hiver est la mort et l't la +rsurrection. Alors tout revit, tout est verdoyant. + + [r37] _Ibid._ 42-43 _passim_. + + [r38] _Ibid._ 363. + +Philippe et moi, nous sommes accabls d'affaires et d'embarras. Moi +qui suis vieux et _emeritus_, j'aimerais mieux maintenant prendre un +plaisir de vieillard dans les jardins, contempler les merveilles +de Dieu dans les arbres, les fleurs, les herbes, les oiseaux, etc.; +c'est ce plaisir et ce loisir qui me reviendraient, si mes pchs ne +m'avaient mrit d'en tre priv par ces affaires importunes et souvent +inutiles. (8 avril 1538.) + +Le 18 avril 1539, sur le soir, il y eut un orage trs fort, suivi +d'une pluie bienfaisante qui rendit la verdure la terre et aux +arbres[r39]. Le docteur Martin dit en regardant le ciel: Voil +un beau temps! Tu nous l'accordes, mon Dieu! nous qui sommes si +ingrats, si pleins de mchancet et d'avarice. Tu es un Dieu de bont. +Ce n'est pas l une oeuvre de Satan; non, c'est un tonnerre bienfaisant +qui branle la terre et l'ouvre pour lui faire porter des fruits et +rpandre un parfum semblable celui que rpand la prire du chrtien +pieux. + + [r39] _Ibid._ 423. + +Un autre jour, sur la route de Leipzig, le docteur voyant la plaine +couverte de bls superbes, se mit prier avec ferveur; il disait: O +Dieu de bont, tu nous donnes une anne heureuse! Ce n'est pas cause +de notre pit; c'est pour glorifier ton saint nom. Fais, mon Dieu, +que nous nous amendions et que nous croissions dans ta parole! Tout +en toi est miracle. Ta voix fait sortir de la terre, et mme du sable +aride, ces plantes et ces pis si beaux qui rjouissent la vue. O mon +pre, donne tous tes enfans leur pain quotidien! + +Supportons les difficults qui accompagnent nos fonctions, avec +galit d'me, et attendons secours du Christ[r40]. Considre, dans +ces violettes et ces penses que tu foules en te promenant sur la +lisire de nos jardins, un emblme de notre condition. Nous consolons +le peuple (?) lorsque nous remplissons l'glise; il y a l la robe +de pourpre, la couleur des afflictions, mais au fond la fleur d'or +rappelle la foi qui ne se fltrit pas. + + [r40] Lettre V, 726. + +Un soir le docteur Martin Luther voyait un petit oiseau perch sur +un arbre et s'y posant pour passer la nuit[r41]; il dit: Ce petit +oiseau a choisi son abri et va dormir bien paisiblement; il ne +s'inquite pas, il ne songe point au gte du lendemain; il se tient +bien tranquille sur sa petite branche, et laisse Dieu songer pour lui. + + [r41] Tischr. 43 _bis_. + +Vers le soir, vinrent deux oiseaux qui faisaient un nid dans le jardin +du docteur[r42]. Ils taient souvent effrays dans leur vol par ceux +qui passaient. Il se mit dire: Ah! cher petit oiseau, ne fuis point, +je te souhaite du bien de tout mon coeur; si tu pouvais seulement me +croire! C'est ainsi que nous refusons de nous confier en Dieu, qui bien +loin de vouloir notre perte, a donn pour nous son propre fils.[a44] + + [r42] _Ibid._ 24 _bis_. + + + + +CHAPITRE II. + + La Bible.--Les Pres.--Les Scolastiques.--Le Pape.--Les + Conciles. + + +Le docteur Martin Luther avait crit avec de la craie, sur le mur qui +se trouvait derrire son pole, les paroles suivantes (Luc, XVI): Qui +est fidle dans la plus petite chose, sera fidle dans la plus grande. +Qui est infidle dans le petit sera infidle dans le grand. + +Le petit enfant Jsus (il le montrait peint sur la muraille), dort +encore dans les bras de Marie, sa mre[r43]. Il se rveillera un jour +et nous demandera compte de ce que nous avons fait. + + [r43] Tischred. 32, verso. + +Luther se faisant un jour couper les cheveux et faire la barbe en +prsence du docteur Jonas, dit celui-ci: Le pch originel est en +nous comme la barbe. On la coupe aujourd'hui, nous avons le visage +frais, et demain elle repousse et ne cesse de pousser jusqu' ce que +nous soyons sous terre. De mme le pch originel ne peut tre extirp +en nous; il remue tant que nous vivons. Nanmoins nous devons lui +rsister de toutes nos forces et le couper sans relche. + +La nature humaine est si corrompue qu'elle n'prouve pas mme le +dsir des choses clestes. Elle est comme l'enfant nouveau-n qui +l'on aurait beau promettre tous les trsors et tous les plaisirs de la +terre: il n'en a nul souci et ne connat que le sein de sa mre. De +mme, quand l'vangile nous parle de la vie ternelle que Jsus-Christ +nous a promise, nous sommes sourds ses paroles divines, nous nous +engourdissons dans la chair, et nous n'avons que des penses frivoles +et prissables. La nature humaine n'a pas l'intelligence, pas mme le +sentiment, de ce mal mortel qui l'accable. + +Dans les choses divines, le Pre est la _grammaire_, car il donne +les mots, il est la source d'o coulent les bonnes, pures et belles +paroles que l'on peut prononcer[r44]. Le Fils est la _dialectique_: +il donne la disposition, la manire de placer les choses dans un bel +ordre, de sorte qu'elles suivent et rsultent les unes des autres. Le +Saint-Esprit est la _rhtorique_: Il sait bien exposer, pousser les +choses et les tendre, donner la vie et la force, de manire faire +impression et saisir les coeurs. + + [r44] _Ibid._ 69. + +La Trinit se retrouve dans toute la cration. Dans le soleil, il y a +la substance, l'clat et la chaleur; dans les fleuves, la substance, +le cours et la puissance. De mme dans les arts. Dans l'astronomie, +le mouvement, la lumire et l'influence; dans la musique, les trois +notes _re_, _mi_, _fa_, etc. Les scolastiques ont nglig ces signes +importans, pour s'attacher des niaiseries. + +Le dcalogue est la _doctrina doctrinarum_[a45], le symbole +l'_historia historiarum_, le pater _oratio orationum_, les sacremens +_ceremoni ceremoniarum_[r45]. + + [r45] _Ibid._ 112, verso. + +On demandait au docteur Martin Luther si pendant la domination du pape, +les gens qui n'ont pas connu cette doctrine de l'vangile que nous +avons aujourd'hui, grce Dieu, avaient pu tre sauvs[r46]. Il +rpondit: Je n'en sais rien; moins que je ne pense que le baptme +a pu produire cet effet. J'ai vu beaucoup de moines auxquels on a +prsent la croix de Christ leur lit de mort, comme c'tait alors +l'usage. Ils peuvent avoir t sauvs par leur foi en ses mrites et +ses souffrances. + + [r46] _Ibid._ 362. + +Cicron est bien suprieur Aristote dans sa morale[r47]. Cicron +tait un homme sage et laborieux qui a beaucoup fait et beaucoup +souffert. J'espre que notre Seigneur sera clment pour lui et pour +ceux qui lui ressemblent, quoiqu'il ne nous appartienne pas d'en parler +avec certitude. Que Dieu ne puisse faire des exceptions et tablir une +distinction entre les paens, c'est ce qu'on ne pourrait dire. Il y +aura un nouveau ciel et une nouvelle terre bien plus larges et plus +vastes que ceux d'aujourd'hui[a46]. + + [r47] _Ibid._ 425. + +On demandait Luther si l'offens devait aller jusqu' demander pardon + l'offenseur[r48]. Il rpondit: Non, Jsus-Christ ne l'a pas fait +lui-mme, il ne l'a pas command. Il suffit qu'on pardonne les offenses +dans son coeur, qu'on les pardonne, publiquement, s'il y a lieu, et +qu'on prie pour celui qui les a commises. J'tais moi-mme all une +fois demander pardon deux personnes qui m'avaient offens, M. E. et +D. H. S. (matre Eisleben [Agricola] et le docteur Jrme Schurf?); +mais par hasard ni l'un ni l'autre ne fut chez lui, et depuis je n'y +suis pas retourn. Je remercie Dieu maintenant qu'il ne m'ait point +permis de faire comme je voulais. + + [r48] _Ibid._ 106. + +Le docteur Martin Luther soupirait un jour en pensant aux perturbateurs +et aux sectaires qui mprisaient la parole de Dieu[r49]. Ah! +disait-il, si j'tais un grand pote, je voudrais crire un chant, un +pome magnifique sur l'utilit et l'efficacit de la parole divine. +Sans elle..... Pendant plusieurs annes je lisais la Bible deux fois +par an; c'est un grand et puissant arbre dont chaque parole est un +rameau, je les ai secous tous, tant j'tais curieux de savoir ce que +chaque branche portait, ce qu'elle pouvait donner, et j'en faisais +tomber chaque fois une couple de poires ou de pommes. + + [r49] _Ibid._ 11, verso. + +Autrefois sous la papaut, on faisait des plerinages[a47] pour +visiter les saints[r50][a48]. On allait Rome, Jrusalem, +Saint-Jacques de Compostelle, pour l'expiation de ses pchs. +Aujourd'hui nous pouvons faire des plerinages chrtiens dans la foi. +Quand nous lisons avec soin les prophtes[a49], les psaumes et les +vangiles, nous allons, non pas par la ville sainte, mais par nos +penses et nos coeurs, jusqu' Dieu. C'est l visiter la vritable +terre promise et le paradis de la vie ternelle. + + [r50] _Ibid._ 311. + +Que sont les saints en comparaison du Christ[r51]? rien de plus que +les petites gouttes de la rose des nuits sur la tte de l'poux et +dans les boucles de sa chevelure. + + [r51] Cochlus, Vie de Luther, 226. + +Luther n'aimait pas qu'on insistt sur les miracles. Il regardait ce +genre de preuves comme secondaire. Les preuves convaincantes sont +dans la parole de Dieu. Nos adversaires lisent la Bible traduite +beaucoup plus que les ntres. Je crois que le duc George l'a lue avec +plus de soin que tous ceux de la noblesse qui tiennent pour nous. Il +dit quelqu'un: Pourvu que le moine achve de traduire la Bible, il +peut partir ensuite quand il voudra. + +Le docteur Luther disait que Mlanchton l'avait forc de traduire le +Nouveau Testament. + +Que nos adversaires s'emportent et fassent rage[r52]. Dieu n'a pas +oppos un mur de pierre aux vagues de la mer, ni une montagne d'acier. +Il a suffi d'un rivage, d'une digue de sable. + + [r52] Tischred. 447. + +J'ai beaucoup lu la Bible dans ma jeunesse pendant que j'tais moine. +Mais cela ne servait rien, je faisais simplement du Christ un Mose. +Maintenant nous l'avons retrouv, ce cher Christ. Rendons grce et +tenons-nous-y ferme, et souffrons pour lui ce que nous devons souffrir. + +Pourquoi enseigne-t-on et observe-t-on les dix commandemens[r53]? +C'est que les lois naturelles ne se trouvent nulle part si bien +ranges et dcrites que dans Mose. Je voudrais mme qu'on lui ft +d'autres emprunts dans les choses temporelles, telles que les lois sur +la _lettre de divorce_, le jubil, l'anne d'affranchissement, les +dmes, etc. Le monde en serait mieux gouvern... C'est ainsi que les +Romains ont pris leurs Douze Tables chez les Grecs... Quant au sabbat +ou dimanche, ce n'est pas une ncessit de l'observer, et si nous +l'observons, nous devons le faire, non pas cause du commandement de +Mose, mais parce que la nature aussi nous enseigne nous donner de +temps en temps un jour de repos, afin qu'hommes et animaux reprennent +des forces, et que l'on aille entendre le sermon et la parole de Dieu. + + [r53] Luth. Werke, t. II, 16. + +Puisque, dans ce sicle, on commence restituer toutes choses, comme +si dj c'tait le jour de la restauration universelle, il m'est venu +dans l'esprit d'essayer si on ne pourrait pas aussi restituer Mose et +rappeler les rivires leur source. J'ai eu soin d'abord de traiter +toutes choses le plus simplement du monde, et de ne pas me laisser +entraner aux explications mystiques, comme on les appelle... Je ne +vois pas d'autre raison pour que Dieu ait voulu former le peuple +juif par ces crmonies, sinon qu'il a vu le penchant du peuple se +laisser prendre ces choses extrieures. Afin que ce ne fussent pas +des fantmes vides et de purs simulacres, il a ajout sa parole pour y +mettre du poids et de la substance, de sorte qu'elles devinssent choses +srieuses et graves. + +J'ai ajout chaque chapitre de courtes allgories, non que j'en +tienne beaucoup de compte, mais afin de prvenir la manie de plusieurs + traiter l'allgorie. Ainsi, dans Jrme, Origne et autres anciens +crivains, nous voyons une malheureuse et strile habitude d'imaginer +des allgories qui ramnent tout la morale et aux oeuvres, tandis +qu'il faudrait tout ramener la parole et la foi. (avril 1525.) + +Le _Pater noster_ est ma prire[r54]; c'est celle que je dis, et j'y +mle en mme temps quelque chose des Psaumes pour que les faux docteurs +soient confondus et couverts de honte[a50]. Le _Pater_ n'a aucune +prire qui lui soit comparable; je l'aime mieux qu'aucun psaume[3]. + + [r54] Tischreden, 153. + + [3] C'est aussi ce que dit Montaigne dans ses _Essais_. + +J'avoue franchement que j'ignore si je possde ou non le sens lgitime +des psaumes, bien que je ne doute pas de la vrit de celui que je +donne.--L'un se trompe en quelques endroits, l'autre en plusieurs; je +vois des choses que n'a pas vues saint Augustin; et d'autres, je le +sais, verront bien des choses que je ne vois pas. + +Qui oserait prtendre que personne ait compltement entendu un +seul psaume? Notre vie est un commencement et un progrs, et non +une consommation; celui-l est le meilleur, qui approche le plus de +l'esprit. Il y a des degrs dans la vie et l'action, pourquoi n'y +en aurait-il pas dans l'intelligence? L'Aptre dit que nous nous +transformons de lumire en lumire. + +Du _Nouveau Testament_. L'vangile de saint Jean est le vrai et pur +vangile, l'vangile principal, parce qu'il renferme le plus de paroles +de Jsus-Christ[r55]. De mme, les ptres de saint Paul et de saint +Pierre sont bien au-dessus des vangiles de saint Mathieu, de saint +Marc et de saint Luc. En somme, l'vangile de saint Jean et sa premire +ptre, les ptres de saint Paul, notamment celles aux Romains, aux +Galates, aux phsiens, et la premire de saint Pierre, voil les +livres qui te montrent Jsus-Christ, et qui t'enseignent tout ce qu'il +t'est ncessaire et utile de savoir, quand mme tu ne verrais jamais +d'autre livre. + + [r55] Ukert, 18. + +Il ne regardait comme apostoliques ni l'ptre aux Hbreux, ni celle de +saint Jacques. Il s'exprime de la manire suivante sur celle de saint +Jude: Personne ne peut nier que cette ptre ne soit un extrait ou une +copie de la seconde ptre de saint Pierre; les mots sont presque les +mmes. Jude y parle des aptres comme leur disciple, et comme aprs +leur mort. Il cite des versets et des vnemens qu'on ne trouve nulle +part dans l'criture. + +L'opinion de Luther sur l'Apocalypse est remarquable: Que chacun, +dit-il, juge de ce livre d'aprs ses lumires et son sens particulier. +Je ne prtends imposer personne mon opinion: je dis tout simplement +ce que j'en pense. Je ne le regarde ni comme apostolique, ni comme +prophtique... Et ailleurs: Beaucoup de Pres ont rejet ce livre, +et chacun peut en penser ce que son esprit lui inspirera. Pour moi, je +ne puis me faire cet ouvrage. Une seule raison suffirait pour m'en +dtourner: c'est que Jsus-Christ n'y est ador ni enseign tel que +nous le connaissons. + +Des _Pres_[a51]. On peut lire Jrme pour l'tude de l'histoire: +quant la foi et la bonne vraie religion et doctrine, il n'y en a +pas un mot dans ses crits. J'ai dj proscrit Origne. Chrysostme n'a +point d'autorit chez moi. Basile n'est qu'un moine; je n'en donnerais +pas un cheveu. L'apologie de Philippe Mlanchton est au-dessus des +crits de tous les docteurs de l'glise, sans excepter Augustin. +Hilaire et Thophylacte sont bons. Ambroise aussi; il marche bien sur +l'article le plus essentiel, le pardon des pchs[r56]. + + [r56] Tischreden, 383. + +Bernard est au-dessus de tous les docteurs dans ses prdications; +mais, quand il dispute, il devient un tout autre homme; alors il +accorde trop la loi et au libre arbitre. + +Bonaventure est le meilleur des thologiens scolastiques. + +Parmi les Pres, Augustin a sans contredit la premire place, Ambroise +la seconde, Bernard la troisime. Tertullien est un vrai Carlostad. +Cyrille a les meilleures sentences. Cyprien le martyr est un faible +thologien. Thophylacte est le meilleur interprte de saint Paul. + +(Pour prouver que l'antiquit n'ajoute pas l'autorit): Nous voyons +combien saint Paul se plaint avec douleur des Corinthiens et des +Galates. Parmi les aptres mmes, le Christ trouva un tratre dans +Judas. + +Les livres que les Pres ont crits sur la Bible n'ont jamais rien de +concluant; ils laissent le lecteur suspendu entre le ciel et la terre. +Lisez Chrysostme, le meilleur rhteur et parleur de tous. + +Il remarque que les Pres ne disaient rien de la justification par +la grce pendant leur vie, mais y croyaient leur mort. Cela tait +plus prudent pour ne point encourager le mysticisme, ni dcourager les +bonnes oeuvres. + +Les chers Pres ont mieux vcu qu'crit. + +Il fait l'loge de l'histoire de saint piphane et des posies de +Prudence. + +Augustin et Hilaire, entre tous, ont crit avec le plus de clart et +de vrit; les autres doivent tre lus _cum judicio_. + +Ambroise a t ml aux affaires du monde, comme nous le sommes +aujourd'hui. Nous sommes obligs de nous occuper au consistoire +d'affaires de mariage plus que de la parole de Dieu... + +On a nomm Bonaventure le sraphique, Thomas l'anglique, Scot le +subtil; Martin Luther sera nomm l'archi-hrtique. + +Saint Augustin tait peint dans un livre avec un capuchon de moine. +Luther dit, en voyant cette image[r57]: Ils font tort au saint +homme, car il a men une vie commune, comme tout autre homme du pays; +il se servait de cuillers et de tasses d'argent; il n'a pas men une +vie part comme les moines. + + [r57] _Ibid._ 98. + +Macaire, Antoine, Benot, ont fait un grand et remarquable tort +l'glise avec leur moinerie; et je crois que dans le ciel ils seront +placs bien plus bas qu'un citoyen, pre de famille, pieux et craignant +Dieu. + +Saint Augustin me plat plus que tous les autres. Il a enseign une +pure doctrine, et soumis ses livres, avec l'humilit chrtienne, la +sainte criture... Augustin est favorable au mariage; il parle bien +des vques qui taient les pasteurs d'alors, mais le temps et les +disputes des Plagiens l'ont aigri et lui ont fait mal... S'il et vu +le scandale de la papaut, il ne l'et certes pas souffert. + +Saint Augustin est le premier pre de l'glise qui ait trait du pch +originel. + +Aprs avoir parl de saint Augustin, Luther ajoute: Mais depuis que +j'ai compris Paul par la grce de Dieu, je n'ai pu estimer aucun +docteur; ils sont devenus tout--fait petits mes yeux. + +Je ne connais aucun des Pres dont je sois si ennemi que de saint +Jrme. Il n'crit que sur le jene, les alimens, la virginit, etc. Il +n'enseigne rien sur la foi, etc. Le docteur Staupitz avait coutume de +dire: Je voudrais bien savoir comment Jrme a pu tre sauv? + + +Les nominaux sont dans les hautes coles une secte laquelle j'ai +aussi appartenu[r58]. Ils tiennent contre les thomistes, scotistes et +albertistes. Ils s'appellent eux-mmes occamistes. C'est la secte la +plus nouvelle de toutes, et aujourd'hui la plus puissante, nommment +Paris. + + [r58] _Ibid._ 384. + +Luther fait cas du _Matre des sentences_ de Pierre Lombard; mais il +trouve qu'en gnral les scolastiques donnaient trop peu la grce, +trop au libre arbitre[a52]. + +Gerson seul, entre tous les docteurs, a fait mention des tentations +spirituelles. Tous les autres, Grgoire de Nazianze, Augustin, Scot, +Thomas, Richard, Occam, n'ont senti que les tentations corporelles. Le +seul Gerson a crit sur le dcouragement. L'glise, mesure qu'elle +est plus ancienne, doit prouver de telles tentations spirituelles. +Nous sommes dans cet ge de l'glise. + +Guillaume de Paris a aussi prouv quelque chose de ces tentations +spirituelles. Mais les scolastiques ne sont jamais parvenus la +connaissance du catchisme. Le seul Gerson sert rassurer et relever +les consciences... Il a sauv beaucoup de pauvres mes du dsespoir, +en amoindrissant et extnuant la loi, de manire toutefois que la loi +subsistt.--Mais Christ ne perce point le tonneau, il le dfonce. Il +dit: Tu ne dois point te confier dans la loi ni te reposer sur elle, +mais sur moi, sur le Christ. Si tu n'es pas bon, je le suis. + +Le docteur Staupitz nous parlait un jour d'Andr Zacharias qui, +ce qu'on prtend, a vaincu Jean Huss dans la dispute[r59]. Il nous +racontait que le docteur Proles, de Gotha, voyant dans un couvent +Zacharias peint avec une rose son bonnet, dit ce sujet: Dieu me +garde de porter une telle rose, car il a vaincu Jean Huss injustement, +et au moyen d'une bible falsifie. Il y a dans le XXXIVe chapitre +d'zchiel: _C'est moi qui vais visiter et punir mes pasteurs_; mais on +y avait ajout ces mots: _et non point le peuple_; ceux du concile lui +montrrent ce texte dans sa propre bible falsifie comme les autres, et +conclurent ainsi: Tu vois que tu ne dois point punir le pape, que Dieu +s'en charge lui-mme. Ainsi le saint homme a t condamn et brl. + + [r59] _Ibid._ 385. + +Matre Jean Agricola lisait un crit de Jean Huss, plein d'esprit, +de rsignation et de ferveur, o l'on voyait comme dans sa prison il +souffrait le martyre des douleurs de la pierre, et se voyait rebut par +l'empereur Sigismond. Le docteur Luther admirait tant d'esprit et de +courage... C'est bien injustement, disait-il, que nous sommes appels +hrtiques, Jean Huss et moi... + +Jean Huss est mort, non comme un anabaptiste, mais comme un +chrtien[r60]. On voit en lui la faiblesse chrtienne; mais en mme +temps s'veille dans son me la force de Dieu qui le relve. Le combat +de la chair et de l'esprit, dans le Christ et dans Huss, est doux et +aimable voir... Constance est aujourd'hui une pauvre misrable ville. +Je crois que Dieu l'a punie... Jean Huss a t brl; et moi aussi, +je pense que je serai tu, s'il plat Dieu. Il a arrach quelques +pines de la vigne du Christ, en attaquant seulement les scandales de +la papaut. Mais moi, docteur Martin Luther, je suis venu dans un champ +dj noir et bien labour, j'ai attaqu la doctrine du pape, et l'ai +terrass. + + [r60] _Ibid._ 386. + +Jean Huss tait la semence qui doit mourir et tre enfonce dans la +terre, pour sortir ensuite, et crotre avec force[r61]. + + [r61] _Ibid._ 127. + +Luther improvisa un jour table le vers suivant: + + Pestis eram vivens, moriens ero mors tua, Papa. + +La tte de l'Anti-Christ, c'est la fois le pape et le Turc[r62]. +Le pape en est l'esprit, le Turc la chair. + + [r62] _Ibid._ 241. + +C'est ma pauvre et infirme condition (pour ne point parler de la +justice de ma cause) qui a fait le malheur du pape[r63]. Si j'ai +dfendu ma doctrine contre tant de rois et d'empereurs, se disait-il, +comment craindrais-je un simple moine? S'il m'avait estim un ennemi +dangereux, il aurait pu m'touffer ds l'origine. + + [r63] _Ibid._ 249. + +J'avoue que j'ai souvent t trop violent, mais jamais l'gard de la +papaut. Il devrait y avoir contre celle-ci une langue part dont tous +les mots fussent des coups de foudre. + +Les papistes sont confondus et vaincus par les tmoignages de +l'criture[r64]. Dieu merci, je connais leur erreur sous toutes ses +faces, de l'_alpha_ l'_omga_. Cependant aujourd'hui mme qu'ils +avouent que l'criture est contre eux, la splendeur et la majest +du pape m'blouissent quelquefois et c'est avec tremblement que je +l'attaque... + + [r64] _Ibid._ 255. + +Le pape se dit: Cderais-je un moine qui veut me dpouiller de ma +couronne et de ma majest? Bien fou qui cderait[r65]. Je donnerais +mes deux mains pour croire en Jsus-Christ aussi fermement, aussi +srement, que le pape croit que Jsus-Christ n'est rien. + + [r65] _Ibid._ 259. + +D'autres ont attaqu les moeurs des papes, comme rasme et Jean +Huss[r66]. Mais moi, j'ai renvers les deux piliers sur lesquels +reposait la papaut: les voeux et les messes particulires. + + [r66] _Ibid._ 192. + + +_Des Conciles._--Les conciles ne doivent point ordonner de la foi, +mais de la discipline[r67]. + + [r67] _Ibid._ 371-76. + +Le docteur Martin Luther levait un jour les yeux vers le ciel; il +soupira, et dit: Ah! un concile gnral, libre, et vraiment chrtien! +Dieu saura bien le faire; la chose est sienne; il connat et il a dans +sa main tous les conseils les plus secrets. + +Lorsque Pierre-Paul Vergerius, lgat du pape, vint Wittemberg, l'an +1533, et que je montai au chteau o il tait, il nous cita, et nous +somma d'aller au concile. J'irai, lui dis-je, et j'ajoutai: Vous autres +papistes, vous travaillez inutilement. Si vous tenez un concile, vous +n'y traitez point des sacremens, de la justification par la foi, des +bonnes oeuvres, mais seulement de babioles et d'enfantillage, comme de +fixer la longueur des habits, ou la largeur des ceintures des prtres, +ou la dimension de la tonsure, etc. Il se dtourna de moi, appuya sa +tte sur sa main, et dit son compagnon: Celui-ci touche vraiment le +fond des choses, etc. + +On demandait quand le pape convoquerait le concile. Il me semble, +dit le docteur Martin Luther, qu'il n'en sera rien avant le jugement +dernier. C'est alors que notre Seigneur Dieu tiendra lui-mme un +concile. + +Luther conseillait de ne point refuser d'aller au concile, mais +d'exiger qu'il ft libre; si on le refuse, il n'y a pas de meilleure +excuse pour nous. + + +_Des biens ecclsiastiques[a53]._ Luther voudrait qu'ils fussent +appliqus l'entretien des coles et des pauvres thologiens[r68]. +Il dplore la spoliation des glises. Il prdit que les princes vont +bientt se disputer les dpouilles des glises. Le pape prodigue +maintenant les biens ecclsiastiques aux princes catholiques pour se +faire des amis et des allis. + + [r68] _Ibid._ 380. + +Ce ne sont point tant nos princes de la confession d'Augsbourg qui +pillent les biens ecclsiastiques, c'est plutt Ferdinand, l'Empereur, +et l'archevque de Mayence. Ferdinand a ranonn tous les monastres. +Les Bavarois sont les plus grands voleurs des biens ecclsiastiques; +ils ont de riches abbayes. Mon gracieux seigneur et le Landgrave n'ont +que de pauvres monastres d'ordres mendians. On voulait la dite, +mettre les monastres la disposition de l'Empereur, qui y aurait +tabli ses gouvernemens militaires. Je donnai le conseil suivant: +_Il faut auparavant runir tous les monastres en un mme lieu. Qui +voudrait souffrir dans sa terre les gens de l'Empereur?_ Tout cela a +t pouss par l'archevque de Mayence. + +Dans la rponse la lettre o le roi de Danemarck lui demandait +ses conseils, Luther dsapprouve l'article de la runion des biens +ecclsiastiques la couronne. Voyez, dit-il, au contraire notre +prince Jean Frdric, comme il applique les biens de l'glise +l'entretien des pasteurs et des professeurs. + +Le proverbe a raison: _Biens de prtres ne profitent pas_ (pfaffengut +raffengut)[r69]. Burchard Hund, conseiller de l'lecteur de Saxe, Jean, +avait coutume de dire: Nous autres de la noblesse, nous avons runi les +biens des clotres nos biens nobles, et les biens des clotres ont +dvor les biens nobles, de sorte que nous n'avons plus ni les uns ni +les autres. Luther ajoute la fable du renard qui venge ses petits en +brlant l'arbre et les petits de l'aigle. + + [r69] _Ibid._ 60. + +Un ancien prcepteur du fils de Ferdinand, roi des Romains, nomm +Severus, contait Luther l'histoire du chien qui dfendait la viande +et qui pourtant, quand les autres la lui arrachaient, en prenait sa +part. C'est ce que fait maintenant l'Empereur, dit Luther, pour les +biens ecclsiastiques (Utrecht et Lige). + + +_Des cardinaux et des vques[a54]._ En Italie, en France, en +Angleterre, en Espagne, les vques sont ordinairement les conseillers +des rois; c'est qu'ils sont pauvres[r70]. Mais en Allemagne o ils sont +riches, puissans, et o ils ont une grande considration, les vques +gouvernent en leur propre nom. + + [r70] _Ibid._ 275. + +Je veux mettre tous mes soins pour que les canonicats et les petits +vchs subsistent, de sorte qu'on puisse avec ce revenu tablir des +prdicateurs et des pasteurs dans les villes. Les grands vchs seront +sculariss. + +Le jour de l'Ascension le docteur Martin Luther dna avec l'lecteur +de Saxe, et l'on rsolut que les vques conserveraient leur autorit, + condition qu'ils abjureraient le pape. Nos gens les examineront, et +les ordonneront, par l'imposition des mains. C'est ainsi que je suis +vque prsent. + +Dans les disputes d'Heidelberg, on demandait d'o venaient les +moines[r71]. Rponse: Dieu ayant fait le prtre, le diable voulut +l'imiter; mais il fit la tonsure trop grande, de l les moines. + + [r71] _Ibid._ 271. + +La moinerie ne se rtablira point aussi long-temps que l'article de la +justification restera pur[r72]. + + [r72] _Ibid._ 272. + +Autrefois les moines taient en si grande considration que le pape +les redoutait plus que les rois et les vques. Car ils avaient le +commun peuple dans leurs mains. Les moines taient les meilleurs +oiseleurs du pape[a55]. Le roi d'Angleterre a beau ne plus reconnatre +le pape pour le chef suprme de la chrtient. Il ne fait rien que +tourmenter le corps, en fortifiant l'me de la papaut. (Henri VIII +n'avait pas encore supprim les monastres.) + + + + +CHAPITRE III. + + Des coles et universits, et des arts libraux. + + +On doit tirer des coles des pasteurs qui difient et soutiennent +l'glise. Des coles et des pasteurs, cela vaut mieux que des conciles, +comme je l'ai dit dj. + +J'espre que si le monde dure encore, les universits d'Erfurth et de +Leipzig se relveront et prendront des forces, pourvu qu'elles adoptent +la saine thologie, quoi elles semblent dj disposes. Mais il +faut que quelques-uns s'endorment auparavant.--Je m'tonnais d'abord +qu'une universit et t fonde ici, Wittemberg.--Erfurth est situ +au mieux pour cela: l il doit y avoir une ville, quand mme celle +qui existe serait brle, ce que Dieu veuille empcher. L'universit +d'Erfurth tait jadis si renomme, que toutes les autres en comparaison +taient considres comme de petites coles. Maintenant cette gloire et +cette majest ont disparu, et l'universit d'Erfurth est tout--fait +morte. + +Autrefois, on avanait les matres, on les honorait; on portait devant +eux des flambeaux. Je trouve qu'il n'y a jamais eu en ce monde de joie +comparable celle-l. C'tait aussi une grande fte quand on faisait +des docteurs. On allait cheval autour de la ville; on s'habillait +avec plus de soin, on se parait. Tout cela ne se fait plus, mais je +voudrais bien que l'on ft revivre ces bonnes coutumes. + +Malheur l'Allemagne qui nglige les coles, qui les mprise et les +laisse tomber! Malheur l'archevque de Mayence et d'Erfurth qui +pourrait d'un mot relever les universits de ces deux villes, et qui +les laisse dsoles et dsertes! Un seul coin de l'Allemagne, celui +o nous sommes, fleurit encore, grce Dieu, par la puret de la +doctrine et la culture des arts libraux[a56]. Les papistes voudront +rebtir l'table, lorsque le loup aura mang les brebis.--La faute en +est l'vque de Mayence, c'est un flau pour les coles et pour toute +l'Allemagne. Aussi en est-il dj justement puni. Il a sur son visage +une couleur de mort, comme de la boue mle de sang. + +C'est Paris, en France, que se trouve la plus clbre et la plus +excellente cole. Il y a une foule d'tudians, dans les vingt mille +et au-del. Les thologiens y ont eux le lieu le plus agrable de +la ville, une rue particulire ferme de portes aux deux bouts; on +l'appelle la _Sorbonne_. Peut-tre, ce que j'imagine, tire-t-elle ce +nom de ces fruits de cormiers (_sorbus_) qui viennent sur les bords +de la mer Morte, et qui prsentent au dehors une agrable apparence; +ouvrez-les, ce n'est que cendres au-dedans. Telle est l'universit de +Paris, elle prsente une grande foule, mais elle est la mre de bien +des erreurs. S'ils disputent, ils crient comme des paysans ivres, en +latin, en franais. Enfin on frappe des pieds pour les faire taire. Ils +ne font point de docteurs en thologie moins qu'on n'tudie dix ans +dans leur sophistique et futile dialectique. Le rpondant doit siger +un jour entier et soutenir la dispute contre tout venant, de six heures +du matin six heures du soir. + +A Bourges en France, dans les promotions publiques de docteurs en +thologie qui se font dans l'glise mtropolitaine, on leur donne +chacun un filet, apparemment pour qu'ils s'en servent prendre les +gens. + +Nous avons, grce Dieu, des universits qui ont embrass la parole +de Dieu. Il y a encore beaucoup de belles coles particulires qui +se disposent bien, telles que Zwickaw, Torgaw, Wittemberg, Gotha, +Eisenach, Deventer, etc. + + +_Extrait du trait de Luther sur l'ducation._--L'ducation domestique +est insuffisante.--Il faut que les magistrats veillent l'instruction +des enfans. tablir des coles est un de leurs principaux soins. +Les fonctions publiques ne doivent mme tre confies qu'aux plus +doctes.--Importance de l'tude des langues. Le diable redoute cette +tude, et cherche l'teindre. N'est-ce pas par elle que nous avons +retrouv la vraie doctrine? La premire chose que Christ ait donne +ses aptres, c'est le don des langues.--Luther se plaint de ce que, +dans les monastres, on ne sait plus le latin, peine l'allemand. + +Pour moi, si j'ai jamais des enfans, et que ma fortune me le permette, +je veux qu'ils deviennent habiles dans les langues et dans l'histoire; +qu'ils apprennent mme la musique et les mathmatiques. Suit un loge +des potes et des historiens. + +Qu'on envoie au moins les enfans une heure ou deux par jour l'cole; +qu'ils emploient le reste soigner la maison et apprendre quelque +mtier. + +Il doit aussi y avoir des coles pour les filles.--On devrait fonder +des bibliothques publiques. D'abord des livres de thologie, latins, +grecs, hbreux, allemands, puis des livres pour apprendre la langue, +tels que les orateurs, les potes, peu importe qu'ils soient chrtiens +ou paens; les livres qui traitent des arts libraux et des arts +mcaniques; les livres de jurisprudence et de mdecine; les annales, +les chroniques, les histoires, dans la langue o elles ont t crites, +doivent tenir la premire place dans une bibliothque, etc. + + +_Des langues._--Les Grecs, compars aux Hbreux, ont bien de bonnes et +agrables paroles, mais n'ont point de _sentences_. La langue hbraque +est la plus riche; elle ne mendie point, comme le grec, le latin et +l'allemand. Elle n'a pas besoin de recourir aux mots composs. + +Les Hbreux boivent la source, les Grecs au ruisseau, les Latins au +bourbier. + +J'ai peu d'usage de la langue latine, lev, comme je le fus, dans la +barbarie des doctrines scolastiques. (12 novembre 1544.) + +Je ne suis point de dialecte particulier en allemand. J'emploie +la langue commune, de manire tre entendu dans la haute et dans +la basse Allemagne. Je parle d'aprs la chancellerie de Saxe, que +tous suivent, en Allemagne, dans leurs actes publics, rois, princes, +villes impriales. Aussi, est-ce le langage le plus commun. L'empereur +Maximilien et l'lecteur Frdric de Saxe ont ainsi ramen les +dialectes allemands une langue certaine. La langue des Marches est +encore plus douce que celle de Saxe. + + +_De la grammaire._--Autre chose est la grammaire, autre chose est la +langue hbraque. La langue hbraque, puis la grammaire positive, a +pri en grande partie chez les Juifs; elle est tombe avec la chose +mme, et avec l'intelligence, comme dit Isae (XXIX). Il ne faut donc +rien accorder aux rabbins dans les choses sacres; ils torturent et +violentent les tymologies et les constructions, parce qu'ils veulent +forcer la chose par les mots, soumettre la chose aux mots, tandis que +ce sont les choses qui doivent commander. + +On voit de semblables dbats entre les Cicroniens et les autres +Latinistes. Pour moi, je ne suis ni latin, ni grammairien, encore moins +cicronien; cependant, j'approuve ceux qui aiment mieux prtendre ce +dernier nom. De mme, dans la littrature sacre, j'aimerais tre +simplement mosaque, davidique ou isaque, s'il se pouvait, plutt +qu'un Hbreu kumique, ou semblable tout autre rabbin. (1537.) + +Je regrette de n'avoir pas plus de temps donner l'tude des potes +et des rhteurs[a57]: j'avais achet un Homre pour devenir Grec. (29 mars +1523.) + +Si je devais crire sur la dialectique, j'exprimerais tout en +allemand; je rejetterais tous ces mots trangers: _propositio_, +_syllogismus_, _enthymema_, _exemplum_... + +Ceux qui introduisent de nouveaux mots, doivent aussi introduire +de nouvelles choses, comme Scot avec sa _ralit_, son _hiccit_; +comme les anabaptistes et les prdicateurs de troubles, avec leurs +_besprengung_, _entgrobung_, _gelassenheit_. Qu'on se garde donc de +tous ceux qui s'tudient trouver des mots nouveaux et inusits. + +Luther citait la fable de la cour du lion, et disait, qu'aprs la +Bible, il ne connaissait pas de meilleur livre que les _Fables d'sope_ +et les crits de Caton; de mme que Donat lui semblait le meilleur +grammairien. Ce n'est point un seul homme qui a fait ces fables; +beaucoup de grands esprits y ont travaill chaque poque du monde[a58]. + + +_Des savans._--Avant peu d'annes, on manquera entirement de savans. +On aurait beau creuser pour en dterrer, rien ne servira; on pche trop +contre Dieu. + +_A un ami_: Ne te laisse pas aller la crainte que l'Allemagne ne +devienne plus barbare qu'elle ne l'a jamais t, par la chute des +lettres que causerait notre thologie. (29 mars 1523.) + + + + +CHAPITRE IV. + + Drames.--Musique.--Astrologie.--Imprimerie.--Banque, etc. + + +_Des reprsentations thtrales._--Luther ne dsapprouve point un +matre d'cole qui jouait les comdies de Trence. Il numre les +diverses utilits de la comdie. Si on s'abstenait de la comdie, parce +qu'il s'agit souvent d'amour, on n'oserait non plus lire la Bible. + +--Notre cher Joachim m'a demand mon jugement sur ces reprsentations +d'histoires saintes, que blment plusieurs de vos ministres. Voici, +en peu de mots, mon opinion. Il a t command tous les hommes de +rpandre et de propager le Verbe de Dieu, par tous les moyens, non pas +seulement par la parole, mais par critures, peintures, sculptures, +psaumes, chansons, instrumens de musique, comme dit le psaume: _Laudate +eum in tympano et choro, laudate eum chordis et organo_. Et Mose dit: +_Ligabis ea quasi signum in manu tu, eruntque et movebuntur inter +oculos tuos, scribesque ea in limine et ostiis doms tu_. Mose veut +que la parole se meuve devant les yeux, et comment cela se pourrait-il +faire mieux et plus clairement que par des reprsentations semblables, +mais graves et modestes, et non par des farces, comme autrefois +sous la papaut? De tels spectacles frappent les yeux du peuple, et +l'meuvent souvent bien plus que des prdications publiques. Je sais +que dans la basse Allemagne, o l'on a interdit la profession publique +de l'vangile, des drames, tirs de la Loi et de l'vangile, en ont +converti un grand nombre. (5 avril 1543.) + + +_De la musique._--La musique est un des plus beaux et des plus +magnifiques prsens de Dieu. Satan en est l'ennemi. Par elle on +repousse bien des tentations et de mauvaises penses. Le diable ne +tient pas contre. + +Quelques-uns de la noblesse, et des courtisans, pensent que mon +gracieux seigneur pourrait pargner en musique trois mille florins par +an; et l'on dpense, en choses inutiles, trente mille florins. + +Le duc George, le landgrave de Hesse, et l'lecteur de Saxe, +Jean-Frdric, entretenaient des chanteurs et des musiciens. +Aujourd'hui, c'est le duc de Bavire, l'empereur Ferdinand et +l'empereur Charles. + +En 1538, 17 dcembre, Luther ayant des musiciens pour htes, et les +ayant entendus, dit avec admiration: Si notre Seigneur nous accorde de +si nobles dons dans cette vie mme, qui n'est qu'ordure et misre, que +sera-ce donc dans la vie ternelle? En voici un commencement. + +Chanter est le meilleur exercice[a59]. Il n'a rien voir avec le +monde... Aussi je me rjouis de ce que Dieu a refus aux paysans (_sans +doute aux paysans rvolts_), un don et une consolation si grande; ils +n'entendent point la musique, et n'coutent point la parole. + +Il disait un jour un joueur de harpe: Mon ami, joue-moi un air, +comme faisait David. Je crois que, s'il revenait aujourd'hui, il serait +bien tonn de trouver les gens si habiles. + +Comment se fait-il pourtant que nous ayons tant de belles choses dans +le genre mondain, et que, dans le spirituel, nous n'ayons rien que de +froid et de mauvais (et il rptait quelques chansons allemandes). Pour +ceux qui mprisent la musique, comme font tous les rveurs et les +mystiques; je ne puis m'accorder avec eux. + +... Je demanderai au prince qu'avec cet argent il tablisse une +musique. (avril 1541.) + +Le 4 octobre 1530, il crit Ludovic Senfel, musicien de la cour de +Bavire, pour lui demander de lui mettre en musique le: _In pace in id +ipsum_. L'amour de la musique m'a fait surmonter la crainte d'tre +repouss, lorsque vous verrez un nom qui vous est sans doute odieux. +Ce mme amour me donne aussi l'esprance que mes lettres ne vous +attireront aucun dsagrment. Qui pourrait, ft-il le Turc, vous en +faire un sujet de reproches?... Aprs la thologie, il n'y a aucun art +que l'on puisse mettre ct de la musique. + +Luther recommande son ami Amsdorf, un peintre nomm Sbastien, +et ajoute: Je ne sais si vous aurez besoin de lui. Je dsirerais +cependant que ton habitation ft plus orne et plus lgante, +cause de la chair qui reviennent aussi quelques soins et quelques +recrations, lorsqu'elles sont sans pch et sans faute. (6 fvrier +1542.) + + +_Peinture[a60]._--Les pamphlets de Luther contre le pape, taient +presque toujours accompagns de gravures symboliques.--Quant +ces trois furies, dit-il, dans l'explication d'une de ces gravures +satiriques, je n'avais autre chose dans l'esprit, lorsque j'en faisais +l'application au pape, que d'exprimer l'atrocit de l'abomination +papale par ces expressions les plus nergiques, les plus atroces de la +langue latine; car les Latins ignorent ce que c'est que Satan ou le +diable, comme l'ignorent aussi les Grecs et toutes les nations. (8 mai +1545.) + +C'tait Lucas Cranach qui en avait fait les figures.--Luther crit: +Matre Lucas est un peintre peu dlicat. Il pouvait pargner le sexe +fminin en considration de nos mres et de l'oeuvre de Dieu. Il +pouvait peindre d'autres formes plus dignes du pape, je veux dire plus +diaboliques. (3 juin 1545.) + +Je ferai tous mes efforts, si je vis, pour que le peintre Lucas +substitue cette peinture obscne une image plus honnte. (15 juin.) + +Luther professait pour Albert Drer une grande admiration. Lorsqu'il +apprit sa mort, il crivit: Il est douloureux sans doute de l'avoir +perdu. Rejouissons-nous cependant de ce que Christ, par une fin si +heureuse, l'a tir de cette terre de misres et de troubles, qui, +peut-tre bientt, sera dchire par des troubles plus grands encore. +Dieu n'a pas voulu que celui qui tait n pour un sicle heureux, vt +de si tristes choses; qu'il repose en paix avec ses pres. (avril +1528.) + + +_De l'astronomie et de l'astrologie._--Il est vrai que les astrologues +peuvent prdire l'avenir aux impies, et leur annoncer la mort qui les +attend, car le diable sait les penses des impies, et il les a en sa +puissance. + +On fit mention d'un nouvel astronome, qui voulait prouver que c'est +la terre qui tourne, et non point le firmament, le soleil et la lune; +il en est de mme, disait-il, pour les habitans de la terre que pour +ceux qui sont dans un chariot ou dans un vaisseau, et qui croient +voir le rivage ou les arbres fuir derrire eux[4]. Ainsi va le monde +aujourd'hui; quiconque veut tre habile, ne doit pas se contenter de +ce que font et savent les autres. Le sot veut changer tout l'art de +l'astronomie; mais, comme le dit la sainte criture, Josu commanda au +soleil de s'arrter, et non la terre. + + [4] Sans doute Copernic qui termina vers 1530 son livre + _De orbium coelestium revolutionibus_, imprim, en 1543, + Nuremberg, avec une ddicace au pape Paul III. Ds 1540, une + lettre de son disciple Rheticus fit connatre le nouveau + systme. + +Les astrologues ont tort d'attribuer aux toiles la mauvaise influence +qui appartient en effet aux comtes. + +Matre Philippe tient fort cela, mais il n'a jamais pu me +persuader. Il prtend que l'art est rel, mais qu'il n'y a point de +matre qui s'y entende. + +Comme on montrait un horoscope au docteur Luther, il dit: C'est une +belle et agrable imagination, et qui plat la raison. On va bien +rgulirement d'une ligne l'autre... Il en est de l'astrologie comme +de l'art des sophistes, _de decem prdicamentis realiter distinctis_; +tout est faux et artificiel; mais dans cette oeuvre vaine et fictive, +il y a un admirable ensemble; dans tant de sicles et parmi tant de +sectes, thomistes, albertistes, scotistes, ils sont rests fidles aux +mmes rgles. + +La science, qui a pour objet la matire, est incertaine. Car la +matire est sans forme, et dpourvue de qualits et proprits. Or, +l'astrologie a pour objet la matire, etc. + +Ils avaient dit qu'il y aurait un dluge en 1524, et la chose n'arriva +qu'en 1525, poque du soulvement des paysans. Dj le bourgmestre +Hendorf avait fait monter au haut de sa maison un quart de bire pour y +attendre le dluge. + +Matre Philippe disait que l'empereur Charles devait vivre jusqu' +quatre-vingt-quatre ans; le docteur Luther rpondit: Le monde ne +durera pas si long-temps. zchiel y est contraire. Si nous chassons +le Turc, la prophtie de Daniel est accomplie, et certainement le jour +du jugement est la porte. + +Une grande toile rouge, qui avait paru dans le ciel, et qui forma +ensuite une croix en 1516, reparut plus tard; mais alors, dit Luther, +la croix parut brise; car l'vangile tait obscurci par les sectes +et les rvoltes. Je ne trouve rien de certain dans de tels signes; ce +sont communment des signes diaboliques et trompeurs. Nous en avons vu +beaucoup ces quinze dernires annes. + + +_Imprimerie._--L'imprimerie est le dernier et suprme don, le _summum +et postremum donum_, par lequel Dieu avance les choses de l'vangile. +C'est la dernire flamme qui luit avant l'extinction du monde. Grce +Dieu, elle est venue la fin. _Sancti patres dormientes desiderrunt +videre hunc diem revelati Evangelii._ + +Comme on lui montrait un crit des Fugger, orn de lettres d'une forme +bizarre, que personne ne pouvait le lire, il dit: C'est une invention +d'hommes habiles et prvoyans. Mais c'est la marque d'une poque bien +corrompue. Nous lisons que Jules Csar employait de pareilles lettres. +On dit que l'Empereur, se dfiant de ses secrtaires, les fait crire, +dans les affaires les plus importantes, de deux manires qui se +contredisent; et ils ne savent point auxquels des deux crits il doit +mettre son sceau. + + +_Banque[a61]._--Un cardinal, vque de Brixen, tant mort fort riche +Rome, on ne trouva point d'argent chez lui, mais seulement un petit +billet dans sa manche. Le pape Jules II se douta bien que c'tait +une lettre de change; il envoya sur-le-champ chercher le facteur +des Fugger, Rome, et lui demanda s'il ne connaissait point cet +crit? Oui, rpondit-il, c'est la reconnaissance de ce que Fugger et +compagnie doivent au cardinal; cela fait trois cent mille florins. Le +pape demanda s'il pouvait lui payer tout cet argent. A toute heure, +rpondit l'autre. Le pape fit venir ensuite les cardinaux de France et +d'Angleterre, et leur demanda si leurs rois pourraient trouver en une +heure trois tonnes d'or? Ils rpondirent que non. Eh bien! dit-il, un +bourgeois d'Augsbourg peut le faire. + +Fugger devant un jour donner au conseil d'Augsbourg l'estimation de +ses biens, il rpondit qu'il ne savait pas ce qu'il avait, car son +argent tait dans tout le monde, en Turquie, en Grce, Alexandrie, +en France, en Portugal, en Angleterre, en Pologne, etc., mais qu'il +pouvait bien donner l'estimation de ce qu'il avait Augsbourg.[a62] + + + + +CHAPITRE V. + + De la prdication.--Style de Luther.--Il avoue la violence de + son caractre. + + +Oh combien je tremblais lorsque, pour la premire fois, il me fallut +monter en chaire[r73]! mais on me forait de prcher. Il fallait +d'abord prcher les frres... + + [r73] _Ibid._ 181. + +J'ai bien, sous ce mme poirier o nous sommes, oppos au docteur +Staupitz quinze argumens contre ma vocation la prdication. Je lui +dis enfin: Seigneur docteur Staupitz, vous voulez me tuer; je ne +vivrai pas trois mois. Il me rpondit: Eh bien! notre Seigneur a de +grandes affaires; on a besoin de gens habiles l-haut. + +Je n'apporte gure de zle et d'ardeur la distribution de mes +oeuvres en tomes; j'ai une faim de Saturne, je les voudrais tous +dvorer. Car il n'y a pas un de mes livres dont je sois satisfait, si +ce n'est peut-tre le _Trait du serf arbitre_ et le _Catchisme_. (9 +juillet 1537.) + +Je n'aime pas que Philippe assiste mes leons ou prdications, mais +je mets la croix devant moi, et je me dis: Philippe, Jonas, Pomer, tous +les autres, ne font rien la chose; et je m'imagine alors qu'il ne +s'est assis dans la chaire personne de plus habile que moi[r74]. + + [r74] _Ibid._ 197. + +Le docteur Jonas lui disait: Seigneur docteur, je ne puis du tout vous +suivre dans la prdication[r75].--Le docteur Luther rpondit: Je ne +le puis moi-mme, car souvent c'est ma propre personne ou quelque chose +de particulier qui me donne l'occasion d'un sermon, selon le temps, +les circonstances, les auditeurs. Si j'tais plus jeune, je voudrais +retrancher beaucoup dans mes prdications, car j'y ai mis trop de +paroles. + + [r75] _Ibid._ 113. + +Je veux que l'on enseigne bien au peuple le Catchisme; je me fonde +sur lui dans tous mes sermons, et je prche aussi simplement que +possible[r76]. Je veux que les hommes du commun, les enfans, les +domestiques, me comprennent. Ce n'est point pour les savans que l'on +monte en chaire; ils ont les livres. + + [r76] _Ibid._ 116. + +Le docteur Erasmus Alberus, prt partir pour la Marche, demandait +au docteur Luther comment il fallait prcher devant le prince[r77]. +Tes prdications, dit-il, doivent s'adresser, non aux princes, mais +au simple et grossier peuple. Si, dans les miennes, je songeais +Mlanchton et aux autres docteurs, je ne ferais rien de bon; mais je +prche tout simplement pour les ignorans, et cela plat tous. Si je +sais du grec, de l'hbreu, du latin, je le rserve pour nos runions +de savans. Alors nous en disons de si subtiles que Dieu mme en est +tonn. + + [r77] _Ibid._ 184. + +Albert Drer, le fameux peintre de Nuremberg, avait coutume de dire +qu'il ne prenait aucun plaisir aux peintures charges de couleurs, mais + celles qui taient faites avec le plus de simplicit. J'en dis autant +des prdications[r78]. + + [r78] _Ibid._ 425. + +Oh que j'eusse t heureux, lorsque j'tais au clotre d'Erfurt, si +j'avais pu une fois, une seule fois, entendre prcher un pauvre petit +mot sur l'vangile ou sur le moindre des psaumes[r79]! + + [r79] Luth. Werke, t. IX, 245. + +Rien n'est plus agrable et plus utile au commun des auditeurs, que de +prcher la loi et les exemples[r80]. Les prdications sur la Grce +et sur l'article de la justification sont froides pour leurs oreilles. + + [r80] Tischreden, 182. + +Parmi les qualits que Luther exige d'un prdicateur, il veut qu'il +soit beau de sa personne, et tel que les bonnes femmes et les petites +filles puissent l'aimer[r81]. + + [r81] _Ibid._ 183. + +Dans le _Trait sur les voeux monastiques_, Luther demande +pardon au lecteur de dire bien des choses qu'on a coutume de +taire[r82].--Pourquoi n'oser dire ce que le Saint-Esprit, pour +instruire les hommes, a dict Mose? Mais nous voulons que nos +oreilles soient plus pures que la bouche du Saint-Esprit. + + [r82] Seckendorf, livre I, 202. + +_A J. Brentius._ Je ne veux point te flatter, je ne te trompe pas, je +ne me trompe pas moi-mme, quand je dis que je prfre tes crits aux +miens. Ce n'est point Brentius que je loue, mais l'Esprit saint, qui +en toi est plus doux, plus tranquille; tes paroles coulent plus pures, +plus limpides. Mon style, moi, inhabile et inculte, vomit un dluge, +un chaos de paroles; turbulent et imptueux comme un lutteur toujours +aux prises avec mille monstres qui se succdent; et si j'ose comparer +de petites choses aux grandes, il me semble qu'il m'a t donn quelque +chose de ce quadruple esprit d'lie, rapide comme le vent, dvorant +comme le feu, qui renverse les montagnes et brise les pierres; toi, +au contraire, le doux murmure de la brise lgre et rafrachissante. +Une chose me console, c'est que le divin pre de famille a besoin, dans +cette famille immense, de l'un et de l'autre serviteur, du dur contre +les durs, de l'pre contre les pres, comme d'un mauvais coin contre de +mauvais noeuds. Pour purger l'air et rendre la terre plus fertile, ce +n'est point assez de la pluie qui arrose et pntre, il faut encore les +clats de la foudre. (20 aot 1530.) + +Je suis loin de me croire sans dfaut; mais je puis au moins me +glorifier avec saint Paul, de ne pouvoir tre accus d'hypocrisie et +d'avoir toujours dit la vrit, peut-tre, il est vrai, un peu trop +rudement. Mais j'aime mieux pcher par la duret de mes paroles, en +jetant la vrit dans le monde, que de la retenir honteusement captive. +Si les grands seigneurs s'en trouvent blesss, qu'ils se mlent de +leurs affaires sans plus se soucier des miennes et de nos doctrines. +Est-ce que je leur ai fait quelque tort, quelque injustice? Si je +pche, ce sera Dieu de me pardonner. (5 fvrier 1522.) + +_A Spalatin._ Je ne puis nier que je ne sois plus violent qu'il ne +faudrait[a63]; mais ils le savaient, c'tait eux de ne pas irriter le +dogue. Tu peux savoir par toi-mme combien c'est une chose difficile +que de modrer son feu et de contenir sa plume. Et voil pourquoi j'ai +toujours ha de paratre en public; mais plus je le hais, plus j'y suis +forc malgr moi. (fvrier 1520.) + +Le docteur Luther disait souvent[r83]: J'ai trois mauvais chiens, +_ingratitudinem, superbiam et invidiam_ (l'ingratitude, l'orgueil et +l'envie). Celui qu'ils mordent est bien mordu. + + [r83] Tischreden, 105. + +Si je meurs, les papistes verront quel adversaire ils ont eu en +moi[r84]. D'autres prdicateurs n'auront pas la mme mesure, la mme +modration. On l'a dj prouv avec Mnzer, avec Carlostad, Zwingli et +les anabaptistes. + + [r84] _Ibid._ 356. + +Dans la colre mon temprament se retrempe, mon esprit s'aiguise, et +toutes les tentations, tous les ennuis se dissipent. Je n'cris et ne +parle jamais mieux qu'en colre[r85]. + + [r85] _Ibid._ 145. + +_A Michel Marx._ Tu ne saurais croire combien j'aime voir mes +adversaires s'lever chaque jour davantage contre moi. Je ne suis +jamais plus superbe et plus audacieux que lorsque j'apprends que je +leur dplais. Docteurs, vques, princes, que m'importe? Il est crit: +_Tremuerunt gentes et populi meditati sunt inania. Adstiterunt reges +terr, et principes convenerunt in unum adverss Deum et adverss +Christum ejus._ + +J'ai un tel ddain pour ces satans, que si je n'tais retenu ici, +j'irais tout droit Rome, en haine du diable et de toutes ces furies. + +Il faut que j'aie de la patience avec le pape, avec mes disciples, +avec mes domestiques, avec Catherine de Bora, avec tout le monde, et ma +vie n'est autre chose que de la patience. + + + + +LIVRE V. + + + + +CHAPITRE PREMIER. + + Mort du pre de Luther, de sa fille, etc. + + +Il n'est pas d'alliance ni de socit plus belle, plus douce et +plus heureuse, qu'un bon mariage[r86]. C'est une joie de voir deux +poux vivre unis et en paix. Mais aussi, rien n'est plus amer et plus +douloureux que quand ce lien se dchire. Aprs cela vient la mort des +enfans. Cette dernire douleur je la connais, hlas! + + [r86] _Ibid._ 331. + +--Je suis triste en t'crivant, car j'ai reu la nouvelle de la mort +de mon pre, ce vieux Luther, si bon et si aim. Et bien que par moi +il ait eu un si facile et si pieux passage en Christ, et que, dlivr +des monstres d'ici-bas, il repose dans la paix ternelle, cependant mes +entrailles se sont mues, car c'est par lui que Dieu m'a fait natre et +m'a lev.--Dans une lettre du mme jour Mlanchton: ... Je succde + son nom; voici maintenant que je suis pour ma famille le vieux +Luther. C'est mon tour, c'est mon droit de le suivre par la mort dans +ce royaume que Christ nous a promis nous tous qui, cause de lui, +sommes les plus misrables des hommes, et l'opprobre du monde... Je me +rjouis cependant qu'il ait vcu dans ce temps, et qu'il ait pu voir la +lumire de la vrit. Dieu soit bni dans tous ses actes, dans tous ses +desseins! (5 juin 1530.) + +La nouvelle tant venue de Freyberg que matre Hausman tait mort, +nous la cachmes au docteur Luther, et lui dmes d'abord qu'il tait +malade, puis qu'il tait au lit, puis qu'il s'tait bien doucement +endormi dans le Christ[r87]. Le docteur se mit pleurer bien fort, +et dit: Voici des temps bien prilleux; Dieu balaie son aire et sa +grange. Je le prie de ne pas laisser vivre long-temps aprs ma mort +ma femme et mes enfans. Il resta assis tout le jour; il pleurait +et s'affligeait. Il tait avec le docteur Jonas, matre Philippe +(Mlanchton), matre Joachim Camerarius, et Gaspard de Keckeritz, et, +au milieu d'eux, il tait assis, tout afflig et en larmes. (1538.) + + [r87] _Ibid._ 274. + +Lorsqu'il perdit sa fille Magdalena, ge de quatorze ans, la femme du +docteur pleurait et se lamentait. Il lui dit: Chre Catherine, songe +pourtant o elle est alle. Elle a certes fait un heureux voyage. La +chair saigne, sans doute, c'est sa nature; mais l'esprit vit et se +trouve selon ses souhaits. Les enfans ne disputent point; comme on leur +dit, ils croient. Chez les enfans tout est simple. Ils meurent sans +chagrin ni angoisses, sans disputes, sans tentations de la mort, sans +douleur corporelle, tout comme s'ils s'endormaient. + +Comme sa fille tait fort malade, il disait: Je l'aime bien! Mais, +mon Dieu! si c'est ta volont de la prendre d'ici, je veux la savoir +sans regret auprs de toi. Et comme elle tait au lit, il lui disait: +Ma chre petite fille, ma petite Madeleine, tu resterais volontiers +ici auprs de ton pre, et tu irais pourtant volontiers aussi ton +autre pre. Elle rpondit: Oui, mon cher pre, comme Dieu voudra. +Chre petite fille! ajouta-t-il, l'esprit veut, mais la chair est +faible. Il se promena en long et en large et dit: Oui, je l'ai aime +bien fort. Si la chair est si forte, que sera-ce donc de l'esprit. + +Il disait entre autres choses: Dieu n'a pas donn depuis mille ans +aucun vque d'aussi grands dons qu' moi; car on doit se glorifier des +dons de Dieu. Eh! bien, je suis en colre contre moi-mme de ce que je +ne puis m'en rjouir de coeur, ni rendre grce; je chante bien de temps +en temps notre Seigneur un petit cantique, et le remercie un peu. + +Eh bien! que nous vivions ou que nous mourions, _Domini sumus_ au +gnitif ou au nominatif. Allons, seigneur docteur, tenez ferme. + +La nuit qui prcda la mort de Magdalena, la femme du docteur avait eu +un songe; il lui semblait voir deux beaux jeunes garons bien pars, +qui voulaient prendre sa fille et la mener la noce[r88]. Lorsque +Philippe Mlanchton vint le matin dans le clotre, et demanda la +dame: Que faites-vous de votre fille? elle lui raconta son rve. Il +en fut bien effray, et dit aux autres: Les jeunes garons sont les +saints anges qui vont venir pour mener la vierge la vritable noce du +royaume cleste. Et en effet le mme jour elle mourut. + + [r88] _Ibid._ 360. + +Lorsque la petite Magdalena tait l'agonie et allait mourir, le pre +tomba genoux devant son lit, pleura amrement, et pria Dieu qu'il +voult bien la sauver. Elle expira et s'endormit dans les bras de son +pre. La mre tait bien dans la mme chambre, mais plus loin du lit, +cause de son affliction. Le docteur rptait souvent: Que la volont +de Dieu soit faite! ma fille a encore un pre dans le ciel. Alors +matre Philippe se mit dire: L'amour des parens est une image de la +divinit imprime au coeur des hommes. Dieu n'aime pas moins le genre +humain que les parens leurs enfans. Lorsqu'on la mit dans la bire, le +pre dit: Pauvre chre petite Madeleine, te voil bien maintenant? +Il la regarda ainsi tendue, et dit: O cher enfant, tu ressusciteras, +tu brilleras comme une toile! Oui, comme le soleil!... Je suis joyeux +en esprit, mais dans la chair je suis bien triste. C'est une chose +merveilleuse de savoir qu'elle est certainement en paix, qu'elle est +bien, et cependant d'tre si triste. + +Et lorsque le peuple vint pour aider emporter le corps, et que, +selon le commun usage, ils lui disaient qu'ils prenaient part son +malheur, il leur dit: Ne vous chagrinez pas, j'ai envoy une sainte +au ciel. Oh! puissions-nous avoir une telle mort! Une telle mort, je +l'accepterais sur l'heure!--Lorsque l'on chanta: Seigneur, qu'il ne +vous souvienne pas de nos anciens pchs! il ajouta: Non-seulement des +anciens, mais de ceux d'aujourd'hui. Car nous sommes avides, usuriers, +etc.; le scandale de la messe existe encore dans le monde! + +Au retour, il disait entre autres choses: On doit s'inquiter du sort +de ses enfans, et surtout des pauvres filles. Je ne plains pas les +garons; un garon vit partout pourvu qu'il sache travailler. Mais le +pauvre petit peuple des filles doit chercher sa vie un bton la main. +Un garon peut aller aux coles, et devenir un habile garon (ein +feiner man). Une petite fille ne peut en faire autant. Elle +tourne facilement au scandale et devient grosse. Aussi je donne bien +volontiers celle-ci notre Seigneur. + +_A Jonas._ La renomme t'aura, je pense, inform de la renaissance de +ma fille Madeleine au royaume du Christ; et bien que moi et ma femme +nous dussions ne songer qu' rendre de joyeuses actions de grces pour +un si heureux passage et une fin si dsirable, par o elle a chapp +la puissance de la chair, du monde, du Turc et du Diable, cependant la +force +ts storgs+ est si grande que je ne puis le supporter +sans sanglots, sans gmissement, disons mieux, sans une vritable mort +du coeur. Dans le plus profond de mon coeur sont encore gravs ses +traits, ses paroles, ses gestes, pendant sa vie et sur son lit de mort; +mon obissante et respectueuse fille! La mort mme du Christ (et que +sont toutes les morts en comparaison?) ne peut me l'arracher de la +pense, comme elle le devrait.... Elle tait, comme tu sais, douce de +caractre, aimable et pleine de tendresse. (23 septembre 1542.) + + + + +CHAPITRE II. + + De l'quit, de la Loi.--Opposition du thologien et du juriste. + + +Il vaut mieux se gouverner _d'aprs la raison naturelle que d'aprs +la loi crite_, car la raison est l'me et la reine de la loi[r89]. +Mais o sont les gens qui ont une telle intelligence? on en peut +peine trouver un par sicle. Notre gracieux seigneur, l'lecteur +Frdric, tait un tel homme. Il y a eu encore son conseiller le +seigneur Fabian de Feilitsch, un lac, qui n'avait point tudi et +qui rpondait sur _apices et medullam juris_ mieux que les juristes +d'aprs leurs livres.--Matre Philippe Mlanchton enseigne les arts +libraux, de manire qu'il en tire moins de lumire qu'il ne leur en +prte lui-mme. Moi aussi, je porte mon art dans les livres, je ne +l'en tire point. Celui qui voudrait imiter les quatre hommes dont je +viens de parler, ferait aussi bien d'y renoncer; il faut plutt qu'il +apprenne et qu'il coute. De tels prodiges sont rares. La loi crite +est pour le peuple et l'homme du commun. La raison naturelle et la +haute intelligence sont pour les hommes dont j'ai parl. + + [r89] _Ibid._ 347. + +Il y a un ternel combat entre les juristes et les thologiens; c'est +la mme opposition qu'entre la loi et la grce. + +Le droit est une belle fiance, pourvu qu'elle reste dans son lit +nuptial[r90]. Si elle monte dans un autre lit et veut gouverner la +thologie, c'est une grande p...... Le droit doit ter sa barrette +devant la thologie. + + [r90] _Ibid._ + +_A Mlanchton._ Je pense comme autrefois sur le droit du glaive; je +pense avec toi que l'vangile n'a rien enseign ni conseill sur ce +droit, et que cela ne devait tre en aucune faon, parce que l'vangile +est la loi des volonts et des liberts, qui n'ont rien faire avec +le glaive ou le droit du glaive. Mais ce droit n'y est pas aboli, il y +est mme confirm et recommand; ce qui n'a lieu pour aucune des choses +simplement permises. + +Avant moi, il n'y a aucun juriste qui ait su ce qu'est le droit, +relativement Dieu[r91]. Ce qu'ils ont, ils l'ont de moi. Il n'est +point mis dans l'vangile que l'on doive adorer les juristes. Si notre +Seigneur Dieu veut juger, que lui importent les juristes? Pour ce qui +regarde le monde, je les laisse matres. Mais dans les choses de Dieu +ils doivent tre sous moi. Mon psaume moi, c'est celui-ci: _Rois +soyez chtis_, etc. S'il faut qu'un des deux prisse, prisse le +droit, rgne le Christ! + + [r91] _Ibid._ 402. + +_Principes convenerunt in unum._ David le dit lui-mme, _contre son +fils se dresseront la puissance, la sagesse, la multitude du monde, et +il doit tre seul contre beaucoup, insens contre les sages, impuissant +contre les puissans_. Certes, c'est l une merveilleuse conduite des +choses. Notre Seigneur Dieu ne manque de rien que de gens sages, mais +derrire sonne le terrible _Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui +judicatis terram_ (Comprenez maintenant, rois; instruisez-vous, juges +de la terre). + +Si les juristes ne prient point pour le pardon de leurs pchs et +n'acceptent point l'vangile, je veux les confondre, de sorte qu'ils +ne sachent plus comment se tirer d'affaire. Je n'entends rien au +droit, mais je suis seigneur du droit dans les choses qui touchent la +conscience. + +Nous sommes redevables aux juristes d'avoir enseign et d'enseigner +au monde tant d'quivoques, de chicanes, de calomnies, que le langage +est devenu plus confus que dans une Babel. Ici, nul ne peut comprendre +l'autre, l, nul ne veut comprendre. O sycophantes, sophistes, pestes +du genre humain. Je t'cris tout en colre, et je ne sais si, de +sang-froid, j'enseignerais mieux. (6 fvrier 1546.) + +La veille d'un jour o on allait faire un docteur en droit, Luther +disait: Demain on fera une nouvelle vipre contre les thologiens. + +On a raison de dire: _un bon juriste est un mauvais chrtien_. En +effet, le juriste estime et vante la justice des oeuvres, comme si +c'tait par l qu'on est juste devant Dieu. S'il devient chrtien, il +est considr parmi les juristes comme un animal monstrueux, il faut +qu'il mendie son pain, les autres le regardent comme sditieux. + +Qu'on frappe la conscience des juristes, ils ne savent ce qu'ils +doivent faire. Mnzer les attaquait avec l'pe; c'tait un fou. + +Si j'tudiais seulement deux ans en droit, je voudrais devenir plus +savant que le docteur C.; car je parlerais des choses, selon qu'elle +sont vritablement justes ou injustes. Mais lui, il chicane sur les +mots. + +La doctrine des juristes n'est rien qu'un _nisi_, un _except_. La +thologie ne procde pas ainsi, elle a un ferme fondement. + +L'autorit des thologiens consiste en ce qu'ils peuvent obscurcir +les universaux, et tout ce qui s'y rapporte. Ils peuvent lever et +abaisser. Si la Parole se fait entendre, Mose et l'Empereur doivent +cder. + +Le droit et les lois des Perses et des Grecs sont tombs en dsutude +et abolis. Le droit romain ou imprial ne tient plus qu' un fil[a64]. +Car si un empire ou un royaume tombe, ses lois et ordonnances doivent +tomber aussi. + +Je laisse le cordonnier, le tailleur, le juriste pour ce qu'ils sont. +Mais qu'ils n'attaquent point ma chaire!... + +Beaucoup de gens croient que la thologie qui est rvle aujourd'hui, +n'est rien. Si cela a lieu de notre vivant, que sera-ce aprs notre +mort? En rcompense beaucoup d'entre nous sont gros de cette pense +dont ils accoucheront plus tard, que le droit n'est rien. + +_Sermon contre les juristes, prch le jour des Rois._ Voil comme +agissent nos fiers juristes et chevaliers s-lois de Wittemberg... Ils +ne lisent point nos livres, les appellent catoniques (pour canoniques), +ne s'inquitent pas de notre Seigneur, et ne visitent point nos +glises[r92]. Eh bien! puisqu'ils ne reconnaissent point le docteur +Pomer pour vque de Wittemberg, ni moi pour prdicateur de cette +glise, je ne les compte plus dans mon troupeau. + + [r92] _Ibid._ 403. + +Mais, disent-ils, vous allez contre le droit imprial. J'emm...e ce +droit qui fait tort au pauvre homme. + +Suit un dialogue du juriste avec le plaideur qui il promet pour dix +thalers de faire traner une affaire dix ans... Bonnes et pieuses gens +comme Reinicke Fuchs, dans le pome du Renard... + +Bon peuple, veuillez agrer les motifs pour lesquels je veux tre +impitoyable envers les juristes[r93]... Ils vantent le droit +canonique, la m...e du pape, et le reprsentent comme une chose +magnifique, lorsque nous l'avons, avec tant de peine, repouss et +chass de nos glises... Je te le conseille, juriste, laisse dormir le +vieux dogue[a65]. Une fois veill, tu ne le ramnerais pas aisment +la loge. + + [r93] _Ibid._ 407. + +Les juristes se plaignent fort, et m'en veulent. Qu'y puis-je faire? +Si je ne devais pas rendre compte de leurs mes, je ne les chtierais +point. Il dclare pourtant ensuite[a66] qu'il n'a point parl des +juristes pieux.[a67] + + + + +CHAPITRE III. + + La Foi, la Loi. + + +_A Gerbellius_: Dans cette cohue de scandales, ne te dmens pas +toi-mme. Je te la rends pour te soutenir, l'pouse (la foi) que tu +m'as montre jadis; je te la rends vierge et sans tache. Mais ce qu'il +y a en elle d'admirable et d'inou, c'est qu'elle dsire et attire une +infinit de rivaux, et qu'elle est d'autant plus chaste qu'elle est +l'pouse d'un plus grand nombre. + + * * * * * + +Notre rival, Philippe Mlanchton, te salue. Adieu, sois heureux avec +la fiance de ta jeunesse. (23 janvier 1523). + +_A Mlanchton._ Sois pcheur, et pche fortement, mais aie encore +plus forte confiance, et rjouis-toi en Christ, qui est le vainqueur +du pch, de la mort et du monde. Il faut pcher, tant que nous +sommes ici. Cette vie n'est point le sjour de la justice; non, nous +attendons, comme dit Pierre, les cieux nouveaux et la terre nouvelle o +la justice habite..... + +Prie grandement; car tu es un grand pcheur. + +Je suis maintenant tout--fait dans la doctrine de la rmission des +pchs[r94]. Je n'accorde rien la Loi ni tous les Diables. Celui +qui peut croire en son coeur la rmission des pchs, celui-l est +sauv. + + [r94] _Ibid._ 102. + +De mme qu'il est impossible de rencontrer dans la nature le point +_mathmatique_, _indivisible_, de mme l'on ne trouve nulle part la +justice telle que la Loi la demande. Personne ne peut satisfaire +la Loi entirement, et les juristes eux-mmes, malgr tout leur art, +sont bien souvent obligs de recourir la rmission des pchs, car +ils n'atteignent pas toujours le but, et quand ils ont rendu un faux +jugement, et que le Diable leur tourmente la conscience, ni Barthole, +ni Baldus, ni tous leurs autres docteurs ne leur servent de rien. Pour +rsister, ils sont forcs de se couvrir de l'+epieikeia+, +c'est--dire de la rmission des pchs. Ils font leur possible pour +bien juger, et aprs cela il ne leur reste plus qu' dire: Si j'ai +mal jug, mon Dieu, pardonne-le-moi.--C'est la thologie seule qui +possde le point mathmatique, elle ne ttonne pas, elle a le Verbe +mme de Dieu. Elle dit: Il n'est qu'une justice, Jsus-Christ. Qui vit +en lui, celui-l est juste. + +La Loi sans doute est ncessaire, mais non pour la batitude, car +personne ne peut l'accomplir; mais le pardon des pchs la consomme et +l'accomplit[r95]. + + [r95] _Ibid._ 128. + +La Loi est un vrai labyrinthe qui ne peut que brouiller les +consciences, et la justice de la Loi est un minotaure, c'est--dire une +pure fiction qui ne nous conduit point la batitude, mais nous attire +en enfer. + +_Addition de Luther une lettre de Mlanchton sur la Grce et la +Loi..._--Pour me dlivrer entirement de la vue de la loi et des +oeuvres, je ne me contente pas mme de voir en Jsus-Christ mon matre, +mon docteur et mon donateur, je veux qu'il soit lui-mme ma doctrine et +mon don, de telle sorte, qu'en lui je possde toute chose[r96]. Il +dit: Je suis le chemin, la vrit et la vie, non pas: Je te montre +ou je te donne le chemin, la vrit et la vie, comme s'il oprait +seulement ceci en moi, et que lui-mme il ft nanmoins en dehors de +moi...--Il n'est qu'un seul point dans toute la thologie: vraie foi +et confiance en Jsus-Christ[r97]. Cet article contient tous les +autres.--Notre foi est un soupir inexprimable. Et ailleurs: Nous +sommes nos propres geliers. (C'est--dire que nous nous enfermons dans +nos oeuvres, au lieu de nous lancer dans la foi[r98].) + + [r96] Tischreden, 133. + + [r97] _Ibid._ 140. + + [r98] _Ibid._ 147. + +Le diable veut seulement une justice _active_, une justice que +nous fassions nous-mmes en nous, tandis que nous n'en avons qu'une +_passive_ et trangre qu'il ne veut point nous laisser[r99]. Si +nous tions borns l'_active_, nous serions perdus, car elle est +dfectueuse dans tous les hommes. + + [r99] _Ibid._ 142. + +Un docteur anglais, Antonius Barns, demandait au docteur Luther si les +chrtiens, justifis par la foi en Christ, mritaient quelque chose +pour les oeuvres qui venaient ensuite[r100]. Car cette question tait +souvent agite en Angleterre. Rponse: 1 Nous sommes encore pcheurs +aprs la justification; 2 Dieu promet rcompense ceux qui font bien. +Les oeuvres ne mritent point le ciel, mais elles ornent la foi qui +nous justifie. Dieu ne couronne que les dons mmes qu'il nous a faits. + + [r100] _Ibid._ 144. + +FIDELIS ANIM VOX AD CHRISTUM. _Ego sum tuum peccatum, tu mea justitia; +triumpho igitur securus_, etc. + +Pour rsister au dsespoir, il ne suffit pas d'avoir de vains mots +sur la langue, ni une vaine et faible opinion; mais il faut qu'on +relve la tte, que l'on prenne une me ferme et que l'on se confie +en Christ contre le pch, la mort, l'enfer, la Loi et la mauvaise +conscience[r101]. + + [r101] _Ibid._ 124. + +Quand la Loi t'accuse et te reproche tes fautes, ta conscience te +dit: Oui, Dieu a donn la Loi et command de l'observer sous peine +de damnation ternelle; il faut donc que tu sois damn. A cela tu +rpondras: Je sais bien que Dieu a donn la Loi, mais il a aussi donn +par son fils l'vangile qui dit: Celui qui aura reu le baptme et qui +croira, sera sauv. Cet vangile est plus grand que toute la Loi, car +la Loi est terrestre et nous a t transmise par un homme; l'vangile +est cleste et nous a t apport par le Fils de Dieu.--N'importe, dit +la conscience, tu as pch et transgress le commandement de Dieu; donc +tu seras damn.--_Rponse_: Je sais fort bien que j'ai pch, mais +l'vangile m'affranchit de mes pchs, parce que je crois en Jsus, et +cet vangile est lev au-dessus de la Loi autant que le ciel l'est +au-dessus de la terre. C'est pourquoi le corps doit rester sur la +terre et porter le fardeau de la Loi, mais la conscience monter, avec +Isaac, sur la montagne, et s'attacher l'vangile, qui promet la vie +ternelle ceux qui croient en Jsus-Christ.--N'importe, dit encore la +conscience, tu iras en enfer; tu n'as pas observ la Loi.--_Rponse_: +Oui, si le ciel ne venait mon secours; mais il est venu mon +secours, il s'est ouvert pour moi; le Seigneur a dit: Celui qui sera +baptis et qui croira, sera sauv. + +Dieu dit Mose: Tu verras mon dos, mais non point mon +visage[r102]. Le dos c'est la Loi, le visage c'est l'vangile. + + [r102] _Ibid._ 125. + +La Loi ne souffre pas la Grce, et son tour la Grce ne souffre pas +la Loi. La Loi est donne seulement aux orgueilleux, aux arrogans, la +noblesse, aux paysans, aux hypocrites et ceux qui ont mis leur amour +et leur plaisir dans la multitude des lois. Mais la Grce est promise +aux pauvres coeurs souffrans, aux humbles, aux affligs; c'est eux que +regarde le pardon des pchs. A la Grce appartiennent matre Nicolas +Hausmann, Cordatus, Philippe (Mlanchton) et moi. + +Il n'y a point d'auteur, except saint Paul, qui ait crit d'une +manire complte et parfaite sur la Loi, car c'est la mort de toute +raison de juger la Loi: l'esprit en est le seul juge. (15 aot 1530.) + +La bonne et vritable thologie consiste dans la pratique, l'usage et +l'exercice. Sa base et son fondement, c'est le Christ, dont on comprend +avec la foi, la passion, la mort et la rsurrection. Ils se font +aujourd'hui, pour eux, une _thologie spculative_ d'aprs la raison. +Cette _thologie spculative_ appartient au diable dans l'enfer. Ainsi +Zwingle et les sacramentaires _spculent_ que le corps du Christ est +dans le pain, mais seulement dans le sens spirituel. C'est aussi la +thologie d'Origne. David n'agit pas ainsi, mais il reconnat ses +pchs et dit: _Miserere mei Domine!_ + +J'ai vu nagure deux signes au ciel. Je regardais par la fentre au +milieu de la nuit, et je vis les toiles et toute la vote majestueuse +de Dieu se soutenir sans que je pusse apercevoir les colonnes sur +lesquelles le Matre avait appuy cette vote. Cependant elle ne +s'croulait pas. Il y en a maintenant qui cherchent ces colonnes et +qui voudraient les toucher de leurs mains. Mais comme ils n'y peuvent +arriver, ils tremblent, se lamentent, et craignent que le ciel ne +tombe. Ils pourraient les toucher que le ciel n'en bougerait pas. + +Plus tard je vis de gros nuages, tout chargs, qui flottaient sur ma +tte comme un ocan. Je n'apercevais nul appui qui les pt soutenir. +Nanmoins, ils ne tombaient pas, mais nous saluaient tristement et +passaient. Et comme ils passaient, je distinguai dessous la courbe +qui les avait soutenus, un dlicieux arc-en-ciel. Mince il tait +sans doute, bien dlicat, et l'on devait trembler pour lui en voyant +la masse des nuages. Cependant cette ligne arienne suffisait pour +porter cette charge et nous protger. Nous en voyons toutefois qui +craignent le poids du nuage, et ne se fient pas au lger soutien; ils +voudraient bien en prouver la force, et, ne le pouvant, ils craignent +que les nuages ne fondent et ne nous abment de leurs flots..... Notre +arc-en-ciel est faible, leurs nuages sont lourds. Mais la fin jugera de +la force de l'arc. _Sed in fine videbitur cujus toni._[a68] (aot 1530.) + + + + +CHAPITRE IV. + + Des novateurs: Mystiques, etc. + + +Le comment nous russit mal, c'est la cause de la ruine d'Adam. + +Je crains deux choses: l'picurisme et l'enthousiasme, deux sectes +qui doivent rgner encore. + +Otez le dcalogue, il n'y a plus d'hrsie. L'criture sainte est le +livre de tous les hrtiques[a69]. + +Luther nommait les esprits sditieux et prsomptueux, des saints +prcoces qui, avant la maturit, taient piqus des vers et au moindre +vent tombaient de l'arbre. Les rveurs (schwermer) sont comme les +papillons. D'abord c'est une chenille qui se pend un mur, s'y fait +une petite maison, clot la chaleur du soleil, et s'envole en +papillon. Le papillon meurt sur un arbre et laisse une longue trane +d'oeufs. + +Le docteur Martin Luther disait au sujet des faux frres et hrtiques +qui se sparent de nous, qu'il fallait les laisser faire et ne pas s'en +inquiter; s'ils ne nous coutent point, nous les enverrons avec tous +leurs beaux semblans en enfer[r103]. + + [r103] _Ibid._ 292. + +Quand je commenai crire contre les indulgences, je fus pendant +trois ans tout seul, et personne ne me tendait la main[r104]. +Aujourd'hui ils veulent tous triompher. J'aurais bien assez de mal +avec mes ennemis sans celui que me font mes bons petits frres. Mais +qui peut rsister tous? ce sont des jeunes gens tout frais, qui +n'ont rien fait jusqu'ici; moi je suis vieux maintenant, et j'ai eu de +grandes peines, de grands travaux. Osiander peut faire le fier; il a du +bon temps; il a deux prdications faire par semaine et quatre cents +florins par an. + + [r104] _Ibid._ 193. + +En 1521, il vint chez moi l'un de ceux de Zwickau, du nom de Marcus, +assez affable dans ses manires, mais frivole dans ses opinions et dans +sa vie[r105]. Il voulait confrer avec moi au sujet de sa doctrine. +Comme il ne parlait que de choses trangres l'criture, je lui dis +que je ne reconnaissais que la parole de Dieu, et que, s'il voulait +tablir autre chose, il devait au moins prouver sa mission par des +miracles. Il me rpondit: Des miracles? ah! vous en verrez dans sept +ans. Dieu mme ne pourrait m'enlever ma foi. Il dit aussi: Je vois de +suite si quelqu'un est lu ou non.--Aprs qu'il m'eut beaucoup parl +du _talent_ qu'il ne fallait pas enfouir, du _dgrossissement_, de +l'_ennui_, de l'_attente_, je lui demandai qui comprenait cette langue. +Il me rpondit qu'il ne prchait que devant les disciples croyans et +habiles. Comment vois-tu qu'ils sont habiles? lui dis-je.--Je n'ai qu' +les regarder, rpondit-il, pour voir leur _talent_.--Quel _talent_, mon +ami, trouves-tu en moi par exemple?--Vous tes encore au premier degr +de la mobilit, me rpondit-il, mais il viendra un temps o vous serez +au premier de l'immobilit comme moi.--Sur ce, je lui citai plusieurs +textes de l'criture et nous nous sparmes. Quelque temps aprs, il +m'crivit une lettre trs amicale, pleine d'exhortations; mais je lui +rpondis: Adieu, cher Marcus. + + [r105] _Ibid._ 282. + +Plus tard, il vint chez moi un tourneur qui se disait aussi prophte. +Il me rencontra au moment o je sortais de ma maison, et me dit +d'un ton hardi: Monsieur le docteur, je vous apporte un message +de mon Pre.--Qui est donc ton pre? lui dis-je.--Jsus-Christ, +rpondit-il.--C'est notre pre commun, lui dis-je; que t'a-t-il ordonn +de m'annoncer?--Je dois vous annoncer, de la part de mon pre, que Dieu +est irrit contre le monde.--Qui te l'a dit?--Hier, en sortant par la +porte de Koswick, j'ai vu dans l'air un petit nuage de feu; cela prouve +videmment que Dieu est irrit[a70]. Il me parla encore d'un autre +signe. Au milieu d'un sommeil profond, dit-il, j'ai vu des ivrognes +assis table, qui disaient: Buvons, buvons; et la main de Dieu tait +au-dessus d'eux. Soudain l'un d'eux me versa de la bire sur la tte et +je m'veillai.--coute, mon ami, lui dis-je alors, ne plaisante pas +ainsi avec le nom et les ordres de Dieu; et je le rprimandai vivement. +Quand il vit dans quelles dispositions j'tais son gard, il s'en +alla tout en colre et murmurant: Sans doute quiconque ne pense pas +comme Luther est un fou. + +Une autre fois encore, j'eus affaire un homme des Pays-Bas. Il +voulait disputer avec moi _jusqu'au feu inclusivement_, disait-il. +Quand je vis son ignorance, je lui dis: Ne vaudrait-il pas mieux que +nous disputassions sur quelques canettes de bire? Ce mot le fcha, +et il s'en alla. Le diable est un esprit orgueilleux; il ne saurait +souffrir qu'on le mprise. + +Matre Stiefel vint Wittemberg, parla secrtement avec le docteur +Luther, et lui montra son opinion en vingt articles, sur le jugement +dernier[r106]. Il pensait que le jugement aurait lieu le jour de +saint Luc. On lui dit de se tenir tranquille et de n'en point parler; +ce qui le chagrina fort. Cher seigneur docteur, dit-il, je m'tonne +que vous me dfendiez de prcher ceci, et que vous ne vouliez pas me +croire. Il est cependant sr que je dois en parler, quoique je ne le +fasse point volontiers. Le docteur Luther lui rpliqua: Cher matre, +vous avez bien pu vous taire dix ans sur ce sujet, pendant le rgne +de la papaut; tenez-vous encore tranquille pour le peu de temps qui +reste.--Mais ce matin mme, comme je me mettais en marche de bonne +heure, j'ai vu un arc-en-ciel trs beau, et j'ai pens la venue du +Christ.--Non, il n'y aura point alors d'arc-en-ciel; d'un mme coup le +feu du tonnerre consumera toute crature. Un fort et puissant son de +trompette nous rveillera tous. Ce n'est pas avec le son du chalumeau +que l'on se fera entendre sur-le-champ ceux qui sont dans la tombe. +(1533.) + + [r106] _Ibid._ 367. + +Michel Stiefel croit tre le septime ange qui annonce le dernier +jour[a71]; il donne ses livres et ses meubles, comme s'il n'en avait +plus besoin. + +Bileas est certainement damn, quoiqu'il ait eu de bien grandes +rvlations, pas moindres que celles de Daniel; car il embrasse +aussi les quatre empires[r107]. C'est un terrible exemple pour les +orgueilleux. Oh! humilions-nous. + + [r107] _Ibid._ 192. + +Le docteur Jeckel est un compagnon de l'espce de Eisleben +(Agricola)[r108]. Il faisait la cour ma nice Anna; mais je lui +dis: Cela ne doit point se faire, dans toute l'ternit! Et la +petite fille: Si tu veux l'avoir, te-toi pour toujours de devant mes +yeux; je ne veux plus te voir ni t'entendre. + + [r108] _Ibid._ 287. + +Le duc Henri de Saxe tant venu Wittemberg, le docteur Martin Luther +lui parla deux fois contre le docteur Jeckel, et exhorta le prince +songer aux maux de l'glise. Jeckel avait prch la doctrine suivante: +Fais ce que tu veux, crois seulement, tu seras sauv.--Il faudrait +dire: Quand tu seras _ren_, et devenu un nouvel homme, fais alors +ce qui se prsente toi. Les sots ne savent point ce que c'est que +la foi... Un pasteur de Torgau vint se plaindre au docteur Luther +de l'insolence et de l'hypocrisie du docteur Jeckel, qui, par ses +ruses, avait attir lui tous ceux de la noblesse, du conseil, et le +prince mme. Le docteur l'ayant entendu, frmit, soupira, se tut, et +se mit en prire; et le mme jour, il ordonna qu'on exiget d'Eisleben +(Agricola), qu'il ft une rtractation publique, ou qu'il ft +publiquement confondu. + +Le docteur Luther faisant reproche Jeckel de ce qu'ayant si peu +d'exprience, tant si peu exerc dans la dialectique et la rhtorique, +il osait entreprendre de telles choses contre ses matres et +prcepteurs, il rpondit[r109]: Je dois craindre Dieu plus que mes +prcepteurs; j'ai un Dieu aussi bien que vous... Le docteur Jeckel se +mit ensuite table pour souper; il avait l'air sombre; et le docteur +Luther se curait les dents, ainsi que les convives venus de Freyberg. +Alors Luther se mit dire: Si j'avais rendu la cour aussi pieuse +que vous le monde, j'aurais bien travaill, etc. Et Jeckel se tenait +toujours avec un air sombre, les yeux baisss, montrant, par cette +contenance, ce qu'il avait en esprit. Enfin Luther se leva, et voulut +sortir; Jeckel aurait encore bien voulu s'expliquer et discuter avec +lui; mais le docteur ne voulut plus lui parler. + + [r109] _Ibid._ 290. + +_Des Antinomiens, et particulirement d'Eisleben +(Agricola)[r110]._--Ah! combien cela fait mal, quand on perd un bon +ami qu'on aimait beaucoup! J'ai eu cet homme-l ma table; il a t +mon bon compagnon, il riait avec moi, il tait gai... et voil qu'il +se met contre moi!... Cela n'est point souffrir. Rejeter la loi sans +laquelle il n'y a ni glise, ni gouvernement, cela ne s'appelle pas +percer le tonneau, mais le dfoncer.... C'est le moment de combattre... +Puis-je le voir s'enorgueillir pendant ma vie, et vouloir gouverner?... +Il ne suffit pas qu'il dise, pour s'excuser, qu'il n'a parl que du +docteur Creuziger et de matre Roerer. Le Catchisme, l'Explication +du dcalogue et la Confession d'Augsbourg, sont miens, et non point +Creuziger ou Roerer... Il veut enseigner la pnitence par l'amour +de la justice. Ainsi, il ne prche qu'aux hommes justes et pieux +la rvlation du courroux divin. Il ne prche pas pour les impies. +Cependant saint Paul dit: _La Loi est donne aux injustes_. En somme, +en tant la Loi, il te aussi l'vangile; il tire notre croyance du +ferme appui de la conscience, pour la soumettre aux caprices de la +chair. + + [r110] _Ibid._ 287. + +Qui aurait pens la secte des antinomiens[r111]?... J'ai surmont +trois cruels orages: Mnzer, les sacramentaires et les anabaptistes. Il +faudra donc crire sans fin! Je ne dsire pas vivre long-temps, car il +n'y a plus de paix esprer. (1538.) + + [r111] _Ibid._ 288. + +Le docteur Luther ordonna matre Ambroise Bernd d'apprendre aux +professeurs de l'universit ne point tre factieux, ne point +prparer de schisme, et il dfendit que matre Eisleben ft lu +doyen... Dites cela vos facultistes, et s'ils n'en font rien, je +prcherai contre eux. (1539.) + +Le dernier jour de novembre, Luther tait en joie et en gat avec ses +cousins, son frre, sa soeur, et quelques bons amis de Mansfeld. On +fit mention de matre Grickel, et ils le priaient pour lui. Le docteur +rpondit: J'ai tenu cet homme-l pour mon plus fidle ami; mais il +m'a tromp par ses ruses, j'crirai bientt contre lui; qu'il y prenne +garde; il n'y a en lui aucune pnitence. (1538.) + +J'ai eu tant de confiance en cet homme-l (Eisleben), que, lorsque +j'allai Smalkalde, en 1537, je lui recommandai ma chaire, mon glise, +ma femme, mes enfans, ma maison, tout ce que j'avais de secret[r112]. + + [r112] _Ibid._ 291. + +Le dernier jour de janvier, 1539, au soir, le docteur Luther lut les +propositions qu'Eisleben allait soutenir contre lui; il y avait mis je +ne sais quelles absurdits de Sal et de Jonathas (J'ai mang un peu +de miel et c'est pour cela que je meurs). Jonathas, dit Luther, c'est +matre Eisleben qui mange le miel et prche l'vangile; Sal, c'est +Luther... Ah! Eisleben, es-tu donc un tel... Oh! Dieu te pardonne ton +amertume! + +Si la Loi est ainsi renvoye de l'glise au conseil, l'autorit +civile, celle-ci dira son tour: Nous sommes aussi de fidles +chrtiens, la Loi ne nous regarde point. Le bourreau finira par en +dire autant. Il n'y aura plus que grce, douceur, et bientt caprices +effrns et sclratesse. Ainsi commena Mnzer. + +En 1540, Luther donna un repas auquel assistrent les principaux +membres de l'Universit[r113]. Vers la fin du repas, quand tout le +monde fut en belle humeur, un verre cercles de couleurs fut apport. +Luther y versa du vin et le vida la sant des convives. Ceux-ci lui +rendirent son salut en vidant le verre chacun son tour, la sant de +leur hte. Quand ce fut le tour de matre Eisleben, Luther lui prsenta +le verre en disant: Mon cher, ce qui, dans ce verre, est au-dessus du +premier cercle, ce sont les dix commandemens; de l jusqu'au second, +c'est le _credo_; jusqu'au troisime c'est le _pater noster_; le +catchisme est au fond. Puis il le vida lui-mme, le fit remplir de +nouveau et le donna matre Eisleben. Celui-ci n'alla point au-del du +premier cercle, il remit le verre sur la table et ne le put regarder +sans une espce d'horreur. Luther le vit, et il dit aux convives: Je +savais bien que matre Eisleben ne boirait qu'aux Commandemens, et +qu'il laisserait le _credo_, le _pater noster_ et le catchisme. + + [r113] _Ibid._ 129. + +Matre Jobst tant la table de Luther, lui montra des propositions +d'aprs lesquelles on ne devait point prcher la Loi, puisque ce n'est +pas elle qui nous justifie[r114]. Luther s'emporta et dit: Faut-il +que les ntres commencent de telles choses, mme de notre vivant. +Ah! combien nous devons honorer matre Philippe (Mlanchton), qui +enseigne avec clart et vrit l'usage et l'utilit de la Loi. Elle se +vrifie, la prophtie du comte Albert de Mansfeld qui m'crivait: _Il +y a derrire cette doctrine un Mnzer_. En effet celui qui dtruit la +doctrine de la Loi, dtruit en mme temps _politicam et oeconomiam_. +Si l'on met la Loi en dehors de l'glise, il n'y aura plus de pch +reconnu dans le monde: car l'vangile ne dfinit et ne punit le pch +qu'en recourant la Loi. (1541.) + + [r114] _Ibid._ 124. + +Si, au commencement, j'ai dans ma doctrine parl et crit si durement +contre la Loi, cela est venu de ce que l'glise chrtienne tait +charge de superstitions, sous lesquelles Christ tait tout--fait +obscurci et enterr[r115]. Je voulais sauver et affranchir de cette +tyrannie de la conscience les mes pieuses et craignant Dieu. Mais je +n'ai jamais rejet la Loi...[a72] + + [r115] _Ibid._ 125. + + + + +CHAPITRE V. + + Tentations: Regrets et doutes des amis, de la femme; Doutes de + Luther lui-mme. + + +Matre Philippe Mlanchton dit un jour la fable suivante la table du +docteur Martin Luther[r116]: Un homme avait pris un petit oiseau, et +le petit oiseau aurait bien voulu tre libre, et il disait l'homme: +O mon bon ami, lche-moi, je te montrerai une belle perle qui vaut +bien des milliers de florins! Tu me trompes, dit l'homme. Oh non! +aie confiance, viens avec moi, je vais te la montrer. L'homme lche +l'oiseau, qui se perche sur un arbre et lui chante: _Crede parm, tua +serva, et qu perire, relinque_ (ne te confie pas trop, garde bien le +tien, laisse ce qui est perdu sans retour). C'tait en effet une belle +perle qu'il lui laissait. + + [r116] _Ibid._ 445. + +Philippe me demandait une fois que je voulusse lui tirer de la Bible +une devise, mais telle qu'il ne s'en lasst point[r117]. On ne peut +rien donner l'homme dont il ne se lasse. + + [r117] _Ibid._ 29. + +Si Philippe n'et pas t si afflig par les tentations, il aurait des +ides et des opinions singulires[r118]. + + [r118] _Ibid._ 195. + +Le paradis de Luther est trs grossier. Il croit que, dans le nouveau +ciel et la nouvelle terre, il y aura aussi des animaux utiles[r119]. +Je pense souvent la vie ternelle et aux joies que l'on doit y +trouver, mais je ne puis comprendre quoi nous y passerons le temps, +car il n'y aura aucun changement, aucun travail, ni boire, ni manger, +ni affaire; mais je pense que nous aurons assez d'objets contempler. +Sur cela, Philippe Mlanchton dit trs bien: Matre, montrez-nous le +Pre; cela nous suffit. + + [r119] _Ibid._ 305. + +Les paysans ne sont pas dignes de tant de fruits que porte la +terre[r120]. Je remercie plus notre Seigneur pour un arbre que +tous les paysans pour tous leurs champs. Ah! _domine doctor_, dit +Mlanchton, exceptez-en quelques-uns, tels qu'Adam, No, Abraham, +Isaac. + + [r120] _Ibid._ 52. + +Le docteur Jonas disait souper: Ah! comme saint Paul parle +magnifiquement de sa mort. Je ne puis pourtant le croire[r121].--Il +me semble aussi, dit le docteur Luther, que saint Paul lui-mme ne +pouvait penser sur cette matire avec autant de force qu'il parlait; +moi-mme, malheureusement, je ne puis sur cet article croire aussi +fortement que prcher, parler et crire, aussi fortement que d'autres +gens s'imaginent que je crois. Et il ne serait peut-tre pas bon que +nous fissions tout ce que Dieu commande, car c'en serait fait de sa +divinit; il se trouverait menteur, et ne pourrait rester vridique +dans ses paroles. + + [r121] _Ibid._ 137. + +Un mchant et horrible livre contre la sainte Trinit ayant t publi +par l'impression, en 1532, le docteur Martin Luther dit[r122]: Ces +esprits chimriques ne croient pas que d'autres gens aient eu aussi des +tentations sur cet article. Mais pourquoi opposer ma pense la parole +de Dieu et au Saint-Esprit (_opponere meam cogitationem verbo Dei, et +spiritui sancto_)? Cette opposition ne soutient pas l'examen. + + [r122] _Ibid._ 70. + +La femme du docteur lui disait[r123]: Seigneur docteur, d'o vient +que sous la papaut nous priions si souvent et avec tant de ferveur, +tandis qu'aujourd'hui notre prire est tout--fait froide, et nous +prions rarement? Le docteur rpondit: Le diable pousse sans cesse +ses serviteurs pratiquer diligemment son culte. + + [r123] _Ibid._ 150. + +Le docteur Martin Luther exhortait sa femme lire et couter avec soin +la parole de Dieu, particulirement le psautier[r124]. Elle rpondit +qu'elle l'coutait suffisamment, et en lisait chaque jour; qu'elle +pourrait mme, s'il plaisait Dieu, en rpter beaucoup de choses. +Le docteur soupira et dit: Ainsi commence le dgot de la parole de +Dieu. C'est le signe d'un mal futur. Il viendra de nouveaux livres, et +la sainte criture sera mprise, jete dans un coin, et comme on dit: +sous la table. + + [r124] _Ibid._ + +Luther demandait sa femme si elle aussi croyait qu'elle ft sainte? +Elle s'en tonna, et dit: Comment puis-je tre sainte, je suis une +grande pcheresse. Il dit alors: Voyez pourtant l'horreur de la +doctrine papale, comme elle a bless les coeurs et proccup tout +l'homme intrieur. Ils ne sont plus capables de rien voir, hors la +pit et la saintet personnelle et extrieure des oeuvres que l'homme +mme fait pour soi. + +Le _Pater noster_ et la foi, me rassurent contre le diable[r125]. +Ma petite Madeleine et mon petit Jean prient en outre pour moi, ainsi +que beaucoup d'autres chrtiens... J'aime ma Catherine, je l'aime plus +que moi-mme, car je voudrais mourir plutt que de lui voir arriver du +mal elle et ses enfans; j'aime aussi mon Seigneur Jsus-Christ qui, +par pure misricorde, a vers son sang pour moi; mais ma foi devrait +tre beaucoup plus grande et plus vive. O mon Dieu! ne juge point ton +serviteur[r126]! + + [r125] _Ibid._ 135. + + [r126] _Ibid._ 140. + +Ce qui ne contribue pas peu affliger et tenter les coeurs, c'est que +Dieu semble capricieux et changeant. Il a donn Adam des promesses et +des crmonies, et cela a fini avec l'arc-en-ciel et l'arche de No. +Il a donn Abraham la circoncision, Mose des signes miraculeux, +son peuple la Loi; mais au Christ, et par le Christ, l'vangile, qui +est considr comme annulant tout cela. Et voil que les Turcs effacent +cette voix divine, et disent: Votre loi durera bien quelque temps, mais +elle finira par tre change. (Luther n'ajoute aucune rflexion.) + + + + +CHAPITRE VI. + + Le diable.--Tentations. + + +Une fois, dans notre clotre Wittemberg, j'ai entendu distinctement +le bruit que faisait le diable. Comme je commenais lire le psautier, +aprs avoir chant matines, que j'tais assis, que j'tudiais et que +j'crivais pour ma leon, le diable vint et fit trois fois du bruit +derrire mon pole, comme s'il en et tran un boisseau. Enfin, comme +il ne voulait point finir, je rassemblai mes petits livres et allai me +mettre au lit... Je l'entendis encore une nuit au-dessus de ma chambre +dans le clotre; mais comme je remarquai que c'tait le diable, je n'y +fis pas attention et me rendormis. + +Une jeune fille qui tait l'amie du vieil conome Wittemberg, se +trouvant malade, il se prsenta elle une vision comme si c'et t +le Christ sous une forme belle et magnifique; elle y crut et se mit +prier cette figure[r127]. On envoya en hte au clotre chercher le +docteur Luther. Lorsqu'il et vu la figure, qui n'tait qu'un jeu et +une singerie du diable, il exhorta la fille ne pas se laisser duper +ainsi. En effet, ds qu'elle eut crach au visage du fantme, le diable +disparut, la figure se changea en un grand serpent qui courut la +fille et la mordit l'oreille, de sorte que le sang coula. Le serpent +s'vanouit bientt. Le docteur Luther vit la chose de ses propres yeux, +avec beaucoup d'autres personnes. (L'diteur des Conversations ne dit +point tenir cette histoire de Luther.) + + [r127] _Ibid._ 92, verso. + +Un pasteur des environs de Torgau se plaignait Luther que le +diable faisait la nuit, un bruit, un tumulte et un renversement +extraordinaires dans sa maison, qu'il lui cassait ses pots et sa +vaisselle de bois, lui jetait les morceaux la tte, et riait ensuite. +Il faisait ce mange depuis un an, et ni sa femme, ni ses enfans ne +voulaient plus rester dans la maison[r128]. Luther dit au pasteur: +Cher frre, sois fort dans le Seigneur, ne cde point ce meurtrier +de diable. Si l'on n'a point invit et attir cet hte chez soi par +ses pchs, on peut lui dire: _Ego auctoritate divin hic sum pater +familias et vocatione coelesti pastor ecclesi_; mais toi, diable, tu +te glisses dans cette maison comme un voleur et un meurtrier. Pourquoi +ne restes-tu pas dans le ciel? Qui t'a invit ici? + + [r128] _Ibid._ 208. + +_Sur une possde._ Puisque ce diable est un esprit jovial, et +qu'il se moque de nous tout son aise, il nous faut d'abord prier +srieusement pour la jeune fille qui souffre ainsi cause de nos +pchs. Ensuite il faut mpriser cet esprit et s'en rire, mais ne +pas aller l'prouver par des exorcismes et autres choses srieuses, +parce que la superbe diabolique se rit de tout cela. Persvrons dans +la prire pour la jeune fille et dans le mpris pour le diable, et +enfin, avec la grce du Christ, il se retirera. Il serait bon aussi +que les princes voulussent rformer leurs vices, dans lesquels cet +esprit malin nous montre qu'il triomphe. Je te prie, puisque c'est une +chose digne d'tre publie, de t'informer exactement de toutes les +circonstances; pour carter toute fraude, assure-toi si les pices +d'or que cette fille avale sont de vraies pices d'or, et de bon aloi. +Car j'ai t jusqu' prsent obsd de tant de fourberies, de ruses, +de machinations, de mensonges, d'artifices, que je ne me prte plus +aisment rien croire que je n'aie vu faire et dire. (5 aot 1536.) + +Que ce pasteur n'ait pas la conscience trouble de ce qu'il a enseveli +cette femme qui s'tait tue elle-mme, si toutefois elle s'est tue. +Je connais beaucoup d'exemples semblables, mais je juge ordinairement +que les gens ont t tus simplement et immdiatement par le diable, +comme un voyageur est tu par un brigand. Car, lorsqu'il est vident +que le suicide n'a pu avoir lieu naturellement, quand il s'agit d'une +corde, d'une ceinture ou (comme dans le cas dont tu me parles) d'un +voile pendant et sans noeud, qui ne tuerait pas mme une mouche, il +faut croire, selon moi, que c'est le diable qui fascine les hommes et +leur fait croire qu'ils font toute autre chose, par exemple une prire; +et cependant le diable les tue. Nanmoins le magistrat fait bien de +punir avec la mme svrit, de peur que Satan ne prenne courage pour +s'introduire. Le monde mrite bien de tels avertissemens, puisqu'il +picurise et pense que le dmon n'est rien. (1er dcembre 1544.) + +Satan a voulu tuer notre prieur, en jetant sur lui un pan de mur. Mais +Dieu l'a miraculeusement sauv. (4 juillet 1524.) + +Les fous, les boiteux, les aveugles, les muets sont des hommes +chez qui les dmons se sont tablis. Les mdecins qui traitent ces +infirmits, comme ayant des causes naturelles, sont des ignorans qui ne +connaissent point toute la puissance du dmon. (14 juillet 1528.) + +Il y a des lieux dans beaucoup de pays, o habitent les +diables[r129]. La Prusse a grand nombre de mauvais esprits. En +Suisse, non loin de Lucerne, sur une haute montagne, il y a un lac +qu'on appelle l'tang de Pilate; le diable y est tabli d'une manire +terrible. Dans mon pays, il y a un tang situ de mme. Si l'on y +jette une pierre, il s'lve un grand orage, et tout le pays tremble +l'entour. C'est une habitation de diables qui y sont prisonniers. + + [r129] _Ibid._ 212. + +Le diable a emport Sussen, le jour du vendredi saint, trois cuyers +qui s'taient vous lui.(1538.) + +Un jour de grand orage, Luther disait: C'est le diable qui fait ce +temps-l; les vents ne sont autre chose que de bons ou de mauvais +esprits. Le diable respire et souffle[r130]. + + [r130] _Ibid._ 219. + +Deux nobles avaient jur de se tuer l'un l'autre (du temps de +Maximilien). Le diable ayant tu l'un d'eux dans son lit avec l'pe +de l'autre, le survivant fut amen sur la place publique. On enleva +la terre couverte par son ombre, et on le bannit du pays. C'est ce +qui s'appelle _mors civilis_. Le docteur Grgoire Bruck, chancelier de +Saxe, fit ce rcit Luther. + +Suivent deux histoires de gens avertis d'avance qu'ils seraient +emports par le diable, et qui, _quoiqu'ils eussent reu le saint +sacrement, et qu'ils fussent gards avec des cierges par leurs amis_ +en prires, n'en furent pas moins emports au jour et l'heure +marqus[r131]. Il a bien crucifi notre Seigneur lui-mme. Mais, +pourvu qu'il n'emporte pas l'me, tout va bien. + + [r131] _Ibid._ 214. + +Le diable promne les gens dans leur sommeil de ct et d'autre, de +sorte qu'ils font toute chose comme s'ils veillaient[r132]. Autrefois +les papistes, comme gens superstitieux, disaient que de tels hommes +devaient ne pas avoir t bien baptiss, ou qu'ils l'avaient peut-tre +t par un prtre ivre. + + [r132] _Ibid._ 213. + +Aux Pays-Bas et en Saxe, un chien monstrueux sent les gens qui doivent +mourir, et rde autour[r133]... + + [r133] _Ibid._ 221. + +Les moines conduisaient chez eux un possd[r134]. Le diable qui +tait en lui, dit aux moines: O mon peuple, que t'ai-je fait! _Popule +meus, quid feci tibi?_ + + [r134] _Ibid._ 222. + +On racontait la table de Luther qu'un jour, dans une cavalcade de +gentilshommes, l'un d'eux s'tait cri en piquant des deux: Au diable +le dernier! Comme il avait deux chevaux, il en lcha un; et celui-ci, +restant le dernier, le diable l'emporta avec lui dans les airs[r135]. +Luther dit cette occasion: Il ne faut pas convier Satan notre +table. Il vient sans avoir t pri. Tout est plein de diables autour +de nous; nous-mmes, qui veillons et qui prions journellement, nous +avons assez affaire lui. + + [r135] _Ibid._ 205. + +Un vieux cur, faisant un jour sa prire, entendit derrire lui le +diable qui voulait l'en empcher, et qui grognait comme aurait fait +tout un troupeau de porcs[r136]. Le vieux cur, sans se laisser +effrayer, se retourna et lui dit: Matre diable, il t'est bien advenu +ce que tu mritais; tu tais un bel ange, et te voil maintenant un +vilain porc. Aussitt les grognemens cessrent, car le diable ne peut +souffrir qu'on le mprise... La foi le rend faible comme un enfant. + + [r136] _Ibid._ 205. + +Le diable redoute la parole de Dieu. Il ne la peut mordre; il s'y +brche les dents. + +Un jeune vaurien, sauvage et emport, buvait un jour avec quelques +compagnons dans un cabaret. Quand il n'eut plus d'argent, il dit +que s'il se trouvait quelqu'un qui lui payt un bon cot, il lui +vendrait son me. Peu aprs, un homme entra dans le cabaret, se mit +boire avec le vaurien, et lui demanda s'il tait vritablement prt + vendre son me. Celui-ci rpondit hardiment oui, et l'homme lui +paya boire toute la journe. Sur le soir, quand le garon fut ivre, +l'inconnu dit aux autres qui taient dans le cabaret: Messieurs, qu'en +pensez-vous? si quelqu'un achte un cheval, la selle et la bride ne lui +appartiennent-elles pas aussi? Les assistans s'effrayrent beaucoup +ces mots, et ne voulurent d'abord pas rpondre, mais, comme l'tranger +les pressait, ils dirent la fin: Oui, la selle et la bride sont +aussi lui. Aussitt le diable (car c'tait lui), saisit le mauvais +sujet et l'emporta avec lui travers le plafond, de sorte que l'on n'a +jamais su ce qu'il est devenu. + +Une autre fois, Luther raconta l'histoire d'un soldat, qui avait dpos +de l'argent chez son hte, dans le Brandebourg[r137]. Cet hte, +quand le soldat lui redemanda son argent, nia d'avoir rien reu. Le +soldat furieux se jeta sur lui, et le maltraita, mais le fourbe le fit +arrter par la justice et l'accusa d'avoir viol la _paix domestique_ +(_hausfriede_). Pendant que le soldat tait en prison, le diable vint +chez lui et lui dit: Demain tu seras condamn mort et excut. Si tu +me vends ton corps et ton me, je te dlivre. Le soldat n'y consentit +point. Alors le diable lui dit: Si tu ne veux pas, coute au moins +le conseil que je te donne. Demain, quand tu seras devant les juges, +je me tiendrai prs de toi, en bonnet bleu avec une plume blanche. +Demande alors aux juges qu'ils me laissent plaider ta cause, et je te +tirerai de l. Le lendemain, le soldat suivit le conseil du diable, et +comme l'hte persistait nier, l'avocat en bonnet bleu lui dit: Mon +ami, comment peux-tu ainsi te parjurer? L'argent du soldat se trouve +dans ton lit, sous le traversin. Seigneurs chevins, envoyez-y et vous +verrez que je dis vrai. Quand l'hte entendit cela, il s'cria avec un +gros jurement: Si j'ai reu l'argent, je veux que le diable m'enlve +sur l'heure. Mais les sergens envoys l'auberge trouvrent l'argent + la place indique, et l'apportrent devant le tribunal. Alors l'homme +au bonnet bleu dit en ricanant: Je savais bien que j'aurais l'un +des deux, le soldat ou l'aubergiste. Il tordit le cou celui-ci et +l'emporta dans les airs.--Luther, ayant cont l'histoire, ajouta qu'il +n'aimait pas qu'on jurt par le diable, comme faisaient beaucoup de +gens, car, disait-il, le mauvais drle n'est pas loin; l'on n'a pas +besoin de le peindre sur les murs pour qu'il soit prsent. + + [r137] _Ibid._ 205. + +Il y avait Erfurth deux tudians, dont l'un aimait si fort une jeune +fille, qu'il en serait devenu bientt fou[r138]. L'autre, qui tait +sorcier, sans que son camarade en st rien, lui dit: Si tu promets de +ne point lui donner un baiser et de ne point la prendre dans tes bras, +je ferai en sorte qu'elle vienne te trouver. Il la fit venir en effet. +L'amant, qui tait un beau jeune homme, la reut avec tant d'amour, et +il lui parlait si vivement, que le sorcier craignait toujours qu'il ne +l'embrasst; enfin il ne put se contenir. A l'instant mme elle tomba +et mourut. Quand ils la virent morte, ils eurent grand'peur, et le +sorcier dit: Employons notre dernire ressource. Il fit si bien, que +le diable la reporta chez elle, et qu'elle continua de faire tout ce +qu'elle faisait auparavant dans la maison; mais elle tait fort ple et +ne parlait point. Au bout de trois jours, les parens allrent trouver +les thologiens, et leur demandrent ce qu'il fallait faire. A peine +ceux-ci eurent-ils parl fortement la fille, que le diable se retira +d'elle; le cadavre tomba raide avec une grande puanteur[a73]. + + [r138] _Ibid._ 215. + +Le docteur Luc Gauric, le sorcier que vous avez fait venir d'Italie, +m'a souvent avou que son matre conversait avec le diable[r139]. + + [r139] _Ibid._ 216. + +Le diable peut se changer en homme ou en femme pour tromper, de telle +manire qu'on croit tre couch avec une femme en chair et en os, et +qu'il n'en est rien; car, suivant le mot de saint Paul, le diable est +bien fort avec les fils de l'impit[r140]. Comme il en rsulte +souvent des enfans ou des diables, ces exemples sont effrayans et +horribles. C'est ainsi que ce qu'on appelle le _nix_, attire dans l'eau +les vierges ou les femmes pour crer des diablotins. Le diable peut +aussi drober des enfans; quelquefois dans les six premires semaines +de leur naissance, il enlve leur mre ces pauvres cratures pour en +substituer leur place d'autres, nomms _supposititii_, et par les +Saxons, _kilkropff_. + + [r140] _Ibid._ 216. + +Il y a huit ans, j'ai vu et touch moi-mme Dessau un enfant qui +n'avait pas de parens, et qui venait du diable. Il avait douze ans, et +tait tout--fait conform comme un enfant ordinaire. Il ne faisait que +manger, et mangeait autant que quatre paysans ou batteurs en grange. Il +faisait aussi tous ses besoins. Mais quand on le touchait, il criait +comme un possd; s'il arrivait quelque accident malheureux dans la +maison, il s'en rjouissait et riait; si, au contraire tout allait +bien, il pleurait continuellement. Je dis aux princes d'Anhalt avec +qui j'tais: Si j'avais commander ici, je ferais jeter cet enfant +dans la Moldau, au risque de m'en faire le meurtrier. Mais l'lecteur +de Saxe et les princes n'taient pas de mon opinion. Je leur dis +alors de faire prier Dieu dans l'glise pour qu'il enlevt le dmon. +On rpta ces prires tous les jours pendant une anne, et aprs ce +temps l'enfant mourut. Quand le docteur eut racont cette histoire, +quelqu'un lui demanda pourquoi il aurait voulu jeter cet enfant +l'eau. C'est, rpondit-il, que les enfans de cette espce ne sont autre +chose, mon sens, qu'une masse de chair, sans me. Le diable est +bien capable de produire de ces choses; tout ainsi qu'il anantit les +facults des hommes, quand il les possde corporellement, de manire +leur enlever la raison et les rendre sourds et aveugles pour quelque +temps, de mme il habite dans ces masses de chair et est lui-mme +leur me.--Il faut que le diable soit bien puissant pour tenir ainsi +nos esprits prisonniers. Origne, ce me semble, n'a pas assez compris +cette puissance; autrement il n'aurait point pens que le diable pourra +obtenir grce au Jugement dernier. Quel horrible pch de se rvolter +ainsi sciemment contre son Dieu, son crateur! + +En Saxe, prs de Halberstadt, il y avait un homme qui avait un +_kilkropff_. Cet enfant pouvait puiser sa mre et cinq autres femmes +en les ttant, et il dvorait outre cela tout ce qu'on lui prsentait. +On donna l'homme le conseil de faire un plerinage Holckelstadt, +de vouer son _kilkropff_ la Vierge Marie, et de le faire bercer en +cet endroit. L'homme suivit cet avis, et il emporta son enfant dans +un panier; mais, en passant sur un pont, un autre diable, qui tait +dans la rivire, se mit crier: _Kilkropff! kilkropff!_ L'enfant, qui +tait dans le panier, et qui n'avait jamais encore prononc un seul +mot, rpondit: Oh! oh! oh! Le diable de la rivire lui demanda ensuite: +O vas-tu? L'enfant du panier rpondit: Je m'en vais Holckelstadt, +notre Mre bien-aime, pour me faire bercer. Le paysan, trs effray, +jeta l'enfant et le panier dans la rivire; sur quoi les deux diables +se mirent s'envoler ensemble. Ils crirent: Oh! oh! oh! firent +quelques cabrioles l'un par-dessus l'autre et s'vanouirent. + +Luther, en sortant un dimanche de l'glise du chteau o il avait +prch, rencontra un landsknecht qui s'adressa lui, se plaignant des +tentations continuelles qu'il avait essuyer de la part du diable, +disant qu'il venait souvent lui et le menaait de l'enlever dans les +airs. Pendant qu'il parlait ainsi, le docteur Pomer, qui passait par +ce chemin, s'approcha aussi de lui et aida Luther le consoler. Ne +dsesprez pas, lui disaient-ils, car malgr ces tentations du diable, +vous n'tes point lui. Notre Seigneur Jsus-Christ a aussi t tent +par lui, mais il l'a surmont par la parole de Dieu. Dfendez-vous de +mme par la parole de Dieu et par la prire. Luther ajouta: Si le +diable te tourmente et te menace de t'emmener, rponds-lui: Je suis + Jsus-Christ, qui est mon Seigneur; c'est en lui que je crois, et +c'est auprs de lui que je serai un jour. Il a dit lui-mme qu'aucune +puissance ne pourra enlever les chrtiens de sa main. Pense plutt + Dieu qui est au ciel qu'au diable, et cesse de t'effrayer de ses +ruses. Je sais bien qu'il serait fort aise de t'enlever, mais il ne le +peut. Il est comme le voleur qui voudrait bien mettre la main sur le +coffre-fort du riche; la volont ne lui manque pas, mais le pouvoir. +De mme Dieu ne permettra pas au diable de te faire du mal. coute +fidlement la parole divine, prie avec ferveur, travaille, ne sois pas +trop souvent seul, et tu verras que Dieu te dlivrera de Satan et te +conservera dans son troupeau. + +Un jeune ouvrier, marchal ferrant de son tat, prtendait tre +poursuivi par un spectre travers toutes les rues de la ville. +Luther le fit venir chez lui et l'interrogea en prsence de plusieurs +personnes doctes. Le jeune homme disait que le spectre qui le +poursuivait lui avait reproch comme un sacrilge d'avoir communi sous +les deux espces, et qu'il lui avait dit: Si tu retournes dans la +maison de ton matre, je te tords le cou. C'est pourquoi il n'tait +pas rentr depuis plusieurs jours. Le docteur, aprs l'avoir beaucoup +interrog, lui dit: Prends garde, mon ami, de ne pas mentir. Crains +Dieu, coute sa parole avec attention; retourne chez ton matre, fais +ton travail, et si Satan revient, dis-lui: Je ne veux pas t'obir. +Je n'obirai qu' Dieu qui m'a appel ce mtier: je resterai ici +mon travail, et un ange mme viendrait, que je ne m'en laisserais pas +dtourner. + +Le docteur Luther, devenu plus g, prouva peu de tentations de la +part des hommes; mais le diable, comme il le reconnat lui-mme, +allait promener avec lui dans le dortoir du clotre; il le vexait +et le tentait. Il avait un ou deux diables qui l'piaient, et s'ils +ne pouvaient parvenir au coeur, ils saisissaient la tte et la +tourmentaient[r141][a74]. + + [r141] _Ibid._ 222. + +... Cela m'est arriv souvent[r142]. Quand je tenais un couteau +dans les mains, il me venait de mauvaises penses; souvent je ne +pouvais prier, et le diable me chassait de la chambre. Car nous autres +nous avons affaire aux grands diables qui sont docteurs en thologie. +Les Turcs et les papistes ont de petits diablotins qui ne sont point +thologiens, mais seulement juristes. + + [r142] _Ibid._ 220. + +Je sais, grce Dieu, que ma cause est bonne et divine; si Christ +n'est point dans le ciel et Seigneur du monde, alors mon affaire est +mauvaise[r143]. Cependant le diable me serre souvent de si prs dans +la dispute, qu'il m'en vient la sueur. Il est ternellement irrit, +je le sens bien, je le comprends. Il couche avec moi plus prs que ma +Catherine. Il me donne plus de trouble qu'elle de joie... Il me pousse +quelquefois: La Loi, dit-il, est aussi la parole de Dieu; pourquoi +l'opposer toujours l'vangile?--Oui, dis-je mon tour; mais elle +est aussi loin de l'vangile que le ciel l'est de la terre, etc. + + [r143] _Ibid._ 224. + +Le diable n'est pas, la vrit, un docteur qui a pris ses +grades[a75], mais du reste il est bien savant, bien expriment[r144]. +Il n'a pourtant fait son mtier que depuis six mille ans. Si le diable +est sorti quelquefois des possds, lorsqu'il tait conjur par les +moines et les prtres papistes, en laissant aprs lui quelque signe, un +carreau cass, une fentre brise, un pan de mur ouvert, c'tait pour +faire croire aux gens qu'il avait quitt le corps, mais en effet pour +possder l'esprit, pour les confirmer dans leurs superstitions. + + [r144] _Ibid._ 202. + +Au mois de janvier 1532, Luther tomba dangereusement malade. Le mdecin +le crut menac d'une attaque d'apoplexie[r145]. Mlanchton et Rorer, +assis prs de son lit, ayant parl de la joie que la nouvelle de sa +mort causerait sans doute aux papistes, il leur dit avec assurance: Je +ne mourrai pas encore, je le sais certainement. Dieu ne confirmera +point prsent l'abominable papisme par ma mort. Il ne voudra point +aprs celle de Zwingli et d'OEcolampade, accorder aux papistes un +nouveau sujet de triomphe. Satan, il est vrai, ne songe qu' me +tuer; il ne me quitte d'un pas. Mais ce n'est pas sa volont qui +s'accomplira: ce sera celle du Seigneur. + + [r145] Ukert, t. I, 320. + +Ma maladie, qui consiste dans des vertiges et autres choses, n'est +point naturelle; ce que je puis prendre ou faire ne me sert rien, +quoique j'observe avec soin les conseils de mon mdecin[r146]. + + [r146] Tischreden, 210. + +En 1536, il maria Torgau le duc Philippe de Pomranie la soeur de +l'lecteur[r147]. Au milieu de la crmonie, l'anneau nuptial chappa +de sa main et roula par terre. Il eut un mouvement de terreur, mais se +rassura aussitt en disant: coute, diable, cela ne te regarde pas, +c'est peine perdue, et il continua de prononcer les paroles de la +bndiction. + + [r147] Ukert, t. I, 322. + +Pendant que le docteur Luther causait table avec quelques-uns, sa +femme sortit et tomba en dfaillance[r148]. Lorsqu'elle revint +elle, le docteur lui demanda quelles penses elle avait eues. Elle +raconta comme elle avait prouv des tentations toutes particulires +qui sont les signes certains de la mort, et qui frappent au coeur +plus srement qu'une balle ou une flche... Celui qui prouve de +telles tentations, dit-il, je lui donnerai un bon conseil, c'est de +penser quelque chose de gai, de boire un bon coup, de jouer et de +prendre quelque passe-temps, ou bien de s'attacher quelque occupation +honorable. Mais le meilleur remde, c'est de croire en Jsus-Christ. + + [r148] Tischreden, 229. + +Quand le diable me trouve oisif et que je ne pense point la parole +de Dieu, alors il me fait venir un scrupule, comme si je n'avais pas +bien enseign, comme si c'tait moi qui eusse renvers et dtruit +les autorits, et caus par ma doctrine tant de scandales et de +troubles[r149]. Mais quand je ressaisis la parole de Dieu, alors j'ai +gagn la partie. Je me dfends contre le diable et je dis: Qu'importe + Dieu tout le monde, quelque grand qu'il puisse tre? Il en a tabli +son Fils seigneur et roi. Si le monde veut le renverser du trne, +Dieu le bouleversera et le mettra en cendre; car il dit lui-mme: +C'est mon fils, vous devez l'couter. Maintenant, rois, apprenez; +disciplinez-vous, juges de la terre (l'_erudimini_ de la Vulgate est +moins fort). + + [r149] _Ibid._ 8. + +Le diable s'efforce surtout de nous arracher du coeur l'article de la +rmission des pchs. _Quoi!_ dit-il, _vous prchez ce qu'aucun homme +n'a enseign dans tant de sicles! si cela dplaisait Dieu?_... + +La nuit, quand je me rveille, le diable vient bientt, dispute avec +moi et me donne d'tranges penses, jusqu' ce que je m'anime et que je +lui dise: Baise mon c..! Dieu n'est pas irrit comme tu le dis[r150]. + + [r150] _Ibid._ 218. + +Aujourd'hui, comme je m'veillai, le diable vint, voulut disputer, +et il me disait: Tu es un pcheur[r151].--Je rpliquai: Dis-moi +quelque chose de nouveau, dmon; je savais dj cela... J'ai assez +de pchs rels, sans ceux que tu inventes...--Il insistait encore: +Qu'as-tu fait des clotres dans ce monde?--A quoi je rpondis: Que +t'importe? Tu vois bien que ton culte sacrilge subsiste toujours. + + [r151] _Ibid._ 220. + +Un jour que l'on parlait souper du sorcier Faust, Luther dit +srieusement[r152]: Le diable n'emploie pas contre moi le secours +des enchanteurs. S'il pouvait me nuire par l, il l'aurait fait depuis +long-temps. Il m'a dj souvent tenu par la tte; mais il a pourtant +fallu qu'il me laisst aller. J'ai bien prouv quel compagnon c'est +que le diable; il m'a souvent serr de si prs que je ne savais si +j'tais mort ou vivant. Quelquefois il m'a jet dans le dsespoir au +point que j'ignorais mme s'il y avait un Dieu, et que je doutais +compltement de notre cher Seigneur. Mais avec la parole de Dieu, etc. + + [r152] _Ibid._ 12. + +Le diable me fait regarder la loi, le pch et la mort. Il me prsente +cette trinit, et s'en sert pour me tourmenter[r153]. + + [r153] _Ibid._ 220. + +Le diable nous a jur la mort, mais il mordra dans une noix +creuse[r154]. + + [r154] _Ibid._ 362. + +La tentation de la chair est petite chose; la moindre femme dans +la maison peut gurir cette maladie[r155]. Eustochia aurait guri +saint Jrme. Mais Dieu nous garde des grandes tentations qui touchent +l'ternit! Alors on ne sait point si Dieu est le diable, ou si le +diable est Dieu. Ces tentations ne sont point passagres. + + [r155] _Ibid._ 318. + +Si je tombe en penses qui ne touchent que le monde ou la maison, je +prends un psaume ou quelques mots de Saint-Paul, et je dors par-dessus; +mais celles qui viennent du diable me cotent davantage; je ne puis +m'en tirer qu'avec quelque bonne farce[r156]. + + [r156] _Ibid._ 226. + +Le grain d'orge a beaucoup souffrir des hommes[5]. D'abord on le +jette dans la terre pour qu'il y pourrisse; ensuite, quand il est mr, +on le coupe, on le bat en grange et on le sche, on le fait cuire pour +en tirer de la bire, et le faire avaler aux ivrognes[r157]. Le +lin est aussi martyr sa manire. Quand il est mr, on l'arrache, +on le rouit, on le sche, on le bat, on le teille, on le srance, on +le file, on le tisse, on en fabrique de la toile pour en faire des +chemises, des souquenilles, etc. Quand celles-ci sont dchires, l'on +en fait des torchons, ou l'on y met des empltres pour tre appliques +sur les plaies, les abcs; l'on en fait des mches, ou bien on les +vend au papetier qui les broie, les dissout, et en fait du papier. Ce +papier sert crire, imprimer, faire des jeux de cartes; enfin il +est dchir et employ aux plus vils usages. Ces plantes, ainsi que +d'autres cratures qui nous sont trs utiles, ont beaucoup souffrir; +les chrtiens bons et pieux ont de mme beaucoup endurer des mchans +et des impies. + + [5] Voyez la belle ballade anglaise sur le martyre de + _Barleycorn_. + + [r157] _Ibid._ 216. + +Quand le diable vient me trouver la nuit, je lui tiens ce +discours[r158]: Diable, je dois dormir maintenant; car c'est le +commandement et l'ordre de Dieu que nous travaillions le jour, et que +nous dormions la nuit. S'il m'accuse d'tre un pcheur, je lui dis pour +lui faire dpit: _Sancte Satane, ora pro me!_ ou bien: _Medice, cura te +ipsum_. + + [r158] _Ibid._ 227. + +Si vous prchez celui qui est tent, il vous faut tuer Mose et le +lapider. Si au contraire il revient lui et oublie la tentation, qu'on +lui prche la loi. _Alioqui afflicto non est addenda afflictio._ + +... La meilleure manire de chasser le diable, si on ne peut le faire +avec les paroles de la sainte criture, c'est de lui adresser des mots +piquans et pleins de moquerie. + +On peut consoler les gens affligs de tentations en leur donnant +manger et boire; mais le remde ne russirait pas pour tous, surtout +pour les jeunes gens[r159]. Pour moi qui suis vieux, un bon coup +pourrait chasser les tentations et me faire dormir un somme. + + [r159] _Ibid._ 231. + +La meilleure mdecine contre les tentations, c'est de parler d'autre +chose, de Marcolphe, d'Eulenspiegel, et d'autres farces de ce genre, +etc.--Le diable est un esprit triste, la musique le fait fuir bien +loin[r160]. + + [r160] _Ibid._ 238. + + +Le morceau important qu'on va lire est en quelque sorte le rcit de la +guerre opinitre que Satan aurait faite Luther pendant toute sa vie. + +_Prface du docteur Martin Luther, crite par lui avant sa +mort[r161]._--Quiconque lira avec attention l'histoire ecclsiastique, +les livres des saints Pres, et particulirement la Bible, verra +clairement que depuis le commencement de l'glise les choses se sont +toujours passes de la mme manire. Toutes les fois que la Parole +s'tait fait entendre et que Dieu s'tait rassembl un petit troupeau, +le diable s'est bien vite aperu de la lumire divine, et s'est mis + siffler, souffler, tempter de tous les coins, essayant de toutes +ses forces s'il pourrait l'teindre. On avait beau boucher un ou deux +trous, il en trouvait un autre, soufflait toujours et faisait rage. Il +n'y a encore eu aucune fin cela, et il n'y en n'aura pas jusqu'au +jour du Jugement. + + [r161] Luth. Werke, t. II, 1. + +Je tiens qu' moi seul (pour ne point parler des anciens) j'ai essuy +plus de vingt ouragans, vingt assauts du diable. D'abord j'ai eu contre +moi les papistes. Tout le monde, je crois, sait peu prs combien de +temptes, de bulles et de livres le diable a lchs par eux contre moi, +de quelle faon lamentable ils m'ont dchir, dvor, mis rien. Il +est vrai que moi-mme je soufflais quelque peu contre eux; mais cela ne +servait de rien; les enrags soufflaient encore plus, et vomissaient +feu et flammes. Il en a t ainsi jusqu' ce jour sans interruption. + +J'avais un instant cess de craindre cette tempte du diable, +lorsqu'il se fit jour par un nouveau trou, par Mnzer et sa rvolte +qui faillit m'teindre la lumire. Le Christ bouche encore ce trou-l, +et le voil qui par Carlostad casse des carreaux ma fentre, le +voil qui mugit et tourbillonne, au point de me faire croire qu'il +allait emporter lumire, cire et mche la fois. Mais Dieu fut en +aide sa pauvre lumire; il ne permit point qu'elle ft teinte. +Alors vinrent les sacramentaires et les anabaptistes, qui brisrent +portes et fentres pour en finir de cette lumire, et qui la mirent de +nouveau dans le plus grand danger. Dieu merci, leur volont fut trompe +galement. + +D'autres encore ont tempt contre les anciens matres, contre le pape +et contre Luther la fois, tels que Servet, Campanus..... Quant ceux +enfin qui ne m'ont point assailli publiquement par des livres imprims, +mais dont il m'a fallu essuyer en particulier les crits et discours +remplis de venin, je ne les mettrai pas ici en ligne de compte. Il +me suffit de montrer que j'ai d apprendre par exprience (je n'en +voulais pas croire les histoires) que l'glise, pour l'amour de sa +chre Parole, de sa bienheureuse lumire, ne peut avoir de repos, mais +qu'elle doit attendre incessamment de nouvelles temptes du diable, +comme cela s'est vu depuis le commencement. + +Et quand je devrais vivre encore cent ans, quand j'aurais apais les +temptes d'autrefois et d'aujourd'hui, quand je pourrais encore apaiser +celles qui viendront, je vois clairement que cela ne donnerait pas +le repos nos descendans, aussi long-temps que le diable vivra et +rgnera. C'est pourquoi je prie Dieu de m'accorder une petite heure +d'tat de grce; je ne demande pas de rester en vie plus long-temps. + +Vous qui viendrez aprs nous, priez Dieu aussi avec ferveur, pratiquez +assidument sa parole, conservez bien la pauvre chandelle de Dieu; car +le diable ne dort ni ne chme, et il ne mourra pas non plus avant le +jugement dernier. Toi et moi, nous mourrons, et quand nous serons +morts, lui il n'en restera pas moins tel qu'il a toujours t, toujours +temptant contre l'vangile... + +Je le vois de loin qui gonfle ses joues en devenir tout rouge, qui +souffle et qui fait fureur; mais notre Seigneur Jsus-Christ, qui, ds +le commencement, lui a donn un coup de poing sur cette joue gonfle, +le combat maintenant encore, et le combattra toujours. Il ne peut pas +en avoir menti, quand il dit: Je serai auprs de vous jusqu' la fin +du monde, et Les portes de l'enfer ne prvaudront pas contre mon +glise; et dans saint Jean: Mes brebis ne priront jamais; personne +ne les arrachera de ma main; et dans saint Mathieu, X: Tous les +cheveux de votre tte sont compts; c'est pourquoi ne craignez pas ceux +qui tuent le corps. + +Nanmoins, il nous est command de veiller et de garder sa lumire +tant qu'il est en nous. Il est dit: _Vigilate_; le diable est un lion +rugissant qui tourne autour et qui veut nous dvorer. Tel il tait +quand saint Pierre disait cela, et tel il sera encore jusqu' la fin du +monde..... + +(Luther revient ensuite parler du secours de Dieu sans lequel tous +nos efforts seraient vains, et il continue ainsi:) Toi et moi nous +n'tions rien il y a mille ans, et cependant l'glise a t sauve sans +nous: elle l'a t par celui de qui il est dit: _Heri et hodi_. De +mme prsent ce n'est pas nous qui conservons l'glise, car nous ne +pouvons atteindre le diable qui est dans le pape, les sditieux et les +mauvaises gens; elle prirait sous nos yeux, et nous-mmes avec elle, +n'tait quelqu'autre qui conserve tout. Il nous faut laisser faire +celui de qui nous lisons: _Qui erit, ut hodi_..... + +C'est une chose lamentable de voir notre orgueil et notre audace +aprs les terribles et honteux exemples de ceux qui, dans leur vanit, +avaient cru que l'glise tait btie sur eux. Comment a fini ce Mnzer +(pour ne parler que de ce temps), lui qui pensait que l'glise ne +pouvait exister s'il n'tait l pour la porter et la gouverner? Et +tout rcemment encore, les anabaptistes n'ont-ils pas t pour nous +un avertissement assez terrible pour nous rappeler combien un diable +plus subtil encore est prs de nous, combien nos belles penses sont +dangereuses, et comme il est ncessaire (selon le conseil d'Isae) que +nous regardions dans nos mains quand nous ramassons quelque chose, pour +voir si c'est Dieu ou une idole, si c'est de l'or ou de l'argile? + +Mais tous ces avertissemens sont perdus; nous vivons en pleine +scurit. Oui, sans doute le diable est loin de nous; nous n'avons rien +de cette chair, qui tait mme en saint Paul, et dont il ne pouvait +se dfendre malgr tous ses efforts (Rom. VII). Nous, nous sommes des +hros, nous n'avons pas nous mettre en peine de la chair et de la +pense; nous sommes de purs esprits, nous tenons captifs la chair et +le diable la fois, et tout ce qui nous vient dans la tte, c'est +immanquablement inspiration du Saint-Esprit; aussi cela tourne-t-il si +bien la fin que le cheval et le cavalier se cassent le cou. + +Les papistes, je le sais, me diront ici: Eh bien! tu le vois; c'est +toi-mme qui te plains des troubles et des sditions? Qui en est +cause, si ce n'est toi et ta doctrine? Voil le bel artifice par +lequel ils pensent renverser de fond en comble la doctrine de Luther. +Il n'importe! Qu'ils calomnient, qu'ils mentent tant qu'ils voudront; +il faudra bien qu'ils se taisent. D'aprs ce grand argument, tous les +prophtes auraient t galement des hrtiques et des sditieux, +car ils furent tenus pour tels par leur propre peuple; comme tels ils +furent perscuts, et la plupart mis mort. + +Jsus-Christ lui-mme, notre Seigneur, fut oblig de s'entendre dire +par les Juifs, et en particulier par les pontifes, les pharisiens, +les scribes, etc., par ceux qui taient les plus hauts en pouvoir, +qu'il avait le diable en lui, qu'il chassait les diables par d'autres +diables, qu'il tait un samaritain, le compagnon des publicains et des +pcheurs. Il fut mme la fin condamn mourir sur la croix comme +blasphmateur et sditieux. Lequel d'entre les prophtes, disait saint +tienne aux Juifs qui allaient le lapider, lequel vos pres n'ont-ils +pas perscut et tu? Et vous, leurs descendans, vous avez vendu et tu +le juste dont ces prophtes avaient annonc la venue. + +Les aptres et les disciples n'ont pas t plus heureux que leur +matre; les prdictions qu'il leur avait faites se sont accomplies... + +S'il en est ainsi, et l'criture en fait foi, pourquoi donc nous +tonner de ce que nous aussi qui, dans ces temps terribles, prchons +Jsus-Christ et nous reconnaissons pour ses fidles, nous soyons, son +exemple, perscuts et condamns comme hrtiques, comme sditieux? +Que sommes-nous ct de ces gnies sublimes, clairs par le +Saint-Esprit, orns de tant de dons admirables, et dous d'une foi si +forte? + +N'ayons donc pas honte des calomnies et des outrages dont nos +adversaires nous poursuivent. Que tout cela ne nous effraie point. +Mais regardons comme notre plus grande gloire de recevoir du monde le +mme salaire que ds le commencement tous les saints en ont reu pour +leurs fidles services. Rjouissons-nous en Dieu de ce que nous aussi, +pauvres pcheurs et gens mpriss, nous avons t jugs dignes de +souffrir l'ignominie pour le nom du Christ... + +Les papistes, avec leur grand argument, ressemblent un homme qui +dirait que si Dieu n'avait pas cr de bons anges, il n'y aurait pas eu +de diables; car c'est des bons anges que ceux-ci sont venus. De mme, +Adam accusa Dieu de lui avoir donn une femme, car si Dieu n'avait +pas cr Adam et ve, ils n'auraient pas pch. Il rsulterait de ce +beau raisonnement que Dieu seul ft pcheur, et qu'Adam et ses enfans +fussent tous purs, pieux et saints. + +Il est sorti de la doctrine de Luther beaucoup d'esprits de trouble et +de rvolte, disent-ils. Donc la doctrine de Luther vient du diable. +Mais saint Jean dit aussi (I, 2.): Ils sont sortis d'entre nous, mais +ils n'taient point des ntres. Judas tait parmi les disciples de +Jsus-Christ; donc (d'aprs leur argument), Jsus-Christ est un diable. +Jamais hrtique n'est sorti d'entre les paens; ils sont tous venus de +la sainte glise chrtienne; l'glise serait donc l'ouvrage du diable. + +Il en fut de mme de la Bible sous le pape; on l'appelait publiquement +un livre d'hrtiques, et on l'accusait de prter appui aux opinions +les plus condamnables. Encore aujourd'hui ils crient: L'glise, +l'glise, contre et par-dessus la Bible! Emser, l'homme sage, ne sut +mme trop dire s'il tait bon que la Bible ft traduite en allemand; +peut-tre ne savait-il pas non plus s'il tait bon qu'elle et t +jamais crite en hbreu, en grec ou en latin; elle et l'glise ne sont +pas en trop bon accord. + +Si donc la Bible, le livre et la parole du Saint-Esprit, a de telles +choses endurer d'eux, pourquoi nous, ne supporterions-nous pas plus +forte raison qu'ils nous imputent toutes les hrsies et les sditions +qui clatent? L'araigne tire son poison de la belle et aimable rose o +l'abeille ne trouve que miel; est-ce la faute de la fleur, si son miel +devient du poison dans l'araigne? + +C'est, comme dit le proverbe: Chien qu'on veut battre a mang du +cuir, ou, comme dit finement sope: La brebis que le loup veut +manger a troubl l'eau, quoiqu'elle soit au bas du courant. Eux, qui +ont rempli l'glise d'erreur et de sang, de mensonge et de meurtre, +ce ne sont pas eux qui ont troubl l'eau. Nous, nous rsistons aux +sditions et aux erreurs des hrtiques, et c'est nous qui l'avons +trouble. Eh bien! loup, mange, mange, mon ami, et qu'un os te reste +au travers du gosier... Ils ne peuvent faire autrement; tel est le +monde et son Dieu. S'ils ont appel Belzbut le matre de la maison, +traiteront-ils mieux les serviteurs? Et si la sainte criture est +appele un livre d'hrtiques, comment nos livres pourraient-ils tre +honors? Le Dieu vivant est notre juge nous tous; il mettra un jour +tout cela au clair, si nous devons en croire ce livre d'hrtiques, +qu'on appelle la sainte criture, qui tant de fois en a tmoign. + +Veuille Jsus-Christ, notre Dieu bien-aim et le gardien de nos mes +qu'il a rachetes par son sang prcieux, conserver son petit troupeau +fidle sa sainte parole, afin qu'il augmente et croisse en grce, en +lumire, en foi. Puisse-t-il daigner le soutenir contre les tentations +de Satan et du monde, et prendre enfin en piti ses gmissemens +profonds et l'attente pleine d'angoisses dans laquelle il soupire vers +l'heureux jour de la glorieuse venue de son Sauveur, en sorte que +les fureurs et les morsures meurtrires des serpens cessent enfin, et +que pour les enfans de Dieu commence la rvlation de la libert et +batitude qu'ils esprent et qu'ils attendent en patience. Amen. Amen. + + + + +CHAPITRE VII. + + Maladies.--Dsir de la mort et du jugement.--Mort, 1546. + + +Le mal de dents et le mal d'oreilles sont bien cruels; j'aimerais +mieux la peste et le mal franais[r162]. Lorsque j'tais Cobourg, +en 1530, je souffrais d'un bruit et d'un sifflement dans les oreilles: +c'tait comme du vent qui me sortait de la tte... Le diable est pour +quelque chose l-dedans. + + [r162] Tischreden, 356. + +Il faut manger et boire du vin quand on est malade. Il se traita +ainsi Smalkalde, en 1537. + +Un homme se plaignait de la gale; Luther lui dit[r163]: Je voudrais +bien changer avec vous; je vous donnerais dix florins de retour. +Vous ne savez pas combien c'est une chose pnible que le vertige. +Aujourd'hui je ne puis lire de suite une lettre entire, pas mme deux +ou trois lignes du Psautier. Le bourdonnement recommence dans les +oreilles, au point que souvent je suis prs de tomber sur mon banc. La +gale, au contraire, est chose utile, etc. + + [r163] _Ibid._ 357. + +Aprs avoir prch Smalkalde, et dn ensuite, il prouva les +douleurs de la pierre[a76], et pria avec ardeur[r164]: O mon Dieu, mon +seigneur Jsus! tu sais avec quel zle j'ai enseign ta parole. _Si +est pro glori nominis tui_, viens mon secours; sinon, ferme-moi les +yeux. _Ego moriar inimicus inimicis tuis._ Je meurs dans la haine de ce +sclrat de pape, qui s'est lev au-dessus du Christ. Et il composa +l'instant, sur ce sujet, quatre vers latins. + + [r164] _Ibid._ 362. + +Ma tte est si variable et si faible que je ne puis rien crire ni +lire, surtout jeun. (9 fvrier 1543. Voyez aussi le 16 aot.) + +Je suis faible et fatigu de vivre, et je songe dire adieu au monde, +qui est maintenant tout au malin. Que le Seigneur m'accorde une bonne +heure et un heureux passage. Amen. (14 mars.) + +_A Amsdorf._--Je t'cris aprs souper, car jeun je ne puis sans +danger jeter les yeux sur un livre; je m'tonne fort de cette maladie, +et ne sais si c'est un soufflet de Satan ou si ce n'est que faiblesse +de nature. (18 aot 1543.) + +Je crois que ma vritable maladie, c'est la vieillesse, ensuite la +violence des travaux et des penses, mais surtout les coups de Satan; +c'est ce dont toute la mdecine du monde ne me gurira pas[a77]. (7 +novembre 1543.) + +_A Spalatin._--Je t'avoue que, dans toute ma vie et dans toutes les +affaires de l'vangile, je n'ai jamais eu d'anne plus trouble que +celle qui vient de finir. J'ai une terrible affaire avec les juristes, +au sujet des mariages clandestins; ceux que j'avais cru devoir tre +de fidles amis de l'vangile, je trouve en eux des ennemis cruels. +Penses-tu que ce ne soit pas pour moi un supplice, je te le demande, +mon cher Spalatin? (30 janvier 1544.) + +Je suis paresseux, fatigu, froid, c'est--dire vieux et inutile. J'ai +achev ma route; reste seulement que le Seigneur me runisse mes +pres, et rende la pourriture et aux vers ce qui leur appartient. +Me voil rassasi de vie, si cela peut s'appeler de la vie. Prie +pour moi, afin que l'heure de mon passage soit agrable Dieu, et +moi salutaire. Je ne m'occupe plus de l'Empereur et de l'Empire, que +pour les recommander Dieu dans mes prires. Le monde me semble tre +venu sa dernire heure et avoir vieilli comme un vtement, selon +l'expression du psalmiste; voici l'heure qu'il en faut changer. (5 +dcembre 1544.) + +Si j'avais su au commencement que les hommes fussent si ennemis de +la parole de Dieu, je me serais tu certainement et tenu tranquille. +J'imaginais qu'ils ne pchaient que par ignorance[r165]. + + [r165] _Ibid._ 6. + +Il disait une fois[r166]: La noblesse, les bourgeois, les paysans, +je dirais presque tout homme, pense connatre beaucoup mieux l'vangile +que le docteur Luther ou que saint Paul mme. Ils mprisent les +pasteurs, ou plutt le Seigneur et Matre des pasteurs... + + [r166] _Ibid._ 5. + +Les nobles veulent gouverner, et cependant ils ne peuvent rien +comprendre. Le pape sait et peut gouverner par le fait. Le plus petit +papiste est plus capable de gouverner que dix des nobles qui sont la +cour, ne leur en dplaise. + +On disait un jour Luther que, dans l'vch de Wurtzbourg, il y avait +six cents riches cures qui taient vacantes[r167].--Il ne rsultera +rien de bon de tout cela, dit-il. Il en sera de mme chez nous, si +nous continuons de mpriser la parole de Dieu et ses serviteurs... Si +je voulais devenir riche, je n'aurais qu' ne point prcher... Les +visiteurs ecclsiastiques demandaient aux paysans pourquoi ils ne +voulaient point nourrir leurs pasteurs? eux qui pourtant entretenaient +des gardeurs de vaches et de porcs. Oh! rpondirent-ils, nous avons +besoin d'un berger; nous ne pourrions pas nous en passer. Ils +croyaient pouvoir se passer de pasteurs. + + [r167] _Ibid._ 5, verso. + +Luther prcha dans sa maison, pour ses enfans et tous les siens, le +dimanche, pendant six mois, mais il ne prchait point dans l'glise. +Je le fais, dit-il au docteur Jonas, pour acquitter ma conscience et +remplir mon devoir de pre de famille. Mais je sais et je vois bien que +la parole de Dieu ne sera pas plus considre ici que dans l'glise. + +C'est vous qui prcherez aprs moi, docteur Jonas, songez-y et +acquittez-vous-en bien[r168]. + + [r168] _Ibid._ 195, verso. + +Il sortit un jour de l'glise, indign de ce que l'on causait[r169]. +(1545.) + + [r169] _Ibid._ 189, verso. + +Le 16 fvrier 1546, Luther disait qu'Aristote n'avait crit aucun +meilleur livre que le cinquime des _Ethica_; qu'il y donnait cette +belle dfinition: _Quod justitia sit virtus consistens in mediocritate, +pro ut sapiens eam determinat_[r170]. [Cet loge de la modration est +trs remarquable dans la dernire anne de Luther.] + + [r170] _Ibid._ 414. + +Le chancelier du comte de Mansfeld qui revenait de la dite de +Francfort, dit la table de Luther, Eisleben, que l'Empereur et +le pape procdaient brusquement contre l'vque de Cologne, Herman; +et songeaient le chasser de son lectorat[r171]. Alors il parla +ainsi: Ils ont perdu la partie; ils ne peuvent rien faire contre nous +avec la parole de Dieu et la sainte criture; _ergo volunt sapienti, +violenti, astuti, practic, dolo, vi et armis pugnare_. Que dit +cela notre Seigneur? Il voit bien qu'il est un pauvre colier, et il +dit: Qu'allons-nous devenir mon fils et moi?... Pour moi, quand ils me +tueraient, il faut auparavant qu'ils mangent ce que... J'ai un grand +avantage; mon seigneur s'appelle _Schefflemini_; c'est lui qui dit: +_Ego suscitabo vos in novissimo die_; et il dira alors: Docteur Martin, +docteur Jonas, seigneur Michel Coelius, venez moi; et il vous nommera +tous par vos noms, comme le Seigneur Christ dit dans saint Jean: _Et +vocat eos nominatim_. Eh bien! soyez donc sans peur. + + [r171] _Ibid._ 19. + +Dieu a un beau jeu de cartes qui n'est compos que de rois, de +princes, etc.[r172] Il bat les cartes, par exemple le pape avec +Luther; et ensuite il fait comme les enfans, qui, aprs avoir tenu +quelque temps les cartes en vain, se lassent du jeu, et les jettent +sous la table. + + [r172] _Ibid._ 32, verso. + +Le monde est comme un paysan ivre[r173]. Si on le remet en selle +d'un ct, il tombe de l'autre. On ne peut le secourir de quelque faon +qu'on s'y prenne. Le monde veut appartenir au diable. + + [r173] _Ibid._ 448, verso. + +Luther disait souvent que s'il mourait dans son lit, ce serait une +grande honte pour le pape[r174]. Vous tous, pape, diable, rois, +princes et seigneurs, vous devez tre ennemis de Luther, et cependant +vous ne pouvez lui faire mal. Il n'en a pas t de mme pour Jean Huss. +Je tiens que depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme que le monde +hat plus que moi. Je suis aussi ennemi du monde; je ne sais rien _in +tot vit_ quoi j'aie plaisir; je suis tout--fait fatigu de vivre. +Que notre Seigneur vienne donc vite, et m'emmne. Qu'il vienne surtout +avec son jugement dernier, je tendrai le cou; qu'il lance le tonnerre +et que je repose... Ensuite, il se console de l'ingratitude du monde, +par l'exemple de Mose, de Samuel, de saint Paul, du Christ. + + [r174] _Ibid._ 449. + +Un des convives dit que si le monde subsistait cinquante ans, il +viendrait encore bien des choses[r175]. Luther rpondit: A Dieu ne +plaise! ce serait pis que par le pass. Il s'lverait encore bien des +sectes qui sont aujourd'hui caches dans le coeur des hommes. Vienne +donc le Seigneur! qu'il coupe court tout cela avec le jugement +dernier; car il n'y a plus d'amlioration. + + [r175] _Ibid._ 295. + +Il fera si mauvais vivre sur la terre, que l'on criera de tous +les coins du monde: Bon Dieu! viens avec le jugement dernier[r176]. Et +comme il tenait en main un chapelet d'agates blanches, il ajouta: O +Dieu! veuille que ce jour vienne bientt. Je mangerais aujourd'hui ce +chapelet pour que ce ft demain. + + [r176] _Ibid._ 15. + +On parlait sa table, des clipses et de leur peu d'influence sur +la mort des rois et des grands[r177]. Le docteur rpondit: Il est +vrai, les clipses ne veulent plus produire d'effet; je pense que notre +Seigneur en viendra bientt aux effets vritables, et que le Jugement +en finira bientt avec tout cela. C'est ce que je rvais l'autre jour, +comme je m'tais mis dormir aprs midi, et je disais dj: _In pace +in id ipsum requiescam seu dormiam_. Il faut bien que le Jugement +arrive; car, que l'glise papale se rforme, c'est chose impossible; +le Turc et les juifs ne se corrigeront pas non plus. Il n'y a aucune +amlioration dans l'Empire; voil maintenant trente ans qu'on assemble +toujours les dites sans dcider rien... Je pense souvent, quand je +rflchis en me promenant, ce que je dois demander dans mes prires +pour la dite. L'vque de Mayence ne vaut rien, le pape est perdu. Je +ne vois d'autre remde que de dire: Notre Pre, que votre rgne arrive! + + [r177] _Ibid._ 304. verso. + +Pauvres gens que nous sommes! nous ne gagnons notre pain que par nos +pchs[r178]. Jusqu' sept ans, nous ne faisons rien que manger, +boire, jouer et dormir. De l jusqu' vingt et un ans, nous allons +aux coles trois ou quatre heures par jour; nous suivons nos caprices, +nous courons, nous allons boire. C'est alors seulement que nous +commenons travailler. Vers la cinquantaine, nous avons fini, nous +redevenons enfans. Ajoutez que nous dormons la moiti de notre vie. Fi +de nous! sur notre vie, nous ne donnons pas mme la dme Dieu; et +nous croirions avec nos bonnes oeuvres mriter le ciel! Qu'ai-je fait, +moi? J'ai babill deux heures, mang pendant trois, rest oisif pendant +quatre. _Ah! Domine, ne intres in judicium cum servo tuo._ + + [r178] _Ibid._ 46. + +Aprs avoir dtaill toutes ses souffrances Mlanchton: Plaise +Christ d'enlever mon me dans la paix du Seigneur. Par la grce de +Dieu, je suis prt et dsireux de partir. J'ai vcu et achev la course +que Dieu m'avait marque... Que mon me fatigue de si longue route, +monte maintenant au ciel. (18 avril 1541.) + +Je n'ai pas le temps de beaucoup crire, mon cher Probst, car je suis +accabl par l'ge et les fatigues, _alt, kalt, ungestalt_, comme on +dit; cependant le repos ne m'est pas encore permis, obsd comme je +le suis par tant de raisons, tant de ncessits d'crire. J'en sais +plus que toi sur les fatalits de ce sicle. Le monde menace ruine: +cela est certain, tant le diable se dchane, tant le monde s'abrutit. +Il ne reste qu'une seule consolation, c'est que ce jour est proche. +On est rassasi de la parole de Dieu, le monde en prend un singulier +dgot. Il s'lve moins de faux prophtes. Pourquoi susciterait-on +de nouvelles hrsies, quand on a pour la parole un mpris picurien? +L'Allemagne a t, et elle ne sera jamais ce qu'elle a t. La noblesse +ne pense qu' demander, les villes ne songent qu' elles-mmes (et avec +raison); voil le royaume divis avec soi-mme, qui a d tenir tte + cette arme de dmons dchane dans l'arme turque. Nous ne nous +soucions gure de savoir si Dieu est pour nous ou contre nous; nous +devons triompher par notre propre force des Turcs et des dmons, et de +Dieu et de toutes choses. Tant est grande la confiance et la scurit +insenses de l'Allemagne expirante! Et cependant nous autres que +ferons-nous ici? Les plaintes sont vaines, les pleurs sont vains. Il ne +vous reste qu' dire cette prire: Que ta volont soit faite. (26 mars +1542.[6]) + + [6] Il semble qu'on retrouve ces tristes penses dans le beau + portrait de Luther mort, qui se trouve dans la collection du + libraire Zimmer Heidelberg; ce portrait exprime aussi la + continuation d'un long effort. + +Je vois chez tout le monde une cupidit indomptable, et c'est un des +signes qui me persuade que le dernier jour est proche; il semble que +le monde dans sa vieillesse et son dernier paroxisme, tombe en dlire, +comme il arrive quelquefois aux mourans. (8 mars 1544.) + +Je crois que nous sommes cette trompette suprme qui prpare et +devance la venue du Christ. Ainsi, quelque faibles que nous soyons, +quelque petit son que nous fassions entendre devant le monde, nous +sonnons fort dans l'assemble des anges du ciel, qui reprendront aprs +nous et se chargeront d'achever. Amen. (6 aot 1545.) + +Dans les dernires annes de sa vie, ses ennemis rpandirent plusieurs +fois le bruit de sa mort. Ils y ajoutrent les circonstances les +plus extraordinaires et les plus tragiques. Pour les rfuter, Luther +fit imprimer en 1545, en allemand et en italien, un crit intitul: +_Mensonges des Welches sur la mort du docteur Martin Luther_. + +Je l'ai dit d'avance au docteur Pomer[r179]: celui qui aprs ma mort +mprisera l'autorit de cette cole et de cette glise, celui-l sera +un hrtique et un pervers. Car c'est d'abord ici que Dieu a purifi sa +parole et l'a de nouveau rvle... Qui pouvait quelque chose, il y a +vingt-cinq ans? Qui tait de mon ct, il y a vingt et un ans? + + [r179] _Ibid._ 416. + +Je compte souvent et j'approche de plus en plus des quarante annes au +bout desquelles, je pense, tout ceci doit prendre fin. Saint Paul n'a +prch que quarante ans. De mme le prophte Jrmie et saint Augustin. +Et lorsque furent coules les quarante annes pendant lesquelles on +avait prch la parole de Dieu, elle a cess de se faire entendre, et +une grande calamit est venue ensuite. + +La vieille lectrice, la table de laquelle il se trouvait, lui +souhaitait quarante ans de vie[r180]. Je ne voudrais point du +paradis, dit-il, condition de vivre quarante ans.... Je ne consulte +pas les mdecins. Ils ont arrang que je devais vivre encore un an; je +ne veux point rendre ma vie triste, mais, au nom de Dieu, manger et +boire ce qu'il me plat. + + [r180] _Ibid._ 361-2. + +Je voudrais que nos adversaires me tuassent, car ma mort serait plus +utile l'glise que ma vie[r181]. + + [r181] _Ibid._ 147. + +16 fvrier 1546[r182]: Comme on parlait beaucoup de mort et de +maladie la table de Luther, pendant son dernier voyage Eisleben, il +dit: Si je retourne Wittemberg, je me mettrai dans la bire et je +donnerai manger aux vers un docteur bien gras. Deux jours aprs il +mourut Eisleben. + + [r182] _Ibid._ 362. + +Impromptu de Luther sur la fragilit de la vie[r183]. + + Dat vitrum vitro Jon (vitrum ipse) Lutherus, + Se similem ut fragili noscat uterque vitro. + + [r183] _Ibid._ 358. + +Nous laissons ces vers en latin, ils auraient perdu leur mrite dans +une traduction. + +Billet crit par Luther Eisleben, deux jours avant sa mort: Personne +ne comprendra Virgile dans les _Bucoliques_, s'il n'a t cinq ans +pasteur. + +Personne ne comprendra Virgile dans les _Gorgiques_, s'il n'a t +cinq ans laboureur. + +Personne ne peut comprendre Cicron dans ses _Lettres_, s'il n'a t +durant vingt ans ml aux affaires d'un grand tat. + +Que personne ne croie avoir assez got des saintes critures, s'il +n'a pendant cent annes gouvern les glises, avec les prophtes lie +et lise, avec Jean-Baptiste, Christ et les aptres. + + Hanc tu ne divinam neida tenta, + Sed vestigia pronus adora. + +Nous sommes de pauvres mendians. Hoc est verum, 16 februarii, anno +1546. + +Prdiction du rvrend pre le docteur Martin Luther, crite de sa +propre main, et trouve aprs sa mort dans sa bibliothque, par ceux +que le trs illustre lecteur de Saxe, Jean Frdric Ier, avait charg +de la fouiller[r184]. + + [r184] Opera latina, Iena, 1612, Ier vol. aprs la table des matires. + +Le temps est arriv auquel, selon l'ancienne prdiction, doivent +venir aprs la rvlation de l'Antichrist, des hommes qui vivraient +sans Dieu, chacun selon ses dsirs et ses illusions. Le pape tait +un dieu au-dessus de Dieu, et maintenant tous veulent se passer de +Dieu, surtout les papistes. Les ntres, maintenant qu'ils sont libres +des lois du pape, veulent encore l'tre de la loi de Dieu, ne suivre +que des mobiles politiques, et ne les suivre encore que selon leurs +caprices.--Nous nous figurons qu'ils sont bien loin ceux dont on a +prdit de telles choses; ils ne sont autres que nous-mmes.--Il y en a +parmi ceux-ci, qui dsirant le jour de l'homme, ont commenc chasser +de l'glise le dcalogue et la Loi. Parmi eux se trouvent matre +Eisleben (Agricola), contre lequel, etc.--Je ne suis pas inquiet des +papistes; ils flattent le pape par haine pour nous, et pour devenir +puissans, jusqu' ce qu'ils soient formidables au pauvre pape.... Je +sens une grande consolation, quand je vois les adulateurs du pape lui +tendre des embches plus terribles que moi-mme, qui suis son ennemi +dclar. Il en est de mme chez nous: les ntres me donnent plus +d'affaires et de prils que toute la papaut, qui dsormais ne pourra +rien contre nous. Tant il est vrai que si un empire doit se dtruire, +c'est plutt par ses propres forces. Celui de Rome + + Mole ruit su.... + ... Corpus magnum populumque potentem + In sua victrici conversum viscera dextr. + +Vers la fin de sa vie, Luther prit en dgot le sjour de Wittemberg. +Il crivit sa femme, en juillet 1545, de Leipzig o il se trouvait: +Grce et paix, chre Catherine! Notre Jean te racontera comment nous +sommes arrivs. Ernst de Schonfeld nous a trs bien reus Lobnitz, +et notre ami Scherle encore mieux ici. Je voudrais bien m'arranger de +manire ne plus avoir besoin de retourner Wittemberg. Mon coeur +s'est refroidi pour cette ville, et je n'aime plus y rester. Je +voudrais que tu vendisses la petite maison, avec la cour et le jardin; +je rendrais mon gracieux seigneur la grande maison dont il m'a fait +prsent, et nous nous tablirions Zeilsdorf. Avec ce que je reois +pour salaire, nous pourrions mettre notre terre en bon tat, car je +pense bien que mon seigneur ne refusera pas de me le continuer, du +moins pour cette anne, que je crois fermement devoir tre la dernire +de ma vie. Wittemberg est devenu une vritable Sodome, et je ne veux +pas y retourner. Aprs-demain je me rendrai Mersebourg, o le comte +George m'a vivement pri de venir. J'aimerais mieux passer ainsi ma +vie sur les grandes routes, ou mendier mon pain, que de tourmenter +mes pauvres derniers jours par la vue des scandales de Wittemberg, o +toutes mes peines et toutes mes sueurs sont perdues. Tu peux faire +savoir ceci Philippe et Pomer, que je prie de bnir la ville en mon +nom. Pour moi, je ne peux plus y vivre. + +Il ne fallut rien moins que les instantes prires de ses amis, de toute +l'acadmie et de l'lecteur, pour le faire renoncer cette rsolution. +Il revint Wittemberg le 18 aot. + +Luther ne put mourir tranquille; ses derniers jours furent employs +la tche pnible de rconcilier les comtes de Mansfeld, dont il tait +n le sujet[a78]. Huit jours de plus ou de moins, crit-il au comte +Albrecht, en lui promettant de se rendre Eisleben, huit jours de +plus ou de moins, ne m'arrteront pas, quoique je sois bien occup +d'ailleurs. Je pourrai me coucher dans le cercueil avec joie, quand +j'aurai vu auparavant mes chers seigneurs se rconcilier et redevenir +amis. (6 dcembre 1545.) + +(De Eisleben.) _A la trs savante et trs profonde dame Catherine +Luther, ma gracieuse pouse._ Chre Catherine! nous sommes bien +tourments ici, et nous ne serions pas fchs de pouvoir retourner chez +nous. Cependant il nous faudra, je pense, rester encore une huitaine +de jours. Tu peux dire matre Philippe qu'il ne fera pas mal de +corriger sa _postille_ sur l'vangile, car, en l'crivant, il ne savait +gure pourquoi le Seigneur, dans l'vangile, appelle les richesses +des pines. C'est ici l'cole o l'on apprend ces choses. La sainte +criture menace partout les pines du feu ternel, cela m'effraie et me +rend de la patience, car je dois faire tous mes efforts, Dieu aidant, +pour mener la chose bonne fin... (6 fvrier 1546.) + +_A la gracieuse dame Catherine Luther, ma chre pouse, qui se +tourmente beaucoup trop._ Grce et paix dans le Seigneur. Chre +Catherine! tu devrais lire saint Jean et ce que le Catchisme dit de +la confiance que nous devons avoir en Dieu. Tu te tourmentes vraiment +comme si Dieu n'tait pas tout-puissant, et qu'il ne pt produire de +nouveaux docteurs Martin par dixaines, si l'ancien se noyait dans la +Saale ou prissait d'une autre manire. J'ai Quelqu'un qui a soin de +moi, mieux que toi et les anges vous ne pourriez jamais faire. Il +est assis la droite du Pre tout-puissant. Tranquillise-toi donc. +Amen... J'avais aujourd'hui l'intention de partir _in ir me_; mais le +malheur o je vois mon pays natal, m'a encore retenu. Le croirais-tu? +je suis devenu lgiste? Cependant cela ne servira pas grand'chose. +Il vaudrait mieux qu'ils me laissassent thologien. Il serait grand +besoin pour eux d'humilier leur superbe. Ils parlent et agissent comme +s'ils taient des dieux, mais je crains bien qu'ils ne deviennent des +diables, s'ils continuent ainsi. Lucifer aussi a t prcipit par son +orgueil, etc... Fais voir cette lettre Philippe, je n'ai pas eu le +temps de lui crire sparment. (7 fvrier 1546.) + +_A ma douce et chre pouse, Catherine Luther de Bora._ Grce et paix +dans le Seigneur. Chre Catherine! Nous esprons retourner chez vous +cette semaine, si Dieu le veut. Il a montr la puissance de sa grce +dans cette affaire. Les seigneurs se sont accords sur tous les points, + l'exception de deux ou trois, entre autres sur la rconciliation des +deux frres, les comtes Gebhard et Albrecht. Je dnerai aujourd'hui +avec eux, et je tcherai de les faire redevenir frres. Ils ont crit +l'un contre l'autre avec beaucoup d'amertume, et ne se sont encore +rien dit pendant les confrences.--Du reste, nos jeunes seigneurs sont +pleins de gat; ils vont en traneaux avec les dames, et font sonner +les clochettes de leurs chevaux. Dieu a exauc nos prires. + +Je t'envoie des truites, dont la comtesse Albrecht m'a fait +prsent. Cette dame est bien heureuse de voir renatre la paix dans +sa famille... Le bruit court ici que l'Empereur s'avance vers la +Westphalie, et que le Franais enrle des landsknechts, de mme +que le Landgrave, etc. Laissons-les dire et forger des nouvelles: +nous attendrons ce que Dieu voudra faire. Je te recommande sa +protection.--Martin LUTHER. (14 fvrier 1546.) + +Luther tait arriv le 28 janvier Eisleben, et quoique dj malade, +il assista aux confrences jusqu'au 17 fvrier. Il prcha aussi quatre +fois, et rvisa le rglement ecclsiastique du comt de Mansfeld. Le +17, il fut si malade que les comtes le prirent de ne pas sortir. Au +souper, il parla beaucoup de sa mort prochaine, et quelqu'un lui ayant +demand si nous nous reconnatrions les uns les autres dans l'autre +monde, il rpondit qu'il le pensait. En rentrant dans sa chambre avec +matre Coelius et ses deux fils, il s'approcha de la croise et y resta +long-temps en prires. Ensuite il dit Aurifaber qui venait d'arriver: +Je me sens bien faible, et mes douleurs augmentent. On lui donna un +mdicament, et on tcha de le rchauffer par des frictions. Il adressa +quelques mots au comte Albrecht, qui tait venu aussi, et se mit sur +un lit de repos en disant: Si je pouvais seulement sommeiller une +petite demi-heure, je crois que cela me soulagerait. Il s'endormit +en effet, et ne se rveilla qu'une heure et demie aprs, vers onze +heures. En se rveillant, il dit aux assistans: Vous voil encore +assis ct de moi, ne voulez-vous pas aller reposer vous-mmes? Il +se remit alors prier, et dit avec ferveur: _In manus tuas commendo +spiritum meum; redemisti me, Domine, Deus veritatis_. Il dit aussi aux +assistans: Priez tous, mes amis, pour l'vangile de notre Seigneur, +pour que son rgne s'tende, car le concile de Trente et le pape le +menacent grandement. Il dormit ensuite jusque vers une heure, et quand +il se rveilla, le docteur Jonas lui demanda comment il se trouvait. O +mon Dieu! rpondit-il, je me sens bien mal. Mon cher Jonas, je pense +que je resterai ici, Eisleben, o je suis n. Il marcha pourtant +un peu dans la chambre et se remit sur son lit de repos, o on le +couvrit de coussins. Deux mdecins et le comte avec sa femme arrivrent +ensuite. Luther leur dit: Je meurs, je resterai ici, Eisleben; et +le docteur Jonas lui ayant exprim l'espoir que la transpiration le +soulagerait peut-tre, il rpondit: Non, cher Jonas, c'est une sueur +froide et sche, le mal augmente. Il se remit alors prier, et dit: +O mon pre! Dieu de notre Seigneur Jsus-Christ, toi le pre de toute +consolation, je te remercie de m'avoir rvl ton fils bien-aim, en +qui je crois, que j'ai prch et reconnu, que j'ai aim et clbr, +et que le pape et les impies perscutent. Je te recommande mon me, +mon Seigneur Jsus-Christ! Je quitterai ce corps terrestre, je vais +tre enlev de cette vie, mais je sais que je resterai ternellement +auprs de toi. Il rpta encore trois fois: _In manus tuas commendo +spiritum meum; redemisti me, Domine veritatis_. Soudain il ferma les +yeux, et tomba vanoui. Le comte Albrecht et sa femme, ainsi que les +mdecins, lui prodigurent leurs secours pour le rendre la vie. Ils +n'y parvinrent qu'avec peine. Le docteur Jonas lui dit alors: Rvrend +pre, mourez-vous avec constance dans la foi que vous avez enseigne? +Il rpondit par un oui distinct, et se rendormit. Bientt il plit, +devint froid, respira encore une fois profondment, et mourut. + +Son corps fut transfr dans un cercueil d'tain, Wittemberg, o +il fut inhum le 22 fvrier avec les plus grands honneurs. Il repose +dans l'glise du chteau, au pied de la chaire. (Ukert I, p. 327, sqq. +_Extrait de la relation de Jonas et de Coelius._) + +_Testament de Luther, dat du 6 janvier 1542._--Je soussign, Martin +Luther, docteur, reconnais avoir, par les prsentes, donn comme +douaire ma chre et fidle pouse Catherine, pour qu'elle en jouisse +toute sa vie, comme bon lui semblera: la terre de Zeilsdorf, telle que +je l'ai achete et fait disposer depuis; la maison _Brun_ que j'ai +achete sous le nom de Wolf; les gobelets et autres choses prcieuses, +telles que bagues, chanes, mdailles en or et en argent, de la valeur +de mille florins environ. + +J'ai fait ceci, premirement parce qu'elle a toujours t ma pieuse +et fidle pouse, qui m'a aim tendrement, et qui, par la bndiction +du ciel, m'a donn et lev cinq enfans heureusement encore en vie. +Secondement, pour qu'elle se charge de mes dettes, montant quatre +cent cinquante florins environ, au cas o je ne pourrais les acquitter +avant ma mort. Troisimement, et surtout, parce que je ne veux pas +qu'elle soit dans la dpendance de ses enfans, mais plutt que les +enfans dpendent d'elle, l'honorent et lui soient soumis, comme Dieu +l'a command; car j'ai vu bien souvent comme le Diable excite les +enfans, mme les enfans pieux, dsobir ce commandement, surtout +quand les mres sont veuves, que les fils ont des pouses, et les +filles des maris. Je pense, au reste, que la mre sera la meilleure +tutrice de ses enfans, et qu'elle ne fera pas usage de ce douaire au +dtriment de ceux qui sont sa chair et son sang, de ceux qu'elle a +ports sous son coeur. + +Quoi qu'il puisse advenir d'elle aprs ma mort (car je ne puis limiter +les desseins de Dieu), j'ai cette confiance qu'elle se conduira +toujours comme une bonne mre envers ses enfans, et qu'elle partagera +consciencieusement avec eux ce qu'elle possdera. + +En mme temps, je prie tous mes amis d'tre tmoins de la vrit et +de dfendre ma chre Catherine, s'il allait arriver, comme il serait +possible, que de mauvaises langues l'accusassent de garder pour elle +quelque somme d'argent cache, et de ne pas en faire part aux enfans. +Je certifie que nous n'avons ni argent comptant, ni trsor d'aucune +espce. En cela rien d'tonnant, si l'on veut considrer que nous +n'avons eu d'autre revenu que mon salaire et quelques prsens, et que +cependant nous avons bti, et port les charges d'un grand mnage. Je +regarde mme comme une grce particulire de Dieu, et je l'en remercie +sans cesse, que nous ayons pu y suffire, et que nos dettes ne soient +pas plus considrables........ + +Je prie aussi mon gracieux seigneur, le duc Jean-Frdric, lecteur, +de vouloir bien confirmer et maintenir le prsent acte, quoiqu'il +ne soit pas fait dans la forme demande par les gens de loi. Martin +LUTHER. _Sign_ MLANCHTON, CRUCIGER et BUGENHAGEN, comme tmoins.[a79] + + + + +ADDITIONS + +ET + +CLAIRCISSEMENS. + + + [a1] Page 1, ligne 7.--_Les Turcs..._ + +Luther crut voir d'abord dans les Turcs un secours que Dieu lui +envoyait. Ce sont, dit-il, les ministres de la colre divine, 1526. +(_Proeliari adversus Turcas, est repugnare Deo, visitanti iniquitates +nostras per illos._)--Il ne voulait point que les protestans +s'armassent contre eux pour dfendre les papistes, car ceux-ci ne +valent pas mieux que les Turcs. + +Il dit dans la prface qu'il mit un livre du docteur Jonas, que +les Turcs galent les papistes, ou les surpassent plutt, dans les +choses que ceux-ci regardent comme essentielles au salut, tels que +les aumnes, les jenes, les macrations, les plerinages, la vie +monastique, les crmonies et les autres oeuvres extrieures, et que +c'est pour cette raison que les papistes ne parlent pas du culte des +mahomtans. Il prend occasion de ceci pour lever au-dessus de ces +pratiques mahomtanes ou romanistes, la religion pure du coeur et de +l'esprit, enseigne par l'vangile. + + +Ailleurs, il fait un parallle entre le pape et le Turc, et conclut +ainsi: S'il faut combattre le Turc, il faut aussi combattre le +pape.--Cependant quand il vit les Turcs menacer srieusement +l'indpendance de l'Allemagne, il exprima plusieurs fois le dsir +qu'on entretnt une arme permanente sur les frontires de la Turquie, +et rpta souvent que tout ce qui portait le nom de chrtien devait +implorer Dieu pour le succs des armes de l'Empereur contre les +infidles. + +Luther exhorta l'lecteur, dans une lettre du 29 mai 1538, prendre +part la guerre qui se prparait contre les Turcs. Il l'engagea +oublier les querelles intestines de l'Allemagne, pour tourner ses +armes contre l'ennemi commun. + +Un homme digne de foi, qui avait t en ambassade chez les Turcs, +dit un jour Luther que le sultan lui avait demand quel homme +tait Luther, et de quel ge, et qu'ayant appris qu'il avait environ +quarante-huit ans, il disait: Je voudrais qu'il ne ft pas si g; il a +en moi un gracieux seigneur, dites-le-lui bien. Que Dieu me prserve +de ce gracieux seigneur, s'cria Luther, en faisant le signe de la +croix. (Tischreden, p. 432, verso.) + + + [a2] Page 3, ligne 25.--_Le Landgrave... se croyant menac, + leva une arme..._ + +Luther, dans une lettre au chancelier Brck, dit, en parlant des +prparatifs de guerre du Landgrave: Une pareille agression de la +part des ntres, serait la plus grande honte pour l'vangile. Ce ne +serait point une rvolte de paysans, mais une rvolte de princes, +qui prparerait l'Allemagne les maux les plus terribles. Satan ne +dsire rien autant. (mai 1528.) Il crivit plusieurs lettres dans le +mme sens l'lecteur.--Cependant il est quelquefois tent de lcher +lui-mme la bride au Landgrave. Ayant lu une lettre de Mlanchton, +qui tait au _Colloque_, il dit: Ce que Philippe crit, cela a des +pieds et des mains, de l'autorit et de la gravit. Il dit des choses +importantes en peu de mots; je conclus de sa lettre que nous avons +la guerre....... Le lche de Mayence fait tout le mal. Ils devraient +nous donner une prompte rponse. Si j'tais le Landgrave, je tomberais +dessus, je prirais ou je les exterminerais, puisque dans une affaire +si juste, ils ne veulent pas nous donner la paix. (Tischreden, p. 151.) + + + [a3] Page 26, ligne 3.--_Le duc George..._ + +Ce prince se montra de bonne heure oppos la Rforme. Ds l'anne +1525 (22 dcembre), Luther avait crit au duc pour le prier instamment +de renoncer ses perscutions contre la nouvelle doctrine. ... Je me +jette vos pieds pour vous supplier de cesser enfin vos entreprises +impies. Non que je craigne le prjudice qui en pourrait rsulter pour +moi, car je n'ai plus qu' perdre ce misrable corps de chair que +dans tous les cas la terre va bientt recevoir. Si je recherchais +mon avantage, je ne devrais rien tant dsirer que la perscution. On +a vu comme elle m'a servi jusqu'ici au-del de toute attente. Si je +prenais plaisir rendre votre Grce malheureuse, je l'exciterais de +toutes mes forces continuer ses violences; mais c'est mon devoir de +songer au salut de votre Grce et de la supplier genoux de cesser ses +criminelles offenses envers Dieu et sa parole... + + + [a4] Page 4, ligne 3.--_Le docteur Pack..._ + +Mon cher Amsdorf, voici Otton Pack, pauvre exil que j'offre ta +misricorde; il sera plus en sret Magdebourg que chez moi; je +craindrais que le duc George ne me fort de le remettre entre ses +mains. (29 juillet 1529.) + + + [a5] Page 5, ligne 1.--_Le grand-matre de l'ordre Teutonique + avait scularis la Prusse..._ + +Lorsque je parlai la premire fois au prince Albert, comme il me +consultait sur la rgle de son ordre, je lui conseillai de mpriser +cette rgle stupide et confuse, de prendre femme et de rduire la +Prusse une forme politique, en principaut ou en duch. Philippe, +partageait cette opinion, et donnait le mme conseil... Cela pourrait +s'excuter aisment, si le peuple de Prusse et les grands unissaient +leurs prires pour qu'il ost l'entreprendre; il aurait ainsi un motif +ncessaire et puissant de faire ce qu'il dsire.... C'est toi avec +Speratus, Amandus et les autres ministres, d'y amener le peuple, de +l'enflammer, de l'animer pour qu'il invoque la main de Dieu, afin qu'au +lieu de cette abominable principaut hermaphrodite, qui n'est ni laque +ni ecclsiastique, il dsire et rclame une principaut vritable.--Je +voudrais persuader la mme chose l'vque ***; lui aussi, il cderait + nos raisons, si le peuple le pressait de ses prires. (4 juillet +1524.) + +Il y avait six mois alors que cet vque prchait ouvertement la +rforme. Ainsi, crivait Luther en avril 1525, pendant le fort de +la guerre des paysans, l'vangile court pleine course et pleines +voiles en Prusse, o il n'tait pas appel, tandis que dans la haute et +basse Allemagne, o il est venu et entr de lui-mme, on le blasphme +avec fureur. (T. II, p. 649.) + + + [a6] Page 6, ligne 25.--_Le duc George..._ + +Prie avec moi le Dieu de misricorde, pour qu'il convertisse le duc +George son vangile, ou que, s'il n'en est pas digne, il soit tir de +ce monde. (27 mars 1526.) + +Luther crivit l'lecteur, au sujet de ses querelles avec le duc +George (31 dcembre 1528): ... Je prie votre Grce lectorale de +m'abandonner entirement la dcision des juges, au cas o le duc +George le demanderait, car il est de mon devoir d'exposer ma tte +plutt que de faire prouver le moindre prjudice votre Grce. +Jsus-Christ, je l'espre, me donnera les forces ncessaires pour +rsister tout seul Satan. + + + [a7] Page 7, ligne 14.--_O s'arrtera la superbe de ce Moab..._ + +Le duc George tait, aprs tout, un perscuteur assez dbonnaire. +Ayant chass de Leipzig quatre-vingts luthriens, il leur accorda la +permission de garder leurs maisons, d'y laisser leurs femmes et leurs +enfans, et mme d'y venir trois fois par an au temps des foires.--Dans +une autre circonstance, Luther ayant conseill aux protestans de +Leipzig de rsister aux ordres de leur duc, celui-ci se contenta de +prier l'lecteur de Saxe d'interdire Luther toute communication avec +ses sujets. (Cochlus, p. 230.) + + + [a8] Page 7, ligne 23.--_Dite Spire..._ + +Quelque temps aprs cette dite, Luther crivit la consultation +suivante: D'abord il serait bon que notre parti, l'exclusion des +zwingliens, parlt pour lui seul. + +En second lieu, qu'on crivt l'Empereur, et que les bienfaits +du prince (l'lecteur de Saxe), envers l'glise et l'tat, fussent +amplifis, clbrs, etc. Il faudrait rappeler: 1 Qu'il a fait +enseigner, de la manire la plus pure, le Christ et sa foi, comme on ne +l'a jamais enseign depuis mille ans; qu'il a aboli une foule d'abus et +de monstruosits nuisibles l'glise et l'tat, comme les marchs de +messes, les abus des indulgences, les violences de l'excommunication, +et tant d'autres choses qui leur ont paru eux-mmes intolrables, et +dont la noblesse a exig l'abolition Worms. + +2 Qu'il a rsist aux sditieux, ceux qui violaient les images et +les glises. + +3 Que la dignit impriale a t par lui honore, glorifie, +rforme, plus qu'on ne l'avait fait en plusieurs sicles. + +4 Que nous avons fait et support les plus grandes choses contre les +partisans de Mnzer, pour sauver la majest et la paix publique. + +5 Que c'est nous, et non d'autres, qui avons rprim les +sacramentaires; que sans nous les papistes eussent t crass. + +6 Que nous avons de mme rprim les anabaptistes. + +7 Qu'en outre, nous avons touff les mauvais germes que de mchantes +gens avaient rpandus en divers endroits sur la sainte Trinit, sur la +foi du Christ, etc. Je parle d'rasme, d'Egranus et de leurs pareils. +(mai 1529.) + + + [a9] Page 7, ligne 28.--_Le parti de la Rforme clata..._ + +Luther essaya encore de retenir les siens; le 22 mai 1529, il crivit + l'lecteur pour le dissuader d'entrer dans aucune ligue contre +l'Empereur, et l'exhorter s'en remettre la protection divine. Dans +une lettre Agricola, il approuva la conduite prudente de l'lecteur + l'gard de l'Empereur: Notre prince a bien fait de reconnatre un +seigneur dans une ville trangre, et de n'avoir point cherch tre +le matre, comme il aurait pu le faire. Christ a dit: _Si vous tes +perscut dans une ville, fuyez dans une autre_; et encore: _Sortez de +cette maison_. Ainsi je pense que notre prince, comme un membre qui ne +peut se sparer du corps, ne devait point rompre avec Csar. Mais par +son silence il a comme fui dans une autre ville, il est sorti de cette +maison. (30 juin 1530.) + + + [a10] Page 8, ligne 11.--_Le Landgrave essaya de rconcilier + Luther et les sacramentaires..._ + +Au landgrave de Hesse. Grce et paix en Jsus-Christ. Srnissime +seigneur! j'ai reu la lettre par laquelle votre Altesse veut bien +m'engager me rendre Marbourg, pour confrer avec OEcolampade et les +siens, au sujet de nos opinions sur le saint Sacrement. Je ne saurais +cacher votre Altesse que je mets peu d'espoir dans une pareille +confrence, et que je doute qu'on en voie sortir la paix et l'union. +Nanmoins il faut rendre grce votre Altesse, de la sollicitude +qu'elle montre en cette affaire, et je suis dispos, pour ma part, +me rendre au lieu dsign, bien que je regarde cette dmarche comme +inutile. Je ne veux pas laisser non plus nos adversaires la gloire de +pouvoir dire qu'ils aiment plus que nous la paix et la concorde. Mais +je vous prie humblement, gracieux prince et seigneur, de vouloir bien, +avant que nous nous runissions, vous informer s'ils sont disposs +cder quelque point de leurs doctrines, autrement je craindrais fort +que le mal ne ft qu'empirer par cette confrence, et que le rsultat +ne ft prcisment le contraire de ce que votre Altesse recherche si +loyalement et si srieusement. A quoi servirait-il de se runir et de +discuter, si les deux parties arrivaient avec la rsolution de ne cder +en quoi que ce ft?... (23 juin 1529.) + +Dans une consultation qui nous reste sur le mme sujet, et que l'on +attribue gnralement Luther, il exprime le dsir que quelques +papistes, hommes graves et instruits, assistent la confrence comme +tmoins. + +A sa femme. Grce et paix en Jsus-Christ. Cher seigneur Catherine! +Apprenez que notre confrence amicale de Marbourg est finie, et que +nous sommes d'accord en tout point, si ce n'est que nos adversaires +persistent ne voir que du pain dans l'Eucharistie, et n'admettre +qu'une prsence spirituelle de Jsus-Christ. Aujourd'hui le Landgrave +nous parlera encore une fois, pour tcher de nous unir ou de nous +porter du moins nous reconnatre pour frres et membres du mme +corps. Il y travaille avec ardeur. Nous leur accordons la paix et +la charit, mais nous ne voulons pas de ce nom de frres. Demain ou +aprs-demain, je pense, nous partirons pour nous rendre au Voigtland, +o l'lecteur nous a appels. + +Dis Pommer que les meilleurs argumens de Zwingli ont t: _Que le +corps ne peut exister sans espace, et que, par consquent, le corps +du Christ n'est pas dans le pain_, et le meilleur d'OEcolampade: +_Que le saint Sacrement est un signe du corps du Christ_. Dieu les a +vraiment aveugls; ils n'ont su que nous rpondre.--Adieu. Le messager +me presse. Priez pour nous. Nous sommes bien portans et vivons comme +les princes. Embrasse pour moi Leinette (Madeleine) et le petit Jean. +Le jour de saint Franois. Votre dvou serviteur, Martin LUTHER. (4 +octobre 1529.) + +Luther crivit au landgrave de Hesse dans une autre lettre (20 mai +1530), au sujet de ses tentatives de conciliation: ... J'ai support +de si grands dangers et de si longs tourmens pour ma doctrine, que +certes j'ai lieu de dsirer de n'avoir pas travaill en vain. Ce n'est +donc point par haine ou par orgueil que je leur rsiste; il y a bien +long-temps que j'aurais adopt leur doctrine, Dieu, mon Seigneur, le +sait, s'ils avaient pu m'en montrer la vrit; mais les raisons qu'ils +donnent sont trop faibles pour que j'y puisse engager ma conscience... + + + [a11] Page 11, ligne 18.--_L'lecteur amena..._ + +Il partit de Torgaw le 3 avril, et arriva Augsbourg le 2 mai. Sa +suite se composait de cent soixante chevaux. Les thologiens qu'il +avait avec lui furent Luther, Mlanchton, Jonas, Agricola, Spalatin +et Osiander. Luther, excommuni et mis au ban de l'Empire, resta +Cobourg. (Ukert, t. I, p. 232.) + + + [a12] Page 11, ligne 19.--_L'lecteur amena Luther le plus prs + possible d'Augsbourg._ + +Je suis sur les confins de la Saxe, moiti chemin entre Wittemberg +et Augsbourg. Il y aurait eu trop de danger pour moi dans cette +dernire ville. (juin 1530.) + + + [a13] Page 13, ligne 22.--_Les nobles seigneurs qui forment nos + comices..._ + +Ma rsidence est maintenant au milieu des nuages, dans l'empire des +oiseaux. Sans parler de la foule des autres oiseaux, dont les chants +confus feraient taire une tempte, il y a prs d'ici un certain bois +tout peupl, de la premire la dernire branche, de corbeaux et de +corneilles. Du matin au soir, et quelquefois pendant toute la nuit, +il y a l une crierie si infatigable, si incessante, que je doute +qu'en aucun lieu du monde tant d'oiseaux se soient jamais runis. Pas +un qui se repose un instant; bon gr mal gr, il faut les entendre, +vieux et jeunes, mres et filles, glorifier qui mieux mieux, par +leurs croassemens, le nom de corbeaux. Peut-tre, par ces chants si +harmonieux, veulent-ils faire descendre doucement le sommeil sur mes +paupires; avec la grce de Dieu, j'en ferai cette nuit l'exprience. +C'est une noble race d'oiseaux, et, comme tu le sais, fort utiles +au monde. Il me semble, en les voyant, que j'ai sous les yeux toute +l'arme des sophistes et des Cochleistes, runis de toutes les parties +du monde, afin que j'apprcie mieux leur sagesse et leur doux langage, +et que je voie mon aise ce qu'ils sont et ce qu'ils peuvent pour +le monde de l'esprit et pour le monde de la chair. Jusqu' ce jour, +personne n'a entendu philomle, et cependant le coucou, qui annonce et +accompagne son chant, s'enorgueillit magnifiquement dans la gloire de +sa voix. De la rsidence des corbeaux. (22 avril 1530.) + + + [a14] Page 14, ligne 23.--_Luther le tanait rudement..._ + +Quelquefois cependant il comptit ses douleurs. Vous avez confess +Christ, offert la paix, obi Csar, souffert les injures, puis les +blasphmes. Vous n'avez point rendu le mal pour le mal; enfin vous +avez dignement travaill la sainte oeuvre de Dieu, comme il convient + des saints; rjouissez-vous donc dans le Seigneur. Assez long-temps +vous avez t contrists par le monde. Regardez et levez la tte, votre +rdemption approche. Je vous canoniserai comme de fidles membres de +Christ; que faut-il de plus votre gloire? (15 septembre 1530.) + + + [a15] Page 19, ligne 15.--_J'aurais voulu tre la victime + sacrifie par ce dernier concile, comme Jean Huss..._ + +Plaise Dieu que nous soyons dignes d'tre brls ou gorgs par lui +(par le pape.) Cependant si nous ne mritons pas de rendre tmoignage +par notre sang, implorons du moins Dieu pour qu'il nous accorde cette +grce de tmoigner par notre vie et nos paroles que Jsus-Christ est +seul notre Seigneur, et que nous l'adorerons dans tous les sicles des +sicles. Amen. (T. II des oeuvres latines, p. 270.) + + + [a16] Page 19, ligne 19.--_La profession de foi des + protestans..._ + +A la dite d'Augsbourg, le duc Guillaume de Bavire, qui tait fort +oppos la doctrine vanglique, ayant dit au docteur Eck: Peut-on +renverser cette opinion par l'criture sainte? Non, dit-il, mais par +les Pres. L'vque de Mayence se mit dire: Voyez! nos thologiens +nous dfendent joliment! Les luthriens montrent leur opinion dans +l'criture, et nous la ntre hors de l'criture. Le mme vque disait +alors: Les luthriens ont un article auquel on ne peut contredire, +quand mme tous les autres ne vaudraient rien; c'est celui du mariage. +(Tischreden, p. 99.) + + + [a17] Page 20, ligne 10.--_L'archevque de Mayence est trs + port pour la paix..._ + +Luther, pour l'exhorter montrer des sentimens pacifiques, lui avait +crit une lettre qui se terminait ainsi: Je ne puis cesser de penser +la pauvre Allemagne, si malheureuse, si abandonne, si mprise, vendue + tant de tratres en mme temps. C'est ma chre patrie; je dsirerais +tant la voir heureuse! (6 juillet 1530, de Cobourg.) + + + [a18] Page 21, ligne 7.--_Si l'Empereur veut faire un dit, + qu'il le fasse; aprs Worms aussi il en fit un..._ + +Luther a conscience de sa force. Si j'tais tu par les papistes, +ma mort protgerait nos descendans, et ces btes froces en seraient +peut-tre plus cruellement punies que je ne voudrais moi-mme. Car, il +y a quelqu'un qui dira un jour: _O est ton frre Abel?_ Et celui-l +les marquera au front, et ils erreront fugitifs par toute la terre... +Notre race est maintenant sous la protection du Seigneur, puisqu'il est +crit: Je ferai misricorde jusqu' la millime gnration ceux qui +m'ont aim. Et moi je crois ces paroles. (30 juin 1530.) + +Si j'tais tu dans une meute papiste, j'emmnerais ma suite +un grand nombre d'vques, de prtres, de moines, si bien que tous +diraient: Le docteur Martin Luther est conduit au spulcre avec une +grande procession; certes, c'est un grand docteur, au-dessus de tous +vques, prtres, moines; aussi faut-il qu' son enterrement, ils +aillent avec lui, tendus sur le dos. C'est ainsi que nous ferions +ensemble notre dernier voyage. (1531. Cochlus, p. 211. Extrait du +livre de Luther intitul: _Avis aux Allemands_.) + +Les catholiques, lui disait-on, vous reprochent plusieurs fausses +interprtations dans votre traduction de l'criture. Il rpondit: Ils +ont encore de trop longues oreilles, et leur _hihan! hihan!_ est trop +faible pour juger une traduction du latin en allemand... Dis-leur que +le docteur Martin Luther veut qu'il en soit ainsi, et qu'un papiste et +un ne c'est la mme chose. + + _Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas._ + +(Passage cit par Cochlus, 201, verso.) + + + [a19] Page 21, ligne 15.--_Qu'ils nous rendent Lonard + Keiser..._ + +Non-seulement le titre de roi, mais celui de Csar lui est bien +mrit, puisqu'il a vaincu celui dont le pouvoir ne trouve point +d'gal sur la terre. Ce n'est pas seulement un prtre, c'est un +souverain pontife et un vritable pape, celui qui a offert ainsi son +corps en sacrifice Dieu. Avec juste raison l'appelait-on Lonhard, +c'est--dire force du lion; c'tait un lion fort et intrpide. (22 +octobre 1527.) + +_A Hausmann._ Je pense que tu auras vu l'histoire de Gaspard Tauber, +le nouveau martyr de Vienne, qui a t dcapit et brl dans cette +ville pour la parole de Dieu. Il en est arriv autant un libraire de +Bude, en Hongrie, qu'on a brl au milieu de ses livres. (12 novembre +1524.) + +Il y avait Vienne des partisans de la nouvelle doctrine. +Lorsqu'aprs la dite d'Augsbourg le cardinal Campeggio entra dans +la ville avec le roi Ferdinand, on habilla un petit homme de bois en +cardinal, on lui attacha au cou des indulgences et le sceau du pape, et +on le mit sur un chien qui avait la queue une vessie de porc pleine +de pois. On fit courir ce chien travers toutes les rues. (Tischr., +p. 251.) + + + [a20] Page 21, ligne 16.--_Qu'ils nous rendent Keiser et tant + d'autres qu'ils ont fait injustement mourir..._ + +Si l'on en croyait Cochlus, Luther se serait montr perscuteur son +tour. En 1532, un luthrien s'tant loign de ses opinions, Luther le +fit enlever et conduire Wittemberg, o il fut emprisonn; un procs +fut commenc. Comme on ne trouva pas de charges suffisantes, il fallut +le relcher. Mais il fut toujours depuis sourdement perscut par les +luthriens. (Cochlus, p. 218.) + + + [a21] Page 22, ligne 22.--_On se prpare combattre..._ + +Cependant on craignait tant de part et d'autre l'issue de la lutte, +que, contre toute probabilit, la paix se maintint. J'admire ce +miracle de Dieu, que tant de menaces soient alles en fume. Tout le +monde en effet croyait qu'au printemps claterait en Allemagne une +guerre atroce. (juin 1531.) + +La crainte d'un nouveau soulvement des paysans contribuait +entretenir les intentions pacifiques des princes. Les paysans, crit +Luther, recommencent s'assembler. Une soixantaine d'entre eux ont +cherch surprendre la nuit le chteau de Hohenstein. Tu vois que +malgr la prsence de l'Empereur, il faut prendre des prcautions +contre cette rvolte; que serait-ce si les papistes commenaient la +guerre? (19 juillet 1530.) + + + [a22] Page 22, ligne 25.--_Luther fut accus d'avoir pouss les + protestans prendre cette attitude hostile..._ + +Bien loin de l, il avait ds 1529 dissuad l'lecteur d'entrer dans +aucune ligue dirige contre l'Empereur... Nous ne saurions approuver +une pareille alliance; s'il en rsultait quelque malheur, peut-tre +mme la guerre ouverte, tout retomberait sur notre conscience, et nous +aimerions mieux tre dix fois morts que d'avoir nous reprocher du +sang vers pour l'vangile. Nous sommes ceux qui devons souffrir, comme +dit le prophte, ceux qui ne doivent pas se venger eux-mmes, mais +tout remettre entre les mains de Dieu... Je supplie donc humblement +votre Grce lectorale de ne pas se laisser abattre par ce danger. +Nous allons lever nos prires Dieu; mais nos mains doivent rester +pures de sang et de crime. S'il arrivait (contre mon opinion) que +l'Empereur allt jusqu' me rclamer moi ou mes amis, nous irions, +sous la protection de Dieu, comparatre devant lui, plutt que de +causer prjudice votre Grce lectorale, comme je l'ai plusieurs +fois dclar votre auguste frre, feu l'lecteur Frdric.... (18 +novembre 1529.) + + + [a23] Page 22, ligne 28.--_Rsistance l'Empereur..._ + +Dans le livre des _Propos de table_ (p. 397, verso et suiv.) Luther +parle plus explicitement: Ce n'est point pour la religion que l'on +combattra. L'Empereur a pris les vchs d'Utrecht et de Lige; il a +offert au duc de Brunswick de lui laisser prendre Hildesheim. Il est +affam et altr des biens ecclsiastiques; il les dvore. Nos princes +ne le souffriront pas; ils voudront manger avec lui. Alors on en +viendra se prendre aux bonnets. (1530.) + +J'ai souvent t interrog par mon gracieux seigneur, sur la question +de savoir ce que je ferais si un voleur de grand chemin, un meurtrier, +venait m'attaquer. Je rsisterais, dans l'intrt du prince dont je +suis sujet et serviteur; je puis tuer le voleur, mettre le couteau +sur lui, et mme ensuite recevoir les sacremens. Mais si c'est pour +la parole de Dieu, et comme prdicateur, que l'on m'attaque, je dois +souffrir et recommander la vengeance Dieu. Aussi je ne prends point +de couteau en chaire, mais sur la route. Les anabaptistes sont des +coquins dsesprs, ils ne portent aucune arme et se vantent d'une +grande patience. + +(1536.) Comme je parlais pour la paix, le landgrave de Hesse me +disait: Seigneur docteur, vous conseillez trs bien; mais quoi? Si nous +ne suivons pas vos conseils? + +(1539.) Luther rpond sur la question du droit de rsistance que, +selon le droit public, le droit naturel et la raison, la rsistance + l'autorit injuste est permise. Il n'y a de difficult que dans le +domaine de la thologie. + +La question n'et pas t difficile rsoudre au temps des aptres, +car toutes les autorits taient alors paennes et non chrtiennes. +Mais maintenant que tous les princes sont chrtiens ou prtendent +l'tre, il est difficile de conclure, car un prince et un chrtien sont +les plus proches parens.--Qu'un chrtien puisse se dfendre contre +l'autorit, il y a l matire de grandes rflexions.--... Au fond, +c'est au pape que j'arrache l'pe, et non l'Empereur. + +Il rsume ainsi lui-mme les argumens qu'il et pu adresser aux +Allemands, s'il et fait une exhortation la rsistance: + +1. L'Empereur n'a ni droit ni puissance pour ordonner cela; c'est +chose certaine, s'il l'ordonne, on ne doit point lui obir. 2. Ce +n'est pas moi qui excite le trouble, je l'empche et je m'y oppose. +Qu'ils voient s'ils n'en sont pas les auteurs, lorsqu'ils ordonnent ce +qui est contre Dieu. 3. Ne badinez pas tant. Si vous faites boire le +fou (narren Luprian), prenez garde qu'il ne vous crache au visage. Il +est, d'ailleurs, assez altr, et ne demande pas mieux que de boire +son sol. 4. Eh bien! vous voulez combattre; courbez vos ttes pour +recevoir la bndiction. Ayez bon succs! Dieu vous donne joyeuse +victoire! Moi, docteur Martin Luther, votre aptre, je vous ai parl, +je vous ai avertis, comme c'tait mon devoir! + +Il dit encore ailleurs: Vous mprisez ma doctrine. Vous voulez prendre +le Luther dans ses paroles, comme faisaient les Pharisiens au Christ. +Mais si je voulais (je ne le veux point), j'aurais une glose pour +vous embarrasser; je dirais que cette rsistance n'est point contre +l'Empereur, mais contre Dieu. D'un autre ct: qu'un politique, un +citoyen, un sujet, n'est pas un chrtien, que ce n'a pas t la pense +de Christ de dtruire les droits, la police et le gouvernement du +monde. Rends Dieu ce qui est Dieu, et Csar ce qui est Csar. +N'obis point dans ce qui est contre Dieu et sa parole. + +Je condamne la rvolte au pril de mon corps, de ma vie, de mon +honneur et de mes biens. Je voudrais bien vous arrter et vous retenir. +Si vous commencez, je me tairai et prirai avec vous. Vous irez en +enfer au nom de tous les diables, et moi au ciel au nom du Christ. Ils +veulent abuser de notre doctrine, mais ils verront du moins qu'elle +n'est point errone en soi. + +... Tuer un tyran n'est pas chose permise l'homme qui n'est dans +aucune fonction publique, car le cinquime commandement dit: Tu ne +dois pas tuer. Mais si je surprends un homme prs de ma femme ou de +ma fille, quoiqu'il ne soit point un tyran, je pourrai fort bien le +tuer. _Item_, s'il prend par force celui-ci sa femme, l'autre sa +fille, au troisime ses terres et ses biens, que les bourgeois et +sujets s'assemblent, ne sachant plus comment supporter sa violence et +sa tyrannie, ils pourront le tuer, comme tout autre meurtrier ou voleur +de grand chemin. (Tischr., p. 397, verso, sqq.) + +Le bon et vraiment noble seigneur Gaspard de Kokritz m'a demand, mon +cher Jean, que je t'crivisse mon jugement sur le cas o Csar voudrait +faire la guerre nos princes, au sujet de l'vangile. Serait-il alors +permis aux ntres de rsister et de se dfendre? J'avais dj crit +mon opinion sur ce sujet, du vivant du duc Jean. Aujourd'hui il est un +peu tard pour me demander mon avis, puisqu'il a t dcid parmi les +princes qu'ils peuvent et veulent rsister et se dfendre, et qu'on +ne s'en tiendra pas mon dire... Ne fortifie pas le bras des impies +contre nos princes; laisse le champ libre la colre et au jugement de +Dieu; ils l'ont cherch jusqu' ce jour avec fureur, avec rire et avec +joie. Cependant intimide les ntres par cet exemple, que les Machabes +ne suivirent pas ceux qui voulaient se dfendre contre Antiochus, mais +que dans la simplicit de leur coeur ils se laissrent plutt tuer. +(8 fvrier 1539.) + +Dans son livre _De seculari potestate_, ddi au duc de Saxe, il dit: +En Misnie, en Bavire et en d'autres lieux, les tyrans ont promulgu +un dit pour qu'on ait livrer partout aux magistrats les Nouveaux +Testamens. Si les sujets obissent l'dit, ce n'est pas un livre, +qu'ils remettent au pril de leur salut, c'est Christ lui-mme qu'ils +livrent aux mains d'Hrode. Cependant, si on veut les enlever par +la violence, il faut le souffrir; on ne doit point rsister la +tmrit.--Les princes sont du monde, et le monde est ennemi de Dieu. + +On ne doit pas obir Csar s'il veut faire la guerre notre parti. +Le Turc n'attaque pas son Alcoran, l'Empereur ne doit pas davantage +attaquer son vangile. (Cochlus, p. 210.) + + + [a24] Page 22, ligne 30.--_Voici mon avis..._ + +L'lecteur avait demand Luther s'il serait permis de rsister +l'Empereur les armes la main. Luther rpondit ngativement, en +ajoutant seulement: Si cependant l'Empereur, non content d'tre +le matre des tats des princes, allait jusqu' exiger d'eux de +perscuter, de mettre mort, ou de chasser leurs sujets pour la +cause de l'vangile, les princes convaincus que ce serait agir contre +la volont de Dieu, devront lui refuser l'obissance; autrement ils +violeraient leur foi et se rendraient complices du crime. Il suffit +qu'ils laissent faire l'Empereur, qui aura en rendre compte, et +qu'ils ne dfendent pas leurs sujets contre lui. Plus loin il dit, +en parlant de la guerre civile: Quel carnage et quelles lamentations +couvriraient alors la terre allemande! Un prince devrait mieux aimer +perdre trois fois ses tats, ou mourir trois fois, que d'tre la cause +de si horribles bouleversemens, ou seulement d'y consentir. Quelle +conscience pourrait le supporter! Le diable verrait cela avec plaisir; +Dieu veuille nous en prserver jamais! (6 mars 1530.) + + + [a25] Page 26, ligne 8.--_Que l'on m'accuse ou non d'tre trop + violent..._ + +L'lecteur avait rprimand Luther au sujet de deux crits +(_Avertissement ses chers Allemands_, et _Gloses sur le prtendu +dit imprial_) qu'il trouvait trop violens. Luther lui rpondit +(16 avril 1531) qu'il n'avait fait que repousser les attaques plus +violentes encore de ses ennemis, et qu'il serait injuste de lui imposer +silence lorsqu'on laissait tout dire ses adversaires... Il m'a +t impossible de me taire plus long-temps dans cette affaire qui me +concerne plus que tout autre. Si je gardais le silence devant une telle +condamnation publique de ma doctrine, ne serait-ce pas l'abandonner, la +renier? Plutt que de le souffrir, je braverais la colre de tous les +diables, celle du monde entier, sans parler de celle des conseillers +impriaux.--On dit que mes deux crits sont tranchans et bien affils; +l'on a raison: je ne les ai pas non plus faits pour tre doux; le seul +regret que j'aie c'est qu'ils ne soient pas plus tranchans encore. Si +l'on considre la violence de mes adversaires, l'on sera forc d'avouer +que j'ai t trop bnin... Tout le monde crie contre nous; l'on +vocifre les calomnies les plus odieuses; et moi, pauvre homme, j'lve +la voix mon tour, et voil que personne n'aura cri que Luther... En +somme, tout ce que nous disons et faisons est injuste, quand mme nous +ressusciterions les morts; tout ce qu'ils font, eux, est juste, quand +mme ils noieraient l'Allemagne dans les larmes et dans le sang. + + + [a26] Page 26, ligne 16.--_Eh bien! puisqu'ils sont + incorrigibles..... je romps avec eux._ ... + +Toujours jusqu' prsent (1534), particulirement la dite +d'Augsbourg, nous avons humblement offert au pape et aux vques de +recevoir d'eux la conscration et l'autorit spirituelle, et de les +aider conserver ce droit; ils nous ont toujours repousss. Et s'il +arrive un jour, pour la conscration sacerdotale, ce qui est arriv +pour les indulgences, qui sera la faute. J'ai offert aussi de me +taire sur les indulgences si l'on voulait se taire sur ce que j'avais +crit; ils n'ont pas voulu, et aujourd'hui il n'y a plus assez de +mpris par tout le monde pour les indulgences; indulgences, lettres +papales, sceaux briss gisent terre. Ainsi disparatra le pouvoir de +consacrer et le chrme et les tonsures, de sorte qu'on ne reconnatra +plus o est l'vque, o est le prtre. (Cochlus, p. 245, extrait du +_De angulari miss_, Luth., op. lat., VII, p. 220.) + + + [a27] Page 28, ligne 3.--_Anabaptistes._ + +Il y avait dj long-temps qu'ils remuaient en Allemagne. Nous avons +ici une nouvelle espce de prophtes, venus d'Anvers, qui prtendent +que l'Esprit saint n'est autre chose que le gnie et la raison +naturelle. (27 mars 1525.) + +Il n'y a rien de nouveau, sinon que l'on dit que les anabaptistes +augmentent et se rpandent de tous cts. (28 dcembre 1527.) + +La nouvelle secte des anabaptistes fait d'tonnans progrs; ce sont +des gens qui mnent une vie d'excellente apparence, et qui meurent avec +grande audace par l'eau ou par le feu. (31 dcembre 1527.) + +Il y a beaucoup de troubles en Bavire.... il ne me semble pas +propos que tu les livres aux magistrats; ils se livreront eux-mmes, et +alors le conseil les bannira de la ville. Je vois partout la tradition +de Mnzer, sur la perdition future des impies et le rgne des justes +sur la terre. C'est ce que prophtise Cellarius dans un livre qu'il +vient de publier; cet esprit est un esprit de rvolte. (27 janvier +1528.) + +Le 12 mai 1528 il crit Link: Tu as vu, je pense, mon +_Antischwermerum_ et ma dissertation sur la bigamie des vques. Le +courage des anabaptistes mourans, ressemble celui des donatistes +dont parle Augustin, ou la fureur des juifs dans Jrusalem dvaste. +Les saints martyrs, comme notre Lonard Keiser, meurent avec crainte, +humilit, et en priant pour leurs bourreaux; l'opinitret de ceux-ci +au contraire, lorsqu'ils vont la mort, semble augmenter avec +l'indignation de leurs ennemis. + + + [a28] Page 51, ligne 2.--_Excution..._ + +_Extrait d'un ancien livre de chant des anabaptistes._ Les paroles +d'Algrius sont des miracles: Ici, dit-il, les autres gmissent et +pleurent, et moi j'y ressens de la joie. Dans ma prison, l'arme du +ciel m'apparat; je ne sais combien de martyrs habitent avec moi tous +les jours. Dans la joie, dans les dlices, dans l'extase de la grce, +je vois le Seigneur sur son trne. + +Mais ta patrie, lui disaient-ils, tes amis, tes parens, ta profession, +peux-tu les quitter volontiers? Il dit aux envoys: Nul homme ne me +bannit de ma patrie; elle est aux pieds du trne cleste, l o mes +ennemis deviendront mes amis pour chanter le mme cantique. + +Mdecins, artistes, ouvriers, ne peuvent ici-bas russir; qui ne +reconnat la force de Dieu, n'a qu'une force aveugle. Les juges +furieux le menacrent du feu. Dans la puissance des flammes, dit +Algrius, vous reconnatrez la mienne. (Wunderhorn, t. I.) + + + [a29] Page 55.--_Fin du chapitre..._ + +Les passages suivans de Ruchat (Rformation de la Suisse), font bien +connatre le bizarre enthousiasme des anabaptistes. L'an 1529, neuf +anabaptistes furent saisis Ble, et mis en prison. On les fit venir +devant le snat, et on appela aussi les ministres pour confrer avec +eux. D'abord OEcolampade leur expliqua en deux mots le symbole des +aptres et celui de saint _Athanase_, et leur reprsenta que c'tait +l la vritable et indubitable foi chrtienne, que Jsus-Christ et ses +aptres avaient prche. Ensuite le bourgmeistre, Adelbert Meyer, dit +aux anabaptistes, qu'ils venaient d'entendre une bonne explication de +la foi chrtienne, et que, puisqu'ils se plaignaient des ministres, +ils devaient prsentement parler coeur ouvert et exposer hardiment +ce qui leur faisait de la peine. Mais il n'y en eut pas un seul qui +lui rpondt un mot, ils se contentrent de se regarder les uns les +autres. Alors le premier huissier de la chambre dit l'un d'eux, +qui tait tourneur de sa profession: D'o vient que tu ne parles +pas prsentement, aprs avoir tant jas ailleurs, dans la rue, dans +les boutiques, et dans la prison? Comme ils gardaient encore le +silence, Marc Hedelin, chef des tribus, s'adressa au principal de ces +gens-l, et lui dit: Que rponds-tu, frre, ce qui t'a t propos? +L'anabaptiste lui rpondit: Je ne vous reconnais point pour frre. +Comment? lui dit ce seigneur. Parce, dit l'autre, que vous n'tes +point chrtien. Amendez-vous premirement, corrigez-vous, et quittez la +magistrature. En quoi penses-tu donc, lui dit Hedelin, que je pche +tant? Vous le savez bien, lui rpondit l'anabaptiste. + +Le bourgmeistre prit la parole, lui ordonna de rpondre avec modestie +et avec douceur, et le pressa vivement de parler sur la question dont +il s'agissait. Sur quoi il rpondit: Qu'il ne croyait pas qu'un +chrtien pt tre dans une magistrature mondaine, parce que celui qui +combat avec l'pe, prira par l'pe: Que le baptme des enfans est du +diable, et une invention du pape; on doit baptiser les adultes, et non +les petits enfans, selon l'ordre de Jsus-Christ. + +OEcolampade entreprit de le rfuter, avec toute la douceur possible, +et de lui faire voir, que les passages qu'il avait cits, avaient un +autre sens, comme tous les anciens docteurs en faisaient foi. Mes +chers amis, dit-il, vous n'entendez pas l'criture sainte et vous +la maniez fort grossirement. Et comme il allait leur montrer le +vritable sens de ces passages, l'un d'entre eux, qui tait meunier, +l'interrompit, le traitant de sducteur, qui caquetait beaucoup, +et dit: Que ce qu'il avait l allgu contre eux, ne faisait rien +au sujet. Qu'ils avaient entre les mains la pure et propre parole +de Dieu, et qu'ils voulaient s'y attacher toute leur vie, que le +Saint-Esprit parlait maintenant par lui. Il s'excusait en mme temps +de ne pas parler loquemment, disant qu'il n'avait pas tudi, qu'il +n'avait t dans aucune universit, et que ds sa jeunesse il avait ha +la sagesse humaine, qui est pleine de tromperies. Qu'il connaissait +bien la ruse des scribes, qui cherchaient perptuellement offusquer +les yeux des simples. Aprs quoi il se mit crier et pleurer, +disant: Qu'aprs avoir ou la parole de Dieu, il avait renonc sa +vie drgle; et que maintenant que par le baptme il avait reu le +pardon de ses pchs, il tait perscut de chacun, au lieu que dans +le temps qu'il tait plong dans toutes sortes de vices, personne ne +l'avait chti, ni mis en prison, comme on faisait prsentement. Qu'on +l'avait enferm dans la tour, comme un meurtrier; quel tait donc son +crime? etc. La confrence ayant dur jusqu' l'heure du dner, le snat +se leva. + +Aprs dner, le snat s'tant rassembl, les ministres entrrent en +confrence avec les anabaptistes, au sujet de la magistrature. Et +comme l'un d'eux eut donn des rponses assez satisfaisantes sur les +questions qu'on lui avait proposes, cela fit chagrin aux autres, +de ce qu'il n'tait pas ferme dans leur doctrine. C'est pourquoi +ils l'interrompirent. Laisse-nous parler, lui dirent-ils, nous qui +entendons mieux l'criture; nous pourrons mieux rpondre sur ces +articles, que toi, qui es encore un novice, et qui n'es pas capable de +dfendre notre foi contre les renards. Alors le tourneur entrant en +dispute, soutint que saint Paul (_Rom. XIII_) parlant des puissances +suprieures, n'entend point les magistrats, mais les suprieurs +ecclsiastiques. OEcolampade lui nia cela, et lui demanda en quel +endroit de la Bible il le trouvait, et comment il le prouverait? +L'autre lui dit: Feuilletez aussi tout l'Ancien et le Nouveau +Testament, et vous y trouverez que vous devez recevoir une pension; +vous avez meilleur temps que moi, qui suis oblig de me nourrir du +travail de mes mains, pour n'tre charge personne. Cette saillie +fit un peu rire les assistans. OEcolampade leur dit: Messieurs, il +n'est pas temps maintenant de rire: si je reois de l'glise mon +entretien et ma nourriture, je puis prouver par l'criture, que cela +est raisonnable: ainsi ce sont l des discours sditieux. Priez plutt +pour la gloire du Seigneur, afin que Dieu amollisse leurs coeurs +endurcis et les claire. + +Aprs plusieurs autres discours, comme le temps de se lever +approchait, il y en eut un, qui n'avait rien dit de tout le jour, +qui se mit hurler et pleurer. Le dernier jour est la porte, +disait-il, amendez-vous, la cogne est dj mise l'arbre; ne +noircissez donc pas notre doctrine sur le baptme. Je vous en prie, +pour l'amour de Jsus-Christ, ne perscutez pas les gens de bien. +Certainement le juste juge viendra bientt, et fera prir tous les +mchans. + +Le bourgmeistre l'interrompit pour lui dire qu'on n'avait pas besoin +de cette lamentation; qu'il devait raisonner sur les articles dont il +tait question. Il voulut continuer sur le mme ton, mais on ne le lui +permit pas. Enfin le bourgmeistre justifia la conduite du snat, +l'gard des anabaptistes: il reprsenta qu'on les avait arrts, non +pas cause de l'vangile, ni cause de leur bonne conduite, mais +cause de leurs drglemens, de leur parjure et de leur sdition. Que +l'un d'eux avait commis un meurtre; un autre avait enseign qu'on ne +doit point payer les dmes: un troisime avait excit des troubles, +etc. Que c'tait pour ces crimes qu'on les avait saisis, jusqu' ce +qu'on et dcid quel traitement on leur ferait, etc. + +Dans ce moment, l'un d'entre eux se mit crier: Mes frres, ne +rsistez point au mchant. Quand mme l'ennemi serait devant votre +porte, ne la fermez pas. Laissez-les venir, ils ne peuvent rien faire +contre nous, sans la volont du Pre, puisque nos cheveux sont compts. +Je dis bien plus: il ne faut pas mme rsister un brigand dans un +bois. Ne croyez-vous pas que Dieu ait soin de vous? On lui imposa +silence. (Ruchat, _Rforme suisse_, II, p. 498.) + +_Autre dispute._--Le ministre zwinglien leur parla amiablement et +avec douceur, leur remontrant que, s'ils enseignaient la vrit, ils +avaient tort de se sparer de l'glise, et de prcher dans les bois, +et dans d'autres lieux carts. Ensuite il leur exposa en peu de mots +la doctrine de l'glise. Un des anabaptistes l'interrompit, pour lui +dire: Nous avons reu le Saint-Esprit par le baptme, nous n'avons +pas besoin d'instruction. Un des seigneurs dputs leur dit: Nous +avons ordre de vous dire, qu'on veut bien vous laisser aller sans autre +chtiment, pourvu que vous quittiez le pays et que vous promettiez +de n'y plus revenir, moins que vous ne vous amendiez. L'un des +anabaptistes lui rpondit: Quel ordre est-ce-l? le magistrat n'est +point matre de la terre pour nous ordonner de sortir ou d'aller +ailleurs. Dieu a dit: Habite le pays. Je veux obir ce commandement, +et demeurer dans le pays o je suis n, o j'ai t lev, et personne +n'a le droit de s'y opposer. Mais on lui fit bientt prouver le +contraire. (Ruchat, t. III, p. 102.) + +On vit Ble un anabaptiste nomm _Conrad in Gassen_, qui profrait +des blasphmes tranges, par exemple: Que Jsus-Christ n'tait point +notre Rdempteur; qu'il n'tait point Dieu, et qu'il n'tait point +n d'une Vierge. Il ne faisait aucun cas de la prire, et comme on +lui reprsentait que Jsus-Christ avait pri sur la montagne des +Oliviers, il rpondait avec une brutale insolence: Qui est-ce qui l'a +ou? Comme il tait incorrigible, il fut condamn avoir la tte +tranche.--Cet impie fanatique me fait souvenir d'un autre de nos +jours, qui a sduit certaines personnes de notre voisinage, il y a +quelques annes, en leur persuadant qu'il ne fallait user ni de pain +ni de vin. Et comme on lui objectait un jour Genve, que le premier +miracle de Jsus-Christ avait t de changer l'eau en vin, il rpondit: +Que Jsus-Christ tait encore jeune dans ce temps-l, et que c'tait +une petite faute qu'il fallait lui pardonner. (Ruchat, _Rforme +suisse_, t. III, p. 104.) + +La Rforme, ne dans la Saxe, avait promptement gagn les bords du +Rhin, et tait alle, remontant le fleuve, s'associer dans la Suisse au +rationalisme vaudois; elle osa mme passer dans la catholique Italie. +Mlanchton, qui entretenait correspondance habituelle avec Bembo et +Sadolet, tous deux secrtaires apostoliques, fut d'abord beaucoup plus +connu que Luther des rudits italiens. C'est lui qu'on rapportait la +gloire des premires attaques contre Rome. Mais la rputation de Luther +grandissant avec l'importance de sa rforme, il apparut bientt aux +Italiens comme le chef du parti protestant. C'est ce titre qu'Altieri +lui crit en 1542 au nom des glises protestantes du nord-est de +l'Italie: + +Au trs excellent et trs intgre docteur et matre dans les saintes +critures, le seigneur Martin Luther, notre chef (princeps) et notre +frre en Christ, les frres de l'glise de Venise, Vicence et Trvise. + +Nous avouons humblement notre faute et notre ingratitude, pour avoir +tard si long-temps reconnatre ce que nous te devions toi qui nous +as ouvert la voie du salut... Nous sommes exposs toute la rage de +l'Antichrist, et sa cruaut augmente de jour en jour contre les lus +de Dieu... Errans, disperss, nous attendons que vienne le fort du +Seigneur... Vous que Dieu a plac la garde de son troupeau, jusqu' +sa venue, veillez, nous vous en supplions, chassez les loups qui nous +dvorent... Sollicitez les srnissimes princes de l'Allemagne qui +suivent l'vangile, d'crire pour nous au snat de Venise, afin de +modrer et de suspendre les mesures violentes que l'on prend contre le +troupeau du Seigneur, la suggestion des ministres du pape.... Vous +savez quel accroissement ont pris ici vos glises; combien est large +la porte ouverte l'vangile... travaillez donc encore pour la cause +commune. (Seckendorf, lib. III, p. 401.) + +Charles-Quint contribua lui-mme rpandre dans la pninsule le nom et +les doctrines de Luther, en appelant sans cesse dans cette contre de +nouvelles bandes de landsknechts, parmi lesquels se trouvaient beaucoup +de protestans. On sait que George Frundsberg, le chef des troupes +allemandes du conntable de Bourbon, jurait d'trangler le pape avec la +chane d'or qu'il portait au cou.--L'auteur d'une histoire luthrienne +rapporte qu'un de ces Allemands se vantait de manger bientt un morceau +du pape (_ut ex corpore pap frustum devoret_). Il ajoute qu'aprs +la prise de Rome plusieurs hommes d'armes changrent une chapelle en +curie, et firent des bulles du pape une litire pour leurs chevaux, +puis, se revtant d'habits sacerdotaux, ils proclamrent pape un +landsknecht qui, dans son consistoire, dclara faire abandon de la +papaut Luther. (Cochlus, p. 156).--Luther fut mme solennellement +proclam. Un certain nombre de soldats allemands s'assemblrent un +jour dans les rues de Rome, monts sur des chevaux et des mules. Un +d'eux, nomm Grunwald, remarquable par sa taille, s'habilla comme le +pape, se mit sur la tte une triple couronne, et monta sur une mule +richement caparaonne; d'autres s'taient habills en cardinaux, avec +une mitre sur la tte, et vtus d'carlate ou de blanc, suivant les +personnages qu'ils reprsentaient. Ils se mirent ainsi en marche au +bruit des tambours et des fifres, entours d'une foule innombrable, +et avec toute la pompe usite dans les processions pontificales. +Lorsqu'ils passaient devant quelques maisons o se trouvait un +cardinal, Grunwald bnissait le peuple. Il descendit ensuite de sa +mule, et les soldats, le plaant sur un sige, le portrent sur leurs +paules. Arriv au chteau Saint-Ange, il prend alors une large coupe +et boit la sant de Clment, et ceux qui l'environnent suivent son +exemple. Il prte ensuite serment ses cardinaux, et ajoute qu'il les +engage rendre hommage l'Empereur comme leur lgitime et unique +souverain; il leur fait promettre qu'ils ne troubleront plus la paix +de l'Empire par leurs intrigues, mais que, suivant les prceptes de +l'criture et l'exemple de Jsus-Christ et des aptres, ils demeureront +soumis au pouvoir civil. Aprs une harangue dans laquelle il rcapitula +les guerres, les parricides et les sacrilges des papes, le prtendu +pontife promit solennellement de transfrer, par voie de testament, +son autorit et sa puissance Martin Luther. Lui seul, disait-il, +pouvait abolir tous ces abus et rparer la barque de saint Pierre, de +sorte qu'elle ne ft plus le jouet des vents et des flots. levant +alors la voix, il dit aux assistans: Que tous ceux qui sont de cet +avis, le fassent connatre en levant la main. Aussitt la multitude +des soldats leva la main en s'criant: _Vive le pape Luther!_ Toute +cette scne se passait sous les yeux de Clment VII. (Macree, Rf. en +Italie, p. 66-7.) + +Les ouvrages de Zwingli tant crits en langue latine, circulaient plus +facilement en Italie que ceux des rformateurs du nord de l'Allemagne, +qui n'crivaient point toujours dans la langue savante et universelle. +Cette circonstance est sans doute une des causes du caractre que prit +la rforme italienne, particulirement dans l'acadmie de Vicence, +o naquit le socinianisme. Cependant les livres de Luther passrent +de bonne heure les Alpes. Le 14 fvrier 1519, le premier magistrat +lui crit: Blaise Salmonius, libraire de Leipzig, m'a prsent +quelques-uns de vos traits; comme ils ont eu l'approbation des +savans, je les ai livrs l'impression, et j'en ai envoy six cents +exemplaires en France et en Espagne. Ils se vendent Paris, et mes +amis m'assurent que mme, dans la Sorbonne, il y a des gens qui les +lisent et les approuvent. Des savans de ce pays dsiraient aussi depuis +long-temps voir traiter la thologie avec indpendance. Calvi, libraire +de Pavie, s'est charg de faire passer une grande partie de l'dition +en Italie. Il nous promet mme un envoi de toutes les pigrammes +composes en votre honneur par les savans de son pays. Telle est la +faveur que votre courage et votre habilet ont attire sur vous et sur +la cause de Christ. + +Le 19 septembre 1520, Burchard Schenk crit de Venise Spalatin: +J'ai lu ce que vous me mandez du seigneur Martin Luther; il y a dj +long-temps que sa rputation est arrive jusqu' nous, mais on dit par +la ville qu'il se garde du pape! Il y a deux mois, dix de ses livres +furent apports dans notre ville, et aussitt vendus... Que Dieu le +conduise dans la voie de la vrit et de la charit. (Seckendorf, p. +115.) + +Quelques ouvrages de Luther pntrrent mme dans Rome, et jusque +dans le Vatican, sous la sauve-garde de quelque pieux personnage +dont le nom remplaait en tte du livre celui de l'auteur hrtique. +C'est ainsi que plusieurs cardinaux eurent se repentir d'avoir lou +hautement le _Commentaire sur l'ptre aux Romains_, et le _Trait sur +la justification_ d'un certain cardinal Fregoso, qui n'tait autre que +Luther. Il en advint de mme pour les _Lieux communs_ de Mlanchton. +(Maccree, Rforme italienne, p. 39.) + +Je m'occupe, dit Bucer dans une lettre Zwingli, d'une interprtation +des psaumes. Les instances de nos frres de la France et de l'Allemagne +intrieure, me dcident les publier sous un nom tranger, afin +que les libraires puissent les vendre. Car c'est un crime capital +d'introduire dans ces deux pays des livres qui portent nos noms. Je me +donnerai donc pour un Franais, et je ferai paratre mon livre sous le +nom d'Aretius Felinus.--Il ddia ce livre au Dauphin. (Lugduni +iii idus julii anno MDXXIX.) + + + [a30] Page 56, ligne 5.--_Les catholiques et les protestans + runis un instant contre les anabaptistes..._ + +Pour repousser les reproches des catholiques qui attribuaient aux +prdicateurs protestans la rvolte des anabaptistes, les Rforms +de toutes les sectes cherchrent encore une fois se runir. Une +confrence eut lieu Wittemberg (1536). Bucer, Capiton et plusieurs +autres s'y rendirent au mois de mai, pour confrer avec les thologiens +saxons. La confrence dura du 22 au 25, jour o fut signe la _Formule +de concorde_ rdige par Mlanchton. Le 28, Luther et Bucer prchrent + Wittemberg, et proclamrent l'union qui venait de se conclure entre +les deux partis. (Ukert, I, 307.) + +Avant de signer la formule de concorde, Luther voulut qu'elle ft +approuve explicitement par les rforms de la Suisse, de peur, +dit-il, que par des rticences, cette _Concorde_ ne donne lieu dans la +suite des discordes encore plus fcheuses. (janvier 1535.) Cette +approbation fut donne. Les Suisses, crit-il au duc Albert de Prusse, +les Suisses, qui jusqu'ici n'taient pas d'accord avec nous sur la +question du saint Sacrement, sont en bon chemin; Dieu veuille ne pas +nous abandonner! Ble, Strasbourg, Augsbourg, Berne et plusieurs autres +villes, se sont ranges de notre ct. Nous les recevons comme frres, +et nous esprons que Dieu finira le scandale, non pas cause de nous, +car nous ne l'avons pas mrit, mais pour glorifier son nom et faire +dpit cet abominable pape. La nouvelle a beaucoup effray ceux de +Rome. Ils sont dans la terreur et n'osent assembler un concile. (6 mai +1538.) + +Dans le mme temps, des ngociations taient entames avec Henri, +duc de Brunswick, pour le rattacher aux doctrines luthriennes, mais +elles restrent sans rsultat.--Le 23 octobre 1539, Luther crivit + l'lecteur pour lui annoncer que les ngociations avec les envoys +du roi d'Angleterre taient galement infructueuses. La lettre est +signe de Luther, de Mlanchton, et de plusieurs autres thologiens de +Wittemberg. + + + [a31] Page 57, ligne 25.--_Les armes seules pouvaient + dcider..._ + +Le docteur Jean Pommer m'a dit une fois qu' Lubeck, dans la maison +de ville, on avait trouv dans une vieille chronique, une prophtie +d'aprs laquelle en l'an 1550, il s'lverait dans l'Allemagne un grand +tumulte cause de la religion; et que, lorsque l'Empereur s'en serait +ml, il perdrait tout ce qu'il avait. Mais je ne crois point que +l'Empereur commence la guerre pour la cause du pape; la guerre cote +trop d'argent. + +L'diteur Aurifaber ajoute que Charles-Quint, dans sa retraite de +Saint-Just, avait fait tendre les murs d'une vingtaine de tapisseries +qui reprsentaient les principales actions de son rgne; qu'il aimait + se promener en les regardant, et que, lorsqu'il s'arrtait devant +celle qui reprsentait la prise de l'lecteur de Saxe Muhlberg, il +soupirait et disait: Si je l'eusse laiss tel qu'il tait, je serais +rest tel que j'tais. (Tischred., p. 6.)--Ce mot que l'diteur a +l'air de ne pas comprendre, peut-tre dessein, est fort raisonnable; +car rien ne fut plus funeste Charles-Quint que d'avoir donn +l'lectorat au jeune Maurice. + + + [a32] Page 58, ligne 7.--_Ratisbonne..._ + +Je veux devancer tes lettres et te prdire ce qui se passe +Ratisbonne mme. Tu as t appel par l'Empereur, il t'a dit de songer +aux conditions de la paix. Toi, tu lui as rpondu en latin, tu as +fait tout ce que tu as pu, mais tu es rest au-dessous d'un si grand +sujet. Eck, selon son habitude, a vocifr: Trs gracieux Empereur, je +prtends prouver que nous avons raison et que le pape est la tte de +l'glise. Voil votre histoire. (25 juin 1541.) + + + [a33] Page 59, ligne 3.--_Notre prince... accourut avec + Pontanus et tous deux arrangrent la rponse leur faon..._ + +La cour cherchait exercer une sorte de contrle, de haute +surveillance sur les ouvrages mme de Luther. En 1531, il avait crit +un livre intitul: _Contre l'hypocrite de Dresde_, sans en avoir fait +part l'lecteur; il lui fallut s'en excuser auprs du chancelier +Brck. + +... Si mes petits ouvrages, dit-il, taient envoys la cour, avant +de paratre, ils y rencontreraient tant de critiques et de censures +qu'ils ne paratraient jamais, et, s'ils paraissaient, nos ennemis +souponneraient chaque fois une foule de gens d'y avoir pris part. +De cette manire, l'on sait et l'on voit qu'ils sont tout uniment de +Luther; et c'est lui seul de s'en justifier. + +Dans une autre circonstance plus srieuse, il eut encore lutter +contre l'intervention de la cour. Albert, archevque de Mayence, avait +fait mettre mort l'un de ses officiers, nomm Schanz, contrairement +aux lois, et en croire la voix publique, par haine personnelle. +Luther lui adressa cette occasion deux lettres pleines d'indignation. +Il commenait ainsi la premire (31 juillet 1535): Je ne vous cris +plus, cardinal, dans l'espoir de changer votre coeur profondment +perverti. C'est une pense laquelle j'ai renonc. Je vous cris +pour satisfaire ma conscience devant Dieu et les hommes, et ne +pas approuver, par mon silence, l'acte horrible que vous venez de +commettre. Dans ce qui suit, il l'appelle cardinal d'enfer, et le +menace du bourreau ternel qui viendra lui demander compte du sang +vers. Dans la seconde lettre (mars 1536), il dit: L'crit ci-joint +vous fera voir que le sang de Schanz ne se tait pas en Allemagne comme +dans les appartemens de votre Grce lectorale, au milieu de vos +courtisans. Abel vit en Dieu et son sang crie contre les meurtriers!... +J'ai reconnu par la lettre de votre Grce Antoine Schanz que vous +allez jusqu' accuser sa famille d'tre cause de sa mort. J'ai vu et +entendu raconter mainte sclratesse de cardinal, mais je n'aurais +jamais cru que vous fussiez une si cruelle et impudente vipre pour +railler encore les malheureux, aprs cette abominable, cette infernale +action!... J'ai recueilli les derniers cris de Schanz, au moment de sa +dtresse, ses dernires protestations contre la violence, lorsque votre +Saintet lui fit arracher les dents pour tirer de lui un faux aveu; +je publierai ces paroles, et Dieu aidant, votre Saintet dansera une +danse qu'elle n'a jamais danse!... Si Can sait dire: _Suis-je fait +pour garder mon frre?_ Dieu sait aussi lui rpondre: _Sois maudit sur +la terre..._ Je vous recommande Dieu, dit-il la fin de la lettre, +si toutefois le chapeau de sang (le chapeau rouge de cardinal) vous +laisse dsirer de lui tre recommand. + +L'lecteur de Saxe et le duc Albert de Prusse, parens du cardinal, +trouvrent trop violent l'crit dont Luther parlait dans cette lettre. +Ils lui firent dire qu'il attaquait l'honneur de la famille dans la +personne de l'archevque, et lui commandrent d'user de mnagemens. +Luther n'en publia pas moins son crit quelque temps aprs. + + + [a34] Page 59, ligne 18.--_Ils regardent toute cette affaire + comme une comdie..._ + +Ds le commencement des confrences, Luther avait prvu qu'elles ne +mneraient rien. Il se dfiait mme de la fermet de Bucer et du +landgrave de Hesse. Il dit dans une lettre au chancelier Brck: Je +crains que le Landgrave ne se laisse entraner trop loin par les +papistes, et qu'il ne veuille nous entraner avec lui. Mais il nous a +dj suffisamment tiraills et je ne me laisserai plus mener par lui. +Je reprendrais plutt tout le fardeau sur mes paules, et je marcherais +seul, mes risques et prils, comme dans le commencement. Nous savons +que c'est la cause de Dieu; c'est lui qui nous a suscits, qui nous a +conduits jusqu'ici, il saura bien faire triompher sa cause. Ceux qui ne +voudront pas nous suivre, n'ont qu' rester en arrire. Ni l'Empereur, +ni le Turc, ni tous les Dmons ensemble, ne pourront rien contre cette +cause, quoi qu'il en puisse advenir de nous et de ce corps mortel.--Je +m'indigne qu'ils traitent ces affaires comme des affaires mondaines, +des affaires d'Empereur, de Turcs, de princes, dans lesquelles on +puisse transiger volont, avancer ou reculer. C'est une cause dans +laquelle Dieu et Satan combattent avec tous leurs anges. Ceux qui ne le +croient pas, ne peuvent pas la dfendre. (avril 1541.) + + + [a35] Page 59, ligne 24.--_Je suis indign qu'on se joue ainsi + de si grandes choses..._ + +Je vais Haguenau; je verrai de prs ce formidable Syrien, ce +Behemoth dont se rit, au psaume II, l'habitant du ciel... Mais ils ne +comprendront point ce rire, jusqu'au moment o finira ce chant funbre: +Vous prirez dans la route, quand se lvera sa colre, parce qu'ils +ont refus un baiser au Fils (peribitis in vi, cum exarserit +ira ejus, quia Filium nolunt osculari).--Amen, amen, que cela +arrive. Ils l'ont mrit, ils l'ont voulu. (2 juillet 1540.) + + + [a36] Page 64, ligne 15.--_Fait Wittemberg..._ + +On trouve dans les _Propos de table_, p. 320: + +Le mariage secret des princes et des grands seigneurs est un vrai +mariage, devant Dieu; il n'est pas sans analogie avec le concubinat +des patriarches. (Ceci expliquerait la consultation en faveur du +Landgrave.) + + + [a37] Page 65, ligne 19.--_Depuis cette poque, les lettres de + Luther, comme celles de Mlanchton, sont pleines de dgot et + de tristesse._ + +L'ingratitude des hommes, c'est le cachet d'une bonne oeuvre; si nos +efforts plaisaient au monde, coup sr ils ne seraient point agrables + Dieu. (6 aot 1539.) + +La tristesse et la mlancolie viennent de Satan; c'est pour moi une +chose sre. Dieu n'afflige, ni n'effraie, ni ne tue; il est le Dieu +des vivans. Il a envoy son fils unique, pour que nous vivions par +lui, pour qu'il surmonte la mort. C'est pourquoi l'criture dit: Soyez +contens et joyeux, etc. (Tischreden, p. 205, verso.) + +_Sur la tristesse._--Vous ne pouvez empcher, disait un sage, que les +oiseaux ne volent au-dessus de votre tte; mais vous empcherez qu'ils +ne fassent leurs nids dans vos cheveux. (19 juin 1530.) + +Jean de Stockhausen avait demand Luther des remdes contre les +tentations spirituelles et la mlancolie. Luther lui conseilla dans +une lettre d'viter la solitude et de fortifier sa volont par une vie +active, laborieuse. Il lui recommanda, outre la prire, la lecture du +livre de Gerson: _De cogitationibus blasphemi_. (27 novembre 1532.) + +Il donna des conseils semblables au jeune prince Joachim d'Anhalt, +La gat, dit-il, et le bon courage (en tout bien et tout honneur) +sont la meilleure mdecine des jeunes gens, disons mieux, de tous les +hommes. Moi-mme qui ai pass ma vie dans la tristesse et les penses +sombres, j'accepte aujourd'hui la joie partout o elle se prsente, +je la recherche mme. La joie criminelle vient de Satan, il est vrai, +mais la joie qu'on trouve dans le commerce d'hommes honntes et pieux, +celle-l plat au Seigneur..... Montez cheval, allez la chasse avec +vos amis, amusez-vous avec eux. La solitude et la mlancolie sont un +poison; c'est la mort des hommes, et surtout des hommes jeunes. (26 +juin 1534.) + +Mlanchton raconta un jour la table de Luther la fable suivante: +Un paysan traversant une fort, rencontra une caverne o se trouvait +un serpent. Une grande pierre roule devant, empchait l'animal d'en +sortir. Il supplia le paysan d'enlever la pierre, lui promettant la +plus belle rcompense. Le paysan se laissa tenter, dlivra le serpent, +et lui demanda le prix de sa peine. A quoi le serpent rpondit qu'il +allait lui donner la rcompense que le monde donne ses bienfaiteurs, +qu'il allait le tuer. Tout ce que le paysan put obtenir par ses +supplications, fut qu'ils remettraient leur diffrend au jugement du +premier animal qu'ils rencontreraient. Ce fut d'abord un vieux cheval +qui n'avait plus que la peau et les os. Pour toute rponse, il dit: +J'ai consum tout ce que j'avais de force au service de l'homme; pour +rcompense, il va me tuer, m'corcher. Ils rencontrrent ensuite un +vieux chien que son matre venait de rouer de coups; ce nouvel arbitre +donna mme dcision. Le serpent voulait alors tuer son bienfaiteur. +Celui-ci obtint qu'ils prendraient un nouveau juge, et que la sentence +de ce dernier serait dcisive. Aprs avoir march quelques pas, ils +virent venir eux un renard. Ds que le paysan l'aperut, il invoqua +son secours, et lui promit tous ses poulets, s'il rendait une dcision +favorable. Le renard ayant entendu les parties, dit qu'avant de +prononcer, il fallait remettre toutes choses dans leur premier tat; +que le serpent devait retourner dans la caverne pour entendre le +jugement. Le serpent consentit, et, ds qu'il y fut, le paysan boucha +le trou de son mieux. Le renard vint la nuit suivante prendre les +poulets qui lui taient promis; mais la femme et les valets du paysan +le turent. Mlanchton ayant fini ce conte, le docteur dit: Voil +bien l'image de ce qu'on voit dans le monde. Celui que vous avez sauv +de la potence vous fait pendre. Si je n'avais d'autre exemple, je +n'aurais qu' penser Jsus-Christ qui, aprs avoir rachet le monde +entier du pch, de la mort, du diable et de l'enfer, fut crucifi par +les siens mmes. (Tischreden, p. 56.) + +Les plaisanteries, les jeux de mots qui se rencontrent si souvent +dans les lettres des annes prcdentes, ont disparu dans celles-ci; +la correspondance de Luther devient triste; c'est peine si on le +voit sourire une seule fois; le rcit grotesque d'une expdition +militaire de quelques bourgeois contre des brigands, peut tout au plus +le drider: Voici encore une nouvelle victoire de Kohlhase (fameux +brigand dont la vie est raconte dans un curieux roman historique); il +a pris et enlev un riche meunier. Sitt que nous avons su la chose, +nous nous sommes courageusement prcipits travers les campagnes, +pas trop loin cependant de nos murailles, et comme il convient des +saints Christophes en peinture ou des saints Georges de bois, nous +avons effray les nues de quelques coups de fusil... Nous avons fait +transporter dans la ville nos bois, nos arbres, de peur que, la nuit, +Kohlhase n'en fasse un pont pour passer nos petits fosss. Nous sommes +tous des Hectors et des Achilles, ne craignant personne, bien que nous +soyons seuls et sans ennemis. + + + [a38] Page 67, ligne 25.--_Poison..._ + +En 1541, un bourgeois de Wittemberg, nomm Clmann Schober, suivit +Luther l'arquebuse la main, dans l'intention probable de le tuer. Il +fut arrt et puni. (Ukert I, 323.) + + + [a39] Page 71, ligne 4.--_Famille..._ + +_A Marc Cordel._ Comme nous en sommes convenus, mon cher Marc, je +t'envoie mon fils Jean, afin que tu l'emploies exercer des enfans +dans la grammaire et la musique, et en mme temps, pour que tu +surveilles et corriges ses moeurs... Si tes soins prosprent pour ce +fils, tu en auras, de mon vivant, deux autres... Je suis en travail +de thologiens, mais je veux enfanter aussi des grammairiens et des +musiciens. (26 aot 1542.) + +Le docteur Jonas avait dit un jour que la maldiction de Dieu sur les +enfans dsobissans, s'tait accomplie dans la famille de Luther; le +jeune homme dont il parlait tait toujours malade et souffrant. Le +docteur Luther ajouta C'est la punition due sa dsobissance. Il +m'a presque tu une fois, et, depuis ce temps, j'ai perdu toutes les +forces de mon corps. Grce lui, j'ai compris le passage o saint Paul +parle des enfans qui tuent leurs parens, non par l'pe, mais par la +dsobissance. Ils ne vivent gure, et n'ont pas de bonheur... O mon +Dieu! que le monde est impie, et dans quels temps nous vivons! Ce sont +les temps dont Jsus-Christ a dit: Quand le fils de l'homme viendra, +croyez-vous qu'il trouvera de la foi et de la charit? Heureux ceux +qui meurent avant de voir des temps pareils. (Tischreden, p. 48.) + + + [a40] Page 71, ligne 4.--_La femme..._ + +La femme est le plus prcieux des trsors. Elle est pleine de grces +et de vertus; elle garde la foi. + +--Le premier amour est violent, il nous enivre et nous enlve la +raison. L'ivresse passe, les mes pieuses conservent l'amour honnte; +les impies n'en conservent rien. + +--Mon doux Seigneur! si c'est ta volont sainte que je vive sans +femme, soutiens-moi contre les tentations; sinon, veuille m'accorder +une bonne et pieuse jeune fille, avec laquelle je passe doucement +ma vie, que j'aime et dont je sois aim en retour. (Tischreden, p. +329-31.) + + + [a41] Page 71, ligne 8.--_Asseyons-nous sa table..._ + +Il y tait toujours entour de ses enfans et de ses amis, Mlanchton, +Jonas, Aurifaber, etc., qui l'avaient soutenu dans ses travaux. +Une place cette table tait chose envie.--J'aurais volontiers, +crit-il Gaspard Muller, reu Kgel au nombre de mes pensionnaires, +pour diffrentes raisons; mais le jeune Porse de Jna allant bientt +revenir, la table sera pleine, et je ne puis pourtant congdier mes +anciens et fidles compagnons. Si cependant il se trouve plus tard une +place vacante, comme cela pourrait arriver aprs Pques, je ferai avec +plaisir ce que vous dsirez, moins que _le seigneur_ Catherine, ce +que je ne pense pas, ne veuille nous refuser sa grce. (19 janvier +1536.) _Dominus Ketha_, c'tait le nom qu'il donnait souvent sa +femme. Il commence ainsi une lettre qu'il lui crit le 26 juillet 1540: +A la riche et noble dame de Zeilsdorf[7], madame la _doctoresse_ +Catherine Luther, domicilie Wittemberg, quelquefois se promenant +Zeilsdorf, ma bien-aime pouse. + + [7] Nom d'un village prs duquel Luther possdait une petite + terre. + + + [a42] Page 77, ligne 8.--_Mariage..._ + +Le mariage, que l'autorit approuve et qui n'est point contre la +parole de Dieu, est un bon mariage, quel que soit le degr de parent. +(Tischreden, page 321.) + +Il blmait fort les juristes qui, contre leur propre conscience, +contre le droit naturel, divin et imprial, maintenaient comme valables +les promesses secrtes de mariage. On doit laisser chacun s'arranger +avec sa conscience. On ne peut forcer personne l'amour. + +Les dots, prsens de lendemain, biens, hritages, etc., ne regardent +que l'autorit. Je veux les lui renvoyer, afin qu'elle en charge +ses gens, ou qu'elle dcide elle-mme. Nous sommes pasteurs des +consciences, non des corps ou des biens. (Tischreden, p. 315) + +Consult dans un cas d'adultre, il dit: On doit les citer et ensuite +les sparer. De tels cas regardent proprement l'autorit, car le +mariage est une chose temporelle. Il n'intresse l'glise qu'en ce qui +touche la conscience. (Tischreden, p. 322.) + +L'an 1539, 1er fvrier, il disait: Quoique les affaires relatives aux +mariages nous obligent tous les jours d'tudier, de lire, de prcher, +d'crire et de prier, je me rjouis que les consistoires soient +tablis, surtout pour ce genre d'affaires... On trouve beaucoup de +parens, particulirement des beaux-pres qui, sans raison, dfendent +le mariage leurs enfans. L'autorit et les pasteurs doivent y voir, +et favoriser les mariages, mme contre la volont des parens, selon +les diverses occurrences... Les enfans doivent citer leurs parens +l'exemple de Samson. Nous ne sommes plus au temps de la papaut, o +l'on suivait la loi contre l'quit. (Tischreden, p. 322.) + + + [a43] Page 81, ligne 12.--_Ma femme et mes petits enfans..._ + +Durant la dite d'Augsbourg, il crivit son fils Jean: Grce et paix + toi, en Jsus-Christ, mon cher petit enfant. Je vois avec plaisir +que tu apprends bien et que tu pries sans distraction. Continue, mon +enfant, et, quand je reviendrai la maison, je te rapporterai quelque +belle chose. + +Je sais un beau et riant jardin, tout plein d'enfans en robes d'or, +qui vont jouant sous les arbres avec de belles pommes, des poires, +des cerises, des noisettes et des prunes; ils chantent, ils sautent, +et sont tout joyeux; ils ont aussi de jolis petits chevaux avec des +brides d'or et des selles d'argent. En passant devant ce jardin, je +demandais l'homme qui il appartient, quels taient ces enfans? Il +me rpondit: Ce sont ceux qui aiment prier, apprendre, et qui sont +pieux. Je lui dis alors: Cher ami, j'ai aussi un enfant, c'est le +petit Jean Luther; ne pourrait-il pas aussi venir dans ce jardin manger +de ces belles pommes et de ces belles poires, monter sur ces jolis +petits chevaux, et jouer avec les autres enfans? L'homme me rpondit: +S'il est bien sage, s'il prie et apprend volontiers, il pourra aussi +venir, le petit Philippe et le petit Jacques avec lui; ils trouveront +ici des fifres, des timbales et autres beaux instrumens pour faire +de la musique; ils danseront et tireront avec de petites arbaltes. +En parlant ainsi, l'homme me montra, au milieu du jardin, une belle +prairie pour danser, o l'on voyait suspendus les fifres, les timbales, +et les petites arbaltes. Mais il tait encore matin, les enfans +n'avaient pas dn, et je ne pouvais attendre que la danse comment. +Je dis alors l'homme: Cher seigneur, je vais vite crire mon cher +petit Jean, afin qu'il soit bien sage, qu'il prie et qu'il apprenne, +pour venir aussi dans ce jardin; mais il a une tante Madeleine qu'il +aime beaucoup, pourra-t-il l'amener avec lui? L'homme me rpondit: +Oui, ils pourront venir ensemble, faites-le-lui savoir. Sois donc +bien sage, mon cher enfant; dis Philippe et Jacques de l'tre +aussi, et vous viendrez tous ensemble jouer dans ce beau jardin.--Je +te recommande la protection de Dieu. Salue de ma part la tante +Madeleine, et donne-lui un baiser pour moi. Ton pre qui te chrit. +Martin LUTHER. (19 juin 1530.) + + + [a44] Page 84.--_Fin du chapitre..._ + +Dieu sait tous les mtiers mieux que personne. Comme tailleur, il fait +au cerf une robe qui lui sert neuf cents ans sans se dchirer. Comme +cordonnier, il lui donne une chaussure qui dure encore plus long-temps +que lui. Et ne s'entend-il pas la cuisine, lui qui par le feu du +soleil fait tout cuire et tout mrir. Si notre Seigneur vendait les +biens qu'il donne, il en ferait passablement d'argent; mais parce qu'il +les donne gratis, on n'en tient pas compte. (Tischr., p. 27.) + +Ce passage bizarre et un assez grand nombre d'autres, nous montrent +dans Luther le modle probable d'Abraham de Sancta Clara. Au +dix-septime sicle, on n'imitait plus que les dfauts de Luther. + + + [a45] Page 87, ligne 15.--_Le dcalogue..._ + +Me voil devenu disciple du dcalogue. Je commence comprendre que le +dcalogue est la dialectique de l'vangile, et l'vangile la rhtorique +du dcalogue; Christ a tout ce qui est de Mose, mais Mose n'a pas +tout ce qui est de Christ. (20 juin 1530.) + + + [a46] Page 88, ligne 9.--_Il y aura un nouveau ciel, une + nouvelle terre..._ + +Le grincement de _dents dont parle l'vangile_, c'est la dernire +peine qui suivra une mauvaise conscience, la dsolante certitude d'tre + jamais spar de Dieu. (Tischr., p. 366.) Ainsi Luther semble avoir +une ide plus spirituelle de l'enfer que du paradis. + + + [a47] Page 89, ligne 10.--_Autrefois on faisait des + plerinages..._ + +A Jean de Sternberg, en lui ddiant la traduction du psaume CXVII: ... +Si je vous ai nomm en tte de ce petit travail, ce n'a pas seulement +t pour attirer l'attention des gens qui mprisent tout art et tout +savoir, mais aussi pour tmoigner qu'il y a encore des gens pieux parmi +la noblesse. La plupart des nobles sont aujourd'hui si insolens et si +dpravs, qu'ils excitent la colre du pauvre homme... S'ils voulaient +tre respects, ils devraient avant tout respecter eux-mmes Dieu +et sa parole. Qu'ils continuent de vivre ainsi dans l'orgueil, dans +l'insolence, dans le mpris de toute vertu, et ils ne seront bientt +plus que des paysans; ils le sont dj, quoiqu'ils portent encore le +nom de nobles et le chapeau plumes... Ils devraient cependant se +souvenir de Mnzer... + +... Je souhaite que ce petit livre, et d'autres qui lui ressemblent, +touchent votre coeur, et que vous y fassiez un plerinage plus utile au +salut, que celui que vous avez fait autrefois Jrusalem. Non que je +mprise ces plerinages; j'en ferais moi-mme bien volontiers, si je +pouvais, et j'aime toujours en entendre parler; mais je veux dire +que nous ne les faisions pas dans un bon esprit. Quand j'allai Rome, +je courus comme un fou travers toutes les glises, tous les couvens; +je crus tout ce que les imposteurs y avaient jamais invent. J'y dis +une dizaine de messes, et je regrettais presque que mon pre et ma mre +fussent encore en vie. J'aurais tant aim les tirer du purgatoire +par ces messes et autres bonnes oeuvres! On dit Rome ce proverbe: +Heureuse la mre dont le fils dit la messe la veille de la Saint-Jean! +Que j'aurais t aise de sauver ma mre! + +Nous faisions ainsi, ne sachant pas mieux; le pape tolre ces +mensonges. Aujourd'hui, Dieu merci, nous avons les vangiles, +les psaumes, et autres paroles de Dieu; nous pouvons y faire des +plerinages plus utiles, y visiter et contempler la vritable terre +promise, la vraie Jrusalem, le vrai paradis. Nous n'y marchons pas sur +les tombeaux des saints et sur leurs dpouilles mortelles, mais dans +leurs coeurs, dans leurs penses et leur esprit... (Cobourg, 29 aot +1530.) + + + [a48] Page 89, ligne 13.--_Pour visiter les saints._ + +Les saints ont souvent pch, souvent err. Quelle fureur de +nous donner toujours leurs actes et leurs paroles pour des rgles +infaillibles! Qu'ils sachent, ces sophistes insenss, ces pontifes +ignares, ces prtres impies, ces moines sacrilges, et le pape avec +toute sa sequelle.... que nous n'avons pas t baptiss au nom +d'Augustin, de Bernard, de Grgoire, au nom de Pierre ni de Paul, au +nom de la bienfaisante facult thologique de la Sodome (Sorbonne) de +Paris, de la Gomorrhe de Louvain, mais au nom du seul Jsus-Christ +notre matre. (_De abrogand miss privat._ Op. lat. Lutheri, Witt., +II, 245.) + +Les vritables saints, ce sont toutes les autorits, tous les +serviteurs de l'glise, tous les parens, tous les enfans qui croient en +Jsus-Christ, qui ne commettent point de pch, et qui accomplissent, +chacun dans sa condition, les devoirs que Dieu leur impose. +(Tischreden, 134, verso.) + +Luther croit peu aux lgendes des saints, et dteste surtout celles des +anachortes. ... Si l'on a fait quelque excs du ct du boire ou du +manger, on peut l'expier avec le jene et la maladie... + +La lgende de saint Christophe est une belle posie chrtienne. Les +Grecs qui taient des gens doctes, sages et ingnieux, ont voulu +montrer ce que doit tre un chrtien (_christoforos_, qui porte le +Christ). Il en est de mme du chevalier saint George. La lgende de +sainte Catherine est contraire toute l'histoire romaine, etc. + + + [a49] Page 89, ligne 16.--_Les prophtes._ + +Je sue sang et eau pour donner les prophtes en langue vulgaire. Bon +Dieu! quel travail! comme ces crivains juifs ont de la peine parler +allemand. Ils ne veulent pas abandonner leur hbreu pour notre langue +barbare. C'est comme si Philomle, perdant sa gracieuse mlodie, tait +oblige de chanter toujours avec le coucou une mme note monotone. +(14 juin 1528.)--Il dit ailleurs qu'en traduisant la Bible, il mettait +souvent plusieurs semaines chercher le sens d'un mot. (Ukert, II, p. +337.) + +A Jean Frdric, duc de Saxe, en lui envoyant sa traduction du prophte +Daniel. ... Les historiens racontent avec loge que le grand Alexandre +portait toujours Homre sur lui et le mettait mme la nuit sous sa +tte: combien serait-il plus juste que le mme honneur, ou un plus +grand encore, ft rendu Daniel par tous les rois et princes de la +terre! Ils ne devraient pas le mettre sous leur tte, mais le dposer +dans leur coeur, car il enseigne des choses bien plus hautes. (fvrier +ou mars 1530.) + + + [a50] Page 92, ligne 10.--_Psaumes..._ + +A l'abb Frdric, de Nuremberg, en lui ddiant la traduction du psaume +CXVIII: ... C'est mon psaume moi, mon psaume de prdilection. Je +les aime bien tous; j'aime toute l'criture sainte, qui est toute ma +consolation et ma vie; cependant je me suis attach particulirement + ce psaume, et j'ai en vrit le droit de l'appeler mien. Il a aussi +bien mrit de moi; il m'a sauv de mainte grande ncessit d'o ni +Empereur, ni rois, ni sages, ni saints, n'eussent pu me tirer. C'est +mon ami, qui m'est plus cher que tous les honneurs, toute la puissance +de la terre. Je ne le donnerais pas en change, si l'on m'offrait tout +cela. + +Mais, dira-t-on, ce psaume est commun tous; personne n'a le droit +de le dire sien. Oui, mais le Christ est bien aussi commun tous, et +pourtant le Christ est mien. Je ne suis pas jaloux de ma proprit; je +voudrais la mettre en commun avec le monde entier... Et plt Dieu que +tous les hommes revendiquassent ce psaume comme tant eux! Ce serait +la querelle la plus touchante, la plus agrable Dieu, une querelle +d'union et de charit parfaite. (Cobourg, 1er juillet 1530.) + + + [a51] Page 94, ligne 12.--_Des Pres..._ + +Ds le commencement de l'anne 1519, il crivait Jrme Dngersheim +une lettre remarquable sur l'importance et l'autorit des Pres de +l'glise. L'vque de Rome est au-dessus de tous par sa dignit. C'est + lui qu'il faut s'adresser dans les cas difficiles et dans les grandes +ncessits. J'avoue cependant que je ne saurais dfendre contre les +Grecs cette suprmatie que je lui accorde. + +Si je reconnaissais au pape le pouvoir de tout faire dans l'glise, +je devrais, comme consquence de cette doctrine, traiter d'hrtiques, +Jrme, Augustin, Athanase, Cyprien, Grgoire et tous les vques +d'Orient qui ne furent pas tablis par lui ni sous lui. Le concile +de Nice ne fut pas runi par son autorit; il n'y prsida ni par +lui-mme, ni par un lgat. Que dirai-je des dcrets de ce concile? Les +connat-on bien? Sait-on lesquels d'entre eux il faut reconnatre?... +C'est votre coutume toi et Eck, d'accepter les paroles de tout +le monde, de modifier l'criture par les Pres, comme s'il fallait +plutt croire en eux. Pour moi, je fais tout autrement. Comme Augustin +et saint Bernard, en respectant toutes les autorits, je remonte des +ruisseaux jusqu'au fleuve qui leur donne naissance.--Suivent plusieurs +exemples des erreurs dans lesquelles les Pres sont tombs. Luther +les critique en philologue, montrant qu'ils n'ont pas compris le +texte hbreu. De combien d'autorits Jrme n'abuse-t-il pas contre +Jovinien? Augustin contre Plage?--Ainsi Augustin dit que ce verset de +la Gense: Faisons l'homme notre image, est une preuve de la Trinit, +mais il y a dans le texte hbreu: Je ferai l'homme, etc.--Le Matre +des sentences a donn un bien funeste exemple en s'efforant de faire +accorder les paroles de tous les Pres. Il rsulte de l que nous +devenons la rise des hrtiques, quand nous nous prsentons devant eux +avec ces phrases obscures ou double sens. Eck se fait le champion de +toutes les opinions diverses et contraires. C'est l-dessus que roulera +notre dispute. (1519.) + +--J'admire toujours comment aprs les aptres, Jrme a pu mriter le +nom de Docteur de l'glise, Origne celui de Matre des glises... On +ne pourrait faire un seul chrtien avec leurs livres... tant ils sont +sduits par la pompe des oeuvres. Augustin lui-mme ne vaudrait pas +davantage, si les Plagiens ne l'avaient rudement exerc, et contraint +de dfendre la foi. (26 aot 1530.) + +--Celui qui a os comparer le monachat au baptme tait compltement +fou; c'tait plutt une bche qu'une bte. Eh! quoi, crois-tu donc +Jrme, lorsqu'il parle d'une manire si impie contre Dieu, lorsqu'il +veut qu'immdiatement aprs soi-mme, ce soient ses parens que l'on +considre le plus? couteras-tu Jrme, tant de fois dans l'erreur, +tant de fois dans le pch? croiras-tu un homme enfin, plutt que +Dieu lui-mme? Va donc, et crois avec Jrme qu'il faut passer sur le +corps ses parens pour fuir au dsert. (Lettre Severinus, moine +autrichien; 6 octobre 1527.) + + + [a52] Page 97, ligne 19.--_Les Scolastiques..._ + +Grgoire de Rimini a convaincu les scolastiques d'une doctrine pire +que celle des plagiens... Car bien que les plagiens pensent que l'on +peut faire une bonne oeuvre sans la grce, ils n'affirment pas qu'on +puisse sans la grce obtenir le ciel. Les scolastiques parlent comme +Plage, lorsqu'ils enseignent que sans la grce on peut faire une +bonne oeuvre, et non une oeuvre mritoire. Mais ils enchrissent sur +les plagiens, en ajoutant que l'homme a l'inspiration de la droite +raison naturelle laquelle la volont peut se conformer naturellement, +tandis que les plagiens avouent que l'homme est aid par la loi de +Dieu. (1519.) + + + [a53] Page 102, ligne 14.--_Biens ecclsiastiques..._ + +Luther crivit au roi de Danemarck (2 dcembre 1536), pour approuver la +suppression de l'piscopat, et pour engager ce prince faire un bon +usage des biens ecclsiastiques, c'est--dire (comme il l'crivait le +18 juillet 1529 au margrave George de Brandebourg), les appliquer +des fondations d'coles et d'universits. + +L'Empereur dissimule, et cependant il prend, il dvore les vchs, +Utrecht, Lige, etc. Ceux de la noblesse devraient y prendre garde. Je +me suis durement travaill pour que les fondations ecclsiastiques et +les possessions des princes abbs ne fussent point disperses, mais +conserves aux pauvres de la noblesse. Malheureusement cela n'aura pas +lieu. (Tischreden, p. 351.) + + + [a54] Page 104, ligne 7.--_Des cardinaux et vques..._ + +Matre Philippe louait devant le docteur Luther la haute intelligence +et l'esprit rapide du cardinal, vque de Saltzbourg, Mathieu Lang. Il +disait qu'en 1530, il s'tait trouv six heures avec lui Augsbourg, +et qu'ils avaient caus de la religion. Le cardinal lui avait dit la +fin: Mon cher _domine Philippe_, nous autres prtres, nous n'avons +encore jamais rien valu. Nous savons bien que votre doctrine est bonne; +mais ignorez-vous donc que jusqu'ici on n'a jamais rien pu gagner sur +les prtres? Ce n'est pas vous qui commencerez. Ce cardinal tait +fils d'un messager d'Augsbourg. Son pre tait d'une bonne et ancienne +famille, mais rduit l'tat de serviteur par sa pauvret.--Ce fut +le premier cardinal qu'il y ait eu en Allemagne. Appuy par sa soeur, +il se fit connatre la cour de Maximilien, fut ensuite envoy +Rome auprs du pape, et plus tard nomm coadjuteur de l'vch de +Salzbourg. (Tischreden, p. 272.) + +J'ai, jusqu'ici, pri pour cet vque, _categoric, affirmativ, +positiv_, de coeur, pour que Dieu voult le convertir. J'ai essay +aussi par crit de l'amener la pnitence. Maintenant je prie pour +lui _hypothetic_ et _desperabund_... Celui-l n'est point _frater +ignoranti, sed maliti_. + +Il m'a souvent crit amicalement, et m'a fait esprer qu'il prendrait +femme, comme je lui en avais donn le conseil par crit. + +Il s'est moqu de nous jusqu' la dite d'Augsbourg. L, j'ai appris +le connatre. Cependant il veut encore tre mon ami au point qu'il me +rclame pour arbitre dans l'affaire de... (Tischreden, p. 274.) + +A la dite d'Augsbourg, l'vque de Saltzbourg disait: Il y a quatre +moyens pour rconcilier les deux partis: ou que nous cdions ou qu'ils +cdent; or, ni les uns ni les autres n'en veulent rien faire; ou bien +encore, il faut que l'on oblige d'autorit un des partis cder, et +comme il en doit rsulter un grand soulvement, reste le quatrime +moyen, savoir: qu'un parti extermine l'autre, et que le plus fort mette +le plus faible dans le sac. Voil de beaux plans d'unit pour un +vque chrtien. (Ibidem, p. 19.) + + + [a55] Page 105, ligne 8.--_Moines..._ + +Les seuls mendians sont diviss en sept partis ou ordres, et les +mineurs leur tour en sept espces de mineurs. Toutes ces sectes, le +trs saint pre les nourrit et les entretient lui-mme, tant il a peur +qu'elles ne viennent s'unir. (Lettre la dite de Prague, 15 juillet +1522.) + + + [a56] Page 107, ligne 22.--_Un seul coin de l'Allemagne, + celui o nous sommes, fleurit encore par la culture des arts + libraux..._ + +Luther crivit l'lecteur, le 20 mai 1530, pour relever son courage +et le consoler des chagrins que lui causait la Rforme: Voyez comme +Dieu a fait clater sa grce et sa bont dans les tats de votre +Altesse! n'est-ce pas l que son vangile a le plus de ministres pieux +et fidles, ceux qui l'enseignent avec le plus de puret, de zle et de +fruit? Vous voyez grandir autour de vous toute une jeunesse aimable, de +bonnes moeurs et qui sera bientt savante dans la sainte criture. Cela +me ravit le coeur de voir nos jeunes enfans, garons et petites filles, +connatre mieux aujourd'hui Dieu et le Christ, avoir une foi plus pure +et savoir mieux prier, qu'autrefois toutes les coles piscopales et +les couvens les plus clbres. + +Cette jeunesse vous a t accorde comme un signe de faveur et de +misricorde divine. Dieu vous dit en quelque sorte: Cher duc Jean, je +te confie mon plus prcieux trsor; sois le pre de ces enfans. Je veux +que tu les gouvernes, que tu les protges; sois le jardinier de mon +paradis, etc. + +Le duc ne parat pas avoir tenu grand compte de cette recommandation, +car Luther dit dans plusieurs de ses lettres qu'il y avait Wittemberg +grand nombre d'tudians qui ne vivaient gure que de pain et d'eau. + + + [a57] Page 112, ligne 4.--_Je regrette de n'avoir pas plus de + temps donner l'tude des potes et des orateurs...._ + +_A Wenceslas Link de Nuremberg._ Si cela ne vous donne pas trop de +peines, mon cher Wenceslas, je vous prie de faire rassembler pour moi +tous les dessins, livres, cantiques, chants de Meistersanger et bouts +rims, qui auront t composs en allemand et imprims cette anne chez +vous; envoyez-en autant que vous en pourrez trouver. Je dsirerais +vivement les avoir. Nous savons ici composer des ouvrages latins; mais +pour les livres allemands, nous ne sommes que des apprentis. Toutefois, +avec l'ardeur que nous y mettons, j'espre que nous russirons bientt +de manire vous satisfaire. (20 mars 1536.) + + + [a58] Page 112, ligne 23.--_Ce n'est point un seul homme qui a + fait ces fables..._ + +En 1530, Luther traduisit un choix des fables d'sope. Dans la prface +il dit qu'il n'y a peut-tre jamais eu d'homme de ce nom, et que ces +fables ont vraisemblablement t recueillies de la bouche du peuple. +(Luth. Werke IX, 455.) + + + [a59] Page 116, ligne 13.--_Chanter est le meilleur exercice..._ + +Heine, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834: Ce qui n'est pas moins +curieux et significatif que ces crits en prose, ce sont les posies +de Luther, ces chansons qui lui ont chapp dans le combat et dans la +ncessit. On dirait une fleur qui a pouss entre les pierres, un rayon +de la lune qui claire une mer irrite. Luther aimait la musique, il a +mme crit un trait sur cet art, aussi ses chansons sont-elles trs +mlodieuses. Sous ce rapport, il a aussi mrit son surnom de Cygne +d'Eisleben. Mais il n'tait rien moins qu'un doux cygne dans certains +chants o il ranime le courage des siens, et s'exalte lui-mme jusqu' +la plus sauvage ardeur. Le chant avec lequel il entra Worms, suivi +de ses compagnons, tait un vritable chant de guerre. La vieille +cathdrale trembla ces sons nouveaux, et les corbeaux furent +effrays dans leurs nids obscurs, la cime des tours. Cet hymne, la +Marseillaise de la rforme, a conserv jusqu' ce jour sa puissance +nergique, et peut-tre entonnerons-nous bientt dans des combats +semblables ces vieilles paroles retentissantes et bardes de fer: + + Notre Dieu est une forteresse, + Une pe et une bonne armure; + Il nous dlivrera de tous les dangers + Qui nous menacent prsent. + Le vieux mchant dmon + Nous en veut aujourd'hui srieusement, + Il est arm de pouvoir et de ruse, + Il n'a pas son pareil au monde. + + Votre puissance ne fera rien, + Vous verrez bientt votre perte; + L'homme de vrit combat pour nous, + Dieu lui-mme l'a choisi. + Veux-tu savoir son nom? + C'est Jsus-Christ, + Le seigneur Sabaoth. + Il n'est pas d'autre Dieu que lui, + Il gardera le champ, il donnera la victoire. + + Si le monde tait plein de dmons, + Et s'ils voulaient nous dvorer, + Ne nous mettons pas trop en peine, + Notre entreprise russira cependant. + Le prince de ce monde, + Bien qu'il nous fasse la grimace, + Ne nous fera pas de mal. + Il est condamn, + Un seul mot le renverse. + + Ils nous laisseront la parole, + Et nous ne dirons pas merci pour cela: + La parole est parmi nous + Avec son esprit et ses dons. + Qu'ils nous prennent notre corps, + Nos biens, l'honneur, nos enfans. + Laissez-les faire, + Ils ne gagneront rien cela; + A nous restera l'empire. + + + [a60] Page 117, ligne 25.--_Peinture..._ + +Le docteur parla un jour de l'habilet et du talent des peintres +italiens. Ils savent imiter la nature si parfaitement, dit-il, +qu'indpendamment de la couleur et de la forme convenables, ils +expriment encore les gestes et les sentimens de manire faire croire +que leurs tableaux sont choses vivantes.--La Flandre suit la trace de +l'Italie. Ceux des Pays-Bas, et surtout les Flamands ont l'esprit +veill, ils ont aussi de la facilit pour apprendre les langues +trangres. C'est un proverbe que si l'on portait un Flamand dans un +sac travers l'Italie ou la France, il n'en apprendrait pas moins la +langue du pays. (Tischreden, p. 424 verso.) + + + [a61] Page 122, ligne 3.--_Banque..._ + +Il dit dans son trait _de Usuris_: J'appelle usuriers ceux qui +prtent cinq et six pour cent. L'criture dfend le prt intrt; +on doit prter de l'argent comme on prte un vase son voisin. Les +lois civiles mme dfendent l'usure. Ce n'est pas faire acte de charit +que d'changer une chose avec quelqu'un en gagnant sur l'change; c'est +voler. Un usurier est un voleur digne de la potence. Aujourd'hui, +Leipsig, celui qui prte cent florins en reoit au bout d'une seule +anne quarante pour l'intrt de son argent.--On ne doit pas observer +les promesses faites aux usuriers; ils ne peuvent tre admis aux +sacremens ni ensevelis en terre sainte.--Voici le dernier conseil que +j'aie donner aux usuriers; ils veulent de l'argent, de l'or; eh bien! +qu'ils s'adressent quelqu'un qui ne leur donnera pas dix ou vingt +pour cent, mais cent pour dix. Celui-l a de quoi satisfaire leur +avidit; ses trsors sont inpuisables; il peut donner sans s'appauvrir +(Oper. lat. Luth. Witt. t. VII, p. 419-37.) + +Le docteur Henning proposait cette question Luther: Si j'avais +amass de l'argent, que je ne voulusse pas en disposer, et qu'un homme +vnt me prier de le lui prter; pourrais-je en bonne conscience lui +rpondre: Je n'ai point d'argent?--Oui, dit Luther, on peut le faire +en conscience. C'est comme si on disait: Je n'ai point d'argent dont +je veuille disposer... Christ, en ordonnant de donner, ne dit pas de +donner tous les prodigues et dissipateurs... Dans cette ville, il +n'y a personne de plus ncessiteux que les tudians. La pauvret y est +grande la vrit, mais la paresse encore plus... Je ne veux point +ter le pain de la bouche ma femme et mes enfans pour donner ceux + qui rien ne profite (Tischred. p. 64). + + + [a62] Page 122, la fin du chapitre IV. + +On peut attacher la fin de ce chapitre diverses paroles de Luther sur +les papes, les rois, les princes. + +Il n'y a jamais eu de plus rus trompeur sur la terre que le pape +Clment (Clment VII)[r185]. C'est qu'il tait de Florence, etc. + + [r185] Tischreden, 243. + +Le pape Jules, deuxime du nom, tait un homme excellent pour le +gouvernement et la guerre[r186]..... Lorsqu'il apprit que son arme +avait t battue Ravenne, il blasphma Dieu dans le ciel; il lui +disait: Au nom de mille diables, es-tu donc devenu si bon Franais? +est-ce ainsi que tu protges ton glise? Il tourna les yeux vers la +terre, et dit: Saints Suisses, priez pour nous! Et il envoya aussitt +le cardinal de Saltzbourg, Mathieu Lang, pour traiter avec l'empereur +Maximilien. + + [r186] _Ibid._ 242. + +Si j'avais t de ce temps-l, on m'aurait fait venir Paris avec +grand honneur, mais j'tais encore trop jeune et Dieu ne le voulait +point, de crainte que l'on ne penst que c'tait la puissance du roi de +France, etc.[r187] + + [r187] _Ibid._ 243. + +Le pape Jules II, un homme plein d'audace et d'habilet, un +vrai diable incarn, avait dfinitivement rsolu de rformer les +Franciscains[r188]. Mais ils recoururent aux rois et aux princes, les +firent agir et envoyrent au pape quatre-vingt mille couronnes. Le pape +dit: Comment rsister des gens si bien cuirasss? + + [r188] _Ibid._ 269. + +L'an 1532, l'astrologue Gauric raconta au margrave de Brandebourg, +Joachim, que, comme on faisait Clment VII le reproche d'tre btard, +il rpondit: Et Jsus-Christ? Ds-lors le Margrave devint favorable +Luther.[r189] + + [r189] _Ibid._ 341. + +Lorsque ceux de Bruges tenaient prisonnier l'empereur Maximilien, et +voulaient lui couper la tte, ils crivirent au snat de Venise pour +demander conseil[r190]. Les Vnitiens rpondirent: _Homo mortuus +non facit guerram_... Les Vnitiens firent faire une farce contre +Maximilien. Le doge paraissait d'abord, puis venait le Franais +qui avait une poche au ct; il y prenait des couronnes (pices de +monnaie), et les couronnes dbordaient la poche. Derrire venait +l'Empereur, peint en habit gris, avec un petit cor de chasse. Il avait +aussi une poche, mais quand il y mettait la main, les doigts passaient + travers.--Les Florentins en firent autant. Ils reprsentrent le +Franais assis sur un sige perc, et.... de l'argent. L'empereur +Maximilien ramassait. Mais ils ont eu depuis une bonne leon. Le +petit-fils de l'empereur Maximilien, l'empereur Charles, leur a bien +appris vivre. Dieu applique volontiers aux orgueilleux le verset que +l'on chante au Magnificat: _Deposuit patentes de sede_. + + [r190] _Ibid._ 448. + +L'empereur Maximilien disait[r191]: Si on mettait du sang des +princes d'Autriche et de Bavire bouillir ensemble dans un pot, on le +verrait en mme temps sauter dehors. + + [r191] _Ibid._ 343. + +On dit que l'empereur Maximilien partit un jour d'un clat de rire; +il en avoua la cause le lendemain[r192]. Je riais, dit-il, de voir +que Dieu a confi le gouvernement spirituel un ivrogne de prtre, +comme le pape Jules, et le gouvernement temporel un chasseur de +chamois, comme je suis. + + [r192] _Ibid._ 184, verso. + +Dans le chteau de Prague l'on voit toute la suite des _portraits des +rois_. Ferdinand est le dernier, et il n'y a plus de place. Il en est +de mme dans la salle ronde du chteau de Wittemberg. Cela ne signifie +rien de bon. + +L'empereur Maximilien disait: L'Empereur est bien le roi des rois, car +les princes de l'Empire font tout ce qu'ils veulent; le roi de France +est celui des nes, les siens excutent tout ce qu'il commande; le +roi d'Angleterre est le roi des hommes, car ils lui obissent et ils +l'aiment. + +Maximilien demandait un de ses secrtaires comment il fallait +traiter un serviteur qui le volait; et comme l'autre rpondait qu'il +tait juste de le pendre: Nous n'en ferons rien, dit l'Empereur en lui +frappant sur l'paule, nous avons encore besoin de vos services. + +Aprs l'lection de l'empereur Charles, l'lecteur de Saxe demanda au +seigneur Fabian de Feilitzsch, son conseiller, s'il lui plaisait qu'on +et lu empereur le roi d'Espagne[r193]. Cet homme sage rpondit: Il +est bon que les corbeaux aient un vautour. + + [r193] _Ibid._ 53. + +On lisait dans un vieux livre cette prophtie: L'empereur Charles +soumettra toute l'Europe, rformera l'glise; sous lui, les ordres +mendians et les sectes seront anantis. + +La nouvelle vint qu'Antonio de Leyva et Andr Doria avaient conseill + l'Empereur d'aller en personne contre le Turc et de ne point emmener +son frre; car, disaient-ils, il n'a point de bonheur[r194]. En +effet, Ferdinand est trop fin et trop rflchi; il n'agit que par +conseil et dlibration, jamais par impulsion divine.--L'Empereur +devient malheureux; il ne sait pas profiter de l'occasion; il perd +aujourd'hui Milan. + + [r194] _Ibid._ 349. + +Le roi de France aime les femmes[r195]... Au contraire, l'Empereur +passant par la France en 1544, trouva aprs un grand festin une belle +et noble vierge dans son lit, que le roi de France y avait fait +conduire. L'Empereur la renvoya honorablement chez ses parens. + + [r195] _Ibid._ 349, verso. + +L'Empereur n'a appel son couronnement que des princes et seigneurs +italiens et espagnols, qui ont port devant lui les drapeaux et les +armes des lecteurs. J'avais touch cela dans un petit livre, mais +l'lecteur en a fait acheter tous les exemplaires. + +Le roi de France dpense autant d'argent en trahison que pour ses +armes. Aussi, dans sa guerre contre le pape Jules et Venise, il a +dissip vingt mille hommes avec quatre mille. + +Tant que le Franais a eu des hommes de guerre allemands, il a obtenu +la victoire. Ce sont en effet les meilleurs; ils se contentent de leur +solde et protgent le peuple. Aussi Antonio de Leyva conseilla, en +mourant, l'Empereur de s'attacher ses soldats allemands; que s'il les +perdait, ce serait fait de lui; car ils tenaient tous ensemble comme un +seul homme. + +Aprs la dfaite de Franois Ier Pavie, Luther crivait: Que le roi +de France soit de chair ou autre chose, je ne me rjouis pas de le voir +vaincu et pris. Vaincu, cela se peut souffrir, mais captif, c'est une +monstruosit... Peut-tre l'heure du royaume de France est-elle venue, +comme cet autre le disait de Troie: _Venit summa dies et ineluctabile +fatum....._ Ce sont, ce qu'il me semble, des signes qui annoncent +le dernier jour du monde. Ces signes sont plus graves qu'on ne serait +tent de le croire... Il n'y a qu'une chose qui me fait plaisir, +c'est de voir frustrs les efforts de l'Anti-Christ, qui commenait +s'appuyer sur le roi de France. (mars 1525.) + +(Fvrier 1537). Le roi de France est persuad que chez nous autres +luthriens, il n'y a plus ni mariage, ni autorit, ni glise, ni rien +de tout ce qu'on regarde comme sacr. Son envoy, le docteur Gervais, +nous l'a assur positivement. Mais d'o vient cela? certainement de ce +qu'on ne laisse pntrer en ce pays, non plus qu'en Italie, aucun crit +des ntres, et que le sclrat de Mayence, ainsi que ses pareils, y +envoient toutes les calomnies qui se dbitent contre nous. + +Nous avons ici un Franais, Franois Lambert, qui tait il y a deux +ans prdicateur apostolique, comme on les appelle parmi les mineurs, et +qui vient de prendre pour femme une des ntres: il espre mieux vivre +dans le voisinage de la France ( Strasbourg)... Il gagnera sa vie +traduire en franais mes ouvrages allemands. (4 dcembre 1523.) + +Les rois de France et d'Angleterre sont luthriens pour prendre, point +pour donner. Ils ne cherchent point l'intrt de Dieu, mais le leur. + +Sept universits ont approuv le divorce du roi d'Angleterre; mais +nous autres de Wittemberg et ceux de Louvain, nous avons soutenu le +contraire, eu gard aux circonstances particulires, la longue +cohabitation, l'existence d'une fille, etc.[r196] + + [r196] _Ibid._ 348. + +Quelques-uns qui avaient reu des crits d'Angleterre annoncrent +comment le roi s'tait spar de l'vangile[r197]. Je suis charm, +dit Luther, que nous soyons quitte de ce blasphmateur. J'ai seulement +regret de voir que Mlanchton ait adress ses plus belles prfaces aux +plus mchantes gens. + + [r197] _Ibid._ 348, verso. + +Le duc George de Saxe disait qu'il ne forcerait personne communier +sous une espce, mais que ceux qui voulaient le faire autrement, +devaient sortir du pays[r198]. + + [r198] _Ibid._ 265. + +Lorsque le duc George dclara au duc Henri de Saxe, son frre, qu'il +ne lui laisserait ses tats qu' condition d'abandonner l'vangile, il +rpondit: Par la vierge Marie (c'tait le mot ordinaire de sa Grce), +avant que je consente renier mon Christ, j'irai avec ma Catherine, +un petit bton la main, mendier par le pays[r199]. Je voudrais +que l'Empereur ft pape le duc George; les vques supporteraient sa +rforme encore moins que la mienne. Il rduirait l'vque de Mayence +quatorze chevaux, etc. + + [r199] _Ibid._ + +Le duc George a suc le sang bohmien avec le lait de sa mre, fille +du roi de Bohme, Casimir[r200]. Il aurait fini par s'arranger avec +l'lecteur Frdric pour frapper les vques, les abbs, etc. Il est +de sa nature ennemi du clerg. Mais les lettres et les flatteries +de l'Empereur, du pape, des rois d'Angleterre et de France, l'ont +tellement enfl, que, etc... + + [r200] _Ibid._ 313, verso. + +Lorsque le duc George voyait son fils Jean l'agonie, il le consolait +en lui rappelant l'article de la justification par la foi en Christ, +et l'exhortait ne regarder que le Sauveur, sans se reposer sur ses +oeuvres ni sur l'invocation des saints[r201]. Alors, l'pouse du duc +Jean, soeur du landgrave Philippe de Hesse, dit au duc George: Cher +seigneur et pre, pourquoi ne laisse-t-on pas prcher publiquement +cette doctrine dans le pays?--Ma chre fille, rpondit-il, on la +doit enseigner seulement aux mourans, mais point aux gens en sant. +(1537.)--Ce duc Jean avait t oblig par son pre de jurer une haine +ternelle la doctrine luthrienne, et il l'avait fait connatre au +docteur Luther par le vieux peintre Lucas Cranach. + + [r201] _Ibid._ 142, verso. + +Leipsig tait la capitale et la rsidence du duc George. Aussi les +protestans, surveills de prs par le duc, n'y pouvaient faire de +nombreux proslytes, et Luther en marque souvent son dpit par sa +colre contre cette ville. + +Je hais, dit-il, ceux de Leipsig comme je ne hais rien sous le soleil, +tant il y a l d'orgueil, d'arrogance, de rapacit et d'usure. (15 mai +1540.) + +Je hais cette Sodome (Leipsig), sentine des usures et de tous les +maux. Je n'y entrerais qu'autant qu'il le faut pour arracher Loth. (26 +octobre 1539.) + +L'lectorat de Saxe est pauvre et rapporte peu. Si l'lecteur n'avait +pas la Misnie, il ne pourrait entretenir quarante chevaux; mais il +a des tributs de princes et seigneurs, des droits de sauf-conduit, +des douanes, des rentes, etc... Sa Grce lectorale a cd, pour de +l'argent, les rgales, entre autres le droit de grce. + +L'lecteur Frdric tait conome[r202]. Il savait bien remplir ses +caves et ses greniers de grains et d'autres denres. On compte neuf +chteaux qu'il a fait btir, et cependant il lui restait toujours assez +d'argent; c'est qu'il suivait le bon conseil que son fou lui avait +donn. Un jour, qu'il se plaignait de manquer d'argent, le fou lui dit: +Fais-toi percepteur. Il exigeait des comptes svres de ses serviteurs. +Quand il venait dans un de ses chteaux, il mangeait, buvait, se +faisait donner du fourrage comme un hte ordinaire, et payait tout +comptant. Par l il tait ses gens l'occasion de s'excuser, en +disant: On a tant consomm de choses, quand le prince est venu! + + [r202] _Ibid._ 451, verso. + +L'lecteur Frdric-le-Sage disait Worms, en 1521: Je ne trouve +point d'glise romaine dans ma croyance; mais une commune glise +chrtienne, je l'y trouve. + +Ce mme prince avait, dit Mlanchton, prs de Wittemberg un cerf +apprivois, qui, pendant bien des annes, allait, au mois de septembre, +dans la fort voisine, et revenait exactement en octobre. Lorsque +l'lecteur fut mort, le cerf partit et l'on ne le revit plus. + +En 1525, l'lecteur Jean de Saxe me demanda s'il devait accorder aux +paysans leurs douze articles[r203]. Je le dtournai entirement d'en +approuver un seul. + + [r203] _Ibid._ 152. + +Le duc Jean disait en 1525, en apprenant la rvolte des paysans: Si +le Seigneur veut que je reste prince, que sa volont soit faite, mais +je puis aussi tre un autre homme. + +Luther blme la patience de ce prince, qui avait appris des moines, ses +confesseurs, supporter la dsobissance de ses gens. + +Il disait Luther: Mon fils, le duc Ernest, m'a crit une lettre +latine pour me demander courir un cerf. Je veux qu'il tudie; il sera +toujours mme d'apprendre laisser pendre deux jambes sur un cheval. + +Le mme prince avait toujours pour sa garde six nobles jeunes garons, +qui restaient dans sa chambre et qui lui lisaient la Bible six heures +par jour. Sa Grce lectorale s'endormait quelquefois, mais il n'en +citait pas moins son rveil quelques belles paroles qu'il avait +remarques et retenues.--Pendant la prdication il tenait prs de lui +des crivains, et lui-mme de sa propre main recueillait les paroles +de la bouche du prdicateur. + +Lorsque Ferdinand fut lu roi des Romains Cologne, le jeune duc +Jean-Frdric y fut envoy pour protester de la part de son seigneur et +pre. Ds qu'il eut excut ses ordres, il repartit au grand galop, et +comme il avait peine pass la porte, on envoya des gens pour courir +aprs lui et le prendre. (1531.) + +On dit que l'Empereur a fait entendre, aprs avoir lu notre +_Confession et apologie_, qu'il voulait que l'on enseignt et que l'on +prcht dans le mme sens par tout le monde[r204]. Le duc George +aurait dit aussi qu'il savait trs bien qu'il y avait beaucoup d'abus + rformer dans l'glise, mais qu'il ne voulait pas de cette rforme, +quand elle venait d'un moine dfroqu. + + [r204] _Ibid._ 353. + +La dernire fois que l'lecteur Jean alla la chasse, tout le gibier +lui chappait. Les btes ne voulaient plus le reconnatre pour matre, +c'tait un prsage de sa mort. (1532.) + +Le duc Jean-Frdric, qui a t si bien pill et dpouill par ceux de +la noblesse, a appris ses dpens les connatre. + +L'lecteur Jean-Frdric est naturellement colre, mais il sait +merveille dompter son courroux.--Il aime btir et boire; il est +vrai qu'un si grand corps doit tenir plus qu'un petit.--Il donne par +an mille florins pour l'universit; pour le pasteur, deux cents, avec +soixante boisseaux de froment; de plus soixante florins cause des +leons publiques. Il envoya une fois cinq cents florins Luther sur +les fonds d'une abbaye pour marier quelque pauvre religieuse. + +Quoique le docteur Jonas l'y engaget, Luther refusa de demander + l'lecteur une nouvelle visitation des glises[r205]. Il a +soixante-dix conseillers qui crient le rendre sourd. Ils lui disent: +Quel bon conseil peut donner le scribe? contentons-nous de prier Dieu +qu'il dirige le coeur du prince. + + [r205] _Ibid._ 354. + +_Du landgrave Philippe de Hesse._--Le Landgrave est un pieux, +intelligent et joyeux seigneur; il maintient une bonne paix dans +sa terre, qui n'est que pierres et forts; de sorte que les gens y +peuvent voyager et commercer sans crainte... Le Landgrave est un +guerrier, un Arminius, petit de sa personne, mais, etc. Il consulte +et suit aisment les bons conseils; la rsolution une fois prise, il +excute promptement.--L'Empereur lui a offert, pour lui faire quitter +l'vangile, la possession paisible du comt de Katzenellenbogen, et +le duc George l'aurait fait ce prix son hritier... Il a une tte +hessoise; il ne peut se reposer, il faut qu'il ait quelque chose +faire... C'tait une grande audace de vouloir, en 1528, envahir les +possessions des vques; et 'a t un acte plus grand d'avoir rtabli +le duc de Wurtemberg et chass le roi Ferdinand de ce pays. Moi et +Mlanchton, nous fmes appels cette occasion Weimar, et nous +employmes toute notre rhtorique empcher sa Grce de rompre la paix +de l'Empire... Il en devint tout rouge et s'emporta. Cependant c'est +une me tout--fait loyale. + +Dans le colloque de Marbourg, en 1529, sa Grce vint avec un petit +habit, de sorte que personne ne l'aurait reconnu pour le Landgrave; et +cependant, il tait occup de grandes penses. Il consulta Mlanchton, +et lui dit: Cher matre Philippe, dois-je souffrir que l'vque de +Mayence me chasse par violence mes prdicateurs vangliques? Philippe +rpondit: Si la juridiction du lieu appartient l'vque de Mayence, +votre Grce ne peut l'empcher. Permis vous de conseiller, rpondit +le Landgrave, mais je n'agirai pas moins. + +A la dite d'Augsbourg, en 1530, le landgrave dit publiquement aux +vques: Faites la paix, nous vous le demandons. Si vous ne la faites +point et qu'il me faille descendre de mes montagnes, j'en saisirai au +moins un ou deux. + +Dieu a jet le Landgrave au milieu de l'Empire. Il a autour de lui +quatre lecteurs et le duc de Brunswick; et il les fait tous trembler. +C'est que le commun peuple lui est attach. Avant de rtablir le duc +de Wurtemberg, il tait all en France, et le roi de France lui avait +prt beaucoup d'argent pour la guerre. + +Si le Landgrave s'enflamme une fois...! C'est ce qui nous est arriv, + moi et matre Philippe, lorsque nous le dtournions humblement et +faiblement de la guerre; Qu'arrivera-t-il si je souffre vos conseils +et si je n'agis point?--C'est un miracle de Dieu. Le Landgrave est +un prince peu puissant, cependant on le redoute; c'est un hros. Il +a renvoy les vques au choeur... Les Saxons et ceux de la Hesse, +lorsqu'ils sont en selle, sont de vrais cavaliers. Les cavaliers des +hautes terres (du midi de l'Allemagne) ne sont que des danseurs. Dieu +nous conserve le Landgrave..... Dieu nous prserve de la guerre! les +gens de guerre sont des diables incarns. Je ne parle pas seulement des +Espagnols, mais aussi des Allemands. + +Aprs la dite de Francfort, en 1539, environ neuf mille soldats +d'lite furent rassembls autour de Brme et de Lunebourg pour tre +employs contre les tats protestans[r206]. Mais l'lecteur de Saxe +et le landgrave de Hesse leur firent parler par le chevalier Bernard +de Mila, leur donnrent de l'argent comptant et les attirrent eux. +Ensuite mourut subitement le duc George, etc. + + [r206] _Ibid._ 156. + +Le _landgrave de Hesse_ et de Thuringe, Louis-le-Fameux, tait un +seigneur dur et colrique. Il tait tenu prisonnier par l'vque de +Hall, il sauta par une fentre du haut du chteau et du rocher dans +la Sals, nagea, s'aida d'un tronc d'arbre et chappa. Il svissait +toujours cruellement contre ses sujets. Sa femme s'avisa de lui servir +de la viande un vendredi saint, et comme il n'en voulait pas manger; +elle lui dit: Cher seigneur, vous craignez ce pch, lorsque vous en +faites tous les jours de plus grands et de plus horribles. Mais elle +fut oblige de s'enfuir et de quitter ses enfans. Au moment de son +dpart, minuit, elle baisa son enfant qui tait encore au berceau, +le bnit, et, dans un transport d'amour maternel, elle le mordit la +joue[8]. Accompagne d'une jeune fille, elle descendit par une corde +du chteau de Wartbourg, tout le long du prcipice. Son matre-d'htel +l'attendait avec un chariot, et la conduisit secrtement +Francfort-sur-le-Mein.--Quand ce landgrave mourut, on l'affubla d'un +habit de moine, ce qui faisait beaucoup rire tous ses chevaliers. + + [8] Luther appelle _Louis_ ce landgrave, qui s'appelait + effectivement _Albert-le-Dnatur_, et vivait en 1288. Sa + femme, Marguerite tait fille de l'empereur Frdric II; son + fils est Frdric I, dit le _Mordu_. + +En Italie, les hpitaux sont bien pourvus, bien btis[r207]. On +y donne une bonne nourriture; il y a des serviteurs attentifs et de +savans mdecins. Les lits et les habits sont trs propres; l'intrieur +des btimens orn de belles peintures. Aussitt qu'un malade y est +amen, on lui te ses habits en prsence d'un notaire qui en dresse une +note et une description exacte pour qu'ils lui soient bien gards. On +le revt d'un sarreau blanc, on le met dans un lit bien fait et dans +des draps blancs; on ne tarde pas lui amener deux mdecins, et les +serviteurs viennent lui apporter manger et boire dans des verres +bien propres, qu'ils touchent du bout du doigt. Il vient aussi des +dames et matrones honorables qui se voilent pendant quelques jours pour +servir les pauvres, de sorte qu'on ne sait point qui elles sont, et +elles retournent ensuite chez elles.--J'ai vu aussi Florence que les +hpitaux taient servis avec tous ces soins; de mme les maisons des +enfans-trouvs, o les petits enfans sont nourris au mieux, levs, +enseigns et instruits. Ils les ornent tous d'un costume uniforme, et +en prennent le plus grand soin. + + [r207] _Ibid._ 145. + +Je ne manque point de drap, mais je ne puis me dcider me faire +faire des culottes[r208]. Les miennes ont t raccommodes quatre +fois, et le seront encore. Les tailleurs ne font rien de bon et +prennent trop cher. Cela va bien mieux en Italie; les tailleurs ont une +corporation particulire qui ne fait que des culottes. + + [r208] _Ibid._ 424. + +En Espagne, pour les couches de l'impratrice, trente hommes se sont +fouetts jusqu'au sang, afin de lui obtenir un heureux enfantement, +deux mme en sont morts, et cependant la mre ni le foetus n'ont pu +tre dlivrs. Qu'a-t-on fait de plus chez les paens? (14 aot 1539.) + +En Italie et en France, les curs sont gnralement des nes[r209]. +Si on leur demande: _Quot sunt sacramenta?_ ils rpondent: +_Tres_.--_Qu?_ Rponse: Le goupillon, l'encensoir et la croix. + + [r209] _Ibid._ 281, verso. + +En France, il y a eu tant de superstition, que les serfs et serviteurs +voulaient pour la plupart se faire moines[r210]. Il fallut que le roi +dfendt la moinerie. La France est abme dans la superstition. Les +Italiens de mme sont ou superstitieux ou picuriens. C'est un propos +commun en Italie, quand ils vont l'glise de dire: Allons au prjug +populaire. + + [r210] _Ibid._ 271, verso. + +Lorsque je vis Rome, je tombai genoux, levai les mains au ciel et +dis[r211]: Salut, sainte Rome, sanctifie par les saints martyrs et +par leur sang qui y a t vers...; mais elle est maintenant dchire, +_und der teufel hat den papst, seinen dreck, darauss geschissen_.--Cent +ans avant Jsus-Christ, Rome avait quatre millions de citoyens; peu +aprs, neuf millions; certes, cela devait faire un peuple, si toutefois +la chose est vraie.--A Venise, trois cent mille feux; Erfurt, +dix-huit mille murs feu (murs mitoyens); Nuremberg, peine la +moiti.--Rome n'est plus qu'une charogne et un tas de cendres..... Les +maisons sont aujourd'hui o taient les toits de l'ancienne Rome; telle +est l'paisseur des dcombres, qu'il y en a la hauteur de deux lances +de landsknecht[9]. Rien n'y est louer que le consistoire et la cour +de Rote, o les affaires sont instruites et juges avec beaucoup de +justice. + + [r211] _Ibid._ 442. + + [9] Voyez le _Voyage de Montaigne_. + +Le docteur Staupitz avait entendu dire Rome, en 1511, que d'aprs +une vieille prophtie, un ermite s'lverait sous le pape Lon X, et +attaquerait la papaut; or, les augustins s'appellent aussi ermites. + +Je ne voudrais pas, pour cent mille florins, ne pas avoir vu Rome; +je me serais toujours inquit si je ne faisais pas injustice au +pape.--Il rpte trois fois ces paroles. + +Il y avait en Italie un ordre particulier, qui s'appelait _les Frres +de l'ignorance_[r212]. Ils devaient jurer de ne rien savoir et de ne +vouloir rien apprendre. Tous les moines mritent le mme nom. + + [r212] _Ibid._ 269, verso. + +Un soir, la table de Luther, il se trouvait un vieux prtre qui +racontait beaucoup de choses de Rome[r213]. Il y tait all quatre +fois et y avait offici pendant deux ans. Quand on lui demanda +pourquoi il y tait all si souvent, il rpondit: La premire fois +j'y cherchais un filou, la seconde je le trouvais, la troisime je +l'emportais avec moi, et la quatrime je l'y rapportais et le plaais +derrire l'autel de Saint-Pierre. + + [r213] _Ibid._ 442, verso. + +Christoff Gross, qui avait t long-temps Rome, trabant du pape, +parla beaucoup des pays par o l'on va vers la Terre-Sainte, de +l'Aragon et de la Biscaye[r214]. Ils ont pour signe du baptme une +petite cicatrice au nez, juste sous les yeux. + + [r214] _Ibid._ 441, verso. + +Les cossais sont la nation la plus fire; beaucoup se sont rfugis +en Allemagne, Erfurth et Wurtzbourg; ils n'admettent personne +comme moine dans leurs couvens. Les cossais sont mpriss des autres +nations, comme les Samaritains par les Juifs. + +Les Anglais ont t chasss de France aprs leur dfaite Montlhri, +entre Paris et Orlans[10].--Ils ne laissent personne Calais, moins +qu'il ne parle anglais dans tant d'heures. + + [10] Il est inutile de relever les erreurs grossires dont + fourmille ce chapitre. + +La peste rgne toujours en Angleterre[r215].--L'Angleterre est un +morceau de l'Allemagne.--Les langues danoise et anglaise sont du saxon, +c'est--dire du vritable allemand, tandis que la langue de l'Allemagne +suprieure n'est point la vraie langue allemande.--La Souabe et la +Bavire sont hospitalires; au contraire la Saxe.--Luther prfre le +dialecte de la Hesse tous les autres de l'Allemagne, parce que les +Hessois accentuent les mots comme s'ils chantaient. + + [r215] _Ibid._ 440, verso. + + +_Diversit des langues._--Supriorit de l'allemande: elle fait sentir +que les Allemands sont gens plus simples et plus vrais. Au contraire, +c'est un proverbe: les Franais crivent autrement qu'ils ne parlent, +et parlent autrement qu'ils ne pensent.--L'allemand se rapporte au +grec. Le latin est sec, il n'a pas de lettres doubles.--Finesse des +Saxons et bas Allemands; ils sont pires que les Italiens, quand ils +adoptent les ides de l'Italie.--Les habitations et l'aspect des +pays changent ordinairement dans l'espace d'un sicle. Il y a peu +d'annes que la Hesse, la Franconie, la Westphalie, n'taient qu'un +dsert. Au contraire, autour de Halle, d'Halberstadt, et chez nous, +on fait jusqu' trois milles sans trouver rien que bruyres, tandis +qu'autrefois il y avait des terres cultives. Dieu aura t la +fertilit au pays, pour punir les habitans. + +Nous sommes de bons compagnons, nous autres Allemands, nous buvons, +nous mangeons, nous cassons nos vitres, nous perdons en une soire +cent, mille florins ou plus, et nous oublions _le Turc_ qui, en trente +jours, peut tre avec sa cavalerie lgre Wittemberg. + + +En France, chacun a son verre table.--Les Franais se prservent de +l'air; s'ils suent, ils se couvrent, s'approchent du feu, se mettent +au lit; sans cela ils auraient la fivre. Deux personnes dansent la +fois, les autres regardent; au contraire en Allemagne.--Les prtres +d'Italie et de France ne savent pas mme leur langue. + + +Dans mon voyage sur le Rhin, je voulus dire la messe, mais un +prtre me dit[r216]: Vous ne le pouvez: nous suivons ici le rit +ambroisien. + + [r216] _Ibid._ 166. + +George Foegeler, chancelier du margrave, disait que dans la Bavire +il y avait plus de cent vingt-cinq cures vacantes, parce qu'on ne +pouvait trouver aucun ecclsiastique[r217]. + + [r217] _Ibid._ 184. + +Dans la Bohme, il y a environ trois cents cures vacantes, de mme +chez le duc George. + +La Thuringe avait autrefois un sol trs fertile en grain, +surtout autour d'Erfurt; mais maintenant elle est frappe de +maldiction[r218]. Le bl y est plus cher qu' Wittemberg. C'est ce +que j'ai vu, il y a un an, lorsque j'tais Smalkald; ils n'avaient +qu'un mauvais pain noir... Ils ont de telles vendanges qu'on pourrait +donner la pinte pour trois liards; si elles taient moiti moins +bonnes, ils seraient trs riches; mais maintenant ils donnent le vin +pour le tonneau. + + [r218] _Ibid._ 62. + +L'lectorat de Saxe a eu douze couvens de moines dchaux, mineurs, +cinq de prcheurs, moines de saint Paul et carmlites, et quatre +d'augustins[r219]. Voil seulement pour les moines mendians qui, +aujourd'hui se dissipent d'eux-mmes.--Alors, un Anglais qui se +trouvait table chez le docteur, se mit dire qu'en Angleterre, +il n'y avait gure de milles carrs d'Allemagne, o l'on ne trouvt +trente-deux clotres de moines mendians. + + [r219] _Ibid._ 269. + +Le vieil lecteur de Brandebourg, Joachim, disait une fois au duc de +Saxe Frdric[r220]: Comment pouvez-vous, vous autres princes de +Saxe, frapper de la monnaie si forte? Nous y avons gagn trois tonnes +d'or (en renvoyant une monnaie infrieure dans la Saxe). + + [r220] _Ibid._ 61, verso. + +La princesse de A. (Anhalt), venant Wittemberg, se rendit chez +Luther, et insista vivement pour discuter avec lui, quoiqu'il ft +malade et que ce ft une heure indue. Il s'excusa en lui disant: +Noble dame, je suis rarement bien portant dans toute l'anne; je +souffre presque toujours ou du corps ou de l'esprit. Elle lui +rpondit: Je le sais, mais nous, nous ne pouvons pas non plus vivre +tous dans la pit. Le docteur lui dit alors: Vous autres de la +noblesse, cependant, vous devriez tous tre pieux et irrprochables, +car vous tes peu, vous formez un cercle troit. Nous, gens du +commun et des basses classes, nous nous corrompons par la multitude; +nous sommes en grand nombre, il n'est donc pas tonnant qu'il y +ait si peu de gens pieux parmi nous. C'est chez vous, personnes +nobles et illustres, que nous devrions trouver des exemples de +pit, d'honntet, etc. Et il continua de lui parler sur ce ton. +(Tischreden, p. 341, verso.) + +Luther avait dans sa maison et sa table un Hongrois, nomm Mathias +de Vai. De retour en Hongrie, il y prcha, et fut accus par un +prdicateur papiste devant le moine George, frre du Vayvode, alors +gouverneur et rgent Bude. Le moine George fit apporter deux tonneaux +de poudre sur le march, et dit: Si l'un de vous deux prche la bonne +doctrine, asseyez-vous dessus, j'y mettrai le feu; nous verrons lequel +des deux restera vivant. Le papiste refusa, Mathias s'lana sur un +des tonneaux. Le papiste et les siens furent condamns payer quatre +cents florins de Hongrie, et entretenir pendant un certain temps deux +cents hommes d'armes. Mathias eut la permission de prcher l'vangile. +(Tischr., p. 13.) + +Un seigneur hongrois, nomm Jean Huniade, se trouvant Torgau, comme +ambassadeur du roi Ferdinand auprs de l'lecteur Jean-Frdric, pria +celui-ci de faire venir Luther pour qu'il pt le voir et lui parler. +Luther y vint; table, l'ambassadeur dit qu'en Hongrie les prtres +donnaient la communion tantt sous une, tantt sous deux espces, +et qu'ils prtendaient que la chose tait indiffrente. Rvrend +pre, ajouta-t-il, en s'adressant Luther, me permettez-vous de vous +demander ce que vous pensez de ces prtres? Le docteur rpondit +qu'il les regardait comme de mprisables hypocrites, Car, dit-il, +s'ils taient bien convaincus que la communion sous deux espces est +d'institution divine, ils ne pourraient continuer de la donner sous une +seule. + +Luther cacha le dpit que la question de l'ambassadeur lui avait caus, +et quelque temps aprs, il se tourna vers lui, en disant: Seigneur, +j'ai rpondu ce que votre Grce me demandait. Me permettra-t-elle de +lui faire une question mon tour? L'ambassadeur le lui permettant, +il continua: Je suis tonn que vos pareils, les conseillers des rois +et des princes, qui savent bien que la doctrine de l'vangile est la +vritable, ne laissent pas de la perscuter de toutes leurs forces. Me +pourriez-vous dire d'o cela vient? A ces mots, Andr Pflug, l'un des +convives, voyant l'embarras du seigneur hongrois, interrompit Luther et +parla vivement d'autre chose, de sorte que le seigneur fut dispens de +rpondre. (Tischr., p. 148.) + + +Le chapitre des _Propos de table_ o se trouve runi tout ce que Luther +a dit sur les Turcs, est fort curieux comme peinture des alarmes +qu'prouvaient alors toutes les familles chrtiennes. Chaque mouvement +des barbares est marqu par un cri de terreur. C'est la mme scne que +celle de Goetz de Berlichingen, o le chevalier ne pouvant agir, se +fait rendre compte par les siens du combat qui a lieu dans la plaine, +et qu'ils contemplent du haut d'une tour; c'est la mme anxit d'un +pril toujours croissant, et qu'on est dans l'impuissance d'viter ou +de combattre. + +Le Turc ira Rome, et je n'en suis pas trop fch, car il est crit +dans le prophte Daniel, etc.[r221] Une fois le Turc Rome, le +Jugement dernier n'est pas loin. + + [r221] _Ibid._ 432. + +Le Christ a sauv nos mes; il faudra qu'il sauve aussi nos corps; car +le Turc va donner un bon coup l'Allemagne[r222]. Je pense souvent +tous les maux qui vont suivre, et il m'en vient la sueur... La femme du +docteur s'cria: Dieu nous prserve des Turcs! Non, reprit-il, il faut +bien qu'ils viennent et qu'ils nous secouent comme il faut. + + [r222] _Ibid._ 432. + +Qui m'et dit que je verrais en face l'un de l'autre les deux +empereurs, les rois du Midi et du Septentrion[r223]?... Oh! priez, +car nos gens de guerre sont trop prsomptueux, ils comptent trop sur +leur force et sur leur nombre. Cela ne peut pas bien finir. Et il +ajoutait: Les chevaux allemands sont plus forts que ceux des Turcs; ils +peuvent les renverser; ceux-ci sont plus lgers, mais plus petits. + + [r223] _Ibid._ 436. + +Je ne compte point sur nos murs, ni sur nos arquebuses, mais sur le +_Pater noster_[r224]. C'est l ce qui battra les Turcs; le dcalogue +n'y suffit pas. + + [r224] _Ibid._ 436, verso. + +Luther dit qu'aprs avoir depuis long-temps dsir de connatre +l'Alcoran, il en trouva enfin une mauvaise version latine de 1300, +et qu'il la traduisit en allemand, afin de mieux faire connatre +l'imposture de Mahomet[r225]. Dans son Instruction tire de +l'Alcoran, il prouve que ce n'est point Mahomet qui est l'Anti-Christ +(car l'imposture, dit-il, est trop visible en celui-ci), mais plutt +le pape avec son hypocrisie.--Il y a trois ans qu'un moine du pays +des Maures vint ici. Nous disputmes avec lui par l'intermdiaire d'un +interprte, et comme il fut confondu en tous points par la Parole de +Dieu, il dit la fin: C'est l une bonne croyance. + + [r226] _Ibid._ t. II. 402. + +Les juifs, titre de juifs et d'usuriers, taient fort mal avec Luther. + +Nous ne devons pas souffrir les juifs parmi nous. On ne doit ni boire +ni manger avec eux.--Cependant, dit quelqu'un, il est crit que les +juifs seront convertis avant le Jugement...--Et il est crit aussi, dit +la femme de Luther, qu'il n'y aura qu'une bergerie et un berger.--Oui, +chre Catherine, dit le docteur. Mais cela s'est dj accompli, lorsque +les paens ont embrass l'vangile. (Tischr., p. 431.) + +Si j'tais la place des seigneurs de **, je ferais venir ensemble +tous les juifs, et je leur demanderais pourquoi ils appellent Christ +un fils de p..., et sainte Marie une coureuse. S'ils parvenaient le +prouver, je leur donnerais cent florins; sinon je leur arracherais la +langue. (Tischr., p. 431, verso.) + + + [a63] Page 127, ligne 24.--_Je ne puis nier que je ne sois + violent..._ + +rasme disait: Luther est insatiable d'injures et de violences; c'est +comme Oreste furieux. (Erasm., Epist. non sobria Luther.) + + + [a64] Page 142, ligne 9.--_Le droit imprial ne tient plus qu' + un fil..._ + +Cependant Luther le prfrait encore au droit saxon. + +Le docteur Luther parlant de la grande barbarie et duret du droit +saxon, disait que les choses iraient au mieux si le droit imprial +tait suivi dans tout l'Empire. Mais l'opinion s'est tablie la cour, +que le changement ne pouvait se faire sans grande confusion et grande +dvastation. (Tischreden, page 412.) + + + [a65] Page 143, ligne 17.--_Je te le conseille, juriste, laisse + dormir le vieux dogue..._ + +Dans son avant-dernire lettre Mlanchton (6 fvrier 1546), il dit +en parlant des lgistes: O sycophantes, sophistes, peste du genre +humain!... Je t'cris en colre, mais je ne sais si, de sang froid, je +pourrais mieux dire. + + + [a66] Page 143, ligne 24.--_Juristes pieux..._ + +Il souhaite qu'on amliore leur condition. + +Les docteurs en droit gagnent trop peu et sont obligs de se faire +procureurs. En Italie, on donne un juriste quatre cents ducats ou +plus par an; en Allemagne, ils n'en ont que cent. On devrait leur +assurer des pensions honorables, ainsi qu'aux bons et pieux pasteurs +et prdicateurs. Faute de cela, ils sont obligs pour nourrir leurs +femmes et leurs enfans, de s'occuper de l'agriculture et des soins +domestiques. (Tischreden, page 414.) + + + [a67] Page 143.--_Fin du chapitre._ + +Au comte Albrecht de Mansfeld, au sujet d'une affaire de mariage: Les +paysans, les gens grossiers qui ne recherchent que la libert de la +chair, les lgistes qui dcident toujours contre la foi, m'ont rendu +si las, que j'ai rejet dcidment le fardeau des affaires de mariages, +et que j'ai dit plusieurs de faire, au nom de tous les diables, ce +qu'il leur plaira: _Sinite mortuos sepelire mortuos_. Le monde veut le +pape! qu'il l'ait, s'il n'en peut tre autrement. Tous les lgistes +tiennent pour lui. Je ne sais vraiment si, moi mort, ils auront le +courage d'adjuger, mes enfans, le nom de Luther et mes guenilles! Ils +jugent toujours d'aprs le droit papal. A qui la faute? A vous autres +seigneurs, qui les rendez trop fiers, qui les soutenez dans tout ce qui +leur plat de dcider, qui opprimez les pauvres thologiens, quelque +raison qu'ils puissent avoir... (5 octobre 1536.) + +Il faudrait dans un pays deux cents pasteurs contre un juriste. +Nous devrions, en attendant, changer en pasteurs les juristes et les +mdecins. Vous verrez que cela viendra. (Tischreden, page 4, verso.) + + + [a68] Page 151, _fin du chapitre_. + +Discussion confidentielle entre Mlanchton et Luther. (1536.) + +MLANCHTON trouve probable l'opinion de saint Augustin, qui soutient +que nous sommes justifis par la foi, par la rnovation, et qui, sous +le mot de rnovation, comprend tous les dons et les vertus que nous +tenons de Dieu[11]. Quelle est votre opinion? demanda-t-il Luther. +Tenez-vous, avec saint Augustin, que les hommes sont justifis par la +rnovation, ou bien par imputation divine?--LUTHER rpond: Par la +pure misricorde de Dieu.--MLANCHTON propose de dire que l'homme +est justifi _principaliter_ par la foi, _et mins principaliter_ +par les oeuvres, en sorte que la foi rachte l'imperfection de +celles-ci.--LUTHER. La misricorde de Dieu est seule la vraie +justification. La justification par les oeuvres n'est qu'extrieure; +elle ne peut nous dlivrer ni du pch ni de la mort.--MLANCHTON. Je +vous demande ce qui justifie saint Paul et le rend agrable Dieu, +aprs sa rgnration par l'eau et l'esprit?--LUTHER. C'est uniquement +cette rgnration mme. Il est devenu juste et agrable Dieu par +la foi, et par la foi il reste tel jamais.--MLANCHTON. Est-il +justifi par la seule misricorde, ou bien l'est-il _principalement_ +par la misricorde, et _moins principalement_ par ses vertus et +ses oeuvres?--LUTHER. Non pas. Ses vertus et ses oeuvres ne sont +bonnes et pures que parce qu'elles sont de saint Paul, c'est--dire +d'un juste. Une oeuvre plat ou dplat, est bonne ou mauvaise, +cause de la personne qui la fait.--MLANCHTON. Mais vous enseignez +vous-mme que les bonnes oeuvres sont ncessaires, et saint Paul qui +croit, et qui en mme temps fait les oeuvres, est agrable Dieu +pour cela. S'il faisait autrement il lui dplairait.--LUTHER. Les +oeuvres sont ncessaires, il est vrai, mais c'est par une ncessit +sans contrainte, et toute autre que celle de la Loi. Il faut que le +soleil luise, c'est une ncessit galement; cependant ce n'est pas +par suite d'une loi qu'il luit, mais bien par nature, par une qualit +inhrente et qui ne peut tre change: il est cr pour luire. De mme +le juste, aprs la rgnration, fait les oeuvres, non pour obir +quelque loi ou contrainte, car il ne lui est pas donn de loi, mais +par une ncessit immuable.--Ce que vous dites de saint Paul, qui, +sans les oeuvres, ne plairait pas Dieu, est obscur et inexact, car +il est impossible qu'un croyant, c'est--dire un juste, ne fasse ce +qui est bien.--MLANCHTON. Sadolet nous accuse de nous contredire +en enseignant que la foi seule justifie, et en admettant nanmoins +que les bonnes oeuvres sont ncessaires.--LUTHER. C'est que les faux +frres et les hypocrites, faisant semblant de croire, on leur demande +les oeuvres pour confondre leur fourberie...--MLANCHTON. Vous dites +que saint Paul est justifi par la seule misricorde de Dieu. A cela +je rplique que si l'obissance ne venait s'ajouter la misricorde +divine, il ne serait point sauv, conformment la parole (I. Cor. +IX): Malheur moi, si je ne prchais pas l'vangile!--LUTHER. Il +n'est besoin de rien ajouter la foi; si elle est vritable, elle est + elle seule efficace toujours et en tout point. Ce que les oeuvres +valent, elles ne le valent que par la puissance et la gloire de la foi, +qui est, comme le soleil, resplendissante et rayonnante par ncessit +de nature.--MLANCHTON. Dans saint Augustin, les oeuvres sont incluses +en ces mots: _Sol fide_.--LUTHER. Quoi qu'il en soit, saint Augustin +fait assez voir qu'il est des ntres, quand il dit: Je suis effray, +il est vrai, mais je ne dsespre pas, car je me souviens des plaies +du Seigneur. Et ailleurs, dans ses Confessions: Malheur aux hommes, +quelque bonne et louable que leur vie puisse tre, s'ils ne sollicitent +la misricorde de Dieu...--MLANCHTON. Est-elle vraie, cette parole: +La justice est ncessaire au salut?--LUTHER. Non pas dans ce sens, +que les oeuvres produisent le salut, mais qu'elles sont les compagnes +insparables de la foi qui justifie. C'est tout de mme qu'il faudra +que je sois l en personne lorsque je serai sauv. + + [11] Mlanchton fait remarquer que saint Augustin n'exprime + pas cette opinion dans ses crits de controverse. + +J'en serai aussi, dit l'autre qu'on menait pour tre pendu, et qui +voyait les gens courir toutes jambes vers le gibet... La foi qui +nous est donne de Dieu rgnre l'homme incessamment et lui fait +faire des oeuvres nouvelles, mais ce ne sont pas les oeuvres nouvelles +qui font que l'homme est rgnr... Les oeuvres n'ont pas de justice +par elles-mmes aux yeux de Dieu, quoiqu'elles ornent et glorifient +accidentellement l'homme qui les fait... En somme, les croyans sont +une cration nouvelle, un arbre nouveau. Toutes ces manires de dire +usites dans la Loi, telles que: Le croyant _doit_ faire de bonnes +oeuvres, ne nous conviennent donc plus. On ne dit pas: Le soleil _doit +luire_, un bon arbre _doit_ porter de bons fruits, trois et sept +_doivent_ faire dix. Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui +commande; le bon arbre porte de mme ses bons fruits; trois et sept +ont de tout temps fait dix; il n'est pas besoin de le commander pour +l'avenir. + +Le passage suivant est plus exprs encore. Je pense qu'il n'y a point +de qualit qui s'appelle foi ou amour, comme le disent les rveurs et +les sophistes, mais je reporte cela entirement au Christ, et je dis +_mea formalis justitia_ (la justice certaine, permanente, parfaite, +dans laquelle il n'y a ni manque, ni dfaut; celle qui est comme elle +doit tre devant Dieu), cette justice c'est le Christ, mon seigneur. +(Tischr., p. 133.) + +Ce passage est un de ceux qui font le plus fortement sentir le rapport +intime de la doctrine de Luther avec le systme d'identification +absolue. On conoit que la philosophie allemande ait abouti Schelling +et Hegel. + + + [a69] Page 152. + +Les papistes se moquaient beaucoup des quatre nouveaux vangiles. Celui +de Luther, qui condamne les oeuvres; celui de Kuntius, qui rebaptise +les adultes; celui d'Othon de Brunfels, qui ne regarde l'criture +que comme un pur rcit cabalistique, _surda sine spiritu narratio_; +enfin, celui des mystiques (Cochlus, p. 165.) Ils auraient pu y +joindre celui du docteur Paulus Ricius, mdecin juif, qui fit paratre, +pendant la dite de Ratisbonne, un petit livre o Mose et saint Paul +montraient, dans un dialogue, comment toutes les opinions religieuses +qui excitaient tant de disputes pouvaient tre concilies. + + + [a70] Page 155, ligne 6.--_J'ai vu dans l'air un petit nuage de + feu... Dieu est irrit..._ + +La comte me donne penser que quelque malheur menace l'Empereur et +Ferdinand. Elle a tourn sa queue d'abord vers le nord, puis vers le +sud, dsignant ainsi les deux frres. (oct. 1531.) + + + [a71] Page 156, ligne 24.--_Michel Stiefel croit tre le + septime ange..._ + +Michel Stiefel, avec sa septime trompette, nous prophtise le jour du +jugement pour cette anne, vers la Toussaint. (26 aot 1533.) + + + [a72] Page 162, _fin du chapitre_. + +Il se moque de l'importance donne aux crmonies extrieures dans +une lettre George Duchholzer, ecclsiastique de Berlin, qui lui +avait demand son avis sur la rforme rcemment introduite dans le +Brandebourg: ..... Pour ce qui est de la chasuble, des processions et +autres choses extrieures que votre prince ne veut pas abolir, voici +mon conseil: S'il vous accorde de prcher l'vangile de Jsus-Christ +purement et sans additions humaines, d'administrer le baptme et la +communion tels que Christ les a institus, de supprimer l'adoration +des saints et les messes des morts, de renoncer bnir l'eau, le +sel et les herbes, de ne plus porter les saints-sacremens dans les +processions, enfin s'il n'y fait chanter que des cantiques purs de +toute doctrine humaine: faites les crmonies qu'il demande, la garde +de Dieu, portez une croix d'or ou d'argent, une chape, une chasuble +de velours, de soie, de toile et tout ce que vous voudrez. Si votre +seigneur ne se contente pas d'une seule chape ou chasuble, mettez-en +trois, comme le grand prtre Aaron qui mettait trois robes l'une sur +l'autre, toutes belles et magnifiques. Si sa Grce lectorale n'a pas +assez d'une seule procession que vous ferez avec chant et tintamarre, +faites-la sept fois, comme Josu et les enfans d'Isral allrent sept +fois autour de Jricho en criant et sonnant des trompettes. Et pour +peu que cela amuse sa Grce lectorale, elle n'a qu' ouvrir elle-mme +la marche, et danser devant les autres, au son des harpes, des +timbales et des sonnettes, comme fit David devant l'arche du Seigneur + Jrusalem; je ne m'y oppose point. Ces choses, quand l'abus ne s'y +mle point, n'ajoutent, n'tent rien l'vangile. Mais il faut se +garder d'en faire des ncessits, des chanes pour la conscience. Si +seulement je pouvais en venir l avec le pape et ses adhrens, ah! +que je remercierais Dieu! Vraiment, si le pape me cdait ce point, il +pourrait me dire de porter je ne sais quoi, que je le porterais pour +lui faire plaisir..... Pardonnez-moi, mon cher ami, de vous rpondre +si brivement aujourd'hui; j'ai la tte si faible, qu'il m'en cote +d'crire... (4 dcembre 1539.) + + + [a73] Page 177, ligne 18.--_Elle tomba raide..._ + +Une servante avait eu, pendant bien des annes un invisible esprit +familier qui s'asseyait prs d'elle au foyer, o elle lui avait fait +une petite place, s'entretenant avec lui pendant les longues nuits +d'hiver. Un jour la servante pria Heinzchen (elle nommait ainsi +l'esprit) de se laisser voir dans sa vritable forme. Mais Heinzchen +refusa de le faire. Enfin, aprs de longues instances, il y consentit, +et dit la servante de descendre dans la cave, o il se montrerait. +La servante prit un flambeau, descendit dans le caveau, et l, dans un +tonneau ouvert, elle vit un enfant mort qui flottait au milieu de son +sang. Or, longues annes auparavant, la servante avait mis secrtement +un enfant au monde, l'avait gorg, et l'avait cach dans un tonneau. +(Tischreden, page 222, trad. d'Henri Heine. Voy. son bel article sur +Luther, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834.) + + + [a74] Page 182, ligne 15.--_Ils saisissaient la tte..._ + +L'ennemi de tout bien et de toute sant (le diable), chevauche +quelquefois travers ma tte, de manire me rendre incapable de lire +ou d'crire la moindre des choses. (28 mars 1532.) + + + [a75] Page 183, ligne 9.--_Le diable n'est pas, la vrit, un + docteur qui a pris ses grades..._ + +C'est une chose merveilleuse, dit Bossuet, de voir combien +srieusement et vivement il dcrit son rveil, comme en sursaut, au +milieu de la nuit, l'apparition manifeste du diable pour disputer +contre lui. La frayeur dont il fut saisi, sa sueur, son tremblement +et son horrible battement de coeur dans cette dispute; les pressans +argumens du dmon qui ne laisse aucun repos l'esprit; le son de sa +puissante voix; ses manires de disputer accablantes, o la question et +la rponse se font sentir la fois. Je sentis alors, dit-il, comment +il arrive si souvent qu'on meure subitement vers le matin: c'est que le +diable peut tuer et trangler les hommes, et sans tout cela, les mettre +si fort l'troit par ses disputes, qu'il y a de quoi en mourir, comme +je l'ai plusieurs fois expriment. (_De abrogand miss privat_, t. +VII, 222, trad. de Bossuet. Variations, II, p. 203.) + + + [a76] Page 201, ligne 8.--_Aprs avoir prch Smalkalde..._ + +Il crivit sa femme sur cette maladie: ... J'ai t comme mort; +je t'avais dj recommande, toi et nos enfans, Dieu et notre +Seigneur, dans la pense que je ne vous reverrais plus; j'tais bien +mu en pensant vous; je me voyais dj dans la tombe. Les prires et +les larmes de gens pieux qui m'aiment, ont trouv grce devant Dieu. +Cette nuit a tu mon mal, me voil comme ren... (27 fvrier 1537.) + +Luther prouva une rechute dangereuse Wittemberg. Oblig de rester + Gotha, il se croyait prs de la mort. Il dicta Bugenhagen, qui +tait avec lui, sa dernire volont. Il dclara qu'il avait combattu la +papaut selon sa conscience, et demanda pardon Mlanchton, Jonas et + Cruciger des offenses qu'il pouvait leur avoir faites. (Ukert, t. I, +p. 325.) + + + [a77] Page 202, ligne 2.--_Ma vritable maladie..._ + +Luther fut atteint de bonne heure de la pierre; cette maladie le +faisait cruellement souffrir. Il fut opr le 27 fvrier 1537. + +Je commence entrer en convalescence, avec la grce de Dieu, je +rapprends boire et manger, quoique mes jambes, mes genoux, mes os +tremblent, et que je me porte peine. (21 mars 1537.) + +Je ne suis, mme sans parler des maladies et de la vieillesse, qu'un +cadavre engourdi et froid. (6 dcembre 1537.) + + + [a78] Page 215, ligne 10.--_Les comtes de Mansfeld..._ + +Il avait essay en vain de rconcilier les comtes de Mansfeld. Si l'on +veut, dit-il, faire entrer dans une maison un arbre coup, il ne faut +pas le prendre par la tte; toutes les branches l'arrteraient la +porte. Il faut le prendre par la racine, et les branches plieront pour +entrer. (Tischreden, p. 355.) + + + [a79] Page 222.--_A la fin du chapitre._ + +Nous runissons ici plusieurs particularits relatives Luther. + +rasme dit de lui: On loue unanimement les moeurs de cet homme; c'est +un grand tmoignage que ses ennemis mme n'y trouvent pas matire la +calomnie. (Ukert, t. II, page 5.) + +Luther aimait les plaisirs simples: il faisait souvent de la musique +avec ses commensaux et jouait aux quilles avec eux.--Mlanchton dit +de lui: Quiconque l'aura connu et frquent familirement, avouera +que c'tait un excellent homme, doux et aimable en socit, nullement +opinitre ni ami de la dispute. Joignez cela la gravit qui convenait + son caractre.--S'il montrait de la duret en combattant les ennemis +de la vraie doctrine, ce n'tait point malignit de nature, mais ardeur +et passion pour la vrit. (Ukert, t. II, p. 12.) + + +Bien qu'il ne ft ni d'une petite stature ni d'une complexion faible, +il tait d'une extrme temprance dans le boire et le manger. Je l'ai +vu tant en pleine sant, passer quatre jours entiers sans prendre +aucun aliment, et souvent se contenter, dans une journe entire, d'un +peu de pain et d'un hareng pour toute nourriture. (_Vie de Luther_, +par Mlanchton.) + + +Mlanchton dit dans ses OEuvres posthumes: Je l'ai souvent trouv, +moi-mme, pleurant chaudes larmes, et priant Dieu ardemment pour le +salut de l'glise. Il consacrait, chaque jour, quelque temps dire des +psaumes et invoquer Dieu de toute la ferveur de son me. (Ukert, t. +II, p. 7.) + + +Luther dit de lui-mme: Si j'tais aussi loquent et aussi riche en +paroles qu'rasme, aussi bon hellniste que Joachim Camrarius, aussi +savant en hbreu que Forscherius, et aussi un peu plus jeune, ah! quels +travaux je ferais! (Tischreden, p. 447.) + + +Le licenci Amsdorf est naturellement thologien. Les docteur +Creuziger et Jonas le sont par art et rflexion. Mais moi et le docteur +Pomer, nous donnons peu de prise dans la dispute. (Tischreden, p. 425.) + + +A Antoine Unruche, juge Torgau ... Je vous remercie de tout mon +coeur, cher Antoine, d'avoir pris en main la cause de Marguerite Dorst, +et de n'avoir pas souffert que ces insolens hobereaux enlevassent +la pauvre femme le peu qu'elle a. Vous savez que le docteur Martin +n'est pas seulement thologien et dfenseur de la foi, mais aussi +le soutien du droit des pauvres gens qui viennent de tous cts lui +demander ses conseils et son intercession auprs des autorits. Il sert +volontiers les pauvres, comme vous faites vous-mme, vous et ceux qui +vous ressemblent. Tous les juges devraient tre comme vous. Vous tes +pieux, vous craignez Dieu, vous aimez sa parole; aussi Jsus-Christ ne +vous oubliera-t-il pas... (12 juin 1538.) + + +Luther crit sa femme au sujet d'un vieux domestique qui allait +quitter sa maison: Il faut congdier notre vieux Jean honorablement; +tu sais qu'il nous a toujours servis loyalement, avec zle, et comme +il convenait un serviteur chrtien. Combien n'avons-nous pas donn + des vauriens, des tudians ingrats, qui ont fait un mauvais usage +de notre argent? Il ne faut donc pas lsiner, dans cette occasion, +l'gard d'un si honnte serviteur, chez lequel notre argent sera plac +d'une manire agrable Dieu. Je sais bien que nous ne sommes pas +riches; je lui donnerais volontiers dix florins si je les avais; en +tous cas, ne lui en donne pas moins de cinq, car il n'est pas habill. +Ce que tu pourras faire de plus, fais-le, je t'en prie. Il est vrai +que la caisse de la ville devrait bien aussi lui donner quelque chose, +parce qu'il a fait toutes sortes de services dans l'glise; qu'ils +agissent comme ils voudront. Vois de quelle manire tu pourras avoir +cet argent. Nous avons un gobelet d'argent mettre en gage. Dieu ne +nous abandonnera pas, j'en suis sr. Adieu. (17 fvrier 1532.) + + +Le prince m'a donn un anneau d'or; mais afin que je visse bien que +je n'tais pas n pour porter de l'or, l'anneau est aussitt tomb de +mon doigt (car il est un peu trop large). J'ai dit: Tu n'es qu'un ver +de terre, et non un homme. Il fallait donner cet or Faber, Eckius; +pour toi, du plomb, une corde au cou te conviendraient davantage. (15 +septembre 1530.) + + +L'lecteur, tablissant une contribution pour la guerre des Turcs, +en avait fait exempter Luther. Il lui rpondit qu'il acceptait cette +faveur pour ses deux maisons, dont l'une (l'ancien couvent) lui cotait +beaucoup d'entretien sans rien rapporter, et dont l'autre n'tait pas +paye encore. Mais, continue-t-il, je prie votre Grce lectorale, +en toute soumission, de permettre que je contribue pour mes autres +biens. J'ai encore un jardin estim cinq cents florins, une terre +quatre-vingt-dix, et un petit jardin qui en vaut vingt. J'aimerais bien + faire comme les autres, combattre le Turc de mes liards, ne pas +tre exclu de l'arme qui doit nous sauver. Il y en a dj assez qui ne +donnent pas volontiers; je ne voudrais pas faire des envieux. Il vaut +mieux qu'on ne puisse se plaindre, et que l'on dise: Le docteur Martin +est aussi oblig de payer. (26 mars 1542.) + + +A l'lecteur Jean. Grce et paix en Jsus-Christ. Srnissime +seigneur! j'ai long-temps diffr de remercier votre Grce des habits +qu'elle a bien voulu m'envoyer; je le fais par la prsente de tout mon +coeur. Cependant je prie humblement votre Grce de ne pas en croire +ceux qui me prsentent comme dans le dnment. Je ne suis dj que trop +riche selon ma conscience; il ne me convient pas, moi, prdicateur, +d'tre dans l'abondance, je ne le souhaite ni ne le demande.--Les +faveurs rptes de votre Grce commencent vraiment m'effrayer. Je +n'aimerais pas tre de ceux qui Jsus-Christ dit: Malheur vous, +riches, parce que vous avez dj reu votre consolation! Je ne voudrais +pas non plus tre charge votre Grce, dont la bourse doit s'ouvrir +sans cesse pour tant d'objets importans. C'tait donc dj trop de +l'toffe brune qu'elle m'a envoye; mais, pour ne pas tre ingrat, je +veux aussi porter en son honneur l'habit noir, quoique trop prcieux +pour moi; si ce n'tait un prsent de votre Grce lectorale, je +n'aurais jamais voulu porter un pareil habit. + +Je supplie en consquence votre Grce de vouloir bien dornavant +attendre que je prenne la libert de demander quelque chose. Autrement +cette prvenance de sa part m'terait le courage d'intercder +auprs d'elle pour d'autres qui sont bien plus dignes de sa faveur. +Jsus-Christ rcompensera votre me gnreuse: c'est la prire que je +fais de tout mon coeur. Amen. (17 aot 1529.) + + +Jean-le-Constant avait fait prsent Luther de l'ancien couvent +des Augustins Wittemberg.--L'lecteur Auguste le racheta de ses +hritiers, en 1564, pour le donner l'universit. (Ukert, t. I, p. +347.) + + +_Lieux habits par Luther et objets qu'on a conservs de lui._--La +maison dans laquelle Luther naquit n'existe plus; elle fut brle +en 1689.--A la Wartbourg, on montre encore sur le mur une tache +d'encre que Luther aurait faite en jetant son critoire la tte du +diable.--On a conserv aussi la cellule qu'il occupait au couvent de +Wittemberg, avec diffrens meubles qui lui appartenaient. Les murs de +cette cellule sont couverts de noms de visiteurs. On remarque celui de +Pierre-le-Grand crit sur la porte.--A Cobourg, l'on voit la chambre +qu'il habitait pendant la dite d'Augsbourg (1530). + + +Luther portait au doigt une bague d'or, maille, sur laquelle on +voyait une petite tte de mort avec ces mots: _Mori spe cogita_; +autour du chaton tait crit: _O mors, ero mors tua_. Cette bague est +conserve Dresde, ainsi qu'une mdaille en argent dore, que la femme +de Luther portait au cou. Dans cette mdaille, un serpent se dresse +sur les corps des Isralites, avec ces mots: _Serpens exaltatus typus +Christi crucifixi_. Le revers prsente Jsus-Christ sur la croix avec +cette lgende: _Christus mortuus est pro peccatis nostris_. D'un ct +on lit encore: _D. Mart. Luter Caterin su dono. D. H. F._; et de +l'autre: _Qu nata est anno 1499, 29 januarii_. + + +Il avait lui-mme un cachet dont il a donn la description dans une +lettre Lazare Spengler: Grce et paix en Jsus-Christ.--Cher +seigneur et ami! vous me dites que je vous ferais plaisir en vous +expliquant le sens de ce qu'on voit sur mon sceau. Je vais donc +vous indiquer ce que j'ai voulu y faire graver, comme symbole de ma +thologie. D'abord, il y a une croix noire avec un coeur au milieu. +Cette croix doit me rappeler que la foi au Crucifi nous sauve: qui +croit en lui de toute son me est justifi. Cette croix est noire +pour indiquer la mortification, la douleur par laquelle le chrtien +doit passer. Le coeur nanmoins conserve sa couleur naturelle; car la +croix n'altre pas la nature, elle ne tue pas, elle vivifie. _Justus +fide vivit, sed fide crucifixi._ Le coeur est plac au milieu d'une +rose blanche, qui indique que la foi donne la consolation, la joie et +la paix; la rose est blanche et non rouge, parce que ce n'est point +la joie et la paix du monde, mais celle des esprits: le blanc est la +couleur des esprits, et de tous les anges. La rose est dans un champ +d'azur, pour montrer que cette joie dans l'esprit et dans la foi est un +commencement de la joie cleste qui nous attend; celle-ci y est dj +comprise, elle existe dj en espoir, mais le moment de la consommation +n'est pas encore venu. Dans ce champ vous voyez aussi un cercle +d'or. Il indique que la flicit dans le ciel durera ternellement, +et qu'elle est suprieure toute autre joie, tout autre bien, +comme l'or est le plus prcieux des mtaux.--Que Jsus-Christ, notre +seigneur, soit avec vous jusque dans la vie ternelle. Amen. De mon +dsert de Cobourg, 8 juillet 1530. + + +A Altenbourg, l'on a conserv long-temps un verre de table dans lequel +Luther avait bu la dernire fois qu'il visita son ami Spalatin. (Ukert, +t. I, page 245 et suiv.) + + + + +RENVOIS DU TOME TROISIME. + + Renvoi Page ligne + [r1] 3, 19. _Otto Pack._--Cochlus, 171. + [r2] 4, 11. _Cette ligue._--Ukert, 216. + [r3] 5, 15. _Tu crains que._--Luther Werke, t. IX, 231. + [r4] 6, 24. _Mmoire de Luther._--_Ibid._ t. IX, 297. + [r5] 20, 23. _L'Espagnol disait._--_Ibid._ t. IX, 414. + [r6] 23, 14. _Luther crit._--_Ibid._ t. IX, 459. + [r7] 29, 15. _Comment l'vangile._--_Ibid._ t. II, 391, 199. + [r8] 35, 17. _Nouvelle sur les Anabaptistes._--_Ibid._ + t. II, 328. + [r9] 40, 20. _Les anabaptistes soumis._--_Ibid._ t. II, 365. + [r10] 42, 4. _Entretien._--_Ibid._ t. II, 376. + [r11] 49, 11. _Le 19 janvier._--_Ibid._ t. II, 400. + [r12] 51, 3. _Prface de Luther._--_Ibid._ t. II, 332. + [r13] 60, 14. _Les instructions._--Bossuet en a donn le texte + dans son histoire des _Variations de l'glise + protestante_.--t. I, 328, 199. + [r14] 72, 3. _Celui qui insulte._--Tischr. 241. + [r15] 72, 8. _Le droit saxon._--_Ibid._ 315 _bis_. + [r16] 72, 14. _Il n'y a point de doute._--_Ibid._ 116. + [r17] 72, 22. _On disait Luther._--_Ibid._ 312 _bis_. + [r18] 73, 11. _Lettre un ami._--_Ibid._ 313 _bis_. + [r19] 73, 20. _Il n'est gure plus possible._--_Ibid._ 315 _bis_. + [r20] 74, 4. _La plus grande grce._--_Ibid._ 313. + [r21] 74, 20. _Au jour de la._--_Ibid._ 316 _bis_. + [r22] 75, 6. _Le docteur M._--_Ibid._ 320. + [r23] 75, 18. _En 1541._--_Ibid._ 264 _bis_. + [r24] 76, 4. _La premire anne._--_Ibid._ 313 _bis_. + [r25] 76, 19. _Lucas Cranach._--_Ibid._ 314. + [r26] 77, 19. _On trouve l'image._--_Ibid._ 312 _bis_. + [r27] 78, 6. _Les petits enfans._--_Ibid._ 42 _bis_. + [r28] 78, 3. _On amena._--_Ibid._ 124. + [r29] 78, 20. _Servez._--_Ibid._ 10 _bis_. + [r30] 79, 3. _Au premier jour._--_Ibid._ 314 _bis_. + [r31] 79, 13. _Aprs qu'il eut._--_Ibid._ 47. + [r32] 79, 21. _Il disait son._--_Ibid._ 49 _bis_. + [r33] 79, 25. _Les enfans sont les plus heureux._--_Ibid._ 134. + [r34] 80, 10. _Une autre fois._--_Ibid._ 134 _bis_. + [r35] 80, 19. _Comme matre._--_Ibid._ 45 _bis_. + [r36] 81, 1. _Quels ont d tre._--_Ibid._ 47. + [r37] 81, 17. _Il est touchant._--_Ibid._ 42-43 _passim_. + [r38] 81, 24. _Le 9 avril 1539._--_Ibid._ 363. + [r39] 82, 16. _Le 18 avril._--_Ibid._ 423. + [r40] 83, 13. _Supportons._--Lettre V, 726. + [r41] 83, 22. _Un soir._--Tischr. 43 _bis_. + [r42] 84, 1. _Vers le soir._--_Ibid._ 24 _bis_. + [r43] 85, 10. _Le petit enfant._--Tischred. 32, verso. + [r44] 86, 23. _Dans les choses divines._--_Ibid._ 69. + [r45] 87, 14. _Le dcalogue._--_Ibid._ 112, verso. + [r46] 87, 18. _On demandait au docteur._--_Ibid._ 362. + [r47] 88, 1. _Cicron._--_Ibid._ 425. + [r48] 88, 12. _On demandait Luther._--_Ibid._ 106. + [r49] 88, 25. _Le docteur soupirait._--_Ibid._ 11, verso. + [r50] 89, 11. _Autrefois._--_Ibid._ 311. + [r51] 89, 21. _Que sont les saints._--Cochlus, Vie de Luther, + 226. + [r52] 90, 10. _Nos adversaires._--Tischred. 447. + [r53] 90, 18. _Pourquoi enseigne-t-on?_--Luth. Werke, t. II, 16. + [r54] 92, 8. _Le Pater noster._--Tischreden, 153. + [r55] 93, 3. _L'vangile de saint Jean._--Ukert, 18. + [r56] 95, 28. _Ambroise._--Tischreden, 383. + [r57] 96, 7. _Saint Augustin._--_Ibid._ 98. + [r58] 97, 11. _Les nominaux._--_Ibid._ 384. + [r59] 98, 15. _Le D. Staupitz._--_Ibid._ 385. + [r60] 99, 11. _Jean Huss._--_Ibid._ 386. + [r61] 99, 26. _Jean Huss tait._--_Ibid._ 127. + [r62] 100, 4. _La tte de l'antichrist._--_Ibid._ 241. + [r63] 100, 6. _C'est ma pauvre condition._--_Ibid._ 249. + [r64] 100, 18. _Les papistes._--_Ibid._ 255. + [r65] 100, 28. _Le pape le dit._--_Ibid._ 259. + [r66] 101, 6. _D'autres ont attaqu les moeurs._--_Ibid._ 192. + [r67] 101, 10. _Des conciles._--_Ibid._ 371-76. + [r68] 102, 14. _Des biens ecclsiastiques._--_Ibid._ 380. + [r69] 103, 17. _Le proverbe a raison._--_Ibid._ 60. + [r70] 104, 7. _En Italie._--_Ibid._ 275. + [r71] 104, 26. _Dans les disputes._--_Ibid._ 271. + [r72] 105, 3. _La moinerie._--_Ibid._ 272. + [r73] 123, 4. _Oh! combien je tremblais._--_Ibid._ 181. + [r74] 124, 9. _Je n'aime pas que Philippe._--_Ibid._ 197. + [r75] 124, 14. _Le docteur Jonas lui disait._--_Ibid._ 113. + [r76] 124, 24. _Je veux que l'on enseigne._--_Ibid._ 116. + [r77] 125, 4. _Le docteur Erasmus Alberus._--_Ibid._ 184. + [r78] 125, 16. _Albert Drer._--_Ibid._ 425. + [r79] 125, 20. _Oh! que j'eusse t heureux._--Luth. Werke, + t. IX, 245. + [r80] 125, 27. _Rien n'est plus agrable._--Tischreden, 182. + [r81] 126, 3. _Parmi les qualits._--_Ibid._ 183. + [r82] 126, 7. _Dans le trait._--Seckendorf, livre I, 202. + [r83] 128, 4. _Le docteur Luther disait._--Tischreden, 105. + [r84] 128, 8. _Si je meurs._--_Ibid._ 356. + [r85] 128, 13. _Dans la colre._--_Ibid._ 145. + [r86] 131, 4. _Il n'est pas d'alliance._--_Ibid._ 331. + [r87] 132, 19. _La nouvelle tant venue._--_Ibid._ 274. + [r88] 134, 12. _La nuit qui prcda la mort._--_Ibid._ 360. + [r89] 138, 3. _Il vaut mieux._--_Ibid._ 347. + [r90] 139, 13. _Le droit est une belle fiance._--_Ibid._ 273. + [r91] 139, 28. _Avant moi, il n'y a eu._--_Ibid._ 402. + [r92] 142, 22. _Voil comme agissent._--_Ibid._ 403. + [r93] 143, 12. _Bon peuple, veuillez agrer._--_Ibid._ 407. + [r94] 145, 11. _Je suis maintenant._--_Ibid._ 102. + [r95] 146, 8. _La loi sans doute._--_Ibid._ 128. + [r96] 146, 17. _Pour me dlivrer entirement._--Tischreden, 133. + [r97] 147, 1. _Il n'est qu'un seul point._--_Ibid._ 140. + [r98] 147. _Luther en parlant._--_Ibid._ 147. + [r99] 147, 8. _Le diable veut seulement._--_Ibid._ 142. + [r100] 147, 15. _Un docteur anglais._--_Ibid._ 144. + [r101] 148, 1. _Pour rsister._--_Ibid._ 124. + [r102] 149, 8. _Dieu dit Mose._--_Ibid._ 125. + [r103] 153, 6. _Le docteur Martin Luther disait au + sujet._--_Ibid._ 292. + [r104] 153, 11. _Quand je commenai crire._--_Ibid._ 193. + [r105] 153, 22. _En 1521, il vint chez moi._--_Ibid._ 282. + [r106] 155, 27. _Matre Stiefel._--_Ibid._ 367. + [r107] 156, 26. _Bileas._--_Ibid._ 192. + [r108] 157, 4. _Le docteur Jeckel._--_Ibid._ 287. + [r109] 158, 1. _Le docteur Luther faisant reproche._--_Ibid._ 290. + [r110] 158, 19. _Des antinomiens._--_Ibid._ 287. + [r111] 159, 15. _Qui aurait pens._--_Ibid._ 288. + [r112] 160, 8. _J'ai eu tant de confiance._--_Ibid._ 291. + [r113] 161, 1. _En 1540, Luther._--_Ibid._ 129. + [r114] 161, 22. _Matre Jobst._--_Ibid._ 124. + [r115] 162, 12. _Si au commencement._--_Ibid._ 125. + [r116] 163, 4. _Matre Philippe dit._--_Ibid._ 445. + [r117] 164, 4. _Philippe me demandait._--_Ibid._ 29. + [r118] 164, 8. _Si Philippe n'et pas t._--_Ibid._ 195. + [r119] 164, 11. _Le Paradis de Luther._--_Ibid._ 305. + [r120] 164, 21. _Les paysans ne sont pas dignes._--_Ibid._ 52. + [r121] 164, 28. _Le docteur Jonas._--_Ibid._ 137. + [r122] 165, 14. _Un mchant et horrible._--_Ibid._ 70. + [r123] 165, 22. _La femme du docteur._--_Ibid._ 150. + [r124] 166, 2. _Le docteur exhortait sa femme._--_Ibid._ + [r125] 166, 22. _Le pater noster._--_Ibid._ 135. + [r126] 166, 25. _J'aime ma Catherine._--_Ibid._ 140. + [r127] 169, 3. _Une jeune fille._--_Ibid._ 92, verso. + [r128] 169, 9. _Un pasteur._--_Ibid._ 208. + [r129] 172, 5. _Il y a des lieux._--_Ibid._ 212. + [r130] 172, 18. _Un jour de grand orage._--_Ibid._ 219. + [r131] 173, 3. _Suivent deux histoires._--_Ibid._ 214. + [r132] 173, 11. _Le diable promne._--_Ibid._ 213. + [r133] 173, 18. _Aux Pays-Bas et en Saxe._--_Ibid._ 221. + [r134] 173, 21. _Les moines conduisaient._--_Ibid._ 222. + [r135] 173, 24. _On racontait table._--_Ibid._ 205. + [r136] 174, 8. _Un vieux cur._--_Ibid._ 205. + [r137] 175, 14. _Une autre fois, Luther._--_Ibid._ 205. + [r138] 176, 23. _Il y avait Erfurth._--_Ibid._ 215. + [r139] 177, 18. _Le docteur Luc Gauric._--_Ibid._ 216. + [r140] 177, 21. _Le diable peut se changer._--_Ibid._ 216. + [r141] 182, 9. _Le docteur Luther devenu plus g._--_Ibid._ 222. + [r142] 182, 16. _Cela m'est arriv._--_Ibid._ 220. + [r143] 182, 23. _Je sais, grce Dieu._--_Ibid._ 224. + [r144] 183, 9. _Le Diable n'est pas._--_Ibid._ 202. + [r145] 183, 20. _Au mois de janvier 1532._--Ukert, t. I, 320. + [r146] 184, 8. _Ma maladie qui consiste._--Tischreden, 210. + [r147] 184, 13. _En 1536, il maria._--Ukert, t. I, 322. + [r148] 184, 20. _Pendant que le docteur Luther._--Tischreden, 229. + [r149] 185, 8. _Quand le diable me trouve._--_Ibid._ 8. + [r150] 186, 1. _La nuit, quand je me rveille._--_Ibid._ 218. + [r151] 186, 6. _Aujourd'hui comme je._--_Ibid._ 220. + [r152] 186, 15. _Un jour que l'on parlait souper._--_Ibid._ 12. + [r153] 187, 1. _Le diable me fait regarder._--_Ibid._ 220. + [r154] 187, 4. _Le diable nous a jur._--_Ibid._ 362. + [r155] 187, 6. _La tentation de la chair._--_Ibid._ 318. + [r156] 187, 13. _Si je tombe._--_Ibid._ 226. + [r157] 187, 19. _Le grain d'orge a bien souffrir._--_Ibid._ 216. + [r158] 188, 15. _Quand le diable vient._--_Ibid._ 227. + [r159] 189, 4. _On peut consoler._--_Ibid._ 231. + [r160] 189, 10. _La meilleure mdecine._--_Ibid._ 238. + [r161] 189, 19. _Prface du docteur._--Luth. Werke, t. II, 1. + [r162] 200, 3. _Le mal de dents._--Tischreden, 356. + [r163] 200, 12. _Un homme se plaignait._--_Ibid._ 357. + [r164] 201, 8. _Aprs avoir prch._--_Ibid._ 362. + [r165] 203, 3. _Si j'avais su._--_Ibid._ 6. + [r166] 203, 8. _On disait une fois._--_Ibid._ 5. + [r167] 203, 18. _On disait un jour._--_Ibid._ 5, verso. + [r168] 204, 13. _C'est vous qui._--_Ibid._ 195, verso. + [r169] 204, 15. _Il sortit un jour._--_Ibid._ 189, verso. + [r170] 204, 17. _Le 16 fvrier._--_Ibid._ 414. + [r171] 204, 23. _Le chancelier du comte._--_Ibid._ 19. + [r172] 205, 16. _Dieu a un beau jeu._--_Ibid._ 32, verso. + [r173] 205, 22. _Le monde._--_Ibid._ 448, verso. + [r174] 205, 26. _Luther._--_Ibid._ 449. + [r175] 206, 15. _Un des convives._--_Ibid._ 295. + [r176] 206, 23. _Il sera si mauvais sujet._--_Ibid._ 15. + [r177] 207, 3. _On parlait table._--_Ibid._ 304. verso. + [r178] 207, 23. _Pauvres gens._--_Ibid._ 46. + [r179] 210, 17. _Je l'ai dit d'avance._--_Ibid._ 416. + [r180] 211, 7. _La vieille lectrice._--_Ibid._ 361-2. + [r181] 211, 15. _Je voudrais._--_Ibid._ 147. + [r182] 211, 18. _16 fvrier 1546._--_Ibid._ 362. + [r183] 211, 25. _Impromptu de Luther sur la fragilit._--_Ibid._ + 358. + [r184] 212, 19. _Prdiction du Rvrend._--Opera latina, Iena, + 1612, Ier vol. aprs la table des matires. + [r185] 303, 23. _Il n'y a jamais eu._--Tischreden, 243. + [r186] 304, 1. _Le Pape Jules IIe du nom._--_Ibid._ 242. + [r187] 304, 12. _Si j'avais t._--_Ibid._ 243. + [r188] 304, 17. _Le Pape Jules II, un homme._--_Ibid._ 269. + [r189] 304, 23. _L'an 1532._--_Ibid._ 341. + [r190] 305, 1. _Lorsque ceux de Bruges._--_Ibid._ 448. + [r191] 305, 27. _L'empereur Maximilien._--_Ibid._ 343. + [r192] 305, 22. _On dit que._--_Ibid._ 184, verso. + [r193] 306, 22. _Aprs l'lection._--_Ibid._ 53. + [r194] 307, 5. _La nouvelle vint._--_Ibid._ 349. + [r195] 307, 14. _Les rois de France._--_Ibid._ 349, verso. + [r196] 309, 17. _Sept universits._--_Ibid._ 348. + [r197] 309, 23. _Quelques-uns qui avaient._--_Ibid._ 348, verso. + [r198] 310, 3. _Le duc Georges._--_Ibid._ 265. + [r199] 310, 7. _Lorsque le duc George dclara._--_Ibid._ 156. + [r200] 310, 17. _Le duc George a suc._--_Ibid._ 313, verso. + [r201] 310, 25. _Lorsque le duc George voyait._--_Ibid._ 142, + verso. + [r202] 312, 6. _L'lecteur Frdric._--_Ibid._ 451, verso. + [r203] 313, 3. _En 1525._--_Ibid._ 152. + [r204] 314, 8. _On dit que l'empereur._--_Ibid._ 353. + [r205] 315, 6. _Quoique le docteur Jonas._--_Ibid._ 354. + [r206] 317, 21. _Aprs la dite._--_Ibid._ 156. + [r207] 319, 4. _En Italie les hpitaux._--_Ibid._ 145. + [r208] 320, 1. _Je ne manque point._--_Ibid._ 424. + [r209] 320, 14. _En Italie et en France._--_Ibid._ 281, verso. + [r210] 320, 18. _En France._--_Ibid._ 271, verso. + [r211] 320, 25. _Lorsque je vis Rome._--_Ibid._ 442. + [r212] 322, 1. _Il y avait en Italie._--_Ibid._ 269, verso. + [r213] 322, 6. _Un soir la table._--_Ibid._ 442, verso. + [r214] 322, 15. _Christoff Gross._--_Ibid._ 441, verso. + [r215] 323, 4. _La peste rgne toujours._--_Ibid._ 440, verso. + [r216] 324, 21. _Dans mon voyage._--_Ibid._ 166. + [r217] 324, 25. _George Siegeler._--_Ibid._ 184. + [r218] 325, 5. _La Thuringe._--_Ibid._ 62. + [r219] 325, 14. _L'lectorat de Saxe._--_Ibid._ 269. + [r220] 325, 24. _Le vieil lecteur._--_Ibid._ 61, verso. + [r221] 329. _Le Turc ira Rome._--_Ibid._ 432. + [r222] 329, 7. _Le Christ a sauv._--_Ibid._ 432. + [r223] 329, 15. _Qui m'et dit._--_Ibid._ 436. + [r224] 329, 23. _Je ne compte point._--_Ibid._ 436, verso. + [r225] 329, 27. _Luther dit qu'aprs._ Luth. Werke,.--_Ibid._ + t. II. 402. + + +FIN DU TOME TROISIME. + + + + +TABLE DU TROISIME VOLUME. + + + LIVRE III.--1529-1546 1 + + CHAP. 1er. 1529-1532. Les Turcs.--Danger de + l'Allemagne.--Augsbourg, Smalkalde.--Danger + du protestantisme. 1 + + CHAP. II. 1534-1536. Anabaptistes de Mnster. 28 + + CHAP. III. 1536-1545. Dernires annes de la vie de + Luther.--Polygamie du landgrave de Hesse, etc. 56 + + + LIVRE IV.--1530-1546 71 + + CHAP. 1er. Conversations de Luther.--La famille, la femme, + les enfans.--La nature. 71 + + CHAP. II. La Bible.--Les Pres.--Les scolastiques.--Le pape. + Les conciles. 85 + + CHAP. III. Des coles et universits et des arts libraux. 100 + + CHAP. IV. Drames.--Musique.--Astrologie.--Imprimerie.--Banque, + etc. 114 + + CHAP. V. De la prdication.--Style de Luther.--Il avoue la + violence de son caractre. 123 + + + LIVRE V. 131 + + CHAP. 1er. Mort du pre de Luther, de sa fille, etc. 131 + + CHAP. II. De l'quit, de la Loi.--Opposition du thologien + et du juriste. 138 + + CHAP. III. La foi; la loi. 144 + + CHAP. IV. Des novateurs.--Mystiques, etc. 152 + + CHAP. V. Tentations.--Regrets et doutes des amis, de la femme; + doutes de Luther lui-mme. 163 + + CHAP. VI. Le diable.--Tentations. 168 + + CHAP. VII. Maladies.--Dsir de la mort et du jugement.--Mort, + 1546. 200 + + Additions et claircissemens. 223 + + Renvois. 353 + + +FIN DE LA TABLE DU TOME TROISIME. + + + + +ERRATA. + + + Page 2, ligne 12, au lieu de _regardent_, lisez _regardant_. + Page 9, ligne 21, au lieu de _le mieux_, lisez _mieux_. + Page 58, ligne 28, au lieu de _thologien_, lisez _thologiens_. + Page 252, ligne 17, au lieu de _digamie_, lisez _bigamie_. + Page 282, ligne 15, au lieu de _occurences_, lisez _occurrences_. + Page 287, ligne 10, au lieu de _heureux la mre_, lisez _heureuse + la mre_. + Page 308, ligne 10, au lieu de _de Pavie_, lisez _ Pavie_. + Page 316, ligne 1, au lieu de _a t_, lisez _'a t_. + Page 317, ligne 20, au lieu de _parle parle_, lisez _parle_. + Page 327, ligne 22, au lieu de _demandez_, lisez _demander_. + Page 328, ligne 13, au lieu de _ambarras_, lisez _embarras_. + + + * * * * * + + + Corrections: + + Pages 3, 353, 355: Cochloeus remplac par Cochlus. + Page 28: compagnonage remplac par compagnonnage (Le + mystique compagnonnage allemand). + Page 36: dor par d'or (trente et un chevaux couverts de + draps d'or). + Page 37: cent par cents (prs de quatre mille deux cents). + Page 75: de de par de (Ne vous scandalisez pas de me voir). + Page 139: barette par barrette (doit ter sa barrette devant + la thologie). + Page 209: rassassi remplac par rassasi (On est rassasi + de la parole de Dieu). + Page 222: sufffire par suffire (que nous ayons pu y suffire). + Page 258: deux par d'eux (Que l'un d'eux avait commis un + meurtre). + Page 315: pomptement par promptement (il excute + promptement). + Page 339: Brandbourg par Brandebourg (rcemment introduite + dans le Brandebourg). + Page 340: tintamare par tintamarre (avec chant et tintamarre). + Page 353 RENVOIS DU TOME TROISIME: il faut sans doute lire + RENVOIS DU TOME DEUXIME. + Page 360 (renvoi n 160): ajout _Ibid._ + Page 361 (renvoi n 176): au lieu de Il sera si mauvais il faut + sans doute lire Il fera si mauvais; ajout _Ibid._ + Page 366 Table des matires: au lieu de TROISIME VOLUME et + TOME TROISIME il faut sans doute lire DEUXIME + VOLUME et TOME DEUXIME. + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme, by +Martin Luther and Jules Michelet + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MMOIRES DE LUTHER *** + +***** This file should be named 44617-8.txt or 44617-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/4/4/6/1/44617/ + +Produced by Laurent Vogel, Pierre Timmermans, Hans Pieterse +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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Redistribution is +subject to the trademark license, especially commercial +redistribution. + + + +*** START: FULL LICENSE *** + +THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE +PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK + +To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free +distribution of electronic works, by using or distributing this work +(or any other work associated in any way with the phrase "Project +Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project +Gutenberg-tm License available with this file or online at + www.gutenberg.org/license. + + +Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm +electronic works + +1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm +electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to +and accept all the terms of this license and intellectual property +(trademark/copyright) agreement. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation information page at www.gutenberg.org + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at 809 +North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email +contact links and up to date contact information can be found at the +Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For forty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + diff --git a/old/44617-8.zip b/old/44617-8.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..5874ad5 --- /dev/null +++ b/old/44617-8.zip diff --git a/old/44617-h.zip b/old/44617-h.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..78e4636 --- /dev/null +++ b/old/44617-h.zip diff --git a/old/44617-h/44617-h.htm b/old/44617-h/44617-h.htm new file mode 100644 index 0000000..eee6da4 --- /dev/null +++ b/old/44617-h/44617-h.htm @@ -0,0 +1,12752 @@ + +<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN" +"http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd"> +<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" lang="fr" xml:lang="fr"> +<head> + <meta http-equiv="Content-Type" content="text/html;charset=iso-8859-1" /> + <meta http-equiv="Content-Style-Type" content="text/css" /> + <title>The Project Gutenberg eBook of Mmoires de Luther crits par lui-mme, + traduits et mis en ordre par M. 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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme + traduits et mis en ordre par M. Michelet + +Author: Martin Luther + Jules Michelet + +Release Date: January 7, 2014 [EBook #44617] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MMOIRES DE LUTHER *** + + + + +Produced by Laurent Vogel, Pierre Timmermans, Hans Pieterse +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + + +</pre> + + +<hr class="full" /> + +<p class="noind sansrf"><a href="#au_lecteur">Au lecteur</a></p> + +<p class="noind sansrf"><a href="#toc">Table</a></p> + +<p class="sep2 t1 cent">MMOIRES<br /> +DE LUTHER</p> + +<p class="sep6 cent">IMPRIMERIE DE DUCESSOIS,<br /> +<span class="t4">Quai des Augustins, 55.</span></p> + +<h1 class="sep2">MMOIRES<br /> +DE LUTHER</h1> + +<p class="sep3 cent spac"><b>CRITS PAR LUI-MME</b>,<br /> +<span class="t5">TRADUITS ET MIS EN ORDRE</span><br /> +<span class="t3">PAR M. MICHELET,</span><br /> +<span class="t5">PROFESSEUR A L'COLE NORMALE, CHEF DE LA SECTION HISTORIQUE +AUX ARCHIVES DU ROYAUME,</span></p> + +<p class="sep2 cent spac">suivis d'un<br /> +<b>Essai sur l'Histoire de la Religion</b>,<br /> +ET DES BIOGRAPHIES</p> + +<p class="t5 cent spac sepb">DE WICLEFF, JEAN HUSS, RASME, MLANCHTON, HUTTEN,<br /> +ET AUTRES<br /> +PRDCESSEURS ET CONTEMPORAINS<br /> +DE LUTHER.</p> + +<hr class="hr6" /> + +<p class="cent">TOME DEUXIME.</p> + +<hr class="hr6" /> + +<p class="sep2 cent t3">PARIS.</p> + +<p class="cent t4">CHEZ L. HACHETTE,<br /> +Libraire de l'Universit de France,<br /> +RUE PIERRE-SARRAZIN, 12.</p> + +<hr class="hr6" /> + +<p class="cent">1837</p> + +<div class="pagenum" id="Page_1"></div> + +<div class="npage"> + +<p class="sep4 t1 cent">MMOIRES<br /> +DE LUTHER</p> + +<hr class="duo" /> + +<h2>LIVRE III.<br /> +1529-1546.</h2> + +<hr class="hr7" /> + +<h3>CHAPITRE PREMIER.<br /> +1529-1532.</h3> + +<p class="somm">Les Turcs. Danger de l'Allemagne.—Augsbourg, +Smalkalde. Danger du protestantisme.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Luther fut tir de son abattement et ramen + la vie active par les dangers qui menaaient la +Rforme et l'Allemagne. Lorsque ce <i>flau de Dieu</i>, +qu'il attendait avec rsignation comme le signe +du Jugement, fondit en effet sur l'Allemagne, +lorsque les Turcs<a name="FNanchor_a1" id="FNanchor_a1" href="#Footnote_a1" class="fnanchor">[a1]</a> vinrent camper devant Vienne, +<span class="pagenum" id="Page_2">2</span> +Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, et +fit un livre contre les Turcs, qu'il ddia au landgrave +de Hesse. Le 9 octobre 1528 il crivit ce +prince, pour lui exposer les motifs qui l'avaient +dcid composer ce livre. Je ne puis me taire, +dit-il; il est malheureusement parmi nous des +prdicateurs qui font croire au peuple qu'on ne +doit point s'occuper de la guerre des Turcs; il y +en a mme d'assez extravagans pour prtendre, +qu'en toutes circonstances, il est dfendu aux +chrtiens d'avoir recours aux armes temporelles. +D'autres encore, qui <ins id="err_1" title="original: regardent (Err.)">regardant</ins> le peuple allemand +comme un peuple de brutes incorrigibles, +vont jusqu' dsirer qu'il tombe au pouvoir des +Turcs. Ces folies, ces horribles malices, sont +imputes Luther et l'vangile, comme, il y +a trois ans, la rvolte des paysans, et en gnral +tout le mal qui arrive dans le monde. Il est donc +urgent que j'crive ce sujet, tant pour confondre +les calomniateurs, que pour clairer les +consciences innocentes sur ce qu'il faut faire +contre le Turc...</p> + +</div> + +<p>Nous avons appris hier que le Turc est parti +de Vienne pour la Hongrie, par un grand miracle +de Dieu. Car aprs avoir livr inutilement le +vingtime assaut, il a ouvert la brche par une +mine en trois endroits. Mais rien n'a pu ramener +son arme l'attaque, Dieu l'avait frappe de +<span class="pagenum" id="Page_3">3</span> +terreur; ils aimaient mieux se laisser gorger par +leurs chefs que de tenter ce dernier assaut. On +croit qu'il s'est retir ainsi de peur des bombardes +et de notre future arme; d'autres en jugent +autrement. Dieu a manifestement combattu pour +nous cette anne. Le Turc a perdu vingt-six mille +hommes, et il a pri trois mille des ntres dans +les sorties. J'ai voulu te communiquer ces nouvelles, +afin que nous rendions grces et que nous +priions ensemble. Car le Turc, devenu notre +voisin, ne nous laissera pas ternellement la +paix. (27 octobre 1529.)</p> + +<p>L'Allemagne tait sauve, mais le protestantisme +allemand n'en tait que plus en pril. +L'irritation des deux partis avait t porte au +comble par un vnement antrieur l'invasion +de Soliman. Si l'on en croit le biographe catholique +de Luther, <ins id="cor_01" title="original: Cochlœus">Cochlus</ins>, que nous avons dj +cit, le chancelier du duc George, Otto Pack, +supposa une ligue des princes catholiques contre +l'lecteur de Saxe et le landgrave de Hesse<a name="FNanchor_r1" id="FNanchor_r1" href="#Footnote_r1" class="fnanchor">[r1]</a>; +il apposa ce prtendu projet le sceau du duc +George, puis livra ces fausses lettres au Landgrave +qui, se croyant menac, leva une arme +et s'unit troitement l'lecteur<a name="FNanchor_a2" id="FNanchor_a2" href="#Footnote_a2" class="fnanchor">[a2]</a>.</p> + +<p>Les catholiques et surtout le duc George<a name="FNanchor_a3" id="FNanchor_a3" href="#Footnote_a3" class="fnanchor">[a3]</a> se +dfendirent vivement d'avoir jamais song menacer +l'indpendance religieuse des princes luthriens; +<span class="pagenum" id="Page_4">4</span> +ils rejetrent tout sur le chancelier qui +n'avait fait peut-tre que divulguer les secrets desseins +de son matre. Le docteur Pack<a name="FNanchor_a4" id="FNanchor_a4" href="#Footnote_a4" class="fnanchor">[a4]</a>, captif +volontaire du Landgrave, ce que je pense, est +jusqu' prsent accus d'avoir form cette alliance +des princes. Il prtend se tirer d'affaire son +honneur, et fasse Dieu que cette trame retombe +sur la tte du rustre qui en est, je crois, l'auteur, +sur celle de notre grand adversaire, tu sais de +qui je parle (le duc George de Saxe). (14 juillet +1528.)</p> + +<p>Cette ligue des princes impies, qu'ils nient +cependant, tu vois quels troubles elle a excits; +pour moi, je prends la froide excuse du duc +George pour un aveu<a name="FNanchor_r2" id="FNanchor_r2" href="#Footnote_r2" class="fnanchor">[r2]</a>. Dieu confondra ce fou +enrag, ce Moab qui dresse sa superbe au-dessus +de ses forces. Nous prierons contre ces homicides; +assez d'indulgence. S'ils ourdissent encore +quelque projet, nous invoquerons Dieu, +puis nous appellerons les princes pour qu'ils +soient perdus sans misricorde.</p> + +<p>Bien que tous les princes eussent dclar ces +lettres fausses, les vques de Mayence, Bamberg, +etc., furent tenus de payer cent mille cus +d'or, comme indemnit des armemens qu'avaient +faits les princes luthriens. Ceux-ci ne demandaient +pas mieux que de commencer la guerre. Ils +se comptaient et sentaient leurs forces. Le grand-matre +<span class="pagenum" id="Page_5">5</span> +de l'ordre Teutonique avait scularis la +Prusse<a name="FNanchor_a5" id="FNanchor_a5" href="#Footnote_a5" class="fnanchor">[a5]</a>, les ducs de Mecklembourg et de Brunswick, +encourags par ce grand vnement, +avaient appel des prdicateurs luthriens (1525). +La Rforme dominait dans le nord de l'Allemagne. +En Suisse et sur le Rhin, les Zwingliens, chaque +jour plus nombreux, cherchaient se rapprocher +de Luther. Enfin au sud et l'est, les Turcs, +matres de Bude et de la Hongrie, menaaient +toujours l'Autriche et tenaient en chec l'Empereur. +A son dfaut le duc George de Saxe, et +les puissans vques du nord, s'taient constitus +les adversaires de la Rforme. Une violente polmique +s'tait engage depuis long-temps entre ce +prince et Luther. Le duc crivait celui-ci<a name="FNanchor_r3" id="FNanchor_r3" href="#Footnote_r3" class="fnanchor">[r3]</a>: Tu +crains que nous n'ayons commerce avec les hypocrites, +la prsente te fera voir ce qui en est. Si +nous dissimulons dans cette lettre, tu pourras dire +de nous tout ce que tu voudras; sinon, il faudra +chercher les hypocrites l o l'on t'appelle un +prophte, un Daniel, l'aptre de l'Allemagne, +l'vangliste... Tu t'imagines peut-tre que tu es +envoy de Dieu vers nous, comme ces prophtes + qui Dieu donna mission de convertir les princes +et les puissans. Mose fut envoy Pharaon, +Samuel Sal, Nathan David, Isae Ezchias, +saint Jean-Baptiste Hrode, nous le savons. +Mais parmi tous ces prophtes nous ne trouvons +<span class="pagenum" id="Page_6">6</span> +pas un seul apostat. Ils ont tous t gens constans +dans leur doctrine, hommes sincres et pieux, +sans orgueil, sans avarice, amis de la chastet...</p> + +<p>Nous ne faisons pas non plus grand cas de +tes prires ni de celles des tiens; nous savons +que Dieu hait l'assemble de tes apostats... Dieu +a puni par nous Mnzer de sa perversit; il +pourra bien en faire autant de Luther, et nous +ne refuserons pas d'tre encore en ceci, son indigne +instrument...</p> + +<p>Non, reviens plutt, Luther, ne te laisse +pas mener plus long-temps par l'esprit qui sduisit +l'apostat Sergius: l'glise chrtienne ne +ferme pas son sein au pcheur repentant... Si +c'est l'orgueil qui t'a perdu, regarde ce fier manichen, +saint Augustin, ton matre, dont tu as +jur d'observer la rgle: reviens comme lui, reviens + ta fidlit et tes sermens, sois comme +lui une lumire de la Chrtient... Voil les conseils +que nous avons te donner pour le nouvel +an. Si tu t'y conformes, tu en seras ternellement +rcompens de Dieu et nous ferons tout ce qui +est en notre pouvoir pour obtenir ta grce de +l'Empereur. (28 dcembre 1525.)</p> + +<p><i>Mmoire</i> de Luther contre le duc George<a name="FNanchor_a6" id="FNanchor_a6" href="#Footnote_a6" class="fnanchor">[a6]</a> qui +avait intercept une de ses lettres, 1529<a name="FNanchor_r4" id="FNanchor_r4" href="#Footnote_r4" class="fnanchor">[r4]</a>... Quant +aux belles dnominations que le duc George me +donne, misrable, sclrat, parjure et sans honneur, +<span class="pagenum" id="Page_7">7</span> +je n'ai qu' l'en remercier; ce sont l les +meraudes, les rubis et les diamans dont les +princes doivent m'orner en retour de l'honneur +et de la puissance que l'autorit temporelle tire +de la restauration de l'vangile...</p> + +<p>... Ne dirait-on pas que le duc George ne +connat pas de suprieur? Moi, hobereau des +hobereaux, dit-il, je suis seul matre et prince, +je suis au-dessus de tous les princes de l'Allemagne, +au-dessus de l'Empire, de ses lois et de ses +usages. C'est moi que l'on doit craindre, moi +seul que l'on doit obir; ma volont doit faire +loi en dpit de quiconque pensera et parlera autrement.—Amis, +o s'arrtera la superbe de ce +Moab<a name="FNanchor_a7" id="FNanchor_a7" href="#Footnote_a7" class="fnanchor">[a7]</a>? Il ne lui reste plus qu' escalader le +ciel, espionner, punir les lettres et les penses +jusque dans le sanctuaire de Dieu mme. Voil +notre petit prince, et avec cela il veut tre glorifi, +respect, ador! la bonne heure, grand +merci!</p> + +<p>En 1529, l'anne mme du trait de Cambrai +et du sige de Vienne par Soliman, l'Empereur +avait convoqu une dite Spire<a name="FNanchor_a8" id="FNanchor_a8" href="#Footnote_a8" class="fnanchor">[a8]</a>. (15 mars.) On +y dcida que les tats de l'Empire devaient continuer +d'obir au dcret lanc contre Luther +en 1524, et que toute innovation demeurerait +interdite jusqu' la convocation d'un concile gnral. +<span>C'est alors</span> que le parti de la Rforme +<span class="pagenum" id="Page_8">8</span> +clata<a name="FNanchor_a9" id="FNanchor_a9" href="#Footnote_a9" class="fnanchor">[a9]</a>. L'lecteur de Saxe, le margrave de Brandebourg, +le landgrave de Hesse, les ducs de +Lunebourg, le prince d'Anhalt, et avec eux les +dputs de quatorze villes impriales, firent +contre le dcret de la dite une protestation solennelle, +le dclarant injuste et impie. Ils en +gardrent le nom de <i>protestans</i>.</p> + +<p>Le landgrave de Hesse sentait la ncessit de +runir toutes les sectes dissidentes pour en former +un parti redoutable aux catholiques de +l'Allemagne; il essaya de rconcilier Luther avec +les sacramentaires<a name="FNanchor_a10" id="FNanchor_a10" href="#Footnote_a10" class="fnanchor">[a10]</a>. Luther prvoyait bien l'inutilit +de cette tentative.</p> + +<p>Le landgrave de Hesse nous a convoqus +Marbourg pour la Saint-Michel, afin de tenter +un accord entre nous et les sacramentaires... Je +n'en attendais rien de bon; tout est plein d'embches, +je le vois bien. Je crains que la victoire +ne leur reste, comme au sicle d'Arius. On a +toujours vu de pareilles assembles tre plus nuisibles +qu'utiles... Ce jeune homme de Hesse est +inquiet et plein de penses qui fermentent. Le +Seigneur nous a sauvs, dans ces deux dernires +annes, de deux grands incendies qui auraient +embras toute l'Allemagne. (2 aot 1529.)</p> + +<p>Nous avons reu du landgrave une magnifique +et splendide hospitalit. Il y avait l Œcolampade, +Zwingli, Bucer, etc. Tous demandaient +<span class="pagenum" id="Page_9">9</span> +la paix avec une humilit extraordinaire. +La confrence a dur deux jours; j'ai rpondu + Œcolampade et Zwingli en leur opposant ce +passage: <i lang="la" xml:lang="la">Hoc est corpus meum</i>; j'ai rfut toutes +leurs objections. En somme, ce sont des gens +ignorans et incapables de soutenir une discussion. +(12 octobre 1529.)</p> + +<p>Je me rjouis, mon cher Amsdorf, de te +voir te rjouir de notre synode de Marbourg; +la chose est petite en apparence, mais au fond +trs importante. Les prires des gens pieux ont +fait que nous les voyons confondus, morfondus, +humilis.</p> + +<p>Toute l'argumentation de Zwingli se rduisait + ceci: que le corps ne peut tre sans lieu ni +dimension. Œcolampade soutenait que les Pres +appelaient le pain un signe, que ce n'tait donc +pas le corps mme... Ils nous suppliaient de leur +donner le nom de frres. Zwingli le demandait +au Landgrave en pleurant. Il n'y a aucun lieu sur +la terre, disait-il, o j'aimerais <ins id="err_2" title="original: le mieux (Err.)">mieux</ins> passer +ma vie qu' Wittemberg... Nous ne leur avons pas +accord ce nom de frres, mais seulement ce que +la charit nous oblige donner mme nos ennemis... +Ils se sont en tout point conduits avec +une incroyable humilit et douceur. C'tait, +comme il est visible aujourd'hui, pour nous +amener une feinte concorde, pour nous faire +<span class="pagenum" id="Page_10">10</span> +les partisans, les patrons de leurs erreurs... O +rus Satan! mais Christ qui nous a sauvs est +plus habile que toi. Je ne m'tonne plus maintenant +de leurs impudens mensonges. Je vois +qu'ils ne peuvent faire autrement, et je me glorifie +de leur chute. (1<sup>er</sup> juin 1530.)</p> + +<p>Cette guerre thologique de l'Allemagne remplit +les intermdes de la grande guerre europenne +que Charles-Quint soutenait contre +Franois I<sup>er</sup> et contre les Turcs. Mais dans les +crises les plus violentes de celle-ci, l'autre se ralentit + peine. C'est un imposant spectacle que +celui de l'Allemagne absorbe dans la pense +religieuse, et prs d'oublier la ruine prochaine +dont semblaient la menacer les plus formidables +ennemis. Pendant que les Turcs franchissaient +toutes les anciennes barrires et que Soliman rpandait +ses Tartares au-del de Vienne, l'Allemagne +disputait sur la transsubstantiation et sur +le libre arbitre. Ses guerriers les plus illustres +sigeaient dans les dites et interrogeaient les +docteurs. Tel tait le flegme intrpide de cette +grande nation, telle sa confiance dans sa force et +dans sa masse.</p> + +<p>La guerre des Turcs et celle des Franais, la +prise de Rome et la dfense de Vienne, occupaient +tellement Charles-Quint et Ferdinand, +que les protestans avaient obtenu la tolrance +<span class="pagenum" id="Page_11">11</span> +jusqu'au prochain concile. Mais en 1530, Charles-Quint, +voyant la France abattue, l'Italie asservie, +Soliman repouss, entreprit de juger le +grand procs de la Rforme. Les deux partis comparurent + Augsbourg. Les sectateurs de Luther, +dsigns par le nom gnral de <i>protestans</i>, voulurent +se distinguer de tous les autres ennemis +de Rome, dont les excs auraient calomni leur +cause, des zwingliens rpublicains de la Suisse, +odieux aux princes et la noblesse, des anabaptistes +surtout, proscrits comme ennemis de l'ordre +et de la socit. Luther, sur qui pesait encore +la sentence prononce Worms, qui le +dclarait hrtique, ne put s'y rendre; il fut +remplac par le savant et pacifique Mlanchton, +esprit doux et timide comme rasme, dont il +restait l'ami malgr Luther.</p> + +<p>L'lecteur amena du moins celui-ci le plus +prs possible d'Augsbourg, dans la forteresse de +Cobourg.<a name="FNanchor_a11" id="FNanchor_a11" href="#Footnote_a11" class="fnanchor">[a11]</a><a name="FNanchor_a12" id="FNanchor_a12" href="#Footnote_a12" class="fnanchor">[a12]</a> +De l Luther pouvait entretenir avec les ministres protestans, +une active et facile correspondance. Le 22 avril il crit +Mlanchton: Je suis enfin arriv mon Sina, cher Philippe, +mais de ce Sina je ferai une Sion, et j'y lverai +trois tabernacles, l'un au psalmiste, l'autre +aux prophtes, l'autre enfin sope (dont il +traduisait alors les fables). Rien ne manque pour +que ma solitude soit complte. J'ai une vaste +<span class="pagenum" id="Page_12">12</span> +maison, qui domine le chteau, et les cls de +toutes les chambres. A peine y a-t-il trente personnes +dans toute la forteresse, encore douze sont +des veilleurs de nuit, et deux autres des sentinelles +toujours postes sur les tours. (22 avril.)</p> + +<p><i>A Spalatin</i> (9 mai): Vous allez Augsbourg, +sans avoir pris les auspices, et ne sachant +quand ils vous permettront de commencer. Moi, +je suis dj au milieu des comices, en prsence +de magnanimes souverains, devant des rois, +des ducs, des grands, des nobles, qui confrent +avec gravit sur les affaires de l'tat, et +d'une voix infatigable remplissent l'air de leurs +dcrets et de leurs prdications. Ils ne sigent +point enferms dans ces antres et ces royales +cavernes que vous appelez des palais, mais sous +le soleil; ils ont le ciel pour tente, pour tapis +riche et vari, la verdure des arbres sous lesquels +ils sont en libert, pour enceinte, la terre +jusqu' ses dernires limites. Ce luxe stupide de +l'or et de la soie leur fait horreur; tous, ils ont +mmes couleurs, mme visage. Ils sont tous +galement noirs, tous font la mme musique, +et dans ce chant sur une seule note, l'on n'entend +que l'agrable dissonnance de la voix des +jeunes se mlant celle des vieux. Nulle part +je n'ai vu ni entendu parler de leur Empereur; ils +mprisent souverainement ce quadrupde qui sert +<span class="pagenum" id="Page_13">13</span> + nos chevaliers; ils ont quelque chose de meilleur, +avec quoi ils peuvent se moquer de la furie +des canons. Autant que j'ai pu comprendre leurs +dcrets, grce un interprte, ils ont dcid, +l'unanimit, de faire la guerre, pendant toute +cette anne, l'orge, au bl et la farine, enfin + ce qu'il y a de mieux parmi les fruits et les +graines. Et il est craindre qu'ils ne soient presque +partout vainqueurs, car c'est une race de +guerriers adroits et russ, galement habiles +butiner par force ou surprise. Moi, oisif spectateur, +j'ai assist avec grande satisfaction leurs +comices. L'espoir o je suis des victoires que leur +courage leur donnera sur le bl et l'orge, ou +sur tout autre ennemi, m'a rendu le fidle et +sincre ami de ces <i lang="la" xml:lang="la">patres patri</i>, de ces sauveurs +de la rpublique. Et si par des vœux je puis les +servir, je demande au ciel que dlivrs de l'odieux +nom de corbeaux, etc. Tout cela n'est +qu'une plaisanterie, mais une plaisanterie srieuse +et ncessaire pour repousser les penses qui m'accablent, +si toutefois elle les repousse. (9 mai.)</p> + +<p>Les nobles seigneurs qui forment nos comices +courent ou plutt naviguent travers les +airs<a name="FNanchor_a13" id="FNanchor_a13" href="#Footnote_a13" class="fnanchor">[a13]</a>. Le matin, de bonne heure, ils s'en vont en +guerre, arms de leurs becs invincibles, et tandis +qu'ils pillent, ravagent et dvorent, je suis dlivr +pour quelque temps de leurs ternels chants de +<span class="pagenum" id="Page_14">14</span> +victoire. Le soir, ils reviennent triomphans; la +fatigue ferme leurs yeux, mais leur sommeil est +doux et lger comme celui d'un vainqueur. Il y +a quelques jours j'ai pntr dans leur palais pour +voir la pompe de leur empire. Les malheureux +eurent grand'peur; ils s'imaginaient que je venais +dtruire leur industrie. Ce fut un bruit, une +frayeur, des visages consterns!!! Quand je vis +que moi seul je faisais trembler tant d'Achilles +et d'Hectors, je battis des mains, je jetai mon +chapeau en l'air, pensant que j'tais bien assez +veng si je pouvais me moquer d'eux. Tout ceci +n'est point un simple jeu, c'est une allgorie, +un prsage de ce qui arrivera. Ainsi devant la +parole de Dieu l'on verra trembler toutes ces +harpies qui sont maintenant Augsbourg, criant +et romanisant. (19 juin.)</p> + +<p>Mlanchton transform Augsbourg en chef +de parti, ayant batailler chaque jour avec les lgats, +les princes, l'Empereur, se trouvait fort +mal de cette vie active qu'on lui avait impose. +Plusieurs fois il fit part de ses peines Luther, +qui, pour toute consolation, le tanait rudement<a name="FNanchor_a14" id="FNanchor_a14" href="#Footnote_a14" class="fnanchor">[a14]</a>:</p> + +<p>Vous me parlez de vos travaux, de vos prils, +de vos larmes, et moi, suis-je donc assis +sur des roses? est-ce que je ne porte pas une +part de votre fardeau? Ah! plt au ciel que ma +<span class="pagenum" id="Page_15">15</span> +cause ft telle qu'elle permt les larmes! +(29 juin 1530.)</p> + +<p>Dieu rcompense selon ses œuvres le tyran +de Salzbourg qui te fait tant de mal! Il mritait +de toi une autre rponse, telle que je la lui aurais +faite peut-tre, telle qu'il n'en a jamais entendu +de semblable. Il faudra qu'ils entendent, je le +crains, cette parole de Jules Csar: <i>Ils l'ont +voulu</i>...</p> + +<p>Tout ce que j'cris est inutile, parce que tu +veux, selon ta philosophie, gouverner toutes +ces choses avec ta raison, c'est--dire draisonner +avec la raison. Va, continue de te tuer +cette chose, sans voir que ta main ni ton esprit +ne peuvent la saisir, qu'elle ne veut pas de tes +soins. (30 juin 1530.)</p> + +<p>Dieu a mis cette cause dans un certain lieu +que ne connaissait point ta rhtorique ni ta philosophie. +Ce lieu, on l'appelle la foi; l toutes +choses sont inaccessibles la vue; quiconque veut +les rendre visibles, apparentes et comprhensibles, +celui-l ne gagne pour prix de son travail +que des peines et des larmes, comme tu en as gagn. +Dieu a dit qu'il habitait dans les nues, +qu'il tait assis dans les tnbres. Si Mose avait +cherch un moyen d'viter l'arme de Pharaon, +Isral serait peut-tre encore en gypte... Si +nous n'avons pas la foi, pourquoi ne pas chercher +<span class="pagenum" id="Page_16">16</span> +consolation dans la foi d'autrui; car il y en a ncessairement +qui croient, si nous ne croyons pas? +Ou bien, faut-il dire que le Christ nous a abandonns, +avant la consommation des sicles? S'il +n'est pas avec nous, o est-il en ce monde, je +vous le demande? Si nous ne sommes point l'glise +ou une partie de l'glise, o est l'glise? +Est-ce Ferdinand, le duc de Bavire, le pape, le +Turc et leurs semblables? Si nous n'avons la parole +de Dieu, qui donc l'aura? Toi, tu ne comprends +point toutes ces choses; car Satan te +travaille et te rend faible. Puisse le Christ te +gurir! c'est ma sincre et continuelle prire. +(29 juin.)</p> + +<p>Ma sant est faible... Mais je mprise cet +ange de Satan qui vient souffleter ma chair. Si +je ne puis lire ni crire, au moins je puis penser +et prier, et mme me quereller avec le diable; +ensuite dormir, paresser, jouer et chanter. +Quant toi, mon cher Philippe, ne te macre +point pour cette affaire qui n'est point en ta +main, mais en celle d'Un plus puissant qui +personne ne pourra l'enlever. (31 juillet.)</p> + +<p>Mlanchton croyait qu'il tait possible de rapprocher +les deux partis; Luther comprit de bonne +heure qu'ils taient irrconciliables. Dans le commencement +de la Rforme, il avait souvent rclam +les confrences et les disputes publiques; il +<span class="pagenum" id="Page_17">17</span> +lui fallait alors tout tenter, avant d'abandonner +l'esprance de conserver l'unit chrtienne; mais +sur la fin de sa vie, ds le temps mme de la dite +d'Augsbourg, il se prononait contre tous ces +combats de parole, o le vaincu ne veut jamais +avouer sa dfaite.</p> + +<p>(26 aot 1530.) Je suis contre toute tentative +faite pour accorder les deux doctrines; car c'est +chose impossible, moins que le pape ne veuille +abolir sa papaut. C'est assez pour nous d'avoir +rendu raison de notre croyance et de demander +la paix. Pourquoi esprer de les convertir la +vrit?</p> + +<p><i>A Spalatin.</i> (26 aot 1530.) J'apprends que +vous avez entrepris une œuvre admirable, de +mettre d'accord Luther et le pape. Mais le pape +ne le veut pas, et Luther s'y refuse; prenez garde +d'y perdre votre temps et vos peines. Si vous en +venez bout, pour suivre votre exemple, je +vous promets de rconcilier Christ et Blial.</p> + +<p>Dans une lettre du 21 juillet il crivait Mlanchton: +Vous verrez si j'tais un vrai prophte +quand je rptais sans cesse qu'il n'y avait +point d'accord possible entre les deux doctrines, +et que ce serait assez pour nous d'obtenir la paix +publique.</p> + +<p>Ces prophties ne furent pas coutes; les +confrences eurent lieu, et l'on demanda aux +<span class="pagenum" id="Page_18">18</span> +protestans une profession de foi. Mlanchton la +rdigea, en prenant l'avis de Luther sur les +points les plus importans.</p> + +<p>A Mlanchton. J'ai reu votre apologie, et +je m'tonne que vous me demandiez ce qu'il faut +cder aux papistes. Pour ce qui est du prince, +et de ce qu'il faut lui accorder si quelque danger +le menace, c'est une autre question. Quant + moi, il a t fait dans cette apologie plus de +concessions qu'il n'tait convenable; et s'ils les +rejettent, je ne vois pas que je puisse aller plus +loin, moins que leurs raisons et leurs livres +ne me paraissent meilleurs qu'ils ne m'ont +sembl jusqu' cette heure. J'emploie les jours et +les nuits cette affaire, rflchissant, interprtant, +discutant, parcourant toute l'criture; +chaque jour augmente ma certitude et me confirme +dans ma doctrine.</p> + +<p>(20 septembre 1530.) Nos adversaires ne +nous cdent pas un poil; et nous, il ne faut pas +seulement que nous leur cdions le canon, les +messes, la communion sous une espce, la juridiction +accoutume; mais encore il faudrait +avouer que leurs doctrines, leurs perscutions, +tout ce qu'ils ont fait ou pens, a t juste et lgitime, +et que c'est tort que nous les avons +accuss. C'est--dire qu'ils veulent que notre +propre tmoignage les justifie et nous condamne. +<span class="pagenum" id="Page_19">19</span> +Ce n'est pas l simplement nous rtracter, mais +nous maudire trois fois nous-mmes.</p> + +<p>... Je n'aime pas que dans cette cause vous +vous appuyiez de mes opinions. Je ne veux tre +ni paratre votre chef; quand mme l'on interprterait +cela bien, je ne veux pas de ce nom. +Si ce n'est point votre propre cause, je ne veux +pas qu'on dise que c'est la mienne, et que je vous +l'ai impose. Je la dfendrai moi-mme, s'il n'y +a que moi qui la soutienne.</p> + +<p>Deux jours avant, il avait crit Mlanchton: +Si j'apprends que les choses vont mal de votre +ct, j'aurai peine m'empcher d'aller voir +cette formidable range des dents de Satan. Et +quelque temps aprs: J'aurais voulu tre la +victime sacrifie par ce dernier concile, comme +Jean Huss a t Constance celle du dernier +jour de la fortune papale.<a name="FNanchor_a15" id="FNanchor_a15" href="#Footnote_a15" class="fnanchor">[a15]</a> (21 juillet 1530.)</p> + +<p>La profession de foi des protestans fut prsente + la dite<a name="FNanchor_a16" id="FNanchor_a16" href="#Footnote_a16" class="fnanchor">[a16]</a> et lue par ordre de Csar devant +tout l'Empire, c'est--dire devant tous les +princes et les tats de l'Empire. C'est une grande +joie pour moi d'avoir vcu jusqu' cette heure, +que je voie Christ prch par ses confesseurs +devant une telle assemble, et dans une si belle +confession. (6 juillet.)</p> + +<p>Cette confession tait signe de cinq lecteurs, +trente princes ecclsiastiques, vingt-trois +<span class="pagenum" id="Page_20">20</span> +princes sculiers, vingt-deux abbs, trente-deux +comtes et barons, trente-neuf villes libres +et impriales. Le prince lecteur de Saxe, le +margrave George de Brandebourg, Jean Frdric-le-Jeune, +landgrave de Hesse; Ernest et Franois, +ducs de Lunebourg; le prince Wolfgang de +Anhalt; les villes de Nuremberg et de Reutlingen, +ont sign la confession..... Beaucoup d'vques +inclinent la paix, sans s'inquiter des sophismes +d'Eck et de Faber. L'archevque de Mayence est +trs port pour la paix<a name="FNanchor_a17" id="FNanchor_a17" href="#Footnote_a17" class="fnanchor">[a17]</a>; de mme le duc Henri +de Brunswick, qui a invit familirement Mlanchton + dner, l'assurant qu'il ne pouvait nier +les articles touchant les deux espces, le mariage +des prtres, et l'inutilit d'tablir des diffrences +entre les choses qui servent la nourriture. Les +ntres avouent que personne ne s'est montr plus +conciliant dans toutes les confrences que l'Empereur. +Il a reu notre prince non-seulement +avec bont, mais avec respect. (6 juillet.)</p> + +<p>L'vque d'Augsbourg, le confesseur mme de +Charles-Quint, taient favorablement disposs +pour les luthriens. L'Espagnol disait Mlanchton +qu'il s'tonnait qu'en Allemagne on contestt +la doctrine de Luther sur la foi<a name="FNanchor_r5" id="FNanchor_r5" href="#Footnote_r5" class="fnanchor">[r5]</a>, que lui il +avait toujours pens de mme sur ce point (relation +de Spalatin sur la dite d'Augsbourg).</p> + +<p>Quoi qu'en dise ici Luther des douces dispositions +<span class="pagenum" id="Page_21">21</span> +de Charles-Quint, il termina les discussions +en sommant les rforms de renoncer +leurs erreurs sous peine d'tre mis au ban de +l'Empire. Il sembla mme prt employer la violence +et fit un instant fermer les portes d'Augsbourg.</p> + +<p>Si l'Empereur veut faire un dit, qu'il le +fasse; aprs Worms aussi il en fit un<a name="FNanchor_a18" id="FNanchor_a18" href="#Footnote_a18" class="fnanchor">[a18]</a>. coutons +l'Empereur puisqu'il est l'Empereur, rien de plus. +Que nous importe ce rustre qui veut se poser +comme Empereur (il parle du duc George)? +(15 juillet 1530.)</p> + +<p>Notre cause se dfendra mieux de la violence +et des menaces, que de ces ruses sataniques que +j'ai craintes, surtout jusqu' ce jour... Qu'ils nous +rendent Lonard<a name="FNanchor_a19" id="FNanchor_a19" href="#Footnote_a19" class="fnanchor">[a19]</a>, Keiser et tant d'autres, qu'ils +ont si injustement fait mourir<a name="FNanchor_a20" id="FNanchor_a20" href="#Footnote_a20" class="fnanchor">[a20]</a>. Qu'ils nous rendent +tant d'mes perdues par leur doctrine impie; +qu'ils rendent toutes ces richesses qu'ils +ont prises avec leurs trompeuses indulgences +et leurs fraudes de toute espce. Qu'ils rendent + Dieu sa gloire viole par tant de blasphmes; +qu'ils rtablissent dans les personnes et dans les +mœurs, la puret ecclsiastique, si honteusement +souille. Que dirais-je encore? Alors nous aussi +nous pourrons parler <i lang="la" xml:lang="la">de possessorio</i>. (13 juillet.)</p> + +<p>L'Empereur va ordonner simplement que +toutes choses soient rtablies en leur tat, que +<span class="pagenum" id="Page_22">22</span> +le rgne du pape recommence, ce qui excitera, +je le crains, de grands troubles pour la ruine +des prtres et des clercs. Les villes les plus puissantes, +Nuremberg, Ulm, Augsbourg, Francfort, +Strasbourg et douze autres, rejettent ouvertement +le dcret imprial, et font cause commune +avec nos princes. Tu as entendu parler de l'inondation +de Rome, de celle de Flandre et de +Brabant. Ce sont des signes envoys de Dieu, mais +les impies ne peuvent les comprendre. Tu sais encore +la vision des moines de Spire. Brentius m'crit +qu' Bade on a vu dans les airs une arme nombreuse, +et sur le flanc de cette arme un soldat +qui brandissait une lance d'un air triomphant, +et qui passa la montagne voisine et le Rhin. +(5 dcembre.)</p> + +<p>La dite fut peine dissoute, que les princes +protestans se rassemblrent Smalkalde et y +conclurent une ligue dfensive, par laquelle ils +devaient former un mme corps (31 dcembre). +Ils protestrent contre l'lection de Ferdinand au +titre de roi des Romains. On se prpara combattre<a name="FNanchor_a21" id="FNanchor_a21" href="#Footnote_a21" class="fnanchor">[a21]</a>; +les contingens furent fixs: on s'adressa +aux rois de France, d'Angleterre et de Danemark. +Luther fut accus d'avoir pouss les protestans + prendre cette attitude hostile<a name="FNanchor_a22" id="FNanchor_a22" href="#Footnote_a22" class="fnanchor">[a22]</a>.</p> + +<p>Je n'ai point conseill, comme on l'a dit, la +rsistance l'Empereur<a name="FNanchor_a23" id="FNanchor_a23" href="#Footnote_a23" class="fnanchor">[a23]</a>. Voici mon avis comme +<span class="pagenum" id="Page_23">23</span> +thologien<a name="FNanchor_a24" id="FNanchor_a24" href="#Footnote_a24" class="fnanchor">[a24]</a>: Si les juristes montrent par leurs +lois que cela est permis, moi je leur permettrai +de suivre leurs lois. Si l'Empereur a tabli dans +ses lois, qu'en pareil cas on peut lui rsister, +qu'il souffre de la loi que lui-mme a faite... Le +prince est une personne politique; s'il agit comme +prince, il n'agit pas comme chrtien, car le chrtien +n'est ni prince, ni homme, ni femme, ni +aucune personne de ce monde. Si donc il est permis +au prince, comme prince, de rsister Csar, +qu'il le fasse selon son jugement et sa conscience. +Quant au chrtien, rien ne lui est permis; +il est mort au monde. (15 janvier 1531.)</p> + +<p>En 1531, Luther crit un mmoire contre un +petit livre anonyme imprim Dresde, dans lequel +on reprochait aux protestans de s'armer +en secret et de vouloir surprendre les catholiques, +pendant que ceux-ci ne songeaient, disait-on, +qu' la paix et la concorde<a name="FNanchor_r6" id="FNanchor_r6" href="#Footnote_r6" class="fnanchor">[r6]</a>.</p> + +<p>... On cache soigneusement d'o ce livre +vient, personne ne doit le savoir. Eh bien! je le +veux donc ignorer aussi. Je veux avoir le rhume +pour cette fois et ne pas <i>sentir</i> le maladroit pdant. +Cependant j'essaierai toujours mon savoir-faire +et je frapperai hardiment sur le sac: si +les coups tombent sur l'ne qui s'y trouve, ce ne +sera pas ma faute; ce n'est pas lui, c'est au +sac, que j'en voulais.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_24">24</span> +Qu'il soit vrai ou non que les luthriens se +prparent et se rassemblent, cela ne me regarde +pas, ce n'est pas moi qui le leur ai ordonn ni +conseill; je ne sais pas ce qu'ils font ou ce qu'ils +ne font pas; mais puisque les papistes annoncent +par ce livre qu'ils croient ces armemens, j'accueille +ce bruit avec plaisir et je me rjouis de +leurs illusions et de leurs alarmes; j'augmenterais +mme volontiers ces illusions, si je le pouvais, +rien que pour les faire mourir de peur. Si Can +tue Abel, si Anne et Caphe perscutent Jsus, +il est juste qu'ils en soient punis. Qu'ils vivent +dans les transes, qu'ils tremblent au bruit d'une +feuille, qu'ils voient partout le fantme de l'insurrection +et de la mort, rien de plus quitable.</p> + +<p>... N'est-il pas vrai, imposteurs, que lorsqu' +Augsbourg les ntres prsentrent leur confession +de foi, un papiste a dit: Ils nous donnent +l un livre crit avec de l'encre; je voudrais, +moi, qu'on leur rpondt avec du sang?</p> + +<p>N'est-il pas vrai que l'lecteur de Brandebourg +et le duc George de Saxe, ont promis +l'Empereur de fournir cinq mille chevaux contre +les luthriens?</p> + +<p>N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de +prtres et de seigneurs ont pari qu'avant la +Saint-Michel, c'en serait fait de tous les luthriens?</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_25">25</span> +N'est-il pas vrai que l'lecteur de Brandebourg +a dclar publiquement que l'Empereur et +tout l'Empire s'emploieraient corps et biens pour +arriver ce but?...</p> + +<p>Croyez-vous que l'on ne connaisse pas votre +dit? que l'on ignore que par cet dit toutes les +pes de l'Empire sont aiguises et dgaines, +toutes les arquebuses charges, toute la cavalerie +lance, pour fondre sur l'lecteur de Saxe et +son parti, pour tout mettre feu et sang, tout +remplir de pleurs et de dsolation? voil votre +dit, voil vos entreprises meurtrires scelles +de votre sceau et de vos armes, et vous voulez +que l'on appelle cela de la paix, vous osez accuser +les luthriens de troubler le bon accord? +O impudence, hypocrisie sans bornes!... Mais +je vous entends: vous voudriez que les ntres +ne s'apprtassent point la guerre dont leurs +ennemis mortels les menacent depuis si long-temps, +mais qu'ils se laissassent gorger sans +crier ni se dfendre, comme des brebis l'abattoir. +Grand merci, mes bonnes gens! Moi, +prdicateur, je dois endurer cela, je le sais +bien, et ceux qui cette grce est donne +doivent l'endurer galement. Mais que tous les +autres en feront de mme, je ne puis le garantir +aux tyrans. Si je donnais publiquement +ce conseil aux ntres, les tyrans s'en prvaudraient, +<span class="pagenum" id="Page_26">26</span> +et je ne veux point leur ter la peur +qu'ils ont de notre rsistance. Ont-ils envie de +gagner leurs perons en nous massacrant? qu'ils +les gagnent donc avec pril comme il convient +de braves chevaliers. gorgeurs de leur mtier, +qu'ils s'attendent du moins tre reus comme +des gorgeurs...</p> + +<p>.... Que l'on m'accuse, ou non, d'tre trop +violent, je ne m'en soucie plus<a name="FNanchor_a25" id="FNanchor_a25" href="#Footnote_a25" class="fnanchor">[a25]</a>. Je veux que +ce soit ma gloire et mon honneur dsormais, +que l'on dise de moi comme je tempte et svis +contre les papistes. Voil plus de dix ans que je +m'humilie et que je donne de bonnes paroles. +A quoi tant de supplications ont-elles servi? A +empirer le mal. Ces rustres n'en sont que plus +fiers.—Eh bien! puisqu'ils sont incorrigibles, +puisqu'il n'y a plus espoir d'branler leurs infernales +rsolutions par la bont, je romps avec +eux, je les poursuivrai de mes imprcations, +sans fin ni repos, jusqu' ma tombe<a name="FNanchor_a26" id="FNanchor_a26" href="#Footnote_a26" class="fnanchor">[a26]</a>. Ils n'auront +plus jamais une bonne parole de moi; je +veux qu'on les enterre au bruit de mes foudres +et de mes clairs.</p> + +<p>Je ne puis plus prier sans maudire. Si je dis, +<i>Que ton nom soit sanctifi</i>, il faut que j'ajoute: +Maudit soit le nom des papistes et de tous ceux +qui te blasphment! Si je dis, <i>Que ton royaume +arrive</i>, je dois ajouter: Maudits soient la papaut +<span class="pagenum" id="Page_27">27</span> +et tous les royaumes qui sont opposs au tien! +Si je dis, <i>Que ta volont soit faite</i>, je dis encore: +Maudits soient et prissent les desseins des papistes +et de tous ceux qui te combattent!... Ainsi +je prie ardemment tous les jours, et avec moi +tous les vrais fidles de Jsus-Christ... Cependant +je garde encore tout le monde un cœur +bon et aimant, et mes plus grands ennemis eux-mmes +le savent bien.</p> + +<p>Souvent la nuit, quand je ne puis dormir, +je cherche dans mon lit, avec douleur et anxit, +comment on pourrait encore dterminer les papistes + la pnitence avant le jugement terrible +qui les menace. Mais il semble que cela ne doit +pas tre. Ils repoussent toute pnitence et demandent + grands cris notre sang. L'vque de +Saltzbourg a dit matre Philippe, la dite +d'Augsbourg: Pourquoi disputer si long-temps? +Nous savons bien que vous avez raison. +Et un autre jour: Vous ne voulez pas cder, +nous non plus, il faut donc qu'un parti extermine +l'autre. Vous tes le petit et nous le grand: +nous verrons qui aura le dessus. Jamais je +n'aurais cru qu'on pt dire de telles paroles.</p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<div class="pagenum" id="Page_28"></div> + +<h3>CHAPITRE II.<br /> +1534-1536.</h3> + +<p class="somm">Anabaptistes de Munster<a name="FNanchor_a27" id="FNanchor_a27" href="#Footnote_a27" class="fnanchor">[a27]</a>.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Pendant que les deux grandes ligues des princes +sont en prsence, et semblent se dfier, un +tiers s'lve entre deux, pour l'effroi commun +des deux partis. Cette fois, c'est encore le peuple, +comme dans la guerre des paysans, mais un +peuple organis, matre d'une riche cit. La <i>jacquerie</i> +du Nord, plus systmatique que celle du +Midi, produit l'idal de la dmagogie allemande +du seizime sicle, une royaut biblique, un +David populaire, un messie artisan. Le mystique +<ins id="cor_1" title="original: compagnonage">compagnonnage</ins> allemand intronise un tailleur.</p> + +</div> + +<p><span class="pagenum" id="Page_29">29</span> +L'entreprise du tailleur fut hardie, mais non +absurde. L'anabaptisme avait de grandes forces. +Il n'clata que dans Munster; mais il tait rpandu +dans la Westphalie, dans le Brabant, la +Gueldre, la Hollande, la Frise, et tout le littoral +de la Baltique jusqu'en Livonie.</p> + +<p>Les Anabaptistes formulrent la maldiction +que les paysans vaincus avaient jete sur Luther. +Ils dtestrent en lui l'ami de la noblesse, le +soutien de l'autorit civile, le <i>remora</i> de la Rforme. +Quatre prophtes, deux vrais et deux +faux; les vrais sont David et Jean de Leyde; les +faux, le pape et Luther, mais Luther est pire +que le pape.</p> + +<p class="sep2"><i>Comment l'vangile a d'abord pris naissance +Munster, et comment il y a fini aprs la destruction +des anabaptistes<a name="FNanchor_r7" id="FNanchor_r7" href="#Footnote_r7" class="fnanchor">[r7]</a>. Histoire vritable et bien +digne d'tre lue et conserve dans la mmoire (car +l'esprit des anabaptistes de Munster vit encore), +dcrite par Henricus Dorpius de cette ville.</i> Nous +nous contenterons de donner un extrait de ce +prolixe rcit:</p> + +<p>La rforme commena Munster en 1532, par +Rothmann, prdicateur luthrien ou zwinglien. +Elle y eut un si grand succs, que l'vque +cdant l'intercession du landgrave de Hesse, +accorda aux vangliques six de ses glises. Plus +<span class="pagenum" id="Page_30">30</span> +tard, un garon tailleur, Jean de Leyde, y apporta +la doctrine des anabaptistes, et la propagea +dans quelques familles. Il fut aid dans son +œuvre par un prdicateur nomm Hermann Stapraeda, +de Moersa, anabaptiste comme lui. Bientt +leurs assembles secrtes devinrent si nombreuses, +que les catholiques et les rforms en +furent galement alarms, et chassrent les anabaptistes +de la ville. Mais ceux-ci revinrent plus +hardis; ils intimidrent le conseil, et l'obligrent +de fixer un jour o il y aurait discussion publique +dans la maison commune, sur le baptme +des enfans. Dans cette discussion, le pasteur +Rothmann passa du ct des anabaptistes, et +devint lui-mme un de leurs chefs... Un jour, +un autre de leurs prdicateurs se met courir +dans les rues, en criant: Faites pnitence, +faites pnitence, amendez-vous, faites-vous baptiser, +ou Dieu va vous punir! Soit crainte, +soit zle religieux, beaucoup de gens qui entendirent +ces cris, se htrent de demander le baptme. +Alors les anabaptistes remplissent le march +en criant: Sus aux paens qui ne veulent +pas du baptme! Ils s'emparent des canons, +des munitions, de la maison de ville, et maltraitent +les catholiques et les luthriens qu'ils rencontrent. +Ceux-ci se forment en nombre et attaquent +les anabaptistes leur tour. Aprs divers +<span class="pagenum" id="Page_31">31</span> +combats sans rsultat, les deux partis prouvrent +le besoin de se rapprocher, et convinrent que chacun +serait libre de professer sa croyance. Mais les +anabaptistes n'observrent point ce trait; ils +crivirent sous main tous ceux de leur secte qui +taient dans les villes voisines pour les faire venir + Munster. Quittez ce que vous avez, crivaient-ils; +maisons, femmes, enfans, laissez +tout pour venir nous. Tout ce que vous aurez +abandonn, vous sera rendu au dcuple... +Quand les riches s'aperurent que la ville se +remplissait d'trangers, ils en sortirent comme +ils purent, n'y laissant de leur parti que les +gens du bas peuple. (carme de l'anne 1534.)</p> + +<p>Les anabaptistes, enhardis par leur dpart et +par les renforts qui leur taient arrivs, dposrent +aussitt le conseil de ville qui tait luthrien, +et en composrent un d'hommes de leur +parti.</p> + +<p>Quelques jours plus tard, ils pillrent les +glises et les couvens, et coururent la ville en tumulte, +arms de hallebardes, d'arquebuses et de +btons, criant comme des furieux: Faites pnitence, +faites pnitence! et aprs: Hors la +ville, impies! hors la ville, ou l'on vous assomme! +Ainsi ils chassrent sans piti tout ce +qui n'tait pas des leurs. Ni vieillard ni femme +enceinte, ne fut except. Un grand nombre de +<span class="pagenum" id="Page_32">32</span> +ces pauvres fugitifs tombrent entre les mains +de l'vque, qui se prparait assiger la ville. +Sans avoir gard ce qu'ils n'taient point du +parti des anabaptistes, il les fit emprisonner; +beaucoup d'entre eux furent mme cruellement +mis mort.</p> + +<p>Les anabaptistes tant matres de la ville, leur +prophte suprme, Jean de Matthiesen, ordonna +que tout le monde mt son avoir en commun, +sans rien cler, sous peine de la vie. Le peuple +eut peur et obit. Les biens des fugitifs furent saisis +de mme. Ce prophte dcida encore que l'on +ne garderait aucun autre livre que la Bible et le +Nouveau Testament. Tous les autres qu'on put +trouver furent brls dans la cour de la cathdrale. +Ainsi le voulait le Pre du ciel, disait le +prophte. On en brla au moins pour vingt mille +florins.</p> + +<p>Un marchal ferrant ayant parl injurieusement +des prophtes, toute la commune est assemble +sur le march, et Jean Matthiesen le tue +d'un coup de feu. Peu aprs, ce prophte court +tout seul hors la ville, une hallebarde la main, +criant que le Pre lui a ordonn de repousser +les ennemis. Il avait peine pass la porte qu'il +fut tu.</p> + +<p>Jean de Leyde lui succda comme prophte +suprme, et il pousa sa veuve. Il releva le courage +<span class="pagenum" id="Page_33">33</span> +du peuple abattu par la mort de son prdcesseur. +A la Pentecte, l'vque fit donner +l'assaut, mais il fut repouss avec grande perte. +Jean de Leyde nomma douze fidles (parmi +lesquels se trouvaient trois nobles) pour tre +les anciens dans Isral... Il dclara aussi que +Dieu lui avait rvl des doctrines nouvelles +sur le mariage; il discuta avec les prdicateurs, +qui, enfin, se rangrent son avis et prchrent +trois jours de suite sur la pluralit des femmes. +Un assez grand nombre d'habitans se dclarrent +contre la nouvelle doctrine, et firent mme prisonniers +les prdicateurs avec l'un des prophtes; +mais bientt ils furent obligs de les +relcher, et quarante-neuf d'entre eux prirent.</p> + +<p>A la Saint-Jean de l'anne 1534, un nouveau +prophte, auparavant orfvre Warendorff, assembla +le peuple, et lui annona qu'il avait eu +une rvlation d'aprs laquelle Jean de Leyde +devait rgner sur toute la terre, et occuper le +trne de David jusqu'au temps o Dieu le Pre +viendrait lui redemander le gouvernement... Les +douze anciens furent dposs et Jean de Leyde +proclam roi.</p> + +<p>Plus les anabaptistes prenaient de femmes, plus +l'esprit de libertinage augmentait parmi eux; ils +commirent d'horribles excs sur des jeunes filles +de dix, douze et quatorze ans. Ces violences +<span class="pagenum" id="Page_34">34</span> +barbares, et les maux du sige irritrent une +partie du peuple. Plusieurs souponnaient Jean +de Leyde d'imposture et songeaient le livrer +l'vque. Le roi redoubla de vigilance et nomma +douze ducs chargs de maintenir la ville dans la +soumission (jour des Rois 1535). Il promit ces +douze chefs qu'ils rgneraient la place de tous +les princes de la terre, et il leur distribua d'avance +des lectorats et des principauts. Le +noble landgrave de Hesse est seul except de +la proscription; ils esprent, disent-ils, qu'il +deviendra leur frre... Le roi dsigna le jour +de Pques comme l'poque o la ville serait dlivre.</p> + +<p>... L'une des reines ayant dit ses compagnes +qu'elle ne croyait pas conforme la volont de +Dieu qu'on laisst ainsi le pauvre peuple mourir +de misre et de faim, le roi la conduisit au march +avec ses autres femmes, lui ordonna de s'agenouiller +au milieu de ses compagnes prosternes +comme elle, et lui trancha la tte. Les +autres reines chantrent: <i>Gloire Dieu au haut +des cieux!</i> et tout le peuple se mit danser autour. +Cependant il n'avait plus manger que du +pain et du sel! Vers la fin du sige, la famine +fut si grande que l'on y distribuait rgulirement +la chair des morts; on n'exceptait que ceux qui +avaient eu des maladies contagieuses. A la +<span class="pagenum" id="Page_35">35</span> +Saint-Jean de l'anne 1535, l'vque apprit +d'un transfuge, le moyen d'attaquer la ville +avec avantage. Elle fut prise le jour mme de la +Saint-Jean, et, aprs une rsistance opinitre, les +anabaptistes furent massacrs. Le roi, ainsi que +son vicaire et son lieutenant, fut emmen entre +deux chevaux, une chane double au cou, la tte +et les pieds nus... L'vque l'interpella durement +sur l'horrible dsastre dont il tait cause; il lui rpondit: +Franois de Waldeck (c'tait son nom), +si les choses avaient t mon gr, ils seraient +tous morts de faim, avant que je t'eusse livr la +ville.</p> + +<p>Nous trouvons beaucoup d'autres dtails intressans +dans une pice insre au second volume +des œuvres allemandes de Luther (dition de +Witt.) sous le titre suivant: <i>Nouvelle sur les anabaptistes +de Munster</i><a name="FNanchor_r8" id="FNanchor_r8" href="#Footnote_r8" class="fnanchor">[r8]</a>.</p> + +<p>... Huit jours aprs que l'assaut a t repouss +par les anabaptistes, le roi a commenc son rgne +en s'entourant d'une cour complte, l'gal d'un +prince sculier. Il a institu des matres de crmonies, +des marchaux, des huissiers, des +matres de cuisine, des fourriers, des chanceliers, +des orateurs (<i lang="de" xml:lang="de">redner</i>), des serviteurs pour la +table, des chansons, etc.</p> + +<p>Une de ses femmes a t leve au rang de +reine, et elle a galement sa cour elle. C'est une +<span class="pagenum" id="Page_36">36</span> +belle et noble femme de Hollande, marie auparavant + un autre prophte qui a t tu devant +Munster et de qui elle est encore enceinte.</p> + +<p>Le roi a en outre trente et un chevaux couverts +de draps <ins id="cor_2" title="original: dor">d'or</ins>. Il s'est fait faire des habits +prcieux en or et en argent avec les ornemens de +l'glise. Son cuyer est par comme lui de vtemens +superbes pris de ces ornemens, et il porte +en outre des bagues d'or; de mme la reine avec +ses vierges et ses femmes.</p> + +<p>Lorsque le roi, dans sa majest, traverse la +ville cheval, des pages l'accompagnent: l'un +porte son ct droit la couronne et la Bible, +l'autre une pe nue. L'un d'eux est le fils de +l'vque de Munster. Il est prisonnier et il sert +le roi dans sa chambre.</p> + +<p>Le roi a de mme dans sa triple couronne surmonte +d'une chane d'or et de pierreries, la figure +du monde perce d'une pe d'or et d'une +pe d'argent. Au milieu du pommeau des deux +pes se trouve une petite croix sur laquelle est +crit: <i>Un roi de la justice sur le monde</i>. La reine +porte les mmes ornemens.</p> + +<p>En cet appareil le roi se rend trois fois par semaine +au march, o il monte sur un sige lev +qu'on a fait exprs. Le lieutenant du roi, nomm +Knipperdolling, se tient une marche plus bas, +puis viennent les conseillers. Celui qui a affaire +<span class="pagenum" id="Page_37">37</span> +au roi s'incline deux fois, se laisse tomber terre + la troisime, et expose ensuite ce qu'il a +dire.</p> + +<p>Un mardi ils ont clbr la sainte Cne dans +la <i>cour du dme</i>; ils taient table au nombre de +prs de quatre mille deux <ins id="cor_3" title="original: cent">cents</ins>. Trois plats furent +servis: savoir du bouilli, du jambon et du rti; +le roi et ses femmes et tous leurs domestiques +servirent les convives.</p> + +<p>Aprs le repas, le roi et la reine prirent du gteau +de froment, le rompirent et en donnrent +aux autres, disant: Prenez, mangez et annoncez +la mort du Seigneur. De mme ils prirent +une cruche de vin, disant: Prenez, buvez-en +tous et annoncez la mort du Seigneur.</p> + +<p>Les convives rompirent de mme des gteaux, +et se les prsentrent les uns aux autres en prononant +ces paroles: Frre et sœur, prends et +mange. De mme que Jsus-Christ s'est dvou +pour moi, de mme je veux me dvouer pour toi; +et de mme que dans ce gteau les grains de froment +sont joints, et que les raisins ont t unis +pour former ce vin, de mme nous aussi nous +sommes unis. Ils s'exhortaient en mme +temps ne rien dire de frivole, ni qui ft +contraire la loi du Seigneur. Ensuite ils remercirent +Dieu, d'abord par des prires, et puis par +des cantiques, surtout par le cantique: <i>Gloire +<span class="pagenum" id="Page_38">38</span> + Dieu au haut des cieux!</i> Le roi et ses femmes, +avec leurs serviteurs, se mirent table galement, +ainsi que ceux qui revenaient de la garde.</p> + +<p>Quand tout fut fini, le roi demanda l'assemble +s'ils taient tous disposs faire et +souffrir la volont du Pre. Ils rpondirent tous: +<i>Oui</i>. Puis le prophte Jean de Warendorff se +leva, et dit: Que Dieu lui avait ordonn d'envoyer +quelques-uns d'entre eux pour annoncer +les miracles dont ils avaient t tmoins. Le +mme prophte ajouta que, selon l'ordre de +Dieu, ceux qu'il nommerait devaient se rendre +dans quatre villes de l'Empire, et y prcher... +On donna chacun un fenin d'or de la valeur de +neuf florins avec de la monnaie ordinaire pour +le voyage, et ils partirent le soir mme.</p> + +<p>La veille de Saint-Gall, ils parurent dans les +villes dsignes, faisant grand bruit, et criant: +Convertissez-vous et faites pnitence, car la +misricorde du Pre est sa fin. La cogne +frappe dj la racine de l'arbre. Que votre ville +accepte la paix, ou elle va prir. Arrivs +devant le conseil des quatre villes, ils tendirent +leurs manteaux par terre, et y jetrent les susdites +pices d'or, en disant: Nous sommes envoys +par le Pre pour vous annoncer la paix. +Si vous l'acceptez, mettez tout votre bien en +commun; si vous ne voulez pas faire cela, +<span class="pagenum" id="Page_39">39</span> +nous protesterons devant Dieu avec cette +pice d'or, et nous prouverons par elle que +vous avez rejet la paix qu'il vous envoyait. +Il est arriv maintenant, le temps annonc +par tous les prophtes, ce temps o Dieu ne +voudra plus souffrir sur la terre que la justice; +et quand le roi aura fait rgner la justice sur +toute la face de la terre, alors Jsus-Christ +remettra le gouvernement entre les mains du +Pre.</p> + +<p>Alors ils furent mis en prison et questionns +sur leur croyance, leur vie, etc... (Suit l'interrogatoire.) ... +Ils disaient qu'il y avait quatre prophtes, +deux vrais, et deux faux; que les vrais, +c'taient David et Jean de Leyde, et les faux, le +pape et Luther. Luther, disaient-ils, est pire +encore que le pape. Ils tiennent aussi pour +damns tous les autres anabaptistes, quelque +part qu'ils se trouvent.</p> + +<p>... Dans Munster, disaient-ils, les hommes +ont communment cinq, six, sept ou huit femmes, +selon leur bon plaisir<a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>. Mais chacun est +oblig d'habiter d'abord avec l'une d'entre elles, +jusqu' ce qu'elle soit enceinte. Ensuite, il peut +<span class="pagenum" id="Page_40">40</span> +faire comme il lui plat. Toutes les jeunes filles +qui ont pass douze ans doivent se marier...</p> + +<p>... Ils dtruisent les glises et toutes maisons +consacres Dieu...</p> + +<p>... Ils attendent Munster des gens de Groningue +et d'autres contres de la Hollande. Eux +venus, le roi se lvera avec toutes ses forces, et +subjuguera la terre entire.</p> + +<p>Ils tiennent aussi qu'il est impossible de +bien comprendre l'criture sans que des prophtes +l'aient explique. Quand on discute +avec eux et qu'ils en viennent ne pouvoir justifier +leur entreprise par l'criture, ils disent que +le Pre ne leur donne pas de s'expliquer l-dessus. +D'autres rpondent: Le prophte l'a dit +par l'ordre de Dieu.</p> + +<p>Il ne s'en trouva aucun qui voult se rtracter, +ni qui acceptt sa grce ce prix. Ils chantaient +et remerciaient Dieu qui les avait jugs +dignes de souffrir pour son nom.</p> + +<p>Les anabaptistes somms par le landgrave de +Hesse de se justifier relativement au roi qu'ils +s'taient donn, lui rpondirent (janvier 1535)<a name="FNanchor_r9" id="FNanchor_r9" href="#Footnote_r9" class="fnanchor">[r9]</a>: +Que les temps de la restitution annoncs par les +livres saints taient arrivs, que l'vangile leur +avait ouvert la prison de Babylone, et qu'il fallait + prsent rendre aux Babyloniens selon leurs œuvres; +qu'une lecture attentive des prophtes, de +<span class="pagenum" id="Page_41">41</span> +l'Apocalypse, etc., montrerait videmment au +Landgrave si c'tait d'eux-mmes qu'ils avaient +institu un roi, ou bien par l'ordre de Dieu, etc.</p> + +<p>Suit la convention qui fut arrte l'an 1533, +entre l'vque de Munster et cette ville par l'entremise +des conseillers du Landgrave: ... Les anabaptistes +envoyrent au landgrave de Hesse leur +livre <i lang="la" xml:lang="la">De restitutione</i>. Il le lut avec indignation et +ordonna ses thologiens d'y rpondre et d'opposer +particulirement aux anabaptistes neuf articles +qu'il dsigna. Dans ces articles il leur reproche +entre autres choses: 1<sup>o</sup> de faire consister la +justice non pas dans la foi seule, mais dans la foi +et les œuvres ensemble; 2<sup>o</sup> d'accuser injustement +Luther de n'avoir jamais enseign les bonnes +œuvres; 3<sup>o</sup> de dfendre le libre arbitre.</p> + +<p>Dans le livre <i lang="la" xml:lang="la">De restitutione</i>, les anabaptistes +divisaient toute l'histoire du monde en trois parties +principales. Le premier monde, disent-ils, +celui qui exista jusqu' No, fut submerg par +les eaux. Le second, celui dans lequel nous-mmes +nous vivons encore, sera fondu et purifi +par le feu. Le troisime sera un nouveau +ciel et une nouvelle terre, habits par la justice. +C'est ce que Dieu a dsign par l'arche sainte +dans laquelle il y avait le vestibule, le sanctuaire +et le saint des saints... La venue du troisime +monde sera prcde d'une restitution et d'un +<span class="pagenum" id="Page_42">42</span> +chtiment universels. Les mchans seront tus, +le rgne de la justice prpar, les ennemis du +Christ jets bas, et toutes choses restitues. +C'est ce temps qui commence maintenant.</p> + +<p><i>Entretien ou discussion qu'Antoine Corvinus +et Jean Kymeus ont eue Bverger avec Jean de +Leyde, le roi de Munster<a name="FNanchor_r10" id="FNanchor_r10" href="#Footnote_r10" class="fnanchor">[r10]</a>.</i>—Quand le roi entra +dans notre chambre avec l'escorte qui l'avait +tir de sa prison, nous le salumes d'une manire +amicale et l'invitmes s'asseoir prs du +feu. Nous lui demandmes comment il se portait +et s'il souffrait dans sa prison. Il rpondit qu'il +souffrait du froid et se sentait mal au cœur, mais +qu'il devait tout endurer avec patience, puisque +Dieu avait ainsi dispos de lui. Peu--peu, toujours +en lui parlant amicalement, car on ne +pouvait rien obtenir de lui d'une autre manire, +nous arrivmes parler de son royaume et de sa +doctrine, de la manire qu'il suit:</p> + +<p><span class="smcap">Premier point de l'interrogatoire.</span>—<i>Les ministres.</i> +Cher Jean, nous entendons dire de votre +gouvernement des choses extraordinaires et +horribles. Si elles sont telles qu'on le dit, et malheureusement +cela n'est que trop vrai, nous ne +pouvons concevoir comment il vous est possible +de justifier une semblable entreprise par la +sainte criture...</p> + +<p><i>Le roi.</i> Ce que nous avons fait et enseign, +<span class="pagenum" id="Page_43">43</span> +nous l'avons fait et enseign avec bon droit, et +nous pouvons justifier toute notre entreprise, +nos actions et notre doctrine devant Dieu et +qui il appartient.</p> + +<p><i>Les ministres</i> lui objectent que dans l'criture +il n'tait question que d'un rgne spirituel de +Jsus-Christ: Mon royaume n'est pas de ce +monde, a-t-il dit lui-mme.</p> + +<p><i>Le roi.</i> J'entends trs bien ce que vous dites +du royaume spirituel de Jsus-Christ et je n'attaque +nullement les passages que vous citez. +Mais vous devez savoir distinguer le royaume +spirituel de Jsus-Christ, lequel se rapporte aux +temps de la souffrance, et duquel aprs tout ni +vous ni Luther vous n'avez une juste ide, et +l'autre royaume, celui qui, aprs la rsurrection, +sera tabli dans ce monde pendant mille +ans. Tous les versets qui traitent du royaume +spirituel de Jsus-Christ ont rapport au temps +de la souffrance, mais ceux qui se trouvent dans +les prophtes et dans l'Apocalypse et qui traitent +du royaume temporel, doivent tre rapports au +temps de la gloire et de la puissance que Jsus-Christ +aura dans le monde avec les siens.</p> + +<p>Notre royaume de Munster a t une image de +ce royaume temporel du Christ; vous savez que +Dieu annonce et dsigne beaucoup de choses +par des figures. Nous avions cru que notre +<span class="pagenum" id="Page_44">44</span> +royaume durerait jusqu' la venue du Seigneur, +mais nous voyons prsent qu'en ce point notre +entendement a failli et que nos prophtes ne +l'ont pas bien compris eux-mmes. Dieu nous +en a, dans la prison, ouvert et rvl la vritable +intelligence...</p> + +<p>Je n'ignore pas que vous rapportez communment +au royaume spirituel du Christ ces passages +et d'autres semblables, qui pourtant doivent, sans +aucun doute, tre entendus du royaume temporel. +Mais qu'est-ce que ces interprtations spirituelles, +et quoi servent-elles, si rien ne doit se raliser +un jour?... Dieu a cr le monde principalement +pour se complaire dans les hommes auxquels il +a donn un reflet de sa force et de sa puissance.</p> + +<p><i>Les ministres</i> ... Et comment vous justifierez-vous +quand Dieu vous dira au jugement dernier: +Qui t'a fait roi? Qui t'a ordonn de rpandre +dans le monde de si effroyables erreurs, au +grand dtriment de ma parole?</p> + +<p><i>Le roi.</i> Je rpondrai: Les prophtes de Munster +me l'ont ordonn comme tant votre volont +divine, en preuve de quoi ils m'ont donn en +gage leur corps et leur me.</p> + +<p><i>Les ministres</i> lui demandent ce qu'il en est +des rvlations divines qu'il aurait eues, dit-on, +au sujet de son lvation la royaut.</p> + +<p><i>Le roi.</i> Je n'ai pas eu de rvlation ce sujet, +<span class="pagenum" id="Page_45">45</span> +seulement il m'est venu des penses, comme +s'il devait y avoir un roi Munster, et que moi +je dusse tre ce roi. Ces penses m'branlrent et +m'affligrent profondment. Je priais Dieu de +vouloir bien prendre en considration mon inhabilet, +et de ne point me charger d'un tel fardeau. +Au cas o il ne voudrait pas m'pargner +cette peine, je le priais de me faire dsigner par +des prophtes dignes de foi et en possession de +sa parole. Je m'en tins l et n'en dis rien personne. +Mais quinze jours aprs un prophte se +leva au milieu de la commune et s'cria que Dieu +lui avait signifi que Jean de Leyde devait tre +roi. Il annona la mme chose au conseil, qui +aussitt se conforma ce qu'il disait, se dmit de +son pouvoir et me proclama roi avec toute la commune. +Il me remit aussi le glaive de la justice. +C'est ainsi que je suis devenu roi.</p> + +<p><span class="smcap">Deuxime article.</span>—<i>Le roi.</i> ... Nous ne nous +sommes opposs l'autorit que parce qu'elle +voulait nous interdire notre baptme et la parole +de Dieu. Nous avons rsist la violence. Vous +prtendez que nous avons agi injustement en +cela, mais saint Pierre ne dit-il pas qu'on doit +obir Dieu plutt qu'aux hommes?... Vous ne +rprouveriez pas tout ce que nous avons fait, si +vous saviez comment les choses se sont passes...</p> + +<p><i>Les ministres.</i> Parez et justifiez vos actes, +<span class="pagenum" id="Page_46">46</span> +comme vous voudrez, vous n'en serez pas moins +ternellement des rebelles, coupables du crime +de lse-majest. Le chrtien doit souffrir et ne +point rsister au mchant. Quand mme tout le +conseil se ft rang de votre parti (ce qui n'a pas +eu lieu), vous auriez d supporter la violence +plutt que de commencer un schisme, une sdition, +une tyrannie pareils, contrairement la +parole de Dieu, la majest de l'Empereur, la +dignit royale, celle de l'lectorat et des princes +et tats de l'Empire.</p> + +<p><i>Le roi.</i> Nous savons ce que nous avons fait: +Que Dieu soit notre juge.</p> + +<p><i>Les ministres.</i> Nous aussi, nous savons sur +quoi est fond ce que nous disons. Que Dieu soit +notre juge aussi.</p> + +<p><span class="smcap">Troisime article.</span>—<i>Le roi.</i> ... Nous avons +t assigs et dtruits cause de la parole divine; +c'est pour elle que nous avons souffert la +faim et tous les maux, que nous avons perdu les +ntres, et que nous sommes tombs dans une si +lamentable calamit! Ceux d'entre nous qui sont +encore en vie, mourront sans rsistance et sans +plainte, comme l'agneau qu'on immole...</p> + +<p><span class="smcap">Cinquime article.</span>—Le roi dit qu'il a long-temps +t de l'avis de Zwingli, mais qu'il est revenu + croire en la transsubstantiation. Seulement +il n'accorde pas ses interlocuteurs que +<span class="pagenum" id="Page_47">47</span> +celle-ci s'opre aussi dans celui qui n'a pas la foi.</p> + +<p><span class="smcap">Sixime article.</span>—<i>Les ministres.</i> ... Que +voulez-vous donc faire de Jsus-Christ, s'il n'a +pas reu chair et sang de sa mre Marie? Voulez-vous +qu'il soit un fantme, un spectre? Il serait +besoin que notre Urbanus Regius ft imprimer +un second livre pour vous faire comprendre votre +langue natale<a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>, sans cela vos ttes d'nes rsisteront +toujours l'instruction.</p> + +<p><i>Le roi.</i> Si vous saviez quelle consolation infinie +est renferme dans cette connaissance que +Jsus-Christ, Dieu et fils du Dieu vivant, s'est +fait homme et a vers son sang, non pas celui +de Marie, pour racheter nos pchs (lui qui est +pur de toute faute), vous ne parleriez pas comme +vous faites et vous ne trouveriez pas notre opinion +si mauvaise.</p> + +<p><span class="smcap">Septime article</span> sur la polygamie.—Le roi +oppose aux ministres l'exemple des patriarches. +Les ministres se retranchent derrire l'usage +gnralement tabli dans les temps modernes, et +dclarent que le mariage est <i lang="la" xml:lang="la">res politica</i>. Le roi +dit qu'il vaut mieux avoir beaucoup d'pouses, +que beaucoup de prostitues, et termine cet entretien, +comme le second, par ces mots: Que +Dieu soit notre juge.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_48">48</span> +Quoique rdig par les prdicateurs, l'effet +de cette discussion ne leur est pas favorable. On +ne peut s'empcher d'admirer la fermet, le bon +sens, et la modeste simplicit du roi de Munster, +qui ressort encore par la duret pdantesque +de ses interlocuteurs.</p> + +<p>Corvinus et Kymeus au lecteur chrtien:—Nous +avons reprsent notre entretien avec le +roi -peu-prs mot pour mot, sans passer un seul +de ses argumens; seulement nous les avons mis +en notre langage et poss plus convenablement +qu'il ne le faisait... Environ huit jours aprs, il +envoya vers nous pour nous prier de venir encore +une fois traiter avec lui... Nous discutmes de +nouveau pendant deux jours; il se trouva plus +docile que la premire fois, mais nous n'avons +vu en cela que le dsir de sauver sa vie. Il dclara +de son propre mouvement que si on le +prenait en grce, il voulait avec le secours de +Melchior Hoffmann et de ses reines, exhorter tous +les anabaptistes, qui sont trs nombreux, selon +lui, dans la Hollande, le Brabant, l'Angleterre +et la Frise, se taire dsormais, obir, et +mme faire baptiser leurs enfans, jusqu' ce +que l'autorit s'arranget avec eux sur les affaires +de religion. ... Suit la nouvelle confession de +foi de Jean de Leyde, par laquelle il modifie +quelques points de la premire. En exhortant les +<span class="pagenum" id="Page_49">49</span> +anabaptistes l'obissance, il n'entend qu'une +obissance extrieure. Il ne cde point sur le +fond des doctrines, et veut qu'on laisse les consciences +libres. Quant l'eucharistie, il dclare +que tous ses confrres sont zwingliens sur ce +point, et que lui-mme il l'avait toujours t, +mais que dans sa prison Dieu lui a fait connatre +ses erreurs. Cette confession est signe en hollandais: +<i>Moi, Jean de Leyde, sign de ma propre +main</i>.</p> + +<p>Le 19 janvier 1536, Jean de Leyde, ainsi que +Knipperdolling et Krechting, son vicaire et son +lieutenant, furent tirs de leurs cachots<a name="FNanchor_r11" id="FNanchor_r11" href="#Footnote_r11" class="fnanchor">[r11]</a>. Le lendemain, +l'vque leur envoya son chapelain pour +confrer avec chacun d'eux sparment, sur leurs +croyances et sur les actes qu'ils avaient commis. +Le roi tmoigna du repentir et se rtracta, mais +les deux autres persistrent et ne s'avourent coupables +en rien... Le 22 au matin, toutes les portes +de Munster furent fermes; on ne laissa plus +entrer ni sortir, et vers les huit heures, le roi, +dpouill jusqu' la ceinture, fut conduit sur un +chafaud dress dans le march. Deux cents fantassins +et trois cents cavaliers se tenaient auprs. +L'affluence du peuple tait extrme. Il fut attach + un poteau, et deux bourreaux le dchirrent +tour--tour avec des tenailles ardentes. Enfin +l'un d'eux lui plongea un couteau dans la poitrine, +<span class="pagenum" id="Page_50">50</span> +et termina ainsi l'excution qui durait depuis +une heure.</p> + +<p>Aux trois premiers coups de tenailles le roi +ne laissa entendre aucun cri, mais aprs il s'cria +sans cesse, les yeux tourns au ciel: <i>O mon +Pre, ayez piti de moi!</i> et il pria Dieu avec ardeur, +pour la rmission de ses pchs. Quand il +se sentit dfaillir, il dit: <i>O mon Pre, je remets +mon esprit entre tes mains!</i> et il expira.</p> + +<p>Le cadavre fut jet sur une claie et tran +devant la tour de Saint-Lambert, o taient prpars +trois paniers de fer. Arriv l, on l'attacha +avec des chanes dans l'un de ces paniers, et les +paysans le hissrent au haut de la tour, o il fut +suspendu un crochet.—Le supplice de Knipperdolling +et de Krechting fut le mme que celui +du roi. Ils persistrent jusqu' la fin dans tout ce +qu'ils avaient dit. Pendant l'excution ils n'invoqurent +que le Pre, sans faire mention du +Christ, comme c'tait l'usage de leur secte. Ni +l'un ni l'autre, ne dit rien de remarquable: peut-tre +leur silence tait-il la suite des tourmens +qu'ils avaient endurs dans la prison, car ils +semblaient dj plus morts que vifs. Leurs corps +furent mis dans les deux autres paniers de fer, +et hisss par les paysans, l'un la droite, l'autre + la gauche du roi, mais plus bas de la hauteur +d'un homme. Alors on rouvrit les portes de la +<span class="pagenum" id="Page_51">51</span> +ville, et il y entra une grande foule de gens +venus trop tard pour voir l'excution<a name="FNanchor_a28" id="FNanchor_a28" href="#Footnote_a28" class="fnanchor">[a28]</a>.</p> + +<p><i>Prface de Luther aux Nouvelles, sur les affaires +de Munster<a name="FNanchor_r12" id="FNanchor_r12" href="#Footnote_r12" class="fnanchor">[r12]</a>.</i> Ah! que dois-je, et comment +dois-je crire contre ou sur ces pauvres +gens de Munster! N'est-il pas visible que le +diable y rgne en personne, ou plutt qu'il y a +l toute une bande de diables?</p> + +<p>Reconnaissons pourtant ici la grce et la misricorde +infinies de Dieu. Aprs que l'Allemagne, +par tant de blasphmes, par le sang de tant +d'innocens, a mrit une si rude frule, le pre +de toute misricorde ne permet pas encore au +diable de frapper son vrai coup, il nous avertit +d'abord paternellement par ce jeu grossier que +Satan fait Munster. La puissance de Dieu contraint +l'esprit aux cent ruses s'y prendre d'abord +avec gaucherie et maladresse, afin de nous +laisser le temps d'chapper par la pnitence, aux +coups mieux calculs qu'il nous rservait.</p> + +<p>En effet, l'esprit qui veut tromper le monde +ne doit pas commencer par prendre des femmes, +par tendre la main vers les honneurs et le glaive +royal, ou bien par gorger les gens; ceci est trop +grossier. Chacun s'aperoit que cet esprit ne +veut autre chose que s'lever lui-mme et opprimer +les autres. Ce qu'il faut pour tromper, c'est +de mettre un habit gris, de prendre un air triste +<span class="pagenum" id="Page_52">52</span> +et piteux, de pencher la tte, de refuser l'argent, +de ne pas manger de viande; de fuir les femmes + l'gal du poison, de repousser comme damnable +tout pouvoir temporel, de rejeter le glaive; +puis de se baisser tout doucement vers la couronne, +le glaive et les cls, pour les ramasser et +s'en saisir furtivement. Voil qui pourrait russir, +voil qui tromperait mme les sages, les hommes +tourns au spirituel. Ce serait l un beau +diable, plumes plus belles que plumes de paon +et de faisan.</p> + +<p>Mais saisir la couronne si impudemment, +prendre non-seulement une femme, mais autant +de femmes que dit le caprice et le plaisir. Ah! +c'est le fait d'un diablotin colier, d'un diable + l'A B C; ou bien c'est le vritable Satan, le +Satan docte et habile, mais garrott par la main +de Dieu de chanes si puissantes qu'il n'a pu agir +plus adroitement. C'est pour nous menacer tous +et nous exhorter craindre ses chtimens, avant +qu'il ne laisse le champ libre un diable savant +qui nous attaquerait, non plus avec l'A B C, +mais avec le vritable texte, le texte difficile. +S'il fait de telles choses comme diablotin l'cole, +que ne pourrait-il faire comme diable raisonnable, +sage, savant, lgiste, thologien?</p> + +<p>... Lorsque Dieu est en colre et qu'il nous +prive de sa parole, nulle tromperie du diable +<span class="pagenum" id="Page_53">53</span> +n'est trop grossire. Les commencemens de Mahomet +aussi furent grossiers; cependant, Dieu +n'y mettant obstacle, il en est sorti un empire +damnable et infme, comme tout le monde +sait. Si Dieu ne nous et pas t en aide contre +Mnzer, il se ft lev par lui un empire turc, +comme celui de Mahomet. En somme: nulle +tincelle n'est si petite, que Dieu y laissant souffler +le diable, il n'en puisse sortir un feu qui dvore +le monde, et que personne n'teigne. La +meilleure arme contre le diable c'est le glaive +de l'esprit, la parole de Dieu; le diable est un +esprit et il se moque des cuirasses, des chevaux +et des cavaliers.</p> + +<p>Mais nos seigneurs vques et princes, ne +veulent pas souffrir que l'on prche l'vangile, +et que, par la parole divine, l'on arrache les +mes au diable; ils pensent qu'il suffit d'gorger. +De cette manire ils prennent au diable les +corps, ils lui laissent les mes; ils russiront +comme les Juifs, qui croyaient exterminer Christ +en le crucifiant.....</p> + +<p>..... Ceux de Munster, entre autres blasphmes, +parlent de la naissance de Jsus-Christ, +comme s'il ne venait pas (c'est leur langage) de +la semence de Marie et que cependant il ft de +la semence de David. Mais ils ne s'expliquent pas +clairement. Le diable garde la bouillie ardente +<span class="pagenum" id="Page_54">54</span> +dans la bouche et ne fait que grommeler: <i>mum, +mum</i>, voulant probablement dire pis. Toutefois +ce que l'on comprend, c'est que, d'aprs eux, +la semence ou la chair de Marie ne pourrait pas +nous racheter. Eh bien! diable, grommle et +crache tant que tu voudras, le seul petit mot: <i>n</i>, +renverse tout cela. Dans toutes les langues, sur +toute la terre, on appelle <i>n</i> l'enfant de chair et +de sang qui sort des entrailles de la femme, et +non autre chose. Or l'criture dit partout que +Jsus-Christ est <i>n</i> de sa mre Marie, qu'il est +son fils premier n: ainsi Isae, Gabriel, et ailleurs: +Tu seras enceinte en ton corps, etc. +Mon cher, <i>tre enceinte</i> ne signifie pas: tre un +tuyau par lequel il coule de l'eau (selon les blasphmes +de Maniche); mais cela veut dire qu'un +enfant est pris de la chair et du sang de sa mre, +qu'il est nourri en elle, qu'il y prend croissance, +qu'il est la fin mis au monde.</p> + +<p>L'autre proposition de ces gens, celle par +laquelle ils condamnent le baptme des enfans +et en font une chose paenne, est de mme assez +grossire. Ils regardent comme mauvais tout ce +que les impies ont et donnent. Pourquoi donc +alors ne tiennent-ils pas pour mauvais l'or, l'argent +et les autres biens qu'ils ont pris aux impies +dans Munster. Ils devraient faire de l'or et +de l'argent tout neuf.....</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_55">55</span> +Leur mchant royaume est si visiblement +un royaume de grossire imposture et de rvolte +qu'il n'est pas besoin d'en parler. J'en ai dj +trop dit: Je m'arrte.<a name="FNanchor_a29" id="FNanchor_a29" href="#Footnote_a29" class="fnanchor">[a29]</a></p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<div class="pagenum" id="Page_56"></div> + +<h3>CHAPITRE III.<br /> +1536-1545.</h3> + +<p class="somm">Dernires annes de la vie de Luther.—Polygamie +du landgrave de Hesse, etc.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Les catholiques et les protestans runis un +instant contre les anabaptistes, n'en furent ensuite +que plus ennemis<a name="FNanchor_a30" id="FNanchor_a30" href="#Footnote_a30" class="fnanchor">[a30]</a>. On parlait toujours d'un +concile gnral; personne n'en voulait srieusement. +Le pape le redoutait, les protestans le +rcusaient d'avance.</p> + +</div> + +<p>On m'crit de la dite, que l'Empereur +presse les ntres de consentir un concile, et +qu'il se courrouce de leur refus. Je ne comprends +pas ces monstruosits. Le pape nie que des hrtiques +<span class="pagenum" id="Page_57">57</span> +comme nous puissent avoir place un +concile: l'Empereur veut que nous consentions +au concile et ses dcrets. C'est peut-tre Dieu +qui les rend fous... Mais voici sans doute leur +folle combinaison. Comme jusqu' prsent ils +n'ont pu, sous le nom du pape, de l'glise, de +l'Empereur, des dites, rendre redoutable leur +mauvaise cause, ils pensent maintenant se couvrir +du nom de concile afin de pouvoir crier contre +nous: que nous sommes des gens tellement +perdus et dsesprs que nous ne voulons couter +ni le pape, ni l'glise, ni l'Empereur, ni l'Empire, +ni le concile mme que nous avons tant de +fois demand. Voyez l'habilet de Satan contre +ce pauvre sot de Dieu, qui aura sans doute de la +peine se tirer de piges si bien dresss?... Non, +c'est le Seigneur, qui se jouera de ceux qui se +jouent de lui. S'il nous faut consentir un concile +ainsi dispos pour nous, pourquoi, il y a vingt-cinq +ans, ne nous sommes-nous pas soumis au +pape, seigneur des conciles, et toutes ses bulles? +(9 juillet 1545.)</p> + +<p>Ce concile aurait pu resserrer l'unit de la +hirarchie catholique, mais non rtablir celle +de l'glise. Les armes devaient seules dcider<a name="FNanchor_a31" id="FNanchor_a31" href="#Footnote_a31" class="fnanchor">[a31]</a>. +Dj les protestans avaient chass les Autrichiens +du Wurtemberg. Ils dpouillaient Henri de +Brunswick, qui excutait son profit les arrts +<span class="pagenum" id="Page_58">58</span> +de la chambre impriale. Ils encourageaient l'archevque +de Cologne imiter l'exemple d'Albert +de Brandebourg, en scularisant son archevch, +ce qui leur et donn la majorit dans le conseil +lectoral. Cependant il y eut encore quelques tentatives +de conciliation. Des confrences s'ouvrirent + Worms et Ratisbonne (1540—1541)<a name="FNanchor_a32" id="FNanchor_a32" href="#Footnote_a32" class="fnanchor">[a32]</a>. +Elles furent aussi inutiles que celles qui les +avaient prcdes. Luther ne s'y trouva point +et donna mme peu d'attention ces disputes +qui de jour en jour prenaient un caractre plus +politique que religieux.</p> + +<p>Il ne m'est rien venu de Worms, si ce n'est +ce que m'crit Mlanchton, qu'il s'y est runi +une telle multitude de doctes personnages de +France, d'Italie, d'Espagne et d'Allemagne, que +dans aucun synode pontifical on n'en pourra jamais +voir un aussi grand nombre. (27 novembre +1540.)</p> + +<p>J'ai reu des nouvelles de Worms. Les ntres +procdent avec force et sagesse, nos adversaires, +comme gens sots et ineptes, n'usent que +de ruses et de mensonges. On croirait voir Satan +lui-mme, quand se lve l'aurore, courir et l +cherchant, sans pouvoir trouver, quelque sombre +repaire pour chapper cette lumire qui le +poursuit. (9 janvier 1541.)</p> + +<p>Aprs une nouvelle confrence de <ins id="err_3" title="original: thologien (Err.)">thologiens</ins> +<span class="pagenum" id="Page_59">59</span> +des deux partis, on voulut avoir l'opinion de +Luther sur dix articles dont on tait convenu. +Notre prince apprenant que l'on venait directement + moi sans s'adresser lui, accourut avec +Pontanus, et tous deux arrangrent la rponse +leur faon<a name="FNanchor_a33" id="FNanchor_a33" href="#Footnote_a33" class="fnanchor">[a33]</a>.</p> + +<p>Quelques annes auparavant, cette intervention +du prince aurait soulev l'indignation de +Luther. Ici il en parle sans colre, le dgot et +la lassitude commencent s'emparer de lui. Il +voit bien qu'en travaillant rtablir l'vangile +dans sa puret primitive, il n'a fait que fournir +aux puissans du sicle les moyens de satisfaire +leurs ambitions terrestres, et qu'ils font chaque +jour bon march de son Christ.</p> + +<p>Notre excellent prince m'a donn lire les +conditions qu'il veut proposer pour avoir la paix +avec l'Empereur et nos adversaires. Je vois qu'ils +regardent toute cette affaire comme une comdie +qui se joue entre eux, tandis que c'est une tragdie +entre Dieu et Satan, o Satan triomphe et +o Dieu est humili<a name="FNanchor_a34" id="FNanchor_a34" href="#Footnote_a34" class="fnanchor">[a34]</a>. Mais viendra la catastrophe +o le Tout-Puissant, auteur de cette tragdie, +nous donnera la victoire. Je suis indign qu'on +se joue ainsi de si grandes choses<a name="FNanchor_a35" id="FNanchor_a35" href="#Footnote_a35" class="fnanchor">[a35]</a>. (4 avril 1541.)</p> + +<p class="sep2">Nous avons vu de bonne heure dans quelle +triste dpendance la Rforme s'tait trouve l'gard +<span class="pagenum" id="Page_60">60</span> +des princes qui la protgeaient; Luther eut +le temps de voir les consquences o cette +dpendance devait aboutir. Ces princes, c'taient +des hommes; il fallut les servir, non-seulement +comme princes, mais comme hommes, +dans leurs caprices, dans les besoins de leur humanit. +De l, des concessions qui sans tre contraires +aux principes de la Rforme, semblrent +peu honorables aux rformateurs.</p> + +<p>Le chef le plus belliqueux du parti protestant, +l'imptueux et colrique landgrave de Hesse, fit +reprsenter Luther et aux ministres que sa +sant ne lui permettait pas de se contenter d'une +femme. Les instructions qu'il donna Bucer<a name="FNanchor_r13" id="FNanchor_r13" href="#Footnote_r13" class="fnanchor">[r13]</a> +pour ngocier cette affaire avec les thologiens de +Wittemberg, sont un curieux mlange de sensualit, +de craintes religieuses et de navet hardie.</p> + +<p>Depuis mon mariage, crit-il, je vis dans +l'adultre et la fornication; et comme je ne veux +point abandonner cette vie, je ne puis m'approcher +de la Sainte-Table; car saint Paul a dit que +l'adultre ne possdera pas le royaume des cieux. +Il numre ensuite les raisons qui le forcent +vivre ainsi. Ma femme, dit-il, n'est ni belle, +ni aimable; elle sent mauvais, elle boit, et mes +chambellans savent bien comment elle se comporte +alors, etc.—Je suis d'une forte complexion, +les mdecins peuvent le tmoigner, +<span class="pagenum" id="Page_61">61</span> +souvent je vais aux dites impriales. <i lang="la" xml:lang="la">Ubi laut +vivitur et corpus curatur; quomodo me ibi gerere +queam absque uxore, cm non semper magnum +gynceum mecum ducere possim?...</i> Comment +puis-je punir la fornication et les autres crimes, +lorsque moi-mme je m'en rends coupable, lorsque +tous pourraient me dire: Matre, commence +par toi... Si nous prenions les armes pour la +cause de l'vangile, je ne le ferais qu'avec une +conscience trouble, car je me dirais: Si tu +meurs en cette guerre, tu vas au dmon... J'ai lu +avec soin l'Ancien et le Nouveau Testament, et +je n'y ai trouv d'autre remde que de prendre +une seconde femme, car je ne puis, ni ne veux +changer la vie que je mne. Je l'atteste par-devant +Dieu, ce qu'Abraham, Jacob, David, Lamech +et Salomon ont fait, pourquoi ne le puis-je +faire? Cette question de la polygamie avait t +agite dj dans les premires annes du protestantisme; +on la trouvait partout dans l'criture + laquelle la Rforme disait vouloir ramener +le monde. Les rformateurs considraient d'ailleurs +le mariage <i>ut res politica</i>, et sujette aux +rglemens du prince. En prsence de cette question, +Luther recula d'abord; la chose lui rpugnait, +mais il n'osait condamner l'Ancien Testament. +D'ailleurs la doctrine que le Landgrave invoquait, +tait prcisment celle que Luther avait +<span class="pagenum" id="Page_62">62</span> +adopte en principe ds les commencemens de la +Rforme, quoiqu'il ne conseillt pas de la pratiquer; +il avait crit en 1524: Il faut que le mari +soit certain par sa propre conscience et par la +parole de Dieu, que la polygamie lui est permise. ..... +Pour moi, j'avoue que je ne puis +mettre d'opposition ce qu'on pouse plusieurs +femmes, et que cela ne rpugne pas l'criture +sainte. Cependant je ne voudrais pas que cet +exemple s'introduist parmi les chrtiens, qui +il convient de s'abstenir mme de ce qui est permis, +pour viter le scandale et pour maintenir +l'<i>honestas</i> que saint Paul exige en toute occasion. +Il est tout--fait indigne d'un chrtien de courir +avec tant d'ardeur pour son propre avantage jusqu'aux +dernires limites de la libert, et de ngliger +pourtant les choses les plus vulgaires et +les plus ncessaires de la charit. Aussi je n'ai +point voulu, dans mon sermon, ouvrir cette +fentre. (13 janvier 1524.)</p> + +<p>La polygamie permise autrefois aux Juifs et +aux gentils, ne peut, d'aprs la foi, exister chez +les chrtiens si ce n'est dans un cas d'absolue +ncessit, comme quand on est oblig de se sparer +de sa femme lpreuse, etc. Tu diras donc + ces hommes de chair que s'ils veulent tre +chrtiens, il leur faut matriser la chair et ne +point lui lcher la bride. S'ils veulent tre gentils, +<span class="pagenum" id="Page_63">63</span> +qu'ils le soient, mais leurs risques et prils. +(21 mars 1527.)</p> + +<p>Un jour Luther demanda au docteur Basilius +si, d'aprs les lois, le mari dont la femme aurait +quelque maladie incurable, et serait, pour ainsi +dire, plus morte que vivante, pourrait tre autoris + prendre une concubine. Le docteur Basilius +ayant rpondu que dans certains cas, cette +permission serait probablement accorde, Luther +dit: C'est l une chose dangereuse, car si l'on +admet les cas de maladie, l'on pourrait venir +chaque jour inventer de nouvelles raisons de +dissoudre les mariages. (1539).</p> + +<p>Le message du Landgrave jeta Luther dans un +grand embarras. Tout ce qu'il y avait de thologiens +protestans Wittemberg, se runit pour +dresser une rponse; on rsolut de composer +avec ce prince. On lui accorda le double mariage, +mais condition que sa seconde femme ne serait +point reconnue publiquement. Votre Altesse +comprend assez d'elle-mme la diffrence qu'il y +a d'tablir une loi universelle ou d'user de dispense +en un cas particulier pour de pressantes +raisons. Nous ne pouvons introduire publiquement +et sanctionner comme par une loi la +permission d'pouser plusieurs femmes... Nous +prions Votre Altesse de considrer dans quel +danger serait un homme convaincu d'avoir introduit +<span class="pagenum" id="Page_64">64</span> +en Allemagne une telle loi, qui diviserait +les familles et les engagerait en des procs +ternels..... Votre Altesse est d'une complexion +faible, elle dort peu; de grands mnagemens lui +sont ncessaires... Le grand Scanderbeg exhortait +souvent ses soldats la chastet, disant qu'il +n'y avait rien de si nuisible leur profession que +le plaisir de l'amour... Qu'il plaise donc Votre +Altesse d'examiner srieusement les considrations +du scandale, des travaux, des soins, des +chagrins et des infirmits qui lui ont t reprsentes... +Si cependant Votre Altesse est entirement +rsolue d'pouser une seconde femme, +nous jugeons qu'elle doit le faire secrtement... +Fait Wittemberg, aprs la fte de saint Nicolas, +de l'an 1539<a name="FNanchor_a36" id="FNanchor_a36" href="#Footnote_a36" class="fnanchor">[a36]</a>. Martin <span class="smcap">Luther</span>, Philippe <span class="smcap">Melanchton</span>, +Martin <span class="smcap">Bucer</span>, Antoine <span class="smcap">Corvin</span>, <span class="smcap">Adam</span>, Jean +<span class="smcap">Lening</span>, Justin <span class="smcap">Wintfert</span>, Dyonisius <span class="smcap">Melanther</span>.</p> + +<p>C'tait une chose dure que de forcer Luther +qui, comme thologien et pre de famille, tenait + la saintet du mariage, de dclarer qu'en vertu +de l'Ancien Testament, deux femmes pouvaient +s'asseoir avec leurs jalousies et leurs haines au +mme foyer domestique. Cette croix, il la sentit +douloureusement. Quant l'affaire <i>macdonique</i>, +ne t'en afflige pas trop, puisque les choses +en sont venues au point que ni joie ni tristesse n'y +peuvent rien. Pourquoi nous tuer nous-mmes? +<span class="pagenum" id="Page_65">65</span> +pourquoi souffrir que la tristesse nous te la +pense de celui qui a vaincu toutes les morts et +toutes les tristesses? Celui qui a vaincu le diable et +jug le prince de ce monde, n'a-t-il pas en mme +temps jug et vaincu ce scandale?... A leurs yeux, +nos vertus sont des vices quand nous n'adorons +point Satan avec eux. Que Satan triomphe donc, +et n'en concevons ni chagrin, ni tristesse; mais +rjouissons-nous en Christ, qui brisera les efforts +de tous nos ennemis. (18 juin 1540).</p> + +<p>Il semble qu'il ait espr, pour viter ce scandale, +l'intervention de l'Empereur.</p> + +<p>Si Csar et l'Empire le voulaient, comme ils +seront forcs de le vouloir, ils feraient bientt +cesser par un dit ce scandale, afin que cela ne +puisse devenir pour l'avenir un droit ou un +exemple.</p> + +<p>Depuis cette poque, les lettres de Luther, +comme celles de Mlanchton, sont pleines de +dgot et de tristesse<a name="FNanchor_a37" id="FNanchor_a37" href="#Footnote_a37" class="fnanchor">[a37]</a>.</p> + +<p>Quelqu'un demandant Luther de l'appuyer +par une lettre prs de la cour de Dresde, Luther +lui rpond qu'il a perdu tout crdit, toute +influence. Dans les lettres prcdentes, il se +trouve parfois des expressions amres contre +cette cour. <i lang="la" xml:lang="la">Mundana illa caula.</i></p> + +<p>J'assisterai tes noces, mon cher Lauterbach, +mais en esprit et par la prire. Car que +<span class="pagenum" id="Page_66">66</span> +j'y aille de corps, ce n'est pas seulement la multitude +des affaires qui m'en empche, mais le +danger d'offenser ces mamelucks et la reine de +ce royaume (la duchesse Catherine de Saxe?); +car qui n'est offens de la folie de Luther?</p> + +<p>Tu me demandes, mon cher Jonas, de t'crire +de temps autre quelques mots de consolation. +Mais c'est moi plus que personne qui ai +besoin que tes lettres viennent rendre quelque +vie mon esprit, moi qui comme Loth ai tant +souffrir au milieu de cette infme et satanique +ingratitude, de cet horrible mpris de la parole +du Seigneur. Il faut que je voie Satan possder +les cœurs de ceux qui croient qu' eux seuls sont +rserves les premires places dans le royaume +de Christ!</p> + +<p>Les protestans commenaient dj se relcher +de leur svrit. On rouvrait les maisons +de dbauches. Il vaudrait mieux, dit Luther, +ne pas avoir chass Satan que de le ramener en +plus grande force. (13 septembre 1540.)</p> + +<p>Le pape, l'Empereur, le Franais, Ferdinand, +ont envoy auprs du Turc, pour demander la paix, +une ambassade magnifique charge de riches prsens. +Et ce qu'il y a de plus beau, c'est que pour ne +pas blesser les yeux des Turcs, ils ont tous quitt +le costume de leur pays, et se sont pars de longues +robes la mode turque... J'espre que ce +<span class="pagenum" id="Page_67">67</span> +sont les signes bienheureux de la fin imminente +de toutes choses. (17 juillet 1745.)</p> + +<p><i>A Jonas.</i> Je te dis l'oreille que j'ai de +grands soupons qu'on nous enverra seuls, +nous autres luthriens, la guerre contre le +Turc. Le roi Ferdinand a enlev de Bohme l'argent +de la guerre, et a dfendu qu'on ft partir +un seul soldat. L'Empereur ne fait rien. Et si c'tait +leur dessein que nous fussions extermins +par le Turc? (29 dcembre 1542.)</p> + +<p>Rien de nouveau ici, sinon que le margrave +de Brandebourg se fait une mauvaise rputation +par tout le monde au sujet de la guerre de Hongrie. +Ferdinand n'en a pas une meilleure. Je vois +un concours de tant de motifs et de trs vraisemblables, +que je ne puis m'empcher de croire +que tout cela indique une horrible et funeste +trahison. (26 janvier 1542.)</p> + +<p>Je le demande, qu'arrivera-t-il enfin de +cette horrible trahison des princes et des rois? +(16 dcembre 1543.)</p> + +<p>Puisse Dieu nous venger des incendiaires +(presque tous les mois il parle d'incendies qui ont +lieu Wittemberg)! Satan a trouv un nouveau +moyen de nous tuer. On jette du poison dans le +vin, du pltre dans le lait<a name="FNanchor_a38" id="FNanchor_a38" href="#Footnote_a38" class="fnanchor">[a38]</a>. A Ina, douze personnes +ont t empoisonnes dans du vin. Peut-tre +sont-elles mortes seulement pour avoir trop +<span class="pagenum" id="Page_68">68</span> +bu. Cependant on assure qu' Magdebourg et +Northuse, on a trouv des marchands vendant du +lait empoisonn. (avril 1541.) Dans une des +lettres suivantes, il fait mention d'une histoire +d'hosties empoisonnes.—A Amsdorf, l'occasion +de la peste de Magdebourg. Ce que tu me +mandes de la frayeur que l'on a aujourd'hui de la +peste, j'en ai fait aussi l'preuve il y a quelques +annes; et je m'tonne de voir que, plus se rpand +la prdication de la vie en Jsus-Christ, plus +augmente dans le peuple la peur de la mort, soit +qu'auparavant, sous le rgne du pape, un faux +espoir de vie diminut pour eux la crainte de la +mort, et que maintenant la vritable esprance +de vie tant mise devant leurs yeux, ils sentent +combien la nature est faible pour croire au vainqueur +de la mort, soit que Dieu nous tente par +ces faiblesses et laisse prendre Satan, au milieu +de cette frayeur, plus de hardiesse et de force. +Tant que nous avons vcu dans la foi du pape, +nous tions comme des gens ivres, endormis ou +fous, prenant la mort pour la vie, c'est--dire +ignorant ce que c'est que la mort et la colre de +Dieu. Maintenant que la lumire a brill et que +la colre de Dieu nous est mieux connue, la nature +est sortie du sommeil et de la folie. De l +vient qu'ils ont plus de peur qu'autrefois... J'ajoute +et j'applique ici ce passage du psaume LXXI: +<span class="pagenum" id="Page_69">69</span> +<i>Ne me rejetez pas dans le temps de ma vieillesse; +lorsque ma force succombera, ne m'abandonnez +pas</i>. Car je pense que ce temps suprme est la +vieillesse du Christ et le temps de l'abattement, +c'est--dire que c'est le grand et dernier assaut +du diable, comme David, dans ses derniers +jours, affaibli par l'ge, et t tu par le gant, +si Abisa ne ft venu son aide... J'ai appris +presque toute cette anne chanter avec saint +Paul: <i lang="la" xml:lang="la">Quasi mortui et ecce vivimus</i>. Et ailleurs: +<i lang="la" xml:lang="la">Per gloriam vestram quotidi morior</i>. Et quand il +dit aux Corinthiens, <i lang="la" xml:lang="la">In mortibus frequenter</i>, ce +n'a pas t chez lui spculation ou mditation sur +la mort, mais sentiment de la mort elle-mme, +comme s'il n'y avait plus d'esprance de vie. +(20 novembre 1538.)</p> + +<p>J'espre qu'au milieu du dchirement du +monde, le Christ va hter son jour et fera crouler +l'univers, <i lang="la" xml:lang="la">Ut fractus illabatur orbis</i>. (12 fvrier +1538.)</p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" /> +</div> + +<h2 id="Page_71">LIVRE IV.<br /> +1530-1546.</h2> + +<hr class="hr7" /> + +<h3>CHAPITRE PREMIER.</h3> + +<p class="somm">Conversations de Luther.—La famille<a name="FNanchor_a39" id="FNanchor_a39" href="#Footnote_a39" class="fnanchor">[a39]</a>, la femme<a name="FNanchor_a40" id="FNanchor_a40" href="#Footnote_a40" class="fnanchor">[a40]</a>, les enfans. +La nature.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Arrtons-nous dans cette triste histoire des +dernires annes de la vie publique. Rfugions-nous, +comme Luther, dans la vie prive; asseyons-nous + sa table, ct de sa femme, au +<span class="pagenum" id="Page_72">72</span> +milieu de ses enfans et de ses amis; coutons les +paroles graves du pieux et tendre pre de famille<a name="FNanchor_a41" id="FNanchor_a41" href="#Footnote_a41" class="fnanchor">[a41]</a>.</p> + +<p class="sep2">Celui qui insulte les prdicateurs et les femmes +ne russira pas bien<a name="FNanchor_r14" id="FNanchor_r14" href="#Footnote_r14" class="fnanchor">[r14]</a>. C'est des femmes que +viennent les enfans par quoi se maintient le gouvernement +de la famille et de l'tat. Qui les mprise, +mprise Dieu et les hommes.</p> + +<p>Le droit saxon est trop dur, lorsqu'il donne +seulement la veuve un sige et une quenouille<a name="FNanchor_r15" id="FNanchor_r15" href="#Footnote_r15" class="fnanchor">[r15]</a>. +Par le premier mot, il faut entendre la maison; +par le second, l'entretien, la subsistance. On +paie bien un valet. Que dis-je? on donne plus +un mendiant.</p> + +<p>Il n'y a point de doute que les femmes en mal +d'enfant, qui meurent dans la foi, sont sauves, +parce qu'elles meurent dans la charge et la fonction +pour laquelle Dieu les a cres<a name="FNanchor_r16" id="FNanchor_r16" href="#Footnote_r16" class="fnanchor">[r16]</a>.</p> + +<p>C'est l'usage dans les Pays-Bas, que chaque +nouveau et jeune prtre se choisisse une petite +fille qu'il tient pour sa fiance, et cela, pour honorer +le saint tat du mariage.</p> + +<p>On disait Luther<a name="FNanchor_r17" id="FNanchor_r17" href="#Footnote_r17" class="fnanchor">[r17]</a>: Si un prdicateur chrtien +doit souffrir la prison et la perscution pour +l'amour de la parole, ne doit-il pas, plus forte +raison, se passer du mariage? Il rpondit cela: +Il est plus facile de supporter la prison que de +brler: je l'ai prouv moi-mme. Plus je macrais +<span class="pagenum" id="Page_73">73</span> +mon corps, plus je tchais de le dompter, +et plus je brlais. Quand on aurait le don de +rester chaste dans le clibat, on doit encore se +marier pour faire dpit au pape... Si j'tais mort + l'improviste, j'aurais voulu pour honorer le +mariage, faire venir mon lit de mort une pieuse +fille que j'aurais prise comme pouse, et laquelle +j'aurais donn deux gobelets d'argent +pour don de noces et prsent de lendemain +(<span lang="de" xml:lang="de">morgengabe</span>).</p> + +<p>Lettre un ami qui lui demande conseil pour se +marier<a name="FNanchor_r18" id="FNanchor_r18" href="#Footnote_r18" class="fnanchor">[r18]</a>: Si tu brles, il faut prendre femme... +Tu voudrais bien en avoir une, belle, pieuse et +riche. Trs bien, mon cher; on t'en donnera une +en peinture, avec des joues roses et des jambes +blanches. Ce sont aussi les plus pieuses; mais +elles ne valent rien pour la cuisine ni pour le +lit... Se lever de bonne heure et se marier jeune, +personne ne s'en repentira.</p> + +<p>Il n'est gure plus possible de se passer de +femme que de boire ou de manger<a name="FNanchor_r19" id="FNanchor_r19" href="#Footnote_r19" class="fnanchor">[r19]</a>. Conu, +nourri, port dans le corps des femmes, notre +chair est elles dans sa plus grande partie, et il +nous est impossible de nous en sparer tout--fait.</p> + +<p>Si j'avais voulu faire l'amour, il y a treize +ans, j'aurais pris Ave Schonfeldin, qui est aujourd'hui +au docteur Basilius, le mdecin de +Prusse. Je n'aimais pas alors ma Catherine; je +<span class="pagenum" id="Page_74">74</span> +la souponnais d'tre fire et hautaine; mais il a +plu ainsi Dieu; il a voulu que j'eusse piti d'elle, +et cela m'a fort bien tourn; Dieu soit lou!</p> + +<p>La plus grande grce de Dieu est d'avoir un +bon et pieux poux, avec qui vous viviez en paix, + qui vous puissiez confier tout ce que vous avez, +mme votre corps et votre vie, et avec qui vous +ayez de petits enfans<a name="FNanchor_r20" id="FNanchor_r20" href="#Footnote_r20" class="fnanchor">[r20]</a>. Catherine, tu as un homme +pieux qui t'aime, tu es une impratrice. Grce +soit rendue Dieu!</p> + +<p>Quelqu'un excusait ceux qui courent aprs les +filles, le docteur Luther rpondit: Qu'ils sachent +que c'est mpriser le sexe fminin. Ils abusent +des femmes qui n'ont pas t cres pour +cela. C'est une grande chose qu'une jeune fille +puisse toujours tre aime; le diable le permet +rarement... Elle disait bien, mon htesse d'Eisenach, +quand j'y tais aux coles: <i>Il n'est sur +terre chose plus douce que d'tre aim d'une femme</i>.</p> + +<p>Au jour de la Saint-Martin, anniversaire de +la naissance du docteur Martin Luther, matre +Ambrosius Brend vint lui demander sa nice...<a name="FNanchor_r21" id="FNanchor_r21" href="#Footnote_r21" class="fnanchor">[r21]</a> +Un jour qu'il les surprit dans un entretien secret, +il se mit rire, et dit: Je ne m'tonne pas +qu'un fianc ait tant dire sa fiance; pourraient-ils +se lasser jamais? Mais on ne doit point +les gner; ils ont privilge par dessus Droit et +Coutume.—En la lui accordant, il dit ces paroles: +<span class="pagenum" id="Page_75">75</span> +Monsieur et cher ami, je vous prsente +cette jeune fille telle que Dieu me l'a donne +dans sa bont. Je la remets entre vos mains; +Dieu vous bnisse, de sorte que votre union soit +sainte et heureuse!</p> + +<p>Le docteur Martin Luther tait la noce de +la fille de Jean Luffte<a name="FNanchor_r22" id="FNanchor_r22" href="#Footnote_r22" class="fnanchor">[r22]</a>. Aprs le souper, il conduisit +la marie au lit, et dit l'poux, que d'aprs +le commun usage il devait tre le matre +dans la maison... quand la femme n'y tait pas; +et pour signe, il ta un soulier l'poux et le mit +sur le ciel du lit, afin qu'il prt ainsi la domination +et le gouvernement.</p> + +<p>Fais comme moi, cher compagnon, quand +je voulus prendre ma Catherine, je priai notre +Seigneur, mais je priai srieusement. Fais-en +autant, tu n'as pas encore srieusement pri.</p> + +<p>En 1541, Luther fut un jour extrmement gai +et enjou table<a name="FNanchor_r23" id="FNanchor_r23" href="#Footnote_r23" class="fnanchor">[r23]</a>. Ne vous scandalisez pas +<ins id="cor_4" title="original: de de">de</ins> me voir de si bonne humeur, dit-il ses +amis, j'ai reu aujourd'hui beaucoup de mauvaises +nouvelles et je viens de lire une lettre trs +violente contre moi. Nos affaires vont bien, +puisque le diable tempte si fort.</p> + +<p>Il riait du bavardage de sa femme, et lui demandait +si, avant de prcher si bien, elle avait dit +un <i>Pater</i>. Si elle l'et fait, Dieu lui aurait sans +doute dfendu de prcher.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_76">76</span> +Si je devais encore faire l'amour, je voudrais +me tailler dans la pierre une femme obissante; +sans cela je dsespre d'en trouver.</p> + +<p>La premire anne du mariage, on a d'tranges +penses<a name="FNanchor_r24" id="FNanchor_r24" href="#Footnote_r24" class="fnanchor">[r24]</a>. Si on est table, on se dit: Auparavant +tu tais seul; aujourd'hui tu es deux +(<i lang="de" xml:lang="de">Selbander</i>). Au lit, si l'on s'veille, on voit une +autre tte ct de soi. Dans la premire anne, +ma Catherine se tenait assise ct de moi +quand j'tudiais, et comme elle ne savait que +dire, elle me demandait: Seigneur docteur, en +Prusse, le matre-d'htel n'est-il pas frre du +margrave?</p> + +<p>Il ne faut pas mettre d'intervalle entre les +fianailles et les noces... Les amis mettent des +obstacles, comme il m'est arriv avec matre +Philippe et pour le mariage d'Eisleben (Agricola). +Tous mes meilleurs amis criaient: Point celle-l, +mais une autre.</p> + +<p>Lucas Cranach l'an avait fait le portrait de +la femme de Luther<a name="FNanchor_r25" id="FNanchor_r25" href="#Footnote_r25" class="fnanchor">[r25]</a>. Lorsque le tableau fut suspendu + la muraille et que le docteur le vit: Je +veux, dit-il, faire peindre aussi un homme, +envoyer Mantoue les deux portraits pour le +concile, et demander aux saints pres s'ils n'aimeraient +pas mieux l'tat du mariage, que le clibat +des ecclsiastiques.</p> + +<p>... Un signe certain que Dieu est ennemi de la +<span class="pagenum" id="Page_77">77</span> +papaut, c'est qu'il lui a refus cette bndiction +du fruit corporel (la gnration des enfans...).</p> + +<p>Quand ve fut amene devant Adam, il devint +plein du Saint-Esprit et lui donna le plus +beau, le plus glorieux des noms; il l'appela <i>Eva</i>, +c'est--dire la mre de tous les vivans; il ne +l'appela point sa femme, mais la mre, la mre +de tous les vivans. C'est l la gloire et l'ornement +le plus prcieux de la femme: elle est +<i lang="la" xml:lang="la">Fons omnium viventium</i>, la source de toute vie +humaine. Cette parole est brve, mais ni Dmosthnes +ni Cicron n'aurait pu dire ainsi. C'est +le Saint-Esprit lui-mme qui parle ici par notre +premier pre, et comme il a fait un si noble +loge du mariage, il est juste que nous couvrions +et cachions ce qu'il y a de fragile dans la femme<a name="FNanchor_a42" id="FNanchor_a42" href="#Footnote_a42" class="fnanchor">[a42]</a>. +Jsus-Christ, le fils de Dieu, n'a pas non plus +mpris le mariage; il est lui-mme n d'une +femme, ce qui est un grand loge du mariage.</p> + +<p>On trouve l'image du mariage dans toutes +les cratures, non-seulement dans les animaux +de la terre, de l'air et des eaux, mais encore +dans les arbres et les pierres<a name="FNanchor_r26" id="FNanchor_r26" href="#Footnote_r26" class="fnanchor">[r26]</a>. Tout le monde sait +qu'il est des arbres, tels que le pommier et le +poirier, qui sont comme mari et femme, qui se +demandent rciproquement, et qui prosprent +mieux quand ils sont plants ensemble. Parmi +les pierres on remarque la mme chose, surtout +<span class="pagenum" id="Page_78">78</span> +dans les pierres prcieuses, le corail, l'meraude +et autres. Le ciel est aussi le mari de la terre. Il +la vivifie par la chaleur du soleil, la pluie et le +vent, et lui fait ainsi porter toutes sortes de +plantes et de fruits.</p> + +<p>Les petits enfans du docteur se tenaient debout +devant la table<a name="FNanchor_r27" id="FNanchor_r27" href="#Footnote_r27" class="fnanchor">[r27]</a>, en regardant avec bien de +l'attention les pches qui taient servies; le docteur +se mit dire: Qui veut voir l'image +d'une me qui jouit dans l'esprance, la trouvera +bien ici. Ah! si nous pouvions attendre avec autant +de joie la vie venir!</p> + +<p>On amena au docteur sa petite fille Magdalena<a name="FNanchor_r28" id="FNanchor_r28" href="#Footnote_r28" class="fnanchor">[r28]</a>, +pour qu'elle chantt son cousin le chant +qui commence ainsi: <i>Le pape invoque l'Empereur +et les rois, etc.</i> Mais elle ne le voulut point, +quoique sa mre l'en prit fort. Le docteur dit +ce sujet: Rien de bien par force. Sans la grce, +il ne rsulte rien de bon des œuvres de la loi.</p> + +<p><i>Servez le Seigneur avec crainte et rjouissez-vous +avec tremblement<a name="FNanchor_r29" id="FNanchor_r29" href="#Footnote_r29" class="fnanchor">[r29]</a>.</i> Il n'y a pas l, pour moi, +de contradiction. C'est ce que mon petit Jean fait + l'gard de son pre. Mais je ne puis en faire +autant l'gard de Dieu. Si je suis ma table, +et que j'crive ou que je fasse autre chose, Jean +me chante une petite chanson; s'il chante trop +haut et que je l'avertisse, il continue, mais en +lui-mme et avec quelque crainte. Dieu veut aussi +<span class="pagenum" id="Page_79">79</span> +que nous soyons toujours gais, mais d'une gat +mle de crainte et de rserve.</p> + +<p>Au premier jour de l'an<a name="FNanchor_r30" id="FNanchor_r30" href="#Footnote_r30" class="fnanchor">[r30]</a>, un petit enfant du +docteur pleurait et criait, au point que personne +ne pouvait le calmer: le docteur avec sa femme +en fut triste et chagrin une grande heure, ensuite +il dit: Tels sont les dsagrmens et les +charges du mariage... C'est pour cela qu'aucun +des Pres n'a rien crit de remarquablement bon + ce sujet. Jrme a parl assez salement, je +dirais presque anti-chrtiennement, du mariage, +etc. Au contraire saint Augustin...</p> + +<p>Aprs qu'il eut jou avec sa petite Magdalena<a name="FNanchor_r31" id="FNanchor_r31" href="#Footnote_r31" class="fnanchor">[r31]</a>, +sa femme lui donna le plus jeune de ses +enfans, et il dit: Je voudrais tre mort l'ge +de cet enfant; j'aurais bien renonc tout l'honneur +que j'ai et que je puis obtenir encore en +ce monde. Et comme l'enfant l'eut sali, il dit: +Oh! combien notre Seigneur doit en souffrir de +nous plus qu'une mre de son enfant!</p> + +<p>Il disait son petit enfant<a name="FNanchor_r32" id="FNanchor_r32" href="#Footnote_r32" class="fnanchor">[r32]</a>: Tu es l'innocent +petit fou de notre Seigneur, sous la grce et non +sous la loi. Tu es sans crainte, sans inquitude; +tout ce que tu fais est bien fait.</p> + +<p>Les enfans sont les plus heureux<a name="FNanchor_r33" id="FNanchor_r33" href="#Footnote_r33" class="fnanchor">[r33]</a>. Nous autres +vieux fous nous nous tourmentons et nous affligeons +par nos ternelles disputes sur la parole. +Est-ce vrai? Est-ce possible? Comment est-ce +<span class="pagenum" id="Page_80">80</span> +possible? nous demandons-nous sans cesse... +Les enfans, dans la simplicit et la puret de +leur foi, ont la certitude et ne doutent en rien +de ce qui fait leur salut... Pour tre sauvs, nous +devons, leur exemple, nous en remettre la +simple parole. Mais le diable, pour nous empcher, +nous jette sans cesse quelque chose en +travers. C'est pourquoi le mieux c'est de mourir +sans diffrer et de nous en aller vite sous terre.</p> + +<p>Une autre fois que son petit enfant Martin +prenait le sein de sa mre, le docteur dit<a name="FNanchor_r34" id="FNanchor_r34" href="#Footnote_r34" class="fnanchor">[r34]</a>: Cet +enfant, et tout ce qui m'appartient, est ha du +pape et du duc George, ha de leurs partisans, +ha des diables. Cependant tous ces ennemis +n'inquitent gure le cher enfant, il ne s'inquite +pas de ce que tant et de si puissans seigneurs +lui en veulent, il suce gament la mamelle, regarde +autour de lui en riant tout haut, et les +laisse gronder tant qu'ils veulent.</p> + +<p>Comme matre Spalatin et matre Lenhart Beier, +pasteur de Zwickaw, taient chez le docteur +Martin Luther<a name="FNanchor_r35" id="FNanchor_r35" href="#Footnote_r35" class="fnanchor">[r35]</a>, il jouait bonnement avec son petit +enfant Martin, qui babillait et caressait tendrement +sa poupe. Le docteur dit: Telles taient +nos penses dans le Paradis, simples et naves; +innocentes, sans mchancet ni hypocrisie; nous +eussions t vritablement comme cet enfant +quand il parle de Dieu et qu'il en est si sr.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_81">81</span> +Quels ont d tre les sentimens d'Abraham, +lorsqu'il a consenti sacrifier et gorger son fils +unique<a name="FNanchor_r36" id="FNanchor_r36" href="#Footnote_r36" class="fnanchor">[r36]</a>? Il n'en aura rien dit Sara. La chose +lui et trop cot. Vraiment, je disputerais avec +Dieu, s'il m'imposait et m'ordonnait une telle +chose. Alors la femme du docteur prit la parole +et dit: Je ne puis croire que Dieu demande +personne qu'il gorge son enfant.</p> + +<p>Ah, combien mon cœur soupirait aprs les +miens, lorsque j'tais malade la mort dans mon +sjour Smalkalde. Je croyais que je ne reverrais +plus ma femme ni mes petits enfans<a name="FNanchor_a43" id="FNanchor_a43" href="#Footnote_a43" class="fnanchor">[a43]</a>; que +cette sparation me faisait de mal!... Il n'est personne +assez dgag de la chair pour ne pas sentir +ce penchant de la nature. C'est une grande chose +que le lien et la socit qui unissent l'homme et +la femme!</p> + +<p>Il est touchant de voir comme tout ramenait +Luther des rflexions pieuses sur la +bont de Dieu, sur l'tat de l'homme avant sa +chute, sur la vie venir<a name="FNanchor_r37" id="FNanchor_r37" href="#Footnote_r37" class="fnanchor">[r37]</a>. Ainsi une belle branche +charge de cerises que le docteur Jonas met sur +table, la joie de sa femme qui sert des poissons +du petit tang de leur jardin, la simple vue d'une +rose, etc. Le 9 avril 1539, le docteur se trouvait +dans son jardin et regardait attentivement +les arbres tout brillans de fleurs et de verdure<a name="FNanchor_r38" id="FNanchor_r38" href="#Footnote_r38" class="fnanchor">[r38]</a>. +Il dit avec admiration: Gloire Dieu qui de +<span class="pagenum" id="Page_82">82</span> +la crature morte fait ainsi sortir la vie au printemps. +Voyez ces rameaux, comme ils sont forts +et gracieux; ils sont dj tout gros de fruits. +Voil une belle image de la rsurrection des +hommes. L'hiver est la mort et l't la rsurrection. +Alors tout revit, tout est verdoyant.</p> + +<p>Philippe et moi, nous sommes accabls +d'affaires et d'embarras. Moi qui suis vieux et +<i>emeritus</i>, j'aimerais mieux maintenant prendre +un plaisir de vieillard dans les jardins, contempler +les merveilles de Dieu dans les arbres, les +fleurs, les herbes, les oiseaux, etc.; c'est ce +plaisir et ce loisir qui me reviendraient, si mes +pchs ne m'avaient mrit d'en tre priv par +ces affaires importunes et souvent inutiles. +(8 avril 1538.)</p> + +<p>Le 18 avril 1539, sur le soir, il y eut un orage +trs fort, suivi d'une pluie bienfaisante qui rendit +la verdure la terre et aux arbres<a name="FNanchor_r39" id="FNanchor_r39" href="#Footnote_r39" class="fnanchor">[r39]</a>. Le docteur +Martin dit en regardant le ciel: Voil un beau +temps! Tu nous l'accordes, mon Dieu! nous +qui sommes si ingrats, si pleins de mchancet +et d'avarice. Tu es un Dieu de bont. Ce n'est +pas l une œuvre de Satan; non, c'est un tonnerre +bienfaisant qui branle la terre et l'ouvre +pour lui faire porter des fruits et rpandre un +parfum semblable celui que rpand la prire +du chrtien pieux.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_83">83</span> +Un autre jour, sur la route de Leipzig, le docteur +voyant la plaine couverte de bls superbes, +se mit prier avec ferveur; il disait: O Dieu +de bont, tu nous donnes une anne heureuse! +Ce n'est pas cause de notre pit; c'est pour +glorifier ton saint nom. Fais, mon Dieu, que +nous nous amendions et que nous croissions dans +ta parole! Tout en toi est miracle. Ta voix fait +sortir de la terre, et mme du sable aride, ces +plantes et ces pis si beaux qui rjouissent la +vue. O mon pre, donne tous tes enfans leur +pain quotidien!</p> + +<p>Supportons les difficults qui accompagnent +nos fonctions, avec galit d'me, et attendons +secours du Christ<a name="FNanchor_r40" id="FNanchor_r40" href="#Footnote_r40" class="fnanchor">[r40]</a>. Considre, dans ces violettes +et ces penses que tu foules en te promenant sur +la lisire de nos jardins, un emblme de notre +condition. Nous consolons le peuple (?) lorsque +nous remplissons l'glise; il y a l la robe de +pourpre, la couleur des afflictions, mais au fond +la fleur d'or rappelle la foi qui ne se fltrit pas.</p> + +<p>Un soir le docteur Martin Luther voyait un +petit oiseau perch sur un arbre et s'y posant +pour passer la nuit<a name="FNanchor_r41" id="FNanchor_r41" href="#Footnote_r41" class="fnanchor">[r41]</a>; il dit: Ce petit oiseau a +choisi son abri et va dormir bien paisiblement; +il ne s'inquite pas, il ne songe point au gte +du lendemain; il se tient bien tranquille sur sa +petite branche, et laisse Dieu songer pour lui.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_84">84</span> +Vers le soir, vinrent deux oiseaux qui faisaient +un nid dans le jardin du docteur<a name="FNanchor_r42" id="FNanchor_r42" href="#Footnote_r42" class="fnanchor">[r42]</a>. Ils taient souvent +effrays dans leur vol par ceux qui passaient. +Il se mit dire: Ah! cher petit oiseau, ne fuis +point, je te souhaite du bien de tout mon cœur; +si tu pouvais seulement me croire! C'est ainsi +que nous refusons de nous confier en Dieu, qui +bien loin de vouloir notre perte, a donn pour +nous son propre fils.<a name="FNanchor_a44" id="FNanchor_a44" href="#Footnote_a44" class="fnanchor">[a44]</a></p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_85">CHAPITRE II.</h3> + +<p class="somm">La Bible.—Les Pres.—Les Scolastiques.—Le Pape.—Les Conciles.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Le docteur Martin Luther avait crit avec de +la craie, sur le mur qui se trouvait derrire son +pole, les paroles suivantes (Luc, XVI): Qui est +fidle dans la plus petite chose, sera fidle dans +la plus grande. Qui est infidle dans le petit sera +infidle dans le grand.</p> + +</div> + +<p>Le petit enfant Jsus (il le montrait peint +sur la muraille), dort encore dans les bras de +Marie, sa mre<a name="FNanchor_r43" id="FNanchor_r43" href="#Footnote_r43" class="fnanchor">[r43]</a>. Il se rveillera un jour et nous +demandera compte de ce que nous avons fait.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_86">86</span> +Luther se faisant un jour couper les cheveux +et faire la barbe en prsence du docteur +Jonas, dit celui-ci: Le pch originel est en +nous comme la barbe. On la coupe aujourd'hui, +nous avons le visage frais, et demain elle repousse +et ne cesse de pousser jusqu' ce que +nous soyons sous terre. De mme le pch originel +ne peut tre extirp en nous; il remue tant que +nous vivons. Nanmoins nous devons lui rsister +de toutes nos forces et le couper sans relche.</p> + +<p>La nature humaine est si corrompue qu'elle +n'prouve pas mme le dsir des choses clestes. +Elle est comme l'enfant nouveau-n qui l'on +aurait beau promettre tous les trsors et tous les +plaisirs de la terre: il n'en a nul souci et ne +connat que le sein de sa mre. De mme, quand +l'vangile nous parle de la vie ternelle que Jsus-Christ +nous a promise, nous sommes sourds + ses paroles divines, nous nous engourdissons +dans la chair, et nous n'avons que des penses +frivoles et prissables. La nature humaine n'a +pas l'intelligence, pas mme le sentiment, de ce +mal mortel qui l'accable.</p> + +<p>Dans les choses divines, le Pre est la +<i>grammaire</i>, car il donne les mots, il est la source +d'o coulent les bonnes, pures et belles paroles +que l'on peut prononcer<a name="FNanchor_r44" id="FNanchor_r44" href="#Footnote_r44" class="fnanchor">[r44]</a>. Le Fils est la <i>dialectique</i>: +il donne la disposition, la manire de placer +<span class="pagenum" id="Page_87">87</span> +les choses dans un bel ordre, de sorte qu'elles +suivent et rsultent les unes des autres. Le Saint-Esprit +est la <i>rhtorique</i>: Il sait bien exposer, +pousser les choses et les tendre, donner la vie +et la force, de manire faire impression et saisir +les cœurs.</p> + +<p>La Trinit se retrouve dans toute la cration. +Dans le soleil, il y a la substance, l'clat +et la chaleur; dans les fleuves, la substance, le +cours et la puissance. De mme dans les arts. +Dans l'astronomie, le mouvement, la lumire et +l'influence; dans la musique, les trois notes +<i>re</i>, <i>mi</i>, <i>fa</i>, etc. Les scolastiques ont nglig ces +signes importans, pour s'attacher des niaiseries.</p> + +<p>Le dcalogue est la <i lang="la" xml:lang="la">doctrina doctrinarum</i><a name="FNanchor_a45" id="FNanchor_a45" href="#Footnote_a45" class="fnanchor">[a45]</a>, le +symbole l'<i lang="la">historia historiarum</i>, le pater <i lang="la" xml:lang="la">historia historiarum</i>, le pater <i lang="la" xml:lang="la">oratio +orationum</i>, les sacremens <i lang="la" xml:lang="la">ceremoni ceremoniarum</i><a name="FNanchor_r45" id="FNanchor_r45" href="#Footnote_r45" class="fnanchor">[r45]</a>.</p> + +<p>On demandait au docteur Martin Luther si +pendant la domination du pape, les gens qui +n'ont pas connu cette doctrine de l'vangile que +nous avons aujourd'hui, grce Dieu, avaient +pu tre sauvs<a name="FNanchor_r46" id="FNanchor_r46" href="#Footnote_r46" class="fnanchor">[r46]</a>. Il rpondit: Je n'en sais rien; + moins que je ne pense que le baptme a pu produire +cet effet. J'ai vu beaucoup de moines auxquels +on a prsent la croix de Christ leur lit +de mort, comme c'tait alors l'usage. Ils peuvent +avoir t sauvs par leur foi en ses mrites +et ses souffrances.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_88">88</span> +Cicron est bien suprieur Aristote dans +sa morale<a name="FNanchor_r47" id="FNanchor_r47" href="#Footnote_r47" class="fnanchor">[r47]</a>. Cicron tait un homme sage et laborieux +qui a beaucoup fait et beaucoup souffert. +J'espre que notre Seigneur sera clment +pour lui et pour ceux qui lui ressemblent, quoiqu'il +ne nous appartienne pas d'en parler avec +certitude. Que Dieu ne puisse faire des exceptions +et tablir une distinction entre les paens, +c'est ce qu'on ne pourrait dire. Il y aura un nouveau +ciel et une nouvelle terre bien plus larges et +plus vastes que ceux d'aujourd'hui<a name="FNanchor_a46" id="FNanchor_a46" href="#Footnote_a46" class="fnanchor">[a46]</a>.</p> + +<p>On demandait Luther si l'offens devait aller +jusqu' demander pardon l'offenseur<a name="FNanchor_r48" id="FNanchor_r48" href="#Footnote_r48" class="fnanchor">[r48]</a>. Il rpondit: +Non, Jsus-Christ ne l'a pas fait lui-mme, +il ne l'a pas command. Il suffit qu'on pardonne +les offenses dans son cœur, qu'on les pardonne, +publiquement, s'il y a lieu, et qu'on prie pour +celui qui les a commises. J'tais moi-mme all +une fois demander pardon deux personnes qui +m'avaient offens, M. E. et D. H. S. (matre Eisleben +[Agricola] et le docteur Jrme Schurf?); +mais par hasard ni l'un ni l'autre ne fut chez lui, +et depuis je n'y suis pas retourn. Je remercie +Dieu maintenant qu'il ne m'ait point permis de +faire comme je voulais.</p> + +<p>Le docteur Martin Luther soupirait un jour +en pensant aux perturbateurs et aux sectaires +qui mprisaient la parole de Dieu<a name="FNanchor_r49" id="FNanchor_r49" href="#Footnote_r49" class="fnanchor">[r49]</a>. Ah! disait-il, +<span class="pagenum" id="Page_89">89</span> +si j'tais un grand pote, je voudrais crire un +chant, un pome magnifique sur l'utilit et l'efficacit +de la parole divine. Sans elle..... Pendant +plusieurs annes je lisais la Bible deux fois par +an; c'est un grand et puissant arbre dont chaque +parole est un rameau, je les ai secous tous, +tant j'tais curieux de savoir ce que chaque branche +portait, ce qu'elle pouvait donner, et j'en +faisais tomber chaque fois une couple de poires +ou de pommes.</p> + +<p>Autrefois sous la papaut, on faisait des plerinages<a name="FNanchor_a47" id="FNanchor_a47" href="#Footnote_a47" class="fnanchor">[a47]</a> +pour visiter les saints<a name="FNanchor_r50" id="FNanchor_r50" href="#Footnote_r50" class="fnanchor">[r50]</a><a name="FNanchor_a48" id="FNanchor_a48" href="#Footnote_a48" class="fnanchor">[a48]</a>. On allait Rome, + Jrusalem, Saint-Jacques de Compostelle, +pour l'expiation de ses pchs. Aujourd'hui nous +pouvons faire des plerinages chrtiens dans la +foi. Quand nous lisons avec soin les prophtes<a name="FNanchor_a49" id="FNanchor_a49" href="#Footnote_a49" class="fnanchor">[a49]</a>, +les psaumes et les vangiles, nous allons, non +pas par la ville sainte, mais par nos penses et +nos cœurs, jusqu' Dieu. C'est l visiter la +vritable terre promise et le paradis de la vie +ternelle.</p> + +<p>Que sont les saints en comparaison du +Christ<a name="FNanchor_r51" id="FNanchor_r51" href="#Footnote_r51" class="fnanchor">[r51]</a>? rien de plus que les petites gouttes de +la rose des nuits sur la tte de l'poux et dans +les boucles de sa chevelure.</p> + +<p>Luther n'aimait pas qu'on insistt sur les miracles. +Il regardait ce genre de preuves comme +secondaire. Les preuves convaincantes sont +<span class="pagenum" id="Page_90">90</span> +dans la parole de Dieu. Nos adversaires lisent la +Bible traduite beaucoup plus que les ntres. Je +crois que le duc George l'a lue avec plus de soin +que tous ceux de la noblesse qui tiennent pour +nous. Il dit quelqu'un: Pourvu que le moine +achve de traduire la Bible, il peut partir ensuite +quand il voudra.</p> + +<p>Le docteur Luther disait que Mlanchton l'avait +forc de traduire le Nouveau Testament.</p> + +<p>Que nos adversaires s'emportent et fassent +rage<a name="FNanchor_r52" id="FNanchor_r52" href="#Footnote_r52" class="fnanchor">[r52]</a>. Dieu n'a pas oppos un mur de pierre aux +vagues de la mer, ni une montagne d'acier. Il a +suffi d'un rivage, d'une digue de sable.</p> + +<p>J'ai beaucoup lu la Bible dans ma jeunesse +pendant que j'tais moine. Mais cela ne servait + rien, je faisais simplement du Christ un Mose. +Maintenant nous l'avons retrouv, ce cher Christ. +Rendons grce et tenons-nous-y ferme, et souffrons +pour lui ce que nous devons souffrir.</p> + +<p>Pourquoi enseigne-t-on et observe-t-on les +dix commandemens<a name="FNanchor_r53" id="FNanchor_r53" href="#Footnote_r53" class="fnanchor">[r53]</a>? C'est que les lois naturelles +ne se trouvent nulle part si bien ranges et dcrites +que dans Mose. Je voudrais mme qu'on lui +ft d'autres emprunts dans les choses temporelles, +telles que les lois sur la <i>lettre de divorce</i>, le jubil, +l'anne d'affranchissement, les dmes, etc. +Le monde en serait mieux gouvern... C'est +ainsi que les Romains ont pris leurs Douze Tables +<span class="pagenum" id="Page_91">91</span> +chez les Grecs... Quant au sabbat ou dimanche, +ce n'est pas une ncessit de l'observer, et +si nous l'observons, nous devons le faire, non +pas cause du commandement de Mose, mais +parce que la nature aussi nous enseigne nous +donner de temps en temps un jour de repos, afin +qu'hommes et animaux reprennent des forces, +et que l'on aille entendre le sermon et la parole +de Dieu.</p> + +<p>Puisque, dans ce sicle, on commence restituer +toutes choses, comme si dj c'tait le +jour de la restauration universelle, il m'est venu +dans l'esprit d'essayer si on ne pourrait pas aussi +restituer Mose et rappeler les rivires leur +source. J'ai eu soin d'abord de traiter toutes +choses le plus simplement du monde, et de ne +pas me laisser entraner aux explications mystiques, +comme on les appelle... Je ne vois pas +d'autre raison pour que Dieu ait voulu former le +peuple juif par ces crmonies, sinon qu'il a vu +le penchant du peuple se laisser prendre ces +choses extrieures. Afin que ce ne fussent pas des +fantmes vides et de purs simulacres, il a ajout sa +parole pour y mettre du poids et de la substance, +de sorte qu'elles devinssent choses srieuses et +graves.</p> + +<p>J'ai ajout chaque chapitre de courtes +allgories, non que j'en tienne beaucoup de +<span class="pagenum" id="Page_92">92</span> +compte, mais afin de prvenir la manie de plusieurs + traiter l'allgorie. Ainsi, dans Jrme, +Origne et autres anciens crivains, nous voyons +une malheureuse et strile habitude d'imaginer +des allgories qui ramnent tout la morale et +aux œuvres, tandis qu'il faudrait tout ramener + la parole et la foi. (avril 1525.)</p> + +<p>Le <i>Pater noster</i> est ma prire<a name="FNanchor_r54" id="FNanchor_r54" href="#Footnote_r54" class="fnanchor">[r54]</a>; c'est celle que +je dis, et j'y mle en mme temps quelque chose +des Psaumes pour que les faux docteurs soient +confondus et couverts de honte<a name="FNanchor_a50" id="FNanchor_a50" href="#Footnote_a50" class="fnanchor">[a50]</a>. Le <i>Pater</i> n'a +aucune prire qui lui soit comparable; je l'aime +mieux qu'aucun psaume<a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>.</p> + +<p>J'avoue franchement que j'ignore si je possde +ou non le sens lgitime des psaumes, bien +que je ne doute pas de la vrit de celui que je +donne.—L'un se trompe en quelques endroits, +l'autre en plusieurs; je vois des choses que n'a +pas vues saint Augustin; et d'autres, je le sais, +verront bien des choses que je ne vois pas.</p> + +<p>Qui oserait prtendre que personne ait compltement +entendu un seul psaume? Notre vie +est un commencement et un progrs, et non +une consommation; celui-l est le meilleur, qui +approche le plus de l'esprit. Il y a des degrs +dans la vie et l'action, pourquoi n'y en aurait-il +<span class="pagenum" id="Page_93">93</span> +pas dans l'intelligence? L'Aptre dit que nous +nous transformons de lumire en lumire.</p> + +<p>Du <i>Nouveau Testament</i>. L'vangile de saint +Jean est le vrai et pur vangile, l'vangile principal, +parce qu'il renferme le plus de paroles de +Jsus-Christ<a name="FNanchor_r55" id="FNanchor_r55" href="#Footnote_r55" class="fnanchor">[r55]</a>. De mme, les ptres de saint Paul +et de saint Pierre sont bien au-dessus des vangiles +de saint Mathieu, de saint Marc et de saint +Luc. En somme, l'vangile de saint Jean et sa +premire ptre, les ptres de saint Paul, notamment +celles aux Romains, aux Galates, aux +phsiens, et la premire de saint Pierre, voil +les livres qui te montrent Jsus-Christ, et qui +t'enseignent tout ce qu'il t'est ncessaire et utile +de savoir, quand mme tu ne verrais jamais +d'autre livre.</p> + +<p>Il ne regardait comme apostoliques ni l'ptre +aux Hbreux, ni celle de saint Jacques. Il +s'exprime de la manire suivante sur celle de +saint Jude: Personne ne peut nier que cette +ptre ne soit un extrait ou une copie de la seconde +ptre de saint Pierre; les mots sont presque +les mmes. Jude y parle des aptres comme +leur disciple, et comme aprs leur mort. Il cite +des versets et des vnemens qu'on ne trouve +nulle part dans l'criture.</p> + +<p>L'opinion de Luther sur l'Apocalypse est remarquable: +Que chacun, dit-il, juge de ce +<span class="pagenum" id="Page_94">94</span> +livre d'aprs ses lumires et son sens particulier. +Je ne prtends imposer personne mon opinion: +je dis tout simplement ce que j'en pense. Je ne +le regarde ni comme apostolique, ni comme +prophtique... Et ailleurs: Beaucoup de +Pres ont rejet ce livre, et chacun peut en penser +ce que son esprit lui inspirera. Pour moi, +je ne puis me faire cet ouvrage. Une seule raison +suffirait pour m'en dtourner: c'est que Jsus-Christ +n'y est ador ni enseign tel que nous +le connaissons.</p> + +<p>Des <i>Pres</i><a name="FNanchor_a51" id="FNanchor_a51" href="#Footnote_a51" class="fnanchor">[a51]</a>. On peut lire Jrme pour l'tude +de l'histoire: quant la foi et la bonne vraie +religion et doctrine, il n'y en a pas un mot dans +ses crits. J'ai dj proscrit Origne. Chrysostme +n'a point d'autorit chez moi. Basile n'est qu'un +moine; je n'en donnerais pas un cheveu. L'apologie +de Philippe Mlanchton est au-dessus des +crits de tous les docteurs de l'glise, sans excepter +Augustin. Hilaire et Thophylacte sont +bons. Ambroise aussi; il marche bien sur l'article +le plus essentiel, le pardon des pchs<a name="FNanchor_r56" id="FNanchor_r56" href="#Footnote_r56" class="fnanchor">[r56]</a>.</p> + +<p>Bernard est au-dessus de tous les docteurs +dans ses prdications; mais, quand il dispute, +il devient un tout autre homme; alors il accorde +trop la loi et au libre arbitre.</p> + +<p>Bonaventure est le meilleur des thologiens +scolastiques.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_95">95</span> +Parmi les Pres, Augustin a sans contredit +la premire place, Ambroise la seconde, Bernard +la troisime. Tertullien est un vrai Carlostad. +Cyrille a les meilleures sentences. Cyprien le +martyr est un faible thologien. Thophylacte +est le meilleur interprte de saint Paul.</p> + +<p>(Pour prouver que l'antiquit n'ajoute pas +l'autorit): Nous voyons combien saint Paul +se plaint avec douleur des Corinthiens et des Galates. +Parmi les aptres mmes, le Christ trouva +un tratre dans Judas.</p> + +<p>Les livres que les Pres ont crits sur la Bible +n'ont jamais rien de concluant; ils laissent le +lecteur suspendu entre le ciel et la terre. Lisez +Chrysostme, le meilleur rhteur et parleur de +tous.</p> + +<p>Il remarque que les Pres ne disaient rien de +la justification par la grce pendant leur vie, +mais y croyaient leur mort. Cela tait plus +prudent pour ne point encourager le mysticisme, +ni dcourager les bonnes œuvres.</p> + +<p>Les chers Pres ont mieux vcu qu'crit.</p> + +<p>Il fait l'loge de l'histoire de saint piphane et +des posies de Prudence.</p> + +<p>Augustin et Hilaire, entre tous, ont crit +avec le plus de clart et de vrit; les autres doivent +tre lus <i lang="la" xml:lang="la">cum judicio</i>.</p> + +<p>Ambroise a t ml aux affaires du monde, +<span class="pagenum" id="Page_96">96</span> +comme nous le sommes aujourd'hui. Nous sommes +obligs de nous occuper au consistoire d'affaires +de mariage plus que de la parole de Dieu...</p> + +<p>On a nomm Bonaventure le sraphique, +Thomas l'anglique, Scot le subtil; Martin Luther +sera nomm l'archi-hrtique.</p> + +<p>Saint Augustin tait peint dans un livre avec +un capuchon de moine. Luther dit, en voyant +cette image<a name="FNanchor_r57" id="FNanchor_r57" href="#Footnote_r57" class="fnanchor">[r57]</a>: Ils font tort au saint homme, car +il a men une vie commune, comme tout autre +homme du pays; il se servait de cuillers et de +tasses d'argent; il n'a pas men une vie part +comme les moines.</p> + +<p>Macaire, Antoine, Benot, ont fait un grand +et remarquable tort l'glise avec leur moinerie; +et je crois que dans le ciel ils seront placs bien +plus bas qu'un citoyen, pre de famille, pieux et +craignant Dieu.</p> + +<p>Saint Augustin me plat plus que tous les autres. +Il a enseign une pure doctrine, et soumis +ses livres, avec l'humilit chrtienne, la sainte +criture... Augustin est favorable au mariage; il +parle bien des vques qui taient les pasteurs +d'alors, mais le temps et les disputes des Plagiens +l'ont aigri et lui ont fait mal... S'il et vu le scandale +de la papaut, il ne l'et certes pas souffert.</p> + +<p>Saint Augustin est le premier pre de l'glise +qui ait trait du pch originel.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_97">97</span> +Aprs avoir parl de saint Augustin, Luther +ajoute: Mais depuis que j'ai compris Paul par la +grce de Dieu, je n'ai pu estimer aucun docteur; +ils sont devenus tout--fait petits mes yeux.</p> + +<p>Je ne connais aucun des Pres dont je sois si +ennemi que de saint Jrme. Il n'crit que sur le +jene, les alimens, la virginit, etc. Il n'enseigne +rien sur la foi, etc. Le docteur Staupitz avait +coutume de dire: Je voudrais bien savoir comment +Jrme a pu tre sauv?</p> + +<p class="sep2">Les nominaux sont dans les hautes coles une +secte laquelle j'ai aussi appartenu<a name="FNanchor_r58" id="FNanchor_r58" href="#Footnote_r58" class="fnanchor">[r58]</a>. Ils tiennent +contre les thomistes, scotistes et albertistes. Ils +s'appellent eux-mmes occamistes. C'est la secte +la plus nouvelle de toutes, et aujourd'hui la plus +puissante, nommment Paris.</p> + +<p>Luther fait cas du <i>Matre des sentences</i> de +Pierre Lombard; mais il trouve qu'en gnral les +scolastiques donnaient trop peu la grce, trop +au libre arbitre<a name="FNanchor_a52" id="FNanchor_a52" href="#Footnote_a52" class="fnanchor">[a52]</a>.</p> + +<p>Gerson seul, entre tous les docteurs, a fait +mention des tentations spirituelles. Tous les +autres, Grgoire de Nazianze, Augustin, Scot, +Thomas, Richard, Occam, n'ont senti que les +tentations corporelles. Le seul Gerson a crit sur +le dcouragement. L'glise, mesure qu'elle +est plus ancienne, doit prouver de telles tentations +<span class="pagenum" id="Page_98">98</span> +spirituelles. Nous sommes dans cet ge de +l'glise.</p> + +<p>Guillaume de Paris a aussi prouv quelque +chose de ces tentations spirituelles. Mais les scolastiques +ne sont jamais parvenus la connaissance +du catchisme. Le seul Gerson sert rassurer +et relever les consciences... Il a sauv +beaucoup de pauvres mes du dsespoir, en +amoindrissant et extnuant la loi, de manire +toutefois que la loi subsistt.—Mais Christ ne +perce point le tonneau, il le dfonce. Il dit: Tu +ne dois point te confier dans la loi ni te reposer +sur elle, mais sur moi, sur le Christ. Si tu n'es +pas bon, je le suis.</p> + +<p>Le docteur Staupitz nous parlait un jour d'Andr +Zacharias qui, ce qu'on prtend, a vaincu +Jean Huss dans la dispute<a name="FNanchor_r59" id="FNanchor_r59" href="#Footnote_r59" class="fnanchor">[r59]</a>. Il nous racontait que le +docteur Proles, de Gotha, voyant dans un couvent +Zacharias peint avec une rose son bonnet, dit ce +sujet: Dieu me garde de porter une telle rose, car +il a vaincu Jean Huss injustement, et au moyen +d'une bible falsifie. Il y a dans le XXXIV<sup>e</sup> chapitre +d'zchiel: <i>C'est moi qui vais visiter et punir mes +pasteurs</i>; mais on y avait ajout ces mots: <i>et non +point le peuple</i>; ceux du concile lui montrrent ce +texte dans sa propre bible falsifie comme les autres, +et conclurent ainsi: Tu vois que tu ne dois +point punir le pape, que Dieu s'en charge lui-mme. +<span class="pagenum" id="Page_99">99</span> +Ainsi le saint homme a t condamn et +brl.</p> + +<p>Matre Jean Agricola lisait un crit de Jean +Huss, plein d'esprit, de rsignation et de ferveur, +o l'on voyait comme dans sa prison il +souffrait le martyre des douleurs de la pierre, et +se voyait rebut par l'empereur Sigismond. Le +docteur Luther admirait tant d'esprit et de courage... +C'est bien injustement, disait-il, que nous +sommes appels hrtiques, Jean Huss et moi...</p> + +<p>Jean Huss est mort, non comme un anabaptiste, +mais comme un chrtien<a name="FNanchor_r60" id="FNanchor_r60" href="#Footnote_r60" class="fnanchor">[r60]</a>. On voit en lui la +faiblesse chrtienne; mais en mme temps s'veille +dans son me la force de Dieu qui le relve. Le +combat de la chair et de l'esprit, dans le Christ +et dans Huss, est doux et aimable voir... Constance +est aujourd'hui une pauvre misrable ville. +Je crois que Dieu l'a punie... Jean Huss a t +brl; et moi aussi, je pense que je serai tu, +s'il plat Dieu. Il a arrach quelques pines de +la vigne du Christ, en attaquant seulement les +scandales de la papaut. Mais moi, docteur +Martin Luther, je suis venu dans un champ dj +noir et bien labour, j'ai attaqu la doctrine +du pape, et l'ai terrass.</p> + +<p>Jean Huss tait la semence qui doit mourir +et tre enfonce dans la terre, pour sortir ensuite, +et crotre avec force<a name="FNanchor_r61" id="FNanchor_r61" href="#Footnote_r61" class="fnanchor">[r61]</a>.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_100">100</span> +Luther improvisa un jour table le vers suivant:</p> + +<div class="poem"> +<div class="verse">Pestis eram vivens, moriens ero mors tua, Papa.</div> +</div> + +<p>La tte de l'Anti-Christ, c'est la fois le pape +et le Turc<a name="FNanchor_r62" id="FNanchor_r62" href="#Footnote_r62" class="fnanchor">[r62]</a>. Le pape en est l'esprit, le Turc la chair.</p> + +<p>C'est ma pauvre et infirme condition (pour +ne point parler de la justice de ma cause) qui a +fait le malheur du pape<a name="FNanchor_r63" id="FNanchor_r63" href="#Footnote_r63" class="fnanchor">[r63]</a>. Si j'ai dfendu ma +doctrine contre tant de rois et d'empereurs, se +disait-il, comment craindrais-je un simple +moine? S'il m'avait estim un ennemi dangereux, +il aurait pu m'touffer ds l'origine.</p> + +<p>J'avoue que j'ai souvent t trop violent, +mais jamais l'gard de la papaut. Il devrait y +avoir contre celle-ci une langue part dont tous +les mots fussent des coups de foudre.</p> + +<p>Les papistes sont confondus et vaincus par +les tmoignages de l'criture<a name="FNanchor_r64" id="FNanchor_r64" href="#Footnote_r64" class="fnanchor">[r64]</a>. Dieu merci, je +connais leur erreur sous toutes ses faces, de l'<i>alpha</i> + l'<i>omga</i>. Cependant aujourd'hui mme +qu'ils avouent que l'criture est contre eux, +la splendeur et la majest du pape m'blouissent +quelquefois et c'est avec tremblement que je +l'attaque...</p> + +<p>Le pape se dit: Cderais-je un moine +<span class="pagenum" id="Page_101">101</span> +qui veut me dpouiller de ma couronne et de +ma majest? Bien fou qui cderait<a name="FNanchor_r65" id="FNanchor_r65" href="#Footnote_r65" class="fnanchor">[r65]</a>. Je donnerais +mes deux mains pour croire en Jsus-Christ +aussi fermement, aussi srement, que le pape +croit que Jsus-Christ n'est rien.</p> + +<p>D'autres ont attaqu les mœurs des papes, +comme rasme et Jean Huss<a name="FNanchor_r66" id="FNanchor_r66" href="#Footnote_r66" class="fnanchor">[r66]</a>. Mais moi, j'ai renvers +les deux piliers sur lesquels reposait la +papaut: les vœux et les messes particulires.</p> + +<p class="sep2"><i>Des Conciles.</i>—Les conciles ne doivent +point ordonner de la foi, mais de la discipline<a name="FNanchor_r67" id="FNanchor_r67" href="#Footnote_r67" class="fnanchor">[r67]</a>.</p> + +<p>Le docteur Martin Luther levait un jour les yeux +vers le ciel; il soupira, et dit: Ah! un concile +gnral, libre, et vraiment chrtien! Dieu saura +bien le faire; la chose est sienne; il connat et il +a dans sa main tous les conseils les plus secrets.</p> + +<p>Lorsque Pierre-Paul Vergerius, lgat du +pape, vint Wittemberg, l'an 1533, et que je +montai au chteau o il tait, il nous cita, et +nous somma d'aller au concile. J'irai, lui +dis-je, et j'ajoutai: Vous autres papistes, vous +travaillez inutilement. Si vous tenez un concile, +vous n'y traitez point des sacremens, de +la justification par la foi, des bonnes œuvres, +mais seulement de babioles et d'enfantillage, +comme de fixer la longueur des habits, ou la +largeur des ceintures des prtres, ou la dimension +<span class="pagenum" id="Page_102">102</span> +de la tonsure, etc. Il se dtourna de moi, +appuya sa tte sur sa main, et dit son compagnon: +Celui-ci touche vraiment le fond des +choses, etc.</p> + +<p>On demandait quand le pape convoquerait +le concile. Il me semble, dit le docteur Martin +Luther, qu'il n'en sera rien avant le jugement +dernier. C'est alors que notre Seigneur Dieu +tiendra lui-mme un concile.</p> + +<p>Luther conseillait de ne point refuser d'aller +au concile, mais d'exiger qu'il ft libre; si on +le refuse, il n'y a pas de meilleure excuse +pour nous.</p> + +<p class="sep2"><i>Des biens ecclsiastiques<a name="FNanchor_a53" id="FNanchor_a53" href="#Footnote_a53" class="fnanchor">[a53]</a>.</i> Luther voudrait qu'ils +fussent appliqus l'entretien des coles et des +pauvres thologiens<a name="FNanchor_r68" id="FNanchor_r68" href="#Footnote_r68" class="fnanchor">[r68]</a>. Il dplore la spoliation des +glises. Il prdit que les princes vont bientt se +disputer les dpouilles des glises. Le pape prodigue +maintenant les biens ecclsiastiques aux +princes catholiques pour se faire des amis et des +allis.</p> + +<p>Ce ne sont point tant nos princes de la confession +d'Augsbourg qui pillent les biens ecclsiastiques, +c'est plutt Ferdinand, l'Empereur, +et l'archevque de Mayence. Ferdinand a ranonn +tous les monastres. Les Bavarois sont +les plus grands voleurs des biens ecclsiastiques; +<span class="pagenum" id="Page_103">103</span> +ils ont de riches abbayes. Mon gracieux seigneur +et le Landgrave n'ont que de pauvres monastres +d'ordres mendians. On voulait la dite, mettre +les monastres la disposition de l'Empereur, +qui y aurait tabli ses gouvernemens militaires. +Je donnai le conseil suivant: <i>Il faut auparavant +runir tous les monastres en un mme lieu. Qui +voudrait souffrir dans sa terre les gens de l'Empereur?</i> +Tout cela a t pouss par l'archevque +de Mayence.</p> + +<p>Dans la rponse la lettre o le roi de Danemarck +lui demandait ses conseils, Luther dsapprouve +l'article de la runion des biens ecclsiastiques + la couronne. Voyez, dit-il, au contraire +notre prince Jean Frdric, comme il applique +les biens de l'glise l'entretien des pasteurs et +des professeurs.</p> + +<p>Le proverbe a raison: <i>Biens de prtres ne profitent +pas</i> (<span lang="de" xml:lang="de">pfaffengut raffengut</span>)<a name="FNanchor_r69" id="FNanchor_r69" href="#Footnote_r69" class="fnanchor">[r69]</a>. Burchard Hund, +conseiller de l'lecteur de Saxe, Jean, avait +coutume de dire: Nous autres de la noblesse, +nous avons runi les biens des clotres nos +biens nobles, et les biens des clotres ont dvor +les biens nobles, de sorte que nous n'avons plus +ni les uns ni les autres. Luther ajoute la fable +du renard qui venge ses petits en brlant l'arbre +et les petits de l'aigle.</p> + +<p>Un ancien prcepteur du fils de Ferdinand, +<span class="pagenum" id="Page_104">104</span> +roi des Romains, nomm Severus, contait Luther +l'histoire du chien qui dfendait la viande +et qui pourtant, quand les autres la lui arrachaient, +en prenait sa part. C'est ce que fait maintenant +l'Empereur, dit Luther, pour les biens +ecclsiastiques (Utrecht et Lige).</p> + +<p class="sep2"><i>Des cardinaux et des vques<a name="FNanchor_a54" id="FNanchor_a54" href="#Footnote_a54" class="fnanchor">[a54]</a>.</i> En Italie, en +France, en Angleterre, en Espagne, les vques +sont ordinairement les conseillers des rois; c'est +qu'ils sont pauvres<a name="FNanchor_r70" id="FNanchor_r70" href="#Footnote_r70" class="fnanchor">[r70]</a>. Mais en Allemagne o ils +sont riches, puissans, et o ils ont une grande +considration, les vques gouvernent en leur +propre nom.</p> + +<p>Je veux mettre tous mes soins pour que les +canonicats et les petits vchs subsistent, de +sorte qu'on puisse avec ce revenu tablir des +prdicateurs et des pasteurs dans les villes. Les +grands vchs seront sculariss.</p> + +<p>Le jour de l'Ascension le docteur Martin Luther +dna avec l'lecteur de Saxe, et l'on rsolut +que les vques conserveraient leur autorit, +condition qu'ils abjureraient le pape. Nos gens +les examineront, et les ordonneront, par l'imposition +des mains. C'est ainsi que je suis vque + prsent.</p> + +<p>Dans les disputes d'Heidelberg, on demandait +d'o venaient les moines<a name="FNanchor_r71" id="FNanchor_r71" href="#Footnote_r71" class="fnanchor">[r71]</a>. Rponse: Dieu ayant +<span class="pagenum" id="Page_105">105</span> +fait le prtre, le diable voulut l'imiter; mais il fit +la tonsure trop grande, de l les moines.</p> + +<p>La moinerie ne se rtablira point aussi long-temps +que l'article de la justification restera pur<a name="FNanchor_r72" id="FNanchor_r72" href="#Footnote_r72" class="fnanchor">[r72]</a>.</p> + +<p>Autrefois les moines taient en si grande +considration que le pape les redoutait plus que +les rois et les vques. Car ils avaient le commun +peuple dans leurs mains. Les moines taient les +meilleurs oiseleurs du pape<a name="FNanchor_a55" id="FNanchor_a55" href="#Footnote_a55" class="fnanchor">[a55]</a>. Le roi d'Angleterre +a beau ne plus reconnatre le pape pour le chef +suprme de la chrtient. Il ne fait rien que tourmenter +le corps, en fortifiant l'me de la papaut. +(Henri VIII n'avait pas encore supprim +les monastres.)</p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_106">CHAPITRE III.</h3> + +<p class="somm">Des coles et universits, et des arts libraux.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>On doit tirer des coles des pasteurs qui difient +et soutiennent l'glise. Des coles et des +pasteurs, cela vaut mieux que des conciles, +comme je l'ai dit dj.</p> + +</div> + +<p>J'espre que si le monde dure encore, les +universits d'Erfurth et de Leipzig se relveront +et prendront des forces, pourvu qu'elles adoptent +la saine thologie, quoi elles semblent +dj disposes. Mais il faut que quelques-uns s'endorment +auparavant.—Je m'tonnais d'abord +qu'une universit et t fonde ici, Wittemberg.—Erfurth +est situ au mieux pour cela: l +<span class="pagenum" id="Page_107">107</span> +il doit y avoir une ville, quand mme celle qui +existe serait brle, ce que Dieu veuille empcher. +L'universit d'Erfurth tait jadis si renomme, +que toutes les autres en comparaison taient +considres comme de petites coles. Maintenant +cette gloire et cette majest ont disparu, et l'universit +d'Erfurth est tout--fait morte.</p> + +<p>Autrefois, on avanait les matres, on les honorait; +on portait devant eux des flambeaux. Je +trouve qu'il n'y a jamais eu en ce monde de joie +comparable celle-l. C'tait aussi une grande +fte quand on faisait des docteurs. On allait +cheval autour de la ville; on s'habillait avec plus +de soin, on se parait. Tout cela ne se fait plus, +mais je voudrais bien que l'on ft revivre ces +bonnes coutumes.</p> + +<p>Malheur l'Allemagne qui nglige les coles, +qui les mprise et les laisse tomber! Malheur +l'archevque de Mayence et d'Erfurth qui pourrait +d'un mot relever les universits de ces +deux villes, et qui les laisse dsoles et dsertes! +Un seul coin de l'Allemagne, celui o +nous sommes, fleurit encore, grce Dieu, par +la puret de la doctrine et la culture des arts libraux<a name="FNanchor_a56" id="FNanchor_a56" href="#Footnote_a56" class="fnanchor">[a56]</a>. +Les papistes voudront rebtir l'table, +lorsque le loup aura mang les brebis.—La +faute en est l'vque de Mayence, c'est un flau +pour les coles et pour toute l'Allemagne. Aussi +<span class="pagenum" id="Page_108">108</span> +en est-il dj justement puni. Il a sur son visage +une couleur de mort, comme de la boue mle +de sang.</p> + +<p>C'est Paris, en France, que se trouve la +plus clbre et la plus excellente cole. Il y a +une foule d'tudians, dans les vingt mille et +au-del. Les thologiens y ont eux le lieu le +plus agrable de la ville, une rue particulire +ferme de portes aux deux bouts; on +l'appelle la <i>Sorbonne</i>. Peut-tre, ce que j'imagine, +tire-t-elle ce nom de ces fruits de cormiers +(<i>sorbus</i>) qui viennent sur les bords de la +mer Morte, et qui prsentent au dehors une +agrable apparence; ouvrez-les, ce n'est que +cendres au-dedans. Telle est l'universit de Paris, +elle prsente une grande foule, mais elle est +la mre de bien des erreurs. S'ils disputent, ils +crient comme des paysans ivres, en latin, en franais. +Enfin on frappe des pieds pour les faire +taire. Ils ne font point de docteurs en thologie + moins qu'on n'tudie dix ans dans leur sophistique +et futile dialectique. Le rpondant doit siger +un jour entier et soutenir la dispute contre +tout venant, de six heures du matin six heures +du soir.</p> + +<p>A Bourges en France, dans les promotions +publiques de docteurs en thologie qui se font +dans l'glise mtropolitaine, on leur donne +<span class="pagenum" id="Page_109">109</span> +chacun un filet, apparemment pour qu'ils s'en +servent prendre les gens.</p> + +<p>Nous avons, grce Dieu, des universits +qui ont embrass la parole de Dieu. Il y a encore +beaucoup de belles coles particulires qui se disposent +bien, telles que Zwickaw, Torgaw, Wittemberg, +Gotha, Eisenach, Deventer, etc.</p> + +<p class="sep2"><i>Extrait du trait de Luther sur l'ducation.</i>—L'ducation +domestique est insuffisante.—Il faut +que les magistrats veillent l'instruction des enfans. +tablir des coles est un de leurs principaux +soins. Les fonctions publiques ne doivent mme +tre confies qu'aux plus doctes.—Importance de +l'tude des langues. Le diable redoute cette tude, +et cherche l'teindre. N'est-ce pas par elle que +nous avons retrouv la vraie doctrine? La premire +chose que Christ ait donne ses aptres, +c'est le don des langues.—Luther se plaint de +ce que, dans les monastres, on ne sait plus le +latin, peine l'allemand.</p> + +<p>Pour moi, si j'ai jamais des enfans, et que +ma fortune me le permette, je veux qu'ils deviennent +habiles dans les langues et dans l'histoire; +qu'ils apprennent mme la musique et les +mathmatiques. Suit un loge des potes et des +historiens.</p> + +<p>Qu'on envoie au moins les enfans une heure +<span class="pagenum" id="Page_110">110</span> +ou deux par jour l'cole; qu'ils emploient le +reste soigner la maison et apprendre quelque +mtier.</p> + +<p>Il doit aussi y avoir des coles pour les filles.—On +devrait fonder des bibliothques publiques. +D'abord des livres de thologie, latins, +grecs, hbreux, allemands, puis des livres pour +apprendre la langue, tels que les orateurs, les +potes, peu importe qu'ils soient chrtiens ou +paens; les livres qui traitent des arts libraux et +des arts mcaniques; les livres de jurisprudence +et de mdecine; les annales, les chroniques, les +histoires, dans la langue o elles ont t crites, +doivent tenir la premire place dans une bibliothque, +etc.</p> + +<p class="sep2"><i>Des langues.</i>—Les Grecs, compars aux Hbreux, +ont bien de bonnes et agrables paroles, +mais n'ont point de <i>sentences</i>. La langue hbraque +est la plus riche; elle ne mendie point, comme le +grec, le latin et l'allemand. Elle n'a pas besoin +de recourir aux mots composs.</p> + +<p>Les Hbreux boivent la source, les Grecs au +ruisseau, les Latins au bourbier.</p> + +<p>J'ai peu d'usage de la langue latine, lev, +comme je le fus, dans la barbarie des doctrines +scolastiques. (12 novembre 1544.)</p> + +<p>Je ne suis point de dialecte particulier en +<span class="pagenum" id="Page_111">111</span> +allemand. J'emploie la langue commune, de manire + tre entendu dans la haute et dans la +basse Allemagne. Je parle d'aprs la chancellerie +de Saxe, que tous suivent, en Allemagne, dans +leurs actes publics, rois, princes, villes impriales. +Aussi, est-ce le langage le plus commun. +L'empereur Maximilien et l'lecteur Frdric de +Saxe ont ainsi ramen les dialectes allemands +une langue certaine. La langue des Marches est +encore plus douce que celle de Saxe.</p> + +<p class="sep2"><i>De la grammaire.</i>—Autre chose est la grammaire, +autre chose est la langue hbraque. La +langue hbraque, puis la grammaire positive, a +pri en grande partie chez les Juifs; elle est +tombe avec la chose mme, et avec l'intelligence, +comme dit Isae (XXIX). Il ne faut donc +rien accorder aux rabbins dans les choses sacres; +ils torturent et violentent les tymologies et les +constructions, parce qu'ils veulent forcer la chose +par les mots, soumettre la chose aux mots, tandis +que ce sont les choses qui doivent commander.</p> + +<p>On voit de semblables dbats entre les Cicroniens +et les autres Latinistes. Pour moi, +je ne suis ni latin, ni grammairien, encore moins +cicronien; cependant, j'approuve ceux qui aiment +mieux prtendre ce dernier nom. De +mme, dans la littrature sacre, j'aimerais tre +<span class="pagenum" id="Page_112">112</span> +simplement mosaque, davidique ou isaque, s'il +se pouvait, plutt qu'un Hbreu kumique, ou +semblable tout autre rabbin. (1537.)</p> + +<p>Je regrette de n'avoir pas plus de temps +donner l'tude des potes et des rhteurs<a name="FNanchor_a57" id="FNanchor_a57" href="#Footnote_a57" class="fnanchor">[a57]</a>: j'avais +achet un Homre pour devenir Grec. +(29 mars 1523.)</p> + +<p>Si je devais crire sur la dialectique, j'exprimerais +tout en allemand; je rejetterais tous +ces mots trangers: <i lang="la" xml:lang="la">propositio, syllogismus, +enthymema, exemplum</i>...</p> + +<p>Ceux qui introduisent de nouveaux mots, +doivent aussi introduire de nouvelles choses, +comme Scot avec sa <i>ralit</i>, son <i>hiccit</i>; comme +les anabaptistes et les prdicateurs de troubles, +avec leurs <i lang="de" xml:lang="de">besprengung, entgrobung, gelassenheit</i>. +Qu'on se garde donc de tous ceux qui s'tudient + trouver des mots nouveaux et inusits.</p> + +<p>Luther citait la fable de la cour du lion, et +disait, qu'aprs la Bible, il ne connaissait pas +de meilleur livre que les <i>Fables d'sope</i> et les +crits de Caton; de mme que Donat lui semblait +le meilleur grammairien. Ce n'est point un +seul homme qui a fait ces fables; beaucoup de +grands esprits y ont travaill chaque poque +du monde<a name="FNanchor_a58" id="FNanchor_a58" href="#Footnote_a58" class="fnanchor">[a58]</a>.</p> + +<p class="sep2"><i>Des savans.</i>—Avant peu d'annes, on manquera +<span class="pagenum" id="Page_113">113</span> +entirement de savans. On aurait beau +creuser pour en dterrer, rien ne servira; on pche +trop contre Dieu.</p> + +<p><i>A un ami</i>: Ne te laisse pas aller la crainte +que l'Allemagne ne devienne plus barbare qu'elle +ne l'a jamais t, par la chute des lettres que +causerait notre thologie. (29 mars 1523.)</p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_114">CHAPITRE IV.</h3> + +<p class="somm">Drames.—Musique.—Astrologie.—Imprimerie.—Banque, +etc.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p><i>Des reprsentations thtrales.</i>—Luther ne +dsapprouve point un matre d'cole qui jouait +les comdies de Trence. Il numre les diverses +utilits de la comdie. Si on s'abstenait de la comdie, +parce qu'il s'agit souvent d'amour, on +n'oserait non plus lire la Bible.</p> + +</div> + +<p>—Notre cher Joachim m'a demand mon jugement +sur ces reprsentations d'histoires saintes, +que blment plusieurs de vos ministres. Voici, +en peu de mots, mon opinion. Il a t command + tous les hommes de rpandre et de propager le +Verbe de Dieu, par tous les moyens, non pas +<span class="pagenum" id="Page_115">115</span> +seulement par la parole, mais par critures, +peintures, sculptures, psaumes, chansons, instrumens +de musique, comme dit le psaume: +<i lang="la" xml:lang="la">Laudate eum in tympano et choro, laudate eum +chordis et organo</i>. Et Mose dit: <i lang="la" xml:lang="la">Ligabis ea quasi +signum in manu tu, eruntque et movebuntur inter +oculos tuos, scribesque ea in limine et ostiis doms +tu</i>. Mose veut que la parole se meuve devant +les yeux, et comment cela se pourrait-il faire +mieux et plus clairement que par des reprsentations +semblables, mais graves et modestes, et +non par des farces, comme autrefois sous la papaut? +De tels spectacles frappent les yeux du +peuple, et l'meuvent souvent bien plus que des +prdications publiques. Je sais que dans la basse +Allemagne, o l'on a interdit la profession publique +de l'vangile, des drames, tirs de la Loi et +de l'vangile, en ont converti un grand nombre. +(5 avril 1543.)</p> + +<p><i>De la musique.</i>—La musique est un des plus +beaux et des plus magnifiques prsens de Dieu. +Satan en est l'ennemi. Par elle on repousse bien +des tentations et de mauvaises penses. Le diable +ne tient pas contre.</p> + +<p>Quelques-uns de la noblesse, et des courtisans, +pensent que mon gracieux seigneur pourrait +pargner en musique trois mille florins par an; +<span class="pagenum" id="Page_116">116</span> +et l'on dpense, en choses inutiles, trente mille +florins.</p> + +<p>Le duc George, le landgrave de Hesse, et +l'lecteur de Saxe, Jean-Frdric, entretenaient +des chanteurs et des musiciens. Aujourd'hui, +c'est le duc de Bavire, l'empereur Ferdinand et +l'empereur Charles.</p> + +<p>En 1538, 17 dcembre, Luther ayant des +musiciens pour htes, et les ayant entendus, dit +avec admiration: Si notre Seigneur nous accorde +de si nobles dons dans cette vie mme, qui n'est +qu'ordure et misre, que sera-ce donc dans la +vie ternelle? En voici un commencement.</p> + +<p>Chanter est le meilleur exercice<a name="FNanchor_a59" id="FNanchor_a59" href="#Footnote_a59" class="fnanchor">[a59]</a>. Il n'a rien + voir avec le monde... Aussi je me rjouis de ce +que Dieu a refus aux paysans (<i>sans doute aux +paysans rvolts</i>), un don et une consolation si +grande; ils n'entendent point la musique, et +n'coutent point la parole.</p> + +<p>Il disait un jour un joueur de harpe: Mon +ami, joue-moi un air, comme faisait David. Je +crois que, s'il revenait aujourd'hui, il serait bien +tonn de trouver les gens si habiles.</p> + +<p>Comment se fait-il pourtant que nous ayons +tant de belles choses dans le genre mondain, et +que, dans le spirituel, nous n'ayons rien que de +froid et de mauvais (et il rptait quelques chansons +allemandes). Pour ceux qui mprisent la musique, +<span class="pagenum" id="Page_117">117</span> +comme font tous les rveurs et les mystiques; +je ne puis m'accorder avec eux.</p> + +<p>... Je demanderai au prince qu'avec cet argent +il tablisse une musique. (avril 1541.)</p> + +<p>Le 4 octobre 1530, il crit Ludovic Senfel, +musicien de la cour de Bavire, pour lui demander +de lui mettre en musique le: <i lang="la" xml:lang="la">In pace in +id ipsum</i>. L'amour de la musique m'a fait +surmonter la crainte d'tre repouss, lorsque +vous verrez un nom qui vous est sans doute +odieux. Ce mme amour me donne aussi l'esprance +que mes lettres ne vous attireront aucun +dsagrment. Qui pourrait, ft-il le Turc, vous +en faire un sujet de reproches?... Aprs la thologie, +il n'y a aucun art que l'on puisse mettre + ct de la musique.</p> + +<p>Luther recommande son ami Amsdorf, un +peintre nomm Sbastien, et ajoute: Je ne +sais si vous aurez besoin de lui. Je dsirerais cependant +que ton habitation ft plus orne et plus +lgante, cause de la chair qui reviennent +aussi quelques soins et quelques recrations, +lorsqu'elles sont sans pch et sans faute. (6 fvrier +1542.)</p> + +<p class="sep2"><i>Peinture<a name="FNanchor_a60" id="FNanchor_a60" href="#Footnote_a60" class="fnanchor">[a60]</a>.</i>—Les pamphlets de Luther contre le +pape, taient presque toujours accompagns de +gravures symboliques.—Quant ces trois furies, +<span class="pagenum" id="Page_118">118</span> +dit-il, dans l'explication d'une de ces gravures +satiriques, je n'avais autre chose dans +l'esprit, lorsque j'en faisais l'application au pape, +que d'exprimer l'atrocit de l'abomination papale +par ces expressions les plus nergiques, les plus +atroces de la langue latine; car les Latins ignorent +ce que c'est que Satan ou le diable, comme l'ignorent +aussi les Grecs et toutes les nations. +(8 mai 1545.)</p> + +<p>C'tait Lucas Cranach qui en avait fait les figures.—Luther +crit: Matre Lucas est un peintre +peu dlicat. Il pouvait pargner le sexe fminin en +considration de nos mres et de l'œuvre de Dieu. +Il pouvait peindre d'autres formes plus dignes du +pape, je veux dire plus diaboliques. (3 juin 1545.)</p> + +<p>Je ferai tous mes efforts, si je vis, pour +que le peintre Lucas substitue cette peinture +obscne une image plus honnte. (15 juin.)</p> + +<p>Luther professait pour Albert Drer une grande +admiration. Lorsqu'il apprit sa mort, il crivit: +Il est douloureux sans doute de l'avoir perdu. +Rejouissons-nous cependant de ce que Christ, +par une fin si heureuse, l'a tir de cette terre de +misres et de troubles, qui, peut-tre bientt, +sera dchire par des troubles plus grands encore. +Dieu n'a pas voulu que celui qui tait n +pour un sicle heureux, vt de si tristes choses; +qu'il repose en paix avec ses pres. (avril 1528.)</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_119">119</span> +<i>De l'astronomie et de l'astrologie.</i>—Il est +vrai que les astrologues peuvent prdire l'avenir +aux impies, et leur annoncer la mort qui les attend, +car le diable sait les penses des impies, et +il les a en sa puissance.</p> + +<p>On fit mention d'un nouvel astronome, qui +voulait prouver que c'est la terre qui tourne, +et non point le firmament, le soleil et la lune; +il en est de mme, disait-il, pour les habitans +de la terre que pour ceux qui sont dans un chariot +ou dans un vaisseau, et qui croient voir le +rivage ou les arbres fuir derrire eux<a name="FNanchor_4" id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>. Ainsi va +le monde aujourd'hui; quiconque veut tre habile, +ne doit pas se contenter de ce que font et +savent les autres. Le sot veut changer tout l'art +de l'astronomie; mais, comme le dit la sainte +criture, Josu commanda au soleil de s'arrter, +et non la terre.</p> + +<p>Les astrologues ont tort d'attribuer aux toiles +la mauvaise influence qui appartient en effet aux +comtes.</p> + +<p>Matre Philippe tient fort cela, mais il n'a +jamais pu me persuader. Il prtend que l'art est +<span class="pagenum" id="Page_120">120</span> +rel, mais qu'il n'y a point de matre qui s'y entende.</p> + +<p>Comme on montrait un horoscope au docteur +Luther, il dit: C'est une belle et agrable +imagination, et qui plat la raison. On va bien +rgulirement d'une ligne l'autre... Il en est de +l'astrologie comme de l'art des sophistes, <i lang="la" xml:lang="la">de +decem prdicamentis realiter distinctis</i>; tout est +faux et artificiel; mais dans cette œuvre vaine et +fictive, il y a un admirable ensemble; dans tant +de sicles et parmi tant de sectes, thomistes, albertistes, +scotistes, ils sont rests fidles aux +mmes rgles.</p> + +<p>La science, qui a pour objet la matire, est +incertaine. Car la matire est sans forme, et dpourvue +de qualits et proprits. Or, l'astrologie +a pour objet la matire, etc.</p> + +<p>Ils avaient dit qu'il y aurait un dluge en +1524, et la chose n'arriva qu'en 1525, poque +du soulvement des paysans. Dj le bourgmestre +Hendorf avait fait monter au haut de sa +maison un quart de bire pour y attendre le dluge.</p> + +<p>Matre Philippe disait que l'empereur Charles +devait vivre jusqu' quatre-vingt-quatre ans; le +docteur Luther rpondit: Le monde ne durera +pas si long-temps. zchiel y est contraire. Si +nous chassons le Turc, la prophtie de Daniel +<span class="pagenum" id="Page_121">121</span> +est accomplie, et certainement le jour du jugement +est la porte.</p> + +<p>Une grande toile rouge, qui avait paru dans +le ciel, et qui forma ensuite une croix en 1516, +reparut plus tard; mais alors, dit Luther, la +croix parut brise; car l'vangile tait obscurci +par les sectes et les rvoltes. Je ne trouve rien de +certain dans de tels signes; ce sont communment +des signes diaboliques et trompeurs. Nous en +avons vu beaucoup ces quinze dernires annes.</p> + +<p class="sep2"><i>Imprimerie.</i>—L'imprimerie est le dernier +et suprme don, le <i lang="la" xml:lang="la">summum et postremum donum</i>, +par lequel Dieu avance les choses de l'vangile. +C'est la dernire flamme qui luit avant l'extinction +du monde. Grce Dieu, elle est venue la +fin. <i lang="la" xml:lang="la">Sancti patres dormientes desiderrunt videre +hunc diem revelati Evangelii.</i></p> + +<p>Comme on lui montrait un crit des Fugger, +orn de lettres d'une forme bizarre, que +personne ne pouvait le lire, il dit: C'est une +invention d'hommes habiles et prvoyans. Mais +c'est la marque d'une poque bien corrompue. +Nous lisons que Jules Csar employait +de pareilles lettres. On dit que l'Empereur, se +dfiant de ses secrtaires, les fait crire, dans +les affaires les plus importantes, de deux manires +qui se contredisent; et ils ne savent point +<span class="pagenum" id="Page_122">122</span> +auxquels des deux crits il doit mettre son +sceau.</p> + +<p class="sep2"><i>Banque<a name="FNanchor_a61" id="FNanchor_a61" href="#Footnote_a61" class="fnanchor">[a61]</a>.</i>—Un cardinal, vque de Brixen, +tant mort fort riche Rome, on ne trouva point +d'argent chez lui, mais seulement un petit billet +dans sa manche. Le pape Jules II se douta bien +que c'tait une lettre de change; il envoya sur-le-champ +chercher le facteur des Fugger, Rome, +et lui demanda s'il ne connaissait point cet crit? +Oui, rpondit-il, c'est la reconnaissance de ce +que Fugger et compagnie doivent au cardinal; +cela fait trois cent mille florins. Le pape demanda +s'il pouvait lui payer tout cet argent. A toute +heure, rpondit l'autre. Le pape fit venir ensuite +les cardinaux de France et d'Angleterre, et leur +demanda si leurs rois pourraient trouver en une +heure trois tonnes d'or? Ils rpondirent que non. +Eh bien! dit-il, un bourgeois d'Augsbourg peut +le faire.</p> + +<p>Fugger devant un jour donner au conseil +d'Augsbourg l'estimation de ses biens, il rpondit +qu'il ne savait pas ce qu'il avait, car son argent +tait dans tout le monde, en Turquie, en +Grce, Alexandrie, en France, en Portugal, +en Angleterre, en Pologne, etc., mais qu'il pouvait +bien donner l'estimation de ce qu'il avait +Augsbourg.<a name="FNanchor_a62" id="FNanchor_a62" href="#Footnote_a62" class="fnanchor">[a62]</a></p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_123">CHAPITRE V.</h3> + +<p class="somm">De la prdication.—Style de Luther.—Il avoue la violence +de son caractre.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Oh combien je tremblais lorsque, pour la +premire fois, il me fallut monter en chaire<a name="FNanchor_r73" id="FNanchor_r73" href="#Footnote_r73" class="fnanchor">[r73]</a>! +mais on me forait de prcher. Il fallait d'abord +prcher les frres...</p> + +</div> + +<p>J'ai bien, sous ce mme poirier o nous +sommes, oppos au docteur Staupitz quinze argumens +contre ma vocation la prdication. Je +lui dis enfin: Seigneur docteur Staupitz, +vous voulez me tuer; je ne vivrai pas trois mois. +Il me rpondit: Eh bien! notre Seigneur a de +<span class="pagenum" id="Page_124">124</span> +grandes affaires; on a besoin de gens habiles +l-haut.</p> + +<p>Je n'apporte gure de zle et d'ardeur la +distribution de mes œuvres en tomes; j'ai une +faim de Saturne, je les voudrais tous dvorer. +Car il n'y a pas un de mes livres dont je sois satisfait, +si ce n'est peut-tre le <i>Trait du serf +arbitre</i> et le <i>Catchisme</i>. (9 juillet 1537.)</p> + +<p>Je n'aime pas que Philippe assiste mes +leons ou prdications, mais je mets la croix +devant moi, et je me dis: Philippe, Jonas, Pomer, +tous les autres, ne font rien la chose; et +je m'imagine alors qu'il ne s'est assis dans la +chaire personne de plus habile que moi<a name="FNanchor_r74" id="FNanchor_r74" href="#Footnote_r74" class="fnanchor">[r74]</a>.</p> + +<p>Le docteur Jonas lui disait: Seigneur docteur, +je ne puis du tout vous suivre dans la prdication<a name="FNanchor_r75" id="FNanchor_r75" href="#Footnote_r75" class="fnanchor">[r75]</a>.—Le +docteur Luther rpondit: Je +ne le puis moi-mme, car souvent c'est ma propre +personne ou quelque chose de particulier +qui me donne l'occasion d'un sermon, selon +le temps, les circonstances, les auditeurs. Si +j'tais plus jeune, je voudrais retrancher beaucoup +dans mes prdications, car j'y ai mis trop +de paroles.</p> + +<p>Je veux que l'on enseigne bien au peuple le +Catchisme; je me fonde sur lui dans tous mes +sermons, et je prche aussi simplement que possible<a name="FNanchor_r76" id="FNanchor_r76" href="#Footnote_r76" class="fnanchor">[r76]</a>. +Je veux que les hommes du commun, les +<span class="pagenum" id="Page_125">125</span> +enfans, les domestiques, me comprennent. Ce +n'est point pour les savans que l'on monte en +chaire; ils ont les livres.</p> + +<p>Le docteur Erasmus Alberus, prt partir +pour la Marche, demandait au docteur Luther +comment il fallait prcher devant le prince<a name="FNanchor_r77" id="FNanchor_r77" href="#Footnote_r77" class="fnanchor">[r77]</a>. Tes +prdications, dit-il, doivent s'adresser, non aux +princes, mais au simple et grossier peuple. Si, +dans les miennes, je songeais Mlanchton et +aux autres docteurs, je ne ferais rien de bon; +mais je prche tout simplement pour les ignorans, +et cela plat tous. Si je sais du grec, de +l'hbreu, du latin, je le rserve pour nos runions +de savans. Alors nous en disons de si subtiles +que Dieu mme en est tonn.</p> + +<p>Albert Drer, le fameux peintre de Nuremberg, +avait coutume de dire qu'il ne prenait +aucun plaisir aux peintures charges de couleurs, +mais celles qui taient faites avec le plus de +simplicit. J'en dis autant des prdications<a name="FNanchor_r78" id="FNanchor_r78" href="#Footnote_r78" class="fnanchor">[r78]</a>.</p> + +<p>Oh que j'eusse t heureux, lorsque j'tais +au clotre d'Erfurt, si j'avais pu une fois, une +seule fois, entendre prcher un pauvre petit +mot sur l'vangile ou sur le moindre des psaumes<a name="FNanchor_r79" id="FNanchor_r79" href="#Footnote_r79" class="fnanchor">[r79]</a>!</p> + +<p>Rien n'est plus agrable et plus utile au commun +des auditeurs, que de prcher la loi et les +exemples<a name="FNanchor_r80" id="FNanchor_r80" href="#Footnote_r80" class="fnanchor">[r80]</a>. Les prdications sur la Grce et sur +<span class="pagenum" id="Page_126">126</span> +l'article de la justification sont froides pour leurs +oreilles.</p> + +<p>Parmi les qualits que Luther exige d'un prdicateur, +il veut qu'il soit beau de sa personne, +et tel que les bonnes femmes et les petites filles +puissent l'aimer<a name="FNanchor_r81" id="FNanchor_r81" href="#Footnote_r81" class="fnanchor">[r81]</a>.</p> + +<p>Dans le <i>Trait sur les vœux monastiques</i>, Luther +demande pardon au lecteur de dire bien des +choses qu'on a coutume de taire<a name="FNanchor_r82" id="FNanchor_r82" href="#Footnote_r82" class="fnanchor">[r82]</a>.—Pourquoi +n'oser dire ce que le Saint-Esprit, pour instruire +les hommes, a dict Mose? Mais nous voulons +que nos oreilles soient plus pures que la bouche +du Saint-Esprit.</p> + +<p><i>A J. Brentius.</i> Je ne veux point te flatter, +je ne te trompe pas, je ne me trompe pas moi-mme, +quand je dis que je prfre tes crits aux +miens. Ce n'est point Brentius que je loue, mais +l'Esprit saint, qui en toi est plus doux, plus +tranquille; tes paroles coulent plus pures, plus +limpides. Mon style, moi, inhabile et inculte, +vomit un dluge, un chaos de paroles; turbulent +et imptueux comme un lutteur toujours aux +prises avec mille monstres qui se succdent; et +si j'ose comparer de petites choses aux grandes, +il me semble qu'il m'a t donn quelque chose +de ce quadruple esprit d'lie, rapide comme le +vent, dvorant comme le feu, qui renverse les +montagnes et brise les pierres; toi, au contraire, +<span class="pagenum" id="Page_127">127</span> +le doux murmure de la brise lgre et rafrachissante. +Une chose me console, c'est que le +divin pre de famille a besoin, dans cette famille +immense, de l'un et de l'autre serviteur, du dur +contre les durs, de l'pre contre les pres, comme +d'un mauvais coin contre de mauvais nœuds. Pour +purger l'air et rendre la terre plus fertile, ce +n'est point assez de la pluie qui arrose et pntre, +il faut encore les clats de la foudre. +(20 aot 1530.)</p> + +<p>Je suis loin de me croire sans dfaut; mais je +puis au moins me glorifier avec saint Paul, de +ne pouvoir tre accus d'hypocrisie et d'avoir toujours +dit la vrit, peut-tre, il est vrai, un peu +trop rudement. Mais j'aime mieux pcher par +la duret de mes paroles, en jetant la vrit dans +le monde, que de la retenir honteusement captive. +Si les grands seigneurs s'en trouvent blesss, +qu'ils se mlent de leurs affaires sans plus se +soucier des miennes et de nos doctrines. Est-ce +que je leur ai fait quelque tort, quelque injustice? +Si je pche, ce sera Dieu de me pardonner. +(5 fvrier 1522.)</p> + +<p><i>A Spalatin.</i> Je ne puis nier que je ne sois +plus violent qu'il ne faudrait<a name="FNanchor_a63" id="FNanchor_a63" href="#Footnote_a63" class="fnanchor">[a63]</a>; mais ils le savaient, +c'tait eux de ne pas irriter le dogue. Tu peux +savoir par toi-mme combien c'est une chose +difficile que de modrer son feu et de contenir sa +<span class="pagenum" id="Page_128">128</span> +plume. Et voil pourquoi j'ai toujours ha de paratre +en public; mais plus je le hais, plus j'y +suis forc malgr moi. (fvrier 1520.)</p> + +<p>Le docteur Luther disait souvent<a name="FNanchor_r83" id="FNanchor_r83" href="#Footnote_r83" class="fnanchor">[r83]</a>: J'ai trois +mauvais chiens, <i lang="la" xml:lang="la">ingratitudinem, superbiam et invidiam</i> +(l'ingratitude, l'orgueil et l'envie). Celui +qu'ils mordent est bien mordu.</p> + +<p>Si je meurs, les papistes verront quel adversaire +ils ont eu en moi<a name="FNanchor_r84" id="FNanchor_r84" href="#Footnote_r84" class="fnanchor">[r84]</a>. D'autres prdicateurs +n'auront pas la mme mesure, la mme modration. +On l'a dj prouv avec Mnzer, avec Carlostad, +Zwingli et les anabaptistes.</p> + +<p>Dans la colre mon temprament se retrempe, +mon esprit s'aiguise, et toutes les tentations, +tous les ennuis se dissipent. Je n'cris +et ne parle jamais mieux qu'en colre<a name="FNanchor_r85" id="FNanchor_r85" href="#Footnote_r85" class="fnanchor">[r85]</a>.</p> + +<p><i>A Michel Marx.</i> Tu ne saurais croire combien +j'aime voir mes adversaires s'lever chaque +jour davantage contre moi. Je ne suis jamais +plus superbe et plus audacieux que lorsque j'apprends +que je leur dplais. Docteurs, vques, +princes, que m'importe? Il est crit: <i lang="la" xml:lang="la">Tremuerunt +gentes et populi meditati sunt inania. Adstiterunt +reges terr, et principes convenerunt in unum +adverss Deum et adverss Christum ejus.</i></p> + +<p>J'ai un tel ddain pour ces satans, que si je +n'tais retenu ici, j'irais tout droit Rome, en +haine du diable et de toutes ces furies.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_129">129</span> +Il faut que j'aie de la patience avec le pape, +avec mes disciples, avec mes domestiques, avec +Catherine de Bora, avec tout le monde, et ma +vie n'est autre chose que de la patience.</p> + +<div class="pagenum" id="Page_130"></div> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" /> +</div> + +<h2 id="Page_131">LIVRE V.</h2> + +<hr class="hr7" /> + +<h3>CHAPITRE PREMIER.</h3> + +<p class="somm">Mort du pre de Luther, de sa fille, etc.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Il n'est pas d'alliance ni de socit plus belle, +plus douce et plus heureuse, qu'un bon mariage<a name="FNanchor_r86" id="FNanchor_r86" href="#Footnote_r86" class="fnanchor">[r86]</a>. +C'est une joie de voir deux poux vivre unis +et en paix. Mais aussi, rien n'est plus amer et +plus douloureux que quand ce lien se dchire. +Aprs cela vient la mort des enfans. Cette dernire +douleur je la connais, hlas!</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_132">132</span> +—Je suis triste en t'crivant, car j'ai reu +la nouvelle de la mort de mon pre, ce vieux +Luther, si bon et si aim. Et bien que par moi +il ait eu un si facile et si pieux passage en +Christ, et que, dlivr des monstres d'ici-bas, +il repose dans la paix ternelle, cependant +mes entrailles se sont mues, car c'est par lui +que Dieu m'a fait natre et m'a lev.—Dans une +lettre du mme jour Mlanchton: ... Je succde + son nom; voici maintenant que je suis pour ma +famille le vieux Luther. C'est mon tour, c'est +mon droit de le suivre par la mort dans ce +royaume que Christ nous a promis nous tous +qui, cause de lui, sommes les plus misrables +des hommes, et l'opprobre du monde... Je me +rjouis cependant qu'il ait vcu dans ce temps, +et qu'il ait pu voir la lumire de la vrit. Dieu +soit bni dans tous ses actes, dans tous ses desseins! +(5 juin 1530.)</p> + +<p>La nouvelle tant venue de Freyberg que +matre Hausman tait mort, nous la cachmes au +docteur Luther, et lui dmes d'abord qu'il tait +malade, puis qu'il tait au lit, puis qu'il s'tait +bien doucement endormi dans le Christ<a name="FNanchor_r87" id="FNanchor_r87" href="#Footnote_r87" class="fnanchor">[r87]</a>. Le docteur +se mit pleurer bien fort, et dit: Voici des +temps bien prilleux; Dieu balaie son aire et sa +grange. Je le prie de ne pas laisser vivre long-temps +aprs ma mort ma femme et mes enfans. +<span class="pagenum" id="Page_133">133</span> +Il resta assis tout le jour; il pleurait et s'affligeait. +Il tait avec le docteur Jonas, matre Philippe +(Mlanchton), matre Joachim Camerarius, et +Gaspard de Keckeritz, et, au milieu d'eux, il +tait assis, tout afflig et en larmes. (1538.)</p> + +<p>Lorsqu'il perdit sa fille Magdalena, ge de +quatorze ans, la femme du docteur pleurait et se +lamentait. Il lui dit: Chre Catherine, songe +pourtant o elle est alle. Elle a certes fait un heureux +voyage. La chair saigne, sans doute, c'est sa +nature; mais l'esprit vit et se trouve selon ses souhaits. +Les enfans ne disputent point; comme on +leur dit, ils croient. Chez les enfans tout est simple. +Ils meurent sans chagrin ni angoisses, sans disputes, +sans tentations de la mort, sans douleur +corporelle, tout comme s'ils s'endormaient.</p> + +<p>Comme sa fille tait fort malade, il disait: +Je l'aime bien! Mais, mon Dieu! si c'est ta +volont de la prendre d'ici, je veux la savoir sans +regret auprs de toi. Et comme elle tait au lit, +il lui disait: Ma chre petite fille, ma petite +Madeleine, tu resterais volontiers ici auprs de ton +pre, et tu irais pourtant volontiers aussi ton autre +pre. Elle rpondit: Oui, mon cher pre, comme +Dieu voudra. Chre petite fille! ajouta-t-il, l'esprit +veut, mais la chair est faible. Il se promena en +long et en large et dit: Oui, je l'ai aime bien fort. +Si la chair est si forte, que sera-ce donc de l'esprit.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_134">134</span> +Il disait entre autres choses: Dieu n'a pas +donn depuis mille ans aucun vque d'aussi +grands dons qu' moi; car on doit se glorifier +des dons de Dieu. Eh! bien, je suis en colre contre +moi-mme de ce que je ne puis m'en rjouir +de cœur, ni rendre grce; je chante bien de +temps en temps notre Seigneur un petit cantique, +et le remercie un peu.</p> + +<p>Eh bien! que nous vivions ou que nous +mourions, <i lang="la" xml:lang="la">Domini sumus</i> au gnitif ou au nominatif. +Allons, seigneur docteur, tenez ferme.</p> + +<p>La nuit qui prcda la mort de Magdalena, +la femme du docteur avait eu un songe; il lui +semblait voir deux beaux jeunes garons bien +pars, qui voulaient prendre sa fille et la mener + la noce<a name="FNanchor_r88" id="FNanchor_r88" href="#Footnote_r88" class="fnanchor">[r88]</a>. Lorsque Philippe Mlanchton vint le +matin dans le clotre, et demanda la dame: +Que faites-vous de votre fille? elle lui raconta +son rve. Il en fut bien effray, et dit aux autres: +Les jeunes garons sont les saints anges qui vont +venir pour mener la vierge la vritable noce du +royaume cleste. Et en effet le mme jour elle +mourut.</p> + +<p>Lorsque la petite Magdalena tait l'agonie +et allait mourir, le pre tomba genoux devant +son lit, pleura amrement, et pria Dieu qu'il +voult bien la sauver. Elle expira et s'endormit +dans les bras de son pre. La mre tait bien +<span class="pagenum" id="Page_135">135</span> +dans la mme chambre, mais plus loin du lit, +cause de son affliction. Le docteur rptait souvent: +Que la volont de Dieu soit faite! ma fille +a encore un pre dans le ciel. Alors matre Philippe +se mit dire: L'amour des parens est une +image de la divinit imprime au cœur des +hommes. Dieu n'aime pas moins le genre humain +que les parens leurs enfans. Lorsqu'on la mit +dans la bire, le pre dit: Pauvre chre petite +Madeleine, te voil bien maintenant? Il la regarda +ainsi tendue, et dit: O cher enfant, tu ressusciteras, +tu brilleras comme une toile! Oui, +comme le soleil!... Je suis joyeux en esprit, mais +dans la chair je suis bien triste. C'est une chose +merveilleuse de savoir qu'elle est certainement +en paix, qu'elle est bien, et cependant d'tre si +triste.</p> + +<p>Et lorsque le peuple vint pour aider emporter +le corps, et que, selon le commun usage, +ils lui disaient qu'ils prenaient part son malheur, +il leur dit: Ne vous chagrinez pas, j'ai envoy +une sainte au ciel. Oh! puissions-nous +avoir une telle mort! Une telle mort, je l'accepterais +sur l'heure!—Lorsque l'on chanta: +Seigneur, qu'il ne vous souvienne pas de nos +anciens pchs! il ajouta: Non-seulement +des anciens, mais de ceux d'aujourd'hui. Car +nous sommes avides, usuriers, etc.; le scandale +<span class="pagenum" id="Page_136">136</span> +de la messe existe encore dans le monde!</p> + +<p>Au retour, il disait entre autres choses: On +doit s'inquiter du sort de ses enfans, et surtout +des pauvres filles. Je ne plains pas les garons; +un garon vit partout pourvu qu'il sache travailler. +Mais le pauvre petit peuple des filles doit +chercher sa vie un bton la main. Un garon +peut aller aux coles, et devenir un habile +garon (<span lang="de" xml:lang="de">ein feiner man</span>). Une petite fille ne +peut en faire autant. Elle tourne facilement au +scandale et devient grosse. Aussi je donne bien +volontiers celle-ci notre Seigneur.</p> + +<p><i>A Jonas.</i> La renomme t'aura, je pense, inform +de la renaissance de ma fille Madeleine au +royaume du Christ; et bien que moi et ma femme +nous dussions ne songer qu' rendre de joyeuses +actions de grces pour un si heureux passage et +une fin si dsirable, par o elle a chapp la +puissance de la chair, du monde, du Turc et du +Diable, cependant la force <ins title="grec: ts storgs">τῆς +στοργῆς</ins> +est si grande que je ne puis le supporter sans +sanglots, sans gmissement, disons mieux, sans +une vritable mort du cœur. Dans le plus profond +de mon cœur sont encore gravs ses traits, +ses paroles, ses gestes, pendant sa vie et sur son +lit de mort; mon obissante et respectueuse +fille! La mort mme du Christ (et que sont toutes +les morts en comparaison?) ne peut me l'arracher +<span class="pagenum" id="Page_137">137</span> +de la pense, comme elle le devrait.... +Elle tait, comme tu sais, douce de caractre, +aimable et pleine de tendresse. (23 septembre +1542.)</p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_138">CHAPITRE II.</h3> + +<p class="somm">De l'quit, de la Loi.—Opposition du thologien et du juriste.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Il vaut mieux se gouverner <i>d'aprs la raison +naturelle que d'aprs la loi crite</i>, car la raison est +l'me et la reine de la loi<a name="FNanchor_r89" id="FNanchor_r89" href="#Footnote_r89" class="fnanchor">[r89]</a>. Mais o sont les gens +qui ont une telle intelligence? on en peut peine +trouver un par sicle. Notre gracieux seigneur, +l'lecteur Frdric, tait un tel homme. Il y a eu +encore son conseiller le seigneur Fabian de Feilitsch, +un lac, qui n'avait point tudi et qui rpondait +sur <i lang="la" xml:lang="la">apices et medullam juris</i> mieux que +les juristes d'aprs leurs livres.—Matre Philippe +Mlanchton enseigne les arts libraux, de manire +qu'il en tire moins de lumire qu'il ne leur en +<span class="pagenum" id="Page_139">139</span> +prte lui-mme. Moi aussi, je porte mon art dans +les livres, je ne l'en tire point. Celui qui voudrait +imiter les quatre hommes dont je viens de +parler, ferait aussi bien d'y renoncer; il faut +plutt qu'il apprenne et qu'il coute. De tels +prodiges sont rares. La loi crite est pour le +peuple et l'homme du commun. La raison naturelle +et la haute intelligence sont pour les hommes +dont j'ai parl.</p> + +</div> + +<p>Il y a un ternel combat entre les juristes et +les thologiens; c'est la mme opposition qu'entre +la loi et la grce.</p> + +<p>Le droit est une belle fiance, pourvu qu'elle +reste dans son lit nuptial<a name="FNanchor_r90" id="FNanchor_r90" href="#Footnote_r90" class="fnanchor">[r90]</a>. Si elle monte dans un +autre lit et veut gouverner la thologie, c'est une +grande p...... Le droit doit ter sa <ins id="cor_5" title="original: barette">barrette</ins> devant +la thologie.</p> + +<p><i>A Mlanchton.</i> Je pense comme autrefois sur +le droit du glaive; je pense avec toi que l'vangile +n'a rien enseign ni conseill sur ce droit, +et que cela ne devait tre en aucune faon, parce +que l'vangile est la loi des volonts et des liberts, +qui n'ont rien faire avec le glaive ou le +droit du glaive. Mais ce droit n'y est pas aboli, +il y est mme confirm et recommand; ce qui +n'a lieu pour aucune des choses simplement permises.</p> + +<p>Avant moi, il n'y a aucun juriste qui ait su ce +<span class="pagenum" id="Page_140">140</span> +qu'est le droit, relativement Dieu<a name="FNanchor_r91" id="FNanchor_r91" href="#Footnote_r91" class="fnanchor">[r91]</a>. Ce qu'ils +ont, ils l'ont de moi. Il n'est point mis dans l'vangile +que l'on doive adorer les juristes. Si notre +Seigneur Dieu veut juger, que lui importent +les juristes? Pour ce qui regarde le monde, je les +laisse matres. Mais dans les choses de Dieu ils +doivent tre sous moi. Mon psaume moi, +c'est celui-ci: <i>Rois soyez chtis</i>, etc. S'il faut +qu'un des deux prisse, prisse le droit, rgne +le Christ!</p> + +<p><i lang="la" xml:lang="la">Principes convenerunt in unum.</i> David le dit +lui-mme, <i>contre son fils se dresseront la puissance, +la sagesse, la multitude du monde, et il +doit tre seul contre beaucoup, insens contre les +sages, impuissant contre les puissans</i>. Certes, +c'est l une merveilleuse conduite des choses. +Notre Seigneur Dieu ne manque de rien que de +gens sages, mais derrire sonne le terrible +<i lang="la" xml:lang="la">Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui judicatis +terram</i> (Comprenez maintenant, rois; +instruisez-vous, juges de la terre).</p> + +<p>Si les juristes ne prient point pour le pardon +de leurs pchs et n'acceptent point l'vangile, +je veux les confondre, de sorte qu'ils ne sachent +plus comment se tirer d'affaire. Je n'entends +rien au droit, mais je suis seigneur du droit dans +les choses qui touchent la conscience.</p> + +<p>Nous sommes redevables aux juristes d'avoir +<span class="pagenum" id="Page_141">141</span> +enseign et d'enseigner au monde tant d'quivoques, +de chicanes, de calomnies, que le langage +est devenu plus confus que dans une Babel. +Ici, nul ne peut comprendre l'autre, l, nul ne +veut comprendre. O sycophantes, sophistes, +pestes du genre humain. Je t'cris tout en colre, +et je ne sais si, de sang-froid, j'enseignerais +mieux. (6 fvrier 1546.)</p> + +<p>La veille d'un jour o on allait faire un docteur +en droit, Luther disait: Demain on fera une +nouvelle vipre contre les thologiens.</p> + +<p>On a raison de dire: <i>un bon juriste est un +mauvais chrtien</i>. En effet, le juriste estime et +vante la justice des œuvres, comme si c'tait par +l qu'on est juste devant Dieu. S'il devient chrtien, +il est considr parmi les juristes comme +un animal monstrueux, il faut qu'il mendie son +pain, les autres le regardent comme sditieux.</p> + +<p>Qu'on frappe la conscience des juristes, ils +ne savent ce qu'ils doivent faire. Mnzer les attaquait +avec l'pe; c'tait un fou.</p> + +<p>Si j'tudiais seulement deux ans en droit, je +voudrais devenir plus savant que le docteur C.; +car je parlerais des choses, selon qu'elle sont vritablement +justes ou injustes. Mais lui, il chicane +sur les mots.</p> + +<p>La doctrine des juristes n'est rien qu'un <i>nisi</i>, +<span class="pagenum" id="Page_142">142</span> +un <i>except</i>. La thologie ne procde pas ainsi, +elle a un ferme fondement.</p> + +<p>L'autorit des thologiens consiste en ce +qu'ils peuvent obscurcir les universaux, et tout +ce qui s'y rapporte. Ils peuvent lever et abaisser. +Si la Parole se fait entendre, Mose et l'Empereur +doivent cder.</p> + +<p>Le droit et les lois des Perses et des Grecs +sont tombs en dsutude et abolis. Le droit +romain ou imprial ne tient plus qu' un fil<a name="FNanchor_a64" id="FNanchor_a64" href="#Footnote_a64" class="fnanchor">[a64]</a>. +Car si un empire ou un royaume tombe, ses lois +et ordonnances doivent tomber aussi.</p> + +<p>Je laisse le cordonnier, le tailleur, le juriste +pour ce qu'ils sont. Mais qu'ils n'attaquent point +ma chaire!...</p> + +<p>Beaucoup de gens croient que la thologie +qui est rvle aujourd'hui, n'est rien. Si cela a +lieu de notre vivant, que sera-ce aprs notre +mort? En rcompense beaucoup d'entre nous sont +gros de cette pense dont ils accoucheront plus +tard, que le droit n'est rien.</p> + +<p><i>Sermon contre les juristes, prch le jour des +Rois.</i> Voil comme agissent nos fiers juristes et +chevaliers s-lois de Wittemberg... Ils ne lisent +point nos livres, les appellent catoniques (pour +canoniques), ne s'inquitent pas de notre Seigneur, +et ne visitent point nos glises<a name="FNanchor_r92" id="FNanchor_r92" href="#Footnote_r92" class="fnanchor">[r92]</a>. Eh bien! +puisqu'ils ne reconnaissent point le docteur Pomer +<span class="pagenum" id="Page_143">143</span> +pour vque de Wittemberg, ni moi pour +prdicateur de cette glise, je ne les compte +plus dans mon troupeau.</p> + +<p>Mais, disent-ils, vous allez contre le droit +imprial. J'emm...e ce droit qui fait tort au pauvre +homme.</p> + +<p>Suit un dialogue du juriste avec le plaideur + qui il promet pour dix thalers de faire traner +une affaire dix ans... Bonnes et pieuses gens +comme Reinicke Fuchs, dans le pome du Renard...</p> + +<p>Bon peuple, veuillez agrer les motifs pour +lesquels je veux tre impitoyable envers les juristes<a name="FNanchor_r93" id="FNanchor_r93" href="#Footnote_r93" class="fnanchor">[r93]</a>... +Ils vantent le droit canonique, la m...e +du pape, et le reprsentent comme une chose +magnifique, lorsque nous l'avons, avec tant de +peine, repouss et chass de nos glises... Je te +le conseille, juriste, laisse dormir le vieux dogue<a name="FNanchor_a65" id="FNanchor_a65" href="#Footnote_a65" class="fnanchor">[a65]</a>. +Une fois veill, tu ne le ramnerais pas aisment + la loge.</p> + +<p>Les juristes se plaignent fort, et m'en veulent. +Qu'y puis-je faire? Si je ne devais pas rendre +compte de leurs mes, je ne les chtierais +point. Il dclare pourtant ensuite<a name="FNanchor_a66" id="FNanchor_a66" href="#Footnote_a66" class="fnanchor">[a66]</a> qu'il n'a +point parl des juristes pieux.<a name="FNanchor_a67" id="FNanchor_a67" href="#Footnote_a67" class="fnanchor">[a67]</a></p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_144">CHAPITRE III.</h3> + +<p class="somm">La Foi, la Loi.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p><i>A Gerbellius</i>: Dans cette cohue de scandales, +ne te dmens pas toi-mme. Je te la rends +pour te soutenir, l'pouse (la foi) que tu m'as montre +jadis; je te la rends vierge et sans tache. Mais +ce qu'il y a en elle d'admirable et d'inou, c'est +qu'elle dsire et attire une infinit de rivaux, et +qu'elle est d'autant plus chaste qu'elle est l'pouse +d'un plus grand nombre.</p> + +<hr class="light" /> + +</div> + +<p>Notre rival, Philippe Mlanchton, te salue. +Adieu, sois heureux avec la fiance de ta jeunesse. +(23 janvier 1523).</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_145">145</span> +<i>A Mlanchton.</i> Sois pcheur, et pche fortement, +mais aie encore plus forte confiance, et +rjouis-toi en Christ, qui est le vainqueur du +pch, de la mort et du monde. Il faut pcher, +tant que nous sommes ici. Cette vie n'est point +le sjour de la justice; non, nous attendons, +comme dit Pierre, les cieux nouveaux et la terre +nouvelle o la justice habite.....</p> + +<p>Prie grandement; car tu es un grand pcheur.</p> + +<p>Je suis maintenant tout--fait dans la doctrine +de la rmission des pchs<a name="FNanchor_r94" id="FNanchor_r94" href="#Footnote_r94" class="fnanchor">[r94]</a>. Je n'accorde +rien la Loi ni tous les Diables. Celui qui peut +croire en son cœur la rmission des pchs, +celui-l est sauv.</p> + +<p>De mme qu'il est impossible de rencontrer +dans la nature le point <i>mathmatique</i>, <i>indivisible</i>, +de mme l'on ne trouve nulle part la justice telle +que la Loi la demande. Personne ne peut satisfaire + la Loi entirement, et les juristes eux-mmes, +malgr tout leur art, sont bien souvent obligs de +recourir la rmission des pchs, car ils n'atteignent +pas toujours le but, et quand ils ont +rendu un faux jugement, et que le Diable leur +tourmente la conscience, ni Barthole, ni Baldus, +ni tous leurs autres docteurs ne leur servent de +rien. Pour rsister, ils sont forcs de se couvrir +de l'<ins title="grec: epieikeia">ἐπιείκεια</ins>, +c'est--dire de la rmission des +<span class="pagenum" id="Page_146">146</span> +pchs. Ils font leur possible pour bien juger, et +aprs cela il ne leur reste plus qu' dire: Si j'ai +mal jug, mon Dieu, pardonne-le-moi.—C'est +la thologie seule qui possde le point mathmatique, +elle ne ttonne pas, elle a le Verbe +mme de Dieu. Elle dit: Il n'est qu'une justice, +Jsus-Christ. Qui vit en lui, celui-l est juste.</p> + +<p>La Loi sans doute est ncessaire, mais non +pour la batitude, car personne ne peut l'accomplir; +mais le pardon des pchs la consomme +et l'accomplit<a name="FNanchor_r95" id="FNanchor_r95" href="#Footnote_r95" class="fnanchor">[r95]</a>.</p> + +<p>La Loi est un vrai labyrinthe qui ne peut que +brouiller les consciences, et la justice de la Loi est +un minotaure, c'est--dire une pure fiction qui +ne nous conduit point la batitude, mais nous +attire en enfer.</p> + +<p><i>Addition de Luther une lettre de Mlanchton +sur la Grce et la Loi...</i>—Pour me dlivrer +entirement de la vue de la loi et des œuvres, +je ne me contente pas mme de voir en Jsus-Christ +mon matre, mon docteur et mon donateur, +je veux qu'il soit lui-mme ma doctrine et +mon don, de telle sorte, qu'en lui je possde +toute chose<a name="FNanchor_r96" id="FNanchor_r96" href="#Footnote_r96" class="fnanchor">[r96]</a>. Il dit: Je suis le chemin, la vrit +et la vie, non pas: Je te montre ou je +te donne le chemin, la vrit et la vie, comme +s'il oprait seulement ceci en moi, et que lui-mme +il ft nanmoins en dehors de moi...—Il +<span class="pagenum" id="Page_147">147</span> +n'est qu'un seul point dans toute la thologie: +vraie foi et confiance en Jsus-Christ<a name="FNanchor_r97" id="FNanchor_r97" href="#Footnote_r97" class="fnanchor">[r97]</a>. Cet +article contient tous les autres.—Notre foi est +un soupir inexprimable. Et ailleurs: Nous +sommes nos propres geliers. (C'est--dire que +nous nous enfermons dans nos œuvres, au lieu +de nous lancer dans la foi<a name="FNanchor_r98" id="FNanchor_r98" href="#Footnote_r98" class="fnanchor">[r98]</a>.)</p> + +<p>Le diable veut seulement une justice <i>active</i>, +une justice que nous fassions nous-mmes en +nous, tandis que nous n'en avons qu'une <i>passive</i> +et trangre qu'il ne veut point nous laisser<a name="FNanchor_r99" id="FNanchor_r99" href="#Footnote_r99" class="fnanchor">[r99]</a>. +Si nous tions borns l'<i>active</i>, nous serions +perdus, car elle est dfectueuse dans tous les +hommes.</p> + +<p>Un docteur anglais, Antonius Barns, demandait +au docteur Luther si les chrtiens, justifis +par la foi en Christ, mritaient quelque chose +pour les œuvres qui venaient ensuite<a name="FNanchor_r100" id="FNanchor_r100" href="#Footnote_r100" class="fnanchor">[r100]</a>. Car cette +question tait souvent agite en Angleterre. +Rponse: 1<sup>o</sup> Nous sommes encore pcheurs +aprs la justification; 2<sup>o</sup> Dieu promet rcompense + ceux qui font bien. Les œuvres ne mritent +point le ciel, mais elles ornent la foi qui +nous justifie. Dieu ne couronne que les dons +mmes qu'il nous a faits.</p> + +<p><span class="smcap" lang="la" xml:lang="la">Fidelis anim vox ad Christum.</span> <i lang="la" xml:lang="la">Ego sum +tuum peccatum, tu mea justitia; triumpho igitur securus</i>, etc.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_148">148</span> +Pour rsister au dsespoir, il ne suffit pas +d'avoir de vains mots sur la langue, ni une vaine +et faible opinion; mais il faut qu'on relve la +tte, que l'on prenne une me ferme et que l'on +se confie en Christ contre le pch, la mort, +l'enfer, la Loi et la mauvaise conscience<a name="FNanchor_r101" id="FNanchor_r101" href="#Footnote_r101" class="fnanchor">[r101]</a>.</p> + +<p>Quand la Loi t'accuse et te reproche tes +fautes, ta conscience te dit: Oui, Dieu a donn +la Loi et command de l'observer sous peine de +damnation ternelle; il faut donc que tu sois +damn. A cela tu rpondras: Je sais bien que +Dieu a donn la Loi, mais il a aussi donn par +son fils l'vangile qui dit: Celui qui aura reu le +baptme et qui croira, sera sauv. Cet vangile +est plus grand que toute la Loi, car la Loi est +terrestre et nous a t transmise par un homme; +l'vangile est cleste et nous a t apport par le +Fils de Dieu.—N'importe, dit la conscience, tu +as pch et transgress le commandement de +Dieu; donc tu seras damn.—<i>Rponse</i>: Je sais +fort bien que j'ai pch, mais l'vangile m'affranchit +de mes pchs, parce que je crois en +Jsus, et cet vangile est lev au-dessus de la +Loi autant que le ciel l'est au-dessus de la terre. +C'est pourquoi le corps doit rester sur la terre et +porter le fardeau de la Loi, mais la conscience +monter, avec Isaac, sur la montagne, et s'attacher + l'vangile, qui promet la vie ternelle +<span class="pagenum" id="Page_149">149</span> +ceux qui croient en Jsus-Christ.—N'importe, +dit encore la conscience, tu iras en enfer; tu n'as +pas observ la Loi.—<i>Rponse</i>: Oui, si le ciel +ne venait mon secours; mais il est venu mon +secours, il s'est ouvert pour moi; le Seigneur a +dit: Celui qui sera baptis et qui croira, sera +sauv.</p> + +<p>Dieu dit Mose: Tu verras mon dos, mais +non point mon visage<a name="FNanchor_r102" id="FNanchor_r102" href="#Footnote_r102" class="fnanchor">[r102]</a>. Le dos c'est la Loi, le +visage c'est l'vangile.</p> + +<p>La Loi ne souffre pas la Grce, et son tour +la Grce ne souffre pas la Loi. La Loi est donne +seulement aux orgueilleux, aux arrogans, la +noblesse, aux paysans, aux hypocrites et ceux +qui ont mis leur amour et leur plaisir dans la +multitude des lois. Mais la Grce est promise aux +pauvres cœurs souffrans, aux humbles, aux affligs; +c'est eux que regarde le pardon des pchs. +A la Grce appartiennent matre Nicolas +Hausmann, Cordatus, Philippe (Mlanchton) et +moi.</p> + +<p>Il n'y a point d'auteur, except saint Paul, +qui ait crit d'une manire complte et parfaite +sur la Loi, car c'est la mort de toute raison de +juger la Loi: l'esprit en est le seul juge. +(15 aot 1530.)</p> + +<p>La bonne et vritable thologie consiste dans +la pratique, l'usage et l'exercice. Sa base et son +<span class="pagenum" id="Page_150">150</span> +fondement, c'est le Christ, dont on comprend +avec la foi, la passion, la mort et la rsurrection. +Ils se font aujourd'hui, pour eux, une <i>thologie +spculative</i> d'aprs la raison. Cette <i>thologie spculative</i> +appartient au diable dans l'enfer. Ainsi +Zwingle et les sacramentaires <i>spculent</i> que le +corps du Christ est dans le pain, mais seulement +dans le sens spirituel. C'est aussi la thologie +d'Origne. David n'agit pas ainsi, mais il reconnat +ses pchs et dit: <i lang="la" xml:lang="la">Miserere mei Domine!</i></p> + +<p>J'ai vu nagure deux signes au ciel. Je regardais +par la fentre au milieu de la nuit, et je vis +les toiles et toute la vote majestueuse de Dieu +se soutenir sans que je pusse apercevoir les colonnes +sur lesquelles le Matre avait appuy cette +vote. Cependant elle ne s'croulait pas. Il y en +a maintenant qui cherchent ces colonnes et qui +voudraient les toucher de leurs mains. Mais +comme ils n'y peuvent arriver, ils tremblent, +se lamentent, et craignent que le ciel ne tombe. +Ils pourraient les toucher que le ciel n'en bougerait +pas.</p> + +<p>Plus tard je vis de gros nuages, tout chargs, +qui flottaient sur ma tte comme un ocan. Je +n'apercevais nul appui qui les pt soutenir. +Nanmoins, ils ne tombaient pas, mais nous saluaient +tristement et passaient. Et comme ils +passaient, je distinguai dessous la courbe qui les +<span class="pagenum" id="Page_151">151</span> +avait soutenus, un dlicieux arc-en-ciel. Mince +il tait sans doute, bien dlicat, et l'on devait +trembler pour lui en voyant la masse des nuages. +Cependant cette ligne arienne suffisait pour porter +cette charge et nous protger. Nous en voyons +toutefois qui craignent le poids du nuage, et ne +se fient pas au lger soutien; ils voudraient bien +en prouver la force, et, ne le pouvant, ils +craignent que les nuages ne fondent et ne nous +abment de leurs flots..... Notre arc-en-ciel est +faible, leurs nuages sont lourds. Mais la fin jugera +de la force de l'arc. <i lang="la" xml:lang="la">Sed in fine videbitur +cujus toni.</i><a name="FNanchor_a68" id="FNanchor_a68" href="#Footnote_a68" class="fnanchor">[a68]</a> (aot 1530.)</p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_152">CHAPITRE IV.</h3> + +<p class="somm">Des novateurs: Mystiques, etc.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Le comment nous russit mal, c'est la cause +de la ruine d'Adam.</p> + +<p>Je crains deux choses: l'picurisme et l'enthousiasme, +deux sectes qui doivent rgner encore.</p> + +</div> + +<p>Otez le dcalogue, il n'y a plus d'hrsie. +L'criture sainte est le livre de tous les hrtiques<a name="FNanchor_a69" id="FNanchor_a69" href="#Footnote_a69" class="fnanchor">[a69]</a>.</p> + +<p>Luther nommait les esprits sditieux et prsomptueux, +des saints prcoces qui, avant la maturit, +taient piqus des vers et au moindre vent +tombaient de l'arbre. Les rveurs (schwermer) +<span class="pagenum" id="Page_153">153</span> +sont comme les papillons. D'abord c'est une chenille +qui se pend un mur, s'y fait une petite +maison, clot la chaleur du soleil, et s'envole +en papillon. Le papillon meurt sur un arbre et +laisse une longue trane d'œufs.</p> + +<p>Le docteur Martin Luther disait au sujet des +faux frres et hrtiques qui se sparent de nous, +qu'il fallait les laisser faire et ne pas s'en inquiter; +s'ils ne nous coutent point, nous les enverrons +avec tous leurs beaux semblans en enfer<a name="FNanchor_r103" id="FNanchor_r103" href="#Footnote_r103" class="fnanchor">[r103]</a>.</p> + +<p>Quand je commenai crire contre les indulgences, +je fus pendant trois ans tout seul, et +personne ne me tendait la main<a name="FNanchor_r104" id="FNanchor_r104" href="#Footnote_r104" class="fnanchor">[r104]</a>. Aujourd'hui ils +veulent tous triompher. J'aurais bien assez de +mal avec mes ennemis sans celui que me font mes +bons petits frres. Mais qui peut rsister tous? +ce sont des jeunes gens tout frais, qui n'ont +rien fait jusqu'ici; moi je suis vieux maintenant, +et j'ai eu de grandes peines, de grands travaux. +Osiander peut faire le fier; il a du bon temps; il +a deux prdications faire par semaine et quatre +cents florins par an.</p> + +<p>En 1521, il vint chez moi l'un de ceux de +Zwickau, du nom de Marcus, assez affable dans +ses manires, mais frivole dans ses opinions et +dans sa vie<a name="FNanchor_r105" id="FNanchor_r105" href="#Footnote_r105" class="fnanchor">[r105]</a>. Il voulait confrer avec moi au sujet +de sa doctrine. Comme il ne parlait que de choses +trangres l'criture, je lui dis que je ne reconnaissais +<span class="pagenum" id="Page_154">154</span> +que la parole de Dieu, et que, s'il +voulait tablir autre chose, il devait au moins +prouver sa mission par des miracles. Il me rpondit: +Des miracles? ah! vous en verrez dans +sept ans. Dieu mme ne pourrait m'enlever ma +foi. Il dit aussi: Je vois de suite si quelqu'un +est lu ou non.—Aprs qu'il m'eut beaucoup +parl du <i>talent</i> qu'il ne fallait pas enfouir, du +<i>dgrossissement</i>, de l'<i>ennui</i>, de l'<i>attente</i>, je lui +demandai qui comprenait cette langue. Il me rpondit +qu'il ne prchait que devant les disciples +croyans et habiles. Comment vois-tu qu'ils sont +habiles? lui dis-je.—Je n'ai qu' les regarder, +rpondit-il, pour voir leur <i>talent</i>.—Quel <i>talent</i>, +mon ami, trouves-tu en moi par exemple?—Vous +tes encore au premier degr de la mobilit, +me rpondit-il, mais il viendra un temps +o vous serez au premier de l'immobilit comme +moi.—Sur ce, je lui citai plusieurs textes de +l'criture et nous nous sparmes. Quelque +temps aprs, il m'crivit une lettre trs amicale, +pleine d'exhortations; mais je lui rpondis: +Adieu, cher Marcus.</p> + +<p>Plus tard, il vint chez moi un tourneur qui +se disait aussi prophte. Il me rencontra au moment +o je sortais de ma maison, et me dit d'un +ton hardi: Monsieur le docteur, je vous apporte +un message de mon Pre.—Qui est donc ton +<span class="pagenum" id="Page_155">155</span> +pre? lui dis-je.—Jsus-Christ, rpondit-il.—C'est +notre pre commun, lui dis-je; que t'a-t-il +ordonn de m'annoncer?—Je dois vous annoncer, +de la part de mon pre, que Dieu est irrit +contre le monde.—Qui te l'a dit?—Hier, en +sortant par la porte de Koswick, j'ai vu dans l'air +un petit nuage de feu; cela prouve videmment +que Dieu est irrit<a name="FNanchor_a70" id="FNanchor_a70" href="#Footnote_a70" class="fnanchor">[a70]</a>. Il me parla encore d'un +autre signe. Au milieu d'un sommeil profond, +dit-il, j'ai vu des ivrognes assis table, qui disaient: +Buvons, buvons; et la main de Dieu +tait au-dessus d'eux. Soudain l'un d'eux me versa +de la bire sur la tte et je m'veillai.—coute, +mon ami, lui dis-je alors, ne plaisante pas ainsi +avec le nom et les ordres de Dieu; et je le rprimandai +vivement. Quand il vit dans quelles dispositions +j'tais son gard, il s'en alla tout en +colre et murmurant: Sans doute quiconque +ne pense pas comme Luther est un fou.</p> + +<p>Une autre fois encore, j'eus affaire un +homme des Pays-Bas. Il voulait disputer avec moi +<i>jusqu'au feu inclusivement</i>, disait-il. Quand je +vis son ignorance, je lui dis: Ne vaudrait-il +pas mieux que nous disputassions sur quelques +canettes de bire? Ce mot le fcha, et il s'en +alla. Le diable est un esprit orgueilleux; il ne +saurait souffrir qu'on le mprise.</p> + +<p>Matre Stiefel vint Wittemberg, parla secrtement +<span class="pagenum" id="Page_156">156</span> +avec le docteur Luther, et lui montra son +opinion en vingt articles, sur le jugement dernier<a name="FNanchor_r106" id="FNanchor_r106" href="#Footnote_r106" class="fnanchor">[r106]</a>. +Il pensait que le jugement aurait lieu le +jour de saint Luc. On lui dit de se tenir tranquille +et de n'en point parler; ce qui le chagrina +fort. Cher seigneur docteur, dit-il, je m'tonne +que vous me dfendiez de prcher ceci, et que +vous ne vouliez pas me croire. Il est cependant +sr que je dois en parler, quoique je ne le fasse +point volontiers. Le docteur Luther lui rpliqua: +Cher matre, vous avez bien pu vous taire dix +ans sur ce sujet, pendant le rgne de la papaut; +tenez-vous encore tranquille pour le peu de temps +qui reste.—Mais ce matin mme, comme je me +mettais en marche de bonne heure, j'ai vu un +arc-en-ciel trs beau, et j'ai pens la venue du +Christ.—Non, il n'y aura point alors d'arc-en-ciel; +d'un mme coup le feu du tonnerre consumera +toute crature. Un fort et puissant son +de trompette nous rveillera tous. Ce n'est pas +avec le son du chalumeau que l'on se fera entendre +sur-le-champ ceux qui sont dans la +tombe. (1533.)</p> + +<p>Michel Stiefel croit tre le septime ange qui +annonce le dernier jour<a name="FNanchor_a71" id="FNanchor_a71" href="#Footnote_a71" class="fnanchor">[a71]</a>; il donne ses livres et +ses meubles, comme s'il n'en avait plus besoin.</p> + +<p>Bileas est certainement damn, quoiqu'il ait +eu de bien grandes rvlations, pas moindres +<span class="pagenum" id="Page_157">157</span> +que celles de Daniel; car il embrasse aussi les +quatre empires<a name="FNanchor_r107" id="FNanchor_r107" href="#Footnote_r107" class="fnanchor">[r107]</a>. C'est un terrible exemple pour +les orgueilleux. Oh! humilions-nous.</p> + +<p>Le docteur Jeckel est un compagnon de +l'espce de Eisleben (Agricola)<a name="FNanchor_r108" id="FNanchor_r108" href="#Footnote_r108" class="fnanchor">[r108]</a>. Il faisait la cour +ma nice Anna; mais je lui dis: Cela ne doit +point se faire, dans toute l'ternit! Et la petite +fille: Si tu veux l'avoir, te-toi pour toujours +de devant mes yeux; je ne veux plus te +voir ni t'entendre.</p> + +<p>Le duc Henri de Saxe tant venu Wittemberg, +le docteur Martin Luther lui parla deux +fois contre le docteur Jeckel, et exhorta le prince + songer aux maux de l'glise. Jeckel avait prch +la doctrine suivante: Fais ce que tu veux, crois +seulement, tu seras sauv.—Il faudrait dire: +Quand tu seras <i>ren</i>, et devenu un nouvel +homme, fais alors ce qui se prsente toi. Les +sots ne savent point ce que c'est que la foi... +Un pasteur de Torgau vint se plaindre au docteur +Luther de l'insolence et de l'hypocrisie du +docteur Jeckel, qui, par ses ruses, avait attir + lui tous ceux de la noblesse, du conseil, et le +prince mme. Le docteur l'ayant entendu, frmit, +soupira, se tut, et se mit en prire; et le +mme jour, il ordonna qu'on exiget d'Eisleben +(Agricola), qu'il ft une rtractation publique, +ou qu'il ft publiquement confondu.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_158">158</span> +Le docteur Luther faisant reproche Jeckel +de ce qu'ayant si peu d'exprience, tant si peu +exerc dans la dialectique et la rhtorique, il +osait entreprendre de telles choses contre ses +matres et prcepteurs, il rpondit<a name="FNanchor_r109" id="FNanchor_r109" href="#Footnote_r109" class="fnanchor">[r109]</a>: Je dois +craindre Dieu plus que mes prcepteurs; j'ai un +Dieu aussi bien que vous... Le docteur Jeckel +se mit ensuite table pour souper; il avait l'air +sombre; et le docteur Luther se curait les dents, +ainsi que les convives venus de Freyberg. Alors +Luther se mit dire: Si j'avais rendu la cour +aussi pieuse que vous le monde, j'aurais bien +travaill, etc. Et Jeckel se tenait toujours avec +un air sombre, les yeux baisss, montrant, par +cette contenance, ce qu'il avait en esprit. Enfin +Luther se leva, et voulut sortir; Jeckel aurait +encore bien voulu s'expliquer et discuter +avec lui; mais le docteur ne voulut plus lui +parler.</p> + +<p><i>Des Antinomiens, et particulirement d'Eisleben +(Agricola)<a name="FNanchor_r110" id="FNanchor_r110" href="#Footnote_r110" class="fnanchor">[r110]</a>.</i>—Ah! combien cela fait mal, +quand on perd un bon ami qu'on aimait beaucoup! +J'ai eu cet homme-l ma table; il a t +mon bon compagnon, il riait avec moi, il tait +gai... et voil qu'il se met contre moi!... Cela +n'est point souffrir. Rejeter la loi sans laquelle +il n'y a ni glise, ni gouvernement, cela ne s'appelle +pas percer le tonneau, mais le dfoncer.... +<span class="pagenum" id="Page_159">159</span> +C'est le moment de combattre... Puis-je le voir +s'enorgueillir pendant ma vie, et vouloir gouverner?... +Il ne suffit pas qu'il dise, pour s'excuser, +qu'il n'a parl que du docteur Creuziger et de +matre Roerer. Le Catchisme, l'Explication du +dcalogue et la Confession d'Augsbourg, sont +miens, et non point Creuziger ou Roerer... Il +veut enseigner la pnitence par l'amour de la justice. +Ainsi, il ne prche qu'aux hommes justes et +pieux la rvlation du courroux divin. Il ne prche +pas pour les impies. Cependant saint Paul dit: +<i>La Loi est donne aux injustes</i>. En somme, en +tant la Loi, il te aussi l'vangile; il tire notre +croyance du ferme appui de la conscience, pour +la soumettre aux caprices de la chair.</p> + +<p>Qui aurait pens la secte des antinomiens<a name="FNanchor_r111" id="FNanchor_r111" href="#Footnote_r111" class="fnanchor">[r111]</a>?... +J'ai surmont trois cruels orages: Mnzer, les +sacramentaires et les anabaptistes. Il faudra donc +crire sans fin! Je ne dsire pas vivre long-temps, +car il n'y a plus de paix esprer. (1538.)</p> + +<p>Le docteur Luther ordonna matre Ambroise +Bernd d'apprendre aux professeurs de l'universit + ne point tre factieux, ne point prparer +de schisme, et il dfendit que matre Eisleben ft +lu doyen... Dites cela vos facultistes, et s'ils +n'en font rien, je prcherai contre eux. (1539.)</p> + +<p>Le dernier jour de novembre, Luther tait +en joie et en gat avec ses cousins, son frre, sa +<span class="pagenum" id="Page_160">160</span> +sœur, et quelques bons amis de Mansfeld. On +fit mention de matre Grickel, et ils le priaient +pour lui. Le docteur rpondit: J'ai tenu cet +homme-l pour mon plus fidle ami; mais il m'a +tromp par ses ruses, j'crirai bientt contre lui; +qu'il y prenne garde; il n'y a en lui aucune pnitence. +(1538.)</p> + +<p>J'ai eu tant de confiance en cet homme-l +(Eisleben), que, lorsque j'allai Smalkalde, +en 1537, je lui recommandai ma chaire, mon +glise, ma femme, mes enfans, ma maison, +tout ce que j'avais de secret<a name="FNanchor_r112" id="FNanchor_r112" href="#Footnote_r112" class="fnanchor">[r112]</a>.</p> + +<p>Le dernier jour de janvier, 1539, au soir, le +docteur Luther lut les propositions qu'Eisleben +allait soutenir contre lui; il y avait mis je ne sais +quelles absurdits de Sal et de Jonathas (J'ai +mang un peu de miel et c'est pour cela que je +meurs). Jonathas, dit Luther, c'est matre Eisleben +qui mange le miel et prche l'vangile; Sal, +c'est Luther... Ah! Eisleben, es-tu donc un tel... +Oh! Dieu te pardonne ton amertume!</p> + +<p>Si la Loi est ainsi renvoye de l'glise au conseil, + l'autorit civile, celle-ci dira son tour: +Nous sommes aussi de fidles chrtiens, la Loi ne +nous regarde point. Le bourreau finira par en dire +autant. Il n'y aura plus que grce, douceur, et +bientt caprices effrns et sclratesse. Ainsi +commena Mnzer.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_161">161</span> +En 1540, Luther donna un repas auquel assistrent +les principaux membres de l'Universit<a name="FNanchor_r113" id="FNanchor_r113" href="#Footnote_r113" class="fnanchor">[r113]</a>. +Vers la fin du repas, quand tout le monde fut +en belle humeur, un verre cercles de couleurs +fut apport. Luther y versa du vin et le vida + la sant des convives. Ceux-ci lui rendirent +son salut en vidant le verre chacun son tour, +la sant de leur hte. Quand ce fut le tour de +matre Eisleben, Luther lui prsenta le verre en +disant: Mon cher, ce qui, dans ce verre, est +au-dessus du premier cercle, ce sont les dix commandemens; +de l jusqu'au second, c'est le <i>credo</i>; +jusqu'au troisime c'est le <i>pater noster</i>; le catchisme +est au fond. Puis il le vida lui-mme, +le fit remplir de nouveau et le donna matre +Eisleben. Celui-ci n'alla point au-del du premier +cercle, il remit le verre sur la table et ne le +put regarder sans une espce d'horreur. Luther +le vit, et il dit aux convives: Je savais bien +que matre Eisleben ne boirait qu'aux Commandemens, +et qu'il laisserait le <i>credo</i>, le <i>pater noster</i> +et le catchisme.</p> + +<p>Matre Jobst tant la table de Luther, lui +montra des propositions d'aprs lesquelles on +ne devait point prcher la Loi, puisque ce n'est +pas elle qui nous justifie<a name="FNanchor_r114" id="FNanchor_r114" href="#Footnote_r114" class="fnanchor">[r114]</a>. Luther s'emporta et +dit: Faut-il que les ntres commencent de +telles choses, mme de notre vivant. Ah! combien +<span class="pagenum" id="Page_162">162</span> +nous devons honorer matre Philippe (Mlanchton), +qui enseigne avec clart et vrit +l'usage et l'utilit de la Loi. Elle se vrifie, la +prophtie du comte Albert de Mansfeld qui m'crivait: +<i>Il y a derrire cette doctrine un Mnzer</i>. +En effet celui qui dtruit la doctrine de la Loi, +dtruit en mme temps <i lang="la" xml:lang="la">politicam et œconomiam</i>. Si +l'on met la Loi en dehors de l'glise, il n'y aura +plus de pch reconnu dans le monde: car l'vangile +ne dfinit et ne punit le pch qu'en recourant + la Loi. (1541.)</p> + +<p>Si, au commencement, j'ai dans ma doctrine +parl et crit si durement contre la Loi, cela est +venu de ce que l'glise chrtienne tait charge +de superstitions, sous lesquelles Christ tait +tout--fait obscurci et enterr<a name="FNanchor_r115" id="FNanchor_r115" href="#Footnote_r115" class="fnanchor">[r115]</a>. Je voulais sauver +et affranchir de cette tyrannie de la conscience +les mes pieuses et craignant Dieu. Mais je n'ai +jamais rejet la Loi...<a name="FNanchor_a72" id="FNanchor_a72" href="#Footnote_a72" class="fnanchor">[a72]</a></p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_163">CHAPITRE V.</h3> + +<p class="somm">Tentations: Regrets et doutes des amis, de la femme; Doutes +de Luther lui-mme.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Matre Philippe Mlanchton dit un jour la +fable suivante la table du docteur Martin Luther<a name="FNanchor_r116" id="FNanchor_r116" href="#Footnote_r116" class="fnanchor">[r116]</a>: +Un homme avait pris un petit oiseau, et +le petit oiseau aurait bien voulu tre libre, et il +disait l'homme: O mon bon ami, lche-moi, +je te montrerai une belle perle qui vaut bien des +milliers de florins! Tu me trompes, dit l'homme. +Oh non! aie confiance, viens avec moi, je vais +te la montrer. L'homme lche l'oiseau, qui se +perche sur un arbre et lui chante: <i lang="la" xml:lang="la">Crede parm, +tua serva, et qu perire, relinque</i> (ne te confie +<span class="pagenum" id="Page_164">164</span> +pas trop, garde bien le tien, laisse ce qui est +perdu sans retour). C'tait en effet une belle +perle qu'il lui laissait.</p> + +</div> + +<p>Philippe me demandait une fois que je voulusse +lui tirer de la Bible une devise, mais telle +qu'il ne s'en lasst point<a name="FNanchor_r117" id="FNanchor_r117" href="#Footnote_r117" class="fnanchor">[r117]</a>. On ne peut rien donner + l'homme dont il ne se lasse.</p> + +<p>Si Philippe n'et pas t si afflig par les +tentations, il aurait des ides et des opinions +singulires<a name="FNanchor_r118" id="FNanchor_r118" href="#Footnote_r118" class="fnanchor">[r118]</a>.</p> + +<p>Le paradis de Luther est trs grossier. Il croit +que, dans le nouveau ciel et la nouvelle terre, il +y aura aussi des animaux utiles<a name="FNanchor_r119" id="FNanchor_r119" href="#Footnote_r119" class="fnanchor">[r119]</a>. Je pense souvent + la vie ternelle et aux joies que l'on doit y +trouver, mais je ne puis comprendre quoi nous +y passerons le temps, car il n'y aura aucun changement, +aucun travail, ni boire, ni manger, ni +affaire; mais je pense que nous aurons assez +d'objets contempler. Sur cela, Philippe Mlanchton +dit trs bien: Matre, montrez-nous le +Pre; cela nous suffit.</p> + +<p>Les paysans ne sont pas dignes de tant de +fruits que porte la terre<a name="FNanchor_r120" id="FNanchor_r120" href="#Footnote_r120" class="fnanchor">[r120]</a>. Je remercie plus notre +Seigneur pour un arbre que tous les paysans +pour tous leurs champs. Ah! <i lang="la" xml:lang="la">domine doctor</i>, dit +Mlanchton, exceptez-en quelques-uns, tels +qu'Adam, No, Abraham, Isaac.</p> + +<p>Le docteur Jonas disait souper: Ah! +<span class="pagenum" id="Page_165">165</span> +comme saint Paul parle magnifiquement de sa +mort. Je ne puis pourtant le croire<a name="FNanchor_r121" id="FNanchor_r121" href="#Footnote_r121" class="fnanchor">[r121]</a>.—Il me semble +aussi, dit le docteur Luther, que saint Paul lui-mme +ne pouvait penser sur cette matire avec +autant de force qu'il parlait; moi-mme, malheureusement, +je ne puis sur cet article croire aussi +fortement que prcher, parler et crire, aussi +fortement que d'autres gens s'imaginent que je +crois. Et il ne serait peut-tre pas bon que nous +fissions tout ce que Dieu commande, car c'en +serait fait de sa divinit; il se trouverait menteur, +et ne pourrait rester vridique dans ses +paroles.</p> + +<p>Un mchant et horrible livre contre la sainte +Trinit ayant t publi par l'impression, en 1532, +le docteur Martin Luther dit<a name="FNanchor_r122" id="FNanchor_r122" href="#Footnote_r122" class="fnanchor">[r122]</a>: Ces esprits chimriques +ne croient pas que d'autres gens aient +eu aussi des tentations sur cet article. Mais pourquoi +opposer ma pense la parole de Dieu et +au Saint-Esprit (<i lang="la" xml:lang="la">opponere meam cogitationem verbo +Dei, et spiritui sancto</i>)? Cette opposition ne soutient +pas l'examen.</p> + +<p>La femme du docteur lui disait<a name="FNanchor_r123" id="FNanchor_r123" href="#Footnote_r123" class="fnanchor">[r123]</a>: Seigneur +docteur, d'o vient que sous la papaut nous +priions si souvent et avec tant de ferveur, tandis +qu'aujourd'hui notre prire est tout--fait +froide, et nous prions rarement? Le docteur +rpondit: Le diable pousse sans cesse ses +<span class="pagenum" id="Page_166">166</span> +serviteurs pratiquer diligemment son culte.</p> + +<p>Le docteur Martin Luther exhortait sa femme + lire et couter avec soin la parole de Dieu, particulirement +le psautier<a name="FNanchor_r124" id="FNanchor_r124" href="#Footnote_r124" class="fnanchor">[r124]</a>. Elle rpondit qu'elle +l'coutait suffisamment, et en lisait chaque jour; +qu'elle pourrait mme, s'il plaisait Dieu, en +rpter beaucoup de choses. Le docteur soupira +et dit: Ainsi commence le dgot de la parole +de Dieu. C'est le signe d'un mal futur. Il viendra +de nouveaux livres, et la sainte criture sera +mprise, jete dans un coin, et comme on dit: +sous la table.</p> + +<p>Luther demandait sa femme si elle aussi +croyait qu'elle ft sainte? Elle s'en tonna, et +dit: Comment puis-je tre sainte, je suis une +grande pcheresse. Il dit alors: Voyez pourtant +l'horreur de la doctrine papale, comme elle +a bless les cœurs et proccup tout l'homme +intrieur. Ils ne sont plus capables de rien voir, +hors la pit et la saintet personnelle et extrieure +des œuvres que l'homme mme fait pour +soi.</p> + +<p>Le <i>Pater noster</i> et la foi, me rassurent contre +le diable<a name="FNanchor_r125" id="FNanchor_r125" href="#Footnote_r125" class="fnanchor">[r125]</a>. Ma petite Madeleine et mon petit Jean +prient en outre pour moi, ainsi que beaucoup +d'autres chrtiens... J'aime ma Catherine, je +l'aime plus que moi-mme, car je voudrais mourir +plutt que de lui voir arriver du mal elle +<span class="pagenum" id="Page_167">167</span> +et ses enfans; j'aime aussi mon Seigneur Jsus-Christ +qui, par pure misricorde, a vers son +sang pour moi; mais ma foi devrait tre beaucoup +plus grande et plus vive. O mon Dieu! ne +juge point ton serviteur<a name="FNanchor_r126" id="FNanchor_r126" href="#Footnote_r126" class="fnanchor">[r126]</a>!</p> + +<p>Ce qui ne contribue pas peu affliger et +tenter les cœurs, c'est que Dieu semble capricieux +et changeant. Il a donn Adam des promesses +et des crmonies, et cela a fini avec +l'arc-en-ciel et l'arche de No. Il a donn +Abraham la circoncision, Mose des signes miraculeux, + son peuple la Loi; mais au Christ, et +par le Christ, l'vangile, qui est considr comme +annulant tout cela. Et voil que les Turcs effacent +cette voix divine, et disent: Votre loi durera +bien quelque temps, mais elle finira par tre +change. (Luther n'ajoute aucune rflexion.)</p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_168">CHAPITRE VI.</h3> + +<p class="somm">Le diable.—Tentations.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Une fois, dans notre clotre Wittemberg, +j'ai entendu distinctement le bruit que faisait +le diable. Comme je commenais lire le psautier, +aprs avoir chant matines, que j'tais assis, +que j'tudiais et que j'crivais pour ma leon, +le diable vint et fit trois fois du bruit +derrire mon pole, comme s'il en et tran un +boisseau. Enfin, comme il ne voulait point finir, +je rassemblai mes petits livres et allai me mettre +au lit... Je l'entendis encore une nuit au-dessus +de ma chambre dans le clotre; mais comme je +<span class="pagenum" id="Page_169">169</span> +remarquai que c'tait le diable, je n'y fis pas +attention et me rendormis.</p> + +</div> + +<p>Une jeune fille qui tait l'amie du vieil conome + Wittemberg, se trouvant malade, il se +prsenta elle une vision comme si c'et t le +Christ sous une forme belle et magnifique; elle y +crut et se mit prier cette figure<a name="FNanchor_r127" id="FNanchor_r127" href="#Footnote_r127" class="fnanchor">[r127]</a>. On envoya en +hte au clotre chercher le docteur Luther. Lorsqu'il +et vu la figure, qui n'tait qu'un jeu et +une singerie du diable, il exhorta la fille ne pas +se laisser duper ainsi. En effet, ds qu'elle eut +crach au visage du fantme, le diable disparut, +la figure se changea en un grand serpent qui courut + la fille et la mordit l'oreille, de sorte que +le sang coula. Le serpent s'vanouit bientt. Le +docteur Luther vit la chose de ses propres yeux, +avec beaucoup d'autres personnes. (L'diteur des +Conversations ne dit point tenir cette histoire de +Luther.)</p> + +<p>Un pasteur des environs de Torgau se plaignait + Luther que le diable faisait la nuit, un bruit, +un tumulte et un renversement extraordinaires +dans sa maison, qu'il lui cassait ses pots et sa +vaisselle de bois, lui jetait les morceaux la tte, +et riait ensuite. Il faisait ce mange depuis un +an, et ni sa femme, ni ses enfans ne voulaient +plus rester dans la maison<a name="FNanchor_r128" id="FNanchor_r128" href="#Footnote_r128" class="fnanchor">[r128]</a>. Luther dit au pasteur: +Cher frre, sois fort dans le Seigneur, +<span class="pagenum" id="Page_170">170</span> +ne cde point ce meurtrier de diable. Si l'on +n'a point invit et attir cet hte chez soi par ses +pchs, on peut lui dire: <i lang="la" xml:lang="la">Ego auctoritate divin +hic sum pater familias et vocatione cœlesti pastor +ecclesi</i>; mais toi, diable, tu te glisses dans +cette maison comme un voleur et un meurtrier. +Pourquoi ne restes-tu pas dans le ciel? Qui t'a +invit ici?</p> + +<p><i>Sur une possde.</i> Puisque ce diable est un +esprit jovial, et qu'il se moque de nous tout +son aise, il nous faut d'abord prier srieusement +pour la jeune fille qui souffre ainsi cause de nos +pchs. Ensuite il faut mpriser cet esprit et s'en +rire, mais ne pas aller l'prouver par des exorcismes +et autres choses srieuses, parce que la +superbe diabolique se rit de tout cela. Persvrons +dans la prire pour la jeune fille et +dans le mpris pour le diable, et enfin, avec la +grce du Christ, il se retirera. Il serait bon aussi +que les princes voulussent rformer leurs vices, +dans lesquels cet esprit malin nous montre qu'il +triomphe. Je te prie, puisque c'est une chose digne +d'tre publie, de t'informer exactement de +toutes les circonstances; pour carter toute +fraude, assure-toi si les pices d'or que cette fille +avale sont de vraies pices d'or, et de bon aloi. +Car j'ai t jusqu' prsent obsd de tant de +fourberies, de ruses, de machinations, de mensonges, +<span class="pagenum" id="Page_171">171</span> +d'artifices, que je ne me prte plus aisment + rien croire que je n'aie vu faire et dire. +(5 aot 1536.)</p> + +<p>Que ce pasteur n'ait pas la conscience trouble +de ce qu'il a enseveli cette femme qui s'tait +tue elle-mme, si toutefois elle s'est tue. +Je connais beaucoup d'exemples semblables, +mais je juge ordinairement que les gens ont t +tus simplement et immdiatement par le diable, +comme un voyageur est tu par un brigand. Car, +lorsqu'il est vident que le suicide n'a pu avoir +lieu naturellement, quand il s'agit d'une corde, +d'une ceinture ou (comme dans le cas dont tu me +parles) d'un voile pendant et sans nœud, qui ne +tuerait pas mme une mouche, il faut croire, selon +moi, que c'est le diable qui fascine les hommes +et leur fait croire qu'ils font toute autre chose, par +exemple une prire; et cependant le diable les tue. +Nanmoins le magistrat fait bien de punir avec la +mme svrit, de peur que Satan ne prenne +courage pour s'introduire. Le monde mrite bien +de tels avertissemens, puisqu'il picurise et pense +que le dmon n'est rien. (1<sup>er</sup> dcembre 1544.)</p> + +<p>Satan a voulu tuer notre prieur, en jetant sur +lui un pan de mur. Mais Dieu l'a miraculeusement +sauv. (4 juillet 1524.)</p> + +<p>Les fous, les boiteux, les aveugles, les +muets sont des hommes chez qui les dmons se +<span class="pagenum" id="Page_172">172</span> +sont tablis. Les mdecins qui traitent ces infirmits, +comme ayant des causes naturelles, sont +des ignorans qui ne connaissent point toute la +puissance du dmon. (14 juillet 1528.)</p> + +<p>Il y a des lieux dans beaucoup de pays, o +habitent les diables<a name="FNanchor_r129" id="FNanchor_r129" href="#Footnote_r129" class="fnanchor">[r129]</a>. La Prusse a grand nombre +de mauvais esprits. En Suisse, non loin de Lucerne, +sur une haute montagne, il y a un lac +qu'on appelle l'tang de Pilate; le diable y est +tabli d'une manire terrible. Dans mon pays, +il y a un tang situ de mme. Si l'on y jette une +pierre, il s'lve un grand orage, et tout le pays +tremble l'entour. C'est une habitation de diables +qui y sont prisonniers.</p> + +<p>Le diable a emport Sussen, le jour du +vendredi saint, trois cuyers qui s'taient vous + lui.(1538.)</p> + +<p>Un jour de grand orage, Luther disait: C'est +le diable qui fait ce temps-l; les vents ne sont +autre chose que de bons ou de mauvais esprits. +Le diable respire et souffle<a name="FNanchor_r130" id="FNanchor_r130" href="#Footnote_r130" class="fnanchor">[r130]</a>.</p> + +<p>Deux nobles avaient jur de se tuer l'un +l'autre (du temps de Maximilien). Le diable ayant +tu l'un d'eux dans son lit avec l'pe de l'autre, +le survivant fut amen sur la place publique. On +enleva la terre couverte par son ombre, et on le +bannit du pays. C'est ce qui s'appelle <i lang="la" xml:lang="la">mors civilis</i>. +<span class="pagenum" id="Page_173">173</span> +Le docteur Grgoire Bruck, chancelier de Saxe, +fit ce rcit Luther.</p> + +<p>Suivent deux histoires de gens avertis d'avance +qu'ils seraient emports par le diable, et qui, <i>quoiqu'ils +eussent reu le saint sacrement, et qu'ils fussent +gards avec des cierges par leurs amis</i> en prires, +n'en furent pas moins emports au jour et +l'heure marqus<a name="FNanchor_r131" id="FNanchor_r131" href="#Footnote_r131" class="fnanchor">[r131]</a>. Il a bien crucifi notre Seigneur +lui-mme. Mais, pourvu qu'il n'emporte +pas l'me, tout va bien.</p> + +<p>Le diable promne les gens dans leur sommeil +de ct et d'autre, de sorte qu'ils font toute +chose comme s'ils veillaient<a name="FNanchor_r132" id="FNanchor_r132" href="#Footnote_r132" class="fnanchor">[r132]</a>. Autrefois les papistes, +comme gens superstitieux, disaient que +de tels hommes devaient ne pas avoir t bien +baptiss, ou qu'ils l'avaient peut-tre t par un +prtre ivre.</p> + +<p>Aux Pays-Bas et en Saxe, un chien monstrueux +sent les gens qui doivent mourir, et rde +autour<a name="FNanchor_r133" id="FNanchor_r133" href="#Footnote_r133" class="fnanchor">[r133]</a>...</p> + +<p>Les moines conduisaient chez eux un possd<a name="FNanchor_r134" id="FNanchor_r134" href="#Footnote_r134" class="fnanchor">[r134]</a>. +Le diable qui tait en lui, dit aux moines: +O mon peuple, que t'ai-je fait! <i lang="la" xml:lang="la">Popule meus, +quid feci tibi?</i></p> + +<p>On racontait la table de Luther qu'un jour, +dans une cavalcade de gentilshommes, l'un d'eux +s'tait cri en piquant des deux: Au diable le +dernier! Comme il avait deux chevaux, il en +<span class="pagenum" id="Page_174">174</span> +lcha un; et celui-ci, restant le dernier, le +diable l'emporta avec lui dans les airs<a name="FNanchor_r135" id="FNanchor_r135" href="#Footnote_r135" class="fnanchor">[r135]</a>. Luther +dit cette occasion: Il ne faut pas convier +Satan notre table. Il vient sans avoir t pri. +Tout est plein de diables autour de nous; nous-mmes, +qui veillons et qui prions journellement, +nous avons assez affaire lui.</p> + +<p>Un vieux cur, faisant un jour sa prire, +entendit derrire lui le diable qui voulait l'en +empcher, et qui grognait comme aurait fait tout +un troupeau de porcs<a name="FNanchor_r136" id="FNanchor_r136" href="#Footnote_r136" class="fnanchor">[r136]</a>. Le vieux cur, sans se +laisser effrayer, se retourna et lui dit: Matre +diable, il t'est bien advenu ce que tu mritais; +tu tais un bel ange, et te voil maintenant un +vilain porc. Aussitt les grognemens cessrent, +car le diable ne peut souffrir qu'on le mprise... +La foi le rend faible comme un enfant.</p> + +<p>Le diable redoute la parole de Dieu. Il ne la +peut mordre; il s'y brche les dents.</p> + +<p>Un jeune vaurien, sauvage et emport, buvait +un jour avec quelques compagnons dans un +cabaret. Quand il n'eut plus d'argent, il dit que +s'il se trouvait quelqu'un qui lui payt un bon +cot, il lui vendrait son me. Peu aprs, un +homme entra dans le cabaret, se mit boire avec +le vaurien, et lui demanda s'il tait vritablement +prt vendre son me. Celui-ci rpondit hardiment +oui, et l'homme lui paya boire toute la +<span class="pagenum" id="Page_175">175</span> +journe. Sur le soir, quand le garon fut ivre, +l'inconnu dit aux autres qui taient dans le cabaret: +Messieurs, qu'en pensez-vous? si +quelqu'un achte un cheval, la selle et la bride +ne lui appartiennent-elles pas aussi? Les assistans +s'effrayrent beaucoup ces mots, et ne +voulurent d'abord pas rpondre, mais, comme +l'tranger les pressait, ils dirent la fin: +Oui, la selle et la bride sont aussi lui. Aussitt +le diable (car c'tait lui), saisit le mauvais +sujet et l'emporta avec lui travers le plafond, +de sorte que l'on n'a jamais su ce qu'il est devenu.</p> + +<p>Une autre fois, Luther raconta l'histoire d'un +soldat, qui avait dpos de l'argent chez son +hte, dans le Brandebourg<a name="FNanchor_r137" id="FNanchor_r137" href="#Footnote_r137" class="fnanchor">[r137]</a>. Cet hte, quand le +soldat lui redemanda son argent, nia d'avoir rien +reu. Le soldat furieux se jeta sur lui, et le maltraita, +mais le fourbe le fit arrter par la justice +et l'accusa d'avoir viol la <i>paix domestique</i> (<i lang="de" xml:lang="de">hausfriede</i>). +Pendant que le soldat tait en prison, +le diable vint chez lui et lui dit: Demain tu +seras condamn mort et excut. Si tu me vends +ton corps et ton me, je te dlivre. Le soldat +n'y consentit point. Alors le diable lui dit: Si +tu ne veux pas, coute au moins le conseil que +je te donne. Demain, quand tu seras devant les +juges, je me tiendrai prs de toi, en bonnet bleu +<span class="pagenum" id="Page_176">176</span> +avec une plume blanche. Demande alors aux juges +qu'ils me laissent plaider ta cause, et je te tirerai +de l. Le lendemain, le soldat suivit le conseil +du diable, et comme l'hte persistait nier, l'avocat +en bonnet bleu lui dit: Mon ami, comment +peux-tu ainsi te parjurer? L'argent du +soldat se trouve dans ton lit, sous le traversin. +Seigneurs chevins, envoyez-y et vous verrez que +je dis vrai. Quand l'hte entendit cela, il s'cria +avec un gros jurement: Si j'ai reu l'argent, je +veux que le diable m'enlve sur l'heure. Mais +les sergens envoys l'auberge trouvrent l'argent + la place indique, et l'apportrent devant +le tribunal. Alors l'homme au bonnet bleu dit +en ricanant: Je savais bien que j'aurais l'un +des deux, le soldat ou l'aubergiste. Il tordit le +cou celui-ci et l'emporta dans les airs.—Luther, +ayant cont l'histoire, ajouta qu'il n'aimait +pas qu'on jurt par le diable, comme +faisaient beaucoup de gens, car, disait-il, le +mauvais drle n'est pas loin; l'on n'a pas besoin +de le peindre sur les murs pour qu'il soit prsent.</p> + +<p>Il y avait Erfurth deux tudians, dont l'un +aimait si fort une jeune fille, qu'il en serait devenu +bientt fou<a name="FNanchor_r138" id="FNanchor_r138" href="#Footnote_r138" class="fnanchor">[r138]</a>. L'autre, qui tait sorcier, +sans que son camarade en st rien, lui dit: Si +tu promets de ne point lui donner un baiser et +<span class="pagenum" id="Page_177">177</span> +de ne point la prendre dans tes bras, je ferai +en sorte qu'elle vienne te trouver. Il la fit venir +en effet. L'amant, qui tait un beau jeune +homme, la reut avec tant d'amour, et il lui parlait +si vivement, que le sorcier craignait toujours +qu'il ne l'embrasst; enfin il ne put se contenir. +A l'instant mme elle tomba et mourut. Quand +ils la virent morte, ils eurent grand'peur, et le +sorcier dit: Employons notre dernire ressource. +Il fit si bien, que le diable la reporta +chez elle, et qu'elle continua de faire tout ce +qu'elle faisait auparavant dans la maison; mais +elle tait fort ple et ne parlait point. Au bout +de trois jours, les parens allrent trouver les +thologiens, et leur demandrent ce qu'il fallait +faire. A peine ceux-ci eurent-ils parl fortement + la fille, que le diable se retira d'elle; le cadavre +tomba raide avec une grande puanteur<a name="FNanchor_a73" id="FNanchor_a73" href="#Footnote_a73" class="fnanchor">[a73]</a>.</p> + +<p>Le docteur Luc Gauric, le sorcier que vous +avez fait venir d'Italie, m'a souvent avou que +son matre conversait avec le diable<a name="FNanchor_r139" id="FNanchor_r139" href="#Footnote_r139" class="fnanchor">[r139]</a>.</p> + +<p>Le diable peut se changer en homme ou +en femme pour tromper, de telle manire qu'on +croit tre couch avec une femme en chair et +en os, et qu'il n'en est rien; car, suivant le +mot de saint Paul, le diable est bien fort avec +les fils de l'impit<a name="FNanchor_r140" id="FNanchor_r140" href="#Footnote_r140" class="fnanchor">[r140]</a>. Comme il en rsulte souvent +des enfans ou des diables, ces exemples +<span class="pagenum" id="Page_178">178</span> +sont effrayans et horribles. C'est ainsi que ce +qu'on appelle le <i>nix</i>, attire dans l'eau les vierges +ou les femmes pour crer des diablotins. Le +diable peut aussi drober des enfans; quelquefois +dans les six premires semaines de leur +naissance, il enlve leur mre ces pauvres cratures +pour en substituer leur place d'autres, +nomms <i>supposititii</i>, et par les Saxons, <i>kilkropff</i>.</p> + +<p>Il y a huit ans, j'ai vu et touch moi-mme + Dessau un enfant qui n'avait pas de parens, et +qui venait du diable. Il avait douze ans, et tait +tout--fait conform comme un enfant ordinaire. +Il ne faisait que manger, et mangeait autant que +quatre paysans ou batteurs en grange. Il faisait +aussi tous ses besoins. Mais quand on le touchait, +il criait comme un possd; s'il arrivait quelque +accident malheureux dans la maison, il s'en +rjouissait et riait; si, au contraire tout allait +bien, il pleurait continuellement. Je dis aux +princes d'Anhalt avec qui j'tais: Si j'avais +commander ici, je ferais jeter cet enfant dans +la Moldau, au risque de m'en faire le meurtrier. +Mais l'lecteur de Saxe et les princes n'taient +pas de mon opinion. Je leur dis alors de faire +prier Dieu dans l'glise pour qu'il enlevt le dmon. +On rpta ces prires tous les jours pendant +une anne, et aprs ce temps l'enfant mourut. +<span class="pagenum" id="Page_179">179</span> +Quand le docteur eut racont cette histoire, +quelqu'un lui demanda pourquoi il aurait voulu +jeter cet enfant l'eau. C'est, rpondit-il, que +les enfans de cette espce ne sont autre chose, + mon sens, qu'une masse de chair, sans me. +Le diable est bien capable de produire de ces +choses; tout ainsi qu'il anantit les facults des +hommes, quand il les possde corporellement, +de manire leur enlever la raison et les rendre +sourds et aveugles pour quelque temps, de +mme il habite dans ces masses de chair et est +lui-mme leur me.—Il faut que le diable soit +bien puissant pour tenir ainsi nos esprits prisonniers. +Origne, ce me semble, n'a pas assez +compris cette puissance; autrement il n'aurait +point pens que le diable pourra obtenir grce +au Jugement dernier. Quel horrible pch de se +rvolter ainsi sciemment contre son Dieu, son +crateur!</p> + +<p>En Saxe, prs de Halberstadt, il y avait un +homme qui avait un <i>kilkropff</i>. Cet enfant pouvait +puiser sa mre et cinq autres femmes en les +ttant, et il dvorait outre cela tout ce qu'on lui +prsentait. On donna l'homme le conseil de +faire un plerinage Holckelstadt, de vouer son +<i>kilkropff</i> la Vierge Marie, et de le faire bercer +en cet endroit. L'homme suivit cet avis, et il emporta +son enfant dans un panier; mais, en passant +<span class="pagenum" id="Page_180">180</span> +sur un pont, un autre diable, qui tait dans +la rivire, se mit crier: <i>Kilkropff! kilkropff!</i> +L'enfant, qui tait dans le panier, et qui n'avait +jamais encore prononc un seul mot, rpondit: +Oh! oh! oh! Le diable de la rivire lui demanda +ensuite: O vas-tu? L'enfant du panier rpondit: +Je m'en vais Holckelstadt, notre Mre +bien-aime, pour me faire bercer. Le paysan, +trs effray, jeta l'enfant et le panier dans la rivire; +sur quoi les deux diables se mirent +s'envoler ensemble. Ils crirent: Oh! oh! oh! +firent quelques cabrioles l'un par-dessus l'autre +et s'vanouirent.</p> + +<p>Luther, en sortant un dimanche de l'glise +du chteau o il avait prch, rencontra un +landsknecht qui s'adressa lui, se plaignant des +tentations continuelles qu'il avait essuyer de la +part du diable, disant qu'il venait souvent lui +et le menaait de l'enlever dans les airs. Pendant +qu'il parlait ainsi, le docteur Pomer, qui passait +par ce chemin, s'approcha aussi de lui et +aida Luther le consoler. Ne dsesprez pas, +lui disaient-ils, car malgr ces tentations du +diable, vous n'tes point lui. Notre Seigneur +Jsus-Christ a aussi t tent par lui, mais +il l'a surmont par la parole de Dieu. Dfendez-vous +de mme par la parole de Dieu et par la +prire. Luther ajouta: Si le diable te tourmente +<span class="pagenum" id="Page_181">181</span> +et te menace de t'emmener, rponds-lui: +Je suis Jsus-Christ, qui est mon +Seigneur; c'est en lui que je crois, et c'est auprs +de lui que je serai un jour. Il a dit lui-mme +qu'aucune puissance ne pourra enlever les +chrtiens de sa main. Pense plutt Dieu qui +est au ciel qu'au diable, et cesse de t'effrayer de +ses ruses. Je sais bien qu'il serait fort aise de +t'enlever, mais il ne le peut. Il est comme le +voleur qui voudrait bien mettre la main sur le +coffre-fort du riche; la volont ne lui manque +pas, mais le pouvoir. De mme Dieu ne permettra +pas au diable de te faire du mal. coute +fidlement la parole divine, prie avec ferveur, +travaille, ne sois pas trop souvent seul, et tu +verras que Dieu te dlivrera de Satan et te conservera +dans son troupeau.</p> + +<p>Un jeune ouvrier, marchal ferrant de son +tat, prtendait tre poursuivi par un spectre +travers toutes les rues de la ville. Luther le fit +venir chez lui et l'interrogea en prsence de plusieurs +personnes doctes. Le jeune homme disait +que le spectre qui le poursuivait lui avait reproch +comme un sacrilge d'avoir communi sous les +deux espces, et qu'il lui avait dit: Si tu retournes +dans la maison de ton matre, je te tords le +cou. C'est pourquoi il n'tait pas rentr depuis +plusieurs jours. Le docteur, aprs l'avoir beaucoup +<span class="pagenum" id="Page_182">182</span> +interrog, lui dit: Prends garde, mon ami, +de ne pas mentir. Crains Dieu, coute sa parole +avec attention; retourne chez ton matre, fais +ton travail, et si Satan revient, dis-lui: Je ne +veux pas t'obir. Je n'obirai qu' Dieu qui m'a +appel ce mtier: je resterai ici mon travail, +et un ange mme viendrait, que je ne m'en +laisserais pas dtourner.</p> + +<p>Le docteur Luther, devenu plus g, prouva +peu de tentations de la part des hommes; mais +le diable, comme il le reconnat lui-mme, allait +promener avec lui dans le dortoir du clotre; il +le vexait et le tentait. Il avait un ou deux diables +qui l'piaient, et s'ils ne pouvaient parvenir au +cœur, ils saisissaient la tte et la tourmentaient<a name="FNanchor_r141" id="FNanchor_r141" href="#Footnote_r141" class="fnanchor">[r141]</a><a name="FNanchor_a74" id="FNanchor_a74" href="#Footnote_a74" class="fnanchor">[a74]</a>.</p> + +<p>... Cela m'est arriv souvent<a name="FNanchor_r142" id="FNanchor_r142" href="#Footnote_r142" class="fnanchor">[r142]</a>. Quand je tenais +un couteau dans les mains, il me venait de +mauvaises penses; souvent je ne pouvais prier, +et le diable me chassait de la chambre. Car nous +autres nous avons affaire aux grands diables qui +sont docteurs en thologie. Les Turcs et les papistes +ont de petits diablotins qui ne sont point +thologiens, mais seulement juristes.</p> + +<p>Je sais, grce Dieu, que ma cause est +bonne et divine; si Christ n'est point dans le ciel +et Seigneur du monde, alors mon affaire est mauvaise<a name="FNanchor_r143" id="FNanchor_r143" href="#Footnote_r143" class="fnanchor">[r143]</a>. +Cependant le diable me serre souvent de +si prs dans la dispute, qu'il m'en vient la sueur. +<span class="pagenum" id="Page_183">183</span> +Il est ternellement irrit, je le sens bien, je le +comprends. Il couche avec moi plus prs que ma +Catherine. Il me donne plus de trouble qu'elle de +joie... Il me pousse quelquefois: La Loi, dit-il, +est aussi la parole de Dieu; pourquoi l'opposer +toujours l'vangile?—Oui, dis-je mon +tour; mais elle est aussi loin de l'vangile que le +ciel l'est de la terre, etc.</p> + +<p>Le diable n'est pas, la vrit, un docteur +qui a pris ses grades<a name="FNanchor_a75" id="FNanchor_a75" href="#Footnote_a75" class="fnanchor">[a75]</a>, mais du reste il est bien +savant, bien expriment<a name="FNanchor_r144" id="FNanchor_r144" href="#Footnote_r144" class="fnanchor">[r144]</a>. Il n'a pourtant fait +son mtier que depuis six mille ans. Si le diable +est sorti quelquefois des possds, lorsqu'il +tait conjur par les moines et les prtres papistes, +en laissant aprs lui quelque signe, +un carreau cass, une fentre brise, un pan +de mur ouvert, c'tait pour faire croire aux gens +qu'il avait quitt le corps, mais en effet pour +possder l'esprit, pour les confirmer dans leurs +superstitions.</p> + +<p>Au mois de janvier 1532, Luther tomba +dangereusement malade. Le mdecin le crut menac +d'une attaque d'apoplexie<a name="FNanchor_r145" id="FNanchor_r145" href="#Footnote_r145" class="fnanchor">[r145]</a>. Mlanchton et +Rorer, assis prs de son lit, ayant parl de la +joie que la nouvelle de sa mort causerait sans +doute aux papistes, il leur dit avec assurance: +Je ne mourrai pas encore, je le sais certainement. +Dieu ne confirmera point prsent l'abominable +<span class="pagenum" id="Page_184">184</span> +papisme par ma mort. Il ne voudra point +aprs celle de Zwingli et d'Œcolampade, accorder +aux papistes un nouveau sujet de triomphe. +Satan, il est vrai, ne songe qu' me tuer; +il ne me quitte d'un pas. Mais ce n'est pas sa +volont qui s'accomplira: ce sera celle du Seigneur.</p> + +<p>Ma maladie, qui consiste dans des vertiges +et autres choses, n'est point naturelle; ce que +je puis prendre ou faire ne me sert rien, quoique +j'observe avec soin les conseils de mon mdecin<a name="FNanchor_r146" id="FNanchor_r146" href="#Footnote_r146" class="fnanchor">[r146]</a>.</p> + +<p>En 1536, il maria Torgau le duc Philippe +de Pomranie la sœur de l'lecteur<a name="FNanchor_r147" id="FNanchor_r147" href="#Footnote_r147" class="fnanchor">[r147]</a>. Au milieu +de la crmonie, l'anneau nuptial chappa de sa +main et roula par terre. Il eut un mouvement de +terreur, mais se rassura aussitt en disant: +coute, diable, cela ne te regarde pas, c'est +peine perdue, et il continua de prononcer les +paroles de la bndiction.</p> + +<p>Pendant que le docteur Luther causait +table avec quelques-uns, sa femme sortit et +tomba en dfaillance<a name="FNanchor_r148" id="FNanchor_r148" href="#Footnote_r148" class="fnanchor">[r148]</a>. Lorsqu'elle revint elle, +le docteur lui demanda quelles penses elle avait +eues. Elle raconta comme elle avait prouv des +tentations toutes particulires qui sont les signes +certains de la mort, et qui frappent au cœur plus +srement qu'une balle ou une flche... Celui qui +<span class="pagenum" id="Page_185">185</span> +prouve de telles tentations, dit-il, je lui donnerai +un bon conseil, c'est de penser quelque +chose de gai, de boire un bon coup, de jouer et +de prendre quelque passe-temps, ou bien de +s'attacher quelque occupation honorable. Mais +le meilleur remde, c'est de croire en Jsus-Christ.</p> + +<p>Quand le diable me trouve oisif et que je ne +pense point la parole de Dieu, alors il me fait +venir un scrupule, comme si je n'avais pas bien +enseign, comme si c'tait moi qui eusse renvers +et dtruit les autorits, et caus par ma doctrine +tant de scandales et de troubles<a name="FNanchor_r149" id="FNanchor_r149" href="#Footnote_r149" class="fnanchor">[r149]</a>. Mais quand je +ressaisis la parole de Dieu, alors j'ai gagn la +partie. Je me dfends contre le diable et je dis: +Qu'importe Dieu tout le monde, quelque +grand qu'il puisse tre? Il en a tabli son Fils +seigneur et roi. Si le monde veut le renverser du +trne, Dieu le bouleversera et le mettra en cendre; +car il dit lui-mme: C'est mon fils, vous +devez l'couter. Maintenant, rois, apprenez; +disciplinez-vous, juges de la terre (l'<i lang="la" xml:lang="la">erudimini</i> de +la Vulgate est moins fort).</p> + +<p>Le diable s'efforce surtout de nous arracher +du cœur l'article de la rmission des pchs. +<i>Quoi!</i> dit-il, <i>vous prchez ce qu'aucun homme n'a +enseign dans tant de sicles! si cela dplaisait +Dieu?</i>...</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_186">186</span> +La nuit, quand je me rveille, le diable vient +bientt, dispute avec moi et me donne d'tranges +penses, jusqu' ce que je m'anime et que je lui +dise: Baise mon c..! Dieu n'est pas irrit comme +tu le dis<a name="FNanchor_r150" id="FNanchor_r150" href="#Footnote_r150" class="fnanchor">[r150]</a>.</p> + +<p>Aujourd'hui, comme je m'veillai, le diable +vint, voulut disputer, et il me disait: Tu es un +pcheur<a name="FNanchor_r151" id="FNanchor_r151" href="#Footnote_r151" class="fnanchor">[r151]</a>.—Je rpliquai: Dis-moi quelque chose +de nouveau, dmon; je savais dj cela... J'ai +assez de pchs rels, sans ceux que tu inventes...—Il +insistait encore: Qu'as-tu fait des +clotres dans ce monde?—A quoi je rpondis: +Que t'importe? Tu vois bien que ton culte sacrilge +subsiste toujours.</p> + +<p>Un jour que l'on parlait souper du sorcier +Faust, Luther dit srieusement<a name="FNanchor_r152" id="FNanchor_r152" href="#Footnote_r152" class="fnanchor">[r152]</a>: Le diable +n'emploie pas contre moi le secours des enchanteurs. +S'il pouvait me nuire par l, il l'aurait +fait depuis long-temps. Il m'a dj souvent +tenu par la tte; mais il a pourtant fallu +qu'il me laisst aller. J'ai bien prouv quel +compagnon c'est que le diable; il m'a souvent +serr de si prs que je ne savais si j'tais mort +ou vivant. Quelquefois il m'a jet dans le dsespoir +au point que j'ignorais mme s'il y avait +un Dieu, et que je doutais compltement de +notre cher Seigneur. Mais avec la parole de +Dieu, etc.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_187">187</span> +Le diable me fait regarder la loi, le pch +et la mort. Il me prsente cette trinit, et s'en +sert pour me tourmenter<a name="FNanchor_r153" id="FNanchor_r153" href="#Footnote_r153" class="fnanchor">[r153]</a>.</p> + +<p>Le diable nous a jur la mort, mais il mordra +dans une noix creuse<a name="FNanchor_r154" id="FNanchor_r154" href="#Footnote_r154" class="fnanchor">[r154]</a>.</p> + +<p>La tentation de la chair est petite chose; la +moindre femme dans la maison peut gurir cette +maladie<a name="FNanchor_r155" id="FNanchor_r155" href="#Footnote_r155" class="fnanchor">[r155]</a>. Eustochia aurait guri saint Jrme. +Mais Dieu nous garde des grandes tentations qui +touchent l'ternit! Alors on ne sait point si +Dieu est le diable, ou si le diable est Dieu. Ces +tentations ne sont point passagres.</p> + +<p>Si je tombe en penses qui ne touchent que +le monde ou la maison, je prends un psaume ou +quelques mots de Saint-Paul, et je dors par-dessus; +mais celles qui viennent du diable me cotent +davantage; je ne puis m'en tirer qu'avec +quelque bonne farce<a name="FNanchor_r156" id="FNanchor_r156" href="#Footnote_r156" class="fnanchor">[r156]</a>.</p> + +<p>Le grain d'orge a beaucoup souffrir des +hommes<a name="FNanchor_5" id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>. D'abord on le jette dans la terre pour +qu'il y pourrisse; ensuite, quand il est mr, on +le coupe, on le bat en grange et on le sche, +on le fait cuire pour en tirer de la bire, et le +faire avaler aux ivrognes<a name="FNanchor_r157" id="FNanchor_r157" href="#Footnote_r157" class="fnanchor">[r157]</a>. Le lin est aussi martyr + sa manire. Quand il est mr, on l'arrache, +<span class="pagenum" id="Page_188">188</span> +on le rouit, on le sche, on le bat, on le +teille, on le srance, on le file, on le tisse, on +en fabrique de la toile pour en faire des chemises, +des souquenilles, etc. Quand celles-ci sont dchires, +l'on en fait des torchons, ou l'on y met des +empltres pour tre appliques sur les plaies, les +abcs; l'on en fait des mches, ou bien on les +vend au papetier qui les broie, les dissout, et en +fait du papier. Ce papier sert crire, imprimer, + faire des jeux de cartes; enfin il est dchir +et employ aux plus vils usages. Ces plantes, +ainsi que d'autres cratures qui nous sont +trs utiles, ont beaucoup souffrir; les chrtiens +bons et pieux ont de mme beaucoup endurer +des mchans et des impies.</p> + +<p>Quand le diable vient me trouver la nuit, je +lui tiens ce discours<a name="FNanchor_r158" id="FNanchor_r158" href="#Footnote_r158" class="fnanchor">[r158]</a>: Diable, je dois dormir +maintenant; car c'est le commandement et l'ordre +de Dieu que nous travaillions le jour, et que +nous dormions la nuit. S'il m'accuse d'tre un +pcheur, je lui dis pour lui faire dpit: <i lang="la" xml:lang="la">Sancte +Satane, ora pro me!</i> ou bien: <i lang="la" xml:lang="la">Medice, cura te +ipsum</i>.</p> + +<p>Si vous prchez celui qui est tent, il vous +faut tuer Mose et le lapider. Si au contraire il revient + lui et oublie la tentation, qu'on lui prche +la loi. <i lang="la" xml:lang="la">Alioqui afflicto non est addenda afflictio.</i></p> + +<p>... La meilleure manire de chasser le diable, +<span class="pagenum" id="Page_189">189</span> +si on ne peut le faire avec les paroles de la sainte +criture, c'est de lui adresser des mots piquans +et pleins de moquerie.</p> + +<p>On peut consoler les gens affligs de tentations +en leur donnant manger et boire; mais +le remde ne russirait pas pour tous, surtout +pour les jeunes gens<a name="FNanchor_r159" id="FNanchor_r159" href="#Footnote_r159" class="fnanchor">[r159]</a>. Pour moi qui suis vieux, +un bon coup pourrait chasser les tentations et +me faire dormir un somme.</p> + +<p>La meilleure mdecine contre les tentations, +c'est de parler d'autre chose, de Marcolphe, +d'Eulenspiegel, et d'autres farces de ce genre, etc.—Le +diable est un esprit triste, la musique le fait +fuir bien loin<a name="FNanchor_r160" id="FNanchor_r160" href="#Footnote_r160" class="fnanchor">[r160]</a>.</p> + +<p class="sep2">Le morceau important qu'on va lire est en +quelque sorte le rcit de la guerre opinitre +que Satan aurait faite Luther pendant toute +sa vie.</p> + +<p><i>Prface du docteur Martin Luther, crite par lui +avant sa mort<a name="FNanchor_r161" id="FNanchor_r161" href="#Footnote_r161" class="fnanchor">[r161]</a>.</i>—Quiconque lira avec attention +l'histoire ecclsiastique, les livres des saints +Pres, et particulirement la Bible, verra clairement +que depuis le commencement de l'glise +les choses se sont toujours passes de la mme +manire. Toutes les fois que la Parole s'tait fait +entendre et que Dieu s'tait rassembl un petit +troupeau, le diable s'est bien vite aperu de +<span class="pagenum" id="Page_190">190</span> +la lumire divine, et s'est mis siffler, souffler, +tempter de tous les coins, essayant de toutes +ses forces s'il pourrait l'teindre. On avait beau +boucher un ou deux trous, il en trouvait un +autre, soufflait toujours et faisait rage. Il n'y a +encore eu aucune fin cela, et il n'y en n'aura +pas jusqu'au jour du Jugement.</p> + +<p>Je tiens qu' moi seul (pour ne point parler +des anciens) j'ai essuy plus de vingt ouragans, +vingt assauts du diable. D'abord j'ai eu +contre moi les papistes. Tout le monde, je crois, +sait peu prs combien de temptes, de bulles +et de livres le diable a lchs par eux contre moi, +de quelle faon lamentable ils m'ont dchir, +dvor, mis rien. Il est vrai que moi-mme +je soufflais quelque peu contre eux; mais cela +ne servait de rien; les enrags soufflaient encore +plus, et vomissaient feu et flammes. Il en +a t ainsi jusqu' ce jour sans interruption.</p> + +<p>J'avais un instant cess de craindre cette +tempte du diable, lorsqu'il se fit jour par un +nouveau trou, par Mnzer et sa rvolte qui +faillit m'teindre la lumire. Le Christ bouche +encore ce trou-l, et le voil qui par Carlostad +casse des carreaux ma fentre, le voil +qui mugit et tourbillonne, au point de me faire +croire qu'il allait emporter lumire, cire et +mche la fois. Mais Dieu fut en aide sa +<span class="pagenum" id="Page_191">191</span> +pauvre lumire; il ne permit point qu'elle +ft teinte. Alors vinrent les sacramentaires et +les anabaptistes, qui brisrent portes et fentres +pour en finir de cette lumire, et qui la +mirent de nouveau dans le plus grand danger. +Dieu merci, leur volont fut trompe galement.</p> + +<p>D'autres encore ont tempt contre les anciens +matres, contre le pape et contre Luther +la fois, tels que Servet, Campanus..... Quant +ceux enfin qui ne m'ont point assailli publiquement +par des livres imprims, mais dont il m'a +fallu essuyer en particulier les crits et discours +remplis de venin, je ne les mettrai pas ici +en ligne de compte. Il me suffit de montrer que +j'ai d apprendre par exprience (je n'en voulais +pas croire les histoires) que l'glise, pour +l'amour de sa chre Parole, de sa bienheureuse +lumire, ne peut avoir de repos, mais qu'elle +doit attendre incessamment de nouvelles temptes +du diable, comme cela s'est vu depuis le +commencement.</p> + +<p>Et quand je devrais vivre encore cent ans, +quand j'aurais apais les temptes d'autrefois et +d'aujourd'hui, quand je pourrais encore apaiser +celles qui viendront, je vois clairement que +cela ne donnerait pas le repos nos descendans, +aussi long-temps que le diable vivra et +<span class="pagenum" id="Page_192">192</span> +rgnera. C'est pourquoi je prie Dieu de m'accorder +une petite heure d'tat de grce; je ne +demande pas de rester en vie plus long-temps.</p> + +<p>Vous qui viendrez aprs nous, priez Dieu +aussi avec ferveur, pratiquez assidument sa parole, +conservez bien la pauvre chandelle de Dieu; +car le diable ne dort ni ne chme, et il ne +mourra pas non plus avant le jugement dernier. +Toi et moi, nous mourrons, et quand nous serons +morts, lui il n'en restera pas moins tel qu'il a +toujours t, toujours temptant contre l'vangile...</p> + +<p>Je le vois de loin qui gonfle ses joues en +devenir tout rouge, qui souffle et qui fait fureur; +mais notre Seigneur Jsus-Christ, qui, ds +le commencement, lui a donn un coup de poing +sur cette joue gonfle, le combat maintenant encore, +et le combattra toujours. Il ne peut pas en +avoir menti, quand il dit: Je serai auprs de +vous jusqu' la fin du monde, et Les portes +de l'enfer ne prvaudront pas contre mon +glise; et dans saint Jean: Mes brebis ne priront +jamais; personne ne les arrachera de ma +main; et dans saint Mathieu, X: Tous les +cheveux de votre tte sont compts; c'est pourquoi +ne craignez pas ceux qui tuent le corps.</p> + +<p>Nanmoins, il nous est command de veiller +et de garder sa lumire tant qu'il est en nous. Il +<span class="pagenum" id="Page_193">193</span> +est dit: <i lang="la" xml:lang="la">Vigilate</i>; le diable est un lion rugissant +qui tourne autour et qui veut nous dvorer. Tel +il tait quand saint Pierre disait cela, et tel il +sera encore jusqu' la fin du monde.....</p> + +<p>(Luther revient ensuite parler du secours de +Dieu sans lequel tous nos efforts seraient vains, +et il continue ainsi:) Toi et moi nous n'tions +rien il y a mille ans, et cependant l'glise a t +sauve sans nous: elle l'a t par celui de qui il +est dit: <i lang="la" xml:lang="la">Heri et hodi</i>. De mme prsent ce +n'est pas nous qui conservons l'glise, car nous +ne pouvons atteindre le diable qui est dans le +pape, les sditieux et les mauvaises gens; elle +prirait sous nos yeux, et nous-mmes avec elle, +n'tait quelqu'autre qui conserve tout. Il nous +faut laisser faire celui de qui nous lisons: <i lang="la" xml:lang="la">Qui +erit, ut hodi</i>.....</p> + +<p>C'est une chose lamentable de voir notre +orgueil et notre audace aprs les terribles et +honteux exemples de ceux qui, dans leur vanit, +avaient cru que l'glise tait btie sur eux. +Comment a fini ce Mnzer (pour ne parler que +de ce temps), lui qui pensait que l'glise ne +pouvait exister s'il n'tait l pour la porter et +la gouverner? Et tout rcemment encore, les +anabaptistes n'ont-ils pas t pour nous un avertissement +assez terrible pour nous rappeler combien +un diable plus subtil encore est prs de nous, +<span class="pagenum" id="Page_194">194</span> +combien nos belles penses sont dangereuses, et +comme il est ncessaire (selon le conseil d'Isae) +que nous regardions dans nos mains quand nous +ramassons quelque chose, pour voir si c'est Dieu +ou une idole, si c'est de l'or ou de l'argile?</p> + +<p>Mais tous ces avertissemens sont perdus; +nous vivons en pleine scurit. Oui, sans doute +le diable est loin de nous; nous n'avons rien de +cette chair, qui tait mme en saint Paul, et +dont il ne pouvait se dfendre malgr tous ses efforts +(Rom. VII). Nous, nous sommes des hros, +nous n'avons pas nous mettre en peine de la +chair et de la pense; nous sommes de purs esprits, +nous tenons captifs la chair et le diable la +fois, et tout ce qui nous vient dans la tte, c'est +immanquablement inspiration du Saint-Esprit; +aussi cela tourne-t-il si bien la fin que le cheval +et le cavalier se cassent le cou.</p> + +<p>Les papistes, je le sais, me diront ici: Eh +bien! tu le vois; c'est toi-mme qui te plains des +troubles et des sditions? Qui en est cause, si +ce n'est toi et ta doctrine? Voil le bel artifice +par lequel ils pensent renverser de fond en comble +la doctrine de Luther. Il n'importe! Qu'ils +calomnient, qu'ils mentent tant qu'ils voudront; +il faudra bien qu'ils se taisent. D'aprs ce grand +argument, tous les prophtes auraient t galement +des hrtiques et des sditieux, car ils +<span class="pagenum" id="Page_195">195</span> +furent tenus pour tels par leur propre peuple; +comme tels ils furent perscuts, et la plupart +mis mort.</p> + +<p>Jsus-Christ lui-mme, notre Seigneur, fut +oblig de s'entendre dire par les Juifs, et en particulier +par les pontifes, les pharisiens, les scribes, +etc., par ceux qui taient les plus hauts +en pouvoir, qu'il avait le diable en lui, qu'il +chassait les diables par d'autres diables, qu'il +tait un samaritain, le compagnon des publicains +et des pcheurs. Il fut mme la fin condamn + mourir sur la croix comme blasphmateur +et sditieux. Lequel d'entre les prophtes, +disait saint tienne aux Juifs qui allaient le lapider, +lequel vos pres n'ont-ils pas perscut +et tu? Et vous, leurs descendans, vous avez +vendu et tu le juste dont ces prophtes avaient +annonc la venue.</p> + +<p>Les aptres et les disciples n'ont pas t plus +heureux que leur matre; les prdictions qu'il +leur avait faites se sont accomplies...</p> + +<p>S'il en est ainsi, et l'criture en fait foi, +pourquoi donc nous tonner de ce que nous aussi +qui, dans ces temps terribles, prchons Jsus-Christ +et nous reconnaissons pour ses fidles, +nous soyons, son exemple, perscuts et condamns +comme hrtiques, comme sditieux? +Que sommes-nous ct de ces gnies sublimes, +<span class="pagenum" id="Page_196">196</span> +clairs par le Saint-Esprit, orns de tant de dons +admirables, et dous d'une foi si forte?</p> + +<p>N'ayons donc pas honte des calomnies et des +outrages dont nos adversaires nous poursuivent. +Que tout cela ne nous effraie point. Mais regardons +comme notre plus grande gloire de recevoir +du monde le mme salaire que ds le commencement +tous les saints en ont reu pour leurs +fidles services. Rjouissons-nous en Dieu de ce +que nous aussi, pauvres pcheurs et gens mpriss, +nous avons t jugs dignes de souffrir +l'ignominie pour le nom du Christ...</p> + +<p>Les papistes, avec leur grand argument, ressemblent + un homme qui dirait que si Dieu +n'avait pas cr de bons anges, il n'y aurait pas +eu de diables; car c'est des bons anges que +ceux-ci sont venus. De mme, Adam accusa +Dieu de lui avoir donn une femme, car si Dieu +n'avait pas cr Adam et ve, ils n'auraient pas +pch. Il rsulterait de ce beau raisonnement que +Dieu seul ft pcheur, et qu'Adam et ses enfans +fussent tous purs, pieux et saints.</p> + +<p>Il est sorti de la doctrine de Luther beaucoup +d'esprits de trouble et de rvolte, disent-ils. +Donc la doctrine de Luther vient du diable. +Mais saint Jean dit aussi (I, 2.): Ils sont sortis +d'entre nous, mais ils n'taient point des ntres. +Judas tait parmi les disciples de Jsus-Christ; +<span class="pagenum" id="Page_197">197</span> +donc (d'aprs leur argument), Jsus-Christ est +un diable. Jamais hrtique n'est sorti d'entre +les paens; ils sont tous venus de la sainte glise +chrtienne; l'glise serait donc l'ouvrage du +diable.</p> + +<p>Il en fut de mme de la Bible sous le pape; +on l'appelait publiquement un livre d'hrtiques, +et on l'accusait de prter appui aux opinions les +plus condamnables. Encore aujourd'hui ils crient: +L'glise, l'glise, contre et par-dessus la +Bible! Emser, l'homme sage, ne sut mme +trop dire s'il tait bon que la Bible ft traduite +en allemand; peut-tre ne savait-il pas non plus +s'il tait bon qu'elle et t jamais crite en hbreu, +en grec ou en latin; elle et l'glise ne sont +pas en trop bon accord.</p> + +<p>Si donc la Bible, le livre et la parole du +Saint-Esprit, a de telles choses endurer d'eux, +pourquoi nous, ne supporterions-nous pas plus +forte raison qu'ils nous imputent toutes les hrsies +et les sditions qui clatent? L'araigne +tire son poison de la belle et aimable rose o +l'abeille ne trouve que miel; est-ce la faute de la +fleur, si son miel devient du poison dans l'araigne?</p> + +<p>C'est, comme dit le proverbe: Chien qu'on +veut battre a mang du cuir, ou, comme dit +finement sope: La brebis que le loup veut +<span class="pagenum" id="Page_198">198</span> +manger a troubl l'eau, quoiqu'elle soit au bas +du courant. Eux, qui ont rempli l'glise d'erreur +et de sang, de mensonge et de meurtre, ce +ne sont pas eux qui ont troubl l'eau. Nous, nous +rsistons aux sditions et aux erreurs des hrtiques, +et c'est nous qui l'avons trouble. Eh +bien! loup, mange, mange, mon ami, et qu'un +os te reste au travers du gosier... Ils ne peuvent +faire autrement; tel est le monde et son Dieu. S'ils +ont appel Belzbut le matre de la maison, traiteront-ils +mieux les serviteurs? Et si la sainte +criture est appele un livre d'hrtiques, comment +nos livres pourraient-ils tre honors? Le +Dieu vivant est notre juge nous tous; il mettra +un jour tout cela au clair, si nous devons en +croire ce livre d'hrtiques, qu'on appelle la sainte +criture, qui tant de fois en a tmoign.</p> + +<p>Veuille Jsus-Christ, notre Dieu bien-aim et +le gardien de nos mes qu'il a rachetes par son +sang prcieux, conserver son petit troupeau +fidle sa sainte parole, afin qu'il augmente et +croisse en grce, en lumire, en foi. Puisse-t-il +daigner le soutenir contre les tentations de Satan +et du monde, et prendre enfin en piti ses +gmissemens profonds et l'attente pleine d'angoisses +dans laquelle il soupire vers l'heureux +jour de la glorieuse venue de son Sauveur, en +sorte que les fureurs et les morsures meurtrires +<span class="pagenum" id="Page_199">199</span> +des serpens cessent enfin, et que pour les enfans +de Dieu commence la rvlation de la libert et +batitude qu'ils esprent et qu'ils attendent en +patience. Amen. Amen.</p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="npage"> + +<h3 id="Page_200">CHAPITRE VII.</h3> + +<p class="somm">Maladies.—Dsir de la mort et du jugement.—Mort, 1546.</p> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<p>Le mal de dents et le mal d'oreilles sont +bien cruels; j'aimerais mieux la peste et le mal +franais<a name="FNanchor_r162" id="FNanchor_r162" href="#Footnote_r162" class="fnanchor">[r162]</a>. Lorsque j'tais Cobourg, en 1530, +je souffrais d'un bruit et d'un sifflement dans les +oreilles: c'tait comme du vent qui me sortait de +la tte... Le diable est pour quelque chose l-dedans.</p> + +</div> + +<p>Il faut manger et boire du vin quand on est +malade. Il se traita ainsi Smalkalde, en 1537.</p> + +<p>Un homme se plaignait de la gale; Luther +lui dit<a name="FNanchor_r163" id="FNanchor_r163" href="#Footnote_r163" class="fnanchor">[r163]</a>: Je voudrais bien changer avec vous; +je vous donnerais dix florins de retour. Vous ne +<span class="pagenum" id="Page_201">201</span> +savez pas combien c'est une chose pnible que le +vertige. Aujourd'hui je ne puis lire de suite une +lettre entire, pas mme deux ou trois lignes +du Psautier. Le bourdonnement recommence +dans les oreilles, au point que souvent je suis +prs de tomber sur mon banc. La gale, au contraire, +est chose utile, etc.</p> + +<p>Aprs avoir prch Smalkalde, et dn ensuite, +il prouva les douleurs de la pierre<a name="FNanchor_a76" id="FNanchor_a76" href="#Footnote_a76" class="fnanchor">[a76]</a>, et +pria avec ardeur<a name="FNanchor_r164" id="FNanchor_r164" href="#Footnote_r164" class="fnanchor">[r164]</a>: O mon Dieu, mon seigneur +Jsus! tu sais avec quel zle j'ai enseign ta parole. +<i lang="la" xml:lang="la">Si est pro glori nominis tui</i>, viens mon +secours; sinon, ferme-moi les yeux. <i lang="la" xml:lang="la">Ego moriar +inimicus inimicis tuis.</i> Je meurs dans la haine de +ce sclrat de pape, qui s'est lev au-dessus du +Christ. Et il composa l'instant, sur ce sujet, +quatre vers latins.</p> + +<p>Ma tte est si variable et si faible que je ne +puis rien crire ni lire, surtout jeun. (9 fvrier +1543. Voyez aussi le <a href="#ref_1"><ins title="Il faut sans doute lire 18 aot">16 aot</ins></a>.)</p> + +<p>Je suis faible et fatigu de vivre, et je songe + dire adieu au monde, qui est maintenant tout +au malin. Que le Seigneur m'accorde une bonne +heure et un heureux passage. Amen. (14 mars.)</p> + +<p id="ref_1"><i>A Amsdorf.</i>—Je t'cris aprs souper, car + jeun je ne puis sans danger jeter les yeux sur +un livre; je m'tonne fort de cette maladie, +et ne sais si c'est un soufflet de Satan ou si ce +<span class="pagenum" id="Page_202">202</span> +n'est que faiblesse de nature. (18 aot 1543.)</p> + +<p>Je crois que ma vritable maladie, c'est la +vieillesse, ensuite la violence des travaux et des +penses, mais surtout les coups de Satan; c'est +ce dont toute la mdecine du monde ne me gurira +pas<a name="FNanchor_a77" id="FNanchor_a77" href="#Footnote_a77" class="fnanchor">[a77]</a>. (7 novembre 1543.)</p> + +<p><i>A Spalatin.</i>—Je t'avoue que, dans toute +ma vie et dans toutes les affaires de l'vangile, je +n'ai jamais eu d'anne plus trouble que celle +qui vient de finir. J'ai une terrible affaire avec +les juristes, au sujet des mariages clandestins; +ceux que j'avais cru devoir tre de fidles amis de +l'vangile, je trouve en eux des ennemis cruels. +Penses-tu que ce ne soit pas pour moi un supplice, +je te le demande, mon cher Spalatin? +(30 janvier 1544.)</p> + +<p>Je suis paresseux, fatigu, froid, c'est--dire +vieux et inutile. J'ai achev ma route; reste +seulement que le Seigneur me runisse mes +pres, et rende la pourriture et aux vers ce qui +leur appartient. Me voil rassasi de vie, si cela +peut s'appeler de la vie. Prie pour moi, afin que +l'heure de mon passage soit agrable Dieu, et + moi salutaire. Je ne m'occupe plus de l'Empereur +et de l'Empire, que pour les recommander +Dieu dans mes prires. Le monde me semble tre +venu sa dernire heure et avoir vieilli comme +un vtement, selon l'expression du psalmiste; +<span class="pagenum" id="Page_203">203</span> +voici l'heure qu'il en faut changer. (5 dcembre +1544.)</p> + +<p>Si j'avais su au commencement que les +hommes fussent si ennemis de la parole de Dieu, +je me serais tu certainement et tenu tranquille. +J'imaginais qu'ils ne pchaient que par ignorance<a name="FNanchor_r165" id="FNanchor_r165" href="#Footnote_r165" class="fnanchor">[r165]</a>.</p> + +<p>Il disait une fois<a name="FNanchor_r166" id="FNanchor_r166" href="#Footnote_r166" class="fnanchor">[r166]</a>: La noblesse, les bourgeois, +les paysans, je dirais presque tout homme, +pense connatre beaucoup mieux l'vangile que +le docteur Luther ou que saint Paul mme. Ils +mprisent les pasteurs, ou plutt le Seigneur et +Matre des pasteurs...</p> + +<p>Les nobles veulent gouverner, et cependant +ils ne peuvent rien comprendre. Le pape sait et +peut gouverner par le fait. Le plus petit papiste +est plus capable de gouverner que dix des nobles +qui sont la cour, ne leur en dplaise.</p> + +<p>On disait un jour Luther que, dans l'vch +de Wurtzbourg, il y avait six cents riches +cures qui taient vacantes<a name="FNanchor_r167" id="FNanchor_r167" href="#Footnote_r167" class="fnanchor">[r167]</a>.—Il ne rsultera +rien de bon de tout cela, dit-il. Il en sera de +mme chez nous, si nous continuons de mpriser +la parole de Dieu et ses serviteurs... Si je +voulais devenir riche, je n'aurais qu' ne point +prcher... Les visiteurs ecclsiastiques demandaient +aux paysans pourquoi ils ne voulaient +point nourrir leurs pasteurs? eux qui pourtant +<span class="pagenum" id="Page_204">204</span> +entretenaient des gardeurs de vaches et de porcs. +Oh! rpondirent-ils, nous avons besoin d'un +berger; nous ne pourrions pas nous en passer. +Ils croyaient pouvoir se passer de pasteurs.</p> + +<p>Luther prcha dans sa maison, pour ses enfans +et tous les siens, le dimanche, pendant six +mois, mais il ne prchait point dans l'glise. Je +le fais, dit-il au docteur Jonas, pour acquitter +ma conscience et remplir mon devoir de pre de +famille. Mais je sais et je vois bien que la parole +de Dieu ne sera pas plus considre ici que dans +l'glise.</p> + +<p>C'est vous qui prcherez aprs moi, docteur +Jonas, songez-y et acquittez-vous-en bien<a name="FNanchor_r168" id="FNanchor_r168" href="#Footnote_r168" class="fnanchor">[r168]</a>.</p> + +<p>Il sortit un jour de l'glise, indign de ce que +l'on causait<a name="FNanchor_r169" id="FNanchor_r169" href="#Footnote_r169" class="fnanchor">[r169]</a>. (1545.)</p> + +<p>Le 16 fvrier 1546, Luther disait qu'Aristote +n'avait crit aucun meilleur livre que le +cinquime des <i>Ethica</i>; qu'il y donnait cette +belle dfinition: <i lang="la" xml:lang="la">Quod justitia sit virtus consistens +in mediocritate, pro ut sapiens eam determinat</i><a name="FNanchor_r170" id="FNanchor_r170" href="#Footnote_r170" class="fnanchor">[r170]</a>. +[Cet loge de la modration est trs +remarquable dans la dernire anne de Luther.]</p> + +<p>Le chancelier du comte de Mansfeld qui revenait +de la dite de Francfort, dit la table de +Luther, Eisleben, que l'Empereur et le pape +procdaient brusquement contre l'vque de Cologne, +Herman; et songeaient le chasser de +<span class="pagenum" id="Page_205">205</span> +son lectorat<a name="FNanchor_r171" id="FNanchor_r171" href="#Footnote_r171" class="fnanchor">[r171]</a>. Alors il parla ainsi: Ils ont perdu +la partie; ils ne peuvent rien faire contre nous +avec la parole de Dieu et la sainte criture; <i lang="la" xml:lang="la">ergo +volunt sapienti, violenti, astuti, practic, dolo, +vi et armis pugnare</i>. Que dit cela notre Seigneur? +Il voit bien qu'il est un pauvre colier, et il dit: +Qu'allons-nous devenir mon fils et moi?... Pour +moi, quand ils me tueraient, il faut auparavant +qu'ils mangent ce que... J'ai un grand avantage; +mon seigneur s'appelle <i>Schefflemini</i>; c'est lui qui +dit: <i lang="la" xml:lang="la">Ego suscitabo vos in novissimo die</i>; et il dira +alors: Docteur Martin, docteur Jonas, seigneur +Michel Cœlius, venez moi; et il vous nommera +tous par vos noms, comme le Seigneur Christ dit +dans saint Jean: <i lang="la" xml:lang="la">Et vocat eos nominatim</i>. Eh bien! +soyez donc sans peur.</p> + +<p>Dieu a un beau jeu de cartes qui n'est compos +que de rois, de princes, etc.<a name="FNanchor_r172" id="FNanchor_r172" href="#Footnote_r172" class="fnanchor">[r172]</a> Il bat les cartes, +par exemple le pape avec Luther; et ensuite il +fait comme les enfans, qui, aprs avoir tenu quelque +temps les cartes en vain, se lassent du jeu, +et les jettent sous la table.</p> + +<p>Le monde est comme un paysan ivre<a name="FNanchor_r173" id="FNanchor_r173" href="#Footnote_r173" class="fnanchor">[r173]</a>. Si on +le remet en selle d'un ct, il tombe de l'autre. +On ne peut le secourir de quelque faon qu'on +s'y prenne. Le monde veut appartenir au diable.</p> + +<p>Luther disait souvent que s'il mourait dans +son lit, ce serait une grande honte pour le pape<a name="FNanchor_r174" id="FNanchor_r174" href="#Footnote_r174" class="fnanchor">[r174]</a>. +<span class="pagenum" id="Page_206">206</span> +Vous tous, pape, diable, rois, princes et seigneurs, +vous devez tre ennemis de Luther, et +cependant vous ne pouvez lui faire mal. Il n'en +a pas t de mme pour Jean Huss. Je tiens +que depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme +que le monde hat plus que moi. Je suis aussi +ennemi du monde; je ne sais rien <i lang="la" xml:lang="la">in tot vit</i> + quoi j'aie plaisir; je suis tout--fait fatigu de +vivre. Que notre Seigneur vienne donc vite, et +m'emmne. Qu'il vienne surtout avec son jugement +dernier, je tendrai le cou; qu'il lance le +tonnerre et que je repose... Ensuite, il se +console de l'ingratitude du monde, par l'exemple +de Mose, de Samuel, de saint Paul, du +Christ.</p> + +<p>Un des convives dit que si le monde subsistait +cinquante ans, il viendrait encore bien des +choses<a name="FNanchor_r175" id="FNanchor_r175" href="#Footnote_r175" class="fnanchor">[r175]</a>. Luther rpondit: A Dieu ne plaise! +ce serait pis que par le pass. Il s'lverait encore +bien des sectes qui sont aujourd'hui caches +dans le cœur des hommes. Vienne donc le Seigneur! +qu'il coupe court tout cela avec le jugement +dernier; car il n'y a plus d'amlioration.</p> + +<p>Il fera si mauvais vivre sur la terre, que +l'on criera de tous les coins du monde<a name="FNanchor_r176" id="FNanchor_r176" href="#Footnote_r176" class="fnanchor">[r176]</a>: Bon +Dieu! viens avec le jugement dernier. Et comme +il tenait en main un chapelet d'agates blanches, +il ajouta: O Dieu! veuille que ce jour vienne +<span class="pagenum" id="Page_207">207</span> +bientt. Je mangerais aujourd'hui ce chapelet +pour que ce ft demain.</p> + +<p>On parlait sa table, des clipses et de leur +peu d'influence sur la mort des rois et des grands<a name="FNanchor_r177" id="FNanchor_r177" href="#Footnote_r177" class="fnanchor">[r177]</a>. +Le docteur rpondit: Il est vrai, les clipses +ne veulent plus produire d'effet; je pense que +notre Seigneur en viendra bientt aux effets vritables, +et que le Jugement en finira bientt +avec tout cela. C'est ce que je rvais l'autre jour, +comme je m'tais mis dormir aprs midi, et je +disais dj: <i lang="la" xml:lang="la">In pace in id ipsum requiescam seu +dormiam</i>. Il faut bien que le Jugement arrive; +car, que l'glise papale se rforme, c'est chose +impossible; le Turc et les juifs ne se corrigeront +pas non plus. Il n'y a aucune amlioration dans +l'Empire; voil maintenant trente ans qu'on assemble +toujours les dites sans dcider rien... +Je pense souvent, quand je rflchis en me promenant, + ce que je dois demander dans mes +prires pour la dite. L'vque de Mayence ne +vaut rien, le pape est perdu. Je ne vois d'autre +remde que de dire: Notre Pre, que votre rgne +arrive!</p> + +<p>Pauvres gens que nous sommes! nous ne +gagnons notre pain que par nos pchs<a name="FNanchor_r178" id="FNanchor_r178" href="#Footnote_r178" class="fnanchor">[r178]</a>. Jusqu' +sept ans, nous ne faisons rien que manger, boire, +jouer et dormir. De l jusqu' vingt et un ans, +nous allons aux coles trois ou quatre heures +<span class="pagenum" id="Page_208">208</span> +par jour; nous suivons nos caprices, nous courons, +nous allons boire. C'est alors seulement +que nous commenons travailler. Vers la cinquantaine, +nous avons fini, nous redevenons +enfans. Ajoutez que nous dormons la moiti de +notre vie. Fi de nous! sur notre vie, nous ne +donnons pas mme la dme Dieu; et nous croirions +avec nos bonnes œuvres mriter le ciel! +Qu'ai-je fait, moi? J'ai babill deux heures, mang +pendant trois, rest oisif pendant quatre. <i lang="la" xml:lang="la">Ah! +Domine, ne intres in judicium cum servo tuo.</i></p> + +<p>Aprs avoir dtaill toutes ses souffrances +Mlanchton: Plaise Christ d'enlever mon +me dans la paix du Seigneur. Par la grce de +Dieu, je suis prt et dsireux de partir. J'ai vcu +et achev la course que Dieu m'avait marque... +Que mon me fatigue de si longue route, monte +maintenant au ciel. (18 avril 1541.)</p> + +<p>Je n'ai pas le temps de beaucoup crire, +mon cher Probst, car je suis accabl par l'ge et +les fatigues, <i lang="de" xml:lang="de">alt, kalt, ungestalt</i>, comme on dit; +cependant le repos ne m'est pas encore permis, +obsd comme je le suis par tant de raisons, tant +de ncessits d'crire. J'en sais plus que toi sur +les fatalits de ce sicle. Le monde menace ruine: +cela est certain, tant le diable se dchane, tant +le monde s'abrutit. Il ne reste qu'une seule consolation, +c'est que ce jour est proche. On est +<span class="pagenum" id="Page_209">209</span> +<ins id="cor_6" title="original: rassassi">rassasi</ins> de la parole de Dieu, le monde en prend +un singulier dgot. Il s'lve moins de faux +prophtes. Pourquoi susciterait-on de nouvelles +hrsies, quand on a pour la parole un mpris +picurien? L'Allemagne a t, et elle ne sera jamais +ce qu'elle a t. La noblesse ne pense qu' +demander, les villes ne songent qu' elles-mmes +(et avec raison); voil le royaume divis avec soi-mme, +qui a d tenir tte cette arme de dmons +dchane dans l'arme turque. Nous ne +nous soucions gure de savoir si Dieu est pour +nous ou contre nous; nous devons triompher +par notre propre force des Turcs et des dmons, +et de Dieu et de toutes choses. Tant est grande +la confiance et la scurit insenses de l'Allemagne +expirante! Et cependant nous autres que +ferons-nous ici? Les plaintes sont vaines, les +pleurs sont vains. Il ne vous reste qu' dire cette +prire: Que ta volont soit faite. (26 mars 1542.<a name="FNanchor_6" id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a>)</p> + +<p>Je vois chez tout le monde une cupidit indomptable, +et c'est un des signes qui me persuade +que le dernier jour est proche; il semble +que le monde dans sa vieillesse et son dernier +<span class="pagenum" id="Page_210">210</span> +paroxisme, tombe en dlire, comme il arrive +quelquefois aux mourans. (8 mars 1544.)</p> + +<p>Je crois que nous sommes cette trompette +suprme qui prpare et devance la venue du +Christ. Ainsi, quelque faibles que nous soyons, +quelque petit son que nous fassions entendre devant +le monde, nous sonnons fort dans l'assemble +des anges du ciel, qui reprendront aprs nous +et se chargeront d'achever. Amen. (6 aot 1545.)</p> + +<p>Dans les dernires annes de sa vie, ses ennemis +rpandirent plusieurs fois le bruit de sa +mort. Ils y ajoutrent les circonstances les plus +extraordinaires et les plus tragiques. Pour les +rfuter, Luther fit imprimer en 1545, en allemand +et en italien, un crit intitul: <i>Mensonges +des Welches sur la mort du docteur Martin +Luther</i>.</p> + +<p>Je l'ai dit d'avance au docteur Pomer<a name="FNanchor_r179" id="FNanchor_r179" href="#Footnote_r179" class="fnanchor">[r179]</a>: +celui qui aprs ma mort mprisera l'autorit de +cette cole et de cette glise, celui-l sera un +hrtique et un pervers. Car c'est d'abord ici que +Dieu a purifi sa parole et l'a de nouveau rvle... +Qui pouvait quelque chose, il y a vingt-cinq +ans? Qui tait de mon ct, il y a vingt et +un ans?</p> + +<p>Je compte souvent et j'approche de plus en +plus des quarante annes au bout desquelles, je +pense, tout ceci doit prendre fin. Saint Paul n'a +<span class="pagenum" id="Page_211">211</span> +prch que quarante ans. De mme le prophte +Jrmie et saint Augustin. Et lorsque furent +coules les quarante annes pendant lesquelles +on avait prch la parole de Dieu, elle a cess +de se faire entendre, et une grande calamit est +venue ensuite.</p> + +<p>La vieille lectrice, la table de laquelle il +se trouvait, lui souhaitait quarante ans de vie<a name="FNanchor_r180" id="FNanchor_r180" href="#Footnote_r180" class="fnanchor">[r180]</a>. +Je ne voudrais point du paradis, dit-il, condition +de vivre quarante ans.... Je ne consulte pas +les mdecins. Ils ont arrang que je devais vivre +encore un an; je ne veux point rendre ma vie +triste, mais, au nom de Dieu, manger et boire +ce qu'il me plat.</p> + +<p>Je voudrais que nos adversaires me tuassent, +car ma mort serait plus utile l'glise que +ma vie<a name="FNanchor_r181" id="FNanchor_r181" href="#Footnote_r181" class="fnanchor">[r181]</a>.</p> + +<p>16 fvrier 1546<a name="FNanchor_r182" id="FNanchor_r182" href="#Footnote_r182" class="fnanchor">[r182]</a>: Comme on parlait beaucoup +de mort et de maladie la table de Luther, pendant +son dernier voyage Eisleben, il dit: Si +je retourne Wittemberg, je me mettrai dans +la bire et je donnerai manger aux vers un +docteur bien gras. Deux jours aprs il mourut + Eisleben.</p> + +<p>Impromptu de Luther sur la fragilit de la vie<a name="FNanchor_r183" id="FNanchor_r183" href="#Footnote_r183" class="fnanchor">[r183]</a>.</p> + +<div class="poem" lang="la" xml:lang="la"> +<div class="verse">Dat vitrum vitro Jon (vitrum ipse) Lutherus,</div> +<div class="verse2">Se similem ut fragili noscat uterque vitro.</div> +</div> + +<p><span class="pagenum" id="Page_212">212</span> +Nous laissons ces vers en latin, ils auraient +perdu leur mrite dans une traduction.</p> + +<p>Billet crit par Luther Eisleben, deux jours +avant sa mort: Personne ne comprendra Virgile +dans les <i>Bucoliques</i>, s'il n'a t cinq ans pasteur.</p> + +<p>Personne ne comprendra Virgile dans les +<i>Gorgiques</i>, s'il n'a t cinq ans laboureur.</p> + +<p>Personne ne peut comprendre Cicron dans +ses <i>Lettres</i>, s'il n'a t durant vingt ans ml aux +affaires d'un grand tat.</p> + +<p>Que personne ne croie avoir assez got des +saintes critures, s'il n'a pendant cent annes +gouvern les glises, avec les prophtes lie et +lise, avec Jean-Baptiste, Christ et les aptres.</p> + +<div class="poem"> +<div class="verse">Hanc tu ne divinam neida tenta,</div> +<div class="verse">Sed vestigia pronus adora.</div> +</div> + +<p>Nous sommes de pauvres mendians. <span lang="la" xml:lang="la">Hoc +est verum, 16 februarii, anno 1546.</span></p> + +<p>Prdiction du rvrend pre le docteur Martin +Luther, crite de sa propre main, et trouve +aprs sa mort dans sa bibliothque, par ceux que +le trs illustre lecteur de Saxe, Jean Frdric I<sup>er</sup>, +avait charg de la fouiller<a name="FNanchor_r184" id="FNanchor_r184" href="#Footnote_r184" class="fnanchor">[r184]</a>.</p> + +<p>Le temps est arriv auquel, selon l'ancienne +prdiction, doivent venir aprs la rvlation de +l'Antichrist, des hommes qui vivraient sans Dieu, +chacun selon ses dsirs et ses illusions. Le pape +<span class="pagenum" id="Page_213">213</span> +tait un dieu au-dessus de Dieu, et maintenant +tous veulent se passer de Dieu, surtout les papistes. +Les ntres, maintenant qu'ils sont libres +des lois du pape, veulent encore l'tre de la loi +de Dieu, ne suivre que des mobiles politiques, +et ne les suivre encore que selon leurs caprices.—Nous +nous figurons qu'ils sont bien loin ceux +dont on a prdit de telles choses; ils ne sont +autres que nous-mmes.—Il y en a parmi +ceux-ci, qui dsirant le jour de l'homme, ont +commenc chasser de l'glise le dcalogue et la +Loi. Parmi eux se trouvent matre Eisleben +(Agricola), contre lequel, etc.—Je ne suis pas +inquiet des papistes; ils flattent le pape par haine +pour nous, et pour devenir puissans, jusqu' ce +qu'ils soient formidables au pauvre pape.... Je +sens une grande consolation, quand je vois les +adulateurs du pape lui tendre des embches plus +terribles que moi-mme, qui suis son ennemi +dclar. Il en est de mme chez nous: les ntres +me donnent plus d'affaires et de prils que toute +la papaut, qui dsormais ne pourra rien contre +nous. Tant il est vrai que si un empire doit se +dtruire, c'est plutt par ses propres forces. Celui +de Rome</p> + +<div class="poem" lang="la" xml:lang="la"> +<div class="verse">Mole ruit su....</div> +<div class="verse">... Corpus magnum populumque potentem</div> +<div class="verse">In sua victrici conversum viscera dextr.</div> +</div> + +<p><span class="pagenum" id="Page_214">214</span> +Vers la fin de sa vie, Luther prit en dgot le +sjour de Wittemberg. Il crivit sa femme, +en juillet 1545, de Leipzig o il se trouvait: +Grce et paix, chre Catherine! Notre Jean +te racontera comment nous sommes arrivs. +Ernst de Schonfeld nous a trs bien reus Lobnitz, +et notre ami Scherle encore mieux ici. Je +voudrais bien m'arranger de manire ne plus +avoir besoin de retourner Wittemberg. Mon +cœur s'est refroidi pour cette ville, et je n'aime +plus y rester. Je voudrais que tu vendisses la +petite maison, avec la cour et le jardin; je rendrais + mon gracieux seigneur la grande maison +dont il m'a fait prsent, et nous nous tablirions + Zeilsdorf. Avec ce que je reois pour salaire, +nous pourrions mettre notre terre en bon tat, +car je pense bien que mon seigneur ne refusera +pas de me le continuer, du moins pour cette +anne, que je crois fermement devoir tre la +dernire de ma vie. Wittemberg est devenu une +vritable Sodome, et je ne veux pas y retourner. +Aprs-demain je me rendrai Mersebourg, o le +comte George m'a vivement pri de venir. J'aimerais +mieux passer ainsi ma vie sur les grandes +routes, ou mendier mon pain, que de tourmenter +mes pauvres derniers jours par la vue des +scandales de Wittemberg, o toutes mes peines +et toutes mes sueurs sont perdues. Tu peux faire +<span class="pagenum" id="Page_215">215</span> +savoir ceci Philippe et Pomer, que je prie de +bnir la ville en mon nom. Pour moi, je ne peux +plus y vivre.</p> + +<p>Il ne fallut rien moins que les instantes prires +de ses amis, de toute l'acadmie et de l'lecteur, +pour le faire renoncer cette rsolution. Il revint + Wittemberg le 18 aot.</p> + +<p>Luther ne put mourir tranquille; ses derniers +jours furent employs la tche pnible de rconcilier +les comtes de Mansfeld, dont il tait n +le sujet<a name="FNanchor_a78" id="FNanchor_a78" href="#Footnote_a78" class="fnanchor">[a78]</a>. Huit jours de plus ou de moins, crit-il +au comte Albrecht, en lui promettant de se rendre + Eisleben, huit jours de plus ou de moins, ne +m'arrteront pas, quoique je sois bien occup +d'ailleurs. Je pourrai me coucher dans le cercueil +avec joie, quand j'aurai vu auparavant mes chers +seigneurs se rconcilier et redevenir amis. +(6 dcembre 1545.)</p> + +<p>(De Eisleben.) <i>A la trs savante et trs profonde +dame Catherine Luther, ma gracieuse pouse.</i> +Chre Catherine! nous sommes bien tourments +ici, et nous ne serions pas fchs de pouvoir +retourner chez nous. Cependant il nous faudra, +je pense, rester encore une huitaine de jours. +Tu peux dire matre Philippe qu'il ne fera pas +mal de corriger sa <i>postille</i> sur l'vangile, car, en +l'crivant, il ne savait gure pourquoi le Seigneur, +dans l'vangile, appelle les richesses des pines. +<span class="pagenum" id="Page_216">216</span> +C'est ici l'cole o l'on apprend ces choses. La +sainte criture menace partout les pines du feu +ternel, cela m'effraie et me rend de la patience, +car je dois faire tous mes efforts, Dieu aidant, +pour mener la chose bonne fin... (6 fvrier +1546.)</p> + +<p><i>A la gracieuse dame Catherine Luther, ma +chre pouse, qui se tourmente beaucoup trop.</i> Grce +et paix dans le Seigneur. Chre Catherine! tu devrais +lire saint Jean et ce que le Catchisme dit de +la confiance que nous devons avoir en Dieu. Tu +te tourmentes vraiment comme si Dieu n'tait +pas tout-puissant, et qu'il ne pt produire de +nouveaux docteurs Martin par dixaines, si l'ancien +se noyait dans la Saale ou prissait d'une +autre manire. J'ai Quelqu'un qui a soin de moi, +mieux que toi et les anges vous ne pourriez jamais +faire. Il est assis la droite du Pre tout-puissant. +Tranquillise-toi donc. Amen... J'avais +aujourd'hui l'intention de partir <i lang="la" xml:lang="la">in ir me</i>; mais +le malheur o je vois mon pays natal, m'a encore +retenu. Le croirais-tu? je suis devenu lgiste? Cependant +cela ne servira pas grand'chose. Il vaudrait +mieux qu'ils me laissassent thologien. Il +serait grand besoin pour eux d'humilier leur superbe. +Ils parlent et agissent comme s'ils taient +des dieux, mais je crains bien qu'ils ne deviennent +des diables, s'ils continuent ainsi. Lucifer +<span class="pagenum" id="Page_217">217</span> +aussi a t prcipit par son orgueil, etc... +Fais voir cette lettre Philippe, je n'ai pas +eu le temps de lui crire sparment. (7 fvrier +1546.)</p> + +<p><i>A ma douce et chre pouse, Catherine Luther +de Bora.</i> Grce et paix dans le Seigneur. Chre +Catherine! Nous esprons retourner chez vous +cette semaine, si Dieu le veut. Il a montr la +puissance de sa grce dans cette affaire. Les seigneurs +se sont accords sur tous les points, +l'exception de deux ou trois, entre autres sur la +rconciliation des deux frres, les comtes Gebhard +et Albrecht. Je dnerai aujourd'hui avec eux, +et je tcherai de les faire redevenir frres. Ils ont +crit l'un contre l'autre avec beaucoup d'amertume, +et ne se sont encore rien dit pendant les +confrences.—Du reste, nos jeunes seigneurs +sont pleins de gat; ils vont en traneaux avec +les dames, et font sonner les clochettes de leurs +chevaux. Dieu a exauc nos prires.</p> + +<p>Je t'envoie des truites, dont la comtesse Albrecht +m'a fait prsent. Cette dame est bien +heureuse de voir renatre la paix dans sa famille... +Le bruit court ici que l'Empereur s'avance vers +la Westphalie, et que le Franais enrle des +landsknechts, de mme que le Landgrave, etc. +Laissons-les dire et forger des nouvelles: nous +attendrons ce que Dieu voudra faire. Je te recommande +<span class="pagenum" id="Page_218">218</span> + sa protection.—Martin <span class="smcap">Luther</span>. +(14 fvrier 1546.)</p> + +<p>Luther tait arriv le 28 janvier Eisleben, et +quoique dj malade, il assista aux confrences +jusqu'au 17 fvrier. Il prcha aussi quatre fois, +et rvisa le rglement ecclsiastique du comt de +Mansfeld. Le 17, il fut si malade que les comtes +le prirent de ne pas sortir. Au souper, il parla +beaucoup de sa mort prochaine, et quelqu'un +lui ayant demand si nous nous reconnatrions +les uns les autres dans l'autre monde, il rpondit +qu'il le pensait. En rentrant dans sa chambre +avec matre Cœlius et ses deux fils, il s'approcha +de la croise et y resta long-temps en +prires. Ensuite il dit Aurifaber qui venait +d'arriver: Je me sens bien faible, et mes +douleurs augmentent. On lui donna un mdicament, +et on tcha de le rchauffer par des +frictions. Il adressa quelques mots au comte Albrecht, +qui tait venu aussi, et se mit sur un lit +de repos en disant: Si je pouvais seulement +sommeiller une petite demi-heure, je crois que +cela me soulagerait. Il s'endormit en effet, et +ne se rveilla qu'une heure et demie aprs, vers +onze heures. En se rveillant, il dit aux assistans: +Vous voil encore assis ct de moi, ne voulez-vous +pas aller reposer vous-mmes? Il se +remit alors prier, et dit avec ferveur: <i lang="la" xml:lang="la">In manus +<span class="pagenum" id="Page_219">219</span> +tuas commendo spiritum meum; redemisti me, Domine, +Deus veritatis</i>. Il dit aussi aux assistans: +Priez tous, mes amis, pour l'vangile de notre +Seigneur, pour que son rgne s'tende, car le +concile de Trente et le pape le menacent grandement. +Il dormit ensuite jusque vers une heure, +et quand il se rveilla, le docteur Jonas lui demanda +comment il se trouvait. O mon Dieu! +rpondit-il, je me sens bien mal. Mon cher Jonas, +je pense que je resterai ici, Eisleben, o je suis +n. Il marcha pourtant un peu dans la chambre +et se remit sur son lit de repos, o on le couvrit +de coussins. Deux mdecins et le comte avec sa +femme arrivrent ensuite. Luther leur dit: Je +meurs, je resterai ici, Eisleben; et le docteur +Jonas lui ayant exprim l'espoir que la transpiration +le soulagerait peut-tre, il rpondit: +Non, cher Jonas, c'est une sueur froide et +sche, le mal augmente. Il se remit alors prier, +et dit: O mon pre! Dieu de notre Seigneur +Jsus-Christ, toi le pre de toute consolation, +je te remercie de m'avoir rvl ton fils bien-aim, +en qui je crois, que j'ai prch et reconnu, +que j'ai aim et clbr, et que le pape et les +impies perscutent. Je te recommande mon me, + mon Seigneur Jsus-Christ! Je quitterai ce +corps terrestre, je vais tre enlev de cette vie, +mais je sais que je resterai ternellement auprs +<span class="pagenum" id="Page_220">220</span> +de toi. Il rpta encore trois fois: <i lang="la" xml:lang="la">In manus tuas +commendo spiritum meum; redemisti me, Domine +veritatis</i>. Soudain il ferma les yeux, et tomba +vanoui. Le comte Albrecht et sa femme, ainsi +que les mdecins, lui prodigurent leurs secours +pour le rendre la vie. Ils n'y parvinrent qu'avec +peine. Le docteur Jonas lui dit alors: Rvrend +pre, mourez-vous avec constance dans la foi +que vous avez enseigne? Il rpondit par un +oui distinct, et se rendormit. Bientt il plit, +devint froid, respira encore une fois profondment, +et mourut.</p> + +<p>Son corps fut transfr dans un cercueil d'tain, + Wittemberg, o il fut inhum le 22 fvrier avec +les plus grands honneurs. Il repose dans l'glise +du chteau, au pied de la chaire. (Ukert I, p. 327, +sqq. <i>Extrait de la relation de Jonas et de Cœlius.</i>)</p> + +<p><i>Testament de Luther, dat du 6 janvier 1542.</i>—Je +soussign, Martin Luther, docteur, reconnais +avoir, par les prsentes, donn comme +douaire ma chre et fidle pouse Catherine, +pour qu'elle en jouisse toute sa vie, comme bon +lui semblera: la terre de Zeilsdorf, telle que +je l'ai achete et fait disposer depuis; la maison +<i>Brun</i> que j'ai achete sous le nom de +Wolf; les gobelets et autres choses prcieuses, +telles que bagues, chanes, mdailles en or et en +<span class="pagenum" id="Page_221">221</span> +argent, de la valeur de mille florins environ.</p> + +<p>J'ai fait ceci, premirement parce qu'elle a +toujours t ma pieuse et fidle pouse, qui m'a +aim tendrement, et qui, par la bndiction du +ciel, m'a donn et lev cinq enfans heureusement +encore en vie. Secondement, pour qu'elle +se charge de mes dettes, montant quatre cent +cinquante florins environ, au cas o je ne pourrais +les acquitter avant ma mort. Troisimement, +et surtout, parce que je ne veux pas qu'elle soit +dans la dpendance de ses enfans, mais plutt +que les enfans dpendent d'elle, l'honorent et +lui soient soumis, comme Dieu l'a command; +car j'ai vu bien souvent comme le Diable excite +les enfans, mme les enfans pieux, dsobir +ce commandement, surtout quand les mres sont +veuves, que les fils ont des pouses, et les filles +des maris. Je pense, au reste, que la mre sera +la meilleure tutrice de ses enfans, et qu'elle ne +fera pas usage de ce douaire au dtriment de ceux +qui sont sa chair et son sang, de ceux qu'elle +a ports sous son cœur.</p> + +<p>Quoi qu'il puisse advenir d'elle aprs ma mort +(car je ne puis limiter les desseins de Dieu), +j'ai cette confiance qu'elle se conduira toujours +comme une bonne mre envers ses enfans, et +qu'elle partagera consciencieusement avec eux ce +qu'elle possdera.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_222">222</span> +En mme temps, je prie tous mes amis d'tre +tmoins de la vrit et de dfendre ma chre Catherine, +s'il allait arriver, comme il serait possible, +que de mauvaises langues l'accusassent de +garder pour elle quelque somme d'argent cache, +et de ne pas en faire part aux enfans. Je certifie +que nous n'avons ni argent comptant, ni trsor +d'aucune espce. En cela rien d'tonnant, +si l'on veut considrer que nous n'avons eu +d'autre revenu que mon salaire et quelques prsens, +et que cependant nous avons bti, et port +les charges d'un grand mnage. Je regarde mme +comme une grce particulire de Dieu, et je l'en +remercie sans cesse, que nous ayons pu y <ins id="cor_7" title="original: sufffire">suffire</ins>, +et que nos dettes ne soient pas plus considrables........</p> + +<p>Je prie aussi mon gracieux seigneur, le duc +Jean-Frdric, lecteur, de vouloir bien confirmer +et maintenir le prsent acte, quoiqu'il ne +soit pas fait dans la forme demande par les gens +de loi. Martin <span class="smcap">Luther</span>. <i>Sign</i> <span class="smcap">Mlanchton</span>, <span class="smcap">Cruciger</span> +et <span class="smcap">Bugenhagen</span>, comme tmoins.<a name="FNanchor_a79" id="FNanchor_a79" href="#Footnote_a79" class="fnanchor">[a79]</a></p> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" /> +</div> + +<h2 id="Page_223">ADDITIONS<br /> +ET<br /><br /> +CLAIRCISSEMENS.</h2> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<div class="addnotes"> +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a1" id="Footnote_a1" href="#FNanchor_a1">[a1]</a> </span>Page 1, ligne 7.—<i>Les Turcs...</i></p> + +<p>Luther crut voir d'abord dans les Turcs un +secours que Dieu lui envoyait. Ce sont, dit-il, +les ministres de la colre divine, 1526. (<i lang="la" xml:lang="la">Prœliari +adversus Turcas, est repugnare Deo, visitanti iniquitates +nostras per illos.)</i>—Il ne voulait point +que les protestans s'armassent contre eux pour +dfendre les papistes, car ceux-ci ne valent +pas mieux que les Turcs.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_224">224</span> +Il dit dans la prface qu'il mit un livre du +docteur Jonas, que les Turcs galent les papistes, +ou les surpassent plutt, dans les choses que +ceux-ci regardent comme essentielles au salut, +tels que les aumnes, les jenes, les macrations, +les plerinages, la vie monastique, les crmonies +et les autres œuvres extrieures, et que c'est +pour cette raison que les papistes ne parlent pas +du culte des mahomtans. Il prend occasion de +ceci pour lever au-dessus de ces pratiques mahomtanes +ou romanistes, la religion pure du +cœur et de l'esprit, enseigne par l'vangile.</p> + +<p class="sep2">Ailleurs, il fait un parallle entre le pape et +le Turc, et conclut ainsi: S'il faut combattre le +Turc, il faut aussi combattre le pape.—Cependant +quand il vit les Turcs menacer srieusement +l'indpendance de l'Allemagne, il exprima plusieurs +fois le dsir qu'on entretnt une arme permanente +sur les frontires de la Turquie, et rpta +souvent que tout ce qui portait le nom de +chrtien devait implorer Dieu pour le succs des +armes de l'Empereur contre les infidles.</p> + +<p>Luther exhorta l'lecteur, dans une lettre du +29 mai 1538, prendre part la guerre qui se +prparait contre les Turcs. Il l'engagea oublier +les querelles intestines de l'Allemagne, pour tourner +ses armes contre l'ennemi commun.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_225">225</span> +Un homme digne de foi, qui avait t en ambassade +chez les Turcs, dit un jour Luther que +le sultan lui avait demand quel homme tait +Luther, et de quel ge, et qu'ayant appris qu'il +avait environ quarante-huit ans, il disait: Je +voudrais qu'il ne ft pas si g; il a en moi un +gracieux seigneur, dites-le-lui bien. Que Dieu +me prserve de ce gracieux seigneur, s'cria +Luther, en faisant le signe de la croix. (Tischreden, +p. 432, verso.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a2" id="Footnote_a2" href="#FNanchor_a2">[a2]</a> </span>Page 3, ligne 25.—<i>Le Landgrave... se croyant menac, leva +une arme...</i></p> + +<p>Luther, dans une lettre au chancelier Brck, +dit, en parlant des prparatifs de guerre du Landgrave: +Une pareille agression de la part des +ntres, serait la plus grande honte pour l'vangile. +Ce ne serait point une rvolte de paysans, +mais une rvolte de princes, qui prparerait + l'Allemagne les maux les plus terribles. Satan +ne dsire rien autant. (mai 1528.) Il +crivit plusieurs lettres dans le mme sens +l'lecteur.—Cependant il est quelquefois tent +de lcher lui-mme la bride au Landgrave. Ayant +lu une lettre de Mlanchton, qui tait au <i>Colloque</i>, +il dit: Ce que Philippe crit, cela a +<span class="pagenum" id="Page_226">226</span> +des pieds et des mains, de l'autorit et de la gravit. +Il dit des choses importantes en peu de +mots; je conclus de sa lettre que nous avons la +guerre....... Le lche de Mayence fait tout le mal. +Ils devraient nous donner une prompte rponse. +Si j'tais le Landgrave, je tomberais dessus, je +prirais ou je les exterminerais, puisque dans une +affaire si juste, ils ne veulent pas nous donner +la paix. (Tischreden, p. 151.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a3" id="Footnote_a3" href="#FNanchor_a3">[a3]</a> </span><ins title="Il faut sans doute lire Page 3, ligne 26">Page 26, ligne 3</ins>.—<i>Le duc George...</i></p> + +<p>Ce prince se montra de bonne heure oppos + la Rforme. Ds l'anne 1525 (22 dcembre), +Luther avait crit au duc pour le prier instamment +de renoncer ses perscutions contre la +nouvelle doctrine. ... Je me jette vos pieds +pour vous supplier de cesser enfin vos entreprises +impies. Non que je craigne le prjudice qui en +pourrait rsulter pour moi, car je n'ai plus qu' +perdre ce misrable corps de chair que dans tous +les cas la terre va bientt recevoir. Si je recherchais +mon avantage, je ne devrais rien tant dsirer +que la perscution. On a vu comme elle m'a +servi jusqu'ici au-del de toute attente. Si je +prenais plaisir rendre votre Grce malheureuse, +je l'exciterais de toutes mes forces continuer +<span class="pagenum" id="Page_227">227</span> +ses violences; mais c'est mon devoir de songer +au salut de votre Grce et de la supplier genoux +de cesser ses criminelles offenses envers +Dieu et sa parole...</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a4" id="Footnote_a4" href="#FNanchor_a4">[a4]</a> </span>Page 4, ligne 3.—<i>Le docteur Pack...</i></p> + +<p>Mon cher Amsdorf, voici Otton Pack, pauvre +exil que j'offre ta misricorde; il sera plus +en sret Magdebourg que chez moi; je craindrais +que le duc George ne me fort de le remettre +entre ses mains. (29 juillet 1529.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a5" id="Footnote_a5" href="#FNanchor_a5">[a5]</a> </span>Page 5, ligne 1.—<i>Le grand-matre de l'ordre Teutonique +avait scularis la Prusse...</i></p> + +<p>Lorsque je parlai la premire fois au prince +Albert, comme il me consultait sur la rgle de +son ordre, je lui conseillai de mpriser cette +rgle stupide et confuse, de prendre femme +et de rduire la Prusse une forme politique, +en principaut ou en duch. Philippe, partageait +cette opinion, et donnait le mme conseil... +Cela pourrait s'excuter aisment, si le peuple +de Prusse et les grands unissaient leurs prires +<span class="pagenum" id="Page_228">228</span> +pour qu'il ost l'entreprendre; il aurait ainsi +un motif ncessaire et puissant de faire ce +qu'il dsire.... C'est toi avec Speratus, Amandus +et les autres ministres, d'y amener le peuple, +de l'enflammer, de l'animer pour qu'il +invoque la main de Dieu, afin qu'au lieu de +cette abominable principaut hermaphrodite, +qui n'est ni laque ni ecclsiastique, il dsire et +rclame une principaut vritable.—Je voudrais +persuader la mme chose l'vque ***; lui +aussi, il cderait nos raisons, si le peuple le +pressait de ses prires. (4 juillet 1524.)</p> + +<p>Il y avait six mois alors que cet vque prchait +ouvertement la rforme. Ainsi, crivait +Luther en avril 1525, pendant le fort de la guerre +des paysans, l'vangile court pleine course et +pleines voiles en Prusse, o il n'tait pas appel, +tandis que dans la haute et basse Allemagne, o +il est venu et entr de lui-mme, on le blasphme +avec fureur. (T. II, p. 649.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a6" id="Footnote_a6" href="#FNanchor_a6">[a6]</a> </span>Page 6, ligne 25.—<i>Le duc George...</i></p> + +<p>Prie avec moi le Dieu de misricorde, pour +qu'il convertisse le duc George son vangile, +ou que, s'il n'en est pas digne, il soit tir de ce +monde. (27 mars 1526.)</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_229">229</span> +Luther crivit l'lecteur, au sujet de ses querelles +avec le duc George (31 dcembre 1528): +... Je prie votre Grce lectorale de m'abandonner +entirement la dcision des juges, au cas +o le duc George le demanderait, car il est de +mon devoir d'exposer ma tte plutt que de faire +prouver le moindre prjudice votre Grce. +Jsus-Christ, je l'espre, me donnera les forces +ncessaires pour rsister tout seul Satan.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a7" id="Footnote_a7" href="#FNanchor_a7">[a7]</a> </span>Page 7, ligne 14.—<i>O s'arrtera la superbe de ce Moab...</i></p> + +<p>Le duc George tait, aprs tout, un perscuteur +assez dbonnaire. Ayant chass de Leipzig +quatre-vingts luthriens, il leur accorda la permission +de garder leurs maisons, d'y laisser leurs +femmes et leurs enfans, et mme d'y venir trois +fois par an au temps des foires.—Dans une autre +circonstance, Luther ayant conseill aux protestans +de Leipzig de rsister aux ordres de leur +duc, celui-ci se contenta de prier l'lecteur de +Saxe d'interdire Luther toute communication +avec ses sujets. (Cochlus, p. 230.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a8" id="Footnote_a8" href="#FNanchor_a8">[a8]</a> </span>Page 7, ligne 23.—<i>Dite Spire...</i></p> + +<p>Quelque temps aprs cette dite, Luther crivit +<span class="pagenum" id="Page_230">230</span> +la consultation suivante: D'abord il serait +bon que notre parti, l'exclusion des zwingliens, +parlt pour lui seul.</p> + +<p>En second lieu, qu'on crivt l'Empereur, +et que les bienfaits du prince (l'lecteur de Saxe), +envers l'glise et l'tat, fussent amplifis, clbrs, +etc. Il faudrait rappeler: 1<sup>o</sup> Qu'il a fait +enseigner, de la manire la plus pure, le Christ +et sa foi, comme on ne l'a jamais enseign depuis +mille ans; qu'il a aboli une foule d'abus et +de monstruosits nuisibles l'glise et l'tat, +comme les marchs de messes, les abus des indulgences, +les violences de l'excommunication, +et tant d'autres choses qui leur ont paru eux-mmes +intolrables, et dont la noblesse a exig +l'abolition Worms.</p> + +<p>2<sup>o</sup> Qu'il a rsist aux sditieux, ceux qui +violaient les images et les glises.</p> + +<p>3<sup>o</sup> Que la dignit impriale a t par lui +honore, glorifie, rforme, plus qu'on ne l'avait +fait en plusieurs sicles.</p> + +<p>4<sup>o</sup> Que nous avons fait et support les plus +grandes choses contre les partisans de Mnzer, +pour sauver la majest et la paix publique.</p> + +<p>5<sup>o</sup> Que c'est nous, et non d'autres, qui +avons rprim les sacramentaires; que sans nous +les papistes eussent t crass.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_231">231</span> +6<sup>o</sup> Que nous avons de mme rprim les +anabaptistes.</p> + +<p>7<sup>o</sup> Qu'en outre, nous avons touff les mauvais +germes que de mchantes gens avaient rpandus +en divers endroits sur la sainte Trinit, +sur la foi du Christ, etc. Je parle d'rasme, +d'Egranus et de leurs pareils. (mai 1529.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a9" id="Footnote_a9" href="#FNanchor_a9">[a9]</a> </span>Page 7, ligne 28.—<i>Le parti de la Rforme clata...</i></p> + +<p>Luther essaya encore de retenir les siens; le +22 mai 1529, il crivit l'lecteur pour le dissuader +d'entrer dans aucune ligue contre l'Empereur, +et l'exhorter s'en remettre la protection +divine. Dans une lettre Agricola, il +approuva la conduite prudente de l'lecteur +l'gard de l'Empereur: Notre prince a bien fait +de reconnatre un seigneur dans une ville trangre, +et de n'avoir point cherch tre le matre, +comme il aurait pu le faire. Christ a dit: <i>Si vous +tes perscut dans une ville, fuyez dans une autre</i>; +et encore: <i>Sortez de cette maison</i>. Ainsi je +pense que notre prince, comme un membre qui +ne peut se sparer du corps, ne devait point +rompre avec Csar. Mais par son silence il a +comme fui dans une autre ville, il est sorti de +cette maison. (30 juin 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_232">232</span> +<span class="label"><a name="Footnote_a10" id="Footnote_a10" href="#FNanchor_a10">[a10]</a> </span>Page 8, ligne 11.—<i>Le Landgrave essaya de rconcilier +Luther et les sacramentaires...</i></p> + +<p>Au landgrave de Hesse. Grce et paix en +Jsus-Christ. Srnissime seigneur! j'ai reu la +lettre par laquelle votre Altesse veut bien m'engager + me rendre Marbourg, pour confrer +avec Œcolampade et les siens, au sujet de nos +opinions sur le saint Sacrement. Je ne saurais +cacher votre Altesse que je mets peu d'espoir +dans une pareille confrence, et que je doute +qu'on en voie sortir la paix et l'union. Nanmoins +il faut rendre grce votre Altesse, de la sollicitude +qu'elle montre en cette affaire, et je suis +dispos, pour ma part, me rendre au lieu dsign, +bien que je regarde cette dmarche comme +inutile. Je ne veux pas laisser non plus nos adversaires +la gloire de pouvoir dire qu'ils aiment +plus que nous la paix et la concorde. Mais je vous +prie humblement, gracieux prince et seigneur, +de vouloir bien, avant que nous nous runissions, +vous informer s'ils sont disposs cder +quelque point de leurs doctrines, autrement je +craindrais fort que le mal ne ft qu'empirer par +cette confrence, et que le rsultat ne ft prcisment +le contraire de ce que votre Altesse recherche +<span class="pagenum" id="Page_233">233</span> +si loyalement et si srieusement. A quoi +servirait-il de se runir et de discuter, si les deux +parties arrivaient avec la rsolution de ne cder +en quoi que ce ft?... (23 juin 1529.)</p> + +<p>Dans une consultation qui nous reste sur le +mme sujet, et que l'on attribue gnralement +Luther, il exprime le dsir que quelques papistes, +hommes graves et instruits, assistent +la confrence comme tmoins.</p> + +<p>A sa femme. Grce et paix en Jsus-Christ. +Cher seigneur Catherine! Apprenez que notre +confrence amicale de Marbourg est finie, et que +nous sommes d'accord en tout point, si ce n'est +que nos adversaires persistent ne voir que du +pain dans l'Eucharistie, et n'admettre qu'une +prsence spirituelle de Jsus-Christ. Aujourd'hui +le Landgrave nous parlera encore une fois, pour +tcher de nous unir ou de nous porter du moins + nous reconnatre pour frres et membres du +mme corps. Il y travaille avec ardeur. Nous leur +accordons la paix et la charit, mais nous ne +voulons pas de ce nom de frres. Demain ou +aprs-demain, je pense, nous partirons pour +nous rendre au Voigtland, o l'lecteur nous a +appels.</p> + +<p>Dis Pommer que les meilleurs argumens +de Zwingli ont t: <i>Que le corps ne peut exister +sans espace, et que, par consquent, le corps du +<span class="pagenum" id="Page_234">234</span> +Christ n'est pas dans le pain</i>, et le meilleur d'Œcolampade: +<i>Que le saint Sacrement est un signe +du corps du Christ</i>. Dieu les a vraiment aveugls; +ils n'ont su que nous rpondre.—Adieu. Le +messager me presse. Priez pour nous. Nous sommes +bien portans et vivons comme les princes. +Embrasse pour moi Leinette (Madeleine) et le +petit Jean. Le jour de saint Franois. Votre +dvou serviteur, Martin <span class="smcap">Luther</span>. (4 octobre +1529.)</p> + +<p>Luther crivit au landgrave de Hesse dans +une autre lettre (20 mai 1530), au sujet de ses +tentatives de conciliation: ... J'ai support +de si grands dangers et de si longs tourmens pour +ma doctrine, que certes j'ai lieu de dsirer de +n'avoir pas travaill en vain. Ce n'est donc point +par haine ou par orgueil que je leur rsiste; il y +a bien long-temps que j'aurais adopt leur doctrine, +Dieu, mon Seigneur, le sait, s'ils avaient +pu m'en montrer la vrit; mais les raisons +qu'ils donnent sont trop faibles pour que j'y +puisse engager ma conscience...</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a11" id="Footnote_a11" href="#FNanchor_a11">[a11]</a> </span>Page 11, ligne 18.—<i>L'lecteur amena...</i></p> + +<p>Il partit de Torgaw le 3 avril, et arriva Augsbourg +le 2 mai. Sa suite se composait de cent +<span class="pagenum" id="Page_235">235</span> +soixante chevaux. Les thologiens qu'il avait avec +lui furent Luther, Mlanchton, Jonas, Agricola, +Spalatin et Osiander. Luther, excommuni +et mis au ban de l'Empire, resta Cobourg. +(Ukert, t. I, p. 232.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a12" id="Footnote_a12" href="#FNanchor_a12">[a12]</a> </span>Page 11, ligne 19.—<i>L'lecteur amena Luther le plus +prs possible d'Augsbourg.</i></p> + +<p>Je suis sur les confins de la Saxe, moiti +chemin entre Wittemberg et Augsbourg. Il y aurait +eu trop de danger pour moi dans cette dernire +ville. (juin 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a13" id="Footnote_a13" href="#FNanchor_a13">[a13]</a> </span>Page 13, ligne 22.—<i>Les nobles seigneurs qui forment nos +comices...</i></p> + +<p>Ma rsidence est maintenant au milieu des +nuages, dans l'empire des oiseaux. Sans parler +de la foule des autres oiseaux, dont les chants +confus feraient taire une tempte, il y a prs +d'ici un certain bois tout peupl, de la premire + la dernire branche, de corbeaux et de +corneilles. Du matin au soir, et quelquefois pendant +toute la nuit, il y a l une crierie si infatigable, +si incessante, que je doute qu'en aucun +<span class="pagenum" id="Page_236">236</span> +lieu du monde tant d'oiseaux se soient jamais +runis. Pas un qui se repose un instant; bon +gr mal gr, il faut les entendre, vieux et jeunes, +mres et filles, glorifier qui mieux mieux, par +leurs croassemens, le nom de corbeaux. Peut-tre, +par ces chants si harmonieux, veulent-ils +faire descendre doucement le sommeil sur mes +paupires; avec la grce de Dieu, j'en ferai cette +nuit l'exprience. C'est une noble race d'oiseaux, +et, comme tu le sais, fort utiles au monde. Il +me semble, en les voyant, que j'ai sous les yeux +toute l'arme des sophistes et des Cochleistes, +runis de toutes les parties du monde, afin +que j'apprcie mieux leur sagesse et leur doux +langage, et que je voie mon aise ce qu'ils sont +et ce qu'ils peuvent pour le monde de l'esprit +et pour le monde de la chair. Jusqu' ce jour, +personne n'a entendu philomle, et cependant +le coucou, qui annonce et accompagne son +chant, s'enorgueillit magnifiquement dans la +gloire de sa voix. De la rsidence des corbeaux. +(22 avril 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a14" id="Footnote_a14" href="#FNanchor_a14">[a14]</a> </span>Page 14, ligne 23.—<i>Luther le tanait rudement...</i></p> + +<p>Quelquefois cependant il comptit ses douleurs. +Vous avez confess Christ, offert la paix, +<span class="pagenum" id="Page_237">237</span> +obi Csar, souffert les injures, puis les +blasphmes. Vous n'avez point rendu le mal pour +le mal; enfin vous avez dignement travaill la +sainte œuvre de Dieu, comme il convient des +saints; rjouissez-vous donc dans le Seigneur. +Assez long-temps vous avez t contrists par le +monde. Regardez et levez la tte, votre rdemption +approche. Je vous canoniserai comme de +fidles membres de Christ; que faut-il de plus +votre gloire? (15 septembre 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a15" id="Footnote_a15" href="#FNanchor_a15">[a15]</a> </span>Page 19, ligne 15.—<i>J'aurais voulu tre la victime sacrifie +par ce dernier concile, comme Jean Huss...</i></p> + +<p>Plaise Dieu que nous soyons dignes d'tre +brls ou gorgs par lui (par le pape.) Cependant +si nous ne mritons pas de rendre tmoignage +par notre sang, implorons du moins Dieu +pour qu'il nous accorde cette grce de tmoigner +par notre vie et nos paroles que Jsus-Christ +est seul notre Seigneur, et que nous l'adorerons +dans tous les sicles des sicles. Amen. +(T. II des œuvres latines, p. 270.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a16" id="Footnote_a16" href="#FNanchor_a16">[a16]</a> </span>Page 19, ligne 19.—<i>La profession de foi des protestans...</i></p> + +<p>A la dite d'Augsbourg, le duc Guillaume de +<span class="pagenum" id="Page_238">238</span> +Bavire, qui tait fort oppos la doctrine vanglique, +ayant dit au docteur Eck: Peut-on +renverser cette opinion par l'criture sainte? +Non, dit-il, mais par les Pres. L'vque de +Mayence se mit dire: Voyez! nos thologiens +nous dfendent joliment! Les luthriens +montrent leur opinion dans l'criture, et nous +la ntre hors de l'criture. Le mme vque +disait alors: Les luthriens ont un article +auquel on ne peut contredire, quand mme +tous les autres ne vaudraient rien; c'est celui +du mariage. (Tischreden, p. 99.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a17" id="Footnote_a17" href="#FNanchor_a17">[a17]</a> </span>Page 20, ligne 10.—<i>L'archevque de Mayence est trs +port pour la paix...</i></p> + +<p>Luther, pour l'exhorter montrer des sentimens +pacifiques, lui avait crit une lettre qui se +terminait ainsi: Je ne puis cesser de penser +la pauvre Allemagne, si malheureuse, si abandonne, +si mprise, vendue tant de tratres +en mme temps. C'est ma chre patrie; je dsirerais +tant la voir heureuse! (6 juillet 1530, +de Cobourg.)</p> + +<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_239">239</span> +<span class="label"><a name="Footnote_a18" id="Footnote_a18" href="#FNanchor_a18">[a18]</a> </span>Page 21, ligne 7.—<i>Si l'Empereur veut faire un dit, qu'il +le fasse; aprs Worms aussi il en fit un...</i></p> + +<p>Luther a conscience de sa force. Si j'tais +tu par les papistes, ma mort protgerait nos +descendans, et ces btes froces en seraient peut-tre +plus cruellement punies que je ne voudrais +moi-mme. Car, il y a quelqu'un qui dira un jour: +<i>O est ton frre Abel?</i> Et celui-l les marquera +au front, et ils erreront fugitifs par toute la terre... +Notre race est maintenant sous la protection du +Seigneur, puisqu'il est crit: Je ferai misricorde +jusqu' la millime gnration ceux qui m'ont +aim. Et moi je crois ces paroles. (30 juin 1530.)</p> + +<p>Si j'tais tu dans une meute papiste, +j'emmnerais ma suite un grand nombre d'vques, +de prtres, de moines, si bien que tous +diraient: Le docteur Martin Luther est conduit +au spulcre avec une grande procession; +certes, c'est un grand docteur, au-dessus de +tous vques, prtres, moines; aussi faut-il qu' +son enterrement, ils aillent avec lui, tendus +sur le dos. C'est ainsi que nous ferions ensemble +notre dernier voyage. (1531. Cochlus, +p. 211. Extrait du livre de Luther intitul: <i>Avis +aux Allemands</i>.)</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_240">240</span> +Les catholiques, lui disait-on, vous reprochent +plusieurs fausses interprtations dans votre traduction +de l'criture. Il rpondit: Ils ont encore +de trop longues oreilles, et leur <i>hihan! hihan!</i> +est trop faible pour juger une traduction +du latin en allemand... Dis-leur que le docteur +Martin Luther veut qu'il en soit ainsi, et qu'un +papiste et un ne c'est la mme chose.</p> + +<div class="poem"> +<div class="poem"><i lang="la" xml:lang="la">Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas.</i></div> +</div> + +<p class="noind">(Passage cit par Cochlus, 201, verso.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a19" id="Footnote_a19" href="#FNanchor_a19">[a19]</a> </span>Page 21, ligne 15.—<i>Qu'ils nous rendent Lonard Keiser...</i></p> + +<p>Non-seulement le titre de roi, mais celui de +Csar lui est bien mrit, puisqu'il a vaincu celui +dont le pouvoir ne trouve point d'gal sur la +terre. Ce n'est pas seulement un prtre, c'est un +souverain pontife et un vritable pape, celui +qui a offert ainsi son corps en sacrifice Dieu. +Avec juste raison l'appelait-on Lonhard, c'est--dire +force du lion; c'tait un lion fort et intrpide. +(22 octobre 1527.)</p> + +<p><i>A Hausmann.</i> Je pense que tu auras vu l'histoire +de Gaspard Tauber, le nouveau martyr de +<span class="pagenum" id="Page_241">241</span> +Vienne, qui a t dcapit et brl dans cette ville +pour la parole de Dieu. Il en est arriv autant + un libraire de Bude, en Hongrie, qu'on a brl +au milieu de ses livres. (12 novembre 1524.)</p> + +<p>Il y avait Vienne des partisans de la nouvelle +doctrine. Lorsqu'aprs la dite d'Augsbourg +le cardinal Campeggio entra dans la ville avec le +roi Ferdinand, on habilla un petit homme de +bois en cardinal, on lui attacha au cou des indulgences +et le sceau du pape, et on le mit sur un +chien qui avait la queue une vessie de porc +pleine de pois. On fit courir ce chien travers +toutes les rues. (Tischr., p. 251.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a20" id="Footnote_a20" href="#FNanchor_a20">[a20]</a> </span>Page 21, ligne 16.—<i>Qu'ils nous rendent Keiser et tant +d'autres qu'ils ont fait injustement mourir...</i></p> + +<p>Si l'on en croyait Cochlus, Luther se serait +montr perscuteur son tour. En 1532, un +luthrien s'tant loign de ses opinions, Luther +le fit enlever et conduire Wittemberg, o il fut +emprisonn; un procs fut commenc. Comme +on ne trouva pas de charges suffisantes, il fallut +le relcher. Mais il fut toujours depuis sourdement +perscut par les luthriens. (Cochlus, +p. 218.)</p> + +<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_242">242</span> +<span class="label"><a name="Footnote_a21" id="Footnote_a21" href="#FNanchor_a21">[a21]</a> </span>Page 22, ligne 22.—<i>On se prpare combattre...</i></p> + +<p>Cependant on craignait tant de part et d'autre +l'issue de la lutte, que, contre toute probabilit, +la paix se maintint. J'admire ce miracle +de Dieu, que tant de menaces soient alles en +fume. Tout le monde en effet croyait qu'au +printemps claterait en Allemagne une guerre +atroce. (juin 1531.)</p> + +<p>La crainte d'un nouveau soulvement des +paysans contribuait entretenir les intentions +pacifiques des princes. Les paysans, crit Luther, +recommencent s'assembler. Une soixantaine +d'entre eux ont cherch surprendre la nuit +le chteau de Hohenstein. Tu vois que malgr la +prsence de l'Empereur, il faut prendre des +prcautions contre cette rvolte; que serait-ce +si les papistes commenaient la guerre? (19 juillet +1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a22" id="Footnote_a22" href="#FNanchor_a22">[a22]</a> </span>Page 22, ligne 25.—<i>Luther fut accus d'avoir pouss les +protestans prendre cette attitude hostile...</i></p> + +<p>Bien loin de l, il avait ds 1529 dissuad l'lecteur +d'entrer dans aucune ligue dirige contre +<span class="pagenum" id="Page_243">243</span> +l'Empereur... Nous ne saurions approuver une +pareille alliance; s'il en rsultait quelque malheur, +peut-tre mme la guerre ouverte, tout retomberait +sur notre conscience, et nous aimerions +mieux tre dix fois morts que d'avoir +nous reprocher du sang vers pour l'vangile. +Nous sommes ceux qui devons souffrir, comme +dit le prophte, ceux qui ne doivent pas se venger +eux-mmes, mais tout remettre entre les +mains de Dieu... Je supplie donc humblement +votre Grce lectorale de ne pas se laisser abattre +par ce danger. Nous allons lever nos prires +Dieu; mais nos mains doivent rester pures de +sang et de crime. S'il arrivait (contre mon opinion) +que l'Empereur allt jusqu' me rclamer +moi ou mes amis, nous irions, sous la protection +de Dieu, comparatre devant lui, plutt que de +causer prjudice votre Grce lectorale, comme +je l'ai plusieurs fois dclar votre auguste +frre, feu l'lecteur Frdric.... (18 novembre +1529.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a23" id="Footnote_a23" href="#FNanchor_a23">[a23]</a> </span>Page 22, ligne 28.—<i>Rsistance l'Empereur...</i></p> + +<p>Dans le livre des <i>Propos de table</i> (p. 397, verso +et suiv.) Luther parle plus explicitement: Ce +n'est point pour la religion que l'on combattra. +<span class="pagenum" id="Page_244">244</span> +L'Empereur a pris les vchs d'Utrecht et de +Lige; il a offert au duc de Brunswick de lui +laisser prendre Hildesheim. Il est affam et altr +des biens ecclsiastiques; il les dvore. Nos princes +ne le souffriront pas; ils voudront manger +avec lui. Alors on en viendra se prendre aux +bonnets. (1530.)</p> + +<p>J'ai souvent t interrog par mon gracieux +seigneur, sur la question de savoir ce que je ferais +si un voleur de grand chemin, un meurtrier, +venait m'attaquer. Je rsisterais, dans l'intrt +du prince dont je suis sujet et serviteur; je +puis tuer le voleur, mettre le couteau sur lui, et +mme ensuite recevoir les sacremens. Mais si +c'est pour la parole de Dieu, et comme prdicateur, +que l'on m'attaque, je dois souffrir et recommander +la vengeance Dieu. Aussi je ne +prends point de couteau en chaire, mais sur la +route. Les anabaptistes sont des coquins dsesprs, +ils ne portent aucune arme et se vantent +d'une grande patience.</p> + +<p>(1536.) Comme je parlais pour la paix, le +landgrave de Hesse me disait: Seigneur docteur, +vous conseillez trs bien; mais quoi? Si nous ne +suivons pas vos conseils?</p> + +<p>(1539.) Luther rpond sur la question du +droit de rsistance que, selon le droit public, +le droit naturel et la raison, la rsistance l'autorit +<span class="pagenum" id="Page_245">245</span> +injuste est permise. Il n'y a de difficult +que dans le domaine de la thologie.</p> + +<p>La question n'et pas t difficile rsoudre +au temps des aptres, car toutes les autorits +taient alors paennes et non chrtiennes. Mais +maintenant que tous les princes sont chrtiens +ou prtendent l'tre, il est difficile de conclure, +car un prince et un chrtien sont les plus proches +parens.—Qu'un chrtien puisse se dfendre +contre l'autorit, il y a l matire de grandes +rflexions.—... Au fond, c'est au pape que +j'arrache l'pe, et non l'Empereur.</p> + +<p>Il rsume ainsi lui-mme les argumens qu'il +et pu adresser aux Allemands, s'il et fait une +exhortation la rsistance:</p> + +<p>1. L'Empereur n'a ni droit ni puissance pour +ordonner cela; c'est chose certaine, s'il l'ordonne, +on ne doit point lui obir. 2. Ce n'est +pas moi qui excite le trouble, je l'empche et je +m'y oppose. Qu'ils voient s'ils n'en sont pas les +auteurs, lorsqu'ils ordonnent ce qui est contre +Dieu. 3. Ne badinez pas tant. Si vous faites boire +le fou (narren Luprian), prenez garde qu'il ne vous +crache au visage. Il est, d'ailleurs, assez altr, et +ne demande pas mieux que de boire son sol. 4. Eh +bien! vous voulez combattre; courbez vos ttes +pour recevoir la bndiction. Ayez bon succs! +Dieu vous donne joyeuse victoire! Moi, docteur +<span class="pagenum" id="Page_246">246</span> +Martin Luther, votre aptre, je vous ai parl, +je vous ai avertis, comme c'tait mon devoir!</p> + +<p>Il dit encore ailleurs: Vous mprisez ma doctrine. +Vous voulez prendre le Luther dans ses +paroles, comme faisaient les Pharisiens au Christ. +Mais si je voulais (je ne le veux point), j'aurais +une glose pour vous embarrasser; je dirais que +cette rsistance n'est point contre l'Empereur, +mais contre Dieu. D'un autre ct: qu'un politique, +un citoyen, un sujet, n'est pas un chrtien, +que ce n'a pas t la pense de Christ de +dtruire les droits, la police et le gouvernement +du monde. Rends Dieu ce qui est Dieu, et +Csar ce qui est Csar. N'obis point dans ce +qui est contre Dieu et sa parole.</p> + +<p>Je condamne la rvolte au pril de mon +corps, de ma vie, de mon honneur et de mes +biens. Je voudrais bien vous arrter et vous retenir. +Si vous commencez, je me tairai et prirai +avec vous. Vous irez en enfer au nom de tous les +diables, et moi au ciel au nom du Christ. Ils +veulent abuser de notre doctrine, mais ils verront +du moins qu'elle n'est point errone en soi.</p> + +<p>... Tuer un tyran n'est pas chose permise +l'homme qui n'est dans aucune fonction publique, +car le cinquime commandement dit: Tu +ne dois pas tuer. Mais si je surprends un homme +prs de ma femme ou de ma fille, quoiqu'il +<span class="pagenum" id="Page_247">247</span> +ne soit point un tyran, je pourrai fort bien le +tuer. <i>Item</i>, s'il prend par force celui-ci sa +femme, l'autre sa fille, au troisime ses terres +et ses biens, que les bourgeois et sujets s'assemblent, +ne sachant plus comment supporter sa violence +et sa tyrannie, ils pourront le tuer, comme +tout autre meurtrier ou voleur de grand chemin. +(Tischr., p. 397, verso, sqq.)</p> + +<p>Le bon et vraiment noble seigneur Gaspard +de Kokritz m'a demand, mon cher Jean, que je +t'crivisse mon jugement sur le cas o Csar voudrait +faire la guerre nos princes, au sujet de +l'vangile. Serait-il alors permis aux ntres de +rsister et de se dfendre? J'avais dj crit mon +opinion sur ce sujet, du vivant du duc Jean. +Aujourd'hui il est un peu tard pour me demander +mon avis, puisqu'il a t dcid parmi les princes +qu'ils peuvent et veulent rsister et se dfendre, +et qu'on ne s'en tiendra pas mon dire... Ne +fortifie pas le bras des impies contre nos princes; +laisse le champ libre la colre et au jugement +de Dieu; ils l'ont cherch jusqu' ce jour +avec fureur, avec rire et avec joie. Cependant intimide +les ntres par cet exemple, que les Machabes +ne suivirent pas ceux qui voulaient se +dfendre contre Antiochus, mais que dans la +simplicit de leur cœur ils se laissrent plutt +tuer. (8 fvrier 1539.)</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_248">248</span> +Dans son livre <i lang="la" xml:lang="la">De seculari potestate</i>, ddi au +duc de Saxe, il dit: En Misnie, en Bavire et +en d'autres lieux, les tyrans ont promulgu un +dit pour qu'on ait livrer partout aux magistrats +les Nouveaux Testamens. Si les sujets obissent + l'dit, ce n'est pas un livre, qu'ils remettent +au pril de leur salut, c'est Christ lui-mme +qu'ils livrent aux mains d'Hrode. Cependant, +si on veut les enlever par la violence, il faut le +souffrir; on ne doit point rsister la tmrit.—Les +princes sont du monde, et le monde est +ennemi de Dieu.</p> + +<p>On ne doit pas obir Csar s'il veut faire +la guerre notre parti. Le Turc n'attaque pas +son Alcoran, l'Empereur ne doit pas davantage +attaquer son vangile. (Cochlus, p. 210.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a24" id="Footnote_a24" href="#FNanchor_a24">[a24]</a> </span>Page 22, ligne 30.—<i>Voici mon avis...</i></p> + +<p>L'lecteur avait demand Luther s'il serait +permis de rsister l'Empereur les armes la +main. Luther rpondit ngativement, en ajoutant +seulement: Si cependant l'Empereur, non +content d'tre le matre des tats des princes, +allait jusqu' exiger d'eux de perscuter, de +mettre mort, ou de chasser leurs sujets pour +la cause de l'vangile, les princes convaincus +<span class="pagenum" id="Page_249">249</span> +que ce serait agir contre la volont de Dieu, +devront lui refuser l'obissance; autrement ils +violeraient leur foi et se rendraient complices +du crime. Il suffit qu'ils laissent faire l'Empereur, +qui aura en rendre compte, et qu'ils ne +dfendent pas leurs sujets contre lui. Plus +loin il dit, en parlant de la guerre civile: Quel +carnage et quelles lamentations couvriraient alors +la terre allemande! Un prince devrait mieux +aimer perdre trois fois ses tats, ou mourir trois +fois, que d'tre la cause de si horribles bouleversemens, +ou seulement d'y consentir. Quelle +conscience pourrait le supporter! Le diable verrait +cela avec plaisir; Dieu veuille nous en prserver + jamais! (6 mars 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a25" id="Footnote_a25" href="#FNanchor_a25">[a25]</a> </span>Page 26, ligne 8.—<i>Que l'on m'accuse ou non d'tre trop +violent...</i></p> + +<p>L'lecteur avait rprimand Luther au sujet +de deux crits (<i>Avertissement ses chers Allemands</i>, +et <i>Gloses sur le prtendu dit imprial</i>) +qu'il trouvait trop violens. Luther lui rpondit +(16 avril 1531) qu'il n'avait fait que repousser +les attaques plus violentes encore de ses ennemis, +et qu'il serait injuste de lui imposer silence +lorsqu'on laissait tout dire ses adversaires... +<span class="pagenum" id="Page_250">250</span> +Il m'a t impossible de me taire plus long-temps +dans cette affaire qui me concerne plus +que tout autre. Si je gardais le silence devant +une telle condamnation publique de ma doctrine, +ne serait-ce pas l'abandonner, la renier? +Plutt que de le souffrir, je braverais la colre +de tous les diables, celle du monde entier, sans +parler de celle des conseillers impriaux.—On +dit que mes deux crits sont tranchans et bien affils; +l'on a raison: je ne les ai pas non plus faits +pour tre doux; le seul regret que j'aie c'est qu'ils +ne soient pas plus tranchans encore. Si l'on considre +la violence de mes adversaires, l'on sera +forc d'avouer que j'ai t trop bnin... Tout le +monde crie contre nous; l'on vocifre les calomnies +les plus odieuses; et moi, pauvre homme, +j'lve la voix mon tour, et voil que personne +n'aura cri que Luther... En somme, tout +ce que nous disons et faisons est injuste, quand +mme nous ressusciterions les morts; tout ce +qu'ils font, eux, est juste, quand mme ils +noieraient l'Allemagne dans les larmes et dans +le sang.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a26" id="Footnote_a26" href="#FNanchor_a26">[a26]</a> </span>Page 26, ligne 16.—<i>Eh bien! puisqu'ils sont incorrigibles..... +je romps avec eux.</i> ...</p> + +<p>Toujours jusqu' prsent (1534), particulirement +<span class="pagenum" id="Page_251">251</span> + la dite d'Augsbourg, nous avons humblement +offert au pape et aux vques de recevoir +d'eux la conscration et l'autorit spirituelle, et +de les aider conserver ce droit; ils nous ont +toujours repousss. Et s'il arrive un jour, pour +la conscration sacerdotale, ce qui est arriv +pour les indulgences, qui sera la faute. J'ai +offert aussi de me taire sur les indulgences si l'on +voulait se taire sur ce que j'avais crit; ils n'ont +pas voulu, et aujourd'hui il n'y a plus assez de +mpris par tout le monde pour les indulgences; +indulgences, lettres papales, sceaux briss gisent + terre. Ainsi disparatra le pouvoir de consacrer +et le chrme et les tonsures, de sorte qu'on ne +reconnatra plus o est l'vque, o est le prtre. +(Cochlus, p. 245, extrait du <i lang="la" xml:lang="la">De angulari +miss</i>, Luth., op. lat., VII, p. 220.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a27" id="Footnote_a27" href="#FNanchor_a27">[a27]</a> </span>Page 28, ligne 3.—<i>Anabaptistes.</i></p> + +<p>Il y avait dj long-temps qu'ils remuaient en +Allemagne. Nous avons ici une nouvelle espce +de prophtes, venus d'Anvers, qui prtendent +que l'Esprit saint n'est autre chose que le gnie +et la raison naturelle. (27 mars 1525.)</p> + +<p>Il n'y a rien de nouveau, sinon que l'on dit +que les anabaptistes augmentent et se rpandent +de tous cts. (28 dcembre 1527.)</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_252">252</span> +La nouvelle secte des anabaptistes fait d'tonnans +progrs; ce sont des gens qui mnent +une vie d'excellente apparence, et qui meurent +avec grande audace par l'eau ou par le feu. +(31 dcembre 1527.)</p> + +<p>Il y a beaucoup de troubles en Bavire.... il +ne me semble pas propos que tu les livres +aux magistrats; ils se livreront eux-mmes, et +alors le conseil les bannira de la ville. Je vois +partout la tradition de Mnzer, sur la perdition +future des impies et le rgne des justes sur la +terre. C'est ce que prophtise Cellarius dans un +livre qu'il vient de publier; cet esprit est un +esprit de rvolte. (27 janvier 1528.)</p> + +<p>Le 12 mai 1528 il crit Link: Tu as vu, +je pense, mon <i lang="de" xml:lang="de">Antischwermerum</i> et ma dissertation +sur la <ins id="err_4" title="original: digamie (Err.)">bigamie</ins> des vques. Le courage des +anabaptistes mourans, ressemble celui des donatistes +dont parle Augustin, ou la fureur des +juifs dans Jrusalem dvaste. Les saints martyrs, +comme notre Lonard Keiser, meurent +avec crainte, humilit, et en priant pour leurs +bourreaux; l'opinitret de ceux-ci au contraire, +lorsqu'ils vont la mort, semble augmenter avec +l'indignation de leurs ennemis.</p> + +<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_253">253</span> +<span class="label"><a name="Footnote_a28" id="Footnote_a28" href="#FNanchor_a28">[a28]</a> </span>Page 51, ligne 2.—<i>Excution...</i></p> + +<p><i>Extrait d'un ancien livre de chant des anabaptistes.</i> +Les paroles d'Algrius sont des miracles: +Ici, dit-il, les autres gmissent et pleurent, et +moi j'y ressens de la joie. Dans ma prison, l'arme +du ciel m'apparat; je ne sais combien de +martyrs habitent avec moi tous les jours. Dans +la joie, dans les dlices, dans l'extase de la grce, +je vois le Seigneur sur son trne.</p> + +<p>Mais ta patrie, lui disaient-ils, tes amis, +tes parens, ta profession, peux-tu les quitter +volontiers? Il dit aux envoys: Nul homme ne +me bannit de ma patrie; elle est aux pieds du +trne cleste, l o mes ennemis deviendront +mes amis pour chanter le mme cantique.</p> + +<p>Mdecins, artistes, ouvriers, ne peuvent +ici-bas russir; qui ne reconnat la force de Dieu, +n'a qu'une force aveugle. Les juges furieux le +menacrent du feu. Dans la puissance des +flammes, dit Algrius, vous reconnatrez la +mienne. (Wunderhorn, t. I.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a29" id="Footnote_a29" href="#FNanchor_a29">[a29]</a> </span>Page 55.—<i>Fin du chapitre...</i></p> + +<p>Les passages suivans de Ruchat (Rformation +de la Suisse), font bien connatre le bizarre enthousiasme +<span class="pagenum" id="Page_254">254</span> +des anabaptistes. L'an 1529, neuf +anabaptistes furent saisis Ble, et mis en prison. +On les fit venir devant le snat, et on appela +aussi les ministres pour confrer avec eux. D'abord +Œcolampade leur expliqua en deux mots +le symbole des aptres et celui de saint <i>Athanase</i>, +et leur reprsenta que c'tait l la vritable +et indubitable foi chrtienne, que Jsus-Christ et +ses aptres avaient prche. Ensuite le bourgmeistre, +Adelbert Meyer, dit aux anabaptistes, +qu'ils venaient d'entendre une bonne explication +de la foi chrtienne, et que, puisqu'ils se +plaignaient des ministres, ils devaient prsentement +parler cœur ouvert et exposer hardiment +ce qui leur faisait de la peine. Mais il +n'y en eut pas un seul qui lui rpondt un +mot, ils se contentrent de se regarder les uns +les autres. Alors le premier huissier de la chambre +dit l'un d'eux, qui tait tourneur de sa profession: +D'o vient que tu ne parles pas prsentement, +aprs avoir tant jas ailleurs, dans +la rue, dans les boutiques, et dans la prison? +Comme ils gardaient encore le silence, Marc +Hedelin, chef des tribus, s'adressa au principal +de ces gens-l, et lui dit: Que rponds-tu, +frre, ce qui t'a t propos? L'anabaptiste +lui rpondit: Je ne vous reconnais point pour +frre. Comment? lui dit ce seigneur. Parce, +<span class="pagenum" id="Page_255">255</span> +dit l'autre, que vous n'tes point chrtien. Amendez-vous +premirement, corrigez-vous, et quittez +la magistrature. En quoi penses-tu donc, +lui dit Hedelin, que je pche tant? Vous le +savez bien, lui rpondit l'anabaptiste.</p> + +<p>Le bourgmeistre prit la parole, lui ordonna +de rpondre avec modestie et avec douceur, et +le pressa vivement de parler sur la question dont +il s'agissait. Sur quoi il rpondit: Qu'il ne +croyait pas qu'un chrtien pt tre dans une magistrature +mondaine, parce que celui qui combat +avec l'pe, prira par l'pe: Que le baptme +des enfans est du diable, et une invention +du pape; on doit baptiser les adultes, et non les +petits enfans, selon l'ordre de Jsus-Christ.</p> + +<p>Œcolampade entreprit de le rfuter, avec +toute la douceur possible, et de lui faire voir, que +les passages qu'il avait cits, avaient un autre +sens, comme tous les anciens docteurs en faisaient +foi. Mes chers amis, dit-il, vous n'entendez +pas l'criture sainte et vous la maniez fort +grossirement. Et comme il allait leur montrer +le vritable sens de ces passages, l'un d'entre +eux, qui tait meunier, l'interrompit, le +traitant de sducteur, qui caquetait beaucoup, +et dit: Que ce qu'il avait l allgu contre +eux, ne faisait rien au sujet. Qu'ils avaient entre +les mains la pure et propre parole de Dieu, +<span class="pagenum" id="Page_256">256</span> +et qu'ils voulaient s'y attacher toute leur vie, +que le Saint-Esprit parlait maintenant par lui. Il +s'excusait en mme temps de ne pas parler loquemment, +disant qu'il n'avait pas tudi, qu'il +n'avait t dans aucune universit, et que ds sa +jeunesse il avait ha la sagesse humaine, qui est +pleine de tromperies. Qu'il connaissait bien la +ruse des scribes, qui cherchaient perptuellement + offusquer les yeux des simples. Aprs +quoi il se mit crier et pleurer, disant: +Qu'aprs avoir ou la parole de Dieu, il avait +renonc sa vie drgle; et que maintenant +que par le baptme il avait reu le pardon de ses +pchs, il tait perscut de chacun, au lieu que +dans le temps qu'il tait plong dans toutes sortes +de vices, personne ne l'avait chti, ni mis en +prison, comme on faisait prsentement. Qu'on +l'avait enferm dans la tour, comme un meurtrier; +quel tait donc son crime? etc. La confrence +ayant dur jusqu' l'heure du dner, le snat +se leva.</p> + +<p>Aprs dner, le snat s'tant rassembl, les +ministres entrrent en confrence avec les anabaptistes, +au sujet de la magistrature. Et comme +l'un d'eux eut donn des rponses assez satisfaisantes +sur les questions qu'on lui avait proposes, +cela fit chagrin aux autres, de ce qu'il +n'tait pas ferme dans leur doctrine. C'est pourquoi +<span class="pagenum" id="Page_257">257</span> +ils l'interrompirent. Laisse-nous parler, +lui dirent-ils, nous qui entendons mieux l'criture; +nous pourrons mieux rpondre sur ces +articles, que toi, qui es encore un novice, et +qui n'es pas capable de dfendre notre foi contre +les renards. Alors le tourneur entrant en +dispute, soutint que saint Paul (<i>Rom. XIII</i>) parlant +des puissances suprieures, n'entend point +les magistrats, mais les suprieurs ecclsiastiques. +Œcolampade lui nia cela, et lui demanda en +quel endroit de la Bible il le trouvait, et comment +il le prouverait? L'autre lui dit: Feuilletez +aussi tout l'Ancien et le Nouveau Testament, et +vous y trouverez que vous devez recevoir une +pension; vous avez meilleur temps que moi, qui +suis oblig de me nourrir du travail de mes +mains, pour n'tre charge personne. Cette +saillie fit un peu rire les assistans. Œcolampade +leur dit: Messieurs, il n'est pas temps maintenant +de rire: si je reois de l'glise mon entretien +et ma nourriture, je puis prouver par +l'criture, que cela est raisonnable: ainsi ce sont +l des discours sditieux. Priez plutt pour la +gloire du Seigneur, afin que Dieu amollisse leurs +cœurs endurcis et les claire.</p> + +<p>Aprs plusieurs autres discours, comme le +temps de se lever approchait, il y en eut un, +qui n'avait rien dit de tout le jour, qui se mit +<span class="pagenum" id="Page_258">258</span> +hurler et pleurer. Le dernier jour est la +porte, disait-il, amendez-vous, la cogne est dj +mise l'arbre; ne noircissez donc pas notre doctrine +sur le baptme. Je vous en prie, pour +l'amour de Jsus-Christ, ne perscutez pas les +gens de bien. Certainement le juste juge viendra +bientt, et fera prir tous les mchans.</p> + +<p>Le bourgmeistre l'interrompit pour lui dire +qu'on n'avait pas besoin de cette lamentation; +qu'il devait raisonner sur les articles dont il +tait question. Il voulut continuer sur le mme +ton, mais on ne le lui permit pas. Enfin le bourgmeistre +justifia la conduite du snat, l'gard +des anabaptistes: il reprsenta qu'on les avait +arrts, non pas cause de l'vangile, ni cause +de leur bonne conduite, mais cause de leurs +drglemens, de leur parjure et de leur sdition. +Que l'un <ins id="cor_8" title="original: deux">d'eux</ins> avait commis un meurtre; un autre +avait enseign qu'on ne doit point payer les +dmes: un troisime avait excit des troubles, etc. +Que c'tait pour ces crimes qu'on les avait saisis, +jusqu' ce qu'on et dcid quel traitement on +leur ferait, etc.</p> + +<p>Dans ce moment, l'un d'entre eux se mit +crier: Mes frres, ne rsistez point au mchant. +Quand mme l'ennemi serait devant votre porte, +ne la fermez pas. Laissez-les venir, ils ne peuvent +rien faire contre nous, sans la volont du +<span class="pagenum" id="Page_259">259</span> +Pre, puisque nos cheveux sont compts. Je dis +bien plus: il ne faut pas mme rsister un brigand +dans un bois. Ne croyez-vous pas que Dieu +ait soin de vous? On lui imposa silence. (Ruchat, +<i>Rforme suisse</i>, II, p. 498.)</p> + +<p><i>Autre dispute.</i>—Le ministre zwinglien leur +parla amiablement et avec douceur, leur remontrant +que, s'ils enseignaient la vrit, ils avaient +tort de se sparer de l'glise, et de prcher dans +les bois, et dans d'autres lieux carts. Ensuite +il leur exposa en peu de mots la doctrine de l'glise. +Un des anabaptistes l'interrompit, pour lui +dire: Nous avons reu le Saint-Esprit par le +baptme, nous n'avons pas besoin d'instruction. +Un des seigneurs dputs leur dit: Nous +avons ordre de vous dire, qu'on veut bien vous +laisser aller sans autre chtiment, pourvu que +vous quittiez le pays et que vous promettiez de +n'y plus revenir, moins que vous ne vous amendiez. +L'un des anabaptistes lui rpondit: Quel +ordre est-ce-l? le magistrat n'est point matre de +la terre pour nous ordonner de sortir ou d'aller +ailleurs. Dieu a dit: Habite le pays. Je veux obir + ce commandement, et demeurer dans le pays +o je suis n, o j'ai t lev, et personne n'a +le droit de s'y opposer. Mais on lui fit bientt +prouver le contraire. (Ruchat, t. III, p. 102.)</p> + +<p>On vit Ble un anabaptiste nomm <i>Conrad +<span class="pagenum" id="Page_260">260</span> +in Gassen</i>, qui profrait des blasphmes tranges, +par exemple: Que Jsus-Christ n'tait point +notre Rdempteur; qu'il n'tait point Dieu, et +qu'il n'tait point n d'une Vierge. Il ne faisait +aucun cas de la prire, et comme on lui reprsentait +que Jsus-Christ avait pri sur la montagne +des Oliviers, il rpondait avec une brutale +insolence: Qui est-ce qui l'a ou? Comme il +tait incorrigible, il fut condamn avoir la tte +tranche.—Cet impie fanatique me fait souvenir +d'un autre de nos jours, qui a sduit certaines +personnes de notre voisinage, il y a quelques +annes, en leur persuadant qu'il ne fallait user +ni de pain ni de vin. Et comme on lui objectait +un jour Genve, que le premier miracle de Jsus-Christ +avait t de changer l'eau en vin, il +rpondit: Que Jsus-Christ tait encore jeune +dans ce temps-l, et que c'tait une petite faute +qu'il fallait lui pardonner. (Ruchat, <i>Rforme +suisse</i>, t. III, p. 104.)</p> + +<p>La Rforme, ne dans la Saxe, avait promptement +gagn les bords du Rhin, et tait alle, +remontant le fleuve, s'associer dans la Suisse au +rationalisme vaudois; elle osa mme passer dans +la catholique Italie. Mlanchton, qui entretenait +correspondance habituelle avec Bembo et Sadolet, +tous deux secrtaires apostoliques, fut d'abord +beaucoup plus connu que Luther des rudits +<span class="pagenum" id="Page_261">261</span> +italiens. C'est lui qu'on rapportait la gloire +des premires attaques contre Rome. Mais la +rputation de Luther grandissant avec l'importance +de sa rforme, il apparut bientt aux Italiens +comme le chef du parti protestant. C'est +ce titre qu'Altieri lui crit en 1542 au nom des +glises protestantes du nord-est de l'Italie:</p> + +<p>Au trs excellent et trs intgre docteur et +matre dans les saintes critures, le seigneur +Martin Luther, notre chef (princeps) et notre +frre en Christ, les frres de l'glise de Venise, +Vicence et Trvise.</p> + +<p>Nous avouons humblement notre faute et +notre ingratitude, pour avoir tard si long-temps +reconnatre ce que nous te devions toi qui nous +as ouvert la voie du salut... Nous sommes exposs + toute la rage de l'Antichrist, et sa cruaut augmente +de jour en jour contre les lus de Dieu... +Errans, disperss, nous attendons que vienne +le fort du Seigneur... Vous que Dieu a plac +la garde de son troupeau, jusqu' sa venue, +veillez, nous vous en supplions, chassez les +loups qui nous dvorent... Sollicitez les srnissimes +princes de l'Allemagne qui suivent l'vangile, +d'crire pour nous au snat de Venise, afin de +modrer et de suspendre les mesures violentes +que l'on prend contre le troupeau du Seigneur, + la suggestion des ministres du pape.... Vous +<span class="pagenum" id="Page_262">262</span> +savez quel accroissement ont pris ici vos glises; +combien est large la porte ouverte l'vangile... +travaillez donc encore pour la cause commune. +(Seckendorf, lib. III, p. 401.)</p> + +<p>Charles-Quint contribua lui-mme rpandre +dans la pninsule le nom et les doctrines de Luther, +en appelant sans cesse dans cette contre de +nouvelles bandes de landsknechts, parmi lesquels +se trouvaient beaucoup de protestans. On +sait que George Frundsberg, le chef des troupes +allemandes du conntable de Bourbon, jurait +d'trangler le pape avec la chane d'or qu'il portait +au cou.—L'auteur d'une histoire luthrienne +rapporte qu'un de ces Allemands se vantait +de manger bientt un morceau du pape (<i lang="la" xml:lang="la">ut +ex corpore pap frustum devoret</i>). Il ajoute qu'aprs +la prise de Rome plusieurs hommes d'armes +changrent une chapelle en curie, et firent +des bulles du pape une litire pour leurs chevaux, +puis, se revtant d'habits sacerdotaux, +ils proclamrent pape un landsknecht qui, dans +son consistoire, dclara faire abandon de la papaut + Luther. (Cochlus, p. 156).—Luther +fut mme solennellement proclam. Un certain +nombre de soldats allemands s'assemblrent un +jour dans les rues de Rome, monts sur des +chevaux et des mules. Un d'eux, nomm Grunwald, +remarquable par sa taille, s'habilla comme +<span class="pagenum" id="Page_263">263</span> +le pape, se mit sur la tte une triple couronne, +et monta sur une mule richement caparaonne; +d'autres s'taient habills en cardinaux, avec une +mitre sur la tte, et vtus d'carlate ou de blanc, +suivant les personnages qu'ils reprsentaient. Ils +se mirent ainsi en marche au bruit des tambours +et des fifres, entours d'une foule innombrable, +et avec toute la pompe usite dans les processions +pontificales. Lorsqu'ils passaient devant quelques +maisons o se trouvait un cardinal, Grunwald +bnissait le peuple. Il descendit ensuite de sa +mule, et les soldats, le plaant sur un sige, le +portrent sur leurs paules. Arriv au chteau +Saint-Ange, il prend alors une large coupe et +boit la sant de Clment, et ceux qui l'environnent +suivent son exemple. Il prte ensuite +serment ses cardinaux, et ajoute qu'il les engage + rendre hommage l'Empereur comme +leur lgitime et unique souverain; il leur fait +promettre qu'ils ne troubleront plus la paix de +l'Empire par leurs intrigues, mais que, suivant +les prceptes de l'criture et l'exemple de Jsus-Christ +et des aptres, ils demeureront soumis au +pouvoir civil. Aprs une harangue dans laquelle +il rcapitula les guerres, les parricides et les +sacrilges des papes, le prtendu pontife promit +solennellement de transfrer, par voie de testament, +son autorit et sa puissance Martin Luther. +<span class="pagenum" id="Page_264">264</span> +Lui seul, disait-il, pouvait abolir tous ces +abus et rparer la barque de saint Pierre, de +sorte qu'elle ne ft plus le jouet des vents et des +flots. levant alors la voix, il dit aux assistans: +Que tous ceux qui sont de cet avis, le fassent +connatre en levant la main. Aussitt la multitude +des soldats leva la main en s'criant: <i>Vive +le pape Luther!</i> Toute cette scne se passait +sous les yeux de Clment VII. (Macree, Rf. en +Italie, p. 66-7.)</p> + +<p>Les ouvrages de Zwingli tant crits en langue +latine, circulaient plus facilement en Italie que +ceux des rformateurs du nord de l'Allemagne, +qui n'crivaient point toujours dans la langue +savante et universelle. Cette circonstance est +sans doute une des causes du caractre que prit +la rforme italienne, particulirement dans l'acadmie +de Vicence, o naquit le socinianisme. +Cependant les livres de Luther passrent de +bonne heure les Alpes. Le 14 fvrier 1519, le +premier magistrat lui crit: Blaise Salmonius, +libraire de Leipzig, m'a prsent quelques-uns +de vos traits; comme ils ont eu l'approbation +des savans, je les ai livrs l'impression, et j'en +ai envoy six cents exemplaires en France et en +Espagne. Ils se vendent Paris, et mes amis +m'assurent que mme, dans la Sorbonne, il y a +des gens qui les lisent et les approuvent. Des savans +<span class="pagenum" id="Page_265">265</span> +de ce pays dsiraient aussi depuis long-temps +voir traiter la thologie avec indpendance. +Calvi, libraire de Pavie, s'est charg de faire +passer une grande partie de l'dition en Italie. Il +nous promet mme un envoi de toutes les pigrammes +composes en votre honneur par les +savans de son pays. Telle est la faveur que votre +courage et votre habilet ont attire sur vous et +sur la cause de Christ.</p> + +<p>Le 19 septembre 1520, Burchard Schenk +crit de Venise Spalatin: J'ai lu ce que vous +me mandez du seigneur Martin Luther; il y a +dj long-temps que sa rputation est arrive +jusqu' nous, mais on dit par la ville qu'il se +garde du pape! Il y a deux mois, dix de ses +livres furent apports dans notre ville, et aussitt +vendus... Que Dieu le conduise dans la voie de +la vrit et de la charit. (Seckendorf, p. 115.)</p> + +<p>Quelques ouvrages de Luther pntrrent +mme dans Rome, et jusque dans le Vatican, sous +la sauve-garde de quelque pieux personnage dont +le nom remplaait en tte du livre celui de l'auteur +hrtique. C'est ainsi que plusieurs cardinaux +eurent se repentir d'avoir lou hautement +le <i>Commentaire sur l'ptre aux Romains</i>, et le +<i>Trait sur la justification</i> d'un certain cardinal +Fregoso, qui n'tait autre que Luther. Il en advint +de mme pour les <i>Lieux communs</i> de Mlanchton. +<span class="pagenum" id="Page_266">266</span> +(Maccree, Rforme italienne, p. 39.)</p> + +<p>Je m'occupe, dit Bucer dans une lettre +Zwingli, d'une interprtation des psaumes. Les +instances de nos frres de la France et de l'Allemagne +intrieure, me dcident les publier sous +un nom tranger, afin que les libraires puissent +les vendre. Car c'est un crime capital d'introduire +dans ces deux pays des livres qui portent nos +noms. Je me donnerai donc pour un Franais, +et je ferai paratre mon livre sous le nom d'Aretius +Felinus.—Il ddia ce livre au Dauphin. +(<span lang="la" xml:lang="la">Lugduni iii idus julii anno MDXXIX.</span>)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a30" id="Footnote_a30" href="#FNanchor_a30">[a30]</a> </span>Page 56, ligne 5.—<i>Les catholiques et les protestans runis +un instant contre les anabaptistes...</i></p> + +<p>Pour repousser les reproches des catholiques +qui attribuaient aux prdicateurs protestans la +rvolte des anabaptistes, les Rforms de toutes +les sectes cherchrent encore une fois se runir. +Une confrence eut lieu Wittemberg (1536). +Bucer, Capiton et plusieurs autres s'y rendirent +au mois de mai, pour confrer avec les thologiens +saxons. La confrence dura du 22 au 25, +jour o fut signe la <i>Formule de concorde</i> rdige +par Mlanchton. Le 28, Luther et Bucer prchrent +<span class="pagenum" id="Page_267">267</span> + Wittemberg, et proclamrent l'union +qui venait de se conclure entre les deux partis. +(Ukert, I, 307.)</p> + +<p>Avant de signer la formule de concorde, +Luther voulut qu'elle ft approuve explicitement +par les rforms de la Suisse, de peur, +dit-il, que par des rticences, cette <i>Concorde</i> ne +donne lieu dans la suite des discordes encore +plus fcheuses. (janvier 1535.) Cette approbation +fut donne. Les Suisses, crit-il au duc +Albert de Prusse, les Suisses, qui jusqu'ici n'taient +pas d'accord avec nous sur la question du +saint Sacrement, sont en bon chemin; Dieu +veuille ne pas nous abandonner! Ble, Strasbourg, +Augsbourg, Berne et plusieurs autres +villes, se sont ranges de notre ct. Nous les +recevons comme frres, et nous esprons que +Dieu finira le scandale, non pas cause de nous, +car nous ne l'avons pas mrit, mais pour glorifier +son nom et faire dpit cet abominable +pape. La nouvelle a beaucoup effray ceux de +Rome. Ils sont dans la terreur et n'osent assembler +un concile. (6 mai 1538.)</p> + +<p>Dans le mme temps, des ngociations taient +entames avec Henri, duc de Brunswick, pour +le rattacher aux doctrines luthriennes, mais elles +restrent sans rsultat.—Le 23 octobre 1539, +Luther crivit l'lecteur pour lui annoncer +<span class="pagenum" id="Page_268">268</span> +que les ngociations avec les envoys du roi d'Angleterre +taient galement infructueuses. La lettre +est signe de Luther, de Mlanchton, et de +plusieurs autres thologiens de Wittemberg.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a31" id="Footnote_a31" href="#FNanchor_a31">[a31]</a> </span>Page 57, ligne 25.—<i>Les armes seules pouvaient dcider...</i></p> + +<p>Le docteur Jean Pommer m'a dit une fois qu' +Lubeck, dans la maison de ville, on avait trouv +dans une vieille chronique, une prophtie d'aprs +laquelle en l'an 1550, il s'lverait dans +l'Allemagne un grand tumulte cause de la religion; +et que, lorsque l'Empereur s'en serait +ml, il perdrait tout ce qu'il avait. Mais je ne +crois point que l'Empereur commence la guerre +pour la cause du pape; la guerre cote trop d'argent.</p> + +<p>L'diteur Aurifaber ajoute que Charles-Quint, +dans sa retraite de Saint-Just, avait fait tendre +les murs d'une vingtaine de tapisseries qui reprsentaient +les principales actions de son rgne; +qu'il aimait se promener en les regardant, +et que, lorsqu'il s'arrtait devant celle qui reprsentait +la prise de l'lecteur de Saxe Muhlberg, +il soupirait et disait: Si je l'eusse laiss +tel qu'il tait, je serais rest tel que j'tais. +<span class="pagenum" id="Page_269">269</span> +(Tischred., p. 6.)—Ce mot que l'diteur a l'air +de ne pas comprendre, peut-tre dessein, est +fort raisonnable; car rien ne fut plus funeste +Charles-Quint que d'avoir donn l'lectorat au +jeune Maurice.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a32" id="Footnote_a32" href="#FNanchor_a32">[a32]</a> </span>Page 58, ligne 7.—<i>Ratisbonne...</i></p> + +<p>Je veux devancer tes lettres et te prdire ce +qui se passe Ratisbonne mme. Tu as t appel +par l'Empereur, il t'a dit de songer aux conditions +de la paix. Toi, tu lui as rpondu en latin, +tu as fait tout ce que tu as pu, mais tu es rest +au-dessous d'un si grand sujet. Eck, selon son habitude, +a vocifr: Trs gracieux Empereur, je +prtends prouver que nous avons raison et que +le pape est la tte de l'glise. Voil votre histoire. +(25 juin 1541.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a33" id="Footnote_a33" href="#FNanchor_a33">[a33]</a> </span>Page 59, ligne 3.—<i>Notre prince... accourut avec Pontanus +et tous deux arrangrent la rponse leur faon...</i></p> + +<p>La cour cherchait exercer une sorte de contrle, +de haute surveillance sur les ouvrages +<span class="pagenum" id="Page_270">270</span> +mme de Luther. En 1531, il avait crit un livre +intitul: <i>Contre l'hypocrite de Dresde</i>, sans en +avoir fait part l'lecteur; il lui fallut s'en excuser +auprs du chancelier Brck.</p> + +<p>... Si mes petits ouvrages, dit-il, taient +envoys la cour, avant de paratre, ils y rencontreraient +tant de critiques et de censures +qu'ils ne paratraient jamais, et, s'ils paraissaient, +nos ennemis souponneraient chaque fois une +foule de gens d'y avoir pris part. De cette manire, +l'on sait et l'on voit qu'ils sont tout uniment +de Luther; et c'est lui seul de s'en justifier.</p> + +<p>Dans une autre circonstance plus srieuse, il +eut encore lutter contre l'intervention de la +cour. Albert, archevque de Mayence, avait +fait mettre mort l'un de ses officiers, nomm +Schanz, contrairement aux lois, et en croire la +voix publique, par haine personnelle. Luther lui +adressa cette occasion deux lettres pleines +d'indignation. Il commenait ainsi la premire +(31 juillet 1535): Je ne vous cris plus, cardinal, +dans l'espoir de changer votre cœur profondment +perverti. C'est une pense laquelle j'ai +renonc. Je vous cris pour satisfaire ma conscience +devant Dieu et les hommes, et ne +pas approuver, par mon silence, l'acte horrible +que vous venez de commettre. Dans ce qui suit, +<span class="pagenum" id="Page_271">271</span> +il l'appelle cardinal d'enfer, et le menace du bourreau +ternel qui viendra lui demander compte +du sang vers. Dans la seconde lettre (mars 1536), +il dit: L'crit ci-joint vous fera voir que le sang +de Schanz ne se tait pas en Allemagne comme +dans les appartemens de votre Grce lectorale, +au milieu de vos courtisans. Abel vit en Dieu et +son sang crie contre les meurtriers!... J'ai reconnu +par la lettre de votre Grce Antoine +Schanz que vous allez jusqu' accuser sa famille +d'tre cause de sa mort. J'ai vu et entendu raconter +mainte sclratesse de cardinal, mais +je n'aurais jamais cru que vous fussiez une si +cruelle et impudente vipre pour railler encore +les malheureux, aprs cette abominable, cette +infernale action!... J'ai recueilli les derniers +cris de Schanz, au moment de sa dtresse, ses +dernires protestations contre la violence, lorsque +votre Saintet lui fit arracher les dents pour +tirer de lui un faux aveu; je publierai ces paroles, +et Dieu aidant, votre Saintet dansera une danse +qu'elle n'a jamais danse!... Si Can sait dire: +<i>Suis-je fait pour garder mon frre?</i> Dieu sait aussi +lui rpondre: <i>Sois maudit sur la terre...</i> Je vous +recommande Dieu, dit-il la fin de la lettre, +si toutefois le chapeau de sang (le chapeau rouge +de cardinal) vous laisse dsirer de lui tre recommand.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_272">272</span> +L'lecteur de Saxe et le duc Albert de Prusse, +parens du cardinal, trouvrent trop violent l'crit +dont Luther parlait dans cette lettre. Ils lui +firent dire qu'il attaquait l'honneur de la famille +dans la personne de l'archevque, et lui commandrent +d'user de mnagemens. Luther n'en +publia pas moins son crit quelque temps aprs.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a34" id="Footnote_a34" href="#FNanchor_a34">[a34]</a> </span>Page 59, ligne 18.—<i>Ils regardent toute cette affaire comme +une comdie...</i></p> + +<p>Ds le commencement des confrences, Luther +avait prvu qu'elles ne mneraient rien. +Il se dfiait mme de la fermet de Bucer et du +landgrave de Hesse. Il dit dans une lettre au +chancelier Brck: Je crains que le Landgrave +ne se laisse entraner trop loin par les papistes, +et qu'il ne veuille nous entraner avec lui. Mais il +nous a dj suffisamment tiraills et je ne me laisserai +plus mener par lui. Je reprendrais plutt +tout le fardeau sur mes paules, et je marcherais +seul, mes risques et prils, comme dans le commencement. +Nous savons que c'est la cause de +Dieu; c'est lui qui nous a suscits, qui nous a +conduits jusqu'ici, il saura bien faire triompher +sa cause. Ceux qui ne voudront pas nous suivre, +n'ont qu' rester en arrire. Ni l'Empereur, ni le +<span class="pagenum" id="Page_273">273</span> +Turc, ni tous les Dmons ensemble, ne pourront +rien contre cette cause, quoi qu'il en puisse advenir +de nous et de ce corps mortel.—Je m'indigne +qu'ils traitent ces affaires comme des affaires +mondaines, des affaires d'Empereur, de +Turcs, de princes, dans lesquelles on puisse transiger + volont, avancer ou reculer. C'est une +cause dans laquelle Dieu et Satan combattent +avec tous leurs anges. Ceux qui ne le croient pas, +ne peuvent pas la dfendre. (avril 1541.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a35" id="Footnote_a35" href="#FNanchor_a35">[a35]</a> </span>Page 59, ligne 24.—<i>Je suis indign qu'on se joue ainsi de +si grandes choses...</i></p> + +<p>Je vais Haguenau; je verrai de prs ce +formidable Syrien, ce Behemoth dont se rit, au +psaume II, l'habitant du ciel... Mais ils ne comprendront +point ce rire, jusqu'au moment o +finira ce chant funbre: Vous prirez dans la +route, quand se lvera sa colre, parce qu'ils +ont refus un baiser au Fils (<span lang="la" xml:lang="la">peribitis in vi, cum +exarserit ira ejus, quia Filium nolunt osculari</span>).—Amen, +amen, que cela arrive. Ils l'ont mrit, +ils l'ont voulu. (2 juillet 1540.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a36" id="Footnote_a36" href="#FNanchor_a36">[a36]</a> </span>Page 64, ligne 15.—<i>Fait Wittemberg...</i></p> + +<p>On trouve dans les <i>Propos de table</i>, p. 320:</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_274">274</span> +Le mariage secret des princes et des grands seigneurs +est un vrai mariage, devant Dieu; il n'est +pas sans analogie avec le concubinat des patriarches. +(Ceci expliquerait la consultation en faveur +du Landgrave.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a37" id="Footnote_a37" href="#FNanchor_a37">[a37]</a> </span>Page 65, ligne 19.—<i>Depuis cette poque, les lettres de Luther, +comme celles de Mlanchton, sont pleines de dgot +et de tristesse.</i></p> + +<p>L'ingratitude des hommes, c'est le cachet +d'une bonne œuvre; si nos efforts plaisaient au +monde, coup sr ils ne seraient point agrables + Dieu. (6 aot 1539.)</p> + +<p>La tristesse et la mlancolie viennent de Satan; +c'est pour moi une chose sre. Dieu n'afflige, +ni n'effraie, ni ne tue; il est le Dieu des +vivans. Il a envoy son fils unique, pour que +nous vivions par lui, pour qu'il surmonte la +mort. C'est pourquoi l'criture dit: Soyez contens +et joyeux, etc. (Tischreden, p. 205, verso.)</p> + +<p><i>Sur la tristesse.</i>—Vous ne pouvez empcher, +disait un sage, que les oiseaux ne volent +au-dessus de votre tte; mais vous empcherez +qu'ils ne fassent leurs nids dans vos cheveux. +(19 juin 1530.)</p> + +<p>Jean de Stockhausen avait demand Luther +<span class="pagenum" id="Page_275">275</span> +des remdes contre les tentations spirituelles et +la mlancolie. Luther lui conseilla dans une lettre +d'viter la solitude et de fortifier sa volont +par une vie active, laborieuse. Il lui recommanda, +outre la prire, la lecture du livre de +Gerson: <i lang="la" xml:lang="la">De cogitationibus blasphemi</i>. (27 novembre +1532.)</p> + +<p>Il donna des conseils semblables au jeune +prince Joachim d'Anhalt, La gat, dit-il, et le +bon courage (en tout bien et tout honneur) sont +la meilleure mdecine des jeunes gens, disons +mieux, de tous les hommes. Moi-mme qui ai +pass ma vie dans la tristesse et les penses sombres, +j'accepte aujourd'hui la joie partout o elle +se prsente, je la recherche mme. La joie criminelle +vient de Satan, il est vrai, mais la joie qu'on +trouve dans le commerce d'hommes honntes et +pieux, celle-l plat au Seigneur..... Montez +cheval, allez la chasse avec vos amis, amusez-vous +avec eux. La solitude et la mlancolie sont +un poison; c'est la mort des hommes, et surtout +des hommes jeunes. (26 juin 1534.)</p> + +<p>Mlanchton raconta un jour la table de +Luther la fable suivante: Un paysan traversant +une fort, rencontra une caverne o se trouvait +un serpent. Une grande pierre roule devant, +empchait l'animal d'en sortir. Il supplia le paysan +d'enlever la pierre, lui promettant la plus belle +<span class="pagenum" id="Page_276">276</span> +rcompense. Le paysan se laissa tenter, dlivra +le serpent, et lui demanda le prix de sa peine. +A quoi le serpent rpondit qu'il allait lui donner +la rcompense que le monde donne ses bienfaiteurs, +qu'il allait le tuer. Tout ce que le paysan +put obtenir par ses supplications, fut qu'ils remettraient +leur diffrend au jugement du premier +animal qu'ils rencontreraient. Ce fut d'abord un +vieux cheval qui n'avait plus que la peau et les +os. Pour toute rponse, il dit: J'ai consum +tout ce que j'avais de force au service de l'homme; +pour rcompense, il va me tuer, m'corcher. +Ils rencontrrent ensuite un vieux chien que son +matre venait de rouer de coups; ce nouvel arbitre +donna mme dcision. Le serpent voulait +alors tuer son bienfaiteur. Celui-ci obtint qu'ils +prendraient un nouveau juge, et que la sentence +de ce dernier serait dcisive. Aprs avoir march +quelques pas, ils virent venir eux un renard. +Ds que le paysan l'aperut, il invoqua son secours, +et lui promit tous ses poulets, s'il rendait +une dcision favorable. Le renard ayant entendu +les parties, dit qu'avant de prononcer, il fallait +remettre toutes choses dans leur premier tat; +que le serpent devait retourner dans la caverne +pour entendre le jugement. Le serpent consentit, +et, ds qu'il y fut, le paysan boucha le trou +de son mieux. Le renard vint la nuit suivante +<span class="pagenum" id="Page_277">277</span> +prendre les poulets qui lui taient promis; mais +la femme et les valets du paysan le turent. +Mlanchton ayant fini ce conte, le docteur dit: +Voil bien l'image de ce qu'on voit dans le +monde. Celui que vous avez sauv de la potence +vous fait pendre. Si je n'avais d'autre exemple, +je n'aurais qu' penser Jsus-Christ qui, aprs +avoir rachet le monde entier du pch, de la +mort, du diable et de l'enfer, fut crucifi par les +siens mmes. (Tischreden, p. 56.)</p> + +<p>Les plaisanteries, les jeux de mots qui se rencontrent +si souvent dans les lettres des annes +prcdentes, ont disparu dans celles-ci; la correspondance +de Luther devient triste; c'est +peine si on le voit sourire une seule fois; le +rcit grotesque d'une expdition militaire de +quelques bourgeois contre des brigands, peut +tout au plus le drider: Voici encore une nouvelle +victoire de Kohlhase (fameux brigand dont +la vie est raconte dans un curieux roman historique); +il a pris et enlev un riche meunier. Sitt +que nous avons su la chose, nous nous +sommes courageusement prcipits travers les +campagnes, pas trop loin cependant de nos murailles, +et comme il convient des saints Christophes +en peinture ou des saints Georges de +bois, nous avons effray les nues de quelques +coups de fusil... Nous avons fait transporter dans +<span class="pagenum" id="Page_278">278</span> +la ville nos bois, nos arbres, de peur que, la +nuit, Kohlhase n'en fasse un pont pour passer +nos petits fosss. Nous sommes tous des Hectors +et des Achilles, ne craignant personne, bien que +nous soyons seuls et sans ennemis.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a38" id="Footnote_a38" href="#FNanchor_a38">[a38]</a> </span>Page 67, ligne 25.—<i>Poison...</i></p> + +<p>En 1541, un bourgeois de Wittemberg, +nomm Clmann Schober, suivit Luther l'arquebuse + la main, dans l'intention probable de le +tuer. Il fut arrt et puni. (Ukert <span class="t5">I</span>, 323.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a39" id="Footnote_a39" href="#FNanchor_a39">[a39]</a> </span>Page 71, ligne 4.—<i>Famille...</i></p> + +<p><i>A Marc Cordel.</i> Comme nous en sommes convenus, +mon cher Marc, je t'envoie mon fils +Jean, afin que tu l'emploies exercer des enfans +dans la grammaire et la musique, et en mme +temps, pour que tu surveilles et corriges ses +mœurs... Si tes soins prosprent pour ce fils, tu +en auras, de mon vivant, deux autres... Je suis +en travail de thologiens, mais je veux enfanter +aussi des grammairiens et des musiciens. +(26 aot 1542.)</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_279">279</span> +Le docteur Jonas avait dit un jour que la maldiction +de Dieu sur les enfans dsobissans, +s'tait accomplie dans la famille de Luther; le +jeune homme dont il parlait tait toujours malade +et souffrant. Le docteur Luther ajouta +C'est la punition due sa dsobissance. Il +m'a presque tu une fois, et, depuis ce temps, +j'ai perdu toutes les forces de mon corps. Grce + lui, j'ai compris le passage o saint Paul parle +des enfans qui tuent leurs parens, non par l'pe, +mais par la dsobissance. Ils ne vivent gure, +et n'ont pas de bonheur... O mon Dieu! que le +monde est impie, et dans quels temps nous vivons! +Ce sont les temps dont Jsus-Christ a dit: +Quand le fils de l'homme viendra, croyez-vous +qu'il trouvera de la foi et de la charit? Heureux +ceux qui meurent avant de voir des temps +pareils. (Tischreden, p. 48.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a40" id="Footnote_a40" href="#FNanchor_a40">[a40]</a> </span>Page 71, ligne 4.—<i>La femme...</i></p> + +<p>La femme est le plus prcieux des trsors. +Elle est pleine de grces et de vertus; elle garde +la foi.</p> + +<p>—Le premier amour est violent, il nous +enivre et nous enlve la raison. L'ivresse passe, +<span class="pagenum" id="Page_280">280</span> +les mes pieuses conservent l'amour honnte; les +impies n'en conservent rien.</p> + +<p>—Mon doux Seigneur! si c'est ta volont +sainte que je vive sans femme, soutiens-moi +contre les tentations; sinon, veuille m'accorder +une bonne et pieuse jeune fille, avec laquelle je +passe doucement ma vie, que j'aime et dont je +sois aim en retour. (Tischreden, p. 329-31.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a41" id="Footnote_a41" href="#FNanchor_a41">[a41]</a> </span>Page 71, ligne 8.—<i>Asseyons-nous sa table...</i></p> + +<p>Il y tait toujours entour de ses enfans et de +ses amis, Mlanchton, Jonas, Aurifaber, etc., +qui l'avaient soutenu dans ses travaux. Une place + cette table tait chose envie.—J'aurais volontiers, +crit-il Gaspard Muller, reu Kgel au +nombre de mes pensionnaires, pour diffrentes +raisons; mais le jeune Porse de Jna allant +bientt revenir, la table sera pleine, et je ne puis +pourtant congdier mes anciens et fidles compagnons. +Si cependant il se trouve plus tard une +place vacante, comme cela pourrait arriver aprs +Pques, je ferai avec plaisir ce que vous dsirez, + moins que <i>le seigneur</i> Catherine, ce que je ne +pense pas, ne veuille nous refuser sa grce. +(19 janvier 1536.) <i>Dominus Ketha</i>, c'tait le +nom qu'il donnait souvent sa femme. Il commence +<span class="pagenum" id="Page_281">281</span> +ainsi une lettre qu'il lui crit le 26 juillet +1540: A la riche et noble dame de Zeilsdorf<a name="FNanchor_7" id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>, +madame la <i>doctoresse</i> Catherine Luther, +domicilie Wittemberg, quelquefois se promenant + Zeilsdorf, ma bien-aime pouse.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a42" id="Footnote_a42" href="#FNanchor_a42">[a42]</a> </span>Page 77, ligne 8.—<i>Mariage...</i></p> + +<p>Le mariage, que l'autorit approuve et qui +n'est point contre la parole de Dieu, est un bon +mariage, quel que soit le degr de parent. +(Tischreden, page 321.)</p> + +<p>Il blmait fort les juristes qui, contre leur +propre conscience, contre le droit naturel, divin +et imprial, maintenaient comme valables les +promesses secrtes de mariage. On doit laisser +chacun s'arranger avec sa conscience. On ne peut +forcer personne l'amour.</p> + +<p>Les dots, prsens de lendemain, biens, +hritages, etc., ne regardent que l'autorit. Je +veux les lui renvoyer, afin qu'elle en charge ses +gens, ou qu'elle dcide elle-mme. Nous sommes +pasteurs des consciences, non des corps ou des +biens. (Tischreden, p. 315)</p> + +<p>Consult dans un cas d'adultre, il dit: On +doit les citer et ensuite les sparer. De tels cas +<span class="pagenum" id="Page_282">282</span> +regardent proprement l'autorit, car le mariage +est une chose temporelle. Il n'intresse l'glise +qu'en ce qui touche la conscience. (Tischreden, +p. 322.)</p> + +<p>L'an 1539, 1<sup>er</sup> fvrier, il disait: Quoique +les affaires relatives aux mariages nous obligent +tous les jours d'tudier, de lire, de prcher, +d'crire et de prier, je me rjouis que +les consistoires soient tablis, surtout pour ce +genre d'affaires... On trouve beaucoup de parens, +particulirement des beaux-pres qui, sans raison, +dfendent le mariage leurs enfans. L'autorit +et les pasteurs doivent y voir, et favoriser +les mariages, mme contre la volont des parens, +selon les diverses <ins id="err_5" title="original: occurences (Err.)">occurrences</ins>... Les enfans doivent +citer leurs parens l'exemple de Samson. +Nous ne sommes plus au temps de la papaut, +o l'on suivait la loi contre l'quit. (Tischreden, +p. 322.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a43" id="Footnote_a43" href="#FNanchor_a43">[a43]</a> </span>Page 81, ligne 12.—<i>Ma femme et mes petits enfans...</i></p> + +<p>Durant la dite d'Augsbourg, il crivit son fils +Jean: Grce et paix toi, en Jsus-Christ, +mon cher petit enfant. Je vois avec plaisir que +tu apprends bien et que tu pries sans distraction. +Continue, mon enfant, et, quand je reviendrai +<span class="pagenum" id="Page_283">283</span> + la maison, je te rapporterai quelque belle +chose.</p> + +<p>Je sais un beau et riant jardin, tout plein +d'enfans en robes d'or, qui vont jouant sous les +arbres avec de belles pommes, des poires, des +cerises, des noisettes et des prunes; ils chantent, +ils sautent, et sont tout joyeux; ils ont aussi de +jolis petits chevaux avec des brides d'or et des +selles d'argent. En passant devant ce jardin, je +demandais l'homme qui il appartient, quels +taient ces enfans? Il me rpondit: Ce sont +ceux qui aiment prier, apprendre, et qui +sont pieux. Je lui dis alors: Cher ami, j'ai +aussi un enfant, c'est le petit Jean Luther; ne +pourrait-il pas aussi venir dans ce jardin manger +de ces belles pommes et de ces belles poires, +monter sur ces jolis petits chevaux, et jouer avec +les autres enfans? L'homme me rpondit: S'il +est bien sage, s'il prie et apprend volontiers, il +pourra aussi venir, le petit Philippe et le petit +Jacques avec lui; ils trouveront ici des fifres, +des timbales et autres beaux instrumens pour +faire de la musique; ils danseront et tireront +avec de petites arbaltes. En parlant ainsi, +l'homme me montra, au milieu du jardin, une +belle prairie pour danser, o l'on voyait suspendus +les fifres, les timbales, et les petites arbaltes. +Mais il tait encore matin, les enfans +<span class="pagenum" id="Page_284">284</span> +n'avaient pas dn, et je ne pouvais attendre que +la danse comment. Je dis alors l'homme: +Cher seigneur, je vais vite crire mon cher +petit Jean, afin qu'il soit bien sage, qu'il prie et +qu'il apprenne, pour venir aussi dans ce jardin; +mais il a une tante Madeleine qu'il aime beaucoup, +pourra-t-il l'amener avec lui? L'homme +me rpondit: Oui, ils pourront venir ensemble, +faites-le-lui savoir. Sois donc bien +sage, mon cher enfant; dis Philippe et Jacques +de l'tre aussi, et vous viendrez tous ensemble +jouer dans ce beau jardin.—Je te recommande + la protection de Dieu. Salue de ma part la tante +Madeleine, et donne-lui un baiser pour moi. +Ton pre qui te chrit. Martin <span class="smcap">Luther</span>. +(19 juin 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a44" id="Footnote_a44" href="#FNanchor_a44">[a44]</a> </span>Page 84.—<i>Fin du chapitre...</i></p> + +<p>Dieu sait tous les mtiers mieux que personne. +Comme tailleur, il fait au cerf une robe +qui lui sert neuf cents ans sans se dchirer. +Comme cordonnier, il lui donne une chaussure +qui dure encore plus long-temps que lui. Et ne +s'entend-il pas la cuisine, lui qui par le feu du +soleil fait tout cuire et tout mrir. Si notre Seigneur +vendait les biens qu'il donne, il en ferait +<span class="pagenum" id="Page_285">285</span> +passablement d'argent; mais parce qu'il les donne +gratis, on n'en tient pas compte. (Tischr., p. 27.)</p> + +<p>Ce passage bizarre et un assez grand nombre +d'autres, nous montrent dans Luther le modle +probable d'Abraham de Sancta Clara. Au dix-septime +sicle, on n'imitait plus que les dfauts +de Luther.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a45" id="Footnote_a45" href="#FNanchor_a45">[a45]</a> </span>Page 87, ligne 15.—<i>Le dcalogue...</i></p> + +<p>Me voil devenu disciple du dcalogue. Je +commence comprendre que le dcalogue est la +dialectique de l'vangile, et l'vangile la rhtorique +du dcalogue; Christ a tout ce qui est de +Mose, mais Mose n'a pas tout ce qui est de +Christ. (20 juin 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a46" id="Footnote_a46" href="#FNanchor_a46">[a46]</a> </span>Page 88, ligne 9.—<i>Il y aura un nouveau ciel, une +nouvelle terre...</i></p> + +<p>Le grincement de <i>dents dont parle l'vangile</i>, +c'est la dernire peine qui suivra une mauvaise +conscience, la dsolante certitude d'tre +jamais spar de Dieu. (Tischr., p. 366.) Ainsi +Luther semble avoir une ide plus spirituelle de +l'enfer que du paradis.</p> + +<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_286">286</span> +<span class="label"><a name="Footnote_a47" id="Footnote_a47" href="#FNanchor_a47">[a47]</a> </span>Page 89, ligne 10.—<i>Autrefois on faisait des plerinages...</i></p> + +<p>A Jean de Sternberg, en lui ddiant la traduction +du psaume CXVII: ... Si je vous ai nomm +en tte de ce petit travail, ce n'a pas seulement +t pour attirer l'attention des gens qui mprisent +tout art et tout savoir, mais aussi pour +tmoigner qu'il y a encore des gens pieux parmi +la noblesse. La plupart des nobles sont aujourd'hui +si insolens et si dpravs, qu'ils excitent +la colre du pauvre homme... S'ils voulaient tre +respects, ils devraient avant tout respecter eux-mmes +Dieu et sa parole. Qu'ils continuent de +vivre ainsi dans l'orgueil, dans l'insolence, dans +le mpris de toute vertu, et ils ne seront +bientt plus que des paysans; ils le sont dj, +quoiqu'ils portent encore le nom de nobles et le +chapeau plumes... Ils devraient cependant se +souvenir de Mnzer...</p> + +<p>... Je souhaite que ce petit livre, et d'autres +qui lui ressemblent, touchent votre cœur, +et que vous y fassiez un plerinage plus utile au +salut, que celui que vous avez fait autrefois +Jrusalem. Non que je mprise ces plerinages; +j'en ferais moi-mme bien volontiers, si je pouvais, +et j'aime toujours en entendre parler; +<span class="pagenum" id="Page_287">287</span> +mais je veux dire que nous ne les faisions pas +dans un bon esprit. Quand j'allai Rome, je courus +comme un fou travers toutes les glises, +tous les couvens; je crus tout ce que les imposteurs +y avaient jamais invent. J'y dis une dizaine +de messes, et je regrettais presque que mon pre +et ma mre fussent encore en vie. J'aurais tant +aim les tirer du purgatoire par ces messes et +autres bonnes œuvres! On dit Rome ce proverbe: +<ins id="err_6" title="original: heureux (Err.)">Heureuse</ins> la mre dont le fils dit la messe +la veille de la Saint-Jean! Que j'aurais t aise +de sauver ma mre!</p> + +<p>Nous faisions ainsi, ne sachant pas mieux; +le pape tolre ces mensonges. Aujourd'hui, Dieu +merci, nous avons les vangiles, les psaumes, +et autres paroles de Dieu; nous pouvons y faire +des plerinages plus utiles, y visiter et contempler +la vritable terre promise, la vraie Jrusalem, +le vrai paradis. Nous n'y marchons pas sur +les tombeaux des saints et sur leurs dpouilles +mortelles, mais dans leurs cœurs, dans leurs +penses et leur esprit... (Cobourg, 29 aot 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a48" id="Footnote_a48" href="#FNanchor_a48">[a48]</a> </span>Page 89, ligne 13.—<i>Pour visiter les saints.</i></p> + +<p>Les saints ont souvent pch, souvent err. +Quelle fureur de nous donner toujours leurs +<span class="pagenum" id="Page_288">288</span> +actes et leurs paroles pour des rgles infaillibles! +Qu'ils sachent, ces sophistes insenss, ces pontifes +ignares, ces prtres impies, ces moines sacrilges, +et le pape avec toute sa sequelle.... +que nous n'avons pas t baptiss au nom d'Augustin, +de Bernard, de Grgoire, au nom de +Pierre ni de Paul, au nom de la bienfaisante +facult thologique de la Sodome (Sorbonne) de +Paris, de la Gomorrhe de Louvain, mais au nom +du seul Jsus-Christ notre matre. (<i lang="la" xml:lang="la">De abrogand +miss privat.</i> Op. lat. Lutheri, Witt., +II, 245.)</p> + +<p>Les vritables saints, ce sont toutes les autorits, +tous les serviteurs de l'glise, tous les +parens, tous les enfans qui croient en Jsus-Christ, +qui ne commettent point de pch, et +qui accomplissent, chacun dans sa condition, +les devoirs que Dieu leur impose. (Tischreden, +134, verso.)</p> + +<p>Luther croit peu aux lgendes des saints, et +dteste surtout celles des anachortes. ... Si +l'on a fait quelque excs du ct du boire ou du +manger, on peut l'expier avec le jene et la maladie...</p> + +<p>La lgende de saint Christophe est une belle +posie chrtienne. Les Grecs qui taient des gens +doctes, sages et ingnieux, ont voulu montrer +ce que doit tre un chrtien (<i>christoforos</i>, qui +<span class="pagenum" id="Page_289">289</span> +porte le Christ). Il en est de mme du chevalier +saint George. La lgende de sainte Catherine +est contraire toute l'histoire romaine, etc.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a49" id="Footnote_a49" href="#FNanchor_a49">[a49]</a> </span>Page 89, ligne 16.—<i>Les prophtes.</i></p> + +<p>Je sue sang et eau pour donner les prophtes +en langue vulgaire. Bon Dieu! quel travail! +comme ces crivains juifs ont de la peine +parler allemand. Ils ne veulent pas abandonner +leur hbreu pour notre langue barbare. C'est +comme si Philomle, perdant sa gracieuse mlodie, +tait oblige de chanter toujours avec +le coucou une mme note monotone. (14 +juin 1528.)—Il dit ailleurs qu'en traduisant la +Bible, il mettait souvent plusieurs semaines +chercher le sens d'un mot. (Ukert, II, p. 337.)</p> + +<p>A Jean Frdric, duc de Saxe, en lui envoyant +sa traduction du prophte Daniel. ... Les historiens +racontent avec loge que le grand Alexandre +portait toujours Homre sur lui et le mettait +mme la nuit sous sa tte: combien serait-il +plus juste que le mme honneur, ou un plus +grand encore, ft rendu Daniel par tous les +rois et princes de la terre! Ils ne devraient pas +le mettre sous leur tte, mais le dposer dans +<span class="pagenum" id="Page_290">290</span> +leur cœur, car il enseigne des choses bien plus +hautes. (fvrier ou mars 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a50" id="Footnote_a50" href="#FNanchor_a50">[a50]</a> </span>Page 92, ligne 10.—<i>Psaumes...</i></p> + +<p>A l'abb Frdric, de Nuremberg, en lui ddiant +la traduction du psaume CXVIII: ... C'est +mon psaume moi, mon psaume de prdilection. +Je les aime bien tous; j'aime toute l'criture +sainte, qui est toute ma consolation et ma +vie; cependant je me suis attach particulirement + ce psaume, et j'ai en vrit le droit de +l'appeler mien. Il a aussi bien mrit de moi; +il m'a sauv de mainte grande ncessit d'o ni +Empereur, ni rois, ni sages, ni saints, n'eussent +pu me tirer. C'est mon ami, qui m'est plus cher +que tous les honneurs, toute la puissance de la +terre. Je ne le donnerais pas en change, si l'on +m'offrait tout cela.</p> + +<p>Mais, dira-t-on, ce psaume est commun +tous; personne n'a le droit de le dire sien. Oui, +mais le Christ est bien aussi commun tous, et +pourtant le Christ est mien. Je ne suis pas jaloux +de ma proprit; je voudrais la mettre en +commun avec le monde entier... Et plt Dieu +que tous les hommes revendiquassent ce psaume +comme tant eux! Ce serait la querelle la plus +<span class="pagenum" id="Page_291">291</span> +touchante, la plus agrable Dieu, une querelle +d'union et de charit parfaite. (Cobourg, +1<sup>er</sup> juillet 1530.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a51" id="Footnote_a51" href="#FNanchor_a51">[a51]</a> </span>Page 94, ligne 12.—<i>Des Pres...</i></p> + +<p>Ds le commencement de l'anne 1519, il crivait + Jrme Dngersheim une lettre remarquable +sur l'importance et l'autorit des Pres de l'glise. +L'vque de Rome est au-dessus de tous +par sa dignit. C'est lui qu'il faut s'adresser +dans les cas difficiles et dans les grandes ncessits. +J'avoue cependant que je ne saurais dfendre +contre les Grecs cette suprmatie que je +lui accorde.</p> + +<p>Si je reconnaissais au pape le pouvoir de +tout faire dans l'glise, je devrais, comme consquence +de cette doctrine, traiter d'hrtiques, +Jrme, Augustin, Athanase, Cyprien, Grgoire +et tous les vques d'Orient qui ne furent +pas tablis par lui ni sous lui. Le concile de Nice +ne fut pas runi par son autorit; il n'y prsida +ni par lui-mme, ni par un lgat. Que dirai-je +des dcrets de ce concile? Les connat-on +bien? Sait-on lesquels d'entre eux il faut reconnatre?... +C'est votre coutume toi et Eck, +d'accepter les paroles de tout le monde, de modifier +<span class="pagenum" id="Page_292">292</span> +l'criture par les Pres, comme s'il fallait +plutt croire en eux. Pour moi, je fais tout autrement. +Comme Augustin et saint Bernard, en +respectant toutes les autorits, je remonte des +ruisseaux jusqu'au fleuve qui leur donne naissance.—Suivent +plusieurs exemples des erreurs +dans lesquelles les Pres sont tombs. Luther +les critique en philologue, montrant qu'ils +n'ont pas compris le texte hbreu. De combien +d'autorits Jrme n'abuse-t-il pas contre Jovinien? +Augustin contre Plage?—Ainsi Augustin +dit que ce verset de la Gense: Faisons l'homme + notre image, est une preuve de la Trinit, +mais il y a dans le texte hbreu: Je ferai +l'homme, etc.—Le Matre des sentences a donn +un bien funeste exemple en s'efforant de faire +accorder les paroles de tous les Pres. Il rsulte +de l que nous devenons la rise des hrtiques, +quand nous nous prsentons devant +eux avec ces phrases obscures ou double sens. +Eck se fait le champion de toutes les opinions +diverses et contraires. C'est l-dessus que roulera +notre dispute. (1519.)</p> + +<p>—J'admire toujours comment aprs les +aptres, Jrme a pu mriter le nom de Docteur +de l'glise, Origne celui de Matre des +glises... On ne pourrait faire un seul chrtien +avec leurs livres... tant ils sont sduits par la +<span class="pagenum" id="Page_293">293</span> +pompe des œuvres. Augustin lui-mme ne vaudrait +pas davantage, si les Plagiens ne l'avaient +rudement exerc, et contraint de dfendre la +foi. (26 aot 1530.)</p> + +<p>—Celui qui a os comparer le monachat +au baptme tait compltement fou; c'tait plutt +une bche qu'une bte. Eh! quoi, crois-tu +donc Jrme, lorsqu'il parle d'une manire si +impie contre Dieu, lorsqu'il veut qu'immdiatement +aprs soi-mme, ce soient ses parens +que l'on considre le plus? couteras-tu Jrme, +tant de fois dans l'erreur, tant de fois +dans le pch? croiras-tu un homme enfin, +plutt que Dieu lui-mme? Va donc, et crois +avec Jrme qu'il faut passer sur le corps ses +parens pour fuir au dsert. (Lettre Severinus, +moine autrichien; 6 octobre 1527.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a52" id="Footnote_a52" href="#FNanchor_a52">[a52]</a> </span>Page 97, ligne 19.—<i>Les Scolastiques...</i></p> + +<p>Grgoire de Rimini a convaincu les scolastiques +d'une doctrine pire que celle des plagiens... +Car bien que les plagiens pensent que l'on peut +faire une bonne œuvre sans la grce, ils n'affirment +pas qu'on puisse sans la grce obtenir le +ciel. Les scolastiques parlent comme Plage, +lorsqu'ils enseignent que sans la grce on peut +<span class="pagenum" id="Page_294">294</span> +faire une bonne œuvre, et non une œuvre mritoire. +Mais ils enchrissent sur les plagiens, en +ajoutant que l'homme a l'inspiration de la droite +raison naturelle laquelle la volont peut se conformer +naturellement, tandis que les plagiens +avouent que l'homme est aid par la loi de Dieu. +(1519.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a53" id="Footnote_a53" href="#FNanchor_a53">[a53]</a> </span>Page 102, ligne 14.—<i>Biens ecclsiastiques...</i></p> + +<p>Luther crivit au roi de Danemarck (2 dcembre +1536), pour approuver la suppression +de l'piscopat, et pour engager ce prince faire +un bon usage des biens ecclsiastiques, c'est--dire +(comme il l'crivait le 18 juillet 1529 au +margrave George de Brandebourg), les appliquer + des fondations d'coles et d'universits.</p> + +<p>L'Empereur dissimule, et cependant il prend, +il dvore les vchs, Utrecht, Lige, etc. Ceux +de la noblesse devraient y prendre garde. Je me +suis durement travaill pour que les fondations +ecclsiastiques et les possessions des princes +abbs ne fussent point disperses, mais conserves +aux pauvres de la noblesse. Malheureusement +cela n'aura pas lieu. (Tischreden, +p. 351.)</p> + +<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_295">295</span> +<span class="label"><a name="Footnote_a54" id="Footnote_a54" href="#FNanchor_a54">[a54]</a> </span>Page 104, ligne 7.—<i>Des cardinaux et vques...</i></p> + +<p>Matre Philippe louait devant le docteur Luther +la haute intelligence et l'esprit rapide du +cardinal, vque de Saltzbourg, Mathieu Lang. +Il disait qu'en 1530, il s'tait trouv six heures +avec lui Augsbourg, et qu'ils avaient caus de +la religion. Le cardinal lui avait dit la fin: +Mon cher <i>domine Philippe</i>, nous autres prtres, +nous n'avons encore jamais rien valu. Nous savons +bien que votre doctrine est bonne; mais +ignorez-vous donc que jusqu'ici on n'a jamais +rien pu gagner sur les prtres? Ce n'est pas +vous qui commencerez. Ce cardinal tait fils +d'un messager d'Augsbourg. Son pre tait d'une +bonne et ancienne famille, mais rduit l'tat +de serviteur par sa pauvret.—Ce fut le premier +cardinal qu'il y ait eu en Allemagne. Appuy +par sa sœur, il se fit connatre la cour de +Maximilien, fut ensuite envoy Rome auprs +du pape, et plus tard nomm coadjuteur de l'vch +de Salzbourg. (Tischreden, p. 272.)</p> + +<p>J'ai, jusqu'ici, pri pour cet vque, <i lang="la" xml:lang="la">categoric, +affirmativ, positiv</i>, de cœur, pour que +Dieu voult le convertir. J'ai essay aussi par +crit de l'amener la pnitence. Maintenant je +<span class="pagenum" id="Page_296">296</span> +prie pour lui <i lang="la" xml:lang="la">hypothetic</i> et <i lang="la" xml:lang="la">desperabund</i>... Celui-l +n'est point <i lang="la" xml:lang="la">frater ignoranti, sed maliti</i>.</p> + +<p>Il m'a souvent crit amicalement, et m'a fait +esprer qu'il prendrait femme, comme je lui en +avais donn le conseil par crit.</p> + +<p>Il s'est moqu de nous jusqu' la dite d'Augsbourg. +L, j'ai appris le connatre. Cependant +il veut encore tre mon ami au point qu'il me rclame +pour arbitre dans l'affaire de... (Tischreden, +p. 274.)</p> + +<p>A la dite d'Augsbourg, l'vque de Saltzbourg +disait: Il y a quatre moyens pour rconcilier +les deux partis: ou que nous cdions ou +qu'ils cdent; or, ni les uns ni les autres n'en +veulent rien faire; ou bien encore, il faut que +l'on oblige d'autorit un des partis cder, et +comme il en doit rsulter un grand soulvement, +reste le quatrime moyen, savoir: qu'un parti +extermine l'autre, et que le plus fort mette le plus +faible dans le sac. Voil de beaux plans d'unit +pour un vque chrtien. (Ibidem, p. 19.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a55" id="Footnote_a55" href="#FNanchor_a55">[a55]</a> </span>Page 105, ligne 8.—<i>Moines...</i></p> + +<p>Les seuls mendians sont diviss en sept partis +ou ordres, et les mineurs leur tour en sept +espces de mineurs. Toutes ces sectes, le trs +<span class="pagenum" id="Page_297">297</span> +saint pre les nourrit et les entretient lui-mme, +tant il a peur qu'elles ne viennent s'unir. +(Lettre la dite de Prague, 15 juillet 1522.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a56" id="Footnote_a56" href="#FNanchor_a56">[a56]</a> </span>Page 107, ligne 22.—<i>Un seul coin de l'Allemagne, celui o +nous sommes, fleurit encore par la culture des arts libraux...</i></p> + +<p>Luther crivit l'lecteur, le 20 mai 1530, +pour relever son courage et le consoler des chagrins +que lui causait la Rforme: Voyez comme +Dieu a fait clater sa grce et sa bont dans les +tats de votre Altesse! n'est-ce pas l que son +vangile a le plus de ministres pieux et fidles, +ceux qui l'enseignent avec le plus de puret, de +zle et de fruit? Vous voyez grandir autour de +vous toute une jeunesse aimable, de bonnes +mœurs et qui sera bientt savante dans la sainte +criture. Cela me ravit le cœur de voir nos jeunes +enfans, garons et petites filles, connatre +mieux aujourd'hui Dieu et le Christ, avoir une +foi plus pure et savoir mieux prier, qu'autrefois +toutes les coles piscopales et les couvens les +plus clbres.</p> + +<p>Cette jeunesse vous a t accorde comme un +signe de faveur et de misricorde divine. Dieu +vous dit en quelque sorte: Cher duc Jean, je te +<span class="pagenum" id="Page_298">298</span> +confie mon plus prcieux trsor; sois le pre de +ces enfans. Je veux que tu les gouvernes, que tu +les protges; sois le jardinier de mon paradis, etc.</p> + +<p>Le duc ne parat pas avoir tenu grand compte +de cette recommandation, car Luther dit dans +plusieurs de ses lettres qu'il y avait Wittemberg +grand nombre d'tudians qui ne vivaient +gure que de pain et d'eau.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a57" id="Footnote_a57" href="#FNanchor_a57">[a57]</a> </span>Page 112, ligne 4.—<i>Je regrette de n'avoir pas plus de +temps donner l'tude des potes et des orateurs....</i></p> + +<p><i>A Wenceslas Link de Nuremberg.</i> Si cela ne +vous donne pas trop de peines, mon cher Wenceslas, +je vous prie de faire rassembler pour moi +tous les dessins, livres, cantiques, chants de Meistersanger +et bouts rims, qui auront t composs +en allemand et imprims cette anne chez +vous; envoyez-en autant que vous en pourrez +trouver. Je dsirerais vivement les avoir. Nous +savons ici composer des ouvrages latins; mais +pour les livres allemands, nous ne sommes que +des apprentis. Toutefois, avec l'ardeur que nous +y mettons, j'espre que nous russirons bientt +de manire vous satisfaire. (20 mars 1536.)</p> + +<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_299">299</span> +<span class="label"><a name="Footnote_a58" id="Footnote_a58" href="#FNanchor_a58">[a58]</a> </span>Page 112, ligne 23.—<i>Ce n'est point un seul homme qui a +fait ces fables...</i></p> + +<p>En 1530, Luther traduisit un choix des fables +d'sope. Dans la prface il dit qu'il n'y a peut-tre +jamais eu d'homme de ce nom, et que ces fables +ont vraisemblablement t recueillies de la bouche +du peuple. (Luth. Werke IX, 455.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a59" id="Footnote_a59" href="#FNanchor_a59">[a59]</a> </span>Page 116, ligne 13.—<i>Chanter est le meilleur exercice...</i></p> + +<p>Heine, <i>Revue des deux Mondes</i>, 1<sup>er</sup> mars 1834: +Ce qui n'est pas moins curieux et significatif +que ces crits en prose, ce sont les posies de +Luther, ces chansons qui lui ont chapp dans +le combat et dans la ncessit. On dirait une fleur +qui a pouss entre les pierres, un rayon de la +lune qui claire une mer irrite. Luther aimait la +musique, il a mme crit un trait sur cet art, +aussi ses chansons sont-elles trs mlodieuses. +Sous ce rapport, il a aussi mrit son surnom de +Cygne d'Eisleben. Mais il n'tait rien moins qu'un +doux cygne dans certains chants o il ranime le +courage des siens, et s'exalte lui-mme jusqu' la +<span class="pagenum" id="Page_300">300</span> +plus sauvage ardeur. Le chant avec lequel il entra + Worms, suivi de ses compagnons, tait un +vritable chant de guerre. La vieille cathdrale +trembla ces sons nouveaux, et les corbeaux +furent effrays dans leurs nids obscurs, la cime +des tours. Cet hymne, la Marseillaise de la rforme, +a conserv jusqu' ce jour sa puissance +nergique, et peut-tre entonnerons-nous bientt +dans des combats semblables ces vieilles paroles +retentissantes et bardes de fer:</p> + +<div class="poem"> +<div class="stanza"> +<div class="verse">Notre Dieu est une forteresse,</div> +<div class="verse">Une pe et une bonne armure;</div> +<div class="verse">Il nous dlivrera de tous les dangers</div> +<div class="verse">Qui nous menacent prsent.</div> +<div class="verse">Le vieux mchant dmon</div> +<div class="verse">Nous en veut aujourd'hui srieusement,</div> +<div class="verse">Il est arm de pouvoir et de ruse,</div> +<div class="verse">Il n'a pas son pareil au monde.</div> +</div> + +<div class="stanza"> +<div class="verse">Votre puissance ne fera rien,</div> +<div class="verse">Vous verrez bientt votre perte;</div> +<div class="verse">L'homme de vrit combat pour nous,</div> +<div class="verse">Dieu lui-mme l'a choisi.</div> +<div class="verse">Veux-tu savoir son nom?</div> +<div class="verse">C'est Jsus-Christ,</div> +<div class="verse">Le seigneur Sabaoth.</div> +<div class="verse">Il n'est pas d'autre Dieu que lui,</div> +<div class="verse">Il gardera le champ, il donnera la victoire.</div> +</div> + +<div class="stanza"> +<span class="pagenum" id="Page_301">301</span> +<div class="verse">Si le monde tait plein de dmons,</div> +<div class="verse">Et s'ils voulaient nous dvorer,</div> +<div class="verse">Ne nous mettons pas trop en peine,</div> +<div class="verse">Notre entreprise russira cependant.</div> +<div class="verse">Le prince de ce monde,</div> +<div class="verse">Bien qu'il nous fasse la grimace,</div> +<div class="verse">Ne nous fera pas de mal.</div> +<div class="verse">Il est condamn,</div> +<div class="verse">Un seul mot le renverse.</div> +</div> + +<div class="stanza"> +<div class="verse">Ils nous laisseront la parole,</div> +<div class="verse">Et nous ne dirons pas merci pour cela:</div> +<div class="verse">La parole est parmi nous</div> +<div class="verse">Avec son esprit et ses dons.</div> +<div class="verse">Qu'ils nous prennent notre corps,</div> +<div class="verse">Nos biens, l'honneur, nos enfans.</div> +<div class="verse">Laissez-les faire,</div> +<div class="verse">Ils ne gagneront rien cela;</div> +<div class="verse">A nous restera l'empire.</div> +</div></div> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a60" id="Footnote_a60" href="#FNanchor_a60">[a60]</a> </span>Page 117, ligne 25.—<i>Peinture...</i></p> + +<p>Le docteur parla un jour de l'habilet et du +talent des peintres italiens. Ils savent imiter la +nature si parfaitement, dit-il, qu'indpendamment +de la couleur et de la forme convenables, +ils expriment encore les gestes et les sentimens de +manire faire croire que leurs tableaux sont +choses vivantes.—La Flandre suit la trace de l'Italie. +Ceux des Pays-Bas, et surtout les Flamands +<span class="pagenum" id="Page_302">302</span> +ont l'esprit veill, ils ont aussi de la facilit pour +apprendre les langues trangres. C'est un proverbe +que si l'on portait un Flamand dans un sac + travers l'Italie ou la France, il n'en apprendrait +pas moins la langue du pays. (Tischreden, +p. 424 verso.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a61" id="Footnote_a61" href="#FNanchor_a61">[a61]</a> </span>Page 122, ligne 3.—<i>Banque...</i></p> + +<p>Il dit dans son trait <i>de Usuris</i>: J'appelle usuriers +ceux qui prtent cinq et six pour cent. +L'criture dfend le prt intrt; on doit prter +de l'argent comme on prte un vase son +voisin. Les lois civiles mme dfendent l'usure. +Ce n'est pas faire acte de charit que d'changer +une chose avec quelqu'un en gagnant sur l'change; +c'est voler. Un usurier est un voleur digne +de la potence. Aujourd'hui, Leipsig, celui +qui prte cent florins en reoit au bout d'une +seule anne quarante pour l'intrt de son argent.—On +ne doit pas observer les promesses faites +aux usuriers; ils ne peuvent tre admis aux sacremens +ni ensevelis en terre sainte.—Voici le dernier +conseil que j'aie donner aux usuriers; ils +veulent de l'argent, de l'or; eh bien! qu'ils s'adressent + quelqu'un qui ne leur donnera pas dix +ou vingt pour cent, mais cent pour dix. Celui-l +a de quoi satisfaire leur avidit; ses trsors +<span class="pagenum" id="Page_303">303</span> +sont inpuisables; il peut donner sans s'appauvrir +(Oper. lat. Luth. Witt. t. VII, p. 419-37.)</p> + +<p>Le docteur Henning proposait cette question + Luther: Si j'avais amass de l'argent, que je +ne voulusse pas en disposer, et qu'un homme +vnt me prier de le lui prter; pourrais-je en +bonne conscience lui rpondre: Je n'ai point +d'argent?—Oui, dit Luther, on peut le faire +en conscience. C'est comme si on disait: Je n'ai +point d'argent dont je veuille disposer... Christ, +en ordonnant de donner, ne dit pas de donner + tous les prodigues et dissipateurs... Dans +cette ville, il n'y a personne de plus ncessiteux +que les tudians. La pauvret y est grande la +vrit, mais la paresse encore plus... Je ne veux +point ter le pain de la bouche ma femme et + mes enfans pour donner ceux qui rien ne +profite (Tischred. p. 64).</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a62" id="Footnote_a62" href="#FNanchor_a62">[a62]</a> </span>Page 122, la fin du chapitre IV.</p> + +<p>On peut attacher la fin de ce chapitre diverses +paroles de Luther sur les papes, les rois, +les princes.</p> + +<p>Il n'y a jamais eu de plus rus trompeur sur +la terre que le pape Clment (Clment VII)<a name="FNanchor_r185" id="FNanchor_r185" href="#Footnote_r185" class="fnanchor">[r185]</a>. +C'est qu'il tait de Florence, etc.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_304">304</span> +Le pape Jules, deuxime du nom, tait un +homme excellent pour le gouvernement et la +guerre<a name="FNanchor_r186" id="FNanchor_r186" href="#Footnote_r186" class="fnanchor">[r186]</a>..... Lorsqu'il apprit que son arme avait +t battue Ravenne, il blasphma Dieu dans le +ciel; il lui disait: Au nom de mille diables, es-tu +donc devenu si bon Franais? est-ce ainsi que tu +protges ton glise? Il tourna les yeux vers la +terre, et dit: Saints Suisses, priez pour nous! Et +il envoya aussitt le cardinal de Saltzbourg, Mathieu +Lang, pour traiter avec l'empereur Maximilien.</p> + +<p>Si j'avais t de ce temps-l, on m'aurait +fait venir Paris avec grand honneur, mais j'tais +encore trop jeune et Dieu ne le voulait point, +de crainte que l'on ne penst que c'tait la puissance +du roi de France, etc.<a name="FNanchor_r187" id="FNanchor_r187" href="#Footnote_r187" class="fnanchor">[r187]</a></p> + +<p>Le pape Jules II, un homme plein d'audace +et d'habilet, un vrai diable incarn, avait dfinitivement +rsolu de rformer les Franciscains<a name="FNanchor_r188" id="FNanchor_r188" href="#Footnote_r188" class="fnanchor">[r188]</a>. +Mais ils recoururent aux rois et aux princes, les +firent agir et envoyrent au pape quatre-vingt +mille couronnes. Le pape dit: Comment rsister + des gens si bien cuirasss?</p> + +<p>L'an 1532, l'astrologue Gauric raconta au +margrave de Brandebourg, Joachim, que, comme +on faisait Clment VII le reproche d'tre btard, +il rpondit: Et Jsus-Christ? Ds-lors le +Margrave devint favorable Luther.<a name="FNanchor_r189" id="FNanchor_r189" href="#Footnote_r189" class="fnanchor">[r189]</a></p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_305">305</span> +Lorsque ceux de Bruges tenaient prisonnier +l'empereur Maximilien, et voulaient lui +couper la tte, ils crivirent au snat de Venise +pour demander conseil<a name="FNanchor_r190" id="FNanchor_r190" href="#Footnote_r190" class="fnanchor">[r190]</a>. Les Vnitiens rpondirent: +<i lang="la" xml:lang="la">Homo mortuus non facit guerram</i>... Les +Vnitiens firent faire une farce contre Maximilien. +Le doge paraissait d'abord, puis venait +le Franais qui avait une poche au ct; il y +prenait des couronnes (pices de monnaie), et +les couronnes dbordaient la poche. Derrire venait +l'Empereur, peint en habit gris, avec un +petit cor de chasse. Il avait aussi une poche, +mais quand il y mettait la main, les doigts passaient + travers.—Les Florentins en firent autant. +Ils reprsentrent le Franais assis sur +un sige perc, et.... de l'argent. L'empereur +Maximilien ramassait. Mais ils ont eu depuis une +bonne leon. Le petit-fils de l'empereur Maximilien, +l'empereur Charles, leur a bien appris +vivre. Dieu applique volontiers aux orgueilleux +le verset que l'on chante au Magnificat: <i lang="la" xml:lang="la">Deposuit +patentes de sede</i>.</p> + +<p>L'empereur Maximilien disait<a name="FNanchor_r191" id="FNanchor_r191" href="#Footnote_r191" class="fnanchor">[r191]</a>: Si on mettait +du sang des princes d'Autriche et de Bavire +bouillir ensemble dans un pot, on le verrait en +mme temps sauter dehors.</p> + +<p>On dit que l'empereur Maximilien partit un +jour d'un clat de rire; il en avoua la cause le +<span class="pagenum" id="Page_306">306</span> +lendemain<a name="FNanchor_r192" id="FNanchor_r192" href="#Footnote_r192" class="fnanchor">[r192]</a>. Je riais, dit-il, de voir que Dieu a +confi le gouvernement spirituel un ivrogne de +prtre, comme le pape Jules, et le gouvernement +temporel un chasseur de chamois, comme je +suis.</p> + +<p>Dans le chteau de Prague l'on voit toute la +suite des <i>portraits des rois</i>. Ferdinand est le dernier, +et il n'y a plus de place. Il en est de mme +dans la salle ronde du chteau de Wittemberg. +Cela ne signifie rien de bon.</p> + +<p>L'empereur Maximilien disait: L'Empereur +est bien le roi des rois, car les princes de l'Empire +font tout ce qu'ils veulent; le roi de France est celui +des nes, les siens excutent tout ce qu'il commande; +le roi d'Angleterre est le roi des hommes, +car ils lui obissent et ils l'aiment.</p> + +<p>Maximilien demandait un de ses secrtaires +comment il fallait traiter un serviteur qui +le volait; et comme l'autre rpondait qu'il tait +juste de le pendre: Nous n'en ferons rien, dit +l'Empereur en lui frappant sur l'paule, nous +avons encore besoin de vos services.</p> + +<p>Aprs l'lection de l'empereur Charles, l'lecteur +de Saxe demanda au seigneur Fabian de +Feilitzsch, son conseiller, s'il lui plaisait qu'on +et lu empereur le roi d'Espagne<a name="FNanchor_r193" id="FNanchor_r193" href="#Footnote_r193" class="fnanchor">[r193]</a>. Cet homme +sage rpondit: Il est bon que les corbeaux +aient un vautour.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_307">307</span> +On lisait dans un vieux livre cette prophtie: +L'empereur Charles soumettra toute l'Europe, +rformera l'glise; sous lui, les ordres mendians +et les sectes seront anantis.</p> + +<p>La nouvelle vint qu'Antonio de Leyva et +Andr Doria avaient conseill l'Empereur d'aller +en personne contre le Turc et de ne point +emmener son frre; car, disaient-ils, il n'a +point de bonheur<a name="FNanchor_r194" id="FNanchor_r194" href="#Footnote_r194" class="fnanchor">[r194]</a>. En effet, Ferdinand est trop +fin et trop rflchi; il n'agit que par conseil et +dlibration, jamais par impulsion divine.—L'Empereur +devient malheureux; il ne sait pas +profiter de l'occasion; il perd aujourd'hui Milan.</p> + +<p>Le roi de France aime les femmes<a name="FNanchor_r195" id="FNanchor_r195" href="#Footnote_r195" class="fnanchor">[r195]</a>... Au contraire, +l'Empereur passant par la France en 1544, +trouva aprs un grand festin une belle et noble +vierge dans son lit, que le roi de France +y avait fait conduire. L'Empereur la renvoya +honorablement chez ses parens.</p> + +<p>L'Empereur n'a appel son couronnement +que des princes et seigneurs italiens et espagnols, +qui ont port devant lui les drapeaux et +les armes des lecteurs. J'avais touch cela dans +un petit livre, mais l'lecteur en a fait acheter +tous les exemplaires.</p> + +<p>Le roi de France dpense autant d'argent en +trahison que pour ses armes. Aussi, dans sa guerre +contre le pape Jules et Venise, il a dissip +<span class="pagenum" id="Page_308">308</span> +vingt mille hommes avec quatre mille.</p> + +<p>Tant que le Franais a eu des hommes de +guerre allemands, il a obtenu la victoire. Ce sont +en effet les meilleurs; ils se contentent de leur +solde et protgent le peuple. Aussi Antonio de +Leyva conseilla, en mourant, l'Empereur de +s'attacher ses soldats allemands; que s'il les perdait, +ce serait fait de lui; car ils tenaient tous +ensemble comme un seul homme.</p> + +<p>Aprs la dfaite de Franois I<sup>er</sup> <ins id="err_7" title="original: de Pavie (Err.)"> Pavie</ins>, Luther +crivait: Que le roi de France soit de chair +ou autre chose, je ne me rjouis pas de le voir +vaincu et pris. Vaincu, cela se peut souffrir, +mais captif, c'est une monstruosit... Peut-tre +l'heure du royaume de France est-elle venue, +comme cet autre le disait de Troie: <i lang="la" xml:lang="la">Venit summa +dies et ineluctabile fatum.....</i> Ce sont, ce qu'il me +semble, des signes qui annoncent le dernier jour +du monde. Ces signes sont plus graves qu'on ne +serait tent de le croire... Il n'y a qu'une chose +qui me fait plaisir, c'est de voir frustrs les efforts +de l'Anti-Christ, qui commenait s'appuyer +sur le roi de France. (mars 1525.)</p> + +<p>(Fvrier 1537). Le roi de France est persuad +que chez nous autres luthriens, il n'y a plus ni +mariage, ni autorit, ni glise, ni rien de tout ce +qu'on regarde comme sacr. Son envoy, le docteur +Gervais, nous l'a assur positivement. Mais +<span class="pagenum" id="Page_309">309</span> +d'o vient cela? certainement de ce qu'on ne +laisse pntrer en ce pays, non plus qu'en Italie, +aucun crit des ntres, et que le sclrat de +Mayence, ainsi que ses pareils, y envoient toutes +les calomnies qui se dbitent contre nous.</p> + +<p>Nous avons ici un Franais, Franois Lambert, +qui tait il y a deux ans prdicateur apostolique, +comme on les appelle parmi les mineurs, +et qui vient de prendre pour femme une +des ntres: il espre mieux vivre dans le voisinage +de la France ( Strasbourg)... Il gagnera sa +vie traduire en franais mes ouvrages allemands. +(4 dcembre 1523.)</p> + +<p>Les rois de France et d'Angleterre sont luthriens +pour prendre, point pour donner. Ils +ne cherchent point l'intrt de Dieu, mais le +leur.</p> + +<p>Sept universits ont approuv le divorce du +roi d'Angleterre; mais nous autres de Wittemberg +et ceux de Louvain, nous avons soutenu le +contraire, eu gard aux circonstances particulires, + la longue cohabitation, l'existence +d'une fille, etc.<a name="FNanchor_r196" id="FNanchor_r196" href="#Footnote_r196" class="fnanchor">[r196]</a></p> + +<p>Quelques-uns qui avaient reu des crits +d'Angleterre annoncrent comment le roi s'tait +spar de l'vangile<a name="FNanchor_r197" id="FNanchor_r197" href="#Footnote_r197" class="fnanchor">[r197]</a>. Je suis charm, dit Luther, +que nous soyons quitte de ce blasphmateur. +J'ai seulement regret de voir que Mlanchton ait +<span class="pagenum" id="Page_310">310</span> +adress ses plus belles prfaces aux plus mchantes +gens.</p> + +<p>Le duc George de Saxe disait qu'il ne forcerait +personne communier sous une espce, +mais que ceux qui voulaient le faire autrement, +devaient sortir du pays<a name="FNanchor_r198" id="FNanchor_r198" href="#Footnote_r198" class="fnanchor">[r198]</a>.</p> + +<p>Lorsque le duc George dclara au duc Henri +de Saxe, son frre, qu'il ne lui laisserait ses tats +qu' condition d'abandonner l'vangile, il rpondit: +Par la vierge Marie (c'tait le mot ordinaire +de sa Grce), avant que je consente +renier mon Christ, j'irai avec ma Catherine, un +petit bton la main, mendier par le pays<a name="FNanchor_r199" id="FNanchor_r199" href="#Footnote_r199" class="fnanchor">[r199]</a>. +Je voudrais que l'Empereur ft pape le duc +George; les vques supporteraient sa rforme +encore moins que la mienne. Il rduirait l'vque +de Mayence quatorze chevaux, etc.</p> + +<p>Le duc George a suc le sang bohmien avec +le lait de sa mre, fille du roi de Bohme, Casimir<a name="FNanchor_r200" id="FNanchor_r200" href="#Footnote_r200" class="fnanchor">[r200]</a>. +Il aurait fini par s'arranger avec l'lecteur +Frdric pour frapper les vques, les abbs, etc. +Il est de sa nature ennemi du clerg. Mais les +lettres et les flatteries de l'Empereur, du pape, +des rois d'Angleterre et de France, l'ont tellement +enfl, que, etc...</p> + +<p>Lorsque le duc George voyait son fils Jean + l'agonie, il le consolait en lui rappelant l'article +de la justification par la foi en Christ, et +<span class="pagenum" id="Page_311">311</span> +l'exhortait ne regarder que le Sauveur, sans se +reposer sur ses œuvres ni sur l'invocation des +saints<a name="FNanchor_r201" id="FNanchor_r201" href="#Footnote_r201" class="fnanchor">[r201]</a>. Alors, l'pouse du duc Jean, sœur du +landgrave Philippe de Hesse, dit au duc George: +Cher seigneur et pre, pourquoi ne laisse-t-on +pas prcher publiquement cette doctrine +dans le pays?—Ma chre fille, rpondit-il, +on la doit enseigner seulement aux mourans, +mais point aux gens en sant. (1537.)—Ce duc +Jean avait t oblig par son pre de jurer une +haine ternelle la doctrine luthrienne, et il +l'avait fait connatre au docteur Luther par le +vieux peintre Lucas Cranach.</p> + +<p>Leipsig tait la capitale et la rsidence du duc +George. Aussi les protestans, surveills de prs +par le duc, n'y pouvaient faire de nombreux +proslytes, et Luther en marque souvent son +dpit par sa colre contre cette ville.</p> + +<p>Je hais, dit-il, ceux de Leipsig comme +je ne hais rien sous le soleil, tant il y a l +d'orgueil, d'arrogance, de rapacit et d'usure. +(15 mai 1540.)</p> + +<p>Je hais cette Sodome (Leipsig), sentine des +usures et de tous les maux. Je n'y entrerais +qu'autant qu'il le faut pour arracher Loth. +(26 octobre 1539.)</p> + +<p>L'lectorat de Saxe est pauvre et rapporte +peu. Si l'lecteur n'avait pas la Misnie, il ne pourrait +<span class="pagenum" id="Page_312">312</span> +entretenir quarante chevaux; mais il a des +tributs de princes et seigneurs, des droits de sauf-conduit, +des douanes, des rentes, etc... Sa +Grce lectorale a cd, pour de l'argent, les rgales, +entre autres le droit de grce.</p> + +<p>L'lecteur Frdric tait conome<a name="FNanchor_r202" id="FNanchor_r202" href="#Footnote_r202" class="fnanchor">[r202]</a>. Il savait +bien remplir ses caves et ses greniers de grains et +d'autres denres. On compte neuf chteaux qu'il +a fait btir, et cependant il lui restait toujours +assez d'argent; c'est qu'il suivait le bon conseil +que son fou lui avait donn. Un jour, qu'il se plaignait +de manquer d'argent, le fou lui dit: Fais-toi +percepteur. Il exigeait des comptes svres +de ses serviteurs. Quand il venait dans un de ses +chteaux, il mangeait, buvait, se faisait donner +du fourrage comme un hte ordinaire, et +payait tout comptant. Par l il tait ses gens +l'occasion de s'excuser, en disant: On a tant +consomm de choses, quand le prince est +venu!</p> + +<p>L'lecteur Frdric-le-Sage disait Worms, +en 1521: Je ne trouve point d'glise romaine +dans ma croyance; mais une commune glise +chrtienne, je l'y trouve.</p> + +<p>Ce mme prince avait, dit Mlanchton, prs +de Wittemberg un cerf apprivois, qui, pendant +bien des annes, allait, au mois de septembre, +dans la fort voisine, et revenait exactement en +<span class="pagenum" id="Page_313">313</span> +octobre. Lorsque l'lecteur fut mort, le cerf +partit et l'on ne le revit plus.</p> + +<p>En 1525, l'lecteur Jean de Saxe me demanda +s'il devait accorder aux paysans leurs +douze articles<a name="FNanchor_r203" id="FNanchor_r203" href="#Footnote_r203" class="fnanchor">[r203]</a>. Je le dtournai entirement d'en +approuver un seul.</p> + +<p>Le duc Jean disait en 1525, en apprenant +la rvolte des paysans: Si le Seigneur veut +que je reste prince, que sa volont soit faite, +mais je puis aussi tre un autre homme.</p> + +<p>Luther blme la patience de ce prince, qui +avait appris des moines, ses confesseurs, supporter +la dsobissance de ses gens.</p> + +<p>Il disait Luther: Mon fils, le duc Ernest, +m'a crit une lettre latine pour me demander +courir un cerf. Je veux qu'il tudie; il sera toujours + mme d'apprendre laisser pendre deux +jambes sur un cheval.</p> + +<p>Le mme prince avait toujours pour sa garde +six nobles jeunes garons, qui restaient dans sa +chambre et qui lui lisaient la Bible six heures par +jour. Sa Grce lectorale s'endormait quelquefois, +mais il n'en citait pas moins son rveil quelques +belles paroles qu'il avait remarques et retenues.—Pendant +la prdication il tenait prs de lui +des crivains, et lui-mme de sa propre main +recueillait les paroles de la bouche du prdicateur.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_314">314</span> +Lorsque Ferdinand fut lu roi des Romains + Cologne, le jeune duc Jean-Frdric y fut envoy +pour protester de la part de son seigneur +et pre. Ds qu'il eut excut ses ordres, il repartit +au grand galop, et comme il avait peine +pass la porte, on envoya des gens pour courir +aprs lui et le prendre. (1531.)</p> + +<p>On dit que l'Empereur a fait entendre, aprs +avoir lu notre <i>Confession et apologie</i>, qu'il voulait +que l'on enseignt et que l'on prcht dans le mme +sens par tout le monde<a name="FNanchor_r204" id="FNanchor_r204" href="#Footnote_r204" class="fnanchor">[r204]</a>. Le duc George aurait +dit aussi qu'il savait trs bien qu'il y avait beaucoup +d'abus rformer dans l'glise, mais qu'il +ne voulait pas de cette rforme, quand elle +venait d'un moine dfroqu.</p> + +<p>La dernire fois que l'lecteur Jean alla +la chasse, tout le gibier lui chappait. Les btes +ne voulaient plus le reconnatre pour matre, +c'tait un prsage de sa mort. (1532.)</p> + +<p>Le duc Jean-Frdric, qui a t si bien pill +et dpouill par ceux de la noblesse, a appris +ses dpens les connatre.</p> + +<p>L'lecteur Jean-Frdric est naturellement +colre, mais il sait merveille dompter son +courroux.—Il aime btir et boire; il est +vrai qu'un si grand corps doit tenir plus qu'un +petit.—Il donne par an mille florins pour l'universit; +pour le pasteur, deux cents, avec +<span class="pagenum" id="Page_315">315</span> +soixante boisseaux de froment; de plus soixante +florins cause des leons publiques. Il envoya +une fois cinq cents florins Luther sur les fonds +d'une abbaye pour marier quelque pauvre religieuse.</p> + +<p>Quoique le docteur Jonas l'y engaget, Luther +refusa de demander l'lecteur une nouvelle +visitation des glises<a name="FNanchor_r205" id="FNanchor_r205" href="#Footnote_r205" class="fnanchor">[r205]</a>. Il a soixante-dix +conseillers qui crient le rendre sourd. Ils lui +disent: Quel bon conseil peut donner le scribe? +contentons-nous de prier Dieu qu'il dirige le +cœur du prince.</p> + +<p><i>Du landgrave Philippe de Hesse.</i>—Le Landgrave +est un pieux, intelligent et joyeux seigneur; +il maintient une bonne paix dans sa terre, qui +n'est que pierres et forts; de sorte que les gens +y peuvent voyager et commercer sans crainte... +Le Landgrave est un guerrier, un Arminius, petit +de sa personne, mais, etc. Il consulte et suit +aisment les bons conseils; la rsolution une +fois prise, il excute <ins id="cor_9" title="original: pomptement">promptement</ins>.—L'Empereur +lui a offert, pour lui faire quitter l'vangile, +la possession paisible du comt de Katzenellenbogen, +et le duc George l'aurait fait ce +prix son hritier... Il a une tte hessoise; il ne +peut se reposer, il faut qu'il ait quelque chose +faire... C'tait une grande audace de vouloir, +en 1528, envahir les possessions des vques; et +<span class="pagenum" id="Page_316">316</span> +<ins id="err_8" title="original: a (Err.)">'a</ins> t un acte plus grand d'avoir rtabli le duc +de Wurtemberg et chass le roi Ferdinand de ce +pays. Moi et Mlanchton, nous fmes appels +cette occasion Weimar, et nous employmes +toute notre rhtorique empcher sa Grce de +rompre la paix de l'Empire... Il en devint tout +rouge et s'emporta. Cependant c'est une me +tout--fait loyale.</p> + +<p>Dans le colloque de Marbourg, en 1529, sa +Grce vint avec un petit habit, de sorte que +personne ne l'aurait reconnu pour le Landgrave; +et cependant, il tait occup de grandes penses. +Il consulta Mlanchton, et lui dit: Cher +matre Philippe, dois-je souffrir que l'vque +de Mayence me chasse par violence mes prdicateurs +vangliques? Philippe rpondit: Si +la juridiction du lieu appartient l'vque de +Mayence, votre Grce ne peut l'empcher. Permis + vous de conseiller, rpondit le Landgrave, +mais je n'agirai pas moins.</p> + +<p>A la dite d'Augsbourg, en 1530, le landgrave +dit publiquement aux vques: Faites +la paix, nous vous le demandons. Si vous ne +la faites point et qu'il me faille descendre de +mes montagnes, j'en saisirai au moins un ou +deux.</p> + +<p>Dieu a jet le Landgrave au milieu de l'Empire. +Il a autour de lui quatre lecteurs et le duc +<span class="pagenum" id="Page_317">317</span> +de Brunswick; et il les fait tous trembler. C'est +que le commun peuple lui est attach. Avant de +rtablir le duc de Wurtemberg, il tait all en +France, et le roi de France lui avait prt beaucoup +d'argent pour la guerre.</p> + +<p>Si le Landgrave s'enflamme une fois...! C'est +ce qui nous est arriv, moi et matre Philippe, +lorsque nous le dtournions humblement +et faiblement de la guerre; Qu'arrivera-t-il +si je souffre vos conseils et si je n'agis point?—C'est +un miracle de Dieu. Le Landgrave est +un prince peu puissant, cependant on le redoute; +c'est un hros. Il a renvoy les vques +au chœur... Les Saxons et ceux de la Hesse, +lorsqu'ils sont en selle, sont de vrais cavaliers. +Les cavaliers des hautes terres (du midi de l'Allemagne) +ne sont que des danseurs. Dieu nous +conserve le Landgrave..... Dieu nous prserve +de la guerre! les gens de guerre sont des diables +incarns. Je ne <ins id="err_9" title="original: parle parle (Err.)">parle</ins> pas seulement des +Espagnols, mais aussi des Allemands.</p> + +<p>Aprs la dite de Francfort, en 1539, environ +neuf mille soldats d'lite furent rassembls +autour de Brme et de Lunebourg pour tre +employs contre les tats protestans<a name="FNanchor_r206" id="FNanchor_r206" href="#Footnote_r206" class="fnanchor">[r206]</a>. Mais l'lecteur +de Saxe et le landgrave de Hesse leur +firent parler par le chevalier Bernard de Mila, +leur donnrent de l'argent comptant et les attirrent +<span class="pagenum" id="Page_318">318</span> + eux. Ensuite mourut subitement le duc +George, etc.</p> + +<p>Le <i>landgrave de Hesse</i> et de Thuringe, Louis-le-Fameux, +tait un seigneur dur et colrique. Il +tait tenu prisonnier par l'vque de Hall, il sauta +par une fentre du haut du chteau et du rocher +dans la Sals, nagea, s'aida d'un tronc d'arbre et +chappa. Il svissait toujours cruellement contre +ses sujets. Sa femme s'avisa de lui servir de la +viande un vendredi saint, et comme il n'en voulait +pas manger; elle lui dit: Cher seigneur, vous +craignez ce pch, lorsque vous en faites tous les +jours de plus grands et de plus horribles. Mais +elle fut oblige de s'enfuir et de quitter ses enfans. +Au moment de son dpart, minuit, elle +baisa son enfant qui tait encore au berceau, le +bnit, et, dans un transport d'amour maternel, +elle le mordit la joue<a name="FNanchor_8" id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a>. Accompagne d'une jeune +fille, elle descendit par une corde du chteau +de Wartbourg, tout le long du prcipice. Son +matre-d'htel l'attendait avec un chariot, et la +conduisit secrtement Francfort-sur-le-Mein.—Quand +<span class="pagenum" id="Page_319">319</span> +ce landgrave mourut, on l'affubla d'un +habit de moine, ce qui faisait beaucoup rire tous +ses chevaliers.</p> + +<p class="sep2">En Italie, les hpitaux sont bien pourvus, +bien btis<a name="FNanchor_r207" id="FNanchor_r207" href="#Footnote_r207" class="fnanchor">[r207]</a>. On y donne une bonne nourriture; +il y a des serviteurs attentifs et de savans mdecins. +Les lits et les habits sont trs propres; +l'intrieur des btimens orn de belles peintures. +Aussitt qu'un malade y est amen, on lui +te ses habits en prsence d'un notaire qui en +dresse une note et une description exacte pour +qu'ils lui soient bien gards. On le revt d'un +sarreau blanc, on le met dans un lit bien fait et +dans des draps blancs; on ne tarde pas lui +amener deux mdecins, et les serviteurs viennent +lui apporter manger et boire dans des +verres bien propres, qu'ils touchent du bout du +doigt. Il vient aussi des dames et matrones honorables +qui se voilent pendant quelques jours +pour servir les pauvres, de sorte qu'on ne sait +point qui elles sont, et elles retournent ensuite chez +elles.—J'ai vu aussi Florence que les hpitaux +taient servis avec tous ces soins; de mme les +maisons des enfans-trouvs, o les petits enfans +sont nourris au mieux, levs, enseigns et +instruits. Ils les ornent tous d'un costume uniforme, +et en prennent le plus grand soin.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_320">320</span> +Je ne manque point de drap, mais je ne +puis me dcider me faire faire des culottes<a name="FNanchor_r208" id="FNanchor_r208" href="#Footnote_r208" class="fnanchor">[r208]</a>. +Les miennes ont t raccommodes quatre fois, +et le seront encore. Les tailleurs ne font rien de +bon et prennent trop cher. Cela va bien mieux +en Italie; les tailleurs ont une corporation particulire +qui ne fait que des culottes.</p> + +<p>En Espagne, pour les couches de l'impratrice, +trente hommes se sont fouetts jusqu'au +sang, afin de lui obtenir un heureux enfantement, +deux mme en sont morts, et cependant la mre +ni le fœtus n'ont pu tre dlivrs. Qu'a-t-on fait +de plus chez les paens? (14 aot 1539.)</p> + +<p>En Italie et en France, les curs sont gnralement +des nes<a name="FNanchor_r209" id="FNanchor_r209" href="#Footnote_r209" class="fnanchor">[r209]</a>. Si on leur demande: <i lang="la" xml:lang="la">Quot +sunt sacramenta?</i> ils rpondent: <i lang="la" xml:lang="la">Tres</i>.—<i lang="la" xml:lang="la">Qu?</i> +Rponse: Le goupillon, l'encensoir et la croix.</p> + +<p>En France, il y a eu tant de superstition, +que les serfs et serviteurs voulaient pour la +plupart se faire moines<a name="FNanchor_r210" id="FNanchor_r210" href="#Footnote_r210" class="fnanchor">[r210]</a>. Il fallut que le roi dfendt +la moinerie. La France est abme dans la +superstition. Les Italiens de mme sont ou superstitieux +ou picuriens. C'est un propos commun +en Italie, quand ils vont l'glise de dire: +Allons au prjug populaire.</p> + +<p>Lorsque je vis Rome, je tombai genoux, +levai les mains au ciel et dis<a name="FNanchor_r211" id="FNanchor_r211" href="#Footnote_r211" class="fnanchor">[r211]</a>: Salut, sainte +Rome, sanctifie par les saints martyrs et par +<span class="pagenum" id="Page_321">321</span> +leur sang qui y a t vers...; mais elle est maintenant +dchire, <i lang="de" xml:lang="de">und der teufel hat den papst, +seinen dreck, darauss geschissen</i>.—Cent ans +avant Jsus-Christ, Rome avait quatre millions +de citoyens; peu aprs, neuf millions; certes, +cela devait faire un peuple, si toutefois la chose +est vraie.—A Venise, trois cent mille feux; +Erfurt, dix-huit mille murs feu (murs mitoyens); + Nuremberg, peine la moiti.—Rome +n'est plus qu'une charogne et un tas de +cendres..... Les maisons sont aujourd'hui o +taient les toits de l'ancienne Rome; telle est +l'paisseur des dcombres, qu'il y en a la hauteur +de deux lances de landsknecht<a name="FNanchor_9" id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a>. Rien n'y est +louer que le consistoire et la cour de Rote, o les +affaires sont instruites et juges avec beaucoup +de justice.</p> + +<p>Le docteur Staupitz avait entendu dire Rome, +en 1511, que d'aprs une vieille prophtie, un +ermite s'lverait sous le pape Lon X, et attaquerait +la papaut; or, les augustins s'appellent +aussi ermites.</p> + +<p>Je ne voudrais pas, pour cent mille florins, +ne pas avoir vu Rome; je me serais toujours inquit +si je ne faisais pas injustice au pape.—Il +rpte trois fois ces paroles.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_322">322</span> +Il y avait en Italie un ordre particulier, qui +s'appelait <i>les Frres de l'ignorance</i><a name="FNanchor_r212" id="FNanchor_r212" href="#Footnote_r212" class="fnanchor">[r212]</a>. Ils devaient +jurer de ne rien savoir et de ne vouloir rien +apprendre. Tous les moines mritent le mme +nom.</p> + +<p>Un soir, la table de Luther, il se trouvait +un vieux prtre qui racontait beaucoup +de choses de Rome<a name="FNanchor_r213" id="FNanchor_r213" href="#Footnote_r213" class="fnanchor">[r213]</a>. Il y tait all quatre fois et +y avait offici pendant deux ans. Quand on lui +demanda pourquoi il y tait all si souvent, il +rpondit: La premire fois j'y cherchais un +filou, la seconde je le trouvais, la troisime je +l'emportais avec moi, et la quatrime je l'y rapportais +et le plaais derrire l'autel de Saint-Pierre.</p> + +<p>Christoff Gross, qui avait t long-temps +Rome, trabant du pape, parla beaucoup des pays +par o l'on va vers la Terre-Sainte, de l'Aragon +et de la Biscaye<a name="FNanchor_r214" id="FNanchor_r214" href="#Footnote_r214" class="fnanchor">[r214]</a>. Ils ont pour signe du baptme +une petite cicatrice au nez, juste sous les +yeux.</p> + +<p>Les cossais sont la nation la plus fire; +beaucoup se sont rfugis en Allemagne, Erfurth +et Wurtzbourg; ils n'admettent personne +comme moine dans leurs couvens. Les cossais +sont mpriss des autres nations, comme les Samaritains +par les Juifs.</p> + +<p>Les Anglais ont t chasss de France aprs +<span class="pagenum" id="Page_323">323</span> +leur dfaite Montlhri, entre Paris et Orlans<a name="FNanchor_10" id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>.—Ils +ne laissent personne Calais, moins qu'il +ne parle anglais dans tant d'heures.</p> + +<p>La peste rgne toujours en Angleterre<a name="FNanchor_r215" id="FNanchor_r215" href="#Footnote_r215" class="fnanchor">[r215]</a>.—L'Angleterre +est un morceau de l'Allemagne.—Les +langues danoise et anglaise sont du saxon, +c'est--dire du vritable allemand, tandis que la +langue de l'Allemagne suprieure n'est point la +vraie langue allemande.—La Souabe et la Bavire +sont hospitalires; au contraire la Saxe.—Luther +prfre le dialecte de la Hesse tous les +autres de l'Allemagne, parce que les Hessois accentuent +les mots comme s'ils chantaient.</p> + +<p class="sep2"><i>Diversit des langues.</i>—Supriorit de l'allemande: +elle fait sentir que les Allemands sont +gens plus simples et plus vrais. Au contraire, +c'est un proverbe: les Franais crivent autrement +qu'ils ne parlent, et parlent autrement +qu'ils ne pensent.—L'allemand se rapporte au +grec. Le latin est sec, il n'a pas de lettres doubles.—Finesse +des Saxons et bas Allemands; ils sont +pires que les Italiens, quand ils adoptent les ides +de l'Italie.—Les habitations et l'aspect des pays +changent ordinairement dans l'espace d'un sicle. +<span class="pagenum" id="Page_324">324</span> +Il y a peu d'annes que la Hesse, la Franconie, +la Westphalie, n'taient qu'un dsert. Au contraire, +autour de Halle, d'Halberstadt, et chez +nous, on fait jusqu' trois milles sans trouver +rien que bruyres, tandis qu'autrefois il y avait +des terres cultives. Dieu aura t la fertilit au +pays, pour punir les habitans.</p> + +<p>Nous sommes de bons compagnons, nous +autres Allemands, nous buvons, nous mangeons, +nous cassons nos vitres, nous perdons en une +soire cent, mille florins ou plus, et nous oublions +<i>le Turc</i> qui, en trente jours, peut tre avec +sa cavalerie lgre Wittemberg.</p> + +<p class="sep2">En France, chacun a son verre table.—Les +Franais se prservent de l'air; s'ils suent, +ils se couvrent, s'approchent du feu, se mettent +au lit; sans cela ils auraient la fivre. Deux personnes +dansent la fois, les autres regardent; +au contraire en Allemagne.—Les prtres d'Italie +et de France ne savent pas mme leur langue.</p> + +<p class="sep2">Dans mon voyage sur le Rhin, je voulus +dire la messe, mais un prtre me dit<a name="FNanchor_r216" id="FNanchor_r216" href="#Footnote_r216" class="fnanchor">[r216]</a>: Vous +ne le pouvez: nous suivons ici le rit ambroisien.</p> + +<p>George Fœgeler, chancelier du margrave, +disait que dans la Bavire il y avait plus de cent +<span class="pagenum" id="Page_325">325</span> +vingt-cinq cures vacantes, parce qu'on ne pouvait +trouver aucun ecclsiastique<a name="FNanchor_r217" id="FNanchor_r217" href="#Footnote_r217" class="fnanchor">[r217]</a>.</p> + +<p>Dans la Bohme, il y a environ trois cents +cures vacantes, de mme chez le duc George.</p> + +<p>La Thuringe avait autrefois un sol trs fertile +en grain, surtout autour d'Erfurt; mais +maintenant elle est frappe de maldiction<a name="FNanchor_r218" id="FNanchor_r218" href="#Footnote_r218" class="fnanchor">[r218]</a>. Le +bl y est plus cher qu' Wittemberg. C'est ce que +j'ai vu, il y a un an, lorsque j'tais Smalkald; +ils n'avaient qu'un mauvais pain noir... Ils ont +de telles vendanges qu'on pourrait donner la +pinte pour trois liards; si elles taient moiti +moins bonnes, ils seraient trs riches; mais +maintenant ils donnent le vin pour le tonneau.</p> + +<p>L'lectorat de Saxe a eu douze couvens de +moines dchaux, mineurs, cinq de prcheurs, +moines de saint Paul et carmlites, et quatre +d'augustins<a name="FNanchor_r219" id="FNanchor_r219" href="#Footnote_r219" class="fnanchor">[r219]</a>. Voil seulement pour les moines +mendians qui, aujourd'hui se dissipent d'eux-mmes.—Alors, +un Anglais qui se trouvait +table chez le docteur, se mit dire qu'en Angleterre, +il n'y avait gure de milles carrs d'Allemagne, +o l'on ne trouvt trente-deux clotres +de moines mendians.</p> + +<p>Le vieil lecteur de Brandebourg, Joachim, +disait une fois au duc de Saxe Frdric<a name="FNanchor_r220" id="FNanchor_r220" href="#Footnote_r220" class="fnanchor">[r220]</a>: Comment +pouvez-vous, vous autres princes de Saxe, +frapper de la monnaie si forte? Nous y avons gagn +<span class="pagenum" id="Page_326">326</span> +trois tonnes d'or (en renvoyant une monnaie +infrieure dans la Saxe).</p> + +<p>La princesse de A. (Anhalt), venant Wittemberg, +se rendit chez Luther, et insista vivement +pour discuter avec lui, quoiqu'il ft malade et +que ce ft une heure indue. Il s'excusa en +lui disant: Noble dame, je suis rarement bien +portant dans toute l'anne; je souffre presque +toujours ou du corps ou de l'esprit. Elle lui +rpondit: Je le sais, mais nous, nous ne +pouvons pas non plus vivre tous dans la pit. +Le docteur lui dit alors: Vous autres de la noblesse, +cependant, vous devriez tous tre pieux +et irrprochables, car vous tes peu, vous formez +un cercle troit. Nous, gens du commun et +des basses classes, nous nous corrompons par la +multitude; nous sommes en grand nombre, il +n'est donc pas tonnant qu'il y ait si peu de gens +pieux parmi nous. C'est chez vous, personnes +nobles et illustres, que nous devrions trouver +des exemples de pit, d'honntet, etc. Et il +continua de lui parler sur ce ton. (Tischreden, +p. 341, verso.)</p> + +<p>Luther avait dans sa maison et sa table un +Hongrois, nomm Mathias de Vai. De retour en +Hongrie, il y prcha, et fut accus par un +prdicateur papiste devant le moine George, +frre du Vayvode, alors gouverneur et rgent +<span class="pagenum" id="Page_327">327</span> + Bude. Le moine George fit apporter deux +tonneaux de poudre sur le march, et dit: Si +l'un de vous deux prche la bonne doctrine, +asseyez-vous dessus, j'y mettrai le feu; nous verrons +lequel des deux restera vivant. Le papiste +refusa, Mathias s'lana sur un des tonneaux. +Le papiste et les siens furent condamns payer +quatre cents florins de Hongrie, et entretenir +pendant un certain temps deux cents hommes +d'armes. Mathias eut la permission de prcher +l'vangile. (Tischr., p. 13.)</p> + +<p>Un seigneur hongrois, nomm Jean Huniade, +se trouvant Torgau, comme ambassadeur du +roi Ferdinand auprs de l'lecteur Jean-Frdric, +pria celui-ci de faire venir Luther pour qu'il +pt le voir et lui parler. Luther y vint; table, +l'ambassadeur dit qu'en Hongrie les prtres donnaient +la communion tantt sous une, tantt sous +deux espces, et qu'ils prtendaient que la chose +tait indiffrente. Rvrend pre, ajouta-t-il, +en s'adressant Luther, me permettez-vous de +vous <ins id="err_10" title="original: demandez (Err.)">demander</ins> ce que vous pensez de ces prtres? +Le docteur rpondit qu'il les regardait +comme de mprisables hypocrites, Car, dit-il, +s'ils taient bien convaincus que la communion +sous deux espces est d'institution divine, ils ne +pourraient continuer de la donner sous une +seule.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_328">328</span> +Luther cacha le dpit que la question de l'ambassadeur +lui avait caus, et quelque temps +aprs, il se tourna vers lui, en disant: Seigneur, +j'ai rpondu ce que votre Grce me demandait. +Me permettra-t-elle de lui faire une +question mon tour? L'ambassadeur le lui +permettant, il continua: Je suis tonn que +vos pareils, les conseillers des rois et des princes, +qui savent bien que la doctrine de l'vangile est +la vritable, ne laissent pas de la perscuter de +toutes leurs forces. Me pourriez-vous dire d'o +cela vient? A ces mots, Andr Pflug, l'un des +convives, voyant l'<ins id="err_11" title="original: ambarras (Err.)">embarras</ins> du seigneur hongrois, +interrompit Luther et parla vivement +d'autre chose, de sorte que le seigneur fut dispens +de rpondre. (Tischr., p. 148.)</p> + +<p class="sep2">Le chapitre des <i>Propos de table</i> o se trouve +runi tout ce que Luther a dit sur les Turcs, est +fort curieux comme peinture des alarmes qu'prouvaient +alors toutes les familles chrtiennes. +Chaque mouvement des barbares est marqu par +un cri de terreur. C'est la mme scne que celle +de Goetz de Berlichingen, o le chevalier ne +pouvant agir, se fait rendre compte par les +siens du combat qui a lieu dans la plaine, et +qu'ils contemplent du haut d'une tour; c'est la +mme anxit d'un pril toujours croissant, et +<span class="pagenum" id="Page_329">329</span> +qu'on est dans l'impuissance d'viter ou de combattre.</p> + +<p>Le Turc ira Rome, et je n'en suis pas trop +fch, car il est crit dans le prophte Daniel, etc.<a name="FNanchor_r221" id="FNanchor_r221" href="#Footnote_r221" class="fnanchor">[r221]</a> +Une fois le Turc Rome, le Jugement dernier +n'est pas loin.</p> + +<p>Le Christ a sauv nos mes; il faudra qu'il +sauve aussi nos corps; car le Turc va donner un +bon coup l'Allemagne<a name="FNanchor_r222" id="FNanchor_r222" href="#Footnote_r222" class="fnanchor">[r222]</a>. Je pense souvent tous +les maux qui vont suivre, et il m'en vient la +sueur... La femme du docteur s'cria: Dieu nous +prserve des Turcs! Non, reprit-il, il faut bien +qu'ils viennent et qu'ils nous secouent comme il +faut.</p> + +<p>Qui m'et dit que je verrais en face l'un de +l'autre les deux empereurs, les rois du Midi et +du Septentrion<a name="FNanchor_r223" id="FNanchor_r223" href="#Footnote_r223" class="fnanchor">[r223]</a>?... Oh! priez, car nos gens de +guerre sont trop prsomptueux, ils comptent trop +sur leur force et sur leur nombre. Cela ne peut +pas bien finir. Et il ajoutait: Les chevaux allemands +sont plus forts que ceux des Turcs; ils +peuvent les renverser; ceux-ci sont plus lgers, +mais plus petits.</p> + +<p>Je ne compte point sur nos murs, ni sur +nos arquebuses, mais sur le <i>Pater noster</i><a name="FNanchor_r224" id="FNanchor_r224" href="#Footnote_r224" class="fnanchor">[r224]</a>. C'est +l ce qui battra les Turcs; le dcalogue n'y +suffit pas.</p> + +<p>Luther dit qu'aprs avoir depuis long-temps +<span class="pagenum" id="Page_330">330</span> +dsir de connatre l'Alcoran, il en trouva enfin +une mauvaise version latine de 1300, et qu'il la +traduisit en allemand, afin de mieux faire connatre +l'imposture de Mahomet<a name="FNanchor_r225" id="FNanchor_r225" href="#Footnote_r225" class="fnanchor">[r225]</a>. Dans son Instruction +tire de l'Alcoran, il prouve que ce +n'est point Mahomet qui est l'Anti-Christ (car +l'imposture, dit-il, est trop visible en celui-ci), +mais plutt le pape avec son hypocrisie.—Il y +a trois ans qu'un moine du pays des Maures vint +ici. Nous disputmes avec lui par l'intermdiaire +d'un interprte, et comme il fut confondu en +tous points par la Parole de Dieu, il dit la +fin: C'est l une bonne croyance.</p> + +<p>Les juifs, titre de juifs et d'usuriers, taient +fort mal avec Luther.</p> + +<p>Nous ne devons pas souffrir les juifs parmi +nous. On ne doit ni boire ni manger avec eux.—Cependant, +dit quelqu'un, il est crit que les +juifs seront convertis avant le Jugement...—Et +il est crit aussi, dit la femme de Luther, qu'il n'y +aura qu'une bergerie et un berger.—Oui, chre +Catherine, dit le docteur. Mais cela s'est dj accompli, +lorsque les paens ont embrass l'vangile. +(Tischr., p. 431.)</p> + +<p>Si j'tais la place des seigneurs de **, je +ferais venir ensemble tous les juifs, et je leur demanderais +pourquoi ils appellent Christ un fils +de p..., et sainte Marie une coureuse. S'ils parvenaient +<span class="pagenum" id="Page_331">331</span> + le prouver, je leur donnerais cent +florins; sinon je leur arracherais la langue. +(Tischr., p. 431, verso.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a63" id="Footnote_a63" href="#FNanchor_a63">[a63]</a> </span>Page 127, ligne 24.—<i>Je ne puis nier que je ne sois violent...</i></p> + +<p>rasme disait: Luther est insatiable d'injures +et de violences; c'est comme Oreste furieux. +(Erasm., Epist. non sobria Luther.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a64" id="Footnote_a64" href="#FNanchor_a64">[a64]</a> </span>Page 142, ligne 9.—<i>Le droit imprial ne tient plus qu' +un fil...</i></p> + +<p>Cependant Luther le prfrait encore au droit +saxon.</p> + +<p>Le docteur Luther parlant de la grande barbarie +et duret du droit saxon, disait que les +choses iraient au mieux si le droit imprial tait +suivi dans tout l'Empire. Mais l'opinion s'est tablie + la cour, que le changement ne pouvait se +faire sans grande confusion et grande dvastation. +(Tischreden, page 412.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a65" id="Footnote_a65" href="#FNanchor_a65">[a65]</a> </span>Page 143, ligne 17.—<i>Je te le conseille, juriste, laisse dormir +le vieux dogue...</i></p> + +<p>Dans son avant-dernire lettre Mlanchton +<span class="pagenum" id="Page_332">332</span> +(6 fvrier 1546), il dit en parlant des lgistes: O +sycophantes, sophistes, peste du genre humain!... +Je t'cris en colre, mais je ne sais si, +de sang froid, je pourrais mieux dire.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a66" id="Footnote_a66" href="#FNanchor_a66">[a66]</a> </span>Page 143, ligne 24.—<i>Juristes pieux...</i></p> + +<p>Il souhaite qu'on amliore leur condition.</p> + +<p>Les docteurs en droit gagnent trop peu et +sont obligs de se faire procureurs. En Italie, on +donne un juriste quatre cents ducats ou plus +par an; en Allemagne, ils n'en ont que cent. On +devrait leur assurer des pensions honorables, +ainsi qu'aux bons et pieux pasteurs et prdicateurs. +Faute de cela, ils sont obligs pour nourrir +leurs femmes et leurs enfans, de s'occuper de +l'agriculture et des soins domestiques. (Tischreden, +page 414.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a67" id="Footnote_a67" href="#FNanchor_a67">[a67]</a> </span>Page 143.—<i>Fin du chapitre.</i></p> + +<p>Au comte Albrecht de Mansfeld, au sujet d'une +affaire de mariage: Les paysans, les gens grossiers +qui ne recherchent que la libert de la chair, +les lgistes qui dcident toujours contre la foi, +m'ont rendu si las, que j'ai rejet dcidment le +<span class="pagenum" id="Page_333">333</span> +fardeau des affaires de mariages, et que j'ai dit +plusieurs de faire, au nom de tous les diables, ce +qu'il leur plaira: <i lang="la" xml:lang="la">Sinite mortuos sepelire mortuos</i>. +Le monde veut le pape! qu'il l'ait, s'il n'en peut +tre autrement. Tous les lgistes tiennent pour +lui. Je ne sais vraiment si, moi mort, ils auront +le courage d'adjuger, mes enfans, le nom de +Luther et mes guenilles! Ils jugent toujours d'aprs +le droit papal. A qui la faute? A vous autres +seigneurs, qui les rendez trop fiers, qui les soutenez +dans tout ce qui leur plat de dcider, qui +opprimez les pauvres thologiens, quelque raison +qu'ils puissent avoir... (5 octobre 1536.)</p> + +<p>Il faudrait dans un pays deux cents pasteurs +contre un juriste. Nous devrions, en attendant, +changer en pasteurs les juristes et les mdecins. +Vous verrez que cela viendra. (Tischreden, +page 4, verso.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a68" id="Footnote_a68" href="#FNanchor_a68">[a68]</a> </span>Page 151, <i>fin du chapitre</i>.</p> + +<p>Discussion confidentielle entre Mlanchton et +Luther. (1536.)</p> + +<p><span class="smcap">Mlanchton</span> trouve probable l'opinion de saint +Augustin, qui soutient que nous sommes justifis +par la foi, par la rnovation, et qui, sous le +mot de rnovation, comprend tous les dons et +<span class="pagenum" id="Page_334">334</span> +les vertus que nous tenons de Dieu<a name="FNanchor_11" id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>. Quelle +est votre opinion? demanda-t-il Luther. Tenez-vous, +avec saint Augustin, que les hommes +sont justifis par la rnovation, ou bien par imputation +divine?—<span class="smcap">Luther</span> rpond: Par la +pure misricorde de Dieu.—<span class="smcap">Mlanchton</span> propose +de dire que l'homme est justifi <i lang="la" xml:lang="la">principaliter</i> +par la foi, <i lang="la" xml:lang="la">et mins principaliter</i> par les +œuvres, en sorte que la foi rachte l'imperfection +de celles-ci.—<span class="smcap">Luther.</span> La misricorde +de Dieu est seule la vraie justification. La justification +par les œuvres n'est qu'extrieure; elle +ne peut nous dlivrer ni du pch ni de la +mort.—<span class="smcap">Mlanchton.</span> Je vous demande ce +qui justifie saint Paul et le rend agrable +Dieu, aprs sa rgnration par l'eau et l'esprit?—<span class="smcap">Luther.</span> +C'est uniquement cette rgnration +mme. Il est devenu juste et agrable + Dieu par la foi, et par la foi il reste tel +jamais.—<span class="smcap">Mlanchton.</span> Est-il justifi par la +seule misricorde, ou bien l'est-il <i>principalement</i> +par la misricorde, et <i>moins principalement</i> par +ses vertus et ses œuvres?—<span class="smcap">Luther.</span> Non pas. +Ses vertus et ses œuvres ne sont bonnes et pures +que parce qu'elles sont de saint Paul, c'est--dire +<span class="pagenum" id="Page_335">335</span> +d'un juste. Une œuvre plat ou dplat, est bonne +ou mauvaise, cause de la personne qui la fait.—<span class="smcap">Mlanchton.</span> +Mais vous enseignez vous-mme +que les bonnes œuvres sont ncessaires, et saint +Paul qui croit, et qui en mme temps fait les +œuvres, est agrable Dieu pour cela. S'il faisait +autrement il lui dplairait.—<span class="smcap">Luther.</span> Les +œuvres sont ncessaires, il est vrai, mais c'est +par une ncessit sans contrainte, et toute autre +que celle de la Loi. Il faut que le soleil luise, c'est +une ncessit galement; cependant ce n'est pas +par suite d'une loi qu'il luit, mais bien par nature, +par une qualit inhrente et qui ne peut +tre change: il est cr pour luire. De mme le +juste, aprs la rgnration, fait les œuvres, non +pour obir quelque loi ou contrainte, car il ne +lui est pas donn de loi, mais par une ncessit +immuable.—Ce que vous dites de saint Paul, +qui, sans les œuvres, ne plairait pas Dieu, est +obscur et inexact, car il est impossible qu'un +croyant, c'est--dire un juste, ne fasse ce qui est +bien.—<span class="smcap">Mlanchton.</span> Sadolet nous accuse de +nous contredire en enseignant que la foi seule +justifie, et en admettant nanmoins que les bonnes +œuvres sont ncessaires.—<span class="smcap">Luther.</span> C'est +que les faux frres et les hypocrites, faisant semblant +de croire, on leur demande les œuvres pour +confondre leur fourberie...—<span class="smcap">Mlanchton.</span> +<span class="pagenum" id="Page_336">336</span> +Vous dites que saint Paul est justifi par la seule +misricorde de Dieu. A cela je rplique que si +l'obissance ne venait s'ajouter la misricorde +divine, il ne serait point sauv, conformment +la parole (I. Cor. <span class="t5">IX</span>): Malheur moi, si je ne +prchais pas l'vangile!—<span class="smcap">Luther.</span> Il n'est +besoin de rien ajouter la foi; si elle est vritable, +elle est elle seule efficace toujours et en +tout point. Ce que les œuvres valent, elles ne le +valent que par la puissance et la gloire de la +foi, qui est, comme le soleil, resplendissante et +rayonnante par ncessit de nature.—<span class="smcap">Mlanchton.</span> +Dans saint Augustin, les œuvres sont +incluses en ces mots: <i>Sol fide</i>.—<span class="smcap">Luther.</span> Quoi +qu'il en soit, saint Augustin fait assez voir qu'il +est des ntres, quand il dit: Je suis effray, il +est vrai, mais je ne dsespre pas, car je me souviens +des plaies du Seigneur. Et ailleurs, dans +ses Confessions: Malheur aux hommes, quelque +bonne et louable que leur vie puisse tre, +s'ils ne sollicitent la misricorde de Dieu...—<span class="smcap">Mlanchton.</span> +Est-elle vraie, cette parole: La +justice est ncessaire au salut?—<span class="smcap">Luther.</span> Non +pas dans ce sens, que les œuvres produisent le +salut, mais qu'elles sont les compagnes insparables +de la foi qui justifie. C'est tout de mme +qu'il faudra que je sois l en personne lorsque je +serai sauv.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_337">337</span> +J'en serai aussi, dit l'autre qu'on menait +pour tre pendu, et qui voyait les gens courir +toutes jambes vers le gibet... La foi qui nous est +donne de Dieu rgnre l'homme incessamment +et lui fait faire des œuvres nouvelles, mais ce ne +sont pas les œuvres nouvelles qui font que +l'homme est rgnr... Les œuvres n'ont pas de +justice par elles-mmes aux yeux de Dieu, quoiqu'elles +ornent et glorifient accidentellement +l'homme qui les fait... En somme, les croyans +sont une cration nouvelle, un arbre nouveau. +Toutes ces manires de dire usites dans la Loi, +telles que: Le croyant <i>doit</i> faire de bonnes œuvres, +ne nous conviennent donc plus. On ne dit +pas: Le soleil <i>doit luire</i>, un bon arbre <i>doit</i> porter +de bons fruits, trois et sept <i>doivent</i> faire dix. +Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui commande; +le bon arbre porte de mme ses bons +fruits; trois et sept ont de tout temps fait dix; +il n'est pas besoin de le commander pour +l'avenir.</p> + +<p>Le passage suivant est plus exprs encore. Je +pense qu'il n'y a point de qualit qui s'appelle +foi ou amour, comme le disent les rveurs et les +sophistes, mais je reporte cela entirement au +Christ, et je dis <i lang="la" xml:lang="la">mea formalis justitia</i> (la justice +certaine, permanente, parfaite, dans laquelle il +n'y a ni manque, ni dfaut; celle qui est comme +<span class="pagenum" id="Page_338">338</span> +elle doit tre devant Dieu), cette justice c'est le +Christ, mon seigneur. (Tischr., p. 133.)</p> + +<p>Ce passage est un de ceux qui font le plus +fortement sentir le rapport intime de la doctrine +de Luther avec le systme d'identification absolue. +On conoit que la philosophie allemande ait +abouti Schelling et Hegel.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a69" id="Footnote_a69" href="#FNanchor_a69">[a69]</a> </span>Page 152.</p> + +<p>Les papistes se moquaient beaucoup des quatre +nouveaux vangiles. Celui de Luther, qui +condamne les œuvres; celui de Kuntius, qui rebaptise +les adultes; celui d'Othon de Brunfels, +qui ne regarde l'criture que comme un pur +rcit cabalistique, <i lang="la" xml:lang="la">surda sine spiritu narratio</i>; +enfin, celui des mystiques (Cochlus, p. 165.) +Ils auraient pu y joindre celui du docteur Paulus +Ricius, mdecin juif, qui fit paratre, pendant la +dite de Ratisbonne, un petit livre o Mose et +saint Paul montraient, dans un dialogue, comment +toutes les opinions religieuses qui excitaient +tant de disputes pouvaient tre concilies.</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a70" id="Footnote_a70" href="#FNanchor_a70">[a70]</a> </span>Page 155, ligne 6.—<i>J'ai vu dans l'air un petit nuage +de feu... Dieu est irrit...</i></p> + +<p>La comte me donne penser que quelque +malheur menace l'Empereur et Ferdinand. Elle a +<span class="pagenum" id="Page_339">339</span> +tourn sa queue d'abord vers le nord, puis vers le +sud, dsignant ainsi les deux frres. (oct. 1531.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a71" id="Footnote_a71" href="#FNanchor_a71">[a71]</a> </span>Page 156, ligne 24.—<i>Michel Stiefel croit tre le septime +ange...</i></p> + +<p>Michel Stiefel, avec sa septime trompette, +nous prophtise le jour du jugement pour cette +anne, vers la Toussaint. (26 aot 1533.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a72" id="Footnote_a72" href="#FNanchor_a72">[a72]</a> </span>Page 162, <i>fin du chapitre</i>.</p> + +<p>Il se moque de l'importance donne aux crmonies +extrieures dans une lettre George +Duchholzer, ecclsiastique de Berlin, qui lui avait +demand son avis sur la rforme rcemment introduite +dans le <ins id="cor_11" title="original: Brandbourg">Brandebourg</ins>: ..... Pour ce qui +est de la chasuble, des processions et autres choses +extrieures que votre prince ne veut pas abolir, +voici mon conseil: S'il vous accorde de prcher +l'vangile de Jsus-Christ purement et sans +additions humaines, d'administrer le baptme et +la communion tels que Christ les a institus, de +supprimer l'adoration des saints et les messes des +morts, de renoncer bnir l'eau, le sel et les +herbes, de ne plus porter les saints-sacremens +dans les processions, enfin s'il n'y fait chanter +<span class="pagenum" id="Page_340">340</span> +que des cantiques purs de toute doctrine humaine: +faites les crmonies qu'il demande, la +garde de Dieu, portez une croix d'or ou d'argent, +une chape, une chasuble de velours, de soie, +de toile et tout ce que vous voudrez. Si votre seigneur +ne se contente pas d'une seule chape ou +chasuble, mettez-en trois, comme le grand prtre +Aaron qui mettait trois robes l'une sur l'autre, +toutes belles et magnifiques. Si sa Grce lectorale +n'a pas assez d'une seule procession que +vous ferez avec chant et <ins id="cor_12" title="original: tintamare">tintamarre</ins>, faites-la sept +fois, comme Josu et les enfans d'Isral allrent +sept fois autour de Jricho en criant et sonnant +des trompettes. Et pour peu que cela amuse sa +Grce lectorale, elle n'a qu' ouvrir elle-mme +la marche, et danser devant les autres, au son des +harpes, des timbales et des sonnettes, comme fit +David devant l'arche du Seigneur Jrusalem; je +ne m'y oppose point. Ces choses, quand l'abus ne +s'y mle point, n'ajoutent, n'tent rien l'vangile. +Mais il faut se garder d'en faire des ncessits, +des chanes pour la conscience. Si seulement je +pouvais en venir l avec le pape et ses adhrens, +ah! que je remercierais Dieu! Vraiment, si le pape +me cdait ce point, il pourrait me dire de porter +je ne sais quoi, que je le porterais pour lui faire +plaisir..... Pardonnez-moi, mon cher ami, de +vous rpondre si brivement aujourd'hui; j'ai la +<span class="pagenum" id="Page_341">341</span> +tte si faible, qu'il m'en cote d'crire... (4 dcembre +1539.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a73" id="Footnote_a73" href="#FNanchor_a73">[a73]</a> </span>Page 177, ligne 18.—<i>Elle tomba raide...</i></p> + +<p>Une servante avait eu, pendant bien des annes +un invisible esprit familier qui s'asseyait prs +d'elle au foyer, o elle lui avait fait une petite +place, s'entretenant avec lui pendant les longues +nuits d'hiver. Un jour la servante pria Heinzchen +(elle nommait ainsi l'esprit) de se laisser voir dans +sa vritable forme. Mais Heinzchen refusa de le +faire. Enfin, aprs de longues instances, il y consentit, +et dit la servante de descendre dans la +cave, o il se montrerait. La servante prit un +flambeau, descendit dans le caveau, et l, dans +un tonneau ouvert, elle vit un enfant mort qui +flottait au milieu de son sang. Or, longues annes +auparavant, la servante avait mis secrtement un +enfant au monde, l'avait gorg, et l'avait cach +dans un tonneau. (Tischreden, page 222, trad. +d'Henri Heine. Voy. son bel article sur Luther, +<i>Revue des deux Mondes</i>, 1<sup>er</sup> mars 1834.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a74" id="Footnote_a74" href="#FNanchor_a74">[a74]</a> </span>Page 182, ligne 15.—<i>Ils saisissaient la tte...</i></p> + +<p>L'ennemi de tout bien et de toute sant (le +diable), chevauche quelquefois travers ma tte, +<span class="pagenum" id="Page_342">342</span> +de manire me rendre incapable de lire ou d'crire +la moindre des choses. (28 mars 1532.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a75" id="Footnote_a75" href="#FNanchor_a75">[a75]</a> </span>Page 183, ligne 9.—<i>Le diable n'est pas, la vrit, un +docteur qui a pris ses grades...</i></p> + +<p>C'est une chose merveilleuse, dit Bossuet, de +voir combien srieusement et vivement il dcrit +son rveil, comme en sursaut, au milieu de la nuit, +l'apparition manifeste du diable pour disputer +contre lui. La frayeur dont il fut saisi, sa sueur, +son tremblement et son horrible battement de +cœur dans cette dispute; les pressans argumens du +dmon qui ne laisse aucun repos l'esprit; le son +de sa puissante voix; ses manires de disputer accablantes, +o la question et la rponse se font sentir + la fois. Je sentis alors, dit-il, comment il arrive +si souvent qu'on meure subitement vers le +matin: c'est que le diable peut tuer et trangler +les hommes, et sans tout cela, les mettre si fort +l'troit par ses disputes, qu'il y a de quoi en +mourir, comme je l'ai plusieurs fois expriment. +(<i lang="la" xml:lang="la">De abrogand miss privat</i>, t. VII, 222, +trad. de Bossuet. Variations, II, p. 203.)</p> + +<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_343">343</span> +<span class="label"><a name="Footnote_a76" id="Footnote_a76" href="#FNanchor_a76">[a76]</a> </span>Page 201, ligne 8.—<i>Aprs avoir prch Smalkalde...</i></p> + +<p>Il crivit sa femme sur cette maladie: ... J'ai +t comme mort; je t'avais dj recommande, toi +et nos enfans, Dieu et notre Seigneur, dans la +pense que je ne vous reverrais plus; j'tais bien +mu en pensant vous; je me voyais dj dans +la tombe. Les prires et les larmes de gens pieux +qui m'aiment, ont trouv grce devant Dieu. +Cette nuit a tu mon mal, me voil comme +ren... (27 fvrier 1537.)</p> + +<p>Luther prouva une rechute dangereuse +Wittemberg. Oblig de rester Gotha, il se +croyait prs de la mort. Il dicta Bugenhagen, +qui tait avec lui, sa dernire volont. Il dclara +qu'il avait combattu la papaut selon sa conscience, +et demanda pardon Mlanchton, Jonas +et Cruciger des offenses qu'il pouvait leur +avoir faites. (Ukert, t. I, p. 325.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a77" id="Footnote_a77" href="#FNanchor_a77">[a77]</a> </span>Page 202, ligne 2.—<i>Ma vritable maladie...</i></p> + +<p>Luther fut atteint de bonne heure de la pierre; +cette maladie le faisait cruellement souffrir. Il fut +opr le 27 fvrier 1537.</p> + +<p><span class="pagenum" id="Page_344">344</span> +Je commence entrer en convalescence, +avec la grce de Dieu, je rapprends boire et +manger, quoique mes jambes, mes genoux, +mes os tremblent, et que je me porte peine. +(21 mars 1537.)</p> + +<p>Je ne suis, mme sans parler des maladies +et de la vieillesse, qu'un cadavre engourdi et +froid. (6 dcembre 1537.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a78" id="Footnote_a78" href="#FNanchor_a78">[a78]</a> </span>Page 215, ligne 10.—<i>Les comtes de Mansfeld...</i></p> + +<p>Il avait essay en vain de rconcilier les comtes +de Mansfeld. Si l'on veut, dit-il, faire entrer +dans une maison un arbre coup, il ne faut pas +le prendre par la tte; toutes les branches l'arrteraient + la porte. Il faut le prendre par la racine, +et les branches plieront pour entrer. (Tischreden, +p. 355.)</p> + +<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a79" id="Footnote_a79" href="#FNanchor_a79">[a79]</a> </span>Page 222.—<i>A la fin du chapitre.</i></p> + +<p>Nous runissons ici plusieurs particularits relatives + Luther.</p> + +<p>rasme dit de lui: On loue unanimement les +mœurs de cet homme; c'est un grand tmoignage +que ses ennemis mme n'y trouvent pas matire + la calomnie. (Ukert, t. II, page 5.)</p> + +<p>Luther aimait les plaisirs simples: il faisait +<span class="pagenum" id="Page_345">345</span> +souvent de la musique avec ses commensaux et +jouait aux quilles avec eux.—Mlanchton dit de +lui: Quiconque l'aura connu et frquent familirement, +avouera que c'tait un excellent +homme, doux et aimable en socit, nullement +opinitre ni ami de la dispute. Joignez cela la +gravit qui convenait son caractre.—S'il +montrait de la duret en combattant les ennemis +de la vraie doctrine, ce n'tait point malignit +de nature, mais ardeur et passion pour la +vrit. (Ukert, t. II, p. 12.)</p> + +<p class="sep2">Bien qu'il ne ft ni d'une petite stature ni +d'une complexion faible, il tait d'une extrme +temprance dans le boire et le manger. Je l'ai vu +tant en pleine sant, passer quatre jours entiers +sans prendre aucun aliment, et souvent se contenter, +dans une journe entire, d'un peu de +pain et d'un hareng pour toute nourriture. (<i>Vie +de Luther</i>, par Mlanchton.)</p> + +<p class="sep2">Mlanchton dit dans ses Œuvres posthumes: +Je l'ai souvent trouv, moi-mme, pleurant +chaudes larmes, et priant Dieu ardemment pour +le salut de l'glise. Il consacrait, chaque jour, +quelque temps dire des psaumes et invoquer +Dieu de toute la ferveur de son me. (Ukert, +t. II, p. 7.)</p> + +<p class="sep2"><span class="pagenum" id="Page_346">346</span> +Luther dit de lui-mme: Si j'tais aussi loquent +et aussi riche en paroles qu'rasme, aussi +bon hellniste que Joachim Camrarius, aussi +savant en hbreu que Forscherius, et aussi un +peu plus jeune, ah! quels travaux je ferais! +(Tischreden, p. 447.)</p> + +<p class="sep2">Le licenci Amsdorf est naturellement thologien. +Les docteur Creuziger et Jonas le sont +par art et rflexion. Mais moi et le docteur Pomer, +nous donnons peu de prise dans la dispute. +(Tischreden, p. 425.)</p> + +<p class="sep2">A Antoine Unruche, juge Torgau ... Je vous +remercie de tout mon cœur, cher Antoine, d'avoir +pris en main la cause de Marguerite Dorst, +et de n'avoir pas souffert que ces insolens hobereaux +enlevassent la pauvre femme le peu +qu'elle a. Vous savez que le docteur Martin n'est +pas seulement thologien et dfenseur de la foi, +mais aussi le soutien du droit des pauvres gens +qui viennent de tous cts lui demander ses conseils +et son intercession auprs des autorits. Il +sert volontiers les pauvres, comme vous faites +vous-mme, vous et ceux qui vous ressemblent. +Tous les juges devraient tre comme vous. Vous +tes pieux, vous craignez Dieu, vous aimez sa parole; +<span class="pagenum" id="Page_347">347</span> +aussi Jsus-Christ ne vous oubliera-t-il +pas... (12 juin 1538.)</p> + +<p class="sep2">Luther crit sa femme au sujet d'un vieux +domestique qui allait quitter sa maison: Il faut +congdier notre vieux Jean honorablement; tu +sais qu'il nous a toujours servis loyalement, avec +zle, et comme il convenait un serviteur chrtien. +Combien n'avons-nous pas donn des +vauriens, des tudians ingrats, qui ont fait un +mauvais usage de notre argent? Il ne faut donc +pas lsiner, dans cette occasion, l'gard d'un si +honnte serviteur, chez lequel notre argent sera +plac d'une manire agrable Dieu. Je sais bien +que nous ne sommes pas riches; je lui donnerais +volontiers dix florins si je les avais; en tous cas, +ne lui en donne pas moins de cinq, car il n'est +pas habill. Ce que tu pourras faire de plus, fais-le, +je t'en prie. Il est vrai que la caisse de la +ville devrait bien aussi lui donner quelque chose, +parce qu'il a fait toutes sortes de services dans +l'glise; qu'ils agissent comme ils voudront. Vois +de quelle manire tu pourras avoir cet argent. +Nous avons un gobelet d'argent mettre en gage. +Dieu ne nous abandonnera pas, j'en suis sr. +Adieu. (17 fvrier 1532.)</p> + +<p class="sep2">Le prince m'a donn un anneau d'or; mais +<span class="pagenum" id="Page_348">348</span> +afin que je visse bien que je n'tais pas n pour +porter de l'or, l'anneau est aussitt tomb de +mon doigt (car il est un peu trop large). J'ai dit: +Tu n'es qu'un ver de terre, et non un homme. +Il fallait donner cet or Faber, Eckius; pour +toi, du plomb, une corde au cou te conviendraient +davantage. (15 septembre 1530.)</p> + +<p class="sep2">L'lecteur, tablissant une contribution pour +la guerre des Turcs, en avait fait exempter Luther. +Il lui rpondit qu'il acceptait cette faveur +pour ses deux maisons, dont l'une (l'ancien couvent) +lui cotait beaucoup d'entretien sans rien +rapporter, et dont l'autre n'tait pas paye encore. +Mais, continue-t-il, je prie votre Grce +lectorale, en toute soumission, de permettre +que je contribue pour mes autres biens. J'ai encore +un jardin estim cinq cents florins, une +terre quatre-vingt-dix, et un petit jardin qui +en vaut vingt. J'aimerais bien faire comme les +autres, combattre le Turc de mes liards, ne +pas tre exclu de l'arme qui doit nous sauver. +Il y en a dj assez qui ne donnent pas volontiers; +je ne voudrais pas faire des envieux. Il +vaut mieux qu'on ne puisse se plaindre, et que +l'on dise: Le docteur Martin est aussi oblig de +payer. (26 mars 1542.)</p> + +<p class="sep2"><span class="pagenum" id="Page_349">349</span> +A l'lecteur Jean. Grce et paix en Jsus-Christ. +Srnissime seigneur! j'ai long-temps diffr +de remercier votre Grce des habits qu'elle +a bien voulu m'envoyer; je le fais par la prsente +de tout mon cœur. Cependant je prie humblement +votre Grce de ne pas en croire ceux qui +me prsentent comme dans le dnment. Je ne +suis dj que trop riche selon ma conscience; il +ne me convient pas, moi, prdicateur, d'tre +dans l'abondance, je ne le souhaite ni ne le demande.—Les +faveurs rptes de votre Grce +commencent vraiment m'effrayer. Je n'aimerais +pas tre de ceux qui Jsus-Christ dit: +Malheur vous, riches, parce que vous avez +dj reu votre consolation! Je ne voudrais pas +non plus tre charge votre Grce, dont la +bourse doit s'ouvrir sans cesse pour tant d'objets +importans. C'tait donc dj trop de l'toffe brune +qu'elle m'a envoye; mais, pour ne pas tre ingrat, +je veux aussi porter en son honneur l'habit +noir, quoique trop prcieux pour moi; si ce +n'tait un prsent de votre Grce lectorale, je +n'aurais jamais voulu porter un pareil habit.</p> + +<p>Je supplie en consquence votre Grce de +vouloir bien dornavant attendre que je prenne +la libert de demander quelque chose. Autrement +cette prvenance de sa part m'terait le courage +d'intercder auprs d'elle pour d'autres qui sont +<span class="pagenum" id="Page_350">350</span> +bien plus dignes de sa faveur. Jsus-Christ +rcompensera votre me gnreuse: c'est la +prire que je fais de tout mon cœur. Amen. +(17 aot 1529.)</p> + +<p class="sep2">Jean-le-Constant avait fait prsent Luther de +l'ancien couvent des Augustins Wittemberg.—L'lecteur +Auguste le racheta de ses hritiers, +en 1564, pour le donner l'universit. (Ukert, +t. I, p. 347.)</p> + +<p class="sep2"><i>Lieux habits par Luther et objets qu'on a conservs +de lui.</i>—La maison dans laquelle Luther +naquit n'existe plus; elle fut brle en 1689.—A +la Wartbourg, on montre encore sur le mur une +tache d'encre que Luther aurait faite en jetant +son critoire la tte du diable.—On a conserv +aussi la cellule qu'il occupait au couvent +de Wittemberg, avec diffrens meubles qui lui +appartenaient. Les murs de cette cellule sont +couverts de noms de visiteurs. On remarque celui +de Pierre-le-Grand crit sur la porte.—A +Cobourg, l'on voit la chambre qu'il habitait pendant +la dite d'Augsbourg (1530).</p> + +<p class="sep2">Luther portait au doigt une bague d'or, maille, +sur laquelle on voyait une petite tte de +mort avec ces mots: <i lang="la" xml:lang="la">Mori spe cogita</i>; autour +<span class="pagenum" id="Page_351">351</span> +du chaton tait crit: <i lang="la" xml:lang="la">O mors, ero mors tua</i>. Cette +bague est conserve Dresde, ainsi qu'une mdaille +en argent dore, que la femme de Luther +portait au cou. Dans cette mdaille, un serpent +se dresse sur les corps des Isralites, avec ces +mots: <i lang="la" xml:lang="la">Serpens exaltatus typus Christi crucifixi</i>. +Le revers prsente Jsus-Christ sur la croix avec +cette lgende: <i lang="la" xml:lang="la">Christus mortuus est pro peccatis +nostris</i>. D'un ct on lit encore: <i lang="la" xml:lang="la">D. Mart. Luter +Caterin su dono. D. H. F.</i>; et de l'autre: <i lang="la" xml:lang="la">Qu +nata est anno 1499, 29 januarii</i>.</p> + +<p class="sep2">Il avait lui-mme un cachet dont il a donn +la description dans une lettre Lazare Spengler: +Grce et paix en Jsus-Christ.—Cher +seigneur et ami! vous me dites que je vous ferais +plaisir en vous expliquant le sens de ce +qu'on voit sur mon sceau. Je vais donc vous indiquer +ce que j'ai voulu y faire graver, comme +symbole de ma thologie. D'abord, il y a une +croix noire avec un cœur au milieu. Cette croix +doit me rappeler que la foi au Crucifi nous sauve: +qui croit en lui de toute son me est justifi. +Cette croix est noire pour indiquer la mortification, +la douleur par laquelle le chrtien doit +passer. Le cœur nanmoins conserve sa couleur +naturelle; car la croix n'altre pas la nature, elle +ne tue pas, elle vivifie. <i lang="la" xml:lang="la">Justus fide vivit, sed fide +<span class="pagenum" id="Page_352">352</span> +crucifixi.</i> Le cœur est plac au milieu d'une rose +blanche, qui indique que la foi donne la consolation, +la joie et la paix; la rose est blanche et +non rouge, parce que ce n'est point la joie et la +paix du monde, mais celle des esprits: le blanc +est la couleur des esprits, et de tous les anges. +La rose est dans un champ d'azur, pour montrer +que cette joie dans l'esprit et dans la foi est un +commencement de la joie cleste qui nous attend; +celle-ci y est dj comprise, elle existe dj en +espoir, mais le moment de la consommation n'est +pas encore venu. Dans ce champ vous voyez aussi +un cercle d'or. Il indique que la flicit dans le +ciel durera ternellement, et qu'elle est suprieure + toute autre joie, tout autre bien, +comme l'or est le plus prcieux des mtaux.—Que +Jsus-Christ, notre seigneur, soit avec vous +jusque dans la vie ternelle. Amen. De mon dsert +de Cobourg, 8 juillet 1530.</p> + +<p class="sep2">A Altenbourg, l'on a conserv long-temps un +verre de table dans lequel Luther avait bu la +dernire fois qu'il visita son ami Spalatin. (Ukert, +t. I, page 245 et suiv.)</p> +</div> + +<div class="chapsep"> +<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" /> +</div> + +<p id="notes" class="sep3 cent t2">NOTES</p> + +<div class="footnotes"> +<p><span class="label"><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1">[1]</a> </span>L'un des interrogs dit que le roi en avait cinq. D'aprs +une autre relation, le nombre en serait mont la fin jusqu' +dix-sept.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_2" id="Footnote_2" href="#FNanchor_2">[2]</a> </span>Ceci se rapporte l'interprtation du mot: n, <i lang="de" xml:lang="de">geboren</i>.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3">[3]</a> </span>C'est aussi ce que dit Montaigne dans ses <i>Essais</i>.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_4" id="Footnote_4" href="#FNanchor_4">[4]</a> </span>Sans doute Copernic qui termina vers 1530 son livre <i lang="la" xml:lang="la">De +orbium cœlestium revolutionibus</i>, imprim, en 1543, Nuremberg, +avec une ddicace au pape Paul III. Ds 1540, une +lettre de son disciple Rheticus fit connatre le nouveau systme.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_5" id="Footnote_5" href="#FNanchor_5">[5]</a> </span>Voyez la belle ballade anglaise sur le martyre de <i>Barleycorn</i>.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_6" id="Footnote_6" href="#FNanchor_6">[6]</a> </span>Il semble qu'on retrouve ces tristes penses dans le beau portrait +de Luther mort, qui se trouve dans la collection du libraire +Zimmer Heidelberg; ce portrait exprime aussi la continuation +d'un long effort.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_7" id="Footnote_7" href="#FNanchor_7">[7]</a> </span>Nom d'un village prs duquel Luther possdait une petite +terre.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_8" id="Footnote_8" href="#FNanchor_8">[8]</a> </span>Luther appelle <i>Louis</i> ce landgrave, qui s'appelait effectivement +<i>Albert-le-Dnatur</i>, et vivait en 1288. Sa femme, +Marguerite tait fille de l'empereur Frdric II; son fils est +Frdric I, dit le <i>Mordu</i>.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_9" id="Footnote_9" href="#FNanchor_9">[9]</a> </span>Voyez le <i>Voyage de Montaigne</i>.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_10" id="Footnote_10" href="#FNanchor_10">[10]</a> </span>Il est inutile de relever les erreurs grossires dont fourmille +ce chapitre.</p> + +<p><span class="label"><a name="Footnote_11" id="Footnote_11" href="#FNanchor_11">[11]</a> </span>Mlanchton fait remarquer que saint Augustin n'exprime +pas cette opinion dans ses crits de controverse.</p> +</div> + +<hr class="duo" /> + +<h2 id="Page_353">RENVOIS<br /> +DU TOME <ins id="cor_13" title="Il faut sans doute lire DEUXIME">TROISIME</ins>.</h2> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<table class="endnotes" summary="Renvois"> +<tr> + <td class="tdr">Renvoi</td> + <td class="tdr">Page</td> + <td class="tdr">Ligne</td> + <td class="tdl"> </td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r1" id="Footnote_r1" href="#FNanchor_r1">[r1]</a></span></td> + <td class="tdr">3,</td> + <td class="tdr">19.</td> + <td class="tdl"><i>Otto Pack.</i>—<ins id="cor_02" title="original: Cochlœus">Cochlus</ins>, 171.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r2" id="Footnote_r2" href="#FNanchor_r2">[r2]</a></span></td> + <td class="tdr">4,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Cette ligue.</i>—Ukert, 216.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r3" id="Footnote_r3" href="#FNanchor_r3">[r3]</a></span></td> + <td class="tdr">5,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Tu crains que.</i>—Luther Werke, t. IX, 231.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r4" id="Footnote_r4" href="#FNanchor_r4">[r4]</a></span></td> + <td class="tdr">6,</td> + <td class="tdr">24.</td> + <td class="tdl"><i>Mmoire de Luther.</i>—<i>Ibid.</i> t. IX, 297.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r5" id="Footnote_r5" href="#FNanchor_r5">[r5]</a></span></td> + <td class="tdr">20,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>L'Espagnol disait.</i>—<i>Ibid.</i> t. IX, 414.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r6" id="Footnote_r6" href="#FNanchor_r6">[r6]</a></span></td> + <td class="tdr">23,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>Luther crit.</i>—<i>Ibid.</i> t. IX, 459.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r7" id="Footnote_r7" href="#FNanchor_r7">[r7]</a></span></td> + <td class="tdr">29,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Comment l'vangile.</i>—<i>Ibid.</i> t. II, 391, 199.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r8" id="Footnote_r8" href="#FNanchor_r8">[r8]</a></span></td> + <td class="tdr">35,</td> + <td class="tdr">17.</td> + <td class="tdl"><i>Nouvelle sur les Anabaptistes.</i>—<i>Ibid.</i> t. II, 328.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_354">354</span> + <span class="label"><a name="Footnote_r9" id="Footnote_r9" href="#FNanchor_r9">[r9]</a></span></td> + <td class="tdr">40,</td> + <td class="tdr">20.</td> + <td class="tdl"><i>Les anabaptistes soumis.</i>—<i>Ibid.</i> t. II, 365.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r10" id="Footnote_r10" href="#FNanchor_r10">[r10]</a></span></td> + <td class="tdr">42,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>Entretien.</i>—<i>Ibid.</i> t. II, 376.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r11" id="Footnote_r11" href="#FNanchor_r11">[r11]</a></span></td> + <td class="tdr">49,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Le 19 janvier.</i>—<i>Ibid.</i> t. II, 400.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r12" id="Footnote_r12" href="#FNanchor_r12">[r12]</a></span></td> + <td class="tdr">51,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Prface de Luther.</i>—<i>Ibid.</i> t. II, 332.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r13" id="Footnote_r13" href="#FNanchor_r13">[r13]</a></span></td> + <td class="tdr">60,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>Les instructions.</i>—Bossuet en a donn le texte dans son histoire des <i>Variations de l'glise protestante</i>.—t. I, 328, 199.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r14" id="Footnote_r14" href="#FNanchor_r14">[r14]</a></span></td> + <td class="tdr">72,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Celui qui insulte.</i>—Tischr. 241.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r15" id="Footnote_r15" href="#FNanchor_r15">[r15]</a></span></td> + <td class="tdr">72,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Le droit saxon.</i>—<i>Ibid.</i> 315 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r16" id="Footnote_r16" href="#FNanchor_r16">[r16]</a></span></td> + <td class="tdr">72,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>Il n'y a point de doute.</i>—<i>Ibid.</i> 116.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r17" id="Footnote_r17" href="#FNanchor_r17">[r17]</a></span></td> + <td class="tdr">72,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>On disait Luther.</i>—<i>Ibid.</i> 312 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r18" id="Footnote_r18" href="#FNanchor_r18">[r18]</a></span></td> + <td class="tdr">73,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Lettre un ami.</i>—<i>Ibid.</i> 313 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r19" id="Footnote_r19" href="#FNanchor_r19">[r19]</a></span></td> + <td class="tdr">73,</td> + <td class="tdr">20.</td> + <td class="tdl"><i>Il n'est gure plus possible.</i>—<i>Ibid.</i> 315 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r20" id="Footnote_r20" href="#FNanchor_r20">[r20]</a></span></td> + <td class="tdr">74,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>La plus grande grce.</i>—<i>Ibid.</i> 313.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r21" id="Footnote_r21" href="#FNanchor_r21">[r21]</a></span></td> + <td class="tdr">74,</td> + <td class="tdr">20.</td> + <td class="tdl"><i>Au jour de la.</i>—<i>Ibid.</i> 316 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r22" id="Footnote_r22" href="#FNanchor_r22">[r22]</a></span></td> + <td class="tdr">75,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur M.</i>—<i>Ibid.</i> 320.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r23" id="Footnote_r23" href="#FNanchor_r23">[r23]</a></span></td> + <td class="tdr">75,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>En 1541.</i>—<i>Ibid.</i> 264 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r24" id="Footnote_r24" href="#FNanchor_r24">[r24]</a></span></td> + <td class="tdr">76,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>La premire anne.</i>—<i>Ibid.</i> 313 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r25" id="Footnote_r25" href="#FNanchor_r25">[r25]</a></span></td> + <td class="tdr">76,</td> + <td class="tdr">19.</td> + <td class="tdl"><i>Lucas Cranach.</i>—<i>Ibid.</i> 314.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r26" id="Footnote_r26" href="#FNanchor_r26">[r26]</a></span></td> + <td class="tdr">77,</td> + <td class="tdr">19.</td> + <td class="tdl"><i>On trouve l'image.</i>—<i>Ibid.</i> 312 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r27" id="Footnote_r27" href="#FNanchor_r27">[r27]</a></span></td> + <td class="tdr">78,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>Les petits enfans.</i>—<i>Ibid.</i> 42 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r28" id="Footnote_r28" href="#FNanchor_r28">[r28]</a></span></td> + <td class="tdr">78,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>On amena.</i>—<i>Ibid.</i> 124.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r29" id="Footnote_r29" href="#FNanchor_r29">[r29]</a></span></td> + <td class="tdr">78,</td> + <td class="tdr">20.</td> + <td class="tdl"><i>Servez.</i>—<i>Ibid.</i> 10 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r30" id="Footnote_r30" href="#FNanchor_r30">[r30]</a></span></td> + <td class="tdr">79,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Au premier jour.</i>—<i>Ibid.</i> 314 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_355">355</span> + <span class="label"><a name="Footnote_r31" id="Footnote_r31" href="#FNanchor_r31">[r31]</a></span></td> + <td class="tdr">79,</td> + <td class="tdr">13.</td> + <td class="tdl"><i>Aprs qu'il eut.</i>—<i>Ibid.</i> 47.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r32" id="Footnote_r32" href="#FNanchor_r32">[r32]</a></span></td> + <td class="tdr">79,</td> + <td class="tdr">21.</td> + <td class="tdl"><i>Il disait son.</i>—<i>Ibid.</i> 49 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r33" id="Footnote_r33" href="#FNanchor_r33">[r33]</a></span></td> + <td class="tdr">79,</td> + <td class="tdr">25.</td> + <td class="tdl"><i>Les enfans sont les plus heureux.</i>—<i>Ibid.</i> 134.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r34" id="Footnote_r34" href="#FNanchor_r34">[r34]</a></span></td> + <td class="tdr">80,</td> + <td class="tdr">10.</td> + <td class="tdl"><i>Une autre fois.</i>—<i>Ibid.</i> 134 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r35" id="Footnote_r35" href="#FNanchor_r35">[r35]</a></span></td> + <td class="tdr">80,</td> + <td class="tdr">19.</td> + <td class="tdl"><i>Comme matre.</i>—<i>Ibid.</i> 45 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r36" id="Footnote_r36" href="#FNanchor_r36">[r36]</a></span></td> + <td class="tdr">81,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Quels ont d tre.</i>—<i>Ibid.</i> 47.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r37" id="Footnote_r37" href="#FNanchor_r37">[r37]</a></span></td> + <td class="tdr">81,</td> + <td class="tdr">17.</td> + <td class="tdl"><i>Il est touchant.</i>—<i>Ibid.</i> 42-43 <i>passim</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r38" id="Footnote_r38" href="#FNanchor_r38">[r38]</a></span></td> + <td class="tdr">81,</td> + <td class="tdr">24.</td> + <td class="tdl"><i>Le 9 avril 1539.</i>—<i>Ibid.</i> 363.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r39" id="Footnote_r39" href="#FNanchor_r39">[r39]</a></span></td> + <td class="tdr">82,</td> + <td class="tdr">16.</td> + <td class="tdl"><i>Le 18 avril.</i>—<i>Ibid.</i> 423.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r40" id="Footnote_r40" href="#FNanchor_r40">[r40]</a></span></td> + <td class="tdr">83,</td> + <td class="tdr">13.</td> + <td class="tdl"><i>Supportons.</i>—Lettre V, 726.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r41" id="Footnote_r41" href="#FNanchor_r41">[r41]</a></span></td> + <td class="tdr">83,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>Un soir.</i>—Tischr. 43 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r42" id="Footnote_r42" href="#FNanchor_r42">[r42]</a></span></td> + <td class="tdr">84,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Vers le soir.</i>—<i>Ibid.</i> 24 <i>bis</i>.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r43" id="Footnote_r43" href="#FNanchor_r43">[r43]</a></span></td> + <td class="tdr">85,</td> + <td class="tdr">10.</td> + <td class="tdl"><i>Le petit enfant.</i>—Tischred. 32, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r44" id="Footnote_r44" href="#FNanchor_r44">[r44]</a></span></td> + <td class="tdr">86,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>Dans les choses divines.</i>—<i>Ibid.</i> 69.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r45" id="Footnote_r45" href="#FNanchor_r45">[r45]</a></span></td> + <td class="tdr">87,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>Le dcalogue.</i>—<i>Ibid.</i> 112, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r46" id="Footnote_r46" href="#FNanchor_r46">[r46]</a></span></td> + <td class="tdr">87,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>On demandait au docteur.</i>—<i>Ibid.</i> 362.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r47" id="Footnote_r47" href="#FNanchor_r47">[r47]</a></span></td> + <td class="tdr">88,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Cicron.</i>—<i>Ibid.</i> 425.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r48" id="Footnote_r48" href="#FNanchor_r48">[r48]</a></span></td> + <td class="tdr">88,</td> + <td class="tdr">12.</td> + <td class="tdl"><i>On demandait Luther.</i>—<i>Ibid.</i> 106.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r49" id="Footnote_r49" href="#FNanchor_r49">[r49]</a></span></td> + <td class="tdr">88,</td> + <td class="tdr">25.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur soupirait.</i>—<i>Ibid.</i> 11, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r50" id="Footnote_r50" href="#FNanchor_r50">[r50]</a></span></td> + <td class="tdr">89,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Autrefois.</i>—<i>Ibid.</i> 311.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r51" id="Footnote_r51" href="#FNanchor_r51">[r51]</a></span></td> + <td class="tdr">89,</td> + <td class="tdr">21.</td> + <td class="tdl"><i>Que sont les saints.</i>—<ins id="cor_03" title="original: Cochlœus">Cochlus</ins>, Vie de Luther, 226.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r52" id="Footnote_r52" href="#FNanchor_r52">[r52]</a></span></td> + <td class="tdr">90,</td> + <td class="tdr">10.</td> + <td class="tdl"><i>Nos adversaires.</i>—Tischred. 447.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r53" id="Footnote_r53" href="#FNanchor_r53">[r53]</a></span></td> + <td class="tdr">90,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>Pourquoi enseigne-t-on?</i>—Luth. Werke, t. II, 16.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r54" id="Footnote_r54" href="#FNanchor_r54">[r54]</a></span></td> + <td class="tdr">92,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Le Pater noster.</i>—Tischreden, 153.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_356">356</span> + <span class="label"><a name="Footnote_r55" id="Footnote_r55" href="#FNanchor_r55">[r55]</a></span></td> + <td class="tdr">93,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>L'vangile de saint Jean.</i>—Ukert, 18.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r56" id="Footnote_r56" href="#FNanchor_r56">[r56]</a></span></td> + <td class="tdr">95,</td> + <td class="tdr">28.</td> + <td class="tdl"><i>Ambroise.</i>—Tischreden, 383.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r57" id="Footnote_r57" href="#FNanchor_r57">[r57]</a></span></td> + <td class="tdr">96,</td> + <td class="tdr">7.</td> + <td class="tdl"><i>Saint Augustin.</i>—<i>Ibid.</i> 98.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r58" id="Footnote_r58" href="#FNanchor_r58">[r58]</a></span></td> + <td class="tdr">97,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Les nominaux.</i>—<i>Ibid.</i> 384.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r59" id="Footnote_r59" href="#FNanchor_r59">[r59]</a></span></td> + <td class="tdr">98,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Le D. Staupitz.</i>—<i>Ibid.</i> 385.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r60" id="Footnote_r60" href="#FNanchor_r60">[r60]</a></span></td> + <td class="tdr">99,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Jean Huss.</i>—<i>Ibid.</i> 386.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r61" id="Footnote_r61" href="#FNanchor_r61">[r61]</a></span></td> + <td class="tdr">99,</td> + <td class="tdr">26.</td> + <td class="tdl"><i>Jean Huss tait.</i>—<i>Ibid.</i> 127.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r62" id="Footnote_r62" href="#FNanchor_r62">[r62]</a></span></td> + <td class="tdr">100,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>La tte de l'antichrist.</i>—<i>Ibid.</i> 241.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r63" id="Footnote_r63" href="#FNanchor_r63">[r63]</a></span></td> + <td class="tdr">100,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>C'est ma pauvre condition.</i>—<i>Ibid.</i> 249.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r64" id="Footnote_r64" href="#FNanchor_r64">[r64]</a></span></td> + <td class="tdr">100,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>Les papistes.</i>—<i>Ibid.</i> 255.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r65" id="Footnote_r65" href="#FNanchor_r65">[r65]</a></span></td> + <td class="tdr">100,</td> + <td class="tdr">28.</td> + <td class="tdl"><i>Le pape le dit.</i>—<i>Ibid.</i> 259.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r66" id="Footnote_r66" href="#FNanchor_r66">[r66]</a></span></td> + <td class="tdr">101,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>D'autres ont attaqu les mœurs.</i>—<i>Ibid.</i> 192.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r67" id="Footnote_r67" href="#FNanchor_r67">[r67]</a></span></td> + <td class="tdr">101,</td> + <td class="tdr">10.</td> + <td class="tdl"><i>Des conciles.</i>—<i>Ibid.</i> 371-76.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r68" id="Footnote_r68" href="#FNanchor_r68">[r68]</a></span></td> + <td class="tdr">102,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>Des biens ecclsiastiques.</i>—<i>Ibid.</i> 380.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r69" id="Footnote_r69" href="#FNanchor_r69">[r69]</a></span></td> + <td class="tdr">103,</td> + <td class="tdr">17.</td> + <td class="tdl"><i>Le proverbe a raison.</i>—<i>Ibid.</i> 60.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r70" id="Footnote_r70" href="#FNanchor_r70">[r70]</a></span></td> + <td class="tdr">104,</td> + <td class="tdr">7.</td> + <td class="tdl"><i>En Italie.</i>—<i>Ibid.</i> 275.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r71" id="Footnote_r71" href="#FNanchor_r71">[r71]</a></span></td> + <td class="tdr">104,</td> + <td class="tdr">26.</td> + <td class="tdl"><i>Dans les disputes.</i>—<i>Ibid.</i> 271.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r72" id="Footnote_r72" href="#FNanchor_r72">[r72]</a></span></td> + <td class="tdr">105,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>La moinerie.</i>—<i>Ibid.</i> 272.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r73" id="Footnote_r73" href="#FNanchor_r73">[r73]</a></span></td> + <td class="tdr">123,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>Oh! combien je tremblais.</i>—<i>Ibid.</i> 181.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r74" id="Footnote_r74" href="#FNanchor_r74">[r74]</a></span></td> + <td class="tdr">124,</td> + <td class="tdr">9.</td> + <td class="tdl"><i>Je n'aime pas que Philippe.</i>—<i>Ibid.</i> 197.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r75" id="Footnote_r75" href="#FNanchor_r75">[r75]</a></span></td> + <td class="tdr">124,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur Jonas lui disait.</i>—<i>Ibid.</i> 113.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r76" id="Footnote_r76" href="#FNanchor_r76">[r76]</a></span></td> + <td class="tdr">124,</td> + <td class="tdr">24.</td> + <td class="tdl"><i>Je veux que l'on enseigne.</i>—<i>Ibid.</i> 116.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_357">357</span> + <span class="label"><a name="Footnote_r77" id="Footnote_r77" href="#FNanchor_r77">[r77]</a></span></td> + <td class="tdr">125,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur Erasmus Alberus.</i>—<i>Ibid.</i> 184.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r78" id="Footnote_r78" href="#FNanchor_r78">[r78]</a></span></td> + <td class="tdr">125,</td> + <td class="tdr">16.</td> + <td class="tdl"><i>Albert Drer.</i>—<i>Ibid.</i> 425.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r79" id="Footnote_r79" href="#FNanchor_r79">[r79]</a></span></td> + <td class="tdr">125,</td> + <td class="tdr">20.</td> + <td class="tdl"><i>Oh! que j'eusse t heureux.</i>—Luth. Werke, t. IX, 245.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r80" id="Footnote_r80" href="#FNanchor_r80">[r80]</a></span></td> + <td class="tdr">125,</td> + <td class="tdr">27.</td> + <td class="tdl"><i>Rien n'est plus agrable.</i>—Tischreden, 182.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r81" id="Footnote_r81" href="#FNanchor_r81">[r81]</a></span></td> + <td class="tdr">126,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Parmi les qualits.</i>—<i>Ibid.</i> 183.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r82" id="Footnote_r82" href="#FNanchor_r82">[r82]</a></span></td> + <td class="tdr">126,</td> + <td class="tdr">7.</td> + <td class="tdl"><i>Dans le trait.</i>—Seckendorf, livre I, 202.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r83" id="Footnote_r83" href="#FNanchor_r83">[r83]</a></span></td> + <td class="tdr">128,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur Luther disait.</i>—Tischreden, 105.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r84" id="Footnote_r84" href="#FNanchor_r84">[r84]</a></span></td> + <td class="tdr">128,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Si je meurs.</i>—<i>Ibid.</i> 356.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r85" id="Footnote_r85" href="#FNanchor_r85">[r85]</a></span></td> + <td class="tdr">128,</td> + <td class="tdr">13.</td> + <td class="tdl"><i>Dans la colre.</i>—<i>Ibid.</i> 145.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r86" id="Footnote_r86" href="#FNanchor_r86">[r86]</a></span></td> + <td class="tdr">131,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>Il n'est pas d'alliance.</i>—<i>Ibid.</i> 331.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r87" id="Footnote_r87" href="#FNanchor_r87">[r87]</a></span></td> + <td class="tdr">132,</td> + <td class="tdr">19.</td> + <td class="tdl"><i>La nouvelle tant venue.</i>—<i>Ibid.</i> 274.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r88" id="Footnote_r88" href="#FNanchor_r88">[r88]</a></span></td> + <td class="tdr">134,</td> + <td class="tdr">12.</td> + <td class="tdl"><i>La nuit qui prcda la mort.</i>—<i>Ibid.</i> 360.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r89" id="Footnote_r89" href="#FNanchor_r89">[r89]</a></span></td> + <td class="tdr">138,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Il vaut mieux.</i>—<i>Ibid.</i> 347.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r90" id="Footnote_r90" href="#FNanchor_r90">[r90]</a></span></td> + <td class="tdr">139,</td> + <td class="tdr">13.</td> + <td class="tdl"><i>Le droit est une belle fiance.</i>—<i>Ibid.</i> 273.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r91" id="Footnote_r91" href="#FNanchor_r91">[r91]</a></span></td> + <td class="tdr">139,</td> + <td class="tdr">28.</td> + <td class="tdl"><i>Avant moi, il n'y a eu.</i>—<i>Ibid.</i> 402.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r92" id="Footnote_r92" href="#FNanchor_r92">[r92]</a></span></td> + <td class="tdr">142,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>Voil comme agissent.</i>—<i>Ibid.</i> 403.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r93" id="Footnote_r93" href="#FNanchor_r93">[r93]</a></span></td> + <td class="tdr">143,</td> + <td class="tdr">12.</td> + <td class="tdl"><i>Bon peuple, veuillez agrer.</i>—<i>Ibid.</i> 407.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r94" id="Footnote_r94" href="#FNanchor_r94">[r94]</a></span></td> + <td class="tdr">145,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Je suis maintenant.</i>—<i>Ibid.</i> 102.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r95" id="Footnote_r95" href="#FNanchor_r95">[r95]</a></span></td> + <td class="tdr">146,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>La loi sans doute.</i>—<i>Ibid.</i> 128.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_358">358</span> + <span class="label"><a name="Footnote_r96" id="Footnote_r96" href="#FNanchor_r96">[r96]</a></span></td> + <td class="tdr">146,</td> + <td class="tdr">17.</td> + <td class="tdl"><i>Pour me dlivrer entirement.</i>—Tischreden, 133.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r97" id="Footnote_r97" href="#FNanchor_r97">[r97]</a></span></td> + <td class="tdr">147,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Il n'est qu'un seul point.</i>—<i>Ibid.</i> 140.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r98" id="Footnote_r98" href="#FNanchor_r98">[r98]</a></span></td> + <td class="tdr">147,</td> + <td class="tdr"> </td> + <td class="tdl"><i>Luther en parlant.</i>—<i>Ibid.</i> 147.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r99" id="Footnote_r99" href="#FNanchor_r99">[r99]</a></span></td> + <td class="tdr">147,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Le diable veut seulement.</i>—<i>Ibid.</i> 142.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r100" id="Footnote_r100" href="#FNanchor_r100">[r100]</a></span></td> + <td class="tdr">147,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Un docteur anglais.</i>—<i>Ibid.</i> 144.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r101" id="Footnote_r101" href="#FNanchor_r101">[r101]</a></span></td> + <td class="tdr">148,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Pour rsister.</i>—<i>Ibid.</i> 124.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r102" id="Footnote_r102" href="#FNanchor_r102">[r102]</a></span></td> + <td class="tdr">149,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Dieu dit Mose.</i>—<i>Ibid.</i> 125.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r103" id="Footnote_r103" href="#FNanchor_r103">[r103]</a></span></td> + <td class="tdr">153,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur Martin Luther disait au sujet.</i>—<i>Ibid.</i> 292.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r104" id="Footnote_r104" href="#FNanchor_r104">[r104]</a></span></td> + <td class="tdr">153,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Quand je commenai crire.</i>—<i>Ibid.</i> 193.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r105" id="Footnote_r105" href="#FNanchor_r105">[r105]</a></span></td> + <td class="tdr">153,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>En 1521, il vint chez moi.</i>—<i>Ibid.</i> 282.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r106" id="Footnote_r106" href="#FNanchor_r106">[r106]</a></span></td> + <td class="tdr">155,</td> + <td class="tdr">27.</td> + <td class="tdl"><i>Matre Stiefel.</i>—<i>Ibid.</i> 367.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r107" id="Footnote_r107" href="#FNanchor_r107">[r107]</a></span></td> + <td class="tdr">156,</td> + <td class="tdr">26.</td> + <td class="tdl"><i>Bileas.</i>—<i>Ibid.</i> 192.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r108" id="Footnote_r108" href="#FNanchor_r108">[r108]</a></span></td> + <td class="tdr">157,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur Jeckel.</i>—<i>Ibid.</i> 287.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r109" id="Footnote_r109" href="#FNanchor_r109">[r109]</a></span></td> + <td class="tdr">158,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur Luther faisant reproche.</i>—<i>Ibid.</i> 290.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r110" id="Footnote_r110" href="#FNanchor_r110">[r110]</a></span></td> + <td class="tdr">158,</td> + <td class="tdr">19.</td> + <td class="tdl"><i>Des antinomiens.</i>—<i>Ibid.</i> 287.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r111" id="Footnote_r111" href="#FNanchor_r111">[r111]</a></span></td> + <td class="tdr">159,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Qui aurait pens.</i>—<i>Ibid.</i> 288.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r112" id="Footnote_r112" href="#FNanchor_r112">[r112]</a></span></td> + <td class="tdr">160,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>J'ai eu tant de confiance.</i>—<i>Ibid.</i> 291.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r113" id="Footnote_r113" href="#FNanchor_r113">[r113]</a></span></td> + <td class="tdr">161,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>En 1540, Luther.</i>—<i>Ibid.</i> 129.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r114" id="Footnote_r114" href="#FNanchor_r114">[r114]</a></span></td> + <td class="tdr">161,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>Matre Jobst.</i>—<i>Ibid.</i> 124.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r115" id="Footnote_r115" href="#FNanchor_r115">[r115]</a></span></td> + <td class="tdr">162,</td> + <td class="tdr">12.</td> + <td class="tdl"><i>Si au commencement.</i>—<i>Ibid.</i> 125.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r116" id="Footnote_r116" href="#FNanchor_r116">[r116]</a></span></td> + <td class="tdr">163,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>Matre Philippe dit.</i>—<i>Ibid.</i> 445.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r117" id="Footnote_r117" href="#FNanchor_r117">[r117]</a></span></td> + <td class="tdr">164,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>Philippe me demandait.</i>—<i>Ibid.</i> 29.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r118" id="Footnote_r118" href="#FNanchor_r118">[r118]</a></span></td> + <td class="tdr">164,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Si Philippe n'et pas t.</i>—<i>Ibid.</i> 195.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_359">359</span><span class="label"><a name="Footnote_r119" id="Footnote_r119" href="#FNanchor_r119">[r119]</a></span></td> + <td class="tdr">164,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Le Paradis de Luther.</i>—<i>Ibid.</i> 305.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r120" id="Footnote_r120" href="#FNanchor_r120">[r120]</a></span></td> + <td class="tdr">164,</td> + <td class="tdr">21.</td> + <td class="tdl"><i>Les paysans ne sont pas dignes.</i>—<i>Ibid.</i> 52.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r121" id="Footnote_r121" href="#FNanchor_r121">[r121]</a></span></td> + <td class="tdr">164,</td> + <td class="tdr">28.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur Jonas.</i>—<i>Ibid.</i> 137.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r122" id="Footnote_r122" href="#FNanchor_r122">[r122]</a></span></td> + <td class="tdr">165,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>Un mchant et horrible.</i>—<i>Ibid.</i> 70.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r123" id="Footnote_r123" href="#FNanchor_r123">[r123]</a></span></td> + <td class="tdr">165,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>La femme du docteur.</i>—<i>Ibid.</i> 150.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r124" id="Footnote_r124" href="#FNanchor_r124">[r124]</a></span></td> + <td class="tdr">166,</td> + <td class="tdr">2.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur exhortait sa femme.</i>—<i>Ibid.</i></td> + +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r125" id="Footnote_r125" href="#FNanchor_r125">[r125]</a></span></td> + <td class="tdr">166,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>Le pater noster.</i>—<i>Ibid.</i> 135.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r126" id="Footnote_r126" href="#FNanchor_r126">[r126]</a></span></td> + <td class="tdr">166,</td> + <td class="tdr">25.</td> + <td class="tdl"><i>J'aime ma Catherine.</i>—<i>Ibid.</i> 140.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r127" id="Footnote_r127" href="#FNanchor_r127">[r127]</a></span></td> + <td class="tdr">169,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Une jeune fille.</i>—<i>Ibid.</i> 92, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r128" id="Footnote_r128" href="#FNanchor_r128">[r128]</a></span></td> + <td class="tdr">169,</td> + <td class="tdr">9.</td> + <td class="tdl"><i>Un pasteur.</i>—<i>Ibid.</i> 208.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r129" id="Footnote_r129" href="#FNanchor_r129">[r129]</a></span></td> + <td class="tdr">172,</td> + <td class="tdr">5.</td> + <td class="tdl"><i>Il y a des lieux.</i>—<i>Ibid.</i> 212.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r130" id="Footnote_r130" href="#FNanchor_r130">[r130]</a></span></td> + <td class="tdr">172,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>Un jour de grand orage.</i>—<i>Ibid.</i> 219.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r131" id="Footnote_r131" href="#FNanchor_r131">[r131]</a></span></td> + <td class="tdr">173,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Suivent deux histoires.</i>—<i>Ibid.</i> 214.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r132" id="Footnote_r132" href="#FNanchor_r132">[r132]</a></span></td> + <td class="tdr">173,</td> + <td class="tdr">11.</td> + <td class="tdl"><i>Le diable promne.</i>—<i>Ibid.</i> 213.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r133" id="Footnote_r133" href="#FNanchor_r133">[r133]</a></span></td> + <td class="tdr">173,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>Aux Pays-Bas et en Saxe.</i>—<i>Ibid.</i> 221.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r134" id="Footnote_r134" href="#FNanchor_r134">[r134]</a></span></td> + <td class="tdr">173,</td> + <td class="tdr">21.</td> + <td class="tdl"><i>Les moines conduisaient.</i>—<i>Ibid.</i> 222.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r135" id="Footnote_r135" href="#FNanchor_r135">[r135]</a></span></td> + <td class="tdr">173,</td> + <td class="tdr">24.</td> + <td class="tdl"><i>On racontait table.</i>—<i>Ibid.</i> 205.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r136" id="Footnote_r136" href="#FNanchor_r136">[r136]</a></span></td> + <td class="tdr">174,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Un vieux cur.</i>—<i>Ibid.</i> 205.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r137" id="Footnote_r137" href="#FNanchor_r137">[r137]</a></span></td> + <td class="tdr">175,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>Une autre fois, Luther.</i>—<i>Ibid.</i> 205.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r138" id="Footnote_r138" href="#FNanchor_r138">[r138]</a></span></td> + <td class="tdr">176,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>Il y avait Erfurth.</i>—<i>Ibid.</i> 215.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r139" id="Footnote_r139" href="#FNanchor_r139">[r139]</a></span></td> + <td class="tdr">177,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur Luc Gauric.</i>—<i>Ibid.</i> 216.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r140" id="Footnote_r140" href="#FNanchor_r140">[r140]</a></span></td> + <td class="tdr">177,</td> + <td class="tdr">21.</td> + <td class="tdl"><i>Le diable peut se changer.</i>—<i>Ibid.</i> 216.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r141" id="Footnote_r141" href="#FNanchor_r141">[r141]</a></span></td> + <td class="tdr">182,</td> + <td class="tdr">9.</td> + <td class="tdl"><i>Le docteur Luther devenu plus g.</i>—<i>Ibid.</i> 222.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r142" id="Footnote_r142" href="#FNanchor_r142">[r142]</a></span></td> + <td class="tdr">182,</td> + <td class="tdr">16.</td> + <td class="tdl"><i>Cela m'est arriv.</i>—<i>Ibid.</i> 220.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_360">360</span><span class="label"><a name="Footnote_r143" id="Footnote_r143" href="#FNanchor_r143">[r143]</a></span></td> + <td class="tdr">182,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>Je sais, grce Dieu.</i>—<i>Ibid.</i> 224.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r144" id="Footnote_r144" href="#FNanchor_r144">[r144]</a></span></td> + <td class="tdr">183,</td> + <td class="tdr">9.</td> + <td class="tdl"><i>Le Diable n'est pas.</i>—<i>Ibid.</i> 202.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r145" id="Footnote_r145" href="#FNanchor_r145">[r145]</a></span></td> + <td class="tdr">183,</td> + <td class="tdr">20.</td> + <td class="tdl"><i>Au mois de janvier 1532.</i>—Ukert, t. I, 320.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r146" id="Footnote_r146" href="#FNanchor_r146">[r146]</a></span></td> + <td class="tdr">184,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Ma maladie qui consiste.</i>—Tischreden, 210.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r147" id="Footnote_r147" href="#FNanchor_r147">[r147]</a></span></td> + <td class="tdr">184,</td> + <td class="tdr">13.</td> + <td class="tdl"><i>En 1536, il maria.</i>—Ukert, t. I, 322.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r148" id="Footnote_r148" href="#FNanchor_r148">[r148]</a></span></td> + <td class="tdr">184,</td> + <td class="tdr">20.</td> + <td class="tdl"><i>Pendant que le docteur Luther.</i>—Tischreden, 229.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r149" id="Footnote_r149" href="#FNanchor_r149">[r149]</a></span></td> + <td class="tdr">185,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Quand le diable me trouve.</i>—<i>Ibid.</i> 8.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r150" id="Footnote_r150" href="#FNanchor_r150">[r150]</a></span></td> + <td class="tdr">186,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>La nuit, quand je me rveille.</i>—<i>Ibid.</i> 218.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r151" id="Footnote_r151" href="#FNanchor_r151">[r151]</a></span></td> + <td class="tdr">186,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>Aujourd'hui comme je.</i>—<i>Ibid.</i> 220.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r152" id="Footnote_r152" href="#FNanchor_r152">[r152]</a></span></td> + <td class="tdr">186,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Un jour que l'on parlait souper.</i>—<i>Ibid.</i> 12.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r153" id="Footnote_r153" href="#FNanchor_r153">[r153]</a></span></td> + <td class="tdr">187,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Le diable me fait regarder.</i>—<i>Ibid.</i> 220.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r154" id="Footnote_r154" href="#FNanchor_r154">[r154]</a></span></td> + <td class="tdr">187,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>Le diable nous a jur.</i>—<i>Ibid.</i> 362.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r155" id="Footnote_r155" href="#FNanchor_r155">[r155]</a></span></td> + <td class="tdr">187,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>La tentation de la chair.</i>—<i>Ibid.</i> 318.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r156" id="Footnote_r156" href="#FNanchor_r156">[r156]</a></span></td> + <td class="tdr">187,</td> + <td class="tdr">13.</td> + <td class="tdl"><i>Si je tombe.</i>—<i>Ibid.</i> 226.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r157" id="Footnote_r157" href="#FNanchor_r157">[r157]</a></span></td> + <td class="tdr">187,</td> + <td class="tdr">19.</td> + <td class="tdl"><i>Le grain d'orge a bien souffrir.</i>—<i>Ibid.</i> 216.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r158" id="Footnote_r158" href="#FNanchor_r158">[r158]</a></span></td> + <td class="tdr">188,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Quand le diable vient.</i>—<i>Ibid.</i> 227.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r159" id="Footnote_r159" href="#FNanchor_r159">[r159]</a></span></td> + <td class="tdr">189,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>On peut consoler.</i>—<i>Ibid.</i> 231.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r160" id="Footnote_r160" href="#FNanchor_r160">[r160]</a></span></td> + <td class="tdr">189,</td> + <td class="tdr">10.</td> + <td class="tdl"><i>La meilleure mdecine.</i>—<ins id="cor_14" title="manque dans l'original"><i>Ibid.</i></ins> 238.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r161" id="Footnote_r161" href="#FNanchor_r161">[r161]</a></span></td> + <td class="tdr">189,</td> + <td class="tdr">19.</td> + <td class="tdl"><i>Prface du docteur.</i>—Luth. Werke, t. II, 1.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_361">361</span><span class="label"><a name="Footnote_r162" id="Footnote_r162" href="#FNanchor_r162">[r162]</a></span></td> + <td class="tdr">200,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Le mal de dents.</i>—Tischreden, 356.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r163" id="Footnote_r163" href="#FNanchor_r163">[r163]</a></span></td> + <td class="tdr">200,</td> + <td class="tdr">12.</td> + <td class="tdl"><i>Un homme se plaignait.</i>—<i>Ibid.</i> 357.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r164" id="Footnote_r164" href="#FNanchor_r164">[r164]</a></span></td> + <td class="tdr">201,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>Aprs avoir prch.</i>—<i>Ibid.</i> 362.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r165" id="Footnote_r165" href="#FNanchor_r165">[r165]</a></span></td> + <td class="tdr">203,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Si j'avais su.</i>—<i>Ibid.</i> 6.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r166" id="Footnote_r166" href="#FNanchor_r166">[r166]</a></span></td> + <td class="tdr">203,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>On disait une fois.</i>—<i>Ibid.</i> 5.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r167" id="Footnote_r167" href="#FNanchor_r167">[r167]</a></span></td> + <td class="tdr">203,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>On disait un jour.</i>—<i>Ibid.</i> 5, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r168" id="Footnote_r168" href="#FNanchor_r168">[r168]</a></span></td> + <td class="tdr">204,</td> + <td class="tdr">13.</td> + <td class="tdl"><i>C'est vous qui.</i>—<i>Ibid.</i> 195, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r169" id="Footnote_r169" href="#FNanchor_r169">[r169]</a></span></td> + <td class="tdr">204,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Il sortit un jour.</i>—<i>Ibid.</i> 189, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r170" id="Footnote_r170" href="#FNanchor_r170">[r170]</a></span></td> + <td class="tdr">204,</td> + <td class="tdr">17.</td> + <td class="tdl"><i>Le 16 fvrier.</i>—<i>Ibid.</i> 414.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r171" id="Footnote_r171" href="#FNanchor_r171">[r171]</a></span></td> + <td class="tdr">204,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>Le chancelier du comte.</i>—<i>Ibid.</i> 19.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r172" id="Footnote_r172" href="#FNanchor_r172">[r172]</a></span></td> + <td class="tdr">205,</td> + <td class="tdr">16.</td> + <td class="tdl"><i>Dieu a un beau jeu.</i>—<i>Ibid.</i> 32, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r173" id="Footnote_r173" href="#FNanchor_r173">[r173]</a></span></td> + <td class="tdr">205,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>Le monde.</i>—<i>Ibid.</i> 448, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r174" id="Footnote_r174" href="#FNanchor_r174">[r174]</a></span></td> + <td class="tdr">205,</td> + <td class="tdr">26.</td> + <td class="tdl"><i>Luther.</i>—<i>Ibid.</i> 449.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r175" id="Footnote_r175" href="#FNanchor_r175">[r175]</a></span></td> + <td class="tdr">206,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Un des convives.</i>—<i>Ibid.</i> 295.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r176" id="Footnote_r176" href="#FNanchor_r176">[r176]</a></span></td> + <td class="tdr">206,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><ins title="Il faut sans doute lire Il fera si mauvais"><i>Il sera si mauvais sujet</i></ins>.—<ins id="cor_15" title="manque dans l'original"><i>Ibid.</i></ins> 15.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r177" id="Footnote_r177" href="#FNanchor_r177">[r177]</a></span></td> + <td class="tdr">207,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>On parlait table.</i>—<i>Ibid.</i> 304. verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r178" id="Footnote_r178" href="#FNanchor_r178">[r178]</a></span></td> + <td class="tdr">207,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>Pauvres gens.</i>—<i>Ibid.</i> 46.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r179" id="Footnote_r179" href="#FNanchor_r179">[r179]</a></span></td> + <td class="tdr">210,</td> + <td class="tdr">17.</td> + <td class="tdl"><i>Je l'ai dit d'avance.</i>—<i>Ibid.</i> 416.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r180" id="Footnote_r180" href="#FNanchor_r180">[r180]</a></span></td> + <td class="tdr">211,</td> + <td class="tdr">7.</td> + <td class="tdl"><i>La vieille lectrice.</i>—<i>Ibid.</i> 361-2.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r181" id="Footnote_r181" href="#FNanchor_r181">[r181]</a></span></td> + <td class="tdr">211,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Je voudrais.</i>—<i>Ibid.</i> 147.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r182" id="Footnote_r182" href="#FNanchor_r182">[r182]</a></span></td> + <td class="tdr">211,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>16 fvrier 1546.</i>—<i>Ibid.</i> 362.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r183" id="Footnote_r183" href="#FNanchor_r183">[r183]</a></span></td> + <td class="tdr">211,</td> + <td class="tdr">25.</td> + <td class="tdl"><i>Impromptu de Luther sur la fragilit.</i>—<i>Ibid.</i> 358.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r184" id="Footnote_r184" href="#FNanchor_r184">[r184]</a></span></td> + <td class="tdr">212,</td> + <td class="tdr">19.</td> + <td class="tdl"><i>Prdiction du Rvrend.</i>—Opera latina, Iena, 1612, I<sup>er</sup> + vol. aprs la table des matires.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r185" id="Footnote_r185" href="#FNanchor_r185">[r185]</a></span></td> + <td class="tdr">303,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>Il n'y a jamais eu.</i>—Tischreden, 243.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_362">362</span> + <span class="label"><a name="Footnote_r186" id="Footnote_r186" href="#FNanchor_r186">[r186]</a></span></td> + <td class="tdr">304,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Le Pape Jules II<sup>e</sup> du nom.</i>—<i>Ibid.</i> 242.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r187" id="Footnote_r187" href="#FNanchor_r187">[r187]</a></span></td> + <td class="tdr">304,</td> + <td class="tdr">12.</td> + <td class="tdl"><i>Si j'avais t.</i>—<i>Ibid.</i> 243.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r188" id="Footnote_r188" href="#FNanchor_r188">[r188]</a></span></td> + <td class="tdr">304,</td> + <td class="tdr">17.</td> + <td class="tdl"><i>Le Pape Jules II, un homme.</i>—<i>Ibid.</i> 269.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r189" id="Footnote_r189" href="#FNanchor_r189">[r189]</a></span></td> + <td class="tdr">304,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>L'an 1532.</i>—<i>Ibid.</i> 341.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r190" id="Footnote_r190" href="#FNanchor_r190">[r190]</a></span></td> + <td class="tdr">305,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Lorsque ceux de Bruges.</i>—<i>Ibid.</i> 448.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r191" id="Footnote_r191" href="#FNanchor_r191">[r191]</a></span></td> + <td class="tdr">305,</td> + <td class="tdr">27.</td> + <td class="tdl"><i>L'empereur Maximilien.</i>—<i>Ibid.</i> 343.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r192" id="Footnote_r192" href="#FNanchor_r192">[r192]</a></span></td> + <td class="tdr">305,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>On dit que.</i>—<i>Ibid.</i> 184, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r193" id="Footnote_r193" href="#FNanchor_r193">[r193]</a></span></td> + <td class="tdr">306,</td> + <td class="tdr">22.</td> + <td class="tdl"><i>Aprs l'lection.</i>—<i>Ibid.</i> 53.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r194" id="Footnote_r194" href="#FNanchor_r194">[r194]</a></span></td> + <td class="tdr">307,</td> + <td class="tdr">5.</td> + <td class="tdl"><i>La nouvelle vint.</i>—<i>Ibid.</i> 349.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r195" id="Footnote_r195" href="#FNanchor_r195">[r195]</a></span></td> + <td class="tdr">307,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>Les rois de France.</i>—<i>Ibid.</i> 349, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r196" id="Footnote_r196" href="#FNanchor_r196">[r196]</a></span></td> + <td class="tdr">309,</td> + <td class="tdr">17.</td> + <td class="tdl"><i>Sept universits.</i>—<i>Ibid.</i> 348.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r197" id="Footnote_r197" href="#FNanchor_r197">[r197]</a></span></td> + <td class="tdr">309,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>Quelques-uns qui avaient.</i>—<i>Ibid.</i> 348, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r198" id="Footnote_r198" href="#FNanchor_r198">[r198]</a></span></td> + <td class="tdr">310,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>Le duc Georges.</i>—<i>Ibid.</i> 265.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r199" id="Footnote_r199" href="#FNanchor_r199">[r199]</a></span></td> + <td class="tdr">310,</td> + <td class="tdr">7.</td> + <td class="tdl"><i>Lorsque le duc George dclara.</i>—<i>Ibid.</i> 156.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r200" id="Footnote_r200" href="#FNanchor_r200">[r200]</a></span></td> + <td class="tdr">310,</td> + <td class="tdr">17.</td> + <td class="tdl"><i>Le duc George a suc.</i>—<i>Ibid.</i> 313, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r201" id="Footnote_r201" href="#FNanchor_r201">[r201]</a></span></td> + <td class="tdr">310,</td> + <td class="tdr">25.</td> + <td class="tdl"><i>Lorsque le duc George voyait.</i>—<i>Ibid.</i> 142, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r202" id="Footnote_r202" href="#FNanchor_r202">[r202]</a></span></td> + <td class="tdr">312,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>L'lecteur Frdric.</i>—<i>Ibid.</i> 451, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r203" id="Footnote_r203" href="#FNanchor_r203">[r203]</a></span></td> + <td class="tdr">313,</td> + <td class="tdr">3.</td> + <td class="tdl"><i>En 1525.</i>—<i>Ibid.</i> 152.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r204" id="Footnote_r204" href="#FNanchor_r204">[r204]</a></span></td> + <td class="tdr">314,</td> + <td class="tdr">8.</td> + <td class="tdl"><i>On dit que l'empereur.</i>—<i>Ibid.</i> 353.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r205" id="Footnote_r205" href="#FNanchor_r205">[r205]</a></span></td> + <td class="tdr">315,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>Quoique le docteur Jonas.</i>—<i>Ibid.</i> 354.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_363">363</span> + <span class="label"><a name="Footnote_r206" id="Footnote_r206" href="#FNanchor_r206">[r206]</a></span></td> + <td class="tdr">317,</td> + <td class="tdr">21.</td> + <td class="tdl"><i>Aprs la dite.</i>—<i>Ibid.</i> 156.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r207" id="Footnote_r207" href="#FNanchor_r207">[r207]</a></span></td> + <td class="tdr">319,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>En Italie les hpitaux.</i>—<i>Ibid.</i> 145.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r208" id="Footnote_r208" href="#FNanchor_r208">[r208]</a></span></td> + <td class="tdr">320,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Je ne manque point.</i>—<i>Ibid.</i> 424.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r209" id="Footnote_r209" href="#FNanchor_r209">[r209]</a></span></td> + <td class="tdr">320,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>En Italie et en France.</i>—<i>Ibid.</i> 281, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r210" id="Footnote_r210" href="#FNanchor_r210">[r210]</a></span></td> + <td class="tdr">320,</td> + <td class="tdr">18.</td> + <td class="tdl"><i>En France.</i>—<i>Ibid.</i> 271, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r211" id="Footnote_r211" href="#FNanchor_r211">[r211]</a></span></td> + <td class="tdr">320,</td> + <td class="tdr">25.</td> + <td class="tdl"><i>Lorsque je vis Rome.</i>—<i>Ibid.</i> 442.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r212" id="Footnote_r212" href="#FNanchor_r212">[r212]</a></span></td> + <td class="tdr">322,</td> + <td class="tdr">1.</td> + <td class="tdl"><i>Il y avait en Italie.</i>—<i>Ibid.</i> 269, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r213" id="Footnote_r213" href="#FNanchor_r213">[r213]</a></span></td> + <td class="tdr">322,</td> + <td class="tdr">6.</td> + <td class="tdl"><i>Un soir la table.</i>—<i>Ibid.</i> 442, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r214" id="Footnote_r214" href="#FNanchor_r214">[r214]</a></span></td> + <td class="tdr">322,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Christoff Gross.</i>—<i>Ibid.</i> 441, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r215" id="Footnote_r215" href="#FNanchor_r215">[r215]</a></span></td> + <td class="tdr">323,</td> + <td class="tdr">4.</td> + <td class="tdl"><i>La peste rgne toujours.</i>—<i>Ibid.</i> 440, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r216" id="Footnote_r216" href="#FNanchor_r216">[r216]</a></span></td> + <td class="tdr">324,</td> + <td class="tdr">21.</td> + <td class="tdl"><i>Dans mon voyage.</i>—<i>Ibid.</i> 166.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r217" id="Footnote_r217" href="#FNanchor_r217">[r217]</a></span></td> + <td class="tdr">324,</td> + <td class="tdr">25.</td> + <td class="tdl"><i>George Siegeler.</i>—<i>Ibid.</i> 184.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r218" id="Footnote_r218" href="#FNanchor_r218">[r218]</a></span></td> + <td class="tdr">325,</td> + <td class="tdr">5.</td> + <td class="tdl"><i>La Thuringe.</i>—<i>Ibid.</i> 62.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r219" id="Footnote_r219" href="#FNanchor_r219">[r219]</a></span></td> + <td class="tdr">325,</td> + <td class="tdr">14.</td> + <td class="tdl"><i>L'lectorat de Saxe.</i>—<i>Ibid.</i> 269.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r220" id="Footnote_r220" href="#FNanchor_r220">[r220]</a></span></td> + <td class="tdr">325,</td> + <td class="tdr">24.</td> + <td class="tdl"><i>Le vieil lecteur.</i>—<i>Ibid.</i> 61, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r221" id="Footnote_r221" href="#FNanchor_r221">[r221]</a></span></td> + <td class="tdr">329,</td> + <td class="tdr"> </td> + <td class="tdl"><i>Le Turc ira Rome.</i>—<i>Ibid.</i> 432.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r222" id="Footnote_r222" href="#FNanchor_r222">[r222]</a></span></td> + <td class="tdr">329,</td> + <td class="tdr">7.</td> + <td class="tdl"><i>Le Christ a sauv.</i>—<i>Ibid.</i> 432.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r223" id="Footnote_r223" href="#FNanchor_r223">[r223]</a></span></td> + <td class="tdr">329,</td> + <td class="tdr">15.</td> + <td class="tdl"><i>Qui m'et dit.</i>—<i>Ibid.</i> 436.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r224" id="Footnote_r224" href="#FNanchor_r224">[r224]</a></span></td> + <td class="tdr">329,</td> + <td class="tdr">23.</td> + <td class="tdl"><i>Je ne compte point.</i>—<i>Ibid.</i> 436, verso.</td> +</tr> +<tr> + <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r225" id="Footnote_r225" href="#FNanchor_r225">[r225]</a></span></td> + <td class="tdr">329,</td> + <td class="tdr">27.</td> + <td class="tdl"><i>Luther dit qu'aprs.</i> Luth. Werke,.—<i>Ibid.</i> t. II. 402.</td> +</tr> +</table> + +<p class="sep3 t4 cent">FIN DU TOME <ins id="cor_16" title="Il faut sans doute lire DEUXIME">TROISIME</ins>.</p> + +<hr class="duo" /> + +<h2 id="toc">TABLE<br /> +DU <ins title="Il faut sans doute lire DEUXIME">TROISIME</ins> VOLUME.</h2> + +<div class="figcenter"> +<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" /> +</div> + +<table class="tabmat" summary="Livre II"> +<tr> + <td class="tdc"><span class="smcap">Livre III.</span>—1529-1546</td> + <td class="tds"><a href="#Page_1">1</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> 1<sup>er</sup>. 1529-1532. Les Turcs.—Danger +de l'Allemagne.—Augsbourg, +Smalkalde.—Danger du protestantisme.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_1">1</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> II. 1534-1536. Anabaptistes de +Mnster.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_28">28</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> III. 1536-1545. Dernires annes +de la vie de Luther.—Polygamie du +landgrave de Hesse, etc.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_56">56</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdc"><span class="smcap">Livre IV.</span>—1530-1546.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_71">71</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> 1<sup>er</sup>. Conversations de Luther.—La + famille, la femme, les enfans.—La nature.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_71">71</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> II. La Bible.—Les Pres.—Les + scolastiques.—Le pape. Les conciles.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_85">85</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> III. Des coles et universits et des +arts libraux.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_100">100</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> IV. Drames.—Musique.—Astrologie.—Imprimerie.—Banque, +etc.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_114">114</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="pagenum" id="Page_366">366</span> + <span class="smcap">Chap.</span> V. De la prdication.—Style de +Luther.—Il avoue la violence de son +caractre.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_123">123</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdc"><span class="smcap">Livre V.</span>—<span class="smcap">Chap.</span> 1<sup>er</sup>. Mort du pre de Luther, de +sa fille, etc.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_131">131</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> II. De l'quit, de la Loi.—Opposition +du thologien et du juriste.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_138">138</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> III. La foi; la loi.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_144">144</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> IV. Des novateurs.—Mystiques, etc.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_152">152</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> V. + Tentations.—Regrets et doutes des amis, de la femme; + doutes de Luther lui-mme.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_163">163</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> VI. Le diable.—Tentations.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_168">168</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> VII. Maladies.—Dsir de la mort +et du jugement.—Mort, 1546.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_200">200</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp">Additions et claircissemens.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_223">223</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp">Notes.</td> + <td class="tds"><a href="#notes">352</a></td> +</tr> +<tr> + <td class="tdp">Renvois.</td> + <td class="tds"><a href="#Page_353">353</a></td> +</tr> +</table> + +<p class="sep3 t4 cent">FIN DE LA TABLE DU TOME <ins title="Il faut sans doute lire DEUXIME">TROISIME</ins>.</p> + +<hr class="duo" /> + +<h2 id="Page_367">ERRATA.</h2> + +<p class="hang"><a href="#err_1">Page 2</a>, ligne 12, au lieu de <i>regardent</i>, lisez <i>regardant</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_2">Page 9</a>, ligne 21, au lieu de <i>le mieux</i>, lisez <i>mieux</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_3">Page 58</a>, ligne 28, au lieu de <i>thologien</i>, lisez <i>thologiens</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_4">Page 252</a>, ligne 17, au lieu de <i>digamie</i>, lisez <i>bigamie</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_5">Page 282</a>, ligne 15, au lieu de <i>occurences</i>, lisez <i>occurrences</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_6">Page 287</a>, ligne 10, au lieu de <i>heureux la mre</i>, lisez <i>heureuse la mre</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_7">Page 308</a>, ligne 10, au lieu de <i>de Pavie</i>, lisez <i> Pavie</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_8">Page 316</a>, ligne 1, au lieu de <i>a t</i>, lisez <i>'a t</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_9">Page 317</a>, ligne 20, au lieu de <i>parle parle</i>, lisez <i>parle</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_10">Page 327</a>, ligne 22, au lieu de <i>demandez</i>, lisez <i>demander</i>.</p> + +<p class="hang"><a href="#err_11">Page 328</a>, ligne 13, au lieu de <i>ambarras</i>, lisez <i>embarras</i>.</p> + +<hr class="duo" /> + +<div class="npage"> + +<div class="box sep4"> +<p class="sansrf" id="au_lecteur">Au lecteur.</p> + +<p>Ce livre lectronique reproduit intgralement le texte original. Les +erreurs signales par l'auteur (voir <a href="#Page_367">Errata</a>) +ont t corriges. Elles sont indiques par (Err.) Quelques erreurs +typographiques ont galement t corriges; la liste de ces +corrections se trouve ci-dessous. La ponctuation a t tacitement +corrige par endroits.</p> + +<p>Les <a href="#notes">notes</a> de bas de page ont t +renumrotes de 1 11 et regroupes la fin du livre. Les +<a href="#Page_223">Additions et claircissemens</a> ont t numrots +de a1 a79. Les <a href="#Page_353">Renvois</a> ont t numrots +de r1 r225. Additions et renvois ont t signals dans le texte.</p> + +<p class="sansrf sep2">Corrections.</p> + +<p class="hang">Pages <a href="#cor_01">3</a>, <a href="#cor_02">353</a>, <a href="#cor_03">355</a>: Cochlœus remplac par Cochlus.</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_1">Page 28</a>: compagnonage remplac par +compagnonnage (Le mystique compagnonnage allemand).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_2">Page 36</a>: dor par d'or (trente et un chevaux couverts de draps d'or).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_3">Page 37</a>: cent par cents (prs de quatre mille deux cents).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_4">Page 75</a>: de de par de (Ne vous scandalisez pas de me voir).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_5">Page 139</a>: barette par barrette +(doit ter sa barrette devant la thologie).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_6">Page 209</a>: rassassi remplac par rassasi +(On est rassasi de la parole de Dieu).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_7">Page 222</a>: sufffire par suffire (que nous ayons pu y suffire).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_8">Page 258</a>: deux par d'eux (Que l'un d'eux avait commis un meurtre).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_9">Page 315</a>: pomptement par promptement (il excute promptement).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_11">Page 339</a>: Brandbourg par Brandebourg +(rcemment introduite dans le Brandebourg).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_12">Page 340</a>: tintamare par tintamarre (avec chant et tintamarre).</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_13">Page 353</a> RENVOIS DU TOME TROISIME: il faut +sans doute lire RENVOIS DU TOME DEUXIME.</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_14">Page 360</a> (renvoi n 160): ajout _Ibid._</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_15">Page 361</a> (renvoi n 176): au lieu de +Il sera si mauvais il faut sans doute lire Il fera si mauvais; +ajout _Ibid._</p> + +<p class="hang"><a href="#cor_16">Page 366</a> Table des matires: au lieu de TROISIME +VOLUME et TOME TROISIME il faut sans doute lire DEUXIME VOLUME +et TOME DEUXIME.</p> + +</div></div> + +<hr class="full" /> + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme, by +Martin Luther and Jules Michelet + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MMOIRES DE LUTHER *** + +***** This file should be named 44617-h.htm or 44617-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/4/4/6/1/44617/ + +Produced by Laurent Vogel, Pierre Timmermans, Hans Pieterse +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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Redistribution is +subject to the trademark license, especially commercial +redistribution. + + + +*** START: FULL LICENSE *** + +THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE +PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK + +To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free +distribution of electronic works, by using or distributing this work +(or any other work associated in any way with the phrase "Project +Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project +Gutenberg-tm License available with this file or online at + www.gutenberg.org/license. + + +Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm +electronic works + +1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm +electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to +and accept all the terms of this license and intellectual property +(trademark/copyright) agreement. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation information page at www.gutenberg.org + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at 809 +North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email +contact links and up to date contact information can be found at the +Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For forty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + + + +</pre> + +</body> +</html> diff --git a/old/44617-h/images/cover.jpg b/old/44617-h/images/cover.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..f5bbe4e --- /dev/null +++ b/old/44617-h/images/cover.jpg diff --git a/old/44617-h/images/filet100.jpg b/old/44617-h/images/filet100.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..27a27b7 --- /dev/null +++ b/old/44617-h/images/filet100.jpg diff --git a/old/44617-h/images/filet120.jpg b/old/44617-h/images/filet120.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..8ed8860 --- /dev/null +++ b/old/44617-h/images/filet120.jpg diff --git a/old/44617-h/images/filet60.jpg b/old/44617-h/images/filet60.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..15d54dd --- /dev/null +++ b/old/44617-h/images/filet60.jpg |
